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1 Mardi 7 mai 1996 IT-94-1-T
2 LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE
3 Composée comme suit :
4 Mme le Juge Gabrielle Kirk McDonald, Président
5 M. le Juge Ninian Stephen
6 M. le Juge Lal C. Vohrah
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8 Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh,
9 Greffier
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12 LE PROCUREUR
13 C/
14 DUSKO TADIC alias "DULE"
15 _____________________________________________________________________
16 COMPTE RENDU D’AUDIENCE DU PROCES TADIC
17 _____________________________________________________________________
18
19 Le Bureau du Procureur :
20 M. Grant Niemann M. Alan Tieger
21 Mme Brenda Hollis M. Michael Keegan
22
23 Le Conseil de la Défense :
24 Michail Wladimiroff M. Steven Kay
25 Alphons Orie Mme Sylvia de Bertodano
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2 MME DE SAMPAYO : Le Procureur contre Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-T.
3 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Merci. Puis-je d’abord vérifier que le matériel
4 fonctionne ? Tous les présents qui ne me comprennent pas devraient
5 mettre leurs écouteurs. Tous ceux qui portent des écouteurs
6 m’entendent-ils dans une langue qu’ils comprennent ? M. Tadic,
7 pouvez-vous m’entendre dans une langue que vous comprenez ? Bien,
8 merci. Qui représente l’Accusation ?
9 M. NIEMANN : Je m’appelle Niemann et je suis accompagné de mes collègues
10 Mme Hollis, M. Tieger et M. Keegan.
11 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Merci, M. Niemann. Qui représente la Défense ?
12 M. WLADIMIROFF : Je m’appelle Michail Wladimiroff. Je suis avocat au
13 Barreau de la Cour suprême des Pays-Bas et je suis conseil de la
14 Défense. A ma droite se trouve Alphons Orie, qui est aussi avocat au
15 Barreau de la Cour suprême des Pays-Bas, conseil adjoint de la
16 Défense, et tout à ma gauche, Steven Kay, barrister au Barreau
17 d’Angleterre et du Pays de Galles, conseil adjoint de la Défense, et
18 tout à ma droite, Sylvia de Bertodano, également barrister au
19 Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles, qui assiste la Défense.
20 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Merci. Avant de passer aux déclarations
21 liminaires, je dois examiner ce matin avec vous, les avocats,
22 diverses requêtes que nous avons étudiées vendredi à la conférence
23 de mise en état. Nous devons annoncer nos décisions concernant ces
24 requêtes. La première requête, déposée par le Procureur, tend à
25 exiger la communication des déclarations des témoins de la Défense.
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1 Cette requête est rejetée.
2 La deuxième requête, présentée également par le Procureur,
3 concerne des mesures de protection pour le témoin P. Il y est fait
4 droit.
5 La requête suivante, déposée par la Défense, concerne la
6 citation de témoins et des mesures de protection. Elle comprend
7 plusieurs parties. Premièrement, il sera fait droit à la requête aux
8 fins que la Chambre de première instance cite les témoins. Il est
9 fait droit à la requête concernant les sauf-conduits. La requête
10 concernant le témoignage de certains témoins par vidéoconférence est
11 pour partie approuvée et pour partie rejetée. La requête relative à
12 la confidentialité de certains témoins est pour partie approuvée et
13 pour partie rejetée. La requête aux fins d’anonymat des témoins est
14 rejetée.
15 S’agissant des diverses parties de ces dernières requêtes, à
16 savoir celles qui concernent les vidéoconférences, la
17 confidentialité et l’anonymat, un délai est accordé à la Défense
18 pour lui permettre de présenter d’ici le 31 mai des informations
19 supplémentaires aux déclarations qu'elle a déposées à l’appui de ces
20 requêtes.
21 La dernière requête que nous avons examinée à la conférence de
22 mise en état émanait du Procureur et tendait à retirer les chefs
23 d’accusations 2 à 4. J’y viendrai dans un instant. La dernière
24 question débattue à la conférence de mise en état concernait la
25 requête du Procureur et celle de la Défense tendant à ce que la
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1 Chambre de première instance rende une décision préliminaire au
2 sujet de diverses questions que vous avez abordées dans vos
3 conclusions préalables à l’ouverture des débats.
4 A la conférence de mise en place de vendredi, nous avons
5 prévenu les parties que, dans quatre domaines au moins, nous
6 pourrions vous donner certaines orientations et que nous étions
7 convaincus qu’il était suffisant de vous donner des orientations
8 dans ces quatre domaines. Je vais répéter ce que je vous avais
9 dit alors.
10 Premièrement, la Chambre de première instance a décidé que
11 pendant la partie du procès traitant de la culpabilité ou de
12 l’innocence des accusés, les témoins ne peuvent présenter aucune
13 information relative exclusivement au prononcé de la sentence. Nous
14 vous avons renvoyés à l’article 100 du Règlement de procédure et de
15 preuve. Nous comprenons la position du Procureur et nous comprenons
16 la position de la Défense. Mais vos témoins doivent témoigner au
17 sujet de la culpabilité ou de l’innocence; si le témoignage concerne
18 uniquement des questions dont nous devrons tenir compte pour le
19 prononcé de la peine, il devrait être entendu comme le prévoit
20 l’article 100.
21 Etait-ce M. Kay, ou M. Wladimiroff, non, je pense que c’était
22 M. Orie qui a dit qu’il est très bien de rendre une telle décision,
23 mais que ce sera une autre affaire que de déterminer les cas où elle
24 s’appliquera. Vous avez sans doute raison, M. Orie, mais telle est
25 notre décision en la matière.
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1 La deuxième décision concernait l’obligation des parties de
2 présenter des éléments de preuve quant à la nature du conflit.
3 La Chambre de première instance souhaite entendre des témoignages
4 concernant la nature du conflit. Je crois que la Défense part du
5 principe que la Chambre d’appel a décidé qu’il s’agissait d’un
6 conflit interne; le Procureur part du principe que la Chambre
7 d’appel a décidé qu’il s’agissait d’un conflit international, mais
8 il pourrait y avoir une certaine confusion à ce sujet. La Chambre de
9 première instance a décidé qu’elle veut entendre des témoignages
10 concernant la nature du conflit.
11 Enfin, la Chambre de première instance a décidé qu’il était
12 nécessaire de présenter des éléments de preuve, qu’il était
13 nécessaire que le Procureur présente des éléments de preuve tendant
14 à démontrer que les crimes mentionnés dans l’acte d’accusation ont
15 été commis dans le cadre d’un conflit armé. Nous estimons que cette
16 charge de preuve incombe au Procureur.
17 Puis nous avons étudié — et je suppose que nous étudierons
18 encore — la Requête du Procureur, à laquelle la Défense s’est
19 jointe, aux fins que la Chambre de première instance rende certaines
20 décisions quant aux éléments du crime. Nous estimons que les
21 décisions que nous avons rendues jusqu’ici sont suffisantes pour
22 vous indiquer les éléments de preuve à présenter. Nous avons de
23 nouveau reçu ce matin la requête du Procureur et de la Défense.
24 La Chambre de première instance n’estime pas qu’il lui incombe
25 à ce stade de formuler un code pénal international; nous pensons que
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1 notre tâche consiste plutôt à entendre les témoignages et à
2 interpréter et appliquer les termes du Statut du Tribunal
3 international. Nous n’irons donc pas plus loin en ce qui concerne
4 votre requête. Nous pensons vous avoir donné ce dont vous avez
5 besoin pour orienter le choix des éléments de preuve à présenter et
6 j’espère que la question est ainsi close, bien que je comprenne
7 parfaitement votre position.
8 Y a-t-il d’autres questions préliminaires, autres que la
9 requête du Procureur aux fins du retrait des chefs d’accusation 2
10 à 4, que nous devions étudier avant que les parties ne se déclarent
11 prêtes et que l’on présente les déclarations liminaires ?
12 M. Niemann ?
13 M. NIEMANN : Rien pour l’Accusation, Madame la Présidente.
14 PRESIDENT DU TRIBUNAL : M. Wladimiroff ?
15 M. WLADIMIROFF : Rien pour la Défense, Madame la Présidente.
16 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Très bien. L’Accusation est-elle prête pour
17 l’ouverture du procès ?
18 M. NIEMANN : L’Accusation est prête, Madame la Présidente.
19 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Bien. La Défense est-elle prête ?
20 M. WLADIMIROFF : La Défense l’est aussi, Madame la Présidente.
21 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Merci. M. Niemann, nous étions convenus vendredi,
22 à la conférence de mise en état que le Procureur présenterait sa
23 requête aux fins du retrait des chefs d’accusation 2 à 4 avant de
24 présenter sa déclaration liminaire. Etes-vous prêt à présenter cette
25 requête ?
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1 M. NIEMANN : Oui. L’Accusation souhaite retirer les chefs d’accusation 2 à
2 4, sans préjudice. A tous autres égards, nous nous en tenons à la
3 requête qui a été présentée et aux conclusions que j’ai déposées
4 vendredi à la conférence de mise en état.
5 PRESIDENT DU TRIBUNAL : La Défense a-t-elle des objections ?
6 M. WLADIMIROFF : Nous nous en tenons à la réponse que nous avons donnée à
7 la conférence de mise en place et nous nous référons à la position
8 présentée dans cette réponse.
9 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Très bien. Selon notre interprétation de cette
10 réponse, vous ne vous opposez ni au retrait ni, peut-être, à ce que
11 la requête soit traitée comme une modification sans préjudice, sous
12 réserve, si ma mémoire est fidèle, que vous puissiez présenter, au
13 cas où le Procureur tenterait d’accuser de nouveau M. Tadic aux
14 mêmes chefs, toute défense que vous aurez à ce moment-là. Est-ce
15 exact ?
16 M. WLADIMIROFF : C’est exactement cela, Madame la Présidente.
17 PRESIDENT DU TRIBUNAL : M. Niemann, le Procureur a déposé cette requête au
18 Greffe avant le commencement du procès. D’après le Greffier, il est
19 préférable que cette requête, présentée avant le début du procès,
20 soit retirée et déposée de nouveau, dès lors que le procès a
21 commencé.
22 Nous allons donc considérer que cette requête a été retirée du
23 Greffe et qu’elle a été déposée de nouveau comme modification en
24 cours d’instance, ou comme une requête aux fins d’un retrait au
25 titre de l’article 50 ou 51 du Règlement de procédure et de preuve.
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1 Est-ce la procédure correcte ? Le Greffier peut-il me le dire ? Est-
2 ce acceptable ?
3 MME DE SAMPAYO : Cela me semble acceptable, Madame la Présidente.
4 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Merci.
5 M. NIEMANN : S’il plaît à la cour.
6 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Parfait. La Chambre de première instance estime
7 donc que la requête aux fins du retrait des chefs d’accusation 2 à 4
8 constitue une modification de l’acte d’accusation en vertu de
9 l’article 50 du Règlement de procédure et de preuve, qui consiste
10 simplement à retirer les chefs d’accusation 2 à 4. Ce n’est pas la
11 peine de retarder le procès.
12 Ces chefs d’accusation 2 à 4 concernaient des relations
13 sexuelles sous contraintes en violation des articles 2 b), 3 et 5 du
14 Statut du Tribunal international et de l’article 3.1.3 de la
15 Convention de Genève de 1949. Est-ce exact, M. Niemann ?
16 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
17 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Ces sont bien les chefs d’accusation que vous
18 voulez retirer ?
19 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
20 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Ou plutôt, que nous avons décidé de traiter comme
21 une modification en cours d’instance.
22 M. NIEMANN : Comme une modification, Madame la Présidente.
23 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Très bien. Il sera donc fait droit à cette
24 requête.
25 Avant d’entendre les déclarations liminaires des parties, la
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1 Chambre estime nécessaire de faire quelques brèves observations,
2 tout au moins afin d’inscrire ce procès dans son contexte, tel que
3 nous le voyons.
4 C’est le début du premier procès devant le Tribunal pénal pour
5 l’ex-Yougoslavie, un tribunal international créé spécialement par
6 l’Organisation des Nations Unies pour juger les personnes accusées
7 de violations graves du droit international humanitaire commises en
8 ex-Yougoslavie.
9 Cette occasion revêt certaines dimensions historiques. Mais
10 n’oublions pas qu’il s’agit avant toute chose d’un procès pénal dans
11 le cadre duquel l’accusé a comparu devant cette Chambre il y a un
12 peu plus d’un an pour plaider non coupable. Dans quelque système de
13 justice que ce soit, il a droit à un procès équitable et nous sommes
14 ici avant toute chose pour garantir qu’il sera jugé équitablement.
15 De part et d’autres, les avocats proviennent de systèmes
16 juridiques différents, de même que les trois juges, mais nous sommes
17 tous d’accord sur un principe fondamental, à savoir que l’état de
18 droit doit être préservé et que l’équité est la pierre angulaire du
19 processus qui consiste à rendre la justice. Dans la conduite du
20 procès, les Juges suivront le Règlement de procédure et de preuve
21 que le Tribunal a adopté.
22 Comme le savent les avocats, le Règlement de procédure et de
23 preuve compte quelque 125 articles, mais nous n’avons que 10
24 articles traitant de la preuve pour guider la conduite du procès et
25 régir l’administration de la preuve, alors que les autres systèmes
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1 juridiques comptent souvent plusieurs dizaines de règles extrêmement
2 techniques en matière d’administration de la preuve. Ainsi, nous
3 n’avons aucune disposition concernant les éléments de preuve
4 indirects, et l’article 89 C) du Règlement de procédure et de preuve
5 dispose que la Chambre peut recevoir tout élément de preuve
6 pertinent qu’elle estime avoir valeur probante, tandis que
7 l’article 89 b) de notre Règlement de procédure et de preuve exige
8 que la Chambre applique les règles d’administration de la preuve
9 propres à parvenir, dans l’esprit du Statut et des principes
10 généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.
11 Dans ce contexte, nous, Juges, jugerons les faits et nous
12 appliquerons le droit à nos constatations. Les longs débats
13 préparatoires qui se sont déroulés, les nombreuses exceptions
14 préjudicielles qui ont été réglées, visaient à garantir que ce
15 premier procès soit conduit avec toute l’équité et la diligence
16 possibles afin que justice soit faite et que l’on sache bien que
17 justice a été faite. Telle est notre seule raison d’être, quel que
18 soit le cérémonial apparent de cette audience.
19 Nous travaillerons ensemble à ce procès — Juges, Accusation et
20 Défense — pendant de longues semaines. Je vous recommande de garder
21 votre sang-froid autant que possible dans toutes ces circonstances
22 et j’invite les conseils à s’acquitter de leur mandat avec
23 professionnalisme.
24 Comme nous l’avons déjà signalé dans une ordonnance de la
25 Chambre de première instance, les audiences se tiendront de
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1 10 heures à 13 heures et de 14 h 30 à 17 h 30 et seront interrompues
2 par une suspension de 15 minutes le matin et une suspension de
3 15 minutes dans l’après-midi. Nous prévoyons d’entendre les
4 témoignages du mardi au vendredi de chaque semaine, sauf ce mois-ci
5 où, pour de nombreuses raisons, nous avons un emploi du temps très,
6 très différent.
7 Le lundi, ce prétoire (le seul dont dispose le Tribunal) sera
8 réservé à d’autres affaires dont cette Chambre est saisie, ainsi
9 qu’à l’autre Chambre de première instance.
10 L’Accusation peut commencer ses observations liminaires.
11 M. Niemann ?
12 M. NIEMANN : S’il plaît à la cour. Comme vous l’avez fait observer, Madame
13 la Présidente, l’ouverture du premier procès du Tribunal est une
14 occasion historique, mais aussi une occasion solennelle. La charge
15 qui incombe à un tribunal pénal est toujours lourde, et celle qui a
16 été confiée à ce Tribunal l'est plus particulièrement. Ce Tribunal a
17 été créé non seulement pour administrer la justice à l’endroit de
18 l’accusé ici présent, mais on attend en outre que, ce faisant, vous
19 contribuerez à instaurer une paix durable dans le pays qui fut jadis
20 la Yougoslavie.
21 La tragédie humaine qui se déroule en ex-Yougoslavie depuis
22 1991 atteint des proportions majeures. S’agissant de violations du
23 droit international humanitaire, nous devons non seulement examiner
24 les actes des individus, mais aussi le rôle des pouvoirs publics.
25 Avec ce procès, nous allons nous livrer à l’examen
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1 d’événements d’une indicible horreur. Ce que l’homme a fait subir à
2 l’homme au nom du nationalisme ou de l’hégémonie ethnique en
3 ex-Yougoslavie dépasse le raisonnement humain le plus vif.
4 Les preuves présentées par l’Accusation prouveront hors de
5 tout doute raisonnable que l’accusé Dusko Tadic a commis les crimes
6 qui lui sont reprochés, et ce dans le cadre d’une attaque
7 généralisée ou systématique contre la population non serbe de la
8 municipalité de Prijedor en vue de réaliser les objectifs de l’Etat
9 serbe visant à la maintenir dans le territoire de ce qui est devenu
10 plus tard la République fédérale de Yougoslavie.
11 Lorsqu’un individu commet un crime, l’Etat est le bastion de
12 la justice, mais lorsque c’est l’Etat qui commet un crime, seule la
13 communauté des nations peut protéger l’individu, sinon le mal ne
14 connaît aucune frontière.
15 Les témoins qui comparaîtront sont souvent déroutés, parfois
16 en colère face au sort tragique et immérité qui leur a été réservé.
17 La terreur absolue à laquelle ils ont été soumis pendant ces noires
18 journées de 1992, et le temps qui s’est écoulé depuis lors, ont pu
19 affecter leur aptitude à relater dans le détail tout ce qu’ils ont
20 vécu, mais leur sincérité et leur véracité quant aux crimes qu’ils
21 décrivent et quant au fait que l'accusé en est responsable sont, à
22 notre avis, incontestables.
23 Bien que ce procès porte essentiellement sur ce qui s’est
24 produit entre l’accusé et les victimes de ses crimes, il porte aussi
25 sur la tragique destruction de la Yougoslavie, jadis fière et
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1 magnifique. Pour commencer à comprendre la nature du conflit, à
2 comprendre la population de la Yougoslavie et sa composition
3 ethnique, à comprendre pourquoi un groupe ethnique a voulu
4 s’attaquer si cruellement à un autre dans l’intention de le
5 détruire, à comprendre les victimes visées par ces crimes, il faut
6 commencer par comprendre ce qu’était la Yougoslavie.
7 Pour ce faire, nous présenterons des éléments de preuve
8 concernant la Yougoslavie elle-même. La preuve démontrera que la
9 République socialiste fédérative de Yougoslavie était formée de six
10 Etats : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le
11 Monténégro, la Serbie et la Slovénie. La composition ethnique de la
12 fédération était la suivante, par ordre décroissant des
13 populations : Serbes, Croates, Musulmans, Slovènes, Macédoniens,
14 Albanais, Hongrois et autres. La principale langue est le
15 serbo-croate, qui s’écrit avec une orthographe unique en caractères
16 latins et cyrilliques. Les principales religions sont le
17 catholicisme romain, le rite orthodoxe oriental et l’Islam.
18 S’il plaît à la cour, je vais faire afficher sur les écrans la
19 carte numéro 2-1 qui, en temps voulu, sera présentée comme élément
20 de preuve. Cette carte, lorsqu’elle apparaîtra — elle devrait
21 s’afficher sur l’écran de l’ordinateur — montrera la Yougoslavie
22 tout entière, formée des Etats de Macédoine, Serbie, Monténégro,
23 Bosnie-Herzégovine, Croatie, Slovénie et des deux provinces
24 indépendantes, la Vojvodine et le Kosovo.
25 Madame, Messieurs de la cour, la formation de la Yougoslavie
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1 en une fédération d’Etats fut la réalisation d’un rêve mais ce fut
2 aussi une difficile tentative de conjuguer un mélange complexe de
3 populations, de cultures, de traditions historiques et religieuses
4 et de géographies diverses. La diversité était surtout marquée en
5 Bosnie, où des populations catholiques, orthodoxes et musulmanes
6 coexistaient jusqu’à ce que le pays soit enveloppé par les flammes
7 des tensions politiques et des hostilités armées au début des
8 années 90. Cette terre tragique a malheureusement une longue
9 histoire de conflits sanglants, ce qui a certainement exercé une
10 certaine influence sur sa personnalité nationale. Bien que les
11 populations de Yougoslavie, surtout en Bosnie, ne soient nullement
12 différentes des autres populations du monde dans leur désir de vivre
13 dans la paix, le souvenir du sang versé entame leur confiance dans
14 l’édification et le maintien d’une nation pacifique où l’harmonie
15 ethnique et la sécurité seraient assurées.
16 Les tensions entre, d’une part, l’idéal yougoslave d’un peuple
17 uni et, d’autre part, les divisions ethniques attisées par les
18 intérêts nationalistes se sont manifestées avec une intensité
19 variable pendant tout le XXe siècle. La nouvelle Constitution de
20 1974 prévoyait un étroit contrôle unificateur sur les diverses
21 Républiques, mais ce contrôle serait décentralisé et s’exercerait au
22 niveau de chaque République.
23 La méthode consistant à conférer des pouvoirs accrus aux
24 Républiques a bien fonctionné tant que Tito était en vie, surtout
25 parce qu’il était en mesure de maîtriser suffisamment les diverses
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1 factions pour les empêcher de se dissocier. Après sa mort en 1980,
2 la situation s’est rapidement dégradée et le système de rotation
3 annuelle de la Présidence non seulement n’a pas fonctionné mais
4 encore a contribué à l’effondrement final de la Fédération.
5 La perspective des Serbes était entretenue dans leur folklore de
6 victimes pendant toute leur histoire, y compris le sort qui leur
7 avait été réservé pendant la seconde guerre mondiale aux mains des
8 Oustachis soutenus par les nazis, Oustachis qui se méfiaient des
9 autres Etats de la Yougoslavie et tentaient de leur imposer leur
10 hégémonie.
11 C’est en 1990 que les Républiques ont connu les premières
12 élections démocratiques depuis la seconde guerre mondiale.
13 En Slovénie, les ex-communistes ont été élus, en coalition avec les
14 quatre partis d’opposition. En Croatie, le chef de l’Union
15 démocratique croate, Franjo Tudjman, est devenu Président.
16 En Bosnie, les grands partis politiques se sont constitués selon les
17 groupements nationalistes. L’Action démocratique musulmane (SDA) a
18 obtenu un tiers des sièges au Parlement, tandis que le Parti
19 démocratique serbe (SDS) en obtenait 30 %, l’Union démocratique
20 croate (HDZ) quelque 20 % et les partis non nationalistes 13 %.
21 Le chef de la SDA, Alija Izetbegovic fut élu Président par le
22 Conseil de la Présidence, formé de sept membres. En Serbie, Slobodan
23 Milosevic était élu Président de la République de Serbie.
24 Le résultat de ces élections a révélé une profonde faille
25 entre les groupes ethniques. La fragilité de l’économie fédérale,
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1 les forces croissantes du nationalisme et la recherche d’une
2 souveraineté indépendante par chaque République — à l’exception
3 éventuelle de la Bosnie — allaient sonner le glas de la Fédération.
4 Le 23 décembre 1990, la Slovénie tenait un référendum sur la
5 question de l’indépendance. Le 15 mai 1991, la Serbie, bloquant la
6 procédure de rotation automatique, empêchait la Croatie d’assumer la
7 Présidence de la Fédération, privant la Yougoslavie de chef d’Etat.
8 Le système fédératif ne pouvait donc plus fonctionner.
9 Le 19 mai 1991, la Croatie tenait un référendum sur son
10 indépendance. Le 25 juin 1991, la Slovénie publiait sa déclaration
11 d’indépendance.
12 La dislocation de la Fédération a posé la question du partage
13 des forces militaires. Les forces armées de la République de
14 Yougoslavie, dénommée République socialiste fédérative de
15 Yougoslavie, comprenaient deux éléments. Le premier niveau était
16 constitué par l’Armée populaire yougoslave, ou « JNA »; le second
17 niveau était formé par les Forces de défense territoriale, ou
18 « TO », basées à l’échelon des Républiques et s’inspirant des
19 traditions de la guérilla des partisans de la seconde guerre
20 mondiale. Le Secrétariat fédéral à la défense populaire dirigeait
21 la JNA. Le Secrétariat à la défense populaire de chaque République
22 était chargé de la Défense territoriale.
23 Le principe fondamental de cette structure à deux niveaux
24 était que la JNA constituait le premier échelon de défense pour
25 résister à un premier assaut en contenant l’attaquant pendant que
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1 les TO se mobilisaient. On avait toujours supposé que les deux
2 paliers de la défense fonctionneraient à l’unisson, ce qui aurait
3 sans doute été le cas si la Yougoslavie avait été attaquée de
4 l’extérieur, mais on n’avait pas prévu qu’en cas de guerre civile,
5 une Défense territoriale constituée selon des lignes ethniques
6 nationalistes pourrait entrer en conflit avec la JNA fédérale.
7 Au début, la JNA reflétait fidèlement son mandat fédéral;
8 la structure de son commandement était constituée par un niveau de
9 personnel représentatif de chacune des Républiques. Mais avec la
10 désintégration de la République fédérative à la fin des années 80 et
11 au début des années 90, la représentation des Républiques a commencé
12 à diminuer, laissant place à une domination serbe, au point qu’en
13 mars 1992, l’élément serbe constituait plus de 90 % du corps des
14 officiers de la JNA. Lorsque la JNA entra en guerre pour prévenir
15 l’éclatement de la Fédération, ce n’était pas en tant qu’armée
16 fédérale yougoslave mais en tant qu’armée de fait de la Serbie.
17 Immédiatement après les déclarations d’indépendance de la
18 Slovénie et de la Croatie, la JNA et les autres forces serbes ont
19 lancé une réplique armée. La Défense territoriale (TO) de Slovénie a
20 fait face efficacement à la JNA. La Communauté européenne a offert
21 sa médiation, ce qui a surpris la JNA qui craignait alors une
22 intervention militaire occidentale. Elle a donc cessé son combat
23 contre la Slovénie, concentrant son action contre la Croatie où l’on
24 estimait que les éléments militaires serbes risquaient d’être
25 menacés.
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1 Il est vite apparu que la lutte pour la souveraineté croate
2 l’emporterait face à la fédération yougoslave dominée par les
3 Serbes. C’est pourquoi la JNA prit des mesures en vue de préserver
4 les intérêts serbes en Bosnie. En 1990, la JNA avait ordonné à
5 toutes les TO de lui remettre leurs stocks d’armes. Parce qu’elle
6 avait refusé de rendre les armes, la TO de Slovénie parvint à se
7 défendre avec succès. En Croatie, la plupart des unités avaient
8 rendu leurs armes, ce qui explique les difficultés initialement
9 éprouvées par la TO croate pour assurer sa défense.
10 Lorsque la Bosnie manifesta l’intention de devenir
11 indépendante, la JNA commença à restituer les armes à la population
12 serbe de Bosnie. En décembre 1991, les tensions devenant sans cesse
13 plus vives sur son territoire, la Bosnie demanda la reconnaissance
14 diplomatique de la Communauté européenne. Les Serbes de Bosnie
15 constituèrent alors leur propre Région autonome serbe en Bosnie.
16 En mars 1992, un référendum s’est tenu en vue de déterminer la
17 participation future de la Bosnie à la République socialiste
18 fédérative de Yougoslavie. Les dirigeants serbes de Bosnie ont
19 boycotté le référendum. Malgré le boycottage, le taux de
20 participation a atteint 63 %, et 90 % des votants ont opté pour
21 l’indépendance. Le 6 mars 1992, le Président Izetbegovic a proclamé
22 l’indépendance de la Bosnie, invitant la communauté internationale à
23 la reconnaître. Certains pays ont reconnu la Bosnie dès le
24 6 avril 1992. Le 7 avril 1992, les chefs serbes de Bosnie ont
25 proclamé ce qui allait devenir la Republika Srpska indépendante.
Page 19
1 Suite à quoi éclata une guerre brutale.
2 Entre les mois de mars et de mai 1992, la JNA, assistée par
3 des unités de Défense territoriale, des forces de police et divers
4 groupes paramilitaires, tels que ceux dirigés par Šešelj et Arkan,
5 ont lancé une série d’attaques et d’occupations apparemment
6 coordonnées pour s’assurer des principaux points d’entrée en Bosnie
7 ainsi que des grandes voies de communication et de logistique, par
8 exemple à Bosanski Brod le 27 mars 1992; à Derventa et Bijeljina le
9 2 avril 1992; à Kupres le 4 avril 1992; à Foca et Zvornik le
10 8 avril 1992; à Višegrad le 13 avril 1992; à Bosanski Šamac le
11 17 avril 1992; à Vlasenica le 18 avril 1992; à Brcko et Prijedor le
12 30 avril 1992.
13 S’il plaît à la cour, je demanderais au technicien d’afficher
14 à l’écran la carte 2-20.
15 PRESIDENT DU TRIBUNAL : M. Niemann, puis-je présumer qu’elles seront
16 identifiées et déposées comme élément de preuve ?
17 M. NIEMANN : Déposées comme élément de preuve, Madame la Présidente.
18 PRESIDENT DU TRIBUNAL : C’est la carte 2 de — je n’ai pas entendu le
19 reste.
20 M. NIEMANN : 2-20. C’est sa cote informatique, Madame la Présidente. Comme
21 vous pouvez le voir, Madame, Messieurs de la Cour, le nom de
22 certaines villes est mis en relief sur cette carte : Brcko, Bosanski
23 Šamac, Prijedor et Vlasenica. On peut voir les Républiques voisines
24 de Serbie et du Monténégro, et la Croatie se trouve à gauche.
