Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire: IT-94-1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 10 mai 1996

4 (10 heures)

5 LE PRESIDENT : Maître Niemann, êtes-vous prêt ? Je crois que vous avez

6 terminé l’audition de M. Gow ...

7 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.

8 LE PRESIDENT : ... hier soir.

9 MAITRE NIEMANN : C’est exact, Madame le Président.

10 LE PRESIDENT : Pouvez-vous présenter M. Gow au contre-interrogatoire,

11 cependant ?

12 MAITRE NIEMANN : Avec plaisir.

13 (Rappel de M. JAMES GOW)

14 LE PRESIDENT : Vous pouvez vous asseoir, M. Gow. Vous comprenez que vous

15 êtes toujours sous serment, n’est-ce pas ?

16 LE TEMOIN : Oui.

17 (Interrogatoire mené par les juges)

18 JUGE STEPHEN : Au fil du temps, M. Gow, mes questions, qui étaient au

19 nombre de deux, se sont réduites à une. Je ne sais plus très bien

20 qui, de Markovic ou de Panic, a été le dernier Premier Ministre

21 fédéral de Yougoslavie.

22 R. Le dernier Premier Ministre fédéral de la RSFY a été Ante Markovic.

23 Milan Panic devait, plus tard, être le Premier Ministre de la

24 République fédérale de Yougoslavie, c’est-à-dire de la République

25 déclarée à partir du 27 avril 1992 et composée de la Serbie et du

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1 Monténégro.

2 Q. Je crois que ma question porte sur Panic, je pense; quelle est la

3 situation, depuis l’époque de Panic, en ce qui concerne

4 l’organisation fédérale de la Serbie et du Monténégro ? Je crois

5 comprendre qu’il y avait un Exécutif fédéral et deux Exécutifs de

6 Républiques ?

7 R. Il existe des organes fédéraux en Serbie et au Monténégro. La

8 plupart des observateurs considéreront sans doute que la Fédération

9 n’a guère d’autre sens que celui de servir l’intérêt de Belgrade en

10 assurant la succession de la RSFY grâce à la conservation de son

11 nom. La position du Monténégro dans la Fédération se caractérise par

12 l’existence d’une certaine friction; toute une série de difficultés

13 commerciales inter-Républiques sont apparues, dans la période

14 récente, mais parler de guerre commerciale serait excessif.

15 Le Monténégro fait partie de la Fédération, mais comme un

16 responsable yougoslave me l’a dit, la Fédération est à 95 % serbe.

17 Il est significatif de constater que c’est le Président serbe,

18 Slobodan Milosevic, qui a représenté la République fédérale de

19 Yougoslavie, par exemple, aux pourparlers de Dayton, à la base

20 aérienne de Wright Patterson, et pas des responsables de la

21 Fédération.

22 Q. Existe-t-il un Président fédéral et un Premier Ministre fédéral ?

23 R. Oui, ces deux postes existent, oui.

24 Q. Et sont-ils relativement insignifiants ?

25 R. Ils sont relativement insignifiants du point de vue de l’exercice du

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1 pouvoir politique.

2 JUGE STEPHEN : Merci.

3 JUGE VOHRAH : M. Gow, vous avez dit que lors de l’instauration de la

4 dictature royale, en 1929, une province dénommée Banovina croate a

5 également été créée; le mot « Banovina » a-t-il un sens particulier

6 ?

7 R. Je voudrais d’abord lever un malentendu. Je crois que le procès-

8 verbal montrera que j’ai déclaré que la Banovina croate a été créée

9 en 1939, et non en 1929, lorsqu’a été proclamée la dictature royale.

10 Le mot « Banovina » tire son sens du mot « ban », mot ancien qui

11 veut dire à peu près « duc ». Il avait un sens pour les Croates de

12 la partie hongroise de l’Empire austro-hongrois, sens qu’il convient

13 de relier aux idées d’Etat et de monarchie que défendaient les

14 Croates. Il avait existé un royaume croate au Moyen-Age.

15 JUGE VOHRAH : Merci.

16 LE PRESIDENT : Maître Niemann, en avez-vous terminé avec votre

17 interrogatoire principal de M. Gow ?

18 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT : Merci. Maître Orie, pouvez-vous procéder au contre-

20 interrogatoire ?

21 MAITRE ORIE : Merci, Madame le Président.

22 (Contre-interrogatoire mené par Maître ORIE)

23 Q. M. Gow, je tiens tout d’abord à vous dire que je ne suis pas

24 anglophone de naissance, donc s’il y a quoi que ce soit qui n’est

25 pas clair dans mes questions, je vous prierais de ne pas hésiter à

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1 me le dire, de façon à éviter tout malentendu.

2 R. Je suis tout à fait d’accord, mais je doute que cela soit

3 nécessaire. Mon expérience des Néerlandais m’a montré qu’ils parlent

4 beaucoup mieux l’anglais que certains des habitants de mon pays.

5 Q. Je ne cherchais pas de compliment, mais merci tout de même. M. Gow,

6 vous avez dit à la Chambre que vous connaissiez un peu la langue

7 serbo-croate et la langue slovène. Pourriez-vous nous dire

8 exactement quelle est votre connaissance de ces deux langues ?

9 R. Je dirais que j’ai une connaissance fonctionnelle de ces deux

10 langues, qui me permet de les utiliser dans le travail. Je m’en suis

11 servi dans les recherches que j’ai menées lors de la préparation

12 d’un doctorat, puis plus tard, dans les diverses fonctions

13 universitaires qui ont été les miennes. Je m’en sers pour parler

14 avec des responsables et des militaires en poste dans les pays de

15 l’ex-Yougoslavie et je m’en suis servi, avant, en RSFY. Je dis que

16 j’ai quelque connaissance de ces deux langues pour éviter de donner

17 l’impression que je me considère comme quelqu’un qui les parle

18 couramment et les connaît à fond, mais j’en ai une connaissance

19 suffisante pour travailler et je les ai utilisées au cours de ma

20 carrière.

21 Q. Merci, M. Gow. Avez-vous jamais traduit des documents pour

22 l’Accusation ?

23 R. Je n’ai effectué aucune traduction officielle de quelque document

24 que ce soit pour l’Accusation. J’ai attiré l’attention de

25 l’Accusation sur des documents publics, qui étaient publiés, et je

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1 les ai officieusement traduits pour le Bureau du Procureur. Le

2 Bureau du Procureur a alors fait appel à des traducteurs qui ont

3 effectué les traductions nécessaires à une utilisation de ces

4 documents dans les travaux du Bureau du Procureur.

5 Q. M. Gow, avez-vous jamais attiré l’attention de l’Accusation sur des

6 documents déjà traduits, en anglais, je veux dire ?

7 R. Oui, j’ai attiré son attention, par exemple, sur les documents tirés

8 du recensement yougoslave qui ont été soumis en tant qu’éléments de

9 preuve, hier. Il est possible que j’aie attiré son attention sur

10 d’autres documents déjà traduits, également.

11 Q. Lorsque vous avez attiré l’attention de l’Accusation sur un texte en

12 anglais, avez-vous vérifié si sa traduction était fidèle ou pas ?

13 R. Je crois comprendre que ce que vous me demandez, - c’est peut-être

14 un problème de langue - c’est si j’ai procédé à des vérifications.

15 La réponse est oui. En certaines occasions, j’ai procédé à de telles

16 vérifications, mais il serait inexact de dire que je l’ai fait en

17 toutes occasions.

18 Q. Merci, M. Gow. Vous êtes-vous rendu dans la région de l’opstina de

19 Prijedor ?

20 R. Non. Je ne suis jamais allé dans la région de Prijedor.

21 Q. Vous ne vous êtes jamais trouvé dans cette région ?

22 R. Je ne me suis jamais trouvé dans la région de Prijedor.

23 Q.: Merci, M. Gow. Puis-je vous renvoyer à une réponse que vous avez

24 fournie lorsque l’on vous a montré la pièce à conviction n° 51, à

25 savoir la Constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine

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1 du 28 février 1992 ? Le Juge Stephen vous a demandé, hier, si cette

2 Constitution désignait une capitale, Knin ou Sarajevo. Vous avez

3 répondu que vous pensiez qu’elle ne désignait aucune capitale.

4 Pourriez-vous, je vous prie, examiner à nouveau, avec l’aide du

5 Greffe, la pièce à conviction n° 51, l’examiner attentivement, et

6 voir si elle désigne une capitale ?

7 R. (Remise du document). Je tiens à éclaircir un détail, sinon à le

8 corriger. Je crois avoir dit hier que je ne me rappelais pas si

9 c’était le cas. Je serais également prêt à dire, sur la base de mes

10 réflexions de la nuit dernière, que certains ont prétendu que la

11 capitale se trouvait à Sarajevo, et la division éventuelle de

12 Sarajevo a fait l’objet de discussions. En lisant l’article 9, vous

13 verrez que Sarajevo est désignée comme capitale de la République.

14 Q. Donc, cela figure dans la Constitution ?

15 R. Ce qui figure dans la Constitution, c’est que la Republika Srpska,

16 ou plutôt ce qui était encore à l’époque la République serbe de

17 Bosnie-Herzégovine, souhaitait établir Sarajevo ou une partie de

18 Sarajevo en tant que capitale de sa République.

19 Q. Oui. Puis-je vous demander, M. Gow, si cette portion du texte est

20 bien traduite dans cette partie de la pièce à conviction qui est

21 disponible en anglais ?

22 R. Je dois dire que l’article 9 n’apparaît pas du tout dans la

23 traduction anglaise.

24 Q. Merci, M. Gow. Donc le texte anglais ne dit rien de la capitale,

25 alors que l’original en traite ?

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1 R. L’original en traite, effectivement. La traduction anglaise ne

2 comprend pas l’article 9 dans lequel il est fait référence à la

3 capitale.

4 Q. Merci beaucoup, M. Gow. M. Gow, le 7 mai, vous avez parlé des

5 déplacements de population. Vous avez déposé sur la base de la pièce

6 à conviction n° 7, je crois. Pourrait-on, s’il vous plaît, remettre

7 la pièce à conviction n° 7 au témoin ? (Remise du document). Peut-on

8 placer le texte à l’écran ? C’est très bien, pour ce qui me

9 concerne. Ainsi, M. Gow, parlant des déplacements de population,

10 vous avez attiré notre attention sur le nord de la Bosnie, qui

11 constitue une partie de cette pièce à conviction. Pourriez-vous, je

12 vous prie, voir avec moi quelle était la situation dans d’autres

13 régions également ?

14 R. Certainement.

15 Q. Pourriez-vous, je vous prie, voir où se trouve Tuzla, pour nous dire

16 s’il y a eu, à Tuzla, d’importants déplacements de population serbe

17 ?

18 R. Il y a eu, effectivement, des départs importants de population serbe

19 de la région de Tuzla. Vous constaterez que cette population s’est

20 réduite, sans rentrer dans les détails, à environ un quart de ce

21 qu’elle était en 1991. En même temps, vous constatez un doublement,

22 à peu près, de la population musulmane. C’est, en gros, ce que l’on

23 peut dire des déplacements de population globaux dans cette région.

24 Si vous regardez ce qui s’est passé, dans le même temps, dans

25 l’ouest de l’Herzégovine, vous verrez que le résultat est très

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1 semblable, avec une réduction de la population serbe, qui est passée

2 de 43 500 habitants à seulement 5 000, en même temps que se

3 produisait une augmentation significative de la population musulmane

4 de cette région.

5 Q. Oui. Pourriez-vous, je vous prie, regarder du côté de Bihac ? Y a-t-

6 il eu une importante réduction de la population serbe à cet endroit

7 ?

8 R. Là encore, vous constaterez une réduction significative de la

9 population serbe de la région de Bihac.

10 Q. Y a-t-il eu réduction significative de la population serbe dans la

11 région de Zenica ?

12 R. Là encore, vous constaterez une réduction significative de la

13 population serbe dans la région située autour de Zenica, ainsi

14 qu’une réduction moins importante de la population croate dans cette

15 région, et une croissance de près de 100 000 habitants de la

16 population musulmane.

17 Q. M. Gow, pourriez-vous, je vous prie, nous dire où sont allés ces

18 Serbes ? Les Serbes dont je parle sont ceux qui sont originaires de

19 Tuzla, Bihac et Zenica.

20 R. Je ne crois pas que quiconque soit capable de vous dire exactement

21 où ils sont tous allés. De façon générale, je pense qu’il est permis

22 de dire qu’ils sont partis soit vers les régions indiquées sur ce

23 tableau comme ayant subi une augmentation de la population serbe,

24 soit vers les territoires de la Serbie et du Monténégro. Dans la

25 période considérée dans ce tableau, et bien que mes souvenirs ne

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1 soient pas très précis à cet égard, je crois qu’il y a eu plusieurs

2 centaines de milliers, peut-être 5 000 ou 6 000 réfugiés qui sont

3 partis de Croatie et de Bosnie vers la Serbie et le Monténégro.

4 Q. M. Gow, donc vous affirmez que personne ne pourrait nous dire avec

5 exactitude où ces personnes sont allées ?

6 R. Je ne pense pas que quiconque pourrait vous dire exactement où ces

7 personnes sont allées. Je crois que si vous vous adressiez à des

8 représentants d’organisations humanitaires, notamment au Haut

9 Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, eux seraient en

10 mesure, sur la base des données qu’ils recueillent et qui figurent

11 dans ce tableau, de vous fournir une réponse plus précise que je ne

12 peux le faire moi-même.

13 Q. M. Gow, si eux devaient mener la même enquête sur le sujet,

14 n’auraient-ils pas besoin au moins de savoir quelles personnes ont

15 été prises en compte dans les chiffres du recensement, puisque les

16 premiers sont des chiffres d’avant-guerre, pour autant que je puisse

17 en juger, des chiffres du recensement --

18 R. Oui.

19 Q. -- et les derniers des chiffres relatifs au nombre des réfugiés

20 enregistrés par le HCNUR ? Ces chiffres sont connus avec précision.

21 Disons, pour la Bosnie occidentale, ces 304 000 Serbes, qui étaient-

22 ils exactement ?

23 R. Le HCNUR, pour autant que je le sache et pour autant qu’il y soit

24 parvenu, dresse des registres des gens et en rend compte à ...

25 Q. Je parle de la situation qui prévalait avant la guerre.

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1 R. Oh, excusez-moi ! Il existait un registre des habitants, destiné au

2 recensement, et donc je suppose qu’il existe des traces de

3 l’identité de chacun. Ces traces, je ne sais pas si elles indiquent

4 individuellement le nom des habitants ainsi que leur appartenance

5 ethnique. Je ne sais donc pas s’il existe un registre, au Bureau

6 fédéral des statistiques de Belgrade ou ailleurs, qui fournisse le

7 nom d’un individu et au regard de ce nom, le groupe ethnique ou

8 national auquel cet individu a déclaré appartenir.

9 Q. Ai-je raison de penser, par conséquent, que l’enquête dont je parle

10 n’aurait guère de chance d’aboutir, puisqu’aucun des noms figurant

11 dans le registre de recensement ne peut être relié aux chiffres du

12 recensement d’avant-guerre ?

13 R. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris la question.

14 Q. Je vous demandais si l’on savait qui étaient ces personnes. J’ai

15 compris ce que vous avez déclaré dans votre réponse, à savoir que le

16 HCNUR pourrait en être informé, puisqu’il possédait des listes de

17 noms. Je vous ai alors demandé si ces listes de noms dataient

18 d’avant-guerre, car je pense qu’on aurait besoin des deux pour

19 découvrir où ces personnes se trouvaient alors et où elles se

20 trouvent aujourd’hui. J’ai également compris la réponse que vous

21 avez apportée à cette question, lorsque vous avez déclaré qu’il

22 était pour le moins incertain que ces noms d’avant-guerre soient

23 connus.

24 R. J’ai répondu que c’était incertain, ou du moins que je ne savais pas

25 si ces noms étaient connus et s’ils étaient reliés à la désignation

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1 d’un groupe ethno-national en quelque endroit que ce soit. Je ne

2 suis pas sûr de bien suivre la logique de cette question; peut-être

3 est-ce dû au fait, simplement, que je ne la comprends pas. Il me

4 semble que dans l’intérêt de la déposition que je fournis ici, une

5 indication générale des déplacements de population a été fournie, et

6 dans le cadre d’une indication générale, je ne crois pas qu’il soit

7 indispensable de rechercher la trace de chaque individu; mais

8 n’hésitez pas à me corriger si tel n’est pas le cas. Et je vous

9 indiquerai sans hésiter la possibilité de vous adresser à des

10 organisations telles que le HCNUR qui, elles, enregistrent les

11 données de ce type et demandent souvent, sinon toujours, aux

12 personnes qu’elles enregistrent les coordonnées de leur localité

13 d’origine. Je crois donc qu’elles pourraient fournir quelque

14 indication sur le sujet. Je n’ai aucune idée de la nature de ces

15 indications et je ne suis pas sûr que ces organisations possèdent

16 ces renseignements, mais à mon avis il est probable qu’elles les

17 possèdent.

18 Q. Permettez-moi de vous poser une brève question. Existe-t-il un moyen

19 de vérifier les noms connus entre 1991 et 1994 ?

20 R. Je vous demande pardon ?

21 Q. Existe-t-il quelque moyen que ce soit d’effectuer une référence

22 croisée des noms connus entre 1991 et 1994 ?

23 R. Je vous prie de m’excuser, je ne suis toujours pas sûr d’avoir bien

24 compris la question.

25 Q. Y a-t-il moyen d’effectuer une référence croisée en ce qui concerne

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1 les noms, entre les chiffres d’avant-guerre et les chiffres de

2 juillet 1994 ?

3 LE PRESIDENT : Si vous avez des chiffres, par exemple ce chiffre est de

4 82 235 pour les Serbes de Tuzla, est-ce que vous avez des noms au

5 regard de ces chiffres, qui vous permettent de déterminer qui est

6 qui ?

7 R. Est-ce que j’ai les noms ?

8 LE PRESIDENT : Est-ce que quelqu’un possède ces noms ? Sont-ils

9 disponibles, à votre connaissance ? Je ne crois pas que vous

10 puissiez les avoir vous-même en votre possession.

11 R. Je ne les ai pas en ma possession et je ne sais rien de leur

12 disponibilité ou de leur indisponibilité.

13 MAITRE ORIE : Merci, M. Gow. M. Gow, lorsque l’on vous a interrogé au

14 sujet des déplacements de population, vous avez dit qu’il était

15 surtout question de déplacements de population musulmane. Vous avez

16 affirmé que, bien que d’autres personnes se soient également

17 déplacées, telles les Serbes et les Croates, le nombre et l’échelle

18 de ces déplacements de population étaient différents de ce qu’ils

19 étaient pour les déplacements de population musulmane. Pourriez-

20 vous, je vous prie, nous fournir les chiffres associés aux

21 déplacements de population musulmane ?

22 R. Le nombre total de personnes déplacées dans la période 1993/1994,

23 pour autant que je me le rappelle, se situe aux alentours de 2,7

24 millions de personnes. Je fais un grand effort pour me rappeler les

25 chiffres, et selon mes souvenirs, la moitié peut-être ou un peu plus

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1 de la moitié se compose de Musulmans, mais je n’ai pas en tête les

2 chiffres exacts.

3 Q. Puisque vous parlez de chiffres, sont-ce des chiffres absolus ou des

4 chiffres relatifs ? Etablissez-vous une comparaison avec la partie

5 de la population musulmane, croate ou serbe qui vivait dans la

6 région auparavant ?

7 R. Le chiffre que je viens de citer à titre de référence, pour autant

8 que je m’en souvienne car je ne peux l’affirmer avec certitude,

9 était un chiffre absolu. Le HCNUR a parlé, si ma mémoire est exacte,

10 de 2,7 millions de personnes - mais je ne peux garantir que ma

11 mémoire ne me trahit pas - et je pense que près de la moitié,

12 légèrement plus de la moitié se composait de Musulmans, donc il

13 s’agit d’un chiffre absolu et non d’un chiffre proportionnel. La

14 moitié ou un peu plus de la moitié se rapporte, si je ne m’abuse,

15 aux 2,7 millions, si je ne me trompe pas.

16 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu’il en est des autres 50 % ? S’agit-il

17 de Serbes, de Croates ou des deux ? Se répartissaient-ils également

18 dans cette deuxième moitié ?

19 R. Je ne peux vous le dire. Je ne peux vous fournir une réponse exacte

20 ou même ce que je considérerais comme une réponse approximative

21 fiable. A mon avis, mais il est difficile de l’affirmer, un certain

22 nombre de Serbes ont quitté ces régions dans les premiers temps de

23 la guerre et, tout à fait à la fin, en 1993, un certain nombre de

24 Croates ont quitté la Bosnie centrale. Mais n’ayant pas vérifié ces

25 faits, je ne souhaite pas vous donner, je ne souhaite pas tenter de

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1 vous citer un chiffre exact en la matière.

2 Q. M. Gow, pourriez-vous, alors, je vous prie, nous expliquer une

3 nouvelle fois comment vous avez pu nous dire que les déplacements de

4 population musulmane s’étaient faits sur une échelle différente des

5 déplacements des autres groupes, car, pour autant que je le

6 comprenne, vous nous dites à présent avoir le vague souvenir qu’il

7 pouvait s’agir de 50 %, mais ne pas savoir ce qu’il en est des

8 autres 50 %, ni s’ils sont Serbes ou Croates. Pouvez-vous, alors,

9 nous expliquer où vous trouvez cette différence d’échelle ?

10 R. L’échelle est différente parce que le plus grand nombre de personnes

11 impliquées appartenait aux communautés musulmanes, comme je crois

12 l’avoir indiqué à l’instant, et je formule ces affirmations, non sur

13 la base d’une quelconque vérification des chiffres officiels à

14 laquelle j’aurais procédé, mais sur la base d’une observation de

15 longue durée que j’ai effectuée ces dernières années, ainsi que sur

16 la base d’entretiens avec des responsables de diverses organisations

17 internationales, et notamment du Haut Commissariat des Nations Unies

18 pour les réfugiés; mais je crains de ne pas être en mesure, ici

19 même, aujourd’hui, d’en dire davantage sans une préparation

20 complémentaire.

21 Q. Est-ce que des chiffres vous ont été fournis, ou simplement des

22 impressions ?

23 R. Des chiffres et des impressions. Vous constaterez que certains

24 chiffres ont été présentés ici.

25 Q. Permettez-moi de me pencher sur ces chiffres que vous avez

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1 présentés, M. Gow. Si je regarde cette partie de votre pièce à

2 conviction où figurent des chiffres, sans éléments mixtes

3 surajoutés, car j’ai quelque difficulté à comprendre ce qu’il est

4 advenu de certaines personnes si, finalement, elles font partie

5 d’une population mixte, car il est difficile de voir exactement ce

6 qui leur est arrivé; sur la base de ces autres chiffres, en laissant

7 donc de côté Sarajevo, les enclaves et la Bosnie orientale,

8 pourriez-vous nous donner une idée générale quant aux déplacements

9 de population dans ces régions, je parle en termes de départs et

10 d’arrivées et je vous pose la question de savoir, par exemple, si

11 l’on remarque une différence importante entre les déplacements de

12 population musulmane et croate ?

13 R. Excusez-moi ? Remarque-t-on une différence importante entre les

14 déplacements de population musulmane et croate, c’est cela que vous

15 me demandez ?

16 Q. Si je vois le nombre de personnes parties, le nombre de personnes

17 arrivées, parce que nous ne savons pas s’il s’agit ou non des mêmes

18 personnes, donc prenons le solde, le solde définitif, à l’aide de

19 ces chiffres et en laissant de côté Sarajevo, les enclaves et la

20 Bosnie orientale, combien de personnes manquent et combien figurent

21 en sus par rapport aux chiffres antérieurs ?

22 R. Je regrette, je ne suis toujours pas sûr de bien comprendre ce que

23 vous me demandez.

24 Q. Je vais essayer de vous le réexpliquer. En vous servant de ces

25 chiffres, vous pouvez finir par calculer le nombre de personnes

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1 ayant quitté la région globale décrite dans le tableau et le nombre

2 de celles qui y sont arrivées en sus, à la fin de la période ?

3 R. Vous me demandez, excusez-moi, mais je vais essayer d’être un peu

4 plus clair, est-il exact de dire que l’on me demande un exercice

5 d’arithmétique ?

6 Q. Oui, en fait, si vous acceptez de me suivre. Bien entendu, j’ai

7 essayé d’effectuer moi-même ce calcul et je suis arrivé à un déficit

8 de près de 250 000 Musulmans, sans être précis à 2 000 ou 3 000

9 près, et à un déficit de 175 000 pour les Croates. Vous me suivez ?

10 J’essaie vraiment de faire de mon mieux.

11 R. D’accord. Est-ce que je pourrais prendre les chiffres globaux ?

12 Q. Oui, je comprends votre problème. Peut-être serait-il bon que je

13 vous dise sur quels chiffres j’ai fondé mon calcul. Je suis parti

14 des Musulmans de Bosnie occidentale : moins 250 000, puis en

15 Herzégovine occidentale : moins 70 000; Zenica : plus 100 000; Tuzla

16 : plus 285 000; Bosnie septentrionale : moins 350 000; Bihac, à peu

17 près inchangé. Cela fait un total de moins 250 000. Si j’examine, à

18 présent, la situation des Croates, je vois, en Bosnie occidentale,

19 approximativement moins 30 000, en Herzégovine occidentale, plus

20 55 000, à Zenica, moins 50 000, à Tuzla, égalité approximative, en

21 Bosnie septentrionale, moins 150 000, à Bihac, égalité

22 approximative. Si vous ajoutez ces chiffres, cela vous donne 250 000

23 Musulmans...

24 R. Et 175 000 Croates.

25 Q. ... moins 250 000 Musulmans et moins 175 000 Croates. M. Gow,

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1 connaissez-vous la répartition des Musulmans et des Croates par

2 rapport à la population de la région à laquelle se rapporte la pièce

3 à conviction ? Quelle est la répartition Croates/Musulmans dans

4 cette région ?

