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1 Le mercredi 23 avril 2008
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 37.
6 Mme LE JUGE VAZ : Mesdames et Messieurs, bonjour. L'audience est
7 ouverte.
8 Madame la Greffière d'audience, veuillez, je vous prie, appeler
9 l'affaire qui est inscrite au rôle pour la présente audience.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-01-42-A, le
11 Procureur contre Pavle Strugar.
12 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Madame la Greffière. J'aimerais savoir
13 si M. Strugar peut entendre et suivre le déroulement des procédures dans
14 une langue qu'il comprend ?
15 L'APPELANT : [interprétation] Oui.
16 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie. Je demande maintenant aux parties de
17 bien vouloir s'identifier en commençant par la Défense de M. Strugar.
18 M. RODIC : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente, Messieurs les
19 Juges. Au nom de M. Pavle Strugar, devant cette Chambre d'appel,
20 comparaissent Vladimir Petrovic de Belgrade et Goran Rodic de Podgorica.
21 Mme LE JUGE VAZ : Je remercie la Défense. Je me tourne à présent vers le
22 banc du Procureur.
23 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Helen Brady, je
24 représente l'Accusation avec Michelle Jarvis, Laurel Baig, Xavier Tracol et
25 notre assistant, Sebastian van Hooydonk. Merci.
26 Mme LE JUGE VAZ : Je remercie Mme Brady. La Chambre d'appel siège ce jour
27 pour entendre les arguments des parties relatifs aux appels interjetés par
28 M. Strugar et par le bureau du Procureur contre le jugement de première
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1 instance.
2 Avant de donner la parole aux parties, je vais brièvement résumer les
3 motifs d'appel pendants devant cette Chambre ainsi que la façon dont nous
4 allons procéder lors de cette journée d'audience.
5 Dans son jugement rendu le 31 janvier 2005, la Chambre de première instance
6 II, composée des Juges Parker, président de Chambre, Thelin et Van den
7 Wyngaert, a condamné Pavle Strugar à une peine unique de huit ans
8 d'emprisonnement sur les chefs d'accusation retenus contre lui. Plus
9 spécifiquement, le chef 3, d'attaques contre des civils au terme des
10 articles 3 et 7(3) du Statut, le chef 6 de destruction ou endommagement
11 délibéré de biens culturels au terme des articles 3(d) et 7(3) du Statut.
12 Les deux parties ont interjeté appel contre le jugement de première
13 instance. A la demande des parties, la Chambre d'appel a autorisé le
14 retrait de ces appels le 20 septembre 2006, puis le procès en appel a été
15 réouvert le 7 juin 2007.
16 Dans le cadre de ces premier et troisième motifs d'appel, Strugar fait
17 valoir que la Chambre de première instance a commis des erreurs de fait.
18 Premièrement, il affirme que plusieurs constatations du jugement sont
19 erronées en ce qui concerne les opérations de combat menées par la JNA dans
20 la région de Dubrovnik en octobre et novembre 1991. Dans cette même branche
21 d'appel, il soutient que la Chambre de première instance a conclu à tort
22 que l'élément moral nécessaire pour établir sa responsabilité de supérieur
23 hiérarchique, en application de l'article 7(3) du Statut, était rempli.
24 Deuxièmement, M. Strugar allègue que la Chambre de première instance a
25 versé dans l'erreur en ce qui a trait aux événements des 3 et 5 décembre
26 1991, concernant sa responsabilité dans la conduite des négociations avec
27 les ministres croates et la planification de l'attaque contre Srdj.
28 Troisièmement, Strugar soutient que la Chambre de première instance a
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1 commis des erreurs relatives aux événements du 6 décembre 1991.
2 Quatrièmement, Strugar avance que la Chambre de première instance a commis
3 une erreur concernant son manquement à l'obligation qu'il avait de prévenir
4 les crimes, en particulier, en ce qui concerne la structure de commandement
5 du 2e Groupe opérationnel, la capacité matérielle qu'il avait de prévenir
6 les crimes, les mesures qu'il a prises pour empêcher le bombardement de la
7 vieille ville ou y mettre fin, et enfin, l'ordre de cessez-le-feu.
8 Cinquièmement, Strugar relève des erreurs dans les conclusions tirées par
9 la Chambre de première instance concernant sa capacité matérielle de punir
10 les crimes, son manquement à l'obligation de prendre des mesures suite aux
11 événements du 6 décembre 1991, et le fait qu'il avait promu et décoré des
12 personnes impliquées dans ceci.
13 Au titre de son deuxième motif d'appel, Strugar soutient, premièrement, que
14 la Chambre de première instance a conclu à tort que la condition de
15 l'existence d'un lien de subordination était remplie au vu des faits de la
16 cause. Dans la deuxième branche de ce moyen d'appel, Strugar avance que la
17 Chambre de première instance a tiré des conclusions erronées concernant
18 l'élément moral des crimes suivants : attaques contre des civils et
19 destruction ou endommagement délibéré de biens culturels, notamment en ce
20 qui concerne les conclusions sur l'intention directe.
21 Dans le cadre de son quatrième motif d'appel relatif à la peine, Strugar
22 prétend que la Chambre de première instance a commis une erreur en
23 comparant sa condamnation à celle de Miodrag Jokic en n'attachant pas aux
24 excuses qu'il a présentées l'importance qu'elle mérite et en n'accordant
25 pas suffisamment de poids à certaines circonstances atténuantes.
26 Enfin, dans son cinquième et dernier motif d'appel, Strugar soulève des
27 questions relatives à son aptitude à subir le procès en première instance.
28 M. Strugar demande donc à la Chambre d'appel de l'acquitter de tous les
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1 chefs d'accusation retenus contre lui et alternativement, d'ordonner un
2 nouveau procès ou de réduire substantiellement la peine qui lui a été
3 infligée.
4 Il demande également à la Chambre de surseoir aux procédures judiciaire le
5 concernant en raison du fait qu'il était et est toujours inapte à être
6 jugé.
7 Le Procureur demande le rejet de tous les motifs d'appel avancés par
8 Strugar. Comme je l'ai mentionné plus haut, il a également interjeté appel
9 du jugement de première instance. Dans son premier motif d'appel, le
10 Procureur allègue que la Chambre de première instance a commis une erreur
11 de droit dans son application du critère concernant l'élément moral requis
12 par l'article 7(3) du Statut, en concluant qu'avant l'attaque contre Srdj,
13 lancée aux premières heures du 6 décembre 1991, Pavle Strugar ne savait
14 pas, il n'avait pas de raison de savoir que ses subordonnés s'apprêtaient à
15 commettre un crime.
16 A titre subsidiaire, il fait valoir que même si l'interprétation du droit
17 par la Chambre de première instance est correcte, la Chambre de première
18 instance a, néanmoins, commis une erreur de fait en estimant qu'il n'avait
19 pas été établi qu'avant l'attaque contre Srdj, M. Strugar avait des raisons
20 sérieuses de soupçonner que ses subordonnés étaient sur le point de
21 commettre un crime.
22 Pour le deuxième motif d'appel, le Procureur soutient que la Chambre de
23 première instance a commis une erreur en appliquant le droit relatif au
24 cumul de déclarations de culpabilité pour les chefs d'accusation 4, à
25 savoir dévastation non justifiée par les exigences militaires. Cinq, à
26 savoir attaques illégales contre des biens de caractère civil. Et 6, à
27 savoir destruction ou endommagement délibéré de biens culturels.
28 Enfin, pour le troisième et dernier motif relatif à la peine, le Procureur
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1 soutient que la Chambre de première instance s'est trompée en comparant la
2 condamnation de M. Strugar à celle de Miodrag Jokic et en estimant que les
3 excuses présentées par M. Strugar constituaient une circonstance
4 atténuante.
5 Le Procureur demande à la Chambre d'appel d'infirmer la conclusion de la
6 Chambre de première instance selon laquelle M. Strugar n'était pas tenu de
7 prévenir le bombardement de la vieille ville de Dubrovnik avant le début de
8 l'attaque contre Srdj et de réviser la peine en conséquence.
9 Il demande également de prononcer des déclarations de culpabilité
10 pour les chefs 4 et 5 et de condamner M. Strugar à une peine plus lourde.
11 Lors de cette audience, les conseils des parties peuvent décider de
12 présenter leurs motifs et moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugeront le
13 plus opportun. Je souhaiterais toutefois rappeler que les parties ont été
14 invitées à développer un certain nombre de points qui leur ont été
15 communiqués par le mémorandum en date du 20 mars dernier, point que je ne
16 vais pas reprendre ici.
17 Je vais à présent rappeler les critères applicables aux erreurs de fait et
18 de droit allégués en appel.
19 Les appels formés contre les jugements ne donnent pas lieu à un
20 procès de novo. Les parties ne peuvent donc se contenter de réitérer des
21 arguments déjà entendus en première instance. Il ressort de l'article 25 du
22 Statut que le rôle de la Chambre d'appel se limite à corriger les erreurs
23 de droit qui invalident une décision et les erreurs de fait qui ont
24 entraîné un déni de justice.
25 Par conséquent, la partie qui allègue une erreur sur un point de droit doit
26 avancer des arguments à l'appui de sa thèse et expliquer en quoi l'erreur
27 invalide la décision.
28 En ce qui concerne les erreurs de fait, il est de jurisprudence constante
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1 que la Chambre d'appel n'infirme pas à la légère les conclusions de fait
2 dégagées par une Chambre de première instance. La Chambre d'appel
3 n'interviendra donc que lorsqu'il a été démontré qu'aucun juge des faits
4 raisonnables n'aurait pu parvenir à la même conclusion ou lorsque celle-ci
5 est totalement erronée.
6 En outre, la Chambre d'appel peut d'emblée rejeter, sans avoir à les
7 examiner sur le fond, les arguments présentés par une partie qui n'ont
8 aucune chance d'aboutir à l'annulation ou à la réformation de la décision
9 attaquée.
10 Les parties appelantes ont, de surcroît, l'obligation de fournir les
11 références précises des éléments qui viennent étayer leurs arguments en
12 appel.
13 Par ailleurs, on ne saurait s'attendre à ce que la Chambre d'appel
14 examine en détail les conclusions des parties si elles sont obscures,
15 contradictoires ou vagues, ou si elles sont entachées d'autres vices de
16 forme flagrants.
17 Enfin, la Chambre d'appel dispose d'un pouvoir discrétionnaire
18 inhérent pour déterminer quels sont les arguments qui méritent une réponse
19 motivée par écrit et rejettera donc sans motivation détaillée les arguments
20 qui sont manifestement mal fondés.
21 Cette audience va procéder conformément à l'ordonnance du 29 janvier
22 2008 portant au calendrier. La Défense commencera à présenter ses arguments
23 ce matin pendant une heure et demie. Après la pause de 20 minutes, le
24 Procureur pourra commencer à présenter ses arguments en réponse pendant une
25 heure. Suite à la pause d'une heure, la Défense disposera de 30 minutes
26 pour présenter ses arguments en réplique. Ensuite, le Procureur pourra
27 présenter ses arguments pendant une heure et demie tout en respectant la
28 pause de 20 minutes au milieu de sa présentation. La Défense disposera
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1 d'une heure pour présenter ses arguments en réponse. Suite à la dernière
2 pause de 20 minutes, le Procureur aura 30 minutes pour présenter ses
3 arguments en réplique.
4 Enfin, M. Strugar sera invité à prendre la parole, s'il le souhaite,
5 pour une courte déclaration n'excédant pas 15 minutes.
6 Il sera extrêmement utile à la Chambre d'appel que les parties
7 présentent leurs arguments de façon claire, ordonnée et concise. Les Juges
8 prendront à tout moment la liberté d'interrompre les parties pour leur
9 demander des précisions ou poser des questions.
10 Evidemment, les parties peuvent ne pas utiliser tout le temps qui
11 leur est imparti. S'il n'y a pas de questions relatives à la façon dont va
12 se dérouler cette audience, j'aimerais maintenant inviter la Défense à
13 présenter ses arguments en appel.
14 Très bien. Donc la Défense a la parole. Oui, Monsieur Rodic.
15 M. RODIC : [interprétation] Merci, Madame la Présidente.
16 La Défense de Pavle Strugar a interjeté appel contre le jugement de la
17 Chambre de première instance du 31 janvier 2005. Et dans le cadre de notre
18 appel, nous avons présenté les motifs qui, selon nous, montrent qu'il y a
19 des erreurs de droits et des erreurs de faits qui ont été commis par la
20 Chambre de première instance dans son jugement et qui ont entraîné un déni
21 de justice.
22 La Défense reconnaît parfaitement les critères d'examen applicables en
23 appel contre des jugements de la Chambre de première instance, aussi bien
24 pour ce qui est des erreurs de droit et des erreurs de fait. Ces critères
25 de jurisprudence sont bien établis au sein du Tribunal international.
26 Dans notre mémoire d'appel, nous avons indiqué un certain nombre d'erreurs
27 qui ont une incidence sur le jugement et qui ont entraîné un déni de
28 justice.
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1 La Défense a mis en évidence des erreurs qui, du fait de leur nature et de
2 leur gravité, nécessitent l'intervention de la Chambre d'appel qui devrait
3 annuler le jugement de première instance ou modifier certaines des
4 conclusions de la Chambre de première instance. La Défense a défini
5 certaines catégories d'erreurs commises selon elle par la Chambre de
6 première instance.
7 Il y a donc cinq moyens d'appel qui ont été interjetés avec un
8 certain nombre de motifs intermédiaires.
9 Tout ceci est indiqué dans notre mémoire d'appel et je vais profiter
10 de l'occasion qui m'est donnée pour souligner certaines des erreurs
11 commises par la Chambre de première instance.
12 Nous souhaitons insister sur ces erreurs en particulier pour que tout
13 soit suffisamment précis. De plus, la Défense fera tout ce qui est en son
14 pouvoir pour éviter de répéter ce qui a déjà été écrit, ce qui a déjà été
15 dit dans la mesure du possible, et ceci afin que nous puissions avoir une
16 audience aussi efficace et aussi rapide que possible.
17 La position de la Défense, c'est qu'il n'y a aucun élément indiquant
18 que Strugar ait ordonné l'attaque contre Srdj. L'une des erreurs-clés
19 commises par la Chambre de première instance a été de conclure que Pavle
20 Strugar avait ordonné l'attaque contre Srdj.
21 La Chambre de première instance a conclu que Strugar avait donné cet
22 ordre le 5 décembre 1991. Et cette conclusion, la Chambre l'a tirée partant
23 des éléments de preuve présentés par le témoin à charge, Colm Doyle. Il y a
24 une phrase-clé dans la déclaration de ce témoin, je vous la donne : "Et
25 l'interprète m'a informé du fait que le général avait été très fâché, était
26 furieux, en raison de ce qui m'a été présenté comme étant le fait de
27 paramilitaires se trouvant en territoire de Bosnie-Herzégovine,
28 paramilitaires qui avaient attaqué certains de ses effectifs, effectifs se
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1 trouvant sous le commandement de Strugar." Je poursuis la citation : "C'est
2 quelque chose qu'il refusait de tolérer et il a réagit en ouvrant le feu
3 sur la ville de Dubrovnik."
4 Page du compte rendu d'audience 1 716.
5 La Défense souhaite souligner qu'eu égard à la réunion de Doyle avec
6 Strugar, il y a aussi un autre élément important. Strugar et Doyle se sont
7 parlés par l'intermédiaire d'un interprète. Objectivement, nous nous devons
8 de poser la question suivante : est-ce que tout a été interprété
9 intégralement ? Est-ce que tout a été dit par l'interprète ? Est-ce que
10 Strugar a vraiment utilisé les termes tels qu'ils ont été relayés à Doyle
11 par l'interprète ? Lorsque Doyle se souvient de cette conversation, il dit
12 ne pas se souvenir des mots exactement utilisés par Strugar, en tout cas,
13 ceux qui ont été relayés par l'interprète. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas
14 eu de communication directe entre ces deux hommes.
15 Doyle n'a pas pris de notes, il n'a consigné aucun détail de cette réunion
16 par écrit. Et la Défense souhaite particulièrement souligner ceci : Doyle
17 ne dit pas un seul mot à propos de Srdj, il ne dit pas un seul mot de
18 l'attaque menée sur Srdj. Aucun mot n'est prononcé -- apparemment il avait
19 une petite erreur au compte rendu d'audience. C'est Srdj, S-R-D-J. On voit
20 "search" en anglais, recherche. Je précise que c'est à la ligne 0320. Srdj,
21 c'est un toponyme, c'est un lieu, alors qu'en anglais la sténotypiste --
22 L'INTERPRÈTE : Les interprètes rappellent que c'est un compte rendu
23 provisoire qui est modifié par la suite.
24 M. RODIC : [interprétation] Je rappelle que la Défense souligne que Doyle
25 n'a pas dit un seul mot à propos de Srdj, de l'attaque menée sur Srdj.
26 Rien n'est dit à propos d'unités de paramilitaires croates non plus.
27 La Chambre de première instance a entendu les mots suivants : "A ouvert le
28 feu sur la ville de Dubrovnik." L'interprétation que fait la Chambre de
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1 première instance est assez aléatoire. Elle tire une déduction partant de
2 ces mots, déduction que c'est Strugar qui a donné l'ordre d'attaquer Srdj.
3 De plus, la Chambre de première instance estime que ceci montre sans aucune
4 équivoque que le général Strugar reconnaît avoir donné un ordre d'attaque
5 sur Srdj. C'est une phrase que prononce Doyle devant la Chambre de première
6 instance. Pourtant, c'est là-dessus que se basait la Chambre, et tout ce
7 qu'une Chambre raisonnable pourrait dire, c'est que Strugar était furieux
8 du fait qu'il y avait des unités paramilitaires en Bosnie-Herzégovine qui
9 avaient attaqué les unités de la JNA se trouvant sous le commandement de
10 Strugar.
11 Mais on pourrait tirer une autre conclusion, une autre déduction. C'est
12 qu'en réponse à ces attaques, on a ouvert le feu sur Dubrovnik. Il n'en
13 demeure pas moins qu'il est impossible de conclure de cela que Strugar
14 aurait effectivement donné l'ordre d'attaquer Srdj le 5 décembre 1991.
15 Le témoin Doyle n'a parlé que de la Bosnie. Le témoin Doyle a parlé de
16 l'attaque menée par des unités paramilitaires dans cette république. Il est
17 très clair, il dit bien que Strugar n'a jamais dit quelles étaient ces
18 unités paramilitaires de façon précise. Il n'a même pas prononcé le mot de
19 "Srdj". Doyle ne sait sans doute même pas où se trouve Srdj.
20 Ce témoin Doyle ne sait rien d'un ordre éventuellement donné par Strugar,
21 ordre d'ouvrir le feu. Doyle ne sait rien des éventuels objectifs ciblés
22 par une attaque éventuelle. Strugar n'a jamais précisé quel ordre a été
23 donné, pas plus que ne le fait d'ailleurs Doyle. L'impression de Doyle,
24 c'est que Strugar parle d'ouvrir le feu de façon tout à fait générale. Il
25 le dit sans aucune équivoque, ce témoin Doyle, lorsqu'il parle à la Chambre
26 de première instance. Il confirme également qu'en fait il ne se souvient
27 plus des mots précis prononcés par Strugar.
28 La déclaration de Doyle abonde en impressions et présomptions. Doyle fait
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1 des suppositions quant à l'humeur de Strugar, quant à la raison pour
2 laquelle il a cet état d'esprit, cette humeur. Il fait des suppositions
3 quant aux lieux où ces unités auraient attaqué. Il fait des suppositions
4 quant aux types d'ordres que Strugar aurait donnés à propos de Dubrovnik
5 même.
6 Cependant, tout ce que Doyle a donné, ce ne sont que des bribes de
7 souvenirs vagues. C'est de là que part la Chambre de première instance pour
8 édifier, pour construire tout un système de conclusions erronées,
9 impossibles. Doyle, par ses dires, ne fournit même pas une base solide qui
10 aurait permis de tirer les conclusions les plus alambiquées dans le
11 jugement. Je parle d'une conclusion qu'on a estimée valable pour déclarer
12 mon client coupable.
13 La Chambre de première instance, partant de la déposition de Doyle,
14 conclu qu'il est forcé que c'était Strugar qui a ordonné l'attaque,
15 puisqu'elle a eu lieu. Nous pensons que cette conclusion tirée par la
16 Chambre n'est pas étayée par les faits. Le fait qu'il y a eu une attaque ne
17 dit rien des circonstances de l'attaque menée sur Srdj, pas plus que le
18 fait qu'elle ait eu lieu ne nous dit quoi que ce soit à propos du rôle
19 effectivement joué par Pavle Strugar. L'attaque de Dubrovnik, l'attaque de
20 Srdj, ne constituent pas une seule et même chose. C'est d'ailleurs
21 impossible que ce soit une seule et même chose.
22 Une chose reste peu claire. Le sommet de cette colline se trouve à
23 400 mètres au-dessus du niveau de la mer surplombant Dubrovnik, et là il
24 n'y a rien, sinon un répétiteur et c'est l'arrêt ultime de ce téléférique
25 qui part de Dubrovnik. Pourtant, la Chambre a fait l'amalgame entre ce lieu
26 et la ville de Dubrovnik même. Tout simplement parce que quand Doyle dit
27 Srdj, la Chambre entend Dubrovnik. Pour elle, c'est la même chose, mais
28 aucune preuve n'a été apportée pendant le procès qui pourrait laisser
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1 croire que les mots de Dubrovnik et de Srdj sont synonymes, et que quand on
2 dit "Srdj," il faut entendre Dubrovnik ou vice-versa. Rien n'a été présenté
3 dans ce sens.
4 Si vous examinez les conclusions de la Chambre de première instance,
5 on croit comprendre que l'objectif de Strugar, c'était de dissimuler
6 l'intention véritable, réelle qui animait l'attaque qu'il aurait ordonnée,
7 la prise des installations sur Srdj, et c'est pour cela que Srdj ne lui dit
8 jamais qu'il attaquait Srdj, une ville en surplomb de la ville, mais plutôt
9 qu'il a parlé de la ville de Dubrovnik, qui serait la cible de l'objectif.
10 Ceci, vraiment c'était exagéré. C'était intenable.
11 En fonction de ce que Strugar n'a pas dit, on tire des conclusions à propos
12 d'une attaque sur une cible militaire légitime, apparemment une cible dont
13 Strugar n'aurait pas parlé, et ceci est interprété par la Chambre comme
14 étant une admission directe faite par Strugar.
15 La Chambre va jusqu'à conclure que Strugar était nerveux au cours de la
16 réunion. Apparemment, l'humeur de Strugar ce jour-là aurait permis à la
17 Chambre d'établir un lien entre sa frustration et l'évolution d'une action
18 qu'il aurait apparemment ordonnée. Il est ardu de penser, de croire que
19 Strugar -- on a vraiment du mal à croire que Strugar aurait fait cette
20 admission qui a été la base de l'interprétation faite par la Chambre, qu'il
21 aurait fait cette admission à un homme, Doyle, qui est un observateur
22 militaire qu'il n'avait jamais vu de sa vie.
23 Il faut aussi voir à quel moment Strugar aurait reconnu cela. Il
24 l'aurait reconnu à un moment dont la Chambre dit que c'est un moment où
25 Strugar savait déjà que la vieille ville avait été ciblée et frappée,
26 touchée. Ceci, à un moment, d'après la Chambre de première instance, où il
27 avait déjà été sommé de se présenter à Belgrade par le ministre de la
28 Défense, le général Kadijevic et par le chef de l'état-major principal de
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1 la JNA. On lui avait dit d'aller parler de l'évolution autour de Dubrovnik
2 et la Chambre poursuit et dit qu'à ce moment-là, Strugar devait déjà être
3 parfaitement au courant du problème et de son ampleur.
4 Quand on voit l'interprétation de la Chambre de première instance,
5 apparemment c'est une admission, presque un aveu, qu'aurait fait Strugar à
6 l'époque dans les circonstances décrites.
7 Il est remarquable de voir que la Chambre constate qu'à
8 11 heures 15, le 6 décembre, Strugar aurait ordonné un cessez-le-feu.
9 Suite à cet ordre, il y aurait une diminution de l'intensité des tirs sur
10 Dubrovnik. Par conséquent, compte tenu de ce que je viens de dire, il y a à
11 peine 45 minutes qui s'écoulent avant la réunion qu'il a avec Doyle et il
12 ordonne de cessez-le-feu à peine 45 minutes. La Chambre estime que la
13 réunion qu'il a eue avec Doyle se déroule à midi. Pourtant, la Chambre
14 croit que nonobstant le fait qu'on avait ordonné un cessez-le-feu, Strugar
15 voulait se servir et continuer de se servir de la présence de Doyle pour
16 lui dire qu'il y avait encore en cours une attaque, une attaque qu'il
17 aurait ordonnée en personne au moment et que cette attaque se poursuivait
18 alors que se déroulait cette conversation.
19 Autre chose qui est remarquable, apparemment, Strugar aurait "admis" devant
20 un officier irlandais qu'il avait donné l'ordre de cette attaque. Pourtant,
21 la Chambre conclut que Strugar, en fait, était en train de concocter un
22 plan avec l'amiral Jokic pour dissimuler tout ce qui s'était passé pour
23 voir comment faire porter le chapeau, imputer la responsabilité au
24 capitaine Kovacevic.
25 L'amiral Jokic et Strugar au cours de cet après-midi, le 6 décembre, sont
26 en route pour aller voir le ministre fédéral Kadijevic, qui est le chef
27 militaire suprême du pays. L'amiral Jokic lui dit alors que l'attaque de
28 Srdj, c'était une attaque non motivée, arbitraire, déclenchée par le
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1 capitaine Kovacevic. Comment serait-il possible de penser que Strugar
2 aurait reconnu devant un officier de l'armée irlandaise qu'il avait ordonné
3 une attaque alors qu'il aurait essayé parallèlement de dissimuler la vérité
4 de cette attaque au ministre fédéral de la Défense de Yougoslavie et au
5 chef de l'état-major de la JNA ?
6 La Chambre de première instance tire une conclusion qui n'est pas crédible,
7 qui n'est pas digne de foi. Strugar ferait une confession à cet officier
8 irlandais. Il reconnaîtrait qu'il aurait ordonné cette attaque tout en
9 essayant de dissimuler ce fait même aux échelons suprêmes de la JNA. Est-ce
10 que c'est vraiment crédible ? Est-ce qu'on peut penser que Strugar va
11 décider de se livrer, de parler en toute confiance, de se confier au
12 représentant de l'équipe des observateurs de la Communauté européenne en
13 Yougoslavie qui était toujours aussi en contact direct avec les officiers
14 supérieurs de la JNA ? Ceci, beaucoup de témoins sont venus le dire.
15 Il est certain que --
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous auriez l'obligeance,
17 lorsque vous faites référence à quelque chose qu'aurait dit la Chambre de
18 première instance, est-ce que vous pourriez nous donner une référence
19 précise ?
20 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Juge, il s'agit des paragraphes qui
21 commencent par le paragraphe 164 et se poursuivent jusqu'au paragraphe 169.
22 Est-ce que cette réponse vous satisfait ?
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui.
24 Mme LE JUGE VAZ : Poursuivez, s'il vous plaît
25 M. RODIC : [interprétation] La Chambre de première instance n'invoque aucun
26 autre élément de preuve pas plus qu'elle ne fournit de réponses à toute une
27 série de questions qui restent dès lors sans réponses. C'est uniquement en
28 partant de la conclusion selon laquelle Strugar aurait ordonné l'attaque de
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1 la vieille ville qu'elle se prononce.
2 Pourquoi est-ce que Strugar devait ordonner cette attaque précisément ce
3 jour-là, le 5 décembre ? A qui a-t-il donné cet ordre ? Qui a reçu cet
4 ordre d'attaque ? Comment est-ce que Strugar a transmis cet ordre ? Qu'y
5 avait-il dans cet ordre d'attaque qu'aurait donné Strugar ? Quels étaient
6 les objectifs visés par cette attaque ? A quel moment l'attaque devait-elle
7 être lancée ? Avec quels moyens, quelles unités ? Se plaçant sur quel axe
8 d'attaque ? Nous ne savons pas si dans cet ordre qu'aurait donné Strugar
9 pour attaquer Srdj, conformément à un comportement antérieur, et l'ordre
10 restant valable de cessez-le-feu et l'interdiction de pilonner la vieille
11 ville, ordre du 11 novembre 1991, cette fois-ci aussi il a ordonné
12 l'interdiction de ne pas pilonner, de ne pas bombarder la vieille ville. Ce
13 sont des questions auxquelles la Chambre de première instance ne répond pas
14 dans son jugement.
15 Celle-ci essaie d'étayer ses conclusions, les conclusions qu'elle tire
16 quant à l'ordre qu'aurait donné Strugar, en affirmant qu'il est logique que
17 c'était Strugar qui avait donné l'ordre de capturer Srdj parce que ce
18 serait conforme aux réalités militaires de la JNA, est-il dit.
19 Tout d'abord, la Chambre n'a aucune preuve concernant les réalités
20 militaires de la JNA, ce que sont ces réalités. La Chambre se base
21 uniquement sur des conjectures. Si on prend comme postulat, comme
22 supposition, qu'il y a effectivement un lien de subordination entre le 9e
23 VPS et le commandant Jokic et le 2e Groupe opérationnel commandé par
24 Strugar, si on parle de cette supposition d'un lien de subordination, tout
25 ce qui est fait par le 9e Secteur naval militaire, VPS, doit être conforme
26 aux ordres donnés par le 2e Groupe opérationnel.
27 Si nous acceptons que c'est là la logique qui règne, et que c'est une
28 logique qui repose dans le fondement même de la JNA, que c'est là ce qu'on
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1 appelle la réalité militaire de la JNA, et si cette logique était à
2 accepter sans réserve, de façon automatique comme l'accepte d'ailleurs la
3 Chambre de première instance, une seule conclusion est possible et c'est
4 celle-ci : c'est que l'attaque de Srdj avait été ordonnée par le ministre
5 de la Défense et par l'état-major général de la JNA. Pourquoi ? Parce que
6 s'il est inconcevable, comme semble l'être l'avis de la Chambre de première
7 instance, qu'au niveau du corps d'armée une unité peut lancer une action
8 sans disposer au préalable d'un ordre émanant d'une unité qui est au niveau
9 de l'armée dont ce corps fait partie, il est aussi inconcevable qu'un
10 groupe stratégique au niveau de l'armée, à l'échelon de l'armée, va mettre
11 en œuvre une action sans qu'elle ait au préalable un ordre venant de
12 l'état-major général de la JNA et du ministre de la Défense en personne.
13 Qu'avons-nous ici ? Nous avons une action menée par deux groupes d'action
14 armés qui disposent de moins de 40 hommes, et ces hommes étaient censés
15 s'emparer d'une colline par une attaque surprise utilisant l'effet de
16 surprise. La Défense insiste pour dire que les réalités militaires de la
17 JNA exigent que cette situation précise soit analysée. Il n'y a rien dans
18 cela d'automatique. Tout ce qu'on peut faire c'est une analyse des rôles
19 joués par chacun des protagonistes de cette action, des événements du 6
20 décembre 1991.
21 De là à conclure que c'est Strugar qui a ordonné quelque chose parce que
22 c'est logique, ce n'est pas une conclusion au-delà de tout doute
23 raisonnable. La Défense affirme qu'il n'y a pas un seul juge raisonnable
24 des faits qui pourrait conclure ce qu'a conclu cette présente Chambre de
25 première instance à propos de l'ordre d'attaque de Srdj.
26 Pour établir quelle est la responsabilité du supérieur hiérarchique
27 éventuel de Strugar pour les actions menées par ses subordonnés, il y a un
28 élément déterminant qui est de savoir si Strugar a donné l'ordre d'attaque.
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1 Conclure si Strugar est un des responsables des événements du 6 décembre
2 1991, cette conclusion, elle, dépend de ce fait-là. Sans ce fait, n'importe
3 qui serait responsable dans la hiérarchie de toute action menée dans cette
4 structure militaire.
5 La Défense conclut que la conclusion selon laquelle c'est Strugar qui a
6 ordonné l'attaque de Srdj qui aurait été lancée le 6 décembre 1991, que
7 cette conclusion elle est insoutenable. On ne peut pas non plus penser que
8 Strugar aurait donné un ordre, cet ordre-là le 5 décembre.
9 Ceci est d'ailleurs confirmé par une autre conclusion erronée de la Chambre
10 de première instance, conclusion portant sur des faits importants contenus
11 dans les déclarations de la déposition de l'amiral Jokic et quand on voit
12 toute la démarche entreprise par la Chambre de première instance par
13 rapport à ses dires.
14 Il y a d'abord beaucoup de contradictions dans la déposition de Jokic qu'on
15 voit se manifester le plus fréquemment dans le fait qu'à propos d'un
16 événement, ou plutôt d'un fait, il y en a plusieurs versions. Ainsi, sa
17 présence à la réunion au poste de commandement avancé du 9e VPS à Kupari le
18 5 décembre 1991. C'est classique à un bon nombre d'endroits du jugement la
19 Chambre dit de la déposition de l'amiral Jokic, ceci : "Certains aspects de
20 la déposition de Jokic peuvent être considérés comme moins que
21 satisfaisants." De plus : "Il est difficile d'accepter toutes les
22 affirmations formulées par Jokic quant aux actions qu'il a menées ce matin-
23 là. De surcroît, la Chambre de première instance ne rejette pas par
24 principe les explications de Jokic, mais elles ne sont pas dignes de foi."
25 Autre citation : "Le secrétariat fédéral à la Défense nationale a été
26 informé brièvement par Jokic des dégâts causés et des actions menées le 6
27 décembre d'une façon qui ne cadrait pas vraiment avec les faits."
28 Autre citation : "Les explications fournies par Jokic pour dire pourquoi il
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1 n'a pas pris de mesures disciplinaires, cette explication n'est pas
2 persuasive."
3 Autre citation : "La Chambre a des réserves quant aux sujets discutés
4 lorsque Jokic a présenté son rapport."
5 Ce ne sont là que certaines des réserves formulées par la Chambre de
6 première instance à propos de la déposition de Jokic qui précisent que la
7 Chambre de première instance n'a pas cru Jokic lorsqu'il a déposé sur des
8 faits importants.
9 Mme LE JUGE VAZ : Si vous voulez bien à chaque fois nous donner les
10 références, ça aiderait la Chambre. Je vous remercie.
