IT-94-1-R

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Claude Jorda, Président
M. le Juge Mehmet Güney
M. le Juge Asoka de Z. Gunawardana
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Liu Daqun

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Arrêt rendu le :
30 juillet 2002

LE PROCUREUR

C/

DUŠKO TADIC

_____________________________________________________________

ARRÊT RELATIF À LA DEMANDE EN RÉVISION

_____________________________________________________________

Les Conseils du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de la Défense :

M. William Clegg
M. Anthony Abell

I. Rappel de la procédure

1. La Chambre d’appel du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (la « Chambre d’appel » et le « Tribunal international », respectivement) est saisie de la « Demande en révision de mon affaire dans son intégralité et des procès en première instance et en appel devant le Tribunal de La Haye », déposée par Dusko Tadic (« Tadic » ou le « Demandeur  ») le 18 juin 2001 (la « Demande en révision déposée par Tadic »)1 et soumise à nouveau, sous une forme plus détaillée, par le conseil de Tadic (la « Défense ») le 5 octobre 2001 (la « Demande en révision »)2.

2. Dans son Jugement rendu le 7 mai 19973, la Chambre de première instance II a déclaré Tadic coupable de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre, sur la base de 11 des chefs de l’Acte d’accusation. Dans son Arrêt rendu le 15 juillet 19994, la Chambre d’appel a déclaré Tadic également coupable de violations graves des Conventions de Genève de 1949, sur la base de 9 autres des chefs de l’Acte d’accusation. Le 26 janvier 2000, l’« Arrêt concernant les jugements relatifs à la sentence »5 a condamné Tadic à une peine de 20 années d’emprisonnement à raison des chefs 1, 29, 30 et 31 de l’Acte d’accusation, sous le régime de la confusion avec plusieurs autres peines plus courtes. Tadic purge actuellement sa peine en Allemagne.

3. Le 31 janvier 2000, la Chambre d’appel a rendu son « Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin » (« Arrêt relatif à l’outrage »). La Chambre d’appel a déclaré Vujin coupable d’outrage pour avoir manipulé des témoins et altéré des éléments de preuve6. Le 27 février 2001, une formation différente de la Chambre d’appel a confirmé cette conclusion7. Comme on le verra dans les arguments détaillés, c’est à la lumière des constatations de l’Arrêt relatif à l’outrage et de la possibilité que son conseil ait agit contre ses intérêt que Tadic demande maintenant la révision de toute l’affaire.

4. La Demande en révision déposée par le Demandeur Tadic, a été soumise à la Chambre d’appel le 18 juin 2001. Le Bureau du Procureur (« l’Accusation ») y a répondu le 29 juin 20018 et la Défense a déposé sa réplique le 3 juillet 20019. Dans cette réplique, la Défense soutient que l’intérêt de la justice « commande […] de déposer une demande en révision rédigée par le Conseil et dûment argumentée » et prie la Chambre d’appel de surseoir à statuer sur la Demande en révision déposée par Tadic, dans l’attente du dépôt d’une demande rédigée par le conseil10.

5. Le 5 octobre 2001, la Défense a déposé la Demande en révision auprès du Président du Tribunal international (le « Président »), en application de l’article 26 du Statut du Tribunal international et de l’article 119 de son Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement  »). Le 29 octobre 2001, le Président a confié le dossier à un collège de cinq juges de la Chambre d’appel et lui a transmis la Demande en révision. Le 5 novembre 2001, la Chambre d’appel a chargé le Juge Fausto Pocar de la mise en état de la révision. Le 6 novembre 2001, en sa qualité de juge de la mise en état, le Juge Pocar a fait droit à des requêtes de l’Accusation aux fins de prorogation de délais11 et de dépassement du nombre de pages autorisé12. Le même jour, l’Accusation a déposé sa réponse à la Demande en révision (la « Réponse  »)13. Le 14 décembre 2001, dans un souci d’équité vis-à-vis du Demandeur, le Juge Pocar a reconnu la validité du dépôt de la réplique de la Défense (la « Réplique »)14, bien qu’elle ait été déposée hors délais.

II. Arguments des parties

a) Le Demandeur

6. La Demande en révision déposée par Tadic sollicite la révision de l’affaire dans son intégralité. Tadic y soutient que Milan Vujin (« Vujin »), membre de son équipe de défenseurs, a agi à l’encontre de ses intérêts pendant les enquêtes préalables aux procès en première instance et en appel. En particulier, Tadic fait valoir que dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a conclu que bien que conscient que cela nuirait aux intérêts de son client, Vujin avait délibérément donné à Simo Drljaca (« Drljaca »), chef du poste de police de Prijedor, une liste de témoins potentiels qui auraient pu témoigner pour le compte de Tadic15. Il ajoute, en outre, que Vujin a été « reconnu coupable de diverses manipulations pendant la préparation de [s]on appel et l’enquête menée à cette époque, dans le but de couvrir les véritables auteurs des crimes […] »16. En dernier lieu, Tadic remarque que la Chambre d’appel elle-même a déclaré au paragraphe  167 de l’Arrêt relatif à l’outrage que « [l]’attitude [Vujin] en l’espèce est un coup porté au cœur même de la justice pénale. La Chambre d’appel ne s’est pas attachée à déterminer dans quelle mesure les intérêts de Tadic ont pu effectivement être lésés par cette attitude. Répondre à cette question nécessiterait une enquête approfondie , qui n’a été ni suggérée ni entreprise dans la présente procédure »17.

7. Dans la Demande en révision, la Défense soutient que les faits nouveaux invoqués « sont constitués par les conclusions de la Chambre d’appel dans l’Arrêt relatif [à l]’outrage »18. À cet égard, elle appelle l’attention des Juges sur les conclusions suivantes de la Chambre d’appel . Premièrement, à l’appui de la requête présentée en vertu de l’article 115 du Règlement (« Requête fondée sur l’article 115 »)19, Vujin a présenté à la Chambre d’appel une version des faits qu’il savait fausse s’agissant du poids à accorder aux déclarations de Mlado Radic (« Radic »). Deuxièmement , à l’appui de la requête fondée sur l’article 115, Vujin a présenté à la Chambre d’appel une version des faits qu’il savait fausse s’agissant de la responsabilité de Goran Borovnica dans le meurtre de deux policiers musulmans dont Tadic avait été accusé. Troisièmement, Vujin a manipulé les Témoins A et B en cherchant à éviter que leurs déclarations ne mentionnent l’identité de personnes qui auraient pu être responsables des crimes dont Tadic avait été reconnu coupable. Quatrièmement, Vujin a donné à Drljaca une liste de témoins à décharge potentiels, geste qui, comme en a témoigné Michaïl Wladimiroff (l’un des avocats de Tadic en première instance) lors de l’audience relative à l’outrage, « avait entravé la constitution du dossier à décharge puisque, muni de cette liste, Drljaca faisait en sorte que ces témoins soient impossibles à trouver »20. Cinquièmement, « Vujin, alors qu’il préparait sa propre défense dans le cadre de la procédure d’outrage, a délibérément pris contact avec des personnes qu’une ordonnance portant calendrier du 10 février 1999 lui interdisait d’approcher »21. Sixièmement, lors de la préparation des procès en première instance et en appel, « Vujin agissait non seulement avec l’intention de faire obstruction au cours de la justice, mais également contre les intérêts [de Tadic] »22.