25 A mesure que les assauts progressaient, les groupements serbes
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1 armés menaient une campagne de terreur afin de forcer les non-Serbes
2 et les populations « déloyales » aux Serbes à abandonner les zones
3 occupées. La dénomination donnée à cette pratique — « nettoyage
4 ethnique » — fut inventée par le dirigeant extrémiste nationaliste
5 serbe Vojislav Šešelj.
6 Le 19 mai 1992, cherchant apparemment à se distancer du
7 conflit bosniaque, Belgrade décréta que la JNA opérant en Bosnie se
8 scinderait en Armée serbe en Bosnie (qui deviendra plus tard l’Armée
9 de la Republika Srpska ou VRS) et en Armée de Yougoslavie, ou VJ.
10 Toutefois, l’Armée de la Republika Srpska (VRS) resta
11 essentiellement intacte, dotée d’un matériel important, notamment
12 des blindés, de l’artillerie lourde et des munitions. La seule
13 différence notable était que la nouvelle VRS (l’Armée de la
14 Republika Srpska) était formée de Serbes de Bosnie, tandis que les
15 soldats serbes non bosniaques, venus de Serbie, purent entrer dans
16 la Yougoslavie-croupion.
17 Toutefois, malgré les déclarations destinées au grand public,
18 les officiers ne furent pas invités à partir mais bien à rester et,
19 de ce fait, les officiers de la VRS, l’Armée de la Republika Srpska,
20 sont en grande partie les mêmes que ceux qui avaient commandé les
21 mêmes unités pour la JNA. En outre, l’appui direct apporté à la VRS
22 par la JNA et la République fédérale de Yougoslavie a été maintenu,
23 y compris le paiement de la solde des officiers. l’Armée de la
24 Republika Srpska recevait également un appui logistique direct à
25 tous les niveaux. C’est ainsi que Belgrade a continué de participer
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1 de façon importante au conflit après la scission de l’Armée
2 yougoslave en mai 1992.
3 L’offensive de printemps d’avril-mai 1992 menée par la JNA
4 avec l’aide d’unités de la Défense territoriale, de forces de police
5 et de groupes paramilitaires pro-serbes avait été préparée comme une
6 attaque systématique coordonnée. Les préparatifs de l’offensive
7 avaient débuté fin 1991. La JNA a fourni des armes et des munitions
8 aux groupes paramilitaires et aux volontaires bosno-serbes, tout en
9 désarmant la population non serbe.
10 Dans les zones où les Serbes ne contrôlaient pas les
11 administrations locales, notamment la police, aucun effort ne fut
12 épargné pour saper l’autorité des ces administrations. Dans la
13 plupart des villes occupées, les Serbes constituaient un « état-
14 major de crise » pour prendre en main l’administration locale, y
15 compris la Défense territoriale. En pareil cas, la population serbe,
16 bosno-serbe était prévenue à l’avance de ce qui allait se produire.
17 Dans les villes qui devaient être attaquées, soit par la JNA, soit
18 par des groupes paramilitaires, soit par les deux, une grande partie
19 de la population bosno-serbe était évacuée avant que l’assaut ne
20 soit lancé. Cela s’est répété de façon uniforme dans toute la
21 Bosnie.
22 Nombre de Musulmans ont cherché à négocier une solution dans
23 l’espoir d’éviter des violences. De ce fait, les Musulmans ne se
24 sont guère préparés pour faire face à l’assaut serbe.
25 Les opérations militaires de la JNA et des groupes
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1 paramilitaires pro-serbes se sont toutes déroulées sur un même
2 modèle. De lourds barrages d’artillerie étaient d’abord dirigés sur
3 les quartiers non serbes afin de décourager la résistance, puis les
4 non-Serbes étaient expulsés de la zone et toute résistance
5 éventuelle était impitoyablement écrasée. Les assauts d’artillerie
6 de la JNA étaient habituellement coordonnés avec des combats de rue
7 menés par les groupes paramilitaires, aidés par des irréguliers
8 serbes pour les combats de rue et pour rassembler les non-Serbes de
9 l’endroit. Les groupes paramilitaires opéraient dans toute la
10 Bosnie. Le rassemblement des populations non serbes était une
11 opération systématique et exhaustive pour laquelle les groupes
12 paramilitaires utilisaient des renseignements recueillis sur place
13 et faisaient identifier les non-Serbes par des irréguliers locaux.
14 Une fois que la population non serbe était rassemblée, on en
15 faisait le tri : les femmes, les enfants et les hommes âgés étaient
16 séparés des hommes en âge de servir, bien que parfois, en certains
17 endroits, les hommes aient été séparés des femmes et des enfants,
18 laissant les femmes beaucoup plus exposées au viol et aux sévices.
19 Des tactiques de terreur telles que le meurtre, le viol et la
20 torture étaient utilisées apparemment avec la complicité tacite des
21 chefs paramilitaires. La JNA et les chefs paramilitaires
22 participaient à cette activité pendant les rafles dans les quartiers
23 non serbes. La terreur servait à intimider, à décourager toute
24 résistance et à obliger les non-Serbes à quitter la zone.
25 Après l’assaut militaire, les états-majors de crise prenaient
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1 le relais. Ces états-majors de crise collaboraient étroitement avec
2 les militaires et, habituellement, comptaient des militaires au sein
3 de leurs comités. Ils fixaient les couvre-feux, limitaient les
4 déplacements, licenciaient les non-Serbes de leurs emplois et
5 continuaient le processus d’identification ainsi que
6 l’identification de la population non serbe. Pendant les assauts ou
7 par la suite, les symboles culturels et religieux non serbes tels
8 que mosquées et églises catholiques étaient détruits.
9 Les entreprises et les habitations non serbes étaient aussi
10 systématiquement détruites.
11 Pour loger la population non serbe qui avait été identifiée et
12 rassemblée par les militaires ou l’état-major de crise, les Serbes
13 créèrent une série de camps dans toute la Bosnie. Les conditions
14 régnant dans les camps étaient généralement épouvantables. Les camps
15 étaient aussi classés selon leur utilisation. Certains camps étaient
16 utilisés pour les femmes et les enfants et les viols et mauvais
17 traitements y étaient monnaie courante. D’autres camps servaient de
18 centres de torture où les hommes (mais pas toujours seulement les
19 hommes) étaient sauvagement battus et tués. Les conditions de
20 brutalité régnant dans les camps soutenaient une campagne de terreur
21 visant à persuader les non-Serbes d’abandonner leur domicile et de
22 quitter la région, sinon ils seraient exterminés.
23 Les événements en cause sont concentrés dans une région du
24 nord-ouest de la Bosnie appelée municipalité de Prijedor.
25 Sa principale agglomération, Prijedor, porte le même nom que la
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1 municipalité. Mais on y trouve d’autres localités, qui seront
2 mentionnées dans les moyens de preuve : Kozarac, Trnopolje, Omarska,
3 Hambarine, Kozarusa, Kamicani, Jaskici et Sivici, pour ne mentionner
4 que celles-là.
5 S’il plaît à la Cour, je demanderais au technicien de mettre à
6 l’écran la carte 2-21 qui montre la municipalité de Prijedor
7 entourée des municipalités de Sanski Most, Banja Luka, Bosanski Novi
8 et des autres que l’on peut voir à l’écran.
9 Madame, Messieurs de la Cour, Prijedor était important pour
10 les Serbes car la ville occupe une position stratégique dans un
11 couloir qui relie la région à domination serbe dans la Krajina
12 croate à l’ouest à la Serbie et au Monténégro à l’est et au sud.
13 Pendant la seconde guerre mondiale, c’était le centre du territoire
14 oustachi où les Serbes ont été l’objet d’épouvantables tortures.
15 Avant la guerre, la population de Prijedor était presque également
16 composée de Musulmans et de Serbes. Mais en juin 1993, sur près de
17 50 000 Musulmans qui vivaient dans la municipalité, à peine un
18 millier n’étaient pas partis ou n’avaient pas été tués.
19 Bien que les résultats des élections de 1990 aient indiqué que
20 l’administration locale devait être exercée en commun par les
21 Musulmans et les Serbes, les Serbes de Bosnie, qui, auparavant,
22 dominaient l’administration locale, se sont opposés à ce que les
23 Musulmans assument le contrôle des institutions locales. Fin 1991,
24 les Serbes de Prijedor ont reçu instruction de la direction centrale
25 du Parti nationaliste serbe (le SDS) de se préparer à investir
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1 toutes les institutions locales. Le quartier général de crise serbe
2 de Prijedor a été constitué immédiatement après que la région ait
3 été investie militairement par la JNA le 30 avril 1992.
4 La situation militaire dans la région de Prijedor était
5 dominée par le 5e Corps de la JNA, dont le quartier général était à
6 Banja Luka. Après le 19 mai 1992, le 5e Corps fut désigné 1er Corps
7 Krajina de l’Armée de la Republika Srpska, mais sous les ordres du
8 même général et avec les mêmes officiers. C’est le 5e Corps qui
9 ordonna le déploiement de l’artillerie et des troupes sur les
10 collines entourant la région de Kozarac, d’où elles surplombaient la
11 population des zones situées en contrebas.
12 Les signaux de télévision reçus à Prijedor étaient
13 principalement émis d’un pylône situé sur le mont Kozarac.
14 Cependant, en 1992, les habitants de Prijedor constatèrent qu’ils ne
15 pouvaient plus recevoir la télévision de Sarajevo ou de Zagreb, mais
16 uniquement celle de Belgrade. La télévision de Belgrade diffusait de
17 la propagande anti-musulmane et anti-croate d’une intensité
18 croissante et elle accusait sans cesse les extrémistes non serbes de
19 comploter contre les Serbes.
20 Le soir du 30 avril 1992, les forces serbes se sont emparées
21 de la ville de Prijedor. Elles ne rencontrèrent aucune résistance.
22 La police non serbe déposa les armes. Les Serbes saisirent le
23 contrôle de l’administration civile et rebaptisèrent la municipalité
24 « Srpska Opstina Prijedor ». Pendant les quelques semaines qui
25 suivirent, Radio Prijedor diffusa à de nombreuses reprises des
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1 messages demandant aux non-Serbes de rendre leurs armes.
2 Les non-Serbes se virent signifier l’interdiction de voyager et ils
3 furent licenciés de leurs emplois. Les communications en provenance
4 des villages musulmans furent interrompues. Le 22 mai 1992, pendant
5 une confrontation à un poste de contrôle musulman établi à
6 Hambarine, un village à majorité musulmane, deux Serbes furent tués.
7 Le lendemain, les forces serbes attaquèrent le village avec de
8 l’artillerie et des blindés. Le village fut détruit et la population
9 prit la fuite.
10 La ville de Kozarac se trouve près du centre de la
11 municipalité de Prijedor. Rien de particulier ne distinguait cette
12 ville de la multitude des autres villes de Bosnie, sauf que sa
13 population était en majorité musulmane. Lorsque la guerre atteignit
14 Kozarac, ce fut avec une férocité particulière. L’assaut de Kozarac
15 présentait les mêmes éléments caractéristiques que partout ailleurs
16 en Bosnie lorsque la JNA, appuyée par des forces paramilitaires et
17 des irréguliers, attaquaient des zones non serbes. Des points de
18 contrôle furent établis, des restrictions furent imposées à la
19 liberté de mouvement. On invoqua un prétexte fallacieux pour
20 justifier l’assaut serbe, alors que les Musulmans étaient
21 généralement mal préparés à la guerre.
22 Lorsque la JNA eut encerclé la zone de Kozarac, le commandant
23 militaire serbe, Radmilo Zeljaja, exigea que les Musulmans de
24 l’endroit jurent fidélité au pouvoir serbe sous peine
25 d’extermination. La ville de Kozarac proprement dite comptait
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1 environ 4 000 habitants. Kozarac était essentiellement un village
2 musulman et près de 3 700 de ses 4 000 habitants étaient musulmans.
3 Kozarac était le centre le plus proche des villages voisins de
4 Trnopolje, Kozarusa et Kamicani. La ville possédait une école, un
5 dispensaire médical, un poste de police, plusieurs mosquées, une
6 église orthodoxe, un poste ambulancier, plusieurs restaurants,
7 salons de coiffure, des commerces divers et ainsi de suite.
8 La principale activité économique de l’endroit était le bois d’œuvre
9 et une scierie était située aux limites de l’agglomération. La rue
10 principale comptait un certain nombre de bars et de cafés où la
11 population locale se rencontrait régulièrement.
12 Jusqu’aux années 90, les divers groupes ethniques se
13 rencontraient librement entre eux, mais lorsque les nuées du conflit
14 commencèrent à s’accumuler, les indices de tension devinrent de plus
15 en plus visibles à Kozarac.
16 L’un des bars du centre-ville, situé en face de l’école dans
17 la rue du Maréchal Tito, s’appelait le café « Nipon ». Ce bar
18 appartenait à l’accusé Dusko Tadic, aussi appelé Dule ou Dusan
19 Tadic. Tadic, né à Kozarac le 1er avril 1995 (sic), est le fils d’un
20 ancien combattant serbe décoré de la seconde guerre mondiale, Ostoje
21 Tadic, et de sa femme Staka. Après ses études secondaires, Dusko
22 Tadic fait son service militaire. A son retour à Kozarac, il
23 se marie.
24 Tadic s’est longtemps intéressé au karaté, sport où il a
25 excellé et a obtenu la ceinture noire. Il monta une école de karaté
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1 qui fit faillite. Il enseignait le karaté à l’école locale de
2 Kozarac, en face de chez lui. Il avait un certain nombre d’amis qui
3 s’intéressaient aussi au karaté, dont plusieurs Musulmans. Ces
4 jeunes hommes mesuraient souvent leur prouesse en fonction de leur
5 maîtrise au karaté. Le café-bar était installé au rez-de-chaussée de
6 sa maison.
7 L’accusé Tadic semblait vivre en bonne intelligence avec la
8 population musulmane et l’un de ses proches associés était un
9 certain Emir Karabasic. Mais avec l’approche de la guerre de 1992,
10 tout cela allait changer. Tadic allait faire preuve de solides
11 sentiments nationalistes serbes et adopter progressivement une
12 attitude anti-Musulmans. Il commença à participer à la vie
13 politique, surtout avec l’apparition du Parti nationaliste serbe,
14 le SDS.
15 Au vu des ses penchants avoués pour les nationalistes serbes,
16 les forces serbes ont fait appel à ses services pendant l’offensive
17 du printemps 1992 contre Kozarac. Juste avant l’assaut de Kozarac du
18 24 mai 1992, sachant pertinemment ce qui se préparait, Tadic évacua
19 les membres de sa famille de Kozarac pour les soustraire au feu de
20 l’armée serbe en marche.
21 Tadic s’est volontiers laissé exploiter par les Serbes comme
22 source importante de renseignements et parce qu’il était en mesure
23 d’identifier les Musulmans, les Croates et les autres habitants de
24 l’endroit qui n’étaient pas loyaux à la cause serbe. Il accomplit
25 habilement sa tâche dans la plus pure tradition de la « cinquième
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1 colonne ». En 1992, il sortit d’une relative obscurité pour se
2 transformer en une personnalité influente dans la région de Kozarac
3 du fait de sa nouvelle situation au sein du SDS. Sans aucun doute sa
4 connaissance de l’endroit et sa fiabilité notoire présentaient une
5 utilité considérable pour les administrations serbes civile
6 et militaire.
7 Tandis que les habitants de Kozarac, surtout musulmans,
8 essayaient désespérément de négocier un règlement pacifique de la
9 crise afin d’éviter effusions de sang et destructions, les Serbes
10 attaquèrent. Tadic, jusqu’à la onzième heure, se faisait passer pour
11 ami des Musulmans. Il assistait aux négociations entre les Serbes et
12 les Musulmans, prétendant appuyer ces derniers mais sachant très
13 bien qu’en réalité, il n’avait pas la moindre intention de soutenir
14 leur cause.
15 Le bombardement de Kozarac et des villages voisins par
16 l’artillerie commença le 24 mai 1992 et dura deux jours. Tadic
17 pouvait enfin sortir de la clandestinité. Prévenu à l’avance, Tadic,
18 appliqua le plan arrêté et se fit l’auxiliaire des militaires serbes
19 encerclant la ville et aida l’artillerie en tirant des fusées
20 éclairantes, de nuit, au-dessus des cibles qu’il avait choisies.
21 Le bombardement de Kozarac par l’artillerie cessa le
22 27 mai 1992. Sans défense, terrifiés et dans l’impossibilité de
23 négocier un cessez-le-feu, les habitants, essentiellement des
24 Musulmans et des non-Serbes brandissant des drapeaux blancs,
25 sortirent par milliers de leurs abris, de leurs caves enfouies sous
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1 les décombres, ou du lit des ruisseaux où ils avaient cherché
2 refuge. Ces gens n’étaient pas des soldats, ils ne portaient pas
3 d’armes, c’étaient pour la plupart des civils et il y avait parmi
4 eux des femmes, des enfants et des personnes âgées. C’étaient les
5 citoyens innocents de l’endroit.
6 Les soldats serbes et les civils armés serbes de l’endroit,
7 dont Tadic qui, entretemps, s’était armé d’une arme automatique,
8 ordonnèrent à ces malheureux de garder le silence et la tête
9 courbée. On les fit défiler dans Kozarac, comme un trophée de
10 guerre, sous les quolibets et les insultes lancés par les
11 spectateurs serbes. On fit sortir des rangs certains Musulmans et
12 non-Serbes qui furent battus ou tués. Des cadavres étaient laissés
13 sur le bas-côté de la route à mesure que la colonne avançait.
14 On faisait sortir des rangs les jeunes en âge de combattre pour les
15 fusiller sous les yeux de leurs pères et mères horrifiés.
16 Dans cette colonne se trouvaient Ismet et Ekrem Karabasic,
17 leur neveu Seido Karabasic, âgé de 21 ans, et Redo Foric. Aucun de
18 ces hommes n’était armé. Ils ne présentaient aucune menace militaire
19 quelle qu’elle soit. Ils étaient tous musulmans. Ils étaient avec
20 les membres de leur famille. Apparemment, tous étaient connus de
21 Tadic et de son complice d’alors, Goran Borovnica. Borovnica était
22 ami intime de Tadic avant la guerre et il est resté son ami pendant
23 la guerre.
24 Ce jour-là, Tadic et Borovnica agissaient de concert. À mesure
25 que la colonne approchait du centre de Kozarac, Borovnica et Tadic,
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1 qui se trouvaient près d’un petit bar où l’on servait des grillades,
2 faisaient l’appel des membres de la colonne et leur ordonnaient de
3 sortir du rang. A proximité se trouvaient une vingtaine de cadavres
4 entassés.
5 Tadic et Borovnica appelèrent Ismet, Ekrem et Seido Karabasic
6 et Redo Foric. Les hommes furent forcés de se mettre debout face au
7 mur, les mains levées au-dessus de la tête. Ils furent ensuite
8 abattus par des rafales d’armes automatiques.
9 Quant aux non-Serbes de Kozarac, leurs familles furent
10 séparées. Des êtres aimés leur furent enlevés et n’ont jamais
11 reparu. Leurs biens furent détruits, leurs espoirs, leurs rêves
12 furent anéantis. Une terreur inimaginable avait commencé à régner.
13 Les hommes étaient séparés des femmes et des enfants. Certains
14 hommes furent amenés au poste de police de Prijedor où beaucoup
15 furent battus. Pour beaucoup de ces hommes, ce n’était que le début
16 d’une campagne d’intenses sévices corporels.
17 La plupart des hommes aboutissaient dans des camps, à Omarska
18 ou à Keraterm. Les autres, y compris les femmes et les enfants,
19 étaient envoyés à Trnopolje. Les conditions étaient effarantes dans
20 tous les camps, mais ceux d’Omarska et de Keraterm se distinguent
21 comme ceux où ont été commises les plus horribles atrocités.
22 Il existe des preuves d’une coordination entre ces camps.
23 Les trois principaux camps de la municipalité, je l’ai dit,
24 étaient ceux d’Omarska (un ancien complexe minier), de Keraterm
25 (une ancienne fabrique de céramique) et de Trnopolje (une ancienne
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1 école). Les localités où ces camps sont situés figurent sur la carte
2 2-22 que je demande de faire afficher à l’écran. Madame, Messieurs
3 de la Cour, vous pouvez voir là les villes de Kozarac, Trnopolje et,
4 tout en bas dans le coin à droite, Omarska. Le camp de Keraterm fait
5 partie de la ville de Prijedor et n’est donc pas mentionné sur cette
6 carte. Mais on peut voir que ces camps sont tous proches de la ville
7 de Prijedor.
8 C’est à Omarska qu’étaient internés les notables de la
9 communauté musulmane, les intellectuels, les politiciens, les hommes
10 d’affaires. Ce camp contenait moins de prisonniers que les autres,
11 comme celui de Trnopolje. Les prisonniers détenus à Omarska étaient
12 systématiquement exécutés, battus, ou soumis à d’autres horribles
13 dégradations.
14 Le camp de Keraterm était installé, je l’ai dit, dans une
15 ancienne fabrique de céramique à la limite de l’agglomération de
16 Prijedor. Le camp comprenait un grand bâtiment divisé en cellules.
17 Il n’y avait aucun moyen de chauffage ou de ventilation et, le sol
18 cimenté étant à nu, les prisonniers avaient rassemblé quelques
19 palettes de bois sur lesquelles ils dormaient. Les installations
20 sanitaires étaient totalement insuffisantes et les détenus devaient
21 faire leurs besoins dans des tinettes. Le camp était entouré d’une
22 clôture mais la plupart des prisonniers étaient dans un hangar, sous
23 garde armée.
24 Ils recevaient un repas par jour, servi dans des conditions
25 d’hygiène déplorables. Les aliments étaient souvent avariés ou, dans
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1 le cas de la soupe, si coupée d’eau qu’elle n’avait aucune valeur
2 nutritive. Lorsque les prisonniers allaient prendre leurs repas, ils
3 devaient traverser une haie de gardiens qui les rouaient de coups,
4 avec une telle violence que, souvent, les victimes renonçaient à
5 manger pour éviter d’être encore battues, ce qui aggravait davantage
6 leur état physique.
7 Beaucoup de détenus ont perdu jusqu’à la moitié de leur poids
8 corporel pendant les mois qu’ils ont passés dans les camps. Certains
9 sont simplement morts de malnutrition, ou ont succombé à l’effet
10 conjugué de sévices corporels et d’inanition. Le camp a compté
11 jusqu’à 1 500 prisonniers qui transitaient par le camp de façon
12 continue. La quasi totalité des détenus étaient des hommes.
13 On estime qu’un très grand nombre des prisonniers qui ont été amenés
14 au camp sont morts.
15 Comme je l’ai dit, le camp d’Omarska était en bordure de la
16 localité du même nom. Il occupait l’emplacement d’une mine de fer
17 dont l’exploitation avait cessé. Le camp était au siège de la mine.
18 Il était formé de trois bâtiments principaux auxquels les témoins se
19 réfèrent dans leurs déclarations comme « la maison blanche », le
20 « bâtiment de l’administration », le « garage » ou le « bâtiment du
21 tombereau ». Il y a aussi un « petit garage », mais il est mitoyen
22 avec le bâtiment de l’administration proprement dit.
23 Au centre de ces bâtiments se trouvait une grande dalle de
24 béton mesurant environ 17 mètres sur 30 mètres, que les prisonniers
25 appelaient « la piste ». Beaucoup de prisonniers passaient le plus
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1 clair de leur temps sur cette dalle en plein air. Les conditions
2 régnant dans le camp en matière d’alimentation, d’hygiène et de
3 logement étaient très semblables à celles de Keraterm, de même que
4 les traitements réservés aux prisonniers. Le camp n’accueillait
5 quasiment que des hommes, mais quelques femmes y étaient aussi
6 internées. Il y avait un quartier spécial et un traitement spécial
7 pour les notables de la communauté musulmane, membres de professions
8 libérales, médecins, avocats et officiers de police. Au maximum, un
9 effectif de 2 000 à 3 000 détenus était constamment en transit dans
10 le camp. On estime qu’un très grand nombre de prisonniers de ce camp
11 ont aussi perdu la vie.
12 Trnopolje est souvent considéré comme le moins violent de ces
13 trois camps, mais les conditions y étaient aussi déplorables.
14 La population du camp était des deux sexes, et des enfants y étaient
15 aussi détenus. Le camp était situé dans le village de Trnopolje, à
16 environ trois kilomètres de Kozarac. Il a changé de rôle à plusieurs
17 reprises pendant l’année 1992, tantôt centre de torture, tantôt
18 centre de détention, en fonction essentiellement des visites du
19 Comité international de la Croix-Rouge. Tantôt il était clôturé,
20 tantôt non. Beaucoup de ses détenus pouvaient sortir sans
21 autorisation pour s’approvisionner en produits alimentaires ou
22 autres, mais cette liberté de mouvement dépendait de la situation
23 du moment.
24 Au camp de Trnopolje, les prisonniers se faisaient souvent
25 leur propre abri individuel au moyen de feuilles de matière
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1 plastique. Bien que les conditions régnant dans ce camp, du point de
2 vue des sévices et des brutalités, aient été meilleures, pour la
3 plupart des prisonniers, qu’à Omarska et à Keraterm, les sévices,
4 les viols, les meurtres et les autres formes de mauvais traitements
5 étaient néanmoins monnaie courante. Ce camp était installé dans une
6 école et la plupart des prisonniers étaient logés dans le gymnase.
7 Les gardiens logeaient de l’autre côté de la route, dans un bâtiment
8 situé en face du camp, que les témoins appellent aussi la « maison
9 blanche » qu'il ne faut pas confondre avec la « maison blanche »
10 d’Omarska.
11 Tous les camps avaient leur propre structure de commandement
12 et les gardiens étaient organisés en équipes de poste dirigées
13 chacune par un chef de poste. Une coordination existait entre les
14 camps, lesquels étaient administrés par les autorités civiles avec
15 la coopération des militaires, en particulier pour les
16 interrogatoires brutaux. Bien que certains gardiens aient parfois
17 battu ou tué des prisonniers, certains Serbes de l’endroit
18 pénétraient dans le camp pour y battre et y tuer des prisonniers
19 musulmans désignés par eux. On sait mal en fonction de quels
20 critères étaient choisis ces Serbes bosniaques que l’on laissait
21 entrer dans le camp pour y commettre des actes de terreur
22 particulièrement brutaux, sans doute en application de la politique
23 de nettoyage ethnique.
24 Il semblerait cependant que ces bourreaux serbes
25 correspondaient à une catégorie particulière; soit ils avaient des
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1 penchants politiques anti-Musulmans et ethnocentriques qui les
2 amenaient à commettre ces actes, soit ils avaient des tendances
3 sadiques et prenaient plaisir à infliger douleurs et souffrances à
4 leurs victimes sans défense, et ils servaient ainsi d’auxiliaires
5 utiles aux autorités.
6 Tadic, l’accusé, n’était pas un gardien de camp. Il était
7 policier réserviste, mais on le voyait souvent pénétrer dans les
8 camps de la région de Prijedor avec des listes de noms de Musulmans
9 à qui étaient réservés des traitements particulièrement brutaux.
10 Lorsque Tadic entrait dans les camps, il allait au-delà des
11 fonctions ordinaires qui étaient exigées de lui en qualité de
12 policier. On suppose qu’en récompense de ses services, il
13 bénéficiait de privilèges particuliers, notamment en matière de
14 logement et autres. Par la suite, il jouira d’un statut spécial dans
15 l’administration locale et il sera chargé de l’aide humanitaire,
16 poste d’une certaine importance et de confiance en ces temps
17 de pénurie.
18 Tadic semblait occuper un poste hiérarchiquement supérieur à
19 celui des gardiens, et peut être supérieur à celui des commandants
20 de camps, mais cela ne résultait pas de son rang dans la police mais
21 plutôt, semblerait-il, de son autorité politique. Les moyens
22 de preuve montreront qu’il était autorisé à pénétrer dans tel ou tel
23 camp, de façon quasiment impromptue, pour s’y livrer à des
24 agressions, à des viols et à des sévices sexuels sur les prisonniers
25 de son choix. Il semble qu’il a aussi été autorisé à amener des
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1 complices avec lui, pour l’aider dans ses déchaînements de violence
2 et de terreur. Tadic et tous ceux qui ont accompli ces tâches ont
3 été vus avec des listes de noms à la main, listes qu’ils
4 consultaient avant d’appeler ceux qu’ils avaient choisis pour être
5 victimes de leurs tortures.
6 Les témoins mentionneront ces listes à de nombreuses reprises
7 au cours de leurs témoignages.
8 Vers le milieu de l’après-midi d’une journée de 1992, l’accusé
9 Tadic est entré au camp d’Omarska avec un groupe de Serbes
10 bosniaques. Ils sont allés au grand garage appelé « le hangar ».
11 Ils ont ensuite appelé nommément un certain nombre de personnes,
12 dont Emir Karabasic, Jasmin Hrnic, Enver Alic, Fikret Harambasic, et
13 Emir Berganovic. Ces personnes, de même que toutes les autres qui
14 ont été appelées, étaient dans des pièces différentes du bâtiment.
15 Deux autres hommes incarcérés ont ensuite été appelés et forcés de
16 pratiquer une fellation sur Fikret Harambasic puis de mutiler son
17 organe sexuel. Karabasic, Hrnic, Alic et Harambasic sont morts des
18 suites de ces sévices.