11 M. RODIC : [interprétation] Ces citations se trouvent dans les
12 paragraphes suivant du jugement : 152, 153, 97, 174 -- 174 et 82.
13 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions. Vous pouvez poursuivre.
14 M. RODIC : [interprétation] Merci.
15 Comme je disais, [inaudible] la Chambre de première instance a qualifié une
16 partie de la déposition de Jokic et indiquant que la Chambre de première
17 instance n'a pas cru Jokic lorsqu'il a témoigné à propos de certains faits
18 importants. Néanmoins, il n'y a pas eu un seul cas au cours duquel la
19 Chambre de première instance a dit que ceci ne correspondait pas à la
20 vérité et que son témoignage n'était pas véridique et que Jokic avait tout
21 intérêt, en tant que témoin, à parler de la sorte. La Chambre de première
22 instance, en fait, a retenu ce cas-là dans certaines affaires.
23 Par exemple, pour les raisons que je viens d'expliquer, pour ce qui est de
24 la déposition du général de division Jovanovic, commandant du 3e Bataillon
25 de la 5e Brigade motorisée du 9e VPS qui dit, de manière emphatique, que le
26 général Jokic a assisté à la réunion de Kupari le 5 décembre lorsque le
27 capitaine Kovacevic a soumis sa proposition et indiqué qu'il souhaitait
28 attaquer Srdj, la Chambre de première instance déclare, et je cite : "La
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1 Chambre de première instance estime que cette déposition n'est pas
2 véridique." Paragraphe 98 du jugement.
3 Aucunes raisons ne sont indiquées pourquoi on a estimé que sa
4 déposition n'était pas conforme à la vérité. Il est vrai qu'objectivement
5 ce serait difficile à expliquer étant donné que la Chambre de première
6 instance a accepté le versement au dossier du rapport écrit que le
7 lieutenant-colonel Jovanovic a envoyé au commandant supérieur le 6
8 décembre, encore une fois, faisant état de la présence de Jokic à la
9 réunion de Kupari le 5 décembre.
10 Mais au paragraphe 98 -- 88 du jugement, la Chambre de première instance
11 déclare : "La question est de savoir si Jokic était à la réunion de Kupari
12 ou non n'est pas un élément-clé bien que ceci soit pertinent, bien que
13 cette question soit pertinente, elle n'est pas déterminante et n'a pas
14 d'incidence sur la décision de la Chambre."
15 Au paragraphe 339 du jugement : "Dans les conclusions de la Chambre de
16 première instance, les éléments de preuve indiquent ou précisent que la
17 planification détaillée et la mise en œuvre de cet ordre," de l'attaque
18 contre Srdj est précisée, "l'accusé s'en est remis au 9e VPS pour ce qui
19 est de la responsabilité au plan juridique. Des questions sont restées en
20 suspens eu égard au commandement du 9e VPS. Néanmoins, d'après l'avis de la
21 Chambre de première instance, de façon active ont participé le chef d'état-
22 major, le capitaine de vaisseau, le capitaine Zec, ainsi que d'autres
23 officiers de l'état-major qui ont participé à la planification et la mise
24 en œuvre de l'ordre les 5 et 6 décembre 1991."
25 La Défense estime que cette conclusion de la Chambre est erronée lorsque la
26 Chambre de première instance estime que la présence de Jokic à la réunion
27 de Kupari le 5 décembre n'est pas déterminante pour la Chambre de première
28 instance. Comme l'a souligné la Défense lors de l'audience en appel,
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1 Strugar a nié avoir ordonné l'attaque contre Srdj et la présence de Jokic à
2 la réunion de Kupari et ceci confirmerait qu'il a participé à la fois à la
3 planification et à la mise en œuvre de l'attaque contre Srdj.
4 Lorsque la Chambre de première instance s'étend sur les réalités militaires
5 ou la situation au plan militaire au sein de la JNA, dans ce contexte-là,
6 il est important de souligner les conclusions rendues par la Chambre, les
7 constatations factuelles, à savoir que Jokic était chef d'état-major,
8 capitaine de Frigate Zec, a participé à la planification de l'attaque
9 contre Srdj, aux paragraphes 87 et 88. Qu'il a personnellement apporté le
10 matériel nécessaire à cet acte, au paragraphe 88. Zec était présent pendant
11 toute la durée de tout ceci, le 6 décembre 1991, au paragraphe 126.
12 On précise que même lorsque Zec est retournée à Zarkovica après une réunion
13 de 30 minutes avec Jokic à Saftat [phon], l'attaque contre Srdj n'a pas
14 cessé pour autant. Lorsque Zec est retourné à Zarkovica, il était à la
15 recherche d'ingénieurs disposant d'engins explosifs afin de terminer cette
16 action, pièce D96, à 13 heures 30. Pendant tout ce temps, Jokic n'informe
17 pas Strugar de ces événements parce qu'il pense, comme il le dit, que ce
18 dernier a des choses plus importantes à faire.
19 Tout semble indiquer que l'attaque a été ordonnée et planifiée au sein du
20 9e VPS sans qu'un seul élément de preuve ne puisse attester de la
21 participation du général Strugar dans l'ordre donné et la mise à exécution
22 de cet ordre dans le cadre de cette attaque.
23 La Chambre de première instance ne tient pas pour crédit non plus la
24 deuxième version présentée par Jokic concernant l'attaque contre Srdj, à
25 savoir que la planification et le fait d'avoir ordonné cette action a été
26 caché délibérément, il n'en a pas été informé, paragraphe 437 du jugement.
27 La Chambre de première instance donne ces raisons : "Si cela eût été le
28 cas, la conduite de son chef d'état-major, capitaine de Frigate Zec, aurait
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1 requis des mesures disciplinaires très strictes parce qu'il y avait une
2 relation à la fois professionnelle et personnelle, mais aucune action de ce
3 genre n'a été prise et l'amiral et le capitaine Frigate Zec ont continué à
4 assumer les mêmes fonctions, ce dernier comme commandant en chef du 9e
5 VPS."
6 Il est étrange que Jokic ait été au courant de tout, mais que la Chambre de
7 première instance, à tort, estime que ceci n'est pas déterminant
8 lorsqu'elle rend sa décision et que la question de savoir si Jokic était
9 présent à la réunion de Kupari ou non le 5 décembre 1991, cette question
10 reste ouverte.
11 Après l'enquête menée par Jokic sur l'événement du 6 décembre, la seule
12 conséquence est celle-ci : le lieutenant-colonel Jovanovic a été rapidement
13 remplacé. Le témoin qui a dit cela a indiqué qu'il a assisté à la réunion
14 du 6 décembre.
15 Et pour ce qui est du lieutenant-colonel Jovanovic, la Chambre de première
16 instance a établi qu'il n'aurait pas pu prendre de mesures contre la
17 vieille ville, et c'est également ce que sait l'amiral Jokic. Compte tenu
18 des éléments précités, lorsque l'on sait que l'Accusation a retiré les
19 chefs d'accusation contre le capitaine de vaisseau Zec en 2003, et que le
20 capitaine Kovacevic a été déclaré inapte à assister à son procès, le
21 jugement se fonde sur des conclusions erronées qui indiquent que Strugar a
22 ordonné l'attaque contre Srdj. Et la Défense estime que c'est impossible de
23 conclure que Strugar a ordonné l'attaque contre Srdj qui devait être lancée
24 le 6 décembre 1991 et que Strugar a ordonné cette attaque le 5 décembre
25 1991.
26 Le commandement Suprême ainsi que le fait de punir pour les événements du 6
27 décembre 1991. Un autre sujet que la Défense souhaite aborder dans le
28 détail est l'attitude du commandement Suprême de la JNA et des
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1 protagonistes des événements autour de Dubrovnik le 6 décembre 1991.
2 La Défense avance que les événements du 6 décembre 1991, ou plutôt que
3 l'enquête menée à propos de ces événements a été diligentée par le
4 commandement Suprême de la JNA, et que c'est le commandement Suprême qui a
5 donné l'ordre à Jokic de mener à bien une enquête, et que l'amiral Jokic,
6 après avoir reçu les ordres du commandement Suprême, a diligenté une
7 enquête, et a informé nos commandements des résultats de cette requête.
8 Toutes les raisons qui ont conduit à cette conclusion ont été
9 présentées à la Chambre de première instance. Il n'y avait pas d'autres
10 raisons qui auraient pu permettre de conclure le contraire lors de la
11 présentation des moyens devant la Chambre de première instance.
12 L'ordre donné par le commandement Suprême, ainsi que l'enquête menée
13 par l'amiral Jokic, ont exclu Strugar de ce processus d'enquête et de
14 punition, ce qui signifie que la capacité matérielle qu'il avait n'a plus
15 lieu d'être, le fait de punir ces auteurs et sa responsabilité pour avoir
16 omis de punir ce crime.
17 Le ministre fédéral de la Défense a donné l'ordre de mener une enquête de
18 façon urgente et de punir les auteurs. Kadijevic a ordonné à Jokic et
19 Strugar de venir à Belgrade ce jour-là, le 6 décembre 1991, afin de faire
20 le rapport.
21 Kadijevic a donné l'ordre à l'amiral Jokic de mener à bien cette enquête,
22 ce qui était un choix logique compte tenu du fait que toutes les unités qui
23 avaient participé aux dits événements étaient placées sous son
24 commandement. Ceci est admis par la Chambre de première instance également.
25 Le ministre fédéral Kadijevic a informé cinq ambassadeurs des pays
26 occidentaux le même jour, le 6 décembre 1991, il a indiqué qu'il avait
27 donné l'ordre de mener une enquête, et que toute personne qui enfreindrait
28 cet ordre serait arrêtée et punie. Tout ceci est contenu dans le dossier.
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1 Ces faits ne sont pas écartés, déniés par la Chambre de première instance
2 non plus.
3 La Chambre de première instance constate que d'après les ordres donnés par
4 Kadijevic, c'est Jokic qui prend les mesures nécessaires pour mener à bien
5 l'enquête qui avait été ordonnée. Il demande à ce que des rapports
6 d'officiers hauts placés sous son commandement lui soient remis. Il
7 remplace le commandant du 3e Bataillon de la 5e Brigade motorisée, le
8 lieutenant-colonel Jovanovic. Jokic recueille des déclarations de
9 commandants de compagnies qui ont participé à l'attaque, précisément ces
10 personnes ou ces commandants de compagnies qui avaient disposé du matériel
11 nécessaire qui aurait pu mettre en danger la vieille ville, plus
12 particulièrement le capitaine Nesic, le commandant de la compagnie des
13 antichars de Zarkovica, et Jeremic, le commandant de la batterie de 120-
14 millimètres.
15 L'amiral Jokic a également demandé au capitaine Kovacevic, qui avec les
16 capitaines Nesic et Jeremic le 8 décembre 1991, se rendent à l'état-major
17 du 9e VPS. Le rapport du capitaine Nesic se trouve dans le dossier.
18 Le commandant du 3e Bataillon de la 5e Brigade motorisée, le colonel
19 Jovanovic, qui a été remplacé par Jokic le 6 décembre 1991, on lui a
20 également demandé de faire une déclaration, de se rendre à l'état-major du
21 9e VPS à propos des événements qui s'étaient déroulés ce jour-là, le 6
22 décembre 1991.
23 Le lieutenant-colonel Jovanovic fait cette déclaration le 6 décembre 1991,
24 et déjà à 14 heures au commandement du 9e VPS, où on lui avait demandé de
25 venir. C'est la déclaration dans laquelle il déclare que l'amiral Jokic,
26 effectivement le 5 décembre, se trouvait à la réunion de Kupari, lorsque
27 l'ordre de l'attaque contre Srdj a été planifié et ordonné.
28 Sur les ordres de Kadijevic, l'amiral Jokic informe l'état-major de la JNA,
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1 à savoir le service des opérations de la JNA, de ce qui était arrivé le 6
2 décembre 1991, les mesures qu'il a prises, et les mesures qu'il avait
3 l'intention de prendre. L'amiral Jokic, sur les ordres de Kadijevic a mis
4 en place une commission composée d'officiers de haut rang du 9e VPS, qu'il
5 a envoyés à Dubrovnik pour essayer d'établir l'ampleur des dégâts.
6 Le 9 décembre 1991, Jokic envoie un rapport au commandement Suprême. Dans
7 ce rapport, Jokic informe l'amiral Brovet, le vice-ministre fédéral de la
8 Défense, ce qui suit : Le 9e VPS a établi une commission afin d'établir
9 l'ampleur des dégâts infligés à la vieille ville. La commission a visité la
10 vieille ville de Dubrovnik le 8 décembre 1991.
11 De surcroît, la commission a établi que bon nombre de bâtiments cités dans
12 ce rapport ont été endommagés. De surcroît, que les dégâts qui ont été
13 enregistrés ne sont pas de très grande ampleur. De plus loin, ils ne
14 peuvent pas établir l'origine des dégâts. Ils ne peuvent pas non plus
15 établir qui sont les auteurs de ces dégâts qui ont été infligés à la
16 vieille ville de Dubrovnik.
17 Avec ce rapport, l'amiral Jokic remet à Brovet ou à Kadijevic une cassette
18 vidéo que lorsque la commission a filmé les dégâts dans la vieille ville le
19 6 décembre 1991. Bon nombre d'autres éléments évoquent les mesures et les
20 actions prises par l'amiral Jokic.
21 L'élément-clé ici, c'est ceci : Veljko Kadijevic, secrétaire fédéral chargé
22 de la Défense nationale, a donné l'ordre à Jokic de mener à bien une
23 enquête sur les événements du 6 décembre 1991. La Défense estime que ce
24 fait est d'une importance capitale, et permet d'évaluer le rôle de Strugar
25 dans cette requête et dans le rôle qu'il a joué eu égard au fait de punir
26 les auteurs. Il n'y a pas un seul élément de preuve qui indique que Strugar
27 aurait donné un ordre indiquant qu'il devait faire partie de cette
28 commission d'enquête. Il n'y a pas une seule raison qui permet de croire
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1 que Strugar pensait qu'il devait participer à cette enquête, rien ne semble
2 indiquer qu'il devait participer à cette enquête.
3 En présence de Strugar, l'homme qui incarne le commandement Suprême de la
4 JNA donne l'ordre à l'amiral Jokic d'ouvrir une enquête et de préparer un
5 rapport contenant les résultats. L'ordre du commandement Suprême est donné
6 à l'amiral Jokic pour qu'il mène à bien une enquête. Ceci aboli toute
7 possibilité pour Strugar. Il ne veut pas mener sa propre enquête en
8 parallèle, et les enquêtes sont menées à bien sur ordre donné par les
9 instances supérieures de la JNA, et l'incidence de l'ordre donné par le
10 commandement Suprême, ordre donné à Jokic afin d'ouvrir une enquête, ceci
11 empêche toute autre personne d'ouvrir une enquête.
12 L'unicité du commandement au sein de la JNA ne permet pas à deux tâches
13 similaires d'être confiées à deux unités ou commandements différents. Ceci
14 est confirmé par le comportement de l'amiral Jokic, qui remet tous ces
15 rapports dans le cadre de cette enquête au commandement Suprême. Il n'a pas
16 remis ces rapports sur ces enquêtes à Strugar.
17 La Chambre de première instance constate quelque chose qu'aucun juge
18 de fait raisonnable pourrait constater, à savoir que l'ordre de Kadijevic
19 ne veut rien dire pour Strugar et qu'il doit mener sa propre enquête quel
20 que soit l'ordre très clair et très explicite donné par les échelons
21 supérieurs du commandement de la JNA. En réalité, la Chambre de première
22 instance pense même que Strugar aurait dû s'opposer à l'ordre de Kadijevic
23 et mener une enquête en parallèle, sa propre enquête.
24 Ce type de position adoptée par la Chambre de première instance est
25 en contradiction avec les postulats mêmes sur lesquels se repose toute
26 organisation militaire. L'ordre au sein d'une armée, surtout un ordre donné
27 par un commandement Suprême, ne peut pas faire l'objet de refus ou de
28 discussion et de débat. Le seul ordre qui pourrait être refusé est un ordre
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1 qui demanderait à ce qu'un crime soit commis et ceci en fait, l'ordre de
2 Kadijevic n'a pas cette teneur-là, l'ordre qui avait été donné à Strugar.
3 L'élément-clé qui a conduit la Chambre de première instance à estimer
4 que Strugar n'a pas ouvert une enquête, c'est le prétendu aveu de Colm
5 Doyle qu'il avait attaqué Srdj qui, encore une fois, clos la boucle de
6 toutes ces constations illogiques, impossibles et déraisonnables auxquelles
7 est parvenue la Chambre de première instance. La Défense avance qu'aucun
8 juge de fait raisonnable n'aurait pu conclure que Strugar avait la capacité
9 matérielle de mener à bien une enquête et de punir les atteintes aux
10 événements du 6 décembre 1991, surtout compte tenu des raisons évoquées, à
11 savoir le rôle joué par le commandement Suprême de la JNA.
12 La Chambre d'appel nous a demandé par écrit de préciser le statut des
13 civils Mato -- le 6 décembre 1991, à savoir les civils qui avaient été
14 blessés au sein de la vieille ville à cette date-là. La Défense va
15 présenter son point de vue sur cette question.
16 Les conclusions de la Chambre de première instance sont également
17 erronées eu égard au statut d'un civil Mato Valjalo le 6 décembre 1991,
18 lorsqu'il a été prétendument blessé dans la vieille ville parce que ceci
19 n'est pas approprié à la lumière des éléments de preuve présentés.
20 Pour ce qui est d'Ivo Vlasica, la polémique sur le type de blessures
21 qu'il a eues, on y a mis un terme lorsqu'on a retiré l'erreur numéro 43,
22 paragraphe 61 d'un mémoire en appel de la Défense. Pardonnez-moi, j'ai fait
23 une erreur, il s'agit du numéro 53.
24 La Défense ne récuse que le statut de Mato Valjalo. Dans sa
25 déposition, il déclare que le 6 décembre 1991 au matin, il rentrait chez
26 lui après sa permanence à l'état-major. Les éléments ont été admis par la
27 Chambre de première instance et elle dit que Mato Valjalo était assigné à
28 l'état-major pour y travailler et pendant l'attaque contre Dubrovnik, il
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1 conduisait en voiture les membres de l'état-major dans différents endroits
2 et missions en temps de guerre. A savoir à partir du 15 septembre 1991,
3 Mato Valjalo était mobilisé ou engagé au plan militaire. Cela signifie que
4 Mato Valjalo était prétendument blessé alors qu'il rentrait de sa
5 permanence liée directement à l'effort de guerre et travaillait pour une
6 des parties belligérantes. Ce fait ne lui accorde pas ce statut de civil.
7 Tout ceci est confirmé par la décision rendue par le secrétariat chargé de
8 la santé, du bien-être social, du travail, des vétérans de guerre et des
9 invalides de guerre, l'administration chargée des vétérans de guerre et des
10 invalides de guerre, qui reconnaît à Mato Valjalo qu'il a le statut
11 d'invalide de guerre.
12 Cette décision a été rendue dans une procédure judiciaire par les
13 organes de l'Etat qui avaient compétence en la matière. La Défense rappelle
14 que dans le journal officiel de la République de Croatie, où l'on publie
15 les textes de loi dans ce journal Narodne Novine, le numéro est le numéro
16 33/92 et daté du 12 juin 1992. Dans ce journal officiel, la Loi sur la
17 protection des invalides de guerre, militaires ou civils, ce texte a été
18 publié. D'après ce texte de loi, des différentes catégories de personnes
19 qui ont droit à une protection : il y a également les invalides de guerre
20 militaires, les invalides militaires en temps de paix et les invalides
21 civils en temps de guerre.
22 Les invalides civils en temps de guerre, d'après l'article 8,
23 paragraphe 1, point 2 de cette loi, sont les personnes qui ont été blessées
24 et qui ont une invalidité jusqu'à 20 % à cause de blessures en rapport avec
25 des incidents de guerre, explosion de bombes, de munitions, balles perdues,
26 et cetera.
27 Il est manifeste que Mato Valjalo n'appartient pas à cette catégorie,
28 la catégorie de civils invalides de guerre. Il n'avait pas le statut de
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1 civil quand il a été blessé.
2 Nous essayons de suivre la logique de cette loi, parce qu'il a été
3 reconnu comme invalide de guerre militaire. Je souhaite maintenant aborder
4 la question de la peine et insister sur certaines erreurs commises par la
5 Chambre de première instance dans le cas du général Strugar.
6 Pour fixer la peine, la Chambre de première instance n'a pas tenu
7 compte d'un certain nombre de faits ou ne leur a pas suffisamment accordé
8 d'importance alors que cela aurait dû être le cas au moment de la
9 détermination de la peine. La Chambre de première instance a eu tort de ne
10 pas tenir compte des remords sincères et des regrets sincères exprimés par
11 M. Strugar. Le rôle qui est imputé à l'accusé dans l'attaque contre Srdj ne
12 peut pas être utilisé pour rejeter la sincérité de ses remords.
13 La Chambre de première instance a répété plusieurs fois que la
14 vieille ville n'avait pas fait l'objet de l'attaque ordonnée par Strugar.
15 La Défense estime que la Chambre de première instance n'a pas suffisamment
16 tenu compte des sincères remords exprimés par M. Strugar envers les
17 habitants de Dubrovnik.
18 La Chambre de première instance a tenu compte des éléments suivants
19 au titre des circonstances atténuantes : la personnalité de M. Strugar, sa
20 situation familiale, sa situation personnelle et le fait qu'il se soit
21 rendu au Tribunal.
22 Nous pensons que la Chambre de première instance n'en a pas
23 suffisamment tenu compte. Il aurait fallu que des circonstances atténuantes
24 soient appliquées à cette peine de huit ans, que les circonstances
25 atténuantes, il en soit véritablement tenu compte.
26 D'autre part, la Chambre de première instance a également versé dans
27 l'erreur puisqu'elle n'a pas tenu compte au titre des circonstances
28 atténuantes particulières de l'état de santé extrêmement préoccupant de
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1 Pavle Strugar. Or, c'est un élément qu'il convient de prendre en compte au
2 titre des circonstances atténuantes particulières.
3 En plus de ses troubles de mémoire, de dépression, de la démence vasculaire
4 dont il souffre, ce qui a été d'ailleurs mentionné dans le jugement de
5 première instance, Strugar souffre d'une insuffisance rénale constante,
6 d'arthrose au niveau de la hanche et ainsi que d'un ulcère. Il a également
7 des troubles au niveau de la colonne vertébrale. Au moment où la peine a
8 été prononcée, des éléments de preuve avaient déjà été fournis à ce sujet.
9 Les experts médicaux de la Défense et de l'Accusation ont prononcé un
10 diagnostic sur l'état de santé de M. Strugar et son état de santé n'a cessé
11 de se détériorer. Au dossier, on peut constater qu'en avril 2006, à
12 Podgorica, M. Strugar a fait l'objet d'une opération. On lui a implanté une
13 hanche artificielle en plastique. A partir du rapport de l'institut de
14 neurologie KC de Serbie d'avril 2006, il est manifeste que Strugar a vu son
15 état se détériorer, je parle de ses capacités de perception et de
16 réflexion. Il est également dans l'impossibilité de reconnaître les
17 phonèmes.
18 Il a également du mal à se souvenir des mots et on constate, d'autre part,
19 qu'il y a une détérioration de son état par rapport à d'autres tests qui
20 avaient été réalisés précédemment.
21 Un urologue a également en 2006 procédé à un examen de notre client au
22 sujet de tous les problèmes qui sont les siens au niveau de sa prostate, au
23 niveau de ses reins. Les conclusions de cette époque, tous les résultats de
24 ses examens ont été déposés dans une écriture confidentielle de la Défense
25 en date du 11 septembre 2006. L'institut chargé de la traumatologie et de
26 l'orthopédie de Serbie KC a également produit un rapport en date du 8 mai
27 2007.
28 Il a été recommandé que Pavle Strugar bénéficie d'une opération au niveau
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1 de ses deux genoux ainsi qu'au niveau de sa hanche gauche. Il s'agissait de
2 lui implanter une nouvelle hanche. Des modifications dégénératives très
3 graves se sont manifestées au niveau de son cou, dans sa colonne
4 vertébrale. Au niveau C-5 et C-6, on constate qu'il n'y a plus aucun
5 espacement entre ses vertèbres. Et au niveau C-6 et autres, c'est également
6 le cas, il souffre d'ankylose également, très grave.
7 D'autre part, nous avons également les radios de sa colonne vertébrale qui
8 montrent qu'il souffre d'une dégénérescence de la totalité de ses
9 vertèbres. Au niveau de la vertèbre L5, on constate des troubles de
10 discarthosie [phon]. Ceci ressort d'un rapport déposé par la Défense le 10
11 mai 2007.
12 Il est également utile de mentionner le rapport, la synthèse de l'état de
13 santé de M. Strugar qui a été produite par le Dr Falke au quartier
14 pénitentiaire des Nations Unies en date du 21 janvier 2008. Ce rapport
15 confirme l'état de M. Strugar tel qu'il avait été constaté par d'autres
16 intervenants. Sur la base de ces éléments, la Défense fait valoir que
17 l'état de santé de notre client doit être pris en compte au titre d'une
18 circonstance atténuante exceptionnelle, il convient d'accorder le poids
19 correspondant à cette circonstance atténuante.
20 La Défense estime que l'état de santé de M. Strugar constitue une situation
21 exceptionnelle vu la position adoptée par la Chambre d'appel. La Chambre de
22 première instance a versé dans l'erreur lorsqu'elle n'a pas tenu compte,
23 entre autres, des circonstances atténuantes, de l'âge de M. Strugar.
24 Dans deux mois et demi, M. Strugar va fêter son 75e anniversaire. Comme
25 cela est indiqué dans la peine prononcée contre Mme Plavcic, il est
26 indéniable que l'affaiblissement physique qui peut résulter du
27 vieillissement entraîne souvent des difficultés supplémentaires pour le
28 détenu qui purge sa peine. Il est plus difficile pour une personne âgée que
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1 pour une personne jeune d'être en prison. Il est également incontestable
2 que lorsqu'une personne âgée sort de prison, elle ne peut pas vraiment
3 espérer vivre correctement ensuite.
4 Dans le cas de M. Strugar, son affaiblissement est manifeste étant donné
5 tous les troubles qui ont été diagnostiqués. Etant donné l'âge qui est le
6 sien, étant donné son état de santé extrêmement préoccupant, et étant donné
7 la peine qui a été prononcée contre lui, on peut dire objectivement qu'il
8 ne peut nullement espérer mener une vie correcte après sa remise en
9 liberté, si on peut envisager même qu'il soit remis en liberté de son
10 vivant.
11 Mme LE JUGE VAZ : -- s'il vous plaît, Monsieur --
12 M. RODIC : [interprétation] Il y a un élément donc qui est constitué par
13 son âge --
14 Mme LE JUGE VAZ : Vous en avez encore pour longtemps parce que nous allons
15 devoir suspendre l'audience dans deux minutes.
16 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, je m'apprête à en finir
17 dans les deux ou trois minutes qui viennent, si vous me permettez de le
18 faire.
19 Mme LE JUGE VAZ : Bien.
20 M. RODIC : [interprétation] Il y a d'abord la question de l'âge de Strugar
21 et puis l'évolution des troubles dont il est atteint, et les experts
22 médicaux se sont prononcés à ce sujet. Tout séjour prolongé en prison
23 serait équivalent pour lui de douleurs, d'humiliation, de souffrance. Il
24 faut savoir qu'il a également une épouse à laquelle il est extrêmement
25 attaché, il y a plus de 50 ans qu'ils sont mariés. Cette femme également
26 est atteinte de diverses maladies. Il y a plusieurs années déjà qu'elle n'a
27 pas été en mesure de lui rendre visite. Pour toutes ces raisons, la Défense
28 estime que le cas de notre client est un cas exceptionnel et que des
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1 facteurs tels que son âge et son état de santé doivent être considérés
2 comme des circonstances atténuantes importantes.
3 La Défense estime que la Chambre de première instance n'a pas prononcé une
4 peine adéquate contre M. Strugar du fait qu'elle n'a pas tenu compte d'un
5 certain nombre de circonstances atténuantes ou qu'elle ne leur a pas
6 accordé le poids qui convenait.
7 La Défense estime que si l'on tenait véritablement compte de la
8 totalité des faits de l'espèce et des circonstances atténuantes, la peine
9 imposée aurait été nettement inférieure, ç'aurait été une peine beaucoup
10 plus douce.
11 La Défense estime que la Chambre d'appel devrait revoir et diminuer
12 fortement la peine prononcée contre M. Strugar dans le cadre de cette
13 procédure d'appel.
14 Nous demandons également à la Chambre d'appel de tenir compte de
15 toutes les erreurs de fait et de droit commises par la Chambre de première
16 instance et qui ont été développés dans notre mémoire. Nous demandons
17 l'acquittement de M. Strugar au titre de tous les chefs d'accusation dont
18 il a été reconnu coupable le 31 janvier 2005 au titre de l'article 7(1) et
19 de l'article 7(3) du Statut du Tribunal. La Défense demande un nouveau
20 procès pour M. Strugar ou à titre subsidiaire une diminution très
21 importante de sa peine.
22 Bon, excusez-moi. J'ai parlé de l'article 7(3) du Statut du Tribunal et pas
23 de l'article 7(1). Merci beaucoup.
24 Mme LE JUGE VAZ : Nous remercions M. Rodic. Nous allons à présent observer
25 une pause de 20 minutes. Nous reprendrons donc à 11 heures 35. Je vous
26 remercie.
27 --- L'audience est suspendue à 11 heures 15.
28 --- L'audience est reprise à 11 heures 40.
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1 Mme LE JUGE VAZ : L'audience est reprise.
2 Vous avez une question, Monsieur le Juge Meron.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, merci Madame la Présidente. J'ai
4 une question à poser au conseil de la Défense. J'ai écouté vos arguments
5 avec beaucoup d'intérêt lorsque vous nous avez expliqué que l'état-major
6 général avait ordonné à l'amiral Jokic de mener une enquête sur l'ensemble
7 des événements qui ont eu lieu aux dates concernées. Vous avez fait valoir
8 qu'étant donné que cet ordre avait été donné à l'amiral Jokic, vu les
9 principes généraux qui s'appliquent au sein de l'armée, vu les règles en
10 matière de discipline, le général Strugar n'avait plus à ce moment-là
11 l'obligation de mener à bien sa propre enquête.
12 Est-ce que vous pourriez développer cette question et dire aux Juges
13 de la Chambre pourquoi le général Strugar aurait dû mener à bien sa propre
14 enquête après l'enquête menée par l'amiral Jokic ? Pourquoi aurait-il dû
15 mener à bien une enquête supplémentaire ?
16 Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
17 Merci, Madame la Présidente.
18 Mme LE JUGE VAZ : Monsieur Rodic.
19 M. RODIC : [interprétation] J'entends bien votre question. Ma réponse sera
20 la suivante. Comme je l'ai déjà dit, un des principes directeurs qui
21 s'applique dans toutes les armées, en tout cas dans la JNA, parce que c'est
22 la JNA qui nous intéresse ici, au sein de la JNA vous avez la Loi sur la
23 défense, toute la législation qui s'applique aux règles de service repose
24 sur le principe sous-jacent du commandement unique de la subordination.
25 Le niveau supérieur en l'espèce, c'était le général Kadijevic, commandant
26 Suprême et ministre de la Défense. Lorsque cet échelon suprême, supérieur,
27 donne un ordre direct à un officier sur ce qu'il convient qu'il fasse, donc
28 comme l'ordre donné en l'espèce à l'amiral Jokic afin qu'il mène une
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1 enquête, le général Kadijevic, par la même, a choisi le général Jokic.
2 Pourquoi ? Parce que ce sont ses unités qui ont participé à ces événements,
3 parce que la zone en question figure dans la zone de responsabilité des
4 unités de Jokic. Il l'a choisi comme étant le plus compétent et le plus
5 fiable pour mener à bien cette enquête.
6 Le commandant du 2e Groupe opérationnel se trouve à Trebinje, à
7 plusieurs dizaines de kilomètres de là. Il commande plusieurs corps
8 d'armée.
9 Le général Jokic, aux termes de ce même principe de commandement et
10 de l'unicité du commandement, a agi comme il l'a fait conformément aux
11 ordres qui lui avaient été donnés. Il a mené à bien une enquête. Il a
12 établi trois rapports, qu'il a envoyés directement au général Kadijevic qui
13 lui avait envoyé l'ordre en question, alors qu'il n'en a même pas informé
14 le général Strugar, que ce soit en lui envoyant un exemplaire du rapport ou
15 en lui envoyant un rapport de combat indiquant qu'il avait pris telle ou
16 telle mesure et qu'il en avait fait rapport au commandant suprême, le
17 général Kadijevic.
18 En conséquence, le général Strugar était complètement aux marges dans cette
19 enquête. On l'a mis en touche suite à l'ordre du général Kadijevic, et il
20 n'a pas eu connaissance de quelque manière que ce soit des conclusions de
21 l'enquête. Seul le général Kadijevic, ministre et commandant suprême, était
22 à même d'apporter quelque changement que ce soit dans ce contexte. Il
23 pouvait ordonner une nouvelle enquête s'il n'était pas satisfait ou s'il
24 voulait obtenir des informations supplémentaires.
25 En conséquence, le général Strugar ne pouvait pas intervenir sans avoir
26 reçu d'ordres exprès, sans avoir reçu l'autorisation de le faire, parce
27 qu'il était présent lorsque le général Kadijevic a donné ces ordres au
28 général Jokic.
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1 Toute enquête ultérieure aurait nécessité également des ordres venant des
2 échelons supérieurs, en l'espèce, du général Kadijevic, qui est celui qui
3 avait donné l'ordre de mener à bien la première enquête. Voilà quelle est
4 la réalité militaire, quelles sont les règles militaires s'appliquant au
5 sein de la JNA et qui s'appliquent dans ce cas. Nous avons fourni des
6 arguments supplémentaires plus détaillés dans notre mémoire d'appel en nous
7 appuyant sur les éléments du dossier et sur la jurisprudence du Tribunal
8 relatif à la réalité de la vie militaire et à la pratique militaire, aux
9 règles, aux règlements qui s'appliquent dans l'armée.
10 Je souhaiterais également revenir sur un élément que j'ai mentionné
11 précédemment. Le ministre Kadijevic était en contact avec les représentants
12 les plus chevronnés, les plus importants des pays occidentaux, par
13 l'intermédiaire de leurs ambassadeurs, les informaient à partir des
14 informations qu'il a reçues de Jokic. Il l'a informé du fait qu'on lui
15 avait demandé de mener à bien une enquête, et ceci, nous en avons parlé
16 dans notre mémoire.