8. En outre, la Défense fait valoir que les conclusions tirées dans l’Arrêt relatif à l’outrage peuvent être assimilées à des faits nouveaux dont elle n’avait pas connaissance au moment opportun. D’après elle, jusqu’à ce que la Chambre d’appel ait tiré ses conclusions dans l’Arrêt relatif à l’outrage, les agissements de Vujin n’étaient ni prouvés ni avérés et ne pouvaient donc constituer des faits nouveaux, dans la mesure où il ne s’agissait alors que d’un simple soupçon23. La Défense soutient au surplus que ces faits nouveaux n’auraient pu être découverts malgré l’exercice de toute la diligence voulue, puisque les conclusions exposées dans l’Arrêt relatif à l’outrage n’ont été tirées qu’à l’issue d’une longue procédure 24.

9. La Défense considère que ces faits nouveaux auraient pu jouer un rôle décisif dans la décision de la Chambre de première instance et de la Chambre d’appel. S’agissant en particulier de la responsabilité de Goran Borovnica, et non de Tadic, dans le meurtre de deux policiers, la Défense soutient que cette question est au cœur même du débat relatif au chef d’accusation 1, parce que le Demandeur en a été déclaré coupable sur la foi des déclarations d’un témoin unique et que ce fondement est donc très ténu. De fait, la Chambre d’appel a décidé de confirmer la déclaration de culpabilité de Tadic alors qu’elle n’était pas au courant que Vujin avait présenté une version erronée des faits et mené une « campagne de persuasion des témoins »25.

10. S’agissant de la manipulation par Vujin de Radic et des Témoins A et B, la Défense rappelle que ces témoins ont tous évoqué des événements qui seraient survenus à Omarska et dont le Demandeur a été déclaré coupable. La Défense remarque que bien qu’il soit impossible de mettre à jour toute l’étendue du comportement fautif de Vujin, la nature des agissements prouvés suffit à entacher d’iniquité tant le procès en première instance que le procès en appel26.

11. Dans sa Réplique, la Défense présente comme un fait nouveau la conclusion exposée le 23 octobre 2001 par la Chambre d’appel dans l’Arrêt Kupreskic. Elle rappelle que dans cet arrêt, la Chambre d’appel a noté que l’Acte d’accusation ne comportait pas d’allégations concernant l’attaque de la maison d’un Musulman de Bosnie, alors que cette attaque constituait un fait essentiel de la cause de l’Accusation, et qu’elle a considéré que « les allégations s’y rapportant n’auraient pas dû être prises en compte pour juger Zoran et Mirjan Kupreskic pénalement responsables de persécutions »27. La Défense estime que la même approche devrait être adoptée en l’espèce, puisque le meurtre des deux policiers par Tadic n’était pas allégué dans l’Acte d’accusation.

b) L’Accusation

12. En réponse à la Demande en révision déposée par Tadic, l’Accusation soutient que les éléments qui y sont invoqués ne constituent pas des faits nouveaux au sens de l’article 119 du Règlement. Elle souligne que la communication de la liste des témoins à Drljaca a eu lieu avant l’ouverture du procès mais n’a pas été portée à l’attention de la Chambre de première instance, alors que Tadic et Michaïl Wladimiroff , son conseil principal, en étaient informés28. L’Accusation fait également valoir que la question du « nom de personnes qui avaient eu une part et une responsabilité directes dans les crimes … » a été traitée dans l’Arrêt relatif à l’outrage et ne constitue pas un fait nouveau29.

13. L’Accusation considère que parmi les éléments avancés par la Défense, les seuls susceptibles de constituer des « faits nouveaux » sont les conclusions de la Chambre d’appel selon lesquelles Vujin s’est rendu coupable de certains agissements spécifiques . Elle fait valoir que lorsqu’il est plus largement allégué dans la Demande en révision que Vujin a commis des irrégularités pendant la préparation des procès en première instance et en appel, il ne s’agit que de spéculations qui ne sauraient être assimilées à des faits nouveaux. De l’avis de l’Accusation, les faits nouveaux découverts par la Chambre d’appel se limitent aux conclusions suivantes exposées dans l’Arrêt relatif à l’outrage. Premièrement, Vujin a présenté à la Chambre d’appel, à l’appui de la Requête fondée sur l’article 115, une version des faits qu’il savait fausse s’agissant du poids à accorder aux déclarations de Radic. Deuxièmement, Vujin a présenté à la Chambre d’appel, à l’appui de la Requête fondée sur l’article 115, une version des faits qu’il savait fausse s’agissant de la responsabilité de Goran Borovnica dans le meurtre de deux policiers musulmans. Troisièmement, Vujin a manipulé les Témoins A et B en essayant d’éviter qu’ils n’identifient des personnes qui auraient pu être responsables des crimes dont Tadic a été reconnu coupable. Quatrièmement , Vujin a délibérément agi à l’encontre des intérêts de Tadic lorsqu’il a donné à Drljaca la liste des témoins à décharge, entravant ainsi les efforts de la Défense pour interroger ces personnes30.

14. L’Accusation fait remarquer qu’une autre des conclusions tirées par la Chambre d’appel dans l’Arrêt relatif à l’outrage, à savoir celle que Vujin avait agi « contre les intérêts de son client », ne concernait que certains agissements se rapportant à la condamnation pour outrage et ne peut dès lors pas être généralisée pour conclure que Vujin agissait contre les intérêts de son client31.

15. L’Accusation fait valoir qu’aucun des prétendus faits nouveaux n’aurait pu être un élément décisif de la décision des juges. S’agissant de Radic, l’Accusation soutient que Tadic ayant recueilli la première de ses déclarations, il était coauteur de cet acte répréhensible et ne saurait alléguer qu’il s’agissait d’un fait nouveau inconnu de lui. L’Accusation ajoute que le 15 octobre 1998, dans sa décision relative à la Requête fondée sur l’article 115 (« Décision relative à l’article 115 »), la Chambre d’appel a rejeté les déclarations de Radic au motif que ce témoin était disponible à l’époque du procès en première instance. Ainsi, ces déclarations ne faisant pas partie du dossier de première instance ni d’appel, ni la Chambre d’appel ni la Défense ne peuvent y renvoyer dans le cadre de l’examen d’une demande en révision 32. L’Accusation mentionne en outre que même si la déclaration de Radic était falsifiée, cela n’aurait eu aucune influence sur la capacité de Tadic à satisfaire la condition de non-disponibilité au procès inscrite à l’article 115 du Règlement. En dernier lieu, elle fait valoir qu’on ne saurait dire de ces agissements en particulier qu’ils allaient à l’encontre des intérêts de Tadic, puisque la Chambre d’appel a conclu que Vujin avait falsifié la date de la première déclaration pour qu’elle puisse être considérée comme un moyen de preuve supplémentaire dans le cadre de l’appel interjeté par Tadic33.