19 Tadic est entré de nouveau au camp d’Omarska le
20 10 juillet 1992 ou à une date voisine. Cette fois-ci, il se rendit à
21 la « maison blanche » que tous les prisonniers considéraient comme
22 l’endroit le plus dangereux du camp. Tadic était accompagné d’un
23 groupe de Serbes en visites. Les prisonniers détenus à la maison
24 blanche et ailleurs furent torturés juste à l’extérieur de la maison
25 blanche. Lorsque les Serbes eurent fini, Tadic jeta dans une pièce
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1 de la maison blanche Sefik Sivac, un restaurateur de Kozarac, ancien
2 ami musulman de Tadic, sévèrement battu et mourant. Sivac mourut des
3 suites de ces sévices.
4 Plus tard, en juillet 1992, cette fois-ci derrière la « maison
5 blanche » du camp d’Omarska, Tadic, en compagnie d’autres Serbes
6 venus de l’extérieur du camp, a gravement battu et roué de coups de
7 pieds Hakija Elezovic, Salih Elezovic, Sejad Sivac et divers autres
8 prisonniers. Les gardiens étaient en treillis camouflés.
9 Ils utilisaient des battes de base-ball et des matraques
10 caoutchoutées. Tadic semblait être le responsable du groupe. Il
11 n’employait aucune arme et se servait uniquement de ses pieds comme
12 au karaté. Salih Elezovic, Sejad Sivac et d’autres prisonniers ont
13 été trouvés morts au même endroit, plus tard dans la journée.
14 Fin juin ou début juillet 1992, de nouveau près de la « maison
15 blanche », Tadic et un groupe de Serbes venus de l’extérieur du camp
16 ordonnèrent à un groupe de prisonniers de s’abreuver comme des
17 animaux à même des flaques d’eau. Puis ils sautèrent sur le dos des
18 prisonniers et les battirent jusqu’à ce qu’ils soient dans
19 l’impossibilité de bouger. Les victimes furent ensuite emportées
20 dans une brouette. Tadic suivait le cortège et il força l’embout
21 d’un extincteur dans la bouche d’une des victimes.
22 Vers le 8 juillet 1992, toujours dans la maison blanche, Tadic
23 et un groupe de Serbes venus de l’extérieur du camp appelèrent
24 individuellement certains prisonniers d’une salle de la « maison
25 blanche » et les amenèrent dans une autre salle où ils furent
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1 battus. L’un des prisonniers était Hase Icic. Hase Icic fut amené à
2 la salle des tortures où Tadic, aidé de ses complices, le battit et
3 le roua de coups de pieds jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
4 Tous les Musulmans, Croates et Serbes rebelles n’avaient pas
5 été rassemblés lors de la première vague de nettoyage ethnique qui
6 avait suivi l’assaut serbe sur Kozarac et les zones voisines de la
7 municipalité de Prijedor; certaines gens, surtout des hommes âgés,
8 des femmes et des enfants, pour la plupart musulmans, avaient été
9 autorisés à rester dans leur village. Ils devaient respecter le
10 couvre-feu et n’avaient pas le droit de se déplacer, ce qui en
11 faisait des prisonniers des Serbes, sauf qu’ils ne devaient pas
12 vivre dans des camps. Cette situation de quasi assignation à
13 résidence n’allait pas durer longtemps, car une dizaine de jours
14 après les premières rafles, ce fut au tour de ces Musulmans oubliés
15 d’être ethniquement nettoyés.
16 Dans les villages de Jaskici et Sivici, situés au sud-ouest de
17 la ville de Prijedor, vers le 14 juin 1992, Tadic et un groupe de
18 Serbes en armes sont arrivés au village pour y mettre en œuvre la
19 politique serbe de nettoyage ethnique. Tadic et les autres Serbes
20 sont entrés à Jaskici en sautant des clôtures comme des chasseurs en
21 campagne. Ils crièrent à tous les habitants de sortir de chez eux.
22 Ceux qui étaient dehors où qui sortirent reçurent l’ordre de se
23 coucher sur la chaussée.
24 Abaz Jaskic, né en 1942, et son fils Nijis Jaskic, né en 1964,
25 furent tués ce jour-là au village. Les Serbes se rendirent au
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1 domicile de Sakib et Osme Elkasevic. Puis, avec Alija Javor, qui
2 n’était pas un habitant du village, ils furent aussi tués ce
3 jour-là.
4 Salko Jaskic, Beido Balic et Sefik Balic reçurent des Serbes
5 l’ordre de sortir de chez Salko et de se coucher sur la chaussée.
6 Ismet Jaskic, Meho Kenjar, Adam Jakupovic et Nijas Elkasevic furent
7 aussi emmenés en voiture un peu plus loin sur la route et ils
8 reçurent l’ordre de se coucher sur la chaussée devant chez Salko
9 Jaskic.
10 Pendant qu’ils gisaient à terre, les hommes furent tous battus
11 par les deux groupes de Serbes au moyen de piquets de clôture et
12 d’armes semblables. Tous les Serbes, y compris l’accusé Tadic,
13 semblaient participer. Certains Serbes marchaient sur le dos de la
14 victime la plus âgée, Meho Kenjar, comme pour l’écraser.
15 Aucun de ces hommes musulmans n’était armé et n’a offert de
16 résistance. On emmena ceux qui n’avaient pas été tués; ils n’ont pas
17 été revus depuis.
18 Pendant la plus grande partie de 1992, les autorités serbes
19 menèrent une campagne de persécution contre les non-Serbes de la
20 municipalité de Prijedor. Ils persécutaient les non-Serbes car ils
21 voulaient débarrasser la municipalité de toute influence musulmane
22 ou croate.
23 Tadic participait avec les forces serbes à cette persécution
24 qui se manifestait par l’attaque, la destruction et le pillage des
25 quartiers résidentiels habités par des Musulmans et des Croates de
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1 Bosnie, par l’arrestation et l’incarcération de milliers de
2 Musulmans et de Croates dans des conditions de brutalité aux camps
3 d’Omarska, de Keraterm et de Trnopolje, et par la déportation et
4 (ou) l’expulsion, par la force ou la menace de la force, de la
5 majorité des habitants musulmans et croates de la municipalité.
6 Pendant ce temps, les forces serbes, parmi lesquelles se trouvait
7 Dusko Tadic, ont mené contre les Musulmans et les Croates, à
8 l’intérieur comme à l’extérieur des camps, une campagne de terreur
9 et d’agression psychologique.
10 Tadic a participé activement, je l’ai dit, à l’attaque de
11 Kozarac. Sa participation au lancement des fusées nécessaires pour
12 éclairer le village de nuit, afin que l’artillerie et les chars
13 puissent pointer leurs canons alors que le village était pilonné, et
14 sa participation directe à l’arrestation, au rassemblement, au tri
15 et au transfert forcé en camps d’internement de la majorité de la
16 population non serbe de la zone sont autant de preuves de sa
17 participation.
18 Tadic a aussi participé aux meurtres et aux sévices dont ont
19 été victimes un certain nombre des personnes arrêtées, y compris le
20 meurtre d’un homme âgé et d’une femme près du cimetière dans le
21 « vieux » Kozarac et le passage à tabac d’un certain nombre d’hommes
22 musulmans qui avaient été arrêtés et qui étaient détenus au
23 cantonnement militaire de Prijedor.
24 Le fait que Tadic ait participé directement aux meurtres,
25 tortures, sévices sexuels et passages à tabac de nombre des détenus
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1 au camp d’Omarska et qu’il ait participé aux passages à tabac des
2 détenus et aux pillages au camp de Keraterm apporte une nouvelle
3 preuve de sa participation à cette campagne de persécution.
4 Outre ce qui précède, pendant la période allant du 25 mai 1992
5 au 31 décembre 1992, Tadic a physiquement participé et a aidé par
6 d’autres moyens au transfert et à l’internement illicite au camp de
7 Trnopolje de non-Serbes de la région de Kozarac. Pendant la période
8 allant de septembre 1992 à décembre 1992, au camp de Trnopolje et
9 dans les zones voisines, Tadic a participé, physiquement ou d’une
10 autre manière, au meurtre de plus de 30 détenus, dont un groupe
11 d’hommes exécutés dans un champ de pruniers contigu au camp. Tadic a
12 participé, physiquement ou d’une autre manière, à la torture de plus
13 de 12 prisonnières, notamment à plusieurs viols collectifs, qui se
14 sont déroulés dans le camp et dans une « maison blanche » contiguë
15 au camp.
16 Pendant l’attaque et l’arrestation des populations non serbes
17 de Kozarac et des environs, les forces serbes pillaient et
18 détruisaient les logements, les entreprises et les biens des
19 non-Serbes. L’arrestation, le transfert et la mise en détention des
20 populations non serbes, ainsi que le pillage et la destruction de
21 leurs biens, se sont poursuivis pendant toute la campagne de
22 persécution des populations non serbes.
23 Tadic était conscient du caractère généralisé des pillages et
24 des destructions des biens meubles et immeubles des non-Serbes et
25 lui-même était physiquement impliqué dans ces actes de pillage et de
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1 destruction. Les prisonniers des camps étaient subjugués et
2 persécutés par des moyens analogues. Les nouveaux prisonniers
3 étaient généralement accueillis par des volées de coups à leur
4 arrivée. Cela se produisait souvent sous les yeux du commandant du
5 camp. A d’autres occasions, les prisonniers ne recevaient rien à
6 manger pendant plusieurs jours après leur arrivée au camp, et même
7 après cela, ils ne recevaient que la ration quotidienne la plus
8 congrue.
9 Au plus fort de l’été, on coupait souvent l’eau aux
10 prisonniers, ou ont leur donnait de l’eau souillée. L’état des
11 toilettes et les conditions d’hygiène étaient inhumains. Et comme si
12 ces traitements ne suffisaient pas, les prisonniers étaient en outre
13 forcés de chanter ou d’écouter des chants nationalistes serbes.
14 Presque tous les prisonniers subissaient des interrogatoires,
15 souvent accompagnés de passages à tabac. Le passage à tabac était
16 monnaie courante, surtout le soir et aux heures des repas.
17 Des prisonniers étaient tués presque tous les soirs, et leurs
18 cadavres étaient entassés jusqu’à ce que le camion de ramassage
19 vienne les enlever au matin.
20 La plupart des gardiens des camps étaient des habitants des
21 villages voisins. Les interrogatoires étaient effectués souvent par
22 des policiers locaux et par des enseignants. De temps en temps, des
23 membres des forces militaires spéciales et certains civils de
24 l’endroit venaient dans les camps pour y battre les prisonniers de
25 façon particulièrement brutale et leur administrer d’autres formes
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1 de torture.
2 Début août 1992, la presse internationale et le Comité
3 international de la Croix-Rouge furent autorisés à visiter les
4 camps. Peu avant les visites, la plupart des prisonniers d’Omarska
5 et de Keraterm furent transférés à Trnopolje et à Manjaca. Un grand
6 nombre furent mis à mort pour tenter une dernière fois d’éradiquer
7 la population musulmane.
8 Les prisonniers qui survécurent à cette épreuve — la plupart
9 du temps parce que les médias et le Comité international de la
10 Croix-Rouge avaient révélé au monde l’existence des camps — furent
11 finalement autorisés à sortir des camps pourvu qu’ils abandonnent
12 leurs biens et quittent la région. A ce stade, les notables et les
13 intellectuels musulmans avaient presque tous été éliminés, et leurs
14 habitations et leurs mosquées détruites. Ceux qui avaient survécu
15 étaient sans emploi et, là où ils étaient jadis chez eux, ils
16 étaient désormais des étrangers en milieu hostile et sans
17 protection. A toutes fins pratiques, une communauté ethnique tout
18 entière venait d’être éliminée de la région. Le nettoyage ethnique
19 avait été accompli.
20 En février 1994, Tadic fut arrêté à Munich (Allemagne) par la
21 police allemande, suite à l'enquête de celle-ci sur les activités de
22 l’accusé. Le 11 octobre 1994, à Munich, l’accusé fut interrogé par
23 la police allemande à la prison Standelheim de Munich. Tadic fut
24 informé qu’il pouvait soit parler des accusations retenues contre
25 lui soit garder le silence, et qu’il avait droit à l’aide d’un
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1 conseil de son choix. Un conseil de la défense fut nommé pour Tadic
2 et son avocat était présent au poste de police où il fut interrogé
3 par la police.
4 L’accusé indiqua à la police allemande qu’en 1991 il avait été
5 nommé Président du Comité des élections de la région de Kozarac ou,
6 plus précisément, d’une circonscription électorale de la région de
7 Kozarac. Tadic déclara que les individus nommés à leur
8 circonscription électorale respective étaient choisis par la
9 municipalité de Prijedor sur proposition des partis politiques
10 existants. « J’étais Président, aux côtés de trois autres Serbes qui
11 avaient été nommés et qui étaient chargés de la bonne organisation
12 du scrutin », dit-il.
13 Tadic déclara qu’en mai 1992 il avait été désigné comme membre
14 du « Forum civique » local, dont le rôle était d’essayer de résoudre
15 les tensions qui étaient apparues entre les divers partis dans la
16 région de Prijedor. Tadic signala que le Forum était composé de huit
17 Musulmans et de trois Serbes. Il ajouta que, dans ses souvenirs, la
18 guerre avait commencé à Kozarac le 24 mai 1992.
19 Il dit aussi qu’il n’avait jamais pris part à la guerre et
20 qu’il avait quitté Kozarac le 23 mai 1992 pour aller vivre à Banja
21 Luka, avec sa famille. L’accusé déclara avoir vécu avec sa famille à
22 Banja Luka jusqu’au 6 ou au 8 juillet 1992, lorsqu’il avait été
23 mobilisé à Prijedor en sa qualité de réserviste de la police de la
24 circulation, suite à quoi il avait été affecté au village d’Orlovci.
25 Tadic déclara qu’en octobre 1992 il remplissait temporairement
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1 les fonctions de Secrétaire de l’autorité locale à Kozarac et qu’il
2 avait été nommé officiellement à ce poste le 21 décembre 1992.
3 Il déclara que le comité local du SDS avait été fondé en
4 octobre 1992 et qu’il n’avait agi que comme Président temporaire
5 jusqu’à sa nomination officielle en décembre 1992. Il déclara que
6 fin 1992 il avait été nommé comme intermédiaire ou « contact » avec
7 le Comité international de la Croix-Rouge. En mars 1993, il avait
8 été chargé par le Président de l’Assemblée municipale d’organiser la
9 « vie civile » dans la région de Kozarac. Il ajoute que Kozarac
10 était alors pratiquement mort : « ... il fallait reconstruire le
11 village ». Pendant cette période, il était exempté de ses
12 obligations dans la police et de service militaire.
13 Il déclara qu’en août 1993, après avoir rencontré certaines
14 difficultés dans la région de Prijedor, il avait envoyé sa femme et
15 ses enfants en Allemagne et s’était réfugié à Banja Luka, d’où il
16 était ensuite parti pour Belgrade après avoir demandé sans succès le
17 statut de réfugié. Il déclara qu’il était venu en Allemagne comme
18 membre d’une équipe de karaté pour participer à un tournoi en
19 décembre 1993 et qu'on lui avait alors délivré un permis de séjour
20 de courte durée.
21 Tadic nia avoir fait quoi que ce soit pour porter préjudice à
22 des Musulmans, et avoir jamais été au camp d’Omarska : « je n’y ai
23 jamais mis les pieds ».
24 Il déclara qu’il avait été cinq fois au camp de Trnopolje mais
25 que c’était un camp ouvert où les gens étaient libres de leurs
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1 déplacements et qu’il y avait été en mission humanitaire. Tadic
2 admit que, dans la police, on lui avait fourni une arme automatique,
3 un bâton de police, un baudrier-cartouchière et une quantité non
4 précisée de munitions et qu’il possédait personnellement un pistolet
5 qu’il portait quelquefois lorsqu’il était en service, surtout de
6 nuit, et qu’il avait sur lui un couteau à lame de 15 centimètres
7 dont il se servait essentiellement aux repas, et qu’il portait tout
8 cela lorsqu’il était en service comme agent de la circulation.
9 Le procès-verbal de l’interrogatoire de Tadic par les
10 autorités allemandes a été dressé par écrit, lecture lui en a été
11 faite dans sa langue, et Tadic et son conseil y ont tous deux apposé
12 leur signature.
13 Le moment est-il propice, Madame la Présidente ?
14 PRESIDENT DU TRIBUNAL : M. Niemann, de combien de temps avez-vous encore
15 besoin pour votre déclaration liminaire ? Nous avions proposé aux
16 parties, sans fixer de limites fermes, de ne pas y consacrer plus
17 d’une demi-journée.
18 M. NIEMANN : Je n’ai besoin que d’environ une demi-heure.
19 PRESIDENT DU TRIBUNAL : Je ne vous bouscule pas.
20 M. NIEMANN : Une demi-heure au plus, Madame la Présidente.
21 PRESIDENT DU TRIBUNAL : La séance est suspendue jusqu’à 11 h 45.
22 (11 h 30)
23 (Brève suspension de séance)
24 (11 h 50 )
25 PRESIDENT DU TRIBUNAL : M. Niemann, vous pouvez poursuivre.
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1 M. NIEMANN : Merci, Madame la Présidente. Madame, Messieurs de la Cour, le
2 8 novembre 1994, le Procureur du Tribunal pénal international pour
3 l’ex-Yougoslavie a présenté à la Chambre de première instance I du
4 Tribunal une requête tendant à ce que la République fédérale
5 d’Allemagne, qui menait alors l’enquête Tadic, soit dessaisie en
6 faveur du Tribunal conformément aux articles 9 et 10 du Règlement de
7 procédure et de preuve. La Chambre a fait droit à cette requête.
8 Le Procureur présenta alors contre l’accusé, le 8 février, un acte
9 d’accusation pour confirmation. L’acte d’accusation a ensuite été
10 confirmé le 13 février 1995 par Monsieur le Juge Karibi-Whyte et une
11 demande officielle de déferrement à La Haye a été envoyée aux
12 autorités allemandes. L'accusé fut déféré à La Haye le 24 avril 1995
13 et comparut pour la première fois.
14 S’il plaît à la cour, l’Accusation prouvera que l’accusé Dusko
15 Tadic, aussi appelé Dule par ses amis et par les membres de sa
16 famille, est né le 1er octobre 1955 dans le village de Kozarac. Son
17 père, prénommé Ostoje, était né en 1920 dans le village de Babici.
18 Il est mort en 1990. Sa mère, prénommée Staka, est née en 1920 dans
19 le village de Veljko. Elle habite actuellement à Kozarac. Il a trois
20 frères : Mladen, Stojan et Ljubomir, et il n’a pas de sœur. Il s’est
21 marié en 1979 et a eu deux filles. Sa famille était bien connue dans
22 la région car son père, deux de ses oncles et son grand-père ont
23 combattu pendant la seconde guerre mondiale et sa grand-mère avait
24 alors été internée dans des camps.
25 Tadic a commencé à fréquenter l’école à l’âge de sept ans et
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1 il a fait ses études primaires à Kozarac. Puis il a fait ses études
2 secondaires à Belgrade. Après avoir terminé ses études, il a
3 accompli son service militaire obligatoire dans la JNA pendant
4 14 mois en 1976 et 1977. En 1980 et en 1984, il a travaillé à Banja
5 Luka comme ouvrier du bâtiment et, en 1984, il se rendit en Libye
6 dans l’intention d’y obtenir un emploi. Il en revint en 1985.
7 A son retour en Bosnie, il travailla dans la ville de Sisak,
8 en Croatie, dans une entreprise privée qui installait des ouvrages
9 de menuiserie. Il a conservé cet emploi jusqu’en 1989 lorsqu’il est
10 rentré à Kozarac où il a commencé à construire le café-bar qui
11 s’appellerait « Nipon ». En décembre 1990, il ouvrit le café-bar
12 qu’il a exploité jusqu’au début de la guerre en 1992. A Kozarac,
13 l’accusé habitait au numéro 36 de la rue du Maréchal Tito, dans le
14 secteur de la ville connu comme le « centre de la commune ».
15 L’Accusation démontrera que durant le deuxième semestre de
16 1990, peut-être vers le mois d'août, l'accusé s'est inscrit pour la
17 première fois au Parti démocratique serbe, connu sous les initiales
18 SDS.
19 L'Accusation envisage d'appeler plus de 80 témoins. Les
20 éléments de preuve seront constitués de segments de preuve en
21 fonction des besoins des chefs d'accusation. La condition spéciale
22 liée aux crimes internationaux sera traitée la première au plan de
23 la preuve. Les éléments de preuve consisteront en une combinaison de
24 témoins experts et de témoins matériels spéciaux. Par exemple, les
25 témoins experts déposeront sur le caractère international du conflit
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1 armé, la nature généralisée ou systématique des crimes et le
2 contexte politique et historique du conflit. Ils fourniront aussi
3 des éléments de preuve pertinents sur la situation des victimes par
4 rapport à leurs agresseurs.
5 Les témoins matériels spéciaux fourniront des éléments de
6 preuve pertinents pour démontrer que les forces armées des Serbes
7 opérant en Bosnie renfermaient un élément international, à savoir la
8 participation de la République fédérale de Yougoslavie. Ils
9 fourniront également des éléments de preuve sur le caractère
10 généralisé ou systématique de l'attaque. En d'autres termes, ces
11 éléments de preuve montreront que l'attaque n'était pas quelque
12 événement isolé dans la municipalité de Prijedor mais qu'il
13 s'agissait d'une stratégie beaucoup plus large, coordonnée et bien
14 exécutée couvrant toute la Bosnie. Les témoins experts fourniront
15 des éléments de preuve sur la constitution politique des
16 communautés, qui présente une importance spéciale pour comprendre le
17 caractère de la persécution de la communauté non-serbe.
18 Les éléments de preuve des témoins matériels spéciaux qui
19 seront cités après le témoignage de M. Gow seront, nécessairement,
20 détaillés parce qu'ils se rapporteront de façon résumée aux
21 événements qui les ont concernés dans un autre endroit, dans une
22 autre municipalité, mais vers la même époque. Le champ de leurs
23 éléments de preuve est presque aussi large que celui des autres
24 éléments de preuve cités dans la présente affaire.
25 Puis nous citerons des témoins qui attesteront des chefs
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1 d'accusation particuliers figurant dans l'acte d'accusation. Ces
2 témoins présenteront leurs éléments de preuve, autant que possible,
3 dans l'ordre chronologique des événements, en commençant avec les
4 événements de Kozarac, au début de la guerre, suivis par les
5 éléments de preuve intéressant les événements dans les casernes ou
6 les camps de Prijedor. Viendront ensuite les éléments de preuve
7 concernant les événements du camp d'Omarska, des villages de Jaskici
8 et Sivci, puis du camp de Keraterm et, enfin, du camp de Trnopolje.
9 L'Accusation terminera ses réquisitions en présentant un
10 certain nombre de témoins à charge ainsi que des témoins experts en
11 médecine et médecine légale. L'Accusation soutient que tous les
12 éléments de preuve seront pertinents pour le chef d'accusation de
13 persécution. Pour certains des témoins, le récit des événements qui
14 les ont touchés peut causer certaines tensions, davantage que ce à
15 quoi l'on pourrait normalement s'attendre dans une instance
16 nationale. Le récit des mêmes événements par un certain nombre de
17 personnes reflétera l'horreur et la confusion de la situation. Il se
18 peut que cela fasse parfois obstacle à l'articulation nette et
19 ordonnée des éléments de preuve mais ces variations ou divergences
20 mineures ne serviront qu'à renforcer la fiabilité et l'intégrité de
21 leurs moyens de preuve parce qu'il est pratiquement impossible que
22 deux êtres humains assistent à des scènes aussi atroces et soient en
23 mesure de les décrire ultérieurement de façon identique.
24 Nous avons aussi la question des langues et de l'imprécision
25 du processus d'interprétation. Comme il a déjà été observé durant la
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1 phase préalable aux débats, la traduction entraîne une perte de
2 précision considérable. Aucune déposition prise durant l'enquête
3 n'est un rapport in extenso de la déclaration des témoins.
4 Les réquisitions de l'Accusation se fondent principalement sur
5 des témoignages oculaires. Elles ne sont pas, cependant, totalement
6 dépourvues de pièces à conviction. Par exemple, les témoins experts,
7 M. Gow et M. Greve en particulier, se référeront à un certain nombre
8 de documents à l'appui de leur témoignage. En plus des documents,
9 ces témoins et d'autres feront également référence à des éléments de
10 preuve sous forme de vidéo. Un certain nombre de cartes seront
11 présentées en vue d'expliquer le lieu et la date des événements. M.
12 Gow, en particulier, présentera des moyens de preuve en s'appuyant
13 presque entièrement sur des documents qui apparaîtront sur le
14 téléviseur, et ces éléments de preuve seront déposés en fonction de
15 ce qui apparaîtra sur l'écran. Un index de ces documents a été
16 établi et sera distribué aux membres de la Cour, à la Défense, au
17 Greffier en tant qu'aide-mémoire, de sorte que nous puissions suivre
18 le système de numérotation compliqué dû à l'intrusion de
19 l'informatique dans le processus.
20 Un nombre considérable de photographies seront aussi
21 présentées comme éléments de preuve. Ces photographies ont été
22 prises par les enquêteurs du Tribunal lorsqu'ils se sont rendus pour
23 la première fois dans la municipalité de Prijedor en janvier de
24 cette année. Nous nous attendons également à ce que certains des
25 témoins souhaitent tracer des plans ou des diagrammes pour les aider
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1 dans la présentation de leurs moyens de preuve.
2 S'il plaît à la Cour, puisque la plupart des questions de
3 droit, y compris les éléments du crime, ont maintenant été évoquées
4 dans les conclusions préalables aux débats du Procureur et les
5 réponses y afférentes de la Défense, je n'ai aucunement l'intention
6 de reprendre ces questions dans ma déclaration liminaire. Je pense,
7 toutefois, que ces questions de droit feront l'objet d'un débat
8 animé à un stade ultérieur de la procédure.
9 A moins que je puisse aider la Cour davantage, j'en ai ainsi
10 terminé avec ma déclaration liminaire.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, M. Niemann. La Défense souhaite-t-elle
12 présenter maintenant sa déclaration liminaire ?
13 M. WLADIMIROFF : Nous préférons le faire dans l'après-midi, Madame la
14 Présidente.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi ?
16 M. WLADIMIROFF : Nous préférerions présenter notre déclaration liminaire
17 dans l'après-midi.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Aujourd'hui ?
19 M. WLADIMIROFF : Aujourd'hui.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. M. Niemann ?
21 M. NIEMANN : Je suis en mesure d'appeler des éléments de preuve, Madame la
22 Présidente, mais je ne sais pas si ce serait très pratique si M.
23 Wladimiroff souhaite me suivre immédiatement.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est censée durer jusqu'à 13 heures.
25 La question est donc maintenant de savoir ce que nous faisons avec
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1 l'heure qui nous reste. Je crois comprendre que vous voulez
2 présenter votre déclaration liminaire de sorte qu'il y ait une
3 continuité. De combien de temps avez-vous besoin, M. Wladimiroff ?
4 M. WLADIMIROFF : De une à deux heures, Madame la Présidente. De une à deux
5 heures.
6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, l'article 84 de notre mince
7 Règlement prévoit qu'avant la présentation des moyens de preuve par
8 le Procureur, chaque partie peut faire une déclaration liminaire. La
9 Défense peut, cependant, décider de faire sa déclaration après que
10 le Procureur ait présenté ses moyens de preuve et avant de présenter
11 elle-même ses propres moyens de défense. L'article n'envisage pas
12 que le Procureur présente une partie de ses moyens de preuve puis
13 que la Défense commence sa déclaration liminaire. Vous pouvez, bien
14 sûr, décider d'attendre pour faire votre déclaration liminaire.
15 M. WLADIMIROFF : J'avais le sentiment que l'Accusation avait fini sa
16 présentation.
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Sa déclaration liminaire, oui. C'est maintenant
18 votre tour de présenter la vôtre ou, si vous le préférez, vous
19 pouvez attendre jusqu'à la conclusion de la présentation des moyens
20 de preuve par l'Accusation. Si je comprends bien votre position,
21 vous préférez commencer votre déclaration liminaire et la faire sans
22 interruption. Nous avons des interprètes ici et leur travail est, je
23 pense, plus difficile que celui de toute autre personne dans le
24 prétoire. Je ne sais pas, nous partageons peut-être certaines des
25 difficultés. Nous ne pourrions vraiment entendre la totalité de
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1 votre déclaration liminaire.
2 Nous suggérons donc que vous commenciez votre déclaration
3 liminaire maintenant, si c'est ce que vous voulez faire, ou vous
4 pouvez attendre jusqu'à la présentation de vos moyens de preuve,
5 c'est comme vous voulez. Nous, nous ajournerons comme d'ordinaire à
6 13 heures. Nous pouvons certainement garder votre déclaration
7 liminaire dans son contexte. Nous n'oublierons rien de ce qui a été
8 dit.
9 M. WLADIMIROFF : J'apprécie cela, Madame la Présidente. Nous pourrions
10 peut être parvenir à un compromis en commençant plus tôt cet après-
11 midi parce que je préfère présenter ma déclaration d'un seul tenant
12 et ne pas être interrompu par le déjeuner.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne vois pas de difficulté avec cela mais,
14 comme je l'ai dit, d'autres personnes s'attendent à une levée
15 d'audience à un moment précis du fait des conditions dans lesquelles
16 elles opèrent. Laissez-moi voir ce qu'on peut faire.
17 M. WLADIMIROFF : Si nous commençons plus tôt, je pense que nous ne
18 perdrons pas beaucoup de temps.
19 M. NIEMANN : S'il plaît à la Cour ...
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense que c'est réglé. Nous sommes très
21 souples mais en cette ère de technologie, nous devons obtenir
22 l'autorisation d'autres personnes.
23 Nous avons une solution. Nous allons suspendre l'audience
24 pendant une heure et demie plutôt que de nous interrompre pour
25 déjeuner à 13 heures et nous reprendrons quelques minutes après 13 h
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1 30 et vous ferez alors votre déclaration liminaire, M. Wladimiroff.