5 R. Je regrette, mais il me faut comprendre ce que vous me demandez,

6 encore une fois. Nous parlons de plusieurs régions.

7 Q. Oui. Pourriez-vous me dire quels étaient les pourcentages, d’un

8 point de vue ethnique, de la population de cette région en 1991 ?

9 R. Cette région, si la région dont nous parlons est le territoire de la

10 Bosnie-Herzégovine, dans ce cas, le pourcentage des Croates, pour

11 autant que je me souvienne, était d’environ 17 % et celui des

12 Musulmans de 44 %.

13 Q. Oui. Si vous comparez ces pourcentages au total des personnes ayant

14 quitté la région, si vous les reliez à ce nombre, vous constaterez

15 que le résultat final, du point de vue des Croates de la région,

16 donc manquant dans la région à la fin - nous ne savons pas où ils

17 sont allés - est considérablement inférieur, proportionnellement, ou

18 bien est-il considérablement supérieur, ou bien est-il égal ? Donc,

19 nous avons moins 250 000 Musulmans sur 44 % de la population et nous

20 avons moins 175 000 sur 17 % de la population. Pourriez-vous, je

21 vous prie, nous donner votre avis quant à la proportion des

22 habitants qui sont partis par rapport a la proportion des habitants

23 présents à l’époque ?

24 R. En tant qu’universitaire spécialisé dans les Etudes de guerre et non

25 en arithmétique, je peux vous donner mon impression, qui est que

Page 438

1 170 000 est une proportion plus importante de quelque chose qui a

2 été exprimé comme étant 17 % que 250 000 en tant que proportion de

3 quelque chose qui a été exprimé comme étant 44 %.

4 Q. Merci.

5 R. Mais peut-être certains sont-ils meilleurs en arithmétique.

6 Q. Cela répond à ma question, M. Gow. M. Gow, un Mémorandum de

7 l’Académie serbe des Arts et des Sciences a été produit en tant que

8 pièce à conviction devant cette Chambre d’instance mercredi.

9 Pourquoi avez-vous estimé que la version dont vous parliez à ce

10 moment-là faisait davantage autorité, c’est ce que vous nous avez

11 dit ?

12 LE PRESIDENT : S’agit-il de la pièce à conviction n° 21, Maître Orie ?

13 MAITRE ORIE : Oui, Madame le Président, il s’agit de la pièce à conviction

14 n° 21. Je ne reviens pas sur le contenu de cette pièce à conviction.

15 LE TEMOIN : Mon jugement, selon lequel cette version faisait davantage

16 autorité, s’appuyait sur deux éléments. D’abord sur ce dont le

17 document, - sur le thème abordé dans le document, ainsi que sur le

18 contexte dans lequel il a été élaboré et le fait que cette version,

19 contrairement aux autres versions du même document que j’ai pu voir,

20 correspond, me semble-t-il, plus précisément et avec plus de

21 modération au sujet en discussion. Le deuxième élément, ce sont les

22 discussions que j’ai eues avec des universitaires de Belgrade, dont

23 certains connaissaient les bases du document, je veux parler

24 notamment, si je peux le citer, du Professeur Svetozar Stojanivic.

25 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire ce que vous entendez exactement

Page 439

1 par « faire autorité » ?

2 R. J’ai utilisé le terme « autorité » comme je l’ai fait, non pas pour

3 indiquer que le document jouissait de l’autorité de l’Académie, car

4 je pense avoir indiqué que selon l’Académie, il ne s’agissait pas

5 d’un document officiel, mais de rien d’autre que d’un document

6 émanant d’un groupe de discussion; j’ai utilisé le terme

7 « autorité » pour signifier qu’il reflétait plus fidèlement les

8 préoccupations de ses auteurs que les autres versions.

9 Q. Et sur quelle base vous appuyez-vous pour penser que vous connaissez

10 exactement les préoccupations de ce petit groupe de travail, composé

11 des personnes qui ont travaillé à l’élaboration de l’une des

12 versions de ce document ?

13 R. Je crois avoir déjà répondu à cette question, mais je serais heureux

14 de le refaire; je me suis appuyé sur le sentiment que j’avais des

15 sujets en discussion et sur le fait que j’avais vu, précédemment,

16 deux autres versions de ce document ou, plutôt, deux autres

17 documents présentés comme d’autres versions de celui-ci, et je me

18 suis également appuyé sur les discussions que j’ai eues avec des

19 universitaires de Belgrade et notamment avec le Professeur Svetozar

20 Stojanivic qui, à l’époque, était très proche de certaines des

21 personnes dont on disait qu’elles avaient été impliquées dans la

22 préparation de ce document.

23 Q. En même temps, vous avez dit, M. Gow, que ce document ne faisait

24 peut-être pas autorité. Je veux dire, comment dois-je comprendre que

25 vous affirmiez, d’une part, que ce document fait davantage autorité,

Page 440

1 alors que de l’autre, vous déclarez qu’il ne fait peut-être pas

2 autorité ?

3 R. Une fois de plus, je pense que je viens d’indiquer la réponse à

4 apporter à cette question, mais je serais heureux de la répéter.

5 J’utilise le terme, si j’utilise le terme ...

6 Q. Puis-je vous interrompre, peut-être pour rendre la question plus

7 claire. Vous parlez bien du même document ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous avez d’abord déclaré qu’il ne faisait peut-être pas autorité,

10 puis, quelques lignes plus bas, vous avez déclaré qu’il faisait

11 davantage autorité.

12 R. Puis-je apporter quelques éclaircissements ? Veuillez excuser mon

13 emploi de la langue anglaise. C’est, manifestement, une nouvelle

14 occasion qui prouve que votre usage de l’anglais, en tant que

15 néerlandophone, apparaît très supérieur à celui d’un anglophone de

16 naissance. La première utilisation du terme « autorité », comme je

17 l’ai indiqué dans ma réponse, il y a quelques instants, visait à

18 signifier que, selon moi, l’Académie serbe des Arts et des Sciences

19 ne considère pas ce document comme officiel, comme un document

20 investi de l’autorité de l’Académie.

21 La seconde utilisation du terme « autorité » et de

22 l’expression « faisant davantage autorité » n’avait rien à voir avec

23 cette déclaration selon laquelle ce document n’était pas considéré

24 comme faisant autorité, mais était employé en référence aux

25 documents que j’ai vus et qui se présentaient comme d’autres

Page 441

1 versions de ce même texte. Par conséquent, je déclare penser que la

2 version qui a été utilisée est susceptible de fournir une indication

3 à peu près exacte des préoccupations des membres du groupe qui,

4 quels qu’ils soient et en tant que membres de l’Académie serbe des

5 Sciences, étaient dans la situation de la Serbie et de la

6 Yougoslavie de l’époque.

7 Q. L’autre version que vous avez vue ne reflétait-elle pas votre idée

8 personnelle quant aux problèmes existants ?

9 R. Les autres documents que j’ai vus reflétaient certainement ces

10 préoccupations. Mon évaluation à leur sujet remonte déjà loin et je

11 dois dire que je ne me souviens pas précisément des détails de son

12 contenu; l’un des autres documents que j’ai vus me semble

13 outrepasser le degré de modération apparent dans celui-ci,

14 s’agissant de l’usage de la langue, même si les préoccupations

15 exprimées sont identiques. C’est donc pour cette raison que je pense

16 que ce document est celui que j’aurais choisi pour en faire un

17 exemple, aux dépens d’un document plus - moins raisonné -. Je ne

18 suis pas sûr, encore une fois, d’utiliser les mots justes, mais je

19 tente d’indiquer, de façon raisonnable, comment je considère la

20 version du document qui a été présentée.

21 Q. Merci, M. Gow. Je comprends que vous préfériez cette version du

22 document. M. Gow, je voudrais vous poser quelques questions sur des

23 thèmes constitutionnels. Je commencerai par la Constitution de la

24 Yougoslavie fédérative. Vous avez déclaré que dans la Constitution

25 yougoslave de 1974, le droit à l’autodétermination était évoqué dans

Page 442

1 le Préambule. Le Préambule auquel vous faisiez référence se trouve-

2 t-il en page 5 de la pièce à conviction n° 19 ? Je prierais le

3 Greffe de bien vouloir vous remettre la pièce à conviction n° 19.

4 (Remise de la pièce).

5 R. Oui.

6 Q. Je ne sais pas si vous réussirez à lire le texte sur le moniteur,

7 mais je ne voudrais pas vous empêcher de le lire. Le Préambule

8 auquel vous faites référence se trouve-t-il en page 5 de la pièce à

9 conviction n° 19 ?

10 R. J’en ai parlé comme du Préambule. Ici, il est désigné sous les

11 termes « partie liminaire », mais c’est bien à cela que je faisais

12 référence, effectivement.

13 Q. M. Gow, le droit à l’autodétermination, y compris le droit à la

14 sécession, est-il mentionné en quelque endroit que ce soit de cette

15 Constitution à part dans le Préambule ?

16 R. Je n’en suis pas sûr. Je ne peux dire si c’est le cas ou non.

17 Q. Vous ne savez pas s’il est évoqué où que ce soit dans la

18 Constitution, hormis dans le Préambule ?

19 R. Je ne me rappelle pas. J’ai compulsé la Constitution, je ne sais pas

20 si je l’ai jamais lue jusqu’au dernier mot et je ne me rappelle

21 absolument pas si ce concept apparaît à quelque autre endroit que ce

22 soit.

23 Q. Quel est le sens à donner, dans le Préambule, à l’expression « les

24 nations de Yougoslavie » ?

25 R. L’expression « les nations de Yougoslavie » - tirée de l’original

Page 443

1 serbo-croate où « nation » se dit « narod » - est utilisée dans deux

2 sens différents. Selon l’un de ces sens, elle désigne, sinon indique

3 clairement, les peuples fondateurs d’Etats.

4 Q. Je n’ai pas compris cette partie de votre réponse. Pourriez-vous la

5 répéter, je vous prie ?

6 R. Toute la réponse ?

7 Q. Non. Vous avez commencé à nous dire qu’il existait deux

8 significations, avez-vous dit, et puis je n’ai pas compris ce que

9 vous avez dit ensuite.

10 R. D’accord. Je pense que le terme « nations » est utilisé ici dans un

11 double sens. En serbo-croate, le terme « narod » signifie à la fois

12 « nation » et « peuple ». Et je considère, c’est mon jugement

13 personnel, d’un point de vue politique, en abordant ces événements

14 sous l’angle des études politiques ou des relations internationales,

15 je considère qu’il existe une certaine ambiguïté dans ce terme, sans

16 doute placé intentionnellement à cet endroit par les personnes

17 concernées en Yougoslavie.

18 Le terme « nation », « narod » signifie à la fois peuple et

19 nation en serbo-croate. Le terme « nation » est utilisé pour

20 impliquer, sinon indiquer clairement, que l’on fait référence aux

21 peuples fondateurs d’Etats de la RSFY, des territoires de la RSFY.

22 Je crois que nous en avons discuté lorsque j’ai déposé ici, au cours

23 de la première partie de ma déposition. Ainsi, les Serbes, les

24 Slovènes, les Croates, etc., étaient considérés comme des peuples

25 fondateurs d’Etats. Mais l’usage du terme « nations » découle

Page 444

1 également de son utilisation dans les relations internationales, où

2 il revêt le sens de « peuples », car dans la documentation

3 internationale, en politique internationale, le droit à

4 l’autodétermination est inhérent aux peuples, et non aux groupes

5 ethno-nationaux considérés comme des peules fondateurs d’Etats.

6 C’est un débat complexe qui a cours parmi les universitaires

7 et, dans la pratique, ce terme, et je ne parle pas de la formule

8 utilisée ici ou dans d’autres parties de la Constitution, au cas où

9 ce terme apparaîtrait en d’autres endroits, mais je parle d’un point

10 de vue pratique, le droit à l’autodétermination, appelé ici « le

11 droit de toute nation à l’autodétermination » est, en fait, d’après

12 moi, un terme utilisé dans la documentation internationale et dans

13 la pratique - excusez-moi, en pratique, il correspond, pour autant

14 que cela soit possible, aux documents internationaux où il est

15 considéré comme désignant des peuples, ces « peuples » ayant

16 toujours été interprétés comme les habitants de territoires

17 désignés, jouissant, en général, d’une certaine qualité de

18 souveraineté ou de quelque chose d’approchant.

19 Donc, au cours du processus de décolonisation qui a marqué

20 l’ère des Nations Unies, le droit à l’autodétermination a été

21 consenti aux habitants de tous les territoires des anciennes régions

22 coloniales et non, par exemple, aux groupe ethno-nationaux

23 particuliers résidant dans l’un des pays anciennement colonisés.

24 C’est d’ailleurs l’une des raisons, comme vous pouvez l’imaginer, du

25 grand nombre de conflits intercommunautaires qui ont éclaté dans de

Page 445

1 nombreux pays à la fin de l’ère coloniale.

2 Q. M. Gow, l’expression « les nations de Yougoslavie » employée dans ce

3 Préambule l’est-elle par comparaison, par opposition aux

4 nationalités ?

5 R. C’est effectivement le cas.

6 Q. Ce qui est désigné par « nations » dans ce Préambule n’est pas

7 établi de la façon la plus claire, puisque je ne comprends pas, sur

8 la base de votre déposition, que le terme « nationalités » désigne

9 des minorités nationales. C’est l’explication que vous avez fournie

10 au sujet du terme « nationalités » le 8 mai.

11 R. Je suis désolé, pourriez-vous répéter la question ? Je crois ne pas

12 avoir saisi la fin.

13 Q. Ma question consistait à vous demander si le terme « nations » était

14 à comparer ou à opposer au terme « nationalités » dans ce Préambule;

15 je crois que vous avez répondu que c’était le cas.

16 R. Le terme « nationalités » apparaît, oui. Si vous lisez environ à

17 partir de la moitié du premier paragraphe, vous trouverez la

18 première référence aux « nations » et aux « peuples ». Cela se

19 trouve après le mot, après l’expression « intérêt commun », « avec

20 les nationalités » .

21 Q. Peut-il donc y avoir encore ambiguïté quant à la signification du

22 terme « nations » employé ici, alors qu’il est comparé aux minorités

23 nationales, pourrait-il faire référence à un Etat ? Vous avez

24 indiqué que dans d’autres pays, peut-être même sur d’autres

25 continents, l’autodétermination avait évolué, mais j’aimerais que

Page 446

1 nous nous en tenions à ce Préambule, où l’évocation des nations de

2 Yougoslavie est à comparer, à opposer au concept de nationalités. Ce

3 terme peut-il donc revêtir une quelconque autre signification que

4 celle des principaux groupes slaves du sud en Yougoslavie, à savoir

5 les Croates, les Macédoniens, les Monténégrins, les Musulmans, les

6 Serbes et les Slovènes ?

7 R. Juxtaposés de la sorte, les termes « nations » et « nationalités »

8 signifient, dans le contexte yougoslave, qu’il existe une différence

9 entre ces groupes désignés comme nations, peuples fondateurs

10 d’Etats, ceux auxquels vous avez fait référence, et d’autres

11 groupes.

12 J’ai indiqué précédemment qu’il y avait une certaine ambiguïté

13 liée au fait que l’emploi de l’expression « le droit de toute nation

14 à l’autodétermination », - parce que le même mot est utilisé en

15 serbo-croate -, crée une certaine ambiguïté, puisque les deux

16 significations sont mutuellement exclusives. Le droit à

17 l’autodétermination accordé à des peuples peut aussi, théoriquement,

18 s’appliquer à des groupe ethno-nationaux, j’en suis sûr. J’ai

19 simplement dit que dans la pratique, il s’est toujours appliqué,

20 pour autant que je le sache (en tout cas dans l’ère des Nations

21 Unies) à des territoires plutôt qu’à des groupe ethno-nationaux. Il

22 y a donc là emploi ambigu de la terminologie.

23 Dans un certain sens, dans le premier paragraphe, l’emploi des

24 termes « nations de Yougoslavie » se justifie probablement par leur

25 juxtaposition avec le terme « nationalités » que l’on peut

Page 447

1 comprendre comme désignant des groupes ethno-nationaux fondateurs

2 d’Etats, mais le fait de placer le même mot à la ligne suivante crée

3 une ambiguïté du point de vue des relations internationales, en tout

4 cas c’est mon avis.

5 Q. Je parle des aspects constitutionnels et non des complications

6 internationales qui en découlent. Pourriez-vous, je vous prie, nous

7 lire à haute voix, de façon à ce que nous sachions exactement où, à

8 votre avis, réside cette ambiguïté ?

9 R. Vous voulez que je le fasse ?

10 Q. Je vous demande de lire le Préambule, oui, je vous prie.

11 R. Exhaustivement ?

12 Q. Oui. C’est ce que je vous demande.

13 R. « Les nations de Yougoslavie. Procédant du droit de toute nation à

14 l’autodétermination, y compris du droit de sécession, qui découle de

15 la libre expression de leur volonté au cours de la lutte commune de

16 toutes les nations et nationalités dans la guerre de libération

17 nationale et au cours de la révolution socialiste et est conforme à

18 leurs aspirations historiques, conscientes qu’elles sont que la

19 consolidation ultérieure de leur fraternité et de leur unité est

20 dans l’intérêt commun, ont, avec les nationalités aux côtés

21 desquelles elles vivent unies au sein d’une République fédérale de

22 nations et nationalités libres et égales fondée sur une communauté

23 socialiste du peuple travailleur, la République socialiste

24 fédérative de Yougoslavie, dans laquelle, dans l’intérêt de chaque

25 nation et nationalité considérée isolément ainsi que dans l’intérêt

Page 448

1 d’elles toutes considérées ensemble, elles réalisent et garantissent

2 - vous voulez que je continue ?

3 Q. Merci, M. Gow. Les Slaves islamisés de Bosnie étaient-ils un peuple

4 fondateur d’Etat ?

5 R. La Constitution de 1974 les a qualifiés comme étant l’une des

6 nations de Yougoslavie. A la fin de la seconde guerre mondiale - en

7 fait, je suppose, au cours de la seconde guerre mondiale - des

8 discussions ont surgi quant à la position des Slaves islamisés, mais

9 à cette époque, ils n’étaient pas considérés comme l’une des

10 nations, l’un des peuples fondateurs d’Etats. Au cours des années

11 60, la question de leur statut a à nouveau été évoquée, et je pense

12 que c’est en 1968 que les documents du Parti les ont identifiés sous

13 les termes de « l’une des nations ». Lorsqu’a été adoptée la

14 Constitution de 1974, ils étaient considérés comme l’une des nations

15 de Yougoslavie.

16 Q. Une dernière question : possédaient-ils leur propre Etat, ces Slaves

17 islamisés ?

18 R. La réponse est non.

19 Q. La réponse est non. Merci, M. Gow. Les Républiques de Yougoslavie

20 ont-elles reçu le droit de se séparer de la Fédération en vertu de

21 cette Constitution ? Je parle des Républiques, pas des Républiques

22 populaires.

23 R. Les Républiques n’ont pas reçu explicitement le droit de quitter la

24 Fédération, même si, selon toutes les Constitutions, les fédérations

25 sont des unions de Républiques et ce sont les Républiques qui sont

Page 449

1 les entités territoriales politiques.

2 Q. Oui, mais la réponse est non, les Républiques en tant que telles

3 n’ont pas reçu le droit de faire sécession ?

4 R. Les Républiques n’ont pas explicitement reçu le droit de partir.

5 Q. Cela répond à ma question, M. Gow. Au vu du fait que la Constitution

6 de 1974 n’accordait pas explicitement le droit de se séparer aux

7 Républiques, le fait de s ’opposer à la sécession était-il un moyen

8 de soutenir la Constitution légitime ? Autrement dit, si vous vous

9 opposiez à la sécession, était-ce un moyen de soutenir la

10 Constitution légitime ?

11 R. Nous entrons là dans un domaine très complexe et très ambigu. Nous

12 nous heurtons, à nouveau, à l’emploi ambigu du terme « narod », qui

13 a deux sens. Un examen philosophique de l’évolution de ces

14 Républiques, de leur parcours au cours de la seconde guerre

15 mondiale, lorsqu’elles étaient les Conseils régionaux du Conseil

16 antifasciste de libération nationale de la Yougoslavie, montre à

17 l’évidence la nécessité d’une part, d’octroyer ou de conférer la

18 qualité d’Etats aux peuples fondateurs d’Etats tels qu’on les

19 définissait durant la seconde guerre mondiale, et le droit à

20 l’autodétermination a été utilisé de façon assez ambiguë; encore une

21 fois, en raison du double sens dont j’ai déjà parlé.

22 Bien qu’explicitement, le droit à la sécession n’ait pas été

23 accordé aux Républiques, pour autant que je le sache, ces

24 Républiques ont été, à partir de 1946, considérées comme les unités

25 constitutionnelles de la fédération et du point de vue de

Page 450

1 l’application du principe d’autodétermination dans la pratique des

2 relations internationales, il était courant que ce soient les

3 communautés territoriales politiques, et non les groupes ethno-

4 nationaux, qui jouissent du privilège d’exercer ce droit.

5 En rédigeant ces Constitutions, je crois que les Yougoslaves

6 ont explicitement tenté de jouer sur les deux tableaux dans leur

7 façon de traiter deux autres questions posées à la fédération

8 complexe qu’étaient tant la RSFY que celle qui l’avait précédée, la

9 République populaire fédérale de Yougoslavie. Par conséquent, même

10 si explicitement, le droit à la sécession n’était pas prévu, le

11 droit à l’autodétermination était sujet à interprétation et à

12 application et ne pouvait, en pratique, être mis en oeuvre que par

13 des communautés territoriales politiques.

14 S’opposer à la sécession d’une République, au cas où celle-ci

15 la souhaitait, était donc l’attitude convenable, car je pense avoir

16 fait référence à l’article 5 de la Constitution, selon lequel un

17 changement ne pouvait intervenir qu’avec l’accord de tous les Etats

18 composant la RSFY.

19 Q. Donc, l’opposition à la sécession représentait une forme d’appui à

20 la Constitution ? Tel était le fond de ma question.

21 R. Oui.

22 Q. Ai-je raison de dire, M. Gow, que vous avez déclaré que lors des

23 élections libres de 1990, les partis nationalistes l’ont emporté

24 dans toutes les Républiques ?

25 R. Je devrais sans doute vérifier le procès-verbal pour dire avec

Page 451

1 certitude si vous avez raison ou non. Je pense avoir dit qu’en

2 Slovénie, le parti nationaliste et le parti communiste réformé qui

3 proposait un programme nationaliste, avaient gagné les élections.

4 Quelque chose de ce genre. En Croatie, les partis nationalistes ont

5 gagné les élections, en Bosnie-Herzégovine, la majorité des voix a

6 suivi les lignes de division des partis nationaux. En Serbie et au

7 Monténégro, les communistes ou communistes réformés présentant un

8 programme nationaliste ont gagné les élections. Je n’ai pas

9 mentionné la Macédoine, je crois, mais en Macédoine également, une

10 forte dimension nationaliste s’est dégagée, avec le succès aux

11 élections d’espèces de communistes et de quelques nationalistes.

12 Q. La Constitution fédérale yougoslave garantissait-elle l’égalité en

13 droits des citoyens ?

14 R. Oui, je crois que c’était le cas.

15 Q. Savez-vous à quel endroit figure cette garantie ?

16 R. Non.

17 Q. Merci. L’amendement de la Constitution slovène de 1989 - je ne parle

18 plus de la Constitution fédérale - est en violation de cette

19 disposition de la Constitution fédérale, puisqu’elle accorde aux

20 Slovènes ethniques des droits supérieurs à ceux des autres citoyens

21 de Yougoslavie vivant en Slovénie ?

22 R. Je ne suis pas sûr de savoir à quelle disposition vous faites

23 référence et je suppose que même si je l’étais, je ne serais pas en

24 mesure de répondre à votre question.

25 Q. Alors, je laisserais peut-être ce sujet de côté pour le moment, le

Page 452

1 temps de voir si je peux vous fournir le texte, bien que vous ayez

2 indiqué ne pas être, peut-être, en mesure de répondre à cette

3 question. La Constitution croate de 1990, je ne parle plus de la

4 Constitution slovène, accorde des droits supérieurs aux Croates

5 ethniques par rapport à ceux des autres citoyens de Yougoslavie

6 vivant en Croatie ?

7 R. Je ne suis pas sûr qu’elle accorde des droits supérieurs aux Croates

8 ethniques, mais elle a certainement modifié le statut des Serbes

9 ethniques, officiellement, en République de Croatie.

10 Q. Dans quel sens ?

11 R. Je crois avoir dit, au cours de ma déposition, que la Constitution

12 de la République de Croatie de 1990 a modifié la dénomination de

13 cette République de Croatie, qui « d’Etat du peuple croate, du

14 peuple serbe et des autres » est devenu l’«Etat du peuple croate,

15 des Serbes et des autres ». Ainsi, par conséquent, les Serbes qui,

16 selon la première dénomination, étaient un peuple, arrivent, selon

17 la deuxième, en tête de liste des « Serbes et des autres ». Je crois

18 avoir dit cela dans ma déposition, l’autre jour.

19 Q. Ils ont donc été dégradés ?

20 R. Certainement, du point de vue de la dénomination, leur statut a

21 changé. Je pense avoir également dit, déjà, que cela a suscité

22 l’inquiétude du peuple serbe de Croatie.

23 Q. Oui. Savez-vous si les lois croates relatives à la citoyenneté

24 établissaient une discrimination contre les non-Croates ? Je ne

25 parle donc pas de la Constitution, mais...

Page 453

1 R. Je crains de ne pas être suffisamment informé des dispositions

2 régissant la citoyenneté ou des lois qui s’y rapportent, et de

3 n’avoir qu’une connaissance limitée des dispositions qui régissent

4 la citoyenneté dans mon propre pays.