16. L’Accusation soutient que la Défense n’a pas démontré en quoi la fausse version des faits, présentée par Vujin à l’appui de la Requête fondée sur l’article 115 pour établir la responsabilité de Goran Borovnica dans le meurtre des deux policiers , aurait pu jouer un rôle décisif dans la décision de la Chambre d’appel de confirmer la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle Tadic avait tué les deux policiers. Elle rappelle en particulier qu’au procès, le Témoin W a déclaré que c’était Borovnica et non Tadic qui les avait tués. Pendant la procédure relative aux allégations d’outrage au Tribunal, un témoin a toutefois affirmé que lors de la préparation de l’appel, le Témoin W avait déclaré à Vujin que son identification de Borovnica au procès était mensongère puisque c’était Momcilo (« Ciga ») Radanovic qui avait tué les deux policiers34. À cet égard, l’Accusation signale que la Chambre d’appel a rejeté une requête soumise avant l’audience d’appel par Clegg et Livingston, conseils du Demandeur, aux fins que le Témoin W vienne témoigner qu’il avait menti au procès en première instance 35. D’après l’Accusation, le rejet de ce témoignage bat en brèche l’argument selon lequel cet élément aurait pu jouer un rôle décisif dans la décision de la Chambre d’appel36.

17. S’agissant de la manipulation par Vujin des Témoins A et B, l’Accusation estime que ce fait n’aurait pas pu jouer un rôle décisif dans la décision de la Chambre d’appel de confirmer les conclusions de la Chambre de première instance relatives aux événements d’Omarska. L’Accusation rappelle que dans l’Arrêt relatif à l’outrage , il a été considéré comme prouvé que Vujin avait ordonné aux Témoins A et B de ne pas citer de noms. L’Arrêt insiste toutefois sur le fait que Vujin avait également essayé de faire admettre d’autres déclarations similaires portant sur l’existence d’un sosie de Tadic, dénommé Danicic, ces déclarations ayant été rejetées par la Chambre d’appel. Compte tenu de ce fait, l’Accusation soutient que même si les déclarations des Témoins A et B avaient désigné Danicic, et non Tadic, comme auteur des crimes , il est improbable que cela aurait altéré pour autant la décision de la Chambre d’appel de les rejeter37.

18. En dernier lieu, s’agissant du fait que Vujin a donné la liste des témoins à décharge à Drljaca, entravant ainsi les efforts de la Défense pour interroger ces personnes, l’Accusation soutient que la Défense n’a absolument pas expliqué en quoi cela aurait pu jouer un rôle décisif dans la décision. Elle fait valoir que même si la Chambre d’appel avait été au courant de ces agissements, « la seule voie de recours ouverte au Demandeur à cette hauteur de la procédure aurait consisté à recueillir les déclarations et à essayer d’en obtenir l’admission en vertu de l’article 115 du Règlement, au motif qu’elle n’étaient pas disponibles en raison du comportement fautif de Vujin »38. L’Accusation conclut en observant qu’à lui seul, ce prétendu « fait nouveau » n’était pas susceptible d’avoir la moindre influence sur la décision de confirmer la déclaration de culpabilité 39.

III. Droit applicable

19. L’article 26 du Statut du Tribunal international, qui traite des procédures de révision, dispose comme suit :

S’il est découvert un fait nouveau qui n’était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision , le condamné ou le Procureur peut saisir le Tribunal d’une demande en révision de la sentence.

L’article 119 du Règlement, qui régit les demandes en révisions, dispose comme suit  :

S’il est découvert un fait nouveau qui n’était pas connu de la partie intéressée lors de la procédure devant une Chambre de première instance ou la Chambre d’appel ou dont la découverte n’aurait pu intervenir malgré toute la diligence voulue, la défense ou, dans l’année suivant le prononcé du jugement définitif, le Procureur peut soumettre à la même Chambre une requête en révision du jugement. Si, à la date de la demande en révision, un ou plusieurs juges de la Chambre initiale n’est plus en fonction au Tribunal, le Président nomme un ou plusieurs juges en remplacement .

En outre, l’article 120 du Règlement dispose comme suit :

Si la majorité des juges de la Chambre, constituée en application de l’article 119 du Règlement, conviennent que le fait nouveau, s’il avait été établi, aurait pu être un élément décisif de la décision, la Chambre révise le jugement et prononce un nouveau jugement après audition des parties.

20. Ainsi que l’ont signalé la Chambre d’appel du TPIR dans l’affaire Barayagwiza 40 et la Chambre d’appel du TPIY dans les affaires Delic41 et Jelisic42, ces dispositions du Statut et du Règlement ont pour effet conjugué que pour obtenir la révision, la partie intéressée doit, au préalable, satisfaire quatre conditions :

1. un fait nouveau doit avoir été découvert,

2. ce fait nouveau ne doit pas avoir été connu de la partie intéressée lors de la procédure initiale,

3. la non-découverte de ce fait nouveau ne doit pas être due à un manque de diligence de la partie intéressée, et

4. le fait nouveau aurait pu être un élément décisif de la décision initiale

IV. Examen

i) Considérations liminaires

21. La Défense demande la révision de l’affaire Tadic dans son intégralité , notamment des jugements de première instance et d’appel. Dans ce but, elle a déposé sa Demande en révision auprès du Président, afin que, faute de pouvoir reconstituer les Chambres ayant initialement connu de l’affaire, celui-ci puisse constituer des Chambres ad hoc43. Pour l’Accusation en revanche, l’article 119 du Règlement ne prévoyant que la révision du jugement définitif, seul l’Arrêt de la Chambre d’appel pourrait faire l’objet d’une révision 44. Ces arguments appellent une clarification de la part de la Chambre d’appel.

22. Comme l’indique l’article 119 du Règlement et ainsi qu’il ressort de l’Arrêt Barayagwiza45, la requête en révision doit être soumise à l’organe judiciaire qui a rendu le jugement définitif . Il peut s’agir soit de la Chambre de première instance (lorsque les parties n’ont pas interjeté appel), soit de la Chambre d’appel (lorsqu’il a été interjeté appel du jugement de première instance). Dans ce dernier cas, il appartiendra à la Chambre d’appel de déterminer, ainsi qu’elle le fait en application de l’article 122 du Règlement lorsque le jugement à réviser est frappé d’appel, si elle peut elle-même connaître de la demande en révision ou s’il est nécessaire de renvoyer l’affaire devant une Chambre de première instance reconstituée (dans la mesure du possible ) ou, en cas d’impossibilité, une nouvelle Chambre de première instance.