2 Est-ce que cela convient ?
3 M. WLADIMIROFF : Merci beaucoup.
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
5 (12 h 08)
6 (Suspension d'audience pour le déjeuner)
7 (13 h 30)
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, vous pouvez commencer.
9 M. WLADIMIROFF : Merci. Madame, Messieurs de la Cour, au XVIIe siècle, le
10 célèbre auteur et expert néerlandais en droit international, Hugo
11 Grotius, a pu écrire que la guerre commence là où la justice
12 s'arrête ou, en latin "Ubi iuditia deficiunt, incipit bellum". De
13 fait, l'histoire a montré qu'en périodes de conflit, le langage
14 civilisé de la guerre et de la justice a été constamment écrasé dans
15 le monde entier par le tonnerre des armes et de la violence. Les
16 peuples, les leaders et les Etats ont, jusqu'à présent, été
17 incapables d'administrer les règles fondamentales du droit
18 humanitaire en toutes circonstances.
19 Les initiatives de la communauté internationale dans le but de
20 reconnaître les violations du droit humanitaire, de créer des
21 instruments juridiques pour en éviter de nouvelles et pour établir
22 des organes chargés d'en poursuivre les responsables n'ont pas,
23 cependant, réussi à y mettre fin. En dépit des atrocités de la
24 seconde guerre mondiale, des peuples dans le monde entier ont
25 souffert de l'absence de respect du droit humanitaire et aujourd'hui
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1 même des personnes innombrables continuent d'en pâtir.
2 La création du Tribunal international chargé de poursuivre les
3 personnes présumées responsables de violations graves du droit
4 international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-
5 Yougoslavie vise à constituer une réponse à l'appel de toutes ces
6 victimes, connues et inconnues, qui ont souffert et continuent de
7 souffrir des conséquences terribles de la dislocation violente de
8 l'ex-Yougoslavie. Cependant, la création du Tribunal n'a pas pu
9 mettre un terme à la misère des gens ordinaires. C'est l'Accord de
10 Dayton qui a muselé les armes, créant peut-être une plate-forme pour
11 la paix.
12 Toutefois, l'importance du Tribunal tient à ce qu'il peut
13 assurer la justice, s'il montre non seulement qu'il instruira et
14 poursuivra toutes les violations majeures sans préjugés en faveur
15 d'une partie quelconque au conflit mais aussi qu'il tiendra des
16 procès totalement équitables. L'échec aux plans de l'impartialité
17 indiscutable à l'égard du conflit et du plus haut degré d'équité des
18 procès ne ferait qu'alimenter une nouvelle haine et de nouvelles
19 représailles.
20 Vous pouvez vous demander, Madame, Messieurs de la Cour, en
21 quoi tout cela concerne l'affaire de Dusko Tadic, l'individu qui
22 comparaît aujourd'hui devant vous. La force de la Défense dans
23 l'affaire Tadic sera lourdement grevée par la faiblesse du Tribunal
24 lui-même. Par conséquent, la Défense doit commencer par examiner les
25 déficiences intrinsèques du Tribunal et ce n'est qu'ensuite qu'elle
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1 pourra présenter sa plaidoirie dans son contexte adéquat.
2 La tâche lourde et onéreuse de traduire en justice les
3 personnes soupçonnées des crimes les plus haineux commis durant un
4 conflit long et sanglant soulèvera de tous côtés de grandes émotions
5 durant le procès. Mais les professionnels dans ce Tribunal, écoutant
6 les témoins, doivent maîtriser la capacité de distinguer la vérité
7 des mensonges et de l'erreur humaine. Le Tribunal n'a pas été créé
8 uniquement pour satisfaire les victimes mais pour assurer la
9 justice, y compris pour l'accusé. Le Tribunal doit être sur ses
10 gardes en ce qui concerne les désirs de revanche et la nécessité de
11 trouver des boucs-émissaires.
12 Assurer la justice pour tous dans cette première affaire dont
13 le Tribunal est saisi exige qu'il ignore les pressions du public. Il
14 doit ignorer la demande du public qu'une peine soit prononcée contre
15 le premier accusé traduit en justice. Au contraire, il doit tenir un
16 procès dont l'équité ne saurait être contestée, quel qu'en soit le
17 résultat dans cette affaire.
18 La justice ne sera servie par une condamnation que si l'on est
19 certain, au-delà de tout doute raisonnable, que l'homme qui siège au
20 banc des accusés ici est le même homme que celui qui a commis les
21 crimes qui seront évoqués devant vous dans les semaines à venir. Si,
22 comme nous le maintenons, cela ne peut être prouvé au-delà de tout
23 doute raisonnable et que Dusko Tadic est innocent de tous ces
24 crimes, il faudra résister à tout prix à la tentation d'utiliser le
25 manque de clarté du droit pour satisfaire la soif d'un verdict de
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1 culpabilité manifestée par la communauté internationale. La soif de
2 revanche ne doit pas être satisfaite au puits d'une justice polluée.
3 Je vous exhorte respectueusement à garder constamment à
4 l'esprit l'importance de rendre le verdict correct découlant des
5 moyens de preuve devant vous et sur la base d'une interprétation
6 équitable du droit. A cet égard, nous ne devons pas oublier que
7 c'est la première affaire que doit juger le Tribunal. Cette
8 expérience ne doit pas se dérouler au détriment de l'accusé. Quand
9 le droit du Tribunal n'est pas clair sur des questions cruciales,
10 ces questions doivent indéniablement être tranchées en faveur de
11 l'accusé parce qu'une administration équitable de la justice ne
12 laisse aucune place à l'utilisation de l'accusé comme cobaye. Le
13 Tribunal a la charge de protéger un accusé contre un droit et des
14 procédures vagues. Si le droit n'est pas clair, l'accusé doit
15 bénéficier de la protection, la protection contre des poursuites
16 fondées sur une nouveauté qu'il reste à définir; la protection
17 contre l'élargissement sans précédent d'une interprétation
18 raisonnable du droit.
19 Vous avez le soutien sans réserves de la Défense pour ce qui
20 est d'éviter les interprétations inéquitables du droit nouveau et de
21 les corriger. Si ce Tribunal ne fait pas preuve d'une vigilance de
22 tous les instants pour éviter le risque de condamnations fondées sur
23 des conjectures et, par conséquent, erronées, il sera responsable de
24 nouvelles souffrances injustifiées et inutiles. La Défense est
25 convaincue que la Cour partage les mêmes préoccupations et servira à
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1 tout prix la cause de la justice.
2 Madame, Messieurs de la Cour, le procès de notre client s'est
3 ouvert dans des circonstances défavorables. Les poursuites contre
4 Dusko Tadic ont commencé alors que le conflit en Bosnie-Herzégovine
5 se déroulait.
6 Nous n'avons pu nous rendre dans la région pour procéder à une
7 enquête adéquate sur l'affaire qu'en janvier de cette année.
8 D'importantes parties de la Bosnie-Herzégovine étaient hors
9 d'atteinte pendant que les combats se poursuivaient. Ces limites ont
10 concerné les deux parties, aussi bien l'Accusation que la Défense;
11 et on a couru le risque que le procès s'ouvre avant que tous les
12 faits soient connus.
13 Ce point est d'autant plus grave que l'une des parties est
14 davantage touchée par cette restriction que l'autre. Tous les
15 témoins à charge résident maintenant en dehors de cette région. Tous
16 les témoins de la Défense y vivent. L'Accusation a eu ses propres
17 problèmes mais la Défense a été gravement handicapée dans la
18 préparation de son plaidoyer. Elle l'a particulièrement été au plan
19 de son enquête sur les faits.
20 L'incertitude sur l'application du droit va de pair avec le
21 premier procès traduit devant le Tribunal. Deux questions se posent
22 sur ce plan : s'agissant des crimes, le Tribunal n'offre ni à l'une
23 ni à l'autre des parties de certitude absolue. Le procès s'ouvre
24 aujourd'hui alors que vendredi dernier seulement, les Juges
25 déclaraient à notre client "nous ignorons quels éléments sont
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1 nécessaires pour prouver les crimes qui vous sont reprochés"; et le
2 Tribunal ne peut pas non plus fournir aux parties un droit
3 procédural clair. Le Règlement élaboré n'a jamais été testé
4 antérieurement et il est incomplet. Autre fait unique, la pertinence
5 et le contenu du Règlement n'ont pas été déterminés par un
6 législateur mais par les Juges eux-mêmes.
7 Le Tribunal ne peut pas donner de garantie de l'application du
8 Règlement dans la région du conflit ou ailleurs. Les parties doivent
9 attendre de voir si des personnes ou des autorités dans la région ou
10 ailleurs coopéreront avec le Tribunal. Jusqu'à présent cela ne
11 semble pas avoir toujours été le cas.
12 Le Statut et le Règlement n'offrent pas de structure
13 permettant aux parties de réaliser leurs objectifs pour la
14 préparation de leurs dossiers par la voie d'Etats et de particuliers
15 qui ont participé au conflit.
16 Par exemple, à la différence des juridictions internes, le
17 Tribunal ne dispose d'aucune force de police propre pour assigner
18 des témoins à l'audience. A cet égard, la Défense est davantage
19 affectée par l'absence de tels pouvoirs. L'expérience, jusqu'à
20 présent, a montré que l'Accusation, en raison de son statut officiel
21 en tant qu'organe du Tribunal, a été en mesure d'obtenir la
22 coopération des autorités nationales. Des pays, autres que ceux qui
23 constituaient autrefois la Yougoslavie, coopéreraient, dit-on, avec
24 l'Accusation. On ne peut pas en dire autant pour la Défense.
25 La conséquence de toutes ces circonstances malheureuses est
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1 que le procès contre notre client commence dans un cadre incomplet.
2 Ce point n'est pas sans portée pour le développement futur de ce
3 procès et la question ultime qu'il convient de poser est de savoir
4 si un procès équitable est possible.
5 Un autre problème est le manque de critères clairement définis
6 pour les poursuites contre l'accusé. En gardant à l'esprit que
7 toutes les personnes soupçonnées ne feraient pas effectivement
8 l'objet de poursuites, il est malheureux que l'Accusation n'ait pas
9 été claire quant aux critères qu'elle applique. Il appert donc que
10 les poursuites contre les accusés ne sont pas fondées sur des
11 directives établies mais sur des considérations arbitraires telles
12 que la disponibilité des données et des suspects.
13 D'où la question de savoir si Dusko Tadic aurait jamais été
14 poursuivi si les Allemands ne l'avaient pas rencontré par accident à
15 Munich; nous ne le saurons probablement jamais. Il est clair,
16 cependant, que l'absence de critères définis et publics a gonflé les
17 poursuites contre Tadic hors de toute proportion. Déjà le danger
18 semble évident que l'affaire soit considérée comme un symbole de
19 tout ce qui est arrivé dans la région et Dusko Tadic a été décrit
20 comme le prototype du criminel de guerre. Il faut peu d'arguments
21 pour montrer que cette situation a un effet disproportionné sur les
22 moyens de preuve dans l'affaire et peut influencer le jugement les
23 concernant.
24 Si les premières personnes soupçonnées de participation à des
25 crimes de guerre sont jugées et plus tard seulement les véritables
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1 responsables du conflit en premier lieu (et ici je tiens pour
2 responsables les politiciens de tous les partis dans l'ex-
3 Yougoslavie) on court alors le danger que le jugement dans cette
4 première affaire soit déséquilibré. La responsabilité individuelle
5 n'est pas coupée du reste mais elle doit aussi être jugée dans le
6 contexte du climat créé par l'élite politique.
7 La tâche du Tribunal est donc loin d'être facile. Elle est
8 compliquée par de nombreuses circonstances. Avec des instruments
9 juridiques limités, des moyens d'exécutions réduits et des données
10 incomplètes, on est confronté au danger d'une activité médiatique
11 intense et d'une justice de basse qualité.
12 Où convient-il donc de tracer les limites ? On a pu dire, à
13 juste titre, qu'un procès équitable est impossible sans une défense
14 appropriée. Dans des circonstances ordinaires, il n'est pas
15 difficile d'accepter le fonctionnement de l'appareil de la justice
16 en ce qu'il s'applique tant à l'Accusation qu'à la Défense.
17 Cependant, cette affaire, ce procès n'est pas ordinaire. Les
18 conditions dans lesquelles il se tient sont particulièrement
19 mauvaises. Je viens juste de mentionner les circonstances
20 susceptibles d'empêcher le Tribunal de remplir correctement sa
21 tâche. La question de savoir dans quelle mesure la présence de la
22 Défense justifie l'hypothèse qu'il s'agit d'un procès équitable se
23 pose depuis le tout début. La véritable question ici est de savoir
24 si nous sommes en mesure de conduire une défense appropriée. Pour la
25 Défense, la question ultime est de savoir si, dans le cadre de
Page 64
1 toutes les circonstances que je vous ai décrites, un procès
2 équitable est tout simplement possible.
3 Le fait que ce procès commence aujourd'hui ne nous donne pas
4 une réponse définitive. On devrait sérieusement envisager que les
5 conditions requises pour un procès équitable peuvent ne jamais être
6 réunies. Les raisons en ont déjà été données. L'incertitude quant à
7 la question de savoir si, à un certain stade, un point est atteint
8 auquel il convient de conclure qu'un procès équitable n'est plus
9 possible, cause de profondes préoccupations pour la Défense.
10 Une considération importante pour la Défense a été de décider
11 si le procès devrait être reporté. Depuis novembre dernier, la
12 Défense a demandé un ajournement parce que nous n'étions pas prêts
13 pour le procès. Mais on ne saurait oublier que notre client est
14 maintenant en détention préventive depuis plus de deux ans, y
15 compris la durée de sa détention en Allemagne. A notre avis, un
16 nouvel ajournement du procès dans l'espoir de jours meilleurs n'est
17 plus justifié.
18 Je le répète, où sont donc les limites ? Quelles sont les
19 conditions à remplir ? Quelles conditions devraient être remplies
20 maintenant ? La Défense est d'avis que ces limites ont été franchies
21 si nous ne sommes pas en mesure de citer les témoins nécessaires à
22 la présentation de notre défense. Sur ce point, aucun argument sur
23 la qualité du procès ne devrait être pris en considération, même si
24 l'Accusation peut dire qu'un procès équitable ne signifie pas un
25 procès parfait. Il n'existe pas d'échelle avec un "procès équitable"
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1 au bas et un "procès parfait" en haut. La Défense est d'avis qu'une
2 seule norme s'applique ici. Le seul procès possible est un procès
3 équitable et un procès équitable est le seul procès possible.
4 Ainsi, la question n'est pas de savoir si quelques témoins
5 peuvent ou ne peuvent pas témoigner; chaque témoin cité par la
6 Défense le sera après un examen attentif sur la façon dont la
7 défense devrait être plaidée. Nous avons choisi avec soin nos
8 témoins d'alibi. Jusqu'à présent, nous avons assigné 36 témoins.
9 L'Accusation nous a informés qu'elle citera de 88 à 120 témoins.
10 Nous espérons qu'elle a été aussi attentive. Chaque témoin choisi
11 par la Défense présente, bien sûr, une importance considérable. La
12 question n'est pas de savoir si l'un d'eux peut ou ne peut pas
13 venir. Même si le Tribunal est prêt à créer les conditions (comme il
14 l'a fait maintenant dans une certaine mesure) permettant d'entendre
15 les témoins cités par la Défense, il reste la question de savoir
16 s'ils donneront effectivement des moyens de preuve et cela reste à
17 voir.
18 Au moins après les décisions de ce matin une certaine
19 assistance a maintenant été fournie mais l'autre problème d'une
20 crainte subjective des témoins n'a pas encore été résolu. Les
21 personnes vivant dans cette région sont éparpillées, elles sont
22 menacées, elles ont peur et les autorités locales sont responsables
23 de cette situation. Il est extrêmement difficile de tenir un procès
24 équitable dans ces conditions.
25 S'il appert que les circonstances de droit et de fait
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1 empêchent le Tribunal de découvrir la vérité, alors, à notre avis,
2 la limite d'équité est dépassée. Il ne suffit pas d'avoir
3 l'intention de tenir un procès équitable; le problème est que toutes
4 les conditions d'un procès équitable doivent effectivement être
5 réunies.
6 Madame, Messieurs de la Cour, ainsi qu'il ressort clairement
7 des remarques précédentes, l'incertitude quant au droit pose un
8 problème considérable. Si nous prenons en considération l'acte
9 d'accusation, deux questions joueront un rôle durant le procès :
10 premièrement, le caractère vague des crimes reprochés et,
11 deuxièmement, la façon dont ils sont décrits dans l'acte
12 d'accusation.
13 Le principe de légitimité existe dans tous les systèmes
14 civilisés de droit pénal. Il ne peut y avoir de crime sans une
15 disposition juridique précise antérieure à l'acte délictueux. Dans
16 la présente affaire, cette condition du droit pénal est, pour le
17 moins, insuffisante.
18 Le coeur du problème est que cette affaire, malheureusement,
19 ne comprend pas de crimes clairement définis d'avance mais des
20 crimes censés être punissables sans que leur contenu exact soit
21 déterminé. Par conséquent, l'acte punissable n'est pas fondé sur une
22 disposition législative mais sur le droit coutumier.
23 Madame, Messieurs de la Cour, le droit couvert par la coutume
24 est susceptible de changement et peut être acceptable pour les
25 relations internationales entre Etats. Il est inacceptable lorsqu'il
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1 s'applique à un individu accusé de crimes.
2 Ce problème n'est pas une cause de préoccupation uniquement
3 pour la Défense mais aussi pour l'Accusation. Ils ont clairement
4 indiqué leur incertitude sur ce qu'ils vont exactement devoir
5 prouver. La Défense est d'avis que, dans la présente affaire, le
6 contenu d'une disposition pénale n'est pas prédéterminé.
7 L'Accusation ne devrait pas décider de poursuivre des crimes aussi
8 mal définis et mettre ainsi un accusé devant le risque de poursuites
9 conjecturales.
10 La Défense maintient qu'il ne s'agit pas là d'une discussion
11 habituelle sur l'interprétation d'une disposition pénale
12 particulière. Ce débat porte, Madame, Messieurs de la Cour, sur les
13 questions fondamentales des éléments qui constituent des actes
14 criminels. Là encore, les conditions spéciales dans lesquelles opère
15 le Tribunal jouent un rôle. Du fait de la combinaison de Common law
16 et de droit romain, le problème de la légalité a une conséquence
17 différente dans l'un ou l'autre de ces systèmes. Du fait que le
18 Tribunal s'appuie principalement sur le système accusatoire de la
19 Common law, l'absence d'un jury se traduit par un échec systémique.
20 S'il y avait un jury, le Juge, après la présentation de la
21 Défense, informerait les jurés du droit applicable et leur donnerait
22 une définition claire des éléments qui constituent l'acte criminel
23 parce que ce n'est qu'alors que le jury peut être en mesure de
24 rendre un verdict. Dans le système du jury, le fait que le Juge
25 détermine le droit applicable après la présentation des moyens de
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1 preuve importe peu puisque la question de la culpabilité n'est
2 tranchée qu'ensuite par le jury.
3 Dans la présente affaire, cependant, les Juges sont également
4 le jury; vous déciderez, Madame, Messieurs de la Cour, si l'accusé
5 est coupable ou non. Cela soulève au moins la question théorique de
6 savoir à quel moment vous vous donnez, pour ainsi dire, des
7 instructions; et si les parties connaîtront ces instructions
8 supposées, de sorte que nous sachions clairement quels critères vous
9 employez pour trancher la question de la culpabilité. Sur ce plan
10 aussi nous avons deux questions.
11 Si nous devons supposer que les critères appliqués par la
12 Chambre de première instance ne deviendront clairs qu'à l'échelon du
13 verdict, on court le risque que, dans la présentation de ses
14 éléments de preuve, la Défense ne puisse pas anticiper ce que la
15 Cour peut estimer pertinent pour décider de la culpabilité de Dusko
16 Tadic. La cohérence de la procédure devient un problème grave et
17 l'accusé court le risque d'un procès fondé sur des conjectures.
18 De surcroît, la Défense estime que cette situation devrait
19 être évitée pour ne pas réduire la confiance dans le Tribunal. Il
20 serait extrêmement triste si l'on devait être amené à penser ou, pis
21 encore, si l'accusé pensait que les Juges opèrent dans le sens
22 inverse, c'est-à-dire qu'ils déterminent d'abord la culpabilité et
23 expliquent ensuite le droit.
24 Je crains que les problèmes relatifs au principe de légalité
25 ne puissent être séparés du reste. La situation est compliquée par
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1 la façon dont l'acte d'accusation a été rédigé. La Défense a déjà
2 fait savoir en diverses occasions qu'elle considère la période
3 couverte par l'acte d'accusation comme trop étendue. La Défense
4 souhaite faire remarquer qu'elle s'inquiète que, durant les semaines
5 et peut-être même les mois à venir, moyens de preuve et témoins ne
6 clarifieront pas ce point. La Défense craint que l'optimisme de
7 l'Accusation selon lequel tout s'éclaircira quand elle présentera
8 son réquisitoire ne soit pas justifié.
9 Si ce n'est pas le cas, cela exercera alors sur la Défense une
10 charge disproportionnée pour établir l'alibi de l'accusé.
11 La Défense tient également à faire observer que cet acte
12 d'accusation place l'accusé dans une situation de double
13 incrimination, un principe bien connu des systèmes de justice
14 pénale, en alléguant le crime général de persécution au chef 1 puis
15 en s'appuyant sur les mêmes allégations aux chefs 2 à 4 ou, devrais-
16 je dire, maintenant qu'ils ont été retirés, 5 à 34.
17 Enfin, la Défense craint énormément le préjugé causé par le
18 nombre d'allégations. Elle s'inquiète notamment du fait que des
19 moyens de preuve distincts intéressant un chef d'accusation puissent
20 être, à tort, considérés comme moyens de preuve au titre d'un autre
21 chef. Cette combinaison d'allégations peut devenir, si l’on n'y
22 prend garde, une recette pour un déni de justice.
23 Madame, Messieurs de la Cour, j'ai déjà mentionné les
24 problèmes relatifs à l'accessibilité et à la disponibilité des
25 moyens de preuve. La conséquence en est que, pour la Défense, ce
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1 procès ne constituera probablement pas un exemple de recherche
2 réussie de la vérité mais une tentative très limitée d'y parvenir.
3 La procédure élaborée par le Tribunal s'appuie dans une grande
4 mesure sur un système accusatoire dans lequel les deux parties ont
5 l'occasion de présenter leur dossier.
6 Ce système suppose que chaque partie est à même de le
7 présenter et qu'elle peut le faire dans la même mesure que l'autre.
8 Aussi longtemps que la question de la disponibilité des témoins n'a
9 pas été résolue à la satisfaction de tous, le règlement concernant
10 la présentation des éléments de preuve paraît arbitraire. A ce
11 stade, il convient de distinguer entre la procédure préalable aux
12 débats et les débats devant la Chambre de première instance.
13 Durant la procédure préalable aux débats, la Défense a du
14 constituer son dossier à compter de la comparution initiale tandis
15 que le Ministère public en avait déjà établi un avant d'émettre
16 l'acte d'accusation. Cette avance est normale dans des circonstances
17 ordinaires et je ne l'aurais pas mentionnée dans mes déclarations
18 liminaires si ce n'avait été pour les difficultés procédurales qui
19 se sont présentées.
20 Le Règlement prévoit des dispositions spécifiques en vue de
21 permettre aux parties de vérifier les faits pertinents. Il s'agit
22 d'instruments juridiques disponibles autres que les pouvoirs
23 conférés à l'Accusation pour amener les Etats à coopérer au plan de
24 l'instruction de l'affaire. La Défense ne dispose d'aucun pouvoir
25 quel qu'il soit pour mobiliser la coopération de quiconque en vue
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1 d'obtenir les faits pertinents. Les activités de la Défense avant le
2 procès dépendent entièrement de la coopération volontaire des
3 autres.
4 La réalité est que ce Tribunal siège en Europe du nord-ouest.
5 Aucune ordonnance rendue n'aura d'effet dans la Republika Srpska.
6 L'Accord de Dayton n'a rien changé à cette situation. L'article 29
7 du Statut est également lettre morte du fait que la Republika Srpska
8 n'a pas été officiellement reconnue et que le Gouvernement de
9 Sarajevo (qui serait officiellement le destinataire de l'article 29)
10 n'exerçait aucune autorité dans les régions serbes de Bosnie-
11 Herzégovine.
12 Le Tribunal était conscient de cette situation avant les
13 débats. Il en est de même de l'Accusation. La Défense a dû en
14 supporter les conséquences. En d'autres termes, le Tribunal et
15 l'Accusation savaient que la Défense oeuvrerait dans un vide
16 procédural; que la Défense a dû préparer un dossier sans un seul
17 instrument juridique pour l'assister.
18 Par conséquent, tout ce que la Défense a pu réaliser jusqu'à
19 présent est le fruit de ses propres négociations avec les autorités
20 et les individus et ne doit rien au Tribunal.
21 La procédure préalable au procès a été sérieusement entachée
22 d'une inégalité des armes du fait que tous les témoins de
23 l'Accusation se trouvent à l'extérieur de la Republika Srpska et que
24 les autorités de tous les pays, à l'exception de celles de la
25 Republika Srpska, ont coopéré sans réserves avec l'Accusation dans
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1 cette affaire. Dans les semaines qui viennent, nous verrons comment
2 cette absence d'égalité des armes avant les débats influe sur le
3 procès proprement dit.
4 De surcroît, le Règlement de procédure et de preuve est si
5 vague que seule la jurisprudence peut déterminer son contenu précis.
6 Dans ces circonstances, la Défense demande au Tribunal d'appliquer
7 les principes de recevabilité des moyens de preuve fondés sur la
8 fiabilité.
9 Madame, Messieurs de la Cour, vous allez entendre de nombreux
10 témoignages de témoins à charge sur des événements qui se sont
11 déroulés durant le long été chaud de 1992 dans la municipalité de
12 Prijedor. Les événements terribles qui se sont déroulés durant le
13 conflit dans la région, et en particulier au camp d'Omarska, ne sont
14 pas contestés. Du fait des événements, tous les témoins à charge que
15 vous allez entendre ont quitté la région et résident maintenant dans
16 d'autres pays en tant que réfugiés.
17 Il n'appartient pas à ceux d'entre nous qui n'ont pas vécu ces
18 événements de dire quels effets ils ont sur le coeur et l'esprit de
19 ceux qui les ont connus. La Défense n'a ni le droit ni l'intention
20 de déprécier les terribles souffrances dont vous allez entendre le
21 récit. Cependant, nous avons le droit et l'intention de défendre
22 Dusko Tadic contre les allégations avancées par ces témoins.
23 J'ai deux observations très générales à faire. La première est
24 que, depuis la découverte de ces camps par des journalistes
25 occidentaux en août 1992, l'intérêt international dans les
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1 événements qui se sont déroulés dans la région et dans les camps, en
2 particulier, a été intense. Peu de gens peuvent regarder sans être
3 profondément émus les images de prisonniers émaciés derrière les
4 barbelés de Trnopolje.
5 Du fait de cet intérêt, les journalistes ont recherché bon
6 nombre des personnes qui témoigneront devant ce Tribunal pour
7 essayer de fournir informations et articles à leurs lecteurs et
8 auditeurs dans le monde entier. Nous soutenons que de nombreux
9 témoins ont adopté les récits d'autres prisonniers après les avoir
10 entendus ou lus dans les médias.
11 De plus, quand les prisonniers de ces camps ont été libérés ou
12 transférés en d'autres endroits, ils ont échangé le récit de leurs
13 expériences. Vous entendrez dire dans les semaines et mois à venir
14 qu'un témoin, en particulier, a raconté son "histoire" concernant un
15 incident notoire à Omarska à plus de la moitié des autres témoins
16 soutenant avoir vu les mêmes événements.
17 Nous n'avons pas besoin de l'aide d'un psychologue pour nous
18 convaincre de l'importance de la force de suggestion. On peut
19 l'observer dans la vie ordinaire. Quand plusieurs personnes
20 assistent au même événement, elles ne se rappellent pas de tous les
21 détails mais quand elles en discutent par la suite, une description
22 composite se dégage. La rumeur devient vérité. On finit par se
23 convaincre facilement qu'on a vu et entendu des choses qu'on n'a pas
24 ou n'a pu voir et entendre. Leur récit est fondé sur ce que d'autres
25 vous ont dit. Cette situation peut également être une recette pour
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1 un manque de fiabilité à l'origine d'un déni de justice.
2 Si cela peut arriver dans les circonstances les plus
3 ordinaires, qu'en est-il en cas de circonstances extraordinaires ?
4 La situation qui vous sera décrite par l'Accusation se situe en
5 dehors de l'expérience et de l'entendement de toute personne
6 ordinaire. Ces témoins ont, selon leurs dires, été expulsé par la
7 force de leurs foyers à l'occasion d'un conflit sanglant; ils ont
8 été séparé de leurs familles et de leurs amis; ils ont vu bon nombre
9 de leurs proches tués par leurs agresseurs. Ils ont été incarcérés à
10 l'étroit dans des conditions épouvantables sous la chaleur torride
11 d'un été bosniaque avec peu de vivres ou d'eau, craignant
12 constamment la torture et la mort. C'est dans ces conditions qu'ils
13 ont assisté aux événements dont ils viendront témoigner à ce procès.
14 Ces circonstances, Madame, Messieurs de la Cour, peuvent constituer
15 les éléments de la rumeur comme la nécessité d'un bouc-émissaire.