5 Q. Sans perdre cela de vue, ce dont nous venons de discuter, les non-

6 Croates vivant dans la Croatie de 1991 pouvaient-ils raisonnablement

7 craindre la discrimination, dans une Croatie nationaliste

8 indépendante ?

9 R. Tout le poids de votre question porte sur le mot « raisonnable »,

10 d’où un certain nombre de difficultés. D’un côté, en raison de

11 l’expérience historique, personne ne pouvait dire que les membres de

12 la communauté serbe, qui avaient vécu des choses terribles sous le

13 régime oustachi des années 40, pouvaient ne pas avoir dans leurs

14 arrière-pensées quelques souvenirs susceptibles de susciter

15 l’inquiétude.

16 En même temps, le poids de votre question pèse sur le mot

17 « raisonnable ». Il faut donc jauger la situation. Je serais tenté

18 de penser qu’il est très difficile de formuler un jugement précis

19 sur ce sujet. Oui, le peuple avait sans doute des raisons de nourrir

20 des arrière-pensées, mais était-il raisonnable pour lui de vivre une

21 peur importante, je n’en suis pas sûr.

22 Q. Je ne vous ai pas demandé s’il vivait une peur importante, je vous

23 ai demandé s’il était raisonnable, pour les non-Croates de Croatie,

24 de craindre de faire l’objet de discriminations.

25 R. Encore une fois, le poids porte sur le mot « raisonnable ». Il

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1 serait inexact de dire qu’il n’y avait aucune raison justifiant une

2 certaine inquiétude de leur part; maintenant, était-il raisonnable

3 ou non, pour eux, de craindre des discriminations, c’est une

4 question qui, je suppose, si je voulais y répondre, m’inciterait à

5 m’éloigner pour réfléchir et effectuer des recherches approfondies.

6 C’est une question très difficile. Certainement, il est exact qu’il

7 pouvait y avoir quelques raisons légitimant leur inquiétude.

8 Q. Je vais vous poser la question de façon différente. M. Gow, si vous

9 aviez été dégradé au rang de citoyen de deuxième classe, craindriez-

10 vous des discriminations, dans vos arrière-pensées ou -

11 R. Je suis sûr que cela dépendrait de la situation et du contexte. Je

12 ne suis pas certain de savoir ce que signifie le fait d’être dégradé

13 au rang de citoyen de deuxième classe. Je peux imaginer à quoi doit

14 ressembler le fait de n’être pas citoyen britannique, mais citoyen

15 britannique d’un territoire dépendant, par exemple, mais dans ce

16 cas, la cause serait liée au fait d’être originaire d’une région

17 différente, d’une partie du monde différente, et mon statut ainsi

18 que mes droits de résidence au Royaume-Uni s’en trouveraient

19 modifiés.

20 Je ne suis pas sûr de savoir comment cela se passerait à

21 l’intérieur des frontières d’un même pays, comment on désigne

22 différentes classes de citoyens. Pour autant que je le sache, aucun

23 processus ne visait à désigner différentes classes de citoyens, mais

24 ce que j’en dis n’est que pour autant que je le sache, s’agissant de

25 la situation prévalant en Croatie, à laquelle, je crois, vous vous

Page 455

1 intéressez.

2 Q. Merci, M. Gow. M. Gow, puisque la Constitution fédérale yougoslave

3 de 1974 évoque les nations de Yougoslavie comme étant habilitées à

4 faire sécession et qu’elle n’accorde pas explicitement ce droit aux

5 Républiques, l’argument selon lequel des régions possédant une

6 population majoritaire issue de l’une de ces nations ou de ces

7 nations pourraient se séparer d’une République ou exiger le droit de

8 faire sécession pour former un nouvel Etat-nation à l’intention de

9 leur majorité, cet argument est-il nécessairement illégitime, suis-

10 je clair ? Je crains de ne pas l’être.

11 R. Je ne suis donc pas le seul !

12 Q. Vous verrez que ma première remarque n’est pas sans fondement. Je

13 vais tenter de reformuler ma question. M. Gow, je voudrais vous

14 renvoyer à la pièce à conviction n° 24. Je me demandais si nous

15 pourrions placer vos remarques au sujet de l’éclatement de l’ex-

16 Yougoslavie dans leur contexte. Peut-être pourrions-nous d’abord

17 voir la pièce à conviction n° 24. J’aimerais placer vos remarques au

18 sujet de la préparation, par la Serbie, de l’éclatement de l’ex-

19 Yougoslavie, dans leur contexte. N’est-il pas exact que près d’un an

20 auparavant, en 1989, la Slovénie avait déjà amendé sa Constitution,

21 avant tout amendement de la sienne par la Serbie, afin d’affirmer la

22 primauté de ses dispositions constitutionnelles propres sur celles

23 de la Constitution fédérale ?

24 R. Dans mon souvenir, en 1989, sinon peut-être déjà en 1988, mais ma

25 mémoire n’est pas précise, la République de Slovénie a commencé - le

Page 456

1 Parlement de la République de Slovénie a accompli une série d’actes

2 législatifs destinés à affirmer, sinon à renforcer, la souveraineté

3 de la République de Slovénie en tant qu’un des Etats de la RSFY. Si

4 cela doit être en 1988 (et ma mémoire n’est pas précise), que ce

5 soit en 1988, sinon que ce soit en 1989, il a commencé ce processus

6 d’affirmation de souveraineté et d’amendement de la Constitution.

7 Mais s’il s’agit de 1989, je soulignerais que, bien que vous me

8 renvoyiez aujourd’hui à la Constitution de la République de Serbie

9 de 1990, dans ma déposition antérieure, j’ai fait référence à

10 l’amendement de sa Constitution par la République de Serbie en 1989.

11 Donc, déclarer que cela a eu lieu un an avant me semble

12 inopportun. C’est un an avant que la République de Serbie a adopté

13 une nouvelle Constitution, mais c’est à ce moment-là que la

14 République de Serbie a adopté sa Constitution propre.

15 Q. Que comportaient exactement ces amendements ? J’aimerais les

16 comparer aux amendements adoptés en Slovénie.

17 R. Les amendements s’intéressaient, dans les deux cas, à affirmer la

18 souveraineté des deux Républiques. Dans le cadre de ces amendements

19 (et je crois en avoir déjà discuté), la République de Serbie

20 cherchait à renforcer la qualité (si une telle chose est possible)

21 de sa souveraineté; je ne suis pas sûr de cela, en fait, mais en

22 tout cas, elle cherchait à renforcer la réalité de l’exercice de ses

23 droits souverains en tant qu’Etat, en cherchant à supprimer les

24 pouvoirs des deux provinces autonomes qui gênaient sa souveraineté,

25 d’après les autorités.

Page 457

1 Ainsi, dans les deux cas et dans celui de la Slovénie

2 notamment, dans une situation marquée par des inquiétudes liées aux

3 événements de 1988 quant au risque que la souveraineté de la

4 République ne soit pas respectée, le Parlement et les autorités de

5 la République de Slovénie, partant d’une perspective différente, ont

6 fondamentalement agi dans le même sens, en cherchant à renforcer la

7 souveraineté de celle-ci.

8 Q. Ai-je raison de comprendre que les amendements dont nous avons

9 parlé, pour la Serbie, avaient tous un rapport avec la situation

10 spécifique des petites régions placées sous sa souveraineté, ou

11 peut-être pas sous sa souveraineté, mais faisant partie de la

12 République de Serbie, ces régions autonomes, donc les amendements ne

13 portaient que sur des questions internes à la Serbie ?

14 R. Il est très difficile de répondre à cette question, même si les deux

15 provinces autonomes étaient à l’intérieur de la Serbie et qu’en

16 Serbie, l’intégrité de la République serbe dans son ensemble était

17 en débat, c’était un important sujet de discussion en RSFY, car les

18 deux provinces autonomes avaient des représentants; par exemple, au

19 sein de la présidence collégiale, elles étaient considérées comme

20 ayant un certain statut au niveau fédéral. Par conséquent, en

21 prenant ces mesures eu égard à l’autorité politique régissant ses

22 territoires, la République de Serbie estimait que ses actions

23 auraient également une incidence sur l’ensemble de la RSFY.

24 Q. J’imagine sans peine la nature de cette incidence, car les mesures

25 prises à l’intérieur de la République de Serbie n’ont pas été sans

Page 458

1 effet, mais par ses amendements, la Serbie refusait-elle d’accepter

2 la primauté de la Constitution fédérale, a-t-elle placé sa propre

3 Constitution plus haut que la Constitution fédérale ?

4 R. Je ne suis pas sûr de savoir si c’est le cas ou pas.

5 Q. C’est le fond de ma question.

6 R. Je ne suis pas sûr qu’il soit possible de répondre par l’affirmative

7 ou la négative. Je crois qu’elle ne l’a pas fait de façon formelle,

8 en tout cas, même si en affirmant sa souveraineté, elle l’a

9 manifestement fait de facto.

10 Q. M. Gow, je sais que ceci est un sujet très complexe, mais ma

11 question portait sur le fait de savoir si, dans cette Constitution,

12 la primauté de la Constitution fédérale a été supprimée, éliminée.

13 Est-ce que cela a été le cas avec les amendements slovènes ? Ont-ils

14 déclaré, dans la nouvelle Constitution, que chaque fois qu’il y

15 aurait conflit, dans les dispositions constitutionnelles, entre la

16 Fédération et la Constitution slovène, c’est la Constitution slovène

17 qui prévaudrait ?

18 R. Je crois que c’est le cas et que c’est une attitude cohérente de la

19 part de tout Etat décidant d’exercer ses droits souverains, pour en

20 revenir à la définition des Républiques en tant qu’entités

21 souveraines.

22 Q. Merci. M. Gow, puis-je vous renvoyer à une autre partie de votre

23 déposition d’hier et d’avant-hier ? Lorsque la République de Bosnie-

24 Herzégovine a été reconnue par quelques Etats européens, pouvez-vous

25 définir avec précision à notre intention le territoire exact qui

Page 459

1 constituait cette République de Bosnie-Herzégovine reconnue à

2 l’époque ? Quel était exactement le territoire de l’Etat, le statut

3 de ce territoire, de ce peuple, quel était le territoire, pouvez-

4 vous nous le montrer sur une des cartes que vous avez utilisées ?

5 R. Avec plaisir.

6 Q. Ces cartes ont été préparées sous votre direction, vous savez donc

7 mieux que quiconque laquelle convient le mieux...

8 R. J’utiliserai probablement la première carte. C’est la plus simple,

9 je pense.

10 LE PRESIDENT : Il s’agit de la pièce à conviction n° 2, n’est-ce pas ?

11 MAITRE ORIE : De la pièce à conviction n° 2. (Remise de la pièce).

12 LE TEMOIN : Je crains d’avoir perdu le pointeur que l’on m’a donné l’autre

13 jour. Je pense très clairement que les frontières de la Bosnie-

14 Herzégovine - essayons encore une fois. Après les difficultés que

15 j’ai éprouvées à manipuler cet objet à distance hier, je ferais

16 mieux de faire attention. Vous voyez ici cette ligne, si vous la

17 suivez, elle indique les frontières de la Bosnie-Herzégovine. Vous

18 voyez également cette étroite bande, ici, qui débouche sur la mer

19 Adriatique.

20 MAITRE ORIE : Merci, M. Gow. Y avait-il un gouvernement central dans

21 l’Etat de Bosnie-Herzégovine au moment de sa reconnaissance ?

22 R. Oui.

23 Q. Où était son siège ?

24 R. A Sarajevo.

25 Q. A Sarajevo. Ce gouvernement exerçait-il toutes les fonctions

Page 460

1 courantes d’un Etat sur l’ensemble du territoire de la Bosnie-

2 Herzégovine ?

3 R. Je crains de ne pas être sûr de comprendre ce que vous me demandez.

4 Q. Je vais peut-être vous donner un meilleur exemple.

5 R. D’accord.

6 Q. Par exemple, il est généralement admis qu’être responsable de la

7 police du territoire fait partie des fonctions d’un gouvernement. Le

8 gouvernement central de Sarajevo contrôlait-il la police sur le

9 territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

10 R. Je pense qu’il y a une différence entre responsabilité et contrôle.

11 Les gouvernements sont toujours responsables, même s’ils n’ont pas

12 toujours le contrôle des situations. Je sais que dans mon pays, et

13 parfois aux Etats-Unis, il existe des régions dans lesquelles - sans

14 doute également dans d’autres pays - les forces de police agissent

15 de façon inappropriée; mais je ne pense pas que cela supprime la

16 responsabilité du gouvernement par rapport à ce qui se passe, car

17 les gouvernements sont responsables, même s’ils ne sont pas

18 réellement capables de contrôler les événements.

19 Q. Lorsque je parle de contrôle, je ne parle pas des occasions où il

20 peut arriver qu’un officier de police fasse quelque chose

21 d’incorrect, qu’il convient d’empêcher, mais je parle de la

22 situation, de façon générale. Prenons un exemple, le gouvernement de

23 Sarajevo contrôlait-il la police de Prijedor, par exemple ?

24 R. Contrôlait. Pour autant que je puisse parler des forces de police de

25 Prijedor, je ne suis pas sûr qu’elles étaient, je ne suis pas sûr,

Page 461

1 mais encore une fois, je ne pense pas que cela supprime la

2 responsabilité du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. C’était une

3 situation difficile, comme nombre d’autres situations dont nous

4 avons discuté.

5 Q. Oui. Vous avez déjà attiré mon attention deux fois sur la

6 responsabilité formelle. Est-ce une façon de dire qu’il s’agissait

7 d’une responsabilité formelle, ne consistant pas à donner des

8 instructions, des ordres devant être obéis, c’est ce que j’entends

9 lorsque je parle de contrôle exercé sur les forces de police, mais

10 d’une responsabilité formelle qui, dans les faits, ne signifiait

11 rien ? Pourriez-vous, je vous prie, nous éclairer sur la situation

12 qui prévalait à l’époque de la reconnaissance de cet Etat, pour ce

13 qui concernait - je les prends comme exemple - les forces de police

14 ?

15 R. Je n’ai aucune connaissance spécifique de la situation d’un point de

16 vue global et absolu, s’agissant des forces de police de quelque

17 partie de la Bosnie-Herzégovine que ce soit. Ayant émis clairement

18 cette réserve, je ne serais pas du tout surpris que dans la

19 situation prévalant en Bosnie-Herzégovine en 1990 et 1991, et en

20 tout cas au début de 1992, l’on puisse découvrir qu’il existait des

21 régions où il y avait des policiers susceptibles de recevoir des

22 instructions de Sarajevo, mais qui refusaient d’agir selon ces

23 instructions.

24 Q. Permettez-moi d’aborder une autre fonction essentielle d’un Etat,

25 celle qui a trait aux aspects monétaires. Par exemple, à l’époque,

Page 462

1 la situation prévalant en Herzégovine était-elle telle que les

2 Croates avaient leur propre devise et peut-être également leur

3 propre police ?

4 R. Peut-être pourriez-vous rendre la question plus claire, encore une

5 fois ? Je suis désolé de toujours vous demander la même chose,

6 mais...

7 Q. J’essaie d’en apprendre davantage sur le fonctionnement effectif de

8 l’Etat de Bosnie-Herzégovine à l’époque de sa reconnaissance.

9 R. D’accord.

10 Q. J’ai commencé par vous poser des questions portant sur le fait de

11 savoir s’il contrôlait la police. Vous avez dit : « Eh bien, je ne

12 sais pas. Il est possible qu’il ne la contrôlait pas dans certaines

13 régions ». Une autre fonction essentielle de l’Etat a trait à la

14 fonction monétaire et à la monnaie. Y avait-il des régions de

15 Bosnie-Herzégovine, par exemple l’Herzégovine occidentale, où les

16 Croates avaient leur propre devise et n’utilisaient pas la devise

17 officielle de l’Etat de Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Non. Les Croates de la région que vous avez évoquée n’utilisaient

19 pas leur propre devise.

20 Q. Ils n’utilisaient pas leur propre devise ?

21 R. Non. Ils utilisaient - mais la devise de la République de Croatie

22 circulait librement. C’est un peu comme lorsqu’on se trouve au

23 Luxembourg, où on peut utiliser des francs belges, je suppose. Si

24 vous considérez le territoire de la RSFY avant sa dissolution, le

25 deutsche mark était le plus couramment utilisé, je suppose, dans la

Page 463

1 plupart des transactions autres que les achats à l’épicerie et des

2 choses de ce genre.

3 Q. Cela n’indique-t-il pas que la devise du pays ne fonctionnait pas

4 correctement -

5 R. Je ne suis pas sûr que cela l’indique.

6 Q. - d’un point de vue monétaire ?

7 R. Je ne suis pas sûr que cela indique que la devise du pays ne

8 fonctionnait pas correctement, pas plus que la libre utilisation du

9 franc belge au Luxembourg n’indique que le Luxembourg ne fonctionne

10 pas en tant que pays, ou que l’utilisation du deutsche mark ou

11 l’utilisation relativement libre du deutsche mark dans les

12 territoires de la RSFY avant sa dissolution n’indique que le système

13 monétaire ne fonctionnait pas dans ce pays. Je serais d’accord, dans

14 le cas de la RSFY, pour juger qu’il ne fonctionnait pas, mais je ne

15 suis pas sûr que cela suffise pour établir clairement les choses

16 dans un sens ou dans l’autre.

17 Q. Peut-être pourrions-nous aborder une autre fonction de l’Etat, la

18 fiscalité. Les impôts étaient-ils collectés sur l’ensemble du

19 territoire par le gouvernement central ?

20 R. Dans la situation de 1991 et 1992, j’en doute beaucoup.

21 Q. Vous en doutez ?

22 R. J’en doute, oui.

23 Q. Qu’en était-il d’une autre fonction de l’Etat, la défense, l’armée ?

24 Pourriez-vous nous parler de l’armée du Gouvernement central de

25 Bosnie-Herzégovine ?

Page 464

1 R. Je suppose que vous vous situez toujours à l’époque de la

2 reconnaissance de l’identité internationale indépendante de la

3 Bosnie-Herzégovine et, si tel est le cas -

4 Q. Je parle de cette période. Ensuite, nous pourrons aborder une

5 période ultérieure.

6 R. C’était simplement à titre d’éclaircissement. Oui, à l’époque de la

7 reconnaissance de l’identité indépendante de la Bosnie-Herzégovine,

8 comme c’était le cas dans bien d’autres domaines, la situation était

9 complexe. Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine était responsable

10 des forces de la Défense territoriale du pays. A l’époque, j’ai déjà

11 parlé de la présence de l’Armée populaire yougoslave sur le

12 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je pense avoir indiqué qu’un

13 certain nombre de groupes armés irréguliers étaient présents sur le

14 territoire de la Bosnie-Herzégovine, de même que l’armée croate.

15 J’espère que ceci répond à votre question, mais encore une fois, il

16 est possible que je n’aie pas bien compris ce que vous me demandiez.

17 Q. Quel contrôle le gouvernement de Sarajevo exerçait-il, et j’utilise

18 le mot « contrôle » dans le même sens que celui que j’ai indiqué

19 précédemment, lorsque j’ai parlé des forces armées présentes sur le

20 territoire ?

21 R. Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine contrôlait les éléments

22 centraux de la Défense territoriale ainsi que la Défense

23 territoriale d’autres régions. Dans certaines régions, comme je l’ai

24 déjà dit au cours de ma déposition, des activités étaient

25 entreprises aux fins de modifier, de changer la composition des

Page 465

1 forces de la Défense territoriale et de mobiliser les Serbes

2 ethniques au sein de certaines unités de la Défense territoriale, en

3 vue de préparer d’éventuelles actions ultérieures.

4 S’agissant de ces unités, même si le commandement centralisé

5 de la Défense territoriale pouvait émettre des instructions, je suis

6 tout à fait certain que s’ils recevaient ces instructions, ils n’y

7 prêtaient aucune attention.

8 S’agissant de l’Armée populaire yougoslave, la situation

9 demeurait, à l’époque, quelque peu ambiguë, car la JNA vivait un

10 processus de transformation et des éléments en son sein étaient

11 manifestement favorables à des plans d’action prévus pour plus tard,

12 dont ils avaient connaissance. Un fort sentiment yougoslave

13 prévalait encore chez ces éléments de la JNA. Certains, à Sarajevo,

14 parlaient au gouvernement bosniaque, cherchaient, peut-être même

15 davantage que le gouvernement bosniaque ne pouvait le faire, à

16 résoudre la situation, en tentant de prévenir toute détérioration

17 supplémentaire.

18 S’agissant de la situation, j’ai parlé de la présence de

19 l’Armée croate à l’époque, bien que l’Armée croate ait été présente,

20 dans mon souvenir, il avait été formellement indiqué qu’elle était

21 présente afin d’appuyer le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, même

22 si la nature de sa présence n’a plus été la même plus tard; et

23 s’agissant du contrôle exercé sur les diverses forces irrégulières,

24 autres que les forces de la Défense territoriale, que l’on appelle

25 peut-être irrégulières dans une certaine terminologie, s’agissant du

Page 466

1 contrôle exercé sur ces autres forces irrégulières, je dirais que le

2 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine n’en avait certainement plus le

3 contrôle.

4 Q. Pourriez-vous, je vous prie, être un peu plus précis et nous dire de

5 quelle partie de la Défense territoriale vous parlez, car vous avez

6 déclaré que certaines étaient peut-être sous le contrôle du

7 gouvernement central et d’autres non; la différence provenait-elle

8 de l’appartenance ethnique, autrement dit là où la majorité était

9 serbe, n’y avait-il aucun contrôle, dans ces endroits, sur la

10 Défense territoriale ?

11 R. Je considère que c’est une possibilité raisonnable, pour employer à

12 nouveau ce mot, de supposer que dans une majorité serbe,

13 certainement dans un certain nombre de régions majoritairement

14 peuplées de Serbes ainsi que dans des régions plus mixtes, selon les

15 éléments de preuve que j’ai déjà fournis et certains documents que

16 j’ai déjà présentés, dans certaines régions, en effet, les

17 instructions du commandement de la Défense territoriale de la

18 Bosnie-Herzégovine étaient ignorées ou n’étaient pas reçues.

19 Q. Puisque vous parlez de ces régions, pourriez-vous nous dire

20 approximativement quel pourcentage du pays elles représentaient ?

21 R. Je ne suis pas sûr que l’on puisse citer un pourcentage

22 approximatif. Je dirais - non, je ne pense pas que je puisse citer

23 un pourcentage approximatif.

24 Q. Merci, M. Gow. Je ne sais pas si -

25 LE PRESIDENT : Avant que vous ne passiez à votre question suivante, Maître

Page 467

1 Orie, nous suspendons l’audience pendant vingt minutes.

2 (11 h 30)

3 (Suspension de l’audience pendant quelques instants)

4 (11 h 53)

5 LE PRESIDENT : Maître Orie, vous pouvez poursuivre.

6 MAITRE ORIE : Si je peux poursuivre, Madame le Président.

7 LE PRESIDENT : Oui, je vous en prie.

8 MAITRE ORIE : M. Gow, revenons d’abord sur certains des sujets et certains

9 des problèmes constitutionnels dont nous avons discuté. Revenons

10 d’abord sur la question des Slovènes ou des Serbes qui n’étaient

11 plus fidèles à la Constitution fédérative, est-il permis de dire que

12 les Slovènes ont été les premiers à abandonner la Yougoslavie ?

13 R. Je suis désolé, je ne suis vraiment pas sûr de comprendre le sens de

14 votre question.

15 Q. Ma question consiste à vous demander s’il est permis de dire que les

16 Slovènes ont été les premiers à abandonner la Yougoslavie. C’est une

17 question courte.

18 R. C’est une question courte. Je ne suis simplement pas sûr...

19 LE PRESIDENT : Je pense qu’il vous a demandé ce que vous vouliez dire. Il

20 ne comprend pas ce que vous voulez dire par « abandonner ». C’est

21 bien là qu’est le problème ?

22 MAITRE ORIE : Qu’avez-vous compris - comment l’entendez-vous ? Je vous

23 pose cette question de façon à déterminer où réside l’incertitude.

24 R. Je ne suis pas -

25 Q. Si vous dites que cela ne signifie rien, c’est aussi une réponse à

Page 468

1 mes yeux, et je pourrais tenter de reformuler ma question.

2 R. Dans ce cas, je ne suis pas sûr d’être autorisé à parler.

3 Q. Ma question consistait à vous demander, si vous dites : cela n’a pas

4 de sens et pour cette raison, je ne peux répondre, je serai heureux

5 de l’entendre. Mais ma question portait sur le fait de savoir s’il

6 était permis de dire que les Slovènes ont été les premiers à

7 abandonner la Yougoslavie.

8 LE PRESIDENT : Comprenez-vous la question, M. Gow ?

9 LE TEMOIN : Je ne suis pas sûr de la comprendre.

10 LE PRESIDENT : Pourriez-vous la reformuler ?

11 MAITRE ORIE : D’accord. Pourrais-je, dans ce cas, vous poser une autre

12 question ? Que vouliez vous dire lorsque vous avez déclaré, devant

13 la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Communes,

14 que les Slovènes avaient été les premiers à abandonner la

15 Yougoslavie ?

16 R. Dans ce cas, oui. Dans ce contexte, ce que je voulais dire, et je ne

17 me rappelle pas les termes exacts que j’ai employés, mais dans ce

18 contexte, j’ai indiqué qu’au plus tard en 1990, en dépit de

19 certains, et ici je parle des autorités politiques de la République

20 de Slovénie, les Slovènes, et dans ce sens, je fais référence aux

21 autorités politiques de la République de Slovénie, à la fin de 1990

22 au plus tard, elles ont décidé qu’il n’y avait plus d’avenir au sein

23 de la RSFY et elles ont commencé à se préparer à l’indépendance de

24 la Slovénie. Je me félicite de ce que vous ayez utilisé ces termes,

25 car il devient plus facile de conceptualiser, dès lors que le mot

Page 469

1 « permis », qui me créait quelques difficultés, est supprimé.