23. L’absence de tous les juges ou de certains des juges de la Chambre qui ont rendu le jugement définitif n’annule pas la compétence de cet organe pour connaître d’une demande en révision. Ainsi, même en l’absence des juges de la Chambre de première instance ou de la Chambre d’appel qui a rendu le jugement définitif, la demande en révision doit quand même être soumise à l’un de ces deux organes, et non au Président . Une fois la demande en révision soumise à l’organe compétent, il appartiendra au Président de nommer des juges pour l’examiner, comme lorsqu’il s’agit d’appels interlocutoires ou d’appels au fond. Comme il faut désigner des juges qui connaissent les faits de l’espèce, le Président nomme en général les juges qui ont siégé au procès. Ainsi qu’en dispose l’article 119 du Règlement, si ces juges ne sont plus en fonction au Tribunal international ou s’ils sont empêchés pour toute autre raison de connaître de la demande en révision, le Président nomme de nouveaux juges en remplacement.

24. Dans l’ordonnance par laquelle il a confié l’examen de la Demande en révision à un collège de cinq juges de la Chambre d’appel, le Président a indiqué que seul un jugement final peut faire l’objet d’une procédure de révision46. Le caractère définitif du jugement est une condition préalable à la tenue de cette procédure47. Il en va ainsi car la révision est une voie de recours exceptionnelle, ayant précisément pour but de permettre à un accusé ou à l’Accusation d’obtenir le réexamen d’une affaire dans des circonstances exceptionnelles, même après des années. De fait, le Règlement ne prévoit pas de date limite pour le dépôt par l’accusé d’une demande en révision et il laisse à l’Accusation un délai d’un an après le prononcé du jugement définitif.

25. Nous l’avons dit, pour qu’une Chambre puisse procéder à la révision d’un jugement , elle doit être convaincue que les quatre conditions inscrites à l’article 119 du Règlement sont toutes réunies. La première exige que la partie intéressée démontre l’existence d’un fait nouveau. Ainsi qu’il a été affirmé dans l’affaire Jelisic 48, il faut entendre par fait nouveau « tout nouvel élément d’information tendant à prouver un fait qui n’a pas été soulevé lors de la procédure en première instance ou en appel ». L’exigence que ce nouveau fait n’ait pas été soulevé au procès signifie qu’il ne doit pas faire partie des éléments dont l’organe qui a pris la décision a pu tenir compte pour former son jugement. Comme il a été indiqué dans l’affaire Delic49, il importe peu à cet égard que le fait nouveau soit survenu avant ou pendant la procédure initiale. Ce qu’il importe de déterminer, c’est si l’organe qui a pris la décision et la partie intéressée étaient au courant de ce fait ou non.

26. S’agissant de la deuxième et de la troisième conditions fixées par l’article  119 du Règlement, la Chambre d’appel note que la Chambre d’appel du TPIR a concédé dans l’affaire Barayagwiza qu’il pouvait y avoir des faits nouveaux qui, bien qu’inconnus de la Chambre au moment où elle prenait sa décision, étaient connus de la partie intéressée ou auraient pu l’être si celle-ci avait fait normalement preuve de la diligence voulue. Aussi a-t-elle considéré que « [d]ans les circonstances tout à fait exceptionnelles de cette affaire, et face à une possible erreur judiciaire  », la deuxième et la troisième condition du quadruple critère inscrit à l’article  119 du Règlement devaient être considérées « comme ayant un caractère non péremptoire  »50. Il a donc été conclu dans l’affaire Barayagwiza que pour empêcher une erreur judiciaire, une Chambre peut faire droit à une demande en révision au seul motif de l’existence d’un fait nouveau qui aurait pu jouer un rôle décisif dans la décision initiale. Cependant, pour reprendre les termes mêmes de la Chambre d’appel du TPIR, il faut des « circonstances tout à fait exceptionnelles » pour que ces deux conditions puissent être considérées comme n’ayant pas de caractère péremptoire. Dans l’affaire Delic, la Chambre d’appel a fait l’observation suivante : « Ce n’est que lorsqu’on constate qu’une décision d’un conseil a entraîné une erreur judiciaire, en raison de sa nature et des circonstances de l’affaire, que la Chambre d’appel ne tient pas l’accusé responsable des actes de son conseil »51. En outre , elle a noté que « [s]i l’accusé laisse entendre que l’élément en question n’a pas été présenté au Tribunal en raison de [l]a négligence [de son conseil], il doit démontrer que son exclusion entraînerait une erreur judiciaire »52.

27. Il ressort de cette jurisprudence que lorsqu’elle est saisie d’un fait nouveau susceptible de modifier le jugement final, la Chambre d’appel peut, pour empêcher une erreur judiciaire, décider d’intervenir pour déterminer si le fait en question aurait pu jouer un rôle décisif, et ce même si la deuxième et la troisième conditions inscrites à l’article 119 du Règlement ne sont pas formellement réunies.

28. À la lumière de ce qui précède, la Chambre d’appel va maintenant analyser les arguments des parties.

ii) Analyse

29. La Défense fait valoir que certaines des conclusions tirées par la Chambre d’appel dans l’Arrêt relatif à l’outrage constituent des faits nouveaux au sens de l’article  119 du Règlement, justifiant ainsi la révision de l’intégralité de l’affaire du Demandeur. Partant, la Chambre d’appel doit tout d’abord déterminer si les prétendus faits nouveaux satisfont aux conditions posées à l’article 119 du Règlement. À cette fin, ces faits seront examinés tour à tour.

a) Vujin a présenté à la Chambre d’appel, à l’appui de la Requête fondée sur l’article 115 du Règlement, une version des faits qu’il savait fausse s’agissant du poids à accorder aux déclarations de Mladjo Radic53

30. Cette conclusion figure dans l’Arrêt relatif à l’outrage rendu le 31 janvier  2000. En revanche, le jugement définitif rendu en l’espèce a été prononcé le 15  juillet 1999. Ainsi, bien que quatre des cinq juges qui ont rendu le jugement définitif aient également rendu l’Arrêt relatif à l’outrage, ils ne pouvaient pas, en 1999 , être au courant des conclusions figurant dans ce dernier. On ne pouvait pas non plus s’attendre à ce qu’au mépris des principes régissant la déontologie judiciaire , des juges s’appuient, pour trancher l’appel Tadic au fond, sur des informations qu’ils obtenaient petit à petit dans le cadre de la procédure pour outrage.

31. Pour ces raisons, la Chambre d’appel convient avec la Défense que, ainsi que l’Accusation l’a également concédé, la conclusion susmentionnée de la Chambre d’appel devrait être considérée comme un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement . En conséquence, la Chambre d’appel doit répondre à la question de savoir si le fait nouveau satisfait ou non aux autres conditions posées à l’article 119 du Règlement .