16 La Défense ne conteste pas le fait de leur souffrance mais la
17 fiabilité de moyens de preuve obtenus de personnes qui, apparemment,
18 ont été les témoins des événements dans ces conditions. On a raconté
19 à de nombreuses personnes, soit à l'époque soit par la suite, que
20 Dusko Tadic a commis des crimes dans les camps. Combien de ces
21 personnes ont introduit des récits de seconde main dans leurs
22 propres récits pour combler des trous ou identifier une personne
23 qu'elles n'avaient pas, en fait, vue du tout ?
24 Madame, Messieurs de la Cour, Dusko Tadic est un Serbe, un
25 Serbe qui résidait au centre de la communauté musulmane de Kozarac,
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1 la communauté qui a été si brutalement expulsée de ses foyers durant
2 l'été de 1992. Dix-huit mois plus tard, Dusko Tadic lui même s'est
3 rendu en Allemagne où résident maintenant bon nombre de ses anciens
4 voisins. Il n'est pas difficile d'imaginer la réaction de ces gens,
5 qui avaient été expulsés par la force de leurs foyers, envers un
6 voisin serbe. Ce sont des Musulmans et la haine qui existait alors
7 contre les Serbes dans la communauté musulmane était telle que le
8 fait d'être Serbe revenait à être associé à un peuple contre lequel
9 ils feraient tout pour se venger.
10 On ne peut sous-estimer le préjugé qui existe dans cette
11 affaire. Quand Dusko Tadic s'est rendu en Allemagne en 1993, il
12 s'est offert en victime facile à ceux qui voulaient se venger des
13 Serbes. Il est inconcevable qu'il ait pu aller vivre parmi les gens
14 mêmes qu'il est présumé avoir persécutés, si leurs allégations
15 étaient vraies. Cette Cour a pour tâche de rechercher la vérité au-
16 delà des faits dénaturés par les préjugés. On peut plaindre un
17 témoin qui a souffert du fait de ses souffrances mais on ne devrait
18 pas le croire uniquement pour cette raison. Il n'est avancé nulle
19 part qu'une personne qui a souffert dira plus probablement de ce
20 fait la vérité; en réalité, on se heurtera plus souvent au cas
21 contraire.
22 C'est là donc, Madame, Messieurs de la Cour notre défense, à
23 savoir que les témoins que vous allez entendre présenter des
24 éléments de preuve contre l'accusé le font, si ce n'est sur la base
25 d'un "ouï dire" irrecevable, du moins comme le produit d'une
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1 conviction honnête mais dénaturée ou au titre d'un préjugé contre la
2 population serbe. Je le répète, Dusko Tadic est accusé en tant
3 qu'individu et les crimes d'autres personnes ne peuvent pas et ne
4 doivent pas lui être imputés.
5 Madame, Messieurs de la Cour, la plaidoirie de la Défense ne
6 portera pas sur la présentation de moyens de preuve relatifs aux
7 camps, parce qu'il ne lui appartient pas de contester les événements
8 qui se sont déroulés dans les camps. L'argument de la Défense est
9 simplement que Dusko Tadic n'a, en aucune capacité, participé à
10 l'activité des camps. Je présenterais des moyens de preuve
11 établissant que Dusko Tadic n'avait aucun accès aux camps et qu'il
12 ne se trouvait pas dans une situation privilégiée, comme l'a suggéré
13 l'Accusation ce matin.
14 En préparant la défense, nous avons dû lutter avec l'hostilité
15 et les soupçons dont fait l'objet le Tribunal dans la République
16 serbe et, en particulier, dans la région de Prijedor. Les personnes
17 au pouvoir dans cette région ont bloqué toutes possibilités
18 d'enquête, non seulement pour l'Accusation mais aussi pour la
19 Défense. On pourrait penser qu'elles seraient anxieuses de
20 contribuer à la défense de Dusko Tadic dans ce procès et de le
21 traiter comme l'un des leurs. Cela n'a pas été le cas. La défense de
22 Dusko Tadic a été préparée avec peu ou pas d'aide de la part des
23 autorités de Prijedor, et on a constaté des initiatives visant à
24 nous empêcher d'obtenir des éléments de preuve au nom de notre
25 client en vue d'établir son innocence.
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1 Les témoins qui, dans la région, occupaient des fonctions dans
2 l'armée ou la police ont reçu l'ordre de ne pas s'adresser à la
3 Défense.
4 De fausses rumeurs ont été lancées sur l'intention du Tribunal
5 d'arrêter quiconque se présenterait pour donner des éléments de
6 preuve. Nos activités ont fait l'objet d'une étroite surveillance et
7 des menaces ont été proférées contre les témoins dont on sait qu'ils
8 ont coopéré avec nous, ainsi que leurs familles. Un officiel de haut
9 rang a déclaré, et je cite : "Personne ne peut m'ordonner de
10 permettre aux témoins de la Défense d'être interrogés dans ma
11 circonscription. Aucun témoin dans ma circonscription ne peut faire
12 une déposition sans mon consentement. Je peux être remplacé à mon
13 poste de chef mais, dans ce cas, je céderai toute la région à la
14 Croatie. Nous avons plus de quatre millions de tonnes de minerai de
15 fer que nous enverrons à Sisak pour transformation et nous
16 obtiendrons l'argent".
17 Après qu'on lui ait demandé si la population de la Krajina
18 accepterait la succession, il a déclaré : "Qui demande à la
19 population ? J'encule la population !".
20 Permettez-moi de répéter la citation qui s'est échappée de la
21 bouche de l'Accusation ces derniers mois : "Un procès équitable
22 n'est pas un procès parfait". Madame, Messieurs, de la Cour, nous
23 sommes, en fait, devenus conscients de l'impossibilité d'approcher
24 un procès équitable dans des circonstances aussi compromettantes.
25 Depuis le tout début, notre but a été d'assurer qu'au moins un
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1 procès équitable ne serait pas impossible.
2 Malgré les difficultés rencontrées et que nous continuons de
3 rencontrer, nous avons persisté et nous avons réussi à édifier une
4 défense solide et convaincante. Nous pensons qu'il vous sera
5 impossible de condamner Dusko Tadic si nous sommes en mesure de
6 présenter la défense dans son intégralité. Nous l'avons fait pour
7 satisfaire notre conclusion que Dusko Tadic aura, en dépit de tout,
8 un procès équitable qui se soldera par ce que nous considérons comme
9 le seul verdict possible dans cette affaire - non coupable.
10 Nos enquêteurs ont trouvé certains des témoins qui étaient
11 véritablement en compagnie de Dusko Tadic à l'époque où ces crimes
12 ont été commis. Vous apprendrez comment Dusko Tadic a évité son
13 appel sous les drapeaux. Vous apprendrez comment il s'est enfui de
14 sa maison à Kozarac avant le 24 mai avec sa femme et sa famille pour
15 demeurer dans la sécurité relative de Banja Luka. Vous apprendrez
16 comment, le mois suivant, il a obtenu un emploi d'agent de la
17 circulation à Prijedor et comment il a travaillé quotidiennement en
18 roulement par équipes avec d'autres. Vous apprendrez comment il
19 s'est alors engagé dans la commune locale, avec la tâche d'aider les
20 réfugiés et d'essayer de reconstruire la ville de Kozarac.
21 Ces moyens de preuve, Madame, Messieurs de la Cour, vous
22 seront présentés par des personnes ordinaires, celles qui ont
23 travaillé à ses côtés, celles qui ont vécu avec lui, celles qui ont
24 pu voir comment il a employé son temps pendant la période qui
25 intéresse ce procès. Tous ces éléments de preuve seront étayés par
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1 des pièces et documents, comme les listes de permanence, pour
2 appuyer les moyens de preuve donnés par des témoins sur la situation
3 de Dusko Tadic dans les forces de réserve de la police. Nous
4 présenterons des moyens de preuve établissant que Dusko Tadic vivait
5 comme le peut un homme ordinaire dans des circonstances aussi
6 difficiles, qu'il était un réserviste de la police participant
7 durant toute cette période à la reconstitution de sa communauté
8 disloquée.
9 S'agissant de sa communauté, la Défense affirmera que Dusko
10 Tadic n'a joué aucun rôle quel qu'il soit dans le rassemblement des
11 civils et les attaques contre eux. Naturellement, l'Accusation dira
12 que cet alibi ne couvre pas chaque minute du temps de Dusko Tadic
13 entre mai et décembre 1992; notre réponse à cela est qu'aucun alibi
14 ne le pourrait. Trouver un alibi couvrant une période de huit mois
15 est difficile mais la Défense est convaincue que quand la Cour aura
16 entendu les récits que nous présenterons sur les occupations réelles
17 de Dusko Tadic durant ces mois, elle conclura que nous avons fourni
18 des moyens de preuve impressionnants pour établir les lieux où il se
19 trouvait durant cette période.
20 Le deuxième axe de notre défense sera constitué des moyens de
21 preuve présentés par les témoins qui témoigneront sur le type de
22 personne qu'est Dusko Tadic. Ils vous diront à ce propos que c'est
23 un homme qui a vécu toute sa vie dans une communauté musulmane -
24 l'un des rares Serbes dans une ville de plusieurs milliers
25 d'habitants - un homme qui avait de nombreux amis musulmans et qui a
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1 été bouleversé quand des gens des deux côtés ont commencé à
2 manifester des tendances nationalistes et à ignorer leurs anciens
3 amis. L'Accusation essaye d'expliquer le fait qu'il n'existe aucune
4 preuve d'une animosité quelconque de Dusko Tadic envers des
5 Musulmans avant le conflit en suggérant qu'il était une sorte
6 d'espion ou même membre d'une cinquième colonne. Il ne s'agit là,
7 Madame, Messieurs de la Cour, que d'un pauvre écran de fumée pour
8 dissimuler les carences de leur dossier.
9 Bon nombre de ses concitoyens, cependant, considèrent Dusko
10 Tadic comme un déserteur qui a refusé de se battre pour son pays et
11 qui a quitté son village quand les événements ont commencé à mal
12 tourner.
13 Le troisième axe de la Défense est constitué par les moyens de
14 preuve présentés par ceux qui occupaient une fonction dans ces camps
15 et qui peuvent témoigner que Dusko Tadic ne s'y trouvait pas et ne
16 pouvait pas s'y trouver.
17 Il n'est pas difficile d'imaginer les raisons des difficultés
18 de la Défense pour obtenir des dépositions sur ce plan. Il s'agit de
19 personnes qui, qu'elles aient ou non participé personnellement aux
20 crimes commis, craignent pour leur propre sécurité, tant sous
21 l'angle des poursuites par ce Tribunal qu'au plan de représailles
22 sur place si elles fournissent des éléments de preuve concernant des
23 questions que les autorités locales désirent garder sous silence.
24 Grâce à ces témoins, Madame, Messieurs de la Cour, la Défense
25 peut vous présenter des moyens de preuve qui, nous le pensons, vous
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1 convaincrons que, bien que les camps aient existé et que des crimes
2 horribles y aient été commis, ces crimes n'ont pas été commis par
3 l'accusé et ne pouvaient pas l'être. Il n'appartient pas à la
4 Défense de contester le calendrier politique de ceux qui
5 contrôlaient la municipalité de Prijedor.
6 Madame, Messieurs de la Cour, je vous ai exposé les problèmes
7 rencontrés par la Défense pour vous expliquer clairement les
8 réalités de la situation dans la municipalité de Prijedor. Si, à un
9 moment quelconque, la Défense vous présente des problèmes, rappelez-
10 vous simplement pour les résoudre que pour chaque témoin que nous
11 produisons à ce procès, nous pourrions vous en mentionner dix autres
12 qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas nous parler. En plus des
13 moyens de preuve factuels qu'elle avancera, la Défense présentera
14 des moyens de preuve pour étayer son opinion du caractère du
15 conflit.
16 Madame, Messieurs de la Cour, je conclus ainsi la déclaration
17 liminaire de la Défense.
18 Nous vous avons avisé de nos graves préoccupations à propos de
19 ce procès. De nombreux problèmes n'ont pas été résolus et,
20 malheureusement, tout semble indiquer qu'ils ne le seront pas.
21 Nous sommes, par conséquent, extrêmement préoccupés par la
22 qualité de ce procès. Nous craignons qu'en fin de compte il ne
23 satisfasse pas les intérêts de la justice.
24 Nous nous tenons, Madame, Messieurs de la Cour, à la limite
25 d'un procès équitable. Ne nous faites pas basculer du mauvais côté.
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1 Aidez-nous à rester du bon côté et à présenter notre défense. Si
2 vous nous le permettez, si vous permettez à nos témoins de
3 témoigner, vous ne condamnerez pas Dusko Tadic.
4 Merci.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, M. Wladimiroff. M. Niemann, êtes-vous
6 prêt à appeler votre premier témoin ? Je crois qu'il s'agit de M.
7 Gow ?
8 M. NIEMANN : Je suis prêt.
9 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, voulez-vous alors appeler votre
10 premier témoin, s'il vous plaît ?
11 M. NIEMANN : Si vous me le permettez, Madame la Présidente, j'appelle M.
12 Gow.
13 (M. Gow est appelé)
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Gow, voulez-vous vous placer ici, s'il vous
15 plaît ? Vous devriez avoir devant vous le texte d'un serment.
16 Voulez-vous bien prononcer ce serment s'il vous plaît ?
17 LE TEMOIN : Je jure solennellement de dire la vérité, toute la vérité,
18 rien que la vérité.
19 (Le témoin a prêté serment)
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
21 Interrogatoire de M. Niemann
22 QUESTION : M. Gow, êtes-vous un expert en sciences politiques employé
23 comme assistant au Department of War Studies, Kings College,
24 Londres, et comme chercheur au Centre for Defense Studies à
25 l'Université de Londres ?
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1 REPONSE : Oui.
2 QUESTION : Etiez-vous auparavant un chercheur au Centre for Defense
3 Studies et avant cela un assistant spécialisé dans les affaires
4 soviétiques et d'Europe orientale au Hatfield Polytechnic au
5 Royaume-Uni ?
6 REPONSE : Oui.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Permettez-moi de vous interrompre un instant.
8 Pourriez-vous nous donner votre nom complet, s'il vous plaît, pour
9 le procès-verbal, à moins que je ne l'ai pas entendu.
10 LE TEMOIN : Je m'appelle Andrew James William Gow.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Je m'excuse M. Niemann.
12 M. NIEMANN : Etes-vous docteur en philosophie (PhD) de l'Université de
13 Londres où vous avez préparé votre thèse de doctorat sur la
14 Yougoslavie à The School of Slavonic Studies and Eastern European
15 Studies (Ecole des études slavoniques et d'Europe orientale) ?
16 REPONSE : C'est exact.
17 QUESTION : Durant ces dernières années, avez-vous concentré vos recherches
18 sur l'ex-Yougoslavie, en particulier ses affaires politico-
19 militaires et avez-vous, de façon extensive, publié des articles et
20 ouvrages et donné des conférences dans ce domaine ?
21 REPONSE : Oui.
22 QUESTION : Est-ce que vos moyens de preuve s'appuient sur votre
23 connaissance personnelle et vos propres recherches ainsi que celles
24 d'autres experts reconnus dans ce domaine ?
25 REPONSE : Oui.
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1 QUESTION : Avez-vous publié des rapports, articles militaires et civils,
2 discours et autres documents officiels sur la région de l'ex-
3 Yougoslavie ?
4 REPONSE : Oui, j'ai utilisé ce genre de documents pour préparer mes
5 éléments de preuve.
6 QUESTION : Parlez-vous les langues yougoslaves pertinentes ou celles de
7 l'ex-Yougoslavie ?
8 REPONSE : J'ai une certaine connaissance du serbo-croate et une certaine
9 connaissance du Slovène.
10 QUESTION : Avez-vous fondé votre ...
11 JUGE STEPHEN : J'ai beaucoup de mal à entendre.
12 M. NIEMANN : Je m'excuse, M. le Juge.
13 JUGE STEPHEN : Le témoin pourrait-il hausser la voix ?
14 M. NIEMANN : M. Gow, pourriez-vous s'il vous plaît hausser la voix pour
15 qu'on puisse vous entendre.
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le microphone est utile mais il ne nous aide pas
17 vraiment beaucoup dans le prétoire. Vous devez vraiment hausser la
18 voix bien que vous parliez dans le microphone.
19 M. NIEMANN : M. Gow, avez-vous fondé vos recherches sur des entretiens
20 avec des experts ainsi que des dépositions de témoins et autres
21 documents, dont certains ont été mis à votre disposition par le
22 Bureau du Procureur ?
23 REPONSE : C'est exact.
24 QUESTION : Depuis 1988, avez-vous publié de nombreux livres et articles ?
25 REPONSE : Oui.
Page 85
1 QUESTION : Est-ce que les détails de ces ouvrages, monographies, articles
2 et autres écrits que vous avez publiés figurent sur une liste ?
3 REPONSE : Je pense que oui.
4 QUESTION : Je demande maintenant que l'on affiche sur l'écran de
5 l'ordinateur le document portant la cote informatique 1-1 à 1-4.
6 S'il plaît à la Cour, comme je l'ai promis, j'ai préparé pour mes
7 amis de la Défense et pour la Cour, une copie d'un index des
8 documents qui seront utilisés et auxquels M. Gow fera référence.
9 Elle est susceptible de vous aider à suivre la présentation des
10 pièces à conviction. Permettez-moi de déposer ces documents.
11 (Documents remis)
12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, ce que nous recevons maintenant est
13 un index des documents que M. Gow utilisera ?
14 M. NIEMANN : Oui.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je porte des lunettes. Elles sont relativement
16 récentes. J'ai encore des difficultés à voir le texte sur l'écran.
17 Pouvons-nous ou non imprimer maintenant une copie sur papier de ce
18 document ?
19 M. NIEMANN : Ultérieurement, si je comprends bien, mais nous devrions
20 pouvoir l'agrandir légèrement.
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C'est un peu mieux, merci.
22 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, en regardant simplement le document qui
23 apparaît maintenant sur votre écran - j'aimerais que l'on fasse
24 défiler ce document en commençant à la première page et en
25 l'examinant lentement au fur et à mesure mais sous une forme élargie
Page 86
1 - quand vous examinez ce document, s'agit-il de l'index auquel vous
2 faisiez référence il y a quelques instants et qui se rapporte aux
3 articles et autres écrits que vous avez publiés sur l'ex-Yougoslavie
4 ? Vous pourriez peut-être aller un peu plus lentement, s'il vous
5 plaît ? M. Gow, pourriez-vous seulement nous confirmer cela ?
6 REPONSE : Cela ressemble à l'index auquel je viens de faire référence.
7 QUESTION : Est-ce la dernière page de l'index ?
8 REPONSE : Je crains, pour l'instant, de ne pas voir l'index ... Oui,
9 excusez-moi, j'avais branché le mauvais écran.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Gow, je pense que vous voulez la même chose
11 que nous. Nous voulons une copie sur papier de ce document. Je
12 suppose qu'il sera déposé aux fins d'identification comme la pièce à
13 conviction 1 ?
14 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente, nous demanderons à ce qu'il soit
15 déposé.
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense en a-t-elle une copie sur papier ?
17 M. WLADIMIROFF : Pas encore.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : En avez-vous besoin d'une ?
19 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente, nous n'avons pas vraiment
20 besoin d'en lire chaque mot.
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Vous pouvez continuer.
22 M. NIEMANN : Merci, Madame la Présidente. Madame, Messieurs de la Cour, je
23 pourrais fournir une copie sur papier après la levée d'audience.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait.
25 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, regardez-vous la dernière page de ce
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1 document ?
2 REPONSE : Oui.
3 QUESTION : Se rapporte-t-elle aux endroits où il vous est arrivé de
4 prononcer des conférences ?
5 REPONSE : Oui.
6 QUESTION : Je dépose ce document, Madame la Présidente et m'engage à
7 donner une copie sur papier de l'original.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a-t-elle des objections ?
9 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 1 est admise.
11 M. NIEMANN : M. Gow, pourriez-vous expliquer à la Cour la composition
12 politique de
13 l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie avant 1991 ?
14 REPONSE : La République socialiste fédérative de Yougoslavie se composait
15 de six Républiques et de deux provinces autonomes au sein de la
16 République de Serbie. La République de Serbie était la plus
17 importante des six Républiques. Les autres étaient la Slovénie, la
18 Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Macédoine.
19 M. NIEMANN : Durant ma déclaration liminaire ce matin, Madame, Messieurs
20 de la Cour, j'ai montré un document que je demanderais maintenant à
21 M. Gow d'examiner. Le document no 2 pourrait-il être présenté à
22 l'écran, 2-1 ?
23 (Au témoin) : M. Gow, s'agit-il d'une carte de l'ex-
24 Yougoslavie ?
25 REPONSE : Il s'agit d'une carte de l'ex-République socialiste fédérative
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1 de Yougoslavie montrant les frontières des Républiques et des deux
2 provinces autonomes au sein de la Serbie.
3 QUESTION : Cette carte a-t-elle été préparée d'après vos instructions ?
4 REPONSE : Elle a été préparée selon mes instructions par le Bureau du
5 Procureur.
6 QUESTION : Madame, Messieurs de la Cour, je dépose cette carte.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a-t-elle des objections ?
8 M. WLADIMIROFF : Aucune, Madame la Présidente.
9 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 2 est admise.
10 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, pouvez-vous expliquer à la Chambre de
11 première instance la composition ethnique de la République
12 socialiste fédérative de Yougoslavie avant 1991 ?
13 REPONSE : La République socialiste fédérative de Yougoslavie, la RSFY en
14 bref, était un mélange compliqué de populations. Les groupes les
15 plus importants étaient les Serbes, les Croates, les Slovènes, les
16 Macédoniens et les Musulmans de Bosnie. Il y avait un certain nombre
17 de groupes moins nombreux, généralement classés comme minorités, y
18 compris les Hongrois, Slovaques et une série d'autres, Vlahs, etc.
19 QUESTION : M. Gow, pourriez-vous regarder la carte qui figure maintenant
20 sur votre écran, le document 2-2 ? Que représente cette carte ?
21 REPONSE : Il s'agit d'une carte montrant les territoires de l'ex-RSFY et
22 le groupe ethnique le plus important dans chaque région particulière
23 des territoires des Républiques de la RSFY. Le groupe à lui seul le
24 plus important ne représente pas nécessairement une majorité absolue
25 mais seulement le groupe le plus nombreux dans une région
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1 particulière.
2 De nombreuses régions de la RSFY avaient des populations très
3 mixtes, en particulier en Bosnie-Herzégovine, de sorte que lorsque
4 la couleur, par exemple le bleu indique comme dans ce cas la
5 présence de populations musulmanes en Bosnie, cela ne signifie pas
6 que les Musulmans formaient nécessairement la majorité absolue dans
7 ces régions et il en est de même pour les autres couleurs de la
8 légende.
9 QUESTION : M. Gow, sous la direction de qui est-ce que cette carte
10 particulière a été préparée ?
11 REPONSE : Cette carte a été préparée sous ma direction par le Bureau du
12 Procureur.
13 QUESTION : Sur quelle base a-t-elle été compilée ?
14 REPONSE : Elle a été compilée à partir de renseignements tirés du
15 recensement de la population de 1981 couvrant tous les territoires
16 de la RSFY.
17 M. NIEMANN : S'il plaît à la Cour, je dépose cette carte.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à la pièce à conviction
19 3 ?
20 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 3 est admise.
22 M. NIEMANN : Le document informatique 1-5 peut-il être affiché à l'écran,
23 s'il vous plaît ? (Au témoin) : M. Gow, j'aimerais que vous
24 regardiez votre écran. Vous voyez ce document. Pouvez-vous nous dire
25 de quoi il s'agit ?
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1 REPONSE : Il s'agit d'un tableau indiquant la part dans la population
2 totale de la RSFY de chaque grand groupe ethnique au sein de l'ex-
3 Yougoslavie. La première colonne est basée sur les chiffres du
4 recensement de 1981; la deuxième s'appuie sur le recensement de
5 1991. Vous noterez que, pour l'essentiel, aucun changement majeur
6 n'est intervenu durant ces dix années bien que, si vous faites
7 défiler le tableau jusqu'au bas, vous remarquerez qu'il y a eu un
8 accroissement notable dans le pourcentage des Albanais dans la
9 population totale de la RSFY.
10 QUESTION : Sous la direction de qui est-ce que ce document a été préparé ?
11 REPONSE : Ce document a été préparé sous ma direction par le Bureau du
12 Procureur.
13 QUESTION : A partir de quelles informations a-t-il été compilé ?
14 REPONSE : Il a été compilé à partir des résultats des recensements de 1981
15 et 1991 dans la RSFY et découle sous cette forme particulière des
16 minutes de rapports présentés à la Chambre des communes, Commission
17 des affaires étrangères, Royaume-Uni.
18 M. NIEMANN : Je dépose ce document, Madame la Présidente.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a-t-elle des objections ?
20 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce a conviction 4 est admise.
22 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, est-ce qu'un groupe ethnique était
23 entièrement contenu dans une seule République ?
24 REPONSE : La RSFY était composée de six Républiques et diverses
25 communautés. Aucun groupe n'était entièrement contenu dans une seule
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1 République bien que celle de Slovénie ait été, de très loin, la plus
2 homogène ethniquement avec près de 90 % de Slovènes dans sa
3 population. Dans les autres Républiques, en Serbie, près des deux
4 tiers de la population étaient des Serbes; en Croatie, près des
5 trois quarts de la population étaient des Croates; en Bosnie, les
6 pourcentages étaient respectivement de 44 % de Musulmans environ, 30
7 à 33 % de Serbes et 17 % de Croates. Vous pouvez donc constater
8 qu'aucun groupe ethnique n'était à lui seul contenu dans les
9 frontières de l'une quelconque des Républiques.
10 QUESTION : En conjonction avec ce point, on pourrait peut-être afficher le
11 document 1-6 à l'écran et en montrer maintenant la deuxième moitié ?
12 Pour en revenir à la première moitié, M. Gow, en regardant
13 simplement le document sur votre écran, que représente-t-il ?
14 REPONSE : Il montre, dans chacune des Républiques, le pourcentage dans la
15 population du groupe ethnique le plus nombreux dans cette République
16 sur la base du recensement de 1981. Vous pouvez voir les premières
17 indications, la République de Slovénie était à 90,5 % slovène,
18 confirmant, je pense, ma déclaration précédente. Les trois quarts de
19 la population de la Croatie étaient constitués de croates; si vous
20 descendez au bas du tableau, vous verrez que les deux tiers environ
21 de la population de Serbie étaient formés de Serbes mais, bien sûr,
22 vous noterez que si la Serbie est prise sans les deux provinces
23 autonomes, le pourcentage monte à 85,4 %. Les chiffres que j'ai
24 donnés, environ 44 % de la population de Bosnie constitués de
25 Musulmans, se rapportaient au recensement de 1991; mais ici, pour le
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1 recensement de 1981, il était d'environ 39,2 %.
2 QUESTION : M. Gow, ce document a-t-il été préparé sous votre direction ?
3 REPONSE : Oui.
4 M. NIEMANN : Je dépose ce document, Madame la Présidente.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a-t-elle des objections ?
6 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 5 est admise.
8 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, je vous demande maintenant d'examiner le
9 document qui apparaît sur votre écran. Peut-on montrer le document
10 informatique no 1-7 à 1-8 ? Peut-on le garder un instant. M. Gow,
11 reconnaissez-vous ce document ?
12 REPONSE : Oui.
13 QUESTION : De quel document s'agit-il ?
14 REPONSE : C'est une copie tirée des minutes des documents du Rapport de la
15 Commission des affaires étrangères de novembre 1991 je pense. J'y ai
16 déjà fait référence en disant que certaines des informations
17 figurant dans les tableaux provenaient de cette source.
18 QUESTION : La deuxième partie du document pourrait peut-être être montrée
19 pour que la présentation soit complète. S'agit-il des tableaux sur
20 lesquels vous vous êtes appuyés quand vous avez préparé les rapports
21 ?
22 REPONSE : Oui.
23 QUESTION : Pourriez-vous passer, s'il vous plaît, à la partie suivante du
24 document ? Oui. je dépose ce document Madame, Messieurs de la Cour.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a-t-elle des objections ?
Page 93
1 M. WLADIMIROFF : Aucune.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ces documents portent les numéros 1-7-1-8. Vont-
3 ils devenir la pièce à conviction 6 ?
4 M. NIEMANN : Six, Madame la Présidente.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Dois-je dire que la pièce à conviction 6 est
6 admise ?
7 M. NIEMANN : C'est la meilleure façon, Madame la Présidente. Je pourrais
8 peut-être vous aider ici. Les numéros sont des cotes informatiques
9 qui, apparemment, aident à retrouver les documents dans
10 l'ordinateur. Les numéros 1-7 à 1-8 indiquent le nombre de pages.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Deux pages. Très bien. Ces pièces à conviction
12 ont été échangées, c'est-à-dire que vous les avez toutes
13 communiquées à la Défense, bien sûr ?
14 M. NIEMANN : Oui.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. La pièce à conviction 6 est admise.
16 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, le recensement de 1991 montre-t-il la
17 composition ethnique des diverses Républiques de la Yougoslavie ?
18 REPONSE : Oui.
19 QUESTION : D'après ce recensement, quelle était la composition de la
20 population de Bosnie ?
21 REPONSE : La population de Bosnie-Herzégovine dépassait légèrement les 4
22 millions d'habitants - environ 4,1 millions je crois - et sur ce
23 total 44 % étaient des Slaves musulmans, 31 % des Serbes de Bosnie
24 et environ 17 % des Croates de Bosnie et il y avait d'autres petits
25 groupes.
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce d'après la pièce à conviction que nous
2 regardons maintenant ? Est-ce exact ?