2 J’espère avoir bien répondu.

3 Q. Je reviens sur un autre sujet que nous avons abordé ce matin et qui

4 est la protection des Serbes de Croatie. Je vous ai demandé quelle

5 était leur situation aux termes de la Constitution, je vous ai

6 demandé s’ils avaient été dégradés et nous avons parlé de la

7 législation régissant la citoyenneté. Vous avez déclaré ne rien

8 savoir à ce sujet. Avez-vous connaissance d’une autre législation

9 régissant spécifiquement la situation des Serbes de la République de

10 Croatie ?

11 R. Une législation régissant spécifiquement ?

12 Q. Oui. Ses fondements et les droits qu’elle octroie. Nous avons vu

13 qu’ils ont été dégradés, n’étant plus mentionnés, à l’instar des

14 Croates, comme une entité à laquelle appartenait l’Etat de Croatie.

15 N’y avait-il peut-être pas une législation régissant la citoyenneté,

16 pas une Constitution, mais une autre législation ?

17 R. Je ne me souviens pas.

18 Q. Pensez-vous qu’une protection légale aurait été efficace pour les

19 Serbes de Croatie ? Pouvaient-ils réellement s’attendre à ce que les

20 lois soient respectées par l’Etat ou qui que ce soit d’autre, en ce

21 qui les concernait ?

22 R. Je pense qu’elles auraient pu l’être par quelqu’un d’autre.

23 Q. Voulez-vous dire qu’il n’y avait pas d’Etat de droit en Croatie ?

24 R. Je dirais que dans une situation de transition, je ne compterais pas

25 sur la possibilité, pour quoi que ce soit d’être totalement efficace

Page 470

1 sur une partie du territoire de la RSFY.

2 Q. Mais il n’y a pas de question spécifique, de préoccupation

3 spécifique, liée à la situation des Serbes de Croatie ? Je veux

4 dire, vous êtes en train de décrire une situation générale, dans

5 laquelle personne n’était sûr de savoir si l’Etat de droit

6 prévaudrait ou pas, mais existait-il des préoccupations spécifiques,

7 liées aux Serbes de cette région, avant l’indépendance ?

8 R. Si je vous ai bien compris, vous me demandez si les Serbes de

9 Croatie exprimaient des préoccupations. Si c’est bien cela, les

10 Serbes de Croatie ont, en effet, exprimé des préoccupations.

11 Q. Non, ce n’était pas le sens de ma question. Ma question portait sur

12 le fait de savoir si, peut-être, il existait, à votre avis, une

13 préoccupation réelle quant à l’efficacité de la protection accordée

14 aux Serbes dans la République de Croatie.

15 R. Encore une fois, si j’ai bien compris, vous me demandez si, à mon

16 avis, la préoccupation exprimée par les Serbes était justifiée, et

17 si j’ai bien compris, je vous renvoie à une réponse que j’ai fournie

18 précédemment, selon laquelle, compte tenu de l’expérience historique

19 des Serbes de cette région, il était permis de nourrir quelques

20 préoccupations dans cette situation. Le fait de savoir si ces

21 préoccupations justifient les actions entreprises, notamment

22 l’érection de barricades ou la distribution d’armes aux populations,

23 si ces préoccupations ont pu croître au point de rendre nécessaires

24 de telles mesures, je ne suis absolument pas certain que tel était

25 le cas, ce qui ne signifie pas que localement, dans certains

Page 471

1 endroits, des incidents susceptibles de susciter d’inévitables

2 préoccupations ne se sont pas produits. De même, des incidents se

3 sont produits contre les Croates ethniques de Croatie, à cette

4 époque, et là encore, le Gouvernement croate n’a pas été capable

5 d’assumer effectivement ses responsabilités ou de fournir la

6 protection efficace qu’il était permis d’attendre de lui. C’est une

7 question très difficile.

8 Q. Donc vous ne contestez pas spécifiquement l’activité de protection

9 des Serbes de Croatie dans un Etat de droit ?

10 R. Je pense qu’elle est certainement contestable dans la mesure où,

11 dans certaines régions de Croatie majoritairement peuplées de

12 Serbes, des dirigeants serbes locaux, bénéficiant peut-être d’un

13 soutien extérieur, ont effectivement créé une espèce de contrôle sur

14 ces territoires, de sorte que la protection effective fournie par

15 les lois croates, par les autorités croates, était de facto rendue

16 impossible, indépendamment de toute autre considération.

17 Q. Pensez-vous, M. Gow, qu’une quelconque disposition légale protégeant

18 les Serbes de Croatie aurait pu être considérée comme sérieuse ?

19 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir réellement répondre à cette question.

20 Elle implique un certain degré de spéculation, que je ne crois pas

21 approprié. Peut-être n’ai-je pas compris la nature de la question ?

22 Q. Ce que je vous ai demandé, et c’est de là que je suis parti, en

23 fait, c’est de me dire si, à votre avis, une préoccupation

24 spécifique quant à la protection légale des Serbes de la République

25 de Croatie se justifiait ou pas, si, à votre avis, il convenait de

Page 472

1 nourrir quelques préoccupations au sujet de leur protection dans le

2 cadre de l’Etat de droit, quelques préoccupations quant au sérieux

3 des activités censées assurer cette protection.

4 R. Ceci est une question très complexe et très difficile. J’ai indiqué

5 que, parce que des Serbes locaux avaient effectivement pris le

6 contrôle de certaines régions, en discuter en termes d’application

7 effective de l’Etat de droit par les autorités de Zagreb semble être

8 presque une question, mais aussi le contraire d’une question. Je

9 dirais que les autorités de Zagreb assumaient la responsabilité,

10 dans cette situation, mais le fait de déterminer si oui ou non, dans

11 une situation où les forces de police croates étaient de facto

12 incapables de se rendre dans ces régions, il semble difficile de

13 dire si les dispositions de la loi étaient, oui ou non, appliquées

14 par le Gouvernement croate - peut-être avant d’en finir avec ce

15 sujet, pourrais-je vous demander de répéter votre question, de façon

16 à m’assurer que je suis toujours en train d’y répondre ?

17 Q. Bien. Ma première question -

18 R. Excusez-moi, si cela ne vous dérange pas.

19 Q. J’ai commencé par vous demander s’il existait des dispositions

20 légales spécifiquement destinées à protéger, ou qui, au moins

21 mentionnaient, les Serbes qu’il convenait de protéger en République

22 de Croatie. C’est par là que j’ai commencé. Votre réponse a été que

23 vous ne le saviez pas.

24 R. Je ne le sais pas.

25 Q. Vous ne le savez pas. Je suis passé, ensuite, à une deuxième

Page 473

1 question, plus générale, qui consistait à vous demander si, en

2 l’absence de disposition spécifique, les Serbes pouvaient s’attendre

3 à ce que l’Etat de droit s’applique également à eux, autrement dit à

4 ce que la protection fournie par la loi soit également efficace dans

5 leur cas, et cette protection fournie par la loi signifiait, à leurs

6 yeux, qu’ils bénéficiaient d’une protection sérieuse de la part du

7 législateur.

8 R. Si telle est votre question, les Serbes de ces régions ne

9 s’attendaient pas, semble-t-il, à ce que les autorités croates

10 appliquent effectivement l’Etat de droit, car de facto, les Serbes

11 de ces régions en avaient pris le contrôle.

12 Q. Puis-je vous demander si les mots suivants vous semblent familiers :

13 « Avant la déclaration d’indépendance, il existait des dispositions

14 légales mentionnant spécifiquement les Serbes, auxquels elles

15 offraient certains types de protection et de garanties ». Les formes

16 de protection existantes étaient donc légales. La question qui se

17 pose consiste à savoir si elles pouvaient être appliquées, si elles

18 étaient sérieuses ou si elles étaient de simples formalités, à

19 l’instar des Constitutions communistes. » Est-ce là une description

20 fidèle de la situation, s’agissant de la protection des Serbes ?

21 R. Ce n’est pas un jugement auquel je m’opposerais.

22 Q. Vous ne vous y opposeriez pas ?

23 R. Non.

24 Q. Cela signifie que vous êtes d’accord avec ce jugement ?

25 R. Oui. Je veux dire, je - j’utilise cette terminologie pour dire,

Page 474

1 encore une fois, que la situation était complexe, mais je ne

2 m’opposerais certainement pas à ce jugement.

3 Q. Non ?

4 R. Bien.

5 Q. Ma première question a consisté à vous demander si ces mots vous

6 étaient familiers.

7 R. En tant que tels, ils ne le sont pas, mais il n’est pas impossible

8 que je puisse, y compris, les avoir écrits.

9 Q. Oui, ou les avoir prononcés devant la Chambre des Communes, M. Gow.

10 Je ne suis pas parvenu à formuler convenablement la question ce

11 matin, je vais donc faire une nouvelle tentative, à présent, si vous

12 le permettez. Une République pouvait-elle légitimement parvenir à

13 former un nouvel Etat-nation à partir d’une population majoritaire

14 selon la Constitution de 1974 ?

15 R. Encore une fois, je ne suis pas absolument sûr de comprendre ce que

16 vous me demandez.

17 Q. Je ne vous ai pas compris.

18 R. Je suis désolé, mais encore une fois, je ne suis pas sûr d’avoir

19 absolument saisi ce que vous me demandez. Je comprends tous les

20 mots, mais je ne suis pas absolument sûr de saisir ce que vous me

21 demandez.

22 Q. Une République pouvait-elle, légitimement, faire sécession en vue de

23 créer un nouvel Etat-nation sur la base d’une population

24 majoritaire, selon la Constitution de 1974 ? Je suis tout à fait

25 prêt à répéter cette question à votre intention. Je dois dire que

Page 475

1 j’ai bénéficié de l’assistance de mes amis britanniques pour

2 reformuler cette question, j’ai donc moins de doutes quant au

3 vocabulaire que j’emploie.

4 JUGE STEPHEN : Cela n’accélérerait-il pas le processus si vous disiez ce

5 que vous pensez qu’il veut dire et nous pourrions voir s’il est

6 d’accord. Cela ne sert pas à grand chose de simplement répéter la

7 question.

8 LE TEMOIN : Je suis d’accord et si cela vous convient, je peux essayer.

9 MAITRE ORIE : Oui.

10 R. Je voudrais établir une distinction entre les concepts de légalité

11 et de légitimité, et j’ignore quelle serait la réponse précise, dans

12 l’un ou l’autre cas. La réponse à cette question pourrait consister

13 à associer l’interprétation d’un certain nombre de facteurs

14 politiques, de facteurs juridiques et je suppose, également, de

15 divers facteurs internationaux. Pour autant que je comprenne le mot

16 d’un point de vue politique, le terme légalité découle de plusieurs

17 niveaux, ou pourrait découler de plusieurs niveaux du droit

18 constitutionnel et d’autres aspects similaires du droit, ainsi que

19 d’éléments du droit public international, et c’est l’un des facteurs

20 qui a joué un rôle dans la dissolution de la République socialiste

21 fédérative de Yougoslavie. Je dis cela en me fondant, non sur mon

22 interprétation personnelle, mais sur des documents publics. C’est un

23 fait qui s’est produit en raison de ces éléments.

24 En matière de légitimité qui, à mon avis, implique une série

25 d’autres possibilités susceptibles de relever de l’éthique, il est

Page 476

1 possible qu’interviennent des aspects sociopolitiques liés à la

2 Constitution et impliquant une forme de soutien; il est possible

3 qu’une série d’autres facteurs interviennent. Si vous désirez que je

4 m’efforce de décrire les choses en fonction de cette terminologie

5 politique, je peux le faire, mais si j’ai déjà suffisamment répondu

6 à votre question, je serais heureux de m’arrêter là.

7 Q. M. Gow, je préférerais que vous répondiez à ma question, ou comme

8 vous le dites vous-même, que vous apportiez deux réponses.

9 Premièrement, une République pouvait-elle légalement faire

10 sécession, et deuxièmement, une République pouvait-elle légitimement

11 faire sécession ? J’aimerais connaître votre avis. Je suis tout à

12 fait sûr que vous devez avoir de bonnes raisons de défendre cette

13 opinion.

14 R. Pour répondre à la première de vos questions, les aspects juridiques

15 de la sécession sont difficiles, et pour traiter de ce sujet

16 objectivement, je le répète, car le thème a été traité dans des

17 documents publics, il a fait l’objet d’un débat dans les territoires

18 de la RSFY à la fin de son existence, et ce débat s’appuyait sur des

19 arguments relevant d’une série complexe d’interprétations de la

20 Constitution et vous m’avez interrogé sur certaines de ces

21 dispositions ce matin, vous m’avez interrogé sur les dispositions

22 que j’ai citées en référence, aux fins d’illustrer ce débat, dans

23 les parties précédentes de ma déposition. Le droit à la sécession

24 concernait les peuples. La souveraineté était accordée aux

25 Républiques. L’interprétation de la souveraineté qui, pour autant

Page 477

1 que je l’ai comprise, régnait dans les territoires de la RSFY à la

2 fin de son existence, implique que la souveraineté signifiait, à la

3 fin, le droit de ne pas se soumettre à des ingérences extérieures et

4 d’un point de vue formel, dans le cadre des Constitutions

5 communistes que j’ai mises en exergue précédemment, il était entendu

6 qu’elle ne devait pas revêtir de signification réelle, que la

7 qualité de la souveraineté, ou quelques éléments de la qualité de la

8 souveraineté, que quelques-uns des droits souverains s’exerçaient au

9 niveau de la Fédération, un peu comme certains des droits souverains

10 des Etats membres de l’Union européenne, qui s’exercent par le

11 truchement de la création de cette Union.

12 Je tiens à être clair. Je ne suis pas en train de dire que la

13 RSFY était identique à l’Union européenne; je désire simplement

14 illustrer l’exercice des droits souverains, en tant que principe.

15 Les Etats membres de l’Union européenne ont clairement indiqué que

16 c’était ce qu’ils souhaitaient faire, que c’était ainsi qu’ils

17 concevaient la volonté politique à mettre en oeuvre. Dans le cas des

18 Constitutions communistes de la RSFY et de la République populaire

19 fédérale, la connotation était plus formelle, mais pour être clair,

20 sur le principe, techniquement, il s’agissait du même genre de

21 transfert.

22 Par conséquent, si la souveraineté était le droit de décision

23 ultime à l’intérieur des frontières d’un territoire, et que ce droit

24 appartenait aux Républiques, au sens classique de l’application du

25 droit à l’autodétermination, l’usage du terme « peuple » concernait

Page 478

1 les personnes habitant un territoire, une communauté politique

2 prédéfinie vivant à l’intérieur de frontières territoriales

3 déterminées et satisfaisant peut-être à quelques autres critères,

4 mais ne concernait pas un groupe ethno-national, où qu’il se trouve;

5 le débat est né sur ces bases et a été accepté comme tel par la

6 communauté internationale, qui a entériné cette idée au moment de la

7 dissolution de la Yougoslavie. Dans le contexte créé par la

8 Constitution de la RSFY, pour en revenir précisément à votre

9 question, vous constaterez sur la base de ce que j’ai dit jusqu’à

10 présent, qu’il s’agit d’une question complexe et difficile...

11 Q. Je commence à m’en rendre compte, M. Gow !

12 R. Etant donné la nature du débat, il était entendu que les Républiques

13 étaient des Etats souverains, le débat en cours en Bosnie et en

14 Slovénie portant sur la nature de la souveraineté exercée par ces

15 Etats au sein de la RSFY et, pour la Slovénie, en dehors des

16 frontières de la RSFY, dans la dernière période. La question de

17 savoir si l’exercice des droits souverains équivaut à un droit légal

18 à la sécession, puisque vous parlez du droit à la sécession, s’il

19 existait, ce droit serait revenu aux peuples. L’ambiguïté présente

20 dans le Préambule ou Partie liminaire de la Constitution est

21 indicatif d’une tentative d’interpréter l’usage du terme « peuple »

22 ou « narod » de deux façons différentes. J’ai indiqué dans les deux

23 premières lignes qu’il était utilisé dans deux sens différents, même

24 si en serbo-croate, il s’agit d’un seul et même mot.

25 Dans ce contexte, il était possible de discuter sur le point

Page 479

1 de savoir si, oui ou non, le droit à la sécession était inhérent au

2 groupe ethno-national mentionné à la première ligne ou aux peuples

3 et implicitement aux territoires sur lesquels ils résidaient, qui

4 sont mentionnés à la deuxième ligne. Je pense qu’il était entendu,

5 compte tenu de l’un des extraits que nous avons montré hier sur le

6 vidéo-moniteur, qu’en 1990, le Président Milosevic, dans ses

7 discussions avec le Président slovène, proposait de modifier

8 formellement la Constitution de la RSFY, de façon à ce que ce droit

9 devienne le droit égal de tous les groupes ethno-nationaux et ne

10 soit plus attaché à un territoire.

11 Q. M. Gow ...

12 R. Ainsi, pour en finir avec cette longue réponse complexe, je dirais

13 que le fait de savoir s’il existait ou non un droit légal dépendait,

14 pouvait dépendre en partie de la perspective où on se plaçait, que

15 ce droit légal, s’il existait, était la somme de plusieurs facteurs

16 et que, politiquement, ce droit n’a pas nécessairement été un

17 facteur dans la dissolution finale de la RSFY, car aux yeux de la

18 majorité des citoyens de la RSFY eu égard à la communauté

19 internationale, l’éclatement final de la RSFY a été considéré comme

20 découlant du non-fonctionnement de la Fédération et de sa

21 dissolution qui, en tout état de cause, n’avait rien à voir avec un

22 problème de sécession. Mais pour répondre à votre question,

23 légalement, tout dépendait de la perspective où l’on se plaçait,

24 ainsi que de la Constitution - ce n’est pas le terme exact - d’un

25 ensemble de facteurs impliqués dans cette situation particulière et

Page 480

1 de l’interprétation qui en était faite.

2 Q. M. Gow, ai-je raison de comprendre que vous voyez là une question

3 complexe au sujet de laquelle vous n’avez pas d’opinion claire ?

4 R. Je pensais qu’en dépit de la complexité de la question, j’avais émis

5 une opinion claire. Si ce n’est pas le cas, je vous prie de me

6 pardonner, je serais heureux de la rendre plus claire.

7 Q. Si je peux m’exprimer, j’ai entendu tellement de « si » et tellement

8 de « la chose peut être perçue de cette façon ou de cette autre

9 façon » que les mots de Shakespeare me viennent à l’esprit : Si les

10 « si » et les « et » étaient des casseroles et des marmites, il n’y

11 aurait plus besoin de gobelets.

12 R. Ce qui signifie ?

13 LE PRESIDENT : M. Gow, voyons si je parviens à vous comprendre. Etes-vous

14 en train de dire, n’est-ce pas, que la Constitution de 1974

15 autorisait la sécession si l’on définissait une nation, celle qui

16 est mentionnée à la première ligne, je crois que c’est à la

17 première, peut-être est-ce à la seconde, je crois que c’est à la

18 première ligne de la Constitution de 1974, si l’on définissait une

19 nation comme constituant une République et non pas un groupe humain

20 ? Pouvez-vous, simplement, tenter de répondre à cela, et le faire le

21 plus brièvement possible ?

22 R. La référence aux peuples vivant sur un territoire se trouve à la

23 deuxième ligne; celle-ci est liée au concept de souveraineté exprimé

24 dans la Constitution, et d’après la Constitution, si des Républiques

25 ont conclu un accord express, en vertu de l’article 5 de la

Page 481

1 Constitution de la RSFY, cela serait légal.

2 LE PRESIDENT : Oui.

3 R. La légalité de cela dépendrait d’un accord sur les termes de

4 l’article 5.

5 LE PRESIDENT : D’accord. Cela vous aide-t-il ? Oui, si vous définissez le

6 terme « nation » contenu dans la première ligne d’une façon

7 déterminée. Ensuite, vous avez poursuivi, en fait, je ne vais pas

8 aborder les propos de Milosevic.

9 MAITRE ORIE : L’absence d’opinion claire est due au fait que tout dépend

10 de la façon de présenter les choses.

11 LE PRESIDENT : Je crois qu’il vous fournit une réponse. Oui, si vous

12 définissez la nation d’une certaine manière, mais vous devez vous

13 fonder sur l’article 5 de la Constitution. Ensuite, il a dit, enfin,

14 Milosevic a adopté une certaine position et j’ignore quelle est son

15 incidence sur la définition légale, mais il déclare que de toute

16 façon, cela ne change rien, puisque la dissolution n’a rien à voir

17 avec ce qui est écrit dans la Constitution de 1974. C’est de cette

18 façon que j’ai entendu sa réponse. Mais en réponse à votre première

19 question, il apparaît que la réponse est oui, à condition de définir

20 la nation d’une certaine façon. Est-ce exact, M. Gow ou ne l’est-ce

21 pas ?

22 R. Cela me semble exact.

23 MAITRE ORIE : Madame le Président, j’aimerais pouvoir réfléchir pendant la

24 pause déjeuner, afin de voir si je souhaite que l’on reprojette la

25 bande vidéo de Milosevic sur ce point.

Page 482

1 LE PRESIDENT : D’accord. Je n’ai aucune intention de m’ingérer, mais

2 j’essayais de voir si nous pouvions conclure sur le premier point.

3 MAITRE ORIE : (A l’intention du témoin). M. Gow, j’aimerais aborder

4 quelques autres questions constitutionnelles et je reviens en

5 Bosnie-Herzégovine. Dans votre déposition, le 9 mai, vous avez

6 déclaré que le Parlement de Bosnie-Herzégovine avait affirmé la

7 souveraineté de la République, comme nous l’avons vu dans la pièce à

8 conviction n° 47. Vous avez également fait remarquer que la plupart

9 des représentants serbes n’avaient pas participé au vote. C’est

10 exact ?

11 R. Je crois que c’est exact.

12 Q. Savez-vous, M. Gow, si la Constitution de Bosnie-Herzégovine en

13 vigueur à l’époque prévoyait une représentation proportionnelle des

14 nations et nationalités de Bosnie-Herzégovine au Parlement ?

15 R. Je ne connais pas les détails précis des arrangements conclus en

16 Bosnie-Herzégovine, mais je peux dire que, tout comme pour certains

17 éléments de la RSFY, il y avait des régions où prévalait le principe

18 de proportionnalité ethno-nationale. En RSFY, il existait deux

19 Chambres, l’une élue au suffrage direct et l’autre sur la base d’une

20 espèce de proportionnelle. Je crois que c’était également le cas en

21 Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui concerne la présidence, la

22 présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, une disposition

23 formelle prévoyait que deux représentants seraient serbes, deux

24 croates, deux musulmans et un serait désigné - s’autodéfinirait

25 comme yougoslave.

Page 483

1 Q. Cela reflétait la même idée ?

2 R. Oui.

3 Q. Savez-vous si la Constitution de Bosnie-Herzégovine en vigueur à

4 l’époque avait mis en place un mécanisme particulier permettant de

5 trancher, au cas où le principe d’égalité des nations et

6 nationalités de Bosnie-Herzégovine, etc., serait violé ?

7 R. Si je ne m’abuse, la Constitution de Bosnie-Herzégovine, la

8 Constitution de 1974 de la Bosnie-Herzégovine, définissait les trois

9 principaux groupes, les Slaves islamisés, les Croates et les Serbes,

10 comme étant les peuples fondateurs de la Bosnie-Herzégovine. Je

11 crois qu’un amendement a été apporté à cette Constitution en 1990,

12 dont je ne peux vous donner les détails précis, mais qui a eu pour

13 effet d’indiquer que les intérêts des communautés ethno-nationales

14 seraient protégés, dans une certaine mesure, par les importants

15 changements intervenus en Bosnie-Herzégovine, dans l’ordre

16 constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine.

17 Q. Savez-vous si la procédure spéciale à laquelle vous venez de faire

18 référence, cet amendement de la Constitution de Bosnie-Herzégovine

19 de 1990 qui permettait de régler des questions aussi sensibles, a

20 été respecté, eu égard au programme adopté le 16 octobre, le

21 programme que nous avons vu dans la pièce à conviction n° 47 ?

22 R. Je ne sais pas si elle l’a été.

23 Q. Vous ne savez pas si elle l’a été ?

24 R. Je pensais que votre question consistait à me demander si la

25 procédure avait été respectée et ma réponse a été que je ne savais

Page 484

1 pas si elle l’avait été.

2 Q. Oui. Dans ce programme, au paragraphe 2 (sic ?) de l’article 1, il

3 est stipulé : « Toute possibilité de s’assurer une victoire aux voix

4 dans le processus de décision concernant des questions cruciales

5 impliquant l’égalité en droits de toutes les nations et nationalités

6 vivant dans la République sera empêchée par une structure appropriée

7 de l’Assemblée de la République de Bosnie-Herzégovine ». Est-il

8 exact de dire que l’objectif visé dans ce programme était lié à une

9 volonté de s’assurer une telle victoire aux voix ?

10 R. Serait-il possible de voir le document ?

11 Q. Oui. Il s’agit de la pièce à conviction n° 47. (Remise de la pièce).

12 R. Merci. Cela vous ennuierait-il de répéter la question ?

13 Q. Non. Je peux la répéter. Le texte est écrit noir sur blanc, il m’est

14 donc facile de la répéter, même littéralement. Au paragraphe 1 (sic

15 ?) de l’article 1 du programme, c’est-à-dire de la pièce à

16 conviction n° 47, nous lisons : « Toute possibilité de s’assurer une

17 victoire aux voix dans le processus de décision concernant des

18 questions cruciales impliquant l’égalité en droits de toutes les

19 nations et nationalités vivant dans la République sera empêchée par

20 une structure appropriée de l’Assemblée de la République de Bosnie-

21 Herzégovine ». Ma question était : serait-il exact de dire que

22 l’objectif recherché dans ce programme était lié à une volonté de

23 s’assurer une telle victoire aux voix ?