32. La Chambre d’appel note d’emblée que Radic n’a pas déposé au procès mais que deux de ses déclarations écrites ont été soumises par Vujin, dans le cadre de la Requête fondée sur l’article 115 du Règlement, à l’appui de l’argument selon lequel le Demandeur Tadic n’était jamais allé au camp d’Omarska et qu’il pouvait avoir un sosie. Dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a constaté que contrairement à ce qui était affirmé dans la Requête fondée sur l’article 115, la première déclaration de Radic n’avait pas été recueillie par Vujin le 10 mars 1998 à Prijedor, mais au quartier pénitentiaire des Nations Unies par le Demandeur lui-même, désormais compagnon de détention de Radic après l’arrestation de celui-ci. La Chambre d’appel a en outre constaté que le Demandeur a témoigné que Vujin lui avait dit de marquer la date du 10 mars 1998 sur la déclaration et d’indiquer qu’elle avait été recueillie à Prijedor par le Demandeur en personne54. Pour la Chambre d’appel, ces faits révèlent qu’à l’époque de la procédure d’appel , le Demandeur était tout à fait informé du caractère frauduleux de la première déclaration de Radic, puisqu’ainsi que l’a souligné l’Accusation, il y a contribué . Pareille conclusion doit également pouvoir être tirée de la deuxième déclaration de Radic, dans laquelle celui-ci a confirmé la véracité de sa première déclaration , tout en sachant que Vujin et, tel que mentionné précédemment, le Demandeur connaissaient le caractère frauduleux de ladite première déclaration. Le Demandeur aurait pu déduire de ce fait le caractère frauduleux de la version des faits avancée par Vujin au sujet des deux déclarations de Radic. Pour ces raisons, la Chambre d’appel conclut que ce volet de la conclusion figurant dans l’Arrêt relatif à l’outrage ne saurait être considéré comme un « fait nouveau qui n’était pas connu de la partie intéressée  » ou qui n’aurait pas pu être découvert si cette partie avait fait preuve de la diligence voulue, au sens de l’article 119 du Règlement.

33. Appliquant les principes exposés ci-dessus, la Chambre d’appel s’est néanmoins demandé si le fait nouveau aurait pu être un élément décisif de la décision prise. La Chambre d’appel observe que la conclusion selon laquelle il a été présenté aux juges une version fausse des déclarations de Radic (initialement soumises à l’appui de l’argument selon lequel Tadic n’était pas à Omarska et avait un sosie) n’est d’aucune utilité au Demandeur si son but est de faire annuler sa déclaration de culpabilité concernant les événements du camp d’Omarska. Premièrement, les deux déclarations ne faisaient pas partie des éléments de preuve sur lesquels la Chambre d’appel s’est fondée pour déclarer le Demandeur coupable. Deuxièmement, il est improbable que si elle avait été au courant du caractère mensonger de la version des faits présentée auparavant par Vujin, la Chambre d’appel aurait considéré cet élément comme favorable au Demandeur. Au vu de ce qui précède, la Chambre d’appel conclut que le fait nouveau n’aurait pu être un élément décisif de la décision au sens de l’article 120 du Règlement.

b) Vujin a présenté à la Chambre d’appel, à l’appui de la Requête fondée sur l’article 115 du Règlement, une version des faits qu’il savait fausse quant à la responsabilité de Goran Borovnica dans le meurtre des deux policiers musulmans dont Tadic a été accusé.55

34. La preuve juridique de l’acte fautif de Vujin quant à la responsabilité de Goran Borovnica dans le meurtre des deux policiers musulmans résulte uniquement de l’Arrêt relatif à l’outrage. Ainsi, compte tenu du raisonnement exposé au point précédent , la Chambre d’appel estime que la conclusion issue de l’Arrêt relatif à l’outrage et énoncée plus haut constitue un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement .

35. Quant à savoir si la partie intéressée connaissait ce fait, la Chambre d’appel souligne que dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a notamment conclu que Vujin savait à cette époque que le Témoin W avait affirmé que son témoignage au procès, désignant Borovnica comme le meurtrier des deux policiers, était faux , et que c’était en fait Momcilo Radanovic (« Ciga ») (qui serait le sosie de Tadic ) qui avait tué les deux policiers56. Bien qu’on ne puisse pas exclure que Vujin avait informé le Demandeur que le Témoin  W avait fait un faux témoignage, aucun élément de preuve n’appuie cette hypothèse et il est donc peu probable que le Demandeur en ait été au courant. De même, il est improbable que le Demandeur ait pu en être informé en faisant preuve de toute la diligence normale alors qu’il était détenu à La Haye, loin du lieu où Vujin procédait à son « enquête ».

36. S’agissant du Témoin D, coconseil du Demandeur en appel, la Chambre d’appel fait remarquer que dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a conclu que « le Défendeur [Vujin] a reconnu avoir eu un différend avec le Témoin D après avoir pris la décision de présenter cette version [témoignage du Témoin W] ». Partant , bien que le Témoin D ait pu être informé de la conduite fautive de Vujin, il semble qu’il n’ait pas tenté d’en mitiger les conséquences dommageables en remettant en cause l’inclusion de la déclaration du Témoin W dans la Requête fondée sur l’article 115. Il convient également de souligner que c’est le Témoin D qui, en appelant l’attention du Greffe sur la conduite fautive de Vujin, est à l’origine de la décision de révoquer ce dernier comme conseil principal du Demandeur, rendue par le Greffe le 19 novembre  199857. La Chambre d’appel conclut par conséquent que le Témoin D a agi en l’espèce avec toute la diligence requise. Considérant ce qui vient d’être dit, la Chambre d’appel estime que, bien que, s’agissant du Témoin D, le deuxième critère visé à l’article 119 du Règlement ne puisse pas être formellement satisfait, il serait injuste de l’interpréter de façon rigide. Par conséquent, étant donné que le Témoin D a fait preuve de toute la diligence voulue, la Chambre d’appel examinera si le quatrième critère visé à l’article 120 du Règlement a été satisfait ou non.

37. Pour déterminer si le fait nouveau aurait pu être un élément décisif ou non, la Chambre d’appel doit avant tout examiner l’analyse qui a permis à la Chambre de première instance de conclure à la culpabilité pour le meurtre des deux policiers. Comme il a été résumé au paragraphe 33 de l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a conclu que :

La preuve de la participation de Tadic repose sur la parole d’un seul témoin, un certain Nihad Seferovic, bien que des témoignages solides indiquent que Tadic se trouvait dans le secteur durant cette période. Tadic a fait valoir au cours du procès qu'il n'était pas à Kozarac du 24 au 27 mai 1992, et un certain nombre de témoins qui s'y trouvaient durant cette période ont témoigné ne pas l'avoir vu. D’autre part, la capacité de Seferovic d’avoir eu une vision claire des événements se déroulant dans le cimetière a été mise en doute. La Chambre de première instance a conclu au-delà de tout doute raisonnable que Tadic avait tué les deux policiers devant l'église orthodoxe serbe58.