3 M. NIEMANN : D'où tirez-vous ce genre d'informations, M. Gow ?
4 REPONSE : Ces renseignements proviennent des résultats du recensement. Je
5 ne suis pas certain qu'ils figurent dans le tableau ici - si nous
6 pouvions revenir en arrière, je pourrais vérifier - mais ils
7 proviennent d'autres documents dont nous disposons. Ces chiffres
8 semblent se rapporter purement à 1981. Si vous prenez le tableau -
9 je ne suis pas certain. Vous avez là les chiffres comparés pour les
10 totaux de 1991 avec la réserve exprimée quant aux Albanais.
11 QUESTION : C'est le tableau 2 qui apparaît sur l'écran maintenant; est-ce
12 exact ?
13 REPONSE : C'est cela, oui.
14 QUESTION : Il donne une date, 1981, en haut, puis au-dessus de 1981 vous
15 avez un chiffre qui se rapporte aux Serbes, c'est-à-dire 8,14,
16 n'est-ce pas ?
17 REPONSE : Oui.
18 QUESTION : S'agit-il de la population ?
19 REPONSE : C'est le nombre total de Serbes dans les territoires de la RSFY,
20 d'après le recensement de 1981 et, dans la colonne de droite, vous
21 avez les totaux pour le recensement de 1991.
22 QUESTION : A côté de ces totaux, vous avez le pourcentage; est-ce correct
23 ?
24 REPONSE : C'est exact.
25 QUESTION : Puis il énumère les différents groupes nationaux. M. Gow,
Page 95
1 quelle langue ou langues au pluriel parlent les divers groupes
2 ethniques dans l'ex-Yougoslavie ?
3 REPONSE : La principale langue parlée dans les territoires de l'ex-
4 Yougoslavie est connue sous le nom de serbo-croate, parlé par 80 %
5 environ de la population. Deux langues slaves apparentées mais
6 distinctes sont également parlées, le slovène par les Slovènes et le
7 macédonien par les Macédoniens. Les Albanais dans le sud du pays, en
8 particulier en Serbie, parlent albanais et d'autres groupes, comme
9 les Hongrois par exemple, parlent hongrois, bien que bon nombre
10 d'entre eux parlent également le serbo-croate.
11 QUESTION : Quelles sont, s'il en est, les variantes régionales dans les
12 langues de
13 l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie ?
14 REPONSE : Les philologues considèrent le serbo-croate comme une langue
15 unique mais il existe des différences entre les variantes orientale
16 et occidentale. Par exemple, la région serbe de l'ex-Yougoslavie à
17 l'est utilise l'alphabet cyrillique tandis que la variante
18 occidentale utilise l'alphabet latin. Le cyrillique est l'alphabet
19 utilisé en russe et en bulgare tandis que le latin est celui utilisé
20 en français ou en italien, le même que celui que nous employons en
21 anglais.
22 Il existe également de légères différences régionales dans la
23 façon de dire les choses et des différences de vocabulaire.
24 Certaines personnes ont ainsi été amenées à soutenir l'existence de
25 langues séparées sur une base sociolinguistique, bien que je ne sois
Page 96
1 pas un expert en la matière.
2 QUESTION : Pour en venir à la question de la religion, M. Gow, observait-
3 on des différences dans les croyances religieuses des divers groupes
4 ethniques dans la République socialiste fédérative de Yougoslavie ?
5 REPONSE : Oui, il y en avait. Les divers groupes étaient l'église
6 orthodoxe, l'église orthodoxe serbe avec aussi, plus tard, les
7 églises orthodoxes monténégrine et macédonienne, comme les églises
8 orthodoxes grecque ou russe mais avec son propre prélat. Dans les
9 territoires à l'ouest, en Croatie et en Slovénie, la religion
10 catholique romaine dominait, et dans certaines régions du pays, dans
11 le sud de la Serbie, parmi les Albanais de la province du Kosovo en
12 Serbie et parmi les Slaves musulmans dans les régions frontalières
13 du Monténégro et de la Serbie ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine,
14 l'Islam était la culture et la religion - était la caractéristique
15 religieuse, la religion dominante.
16 QUESTION : M. Gow, vous avez évoqué plus tôt dans votre témoignage la
17 répartition démographique de la République socialiste fédérative de
18 Yougoslavie. En vous concentrant maintenant plus spécifiquement sur
19 la République de Bosnie-Herzégovine, connaissez-vous l'évolution de
20 la répartition démographique dans cette République depuis 1991 ?
21 REPONSE : Je sais qu'il y a eu d'importants déplacements de la population
22 en Bosnie-Herzégovine depuis 1991.
23 QUESTION : Pourriez-vous un instant examiner le document qui apparaît
24 maintenant sur votre écran, marqué 1-9 et peut-être que la moitié
25 inférieure pourrait être agrandie ? M. Gow, quel document
Page 97
1 particulier examinons-nous actuellement ?
2 REPONSE : C'est un tableau qui décrit le changement dans la ventilation
3 démographique de régions particulières dans toute la Bosnie-
4 Herzégovine depuis 1991. Vous pouvez voir indiqué dans la colonne de
5 gauche toute une série de régions. L'ethnie figure dans la deuxième
6 colonne. La troisième colonne montre les chiffres du recensement de
7 1991 pour chaque groupe ethnique dans ces régions particulières. La
8 dernière colonne indique les chiffres du pourcentage ethnique en
9 1994 dans une région particulière et ces chiffres de 1994 sont tirés
10 de rapports du HCR des Nations Unies.
11 QUESTION : Sous la direction de qui ce document a-t-il été établi ?
12 REPONSE : Ce document a été établi sous ma direction par le Bureau du
13 Procureur.
14 QUESTION : Nous allons maintenant examiner uniquement le bas de ce
15 document si vous le voulez bien. Est-ce que la variation des
16 chiffres est plus marquée dans une région que dans les autres, M.
17 Gow ?
18 REPONSE : Vous pouvez observer une variation sensible dans un certain
19 nombre de régions. Si, par exemple, vous regardez la partie du
20 tableau qui est affichée actuellement, l'avant-dernière région
21 mentionnée au bas est la Bosnie du nord. Vous pouvez constater un
22 gonflement de la population serbe dans cette région de près de
23 100 000 personnes mais, simultanément, on note une baisse très
24 marquée des communautés croate et musulmane, la première tombant,
25 comme vous pouvez le voir, de 180 000 à 30 000 et la seconde
Page 98
1 reculant de 355 000 à 40 000.
2 M. NIEMANN : Je dépose ce document, Madame la Présidente.
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce 7 ?
4 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 7 est admise.
6 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, voulez-vous examiner le document suivant,
7 s'il vous plaît ?
8 JUGE STEPHEN : Puis-je poser une question ? Je ne vois pas très bien
9 comment le recensement a été effectué durant les temps difficiles de
10 1994 comme, apparemment, il semble l'avoir été. Le recensement a-t-
11 il été complet ?
12 M. NIEMANN : Je vais poser la question au témoin, monsieur le Juge. Je
13 m'apprêtais à le faire. Vous avez entendu la question de Monsieur le
14 Juge. Pouvez-vous nous expliquer la façon dont ces chiffres ont été
15 obtenus ?
16 REPONSE : Si je peux éclaircir ce point. Je crois l'avoir déjà dit mais
17 pour être parfaitement clair, les chiffres de 1994 sont tirés de
18 rapports du HCR des Nations Unies et non de recensements. Le Haut
19 Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ses agents dans la
20 région qui travaillent tous avec les communautés et communiquent le
21 nombre de personnes dans chacune des communautés où ils travaillent.
22 Il ne s'agit pas d'un recensement effectué par les autorités
23 gouvernementales.
24 JUGE STEPHEN : Merci.
25 M. NIEMANN : Pour continuer sur ce point, M. Gow, pouvez vous examiner le
Page 99
1 document suivant qui est affiché sur l'écran ?
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Peut-on rester un instant sur ce point parce que
3 vous indiquez la date de 1991 sur la colonne relative à l'avant-
4 guerre sur la pièce 7. Il s'agissait donc d'un recensement officiel
5 ?
6 LE TEMOIN : C'était un recensement officiel effectué par le Bureau fédéral
7 des statistiques à Belgrade.
8 M. NIEMANN : Peut-on montrer le document suivant, 1-10 à 1-11 et pourrait-
9 on agrandir la première page ? M. Gow, tout d'abord, en regardant la
10 première page du document qui figure maintenant à l'écran, pouvez-
11 vous dire à la Chambre de quel document il s'agit ?
12 REPONSE : Il s'agit d'un document produit par le Haut Commissariat des
13 Nations Unies pour les réfugiés et c'est le genre d'informations
14 qu'il publie à intervalles pour informer de ses activités et de la
15 situation dans les régions où il opère. Ce document particulier
16 contient des renseignements sur l'ex-Yougoslavie à compter de 1994.
17 QUESTION : Ce document se rapporte-t-il à la pièce précédente ?
18 REPONSE : Les renseignements que nous venons de discuter sur la part des
19 communautés dans des régions particulières étaient extraits de ce
20 document.
21 QUESTION : Vous pourriez peut-être passer à la deuxième page de ce
22 document particulier, 1-11 ? M. Gow, s'agit-il des estimations sur
23 la variation de la population auxquelles vous faisiez référence ?
24 REPONSE : Oui.
25 M. NIEMANN : Je dépose ce document, Madame la Présidente.
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
2 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 8 est admise.
4 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, voulez-vous s'il vous plaît examiner le
5 document suivant que j'ai appelé sur l'écran, le document 2-3. De
6 quelle carte s'agit-il ?
7 REPONSE : C'est une carte qui indique les directions empruntées par une
8 foule de personnes durant leur exode du territoire de Bosnie-
9 Herzégovine en 1992, en direction des Etats voisins, en Croatie, au
10 Monténégro et en Serbie. La majorité de ces populations déplacées
11 relevaient de trois catégories : les personnes déplacées à
12 l'intérieur de la Bosnie, celles qui sont passées dans des Etats
13 voisins et celles qui sont parties vers des Etats plus éloignés, en
14 Europe de l'ouest ou ailleurs dans le monde.
15 QUESTION : Quand vous dites "indique", vous voulez parler des diverses
16 flèches qui figurent ici ?
17 REPONSE : Oui.
18 QUESTION : Que représente cette section en vert, qui est marquée ici ?
19 REPONSE : la section marquée en vert montre les régions sous contrôle
20 serbe à l'époque en République de Croatie.
21 QUESTION : M. Gow, cette carte a-t-elle été préparée sous votre direction
22 ?
23 REPONSE : Cette carte a été établie sous ma direction par le Bureau du
24 Procureur.
25 QUESTION : A partir de quels documents avez-vous recueilli les
Page 101
1 renseignements qui figurent sur cette carte ?
2 REPONSE : Les renseignements ont été tirés là encore des rapports du HCR
3 des Nations Unies auquel j'ai fait référence.
4 M. NIEMANN : Je dépose ce document.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections au document 9 ?
6 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Puis-je poser seulement une question en ce qui
8 concerne le document 9 ? Il est admis comme pièce à conviction.
9 Aucune flèche ne part de Prijedor, n'est-ce pas, à moins que je
10 doive considérer que la flèche sur la droite couvre Prijedor ? Je
11 m'excuse, M. Gow, pouvez-vous m'aider ?
12 LE TEMOIN : Vous avez raison de dire qu'il n'y a pas de flèche venant
13 directement de Prijedor. Les flèches n'ont qu'une valeur indicative;
14 elles n'établissent pas de relation spécifique à un endroit
15 spécifique et la population de Prijedor, en fait, s'est dirigée vers
16 le nord en direction de la Croatie, comme l'indique la flèche
17 légèrement sur la droite.
18 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, vous avez un stylet électronique sur le
19 côté de l'ordinateur qui vous permettrait peut-être d'aider Madame
20 la Présidente en vous référant à des points spécifiques ? Vous
21 pourriez peut-être indiquer simplement la direction générale
22 empruntée par les habitants de Prijedor lors de leur exode ?
23 REPONSE : Pour autant que je sache, la population de Prijedor - Prijedor
24 est ici - se serait déplacée vers le nord en Croatie. Bon nombre des
25 habitants sont également partis vers l'ouest, vers la région de
Page 102
1 Bihac dont la population était à majorité musulmane et qui l'est
2 restée durant la majeure partie de la guerre. J'espère que mes
3 petites flèches apportent quelques éclaircissements. Sinon ...
4 QUESTION : Merci.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ils se seraient donc dirigés ...
6 LE TEMOIN : Pour la plupart les habitants sont partis dans ces directions.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : De quels habitants parlez-vous ?
8 REPONSE : Il s'agit essentiellement de Musulmans slaves qui constituaient
9 le groupe le plus important ayant quitté la région, comme indiqué
10 dans ma référence antérieure au tableau. Ce serait injuste de dire
11 que les Musulmans slaves sont les seuls à avoir quitté cette région.
12 Dans toutes les régions ... des membres de toutes les communautés
13 ont connu l'exode dans la plupart des régions. La différence est le
14 nombre concerné et l'échelle.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci M. Gow.
16 M. NIEMANN : M. Gow, j'aimerais maintenant si vous le voulez bien, revenir
17 au contexte politique historique de l'ex-Yougoslavie. Quand est-ce
18 que l'entité connue sous le nom de Yougoslavie a été proclamée pour
19 la première fois ?
20 REPONSE : Elle a été proclamée le 1er décembre 1918.
21 QUESTION : J'aimerais que nous examinions maintenant une série de
22 documents, une série de cartes intéressant l'évolution de l'Etat
23 fédéral de Yougoslavie. Le premier document que je vous demanderais
24 d'examiner est le document 2-4, si vous le voulez bien ? M. Gow,
25 tout d'abord, que représente cette carte ?
Page 103
1 REPONSE : Il s'agit d'une carte montrant les territoires qui ont constitué
2 le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes quand il a été constitué
3 le 1er décembre 1918 bien que je doive également mentionner que
4 cette formation n'a pas été officiellement consolidée pendant trois
5 autres années. Si vous examinez la carte, vous pouvez voir
6 l'évolution du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, rebaptisé
7 plus tard Yougoslavie.
8 Si je peux essayer d'utiliser ces gadgets : premièrement, il y
9 avait en gros pendant la majeure partie d'une période de cinq
10 siècles une ligne de démarcation entre deux Empires, que je vais
11 indiquer de façon générale, ici. A l'ouest et au nord s'étendait
12 l'Empire austro-hongrois des Habsbourg; à l'est et au sud se
13 trouvait l'Empire ottoman (turc).
14 QUESTION : Merci. Je dépose ce document.
15 REPONSE : Si je peux continuer, mais j'avais quelques difficultés avec les
16 gadgets. Merci. Certains changements sont intervenus dans le courant
17 du XIXe siècle. Tout d'abord, la frontière entre les deux empires
18 s'est déplacée. Elle est passée de la rivière Drina entre la Bosnie-
19 Herzégovine et la Serbie, ici, grosso modo.
20 QUESTION : Vous pourriez peut-être nous la montrer de nouveau ?
21 REPONSE : Bien sûr.
22 QUESTION : La rivière Drina que vous venez de mentionner.
23 REPONSE : Ici. La frontière est passée de la rivière Drina formant la
24 frontière entre la Serbie et la Bosnie-Herzégovine à la frontière
25 entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie d'aujourd'hui.
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1 En 1878, l'Autriche a occupé la Bosnie-Herzégovine et, par
2 conséquent, elle a été transférée officiellement en 1908 mais de
3 facto en 1878 d'un Empire à l'autre.
4 Dans le courant du XIXe siècle, la Serbie a commencé à devenir
5 indépendante de l'Empire turc ottoman. La Serbie - vous pouvez voir
6 les régions colorées à droite sur la carte. Entre 1814 et 1878 la
7 Serbie, indiquée par le vert foncé et la ligne que j'essaye
8 maintenant de tracer, est devenue totalement indépendante de facto
9 en 1878 vis-à-vis de l'Empire ottoman.
10 Durant les guerres des Balkans de 1911 à 1913, le territoire
11 de la Serbie s'est élargi pour inclure les régions qui forment
12 maintenant le Kosovo et la Macédoine dans le sud et l'ouest et, dans
13 le même temps, la région du Monténégro, qui était devenue plus ou
14 moins indépendante durant toute la période, s'est également agrandie
15 pour former une frontière commune avec la Serbie.
16 Ce sont les territoires qui ont constitué le Royaume des
17 Serbes, Croates et Slovènes quand il a été proclamé en 1918.
18 QUESTION : Cette carte a-t-elle été établie sous votre direction et
19 supervision ?
20 REPONSE : Oui.
21 M. NIEMANN : Je dépose cette carte.
22 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
23 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 10 est admise. Le moment est peut-être
25 bien choisi pour suspendre l'audience. Nous reprendrons à 16 heures.
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1 (15 h 20)
2 (Brève suspension d'audience)
3 (16 heures)
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Avant que M. Gow ne reprenne ... Nous discutions
5 de la façon de traiter certaines des pièces à conviction, en
6 particulier celles marquées par M. Gow. Je crois comprendre que
7 notre technologie nous permet de conférer un caractère permanent à
8 ces notations.
9 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Dans certains cas, les Juges aimeraient que les
11 pièces à conviction qui sont annotées deviennent une pièce à
12 conviction supplémentaire. Par exemple, celle sur laquelle M. Gow a
13 tracé les flèches montrant la direction de l'exode des habitants de
14 Prijedor, la pièce à conviction 5 n'est-ce pas ? Non ?
15 M. NIEMANN : La pièce 9, je crois, Madame la Présidente.
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, oui, la carte des routes suivies. Elle nous
17 est utile. Pourriez-vous faire en sorte que celle avec les notations
18 soit déposée comme la pièce 9A ou avez-vous d'autres suggestions sur
19 ce point ?
20 M. NIEMANN : Si la Cour n'y voit pas d'objections, je pense que la façon
21 probablement la plus facile est qu'elle fasse partie de la pièce à
22 conviction, si c'est d'accord, et que nous l'appelions simplement
23 partie de la pièce à conviction 9. Maintenant, chaque fois que M.
24 Gow tracera une annotation, je demanderai aux techniciens d'en faire
25 une copie et de l'incorporer comme partie de la pièce à conviction.
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La seule objection éventuelle - je ne sais pas;
2 j'entendrais la Défense - est que vous avez reçu une copie de la
3 pièce 9 et je suis certain que vous l'avez examinée et vous n'y avez
4 peut-être aucune objection. Mais maintenant, une fois que la pièce à
5 conviction 9 est annotée, vous n'avez pas eu l'occasion de procéder
6 à un contre-interrogatoire sur ce point. Avez-vous des objections à
7 ce que cela soit incorporé avec 9 et vous procéderez ultérieurement
8 au contre-interrogatoire. Qu'en pensez-vous ?
9 M. WLADIMIROFF : Jusqu'à présent, nous n'avons aucun problème avec cela et
10 donc nous n'y objectons pas. Cela changera peut-être durant
11 l'interrogatoire mais jusqu'à présent nous n'avons pas de problème
12 sur ce point.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. S'il n'y a pas d'objections à la
14 modification apportée à la pièce à conviction, nous garderons le
15 même numéro. Dans ce cas il s'agit de 9 et la pièce portant les
16 notations apportées par M. Gow est également la pièce 9. Si une
17 objection est soulevée quant aux notations apportées, vous devrez
18 alors lui donner un numéro différent.
19 M. NIEMANN : Un numéro différent.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : ... peut-être, et je ne sais pas comment nous
21 emploierons des lettres comme "A".
22 M. NIEMANN : Peut-être Madame, Messieurs de la Cour, après y avoir
23 réfléchi un instant, il pourrait être préférable que je leur donne
24 une lettre chaque fois qu'un document est annoté, disons 9A, 9B et
25 9C et cela figurera aussi dans le compte rendu. Le document peut
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1 être annoté de cette façon. C'est peut-être plus facile.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je le pense. La pièce 9 est donc la carte
3 originale des directions prises par la population. Celle portant les
4 notations deviendrait alors 9A.
5 M. NIEMANN : Oui.
6 M. WLADIMIROFF : Nous nous associons à cette idée; elle nous paraît très
7 pratique.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Nous avons donc admis la pièce à
9 conviction 9, figurant sur votre liste sous la cote informatique 2-
10 3; puis nous avons 9A, qui serait la pièce 9 avec les notations de
11 M. Gow.
12 M. NIEMANN : Madame, Messieurs de la Cour, je souhaiterais revenir, si
13 vous le permettez, à la pièce 9 et demander à M. Gow de recommencer
14 et d'y retracer les notations.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Je crois que les Juges pensaient à une
16 autre pièce.
17 JUGE STEPHEN : Il s'agit de la pièce 11, non 10.
18 JUGE VOHRAH : La pièce 10, la dernière.
19 M. NIEMANN : Nous reviendrons en arrière.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Recommençons à 9 et créons la pièce 9A puis nous
21 passerons à 10. Nous souhaitons aussi que les notations fassent
22 partie d'une pièce distincte. Parfait.
23 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, en regardant la pièce à conviction 9A, je
24 voulais dire 9, la pièce 9 qui apparaît maintenant sur votre écran,
25 voulez vous tracer avec votre stylet électronique, comme vous l'avez
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1 déjà fait durant votre témoignage, les directions ou routes
2 générales suivies par les personnes qui étaient des réfugiés de la
3 région de Prijedor ?
4 REPONSE : Tout d'abord, je vais de nouveau marquer Prijedor. Je vais
5 donner une indication générale des directions prises par la
6 population. Je souligne que tout ceci ne provient pas de documents
7 individuels mais qu'il s'agit seulement de mouvement généraux. Sans
8 vouloir mettre la charrue avant les boeufs, je ferais remarquer que,
9 dans certains cas, ils ont reçu une certaine forme d'assistance pour
10 effectuer ces déplacements.
11 M. NIEMANN : Je dépose ce document, Madame, Messieurs de la Cour.
12 Pourrait-on en imprimer une copie sur papier et donner à cette pièce
13 le numéro 9A ?
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à la pièce 9A ?
15 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce 9A est admise.
17 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, pouvez-vous examiner le document suivant,
18 que je vous montre, la pièce 10 ? M. Gow, en regardant ce document
19 que vous voyez maintenant sur l'écran, vous lui avez apporté
20 quelques notations durant votre témoignage relatives à la division
21 en deux empires, l'Empire austro-hongrois et l'Empire ottoman.
22 Pourriez-vous le refaire pour nous sur une copie ?
23 REPONSE : J'ai indiqué que, parmi d'autres endroits, la frontière entre
24 les deux empires ... Peut-être que si j'essayais une sorte de
25 hachures ici, le long de la rivière Drina, la frontière entre la
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1 Serbie et la Bosnie-Herzégovine a aussi constitué la frontière entre
2 les deux empires pendant près de cinq siècles, de 400 à 500 ans.
3 Mais, en 1878, sous les auspices du Congrès de Berlin,
4 l'Autriche a annexé la Bosnie-Herzégovine, de sorte que la frontière
5 entre les deux empires est devenue de facto cette frontière, ici, la
6 frontière entre la Bosnie et la Croatie d'aujourd'hui. Cette
7 frontière a été confirmée en 1908 quand la Bosnie-Herzégovine a été
8 transférée juridiquement en totalité à l'Empire austro-hongrois
9 après son annexion de facto en 1878.
10 QUESTION : M. Gow, si la technologie le permet, pourriez-vous simplement
11 écrire la date sur les deux lignes pour nous aider à les distinguer
12 ?
13 REPONSE : Je vais essayer. Ce n'est pas aussi facile que cela en a l'air !
14 Ici se trouvait ... C'est un peu comme de retourner à l'école
15 primaire. J'espère que ce sera suffisamment clair pour la Cour.
16 M. NIEMANN : Merci. Madame, Messieurs de la Cour, je dépose ce document
17 comme la pièce à conviction 10A.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
19 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 10A est admise.
21 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, pendant que cette pièce à conviction est
22 sur l'écran, voulez-vous attirer notre attention sur un autre point
23 la concernant ?
24 REPONSE : Si je peux ...
25 QUESTION : Vous pourriez peut-être effacer votre écran de sorte que si
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1 vous annotez de nouveau la pièce on puisse lui donner le numéro 10B.
2 REPONSE : Avant la suspension d'audience, j'expliquais comment, dans le
3 courant du XIXe siècle, la Serbie a acquis son indépendance,
4 premièrement dans la région de la Serbie au sens strict - la Serbie
5 au sens strict marquée en vert olive sombre sur cette carte.
6 Pourrait-on m'apporter une aide technique ? J'essaye de marquer la
7 ligne et de faire défiler l'écran. Cela marche maintenant, merci.
8 La ligne marquée en vert olive sombre sur laquelle est écrit
9 "Serbie", c'est la ligne de démarcation de la Serbie lorsqu'elle est
10 devenue indépendante entre 1814 et 1878. L'indépendance a été
11 confirmée en 1878. J'ai ajouté que, durant la guerre des Balkans
12 entre 1911 et 1912, le territoire de cet Etat serbe indépendant a
13 été élargi de sorte à inclure les territoires marqués en couleur
14 chamois qui, pour l'essentiel, forment aujourd'hui les régions du
15 Kosovo et de la Macédoine.
16 QUESTION : Pour le procès-verbal, c'est la couleur orange clair que vous
17 avez tracée autour ?
18 REPONSE : Oui, je l'ai appelée couleur chamois. Oui, la région autour de
19 laquelle je viens de tracer la ligne où sont marquées les villes de
20 Pristina et Skopje.
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi, monsieur Wladimiroff, je crois que
22 M. Tadic n'a pas mis ses écouteurs.
23 M. WLADIMIROFF : Oui, je vois mais dans la mesure où cela ne le gène pas,
24 nous n'y voyons aucun problème.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
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1 M. NIEMANN : Oui, continuez.
2 LE TEMOIN : J'ai également indiqué que le Monténégro, qui est resté plus
3 ou moins indépendant durant toute cette période et n'a jamais fait
4 partie de l'Empire ottoman , a également élargi ses frontières dans
5 cette région marquée en jaune sur la carte, de sorte qu'elle est
6 devenue une frontière commune avec la Serbie et le Monténégro avant
7 la première guerre mondiale.
8 QUESTION : Vous pourriez peut-être indiquer la section que vous venez de
9 mentionner par une flèche ?
10 REPONSE : Cette région ici, marquée en jaune, ou en jaune légèrement
11 verdâtre, sur la carte - le Monténégro est indiqué par le nom
12 figurant dans la mer Adriatique et la ligne indiquant le territoire
13 du Monténégro. Est-ce que je peux effacer maintenant cet écran ?
14 QUESTION : J'aimerais que ce document soit déposé. Pourrait-on l'appeler
15 la pièce no 10 B, s'il plaît à la Cour ?
16 M. WLADIMIROFF : Pas de problème.
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 10B est admise.
18 LE TEMOIN : Est-ce que je peux continuer ?
19 M. NIEMANN : Oui, s'il vous plaît.
20 REPONSE : Finalement, uniquement aux fins de référence pour vos
21 discussions ultérieures, Madame, Messieurs de la Cour, je précise
22 également que vous avez aussi les régions marquées sur la carte qui
23 relevaient de l'Empire austro-hongrois, après 1878, les territoires
24 de Bosnie-Herzégovine et les régions marquées Croatie-Slavonie et
25 Dalmatie ainsi que le territoire qui est devenu la Slovénie indiqué
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1 dans le nord où vous pouvez observer la ville de Ljublijana. Ces
2 territoires, le tracé des territoires que vous voyez là, est presque
3 ... Dans presque tous les cas, c'est le même que le tracé des
4 territoires qui allaient devenir les Etats de Bosnie-Herzégovine et
5 de Croatie après 1991, et leur sécession de la République socialiste
6 fédérative de Yougoslavie. Vous pouvez voir que la Croatie-Slavonie
7 et la Dalmatie sont traitées comme des territoires distincts. Cela
8 tient à ce que, bien qu'elles aient formé partie d'un Royaume de
9 Croatie-Slavonie et Dalmatie, elles faisaient aussi partie de deux
10 principautés différentes, l'une relevant de la sphère d'influence
11 hongroise dans l'Empire des Habsbourg et l'autre, la Dalmatie,
12 relevant de la sphère d'influence autrichienne. La Bosnie-
13 Herzégovine était une principauté au sein de cet empire. Merci.
14 M. NIEMANN : Madame, Messieurs de la Cour, cette carte n'ayant pas été
15 modifiée ou annotée par M. Gow, je ne vais pas en demander le dépôt.
16 (Au témoin) : Pourriez-vous maintenant regarder la carte, le
17 document 2-5 ...
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : S'agit-il de la pièce 10 ?
19 M. NIEMANN : Madame la Présidente, celle qui figurait sur l'écran à
20 l'instant était la pièce 10 mais M. Gow n'y a apporté ni notation ni
21 modification.
22 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : 10 avait déjà été admise ?
23 M. NIEMANN : Oui.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
25 M. NIEMANN (Au témoin) : Regardant 2-5, au plan de l'évolution historique
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1 et politique de la Yougoslavie, que pouvez-vous nous dire sur cette
2 carte particulière ?
3 REPONSE : Cette carte montre les territoires qui ont fini par former le
4 Royaume des Serbes, Croates et Slovènes en 1918. Vous pouvez voir
5 que le territoire de la Serbie est marqué en deux couleurs comme
6 auparavant; la couleur la plus sombre indique la Serbie au sens
7 étroit, telle qu'elle était au XIXe siècle, durant les années 1800,
8 et la région connue sous le nom de Serbie du sud est marquée en
9 marron plus clair.
10 Vous pouvez voir également, comme je l'ai indiqué sur la carte
11 précédente, les territoires du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine,
12 de la Croatie-Slavonie et de la Dalmatie. Dans la partie nord de ce
13 territoire vous pouvez observer, si je peux l'indiquer par une
14 croix, les territoires qui devaient devenir la Slovénie.