24 R. Non, ce n’est pas le cas, car les représentants serbes ne se

25 trouvaient pas au Parlement à ce moment-là. Si les représentants

Page 485

1 serbes s’étaient trouvés au Parlement et avaient voté contre le

2 texte, le problème créé par la volonté de s’assurer une victoire aux

3 voix aurait existé.

4 Q. M. Gow, dans votre déposition, le matin du 9 mai, vous avez déclaré

5 que lorsque la Communauté européenne a invité les Républiques de

6 Yougoslavie à briguer leur reconnaissance, la présidence et le

7 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine l’ont fait. La décision de ces

8 organes, je veux parler de la présidence et du gouvernement,

9 a-t-elle été prise avec la participation des Serbes élus à l’issue

10 des élections libres de 1990, c’est bien 1990, n’est-ce pas ?

11 R. La décision n’a pas impliqué la participation de ces élus de 1990.

12 Elle a impliqué - parce que, comme je l’ai indiqué hier, Madame

13 Plavsic et Monsieur Koljevic avaient quitté la présidence - je suis

14 désolé, pouvez-vous me dire de quelle période vous parlez ?

15 Q. Je parle du moment où la CE a invité les Républiques de Yougoslavie

16 à briguer leur reconnaissance et vous avez déclaré que la présidence

17 et le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine l’avaient fait.

18 R. Et la question est ? Est-ce que les représentants serbes ont

19 participé à cette décision ? Je ne sais pas s’ils ont participé à

20 cette décision.

21 MAITRE ORIE : Madame et Messieurs les juges, il y a une chose qui n’est

22 pas claire dans mon esprit, et puisque nous parlons de la présidence

23 et du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, j’aimerais que cette

24 partie de la bande que nous avons vue hier soit à nouveau projetée;

25 celle où Arkan rencontre une femme, si je me souviens bien.

Page 486

1 J’aimerais la revoir, je ne sais pas exactement, j’ai un peu perdu

2 le fil, mais peut-être l’Accusation peut-elle m’aider.

3 MAITRE NIEMANN : Madame le Président ...

4 LE PRESIDENT : C’est la pièce à conviction n° 69. Nous n’avons pas entendu

5 -

6 MAITRE NIEMANN : La pièce n° 69, partie 2.

7 LE PRESIDENT : C’est bien la partie 2 ?

8 MAITRE NIEMANN : La partie 2, Madame le Président.

9 LE PRESIDENT : La première cassette de la pièce à conviction n° 69, partie

10 2.

11 MAITRE ORIE : Je ne m’intéresse pas tant à la première partie, mais à une

12 rencontre avec une femme, dans la rue, pour que les choses soient

13 claires.

14 LE PRESIDENT : Cela se trouve dans la première séquence, au point 13.34,

15 je pense. Est-ce bien cela ? Maître Niemann, le savez-vous ? De

16 toute façon, souhaitez-vous que la pièce à conviction n° 69 soit

17 projetée ?

18 MAITRE ORIE : Oui, je vous prie.

19 LE PRESIDENT : La partie 2. Pouvez-vous la localiser rapidement ?

20 MAITRE ORIE : C’est celle-ci.

21 (Nouvelle projection de cet extrait de la bande vidéo)

22 LE PRESIDENT : Vous voulez que l’on s’arrête ? Vous voulez que l’on

23 poursuive ?

24 MAITRE ORIE : Oui. (A l’intention du témoin). J’aimerais vous poser une

25 question sur cette partie précise de la vidéo. Vous avez dit dans

Page 487

1 votre déposition, vous avez cité le nom de la femme - je pense

2 qu’elle était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine -

3 pourriez-vous, je vous prie, nous le redire, de façon à ce que nous

4 sachions qui est cette femme ?

5 R. Il s’agit de Biljana Plavsic, qui était membre - qui représentait la

6 Serbie à la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine.

7 Q. C’est bien la personne à laquelle vous avez fait référence il y a

8 une minute ou deux ?

9 R. Lorsque j’ai commencé à répondre à une longue question, au moment où

10 je me suis aperçu que la période considérée était différente, oui,

11 effectivement.

12 Q. Oui. Vous avez dit qu’elle félicitait Arkan pour son succès.

13 Pourriez-vous, je vous prie, nous dire d’où vous tirez cette

14 information, car je n’ai pas entendu de son dans cette partie

15 précise de la bande vidéo. Ma question était : comment savez-vous

16 qu’elle félicite Arkan, c’est ce que vous avez dit hier dans votre

17 déposition, pour son succès militaire ? Vous avez fourni une

18 interprétation de ce qu’elle disait, mais j’aimerais savoir quelle

19 est la source de votre information ?

20 R. La source de mon information, je l’exprime, je fais cette

21 déclaration sur la base de ce que certaines personnes ont écrit -

22 sur la base d’articles parus à l’époque dans les journaux, ainsi que

23 de rapports fournis aux chercheurs qui ont travaillé à la

24 réalisation de ce film, et qui s’étaient rendus sur place pour s’y

25 procurer les extraits nécessaires à ce film. Madame Plavsic se

Page 488

1 trouvait là en tant que membre de la délégation de la présidence de

2 Bosnie-Herzégovine, dont faisaient partie le Ministre de la défense

3 bosniaque, un Croate, Jelko Doko et plusieurs autres personnes dont

4 j’ai oublié les noms exacts. Mais Madame Plavsic, qui était, si je

5 ne m’abuse, venue enquêter sur les incidents, s’est séparée des

6 autres membres du groupe et a rencontré Arkan.

7 Q. Oui, le fait qu’elle ait rencontré Arkan est, je crois, tout à fait

8 clair. Pourriez-vous être un peu plus précis, car vous avez dit

9 qu’elle le félicitait de son succès. Vous avez déclaré : « Eh bien,

10 j’ai entendu cela de certaines sources ». Je me demandais quelles

11 étaient ces sources, car sur l’écran vidéo, nous voyons simplement

12 quelques personnes.

13 LE PRESIDENT : Vous souhaitez que l’on s’arrête ici ?

14 MAITRE ORIE : Oui.

15 LE PRESIDENT : Vous voulez que l’on s’arrête sur cette image ?

16 MAITRE ORIE : De cette façon, nous pourrons voir qui était à distance

17 d’audition. L’une quelconque des personnes que nous voyons à l’écran

18 compte-t-elle au nombre de vos sources ?

19 R. Je ne crois pas, non.

20 Q. Pourriez-vous, maintenant, être plus précis au sujet de vos sources

21 ? Vous avez parlé de façon relativement générale. Pourriez-vous, je

22 vous prie, me dire exactement qui a tiré cette conclusion, et sur

23 quelle base et à quel moment cela vous a été dit ?

24 R. J’ai indiqué que, dans mon souvenir, les faits ont été rapportés

25 dans la presse, à l ’époque, et que Madame Plavsic s’était exprimée.

Page 489

1 C’est ce dont je me souviens. Ce souvenir est étayé et la partie

2 centrale de ma déclaration s’appuie sur les propos des chercheurs

3 qui ont réalisé cette vidéo; ils se sont donc rendus dans la région,

4 ont obtenu le film et ont parlé aux personnes présentes ou aux

5 personnes qui avaient été présentes et impliquées dans la région.

6 Q. Là encore, vous ne citez pas précisément les noms des personnes qui

7 auraient dit, plus ou moins : « j’ai entendu cela ».

8 R. Le chercheur qui travaillait à la rédaction du rapport destiné au

9 programme Cook est Paul Calverley.

10 Q. Par ailleurs, vous dites que vous avez vu ces faits rapportés dans

11 la presse. Est-ce également l’une des sources sur lesquelles vous

12 fondez votre opinion ?

13 R. Dans mon souvenir, des articles ont paru sur le sujet des incidents

14 survenus, à l’époque, à Bijelina, et ma mémoire me dit que c’est

15 Madame Plavsic qui, comme je l’ai dit, a félicité Arkan - et je

16 crois que les salutations et l’accolade sont une indication de cela;

17 peut-être n’est-ce pas le cas, mais je dirais que c’est une

18 interprétation autorisée de ce qui se passe à ce moment-là - et la

19 rencontre entre Madame Plavsic et Arkan a été rapportée dans la

20 presse, où il était indiqué que Madame Plavsic était, en fait, en

21 train de féliciter Arkan. Ces articles étaient-ils fondés ou pas, je

22 ne peux le dire, mais ces articles existent.

23 Q. Est-ce ce que vous vouliez dire hier, qu’elle félicitait Arkan, si

24 les sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé sont fiables, et si

25 elles ne sont pas fiables, qu’elle ne félicitait pas Arkan ?

Page 490

1 R. Non, je dirais que mes sources sont fiables et j’en reviendrai donc

2 à ma déclaration initiale, selon laquelle elle était effectivement

3 en train de féliciter Arkan.

4 Q. L’une des sources que vous avez mentionnée est la presse. Pourriez-

5 vous nous dire de quels journaux il s’agit ? S’agissait-il de

6 journaux serbes, de journaux musulmans, de journaux croates, de

7 journaux occidentaux ?

8 R. Je ne m’en souviens pas aujourd’hui.

9 Q. Vous ne vous en souvenez pas ? Parmi les autres -

10 R. Je lisais toutes sortes de journaux, à l’époque. Je ne pourrais pas

11 dire dans quel journal précis ces articles ont paru.

12 Q. Oui.

13 R. Mais j’indiquerai également que la même interprétation a été faite

14 en plusieurs endroits.

15 Q. Vous avez également indiqué, si je vous ai bien compris, M. Gow, que

16 sa façon de l’accueillir indiquait qu’elle le félicitait ?

17 R. C’est effectivement mon interprétation.

18 Q. Merci, M. Gow, sur ce point. Je poursuis en abordant les aspects

19 constitutionnels de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons discuté de la

20 possibilité d’une victoire aux voix. Nous avons parlé de la

21 participation des députés serbes et des membres serbes de la

22 présidence bosniaque - excusez-moi, je dois retrouver l’endroit où

23 nous nous étions arrêtés, oui, je pense que ma dernière question

24 avant que je n’attire votre attention sur cette vidéo d’Arkan

25 portait sur le fait de savoir si les élus serbes à la présidence

Page 491

1 bosniaque - non, accordez-moi simplement deux secondes pour que je

2 retrouve l’endroit où je m’étais arrêté. Oui. Ma question suivante,

3 M. Gow, portera sur le fait de savoir si les élus serbes à la

4 présidence bosniaque ont fourni un motif pour expliquer leur boycott

5 des activités de cet organe.

6 R. Ce n’est pas - je ne me rappelle pas s’ils ont fourni une

7 explication précise, mais je peux vous fournir, pour autant que je

8 m’en souvienne, une explication plus générale, à défaut d’une

9 explication précise; d’après ce dont je me souviens, je peux vous

10 fournir une explication générale de ce boycott.

11 Q. Une explication générale. Je vous demande si les élus serbes ont

12 invoqué un motif. Donc ce que vous dites, c’est « je ne connais

13 aucun motif invoqué par ces élus » ?

14 R. J’ai indiqué que je ne pouvais pas citer un motif précis, car je ne

15 me rappelle pas qu’un motif précis ait été invoqué. Mais je peux

16 citer un motif général.

17 Q. Un motif général invoqué par qui ?

18 R. Par les représentants serbes auxquels j’ai fait référence.

19 Q. D’accord. Je comprends donc que vous n’allez pas citer les motifs

20 explicitement invoqués par les élus, mais une interprétation

21 générale de ce qu’ont été ces motifs. C’est cela que vous souhaitez

22 nous dire ? J’aimerais que vous le fassiez, effectivement.

23 R. Je ne me souviens pas du texte ou du contenu précis de quelque

24 déclaration spécifique que ce soit. Le contexte est à rechercher, je

25 crois, dans les quatre ou cinq jours de discussion qui avaient été

Page 492

1 consacrés à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, dont la

2 majeure partie s’est, je crois, déroulée à huis clos; cette

3 discussion faisait suite à une discussion antérieure consacrée à la

4 même question, en février de la même année. Dans les deux cas, la

5 population serbe - les Serbes ou au moins une majorité, je ne suis

6 pas sûr qu’ils aient été unanimes, une majorité des représentants

7 serbes, s’était formé l’opinion qu’il convenait de s’opposer à cette

8 action et leur refus de participer à la séance parlementaire à

9 laquelle, je crois, vous avez fait référence, provenait du sentiment

10 général qui était le leur, de leur désir de ne pas être partie

11 prenante dans une décision de ce genre.

12 Q. L’interprétation générale de ces motifs réside-t-elle, pour partie

13 également, dans le fait qu’une décision de ce genre aurait été

14 anticonstitutionnelle ? ils ne souhaitaient pas participer à une

15 décision « de ce genre », avez-vous dit, sans préciser de quel type

16 de décision il s’agissait.

17 R. Je pensais - peut-être ai-je mal compris - que vous aviez précisé

18 qu’il s’agissait de la décision relative à la déclaration, au

19 programme adopté eu égard à la souveraineté de la Bosnie-

20 Herzégovine. Si je me suis trompé sur ce point, peut-être pourriez-

21 vous me corriger, car cela signifierait que je parle depuis quelques

22 minutes d’un sujet totalement différent.

23 Q. Non, je ne pense pas qu’il y ait malentendu.

24 R. D’accord. Très bien. Dans ce cas - je ne pense pas, si je me

25 rappelle exactement la question que vous m’avez posée comme

Page 493

1 consistant à savoir si les représentants serbes n’avaient pas

2 participé parce qu’ils considéraient la décision comme

3 anticonstitutionnelle, ma réponse précise et stricte sera que je ne

4 sais pas si c’était le cas.

5 Q. Je ne vous demande pas si c’était le cas ou pas. Je vous ai d’abord

6 demandé quelle a été le motif invoqué par les élus. Vous avez

7 déclaré ne pas être en mesure de répondre à cette question, et vous

8 avez ajouté « mais je peux fournir une idée générale de ce qu’était

9 le motif invoqué à l’appui de ce refus de participation ».

10 R. C’est exact.

11 Q. A la dernière partie de ma question, vous avez répondu en disant

12 qu’ils refusaient de participer à une décision de « ce genre »; je

13 vous ai demandé, alors, si selon l’interprétation de ce motif, une

14 telle position eût été anticonstitutionnelle.

15 R. Je ne pense pas être en mesure de répondre à cette question. Je ne

16 suis pas sûr de la comprendre.

17 Q. Je prierais mes compétents amis britanniques de m’aider à déterminer

18 les vocables qui ne sont pas suffisamment clairs. Ma question

19 suivante, M. Gow, consiste à vous demander si les élus serbes à la

20 présidence bosniaque ont indiqué à quelles conditions ils

21 participeraient à nouveau aux activités de cet organe.

22 R. Dans mon souvenir, ils y ont à nouveau participé, mais je n’ai aucun

23 souvenir précis des conditions qu’ils ont pu poser.

24 Q. Vous dites n’avoir aucun souvenir précis, ce qui signifie que -

25 R. J’ai dit que dans mon souvenir, ils y ont à nouveau participé, mais

Page 494

1 je n’ai aucun souvenir précis des conditions qu’ils ont pu poser.

2 Q. Oui, d’accord. M. Gow, les élus serbes au Parlement et à la

3 présidence bosniaque ont-ils refusé de négocier avec les autres

4 partis politiques de Bosnie-Herzégovine après s’être retirés de ces

5 organes ?

6 R. Non.

7 Q. C’est une réponse claire.

8 R. Oui. - Non, des négociations ont eu lieu, donc ils n’ont pas dû

9 refuser. J’ignore s’ils ont prononcé une déclaration de refus ou

10 pas, mais ils ont participé à des négociations ultérieures.

11 Q. La réponse était claire, à mes yeux, M. Gow. La réponse était non.

12 Dans votre déposition, le 9 mai, vous avez évoqué la Constitution de

13 la République serbe de Bosnie-Herzégovine du 28 février 1992 et dit

14 qu’il s’agissait d’une Constitution provisoire. Cette Constitution,

15 cette Constitution provisoire comporte des dispositions indiquant la

16 volonté de négocier la continuité des liens qui les unissaient aux

17 autres peuples de Bosnie-Herzégovine ?

18 R. L’article 4 de cette Constitution indique la possibilité de créer,

19 de nouer des liens avec des unités - je ne me souviens pas

20 exactement - avec d’autres communautés de Bosnie-Herzégovine, mais

21 selon la lecture que j’en ai faite, cela dépendait de l’article 3,

22 qui indiquait que la République serbe déclarée demeurerait au sein

23 de la République fédérale. Donc, dans un sens -

24 Q. Ce n’était pas une disposition explicite ?

25 R. - dans un sens, l’article 4 pouvait signifier qu’en présence d’une

Page 495

1 volonté des autres peuples de rejoindre cette nouvelle mini-

2 Yougoslavie, une telle possibilité était ouverte.

3 Q. Cela devait être négocié dans un sens ou dans l’autre, merci, M.

4 Gow. Vous avez fait remarquer à plusieurs reprises que la

5 Constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine stipulait

6 que la République faisait partie de la République fédérale. Cela

7 figure à l’article 3 que vous venez d’évoquer. La Yougoslavie

8 fédérale, la République fédérale de Yougoslavie a-t-elle jamais

9 reconnu cette intention des Serbes bosniaques de la rejoindre ?

10 R. Pour autant que je le sache, les autorités de la République fédérale

11 n’ont jamais, à aucun moment, reconnu l’inclusion de ce territoire.

12 Q. Donc, elles n’ont jamais reconnu cette prétention d’appartenance des

13 Serbes de Bosnie ? C’est ainsi que je comprends votre réponse.

14 R. Pas de façon officielle, non. Mais l’argument selon lequel ces

15 Serbes, ou ceux d’autres régions, ou ceux de quelque autre endroit

16 que ce soit, avaient le droit de demeurer unis au sein d’un Etat

17 commun du peuple serbe, comme le dit le général Kadijevic dans son

18 livre, ayant été avancé à certains moments du processus de

19 dissolution de la Yougoslavie, nous sommes encore une fois en

20 présence d’une situation complexe et ambiguë. Il n’y avait aucune

21 reconnaissance légale, officielle, mais la question était clairement

22 posée, dans ses dimensions politiques ainsi que dans les écrits du

23 général Kadijevic, donc aussi dans ses dimensions politico-

24 militaires.

25 Q. Merci. J’ai reçu une réponse claire et je vois qu’elle est complexe,

Page 496

1 à nouveau. J’aimerais vous renvoyer à la pièce à conviction n° 52.

2 (Remise de la pièce).

3 Vous avez reçu la pièce à conviction n° 52 ? Il s’agit de la

4 décision de la Commission Badinter. Si vous lisez ce qui figure en

5 page 3, comme vous l’avez fait remarquer le 9 mai, La Commission

6 Badinter y admet le fait que les activités des responsables serbes

7 consécutives au plébiscite organisé par les Serbes ont créé des

8 conditions qui ne permettaient pas d’établir entièrement la volonté

9 des peuples de Bosnie-Herzégovine de constituer une République, un

10 Etat indépendant. M. Badinter ajoute qu’un référendum peut être le

11 moyen de faire connaître une telle volonté. Vous avez fait remarquer

12 que le référendum s’est tenu. La décision d’organiser ce référendum

13 a-t-elle été appuyée par les élus serbes de la République de Bosnie-

14 Herzégovine ?

15 R. Elle n’a pas été appuyée par les membres du Parti démocratique

16 serbe. Quelques-uns des élus serbes faisaient encore partie du

17 Parlement et, je crois, soutenaient cette décision. Donc, si vous

18 pensez aux représentants du Parti démocratique serbe, la réponse est

19 qu’ils ne l’ont pas appuyée, je crois, si telle était la question...

20 Q. Combien de représentants serbes étaient membres du Parti et combien

21 n’en étaient pas membres ?

22 R. Je ne me souviens d’aucun de ces deux chiffres, mais une écrasante

23 majorité des représentants serbes à l’Assemblée était membre du

24 Parti démocratique serbe.

25 Q. Vous avez fait remarquer que de nombreux serbes n’ont pas voté lors

Page 497

1 du référendum. Vous rappelez-vous quel était le pourcentage des

2 Serbes vivant en Bosnie-Herzégovine en 1991 ?

3 R. Ce pourcentage était d’environ 31 %, peut-être un peu plus, c’est à

4 peu près cela.

5 Q. Un peu plus de 30 % ?

6 R. Un peu plus de 30 %, près d’un tiers de la population.

7 Q. Quel pourcentage de la population a voté, combien de pour cent ont

8 voté lors de ce référendum ?

9 R. Dans mon souvenir, ils ont été 63,5 % à voter, quelque chose comme

10 cela.

11 Q. Dans ces conditions, un référendum peut-il être considéré comme

12 établissant la volonté des peuples - j’insiste sur le pluriel, que

13 j’emploie à l’instar de M. Badinter - de Bosnie-Herzégovine de

14 constituer un Etat indépendant ? Cette décision est-elle venue des

15 peuples ?

16 R. Je ne suis pas sûr de savoir exactement ce qu’est une décision des

17 peuples, mais M. Badinter et le Conseil des Communautés européennes

18 l’ont certainement considérée comme telle.

19 MAITRE ORIE : Madame le Président, si vous permettez, nous avons eu

20 beaucoup de mal à préparer ce contre-interrogatoire, compte tenu de

21 l’absence d’un des membres de notre équipe. Si cela ne vous ennuie

22 pas, pourriez-vous suspendre maintenant, avec cinq minutes d’avance

23 sur l’horaire ? J’aimerais, en outre, porter à votre connaissance le

24 fait que l’Accusation a eu quelques difficultés à maîtriser les

25 problèmes complexes abordés par M. Gow, malgré notre travail

Page 498

1 intensif. Nous aimerions tirer profit de la pause-déjeuner pour voir

2 s’il nous sera possible de poursuivre tout l’après-midi.

3 Je vous dis cela car nous avons besoin d’un peu de temps et le

4 week-end arrive. Donc, je ne dis pas que je pourrai conclure cet

5 après-midi. Nous poursuivrons sans aucun doute après la pause-

6 déjeuner. Mais, comme le stipule l’article 21 du Statut, en tant que

7 conseils de la Défense, nous avons droit à des installations, mais

8 aussi à du temps. Nous n’agirons pas de même avec tous les témoins

9 factuels, mais j’aimerais indiquer que nous allons en discuter au

10 cours du déjeuner, et que nous verrons où nous arrivons cet après-

11 midi; à ce moment-là, il est possible que nous vous demandions -

12 peut-être pouvez-vous commencer à y penser - de suspendre l’audience

13 à, disons, 15 h ou 16 h, pour ne reprendre que lundi prochain; nous

14 pourrions donc continuer, nous disposerions d’au moins 48 heures

15 supplémentaires pour réfléchir à tous les problèmes très complexes

16 évoqués dans la déposition de M. Gow.

17 LE PRESIDENT : Serez-vous prêt à poursuivre après le déjeuner ? Vous serez

18 prêt à poursuivre à 14 h 30 ?

19 MAITRE ORIE : Oui.

20 LE PRESIDENT : C’est bien cela ?

21 MAITRE ORIE : Oui, mais nous ne savons pas si nous serons prêts à

22 conclure.

23 LE PRESIDENT : Donc, il vous faudra peut-être davantage de temps, vous

24 souhaiteriez que nous suspendions plus tôt que prévu et que nous

25 poursuivions plus tard ?

Page 499

1 MAITRE ORIE : Nous souhaiterions poursuivre lundi; en effet, ce n’est pas

2 qu’une question de temps, nous devons aller dans une bibliothèque,

3 consulter des sources, etc. C’est pourquoi il est possible que cet

4 après-midi, nous vous demandions de suspendre un peu plus tôt, pour

5 reprendre lundi matin.

6 LE PRESIDENT : J’ai une question, simplement, M. Gow, qui porte sur ce

7 point; j’essaie de comprendre ce que vous avez dit hier, M. Gow. 63

8 % de la population totale de la Bosnie-Herzégovine a voté, c’est

9 cela que vous avez dit dans votre déposition ?

10 R. De l’électorat total.

11 Q. De l’électorat total, du total, je suppose, des personnes inscrites;

12 je ne sais pas s’il était nécessaire d’être inscrit ?

13 R. Oui.

14 Q. 63 % des élus ont voté (sic ?). Vous venez de dire, il y a quelques

15 minutes, que 31 % de la population de l’époque se composait de

16 Serbes, en Bosnie-Herzégovine. Savez-vous quel pourcentage de

17 l’électorat serbe a boycotté les élections ? Nous l’avez-vous dit

18 hier ou lorsque vous avez déposé sur ce point, peu importe la date ?

19 R. Je ne vous l’ai pas dit. Je ne crois pas être en mesure de vous le

20 dire. Je serais surpris que quiconque puisse vous le dire

21 précisément. Tout ce que je peux dire, c’est qu’une très forte

22 proportion, une majorité écrasante de la population serbe a boycotté

23 les élections, mais des Serbes de ces régions y ont participé. De

24 même, bien sûr, quelques Musulmans et quelques Croates n’y ont pas

25 participé, je suppose.

Page 500

1 Q. Savez-vous quel pourcentage de l’électorat était serbe ? Je suppose

2 que les 31 % en Bosnie-Herzégovine étaient 31 % de la population

3 totale, ou était-ce 31 % de l’électorat ?

4 R. 31 % de la population totale. Je ne connais pas avec précision quel

5 pourcentage de l’électorat ils représentaient, mais je ne vois

6 aucune raison de supposer qu’elle était radicalement différente.

7 Q. Radicalement différente, plus importante que l’autre ---

8 R. Non, je ne vois aucune raison de supposer qu’elle était radicalement

9 différente, donc, je pense que cette proportion était à peu près la

10 même.