17 Merci, et j'espère que j'ai suffisamment bien répondu à votre question ?
18 Mme LE JUGE VAZ : M. le Juge Guney voudrait poser une question.
19 M. LE JUGE GUNEY : Maître Rodic, j'ai suivi avec intérêt vos argumentations
20 concernant la peine ainsi que les circonstances atténuantes. A la lumière
21 de cette argumentation, est-ce qu'on peut conclure que la --
22 [interprétation] -- que la capacité minimum --
23 [en français] -- pendant l'imposition de la peine, ainsi que la
24 détermination des circonstances atténuantes ? Merci.
25 M. RODIC : [interprétation] Il est exact que dans le jugement de
26 première instance il est indiqué que l'une des circonstances atténuantes,
27 c'est l'état de santé du général Strugar, les troubles de mémoire, la
28 dépression et la démence vasculaire; c'est ce qui figure dans le jugement
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1 de première instance. Cependant, la position de la Défense est la suivante.
2 Nous estimons que, même si au moment de déterminer la peine la Chambre de
3 première instance savait que Strugar est atteint d'autres maladies qui
4 globalement, avec les troubles qui ont été mentionnés par la Chambre dans
5 son jugement, donc constituent globalement un état de santé extrêmement
6 mauvais, un état de santé qui se détériore, la Défense estime que la
7 Chambre de première instance n'a pas accordé suffisamment de poids à tous
8 les éléments de preuve relatifs à la santé de l'accusé dont elle avait été
9 saisie, et c'est la raison pour laquelle la Chambre de première instance
10 n'a pas accordé suffisamment de poids aux circonstances atténuantes qui
11 émanent de l'état de santé du général Strugar.
12 Nous vous avons désormais fourni des informations supplémentaires qui
13 émanent de rapports qui remontent à 2005, lorsqu'il a été opéré à la
14 hanche, lorsqu'on lui a planté une prothèse de la hanche. Nous avons fourni
15 des éléments supplémentaires portant sur la détérioration de son état de
16 santé depuis 2005 et qui ont été établis grâce à des examens médicaux
17 supplémentaires. La détérioration de son état de santé correspond aux
18 dépositions des experts médicaux de la Défense et de l'Accusation qui nous
19 avaient expliqué qu'étant donné son état de santé général, on allait voir
20 cet état de santé se détériorer encore.
21 Mais tout ceci figure dans notre mémoire.
22 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
23 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions. Je voudrais vous poser deux
24 questions.
25 Tout d'abord, pouvez-vous nous dire, étant donné que vous n'avez pas
26 vraiment développé ce point sur l'aptitude de Strugar à être jugé, si vous
27 n'avez plus l'intention de soutenir ce point ou si simplement vous n'avez
28 pas voulu développer sur la question, et nous préciser également s'il était
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1 possible au général Strugar de réclamer les rapports faits par l'amiral
2 Jokic à la demande du général Kadijevic, s'il lui était donc possible de
3 réclamer ces rapports pour éventuellement prendre certaines dispositions ?
4 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, pour répondre à votre
5 première question qui porte sur la capacité du général Strugar à être jugé,
6 c'est un point que nous avons abordé en détail dans notre mémoire d'appel
7 lorsque nous avons exposé nos moyens d'appel, l'appel interjeté contre le
8 jugement de première instance. Nous n'avons rien à ajouter à ce qui figure
9 dans nos écritures.
10 Par souci de rapidité et pour suivre les instructions de la Chambre
11 d'appel, aujourd'hui ce que nous avons choisi de faire c'est d'insister sur
12 d'autres points-clés qui découlent de toutes les autres erreurs qui sont
13 identifiées dans notre mémoire.
14 Pour répondre à votre deuxième question, si j'ai bien compris, vous m'avez
15 demandé si le général Strugar avait pu demander le rapport de l'amiral
16 Jokic suite aux ordres du général Kadijevic.
17 Est-ce que j'ai bien compris ? Est-ce que c'est bien ce que vous
18 m'avez demandé ?
19 Mme LE JUGE VAZ : -- l'avait fait. J'ai dit s'il lui était possible, compte
20 tenu des règles qui sont en application dans, justement, l'armée.
21 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, vu les règles qui
22 s'appliquent dans la JNA, vu les règlements qui sont en vigueur, sans même
23 parler de la situation du général Strugar et du général Jokic, je peux vous
24 dire quelle est la situation dans l'armée populaire yougoslave.
25 Un supérieur, un commandant, ordonne à un commandant qui est situé à un
26 échelon inférieur, au niveau d'un bataillon ou un chef de compagnie qui se
27 trouve à deux échelons en dessous du sien, il lui ordonne donc de mener à
28 bien une mission donnée, de préparer un rapport suite à cette mission. Le
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1 commandant du bataillon, qui lui se trouve à l'échelon supérieur au
2 commandant de compagnie, mais qui se trouve à un échelon inférieur au
3 commandant de la brigade ou au commandant du corps d'armée, qui lui a
4 désigné la mission à accomplir, ce commandant intermédiaire n'a nullement
5 le droit d'intervenir. Il n'a pas le droit de demander à celui qui a reçu
6 l'ordre de mener une enquête ou de préparer un rapport. Il n'a pas le droit
7 d'intervenir dans la mise en œuvre de l'ordre. Conformément à la
8 réglementation militaire, il n'a pas le droit de le faire parce que ça
9 constituerait une violation du principe de l'unicité du commandement.
10 Ceci est particulièrement important, parce que dans le cas d'espèce nous
11 avons affaire au commandant militaire suprême, qui est supérieur à tous les
12 généraux qui sont placés sous ses ordres. Donc quand il donne un ordre à
13 qui que ce soit à un échelon inférieur, quel que soit le niveau précis de
14 cet échelon, quand il dit à cette personne qu'elle doit communiquer
15 directement avec lui, sans dire expressément qu'il s'agit aussi d'informer
16 d'autres unités, d'autres personnes, personne d'autre n'a le droit de
17 s'impliquer dans ces communications ni dans l'exécution de l'ordre.
18 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur Rodic.
19 Le Juge Meron voudrait vous poser une question.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame la Présidente. Je ne suis
21 pas tout à fait satisfait de la réponse que vous venez de faire à Mme la
22 Présidente. La question n'était pas de savoir si le général Strugar pouvait
23 s'impliquer dans cette affaire. La question était de savoir - enfin si j'ai
24 bien compris - la question était de savoir si, une fois l'enquête aboutie,
25 une fois le rapport établi, le général Strugar, nous le savons, il était au
26 courant de cette enquête. Vous nous avez dit que l'ordre d'enquêter, cet
27 ordre il a été donné à l'amiral Jokic alors que le général Strugar était
28 lui-même présent.
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1 Etant donné qu'il était quand même intéressé par ces questions, est-
2 ce qu'il ne pouvait pas demander à l'état-major général de lui fournir un
3 exemplaire de ce rapport ?
4 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Juge, lorsque vous avez une
5 situation où un ordre est donné à l'amiral Jokic, ordre de mener une
6 enquête, je présente la situation de façon générale. Le général Kadijevic
7 appelle le général Strugar. Il lui dit de venir en compagnie de l'amiral
8 Jokic, de venir le voir à Belgrade pour lui faire rapport. Le principe
9 général de l'armée c'est que le supérieur immédiat d'une personne qui est
10 appelée pour faire rapport, ici l'amiral Jokic, et vous avez ici Strugar
11 qui est commandant du 2e Groupe opérationnel, son supérieur immédiat, le
12 principe c'est que Jokic va avec son supérieur immédiat pour faire rapport
13 au chef supérieur à eux deux.
14 Ce qui veut dire que, lorsque Kadijevic appelle Jokic, il applique la
15 réglementation militaire qui régit l'obligation de faire rapport. Ce qui
16 veut dire que Strugar est présent lorsque son officier subordonné est là,
17 lorsque le général Kadijevic donne un ordre directement à son subordonné à
18 lui, donc à l'amiral Jokic, et il fait de lui l'homme qui a la
19 responsabilité de la communication pour ce qui est cet ordre.
20 Le général Kadijevic, en sa qualité de commandant suprême, aurait pu,
21 c'est certain, s'il l'avait estimé nécessaire vu les circonstances, il
22 aurait pu donner un ordre supplémentaire, lequel par exemple, dites à
23 Strugar votre supérieur immédiat ce que vous allez mettre dans votre
24 rapport que vous allez m'envoyer, en partie ou autrement. Kadijevic ne l'a
25 pas fait, lui qui était le commandant suprême. Il a pris les rênes de tout,
26 que ce soit pour la communication avec Jokic aussi. Donc pour répondre à
27 votre première question s'agissant de la communication avec le général
28 Strugar, le général Strugar n'a aucune possibilité quand on pense à ce
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1 principe d'unicité du commandement dans la JNA. Il ne peut pas intervenir.
2 Il ne peut pas demander au général Jokic à avoir copie du rapport, envoyez-
3 moi un exemplaire du rapport. Il ne peut pas lui dire ça. Il ne peut pas
4 non plus demander à Kadijevic de voir ce qu'a dit Jokic dans son rapport.
5 Dans ces deux cas de figure, vu l'unicité du commandement dans la JNA, ceci
6 aurait pu lui être reproché. On aurait pu lui demander pourquoi il ne
7 respectait pas l'ordre donné, un ordre qui ne le concernait pas et qu'il
8 n'avait pas droit de s'immiscer dans l'exécution de cet ordre.
9 Kadijevic, qui était le commandant suprême, s'il l'avait jugé
10 nécessaire, quelles qu'en soient les modalités, sous forme d'assistance ou
11 autrement, il aurait pu faire intervenir les deux hommes. Il aurait pu
12 charger ces deux hommes d'exécuter cet ordre. Il aurait même pu envoyer une
13 équipe indépendante d'officiers, qui n'avait rien à voir avec ces deux
14 hommes, venant du secrétariat. Il aurait pu donner l'ordre à cette équipe-
15 là d'exécuter cette enquête.
16 Je répondrais donc que Strugar, vu les circonstances de l'espèce dans
17 ce cas de figure, n'aurait pas pu demander à Kadijevic ni à Jokic quels
18 étaient les résultats de l'enquête menée.
19 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions, Monsieur Rodic. Je pense qu'il n'y
20 a pas d'autres questions. Je vais donc à présent donner la parole au
21 Procureur pour sa réponse.
22 Vous avez une heure.
23 Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente, bonjour,
24 Messieurs les Juges.
25 Les conclusions tirées par la Chambre de première instance étaient
26 raisonnables. La Défense n'a pas réussi à prouver que la Chambre aurait
27 commis une erreur irrémédiable. Je vais surtout parler de deux points dans
28 le premier motif interjeté par l'Accusation. Tout d'abord, je vais vous
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1 montrer que les conclusions de la Chambre qui disaient que l'accusé avait
2 ordonné l'attaque de Srdj ont été étayées par les moyens de preuve
3 présentés.
4 Ensuite, je vais répondre à votre question qui concernait le statut des
5 victimes.
6 M. Tracol, mon collègue, vous parlera des motifs 2 et 3 de l'appel
7 interjeté par la Défense. Quant à Mme Brady, elle vous parlera du quatrième
8 moyen.
9 La Chambre de première instance a eu raison de conclure que Strugar avait
10 ordonné l'attaque de Srdj. Avant de réagir aux détails présentés ce matin
11 par la Défense, détails qui se concentrent sur des éléments de preuve
12 précis, j'aimerais aborder brièvement les constatations nombreuses qui sont
13 à la base de la conclusion juridique tirée par la Chambre, à savoir que
14 c'est Strugar qui a ordonné l'attaque. Ces faits, on peut les regrouper
15 dans trois rubriques : avant, pendant et après l'attaque.
16 Qu'est-ce qui se passait avant l'attaque, c'est quelque chose qu'il est
17 important de savoir, car ceci dresse le contexte dans lequel s'inscrit
18 l'ordre donné par Strugar. Les réalités militaires, la situation
19 diplomatique ainsi que la planification, autant de choses qui démontrent
20 que l'ordre d'attaquer Srdj, il prend son origine aux niveaux les plus
21 suprêmes de la JNA, chez le commandant du 2e Groupe opérationnel, à savoir
22 le général Strugar.
23 Les réalités militaires sont importantes, car la JNA fonctionne sur le
24 principe du commandement unifié et unique. Ici, ce ne sont pas des
25 conjectures. La Chambre de première instance s'est basée sur de nombreux
26 éléments de preuve, rappelez-vous les paragraphes 393 à 405 du jugement de
27 première instance. Ce commandement unifié et unique, c'est une structure
28 pyramidale qui part d'un échelon suprême où des ordres sont donnés et
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1 ordres qui vont filtrer, qui vont être transmis aux échelons inférieurs de
2 la voie hiérarchique. Cette structure étaie la conclusion qui disait que
3 l'ordre d'attaque a pris son départ chez Strugar en sa qualité de
4 commandant du 2e Groupe opérationnel.
5 Le contexte diplomatique est aussi très significatif, car il montre lui
6 aussi qu'il y a une autorisation à haut niveau donnée pour que cette
7 attaque ait lieu. Le 23 novembre 1991, les autorités yougoslaves et croates
8 les plus élevées ont signé l'accord de Genève qui exigeait un cessez-le-feu
9 sans conditions et le retrait des forces de la JNA de Dubrovnik. Le 5
10 décembre, l'amiral Jokic, le subordonné de Strugar, rencontre des ministres
11 croates pour essayer de régler les détails du cessez-le-feu qui devait
12 commencer le 6 décembre 1991 à midi.
13 Dans ce contexte, alors que le cessez-le-feu est sur le point d'entrer en
14 vigueur, nous avons des officiers supérieurs du 9e VPS, dont Zec, le chef
15 d'état-major de Jokic, ainsi que le capitaine Kovacevic, qui commandait le
16 3e Bataillon de la 470e Brigade motorisée, se rencontrent en fin d'après-
17 midi le 5 décembre à Kupari. Ils mettent au point un plan de bataille
18 coordonné visant à s'emparer du mont Srdj avant l'entrée en vigueur du
19 cessez-le-feu. Ce même soir, le capitaine Kovacevic va rendre visite au QG
20 du général Strugar. Bien plus tard, Kovacevic rencontre ses commandants
21 subordonnés pour les informer qu'il y aura attaque, pour transmettre cette
22 information en descendant les échelons de la hiérarchie. Il leur dit que
23 cette attaque a été approuvée, je cite : "Par le commandement supérieur."
24 La Chambre de première instance a conclu que cet ordre, personne d'autre
25 que le commandant du 2e Groupe opérationnel n'aurait pu le donner vu la
26 structure du commandement de la JNA, et surtout à la lumière du fait qu'il
27 y avait des négociations qui avaient lieu et qu'un cessez-le-feu était sur
28 le point d'entrer en vigueur.
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1 Je vous rappelle, par exemple, les paragraphes 89 et 167 du jugement.
2 Parlons maintenant des événements qui se sont déroulés pendant l'attaque
3 même. Ces faits prouvent que le général Strugar a ordonné l'attaque. Aux
4 premières heures du matin, le 6 décembre 1991, des forces terrestres du
5 bataillon du capitaine Kovacevic entament leur attaque sur Srdj. Ils
6 reçoivent des tirs défensifs croates des environs de Dubrovnik. Au lieu de
7 cibler les positions militaires croates qui menaçaient l'attaque menée sur
8 Srdj, l'artillerie de la JNA tire sur la vieille ville de Dubrovnik où il
9 n'y avait pas d'objectifs ni de cibles militaires.
10 La Chambre de première instance conclut, paragraphe 345, que ces tirs
11 étaient délibérés, aveugles et massifs et se sont échelonnés sur une longue
12 période de temps.
13 La vieille ville a en effet été attaquée pendant dix heures et demie ce
14 jour-là, le 6 décembre 1991. Elle a tué des civils, elle en a blessés et
15 elle a endommagé des bâtiments qui constituent un élément important du
16 patrimoine architectural de la ville.
17 Ce n'est pas là quelque chose de surprenant, l'attaque de Dubrovnik a
18 aussitôt déclenché l'attention des médias dans le monde. A 7 heures du
19 matin, Strugar reçoit un coup de fil du secrétaire fédéral de la défense
20 nationale, le général Kadijevic, qui lui a déjà reçu des protestations
21 émises par la MOCE. Kadijevic était furieux vu la façon dont avaient évolué
22 les événements. Il a exigé que Strugar et Jokic aillent à Belgrade ce jour-
23 là encore, pour lui rendre compte de l'attaque, pour faire rapport.
24 De l'avis de la Chambre de première instance, que vous allez trouver
25 au paragraphe 427, la poursuite de l'attaque pendant la journée du 6
26 décembre était, je cite : "Une preuve révélatrice et convaincante" de
27 l'état véritable des ordres donnés par l'accusé. La Chambre a notamment
28 constaté que Strugar n'avait pas donné d'ordres visant à enrayer l'attaque,
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1 à l'arrêter. S'il n'avait pas été responsable de l'ordre initial, la
2 Chambre aurait pu s'attendre à ce qu'il exige qu'une attaque illégale
3 s'arrête, et surtout après que cette attaque, comme le dit la Chambre de
4 première instance, ait "échappé à tout contrôle." S'il n'avait pas été
5 responsable du premier ordre donné, il aurait donné l'ordre, à ce moment-
6 là, d'y mettre fin à cette attaque.
7 Au contraire, la Chambre a constaté qu'entre midi et midi et demi, ce
8 jour-là, le général Strugar a rencontré un observateur de la MOCE, Colm
9 Doyle, à qui il avoue ou reconnaît qu'il a, je cite : "tiré sur la ville
10 de Dubrovnik." Ceci avant qu'il n'aille à Belgrade, avant qu'il n'y ait
11 cette apparence d'enquête. Ceci alors qu'on est dans le feu de l'action,
12 Strugar dit à un observateur de la MOCE qu'il a tiré sur la ville de
13 Dubrovnik.
14 Les résultats consécutifs à l'attaque confirment encore plus les
15 conclusions de la Chambre de première instance qui dit que c'est Strugar
16 qui a ordonné cette attaque. S'il n'avait pas donné cet ordre, on pourrait
17 s'attendre ici aussi à ce qu'il prenne des mesures vigoureuses pour punir
18 ses subordonnés indisciplinés qui ont entamé cette action illégale qui
19 n'avait pas été autorisée et qui ont créé des problèmes pour lui envers ses
20 supérieurs de Belgrade.
21 Au contraire, les faits montrent que Strugar a approuvé cette action
22 militaire. Un exemple, Strugar a invité Kovacevic à proposer que des
23 soldats qui s'étaient distingués fassent l'objet d'une récompense, d'une
24 distinction pour leur participation à l'attaque du 6 décembre 1991. Il n'a
25 rien fait pour empêcher cette promotion extraordinaire dont a bénéficié
26 Kovacevic [comme interprété].
27 En résumé, la Chambre de première instance a bien examiné l'ensemble des
28 événements pour conclure que c'était lui qui avait donné l'ordre d'attaquer
Page 126
1 Srdj.
2 Maintenant, j'aimerais revenir à deux des griefs présentés ce matin
3 concernant l'ordre d'attaquer. D'abord, voyons ce qu'aurait reconnu
4 Strugar, ce qu'il a reconnu. La Chambre constate au paragraphe 164 que
5 Strugar avait reconnu en parlant à l'observateur Doyle qu'il avait donné
6 l'ordre d'attaquer Srdj. La Chambre a accueilli l'élément de preuve
7 présenté par Doyle qui a dit que lorsqu'il a rencontré Strugar, vers midi,
8 le 6 décembre, Strugar lui avait expliqué qu'il avait répondu aux
9 provocations croates en Bosnie-Herzégovine en, je cite : "Tirant sur la
10 ville de Dubrovnik."
11 C'est vrai, comme le dit la Défense, c'est vrai que Strugar n'utilise
12 pas le mot de Srdj. Mais que veulent dire les mots qu'il utilise ? Ça veut
13 dire que Strugar a ordonné une attaque de la ville de Dubrovnik. Cependant,
14 la Chambre de première instance était en droit d'inscrire la déclaration de
15 Doyle dans le contexte des autres éléments de preuve et d'adopter une
16 interprétation qui était plus favorable à l'accusé. Pourquoi dis-je plus
17 favorable ? Parce que Srdj c'était en fait un objectif militaire légitime.
18 Et là donc c'est une interprétation plus favorable qu'une interprétation
19 qui dirait que c'est la ville même de Dubrovnik qui a été attaquée.
20 C'était là la bonne démarche à prendre. Quoi qu'il en soit, la
21 Chambre a reconnu au paragraphe 343 que s'il y avait attaque de Srdj, ceci
22 allait forcément provoquer des tirs des défenseurs croates et qu'un échange
23 de tirs d'artillerie, impliquant la ville de Dubrovnik, faisait partie
24 intégrante de l'attaque de Srdj. C'était là une interprétation raisonnable
25 à laquelle s'est livrée la Chambre et la Défense n'a pas prouvé qu'il y
26 aurait eu de la part de la Chambre de première instance une erreur.
27 Car cette dernière a tenu compte de l'interprétation évoquée ce matin
28 par la Défense. La Chambre a tenu compte de tous ces griefs et
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1 l'interprétation qu'elle a retenue était favorable à l'accusé à cet égard.
2 Lorsqu'elle a accepté les dires de Doyle à propos de cette rencontre,
3 la Chambre a rejeté ce qu'avait dit le témoin à décharge Svicevic. La
4 Chambre ne l'a tout simplement pas cru, mais elle a expliqué pourquoi elle
5 ne l'a pas cru.
6 La Chambre a conclu qu'il avait essayé de donner une nouvelle
7 interprétation de ses notes en déformant cet ordre et que c'était là un
8 mensonge flagrant. La Défense n'a pas prouvé que cette conclusion n'était
9 pas raisonnable.
10 J'aborde maintenant mon deuxième point. La Chambre a conclu que
11 c'était Strugar qui avait ordonné l'attaque. Cette conclusion n'était pas
12 fonction de savoir si son subordonné, Jokic, avait assisté à la réunion de
13 planification. Il y a eu cette réunion à Kupari dans la soirée du 5
14 décembre. Des officiers supérieurs du 9e VPS y planifient l'attaque de
15 Srdj. Le témoin à décharge Jovanovic était présent à cette réunion, il est
16 venu dire que Jokic était présent à cette réunion. On a rappelé Jokic en
17 réfutation et celui-ci a nié cette allégation.
18 La Chambre a exprimé certaines réserves en ce qui concerne le
19 témoignage de Jokic parce qu'il avait un intérêt personnel à dire que Jokic
20 était présent à cette réunion et parce que ce qu'il a dit de cette réunion
21 ne correspondait pas à la réalité militaire de la situation.
22 En fin de compte, la Chambre de première instance, au paragraphe 88,
23 a estimé que la présence de Jokic à cette réunion n'était pas déterminante
24 pour ce qui est de la décision et que cette question restait "en suspens."
25 C'était une conclusion raisonnable. La Défense voudrait que Jokic
26 soit à cette réunion parce qu'elle veut faire valoir que Jokic avait
27 participé à la planification et à l'exécution d'attaque, de façon à montrer
28 que Strugar, lui, n'était pas impliqué. Cependant, la conclusion de la
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1 Défense ne découle pas de la prémisse posée. Si on dit que Jokic était à
2 cette réunion, ça ne montre pas nécessairement qu'il n'y a pas eu
3 d'implication de Strugar. Ça ne montre pas que ce n'est pas Strugar qui a
4 donné l'ordre.
5 La Chambre de première instance s'intéresse aux conséquences de la
6 participation de Jokic, paragraphe 98 du jugement. C'est là que la Chambre
7 réfléchit au témoignage de Johic [phon] et rejette l'argument voulant que
8 le plan était "concocté et exécuté par le 9e VPS dont l'amiral Jokic, sans
9 que l'accusé soit au courant et ceci étant contraire aux ordres donnés par
10 l'accusé."
11 La Chambre de première instance au paragraphe 88 note que la démarche
12 qu'elle a retenue a des conséquences sur la crédibilité accordée à Jokic.
13 Bien que l'Accusation ait fait valoir partant du témoignage de Jokic qu'il
14 n'était pas présent à cette réunion, la Chambre conclut que cette question
15 n'est pas réglée et cette conclusion même montre que la Chambre n'a pas
16 accueilli le témoignage de Jokic en la matière. Tout au long du jugement,
17 la Chambre de première instance évalue le témoignage de Jokic avec beaucoup
18 de prudence. Elle savait qu'il y avait une procédure intentée en parallèle
19 contre Jokic. La Chambre examine le témoignage de Jokic partant des
20 déclarations qu'il a faites auparavant. Elle accepte son témoignage sur
21 certains points et elle le rejette sur certains points.
22 A certains endroits, la Chambre a cherché à voir s'il était possible
23 de voir une corroboration indépendante de ce que disait Jokic des
24 événements. La Chambre a conclu que la présence de Jokic à cette réunion
25 était quelque chose qui restait sans réponse véritable. C'était une
26 conclusion raisonnable et une conclusion qui montre bien que la Chambre est
27 prudente quand elle examine la fiabilité, la crédibilité du témoignage de
28 Jokic.
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1 La Défense n'a pas montré que les conclusions de la Chambre de
2 première instance à propos de la réunion de Kupari auraient été
3 déraisonnables. En fin de compte, les éléments de preuve prouvent que
4 Strugar a donné l'ordre d'attaquer Srdj, que Jokic ait été présent à la
5 réunion ou pas.
6 Permettez-moi de corriger le compte rendu d'audience et il semblerait
7 que ce soit Jokic qui ait été inscrit alors que c'est Strugar qui a donné
8 l'ordre d'attaquer Srdj.
9 En l'absence d'un ordre écrit, qui aurait peut-être été la réponse
10 idéale à certaines des questions posées par la Défense ce matin, l'absence
11 de cet ordre écrit n'est rien de surprenant, d'autant que nous avons ici un
12 contexte diplomatique des plus délicats, le fait que la communauté
13 internationale s'intéresse beaucoup et de très près à l'attaque et compte
14 tenu aussi de l'enquête menée par la suite par la JNA.
15 Aux paragraphes 6 et 7, nous avons ce que dit la Chambre, qui dit que
16 certains documents n'ont pas pu être trouvés. On dit aussi que certains de
17 ces documents ont été falsifiés, ont été forcés. Vu ces circonstances,
18 l'absence d'un document écrit ne devrait pas pousser la Chambre d'appel à
19 modifier la décision.
20 La Chambre de première instance a constaté, après avoir vu les
21 documents qui se confirmaient les uns les autres, elle a conclu que c'était
22 le général Strugar qui avait ordonné aux forces se trouvant sous son
23 commandement d'attaquer Srdj. Strugar l'a dit lui-même à Doyle. Les
24 circonstances diplomatiques, les réalités militaires, la chronologie des
25 événements, la durée de l'attaque, ainsi que le fait que Strugar a approuvé
26 les actions menées par les participants, ceci prouve de façon logique et
27 raisonnable que cette attaque a été entreprise suite aux ordres donnés par
28 Strugar.
Page 131
1 La Défense s'est concentrée sur cet ordre comme si en l'absence d'un
2 tel ordre on pourrait décider que Strugar doit être acquitté. Mais ce n'est
3 pas vrai. La condamnation de Strugar resterait d'application même s'il
4 n'avait pas donné l'ordre du 5 décembre.
5 Si ce n'est pas Strugar qui a donné l'ordre d'attaquer, à 7 heures du
6 matin lorsque, après le coup de fil de Kadijevic, il a appris que des
7 forces se trouvant sous son commandement à lui entreprenaient une attaque
8 non autorisée sur Dubrovnik, se lançaient dans des combats non autorisés,
9 il aurait eu encore plus de raisons d'être inquiet, alarmé devant la
10 possibilité que des crimes allaient être commis, inquiet devant le risque
11 réel et raisonnable que des crimes étaient sur le point d'être commis.
12 J'aimerais maintenant aborder la deuxième question que vous avez
13 posée en ce qui concerne la qualité ou le statut des victimes.
14 Mato Valjalo et Ivo Vlasica étaient tous deux des civils. La Défense
15 n'a pas contesté la qualité de Vlasica en appel.
16 S'agissant de Mato Valjalo, nous avons répondu de façon détaillée aux
17 arguments présentés par la Défense sur la qualité de cette personne dans
18 notre mémoire en réponse, arguments aussi évoqués en première instance. Aux
19 paragraphes 166 jusqu'à 172 du mémoire de clôture, l'Accusation a expliqué
20 que ce n'était pas un membre des forces armées. Il était chauffeur pour la
21 cellule de Crise de Dubrovnik, et c'est à cause de ce travail qu'il a reçu
22 sa retraite.
23 Ce sont des éléments qui ont été entendus par la Chambre de première
24 instance, qui a conclu que cet homme était un civil qui n'avait pas de part
25 active aux hostilités. Ce même homme a aussi été considéré comme étant une
26 victime dans l'affaire Jokic, et la Chambre de première instance Jokic a
27 tiré la même conclusion, conclusion qui a été confirmée en appel. Il y
28 avait une deuxième partie à votre question. Vous demandiez si un combattant
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1 peut constituer une cible militaire légale en vertu du droit international
2 humanitaire. C'est un peu plus compliqué ici par le fait que, même si
3 l'Accusation a dit qu'il y avait conflit armé international, et dans son
4 mémoire en clôture a dit que la Croatie était devenu un Etat lorsque arrive
5 le 6 décembre 1991, la Chambre n'a pas tiré de conclusion déterminante en
6 la matière.
7 Si on considérait que le conflit armé était international, un
8 combattant était manifestement une cible militaire légale. Mais lorsqu'on a
9 un conflit armé qui n'est pas international, l'étiquette de combattant veut
10 dire qu'on a le droit de participer à un conflit armé, qu'on peut avoir
11 aussi le statut de prisonnier de guerre, mais cette qualité ne s'applique
12 pas de façon spécifique. Bien sûr, la logique veut qu'on fasse une
13 distinction entre des membres des forces armées et d'autres groupes armés
14 organisés d'une part. Ce sont des personnes qui, effectivement, exécutent
15 des hostilités au nom des partis à un conflit. Il est important de faire
16 une distinction entre ce groupe-là et le groupe des civils qui ne prennent
17 pas part activement.
18 En vertu du Protocole additionnel de l'article 13, un combattant qui
19 participe à un conflit armé, notamment international, à ce moment-là, on
20 reprend la définition de l'article commun 3, à ce moment-là, il perd son
21 statut.
22 La participation directe ou active à des hostilités exige un lien de
23 causalité direct entre l'activité et le mal militaire qu'on fait à
24 l'ennemi. Dans les mots utilisés par le CICR, lorsqu'on prend part de façon
25 active à une hostilité, cela veut dire qu'on est engagé dans la guerre, ce
26 qui signifie que ceci a pour but de causer du tort en toute probabilité à
27 du personnel ou à des équipements des forces armées. Les civils sont
28 souvent utilisés ou font partie de l'effort de guerre, mais ceci ne
Page 133
1 signifie pas pour autant qu'un civil devient une cible militaire légitime.
2 Dans ce cas, la cellule de Crise ne faisait pas partie des forces
3 armées, et quand bien même c'eut été le cas, Mato Valjavo n'était pas un
4 membre de la cellule de Crise et, dans sa position d'auxiliaire, puisqu'il
5 était chauffeur, il ne répond pas aux critères et n'a pas pris directement
6 part aux hostilités. La façon dont on a caractérisé sa retraite dans le
7 cadre de la législation nationale ne permet pas de déterminer son statut à
8 la lumière des critères requis par le droit international humanitaire.
9 Simplement pour répondre à votre argument, si on indique qu'une des
10 victimes était un membre d'un groupe organisé ou de forces armées qui
11 étaient à l'origine des hostilités, à ce moment-là on répondrait par oui en
12 disant qu'il s'agit à ce moment-là d'une cible militaire légitime. Mais
13 s'il s'agit d'un civil qui participait directement aux hostilités, à ce
14 moment-là, encore une fois il pourrait être pris pour cible de façon
15 légitime pendant la durée de sa participation. En tant que cible légitime,
16 on estimerait que ce ne serait pas une victime d'une attaque illégale
17 contre une victime tel que cela est précisé au chef 3 de l'acte
18 d'accusation.
19 La Chambre de première instance a estimé à juste titre que ces deux
20 victimes étaient des civils qui ne prenaient pas une part active aux
21 hostilités. Ces conclusions étaient raisonnables et devraient être
22 confirmées.
23 Merci, Madame, Messieurs les Juges. J'en ai terminé avec mes
24 arguments. Bien sûr, si vous avez des questions à poser, je suis tout à
25 fait disposée à y répondre.
26 Mme LE JUGE VAZ : Apparemment, il n'y a pas de questions. Nous vous
27 remercions, Madame Baig. C'est M. Tracol qui va prendre la suite ? Oui.
28 Soumissions par M. Tracol :
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1 M. TRACOL : [interprétation] Oui, Madame la Présidente.
2 [en français] Je vais maintenant répondre aux second et troisième motifs
3 d'appel de la Défense en commençant par notre réponse au troisième motif
4 d'appel de la Défense.
5 Etant donné que la Défense n'a pas présenté d'argument ce matin
6 relatif au premier élément de la responsabilité du supérieur hiérarchique,
7 donc relatif au lien de subordination, je n'ajouterai rien à ce que nous
8 avons déjà répondu dans notre mémoire en réponse.
9 Je serai également très bref relativement au second élément de la
10 responsabilité du supérieur hiérarchique, à savoir l'élément moral. Je
11 relèverai simplement ceci : Strugar avait des raisons de savoir que ses
12 subordonnés commettaient des crimes et était informé de l'attaque à partir
13 de l'appel téléphonique du général Kadijevic le 6 décembre à 7 heures du
14 matin. Il s'agit là de la conclusion de la Chambre de première instance au
15 paragraphe 418 du jugement. Cette conclusion est bien fondée à la lumière
16 du contexte global et des circonstances de ce dossier. En effet, les forces
17 armées de Strugar avaient déjà bombardé la ville aux mois d'octobre et de
18 novembre 1991. Le deuxième élément-clé est bien entendu le témoignage de
19 Jokic qui est relatif à l'appel téléphonique de Strugar le 6 décembre à
20 7 heures du matin.
21 Je me contenterai de relever ces deux éléments, étant donné que la Défense
22 n'a pas présenté d'arguments ce matin sur l'élément moral du supérieur
23 hiérarchique.