15 Vous observerez aussi que la frontière ici n'est pas la même
16 que ... La frontière avec l'Italie n'était pas la même que celle qui
17 a été établie ultérieurement dans la République socialiste
18 fédérative de Yougoslavie et qui sera plus à l'ouest. La région
19 marquée dans la couleur la plus claire était connue, durant les
20 trois premières années du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes
21 jusqu'aux élections de 1921, sous le nom de Serbie du sud et c'est
22 dans cette région que les élections ... C'est dans le cadre de ces
23 circonscriptions administratives que les élections et les
24 recensements, etc., les fonctions administratives, étaient exécutés.
25 QUESTION : M. Gow, cette carte a-t-elle été préparée sous votre direction
Page 114
1 ?
2 REPONSE : Oui.
3 QUESTION : Merci. Madame, Messieurs de la Cour, je dépose ce document
4 comme la pièce 11 et demande que l'original avec les annotations
5 soit conservé.
6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à la pièce 11 ?
7 M. WLADIMIROFF : Non.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 11 est admise et aucune indication n'y
9 figurera. Est-ce bien ce que vous vous voulez ?
10 M. NIEMANN : Madame, Messieurs de la Cour, nous n'avons pas besoin de
11 créer une autre pièce parce que les annotations figurent sur celle-
12 ci et nous pouvons la déposer comme pièce no 11.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce no 11 est admise.
14 M. WLADIMIROFF : Telle qu'annotée.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Telle qu'annotée. Elle diffère donc légèrement
16 de 11 telle que présentée originellement. Vous n'allez pas demander
17 le dépôt de 11A annotée ? Bien. Parfait. Je ferais ce que vous
18 voulez tous les deux. La pièce 11 annotée est admise.
19 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, j'aimerais maintenant que vous examiniez
20 la carte suivante qui est affichée à l'écran, 2-6. Pouvez-vous nous
21 dire, M. Gow, ce que cette carte représente ?
22 REPONSE : Cette carte montre les circonscriptions administratives du
23 Royaume de Yougoslavie après le changement de nom de 1929 et après
24 que le Roi Alexandre ait essayé de créer dans le pays une nouvelle
25 structure administrative qui s'écarterait d'une certaine façon des
Page 115
1 identités historiques des territoires.
2 QUESTION : Sous la direction de qui cette carte a-t-elle été établie ?
3 REPONSE : Elle a été établie sous ma direction par le Bureau du Procureur.
4 QUESTION : Merci. Y a-t-il autre chose que vous puissiez nous dire
5 concernant cette carte que vous voudriez introduire comme élément de
6 preuve ?
7 REPONSE : J'attirerais seulement l'attention sur la façon dont les
8 frontières de la structure interne du Royaume de Yougoslavie
9 diffèrent de celles des territoires qui devaient constituer le
10 Royaume des Serbes, Croates et Slovènes en 1918 avant le changement
11 de nom en Royaume de Yougoslavie en 1929, ainsi que de celles des
12 territoires qui devaient devenir les Républiques au sein de la
13 République socialiste fédérative de Yougoslavie, l'Etat fédéral qui
14 a été dissout en 1991.
15 QUESTION : Y a-t-il des raisons particulières à cette différence ?
16 REPONSE : Le roi Alexandre essayait alors d'encourager la notion de
17 "Yougoslavisme". Il essayait de rompre avec les identités
18 traditionnelles, historiques et culturelles des territoires et la
19 modification de la structure administrative était une façon de
20 rompre, si je peux l'appeler ainsi, un moule historique.
21 QUESTION : Et les frontières historiques traditionnelles ?
22 REPONSE : C'est bien le cas, oui.
23 QUESTION : Je demande, s'il plaît à la Cour, que cette carte soit admise
24 comme moyen de preuve et soit inscrite comme la pièce à conviction
25 no 12 ?
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1 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 12 est admise sans objections.
3 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, s'il vous plaît, pourriez-vous examiner
4 la carte suivante que je vous montre maintenant, le document 2-7 ?
5 Pouvez-vous nous expliquer ce que ce document représente ?
6 REPONSE : Cette carte représente un arrangement conclu en 1939 dans le
7 cadre duquel une "banovina", une région en grande partie autonome, a
8 été établie sous administration croate. Ceci, vous vous rappellerez
9 la carte précédente, indiquait les frontières, les frontières
10 administratives de 1929. Le Royaume de Yougoslavie, et avant cela le
11 Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, connaissait des problèmes
12 politiques. Il s'était, pour commencer, heurté à une série de
13 difficultés politiques de caractère ethnique et national. Les
14 accords de 1929 étaient une initiative en vue de les régler. Ils se
15 sont en grande partie soldés par un échec.
16 A certains égards, les Croates étaient mécontents envers
17 l'Etat et un accord a été conclu en 1939 établissant cette région
18 croate autonome, la "banovina", indiquée par les lignes vertes sur
19 les cartes. Cette carte montre la "banovina" croate après 1939.
20 QUESTION : Merci. Cette carte a-t-elle été préparée sous votre direction ?
21 REPONSE : Oui.
22 M. NIEMANN : S'il plaît à la Cour, je dépose cette carte.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
24 M. WLADIMIROFF : Pas de problème.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 13 est admise.
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1 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, pourriez-vous examiner la carte suivante
2 que je vous montre, 2-8 ? Pouvez-vous nous expliquer ce qu'elle
3 représente ?
4 REPONSE : Cette carte indique les régions sur les territoires de l'ex-
5 Yougoslavie qui ont été touchées par la Seconde guerre mondiale
6 après l'invasion par l'Allemagne nazie en 1941 et par l'Italie. Vous
7 pouvez voir que la carte indique de façon générale, si je peux
8 utiliser le stylet, une zone italienne et une zone allemande.
9 Les territoires, certains des territoires indiqués en vert ont
10 été transférés à l'Italie, en vert foncé; certaines régions en vert
11 plus clair ont été placées sous contrôle italien; certaines régions
12 en rouge, ont été placées sous contrôle allemand et celles en jaune
13 ont été mises sous contrôle hongrois. En bas, dans le coin de
14 droite, vous pouvez voir en bleu clair les régions qui ont été
15 placées sous contrôle bulgare.
16 Les territoires du Royaume de Yougoslavie ont été divisés
17 après l'invasion des puissances de l'Axe. Certains des alliés de
18 l'Allemagne ont, comme je l'ai indiqué, été récompensés par des
19 territoires et l'Etat indépendant de Croatie a été créé dans
20 d'autres régions indiquées sur cette carte, en grande partie la
21 région en blanc. Cet Etat a été administré par un groupe connu sous
22 le nom des Oustachis avec, à sa tête, un homme appelé Ante Pavelic.
23 Il s'était réfugié en Italie durant les années 1930 et était appuyé
24 par le leader italien Mussolini pour se saisir du contrôle de l'Etat
25 indépendant de Croatie. Il s'agissait, en un sens, d'un Etat nazi
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1 fantoche et il a été responsable de ... Et les régions comprenaient
2 également d'importantes parties non seulement de la Croatie mais
3 aussi de la Bosnie-Herzégovine. Au sein de cet Etat indépendant de
4 Croatie, vous pouvez noter également, comme je l'ai indiqué par les
5 deux croix, une zone d'influence allemande et un zone d'influence
6 italienne.
7 QUESTION : M. Gow, pouvez-vous nous donner un calendrier approximatif en
8 termes d'années en ce qui concerne cette division entre la zone
9 allemande et la zone italienne ?
10 REPONSE : La division est intervenue après l'invasion des puissances de
11 l'Axe en 1941, en avril 1941 et, en un sens, elle a duré jusqu'à la
12 fin de la Seconde guerre mondiale en 1945 bien que le contrôle de
13 parties du territoire ait changé de mains dans le courant de la
14 guerre en Yougoslavie.
15 J'ajouterais seulement que la région en rouge, à droite sur la
16 carte où il est écrit "Serbie occupée par l'Allemagne", constituait
17 un protectorat serbe sous ... Un protectorat allemand sur la Serbie
18 sous administration locale serbe.
19 QUESTION : M. Gow, cette carte a-t-elle été préparée sous votre
20 supervision et sous votre direction ?
21 REPONSE : Oui.
22 M. NIEMANN : Madame, Messieurs de la Cour, la carte affichée à l'écran
23 peut-elle être conservée et recevoir le numéro de -- comme pièce à
24 conviction. Je dépose cette carte, Madame la Présidente.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à 14 ?
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1 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente, pas d'objections.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce à conviction 14 est admise.
3 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, que signifie le terme "Yougoslave" ?
4 REPONSE : "Yougoslave" signifie "Slave du sud". Le terme serbo-croate pour
5 "sud" est "Jug".
6 QUESTION : Quel était l'objectif de la formation de la Yougoslavie ?
7 REPONSE : La formation de la Yougoslavie en 1918, à l'époque le Royaume
8 des Serbes, Croates et Slovènes, était censée permettre de réunir en
9 un seul Etat ces différents peuples qui semblaient, apparemment,
10 avoir beaucoup de choses en commun.
11 QUESTION : Quelles sont les grandes caractéristiques géographiques et
12 topographiques de la Yougoslavie ?
13 REPONSE : La géographie de la Yougoslavie est presque aussi diversifiée
14 que ses groupes ethniques. Il existe un certain nombre de régions
15 distinctes différentes, les plaines, les plaines Pannoniennes, au
16 nord et à l'est; une série de chaînes de montagnes, alpines et non-
17 alpines au nord et à l'ouest; et la région côtière de l'Adriatique,
18 qui est une région méditerranéenne.
19 QUESTION : Pour vous aider peut-être sur ce point, le document 2-9 peut-il
20 être affiché à l'écran, s'il vous plaît ? Tout d'abord, pouvez-vous
21 me dire ce que cette carte représente essentiellement ?
22 REPONSE : Il s'agit d'une carte topographique des territoires de l'ex-
23 Yougoslavie. La carte, telle qu'elle a été préparée initialement,
24 avait pour but de montrer le terrain militaire et elle a été établie
25 par l'Etat-major du Ministère de la défense au Royaume-Uni.
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1 QUESTION : Vous pourriez peut-être passer en revue les diverses
2 caractéristiques géographiques et topographiques que vous venez de
3 décrire il y a un instant concernant cette question ?
4 REPONSE : Comme je l'ai indiqué, le degré de variation (sic) dans la
5 région nord-est du pays, vous avez une grande plaine.
6 QUESTION : Votre tracé traverse la région où se trouve Belgrade et va
7 jusqu'à Novi Sad ?
8 REPONSE : Oui. Toute la région du nord-est. Une partie de cette plaine
9 s'étend aussi à l'ouest dans une certaine mesure, à travers des
10 régions de la Croatie. Les montagnes alpines que j'ai mentionnées se
11 dressent dans le nord-ouest, sur le territoire de la Slovénie. Les
12 montagnes dinariques se trouvent dans des parties de la Bosnie-
13 Herzégovine et du Monténégro.
14 QUESTION : Vous descendez maintenant vers la région de Sarajevo, est-ce
15 exact ?
16 REPONSE : J'annote à gauche, soit à l'ouest de Sarajevo, la région en brun
17 foncé sur cette carte, traversant des parties du Monténégro. Cette
18 région est non seulement couverte de hautes montagnes mais elle est
19 aussi extrêmement boisée. Enfin, j'ai mentionné la région de la côte
20 adriatique avec son climat méditerranéen. Il s'agit de cette région,
21 ici, la région côtière avec de nombreuses îles.
22 M. NIEMANN : S'il plaît à la Cour, je dépose cette carte.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
24 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 15 annotée est admise.
Page 121
1 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, les caractéristiques géographiques de
2 l'ex-Yougoslavie ont-elles eu un impact sur son évolution historique
3 et culturelle ?
4 REPONSE : Est-ce que je peux effacer cette carte et l'utiliser de nouveau
5 ?
6 QUESTION : Oui. Je pourrais peut-être vous montrer une meilleure carte. On
7 pourrait peut-être appeler le document 2-10 pour M. Gow ?
8 REPONSE : Si je peux me permettre, je pourrais commencer avec la carte 2-9
9 et passer à ...
10 QUESTION : Peut-on afficher de nouveau la pièce 15 sur l'écran ?
11 REPONSE : Merci beaucoup. Dans la mesure où on peut avancer de pareilles
12 choses, les caractéristiques géographiques, telles qu'elles figurent
13 sur la carte, signifient qu'une région comme la Bosnie-Herzégovine,
14 avec ses montagnes élevées fortement boisées, ainsi que les régions
15 frontalières de la Serbie et du Monténégro, en ont fait
16 historiquement des obstacles naturels au plan des opérations
17 militaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette région est
18 devenue la zone frontalière entre les deux empires. C'est une région
19 dans laquelle il était soit difficile de progresser soit difficile
20 d'être délogé, bien que ce ne fût pas impossible. Une autre
21 conséquence, bien que je ne sois pas ethnologue, est peut-être la
22 création de petites communautés dans des régions isolées
23 particulières à l'intérieur de vallées dans ces régions extrêmement
24 montagneuses. Si je peux poursuivre ...
25 QUESTION : Oui.
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1 REPONSE : ... et la carte 2-10 que vous avez montrée antérieurement ?
2 QUESTION : Nous pourrions peut-être maintenant passer à la carte 2-10. Que
3 représente cette carte M. Gow ?
4 REPONSE : C'est une carte qui montre l'étendue des populations orthodoxes
5 dans tous les territoires de l'ex-Yougoslavie avant la formation de
6 la Yougoslavie. Le type de frontières naturelles, historiques,
7 géographiques que j'ai mentionnées ont conduit à une situation,
8 comme vous pouvez le voir, dans laquelle vous avez une nombreuse
9 population orthodoxe, c'est-à-dire l'église orthodoxe comme l'église
10 orthodoxe serbe et, comme je l'ai dit, les églises orthodoxes
11 grecque et russe qui, comme il est indiqué sur cette carte, dans les
12 régions en marron clair, étaient en majorité, et dans les régions en
13 vert faisaient partie de populations mixtes. Cela est bien sûr un
14 peu simplifié. Toutes les régions seraient habitées par des
15 populations mixtes mais l'une indique une population majoritaire et
16 l'autre une population ayant une majorité relative.
17 Ces régions ont présenté une importance historique quand la
18 Serbie a acquis son indépendance au XIXe siècle parce que l'on
19 désirait réunir tous les orthodoxes à l'intérieur des frontières
20 d'un seul Etat.
21 QUESTION : Qui a établi cette carte ?
22 REPONSE : La carte a été préparée par le Bureau du Procureur sous ma
23 direction.
24 M. NIEMANN : Je dépose ce document.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai seulement une question. Vous avez parlé de
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1 "frontières historiques". De quelle période parlez-vous ?
2 LE TEMOIN : Je vais de nouveau utiliser le stylet électronique. Comme je
3 l'ai suggéré, la frontière pendant la majeure partie de cette
4 période ...
5 QUESTION : Quelle période ?
6 REPONSE : Je m'excuse, la période couvrant environ quatre à cinq siècles
7 entre les deux empires turc ottoman et austro-hongrois des Habsbourg
8 que j'ai mentionnés, à partir du milieu du XIVe siècle, jusque vers
9 la fin de la première guerre mondiale. Comme je l'ai déjà dit, la
10 frontière est passée de la frontière entre - la frontière était la
11 frontière entre - j'ai des difficultés à tracer cette ligne.
12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Permettez-moi de vous demander ceci. La pièce
13 que nous regardons maintenant, c'est la 16, n'est-ce pas ?
14 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ce serait donc selon vous les frontières
16 historiques, naturelles par religion ...
17 REPONSE : Ce que je ...
18 QUESTION : ... pendant une certaine période ?
19 REPONSE : Ce que j'essaye d'indiquer, c'est que durant ces quelques
20 siècles, vous aviez des populations orthodoxes essentiellement à
21 l'intérieur de l'Empire ottoman, du côté est de la ligne de
22 démarcation entre les deux empires, bien qu'il y ait eu aussi des
23 populations orthodoxes à l'ouest, dans les territoires de Bosnie-
24 Herzégovine et dans l'intérieur de la Dalmatie, en Croatie, dans des
25 régions de la Croatie. Mais quand la frontière a changé après 1878,
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1 bon nombre de ces personnes sont devenues ... La frontière s'est
2 déplacée par rapport à celle ici le long de la Drina. J'espère que
3 vous pouvez le voir; cela m'est difficile.
4 M. NIEMANN : Vous indiquez sur la carte une région située à environ un
5 centimètre et demi de Sarajevo.
6 REPONSE : Oui.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je croyais que vous essayiez d'expliquer la
8 différence entre les frontières historiques, naturelles, par
9 religion pendant une certaine période, du XIVe siècle jusqu'à la fin
10 du premier conflit mondial, puis que vous compariez ces frontières
11 avec celles établies ultérieurement. C'est bien cela, ou est-ce que
12 je me trompe ? Je comprends ces différents éléments et je ne vous
13 demande pas de me dire où vous allez aboutir mais il me semble que
14 les frontières sont, d'une certaine façon, fondées sur la religion,
15 puis vous nous montrez sur une carte antérieure, celle où vous nous
16 avez indiqué la division de la Bosnie-Herzégovine entre l'Italie et
17 l'Allemagne, et puis sur une autre carte avant cela vous montrez ...
18 M. NIEMANN : La pièce 14.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : ... la façon dont elle a fini par être divisée
20 et, fondamentalement, il n'y a guère de corrélation entre la façon
21 dont elle a été divisée et les frontières religieuses, si je peux me
22 permettre. Est-ce que cela semble un peu décousu ? Je comprends ce
23 que vous me dites concernant cette carte - je peux la regarder et je
24 vous comprends - mais j'essaye de l'inscrire dans un contexte.
25 LE TEMOIN : Ce que vous avez dit sur la carte concernant la période 1941-
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1 45 est exact. J'essaye d'expliquer avec cette carte que la
2 combinaison de facteurs géographiques et historiques, politiques et
3 militaires, qui est à l'origine de la division entre les deux
4 empires, a également joué un rôle en créant une division qui, de
5 façon générale et un peu simpliste, serait une division entre la
6 religion catholique romaine d'Occident d'un côté de la ligne de
7 démarcation et les religions orthodoxes d'Orient et l'Islam de
8 l'autre côté de cette ligne. Les catholiques romains se trouvaient
9 du côté nord et ouest à l'intérieur des territoires de l'Empire des
10 Habsbourg qui ont fini par former la Slovénie et la Croatie, et les
11 religions orthodoxe et islamique couvraient les territoires qui
12 faisaient partie de l'Empire turc ottoman au sud et à l'est.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne vois pas cela parce que vous avez toute
14 une population orthodoxe là, une combinaison d'Orthodoxes, de
15 Catholiques et de Musulmans.
16 LE TEMOIN : C'est vrai. Je n'essaye pas de dire que toute la population
17 dans cette région était orthodoxe. Une population orthodoxe était
18 bien présente mais, dans certaines de ces régions en Bosnie, la
19 population était mélangée et cette partie du facteur, une partie de
20 cette situation tient à la division historique entre les deux
21 églises chrétiennes d'Orient et d'Occident remontant, je pense, au
22 IVe siècle.
23 Une autre partie de cette situation s'explique par
24 l'occupation turque ottomane des territoires pendant quatre ou cinq
25 siècles. Un autre élément est que la région ... C'est une région
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1 marquée par des fluctuations et des conflits et qui, au XIXe siècle,
2 est passée d'un Empire à l'autre, donnant naissance à un mélange ...
3 Tous ces facteurs sont à l'origine à la fois de la présence d'une
4 population orthodoxe dans ces territoires faisant partie de la
5 frontière entre les deux empires mais aussi de l'existence d'une
6 population très mixte sur le territoire d'un pays comme la Bosnie-
7 Herzégovine.
8 M. NIEMANN : Est-ce que le document figurant maintenant sur l'écran peut-
9 être déposé, Madame la Présidente, 2-10 ?
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce à conviction 16 ?
11 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.
12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 16 est admise.
13 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Gow, est-ce que l'impact de ces
14 caractéristiques géographiques, culturelles et historiques a été
15 plus prononcé dans une région particulière de la Yougoslavie ?
16 REPONSE : Comme je viens de le dire dans la réponse précédente, l'impact a
17 été plus prononcé en Bosnie-Herzégovine où la combinaison des
18 facteurs durant la période a créé une population extrêmement
19 mélangée, les groupes dominants étant les Musulmans slaves, des
20 Slaves convertis à l'Islam durant la période de l'occupation turque,
21 et ceux des confessions orthodoxe et catholique qui occupaient
22 antérieurement les territoires.
23 QUESTION : Sur cette toile de fond d'une grande diversité dont vous venez
24 de parler, où est né ce concept d'une Yougoslavie unifiée ?
25 REPONSE : L'idée d'un Etat yougoslave, d'un Etat pour les Slaves du sud,
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1 est apparue dans les territoires occupés par ces populations dans
2 l'Empire des Habsbourg, essentiellement chez les intellectuels
3 croates ainsi que certains autres. C'était l'idée que les Slaves du
4 sud seraient en mesure d'acquérir une sorte d'autodétermination dans
5 le cadre d'un Etat slave du sud commun, que les populations avaient
6 suffisamment de caractéristiques communes leur permettant de se
7 regrouper et de former un Etat dans lequel elles pourraient vivre
8 ensemble.
9 QUESTION : Est-ce que ce fut le seul idéal national qui a joué un rôle
10 dans la formation de l'Etat unifié ?
11 REPONSE : Non. Pendant que cette idée yougoslave se développait chez
12 certains intellectuels de l'Empire des Habsbourg, les intellectuels
13 slaves du sud, de même une idée naissait dans le courant du XIXe
14 siècle de l'autre côté de cette ligne de démarcation historique, en
15 Serbie, alors qu'elle acquérait son indépendance. C'était l'idée
16 d'une Serbie élargie ou d'une grande Serbie comme on l'appelait
17 ordinairement, qui comprendrait les populations orthodoxes serbes
18 dans ces régions extérieures à la Serbie au sens strict. Il pourrait
19 être utile que l'on revienne à la carte qui était, je crois, la
20 première des cartes que nous avons examinées dans cette section, la
21 carte montrant la situation avant 1949.
22 QUESTION : Peut-être la pièce 10 qui est la carte 2-4.
23 REPONSE : Si vous vous rappelez, j'ai expliqué que dans le courant du XIXe
24 siècle, la Serbie, indiquée en brun foncé sur cette carte, a acquis
25 son indépendance. L'idée d'une Grande Serbie était d'incorporer les
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1 régions dans le sud, marquées en marron clair sur cette carte, et
2 aussi de s'unifier avec les territoires du Monténégro. De plus, si
3 je peux revenir à la carte 2-10 que nous examinions il y a un
4 instant, simplement pour indiquer le mouvement vers le sud et le
5 sud-ouest. Si je peux repasser à la carte 2-10, s'il vous plaît ?
6 M. NIEMANN : Nous pourrions peut-être repasser à 2-10, qui est la pièce à
7 conviction 16, s'il plaît à la Cour.
8 REPONSE : Puis-je continuer ?
9 M. NIEMANN : Oui, s'il vous plaît.
10 REPONSE : L'idée était non seulement d'incorporer les régions dans le sud
11 et l'ouest et aussi certaines régions dans le nord mais également,
12 si vous regardez la population orthodoxe qui s'étend dans des
13 parties de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie, dans les régions
14 que je vais essayer d'indiquer ici globalement et là, vous pouvez
15 voir qu'il s'agit de régions qui, pensait-on, pourraient faire
16 partie de l'Etat serbe élargi. Certains pensaient même qu'elle
17 pourrait inclure l'ensemble des territoires de la Bosnie et de la
18 Croatie. L'idée fondamentale était de créer un Etat dans lequel tous
19 les Serbes, tous les Serbes orthodoxes pourraient vivre ensemble.
20 QUESTION : Ils se trouvent dans les deux régions que vous avez marquées en
21 rouge ?
22 REPONSE : Oui.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quand est-ce que cette idée a été formulée, M.
24 Gow ?
25 REPONSE : C'est une idée qui a été élaborée par les intellectuels et par
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1 les politiciens serbes, par le Ministre serbe de l'intérieur, Ilija
2 Garasanin, au XIXe siècle, en même temps que l'idée yougoslave était
3 élaborée par les Slaves du sud du côté Habsbourg dans l'Empire
4 austro-hongrois.
5 M. NIEMANN : Madame la Présidente, est-ce que la version annotée de la
6 pièce 16 peut-être conservée et déposée comme la pièce à conviction
7 16A ?
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ...
9 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : ... à la pièce 16. La pièce 16 annotée est
11 admise sans objections.
12 M. NIEMANN : M. Gow, quelle était la base de l'autre idéal national ?
13 REPONSE : Excusez-moi ?
14 QUESTION : Je pourrais peut-être revenir une question en arrière. Vous
15 avez expliqué le fondement de l'idée nationale serbe il y a un
16 instant à Madame la Présidente en réponse à sa question.
17 REPONSE : Oui.
18 QUESTION : Je vous demande maintenant quelle était la base de
19 l'alternative à cet idéal national ?
20 REPONSE : La base de l'idée nationale était que tous les peuples slaves du
21 sud parlent la même langue ou une variante de la même langue ou des
22 langues très apparentées, et qu'ils devraient avoir suffisamment en
23 commun pour se renforcer en formant un Etat commun, un Etat qui
24 s'appellerait la Yougoslavie ou ce qui à une certaine époque était
25 considéré comme une idée Illyre. Ce faisant, les auteurs de ces
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1 concepts parmi les Slaves du sud sur les territoires Habsbourg se
2 tournaient aussi vers la Serbie indépendante comme un exemple de la
3 manière d'acquérir l'autodétermination et une certaine force en
4 rassemblant tous les Slaves du sud.
5 QUESTION : Quel a été l'impact, s'il en est, de la première guerre
6 mondiale sur la formation de l'Etat yougoslave ?
7 REPONSE : La première guerre mondiale a créé un contexte dans lequel la
8 formation d'un tel Etat, très peu probable au début du conflit, a
9 fini par se concrétiser à la fin dudit conflit. L'idée s'est trouvée
10 réalisée parce que le contexte a permis aux deux idées de se
11 conjuguer mais les circonstances particulières à l'issue de la
12 première guerre mondiale signifiaient que l'Etat yougoslave créé,
13 connu à l'époque sous le nom de Royaume des Serbes, Croates et
14 Slovènes, a été formé en grande partie comme une extension du
15 Royaume de Serbie en place. Le régime de la monarchie serbe a été
16 étendu aux territoires du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes
17 et, initialement, les structures parlementaires ont été maintenues
18 mais élargies.
19 QUESTION : Quels sont les événements politiques majeurs qui sont
20 intervenus entre la première et la seconde guerre mondiale ?
21 REPONSE : Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes a été rebaptisé le
22 Royaume de Yougoslavie en 1929. Cela reflète en partie les
23 difficultés auxquelles cet Etat était confronté. Il s'est agi d'une
24 série de crises politiques, économiques, sociales et en particulier
25 ethno-nationales. Certaines des populations non serbes, en
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1 particulier les Croates ou des éléments de la population croate,
2 indéniablement certains partis politiques, n'avaient jamais été
3 satisfaits de la façon dont l'Etat avait été formé et continuaient
4 de protester. Une série d'incidents ont eu lieu, y compris un
5 échange de coups de feu au Parlement en 1929 lors du changement du
6 nom du Royaume. De plus, il y avait en place une dictature
7 monarchique déclarée comme moyen de contrôler la situation. Bien
8 sûr, les problèmes internes ont continué comme je l'ai déjà indiqué
9 lors de l'examen de l'une des cartes. Une solution a été recherchée
10 en créant la Banovina croate mais, là encore, cette solution est
11 venue trop tard dans l'histoire de la première Yougoslavie pour
12 qu'elle puisse être couronnée de succès. Donc le premier Etat
13 yougoslave, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, devenu par
14 la suite le Royaume de Yougoslavie, a toujours été économiquement
15 faible, socialement et politiquement en difficulté et il se
16 caractérisait, en particulier, par un sérieux conflit politique de
17 caractère ethno-national.
18 QUESTION : Quelle était la situation de l'Etat unifié de Yougoslavie à la
19 veille de la Seconde guerre mondiale ?
20 REPONSE : Il était dans une situation très affaiblie et c'est ce qui a
21 permis facilement aux puissances de l'Axe de l'envahir, d'occuper
22 des parties du pays et de le démembrer de la façon indiquée sur la
23 carte couvrant la période 1941 à 1945.
24 QUESTION : Quelles ont été les principales caractéristiques de l'impact de
25 la Seconde guerre mondiale sur la Yougoslavie ?
Page 132
1 REPONSE : Le deuxième conflit mondial en Yougoslavie a été une guerre
2 compliquée. Il s'est agi en partie d'une guerre civile entre
3 différents groupements yougoslaves, en supposant que vous
4 considériez l'ensemble du territoire de la Yougoslavie comme ne
5 faisant qu'un à cette fin. Ce fut une révolution menée par les
6 communistes sous la direction de partisans et ce fut aussi une
7 guerre de libération nationale à l'égard des forces occupantes de
8 l'Axe. Cette guerre complexe a été à l'origine d'une série de
9 conflits entre Yougoslaves ainsi qu'entre Yougoslaves et les
10 puissances occupantes.
11 QUESTION : Quels ont été les principaux participants, quel a été le nom
12 donné à certains des principaux participants durant cette période de
13 la Seconde guerre mondiale ?