11 LE PRESIDENT : Merci. Nous suspendons l’audience jusqu’à 14 h 30.

12 (13 heures)

13 (Suspension d’audience pour le déjeuner)

14 (14 h 30)

15 LE PRESIDENT : Maître Orie, êtes-vous prêt à poursuivre ?

16 MAITRE ORIE : Je suis prêt à poursuivre, Madame le Président. (A

17 l’intention du témoin). M. Gow, je voudrais revenir très brièvement

18 sur la question de la protection des Serbes de Croatie. Serait-il

19 exact de dire que selon le recensement de 1991, près de 570 000

20 Serbes vivaient en Croatie ?

21 R. Je ne sais pas si ce serait exact, mais je crois savoir que les

22 Serbes constituaient près de 12 % de la population de Croatie.

23 Q. 12 % sur une population totale de combien de personnes ?

24 R. Sur une population totale de 4,5 millions d’habitants, je pense.

25 Q. Donc 12 %, cela fait environ 500 000, 12 % de 4,5 millions ?

Page 501

1 R. Encore une fois, vous calculez manifestement plus vite que moi, mais

2 je suis prêt à accepter votre calcul.

3 Q. Savez-vous quel est le nombre approximatif des Serbes résidant

4 encore en Croatie aujourd’hui ?

5 R. Très approximativement, oui, c’est une proportion inférieure à 5 % -

6 excusez-moi, inférieure à, je dois faire attention, je ne suis pas

7 sûr du chiffre que j’ai en tête, est-ce 5 % ou 5 % de ceux qui y

8 vivaient avant ? Mais il est sans doute plus simple de dire que plus

9 de 150 000, je ne connais pas le chiffre exact, mais certainement

10 plus de 150 000, probablement plus de 200 000 Serbes ont quitté le

11 territoire de la Croatie dans le courant de l’année dernière,

12 d’autres l’ayant quitté avant.

13 Q. Ce qui signifie, semble-t-il, pour en revenir à l’arithmétique, que

14 quelques 200 000 ou 300 000 Serbes y vivent encore. Bien sûr, nous

15 sommes partis du chiffre de 500 000, soit 12 % de 4,5 millions,

16 approximativement.

17 R. Non, je ne pense pas que la signification soit celle-ci; car je me

18 rappelle ce que je viens de dire et c’est que dans le courant de

19 l’année dernière, 150.00, peut-être 200 000 Serbes ont quitté le

20 territoire de la Croatie, mais que d’autres l’avaient quitté avant.

21 Je n’ai pas pu préciser le chiffre correspondant à ces départs, mais

22 il est très élevé.

23 Q. Les Serbes qui restent, pensez-vous qu’ils soient moins de 100 000

24 sur le territoire croate ?

25 R. Je dirais que c’est le cas, effectivement.

Page 502

1 Q. Moins de 100 000 ---

2 R. Sans doute moins de 100 000, oui.

3 Q. -- en ce moment. Nous avons parlé, ce matin, M. Gow, de la

4 protection des Serbes; nous avons parlé de l’activité de protection

5 et de son sérieux dans un Etat de droit. Dans vos réponses, vous

6 avez déclaré que le Gouvernement croate risquait de ne pas être en

7 mesure de protéger efficacement les Serbes des régions sous contrôle

8 serbe. Les Serbes vivant en Croatie résidaient-ils surtout dans des

9 zones sous contrôle serbe ?

10 R. Je répondrai avec précaution à cette question en raison de l’emploi

11 du terme « surtout ». Près de la moitié de la population, dans mon

12 souvenir, d’après ce que je sais, résidait dans ces zones. D’autres

13 parties de la population serbe vivait dans d’autres régions. La

14 communauté serbe était importante, par exemple, dans les villes de

15 Zagreb et de Split, ainsi qu’en d’autres endroits. Donc près de la

16 moitié des Serbes, était-ce un peu plus ou un peu moins de la

17 moitié, je ne le sais pas exactement, vivait dans des zones sous

18 contrôle serbe.

19 Q. Un grand nombre de Serbes vivaient donc, en Croatie, ailleurs que

20 dans les zones sous contrôle serbe ?

21 R. C’était le cas.

22 Q. M. Gow, êtes-vous au courant de rapports selon lesquels des

23 résidences secondaires serbes auraient été détruites sur le

24 territoire de la Croatie ?

25 R. Si par « rapports », vous entendez des rapports, au sens général du

Page 503

1 terme, je suis au courant que des résidences secondaires de Croatie,

2 pas seulement serbes, ont été détruites ou confisquées, et que des

3 résidences secondaires des Serbes ont été impliquées dans ces

4 confiscations de résidences secondaires.

5 Q. Quelles ont été les autres habitations détruites - je parle plus

6 spécialement de destructions, pas seulement de confiscations ?

7 R. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu destruction, mais un problème a

8 surgi entre la République de Slovénie et la République de Croatie en

9 ce qui concerne les habitations qui étaient la propriété de Slovènes

10 - de citoyens de la République de Slovénie; y a-t-il eu des

11 destructions, je n’en suis pas sûr. Ce n’est pas le genre de choses

12 auxquelles je m’intéresse énormément, mais c’est le souvenir que

13 j’en ai.

14 Q. De quelle époque parlons-nous, lorsque vous faites état de rapports

15 selon lesquels des résidences auraient été confisquées ou détruites

16 ?

17 R. Il s’agit de la période consécutive aux déclarations d’indépendance

18 de la Slovénie et de la Croatie - cette période peut-elle être

19 considérée comme achevée, je n’en suis pas sûr - mais c’est la

20 période qui va au moins du milieu de l’année 1991 jusqu’à une date

21 indéterminée, cette période n’étant peut-être pas achevée -, il

22 s’agit d’une période non spécifiée, peut-être pas encore terminée.

23 Q. M. Gow, êtes-vous au courant de rapports selon lesquels des

24 habitations serbes auraient été détruites en 1990, durant l’été 1990

25 ?

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1 R. Je suis au courant du fait que durant l’été 1990, des incidents se

2 sont produits sur le territoire de la République de Croatie, qui ont

3 impliqué le recours à des habitations appartenant à des citoyens de

4 la République de Croatie qui, selon ces rapports, étaient d’origine

5 serbe ou d’origine croate, ont été attaquées.

6 Q. Où cela s’est-il passé - je parlais des résidences secondaires, des

7 résidences d’été, de quoi est-ce que vous, vous parlez ?

8 R. Dans ce cas, puis-je me corriger ? J’avais oublié que vous parliez

9 des résidences secondaires, et dans le commentaire que je viens de

10 faire, je faisais simplement référence à des habitations attaquées;

11 étaient-ce des résidences secondaires ou des résidences principales,

12 je ne le sais pas.

13 Q. Donc, vous ne connaissez aucun rapport précis selon lesquels des

14 résidences secondaires, des résidences d’été serbes, auraient été

15 détruites sur la côte, durant l’été 1990 ?

16 R. Je ne connais aucun rapport précis, si vous avez en tête un rapport

17 précis.

18 Q. Docteur, je n’ai pas de rapport précis en tête. Etes-vous au courant

19 du fait que les premiers actes de destruction se sont produits

20 durant l’été 1990 et étaient dirigés contre des résidences

21 secondaires serbes, les premiers actes de destruction de tout le

22 conflit ?

23 R. Ne pouvant être au courant des actes auxquels vous faites référence,

24 je ne peux être certain qu’il étaient les premiers, mais étant donné

25 qu’en tout état de cause, la situation étant très complexe, je ne

Page 505

1 sais pas exactement quel a été le premier incident impliquant le

2 recours à la violence, je ne crois pas pouvoir répondre de façon

3 satisfaisante à cette question.

4 Q. M. Gow, je voudrais vous interroger sur un autre sujet. Vous avez

5 abondamment parlé, dans votre déposition, des objectifs assignés à

6 la guerre, des objectifs poursuivis par les Serbes, des objectifs

7 assignés à la JNA sur le territoire croate; vous avez fait référence

8 à un livre qui indiquait assez précisément quels étaient exactement

9 ces objectifs. Lorsque vous avez parlé des différentes phases de

10 l’attaque, des différentes phases de la poursuite des objectifs

11 assignés à la guerre en Croatie, était-ce une reconstitution fondée

12 sur des publications parues ultérieurement, telle celle du Général -

13 j’ai oublié son nom, en fait -

14 R. Kadijevic.

15 Q. - oui - ou la nature de l’objectif assigné à cette guerre était-il

16 clair depuis le début ?

17 R. Je regrette, je ne comprends pas bien ce que vous me demandez.

18 Q. Les objectifs assignés à cette guerre étaient-ils clairs, dès le

19 début de celle-ci, pendant son déroulement, étaient-ils déjà clairs,

20 à ce moment-là, ou bien votre déclaration quant à la nature de ces

21 objectifs s’appuie-t-elle avant tout sur ce qui a été écrit plus

22 tard sur le sujet, notamment par le Général que vous venez de

23 mentionner ?

24 R. Je soulignerais, tout d’abord, que le Général en question était, à

25 l’époque en question, responsable de l’Armée populaire yougoslave.

Page 506

1 Q. Oui.

2 R. Nous ne sommes pas en présence, simplement, d’un Général qui examine

3 une situation a posteriori et en fournit une analyse. Le Général

4 était impliqué, il était au coeur d’une grande partie de ce qui se

5 passait. Dans ce cas, je crois permis de dire, sur la base de la

6 description de certaines situations faite par le Général, et comme

7 l’indique également la partie des moyens de preuve liée au général

8 Panic, que la JNA avait une idée claire de la nature de ses

9 objectifs; quel était le degré de précision ou de clarté de cette

10 idée dans les différentes phases, il est difficile de le dire, mais

11 il est certain qu’elle en avait une idée claire, notamment dans les

12 deniers stades, lorsqu’il était question de fixer les frontières des

13 zones qu’elle avait désignées comme devant tomber sous son contrôle;

14 je crois que cela apparaît clairement dans les déclarations selon

15 lesquelles la JNA n’est pas parvenue à atteindre ses objectifs dans

16 certaines régions.

17 Q. Oui.

18 R. Le général Kadijevic a aussi indiqué (et je crois l’avoir déjà dit

19 au cours de ma déposition) qu’il convenait d’opérer dans un but

20 précis, à savoir ---

21 Q. Je n’ai pas compris votre dernière réponse.

22 R. Excusez-moi. Je crois avoir déjà indiqué que le général Kadijevic

23 avait laissé entendre qu’il convenait d’opérer dans un but précis,

24 celui de séparer les communautés afin de réaliser ce que la JNA

25 considérait comme sa mission, consistant à aider le peuple serbe,

Page 507

1 dans ce cas précis, le peuple serbe de Croatie.

2 Ce fait devait, à lui seul, créer une situation dans laquelle,

3 parce que la JNA n’avait pas d’objectif clairement défini, excusez-

4 moi, clairement exprimé, un certain degré d’incertitude a continué à

5 peser, dans les rapports avec la communauté internationale, par

6 exemple, quant à ce qui se passait réellement, même si pas mal de

7 gens de la région, notamment le chef de la Mission de contrôle de la

8 Communauté européenne, Henri Vijnaendts, ont indiqué, à l’époque,

9 qu’ils croyaient être en présence d’une tentative d’accomplissement

10 du genre de projet auquel j’ai fait référence et qui, je crois, a

11 été évoqué par le général Kadijevic dans son ouvrage.

12 Nombreux étaient ceux, en Croatie comme dans d’autres parties

13 de la Yougoslavie, qui estimaient que ce qui était en train de se

14 passer était clair. Donc, je répondrais que ce que la JNA et les

15 forces politiques et militaires serbes étaient en train d’essayer de

16 réaliser était clair. Cela devait être clair aux yeux de la JNA, car

17 les propos des Généraux nous le montrent, mais cela n’a pas toujours

18 été clair aux yeux des nombreux observateurs extérieurs, la nature

19 des objectifs poursuivis n’a pas été exprimée clairement.

20 Q. Ma question était, M. Gow, était-ce clair ou non à vos yeux; je

21 sais, à présent, si cela a été clair aux yeux de la JNA et de bien

22 d’autres personnes. Pourriez-vous, je vous prie, vous exprimer sur

23 le point de savoir si la nature des objectifs assignés à la guerre

24 était, à l’époque, claire à vos yeux ?

25 R. Je pense - je suppose que vous parlez de la période de la guerre en

Page 508

1 Croatie, en 1991 ?

2 Q. Oui.

3 R. Mon jugement me dit que dans la période de 1991, pas seulement après

4 la déclaration d’indépendance de la République de Croatie, le 25

5 juin, mais même avant, certains indices pouvaient donner à penser

6 que des éléments de la JNA coopéraient avec les forces politiques et

7 militaires serbes présentes sur le territoire de la République de

8 Croatie; mais dans une telle situation de transition, certaines

9 parties de l ’Armée populaire yougoslave continuaient à prôner

10 l’idée d’une certaine variante de Yougoslavie, et par variante de

11 Yougoslavie, elles entendaient une variante de la Yougoslavie de

12 Tito.

13 Dans ce contexte, je crois qu’il apparaît clairement qu’en

14 dépit du fait que, dans la première partie de 1991, des

15 représentants de la direction politique serbe et des représentants

16 de la JNA à Belgrade ont tenté de discuter, - nous avons vu

17 certaines de ces discussions évoquées dans quelques-unes des

18 séquences vidéo qui ont été projetées - des divergences d’opinion

19 existaient, à cette époque. Donc, ce n’était pas clair, pour une

20 part parce que certaines des actions entreprises relevaient d’une

21 politique délibérément désireuse de faire régner cette absence de

22 clarté, et ce n’était pas clair, et donc, pas clair à mes yeux, pas

23 susceptible de me permettre d’être absolument affirmatif; des

24 indices de collaboration ont existé dans certaines régions, mais pas

25 dans les premiers stades.

Page 509

1 Pour autant que je me souvienne, selon mon jugement de

2 l’époque, c’est-à-dire il y a cinq ans et je m’efforce vraiment de

3 me rappeler comment je voyais les choses à l’époque, car ma

4 compréhension des événements a évolué au fur et à mesure que de

5 nouvelles informations étaient disponibles, mais à l ’époque,

6 certains aspects de la guerre étaient peu clairs, notamment en

7 raison des divergences d’opinion et des préoccupations de certains

8 membres de la JNA, ainsi que des préoccupations de certains pro-

9 yougoslaves de la JNA.

10 Q. Merci, M. Gow. Vous avez consacré une partie de votre déposition à

11 parler de l’idéologie de la grande Serbie. Etait-ce l’idéologie de

12 cette seule partie du territoire de l’ex-Yougoslavie, c’est-à-dire,

13 cette idée de la grande Serbie était-elle la seule idéologie

14 opposée, disons, à l’idéologie fédérale, ou y avait-il d’autres

15 idéologies qui cherchaient à étendre leur pouvoir politique sur la

16 base de l’ethnicité ?

17 R. Pour commencer, dans mon souvenir, je n’ai pas parlé de l’idéologie,

18 bien que ce ne soit pas nécessairement un terme inexact, mais de

19 l’idée de la grande Serbie dans le contexte du XIXe siècle; j’ai

20 aussi indiqué qu’au XIXe siècle, une autre idée, et sans doute

21 plusieurs autres idées, avaient également cours; mais l’autre idée à

22 laquelle j’ai fait référence était l’idée yougoslave, l’idée

23 illyrienne, celle d’un cadre qui eût permis de réunir tous les

24 Slaves du sud. C’est dans ce contexte que j’ai fait référence à la

25 grande Serbie. Je suis désolé. Pourriez-vous répéter la dernière

Page 510

1 partie de votre question ? Je l’ai oubliée.

2 Q. Dans votre réponse, vous avez dit : « j’ai évoqué, à part l’idée de

3 grande Serbie », que vous l’appeliez une idéologie ou une idée n’a

4 pas grande importance en ce moment, mais vous avez dit : « j’ai

5 aussi fait référence à une autre idée parmi plusieurs autres ».

6 Pourriez-vous nous dire quelles autres idées, à part celles que vous

7 avez évoquées, avaient cours, à votre avis ?

8 R. Je n’ai pas dit « parmi plusieurs autres ». J’ai dit qu’il a pu y en

9 avoir plusieurs, si ma mémoire est fidèle. Il ne fait aucun doute

10 qu’un certain nombre d’idées précises avaient cours. Je ne me

11 considère nullement un expert en histoire du XIXe siècle, mais je ne

12 vois aucun problème à supposer que certaines personnes existaient,

13 qui souhaitaient créer quelque chose à l’intention d’une des

14 multiples communautés habitant ces territoires et, en particulier,

15 certainement au XXe siècle, de nombreux Croates qui regardaient du

16 côté du Moyen-Age croate ont nourri une telle idée.

17 Q. Ainsi, l’idée de la grande Serbie n’est pas unique, en ce sens qu’il

18 existe également l’idée de la grande Croatie, qui remonte assez loin

19 dans l’histoire ? Cette idée est-elle encore vivace ? Connaissez-

20 vous une époque quelconque où ces idées ont resurgi ? Vous parlez du

21 XXe siècle; parlez-vous de la totalité de ce siècle ou de quelques

22 moments précis ?

23 R. Encore une fois, je crois me souvenir avoir dit qu’il a pu y avoir

24 une idée d’un Etat croate. Je ne vois aucune raison - je ne me

25 rappelle pas avoir beaucoup lu sur le sujet, mais je ne vois aucune

Page 511

1 raison de supposer qu’une telle idée n’ait pas pu faire partie d’un

2 débat intellectuel mené à tel ou tel moment, au cours du XIXe

3 siècle.

4 Lorsque j’ai fait référence au XXe siècle, je crois que

5 l’entité formée sous l’égide des puissances de l’Axe dans les années

6 40, cet Etat indépendant de Croatie, était indicatif de la forme que

7 pourrait revêtir un Etat grand-croate; car, pour autant que je me

8 souvienne, le royaume médiéval de Croatie englobait des parties de

9 la Bosnie-Herzégovine, dont certains estiment que celles-ci

10 devraient faire partie de la Bosnie-Herzégovine.

11 Je n’ai vu se développer aucun débat majeur autour de l’idée

12 selon laquelle, parce que lorsqu’il existait, le royaume de Bosnie

13 englobait des parties importantes de la Croatie et de la Serbie, la

14 Bosnie devrait à présent s’emparer de ces territoires, mais je

15 n’exclue pas la possibilité que quelqu’un, quelque part, ait pu

16 l’affirmer.

17 Q. Vous faites précisément référence à ce qui s’est passé dans les

18 années 40. Cette idée de la grande Serbie a-t-elle refait surface à

19 un moment ultérieur au cours de l’histoire ?

20 R. L’idée de la grande Croatie est axée sur une Croatie débordant des

21 frontières de la République de Croatie actuelle. D’un point de vue

22 territorial - je crois que vous me posez la question du point de vue

23 de l’exercice du pouvoir politique -, mais d’un point de vue

24 territorial, c’est une idée qui a certainement suscité des

25 discussions dans les années 90, mais c’est une idée, et une idée que

Page 512

1 certains ont peut-être voulu appliquer, dans une certaine mesure,

2 dans les années 90, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

3 Q. M. Gow, une idée comparable existe-t-elle, par exemple, pour ce qui

4 a trait à la Macédoine ? Connaissez-vous un quelconque événement en

5 Macédoine, une attitude politique qui chercherait à créer une grande

6 Macédoine ?

7 R. Je ne suis au courant d’aucun mouvement d’envergure qui, au cours

8 des années 90, aurait cherché à créer une grande Macédoine. Je pense

9 que la République de Macédoine s’est créée, s’est trouvée dans une

10 position si vulnérable et si affaiblie qu’il y a eu place pour un

11 débat sérieux et important sur ce sujet (sic). Mais encore une fois,

12 je n’exclue pas la possibilité qu’il puisse y avoir quelqu’un,

13 quelque part, ou plusieurs personnes, quelque part, qui pensent dans

14 ces termes.

15 Q. Connaissez-vous le parti politique de Macédoine appelé IMRO, I-M-R-O

16 ?

17 R. J’en parle en général comme du VMRO, mais, oui, c’est le même, c’est

18 l’organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine.

19 Q. Connaissez-vous la tendance favorable à une grande Macédoine qui

20 caractérise son programme politique ?

21 R. Je sais que c’est une organisation qui s’est créée à la fin du XIXe

22 siècle, je crois, avec l’aide des autorités bulgares, celle des

23 services secrets, je crois; c’était une organisation terroriste

24 défendant la cause de l’inclusion de la Macédoine dans une grande

25 Bulgarie. Elle a joué un rôle important, par exemple, dans

Page 513

1 l’assassinat du roi Alexandre, en 1934, à Marseille; je crois avoir

2 déjà fait référence au fait que cette organisation était illégale

3 dans la Yougoslavie de Tito, qu’elle a réapparu en tant que parti

4 politique en 1990, je crois, avec une aile plus radicale et une aile

5 plus modérée et démocratique, qui défendait manifestement une ligne

6 politique plus démocratique et qui aurait pu, d’une certaine façon,

7 avoir été le signe d’une aspiration à une grande Macédoine qui

8 aurait incorporé des parties de la Bulgarie, qui était favorable à

9 une union avec la Bulgarie. Je ne suis pas au courant que cela ait

10 existé, mais comme précédemment, je n’exclurais nullement la

11 possibilité que l’on trouve, dans les documents ou dans les

12 déclarations de membres du VMRO, l’expression d ’une telle

13 aspiration; mais, s’agissant de la situation en Macédoine, je ne

14 pense pas que ce soit une question réellement importante.

15 Q. Le parti IMRO, pouvez-vous nous donner une idée de son importance,

16 était-ce un grand parti ? Lors des élections de 1990, par exemple,

17 quel a été son résultat ? Je veux dire, combien de voix a-t-il

18 recueilli aux élections ?

19 R. Je ne me rappelle pas si - je ne me rappelle pas son score exact,

20 mais je pense qu’il a probablement été le parti le mieux élu et il a

21 certainement fait partie d’une coalition gouvernementale.

22 Q. Merci, M. Gow, sur ce sujet. M. Gow, ai-je raison de comprendre que

23 vous avez déclaré, dans votre déposition, que les non-Serbes (je

24 passe maintenant à un sujet entièrement nouveau) n’ont pas fait

25 grand chose pour préparer la guerre de 91 et 92 en Bosnie-

Page 514

1 Herzégovine ?

2 R. Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre question ?

3 Q. Ai-je bien compris que vous avez déclaré, dans votre déposition, que

4 les non-Serbes n’avaient pas fait grand chose pour se préparer à la

5 guerre de 91 et 92 en Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Je ne suis pas sûr d’avoir dit cela dans ma déposition. Je suis prêt

7 à croire que j’ai dit quelque chose de vaguement approchant.

8 Q. Donc, c’est approximativement ce que vous ---

9 R. Je ne me rappelle pas avoir fourni ce témoignage.

10 Q. D’accord, pourriez-vous, dans ce cas, je vous prie, nous donner

11 votre avis un peu plus détaillé quant à la façon dont les non-Serbes

12 se sont préparés, peu ou prou, à la guerre de 91 et 92 ?

13 R. Encore une fois, la question n’est pas simple, pas facile.

14 S’agissant du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, je suppose que

15 c’est ce dont vous parlez lorsque vous évoquez les non-Serbes dans

16 ce contexte, il a déployé quelques efforts limités, assez

17 tardivement, pour tenter de commencer à développer la Défense

18 territoriale et en faire l’Armée de Bosnie-Herzégovine.

19 En même temps et jusqu’au tout dernier moment, peut-être même

20 après le tout dernier moment, y compris, en mai 1992, la présidence

21 et le gouvernement bosniaques ont, sur le plan politique, cherché à

22 conclure un arrangement de quelque sorte que ce soit avec le

23 commandement local de la JNA, pour tenter de renverser certaines des

24 conditions du conflit qui, au début, était en gestation et, plus

25 tard, déjà en cours. La JNA et le gouvernement bosniaque ont coopéré

Page 515

1 dans ces efforts, en organisant des patrouilles conjointes pour

2 tenter d’instaurer le calme et, dans la mesure du possible, de

3 désarmer certains groupes non officiels.

4 Agir de la sorte équivalait, et j’utiliserais une citation, je

5 citerais approximativement Laura Silber qui, dans son ouvrage

6 compare cela au fait de confier un poulet, un poulailler à un

7 renard. Cette citation est valable, dans une certaine mesure, car il

8 est clair que des parties de la JNA ont coopéré avec certains

9 éléments des Serbes de Bosnie à la préparation de la voie menant à

10 la guerre. En même temps, je suis prêt à croire qu’il restait, au

11 sein de la JNA, quelques éléments qui s’efforçaient sérieusement de

12 coopérer, je parle de ceux qui n’étaient pas nécessairement

13 impliqués dans ce genre de projet, enfin, qui n’étaient pas au

14 courant du genre de projet que j’ai évoqué précédemment.

15 Quant aux Croates de Bosnie, il est vrai que dans certaines

16 régions d’Herzégovine occidentale, la JNA ayant cherché à désarmer

17 les forces de la Défense territoriale dans les régions fortement

18 croates et n’y étant pas parvenue, dans certaines régions, les

19 Croates locaux avaient réussi à garder le contrôle de certaines

20 armes de la Défense territoriale.

21 Dans le même temps, des éléments appartenant à un groupe connu

22 sous le nom de HOS, H-O-S, un groupe paramilitaire croate qui avait

23 été en Croatie au moment où la guerre s’y déroulait, étaient passés

24 en Herzégovine occidentale et il est permis de considérer cela comme

25 une préparation au conflit.

Page 516

1 Q. Ce groupe HOS que vous avez évoqué était-il lourdement armé ?

2 R. Son importance est estimée, je crois, à environ 15 000 hommes et il

3 n’était pas lourdement armé, si par ces mots, vous entendez des

4 armes de gros calibre qui seraient classées dans la catégorie des

5 forces conventionnelles par le Traité européen, mais il était

6 certainement armé.

7 Q. Vous avez évoqué ce groupe HOS, mais il s’agit, si j’ai bien

8 compris, d’un groupe paramilitaire croate. Des groupes

9 paramilitaires musulmans étaient-ils actifs, se préparaient-ils à ce

10 qui pouvait arriver ?