24 S'agissant maintenant du troisième élément de la responsabilité de
25 supérieur hiérarchique. Strugar n'a pas pris les mesures nécessaires et
26 raisonnables pour empêcher les crimes et pour punir les auteurs. Tout
27 d'abord, Strugar est pénalement responsable de ne pas avoir empêché les
28 crimes. Et là encore, je relève que la Défense est restée silencieuse sur
Page 135
1 cet élément de la responsabilité de supérieur hiérarchique ce matin. Je
2 relèverai donc simplement la chose suivante, qui est que les conclusions de
3 la Chambre de première instance aux paragraphes 420 à 434 du jugement,
4 selon lesquelles Strugar n'a pris aucune mesure efficace à partir de 7
5 heures du matin, sont parfaitement raisonnables, et la Défense n'a démontré
6 aucune erreur de la Chambre de première instance dans son analyse.
7 Je me contenterai de relever trois points. Le premier étant que les actions
8 de Strugar ont toutes été inefficaces. Le second point est que Strugar n'a
9 pas donné d'ordre d'arrêter l'attaque de Srdj. Le troisième point est que
10 le cessez-le-feu a également été inefficace. J'en resterai là sur le fait
11 que Strugar n'a pas empêché la commission des crimes, étant donné que la
12 Défense n'a pas présenté d'arguments ce matin à ce sujet. Mais Strugar n'a
13 pas non plus puni les auteurs des crimes.
14 La Chambre de première instance a conclu à juste titre, au paragraphe 446
15 du jugement, que Strugar n'a pas puni les auteurs. Il n'a pas fait
16 diligenter d'enquêtes sur le comportement de ses subordonnés responsables
17 du bombardement de la vieille ville. Il n'a pris aucune mesure
18 disciplinaire à leur encontre à la suite des événements du 6 décembre 1991.
19 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance
20 a fourni des motifs approfondis et détaillés fondant sa conclusion au
21 paragraphe 436 du jugement, selon laquelle Jokic a mené un simulacre
22 d'enquête dont l'objectif ne consistait pas à établir la vérité ou à punir
23 les auteurs, et ce, avec le consentement tacite de Strugar. Strugar ne fait
24 même pas valoir, et démontre encore moins, qu'aucun juge des faits
25 raisonnable n'aurait pu rendre les conclusions contenues dans le jugement.
26 La Chambre de première instance a également conclu à juste titre, au
27 paragraphe 439 du jugement, que Strugar, et je cite : "…ne serait-ce qu'en
28 donnant son consentement tacite, a participé à l'arrangement par lequel
Page 136
1 l'amiral Jokic a ouvert un simulacre d'enquête et pris un simulacre de
2 mesures disciplinaires avant de soumettre au premier secrétariat un rapport
3 qui dégageait la responsabilité de la JNA pour les dommages subis par la
4 vieille ville." Strugar n'était pas, ou ne pensait pas être, dans
5 l'impossibilité d'agir, ou n'avait pas reçu l'ordre de ne pas intervenir
6 dans les événements du 6 décembre.
7 Le fait que le général Kadijevic a délégué l'obligation d'établir le
8 rapport à Jokic ne signifie pas que Strugar aurait dû abjurer sa propre
9 obligation de punir ses subordonnés. Un supérieur hiérarchique doit
10 s'assurer qu'une enquête sur les crimes est correctement menée.
11 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, contrairement à ce que Me Rodic
12 a prétendu, Strugar n'a pas été marginalisé ni mis sur la touche. La
13 Défense se contente de répéter les arguments relatifs à l'exclusion de
14 Strugar par le général Kadijevic qu'elle a déjà exprimés lors du procès.
15 Les Juges de première instance ont examiné ces arguments de la Défense au
16 paragraphe 438 du jugement, et les Juges de première instance ont rejeté
17 ces arguments de la Défense aux paragraphes 439 puis 442 du jugement.
18 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, il est simplement inconcevable
19 qu'un supérieur hiérarchique serait relevé de son obligation de punir sur
20 le simple fondement d'ordre supérieur. Si la commission de crimes est
21 couverte au niveau supérieur, l'argument de la Défense signifie qu'un
22 supérieur hiérarchique n'aurait aucune obligation d'intervenir. En
23 l'espèce, Strugar avait l'obligation de se tenir informé à deux niveaux
24 inférieurs dans la hiérarchie, et ce, en vertu de la doctrine de la JNA.
25 Zorc, qui était l'expert de l'Accusation, a présenté un rapport à ce sujet;
26 il s'agit de la pièce P 204. Il a également témoigné à ce sujet lors du
27 procès, et je renvoie la Chambre aux comptes rendus d'audience aux pages
28 6 595, 6 596, 6 692 et 6 693. De plus, comme M. le Juge Meron l'a relevé,
Page 137
1 Strugar était intéressé par cette enquête et par ses résultats.
2 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, les conclusions de la Chambre de
3 première instance sont également bien fondées compte tenu des événements
4 ultérieurs. Plutôt que de punir Kovacevic, Strugar ne s'est pas opposé à la
5 promotion de Kovacevic, bien qu'il avait la compétence de le faire, comme
6 les Juges de première instance l'ont justement relevé au paragraphe 441 du
7 jugement. Le commandement de la 472e Brigade motorisée a proposé la
8 promotion extraordinaire de Kovacevic à capitaine de première classe avec
9 effet rétroactif au 11 novembre, après le bombardement de la vieille ville
10 au mois de novembre 1991. Kovacevic a été promu le 14 décembre, à savoir
11 seulement huit jours après le 6 décembre, date du bombardement de la
12 vieille ville. Il est clair que Strugar a décidé de ne pas utiliser les
13 outils qui étaient à sa disposition pour s'opposer à la promotion de
14 Kovacevic. Strugar a ainsi purement et simplement abrogé son obligation de
15 punir les auteurs.
16 La promotion de Kovacevic n'est pas la seule preuve du manquement de
17 Strugar à son obligation de punir les auteurs. Mais cette promotion
18 démontre deux points : le premier est que la promotion de Kovacevic fournit
19 une preuve circonstancielle qui montre et qui confirme indirectement que
20 Strugar n'a pas donné l'ordre de cesser l'attaque contre Srdj le 6 décembre
21 à 7 heures du matin.
22 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, si Kovacevic n'avait pas
23 respecté son ordre, alors Strugar aurait pris des mesures disciplinaires à
24 son encontre plutôt que de ne pas s'opposer à sa promotion.
25 Le second point est que la promotion de Kovacevic est tellement
26 stupéfiante qu'elle démontre encore plus que Strugar a avalisé et approuvé
27 l'attaque contre Srdj.
28 Enfin, la Chambre de première instance a spécifiquement conclu, au
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1 paragraphe 441 du jugement, que la visite du général Panic, chef d'état-
2 major adjoint de la JNA au 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée, a eu
3 lieu.
4 La Chambre de première instance n'a pas eu besoin de résoudre la
5 question de la date de cette visite dans la mesure où l'importance de la
6 visite réside dans le fait qu'au moment de cette visite Strugar a invité
7 Kovacevic, et je cite le paragraphe 441 du jugement : "A désigner les
8 militaires qui s'étaient distingués lors des événements du 6 décembre."
9 La Chambre de première instance a raisonnablement accepté le
10 témoignage de Jokic sur ce point.
11 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, cela conclut mon
12 réquisitoire en réponse au troisième motif d'appel de la Défense. Je peux
13 maintenant brièvement examiner le second motif d'appel de la Défense, mais
14 je me propose de simplement répondre à la première question qui a été posée
15 aux parties, si cela convient à la Chambre.
16 Mme LE JUGE VAZ : Oui, très bien, vous pouvez poursuivre. Tout à
17 l'heure, le Juge Shahabuddeen va vous poser une question. Veuillez
18 poursuivre maintenant.
19 M. TRACOL : Madame la Présidente, Messieurs les Juges, la Chambre de
20 première instance a conclu à juste titre au paragraphe 283 in fine du jugement
21 que je cite la question de savoir si un critère moins strict que celui de
22 l'intention directe pourrait suffire ne se pose pas en l'espèce.
23 Mais pour répondre à votre question, la position de l'Accusation est que le
24 critère relatif à l'élément moral des attaques à l'encontre des biens à
25 caractère civil devrait être identique à celui des attaques contre les
26 civils sur lequel la Chambre d'appel s'est déjà prononcée au paragraphe 140
27 de l'arrêt Galic et de la destruction ou de l'endommagement délibéré de
28 biens culturels.
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1 Selon l'Accusation, le critère de l'intention indirecte suffit pour les
2 attaques contre les biens à caractère civil. Cela signifie concrètement que
3 l'accusé doit être conscient de la réelle probabilité que des dommages
4 illégaux seraient causés aux biens à caractère civil.
5 Cela conclut ma réponse à la première question de la Chambre d'appel aux
6 parties. Je me tiens à la disposition de la Chambre pour toute question.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Tracol, ce qui
8 m'intéresse, ce sont les points qui ont été soulevés par vos collègues
9 ainsi que par le conseil de la Défense sur les enquêtes qui auraient été
10 ordonnées au niveau des échelons supérieurs de la JNA et qui opéraient, qui
11 agissaient sur le principe de l'unité du commandement et qui ont
12 neutralisé, en quelque sorte, toute obligation qui aurait dévolu à un
13 commandant pour prévenir et empêcher ses subordonnés.
14 Est-ce que j'ai bien compris votre réponse à cette question, l'obligation
15 d'un commandant d'empêcher ou de punir, ceci peut être écarté lorsque cette
16 disposition est prise à un niveau supérieur et en tenant compte du principe
17 de l'unicité du commandement, mais pas, d'après vous, lorsque l'action
18 menée au niveau supérieur, lorsque cette action a toujours été communiquée
19 au commandement supérieur et qu'il s'agissait en fait d'un simulacre, et
20 donc cela n'était pas vrai. C'est cela, votre position ?
21 M. TRACOL : Monsieur le Juge, la position de l'Accusation est que le
22 commandant d'une armée a toujours, à condition, bien entendu, que les
23 autres éléments de la responsabilité du supérieur hiérarchique soient réunis,
24 l'obligation de punir s'il a connaissance de la commission de crimes. Le
25 fait qu'une enquête soit confiée par un supérieur hiérarchique à un
26 subordonné du commandant en question ne retire pas l'obligation de punir au
27 supérieur hiérarchique qui est concerné. Voilà le principe.
28 Cela étant, il convient, bien entendu, de l'appliquer aux faits de
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1 l'espèce. Et l'autre élément qui joue un rôle dans ce dossier, selon nous,
2 est le principe de l'unicité et l'obligation de la part des supérieurs
3 hiérarchiques de se tenir informés à deux niveaux hiérarchiques inférieurs,
4 le corollaire est bien entendu l'obligation pour les subordonnés d'informer
5 leurs supérieurs hiérarchiques à deux niveaux supérieurs. Ces deux éléments
6 confirment que Strugar avait l'obligation de punir ses subordonnés.
7 Bien entendu, si on regarde également les faits de l'espèce, l'élément
8 moral de la responsabilité du supérieur hiérarchique était bien présent
9 puisque Strugar avait connaissance, à partir du 6 décembre à 7 heures du
10 matin, de la commission des crimes. C'est cette connaissance qui l'amenait
11 à s'assurer que ses subordonnés soient punis pour les crimes qui ont été
12 commis.
13 Mme LE JUGE VAZ : Le Juge Meron a une question pour M. Tracol.
14 Oui, Monsieur le Juge.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le conseil de la Défense a fait valoir
16 que le général Strugar a été sorti du groupe ou de cette boucle, à savoir
17 qu'il y avait des ordres supérieurs qui avaient été donnés à l'amiral Jokic
18 pour mener une enquête. Il a également fait valoir qu'à aucun moment le
19 général Strugar n'a reçu des copies ou exemplaires de ces rapports.
20 D'après ce que j'ai compris, d'après les règles de discipline militaire, il
21 n'était pas en mesure de demander à recevoir ces exemplaires ou bien
22 d'intervenir d'une manière ou d'une autre.
23 Alors comment le général Strugar aurait-il pu prendre des mesures pour
24 mener une enquête et punir s'il n'était pas au courant de la teneur de ces
25 rapports, des rapports de l'amiral Jokic ?
26 Je pense que les questions de l'enquête et de la punition ont été gérées
27 différemment et émanaient d'ordres donnés d'une autorité suprême militaire.
28 Donc qu'est-ce qu'il aurait dû faire dans ce cas ? Et je suis tout à fait
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1 au courant de la teneur du paragraphe 445 du jugement rendu par la Chambre
2 de première instance.
3 M. TRACOL : Les réponses ont déjà été présentées lors du procès. Ces
4 arguments ne sont en rien nouveaux. La Chambre de première instance les a
5 examinés et les a rejetés. Et j'attire votre attention non pas sur le
6 paragraphe 445 du jugement, mais sur la conclusion de la Chambre de
7 première instance au paragraphe 443 du jugement qui est la suivante : Dans
8 la chaîne de commandement normale de la JNA, une communication de l'amiral
9 Jokic au général Kadijevic passait par le commandant du 2e GO. Monsieur le
10 Juge, le commandant du 2e GO était Strugar en l'espèce.
11 Pour compléter ma réponse, il est simplement inconcevable compte tenu de la
12 doctrine militaire de la JNA et de la règle d'informer ses supérieurs
13 hiérarchiques à deux niveaux hiérarchiques supérieurs, que Strugar n'ait pas
14 été informé du contenu du rapport de l'amiral Jokic.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Comment comprenez-vous le paragraphe
16 445 du jugement alors, Monsieur Tracol ? Est-ce que le général Strugar
17 avait compris quels étaient les ordres qui avaient été donnés à l'amiral
18 Jokic et avait l'intention de l'écarter ? Le général dit qu'il n'aurait
19 jamais dû essayer d'entreprendre ou, en tout cas, n'aurait jamais dû ouvrir
20 une enquête ou prendre des mesures disciplinaires. Est-ce que vous pourriez
21 m'en dire un petit peu davantage car je suis un petit peu mal à l'aise avec
22 cette idée-là.
23 M. TRACOL : Monsieur le Juge, même si la mission qui a été confiée par le
24 général Kadijevic à l'amiral Jokic est simplement de couvrir les événements
25 qui ont eu lieu, le contenu de cette mission ne permet aucunement au
26 général Strugar de se dégager de sa propre obligation de punir ses
27 subordonnés. Tous les éléments de la responsabilité du supérieur
28 hiérarchique sont réunis dans ce dossier.
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1 Le général Strugar avait donc une obligation de punir ses subordonnés pour
2 les crimes qui ont été commis et le fait qu'une enquête ait été diligentée
3 à un niveau hiérarchique supérieur par le général Kadijevic à l'un de ses
4 subordonnés, à savoir l'amiral Jokic, ne permet pas au général Strugar de
5 se dégager de sa propre obligation.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que quelqu'un a été puni compte
7 tenu des premiers rapports qui ont été rédigés ?
8 M. TRACOL : Non, Monsieur le Juge. Aucun subordonné du général Jokic n'a
9 été puni suite à l'enquête, le simulacre d’enquête plutôt, qui a été mené
10 par l'amiral Jokic. Cela, en soi, est assez parlant pour montrer que
11 l'obligation de punir n'a pas été respectée.
12 Seul Jovanovic a été puni, mais il s'agissait simplement d'une punition
13 temporaire et en rien de cela ne peut qualifier comme satisfaisant de
14 l'obligation de punir du général Strugar.
15 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions, Monsieur Tracol.
16 Pour la suite de votre présentation.
17 M. TRACOL : Madame la Présidente, je passe la parole à ma collègue Me Helen
18 Brady, à propos du quatrième motif d'appel de la Défense.
19 Mme LE JUGE VAZ : Madame Brady, vous avez besoin de combien de temps pour
20 votre présentation ?
21 Mme BRADY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais être très
22 brève en réponse au quatrième motif d'appel de la Défense portant sur la
23 peine. Deux ou trois minutes au maximum à ce stade de la procédure.
24 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions.
25 Mme BRADY : [interprétation] Merci. Selon nous, la peine prononcée, la
26 peine de huit ans, n'est pas excessive contrairement à ce que nous dit la
27 Défense, et comme nous allons le faire valoir dans notre propre appel
28 contre la peine prononcée, c'est bien le contraire qui est exact. La peine
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1 prononcée est une peine qui est totalement inadaptée.
2 Et la raison pour laquelle je suis en mesure d'être aussi rapide que
3 je vais l'être pour répondre aux arguments de la Défense au sujet de la
4 peine, c'est que la plupart des questions qui ont été soulevées par la
5 Défense à ce sujet correspondent aux questions que nous-mêmes nous abordons
6 au sujet de la peine. Il s'agit en l'occurrence de la comparaison de M.
7 Strugar avec le cas Jokic et il s'agit également des soi-disant excuses
8 formulées par Strugar au moment des faits et au moment du procès.
9 Etant donné qu'il y a regroupement entre ces arguments, je n'ai pas
10 l'intention d'y répondre directement. J'en parlerai cet après-midi au
11 moment où je développerai notre propre argumentation expliquant pourquoi
12 selon nous la peine prononcée est insuffisante.
13 Cependant, le conseil de la Défense a également évoqué d'autres
14 points, d'autres points qui ne figurent pas dans notre dossier d'appel. Il
15 fait valoir notamment que la Chambre de première instance n'a pas accordé
16 suffisamment de poids à certains facteurs. Il mentionne la situation
17 personnelle, la situation de famille de l'accusé, sa personnalité, le fait
18 qu'il se soit rendu au Tribunal, il parle de son âge, de son état de santé.
19 Et ce matin, au cours de son intervention, le conseil de la Défense a
20 insisté sur ces deux points, celui de l'âge et de l'état de santé.
21 Pour répondre, nous nous appuyons sur notre mémoire en réponse. La
22 Chambre de première instance a bel et bien pris en compte ces facteurs. Me
23 Rodic l'a mentionné ce matin, la Chambre de première instance disposait
24 d'éléments de preuve relatifs à tous les troubles cognitifs ou physiques
25 dont souffre M. Strugar. Ceci a été mentionné dans le mémoire en clôture de
26 la Défense en première instance qui est mentionné au paragraphe 467 du
27 jugement de première instance.
28 Non seulement la Chambre de première instance disposait de ces
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1 éléments, mais la Chambre a précisé qu'elle accordait un certain poids à
2 ces éléments. Je me permettrais de vous renvoyer, je recherche mon
3 exemplaire en anglais du jugement, donc je vous renvoie au paragraphe 469
4 de ce jugement de première instance, 469, où la Chambre de première
5 instance dit : "L'accusé a 71 ans et est en mauvaise santé. En effet, il
6 souffre de démence vasculaire et de dépression et il a des pertes de
7 mémoire."
8 Je pense que ceci nous ramène à la question posée ce matin par M. le
9 Juge Guney, en réalité, oui, la Chambre de première instance a tenu compte
10 de certains cas, de certains éléments bien particuliers, de certains
11 aspects de son état de santé, mais cela ne signifie pas pour autant que la
12 Chambre de première instance n'ait tenu aucun compte des autres éléments,
13 des autres manifestations plus physiques de l'état de santé de M. Strugar.
14 En bref, la Défense n'a pas établi que la Chambre de première instance
15 n'avait pas tenu compte suffisamment de ces facteurs. J'en ai terminé de
16 mon intervention au sujet de la peine à ce stade de notre procédure. Et je
17 vais intervenir de nouveau à ce sujet cet après-midi lorsque je parlerai de
18 notre appel. Et à ce moment-là, j'interviendrai également sur ce que nous a
19 dit le conseil de la Défense au sujet de l'état de santé actuelle de M.
20 Strugar, de la détérioration de cet état de santé depuis le procès. Et je
21 vais intervenir sur la manière dont vous devriez tenir compte de ces
22 éléments si vous décidez d'appliquer une nouvelle peine à M. Strugar, de
23 modifier sa peine.
24 Voilà. J'en ai terminé de la réponse de l'Accusation à la Défense.
25 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions. Nous allons à présent observer la
26 pause d'une heure. Nous reprendrons à 14 heures. Merci à tous.
27 --- L'audience est suspendue à 13 heures 05.
28 --- L'audience est reprise à 14 heures 04.
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1 Mme LE JUGE VAZ : L'audience est reprise. Bon après-midi à tous.
2 A présent, nous allons entendre la réplique de la Défense. Vous avez
3 une demi-heure.
4 La Défense a la parole.
5 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Présidente.
6 Dans la réponse de l'Accusation à l'appel de la Défense, l'Accusation
7 maintient avec force que c'est Strugar qui a ordonné l'attaque contre Srdj.
8 Cette théorie est étayée par les arguments suivants : l'Accusation nous dit
9 que la Chambre de première instance s'est prononcée sur la base d'éléments
10 de preuve indiquant que le 23 novembre, à Genève, Kadijevic négociait au
11 sujet d'un cessez-le-feu; le 5 décembre, Jokic a négocié avec les Croates.
12 Ce soir-là, Kovacevic serait allé au commandement de Strugar.
13 En réponse à ces arguments, la Défense peut dire ce qui suit : il s'agit là
14 d'allégations de portée générale qui sont faites par l'Accusation, en
15 particulier lorsque l'Accusation nous dit que les conclusions de la Chambre
16 de première instance sont étayées par les éléments de preuve. La Défense,
17 quant à elle, a fourni des raisons très détaillées, basées sur les éléments
18 de preuve qui nous montrent, qui affirment que Strugar a ordonné l'attaque
19 contre Srdj est dénié de tout fondement. Je ne vais pas répéter ce que nous
20 avons dit dans nos écritures. Le bureau du Procureur a évoqué les
21 négociations, mais elle montre exactement le contraire de ce que
22 l'Accusation veut montrer. Strugar n'a pas ordonné l'attaque contre Srdj le
23 3 décembre à Belgrade lors d'une réunion avec les dirigeants les plus
24 importants de l'armée du pays. Il a été mis au courant de l'avancée des
25 négociations de Genève. En tant qu'officier professionnel et responsable
26 qui n'a jamais désobéi aux ordres de ses subordonnés, il a respecté l'ordre
27 qu'il a reçu, il a respecté les instructions qui lui ont été données.
28 Le 3 décembre, Strugar a assisté à une réunion à Belgrade et il a été
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1 informé de ces éléments. Jokic tout au long des mois d'octobre, novembre et
2 décembre a été le négociateur en chef au sein de l'armée de la JNA et il a
3 été informé qu'il devait procéder à des négociations et signer un cessez-
4 le-feu conformément à l'accord de Genève du 23 novembre 1991. Cependant,
5 comme l'a avancé la Défense et comme nous l'avons montré de manière
6 détaillée, le temps commençait à manquer pour lui et c'est la raison pour
7 laquelle tout au long du mois de novembre, dans ses rapports de combat au
8 3e Bataillon, qui était censé prendre Srdj, or, ça n'a pas été le cas.
9 C'est la raison pour laquelle il est important de s'appuyer sur les
10 arguments qui sont présentés par la Défense dans son mémoire d'appel. Il
11 est important d'établir si Jokic était présent à Kupari le 5 décembre. Il
12 est important de déterminer s'il a participé à la planification et à
13 l'ordre donné de mener à bien cette attaque. Il ne faut pas que cette
14 question reste sans réponse. C'est une question substantielle, d'une
15 importance substantielle pour toute conclusion qui serait rendue en
16 l'espèce.
17 L'Accusation nous dit que le 5 décembre Kovacevic était à Trebinje.
18 Au paragraphe 340 du jugement, la Chambre de première instance a parlé d'un
19 soi-disant accord. Strugar aurait participé, Kovacevic serait allé à
20 Trebinje, mais la Chambre de première instance a rejeté cet élément, parce
21 que rien ne le sous-tend et ne permet de le corroborer. Tout ceci repose et
22 découle de la déposition de Jokic aux pages 3 891 et 3 892 du compte rendu
23 d'audience, c'est ce que Jokic explique. Il explique que la brigade
24 d'origine, la 472e, de laquelle relevait le capitaine Kovacevic, était
25 cantonnée à Trebinje, son commandement se trouvait à Trebinje et ceci aussi
26 bien pendant la guerre qu'avant la guerre. Il ajoutait qu'il allait
27 fréquemment à Trebinje, ceci pour rester en contact avec sa brigade
28 d'origine. On ne peut donc pas se servir de cet élément pour faire des
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1 insinuations au sujet des contacts avec Strugar au sujet de l'attaque du 5
2 décembre.
3 Comme je l'ai déjà indiqué, ceci est ressorti de la déposition de
4 Jokic. Mais Jokic a également ajouté que ce sont deux officiers qu'il n'a
5 pas nommés et qui en ont informé des officiers qui avaient précédemment
6 travaillé au sein du groupe opérationnel. Kovacevic lui-même en 2001 en a
7 parlé juste avant de prendre le chemin de La Haye. Ceci en dit long sur la
8 crédibilité de sa déposition. Et en quoi cela peut lui importer de toute
9 manière, il essaie d'éloigner de lui-même tout soupçon de sa participation
10 à des agissements illicites.
11 Enfin, je voudrais vous rappeler que dans ses arguments,
12 l'Accusation, lorsqu'elle a analysé les éléments du dossier, et je parle là
13 du réquisitoire et du mémoire en clôture en première instance, l'Accusation
14 n'a pas adopté la théorie selon laquelle Strugar aurait ordonné l'attaque
15 contre Srdj ou que ceci reposait sur l'aveu qu'il aurait fait à Doyle au
16 sujet de l'attaque contre Dubrovnik.
17 L'Accusation essaie d'étayer cette théorie dans sa réponse en
18 s'appuyant sur la promotion obtenue par le capitaine Kovacevic. On fait le
19 lien entre lui-même et le général Strugar. On essaie de nous faire croire
20 que c'est la raison pour laquelle il a ordonné l'attaque contre Srdj, parce
21 qu'il voulait essayer de couvrir Kovacevic et ses agissements alors qu'il
22 savait en octobre et novembre 1991 que Kovacevic avait participé à des
23 incidents qui avaient entraîné le pilonnage de la vieille ville. On nous
24 affirme que Strugar n'a pas empêché Kovacevic de bénéficier d'une
25 promotion.
26 Dans notre mémoire d'appel, nous abordons de manière détaillée
27 l'ensemble de ces faits. Nous renvoyons également à des éléments du
28 dossier, à des faits qui confirment au-delà de tout doute raisonnable que
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1 le 3e Bataillon de la 472e Brigade, sous le commandement de Kovacevic, en
2 octobre, n'a participé à aucune activité de combat au moment du pilonnage
3 de la vieille ville.
4 De plus, si l'on se penche sur les ordres de combat qui ont été émis
5 entre le 9 et le 13 novembre 1991 par l'amiral Jokic, on constate que le 3e
6 Bataillon de la 472e Brigade et Kovacevic s'étaient vu confier la mission
7 suivante : on leur avait confié un axe et ils devaient utiliser leurs
8 unités d'infanterie pour s'emparer de cet axe. Mais si on examine ces
9 ordres en particulier, on constate qu'il n'y a pas eu d'intervention de
10 l'artillerie du 3e Bataillon, mais que leur mission était tout à fait
11 précise et limitée dans le temps et géographiquement. Il s'agissait pour
12 eux de fournir un appui à d'autres unités d'artillerie du 9e Secteur naval
13 de Jokic.
14 Je le répète, il s'agissait d'ordres de combat délivrés entre le 9 et
15 le 13 novembre. Il s'agissait de prendre la hauteur de Srdj.
16 Il faut également se souvenir des propos de l'amiral Jokic lorsqu'il
17 a déposé au sujet de l'enquête qu'il aurait menée en novembre au sujet de
18 ceux qui avaient participé au pilonnage de Srdj. Il a affirmé qu'à l'époque
19 il avait établi que c'était peut-être le capitaine Kovacevic et ensuite il
20 en a informé le 2e Groupe opérationnel, il a demandé à ce que Kovacevic
21 soit mis à pied. Cependant, il existe des éléments qui infirment ces
22 affirmations sans oublier tout ce dont a parlé à ce sujet la Défense. Il
23 s'agit, par exemple, de la pièce D100. On voit que le capitaine de frégate
24 Zec, qui est le chef de l'état-major du 9e Secteur naval, le 26 novembre
25 1991, le capitaine Zec fait une proposition au sujet des membres du 3e
26 Bataillon de la 472e Brigade. Il s'agit de les encourager et, pour ce
27 faire, beaucoup d'entre eux ont été proposés pour bénéficier de
28 décorations, de promotions, et cetera. C'est une proposition qu'il soumet
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1 au chef du 9e Secteur naval.
2 Voilà une pièce à conviction qui infirme indéniablement tout ce qui a
3 été affirmé par Jokic au sujet d'une enquête qu'il aurait soi-disant menée
4 en novembre 1991. Ceci nous montre que personne dans un autre groupe
5 opérationnel n'aurait pu être informé des actions entreprises soi-disant
6 par Kovacevic.
7 En ce qui concerne la procédure de promotion qui est en vigueur dans
8 l'armée et vu la réalité qui était celle de la JNA à l'époque, il y a
9 quelque chose qu'il convient de mettre en exergue. Aucune enquête n'a été
10 menée, aucune insinuation n'a été faite au sujet de Kovacevic s'agissant du
11 pilonnage de la vieille ville à l'époque. On a donc proposé qu'il bénéficie
12 d'une promotion, ça c'était au mois de novembre. Etant donné la procédure
13 en vigueur au sein de la JNA, il faut savoir qu'il y a toute une procédure
14 qu'il faut suivre et le commandant suprême de la JNA, Kadijevic, a signé,
15 le 14 décembre, la promotion de Kovacevic qui devait porter la date du 14
16 novembre. Donc une date antérieure parce que c'était à ce moment-là qu'il
17 avait fait preuve de sa valeur. Et la promotion devait prendre effet au 11
18 novembre parce qu'il s'était distingué au cours de l'action menée à Srdj
19 après avoir obéi aux ordres de Jokic.
20 Autre élément important, le 14 décembre, au moment où il a bénéficié de
21 cette promotion exceptionnellement rapide, au moment où cette promotion a
22 été signée, Kadijevic avait déjà reçu des rapports qui lui avaient été
23 communiqués par Jokic conformément à son propre ordre, ordre donné aux fins
24 de mener une enquête au sujet du pilonnage de la vieille ville, le 6
25 décembre.
26 Qu'est-ce qu'elle est la signification de tout ceci ? A ce moment-là,
27 Kadijevic a reçu le rapport de Jokic au sujet de l'enquête sur le 6
28 décembre, qu'est-ce qui s'est passé exactement. Donc voilà des rapports qui
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1 ont été envoyés par Jokic à Kadijevic. Jokic, au moyen de ces rapports,
2 indique que Kovacevic a lancé l'attaque de son plein gré, de son propre
3 chef, parce qu'il avait enregistré des pertes extrêmement lourdes à cause
4 des tirs ennemis qui venaient de Srdj et il était donc pris sous les feux.
5 Si je reviens maintenant à ce qu'affirme le bureau du Procureur au sujet de
6 l'ordre de Kadijevic adressé à Jokic pour que celui-ci mène une enquête, et
7 quand on nous dit que ceci n'aurait nullement empêché à Strugar de mener sa
8 propre enquête pour punir ses subordonnés, à ce sujet, nous souhaitons dire
9 la chose suivante : dans sa réponse, le bureau du Procureur n'avance aucun
10 argument à l'appui de sa thèse si bien que, selon la Défense, ces
11 allégations sont de simples allégations de portée générale. Ceci d'autant
12 plus que nous savons que dans le premier rapport, et là on est en train de
13 parler des informations dont disposait Kadijevic ou qui que ce soit d'autre
14 ayant pu lire ce rapport, dans ce premier rapport, Jokic fait semblant,
15 tout simplement, de prendre des mesures. Dès le 7 décembre, il envoie un
16 rapport à Kadijevic où il dit que l'attaque a été menée par Kovacevic de
17 son propre chef parce qu'il était pris sous le feu de l'ennemi. Il
18 s'agissait d'une situation insupportable pour lui et il a été obligé de
19 prendre des mesures.
20 Le 7 décembre, il envoie un rapport à Kadijevic, qui est le
21 commandant Suprême, et dans ce rapport il lui dit qu'il a remplacé le
22 capitaine Jovanovic, qui était le commandant du 3e Bataillon de la 5e
23 Brigade. La Chambre de première instance a conclu que cet homme n'aurait pu
24 participer au pilonnage de la vieille ville le 6 décembre.
25 Dans la réponse de l'Accusation au sujet du manque de diligence dont a fait
26 preuve Strugar pour mettre un terme à l'attaque après l'appel téléphonique
27 qu'il a reçu le matin du 6 décembre, appel du général Kadijevic,
28 l'Accusation fait là une insertion qui ne correspond pas à la réalité
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1 militaire. Strugar a appelé Jokic, lui a ordonné de mettre un terme à
2 l'attaque. D'autre part, il a donné son accord aux mesures dont Jokic l'a
3 informé, il lui a dit qu'il envoyait quelqu'un qui venait de l'état-major,
4 un colonel de l'état-major, il l'envoyait à Zarkovica pour mettre un terme
5 à l'attaque, et cetera, et cetera.
6 Si bien que Strugar, en tant que supérieur, a pris des mesures
7 raisonnables et suffisantes dès qu'il a été informé de la situation, et
8 ceci, afin d'empêcher l'attaque et d'y mettre un terme. Il est intervenu
9 auprès de ses officiers subordonnés, un commandant de corps, un chef de
10 corps qui a le grade de général, il l'informe des ordres, il est d'accord
11 avec les mesures que va prendre son subordonné et cela suffit. Donc Strugar
12 à toutes raisons de croire ce que lui affirme son subordonné, cet officier
13 qui lui est subordonné.
14 Une fois encore, il faut que je revienne en arrière et que j'évoque la
15 réunion de Kupari avec Jokic, le 5 décembre. Pourquoi ? Parce que cette
16 réunion a été mentionnée à de nombreuses reprises. Il convient que j'attire
17 l'attention de la Chambre d'appel sur le fait que le lieutenant-colonel
18 Jovanovic n'avait aucun intérêt personnel ou autre à établir la présence ou
19 l'absence de Jokic à cette réunion de Kupari qui a eu lieu le 5 décembre.
20 L'amiral Jokic lui-même, lorsqu'il a déposé devant la Chambre de première
21 instance, a déclaré qu'il avait lui-même dirigé cette réunion de Kupari ce
22 5 décembre 1991.