38. La Chambre de première instance s’est donc fondée sur la déposition d’un témoin , Seferovic, pour conclure à la culpabilité de Tadic dans le meurtre des deux policiers . Elle l’a également déclaré coupable d’autres actes en grand nombre sur lesquels , outre son constat quant aux deux policiers, elle a fondé sa déclaration de culpabilité en vertu du chef d’accusation 1 (persécutions en tant que crime contre l’humanité ).

39. En particulier, la Chambre de première instance a entendu la déposition du Témoin W qui a déclaré qu’il se trouvait à Kozarac du 26 au 28 mai et qu’il n’y a vu Tadic à aucun moment. La Chambre de première instance a également constaté que, lors de son contre-interrogatoire, le Témoin W a ajouté qu’il était stationné dans la partie nord de Kozarac59. Toutefois, dans son Jugement, la Chambre de première instance n’a pas fait état de la déposition du Témoin W concernant Borovnica. Elle a été en fait convaincue par le témoignage fourni par Seferovic. Ainsi, il est très improbable que, si la Chambre de première instance avait su que l’affirmation du Témoin W concernant Borovnica était fausse, cet élément aurait été décisif dans sa prise de décision. Il est en effet difficile d’imaginer que cet élément aurait pu jouer un rôle quelconque dans la conclusion de la Chambre de première instance que Tadic a tué les deux policiers et, ce qui est plus important encore, dans sa décision de déclarer Tadic coupable sous le chef d’accusation 1 (persécutions en tant que crime contre l’humanité). La Chambre d’appel confirme ce point de vue en concluant que Tadic n’a pas prouvé que la crédibilité Seferovic en tant que témoin était douteuse ou que son témoignage était intrinsèquement invraisemblable. La Chambre d’appel a en outre indiqué ce qui suit :

L’Appelant n'ayant pas démontré que la Chambre de première instance a eu tort de fonder sur le témoignage de M. Seferovic sa conclusion factuelle que l'Appelant a tué les deux hommes en question, la Chambre d'appel ne saurait infirmer ladite conclusion.60

Compte tenu de ces éléments, la Chambre d’appel a conclu que la Chambre de première instance n’avait pas commis d’erreur en se fondant sur le témoignage non corroboré de Seferovic.

40. Au vu de ces éléments, la Chambre d’appel estime que la conclusion figurant dans l’Arrêt relatif à l’outrage au sujet de la fausse version des faits avancée par le témoin W, concernant la responsabilité de Borovnica, ne peut jouer aucun rôle quant à la décision de déclarer Tadic coupable du meurtre des deux policiers . Ceci est d’autant plus vrai que la crédibilité du témoin W est discutable sachant qu’il a admis devant la Chambre d’appel avoir délibérément donné un faux témoignage lors du procès en première instance.

41. S’agissant de cette conclusion figurant dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Défense a fait valoir dans sa Réplique que, compte tenu du Jugement Kupreskic , la Chambre d’appel n’avait pas le droit de déclarer Tadic coupable du meurtre des deux policiers en raison de l’absence dans l’acte d’accusation de faits justifiant les charges retenues contre le Demandeur. La Chambre d’appel soutient que, comme il a été dit dans l’affaire Jelisic, l’évolution de la jurisprudence ne peut être considérée comme un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement61, l’expression « fait nouveau » renvoyant essentiellement à des éléments de nature probatoire plutôt qu’à des conclusions juridiques issues d’autres affaires. Pour ces raisons, l’argument est rejeté.

c) Vujin a manipulé les Témoins A et B en veillant à ce qu’ils ne révèlent pas dans leurs déclarations l’identité des personnes susceptibles d’être responsables des crimes dont Tadic a été reconnu coupable.62

42. Pour les raisons énoncées précédemment, la Chambre d’appel estime que la conclusion susmentionnée, issue de l’Arrêt relatif à l’outrage, constitue un fait nouveau.

43. Dans ledit Arrêt, la Chambre d’appel a conclu que Vujin avait donné pour instructions aux Témoins A et B de ne pas révéler de noms63. Toutefois, s’agissant du Témoin A, la Chambre d’appel a conclu dans l’Arrêt relatif à l’outrage que le Témoin D (coconseil de Tadic) avait, dès avril 1998, été informé par le Témoin A de la conduite fautive de Vujin lors des interrogatoires réalisés en mars 1998 auprès de témoins éventuels. La Défense aurait donc déjà été au courant de la conduite en question dès avril 1998. Ainsi, le deuxième critère visé à l’article  119 du Règlement n’est pas satisfait.

44. Cependant, la Chambre d’appel fait remarquer que c’est le témoin D qui a informé le Greffe de la conduite fautive de Vujin quant aux événements survenus au poste de police de Prijedor en avril 1998, entraînant de ce fait la décision du Greffe de faire remplacer Vujin comme conseil de Tadic. Au vu de ces circonstances particulières , la Chambre d’appel estime qu’en l’espèce, l’équité exige une souplesse dans l’interprétation des deuxième et troisième critères visés de l’article 119 du Règlement. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre d’appel cherchera à savoir si le fait nouveau eu égard au Témoin A constitue ou non un élément décisif. Elle répondra à cette question en conjonction avec celle qui se rapporte au Témoin B.

45. S’agissant du Témoin B, la Chambre d’appel n’a reçu aucun élément de preuve donnant à penser que le Demandeur ou le Témoin D savait ou aurait pu savoir avec certitude que Vujin manipulait le Témoin B. C’est pourquoi, la Chambre d’appel conclut qu’en l’espèce, les deuxième et troisième critères de l’article 119 du Règlement sont satisfaits.

46. Pour ce qui est de l’impact de la conduite fautive de Vujin concernant les Témoins  A et B sur le jugement définitif, la Défense semble faire valoir que, si Vujin n’avait pas manipulé les Témoins A et B, ces derniers auraient pu désigner d’autres individus tels que Danicic comme étant les auteurs des crimes commis à Omarska, disculpant ainsi Tadic.

47. Sur ce point, la Chambre d’appel constate, comme l’a souligné l’Accusation, que le mémoire de Vujin relatif à l’admission d’éléments de preuve supplémentaires en appel contenait bien une liste de nombreux témoins qui auraient pu déposer au sujet de l’existence d’un sosie de Tadic, en la personne de Danicic64. Toutefois, dans sa Décision relative à l’article 115 (rendue presqu’un an avant l’Arrêt définitif), la Chambre d’appel n’a admis aucune de ces déclarations comme moyen de preuve. Ainsi, la question du sosie de Tadic, et donc la possibilité que Danicic ait pu commettre certains des crimes dont Tadic a été reconnu coupable, a été clairement posée à la Chambre d’appel, qui ne l’a pas considérée comme un élément décisif justifiant l’admission de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent , même si les Témoins A et B avaient désigné Danicic comme étant l’auteur des crimes , la Chambre d’appel, qui avait déjà rejeté dans sa Décision relative à l’article  115 les déclarations d’autres témoins allant dans ce sens, aurait aussi rejeté en toute logique celles des Témoins A et B. Pour ces raisons, la Chambre d’appel conclut que ce fait ne peut être considéré comme un élément décisif au sens de l’article  120 du Règlement.

d) Vujin a délibérément agi à l’encontre des intérêts de Tadic lorsqu’il a donné à Drljaca, chef de la police de Prijedor, la liste des témoins à décharge, entravant ainsi les efforts de la Défense pour interroger ces personnes.65

48. Comme au point précédent, la Chambre d’appel souscrit à l’argument de la Défense selon lequel cet élément constitue un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement .

49. Dans le Jugement relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a conclu sur la base du témoignage de Michaïl Wladimiroff que, lors d’un entretien au poste de police de Prijedor, ce dernier a appris de Drljaca que Vujin lui avait fourni une liste de témoins, et que Drljaca avait un comportement manifestement hostile (il a fait clairement savoir à Michaïl Wladimiroff que ce dernier remuait le passé et qu’il n’en avait pas le droit66). De plus , d’après les notes que Tadic a écrites dans son journal en janvier et février 1996 , lesquelles ont été versées au dossier et corroborent le témoignage de Michaïl Wladimiroff, Tadic savait que Vujin avait donné la liste à Drljaca. Il semble donc que le fait nouveau était connu de la partie intéressée à l’époque du procès en première instance. Toutefois, il convient de souligner que, comme Michaïl Wladimiroff l’a indiqué dans son témoignage pendant la procédure relative à l’outrage, en apprenant la conduite fautive de Vujin, il a réussi à convaincre Tadic qu’il serait mieux défendu sans Vujin. La Chambre d’appel estime donc qu’il convient de chercher à savoir si le fait nouveau aurait été décisif.

50. À cet égard, la Chambre d’appel constate que la Défense n’a fait valoir aucun argument spécifique en vue de démontrer pourquoi ce fait nouveau aurait une incidence sur la déclaration de culpabilité de Tadic. La Défense n’a pas non plus démontré pourquoi il aurait été impossible de remédier à cette situation initiale regrettable en première instance et en appel. Ainsi, étant donné que la Défense a eu effectivement l’occasion de procéder à un complément d’enquête qui lui a permis de solliciter l’admission de nouveaux éléments de preuve en appel, la Chambre d’appel estime que l’influence négative du fait nouveau sur l’équité du procès a été dûment contrebalancée aussi bien en première instance qu’en appel. Au vu de ce qui précède, la Chambre d’appel estime qu’il n’a pas été établi que le fait nouveau était décisif au sens de l’article 120 du Règlement.

e) En préparant sa propre défense quant aux allégations d’outrage, Vujin était délibérément entré en contact avec des personnes en violation de l’Ordonnance portant calendrier du 10 février 199967.

51. Le 10 février 1999, la Chambre d’appel a rendu une ordonnance portant calendrier par laquelle elle engageait la procédure relative à l’outrage à l’encontre de Vujin . Ladite ordonnance interdisait notamment à Vujin d’entrer en contact avec certains témoins. Cependant, Vujin a approché ces témoins et la Chambre d’appel a conclu dans son Arrêt relatif à l’outrage qu’en entrant en contact avec deux témoins (Simo Kevic et GY), Vujin avait « commis un acte arrogant délibéré en violation flagrante de l’interdiction énoncée par l’Ordonnance portant calendrier68  ». Conformément à l’approche adoptée jusqu’à maintenant, la Chambre d’appel estime qu’il s’agit d’un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement.

52. La Chambre d’appel constate que rien ne laisse supposer que ni le Demandeur ni la Défense ne connaissait ce fait, ni qu’ils auraient pu le connaître en faisant preuve de toute la diligence voulue. En effet, à l’époque, le Greffe avait déjà révoqué Vujin (le 19 novembre 1998) en tant que conseil du Demandeur, et il est donc très improbable que Vujin soit entré en contact avec le Demandeur ou avec son nouveau conseil de manière à pouvoir les informer, à terme, de ses activités.

53. Quant à savoir si le fait nouveau est décisif, la Chambre d’appel constate que dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel n’a tiré aucune conclusion s’agissant de Simo Kevic69 (dont le témoignage a déjà été soumis à la Chambre d’appel, mais rejeté dans la Décision relative à l’article 115). En outre, la Chambre d’appel a conclu dans son Arrêt relatif à l’outrage qu’il subsistait des doutes raisonnables quant à savoir si Vujin avait agi avec l’intention manifeste d’empêcher le Témoin GY de faire une déclaration 70. Cela étant, le comportement de Vujin concernant ces deux témoins n’aurait pas pu avoir d’incidence sur la décision définitive de la Chambre d’appel.

f) Conclusion générale que Vujin agissait « non seulement avec l’intention de faire obstruction au cours de la justice, mais également contre les intérêts [de Tadic]».71 

54. La Chambre d’appel souligne que, dans l’Arrêt relatif à l’outrage, la Chambre d’appel a déclaré qu’ : « en l’espèce, [Vujin] a agi contre les intérêts de son client72 ». Sur ce point, la Chambre d’appel insiste sur le fait que ce constat ne concerne que les cas de conduites fautives recensés dans l’Arrêt relatif à l’outrage. Il ne permet pas de conclure de façon générale que, comme semble l’indiquer la Défense, Vujin a agi contre les intérêts de Tadic tout au long de l’affaire. Toutefois, sous cette forme plus restreinte , la déclaration de la Chambre d’appel peut être considérée comme un fait nouveau au sens de l’article 119 du Règlement, qui n’a pas été présenté devant la Chambre d’appel ayant rendu le jugement définitif.

55. Quant à savoir si la partie intéressée était au courant du fait nouveau ou aurait pu en être informée en faisant preuve de la diligence voulue, la Chambre d’appel rappelle que Tadic a lui-même formellement souligné dans son journal que Vujin participait à sa défense, mais « seulement pour garantir que [s]a version des faits n’aura pas de conséquences plus importantes pour ceux qui ont véritablement participé aux événements survenus dans la région en 1992 […]73  ». En outre, ce qui est encore plus important, la Chambre d’appel constate qu’en avril 1996, Vujin a été écarté par Tadic 74. Par conséquent, pendant le procès qui s’est ouvert le 7 mai 1996, Vujin n’a pas assisté Tadic dans sa défense75. Au vu de cela, on peut raisonnablement conclure que les quatre avocats (MM. Wladimiroff , Orie, Kay et De Bertodano) qui ont assisté Tadic pendant son procès en première instance ont pu dûment protéger ses intérêts et procéder à un complément d’enquête , faisant contrepoids au comportement initial de Vujin.