11 R. Excusez-moi, oui, j’allais y venir - il existait un groupe appelé

12 les « bérets verts », qui était un groupe paramilitaire musulman,

13 dont l’importance est très difficile (sic). Je n’ai vu aucune

14 estimation fiable quant à l’importance de ce groupe. Il devait

15 certainement compter des centaines d’hommes, très probablement des

16 milliers et, si je peux anticiper sur votre question suivante,

17 n’était pas lourdement armé, mais était armé.

18 Q. Il était armé ? Cherchait-il à se procurer d’autres armes, M. Gow ?

19 R. Je ne sais pas s’il cherchait à se procurer d’autres armes.

20 Q. Pourriez-vous, je vous prie, indiquer si l’organisation des bérets

21 verts était simplement une organisation locale ou si elle était

22 représentée dans plusieurs localités de la région ?

23 R. Non, je crois qu’elle possédait des unités dans un certain nombre de

24 localités de Bosnie-Herzégovine.

25 Q. Un certain nombre. Pourriez-vous être un peu plus précis parce qu’un

Page 517

1 certain nombre peut vouloir dire trois ou quatre, mais aussi dix ou

2 plus.

3 R. Non, je ne crois pas pouvoir être plus précis; un certain nombre,

4 certainement supérieur à trois ou quatre.

5 Q. Alors, je vous poserai la question suivante : y avait-il des bérets

6 verts à Bugojno ?

7 R. Je crois que j’ignore quelle est la réponse.

8 Q. Y avait-il des bérets verts à Mostar ?

9 R. D’après ce que je me rappelle, j’ai entendu rapporter la présence de

10 bérets verts à Mostar, mais pour quelque information à ce sujet,

11 cela fait longtemps et mes souvenirs sont forcément peu sûrs.

12 Q. Y avait-il des bérets verts à Travnik ?

13 R. Encore une fois, je ferai la même réponse, à savoir que d’après ce

14 que je me rappelle, il peut y en avoir eu, mais je n’ai aucun,

15 aujourd’hui, plusieurs années plus tard, je n’ai aucun souvenir

16 assuré quant au contenu des rapports traitant de cela.

17 Q. Y avait-il des bérets verts à Jajce ?

18 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.

19 Q. Y avait-il des bérets verts à Zenica ?

20 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.

21 Q. A Konjic ?

22 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.

23 Q. A Maglaj ?

24 R. Encore une fois, je ferai la même réponse, avec un peu plus de

25 certitude, dans ce cas.

Page 518

1 Q. A Bihac, M. Gow ?

2 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.

3 Q. Y en avait-il à Gornji Vakuf, je ne sais pas si je prononce bien ?

4 R. Gornji Vakuf.

5 Q. Oui.

6 R. Encore une fois, je ferai le même genre de réponse. Il se peut qu’il

7 y en ait eu, il n’est pas déraisonnable de penser qu’il ait pu y en

8 avoir, mais mon souvenir n’est vraiment plus assez sûr.

9 Q. Y en avait-il à Gorazde, M. Gow ?

10 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.

11 Q. Y en avait-il à Sarajevo ?

12 R. A Sarajevo, je peux être pratiquement sûr qu’il y en avait, oui.

13 Q. J’essaie de compter, M. Gow, et j’essayais d’aller jusqu’à trois ou

14 quatre. Pourriez-vous, je vous prie, parce que je n’ai pas trouvé

15 trois ou quatre endroits où leur présence est avérée, pourriez-vous

16 nous dire quelles étaient ces trois ou quatre localités ? Sarajevo

17 en est une et Mostar aussi, je crois ?

18 R. Je regrette, mais je ne suis pas sûr de savoir quels trois ou quatre

19 vous avez à l’esprit.

20 Q. Je vous ai demandé s’ils étaient répartis un peu partout ou

21 simplement dans quelques endroits, car vous avez parlé d’un certain

22 nombre d’endroits.

23 R. Oui.

24 Q. Je vous ai demandé s’il s’agissait de trois ou quatre, ou de dix

25 endroits, car « un certain nombre » est un peu vague à mes yeux. Je

Page 519

1 crois que vous avez dit : « Eh bien j’arriverais à trois ou

2 quatre », mais quand je vous ai demandé et je viens de tenter de ---

3 R. Si vous me permettez, je ne me souviens pas avoir dit cela; j’ai dit

4 qu’il y avait plusieurs endroits, certainement plus de trois ou

5 quatre.

6 Q. Certainement plus de trois ou quatre ?

7 R. C’est ce que je me rappelle avoir dit.

8 Q. D’accord. Dans ce cas, je vous demande si vous pouvez me citer

9 d’autres endroits, même si vous dépassez trois ou quatre, car je

10 crois comprendre que vous êtes à peu près sûr au sujet de Sarajevo.

11 R. Au sujet de Sarajevo, j’étais à peu près sûr et au sujet de Maglaj,

12 j’ai des souvenirs assez précis; j’ajouterais que je suppose que la

13 liste que vous venez de lire est celle de lieux où la présence des

14 bérets verts vous a été rapportée, et je ne vois rien de particulier

15 qui me permette d’en disconvenir. Je dis simplement ne pas pouvoir

16 confirmer que c’était bien le cas. Les bérets verts, l’organisation

17 des bérets verts avait été créée et était présente dans plusieurs

18 localités, dont j’ai dit que leur nombre était sans doute supérieur

19 à trois ou quatre. Je ne suis pas sûr de savoir ce que vous me

20 demandez à présent.

21 Q. Je vous demande dans quelles localités ils étaient présents et

22 puisque vous avez dit qu’il pouvait y en avoir trois ou quatre, je

23 tente de découvrir si vous savez de quelles localités il s’agissait

24 ?

25 R. Je répète que j’ai le souvenir d’avoir dit ne pas pouvoir préciser

Page 520

1 les localités, lorsque j’ai répondu à la première question que vous

2 m’avez posée dans cette partie de votre interrogatoire; et si ma

3 mémoire me trahit, je vais le dire maintenant, que c’était le cas,

4 que l’organisation des bérets verts avait été créée et était

5 présente dans certaines parties de la Bosnie-Herzégovine. Je n’ai

6 plus le souvenir précis de la majorité des régions où on pouvait les

7 trouver.

8 LE PRESIDENT : Je crois que ce qui s’est passé, si vous me permettez de

9 vous interrompre, c’est que Maître Orie a donné lecture d’une liste

10 de lieux en vous demandant si vous saviez si les bérets verts

11 s’étaient trouvés en ces lieux; vous avez répondu oui pour certains

12 et aussi que vous ne saviez pas. Ce qu’il souhaite que vous fassiez,

13 je pense, c’est de récapituler, est-ce bien cela, et de dire, à

14 présent, dans cette liste, quels sont les endroits où vous pouvez

15 confirmer la présence effective de bérets verts.

16 MAITRE ORIE : S’il n’y en avait pas dans la majorité des lieux que j’ai

17 cités, et si le témoin a déclaré, comme je l’ai compris - je peux

18 m’être trompé, auquel cas je serais heureux de voir corriger mon

19 erreur de compréhension - j’ai eu l’impression de l’avoir entendu

20 dire que dans au moins trois ou quatre endroits du territoire de la

21 Bosnie-Herzégovine, les bérets verts avaient été présents. J’ai cité

22 cette liste mais n’ai pas obtenu plus d’un, ou peut-être deux

23 endroits. Je suis donc curieux de savoir dans quels autres endroits

24 il a été possible de localiser des bérets verts, puisque M. Gow a

25 déclaré qu’il devait y en avoir eu au moins trois ou quatre, ce que

Page 521

1 j’ai compris comme signifiant qu’il y en avait même peut-être plus

2 de trois ou quatre.

3 LE PRESIDENT : Vous trouvez une question dans tout cela ? Sur la liste

4 dont Maître Orie a donné lecture, êtes-vous en mesure, sur la base

5 de vos souvenirs, d’indiquer qu’il y avait des bérets verts dans

6 plus d’un endroit ?

7 R. Si je pouvais --

8 Q. Et dans combien avec certitude ?

9 R. Si je pouvais me rappeler ma réponse, j’ai dit qu’à l’exception de

10 Sarajevo et peut-être de Maglaj, je n’excluais pas la possibilité

11 qu’il y ait eu des bérets verts dans l’une quelconque des autres

12 localités. Je me rappelle avoir répondu que je n’ai plus de souvenir

13 assuré, mais que je considérerais qu’il n’est pas déraisonnable

14 d’estimer qu’il a pu y avoir des bérets verts organisés dans ces

15 régions. Si le souvenir de ce que j’ai dit est erroné, je vous prie

16 de m’excuser, mais je suis pratiquement certain d’avoir dit cela.

17 Je ne disais donc pas que - je n’ai pas répondu que - j’ai

18 répondu qu’ils étaient en plusieurs endroits, en réponse à votre

19 question, dans plus de trois ou quatre endroits, mais s’agissant du

20 nom de ces endroits, je ne me rappelle pas avec précision dans

21 quelles localités il était possible de les trouver, à l’exception de

22 Sarajevo, où leur présence était notable. Excusez-moi, mais je crois

23 que je n’ai peut-être pas été assez clair dans ma façon de répondre,

24 pour commencer.

25 MAITRE ORIE : Je comprends. La deuxième partie de votre réponse a consisté

Page 522

1 à dire « au moins à Sarajevo et peut-être à Maglaj », et pourtant

2 vous ajoutez « je n’exclue pas qu’ils aient pu se trouver,

3 également, dans ces autres endroits ». La première partie de votre

4 réponse a consisté, si ma mémoire est bonne, à déclarer qu’on

5 pouvait les trouver dans au moins trois ou quatre endroits.

6 R. Je me rappelle avoir dit qu’ils étaient dans plusieurs endroits,

7 dont le nombre était sans doute supérieur à trois ou quatre, mais

8 que cinq ans plus tard, je ne pouvais pas préciser le nom de ces

9 endroits. Mais je ne vois aucun problème - mais je ne vois aucun

10 problème à admettre qu’il est possible qu’ils se soient trouvés dans

11 certains des endroits que vous avez indiqués.

12 Q. Oui. J’en resterai là. J’inscrirai plus de deux endroits sur ma

13 liste. Avez-vous été au courant de leur présence à Prijedor, la

14 présence des bérets verts ?

15 R. Je ne peux pas dire aujourd’hui que j’ai été au courant de leur

16 présence à Prijedor.

17 Q. A Banja Luka ?

18 R. Encore une fois, je ne peux pas dire que j’ai été au courant de leur

19 présence à Banja Luka.

20 Q. M. Gow, j’aimerais ---

21 R. Mais si je peux, je voudrais dire simplement que je m’appuie sur les

22 mêmes bases que lorsque j’ai répondu aux questions précédentes, à

23 savoir que cinq ans plus tard, il est très difficile de se rappeler

24 exactement des détails aussi précis que ceux-ci.

25 Q. Oui, bien entendu, je comprends qu’il vous est difficile de vous

Page 523

1 rappeler avec exactitude les endroits où ils auraient pu se trouver.

2 S’agissant des groupes paramilitaires, j’aimerais vous poser

3 quelques questions au sujet de ce que vous savez des événements de

4 Gorazde. Pourriez-vous commencer par nous dire où se trouve Gorazde

5 ?

6 R. Gorazde se trouve au sud, au sud-est de la Bosnie-Herzégovine, quand

7 on parcourt plus ou moins le bas, au point qui part du coin en bas à

8 droite, l’accès qui part de la frontière avec la Serbie, en passant

9 par la frontière entre la Serbie et le Monténégro, pour déboucher

10 sur la mer Adriatique, en bas. Gorazde est situé dans cette bande

11 d’accès.

12 Q. M. Gow, quelle était la situation ethnique à Gorazde ? Y avait-il

13 une majorité musulmane, une majorité serbe, une majorité croate ?

14 R. Je n’en suis pas sûr.

15 Q. Mais la population ---

16 R. Dans mon souvenir, ou plutôt, je ne suis pas sûr, mais je sais qu’on

17 en parlait, en général, comme d’une ville majoritairement peuplée de

18 musulmans.

19 Q. Comme d’une ville musulmane ?

20 R. Oui, il est classique d’en parler comme d’une ville à prédominance

21 musulmane, mais je ne connais pas les chiffres de tête.

22 Q. Y avait-il une minorité serbe dans cette ville, pour autant que vous

23 le sachiez ?

24 R. Il y en avait une.

25 Q. Il y avait une minorité serbe. Savez-vous si le maire était serbe,

Page 524

1 musulman ou croate ?

2 R. Je crains de ne pas être un expert en gouvernement local de Bosnie,

3 je ne peux donc répondre à cette question.

4 Q. Etes-vous au courant d’une arrestation effectuée par le maire de

5 Gorazde, de l’emprisonnement de Serbes ?

6 R. Je ne suis pas au courant de cela. Je ne suis pas davantage expert

7 en activités criminelles locales ou en activités apparentées en

8 Bosnie, que je ne le suis en gouvernement local.

9 Q. Je sais que vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question,

10 mais j’aimerais néanmoins vous la poser, car il est possible que sur

11 certains aspects précis, vous connaissiez la réponse. Etes-vous au

12 courant du fait que la police a été reprise par le gouvernement

13 musulman de Gorazde, pour autant que vous puissiez parler d’un

14 gouvernement ?

15 R. Non, je ne suis pas non plus au courant de cela.

16 Q. Savez-vous ce qu’il est advenu de Gorazde plus tard ? Je ne parle

17 plus de gouvernement local, mais Gorazde a-t-elle jamais été prise

18 par les forces serbes ?

19 R. Les forces serbes ont pénétré dans la ville de Gorazde en avril

20 1994. La ville de Gorazde ---

21 Q. M. Gow, vous permettez ?

22 R. Excusez-moi, je suis désolé.

23 Q. J’essayais d’axer mes questions sur la situation dont nous étions en

24 train de parler, la préparation à la guerre et c’est de là que je

25 suis parti, des groupes paramilitaires, est-ce qu’il y avait des

Page 525

1 groupes qui préparaient activement la guerre en 1991 et 1992 ? Donc,

2 j’aimerais connaître votre réponse au sujet, disons, de la période

3 englobant les deux années suivantes. C’est cela qui m’intéresse pour

4 le moment. Donc, j’aimerais savoir si Gorazde a été prise, disons, à

5 la mi-93 ?

6 R. Je suis désolé, pourriez-vous ---

7 Q. Oui, je vais reformuler ma question. M. Gow, la ville de Gorazde a-

8 t-elle été défendue avec succès par les habitants locaux au début de

9 la guerre, en 1992 ?

10 R. Pour autant que je me souvienne, la ville de Gorazde était l’un des

11 points de Bosnie-Herzégovine dont le gouvernement musulman, ou

12 bosniaque, a gardé le contrôle pendant toute la période, même s’il y

13 a eu des périodes de combat dans la région, et il y a certainement

14 eu des périodes où les combats - j’en resterai là.

15 Q. Merci. J’aimerais, maintenant, vous emmener dans la ville de Tuzla.

16 Avez-vous quelque connaissance que ce soit de la composition du

17 gouvernement, de l’identité de ceux qui étaient aux commandes à

18 Tuzla ? Le maire, le Conseil ?

19 R. Je n’ai aucune connaissance de la composition du gouvernement local

20 de Tuzla, mais je peux rendre compte du fait que nombreux sont ceux

21 qui considèrent cette région comme une région où régnait la

22 modération politique.

23 Q. Savez-vous ce qui est arrivé à la JNA qui était en garnison à Tuzla

24 au début de la guerre ? Y avait-il une caserne de la JNA à Tuzla ?

25 R. Il y avait une caserne de la JNA à Tuzla, oui.

Page 526

1 Q. Savez-vous combien de soldats, d’officiers de la JNA s’y trouvaient

2 ? Etait-ce une garnison importante ? Etait-ce une petite garnison ?

3 R. Dans mon souvenir, c’était une garnison relativement importante. Un

4 chiffre - je ne me rappelle pas le chiffre.

5 Q. Que leur est-il arrivé lorsque la guerre a commencé, M. Gow ?

6 R. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous me demandez.

7 Q. Qu’est-il arrivé à la JNA ? A-t-elle commencé à se battre ? Est-elle

8 partie en Italie ? Je vous le demande.

9 R. Elle n’est certainement pas partie en Italie, pour autant que je le

10 sache. Je n’ai pas de souvenir précis, je n’ai connaissance d’aucun

11 détail au sujet de ce qui s’est passé mais, plus généralement, je

12 pense que les unités de la JNA sur place se sont, pour la plupart,

13 retirées, peut-être sous la pression de ---

14 Q. Sous la pression de qui ?

15 R. Je crois qu’elles l’ont fait principalement sous la pression de,

16 peut-être sous la pression des circonstances, probablement aussi

17 sous la pression des unités du gouvernement bosniaque.

18 Q. Etes-vous au courant de négociations entre le gouvernement local de

19 Tuzla et la JNA, alors que la JNA était prise au piège dans sa

20 caserne, négociations qui visaient à lui accorder - j’ose à peine

21 prononcer le mot - un sauf-conduit pour sortir de la ville ?

22 R. Je ne suis pas au courant de ces négociations, mais je sais que des

23 négociations de ce genre avaient lieu dans d’autres parties de

24 Bosnie-Herzégovine, donc, par conséquent, cela serait cohérent.

25 Q. Ai-je raison de supposer que vous ne savez rien de ce qui s’est

Page 527

1 passé lorsque ces sauf-conduits négociés ont été mis en oeuvre,

2 lorsque la JNA a quitté la ville, au sujet de ce qui est arrivé à

3 ces membres de la JNA ?

4 R. Je pense que vous avez sans doute raison, effectivement.

5 Q. Etes-vous au courant d’une attaque, perpétrée après que sa sortie de

6 la ville ait été négociée, sa sortie de Tuzla, d’une attaque contre

7 ces membres de la JNA qui quittaient la ville ?

8 R. Je ne me rappelle rien de ce genre aujourd’hui, mais encore une

9 fois, ce serait cohérent avec les événements et les circonstances.

10 Q. M. Gow, vous avez parlé de la création des comités de crise par les

11 Serbes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, aux fins de

12 préparer la prise du pouvoir. Le mot que j’utilise n’est pas le bon

13 ?

14 R. Je crois avoir fait référence à quelque chose qui s’appelait un

15 quartier général de crise, mais je me souviens vous avoir parlé de

16 la création de quartiers généraux de crise.

17 Q. Où ces quartiers généraux de crise étaient-ils basés ?

18 R. Les quartiers généraux de crise devaient être organisés, pour autant

19 que je me souvienne, dans les municipalités un peu partout en

20 Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Je me suis trompé; ce que j’ai appelé les comités de crise, je fais

22 référence à ce que vous appelez les quartiers généraux de crise,

23 répartis un peu partout ---

24 R. Krizni Stab.

25 Q. Oui, c’est un mot qui me paraît familier. Les quartiers généraux de

Page 528

1 crise étaient-ils exclusivement serbes ou les autres entités en

2 avaient-elles également organisé ?

3 R. Je ne suis pas au courant de quartiers généraux de crise qui

4 auraient été organisés par d’autres protagonistes en Bosnie-

5 Herzégovine.

6 Q. Vous n’êtes pas au courant de l’existence d’une espèce de cellule de

7 crise - qu’elle porte ou non le même nom n’est pas essentiel à mes

8 yeux -, d’une organisation comparable quant à ce qu’il convenait de

9 faire si la guerre éclatait ?

10 R. Si vous êtes en train de dire : est-ce que d’autres protagonistes de

11 Bosnie-Herzégovine ont pris des dispositions pour diriger les

12 régions en cas de survenue de certains autres événements, dans ce

13 cas, ce que je crois savoir, c’est que des préparatifs ont eu lieu,

14 mais qu’ils n’étaient pas du même type ni de la même nature.

15 Q. Quelle était, alors, la différence, M. Gow ?

16 R. Pour autant que je sois capable de cerner cette différence, et il

17 est possible que mes connaissances s’appuient sur un malentendu, le

18 degré auquel le Parti démocratique serbe, qui avait pris des

19 dispositions et s’était organisé sur l’ensemble des territoires de

20 la Bosnie-Herzégovine, n’était pas nécessairement - excusez-moi,

21 était plus intensif, plus détaillé, et impliquait une collaboration

22 plus importante avec les services de sécurité et, en fait, avec les

23 unités de la JNA, que les préparatifs comparables, dont j’ai eu

24 connaissance et que je n’ai appris que par mes lectures, effectués

25 par les autres protagonistes de Bosnie-Herzégovine, mais le fait

Page 529

1 demeure, selon mes lectures, que d’autres protagonistes ont effectué

2 des préparatifs.

3 Q. Oui, puis-je comprendre que vous connaissez moins bien le détail des

4 préparatifs effectués par les autres protagonistes ?

5 R. Si vous parlez de la période à laquelle se réfère ma déposition,

6 dans ce cas, je pense que c’est sans doute une évaluation exacte.

7 Q. Merci, M. Gow. Avez-vous eu connaissance du fait que des unités de

8 la JNA ont été prises au piège dans leur caserne ?

9 R. J’en ai eu connaissance.

10 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire où elles ont été prises au

11 piège ?

12 R. La JNA a eu des difficultés à son siège de Sarajevo, et en réponse à

13 cela, le Commandant a organisé, en mai, un véritable enlèvement du

14 Président de Bosnie-Herzégovine, alors que celui-ci revenait d’une

15 réunion, d’une réunion de la Communauté européenne avec les

16 protagonistes bosniaques, qui visait à tenter de garantir la sortie

17 de la JNA de sa caserne de Sarajevo.

18 Q. Avez-vous eu connaissance du fait que d’autres unités de la JNA ont

19 été prises au piège dans leurs caserne ?

20 R. Je n’ai pas de souvenir précis de quelque autre unité prise au

21 piège, mais encore une fois, comme cela avait été le cas en Croatie,

22 c’était une tactique des forces n’appartenant pas à la JNA que de

23 tenter de maintenir les forces de la JNA dans leur caserne, dans les

24 casernes, la Bosnie-Herzégovine se distinguant de la Croatie par le

25 fait que, la plupart du temps, la JNA avait déjà retiré le gros de

Page 530

1 ses forces des casernes de Bosnie-Herzégovine, mais la tactique

2 demeurait la même.

3 Q. M. Gow, nous venons de parler de quelques organisations

4 paramilitaires, est-ce qu’elles coopéraient avec le gouvernement

5 central ?

6 R. Encore une fois, je ne suis pas sûr de savoir ce que vous me

7 demandez.

8 Q. Je vais reformuler ma question. Y a-t-il jamais eu des réunions

9 communes entre les organisations paramilitaires et des responsables

10 du gouvernement central, en vue d’établir une stratégie commune ?

11 R. Je n’ai aucune connaissance précise quant à des rencontres entre des

12 responsables gouvernementaux et des membres de quelque groupe

13 paramilitaire que ce soit, en vue d’établir une stratégie - est-ce

14 bien cela que vous avez dit ?

15 Q. Etablir une stratégie ?

16 R. En vue d’établir une stratégie militaire. Je n’ai eu connaissance

17 d’aucune rencontre précisément organisée à cette fin.

18 Q. Vous n’avez pas eu connaissance d’une rencontre organisée en

19 décembre 1991, au cours de laquelle M. Izetbegovic a rencontré des

20 organisations paramilitaires ?

21 R. Je suis au courant du fait que M. Izetbegovic a rencontré des

22 membres d’organisations paramilitaires; je ne suis pas au courant,

23 parce que ces réunions étaient rapportées par la presse, du contenu

24 précis de ces réunions.

25 Q. Quelle idée vous faites-vous, alors, - peut-être est-ce une question

Page 531

1 trop difficile - quant au sujet de leurs discussions ? De quoi M.

2 Izetbegovic pouvait-il discuter avec des organisations

3 paramilitaires ? Peut-être devrais-je --- ?

4 R. Je réponds ?

5 Q. Je n’aurais rien contre. Je retire cette question, Madame le

6 Président. M. Gow, au moment où, dans votre déposition, vous avez

7 parlé des nombreuses attaques lancées sur le territoire de la

8 Bosnie-Herzégovine, vous avez dit que ces attaques étaient

9 coordonnées. Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer exactement

10 ce que vous entendez en employant le terme « coordonnées » dans ce

11 contexte ?

12 R. Encore une fois, je ne me rappelle pas avoir employé le terme

13 « coordonnées », mais si j’ai dit « coordonnées », je pourrais peut-

14 être qualifier mon propos dans les termes suivants : il y avait

15 coopération, coordination, entre les dirigeants serbes locaux, entre

16 des éléments de la JNA et certains groupes paramilitaires. Cela

17 faisait partie, selon mon interprétation, d’un programme global et,

18 par conséquent, je le répète, des éléments de coordination étaient

19 impliqués, en vue de s’assurer le contrôle de certaines localités

20 d’une quelconque importance stratégique de Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Je n’ai pas entendu la dernière partie de votre réponse. Pourriez-

22 vous la répéter, je vous prie ?

23 R. Bosnie-Herzégovine.

24 Q. Non, je parlais de la partie antérieure, des dix ou douze derniers

25 mots. Peut-être pourrais-je regarder le procès-verbal. Si cela ne

Page 532

1 vous ennuie pas, peut-être ferais-je mieux de regarder le procès-

2 verbal pour voir ce que je peux en tirer. Vous venez peut-être de

3 vous référer aux cartes dont nous avons discuté hier, celles qui

4 montraient les sites militaires des bases aériennes. Y a-t-il jamais

5 eu, par exemple, des attaques simultanées contre des ponts ?