23 De plus, au cours de sa déposition, Jokic a déclaré qu'il avait
24 informé ses supérieurs au sujet des négociations au téléphone, négociations
25 avec la partie adverse. Et il a également informé les officiers de son
26 état-major de l'existence de ce cessez-le-feu qui avait été conclu.
27 Ce qui signifie que Jokic lui-même, au cours de sa déposition,
28 reconnaît qu'il se trouvait à Kupari, que c'est lui qui a mené les
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1 négociations. Il a assisté à la réunion, et si l'on fait le rapprochement
2 avec la déposition de Jovanovic et ses rapports qui datent de 1991, on ne
3 peut pas laisser en suspens la question de la présence de Jokic à Kupari.
4 Pour répondre aux arguments de l'Accusation au sujet du statut de
5 Mato Valjalo, je vais me répéter, il avait certaines fonctions au sein de
6 la cellule de Crise de Dubrovnik, et ces fonctions peuvent également être
7 analysées à la lumière de la loi sur la défense de la République de
8 Croatie, parce qu'en temps de guerre une cellule de Crise a une fonction
9 militaire, elle a pour mission de participer à la défense du pays; ceci est
10 prévu par la législation nationale. A l'époque donc, Valjalo était
11 mobilisé, c'était un conscrit. Et conformément à la mobilisation, il s'est
12 vu affecter à un certain nombre de fonctions au sein de la cellule de
13 Crise. Ce sont ses fonctions qu'il exécutait. Il est indéniable qu'après
14 qu'il a été blessé ceci a été reconnu par les autorités compétentes en
15 Croatie, puisqu'elles ont établi qu'il avait le statut d'invalide militaire
16 de guerre, et nous avons déjà montré qu'il existe une autre catégorie, la
17 catégorie de l'invalide de guerre civile. C'est un statut qui est accordé à
18 des civils blessés pendant la guerre.
19 S'agissant maintenant de la réponse faite par l'Accusation à un appel
20 interjeté par la Défense et à ce qui porte plus particulièrement sur la
21 peine, l'Accusation n'a tout simplement pas répondu aux arguments avancés
22 par la Défense, à savoir que dans le jugement de la Chambre de première
23 instance deux maladies seulement de notre client sont mentionnées. La
24 Défense affirme qu'à l'époque la Chambre de première instance disposait de
25 rapports qui faisaient état d'autres troubles, de cinq ou six problèmes de
26 santé qui, pris globalement, nous dressent un tableau beaucoup plus grave
27 de l'état de santé de l'accusé que celui qui n'a été reconnu par la Chambre
28 de première instance; perte de mémoire, démence vasculaire ou dépression.
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1 Alors, il y a d'autres éléments qui n'ont pas été pris en compte par la
2 Chambre de première instance, d'autres affections qui n'ont pas été prises
3 en compte. Au cours de la même période, la Défense a constamment informé la
4 Chambre de première instance de la détérioration de l'état de santé de
5 notre client, et ceci apparaît clairement dans certains rapports médicaux
6 fournis sur ce point. Et de la même façon, nous avons informé la Chambre
7 d'appel de la détérioration de l'état de santé de M. Strugar après le
8 jugement de 2005.
9 Selon nous, tout ceci constitue une circonstance atténuante
10 particulière à laquelle il convient d'accorder le poids qui convient au
11 moment de déterminer la peine.
12 Et justement, c'est --
13 Mme LE JUGE VAZ : -- il vous reste quatre minutes.
14 M. RODIC : [interprétation] J'en aurai terminé dans 30 secondes,
15 Madame la Présidente.
16 Permettez-moi de rappeler, en matière de la fixation de la peine et de
17 l'attitude désormais adoptée par le bureau du Procureur, ceci. En 2006,
18 l'Accusation a retiré son propre appel, précisément pour des raisons
19 humanitaires, comme le disait le mémoire. En raison de l'âge de M. Strugar
20 et de son état de santé déplorable, ceci avait été retiré. Je vous
21 remercie.
22 Mme LE JUGE VAZ : M. le Juge Shahabuddeen voudrait poser une question.
23 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Rodic, je vais parler en
24 mon nom personnel. En fin de procédure, je me demande si j'ai compris les
25 lignes directrices des arguments qui nous sont soumis, et j'avoue qu'ici
26 votre argument me plaît. Voici comment je le comprends, cet argumentaire.
27 Effectivement, un commandant a une responsabilité, il a la responsabilité
28 d'imposer des mesures disciplinaires à un subordonné. Cependant, en raison
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1 de l'unicité du commandement, en raison de ce principe, c'est une
2 responsabilité qui est, pour ainsi dire, neutralisée ou supplantée par
3 toute autre action idoine prise à un niveau supérieur de la voie
4 hiérarchique. Mais est-ce qu'il y a peut-être une exception si le
5 commandant est conscient du fait que la mesure apparemment décidée à un
6 échelon supérieur de la voie hiérarchique est en fait une imposture ou un
7 semblant de mesure ? Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas neutralisation
8 ?
9 Ce que je voulais susciter comme réflexion chez vous se situe à une
10 phrase que l'on trouve au paragraphe 439 du jugement. Je vous la lis :
11 "Les éléments de preuve ont convaincu la Chambre que l'accusé était, ne
12 serait-ce qu'en donnant son consentement tacite, un participant à
13 l'arrangement par lequel l'amiral Jokic a ouvert un simulacre d'enquête et
14 pris un simulacre de mesure disciplinaire."
15 Pour ce qui est de cette partie des moyens présentés, tout pivote autour de
16 la véracité de cette déclaration : est-ce que l'enquête décidée à un
17 échelon supérieur était un simulacre d'enquête ? Est-ce que l'accusé le
18 savait que c'était un simulacre ? Et si cela était, est-ce que ceci
19 neutraliserait sa responsabilité de discipliner un subordonné ?
20 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, Messieurs les Juges, pour
21 ce qui est du paragraphe 439 du jugement auquel va m'avez renvoyé, on voit
22 qu'il s'agit d'une constatation de la Chambre de première instance.
23 Cependant, de l'avis de la Défense, ce qui est essentiel c'est que lorsque
24 la Chambre dit que partant des éléments de preuve, elle est convaincue que
25 l'accusé, ne serait-ce qu'à cause d'un consentement tacite, avait participé
26 à l'arrangement par lequel l'amiral Jokic avait ouvert un simulacre
27 d'enquête et pris ainsi un simulacre de mesure disciplinaire avant de
28 soumettre ceci au 1er secrétariat pour essayer de se débarrasser de la
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1 responsabilité pour avoir endommager la vieille ville, tout ceci se repose
2 en fait sur des conjonctures, même si on parle ici d'"éléments de preuve."
3 Mais une chose est intéressante : dans la note de bas de page, on ne
4 trouve rien qui vienne corroborer cette constatation de la Chambre.
5 De surcroît, une question se pose. Nous comprenons cet article :
6 Kadijevic donne l'ordre à Jokic de mener une enquête, de lui rapporter les
7 résultats sans l'intervention de personne. Au contre-interrogatoire, on a
8 posé cette question aussi à l'amiral Jokic. On lui a posé la question que
9 je vous soumettrai à l'instant sous forme d'hypothèse. On lui a demandé
10 s'il avait envoyé copie des rapports de son enquête à Strugar. Il a répondu
11 que non. Il a dit que tout avait été envoyé directement à Belgrade. Il n'y
12 a aucun élément de preuve qui montrerait qu'une fois tous les rapports
13 reçus, une fois tous les enregistrements vidéo des dégâts occasionnés à la
14 vieille ville reçus - je parle des dégâts occasionnés le 6 décembre - rien
15 ne montre que Kadijevic aurait communiqué la moindre information à Strugar
16 s'agissant de savoir qui était responsable de l'attaque, qui avait tiré sur
17 la vieille ville, quels étaient les dégâts provoqués, quelle était
18 l'ampleur des dégâts, quelles étaient les mesures proposées au secrétaire
19 fédéral. Ni Jokic ni Kadijevic n'ont partagé ces informations avec Strugar.
20 Si quelque part, de façon indirecte, Strugar avait été informé, il se
21 peut qu'à ce moment-là cela aurait pu constituer un motif, une raison le
22 poussant à informer le secrétaire fédéral, une raison de plus à soulever la
23 question, à poser des questions éventuellement à propos des résultats de
24 l'enquête, mais Strugar n'a reçu aucune information.
25 Mme LE JUGE VAZ : [hors micro]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame la Présidente. Je voulais
27 poser exactement la même question que celle posée par mon éminent collègue,
28 M. le Juge Shahabuddeen. Mais une question de suivi. Donc vous êtes
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1 d'accord sur le principe en droit, lorsqu'un supérieur hiérarchique ordonne
2 une enquête et si c'est un simulacre d'enquête, à ce moment-là, est-ce que
3 le commandant n'a pas l'obligation encore et malgré tout de punir en droit.
4 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que vous pourriez être
5 un peu plus précis ? Je ne veux pas mal vous comprendre. Quand vous parlez
6 de commandant, vous parlez de quel commandant dans cet exemple ? Est-ce que
7 vous parler de la relation Kadijevic-Jokic ou Strugar-Jokic ?
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Supposons que M. Strugar avait
9 connaissance du fait que le général Kadijevic avait donné l'ordre à Jokic
10 de mener une enquête suite aux crimes, mais s'il savait que cette enquête
11 était un simulacre d'enquête, est-ce que Strugar n'avait pas encore cette
12 obligation ? Est-ce que cette obligation ne se maintenait pas ? Si je vous
13 pose la question, c'est sans doute parce que je crois avoir compris que
14 vous êtes d'accord avec l'idée que l'ordre de commettre un crime peut faire
15 l'objet d'une désobéissance. S'il y a un ordre qui permet qu'un crime soit
16 commis et il reste impuni, on est d'accord pour dire qu'on peut désobéir à
17 un tel ordre, n'est-ce pas ?
18 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends la logique qui
19 sous-tend votre question, mais il m'est impossible de marquer mon accord à
20 cause précisément de la réalité de la doctrine militaire de la JNA, à cause
21 de la façon dont fonctionnait cette armée, dont elle a fonctionné pendant
22 50 ou 60 ans dans le passé.
23 Difficile de supposer que lorsque Strugar et Jokic viennent faire
24 rapport, lorsque Strugar entend puisqu'il est là, que Kadijevic, comme l'a
25 écrit Jokic, était furieux, qu'il donne l'ordre à Jokic de mener une
26 enquête, exige que ce soit fait, que ces mesures soient prises, comment
27 pourrait-il croire qu'il s'agit d'un simulacre d'ordre donné par le chef
28 suprême, donné à un officier supérieur, en occurrence l'amiral Jokic ? Est-
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1 ce qu'il va dire, c'est un simulacre d'ordre, on prétend qu'il faut faire
2 une enquête, mais ce n'est pas vrai ? Non. Comment le général pourrait-il
3 penser qu'ici on essaie de dissimuler un crime ?
4 Etant donné que cette enquête n'était pas de la compétence de
5 Strugar, si le général Strugar devait une fois de plus avoir une
6 responsabilité de Jokic et de son enquête, c'est seulement à ce moment-là
7 qu'on pourrait dire que Strugar endosse une responsabilité pour les
8 rapports envoyés par Jokic. Est-ce qu'il a effectivement été suffisamment
9 consciencieux, est-ce qu'il a vérifié les faits contenus dans ces rapports,
10 est-ce qu'il a vérifié ces rapports ? Oui, ces questions pourraient lui
11 être posées.
12 Je vous réponds donc qu'il n'est responsable que si le commandant
13 suprême lui avait restitué cette autorité, l'autorité d'exécuter cette
14 tâche.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. RODIC : [interprétation] Excusez-moi. Quelques mots, si vous me le
17 permettez, à la réponse que j'ai déjà donnée. Ceci est contraire à ce qu'a
18 dit l'Accusation.
19 Mais voyons la logique de toutes ces questions. Des obus tombent sur
20 la vieille ville le 6 décembre, des obus tirés par des soldats qui tiennent
21 des pièces d'artillerie. En fonction de leur composition, ils ont comme
22 chefs des chefs de section qui ont pour chefs des chefs de compagnie, puis
23 eux ont des chefs de bataillon, puis il y a le commandant du 9e Secteur
24 naval, puis il y a le chef du 2e GO, et au-dessus de tous ces hommes, il y
25 a le général Kadijevic.
26 Si vous suivez cette voie hiérarchique, où s'arrête la
27 responsabilité, qui a la responsabilité de prendre des mesures pour
28 empêcher et punir, compte tenu des faits précis ici, lorsque le chef
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1 suprême confie directement à un officier supérieur la charge de mener une
2 enquête et de lui en faire rapport.
3 Je vous remercie.
4 Mme LE JUGE VAZ : Monsieur le Juge Meron, s'il vous plaît.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame la Présidente.
6 Nous procédons à l'examen d'une question déjà posée par les Juges
7 Shahabuddeen et Kwon. Ces questions sont, bien sûr, importantes au regard
8 des explications que va nous donner l'Accusation.
9 Le Juge Shahabuddeen, en particulier, a fait référence à l'idée que toute
10 cette entreprise d'enquête était un simulacre. Le Juge Kwon a posé une
11 question de suivi et j'aurais voulu avoir des arguments supplémentaires en
12 parlant de la qualité de cet arrangement qu'on qualifie de simulacre. C'est
13 important, on ne peut pas simplement faire des suppositions, on voudrait
14 avoir quelque chose de plus solide. Mais avant de vous redonner la parole,
15 je voudrais, pour moi-même, résumer la situation telle que je la vois.
16 On bombardait Dubrovnik, c'était le fait d'une unité appelée le 9e VPS.
17 Jokic commandait cette unité. C'est Jokic qui a été chargé de mener une
18 enquête et d'en faire rapport. Il a fait une chose notamment, qui est loin
19 d'être légère, il a effectivement destitué le colonel Jovanovic de son
20 commandement temporaire.
21 Jokic fait rapport à Kadijevic. La question se pose ici de savoir qui
22 était le commandant, qui en droit, légalement, avait l'obligation de mener
23 une enquête et de punir, et ainsi de suite.Le commandant supérieur direct,
24 c'était Jokic. Ce n'était pas Strugar parce que lui, il était éloigné.
25 Strugar, c'était le commandant d'un commandant. J'aimerais qu'on m'explique
26 pourquoi Strugar se voit toujours endosser la responsabilité classique d'un
27 commandant puisque l'unité était commandée par Jokic et que Jokic était
28 aussi l'homme qui devait enquêter et punir, c'était lui qui avait cette
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1 autorité.
2 Paragraphe 444. Le jugement nous dit que : "Les éléments de preuve
3 établissent que l'accusé, à tous les moments pertinents, avait l'autorité,
4 le pouvoir de jure et les moyens d'intervenir lui-même pour ouvrir une
5 enquête ou prendre des mesures disciplinaires ou autres à l'encontre des
6 officiers du 9e VPS."
7 Ici, il n'y a pas de note de bas de page. J'aimerais savoir quels
8 sont les éléments de preuve sur lesquels s'appuie cette déclaration de la
9 Chambre. Je vous remercie.
10 M. RODIC : [interprétation] Le 2e Groupe opérationnel qui avait à sa tête
11 le général Strugar, c'était une unité militaire temporaire qui avait été
12 établie de façon ponctuelle, ad hoc, composée de plusieurs unités de
13 plusieurs corps. Le 9e Secteur militaire naval, lui il était exclu de la
14 région militaire qui était appelée la Région navale militaire, toute la
15 marine. Le corps de l'amiral Jokic était en dehors, exclu de ces
16 structures.
17 Ce corps était placé sous le commandement du 2e Groupe opérationnel,
18 ce fait demeure. Il y avait aussi le Corps d'Uzice ainsi que d'autres
19 formations qui ont été modifiées dans l'intervalle.
20 Cette phrase que vous avez lue, phrase du paragraphe 444, elle représente
21 ce qui serait le déroulement normal des choses, un état de choses qui est
22 conforme à la réglementation militaire, à savoir qu'au sein du 2e GO au
23 niveau de l'armée, vous avez le 9e VPS commandé par l'amiral Jovic; vous
24 avez aussi une brigade commandée par quelqu'un d'autre; et vous avez encore
25 un autre corps d'armée qui a son propre chef. Là aussi, c'est un officier
26 supérieur qui dirige ce corps d'armée.
27 Ce sont les commandants subordonnés à Strugar. Ils lui font régulièrement
28 rapport de ce qui se passe dans leurs unités respectives. Ils proposent des
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1 solutions pour les problèmes se présentant sur le terrain dans leurs zones
2 de responsabilité, sur le plan militaire et sur le plan territorial. On
3 discute de ces propositions à l'état-major du 2e GO, propositions qui sont
4 soit acceptées, soit rejetées, modifiées. Après quoi, certains ordres sont
5 adoptés et transmis aux commandements subordonnés du corps d'armée dont le
6 9e VPS et l'amiral Jokic.
7 Sous cet angle, lorsque la Chambre dit que l'accusé avait le pouvoir de
8 jure d'agir ou de commander ses subordonnés pour ouvrir une enquête ou
9 prendre des mesures disciplinaires ou autres à l'encontre des officiers du
10 9e VPS, celle-ci postule qu'il y a déjà une procédure d'enquête
11 disciplinaire que peut ordonner le général Strugar à l'égard de ses
12 subordonnés. Mais qu'avons-nous ici, nous avons ici une situation
13 exceptionnelle, ce n'est pas une situation ordinaire, habituelle.
14 Partant de lois, de réglementations, ici vous avez une situation
15 exceptionnelle puisque vous avez le ministre suprême de l'armée qui donne
16 un ordre à deux, voire trois échelons plus bas lorsqu'il demande
17 directement à Jokic de faire quelque chose, parce que ce ministre suprême
18 sait que Strugar commande une formation temporaire constituée de façon ad
19 hoc pour un but précis, bien particulier, celui qui était de l'ex-
20 Yougoslavie, vous avez ce secteur naval, a l'autorité et avait l'autorité
21 de Dubrovnik depuis 50 ans déjà. Jokic a été pendant dix ans commandant de
22 ce secteur naval. Il connaissait parfaitement la région. Il connaissait
23 chaque pouce du terrain. Il était donc logique, comme le dit la Chambre de
24 première instance, que Kadijevic donne l'ordre à Jokic de mener l'enquête
25 puisque Jokic c'est l'homme qui est à même de le faire de la façon la plus
26 rapide, efficace et optimale. Nous avons donc affaire à une situation
27 exceptionnelle.
28 Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Excusez-moi, Madame la
Page 163
1 Présidente.
2 Mme LE JUGE VAZ : Brièvement, s'il vous plaît, parce que nous avons
3 largement dépassé le temps imparti.
4 M. RODIC : [interprétation] Oui, je termine. La question de M. le Juge
5 était de savoir qui était l'officier qui avait le pouvoir de punir ? Jokic,
6 d'après cet ordre, pouvait le faire. Kadijevic, en fonction de ces
7 rapports, pouvait donner des instructions à Jokic sur les mesures à prendre
8 et Kadijevic aurait pu le faire seul vu les rapports qu'il avait reçus.
9 Mme LE JUGE VAZ : Nous allons à présent donner la parole au Procureur pour
10 la présentation de son appel. Apparemment, nous devrions observer une pause
11 d'ici 15 heures 45.
12 Vous -- enfin, de toute manière, vous avez en principe 45 minutes. Si
13 vous pouvez terminer plus tôt, ça nous permettrait peut-être de rattraper
14 le retard prévu sur le calendrier.
15 Il vous faut à peu près combien de temps, Madame Brady ?
16 Mme BRADY : [interprétation] Madame la Présidente, pour ce qui est de la
17 totalité de l'appel que nous interjetons, il nous faudrait une heure et dix
18 minutes. Nous avons d'après l'ordonnance portant calendrier une heure et
19 demie. Nous n'en aurons pas besoin à notre avis, mais je vais bien sûr
20 étoffer notre propos et répondre plus amplement aux questions posées ce
21 matin et cet après-midi, notamment les questions posées par les Juges Meron
22 et Shahabuddeen. Je pense que nous pourrons terminer tout ceci en l'espace
23 d'une heure 10, une heure 15.
24 Mme LE JUGE VAZ : Peut-être que n'avons pas très bien compris. En fait,
25 nous devons observer une pause. Vous avez droit à une heure et demie, mais
26 il y a une pause entre les deux. C'est pour cette raison que je vous pose
27 la question. Peut-être que --
28 Mme BRADY : [interprétation] Oui, excusez-moi. Merci, Madame la
Page 164
1 Présidente.
2 Voici ce que j'ai l'intention de faire. Je vais d'abord apporter
3 quelques précisions sur les questions auxquelles M. Tracol a répondu ce
4 matin, aussi faire quelques commentaires sur les questions posées par MM.
5 les Juges, notamment M. le Juge Meron cet après-midi.
6 Après quoi nous passerons au premier motif d'appel. Je pense que tout
7 ceci peut se faire en 45 minutes, après quoi je parlerai de l'appel sur la
8 peine dans le temps qui nous reste et ça ne devrait pas prendre plus de 20
9 minutes.
10 Je vous le disais, Madame et Messieurs les Juges, je voulais apporter
11 quelques précisions sur certaines des questions abordées ce matin par M.
12 Tracol, questions qui ont resurgi lorsque M. le Juge Shahabuddeen a posé
13 cette question cet après-midi à la Défense.
14 Je ne vais pas re-citer votre question, plutôt la paraphraser, si
15 vous me le permettez, Monsieur le Juge Shahabuddeen.
16 La question était celle-ci : si l'ordre venant de Kadijevic, d'un échelon
17 supérieur, était un ordre qui cherchait à dissimuler les événements qui
18 s'étaient véritablement produits ce jour-là, qu'on qualifie ceci de
19 simulacre ou que ce soit un ordre destiné à présenter un certain versant de
20 ces événements, la question était de savoir si ceci va pousser des
21 subordonnés dans la voie hiérarchique qui aussi, eux-mêmes, avaient
22 l'obligation d'enquêter, est-ce que ceci les exonère, les dispense de leurs
23 responsabilités ?
24 Nous disons clairement non. Ceci ne va pas les dispenser de leurs
25 responsabilités. Le Juge Shahabuddeen a cité le paragraphe 439 du jugement.
26 Outre celui-ci, je me permettrai de vous mentionner le paragraphe 442.
27 La Chambre répète qu'elle n'est pas convaincue que le général Strugar
28 était exclu, et elle dit ceci, fin de paragraphe 442 : "La Chambre estime,
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1 au contraire, qu'il était à tout le moins disposé à accepter une situation
2 dans laquelle il ne serait pas directement impliqué, confiant de fait à son
3 subordonné immédiat le soin d'ouvrir une enquête et de prendre des mesures
4 et les décisions d'ordre disciplinaire, le subordonné immédiat étant
5 l'amiral Jokic." Ceci est maintenant encore important : "L'accusé savait
6 que le rôle de l'amiral était d'aplanir au mieux les difficultés liées aux
7 événements du 6 décembre 1991, de le faire au mieux auprès des Croates et
8 de la MOCE et permettait à la JNA de prétendre qu'elle avait pris les
9 mesures nécessaires."
10 Pour le dire autrement, je renvois à d'autres parties du jugement le
11 paragraphe 435. Au fond, la JNA essayait de limiter les dégâts, pour le
12 dire simplement. Strugar savait que c'était un effort destiné à limiter les
13 dégâts, à faire un exercice de relations publiques, de communication,
14 dirait-on aujourd'hui.
15 Mme LE JUGE VAZ : Oui, vous avez un problème, Monsieur Rodic ?
16 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, permettez-moi de dire une
17 chose. Je ne sais pas si c'est à cause de ce que semble dire l'Accusation
18 maintenant, mais est-ce qu'on est en train d'entendre un nouveau motif
19 d'appel et de réplique ? Parce que je pense que maintenant l'Accusation
20 réplique à notre réponse. Je ne sais pas quelle est la procédure que la
21 Chambre suit. Je me disais qu'il n'y aurait pas de réplique à notre
22 réplique, parce maintenant est-ce que moi, j'aurai l'opportunité de réagir,
23 de rebondir sur ce que dit maintenant l'Accusation ?
24 [La Chambre d'appel se concerte]
25 Mme LE JUGE VAZ : Monsieur Rodic, nous, les Juges se sont consultés. Des
26 questions ont été posées par les Juges eux-mêmes. Par conséquent, il est
27 normal que Mme Brady puisse y répondre. Ce que nous allons lui demander,
28 c'est d'être brève, de répondre très rapidement aux questions des Juges et
Page 166
1 d'aborder donc l'appel du Procureur. Par la suite, si vous avez quelque
2 chose à ajouter, mais il faudra vraiment être très, très bref parce que
3 nous avons déjà passé beaucoup de temps sur ces questions.
4 Madame Brady, s'il vous plaît.
5 Mme BRADY : [interprétation] Merci, Madame la Présidente. Je vais
6 m'efforcer de n'aborder que les questions qui ont été déjà évoquées.
7 Comme je l'ai dit, en réponse à la question posée par M. le Juge
8 Shahabuddeen, pour l'essentiel si la proposition était acceptée, on
9 admettait qu'une fois qu'un ordre émanait des échelons supérieurs, si
10 c'était un simulacre et si c'était censé cacher quelque chose, à ce moment-
11 là les autres n'auraient pas de responsabilité, ne seraient pas tenus pour
12 responsables. Si cela vient du haut vers le bas, à ce moment-là les gens
13 seraient exonérés et n'auraient pas le devoir de mener une enquête et
14 prendre les mesures nécessaires. Bien sûr, ceci n'est pas acceptable.
15 Je souhaite également vous signaler la déposition de l'amiral Jokic
16 qui, en rentrant de Belgrade après la réunion qu'il a eue avec Kadijevic,
17 alors qu'il rentrait, il parle à Strugar sur le chemin du retour, à la page
18 du compte rendu du 29 mars 2004, pages numéro
19 4 086 à 4 087. Voici ce qu'a dit Jokic à propos de cette conversation qu'il
20 a eue avec Strugar sur le chemin du retour de Belgrade. Et je cite à partir
21 du compte rendu. Jokic a dit : "On a admis que la version officielle des
22 événements du 6 décembre, qui a été préparée au commandement du 2e Groupe
23 opérationnel sur la base d'information fournie par le capitaine Kovacevic,
24 remise par ses officiers, que cette version officielle des événements
25 devait être envoyée à Belgrade à l'état-major général et que je devais m'en
26 tenir à cette version-là, version qui a été diffusée lors d'une conférence
27 de presse le lendemain."
28 Donc Strugar savait fort bien ce que signifiait l'enquête.
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1 Pour répondre brièvement à la question posée par M. le Juge Meron de savoir
2 si le général Strugar aurait pu demander à voir le rapport préparé par
3 Jokic, même s'il avait compris la situation et que Kadijevic avait donné un
4 ordre directement à Jokic, qu'est-ce qui l'aurait empêché en réalité de
5 demander à voir le rapport ? Notre réponse à cette question consiste à
6 dire, oui. Bien sûr, il aurait pu obtenir le rapport. En réalité, ce serait
7 inconcevable, si on tient compte de la doctrine militaire régulière, que ce
8 ne soit pas le cas, surtout dans le système de commandement de la JNA où il
9 y a en fait ces deux échelons supérieurs et ces deux échelons inférieurs
10 qui a été évoqué par l'expert, qui insiste sur le fait que le commandement
11 doit être informé deux niveaux au-dessus et deux niveaux en dessous, qu'il
12 s'agit là d'une obligation.
13 J'insiste également sur un autre élément. A un moment donné, en tant que
14 commandant, il aurait certainement découvert quels étaient les résultats de
15 ce rapport pour pouvoir prendre les mesures nécessaires et raisonnables,
16 pour la bonne et simple raison que ceci portait directement sur les hommes
17 placés sous son commandement.
18 M. le Juge Meron était également soucieux suite aux questions posées ce
19 matin sur la conclusion au paragraphe 445 du jugement. Cette constatation,
20 si je peux la résumer pour l'essentiel, consiste en ceci : quand bien même
21 Strugar avait compris à ce moment-là qu'il était en dehors de la boucle, la
22 Chambre de première instance estime néanmoins qu'il aurait dû faire quelque
23 chose. M. le Juge Meron était soucieux à ce sujet parce qu'à premier abord
24 on a l'impression que ceci va trop loin, si on demande à M. Strugar de
25 défier son supérieur, le commandant suprême, le général Kadijevic, et son
26 ordre. Mais il faut garder quelque chose à l'esprit, et c'est ceci. Il faut
27 revenir sans cesse sur le but de cet exercice, encore une fois, revenir au
28 paragraphe 444. Le but était de présenter une certaine version qui se
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1 conviendrait aux Croates, à la MOCE, les moniteurs internationaux, et faire
2 comme si le JNA avait pris les mesures. Encore une fois, c'est un exercice
3 en relation publique.
4 La Chambre de première instance, dans ce paragraphe, indique
5 également que Strugar aurait pu démissionner, mais il ne l'a pas fait. Pour
6 finir, comme mon confrère M. Tracol a insisté, personne n'a été puni,
7 personne n'a été puni par le fait que M. Jovanovic a été mis à pied pendant
8 une journée, de façon temporaire, puisqu'il était commandant du bataillon
9 de la 5e Brigade, et de toute façon, ses unités n'ont pas participé au
10 pilonnage ce jour-là.
11 Donc pour finir, la seule personne qui a été reconnue par l'équipe
12 des enquêteurs, Kovacevic, c'est la personne qui a été reconnue comme ayant
13 participé directement, n'a absolument pas été puni, au contraire, a été
14 promu. Je crois que ceci est très évocateur pour ce qui est du consentement
15 tacite de la part du général Strugar.
16 Ma dernière question. Je souhaite répondre à la question de M. le
17 Juge Meron sur le paragraphe 444, et en particulier les préoccupations que
18 vous avez sur la conclusion de savoir si à tout moment l'accusé avait la
19 capacité matérielle ou l'autorité au plan juridique de prendre les mesures
20 nécessaires, de mener une enquête ou de prendre les mesures nécessaires
21 disciplinaires contre les hommes qui avaient participé directement à cela.
22 Vous avez à juste titre indiqué qu'il n'y a pas de notes en bas de
23 page pour cette conclusion-là. Quoi qu'il en soit, les conclusions ont déjà
24 été établies par la Chambre de première instance aux paragraphes 412 à 413
25 du jugement. Si je puis vous demander de vous reporter à ces paragraphes,
26 s'il vous plaît.
27 Au paragraphe 412, la Chambre de première instance a estimé que : "En
28 tant que commandant du 2e Groupe opérationnel, l'accusé pouvait également
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1 procéder au remplacement d'un commandant subordonné pendant les opérations
2 de combat en recommandant au secrétariat fédéral à la Défense nationale une
3 recommandation motivée pour qu'il relève l'officier de ses fonctions."
4 Là, on fait référence à la note en bas de page 1195 à la pièce P204,
5 ainsi qu'à la déposition de l'amiral Jokic à la page 3 906 du compte rendu
6 d'audience. Le général Jokic a dit, à la page 3 906, à propos de cette
7 question-ci précisément, de savoir si Strugar aurait eu l'autorité, le
8 pouvoir de prendre les mesures nécessaires et la capacité matérielle.
9 "D'après la loi, le commandant du groupe opérationnel avait le rang de
10 commandant d'armée. Il aurait pu limoger ou remplacer un subordonné,
11 n'importe qui. Voilà le genre d'autorité dont il jouissait. Il avait le
12 droit de remplacer toute personne qui se trouvait dans une position de
13 subordonné."
14 Madame, Messieurs les Juges, nous avons répondu de façon complémentaire aux
15 questions posées par les Juges. Je vais maintenant donner la parole à ma
16 consoeur, Mme Jarvis, qui va aborder la question du premier motif d'appel
17 de l'Accusation. Merci.
18 Mme JARVIS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le premier motif
19 d'appel de l'Accusation peut être résumé en des termes simples. La Chambre
20 de première instance a constaté que l'obligation du général Strugar
21 d'empêcher le pilonnage de la vieille ville de Dubrovnik a été déclenchée à
22 7 heures du matin à la date du 6 décembre. A ce moment-là, on lui avait
23 téléphoné, et c'est le général Kadijevic à Belgrade qui l'avait téléphoné.
24 Il avait été mis en garde contre ce pilonnage qui avait déjà commencé.
25 La Chambre de première instance a également constaté que même avant ce
26 moment-là, compte tenu des circonstances qui prévalaient à l'époque, le
27 général Strugar avait également été mis en garde par rapport aux risques de
28 l'éventualité du pilonnage qui pouvait se dérouler. Mais la Chambre de
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1 première instance a constaté qu'il n'avait pas d'obligation au plan
2 juridique de faire quelque chose ou quoi que ce soit à ce moment-là.
3 Nous avançons que ceci est erroné et que ceci est antithétique à la notion
4 de responsabilité de commandant qui sous-tend celle de la responsabilité
5 d'un supérieur hiérarchique, et enlève tout sens à la responsabilité d'un
6 supérieur hiérarchique d'empêcher et de punir les crimes.
7 Mon exposé est divisé en quatre parties. Je vais d'abord vous dire pourquoi
8 ce motif d'appel est important, pourquoi est-il si important de reconnaître
9 que l'obligation de Strugar d'empêcher ces crimes a précédé le moment où il
10 a reçu cet appel téléphonique de Kadijevic.
11 Dans la deuxième partie, je vais exposer plus en détail le contexte factuel
12 qui a donné naissance à cette question dans cette affaire. Dans ma
13 troisième partie, je vais expliquer en quoi consiste l'erreur de la Chambre
14 de première instance et pourquoi la Chambre de première instance s'est
15 trompée lorsqu'elle a décrété que le critère de mens rea, conformément à
16 l'article 7(3), ne se fonde pas sur la preuve d'un risque évident et réel
17 de crimes à venir.
18 Dans le quatrième point, je vais expliquer quelle aurait dû être l'issue si
19 le critère juridique correct avait été appliqué.
20 Je vais maintenant parler du premier motif d'appel. Pourquoi est-il si
21 important pour la Chambre d'appel de confirmer que Strugar avait pour
22 obligation en tant que commandant d'empêcher le pilonnage avant la
23 conversation téléphonique du général Kadijevic et, dans le cadre de l'acte
24 d'accusation dans cette affaire, en fait, porte sur le 6 décembre 1991 à
25 minuit.