56. Cependant, en avril 1997, Tadic a de nouveau fait appel à Vujin en tant que conseil principal. Par contre, Michaïl Wladimiroff a été congédié, de même que les autres avocats alors membres de l’équipe de la Défense. La Chambre d’appel relève qu’en agissant de la sorte, Tadic a de facto donné à Vujin une nouvelle occasion d’agir contre ses intérêts. En effet, quatre des cinq faits nouveaux débattus plus haut se sont produits en 1998 (le cinquième date de 1999), lorsque Vujin agissait en qualité de conseil principal de Tadic. Heureusement, l’intervention rapide du Témoin D, qui a occasionné le remplacement de Vujin fin 1998, a permis au nouveau conseil de préparer une défense appropriée, faisant ainsi contrepoids à l’influence de Vujin. La Chambre d’appel reconnaît qu’en choisissant de faire à nouveau appel aux services de Vujin, Tadic peut avoir été manipulé par Vujin lui-même et donc ne pas avoir agi entièrement par négligence. Toutefois, la Chambre d’appel estime que les inquiétudes exprimées par Michaïl Wladimiroff à Tadic en 1996 suffisaient à avertir Tadic des risques qu’impliquait cette décision76.

57. Au vu des circonstances, la Chambre d’appel conclut que les deuxième et troisième critères visés à l’article 119 du Règlement ne sont pas satisfaits.

V. Dispositif

58. Par ces motifs, la Demande en révision est rejetée.

Fait en anglais et en français, la version en français faisant foi.

_______________________
Juge Claude Jorda

President

___________________ ___________________ ___________________ ___________________
Juge Mehmet Güney Juge Asoka de Zoysa Juge Fausto Pocar Juge Liu Daqun Gunawardana

Fait le 30 juillet 2002,
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Demande en révision de mon affaire dans son intégralité et des procès en première instance et en appel devant le Tribunal de La Haye », 18 juin 2001.
2 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Demande en révision des déclarations de culpabilité prononcées à l’encontre de Dusko Tadic par la Chambre de première instance (IT-94-1-T) et par la Chambre d’appel (IT-94-1-A) », 5 octobre 2001.
3 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-T, « Jugement », 7 mai 1997.
4 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A, « Arrêt », 15 juillet 1999.
5 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A et IT-94-1-Abis, « Arrêt concernant les jugements relatifs à la sentence », 26 janvier 2000.
6 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A-R77, « Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin », 31 janvier 2000, p. 67.
7 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A-R77, « Arrêt confirmatif relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin », 27 février 2001.
8 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Réponse de l’Accusation à la demande en révision déposée par Dusko Tadic », 29 juin 2001.
9 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Réplique, au nom de Dusko Tadic, à la réponse de l’Accusation à la demande en révision (déposée par Dusko Tadic en personne) », 3 juillet 2001.
10 - Id., p. 2.
11 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Requête de l’Accusation relative à la demande en révision », 15 octobre 2001.
12 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Requête aux fins d’autorisation de dépasser le nombre limite de pages que doit comporter la “Demande en révision des déclarations de culpabilité prononcées à l’encontre de Dusko Tadic par la Chambre de première instance (IT-94-1-T) et par la Chambre d’appel (IT-94-1-A)” », 1er novembre 2001.
13 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Réponse de l’Accusation à la “Demande en révision des déclarations de culpabilité prononcées à l’encontre de Dusko Tadic par la Chambre de première instance (IT-94-1-T) et par la Chambre d’appel (IT-94-1-A)” », 6 novembre 2001.
14 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Décision relative à la requête aux fins de prorogation de délais », 14 décembre 2001.
15 - Demande en révision déposée par Tadic, p. 1.
16 - Id., p. 2.
17 - Id., p. 2.
18 - Demande en révision, par. 6.
19 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Appellant Brief in Relation to Admission of Additional Evidence on Appeals Under Rule 115 », déposé par la Défense le 4 février 1998.
20 - Demande en révision, par. 17 (renvoyant au paragraphe 104 de l’Arrêt relatif à l’outrage).
21 - Demande en révision, par. 18.
22 - Id., par. 20 (souligné dans l’original).
23 - Id., par. 27.
24 - Id., par. 38.
25 - Id., par. 45.
26 - Id., par. 49 à 54.
27 - Le Procureur c/ Zoran Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-A, « Arrêt », par. 113.
28 - Réponse, par. 11.
29 - Id., par. 14.
30 - Id., par. 26.
31 - Id., par. 29.
32 - Id., par. 38.
33 - Id., par. 40.
34 - Id., par. 48.
35 - « Motion (3) to Admit Additional Evidence on Appeal Pursuant to Rule 115 of the Rules of Procedure and Evidence », 19 avril 1999. La Chambre d’appel a rejeté cette requête par une décision rendue oralement le 19 avril 1999 (compte rendu d’audience, p. 20).
36 - Réponse, par. 55.
37 - Id., par. 63 à 65.
38 - Id., par. 70.
39 - Id., par. 72.
40 - Le Procureur c/ Barayagwiza, affaire n° ICTR-97-19-AR72, « Arrêt (Demande du Procureur en révision ou en réexamen) », 31 mars 2000, par. 41.
41 - Le Procureur c/ Hazim Delic, affaire n° IT-96-21-R-R119, « Décision relative à la requête en révision », 25 avril 2002, p. 5.
42 - Le Procureur c/ Goran Jelisic, affaire n° IT-95-10-R, « Décision relative à la demande en révision », 2 mai 2002, p. 3.
43 - Demande en révision, par. 2.
44 - Réponse, par. 14.
45 - Voir supra note 40, par. 49.
46 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-R, « Ordonnance du Président portant affectation de juges à la Chambre d’appel », 5 octobre 2001, p. 2.
47 - Le Procureur c/ Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-A, « Arrêt (Requête en révision de la décision de la Chambre d’appel du 31 mai 2000) », 4 mai 2001, p. 2.
48 - Voir supra, note 42, p. 3.
49 - Voir supra, note 41, p. 5.
50 - Voir supra, note 40, par. 65.
51 - Voir supra note 41, par. 15.
52 - Id., par. 15.
53 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 131 à 134.
54 - Id., par. 44.
55 - Id., par. 160.
56 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 46.
57 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A, Decision of Deputy Registrar Regarding the Assignment of Counsel and the Withdrawal of Lead Counsel for the Accused, Greffe, 19 novembre 1998.
58 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 33.
59 - Jugement de la Chambre de première instance, par. 395.
60 - Arrêt de la Chambre d’appel, par. 67.
61 - Voir supra note 42, p. 2.
62 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 160.
63 - Id., par. 160.
64 - Le Procureur c/ Dusko Tadic, Appellant’s Brief In Relation to Admission of Additional Evidence on Appeal Under Rule 115, 2 février 1998.
65 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 95 à 101.
66 - Id., par. 96.
67 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 125 à 128.
68 - Id., par. 128.
69 - Id., par. 149.
70 - Id., par. 147.
71 - Demande en révision, par. 20.
72 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 167.
73 - Id., par. 109.
74 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 103.
75 - Jugement de la Chambre de première instance, par. 25.
76 - Arrêt relatif à l’outrage, par. 108.