14 REPONSE : De nombreux groupes différents ont participé aux événements dans
15 les diverses régions sur les territoires de l'ex-Yougoslavie durant
16 la période 1941 à 1945. Il y en avait trois ou on considérait,
17 généralement, qu'il y avait trois grands groupes. Il y avait les
18 Oustachis, les forces du Gouvernement de l'Etat indépendant de
19 Croatie, un gouvernement croate extrêmement nationaliste, comme je
20 l'ai déjà dit, mis en place par les puissances occupantes; les
21 Tchetniks loyalistes, essentiellement une organisation serbe loyale
22 à la vieille monarchie serbe, dirigés par le colonel Drazo
23 Mihailovic, Ministre de la défense du gouvernement monarchique en
24 exil; et le troisième groupe était connu sous le nom de partisans et
25 ils étaient dirigés par Josip Broz, appelé Tito, et les partisans
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1 menés par les communistes allaient sortir vainqueurs de ce conflit
2 pluridimensionnel.
3 QUESTION : Quand vous parlez des Oustachis et des puissances de l'Axe,
4 vous combinez l'Italie et l'Allemagne ou est-ce que les Oustachis
5 dépendaient davantage de l'un que de l'autre ?
6 REPONSE : Le mouvement oustachi était une organisation terroriste qui a
7 participé à l'organisation de l'assassinat du roi Alexandre en 1934
8 à Marseille, bien que l'attentat ait eu lieu en conjonction avec une
9 organisation macédonienne terroriste qui a effectivement commis
10 l'assassinat. Il a été cultivé dans l'Italie de Mussolini mais le
11 régime oustachi a été mis en place par les forces allemandes
12 d'occupation en conjonction avec les forces italiennes.
13 QUESTION : Est-ce que l'un quelconque de ces participants a recouru aux
14 persécutions ethniques dans sa campagne durant la seconde guerre
15 mondiale ?
16 REPONSE : Les persécutions ethniques ont été une caractéristique
17 fondamentale du programme oustachi sur les territoires donnés à
18 l'Etat indépendant de Croatie et, peut-être dans une moindre mesure,
19 ce fut également une caractéristique de certaines des activités des
20 Tchetniks dans des régions du sud-est de la Bosnie contre les
21 Musulmans. Mais l’élément clé de toute discussion sur ce point
22 serait la campagne des Oustachis, en particulier dans les régions
23 frontalières de la Bosnie et de la Croatie, des régions en fait
24 proches de Prijedor, où les Oustachis ont cherché à éliminer,
25 ostensiblement, un tiers de la population serbe, à en éliminer
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1 physiquement un autre tiers par l'expulsion et à convertir le
2 dernier tiers au catholicisme romain.
3 QUESTION : Sur ce point, pourrait-on appeler sur l'écran le document 1-12
4 à 1-17 mais en ne montrant que la première page, s'il vous plaît. En
5 regardant uniquement la première page, connaissez-vous ce document,
6 M. Gow ?
7 REPONSE : Oui.
8 QUESTION : Pouvez-vous me dire de quel document il s'agit ?
9 REPONSE : Ce sont les deux premières pages d'un article publié dans la
10 revue Foreign Affairs durant l'été de 1993 je crois. Je pense que
11 cela devrait être mentionné au bas de la page si on l'agrandit. Je
12 peux peut-être l'agrandir.
13 QUESTION : Pourrait-on agrandir le bas de la page, s'il vous plaît ?
14 REPONSE : Oui, c'est le numéro de Foreign Affairs de l'été 1993.
15 QUESTION : Connaissez-vous la réputation professionnelle des auteurs de
16 cet article ?
17 REPONSE : Je ne connais pas spécifiquement la réputation professionnelle
18 de l'auteur de cet article bien que je note qu'il enseigne à Boston
19 University aux Etats-Unis et assurément la revue publiant cet
20 article a une excellente réputation.
21 QUESTION : Pourriez-vous examiner une page spécifique de cet article
22 particulier, page 116 et il s'agit du document 1-15 - si on peut
23 l'afficher sur l'écran. M. Gow, s'agissant de la question des
24 Oustachis, est-il fait référence dans cette page au point que vous
25 avez mentionné concernant les opérations des Oustachis durant la
Page 135
1 Seconde guerre mondiale ?
2 REPONSE : Oui.
3 QUESTION : Pourrait-on agrandir la section que vous voulez nous montrer en
4 page 115 de la pièce à conviction ? Pourriez-vous souligner cette
5 partie ?
6 REPONSE : Si je peux simplement l'annoter en marge. J'ai marqué en marge
7 de cette page la citation : "Nous tuerons un tiers des Serbes, nous
8 en expulserons un autre tiers et nous forcerons le dernier tiers à
9 embrasser la religion catholique romaine et ainsi à devenir des
10 Croates". Il s'agit d'une déclaration de Mile Budak, qui n'est pas
11 nommé ici et qui est désigné comme Ministre croate de l'éducation
12 mais qui était aussi un responsable adjoint du régime oustachi, lors
13 d'un événement qui s’est tenu je crois le 22 juin 1941, bien que la
14 date exacte ne soit pas indiquée. Si je me souviens bien, c'était le
15 22 juin. Cela donne une idée du programme des Oustachis pour
16 éliminer la population orthodoxe serbe des territoires de l'Etat
17 indépendant de Croatie et c'est une politique qu'ils devaient
18 appliquer, ou s'efforcer d'appliquer, dans les régions frontalières
19 entre la Croatie et la Bosnie en particulier.
20 QUESTION : J'aimerais que cette section particulière soit conservée et que
21 les deux documents soient déposés, s'il plaît à la Cour, comme la
22 pièce 17 et le deuxième document annoté comme la pièce 17A.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
24 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Les pièces à conviction 17 et 17A sont admises.
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1 M. NIEMANN : M. Gow, quelles ont été les politiques adoptées par Tito et
2 ses partisans durant la Seconde guerre mondiale ...
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Avant que vous ne poursuiviez, M. Gow, si je
4 peux me permettre, j'ai essayé de suivre les pièces et les cartes.
5 Alors, avant que vous n'alliez au-delà du "nettoyage ethnique",
6 pourrais-je vous poser quelques questions sur votre témoignage
7 jusqu'à présent, de sorte que je puisse essayer de l'inscrire dans
8 son contexte ?
9 Vous avez commencé, je pense, ou vous n'avez pas vraiment
10 commencé mais à un moment vous nous avez présenté une carte qui, si
11 je comprends bien, décrivait le progrès de l'Empire ottoman. N'est-
12 ce pas ? Vous avez indiqué la Bosnie-Herzégovine et vous avez parlé
13 de frontières naturelles et du terrain, ce qui expliquerait pourquoi
14 l'Empire ottoman n'est pas allé plus loin. Est-ce bien la teneur de
15 votre témoignage ?
16 Je pense que je vais vous demander de reprendre au début. Vous
17 essayez de nous montrer l'évolution des différences religieuses, des
18 groupes au sein de la Yougoslavie, et vous avez mentionné le XIVe
19 siècle. Puis, bien sûr, nous sommes en 1993 je crois. Vous nous avez
20 présenté ce faisant diverses cartes et je ne suis pas certaine que
21 nous vous ayons suivi chronologiquement. Vous est-il possible, même
22 sans les cartes, de nous expliquer l'évolution, du début jusqu'à la
23 fin, en termes de la composition ethnique des différentes régions,
24 mais en partant du XIVe siècle ? Cela vous est-il possible ? Vous ne
25 comprenez peut-être même pas ma question parce que je ne suis pas
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1 une historienne bien que ma matière principale ait en fait été
2 l'histoire. L'histoire de l'Amérique et il y a de cela bien
3 longtemps. Nous sommes donc au XIVe siècle.
4 REPONSE : Je ne suis pas non plus nécessairement un historien. Je ferais
5 observer tout d'abord, si je peux me permettre, que nous n'avons pas
6 atteint 1993. Ce document a été publié en 1993 mais la référence
7 vise 1941.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez raison, je m'excuse ...
9 REPONSE : Globalement, le but des moyens de preuve que j'essaye de
10 présenter est de situer les événements à compter de 1991 dans leur
11 contexte politico-militaire. Pour ce faire, j'ai examiné certains
12 des facteurs de la création des Etats yougoslaves qui ont été
13 dissouts en 1991, ce qui a suscité des références non seulement au
14 XIVe siècle mais aussi au IVe siècle. Mais j'espère que de façon
15 rapide mais aussi utile que possible, on peut donner une idée de
16 l'origine des Etats constituant la fédération qui a été démembrée.
17 QUESTION : Vous pourriez peut-être nous l'expliquer même sans les cartes.
18 REPONSE : Oui.
19 QUESTION : Si vous pouviez nous l'expliquer en partant du XIVe siècle. Je
20 pense que vous pouvez le faire parce que ...
21 REPONSE : Oui, je pense que je peux essayer.
22 QUESTION : Remontons donc au XIVe siècle et, sous réserve, bien sûr, d'un
23 contre-interrogatoire, expliquez-nous dans vos propres termes
24 essentiellement ce que vous venez de nous dire avec ces cartes.
25 Repartons au XIVe siècle.
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1 JUGE STEPHEN : Et expliquez-nous ce que vous essayez d'accomplir.
2 LE TEMOIN : Je crois que je viens de dire que j'essayais d'indiquer ... Le
3 but de mon témoignage est de situer le contexte politico-militaire
4 des événements à compter de 1991. Je cherche en apportant maintenant
5 ce témoignage à donner à la Cour une idée du processus de création
6 de l'Etat dont la dislocation est à l'origine du conflit armé que
7 nous étudions.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous faites un bon travail mais nous suivons
9 seulement les différences. Je veux simplement que vous nous
10 racontiez, si vous le pouvez et que vous repreniez au XIVe siècle.
11 Nous allons maintenant arriver à l'époque des Oustachis.
12 LE TEMOIN : Bien. Si cela ne vous ennuie pas, je vais remonter au IVe
13 siècle et présenter le tout chronologiquement.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez si vous le voulez.
15 REPONSE : L'église chrétienne était marquée par un schisme et se divisait
16 en églises d'Orient et d'Occident, l'église catholique romaine. La
17 ligne de démarcation relative à ce schisme traversait l'ex-
18 Yougoslavie. Elle passait en gros dans la région entre la Bosnie et
19 la Serbie. Je n'irais pas jusqu'à dire exactement, mais cette ligne
20 de démarcation entre les deux empires, entre les deux parties de
21 l'église chrétienne orthodoxe, allait devenir plus tard celle
22 séparant l'Empire islamique, turc, ottoman de l'Empire d'Occident,
23 austro-hongrois et catholique romain.
24 QUESTION : D'un côté, quel qu'il soit, du côté est ?
25 REPONSE : Au nord et à l'ouest s'étendait l'Empire catholique romain,
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1 austro-hongrois des Habsbourg. Au sud et à l'est s'étendait la
2 partie orthodoxe de l'église chrétienne puis, plus tard, l'Empire
3 turc ottoman avec l'Islam. Ces deux régions ont été séparées pendant
4 quelque cinq siècles - les Habsbourg, austro-hongrois, catholiques
5 romains au nord et à l'ouest et les turcs ottomans au sud et à
6 l'est, des territoires qui comprenaient aussi des populations
7 orthodoxes, une religion qui existait en ces lieux avant leur
8 occupation par les Turcs. L'Empire turc a essayé de s'étendre au-
9 delà des régions de la Bosnie-Herzégovine et à certaines époques ses
10 forces sont même allées jusqu'à Vienne mais elles n'ont pas été en
11 mesure de conserver ces territoires. Les régions où elles sont
12 parvenues à maintenir l'Empire se situaient sur les frontières de la
13 Bosnie et de la Croatie.
14 QUESTION : Elles ne sont pas passées à l'ouest de la frontière de Bosnie-
15 Herzégovine en Croatie ?
16 REPONSE : Non, pas dans ces régions de la Croatie. Si je peux
17 m'interrompre un instant. Je me rappelle la carte sur laquelle j'ai
18 porté les frontières, le changement de frontières en 1878. Je viens
19 soudain de me rappeler que j'ai en fait écrit la date à l'envers. Si
20 quelqu'un pouvait trouver cette carte, j'aimerais pouvoir vérifier
21 et la corriger. C'est peut-être une source de confusion à propos de
22 mon exposé, si ma mémoire est correcte.
23 QUESTION : Alors l'Empire ottoman, du XIVe siècle jusqu'à ?
24 REPONSE : La fin de la première guerre mondiale.
25 QUESTION : Très bien.
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1 REPONSE : Dans certaines régions ... Je m'excuse, je dois me corriger,
2 jusqu'en 1913 qui est l'année durant laquelle les régions connues
3 sous le nom de Serbie du sud et aujourd'hui sous ceux de Kosovo et
4 de Macédoine. Mais les forces turques sont restées dans cette
5 région, et l'Empire ottoman, l'Empire turc, s'est désintégré à la
6 fin de la première guerre mondiale. L'Empire turc a donc disparu en
7 1918 mais la fin de la présence turque dans ces territoires datait
8 de 1913.
9 Le territoire de Bosnie-Herzégovine a fait partie de l'Empire
10 turc ottoman jusqu'en 1878. L'Autriche a annexé ce territoire en
11 1878 et cette région a été transférée de facto à l'Empire austro-
12 hongrois des Habsbourg. Ce transfert a été juridiquement confirmé en
13 1908 et le territoire est devenu de jure et de facto partie de
14 l'Empire austro-hongrois.
15 QUESTION : En 1908, vous avez donc une région en Bosnie-Herzégovine qui
16 appartient effectivement à l'Empire austro-hongrois, au milieu, la
17 Bosnie-Herzégovine à l'ouest, et à l'est de la Bosnie-Herzégovine,
18 qu'est-ce que nous avions ?
19 REPONSE : De 1908 jusqu'à l'ouverture de la guerre des Balkans en 1911,
20 une partie de ces territoires a constitué le Royaume indépendant de
21 Serbie et une partie a appartenu à l'Empire turc ottoman. Dans le
22 courant des guerres de 1911 et 1913, la Serbie a occupé les
23 territoires qui en 1908 appartenaient à la Turquie. En 1913,
24 l'ensemble des territoires dans cette région étaient donc devenus
25 une partie de ... Je m'excuse, à la fin de 1913, il n'y avait plus
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1 de présence turque ottomane sur les territoires de ce qui est devenu
2 la Yougoslavie mais l'Empire ottoman est devenu la frontière de
3 l'Empire ottoman (sic) jusqu'en 1918.
4 QUESTION : Puis nous avons eu la première guerre mondiale. Et à l'issue de
5 la première guerre mondiale nous avons eu, dites-vous, la création
6 réellement du Royaume de Serbie, n'est-ce pas ?
7 REPONSE : Après ...
8 QUESTION : Ou ce qui a été créé comme un prolongement du Royaume de
9 Serbie.
10 REPONSE : Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes a été créé après la
11 première guerre mondiale. Les structures et le caractère de ce pays
12 étaient, de façon générale, un prolongement du Royaume serbe
13 indépendant établi durant le XIXe siècle jusqu'en 1878 quand il est
14 devenu pleinement et effectivement indépendant de l'Empire ottoman.
15 Et le Royaume de Serbie, avec l'expansion de ses frontières durant
16 les guerres de 1911 et 1913 - de sorte que ce Royaume qui, au début
17 de la première guerre mondiale comprenait les régions marquées
18 Serbie et Serbie du sud sur les cartes que j'ai présentées, et dont
19 le contrôle a été acquis durant la période 1911-13, tous faisaient
20 partie du Royaume de Serbie. Les structures de ce pays sont de façon
21 générale devenues celles du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes
22 quand il a été formé à la fin de la première guerre mondiale.
23 L'expression "Serbes, Croates et Slovènes" a été utilisée notamment
24 pour refléter une partie de l'idée yougoslave et, en particulier,
25 pour refléter un accord avec les Slaves du sud du côté Habsbourg
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1 qui, le 18 octobre 1918, alors que la première guerre mondiale
2 touchait à sa fin et que l'Empire austro-hongrois commençait à se
3 désintégrer, avaient déclaré un Etat des Slovènes, Croates et Serbes
4 devant incorporer les territoires des Slaves du sud dans l'Empire
5 austro-hongrois. C'était, bien sûr, un Etat faible. Il se heurtait à
6 la perspective d'une annexion par l'Italie à la fin de 1918 et
7 c'était la raison pour laquelle les Slaves du sud du côté Habsbourg
8 voulaient se joindre à la Serbie dans le cadre d'un Etat Yougoslave
9 élargi. J'emploie le terme "Yougoslave" uniquement aux fins de
10 référence.
11 QUESTION : Ils ne devaient pas être très heureux sur ce point je suppose.
12 Il y avait encore des divisions ethniques parmi les Croates et les
13 Serbes, même à cette époque.
14 REPONSE : Oui.
15 QUESTION : Quand ils se sont joints. Ils se sont joints parce que s'ils
16 devaient choisir, ils choisiraient la Grande Serbie. Le
17 mécontentement sous-jacent subsistait.
18 REPONSE : Ils ont choisi de se joindre à la Serbie plutôt que d'être
19 occupés par les forces italiennes. Ils ont choisi la force relative
20 de la Serbie en tant que l'un des alliés de la première guerre
21 mondiale pour les protéger contre un autre des alliés de la première
22 guerre mondiale, l'Italie et, ce faisant, ils se sont joints à un
23 Etat dans lequel ils ont dû accepter un accord qui s'appuyait en
24 grande partie sur les conditions offertes par le Gouvernement serbe,
25 la raison pour laquelle certains des groupes, en particulier les
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1 Croates, resteront insatisfaits à l'égard de ce pays durant toute
2 l'entre deux guerres.
3 QUESTION : Où se trouvait, à ce stade, la majorité de la population
4 musulmane de Bosnie-Herzégovine ?
5 REPONSE : Les Musulmans slaves ... Je dois faire remarquer que l'on trouve
6 deux types de population musulmane sur les territoires de l'ex-
7 Yougoslavie. L'une, pour la majeure partie la population albanaise,
8 est musulmane, bien que bon nombre d'Albanais sont aussi des
9 catholiques romains. Les Musulmans slaves se trouvaient
10 principalement en Bosnie-Herzégovine et dans les régions
11 frontalières de Serbie et du Monténégro, la région connue sous le
12 nom de Sandzak, descendant de la frontière de la Bosnie-Herzégovine
13 vers celle du Kosovo et de l'Albanie.
14 QUESTION : Est-ce qu'ils n'ont alors jamais fait partie de la Grande
15 Serbie ou de la région croate sous les Habsbourg ?
16 REPONSE : Ils résidaient dans cette région qui a fait partie de l'Empire
17 ottoman jusqu'en 1878. La raison ... Je ne crois pas qu'il y ait une
18 seule explication spécifique pour la présence des Musulmans slaves.
19 On en avance de nombreuses. En général, l'explication la plus facile
20 et la plus simple est qu'il s'agit de populations qui étaient
21 auparavant des orthodoxes serbes ou des catholiques romains croates
22 qui se sont converties à l'Islam durant l'Empire ottoman, en vue
23 d'obtenir quelque statut particulier leur donnant accès à des
24 emplois ou à des fonctions particulières dans la société, des titres
25 particuliers. Pas tous, peu s'en faut, mais c'est l'une des raisons
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1 générales de la conversion à l'Islam, peut-être pour se faciliter
2 l'existence.
3 QUESTION : Cette région faisait-elle alors partie de la Grande Serbie ?
4 REPONSE : Ces territoires faisaient partie de régions qui auraient formé
5 une partie d'un Etat de Grande Serbie sous l'angle de l'élaboration
6 des projets d'une Grande Serbie. C’était nécessairement le cas parce
7 que tous les territoires étaient mélangés. Si vous vouliez former
8 une Grande Serbie regroupant toute la population serbe orthodoxe
9 dans les frontières d'un seul Etat, et si cette population orthodoxe
10 vivait dans des régions mixtes en Bosnie-Herzégovine, elle
11 incorporerait nécessairement les Musulmans puisque les Musulmans
12 slaves résidaient également sur ces territoires. Je ferais observer
13 que de nombreux Serbes et, en fait, les nationalistes croates, ont
14 traditionnellement considéré les Musulmans slaves comme étant
15 réellement soit des Croates soit des Serbes qui, par pur hasard, ont
16 adopté la confession islamique et, par conséquent, ne sont pas de
17 véritables musulmans mais véritablement des Serbes ou des Croates.
18 Par conséquent, dans ce contexte, je soupçonne que peut-être bon
19 nombre des nationalistes serbes pensant à un Etat de Grande Serbie,
20 considéraient probablement les Musulmans slaves comme des Serbes
21 convertis à une religion différente et il n'y aurait aucun problème
22 à les incorporer dans cette Grande Serbie.
23 QUESTION : Cela a continué jusqu'en 1929, quand le Royaume de Yougoslavie
24 a été créé ou établi, n'est-ce pas ?
25 REPONSE : Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes a été rebaptisé
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1 Royaume de Yougoslavie en 1929.
2 QUESTION : Le Royaume de Serbie était-il encore sous la domination serbe ?
3 REPONSE : C'était la même chose - une initiative pour essayer de rectifier
4 certains des problèmes de cet Etat depuis sa formation et sa
5 consolidation entre 1918 et 1921.
6 QUESTION : En raison des préoccupations des Croates ?
7 REPONSE : En raison des préoccupations du monarque, du fait des problèmes
8 suscitant des difficultés dans le pays et, en particulier, en raison
9 d'un incident au Parlement où le chef du Parti paysan croate avait
10 été abattu et tué. La situation était extrêmement tendue. C'est la
11 raison pour laquelle la Dictature royale a été proclamée en 1929. Le
12 changement de nom était une initiative, je pense, pour renouveler
13 l'Etat, de même que la modification simultanée des circonscriptions
14 administratives internes - indiqué sur l'une des cartes que je vous
15 ai montrées, la carte 2-4 je crois mais je n'en suis pas certain.
16 QUESTION : Mais, en tout état de cause, il s'agit du Royaume de
17 Yougoslavie. Nous arrivons maintenant à la seconde guerre mondiale
18 et nous observons un changement profond au plan des frontières ?
19 REPONSE : Oui.
20 QUESTION : Très bien.
21 REPONSE : En 1941, après l'invasion par les forces de l'Axe, les
22 territoires de la Yougoslavie ont été soit répartis entre les alliés
23 de l'Allemagne nazie soit placés sous son contrôle. Certains ont été
24 mis sous le contrôle de l'Italie et l'élément peut-être le plus
25 significatif est que l'organisation oustachi fasciste, formée dans
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1 l'Italie de Mussolini, a été mobilisée pour administrer l'Etat dit
2 indépendant de Croatie dont j'ai indiqué les frontières sur la carte
3 utilisée pour la période 1941 à 1945.
4 QUESTION : Je pense que c'est là que nous nous trouvions avec la pièce à
5 conviction 17.
6 M. NIEMANN : C'est exact, Madame la Présidente.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez fait référence au nettoyage ethnique
8 des Serbes par les Oustachis, n'est-ce pas, dans la revue Foreign
9 Affairs ?
10 LE TEMOIN : J'ai fait référence au programme des Oustachis. Je n'ai pas
11 employé l'expression "nettoyage ethnique" mais je me référais au
12 programme oustachi.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je croyais que l'article était intitulé ...
14 JUGE STEPHEN : C'est le titre de l'article.
15 REPONSE : C'est le titre de l'article. Il est décrit comme un historique
16 du nettoyage ethnique et il consiste en partie à expliquer les
17 événements de la seconde guerre mondiale, qui pourraient
18 certainement être qualifiés de nettoyage ethnique au sens de
19 l'expression utilisée durant les années 1990.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. je m'excuse.
21 M. NIEMANN : Laissons maintenant les Oustachis. Quelles ont été les
22 politiques adoptées par Tito et ses partisans durant la seconde
23 guerre mondiale ?
24 REPONSE : Tito et ses partisans formaient un mouvement mené par des
25 communistes mais qui n'était pas purement communiste. Le but des
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1 responsables était de mener une révolution communiste sur les
2 territoires de la Yougoslavie, de s'emparer du pouvoir, d'installer
3 un régime communiste à l'issue du deuxième conflit mondial. Les
4 politiques qu'ils ont adoptées étaient tout d'abord du type
5 "fraternité et unité", l'idée qu'ils pouvaient offrir une voie
6 n'appartenant pas exclusivement à l'un quelconque des groupes
7 nationaux. Ils ne seraient ni purement Croates ni purement Serbes.
8 Vous vous rappellerez que j'ai mentionné deux autres groupes
9 principaux, les Oustachis qui étaient des nationalistes croates et
10 les Chetniks royalistes qui étaient des Serbes nationalistes, bien
11 qu'ils se seraient dits probablement loyaux à la Yougoslavie mais il
12 s'agissait principalement d'un mouvement serbe.
13 Les partisans offraient une conception d'une nouvelle
14 Yougoslavie n'excluant personne, dans laquelle les problèmes de la
15 première Yougoslavie pourraient être redressés et une partie de
16 cette approche était le concept de "fraternité et unité". Mais un
17 autre élément était la promesse de la formation d'une sorte d'Etat
18 fédéral après la guerre. Il offrirait quelque chose à tous les
19 divers groupements nationaux. Ainsi la création, par exemple, d'un
20 Etat croate ferait partie de cette fédération et serait une façon
21 d'obtenir le soutien des communautés croates pour le mouvement
22 partisan. Il convient de faire remarquer que la force des partisans
23 était que les Serbes dans les régions frontalières de Croatie et de
24 Bosnie, les populations qui souffraient le plus de la campagne des
25 Oustachis, se sont rangés à leurs côtés parce qu'ils étaient prêts à
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1 se battre et se sont joints au combat des partisans mais ces
2 derniers n'en étaient pas moins un mouvement général cherchant à
3 attirer toutes les communautés nationales et qui offrait cette
4 structure d'une éventuelle fédération comme solution aux problèmes
5 de la première Yougoslavie. Ce faisant, au fur et à mesure qu'ils
6 libéraient les territoires durant le conflit, ils ont aussi commencé
7 à établir un appareil administratif fondé sur des conseils régionaux
8 et ces derniers devinrent les prototypes des structures
9 républicaines de l'après-seconde guerre mondiale.
10 QUESTION : Cela s'est fait progressivement durant la guerre; ils ont
11 commencé à le faire progressivement durant le conflit ?
12 REPONSE : Oui. C'est une activité poursuivie par les partisans durant la
13 guerre entre 1941 et 1945. En particulier, la décision d'adopter ce
14 type de structure a été adoptée lors de deux réunions du Conseil
15 antifasciste de Libération nationale de la Yougoslavie (AVNOJ) en
16 1942 et en 1943 à Bihac en Jajce.
17 QUESTION : La seconde guerre mondiale a-t-elle continué à avoir des
18 répercussions sur la Yougoslavie pendant l'après-guerre ?
19 REPONSE : On peut dire assurément que la seconde guerre mondiale a
20 continué d'exercer un certain impact sur la Yougoslavie. A un
21 échelon, de toute évidence, elle a eu un impact au sens que la
22 structure fédérale des Républiques a été créée. Elle doit
23 nécessairement avoir eu quelque influence, les souvenirs de la
24 guerre sont restés durant l'après-guerre et ont sans aucun doute
25 continué d'influencer les gens après 1945. Par exemple, en
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1 particulier, je pense que l'on ne peut pas exclure la possibilité
2 que bon nombre des partisans - qui étaient des Serbes des régions
3 que j'ai mentionnées à l'intérieur du territoire de l'Etat
4 indépendant de Croatie où les Oustachis étaient présents et
5 poursuivaient leur campagne d'élimination des Serbes du territoire -
6 bon nombre d'entre eux se sont joints aux partisans et faisaient
7 toujours partie de l'armée populaire yougoslave en 1990-91 dont ils
8 avaient rallié les rangs durant leur jeunesse, ou qu'ils
9 descendaient de membres de l'armée des partisans ou appartenaient à
10 des familles qui avaient souffert de la campagne des Oustachis.
11 QUESTION : M. Gow, quelles mesures constitutionnelles est-ce que les
12 communistes ont adopté après la seconde guerre mondiale ?
13 REPONSE : Le régime communiste a adopté une structure fédérale pour sa
14 nouvelle Yougoslavie regroupant les six Républiques que j'ai
15 mentionnées au tout début et qui devaient faire partie de la
16 République socialiste fédérative de Yougoslavie après 1974. En 1946,
17 l'Etat a été nommé République fédérale populaire de Yougoslavie et a
18 reçu cette structure fédérale composée de six Républiques avec, au
19 sein de la République de Serbie, une région et une province
20 autonomes.
21 M. NIEMANN : Le moment est-il propice, Madame la Présidente ?
22 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous déposé les pièces 17 et 17A ?
23 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d'objections à 17 et 17A ? Elles sont
25 admises, peut-être deux fois, j'ai pu les manquer.
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1 Nous allons nous ajourner à 17 h 30 et il est presque 17 h 30.
2 Jeudi cette semaine, nous allons devoir examiner une autre question
3 à 16 h 30 de sorte que nous devrons nous ajourner plus tôt. Nous
4 nous ajournerons donc à 16 heures jeudi prochain. Demain, nous
5 commencerons à 10 heures et poursuivrons jusqu'à 17 heures 30 avec
6 notre suspension d'audience habituelle pour déjeuner de 13 heures à
7 14 h 30 et deux suspensions de 15 minutes, l'une dans la matinée et
8 l'autre dans l'après-midi. Ce sera donc pour demain mais jeudi, je
9 le répète, nous ouvrirons à 10 heures et arrêterons à 16 heures
10 parce que ce prétoire sera utilisé à 16 h 30 pour une autre
11 question. L'audience est levée jusqu'à demain.
12 (Ajournement de la Cour jusqu'au lendemain)
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