26 Ceci est important parce que c'est la différence qui existe entre,
27 d'une part, le fait que l'on demande ou exige de Strugar qu'il empêche ce
28 risque, il y a un risque éventuel, et le pilonnage aurait pu ne pas
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1 commencer, et en même temps, lui demander d'intervenir une fois qu'il avait
2 été averti que des dégâts avaient été causés, que des vies étaient en
3 danger et que des dégâts avaient été provoqués.
4 N'oublions pas ce qui est en jeu. Eu égard à la vieille ville de
5 Dubrovnik, comme la Chambre de première instance a clairement indiqué au
6 paragraphe 285, le 6 décembre 1991, était un endroit unique et
7 irremplaçable, non pas parce que c'était un site protégé par le patrimoine
8 mondial et par l'UNESCO, mais parce que c'était une ville qui avait une
9 population de quelque 7 000 à 8 000 personnes.
10 Lorsque l'artillerie de la JNA a tiré sur la vieille ville le 6
11 décembre, deux personnes ont été tuées et deux ont été grièvement blessées.
12 Si Strugar était intervenu plus tôt pour contrôler la situation bien
13 évidemment risquée, qui évoluait au sein de ces unités à Dubrovnik, ces
14 victimes auraient pu être épargnées.
15 Une des victimes était Tonci Skocko, un jeune homme d'environ 19 ans
16 qui a été tué dès le début de l'attaque, vers 8 heures du matin. Le témoin
17 Nikola Jovic a raconté aux Juges de la Chambre de première instance le
18 moment où Tonci a été touché par des éclats d'obus, son père Mato a risqué
19 sa vie, est sorti de la ville pour aller chercher sa voiture et pour
20 emmener son fils à l'hôpital.
21 A ce moment-là, il a dit : "Au moment où Mato est revenu, il a
22 conduit sa voiture. Il a traversé Skalina, les rues, en réalité les
23 escaliers, les marches, et ses pneus étaient à plat. En réalité, il
24 conduisait sur les jantes de ses pneus."
25 Jovic a poursuivi en disant : "Vous pouvez imaginer une personne qui
26 a vu ceci arriver à son propre fils. Vous pouvez vous imaginer quelle a pu
27 être sa réaction. Le comportement de son père, qui est quelque chose qui
28 est très difficile à décrire, c'est le comportement d'un père qui porte
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1 dans ses bras son fils en train de mourir." Pages du compte rendu
2 d'audience 2 944 à 2 945.
3 De même, si Strugar était intervenu pour empêcher le pilonnage et que
4 celui-ci évolue, les dégâts provoqués sur les bâtiments de la vieille ville
5 le 6 décembre auraient pu être évités. Le représentant de la MOCE, Per
6 Hvalkof, a décrit la vieille ville après le pilonnage du 6 décembre comme
7 ressemblant, au paragraphe 316 du jugement, à un "local de poubelle touché
8 par un missile."
9 Cette description est confirmée de manière visuelle dans le film sur
10 la vieille ville qui a été filmé après l'attaque du 6 décembre. Il s'agit
11 de la pièce P66. Le compteur indique 32 minutes, 15 à 28 secondes; on voit
12 la vieille ville de Dubrovnik. Et 34 minutes 51 secondes à 37 minutes, et
13 ceci a été cité à la note en bas de page 971 du jugement en bas de page.
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 Mme JARVIS : [interprétation] Le témoin Fietelaars, l'ancien ambassadeur à
16 la Yougoslavie, a décrit cette situation comme ceci : "Les dégâts provoqués
17 dans cette vieille ville, en fait, étaient un problème non seulement qui
18 revenait à la Croatie, mais à l'ensemble du monde. Le fait que l'UNESCO a
19 décrété que Dubrovnik était une ville importante puisqu'il s'agissait du
20 patrimoine culturel humain est quelque chose qui a joué un rôle
21 prépondérant pendant quelque 1 000 ans dans l'histoire européenne et ne
22 devrait pas être touchée ainsi et détruite." Ceci se trouve à la page du
23 compte rendu d'audience 4 315.
24 La Chambre de première instance, dans son jugement portant
25 condamnation à Jokic au paragraphe 52, a insisté sur ce point et indiqué
26 qu'une fois le dégât est fait à de tels bâtiments, ceux-ci ne peuvent
27 jamais être réparés et revenir à leur état d'origine.
28 Le premier motif d'appel de l'Accusation n'évoque pas simplement le
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1 fait qu'il faille étendre l'obligation de Strugar et que ceci porte sur une
2 période de sept heures. Il s'agit de dire que l'obligation juridique de
3 Strugar, en tant que commandant responsable, a commencé dès le début, il
4 devait s'assurer que la vieille ville ne soit pas pilonnée. Ceci n'aurait
5 jamais dû commencer puisqu'il s'agit ici d'un héritage de l'humanité
6 irremplaçable qui a été perdu.
7 Ce qui m'amène à la deuxième partie de mes arguments.
8 Même avant l'appel téléphonique de Kadijevic à Strugar le 6 novembre
9 1991, Strugar avait été averti du fait que la situation était risquée, il
10 pouvait y avoir une escalade au point où la vieille ville pouvait être
11 pilonnée. Il faut tenir compte de la situation à laquelle était confronté
12 Strugar à la veille de l'attaque contre Srdj.
13 Strugar était le commandant des unités de la JNA qui avaient
14 participé à des campagnes militaires dans une région géographique bien
15 déterminée à Dubrovnik depuis le mois d'octobre 1991 et il savait que,
16 pendant les opérations de combat au mois d'octobre, ses forces avaient
17 pilonné la vieille ville de Dubrovnik. Ce pilonnage a provoqué des dégâts
18 au niveau de plusieurs bâtiments. Strugar savait que ses forces avaient,
19 une nouvelle fois, pilonné la vieille ville pendant les opérations de
20 combat entre le 10 et 13 novembre. La Chambre de première instance, en
21 particulier, a admis les éléments de preuve, à savoir que le 12 novembre,
22 le pilonnage de la vieille ville avait été délibéré et nourri.
23 Strugar savait que le pilonnage du mois d'octobre et novembre contre
24 la vieille ville n'était pas dû à un comportement isolé et non
25 caractéristique de ses unités. Il s'agit simplement qu'il y avait un manque
26 de discipline qui prévalait à ce moment-là. Les éléments de preuve ont
27 révélé qu'il y avait des problèmes d'ordre général au sein des unités de
28 Strugar et qu'il y avait l'utilisation non autorisée d'armes à feu, le
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1 refus d'obéir aux ordres, les gens se livraient à des pillages, à des
2 incendies volontaires criminelles et se livraient à la boisson.
3 Strugar savait qu'aux mois d'octobre et novembre le pilonnage pouvait
4 avoir lieu au cours des attaques lorsque la JNA tentait de prendre le
5 territoire dans les alentours de Dubrovnik, y compris à partir de novembre,
6 la ville de Srdj.
7 Il savait que les ordres qui existaient interdisaient l'attaque
8 contre les biens culturels et la vieille ville, que ceci s'était avéré
9 inefficace au mois d'octobre et novembre. Strugar savait qu'il n'avait pris
10 aucune mesure pour punir les auteurs des pilonnages précédents.
11 Comme la Chambre de première instance l'a dit au paragraphe 415, et ceci
12 devrait figurer sur vos écrans, Madame, Messieurs les Juges : "Aucun
13 exemple de mesures disciplinaires ou autres conséquences n'ont pu être
14 démontrées et ces mesures n'ont pas été prises contre les personnes qui ont
15 enfreint les ordres qui existaient, le droit international, à d'autres
16 reprises."
17 Strugar savait que le 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée avait
18 été impliqué au mois de novembre dans le pilonnage et qu'il avait donné
19 l'ordre encore une fois de combat le 6 décembre encore sous le même
20 commandant, Kovacevic, surnommé Rambo. Il savait que son bataillon était
21 encore équipé de pièces d'artillerie importantes le 6 décembre comme cela
22 avait été le cas au mois de novembre. Strugar savait également que l'ordre
23 d'attaquer Srdj signifiait que ses forces allaient peut-être devoir
24 pilonner des positions croates aux alentours de Dubrovnik et que ce plan
25 qui consistait à attaquer Srdj pouvait signifier qu'on allait utiliser des
26 pièces d'artillerie très importantes pour tirer sur la vielle ville.
27 La Chambre de première instance a admis tous ces facteurs, et plus
28 précisément a constaté au paragraphe 417 du jugement que compte tenu de
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1 tous ces facteurs, même avant de recevoir l'appel téléphonique de
2 Kadijevic, Strugar savait - ceci va apparaître sur vos écrans : "…qu'il y
3 avait une véritable perspective ou éventualité que dans le feu de
4 l'attaque, l'artillerie placée sous son commandement pouvait tout à fait
5 commettre encore une fois les délits de ce type pour lesquels ils sont
6 tenus pour responsable.
7 Il s'agissait d'un risque qui n'était pas du tout éloigné ou vague."
8 Au paragraphe 420, la Chambre de première instance a pleinement admis que
9 ce risque, ceci se trouve sur vos écrans : "Suffisamment réel et les
10 conséquences étaient telles si des mesures disciplinaires n'étaient pas
11 prises, qu'un commandant prudent aurait pu juger utile d'expliciter que
12 l'ordre d'attaquer Srdj en tout état de cause n'autorisait pas l'artillerie
13 d'appui à bombarder pour le moins la vieille ville."
14 Mais la Chambre a constaté qu'un supérieur hiérarchique comme Strugar, qui
15 avait été averti d'un tel risque qui était réel et évident à propos de
16 crimes à venir, n'était pas obligé au point légal d'intervenir. Nous
17 estimons que ceci n'est pas le cas, que ceci est erroné et que Strugar
18 savait qu'un tel risque existait et qu'il avait l'obligation au point de
19 vue juridique de contrôler la situation et d'empêcher les crimes.
20 J'en viens maintenant au troisième motif d'appel. La constatation erronée à
21 propos du critère mens rea conformément à l'article 7(3) n'a pas été rempli
22 au regard des éléments de preuve et d'un risque évident et réel eu égard à
23 des crimes futurs.
24 La Chambre de première instance indique clairement dans son jugement
25 pourquoi elle estime qu'en matière de droit il y a un véritable risque et
26 que ceci est insuffisant pour amorcer l'obligation d'un supérieur pour
27 empêcher les crimes. Mais les indications sont fortes dans le jugement, la
28 Chambre apporte une conception de cette obligation du supérieur d'empêcher
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1 les crimes, et ceci est limité dans certaines situations, lorsque les
2 crimes ont déjà commencé à être commis ou lorsqu'un plan a été préparé par
3 les subordonnés de commettre des crimes qui auraient pu être découverts par
4 un supérieur s'il avait mené une enquête comme il se doit.
5 Au paragraphe 416 et je cite, vous devez avoir ceci sur vos écrans : "Il
6 faut au moins mener une enquête et entre autres prendre les mesures
7 nécessaires pour déterminer si véritablement des délits sont sur le point
8 d'être commis ou à ce stade ont été commis ou sont en train d'être commis."
9 Si on analyse la responsabilité du supérieur hiérarchique à travers
10 cet objectif, nous retrouvons la même chose au paragraphe 417 de la Chambre
11 de première instance où l'on indique : "Ceci n'a pas été démontré dans
12 cette affaire, par exemple, l'accusé disposait d'informations, à savoir
13 qu'avant l'attaque ses forces avaient planifié ou avaient l'intention de
14 pilonner la vieille ville de façon illégale, ou quelque chose de la sorte.
15 Il n'apparaît pas claire qu'une enquête supplémentaire aurait placé
16 l'Accusation en meilleure position."
17 Nous avançons, Madame, Messieurs les Juges, que cette approche ne peut pas
18 être exacte, car des situations où des crimes, lorsqu'il y a un risque
19 évident qu'il y ait des éléments spontanés ou qu'il y ait des crimes
20 opportunistes qui pouvaient être commis, ceci ne relève d'aucune règle.
21 Je vais vous donner un exemple pour vous expliquer ce que je veux dire par
22 là. Envisageons la possibilité d'un supérieur hiérarchique qui sait que par
23 le passé des hommes de ses unités qui se trouvaient dans un village ont bu,
24 se sont enivrés et ont massacré des civils. Ces hommes n'ont jamais été
25 sanctionnés et ensuite on les a envoyés dans un autre village.
26 Ce supérieur hiérarchique apprend que les hommes de cette même unité
27 se sont remis à boire. Alors à ce moment-là, qu'est-ce qui est exigé de par
28 le droit de ce supérieur hiérarchique dans ce type de situation ? Un
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1 supérieur hiérarchique qui est mis au courant d'un tel risque, du risque de
2 voir ces crimes se répéter contre ces civils, ce supérieur est tenu
3 d'intervenir pour remédier à cette situation en envoyant par exemple ses
4 hommes ailleurs ou en envoyant des renforts pour contrôler la situation.
5 Une enquête menée par un supérieur dans cette situation ne révèlerait pas
6 que ces crimes allaient être commis. Mais il serait tout à fait
7 insatisfaisant que ce supérieur ne fasse absolument rien pour empêcher ces
8 civils d'être massacrés. Et la situation à laquelle nous sommes confrontés,
9 que nous examinons actuellement, elle est semblable selon nous.
10 Dans notre mémoire et dans nos écritures supplémentaires du 1er octobre
11 2007, nous avons présenté des arguments détaillés pour expliquer pourquoi
12 la Chambre de première instance a adopté une approche qui est contraire à
13 la jurisprudence du Tribunal, à la jurisprudence des tribunaux de la
14 Deuxième Guerre mondiale, à la pratique des Etats et à tout ce qui sous-
15 tend à la doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique.
16 Maintenant, je souhaiterais simplement insister sur deux affaires entendues
17 par ce Tribunal qui nous montrent que la Chambre de première instance en
18 l'espèce s'est trompée, a adopté une approche erronée.
19 Première affaire, l'arrêt d'appel Krnojelac. Si on regarde le libellé de
20 l'arrêt de Krnojelac, on voit que la simple existence d'un risque manifeste
21 de voir des crimes se produire est suffisante pour que l'obligation
22 d'intervenir existe.
23 Paragraphe 2.6 de notre mémoire. La Chambre d'appel dans Krnojelac a
24 accepté qu'un supérieur qui connaît le risque de voir se produire des
25 crimes, doit prendre les mesures nécessaires pour les empêcher. Si on
26 regarde l'analyse des faits par la Chambre d'appel dans Krnolejac, on voit
27 quelle a été la nature de l'erreur de la Chambre de première instance ici.
28 La Chambre de première instance dans Krnolejac a conclu que le fait que
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1 Krnolejac ait assisté à la torture d'un détenu au KP DOM ne suffisait pas
2 pour que Krnolejac soit tenu à prendre des mesures pour empêcher que cela
3 ne se reproduise.
4 Mais la Chambre d'appel dans Krnolejac a infirmé cette conclusion de
5 la Chambre de première instance dans Krnolejac. "La Chambre d'appel ne
6 partage pas l'opinion de la Chambre de première instance selon laquelle le
7 fait que l'accusé ait assisté au passage à tabac de Zekovic, pour
8 l'empêcher de s'enfuir ne suffit pas en soi pour conclure que l'accusé
9 savait ou avait des raisons de savoir qu'à ce moment-là ou à d'autres
10 moments, on se servait de passages à tabac pour empêcher de manière
11 illicite."
12 La Chambre d'appel a conclu que vu la situation au KP Dom à l'époque,
13 Krnojelac avait des raisons de savoir qu'il était possible que ses
14 subordonnés commettent des actes de torture supplémentaires à l'avenir et
15 il fallait qu'il prenne des mesures pour empêcher cela.
16 Or, dans cette affaire, aucune enquête menée par Krnojelac après
17 avoir assisté à la torture de Zekovic, donc même s'il avait fait cela, il
18 n'aurait pas forcément pu identifier un plan, un programme de torture, non.
19 Mais, malgré tout, il a quand même été tenu responsable pour ne pas avoir
20 empêché ces crimes de se produire.
21 Deuxième affaire que je souhaite mentionner, c'est l'affaire Hadzihasanovic
22 en appel qui a été rendue hier et qui confirme notre thèse en l'espèce. Il
23 y a cinq points que je souhaite mettre en évidence dans l'affaire
24 Hadzihasanovic.
25 D'abord, l'arrêt Hadzihasanovic, au paragraphe 31, confirme que le
26 critère pour l'élément moral au terme de l'article 7(3), c'est le fait
27 d'être averti qu'il existe un risque que des crimes pourraient être commis.
28 Ceci correspond d'ailleurs à l'arrêt Krnojelac qui reprend le même libellé.
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1 Il est donc évident que la Chambre d'appel reconnaît que lorsqu'un
2 supérieur hiérarchique est informé de la possibilité que des crimes soient
3 commis, cela signifie qu'il a raison de savoir au sens de l'article 7(3) du
4 Statut. Ceci correspond également à l'arrêt Delalic, paragraphe 238, qui
5 montre que "si on établit qu'un supérieur hiérarchique dispose
6 d'informations générales qui lui indiquent que des crimes ou des agissement
7 illicites sont susceptibles d'être commis par ses subordonnés, à ce moment-
8 là, cela suffit pour prouver qu'il avait des raisons de savoir et d'être
9 informé."
10 Il est manifeste et il est évident que l'Accusation n'avance
11 nullement qu'être informé d'une possibilité vague que de telles choses se
12 produisent est suffisante pour que la responsabilité pénale soit engagée,
13 mais Strugar avait des raisons de savoir que ces risques étaient évidents.
14 Donc ça correspond aux critères établis par l'arrêt Krnojelac et Delalic,
15 et donc par la Chambre d'appel.
16 Deuxièmement, la Chambre d'appel dans Hadzihasanovic a établi qu'il
17 suffit qu'un supérieur hiérarchique ait connaissance de ce qui s'est passé,
18 que ces crimes ont eu lieu pour qu'il soit tenu de prendre des mesures à
19 l'avenir. Paragraphes 30 et 267.
20 Troisième point, il n'y a pas de formule automatique pour prouver
21 qu'un supérieur avait des raisons de savoir ce qui se passait, paragraphe
22 31.
23 Selon moi, ce que cela signifie, c'est que lorsque la connaissance
24 est déduite d'un comportement criminel passé, il faut que ce comportement
25 criminel passé, ces crimes qui ont eu lieu par le passé, doivent indiquer
26 au supérieur hiérarchique qu'il est fort possible que ces crimes se
27 répètent à l'avenir. Pour toutes les raisons que j'ai évoquées au début de
28 mon intervention aujourd'hui, nous sommes justement dans un tel cas. Il
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1 s'agit de crimes qui ont eu lieu par le passé, qui n'ont pas été
2 sanctionnés et qui, en raison de tous les problèmes disciplinaires qui
3 avaient lieu, n'ont pas été sanctionnés.
4 Quatrième point au sujet de l'arrêt Hadzihasanovic, c'est que
5 l'application de ces critères, au fait, souligne à quel point nous avons
6 raison en l'espèce. En particulier, s'agissant des crimes commis en
7 détention à Bugojno, la Chambre d'appel a annulé la conclusion de la
8 Chambre de première instance selon laquelle Hadzihasanovic n'avait pas pris
9 les mesures raisonnables et nécessaires pour empêcher les crimes au magasin
10 de meubles, ce qui était suffisant pour engager son obligation de prévenir
11 des crimes ultérieurs. D'autres facteurs indiquent que le risque de voir
12 des crimes supplémentaires se produire était important.
13 S'agissant maintenant des pillages à Vares, la Chambre d'appel a
14 infirmé la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle
15 Kubura avait des raisons d'être informé du pillage de Vares uniquement
16 parce qu'il savait que, cinq mois auparavant, la même chose s'était passée
17 à Ovnak, à 40 kilomètres de là. Mais il faut comparer ceci avec la
18 situation en l'espèce. A la mi-novembre, pilonnage de la vieille ville de
19 Dubrovnik, quelques semaines avant le 6 décembre.
20 Cinquième élément que je souhaite dégager de l'appel Hadzihasanovic,
21 c'est qu'un supérieur hiérarchique qui prend connaissance du fait que des
22 crimes risquent de se produire à l'avenir doit mener des enquêtes, doit
23 s'informer. C'est important. L'obligation d'un supérieur hiérarchique
24 d'empêcher que des crimes ne soient commis n'est pas engagée uniquement si
25 une enquête a révélé que ceci était certain. Ceci est confirmé par la
26 Chambre d'appel dans Hadzihasanovic.
27 Nous demandons que la Chambre d'appel en l'espèce précise qu'un
28 supérieur hiérarchique qui est informé qu'il existe une possibilité réelle
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1 que des crimes soient commis à l'avenir, non seulement ce supérieur doit
2 procéder à une enquête, mais il doit prendre aussi des mesures préventives.
3 De plus, s'il ne le fait pas et si des crimes sont commis à l'avenir, à ce
4 moment-là, sa responsabilité pénale est engagée.
5 Ce qui m'amène à la dernière partie de mon intervention. Je serai
6 très brève et je pourrai donc en terminer avant la pause.
7 Si on accepte que même avant le coup de téléphone de Kadijevic,
8 Strugar avait l'obligation de prendre des mesures préventives, quelle est
9 l'implication pour l'espèce ?
10 J'avance qu'il est facile de trouver une réponse à cette question sur
11 la base des faits de l'espèce tels qu'ils apparaissent dans le jugement de
12 première instance. Au paragraphe 421, la Chambre a conclu que lorsqu'il a
13 donné l'ordre d'attaquer Srdj, Strugar aurait pu, mais n'a pas indiqué
14 spécifiquement qu'il ne fallait surtout pas pilonner la vieille ville, il
15 ne l'a pas fait.
16 Et ceci, en soi, suffit pour établir que Strugar n'a pas rempli
17 l'obligation qui était la sienne en tant que commandant d'empêcher les
18 crimes avant le 6 décembre à 7 heures du matin.
19 Dans notre mémoire, nous avons indiqué quels types de mesures
20 préventives Strugar auraient pu prendre.
21 J'en ai terminé de mon intervention et je peux, bien entendu,
22 répondre à toute question que vous auriez à me poser.
23 [La Chambre d'appel se concerte]
24 Mme LE JUGE VAZ : Non, il n'y a pas de question. Nous allons donc observer
25 la pause de 20 minutes. Nous reprendrons, par conséquent, à 16 heures 5
26 minutes.
27 L'audience est suspendue.
28 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
Page 183
1 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.
2 Mme LE JUGE VAZ : L'audience est reprise. Je pense que le Juge Kwon
3 voudrait poser une question à Mme Jarvis.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci, Madame la Présidente.
5 Madame Jarvis, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous disiez au
6 sujet de l'avertissement de l'existence d'un risque qui implique
7 l'obligation du supérieur hiérarchique aux termes de l'article 7(3) du
8 Statut. J'ai bien compris l'argumentation de l'Accusation à ce sujet selon
9 laquelle on pourrait peut-être appliquer un critère plus exigeant, mais le
10 critère que vous semblez présenter est un critère moins exigeant, me
11 semble-t-il.
12 Je pourrais vous renvoyer, par exemple, à la page 11, paragraphe 2.25
13 de votre mémoire où vous dites que : "L'avertissement de l'existence d'un
14 risque d'agissement criminel est suffisant pour que l'obligation au titre
15 de l'article 7(3) soit engagée s'agissant de l'élément moral." Quand j'ai
16 lu ce paragraphe, je me demandais ce que signifiait ce risque, quel était
17 son niveau, et je me demandais si on pourrait peut-être définir une norme
18 en la matière.
19 Cependant, j'ai remarqué, en vous écoutant il y a quelques instants,
20 que l'Accusation ne dit nullement qu'il suffit d'être vaguement informé
21 pour voir engager sa responsabilité pénale, mais en l'occurrence, Strugar
22 avait des raisons de savoir qu'il existait un risque réel de voir la
23 vieille ville être pilonnée, et ceci, bien entendu, s'inscrit et correspond
24 aux critères établis par la Chambre d'appel.
25 Je sais que dans l'affaire Krnojelac on a parlé d'informations
26 suffisamment alarmantes. Et je me souviens que ce matin Mme Baig a parlé
27 d'avertissements réels et déraisonnables, même si sur le transcript on voit
28 réel et raisonnable.
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1 Donc je me demandais si vous accepteriez que l'on assortisse ce mot des
2 deux adjectifs suivants, réel et manifeste.
3 Mme JARVIS : [interprétation] Merci. Je commencerai pour vous répondre par
4 répéter qu'à ce jour, dans des affaires comme Krnojelac ou Hadzihasanovic,
5 la Chambre d'appel indique que le risque ou la possibilité que des crimes
6 soient commis à l'avenir entraîne l'obligation du supérieur au titre de
7 l'article 7(3) du Statut. Voilà l'état de la jurisprudence, et c'est sur
8 cela que nous nous appuyons pour présenter nos arguments.
9 J'ai dit aujourd'hui dans mon intervention que nous interprétons le
10 libellé de la Chambre d'appel dans Krnojelac et dans Hadzihasanovic où on
11 utilise le mot "might", c'est-à-dire pourrait, pour les crimes commis, que
12 la possibilité que des crimes soient commis suffit. J'ai dit que cela
13 correspond à ce qu'a dit la Chambre d'appel dans Delalic. Mais j'ai dit
14 également qu'une possibilité c'est quelque chose d'assez vague et qu'il y a
15 des possibilités qui sont plus ou moins réalistes. Je ne pense pas qu'il
16 faut que la possibilité soit extrêmement vague. Il faut que les
17 informations soient suffisamment alarmantes pour engager à la prise de
18 mesures préventives. Mais la Chambre de première instance a dit que le
19 risque était manifeste, et je pense que l'on ne peut pas dire et ça irait à
20 l'encontre de la jurisprudence qu'un tel risque n'oblige pas un supérieur
21 hiérarchique à prendre des mesures préventives.
22 Vous me demandez ensuite ce qu'il en est de la formulation de risque
23 prévisible, réel ou raisonnable. C'est ce qui figure dans le jugement de
24 première instance Hadzihasanovic. Je me suis penchée sur la question. J'ai
25 examiné le jugement dans l'affaire Strugar, et nous ne sommes pas d'accord
26 avec cette approche parce que ça voudrait dire qu'un supérieur hiérarchique
27 n'a aucune obligation tant que les événements ne se produisent pas.
28 Le libellé qui a été choisi de risque réel et raisonnable est
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1 acceptable, c'est ce qui a déjà été utilisé par le passé. Je pense que
2 cette formulation correspond à la jurisprudence du Tribunal, et si la
3 Chambre d'appel décidait d'apporter des précisions sur le critère valable
4 pour définir ce risque, je pense que ça pourrait être fort utile pour les
5 affaires qui seront entendues ultérieurement par elle-même ou par d'autres
6 Chambres.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
8 Mme LE JUGE VAZ : Oui, Monsieur le Juge Shahabuddeen, vous voulez poser une
9 question.
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous accepteriez la
11 formulation de danger réel et actuel ?
12 Mme JARVIS : [interprétation] Je n'ai pas bien compris.
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous accepteriez la
14 formulation suivante : danger réel et actuel ?
15 Mme JARVIS : [interprétation] Oui, ça correspond à peu près à ce dont nous
16 parlons. Ça correspond à la formulation adoptée par Hadzihasanovic. Dans le
17 jugement Hadzihasanovic, il y a différentes manières de s'exprimer à ce
18 sujet et il y en a une qui correspond à ce que vous dites. Le Juge Kwon a
19 raison. La situation est la suivante, c'est que le supérieur hiérarchique a
20 reçu suffisamment d'information alarmante pour agir. Risque raisonnable,
21 prévisible, danger actuel, et cetera, voilà où nous voulons en venir.
22 Mme LE JUGE VAZ : Le Procureur a toujours la parole pour la suite de ses
23 soumissions qui concernent son appel.
24 Mme BRADY : [interprétation] Merci.
25 Je vais maintenant aborder le troisième moyen d'appel de l'Accusation
26 qui porte sur la peine.
27 Vous avez connaissance des constatations en l'espèce qui ont
28 abondamment été évoquées au cours de l'audience de ce jour. On peut dire
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1 que le général Strugar est déclaré coupable au titre de l'article 7(3) du
2 Statut pour ne pas avoir empêché ou sanctionné le pilonnage sans
3 discernement et délibéré de la vieille ville de Dubrovnik qui figure sur le
4 patrimoine de l'humanité, pilonnage par les forces placées sous son
5 commandement. Et comme nous l'avons vu en écoutant Mme Jarvis, ce pilonnage
6 a entraîné des dégâts considérables, dégâts de biens civils, culturels, et
7 ça a entraîné également des blessés et des décès parmi la population
8 civile.
9 Selon nous, la peine de huit ans prononcée est inappropriée et il convient
10 de l'alourdir. Dans notre mémoire d'appel, vous trouverez l'argumentation
11 détaillée qui est la nôtre, et je vais me contenter d'insister sur deux
12 points.
13 Premièrement, sur l'erreur faite par la Chambre de première instance en
14 comparant le cas de Strugar avec celui de Jokic. Cette erreur a entraîné la
15 Chambre de première instance à prononcer une peine trop légère contre
16 Strugar. Pour ce faire, je vais insister sur deux aspects, deux aspects qui
17 montrent la différence entre ces deux accusés. Premièrement, leur niveau de
18 pouvoir respectif dans la structure de commandement et leur rôle le jour du
19 pilonnage; et deuxièmement, je vais parler des différences entre ces deux
20 cas qui s'expliquent par le plaidoyer de culpabilité de Jokic et l'étendue
21 de la coopération qu'il a donnée au bureau du Procureur.
22 En deuxième lieu, je vais intervenir sur l'erreur de la Chambre de première
23 instance qui a considéré que la déclaration faite par Strugar à la fin de
24 son procès constituait une manifestation de remords et l'a donc pris en
25 compte au titre de circonstances atténuantes.
26 Première partie de mon argumentation, comparaison par la Chambre de
27 première instance de la présente affaire avec celle de Jokic et la peine
28 prononcée.
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1 Je rappellerai brièvement que l'amiral Jokic a plaidé coupable et a été
2 déclaré coupable au titre de l'article 7(1) du Statut pour avoir aidé et
3 encouragé les unités responsables du pilonnage de la vieille ville, et au
4 titre de l'article 7(3) pour ne pas avoir empêché et sanctionné ces crimes.
5 Il a été condamné à sept ans d'emprisonnement.
6 Au moment de l'appel dans son affaire, la Chambre d'appel a confirmé
7 sa déclaration de culpabilité au titre de l'article 7(1) pour avoir aidé et
8 encouragé, mais a annulé la déclaration qui avait été prononcée contre lui
9 au titre de l'article 7(3) à cause de la déclaration qui avait déjà été
10 prononcée au titre de l'article 7(1) du Statut, et la Chambre d'appel a
11 confirmé sa peine de sept ans.
12 Selon nous, la Chambre de première instance dans l'affaire Strugar n'a pas
13 eu tort de s'inspirer de la peine de sept ans prononcée contre Jokic
14 puisque ces deux accusés, finalement, ont été condamnés pour les mêmes
15 crimes, les mêmes crimes qui découlent du pilonnage de la vieille ville, et
16 pour le même comportement criminel, si on peut dire. Jokic a été condamné
17 pour ne pas avoir empêché que les crimes soient commis, pour les avoir
18 aidés et encouragés, et Strugar pour ne pas les avoir empêchés et pour ne
19 pas avoir puni les auteurs.
20 Mais il existe des différences importantes entre ces deux accusés. La
21 Chambre de première instance a versé dans l'erreur lorsqu'elle n'a pas
22 suffisamment tenu compte de ces différences significatives qui auraient dû
23 entraîner une différence aussi au niveau de la peine, une différence plus
24 importante que cette différence d'un an que l'on peut constater
25 actuellement. Comme je l'ai dit, les deux différences principales entre ces
26 hommes, ce sont leur niveau d'autorité au sein du commandement de la JNA,
27 leur rôle au jour du pilonnage, et ensuite tout ce qui découle du plaidoyer
28 de culpabilité de Jokic et de la coopération de Jokic avec le bureau du
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1 Procureur.
2 Premièrement, je vais évoquer le rôle de ces deux hommes au sein de la
3 structure du commandement et leur rôle le jour du pilonnage. Il s'agit de
4 la première branche de ce moyen d'appel.
5 La Chambre de première instance a versé dans l'erreur au paragraphe 464 en
6 déclarant ou en estimant que la responsabilité de Strugar était "moins
7 directe" que celle de Jokic, qui était le commandant direct immédiat des
8 hommes qui ont participé au pilonnage. Il va sans dire, il faut bien
9 comprendre, que nous nous inscrivons au faux avec les arguments de la
10 Défense au sujet de l'échelon et du rôle respectif de ces deux hommes.
11 Même si ces deux hommes avaient des grades militaires équivalents au moment
12 des opérations en question, le général Strugar était supérieur dans la
13 hiérarchie à l'amiral Jokic dans la filière hiérarchique de la JNA. Cette
14 différence hiérarchique était très significative et substantielle. Il ne
15 faut surtout pas oublier que, dans la région, Strugar était le commandant
16 opérationnel du plus haut niveau de responsabilité. Toutes les forces qui
17 se trouvaient dans la zone opéraient sous son commandement.
18 Selon nous, la position qui était la sienne, ou plutôt, le niveau
19 d'autorité qui était le sien fait qu'il est plus responsable et non pas
20 moins responsable, comme l'a conclu la Chambre de première instance.
21 Pourquoi avançons-nous ceci ? Comme ceci a été indiqué et souligné
22 hier dans l'arrêt rendu dans l'affaire Hadzihasanovic, un haut niveau de
23 responsabilité, d'autorité, n'emporte pas forcément une responsabilité plus
24 importante. Le niveau d'autorité, le poste occupé à lui seul, n'entraîne
25 pas une augmentation de la responsabilité de l'intéressé. Mais comme le
26 reconnaît le jugement au paragraphe 320, l'abus par le supérieur de
27 l'autorité dont il est investi peut être pris en compte. Nous
28 reconnaissons, bien entendu, le fait que la graduation des peines sur la
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1 base de l'ancienneté ou de la responsabilité des intéressés n'est pas un
2 principe absolu, mais en tout cas en l'espèce, c'est un principe qui doit
3 être pris en compte et qui est justifié.
4 Pourquoi ? Le rôle et le niveau de responsabilité supérieur qu'avait
5 Strugar au sein de la chaîne de commandement de la JNA lui donnaient, bien
6 entendu, des responsabilités plus importantes. Il était commandant d'un
7 corps d'armée. En n'exerçant pas correctement ses responsabilités, qui
8 étaient supérieures, en abusant de son autorité, on peut dire qu'il est
9 plus responsable que Jokic. Le fait qu'il avait un niveau de responsabilité
10 plus élevé signifie aussi que lorsqu'il abusait de cette autorité, ceci
11 avait des conséquences plus importantes. Dans une structure de commandement
12 militaire, au fur et à mesure que son niveau de responsabilité augmente et
13 plus il a d'hommes et d'unités sous ses ordres, plus il a de
14 responsabilités. S'il n'agit pas, si ses troupes ne sont pas suffisamment
15 disciplinées, ceci a des conséquences importantes.
16 Mais ce qui compte, ce n'est pas simplement le fait que Strugar était à la
17 tête de ces unités. En fait, Strugar exerçait un contrôle plus important
18 sur les auteurs des crimes à ce moment-là que ce n'était le cas pour Jokic.
19 Il est vrai, je ne le conteste pas, que Jokic était le commandant
20 direct du 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée et des autres unités du
21 9e VPS qui ont participé aux opérations ce jour-là, et nous reconnaissons
22 qu'en tout cas au matin de cette journée, Jokic était, géographiquement
23 parlant, plus près de Zarkovica et de Dubrovnik que Strugar.
24 Mais c'est Strugar qui, selon la Chambre de première instance, a
25 ordonné l'attaque contre Srdj, et pas Jokic. Et c'est Strugar qui pouvait
26 donner des ordres à Jokic, et pas l'inverse. En fait, Strugar était plus à
27 même de contrôler les unités ce jour-là et de faire en sorte que ces crimes
28 ne se poursuivent pas dès qu'il a été informé que ces crimes étaient en
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1 train d'être commis. Or, la Chambre de première instance l'a constaté dans
2 son jugement, il n'a pris aucune mesure, ou en tout cas il a pris des
3 mesures inefficaces.
4 Voilà mon premier point de mon argumentation. La Chambre de première
5 instance a eu tort lorsqu'elle a déclaré que Strugar avait une
6 responsabilité qui était moins directe que celle de Jokic au moment de
7 déterminer sa peine.
8 Je vais maintenant évoquer les autres éléments-clés qui marquent la
9 différence entre Strugar et Jokic et dont la Chambre de première instance
10 n'a pas suffisamment tenu compte au moment de prononcer la peine de
11 Strugar. Il s'agit de la troisième branche de ce moyen d'appel.
12 Ça revient à la chose suivante : Jokic a plaidé coupable. Il a coopéré de
13 manière importante avec l'Accusation. Il a déposé en tant que témoin-clé
14 dans l'affaire Strugar, et la Chambre de première instance dans Jokic a
15 qualifié le plaidoyer de culpabilité et la coopération de Jokic
16 exceptionnellement importantes au moment de déterminer sa peine. La Chambre
17 a considéré qu'il s'agissait d'une circonstance atténuante
18 "exceptionnellement importante," paragraphe 114 de l'arrêt dans l'affaire
19 Jokic. Et pourtant, la Chambre de première instance dans Strugar n'a même
20 pas mentionné l'importance de la coopération de Jokic et n'a même pas
21 mentionné l'impact que ça a pu avoir sur la peine de sept ans prononcée
22 contre Jokic.
23 Il s'agissait là d'une circonstance atténuante importante dans
24 l'affaire Jokic qui a poussé la Chambre de première instance à prononcer
25 une peine bien moins importante que normalement. Et tout ceci n'existe pas
26 dans l'affaire Strugar. L'année de différence entre les peines prononcées
27 contre ces deux hommes, sept ans d'un côté, huit ans de l'autre n'en rend
28 pas compte, surtout si l'on tient compte de ce que je viens de vous dire
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1 précédemment, c'est-à-dire de leur niveau d'autorité respectif et de leur
2 rôle respectif.
3 Avant d'évoquer notre dernier argument qui porte sur le remords, je
4 pense qu'il serait bon pour moi que je réponde à l'argument de la Défense
5 selon lequel Jokic est pénalement plus responsable que Strugar. Ce sont des
6 arguments qui figurent en réponse à notre appel ainsi que dans le mémoire
7 de la Défense. Jokic a été déclaré coupable de six chefs et non pas de deux
8 chefs d'accusation, il a été déclaré coupable d'endommagement de biens, et
9 cetera. Il a été déclaré coupable au titre de l'article 7(1) pour avoir
10 aidé et encouragé, et selon la Défense, il s'agit d'une forme plus directe
11 de responsabilité.
12 Or, aucun de ces arguments ne tient. On peut dire qu'en l'essence,
13 les crimes commis par Jokic et Strugar sont les mêmes, pour l'essentiel de
14 leur constitution, et le fait que Jokic et Strugar n'aient pas été
15 condamnés pour le même nombre de chefs n'y change rien. Parce qu'en fait,
16 on parle ici du même comportement criminel.
17 Le simple fait que Jokic ait été déclaré coupable de l'article 7(1)
18 du Statut ne signifie pas pour autant que son cas soit plus grave que celui
19 de Strugar. Juridiquement parlant, les crimes relevant de l'article 7(3) ne
20 sont pas moins graves que ceux qui relèvent de l'article 7(1) du Statut,
21 ceci, surtout lorsque comme dans le cas d'espèce, la raison pour laquelle
22 Jokic a été déclaré coupable pour avoir aidé et encouragé, c'est justement
23 parce qu'il n'a pas rempli l'obligation qui était la sienne en tant que
24 supérieur hiérarchique ce jour-là et n'a pas empêché les crimes. Donc, on
25 peut dire que ce sont les mêmes gestes incriminés, même si on leur a
26 attribué des étiquettes différentes.
27 Je vais maintenant passer à mon dernier point, c'est-à-dire que la
28 Chambre de première instance a commis une erreur en considérant que les
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1 remords exprimés par Strugar étaient suffisants pour être considérés comme
2 des circonstances atténuantes. Paragraphe 470 et 471, il s'agit de la
3 deuxième branche de ce moyen d'appel.
4 Nous reconnaissons que la Chambre de première instance n'a peut-être
5 pas accordé beaucoup de poids à ce facteur en tant que circonstance
6 atténuante, mais le seul fait d'en donner est en soi une erreur à notre
7 avis.
8 Les remords, intrinsèquement, c'est une expérience subjective. La
9 présence de remords, en réalité, ne peut s'exprimer que par les mots qu'on
10 utilise ou si c'est prouvé par des indices objectifs. Ici, pourtant, en
11 l'espèce, si vous examinez la déclaration du général Strugar, celle qu'il a
12 faite en fin de procès, tout ce qu'on peut dire de sa déclaration c'est que
13 ce sont des excuses générales pour les torts causés par la guerre. Il a nié
14 tout agissement personnel, toute responsabilité, il n'a même pas reconnu
15 que des crimes avaient été commis. Et ce genre de déclaration ne saurait
16 être qualifiée de remords suffisants pour mériter d'être considérés comme
17 des circonstances atténuantes.
18 Je vous invite, Madame, Messieurs les Juges, à faire une comparaison
19 entre la déclaration faite par Strugar en fin de procès avec la situation
20 qui qualitativement était différente, celle des remords exprimés
21 sincèrement par Jokic. Dans son mémoire, la Défense a tenté d'établir une
22 comparaison entre ces déclarations faites d'un côté par Jokic et de l'autre
23 par Strugar au moment des événements, à savoir, ici c'est le 7 décembre.
24 Des excuses ont été présentées aux Croates et la Défense essaie aussi de
25 comparer les déclarations faites dans les procès respectifs de ces hommes.
26 Il y a une grande similitude au niveau du contenu. C'est ce que dit la
27 Défense.
28 Cette analyse grammaticale, cette analyse hypertextuelle des mots
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1 utilisés, en fait, rate le coche, le point essentiel c'est ceci. Quand on
2 voit les mots utilisés par Jokic au moment du procès et au moment des
3 événements, ils ont été étayés par ses remords, par son plaidoyer de
4 culpabilité et la grande coopération dont il a fait preuve. Or, ce n'est
5 sûrement pas le cas pour Strugar ni d'un côté, ni de l'autre.
6 La Défense met en exergue dans son mémoire l'arrêt Vasiljevic, lequel
7 dit qu'il est possible qu'un accusé exprime des regrets sincères sans pour
8 autant admettre qu'il a participé à un crime. En d'autres termes, le fait
9 d'être jugé ou d'accepter un procès n'empêche pas un accusé d'exprimer et
10 de prouver qu'il a des remords sincères. Les remords ne nécessitent pas
11 qu'on reconnaisse une culpabilité pénale, c'est peut-être vrai, mais ça ne
12 veut pas dire pour autant qu'un accusé qui choisi d'être jugé doit
13 nécessairement toujours bénéficier ou tirer un avantage du remords en tant
14 que circonstance atténuante.
15 Bien entendu, un accusé a le droit de plaider non coupable. Il a
16 parfaitement le droit de se défendre des chefs d'accusation retenus contre
17 elle ou contre lui. Mais ceci peut entraîner certaines conséquences au
18 niveau des stratégies retenues au moment du procès. On peut décider de
19 pleinement se défendre sur les faits, sur les responsabilités, il y aura
20 d'autres conséquences. Le fait de prévoir plusieurs options de défense,
21 comme ça a été le cas ici. Une de ces conséquences pourrait être que
22 l'accusé n'est plus en mesure de tirer partie du remords pour espérer en
23 faire une circonstance atténuante.
24 L'arrêt Vasiljevic nous dit que le fait d'être jugé n'est pas
25 nécessairement en contradiction avec l'expression de remords. Mais cet
26 arrêt Vasiljevic ne signifie pas que tout accusé qui décide d'accepter un
27 procès a le droit d'invoquer le remords pour en faire une circonstance
28 atténuante. Ça ne veut pas dire non plus que toute expression de regret va
Page 195
1 nécessairement entraîner une diminution de la peine.
2 A notre avis, il en faut plus qu'une simple excuse générale sans
3 reconnaître que des crimes ont été commis et sans accepter à fortiori sa
4 responsabilité personnelle. Et c'est la raison pour laquelle ces genres de
5 déclarations ne poursuivent ou ne remplissent aucune finalité. Ce que
6 recherche l'expression du remords dans un Tribunal international, ici on
7 cherche dans le remords la réconciliation, la prévention constructive et
8 l'amendement.
9 Nous vous demandons de déclarer une peine plus lourde pour mieux rendre
10 compte de sa culpabilité. Un chiffre, quel serait-il ? Au procès,
11 l'Accusation avait requis de 13 à 15 ans. Partant des condamnations
12 conclues par la Chambre ou décidées par la Chambre et compte tenu de la
13 peine imposée à Jokic, nous pensons que la Chambre de première instance
14 aurait dû condamner Strugar à 10 ou 12 ans, dans cette fourchette de temps
15 et non pas à 8 ans d'emprisonnement.
16 Dernier point que je voudrais évoquer. La Défense vous a demandé de tenir
17 compte de la situation de santé actuelle de Strugar. La Défense vous a dit
18 qu'il a subit une grave détérioration de sa santé depuis le jugement rendu
19 il y a trois ans.
20 Nous l'avons déjà dit, la Chambre de première instance a déjà tenu
21 compte de la mauvaise santé de M. Strugar au moment du procès, au moment de
22 la fixation de la peine, et la Chambre ne s'est pas trompée dans ce qu'elle
23 a décidé partant de son pouvoir discrétionnaire. Je vais donc me borner à
24 parler de la santé de M. Strugar, dans la mesure où elle s'est peut-être
25 détériorée depuis le jugement.
26 Si vous vous dites à un moment donné que vous devez prononcer une
27 autre peine, soit parce que vous retenez notre premier motif et que vous
28 élargissez la portée de sa condamnation, ou si vous estimez qu'il y a eu
Page 196
1 une erreur, et si vous maintenez soit l'appel de l'Accusation ou celui de
2 la Défense en matière de peine partant du principe que la Chambre s'est
3 trompée, oui effectivement, vous avez toute liberté d'estimer que la santé
4 de l'accusé s'est fortement dégradée depuis le procès ou le premier
5 verdict. Je me base ici sur l'arrêt Celibici, 3 avril 2003, paragraphes 11
6 à 15, qui vous permettrait d'agir dans ce sens.
7 Cependant, à notre avis il faudrait avant de décider de cela procéder à un
8 examen minutieux. Dans le passé, vous avez entendu en appel des éléments
9 parlant de l'évolution, de la modification des conditions personnelles de
10 l'accusé depuis la fin du procès. Mais en général, vous n'avez pas retenu
11 cet élément, que ce soit dans le cas de Zoran Zigic, lorsqu'il a essayé en
12 appel de vous montrer d'autres éléments de preuve, ou en vous parlant de
13 son comportement après verdict au quartier pénitentiaire ou dans Celibici.
14 La Chambre d'appel n'avait pas retenu l'élément apporté par l'appelant,
15 qui était que ces circonstances avaient changé.
16 Mais tout au long de la procédure d'appel ces trois dernières années,
17 il serait juste de dire que les deux parties, ainsi que la Chambre d'appel,
18 ont été conscientes des aspects particuliers à la santé du général Strugar.
19 Me Rodic a parlé des rapports déposés depuis trois ans, même avant en 2004,
20 2005 et 2006.
21 Si vous en arrivez au stade où vous décidez d'une nouvelle peine
22 imposée au général Strugar, vous allez peut-être penser qu'ici il convient
23 d'exercer ce pouvoir discrétionnaire qui est le vôtre, et de tenir compte
24 de son état de santé actuel. Nous sommes au courant des rapports présentés
25 par la Défense dans la mesure où ces éléments présentés sont en mesure de
26 vous convaincre qu'il y a eu une détérioration de son état de santé. Il ne
27 serait pas inapproprié de tenir compte de ces considérations.
28 J'en ai ainsi terminé des arguments que l'Accusation voulait vous présenter
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1 pour la peine, comme pour la totalité des appels. Nous en avons ainsi
2 terminé, à moins que vous ayez des questions à nous poser.
3 Mme LE JUGE VAZ : M. le Juge Shahabuddeen voudrait vous poser une question.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mme Brady, juste une question.
5 Vous avez cité l'arrêt Vasiljevic à l'appui de l'idée qu'un accusé ne doit
6 pas nécessairement reconnaître les crimes qui lui sont reprochés. Sans
7 reconnaître une telle participation, il peut malgré tout invoquer une
8 circonstance atténuante, et vous dites qu'il faut davantage qu'une simple
9 excuse générale, sans admettre, sans avouer et reconnaître que des crimes
10 ont été commis.
11 Si vous étiez un avocat de la Défense, et si vous deviez prodiguer
12 conseil à votre client, vous voudriez savoir ce qu'il faut en plus d'une
13 simple excuse si effectivement il ne doit pas reconnaître que des crimes
14 ont été commis.
15 Mme BRADY : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. L'arrêt Vasiljevic
16 dit en fait qu'un accusé peut exprimer les regrets sincères sans qu'il
17 admette qu'il ait participé à un crime.
18 A notre avis, au minimum ce qu'il faut faire, et je pense que de par
19 le passé des Chambres de première instance comme des Chambres d'appel ont
20 confirmé ce cas de figure lorsqu'il y a eu expression de remords, il faut
21 pour moi que la personne reconnaisse qu'elle a commis une infraction, qu'il
22 y a eu effectivement un méfait, et il peut bien sûr dire que lui n'a aucune
23 responsabilité, qu'il n'a pas du tout participé. Ça peut être un moyen de
24 défense, mais il faudrait qu'il reconnaisse tout du moins que quelque part,
25 il y a eu méfait ou crime.
26 Ainsi, dans l'affaire Musema où l'accusé n'avait pas admis ou reconnu
27 qu'il avait participé ou qu'il devait endosser une certaine responsabilité
28 pour ce qui s'était passé au moment du génocide, il avait quand même
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1 reconnu qu'il y avait eu génocide. A un moment, un niveau quelque part il
2 faut qu'il y ait aveu ou reconnaissance du fait qu'il y ait eu méfait ou
3 crime.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vois. Merci.
5 Mme LE JUGE VAZ : Bien, vous nous remercions, Madame Brady. Vous en avez
6 terminé avec votre présentation ? Bien.
7 Monsieur Rodic, vous avez la parole.
8 M. RODIC : [interprétation] Madame la Présidente, me permettriez-vous de
9 vous demander ceci, j'aimerais avoir trois minutes dans le cadre de ma
10 question précédente, trois minutes pour répondre à ce que Mme Brady a dit
11 en réponse aux questions posées par les Juges, après quoi mon confrère
12 prendrait la parole. Deux minutes simplement.
13 Mme LE JUGE VAZ : Très bien, Monsieur Rodic. Vous pouvez donc répondre.
14 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie. Mon estimée consoeur, en
15 réponse aux questions posées par M. le Juge Meron, page du compte rendu
16 d'audience 4 086 et 4 087, a dit qu'à son retour de Belgrade, l'amiral
17 Jokic aurait parlé au général Strugar de la façon de dissimuler les
18 événements survenus dans la vieille ville, les événements portant sur le
19 pilonnage de la vieille ville. Je dois dire qu'on ne trouve pas ce genre de
20 déclarations dans le jugement, car la Chambre de première instance n'a pas
21 accepté, n'a pas accueilli cela.
22 Jokic essayait à tout prix de bien se placer, et d'alléger le plus la
23 peine qui risquait de lui être imposée. Lorsqu'il est venu témoigner dans
24 le procès Strugar, il a fait des déclarations qui, comme dans bien d'autres
25 affaires, étaient criblées de contradictions. Il a souvent changé de
26 versions. Il a essayé par sa déposition de présenter à l'opinion publique
27 croate une version qui lui convenait, et ceci n'a aucunement été étayé par
28 d'autres éléments de preuve, ce qui fait que la Chambre de première
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1 instance n'a aucunement tenu compte de ce qu'il a dit.
2 La question qui se pose, c'était la punition imposée à Kovacevic, la
3 question était de savoir pourquoi Jokic ne l'avait pas puni. Regardez les
4 conséquences de l'enquête, le fait de prendre des mesures. Pour nous il est
5 très important de déterminer le comportement de Jokic le 5 décembre, s'il
6 planifiait une certaine chose avec Kovacevic, s'il lui donnait des ordres à
7 l'insu du 2e OG, à ce moment-là, on peut dire que l'implication de
8 Kovacevic est bien plus grande et c'est finalement Jovanovic qui a fini par
9 être puni, et c'est lui est à blâmer. Et la Chambre de première instance
10 l'a établi, c'est Jovanovic qui n'a pas pu utiliser son artillerie contre
11 la vieille ville.
12 Mme Brady a dit, en réponse aux questions du Juge, que Strugar avait
13 appris à 7 heures que la vieille ville était pilonnée, c'était Kadijevic
14 qui lui avait dit cela, puis il aurait appelé Jokic; mais c'est déformer
15 les faits. A ce moment-là, Kadijevic ne pouvait pas savoir ce qui se
16 passait dans la vieille ville. Strugar non plus du coup. Il ne pouvait pas
17 intervenir dans la zone de Dubrovnik. Ceci aussi avait été accepté par la
18 Chambre de première instance dans son jugement.
19 M. PETROVIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, j'aimerais,
20 si vous me le permettez, répondre à l'appel interjeté par l'Accusation.
21 Nous avons ici la réponse de la Défense au mémoire en appel de l'Accusation
22 et aux arguments qui ont été présentés aujourd'hui. Ces arguments sont
23 forts semblables à celui que l'on trouve dans les écritures de
24 l'Accusation. Nous avons déjà répondu à ces écritures, et la Défense
25 maintient les arguments qu'elle a présentés en réponse à l'appel interjeté
26 par l'Accusation. Mais nous souhaiterions mettre en exergue certains points
27 qui, à notre avis, peuvent être utiles à la Chambre d'appel lorsqu'elle va
28 devoir se prononcer.
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1 Premier motif d'appel de l'Accusation, il concerne l'obligation qu'a
2 l'accusé d'empêcher que des crimes soient commis par ses subordonnés
3 conformément à l'article 7(3) du Statut. Concrètement, l'Accusation fait
4 valoir que la Chambre de première instance a versé dans l'erreur en
5 concluant que Strugar ne savait pas ni n'avait de raison de savoir que ses
6 subordonnés étaient sur le point de commettre des crimes au cours de
7 l'attaque menée sur Srdj. C'est l'attaque sur Srdj du 6 décembre 1991 qui,
8 d'après les conclusions de la Chambre, avait été ordonnée par Strugar.
9 L'Accusation fait valoir que Strugar avait l'obligation de prendre
10 des mesures de façon à empêcher le pilonnage de la vieille ville au cours
11 de cette attaque, obligation qu'il avait dès le moment, le 5 décembre, où
12 il donne l'ordre de l'attaque, donc à partir de minuit le 6 décembre 1991,
13 compte tenu du cadre temporel retenu dans l'acte d'accusation.
14 Ce motif d'appel part d'une supposition qui parcourt tout le jugement en
15 première instance. Cette prémisse que l'on trouve à la base de ce jugement,
16 c'est que Strugar a donné l'ordre d'attaquer Srdj le 6 décembre 1991.
17 En tout premier lieu, la Défense, et ceci de façon catégorique, rejette
18 cette idée selon laquelle Strugar aurait ordonné d'attaquer Srdj, comme le
19 dit le jugement de première instance. La Chambre d'appel a déjà eu
20 l'occasion d'entendre nos arguments sur ce point.
21 Dans la réponse que nous faisons maintenant à l'Accusation, nous n'allons
22 pas répéter les arguments concernant les erreurs au niveau des
23 constatations retenues par la Chambre de première instance lorsqu'elle a
24 conclu que c'était Strugar qui avait donné l'ordre d'attaque. Tout ceci se
25 trouve dans la réponse fournie par la Défense.
26 Ce motif d'appel de l'Accusation est valable uniquement si la Chambre
27 d'appel n'accepte pas notre principal moyen d'appel. Si la Chambre d'appel
28 estime qu'il n'y avait pas d'ordre, la Défense estime qu'il est superflu de
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1 discuter de la portée de cette obligation qu'il aurait d'empêcher que des
2 actes soient commis, actes mentionnés dans ce motif d'appel de
3 l'Accusation.
4 Mais si la Chambre d'appel rejette l'appel de la Défense sur ce point, la
5 Défense veut souligner certaines raisons qui, à notre avis, justifient ce
6 qu'a dit la Chambre de première instance.
7 La Défense comprend que l'Accusation reprend le raisonnement juridique de
8 la Chambre pour en conclure que celle-ci estime qu'un supérieur est
9 responsable uniquement si le crime est certain, s'il est déjà planifié.
10 Dans d'autres circonstances, d'après ce que dit l'Accusation, la Chambre
11 n'implique pas nécessairement que le supérieur a l'obligation d'agir.
12 C'est une conclusion erronée tirée par l'Accusation lorsqu'elle dit que la
13 Chambre pose une condition pour qu'il y ait responsabilité du supérieur
14 hiérarchique, il faut qu'il sache ou ait des raisons de savoir uniquement
15 s'il est certain qu'il va y avoir crime. C'est une conclusion inadéquate
16 que tire l'Accusation. La Chambre, à notre avis, ne s'écarte pas de ce qui
17 était accepté comme étant les conditions juridiques en application de
18 l'article 7(3). Au contraire, la conclusion de la Chambre découle d'une
19 analyse minutieuse des circonstances, est-ce que le supérieur savait ou
20 avait des raisons de savoir. Appréciation qui parle notamment aussi des
21 risques réels et manifestes. C'est une appréciation, une analyse, qui est
22 faite que l'on se demande s'il y avait un plan d'attaque ou un plan pour
23 commettre les crimes ou pas.
24 C'est une analyse minutieuse, disais-je, faite par la Chambre, qui a tenu
25 compte de tous les facteurs pertinents, les a examinés de façon
26 approfondie, facteurs qui sont énumérés aux paragraphes 32 et 33 du mémoire
27 en réponse de la Défense.
28 La Chambre a tenu compte de tous ces facteurs, de l'existence d'un
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1 risque réel et manifeste de voir la JNA pilonner la vieille ville à
2 l'occasion de l'attaque de Srdj. Tous ces faits analysés par la Chambre,
3 c'est une analyse des risques, analyse pour voir si l'accusé dans ce
4 contexte avait connaissance du risque ou avait des raisons d'être au
5 courant de ce risque.
6 La Chambre procède à une analyse des risques, elle ne recherche pas
7 la certitude qu'il va y avoir crime, elle ne cherche pas non plus
8 l'existence d'un plan qui impliquerait que Strugar a l'obligation d'agir.
9 Dans cette analyse et appréciation des risques, la Chambre ne fait que
10 donner à titre d'exemple une situation dans laquelle des supérieurs
11 hiérarchiques avaient des informations disant que les forces qu'ils
12 contrôlaient planifiaient la commission d'un crime. La Chambre se sert de
13 ceci à titre d'exemple, elle ne pose pas ceci en tant que condition.
14 L'Accusation est en fait en désaccord avec le résultat de l'analyse
15 factuelle de la Chambre, pas son analyse juridique. On a l'impression que
16 l'Accusation prend comme norme pour appliquer l'article 7(3), une norme
17 qu'elle analyse comme ceci : le supérieur hiérarchique serait averti de
18 l'existence d'un risque chaque fois qu'il a des informations disant qu'un
19 subordonné a déjà auparavant commis certains crimes.
20 La Défense a l'impression que la démarche retenue par l'Accusation implique
21 une formule disons automatique. Et la Défense pense qu'au contraire, sur ce
22 point, il faut faire ici aussi une évaluation, une appréciation, surtout
23 parce qu'il y a eu des événements en octobre et en novembre 1991 et que là
24 il y a toute une série de faits qu'on peut contester - on peut se demander
25 de quels crimes il s'agit, qui les aurait commis - où il a été établi que
26 les événements d'octobre et de novembre peuvent être qualifiés de crime, et
27 surtout pour se demander si ces crimes contiennent les mêmes éléments
28 constitutifs que les crimes survenus le 6 décembre 1991. Il est aussi très
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1 important de savoir qui aurait commis ces crimes présumés.
2 Eu égard au pilonnage du mois d'octobre 1991, les éléments de preuve
3 présentés montrent clairement que ce n'est pas l'unité à qui Strugar aurait
4 apparemment donné l'ordre de prendre Srdj le 6 décembre 1991; le 3e
5 Bataillon de la 472e Brigade n'a pas participé aux activités survenues en
6 octobre 1991. Nous avons des éléments de preuve contenus dans ce dossier où
7 l'on trouve des documents montrant où se trouvait cette unité au moment des
8 faits. Elle n'a aucunement participé à une attaque sur Dubrovnik ni sur la
9 vieille ville. Ceci a été abordé longuement au paragraphe 13 du mémoire de
10 la Défense.
11 En ce qui concerne les événements de novembre 1991, le soutien
12 d'artillerie, cet appui de l'artillerie est venu de vaisseaux, d'autres
13 unités d'artillerie du 9e VPS. Là aussi, ce n'est pas le 3e Bataillon de la
14 472e Brigade qui a ouvert le feu. Vous trouverez ceci aux paragraphes 19 à
15 28 des écritures de la Défense du mémoire en appel.
16 Par conséquent, même si nous devions accepter ce qu'a dit la Chambre de
17 première instance à propos d'un ordre présumé destiné à s'emparer de Srdj,
18 le simple fait qu'il y aurait eu engagement du 3e Bataillon de la 472e ne
19 signifie pas que l'accusé avait des raisons de savoir ou aurait pu savoir
20 qu'en raison d'un comportement antérieur, il existait un risque de voir se
21 répéter une attaque sur la vieille ville.
22 Par conséquent, cette formule automatique qu'utilise l'Accusation pour
23 essayer de vous montrer qu'il y avait toujours avertissement d'un risque ou
24 qu'il existe toujours cet avertissement d'un crime lorsqu'on sait que des
25 crimes ont été produits auparavant, c'est tout à fait en contradiction avec
26 la jurisprudence constante de ce Tribunal qu'évoque la Défense dans son
27 mémoire en réponse.
28 La Chambre d'appel dans l'affaire Krnojelac, paragraphe 171, présente
Page 204
1 une démarche qui cadre parfaitement avec ce qu'a fait la Chambre de
2 première instance Strugar.
3 Je l'ai déjà dit, la Chambre de première instance a examiné toute une
4 série de circonstances avant de se prononcer sur le fait de savoir si le
5 risque qui existait dans l'ordre qui aurait été donné d'attaquer Srdj, si
6 ce risque était tel que Strugar savait ou avait des raisons de savoir.
7 En conclusion, la Défense estime que la Chambre n'a pas versé dans
8 l'erreur en droit en appliquant les normes ou les critères pour savoir si
9 Strugar savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés
10 s'apprêtaient à commettre un crime.
11 En réponse au deuxième motif d'appel qui n'a pas été mentionné par
12 l'Accusation aujourd'hui, nous n'allons pas dire grand-chose si ce n'est
13 ceci, nos arguments sont déjà consignés dans notre mémoire en réponse.
14 Je passe dès lors au troisième motif d'appel, erreurs commises par
15 l'Accusation au niveau de la peine. L'Accusation affirme dans ce troisième
16 motif, qu'au moment de fixer la peine de Strugar, la Chambre avait essayé
17 de faire une comparaison entre la situation qui concernait Jokic avec celle
18 de Strugar. L'Accusation fait également valoir que la Chambre a mal évalué
19 les rôles respectifs de ces deux hommes en disant que Strugar n'avait pas
20 une participation ou une connaissance si directe ou avait une
21 responsabilité moins directe que Jokic. L'Accusation fait aussi appel du
22 fait qu'en fait une année de moins a été imposée à Jokic.
23 Je ne pense pas qu'il y aura une chose qui sera contestée ici, c'est
24 qu'on ne peut imposer une peine qu'au cas par cas, qu'elle est hautement
25 individuelle. Et ici, pour Strugar, c'était un élément très délicat qui a
26 tenu compte de toutes sortes de circonstances, la gravité de l'infraction,
27 le rôle joué par Strugar, en plus de toute une série de circonstances
28 atténuantes qui ont été établies dans l'affaire Strugar, à commencer par
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1 cette prémisse fondamentale que nous voulons souligner. Nous voulons
2 montrer qu'il y a une différence capitale entre Strugar et Jokic et nous
3 voulons aussi vous dire comment nous comprenons les allégations dans le
4 jugement. Dans le jugement, l'Accusation évoque le rôle de Strugar et son
5 rôle quelque peu moins direct que celui de Jokic, et donc un niveau de
6 responsabilité moindre dans l'ensemble.
7 Lorsqu'il s'agit de fixer une peine, l'élément-clé dont il faut tenir
8 compte c'est la gravité du crime et la gravité de la culpabilité au sens
9 général du terme de l'accusé. La culpabilité d'un accusé se traduit par les
10 crimes pour lesquels un accusé est condamné. La Chambre de première
11 instance a déclaré Jokic coupable de six crimes en vertu de l'article 7(1)
12 du Statut. Strugar a été acquitté de tous les chefs d'accusation
13 conformément à l'article 7(1). Lorsqu'on a prononcé la peine de Strugar, la
14 Chambre de première instance a rejeté tout élément relevant du 7(3) par
15 rapport à Jokic. Jokic a été condamné eu égard à six crimes, et Strugar eu
16 égard à deux. La gravité de la peine imposée est en relation directe à la
17 gravité de la conduite criminelle au sens général du terme.
18 Les crimes et la forme de responsabilité pénale de Jokic étaient
19 différents de ceux de Strugar, et ceci se traduit par la peine qui a été
20 imposée. Il est erroné de la part de l'Accusation de dire que Strugar et
21 Jokic ont été accusés des mêmes crimes. Il s'agit là d'une interprétation
22 erronée des faits; c'est ainsi que nous voyons cela.
23 De surcroît, la Chambre de première instance a imposé à Jokic une
24 peine, car on a tenu compte en fait de l'ampleur de la destruction. Il a
25 été déclaré coupable pour avoir détruit quelque 450 bâtiments dans la
26 vieille ville de Dubrovnik. Strugar, en revanche, a été condamné par
27 rapport à la destruction de 52 bâtiments. La Chambre de première instance
28 est arrivée à ce chiffre.
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1 Jokic a été condamné pour traitement cruel et attaque des civils,
2 parce que deux personnes ont été tuées le 6 décembre 1991. Strugar n'a été
3 condamné que par rapport à deux personnes, à savoir attaque contre des
4 civils.
5 La Chambre de première instance a également constaté qu'il y avait une
6 circonstance aggravante dans le cas de Jokic, ce qui n'était pas le cas
7 pour Strugar.
8 Un autre élément que la Défense souhaite faire valoir c'est, dans le cas de
9 Strugar, la Chambre de première instance a examiné de près le rôle joué par
10 Jokic, et ce, dans le détail. La Chambre de première instance a condamné
11 Jokic. Jokic a passé plus d'un mois à témoigner dans ce procès. Il y a
12 maintenant une disparité entre ces peines, et la Défense estime que ceci
13 n'est pas approprié puisque c'est au détriment de Strugar, c'est quelque
14 chose que nous avons abordé dans notre mémoire en appel, et ceci est dû à
15 l'évaluation faite par la Chambre de première instance, le rôle joué par
16 Jokic dans les événements, après les événements, la façon dont Jokic a
17 décrit ces événements devant les Juges de la Chambre lorsqu'il a témoigné.
18 La peine est le résultat même de cette évaluation générale qui a été
19 faite par la Chambre.
20 Paragraphe 464 du jugement, on peut lire que Strugar n'était pas
21 aussi directement responsable que Jokic, et donc c'est une déduction tout à
22 fait indéfendable, car la Chambre de première instance constate qu'il est
23 moins responsable que Jokic, qui était -- La Chambre de première instance
24 constate que Strugar est moins responsable. Tels sont les faits de cette
25 affaire. C'est en tout cas ce qu'indiquent les éléments de preuve.
26 L'Accusation fait valoir que Strugar avait un niveau de contrôle effectif
27 plus élevé par rapport à Jokic, et ce fait, en soi, justifie la disparité
28 des peines prononcées à l'encontre des deux hommes. Le niveau de contrôle
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1 que Jokic exerçait était beaucoup élevé et beaucoup plus complet que celui
2 de Strugar.
3 Dans ce contexte, il y a un certain nombre de constatations et
4 conclusions faites par la Chambre qui indiquent que la peine se fonde là-
5 dessus.
6 La Défense souhaite maintenant faire valoir un certain nombre de
7 conclusions qui, d'après nous, correspondent aux faits, par rapport au rôle
8 joué par Jokic dans ces événements. Il s'agit là d'une poignée de
9 conclusions que je vais présenter. Inutile de les aborder tout en détail.
10 Toutes les forces qui ont participé à l'attaque étaient placées sous son
11 commandement. C'est ce qui a été déterminé par la Chambre de première
12 instance.
13 La Chambre de première instance, de surcroît, établi que Jokic était
14 le choix logique, le seul choix en termes de qui serait responsable de
15 l'enquête. La Chambre conclu que Jokic était le seul choix logique, et ceci
16 s'écarte de la doctrine généralement appliquée par la JNA en ce qui
17 concerne les principes de commandement au sein de la JNA.
18 Ce même Jokic est tout à fait catégorique lorsqu'il répond à la
19 question. Il dit que Strugar n'a jamais participé aux événements du 6
20 décembre. Il a donné l'ordre d'attaquer la vieille ville de Dubrovnik, et a
21 dit que c'était sa propre zone de responsabilité et c'étaient ses propres
22 unités qui étaient responsables dans cette zone. En l'absence d'éléments de
23 preuve présentés par l'Accusation, c'est la raison pour laquelle son aveu
24 était quelque peu limité. Néanmoins, pendant le procès Strugar en tant que
25 tel, on a jeté beaucoup de lumière sur la participation de Jokic aux
26 événements du 6 décembre 1991, ce qui est beaucoup plus grave que l'aveu de
27 culpabilité fait par Jokic.
28 L'Accusation abandonne des chefs d'accusation qui avaient été reprochés
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1 précédemment à Zec. Les aveux limités de Zec sont établis, aucun autre
2 élément de preuve n'est présenté, et on tente par ce biais d'augmenter la
3 responsabilité le 6 décembre 1991, la responsabilité de Strugar. La
4 conclusion eu égard au rôle joué par Jokic est celle-ci : Jokic disposait
5 du contrôle effectif et direct sur les unités, il avait la responsabilité,
6 le devoir, et devait empêcher et punir et que les événements n'échappent à
7 son contrôle, ou que des événements ne se déroulent le 6 décembre.
8 Il y a une discordance en fait au niveau des peines entre Jokic et
9 Strugar, et ceci est fait aux dépens de Strugar, l'Accusation prétend mais
10 la Défense avance que c'est exactement le contraire dans ce cas, et c'est
11 ce que nous avons clairement exposé dans notre mémoire.
12 Pour ce qui est de la déclaration de Strugar, tout d'abord, je souhaite
13 vous dire ceci : la Défense fait valoir que l'importance ou le poids
14 accordé à la peine de Strugar, le poids qui a été accordé à sa déclaration,
15 est sans importance. C'est précisément un de nos arguments que nous
16 souhaitons faire valoir.
17 Nous pensons que la Chambre de première instance n'a pas accordé
18 suffisamment de poids à sa déclaration, le poids que cette déclaration
19 méritait. Donc, l'Accusation est quelque peu dans l'obscurité, ne sait pas
20 pourquoi l'Accusation s'opposerait à la déclaration Strugar. Ceci a
21 simplement été évoqué dans l'exposé des motifs et du jugement rendu par la
22 Chambre de première instance. On ne lui a accordé aucun poids.
23 La Chambre n'a jamais établi si cette déclaration avait été prise en
24 compte comme une circonstance atténuante, et dans quelle mesure ceci a été
25 le cas. La Défense aurait donc tendance à conclure qu'aucun poids n'a été
26 accordé à la déclaration faite par M. Strugar, en tout cas certainement pas
27 le poids qu'il aurait mérité.
28 Si la Chambre d'appel venait à constater que du poids avait été accordé à
Page 210
1 cette déclaration, ceci devrait se fonder sur les positions prises par la
2 Chambre d'appel, et comme nous l'avons expliqué aux Juges de la Chambre
3 d'appel aujourd'hui dans l'affaire Vasiljevic que nous reprenons.
4 Par conséquent, dans ce paragraphe aucune référence n'est faite à
5 l'acceptation conditionnelle d'admission de responsabilité pour ce qui est
6 en jeu ici.
7 L'Accusation prétend qu'une année de différence entre les deux peines
8 est tout à fait inappropriée, et l'expression du remords de la part de
9 Jokic et de Strugar respectivement doit être reconnue, et que la peine de
10 Strugar doit être augmentée. Nous souhaitons indiquer qu'il y a un certain
11 nombre de facteurs qui ont une incidence sur tout ceci; la situation des
12 deux accusés, leur état de santé, et toute sorte d'autres facteurs
13 soulignent la différence entre les deux cas.
14 La Défense souhaite souligner plus particulièrement ce qui suit : je
15 veux parler des allégations faites par l'Accusation, qui avance que la
16 différence entre les peines prononcées eu égard aux deux hommes doivent
17 illustrer la coopération substantielle de Jokic, et la Défense estime que
18 c'est précisément sur ce point-là que nous devons arguer du fait qu'il faut
19 estimer qu'il doit y avoir une différence au niveau des peines imposées aux
20 deux hommes.
21 La Défense fait valoir, comme je l'ai dit il y a quelques instants, que la
22 Chambre d'instance dans le cas de Strugar a eu toute latitude pour examiner
23 le niveau de coopération, et a essayé de dire ou de dissimuler ce que Jokic
24 voulait dire, parce que Jokic ne disait pas la vérité et on a voulu
25 minimiser cela.
26 La Chambre de première instance, à juste titre, évaluait la
27 coopération de Jokic pour ce qu'elle était dans ce jugement. Lorsqu'on
28 parlait d'éléments-clés, la Chambre de première instance n'a pas tenu
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1 compte de ce que disait Jokic, bien qu'il s'est engagé à coopérer, et si
2 ceci a été couronné de succès il fallait faire prévaloir la justice, et
3 Jokic a tenté de minimiser sa propre responsabilité et de faire porter la
4 faute à Strugar.
5 Je vais citer maintenant un certain nombre de constatations faites
6 par la Chambre de première instance eu égard à la déposition de Jokic.
7 Au paragraphe 881, on voit comment la Chambre de première instance établit
8 que Jokic a déclaré qu'au cours des négociations du 5 décembre 1991, il y
9 avait un point qui est resté en suspens, le contrôle de bateaux. Au
10 paragraphe 83, la Chambre de première instance déclare que la version de
11 Jokic était exagérée, et qu'on présentait sa déposition comme étant assez
12 avantageuse, et le rôle qu'il a joué dans les négociations le 5 décembre.
13 Paragraphe 83 du jugement, on dit que le 6 décembre 1991, des
14 questions ont été posées à Jokic. Comment ceci avait-il été résolu le 5
15 décembre, la question de la levée du blocus contre Dubrovnik ou le fait
16 d'évacuer des membres des forces armées croates. C'est une demande qui
17 avait été faite le 6 décembre 1991 et Jokic a décidé de garder le silence
18 sur ce point. Ce qui est indiqué au paragraphe 82, Jokic parle de ce qu'il
19 a fait après avoir rencontré les ministres croates. Il prétend que lui,
20 Jokic, a informé l'accusé Strugar de ceci à Trebinje, et la Chambre de
21 première instance refuse de croire Jokic pour ce qui est de la teneur de ce
22 qu'il dit entre lui et Strugar.
23 Jokic prétend qu'il n'a pas assisté à la réunion qui s'est déroulée
24 le 5 décembre. La Chambre de première instance refuse de le croire. La
25 question reste en suspens. Entre autres, il y a cette audition avec le
26 bureau du Procureur, en 2003, où il a clairement indiqué qu'il avait
27 assisté à cette réunion. Nous avons ici le rapport de Jokic daté du 7
28 décembre 1991. La Chambre estime qu'il s'agit là d'un rapport qui tente à
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1 diluer ou à tromper. Jokic, en 2004, dans ce procès, prétend que lorsque
2 ceci a été rédigé, qu'il faisait l'objet d'un complot et que ceci n'était
3 pas crédible.
4 La Chambre évalue la déposition de Jokic par rapport à certains
5 éléments-clés : sa conviction et rôle joué par Strugar et Kadijevic.
6 La Chambre de première instance n'est pas convaincue et refuse d'accepter
7 les explications fournies par Jokic. La Chambre de première instance refuse
8 d'accepter la déposition de Jokic comme étant une composante-clé ce matin-
9 là du 6 décembre 1991. Malgré tous ces faits, la Chambre de première
10 instance a établi que Jokic était au courant de ce qui se passait le 6
11 décembre 1991. Pendant le procès lorsque, semble-t-il, il a fait des aveux
12 en public concernant sa participation à ces événements-là, l'explication
13 qu'il fournit c'est qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires parce qu'il
14 ne disposait pas de preuves nécessaires.
15 La Chambre de première instance constate que ceci n'est pas
16 convainquant et Jokic n'est pas d'accord avec le bureau du Procureur, mais
17 il s'engage à fournir des éléments d'information qui sont complets et
18 conformes à la vérité. La seule manière qui permet de vérifier l'intégrité
19 des éléments d'information ou de leur caractère véridique consistait à
20 fournir à Jokic -- était, en réalité, le procès de Strugar lui-même.
21 En rejetant les allégations de Jokic sur tous les aspects-clés des
22 explications fournies par lui de ce qui s'est passé le 6 décembre 1991, la
23 Chambre de première instance nous a donné une estimation de la qualité du
24 degré de sa coopération.
25 Un autre élément que la Défense souhaite signaler en particulier,
26 c'est le fait que la Défense ne récuse pas la peine imposée à Strugar, la
27 gravité de la peine de Strugar, du point de vue juridique, qui prévaut dans
28 les tribunaux internationaux. Il n'a jamais prétendu que la peine n'avait
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1 pas été décidée comme il faut et ne correspondait pas aux critères ni aux
2 exigences adoptés par les tribunaux internationaux.
3 La lourdeur de la peine imposée par la Chambre de première instance à
4 l'encontre de Strugar ne peut être contredite d'un point de vue juridique,
5 mais ne peut être remise en cause que par les pratiques juridiques et ne
6 peut pas être remise en cause en comparant sa peine à celle de Jokic. Si on
7 compare ces deux peines, c'est tout à fait impossible et ce n'est pas,
8 certainement, la façon dont le bureau du Procureur le ferait, plus
9 particulièrement pour ce qui est de la gravité des crimes ici et des
10 circonstances atténuantes et aggravantes. En tout état de cause, les
11 circonstances aggravantes sont liées à une peine, mais ceci ne peut être
12 traité qu'au cas par cas. Il s'agit d'une approche adoptée par le bureau du
13 Procureur dans son troisième moyen d'appel et semble ne pas tenir compte
14 des circonstances individuelles de cet accusé.
15 La Défense, par conséquent, demande à la Chambre de première instance
16 de rejeter ce troisième moyen d'appel du bureau du Procureur. Nous
17 demandons également aux Juges de la Chambre de rejeter tous les moyens
18 d'appel du bureau du Procureur.
19 Et finalement, ce que j'aimerais faire c'est ceci : je souhaite
20 brièvement répondre à la question posée par le Juge de la Chambre eu égard
21 à la lettre datée du 20 mars 2008. La Défense estime, pour ce qui est de
22 l'attaque contre des objets civils, que le même critère de mens rea est
23 requis qu'une attaque contre les civils. Et la Défense souhaite réitérer sa
24 position sur ce point. Nous parlons ici d'intention directe ou peut-être
25 que nous n'avons pas été suffisamment clairs sur ce point. Je souhaite dire
26 que nous avons abordé cette question au paragraphe 71 de notre mémoire en
27 appel.
28 Merci beaucoup, Madame et Messieurs les Juges. Telle est notre
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1 réponse aux arguments présentés par l'Accusation.
2 [La Chambre d'appel se concerte]
3 Mme LE JUGE VAZ : Très bien. Nous remercions M. Petrovic.
4 A présent, nous donnons la parole à la Défense, Madame Brady, pour la
5 réplique.
6 Mme BRADY : [interprétation] Merci, Madame la Présidente et Messieurs les
7 Juges. Nous pouvons être très brefs dans notre réplique. Je vais faire
8 quelques commentaires assez brefs eu égard à certains arguments à propos du
9 prononcé de la peine en appel et même Mme Jarvis va faire quelques
10 commentaires pour ce qui est du premier motif d'appel.
11 Le premier point porte sur la peine en appel, nous estimons que la sentence
12 est inappropriée. Si on compare la peine imposée à M. Jokic qui est à
13 l'origine de l'erreur et met en exergue cette valeur, il s'agit, en fait,
14 d'une peine trop légère.
15 Pour simplement corriger ce qu'a dit mon confrère lorsqu'il a fait
16 référence au nombre de bâtiments qui ont fait partie du plaidoyer de
17 culpabilité de M. Jokic, je crois qu'il a cité le chiffre de 450 bâtiments.
18 Madame, Messieurs les Juges, je souhaite attirer votre attention sur le
19 paragraphe 27 du jugement de la Chambre de première instance à l'affaire
20 Jokic, paragraphe 27, en particulier la note en bas de page 34 qui parle du
21 fait que le chiffre, en fait, du nombre de bâtiments endommagés représente
22 100 bâtiments, et non pas 450.
23 Mon dernier argument en réplique porte sur les arguments présentés
24 par Me Petrovic. Je souhaite les résumer de cette façon : il a fait valoir
25 le fait que Jokic avait passé un mois au cours duquel il a déposé devant la
26 Chambre de première instance et la Chambre de première instance aurait eu
27 toute latitude pour évaluer les rôles respectifs de l'un et de l'autre. Ils
28 avancent que la participation de Jokic aux crimes commis le 6 décembre
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1 était plus grave aux yeux de la Chambre dans l'affaire Strugar, que
2 constatée par les Juges de la Chambre compte tenu des aveux faits par
3 Jokic.
4 Ils avancent également le fait que la Chambre de première instance
5 aurait eu la meilleure position possible pour évaluer la "coopération" de
6 Jokic.
7 Pour ce qui est de cet ensemble d'arguments, nous faisons valoir ceci
8 : il est vrai que la Chambre de première instance dans l'affaire Strugar a
9 certainement eu l'occasion, il est vrai qu'elle a entendu pendant de
10 nombreuses heures la déposition de Jokic. Néanmoins, il faut se rappeler
11 que la Chambre dans l'affaire Strugar n'a pas fait de constatation ni pris
12 de décision sur la culpabilité de Jokic puisqu'il s'agissait du procès de
13 Strugar, et c'est Strugar qui faisait l'objet de ce procès.
14 Mais nous sommes d'accord pour dire dans une grande mesure que la
15 Chambre de première instance a fait des constatations soit de rejeter, soit
16 d'accepter certains aspects présentés par Jokic et la description qu'il a
17 faite de son rôle ce jour-là. Néanmoins, d'après nous, dans la mesure où
18 ils ont fait cela, ceci concorde ou est conforme aux constatations faites
19 par la Chambre de première instance dans l'affaire Jokic, les conclusions
20 dans l'affaire Jokic qui ont été confirmées par cette Chambre d'appel. Et
21 ceci coïncide avec la responsabilité de Jokic qui consiste à aider et à
22 encourager, à son manquement à empêcher, parce qu'aux premières heures du
23 matin Jokic avait été averti du fait que les crimes se poursuivaient et il
24 a omis de prendre les mesures nécessaires et adéquates pour empêcher ou
25 punir.
26 Donc, dans la mesure où ma consoeur a indiqué qu'il y avait une
27 différence, nous estimons qu'il n'y a pas de différence de perspective en
28 quelque sorte entre le caractère criminel de Jokic. Il n'y a pas de
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1 différence entre la Chambre de première instance de Strugar et la façon
2 dont la Chambre de première instance dans Jokic et la Chambre d'appel ont
3 perçu Jokic. De toute façon, parce que la Chambre de première instance a
4 comparé les peines, a analysé la peine de Jokic, qui était de sept ans,
5 comme étant un point de repère, il y avait une différence dans une cette
6 mesure puisqu'ils ont analysé son rôle, et dans ce cas la Chambre de
7 première instance devait considérer sa responsabilité sous l'angle adopté
8 par la Chambre qui a prononcé sa peine et qui a été confirmée par la
9 Chambre d'appel. Parce que sinon, il serait inutile de se livrer à ces
10 comparaisons.
11 Parce que si on compare ce chiffre de sept ans, il faut en fait le
12 mettre en perspective et dire qu'il s'agit d'une peine qui était appropriée
13 pour certains comportements criminels, et cette criminalité a été définie
14 par la Chambre de première instance dans l'affaire Jokic et confirmée par
15 la Chambre d'appel, et cela devrait être le principe qui régit cette
16 situation. Ce n'est pas forcément le point de vue de la Chambre sur le
17 comportement de Jokic. Quoi qu'il en soit, nous estimons que ces deux
18 points de vue sont cohérents et que la Chambre de première instance
19 reprenait comme il se doit les avis présentés par la Chambre de première
20 instance qui a condamné Jokic.
21 C'est tout ce que j'ai à dire sur la peine, et je vais donner la
22 parole à Mme Jarvis qui va faire quelques commentaires sur le premier moyen
23 d'appel.
24 Mme JARVIS : [interprétation] Il y a simplement trois choses que je veux
25 dire pour répliquer s'agissant du premier moyen d'appel de l'Accusation.
26 Premièrement, il y a l'argument de la Défense au sujet du premier moyen
27 d'appel de l'Accusation, et tout ceci, bien entendu, dépend de la
28 conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle Strugar a
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1 attaqué Srdj ou a ordonné de l'attaquer.
2 Non, notre moyen d'appel ne dépend pas exclusivement de cette conclusion-
3 là. Il est vrai que dans notre mémoire nous avons dit, et nous l'avons
4 répété aujourd'hui même, que l'ordre dans lequel Strugar a donné l'ordre
5 d'attaquer Srdj le 5 décembre augmentait le risque de voir pilonner la
6 vieille ville de Dubrovnik. Même si on ne tenait pas compte de ce contexte-
7 là, je pense qu'il y a suffisamment d'éléments extrêmement convaincants qui
8 déclenchent pour Strugar la nécessité de prévenir les crimes en tant que
9 supérieur hiérarchique.
10 Au début de mon intervention, j'ai listé dix facteurs de contexte qui ont
11 une pertinence pour évaluer la connaissance qu'avait Strugar des risques.
12 Il y en avait trois qui avaient un rapport avec l'ordre d'attaque
13 contre Srdj. Par exemple, l'ordre en tant que tel impliquait le pilonnage
14 de Dubrovnik et les environs.
15 Mais même si on ne tient pas compte de cela, on se trouve malgré tout
16 dans un cas de figure où au minimum Strugar savait qu'il y avait eu à
17 plusieurs reprises pilonnage de la vieille ville de Dubrovnik en octobre et
18 en novembre. Rien n'avait été fait pour punir les auteurs de ces crimes, et
19 ceci était conforme à la discipline généralisée des hommes placés sous le
20 commandement de Strugar. On ouvrait le feu sans y être autorisé, par
21 exemple, et même l'existence d'ordres interdisant l'attaque de la vieille
22 ville n'a rien donné en novembre.
23 Donc même dans ce cas de figure-là le risque était important de voir
24 ces crimes se reproduirent et le supérieur hiérarchique concerné devait
25 intervenir, je m'inspire ici de la jurisprudence constituée par l'arrêt
26 Hadzihasanovic. La Chambre d'appel a confirmé que le fait de ne pas punir,
27 sanctionner des crimes commis par le passé permet d'évaluer le risque,
28 parce que le fait de ne pas punir donne un sentiment d'impunité aux hommes,
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1 aux forces armées concernées.
2 Je souhaiterais évoquer également l'arrêt Naletelic que nous citons dans
3 nos écritures supplémentaires déposées l'an dernier. La Chambre d'appel
4 dans Naletelic a conclu, contrairement aux moyens d'appel soulevés en
5 l'espèce, a conclu donc que le fait que Naletelic ait vu, ne serait-ce
6 qu'une fois, un de ses subordonnés procédé à des pillages était suffisant
7 pour l'avertir de la situation et le contraindre à prendre des actions pour
8 punir les auteurs de ces actes et prévenir les autres actes de pillages.
9 Paragraphes 386 et 387.
10 Bien entendu, chaque affaire est différente des autres, mais en l'espèce,
11 même si on ne tient pas compte de l'ordre d'attaque de Srdj, il y a
12 suffisamment d'information alarmante qui aurait dû faire que Strugar aurait
13 pris des mesures pour prévenir ces crimes, et il ne l'a pas fait.
14 Deuxième chose, ça a trait à un argument de la Défense selon lequel le 3e
15 Bataillon de la 472e Brigade n'a pas été impliqué dans le pilonnage de
16 novembre, et donc on ne pouvait pas attendre de Strugar qu'il pense que ses
17 troupes allaient participer au pilonnage qui a eu lieu, lui, en décembre.
18 A ce sujet, on voit la Chambre de première instance se prononcer dans
19 plusieurs paragraphes du jugement. Je vais vous renvoyer à la note de bas
20 de page 1222 du jugement de première instance. La Chambre de première
21 instance conclut que Strugar savait à cause du comportement répréhensible
22 préalable du 3e Bataillon.
23 La Chambre de première instance s'appuie sur la déposition de Jokic
24 qui dit avoir mené une enquête suite au pilonnage de la vieille ville en
25 novembre 1991, enquête qui l'avait mené à conclure que cette brigade avait
26 eu la capacité de bombarder la vieille ville de Dubrovnik, et il a
27 également dit que c'était le capitaine Kovacevic qui était le premier
28 responsable.
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1 Il a ensuite déclaré qu'il avait abordé la question avec le général
2 Strugar demandant à ce que différents commandants de la 472e Brigade soient
3 relevés de leurs fonctions.
4 La Défense, dans la prise de position qui est la sienne, vous demande
5 d'aborder une vision différente de celle de la Chambre de première
6 instance, Chambre de première instance qui avait évalué avec beaucoup
7 d'attention tous les faits de l'espèce.
8 La Défense n'a nullement démontré que les conclusions de la Chambre
9 de première instance étaient déraisonnables. Au contraire, les conclusions
10 de la Chambre sont étayées par les éléments de preuve qui montrent comment
11 s'est déroulée l'attaque de novembre.
12 Je souhaiterais particulièrement vous renvoyer au paragraphe 64 du
13 jugement de première instance qui évoque le pilonnage de la vieille ville
14 du 2 [comme interprété] novembre au moyen des roquettes Maljutka, ces
15 missiles filoguidés. La Chambre de première instance évoque d'autres
16 éléments de preuve qui leur ont été communiqués, notamment venant du
17 capitaine Nesic, qui faisait partie du 3e Bataillon de la 472e Brigade. Il
18 se trouvait à Zarkovica au cours de l'attaque de novembre et il a témoigné
19 à ce sujet. Il a dit que la vieille ville avait été pilonnée au moyen de
20 missiles filoguidés. Ceci donc cadre totalement avec les conclusions de
21 Jokic dans son enquête au sujet des personnes impliquées.
22 La Défense nous dit que le 3e Bataillon n'aurait pas pu participer au
23 pilonnage, mais on se base sur un postulat qui est erroné. Elle se réfère à
24 un certain nombre d'ordres relatifs à l'attaque de novembre pour nous dire
25 que la 3e Bataillon était soutenu par d'autres unités d'artillerie et qu'il
26 avait une autre mission qui était différente de celle de l'artillerie, donc
27 il ne peut pas être responsable du pilonnage de la vieille ville.
28 Comme on peut le voir au paragraphe 127 du jugement de première
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1 instance, le 3e Bataillon avait sa propre unité d'artillerie. Jokic l'a dit
2 au procès. Il était tout à fait logique aux termes de la doctrine militaire
3 que ces unités subordonnées utilisent leurs propres ressources d'artillerie
4 sans pour autant qu'un supérieur leur en donne l'ordre.
5 Le fait donc que cette unité ait reçu le soutien d'autres unités
6 d'artillerie n'empêche nullement de conclure que cette unité même aurait pu
7 utiliser sa propre artillerie pour pilonner la ville le 12 novembre, et ça
8 cadre tout à fait avec la manière dont s'est déroulée cette offensive.
9 Pour terminer, je souhaiterais évoquer l'argument de la Défense selon
10 lequel l'Accusation est insatisfaite de l'évaluation du risque faite par la
11 Chambre de première instance. Je veux préciser la chose parce que c'est
12 très important. Ce n'est pas du tout le cas. Ce qui nous gène, ce n'est pas
13 l'évaluation du risque de la Chambre de première instance. Ce qui nous
14 gène, c'est qu'après avoir déterminé que le risque de voir des crimes se
15 produirent était réel, était important, malgré cela, la Chambre de première
16 instance n'a nullement estimé que Strugar avait l'obligation juridique de
17 faire quoi que ce soit à ce sujet.
18 Donc pour résumer, nous acceptons les conclusions de la Chambre de première
19 instance s'agissant du risque, mais nous ne sommes pas d'accord s'agissant
20 des conséquences qu'en a tirées la Chambre de première instance.
21 Je souhaiterais conclure en vous demandant d'aborder la question de la
22 manière suivante : nous sommes ici en train de parler de la question de
23 l'évaluation des risques et à qui il incombe d'en tenir compte, qui est
24 soumis à ce risque ?
25 La Chambre de première instance nous dit que c'était la population civile
26 de Dubrovnik qui se trouvait entre les remparts de la vieille ville de
27 Dubrovnik. Ces civils n'avaient nullement le moyen de contrôler ce risque.
28 Or, selon nous, c'est tout à fait contraire à la doctrine de la
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1 responsabilité du supérieur hiérarchique. Un commandant a pour obligation
2 de contrôler ses hommes.
3 Le risque, on le trouve au niveau du général Strugar, qui était le
4 commandant supérieur de toutes les forces engagées dans la zone. Il avait
5 toutes les ressources nécessaires à sa disposition pour contrôler ce
6 risque, pour le juguler, le maîtriser et faire en sorte que jamais on ne se
7 mette à pilonner la vieille ville, et il n'a rien fait, voilà.
8 Merci.
9 Mme LE JUGE VAZ : M. le Juge Kwon a une question.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Jarvis, je constate qu'à la ligne
11 15, page 140, vous dites que vous acceptez la constatation de la Chambre de
12 première instance s'agissant du niveau de risque qui existait. Comment
13 interprétez-vous le paragraphe 418, la phrase qu'on trouve au milieu du
14 paragraphe avec la note de bas de page 1204 ? "Selon la Chambre de première
15 instance, il savait seulement qu'il ne pouvait exister qu'un nombre limité
16 de positions défensives croates, et au fur et à mesure de l'attaque ces
17 positions ont été soumises à des pilonnages contrôlés et limités de la JNA
18 sur les forces qu'on pensait se trouver au niveau de ces positions."
19 Mme JARVIS : [interprétation] Selon nous, ceci ne modifie pas les griefs
20 qui sont les nôtres en l'espèce. Ici, la Chambre de première instance
21 revenait peut-être sur une conclusion qu'elle avait rendue précédemment
22 quand on se demandait si Strugar pouvait voir sa responsabilité pénale
23 engagée pour avoir ordonné l'attaque contre Srdj. Ceci était lié à la
24 connaissance de la probabilité de voir une attaque contre la vieille ville
25 se produire.
26 Et justement, cette probabilité, la Chambre a conclu qu'elle existait
27 parce qu'elle a estimé que Strugar avait ordonné une attaque plus
28 contrôlée.
Page 222
1 Mais ceci ne remet nullement en compte les conclusions que l'on voit aux
2 paragraphes 416, 417 et 420 du jugement. La Chambre de première instance,
3 malgré l'analyse que nous venons d'évoquer, conclut qu'il savait qu'il
4 existait un véritable risque, que dans le feu de l'attaque, l'artillerie de
5 la JNA recommence à pilonner Dubrovnik de manière totalement illégale.
6 Le problème c'est qu'à ce moment-là la Chambre de première instance conclut
7 que le risque n'est pas suffisamment élevé, et c'est justement là
8 qu'intervient notre moyen d'appel. Parce que nous, ce que nous disons,
9 c'est que lorsqu'un supérieur hiérarchique a la connaissance de la
10 possibilité - je ne parle pas d'une possibilité générale ou possibilité
11 très vague de voir un crime être commis, mais non. Lorsque sur la base de
12 ce qui vient de se produire récemment et sur la base de bien d'autres
13 facteurs, il sait que c'est beaucoup plus sérieux, à ce moment-là, ce
14 commandant doit agir, parce que c'est lui qui commande cette force, cette
15 force meurtrière qui fait courir des risques aux biens de caractère civil
16 et aux civils, comme ici.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
18 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions, Madame Jarvis. Je crois que le Juge
19 Shahabuddeen voudrait poser une question, ou bien --
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, une question brève. Une
21 question que je vous pose uniquement pour obtenir des informations. Je
22 voudrais savoir où dans le jugement de première instance on peut voir que
23 la Chambre de première instance a conclu que c'était aux civils de
24 Dubrovnik de supporter ce risque. Mais il est fort possible aussi que je
25 vous ai mal comprise.
26 Mme JARVIS : [interprétation] Non, je n'ai nullement dit qu'on pouvait
27 trouver expressément cette mention dans le jugement ou cette conclusion.
28 J'ai dit que c'était la conséquence de ce qu'avait fait la Chambre de
Page 223
1 première instance en l'espèce. Donc excusez-moi. Ceci me permet de préciser
2 mon argumentation.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
4 Mme LE JUGE VAZ : Très bien. Nous vous remercions. Je pense qu'il n'y a
5 plus de questions.
6 A présent, nous allons demander à M. Strugar s'il veut s'adresser à la
7 Chambre. Il a la parole.
8 [L'appelant se lève]
9 L'APPELANT : [interprétation] Oui, tout à fait, je souhaite m'adresser à
10 vous, Madame et Messieurs les Juges.
11 Madame et Messieurs les Juges, je suis reconnaissant à la Chambre d'appel
12 de me donner l'occasion de m'exprimer directement à vous au cours de cette
13 Audience en appel. La journée se termine et mon sort se scelle ici devant
14 le Tribunal pénal international. J'ai réfléchi à ce que je pourrais vous
15 dire en ce moment, compte tenu de l'appel, du recours formé et des
16 arguments présentés par mes avocats. J'ai décidé de n'évoquer que quelques
17 points.
18 Lorsque le gouvernement du Monténégro m'a informé du fait que le Tribunal
19 de La Haye avait fourni des informations disant que j'avais été accusé de
20 crimes, crimes commis à Dubrovnik, j'ai aussitôt répondu que j'étais prêt à
21 me présenter devant ce Tribunal, dès que c'était possible, dès que ce
22 serait possible.
23 J'ai pris cette décision même si à l'époque nous étions alors en
24 octobre 2001, j'étais hospitalisé car j'avais des problèmes rénaux et
25 c'était la cinquième opération chirurgicale que je subissais.
26 Il n'empêche que j'ai quitté l'hôpital et que je me suis rendu à La
27 Haye le 21 octobre 2001. J'étais très malade, je n'étais pas tout à fait
28 remis, et je suis arrivé à La Haye où ma santé n'a cessé d'empirer.
Page 224
1 La Chambre de première instance a compris ma situation et m'a autorisé la
2 mise en liberté provisoire afin que je poursuive mon traitement à
3 Podgorica. J'ai été jugé ici de crimes survenus à Dubrovnik en 1991.
4 Je soutiens tout ce qui a été repris dans les écritures d'appel à
5 propos du jugement et je soutiens tout ce qui a été dit aujourd'hui par mes
6 avocats. Je le dis de façon catégorique, je n'ai pas donné l'ordre
7 d'attaquer Srdj, et je pense que les éléments de preuve sont nombreux qui
8 vont attester de cela, et je suis sûr que vous serez d'accord avec moi sur
9 ce point.
10 Jamais je n'ai dit à Doyle que j'avais ordonné d'ouvrir le feu sur
11 Dubrovnik.
12 Hélas, aujourd'hui, nous le savons, le principal protagoniste c'était un
13 homme malade, le commandant Kovacevic, aujourd'hui retraité. Et, le
14 Tribunal a décidé de l'envoyer à l'Académie militaire de Belgrade alors
15 qu'il était en détention ici à La Haye pour subir un traitement médical.
16 Cette année, on a estimé qu'il était définitivement inapte à être jugé, il
17 a donc été libéré.
18 Je sais que les gens de Dubrovnik ont souffert et je le regrette
19 profondément. Je suis désolé des souffrances subites par les personnes de
20 Dubrovnik. Je suis désolé des dégâts causés en cette vieille ville.
21 Je suis aussi conscient de la souffrance ressentie par les familles
22 des soldats qui ont perdu la vie. Moi je sais, puisque je suis soldat, ce
23 qu'est la guerre, et je ne veux pas qu'il n'y ait plus jamais de guerre.
24 Comprenez aussi mes souffrances, Madame, Messieurs les Juges. Ce qui me
25 blesse le plus, c'est qu'on m'a accusé d'avoir délivré un ordre que je n'ai
26 jamais délivré. Je demande à la Chambre de comprendre ceci : dans quelques
27 mois, j'aurai 75 ans, je suis un homme vieux et malade. J'ai subi cinq
28 interventions chirurgicales aux reins. J'ai des problèmes de prostate, j'ai
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1 une prothèse, une anche artificielle. On me dit qu'il faut maintenant une
2 opération des deux genoux. Ma femme est très malade, c'est pour ça qu'elle
3 n'est plus venue me voir depuis des années à la prison.
4 Si je vous dis ceci, ce n'est pas pour susciter votre pitié. Je voudrais
5 simplement que vous compreniez ma situation.
6 Je suis sûr que vous allez procéder à un examen très minutieux de
7 tout ce qui s'est dit aujourd'hui. Je suis sûr que vous allez rendre une
8 décision juste et équitable. Je vous remercie.
9 [L'appelant s'assoit]
10 Mme LE JUGE VAZ : Nous vous remercions, Monsieur Strugar. Vous pouvez vous
11 rasseoir.
12 Je tiens à présent -- les juristes et les représentants du Greffe qui ont
13 prêté leur coopération pour la tenue de cette audience, les rédacteurs des
14 comptes rendus d'audience pour leur aide précieuse et les interprètes qui
15 ont permis le bon déroulement des débats. L'affaire est mise en délibéré.
16 La date du jugement sera communiquée en temps voulu. Merci à tous.
17 L'audience est levée.
18 --- L'audience est levée à 17 heures 55.
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