6 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir dire qu’il y ait eu des attaques

7 simultanées contre des ponts. Il est certain qu’un certain nombre de

8 ponts ont été détruits, à certains moments, un certain nombre de

9 ponts sur la Sava, ainsi que le pont de Bosanski Brod, je pense, qui

10 a été investi, sinon détruit le 27 mars. Mais je ne suis pas au

11 courant d’attaques simultanées, ou du moins, je ne me rappelle

12 aujourd’hui aucune attaque simultanée.

13 Q. Est-ce très utile, d’un point de vue militaire, de détruire un pont

14 en laissant les autres intacts, sans détruire simultanément les

15 autres ponts enjambant la même rivière ?

16 R. La destruction des ponts est liée à leur usage potentiel à venir et

17 n’a pas besoin d’être effectuée simultanément, mais tout de même,

18 elle doit s’intégrer à un programme d’activités militaires.

19 Q. Vous nous avez dit que cela était planifié, qu’il y avait eu

20 coopération entre la JNA et les autres groupes impliqués. Pourriez-

21 vous nous expliquer, s’il s’agissait d’une action planifiée, quelle

22 idée justifie que l’on se soit attaqué à telle ville en premier,

23 puis à telle autre ? Pourriez-vous nous apporter une explication

24 justifiant la tactique qui sous-tendait exactement cette

25 coordination, en utilisant peut-être la même carte qu’hier ? Il

Page 533

1 s’agit de la pièce à conviction n° 66.

2 R. Si vous le désirez. Si je pouvais ---

3 Q. Ce n’est pas la bonne. J’ai la mauvaise carte, en fait. C’est la

4 carte sur laquelle figurent les dates des attaques contre les

5 différents villages. Le Greffe voit-il ce que je veux dire ?

6 LE PRESIDENT : Maître Niemann, pouvez-vous nous aider ? Peut-être est-ce

7 la pièce à conviction n° 58, je ne sais pas ?

8 MAITRE NIEMANN : Il est possible qu’il s’agisse de la pièce à conviction

9 n° 57, Madame le Président.

10 MAITRE ORIE : Je crois qu’il s’agit de la pièce à conviction n° 57, Madame

11 le Président. J’attends que le Greffe la retrouve. Pourriez-vous

12 m’expliquer les aspects systématiques justifiant telle date ou telle

13 autre ? Vous êtes en train de nous parler de coordination.

14 R. Tout d’abord, je pense qu’il peut être nécessaire de dire clairement

15 que nous parlons, encore une fois, d’une situation dans laquelle

16 prévalait une certaine ambiguïté, dans laquelle le fait de lancer

17 une attaque type, régulièrement coordonnée et appuyée par des forces

18 armées régulières, n’eût pas servi les intérêts de ceux qui

19 défendaient le projet de créer les territoires serbes dont j’ai

20 parlé. Cela ne leur aurait pas convenu, du point de vue du type de

21 forces dont ils disposaient, et cela ne leur aurait pas convenu du

22 point de vue de la position diplomatique dans laquelle ils se

23 seraient trouvés. Par conséquent, la nature des attaques, réparties

24 sur une période d’un mois, dépendait en partie des ressources

25 disponibles, du type de forces disponibles et de la nécessité, dans

Page 534

1 la mesure du possible, de ne pas faire de ce qui se passait une

2 activité explicite, de façon à pouvoir conserver un certain degré

3 d’ambiguïté à la situation. Encore une fois, je ferais référence au

4 général Kadijevic que j’ai cité hier, parlant de la guerre en

5 Croatie et évoquant la nécessité, dans un sens, de déguiser, de

6 masquer ce qui était réellement en train de se passer.

7 L’importance des localités que je crois avoir montrées hier

8 réside dans le fait qu’elles permettaient de contrôler l’accès à la

9 Bosnie-Herzégovine et la sortie de Bosnie-Herzégovine; donc,

10 s’agissant des villes frontalières situées le long de la Drina, dont

11 certaines, telles Visegrad, étaient majoritairement musulmanes, bien

12 qu’encore une fois, mon souvenir ne soit pas très sûr sur ce point,

13 il convenait de s’assurer que les équipements nécessaires pourraient

14 entrer et sortir de Bosnie-Herzégovine pour approvisionner la JNA ou

15 les autres forces serbes sur place. Vous verrez que Bijelina,

16 Zvornik et Visegrad se trouvent toutes le long des itinéraires

17 principaux qui relient la Serbie et la Bosnie-Herzégovine et, en

18 fait, la principale voie d’approvisionnement ou de communication

19 allait de Belgrade vers le Quartier général de l’Armée qui s’établit

20 en Bosnie lorsque le second District militaire s’est déplacé de

21 Sarajevo à Han Pijesak, ici, à peu près ici, il est difficile d’être

22 sûr sans avoir de point de repère précis, et qu’il a obéi à l’ordre

23 de changer de nom pour prendre celui de Quartier général de l’ARS,

24 en mai. La voie de communication reliant Zvornik et Vlasenica jouait

25 un rôle fondamental dans cette espèce de chaîne logistique. De même,

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1 toutes les forces se déplaçant vers les régions méridionales de

2 Bosnie-Herzégovine, notamment s’agissant du Corps d’Uzice auquel

3 j’ai déjà fait référence à plusieurs reprises, Uzice se trouve ici,

4 quelque part, dans le sud de la Serbie, eh bien encore une fois, ces

5 forces utilisaient couramment ces voies de communication ou

6 d’approvisionnement pour pénétrer en Bosnie-Herzégovine.

7 De l’autre côté, le long de la frontière septentrionale qui

8 longe la rivière Sava, au nord, ici, se trouve la République de

9 Croatie. Il était manifeste que, si les points de passage

10 frontaliers et les principaux points de communication situés

11 immédiatement à l’intérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine

12 n’étaient pas contrôlés, s’ils n’étaient pas contrôlés, eh bien il

13 deviendrait possible pour les troupes croates de pénétrer les

14 régions septentrionales de la Bosnie-Herzégovine. Les troupes de

15 l’Armée croate étaient présentes à Bosanski Brod le 27 mars -

16 excusez-moi, elles étaient présentes à Slavonski Brod, de l’autre

17 côté de la rivière, le 27 mars -, au moment où le conflit s’est

18 produit, au moment où des incidents se sont produits ici.

19 La prise de Bijelina et des régions septentrionales de la

20 Bosnie était notamment importante, je pense, en raison de ce que

21 beaucoup de gens connaissent aujourd’hui, à savoir ce que les Serbes

22 considèrent comme un corridor stratégique vital, qui longe le nord

23 de la Bosnie à partir du territoire de la Serbie, passe par

24 Bijelina, la ville de Brcko et la région périphérique de cette

25 ville, connue sous le nom de corridor de Posavina, pour aller

Page 536

1 ensuite vers le nord de la Bosnie et déboucher sur le territoire

2 contrôlé par les Serbes en traversant la ville de Banja Luka qui, je

3 crois, doit se trouver ici, avant d’arriver sur le territoire

4 qu’occupaient, à l’intérieur des terres de Dalmatie, les Serbes de

5 Croatie. Cette liaison était vitale, elle reliait plusieurs

6 territoires serbes auxquels j’ai fait référence hier, et auxquels le

7 général Kadijevic a fait quelques références dans son ouvrage.

8 De même, si vous descendez ici vers la ville de Kupres,

9 indiquée ici, Kupres est importante, car la région indiquée ici, au

10 sud, plus ou moins au sud de cette ville, était un territoire à

11 forte population croate. C’est le territoire dans lequel les forces

12 croates, j’ai parlé du HOS, étaient présentes en quelques points.

13 Kupres est essentielle et les monts de Kupres, qui se trouvent ici,

14 étaient essentiels pour garantir la domination stratégique de la

15 région située à l’ouest, en direction des côtes dalmates, mais

16 également de l’ensemble du territoire menant vers le nord et le

17 centre de la Bosnie. Par conséquent, tous les endroits où ont éclaté

18 les premiers incidents semblaient relever d’un plan stratégique bien

19 pensé, visant à prendre le contrôle de la situation en cas de

20 conflit en Bosnie-Herzégovine.

21 J’espère qu’en disant tout cela, je suis parvenu à répondre à

22 votre question. Si tel n’est pas le cas, je serais heureux de faire

23 une nouvelle tentative.

24 LE PRESIDENT : J’ai simplement une question. Vous avez évoqué tous ces

25 endroits, très certainement la plupart d’entre eux, en les montrant

Page 537

1 sur la carte, sinon en les nommant. Parlez-moi de Prijedor. Vous

2 voyez une date, là, en dessous, celle du 30 avril. Bien sûr, l’Acte

3 d’accusation de ce procès incrimine des agissements dont il est

4 allégué qu’ils ont été commis à Prijedor. Pourriez-vous m’en dire

5 plus sur ce sujet, je vous prie ?

6 R. Ma connaissance de Prijedor - je tiens à vous avertir d’emblée -

7 Q. Vous avez dit n’y être jamais allé, je comprends cela.

8 R. - est relativement limitée. Prijedor apparaît sur la carte en raison

9 d’une discussion qui a eu lieu avec le Bureau du Procureur. Etant

10 donné l’affaire qui nous occupe, il a été estimé que la ville de

11 Prijedor devrait être indiquée, ainsi que la date à laquelle les

12 Serbes en ont pris le contrôle. La prise de Prijedor, d’après ce que

13 j’ai compris, s’est faite sans grande effusion de sang. Elle a

14 impliqué la présence de forces armées, mais il n’y a pas eu de

15 combats importants. C’est ce que j’ai compris, mais, comme je l’ai

16 déjà dit, je n’ai que des connaissances très limitées au sujet de

17 Prijedor.

18 Q. Mais vous vous rendez compte que l’Acte d’accusation incrimine des

19 actes commis dans la région de Prijedor ?

20 R. Je crois, encore une fois, ce que je me rappelle, c’est d’avoir

21 indiqué que tel était le cas et que, compte tenu de la nature de ce

22 procès particulier, une discussion a eu lieu avec le Bureau du

23 Procureur, qui a demandé que Prijedor figure également sur la carte.

24 Q. Donc vous ---

25 R. Si vous le permettez, j’ajouterais que Prijedor se trouve aussi le

Page 538

1 long de cet axe de communication majeur, qui traverse le nord de la

2 Bosnie pour aller vers les territoires Serbes de Croatie.

3 Q. Dans ce cas, pouvez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet

4 d’autres actions que celles que vous avez évoquées, aux alentours du

5 30 avril, en poursuivant peut-être même jusqu’à la fin de l’année ?

6 Avez-vous des connaissances tirées de vos lectures ? Vous nous avez

7 dit que votre déposition d ’aujourd’hui s’appuyait sur la lecture

8 que vous avez faite de la presse. Donc, même si vous n’avez pas de

9 connaissance de première main, vous avez dû lire des articles au

10 sujet des événements survenus à Prijedor, je vois la ville sur la

11 carte ici, et ce serait très intéressant par rapport à ce que l’on

12 nous demande d’examiner. Je pensais que nous pourrions obtenir cela.

13 Pouvez-vous dire quoi que ce soit au Tribunal au sujet des actes

14 commis à Prijedor, le 30 avril ou aux environs du 30 avril, selon ce

15 qu’indique la pièce à conviction, quel est son numéro, la pièce à

16 conviction n° 57 ?

17 R. Avant de faire la moindre tentative pour répondre à votre question,

18 je tiens à dire que lorsque l’on m’a demandé de prêter assistance au

19 Bureau du Procureur dans cette affaire, j’ai effectué quelques

20 recherches spécifiques à cette fin et à l’époque, compte tenu de mon

21 expérience, je croyais connaître suffisamment certains détails et

22 certains événements survenus dans la région. Ce travail ne fait pas

23 partie intégrante de mes connaissances globales de la situation,

24 comme c’était le cas des questions précédentes relatives à Gorazde.

25 La plupart du temps, je ne dispose pas de toutes les informations

Page 539

1 précises, au moindre détail près. J’ai agi dans le cadre de mon

2 travail à Londres en me fondant sur des photos générales, même si

3 j’ai, parfois, j’ai, par hasard, obtenu des renseignements plus

4 détaillés. Dans ce contexte, je dirais que malgré les quelques

5 recherches approfondies que j’ai effectuées au sujet de la région de

6 Prijedor, je ne me sens plus entièrement à l’aise, notamment dans

7 cette situation, et je dis que bien que satisfait du travail

8 accompli à un certain moment, jusqu’à un certain moment, je ne pense

9 pas qu’il serait bon que j’aille beaucoup plus loin que cela sur le

10 sujet de l’affaire de Prijedor.

11 Je peux indiquer que la prise de Prijedor a eu lieu le 30

12 avril, que des unités militaires étaient présentes, qu’une série

13 d’événements a eu lieu ensuite et que dans la région, en mai par

14 exemple, d’autres incidents plus violents se sont également produits

15 dans des villages proches de l’opstina, mais je ne me considère pas,

16 je considère qu’au sujet de la région de Prijedor, mes connaissances

17 sont générales et non précises. Si vous désirez que j’aille plus

18 loin que cela, je serais heureux de le faire, mais je ne jugerais

19 pas, personnellement, que ce soit une bonne chose à faire.

20 Q. Si vous n’en n’êtes pas capable, je ne vous le demanderai

21 certainement pas. J’imagine que quelqu’un nous parlera de Prijedor.

22 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, puis-je venir à votre aide sur ce

23 point ? Nous avons l’intention d’appeler un témoin qui traitera de

24 Prijedor en particulier.

25 MAITRE ORIE : M. Gow, j’aimerais toutefois vous poser une question sur ce

Page 540

1 sujet. Vous avez choisi onze lieux sur une carte et, pour autant que

2 je l’aie compris, vous avez présidé à la confection de cette carte

3 qui est censée illustrer un plan d’activités coordonné. Pour quelle

4 raison avez-vous placé Prijedor sur cette carte, ainsi que la date

5 du 30 avril et pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer quel est

6 le rapport temporel qui unit tous ces lieux, qu’est-ce qui explique,

7 précisément, que Bosanski Brod soit associé à la date du 27 mars et

8 Prijedor à celle du 30 mars (sic), à part le fait que 32 jours

9 exactement se soient écoulés entre ces deux dates ? Pourriez-vous,

10 je vous prie, nous expliquer cela, car vous avez dit hier, dans

11 votre déposition, que cela expliquait beaucoup de choses ? Qu’est-ce

12 que cela explique, exactement, du point de vue du temps et de la

13 coordination des actions ?

14 R. Je me rappelle avoir répondu il y a quelques instants, à la première

15 partie de votre question, que la ville de Prijedor, je pense avoir

16 répondu cela à la question de Madame le Président MacDonald,

17 Prijedor en particulier a été placée sur la carte suite à une

18 discussion avec le Bureau du Procureur, qui a pris cette décision.

19 J’ai été invité à la placer sur la carte, car cela devait être

20 utile, dans le contexte de l’affaire particulière qui vous occupe.

21 L’incident survenu à Prijedor, la prise de Prijedor, n’a pas, pour

22 autant que je puisse en juger, impliqué un recours actif à la

23 violence armée, contrairement aux autres endroits que j’ai indiqués.

24 Mais Prijedor trouve néanmoins sa place dans le cadre que j’ai tenté

25 de décrire, d’établir, au cours du premier mois, à peu près, de

Page 541

1 conflit armé, à savoir une semaine environ, ou dix jours avant la

2 reconnaissance internationale de l’identité internationale

3 indépendante de la Bosnie-Herzégovine et pendant le reste de ce même

4 mois, après cette reconnaissance, plusieurs actions armées ont été

5 menées dans des localités précises et l’importance des localités

6 indiquées sur la carte vient de ce qu’elles pouvaient jouer un rôle

7 vital, sur le plan stratégique, en cas de guerre.

8 L’incident de Bosanski Brod est survenu le 27 mars, comme je

9 crois l’avoir déjà indiqué, mais je suis heureux de le redire. Je

10 suspecte qu’à l’époque, et c’était la première fois, il a été dû

11 précisément aux informations faisant état de la présence de forces

12 croates de l’autre côté de la rivière et si l’interprétation que je

13 vous ai fournie est exacte, s’agissant de la nécessité de contrôler

14 les points d’entrée et de sortie de Bosnie-Herzégovine, en vue,

15 notamment, d’empêcher les forces croates venant de Bosanski Brod de

16 descendre jusqu’à Banja Luka, si cela est exact, l’intervention des

17 forces armées est devenue, de ce fait, nécessaire plus tôt que cela

18 n’eût été le cas en d’autres circonstances.

19 Je pense que dans ce contexte, j’essaie de m’exprimer très

20 clairement, les localités indiquées ne sont pas seulement celles où

21 des incidents armés se sont produits pendant cette période. Par

22 exemple, le pilonnage important de Sarajevo était en train de

23 commencer - ce ne sont pas seulement les lieux dans lesquels des

24 incidents armés se sont produits qui sont indiqués, mais au cours

25 des premiers temps de la guerre, plusieurs régions ont subi un

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1 traitement comparable, qui visait à prendre le contrôle de positions

2 importantes en Bosnie-Herzégovine, qui seraient importantes aux yeux

3 de toute personne cherchant à conduire des opérations futures, dans

4 une perspective militaire et politique de nature stratégique, car

5 cela pouvait leur permettre, plus généralement, de créer les axes

6 des territoires destinés à faire partie de l’entité serbe à

7 laquelle, je le répète, j’ai déjà fait référence un peu plus tôt

8 dans ma déposition. Ces territoires étaient définis comme devant

9 englober à la fois les régions autonomes serbes et les types de

10 territoires auxquels, je crois, le général Kadijevic faisait

11 référence.

12 Q. M. Gow, je pense que je ne poursuivrai pas davantage sur ce point,

13 bien que je n’aie toujours pas compris clairement ce qu’est une

14 coordination dans le temps et que je ne voie toujours pas clairement

15 pourquoi vous avez placé Prijedor sur cette carte alors que Sarajevo

16 n’y figure pas; Prijedor, en effet, n’a pas fait partie de l’action

17 militaire. Mais j’en resterai là.

18 LE PRESIDENT : Parce que ce n’est pas exact ?

19 R. Je crois avoir indiqué que, bien que des éléments armés aient été

20 impliqués, selon moi, à l’époque de la prise de Prijedor, la

21 violence en tant que telle, du moins si l’on en parle sans rentrer

22 dans le détail et, je le répète, d’autres que moi viendront sûrement

23 témoigner de façon plus détaillée sur le sujet, n’a pas - excusez-

24 moi, le degré de violence n’a pas été notable - mais j’ai indiqué

25 que si Prijedor a été placée sur la carte, en partie en raison de

Page 543

1 l’affaire particulière qui nous occupe et pour aider le Tribunal, il

2 est également important de remarquer que nous nous situons dans la

3 première partie du conflit et que Prijedor était l’un des points

4 situés sur les axes de communication menant au nord de la Bosnie.

5 J’ai indiqué que l’objectif stratégique vital d’une action de ce

6 genre consistait à s’assurer le contrôle des principaux axes de

7 communication menant au nord de la Bosnie, ainsi qu’au sud et au

8 sud-ouest de la Bosnie. Je crois avoir dit cela, mais j’espère avoir

9 pu à présent rendre les choses plus claires.

10 MAITRE ORIE : M. Gow, vous considériez que les Serbes ont provoqué le

11 conflit en ex-Yougoslavie. Vous êtes-vous forgé cette opinion,

12 lorsque vous avez évalué ces problèmes, parce que vous avez un

13 préjugé contre les Serbes ?

14 R. C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, car

15 je ne suis pas sûr d’être entièrement d’avis que les Serbes ont

16 provoqué le conflit, si c’est cela que vous avez dit, mais que ce

17 soit ce que vous avez dit ou pas, il est certainement inexact

18 d’affirmer que cela reflète un préjugé, de quelque nature que ce

19 soit, de ma part.

20 Q. M. Gow, un article vient de vous être remis. Pouvez-vous me dire qui

21 en est l’auteur ?

22 R. Moi-même.

23 Q. Je demande que cet article soit versé au dossier.

24 LE PRESIDENT : Souhaitez-vous que lui soit affecté un numéro particulier,

25 ou est-ce que cela sera la pièce à conviction n° 1, A, B de la

Page 544

1 Défense ?

2 MAITRE ORIE : Je pense que M. Bos se chargera de cela.

3 LE PRESIDENT : D1. L’article sera désigné sous la cote D1, et vous l’avez

4 identifié comme étant un article écrit par vous, M. Gow. Maître

5 Niemann, savez-vous de quel article il s’agit ?

6 MAITRE NIEMANN : Je ne sais rien à son sujet, Madame le Président. Peut-on

7 me le remettre ?

8 MAITRE ORIE : Nous avons des copies. M. Gow, j’aimerais donner lecture de

9 quelque portions de cet article. Dans la première partie, vous

10 commencez cet article, intitulé : « Le nationalisme serbe et le

11 serpent sifflant dans l’ordre international : quelle souveraineté,

12 quelle nation ? », je lis : « L’écroulement du communisme a déchaîné

13 un serpent sifflant et qui a craché son venin avec le plus de

14 causticité dans les ruines de l’Etat qu’était l’ex-Yougoslavie. Si

15 le sifflement de ce serpent a été entendu ailleurs, dans l’Europe

16 post-communiste, le cas de la Yougoslavie en fournit, par sa

17 virulence, l’exemple le plus frappant, notamment en raison du fait

18 que les problèmes en cause y ont été le mieux définis, mais aussi

19 parce qu’un autre serpent, particulier au contexte yougoslave, y

20 sifflait. En fait, la créature (sic) particulière est la promptitude

21 avec laquelle le serpent sifflant caractérise les problèmes de

22 souveraineté, d’autodétermination, d’identité étatique et de

23 sécurité - les quatre mots en « s » qui sont revenus sur la scène

24 européenne avec un désir de vengeance et qui renvoient à des échos

25 significatifs au niveau planétaire ».

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1 Ce sont des mots très forts, n’est-ce pas, M. Gow ?

2 R. Je ne sais pas, je ne sais pas ce que vous entendez par - je crains

3 de ne pas comprendre ce que vous entendez par « des mots très

4 forts », mais ---

5 Q. Je crains de ne pouvoir m’exprimer plus clairement qu’en utilisant

6 l’expression « des mots très forts ».

7 LE PRESIDENT : En fait, lorsque le M. Gow déclare ne pas savoir ce que

8 vous entendez par « des mots très forts », je dirais, je ne sais

9 pas, qu’il dit « je ne peux pas dire s’ils sont forts ».

10 MAITRE ORIE : Je pensais avoir été clair, mais je dois poser la question à

11 mes collègues anglophones. Je suis d’accord avec mes amis

12 britanniques pour dire que ces mots étaient empreints d’émotion, que

13 vous avez dépeint une situation à l’aide d’images, voilà ce que

14 signifie l’expression « des mots très forts ». Je suis d’accord. Ai-

15 je bien compris ?

16 R. Si vous suggérez qu’il s’agissait d’une tentative d’écrire une

17 introduction légèrement littéraire et imagée, dans ce cas, je ne

18 crois pas que je pourrais me risquer à dire que tel n’était pas le

19 cas.

20 Q. D’accord. Vous êtes allé plus loin, M. Gow, et je vais continuer à

21 lire - « Le serpent sifflant particulier au contexte yougoslave, le

22 serpent qui a inspiré ce contexte est celui du nationalisme serbe,

23 regroupé autour des quatre « s » apparaissant dans le symbole

24 traditionnel serbe et qui, pour certains, peut se comparer à la

25 croix gammée des nazis ». Je voudrais vous lire un autre passage.

Page 546

1 LE PRESIDENT : Pour le procès-verbal, je vous prierais, Maître Orie,

2 d’indiquer de quelles pages vous tirez les passages dont vous donnez

3 lecture.

4 MAITRE ORIE : Oui. Le premier passage dont j’ai donné lecture, Madame le

5 Président, était tiré du premier paragraphe de la page 456. Le

6 deuxième passage provenait de la page 457, pratiquement au bas de

7 cette page, les premières lignes de l’intitulé « SSSS, le serpent

8 sifflant du nationalisme serbe ». Je vais, à présent, lire un

9 passage tiré de la page 471. Il y est écrit, en haut de la page :

10 « Le fait réel que la Serbie ainsi que les Serbes vivant en dehors

11 des frontières de la Serbie ont provoqué les autres Républiques pour

12 que celles-ci déclarent leur indépendance et commencent la guerre ne

13 peut être ignoré, pas davantage qu’un autre fait réel, le fait que

14 si les Serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine refusaient de

15 reconnaître ces Etats, un problème de légitimité était posé ».

16 Vous avez poursuivi, M. Gow, et je lis à présent un passage

17 tiré de la page 475, la première page de la conclusion : « La grande

18 question qui se posait à la communauté internationale, à la veille

19 de l’écroulement de la Yougoslavie et de l’Union soviétique, a

20 consisté à trouver un terrain d’entente avec le serpent sifflant sur

21 les questions soulevées par la fin de la guerre froide; celles de la

22 souveraineté, de l’autodétermination, de l’identité étatique et de

23 la sécurité. L’écroulement du communisme et la nécessité de

24 reconstruire des Etats, dans certains cas, celle d’en construire de

25 nouveaux, a fait évoluer les points de vue découlant de ces

Page 547

1 conceptions. Chacune a dû être abordée avec une urgence nouvelle et

2 a dû subir un processus de réinterprétation. Ce processus s’est

3 déroulé à la lumière de la guerre de dissolution de la Yougoslavie,

4 au coeur de cette guerre et entouré par cette guerre. Si ces

5 questions n’étaient pas les seules, si elles n’étaient même pas les

6 éléments cruciaux de la guerre, elles y ont joué un rôle important.

7 « Il est manifeste qu’une bonne compréhension de ces mots à

8 double sens, sinon la simple prise de conscience de leur existence,

9 est nécessaire pour traiter les problèmes résultant de leur

10 ambiguïté. Les conséquences que pourrait avoir une compréhension

11 différente est attestée par la guerre de Yougoslavie, dans laquelle

12 le serpent sifflant du nationalisme serbe s’est déroulé parce que

13 ces questions se posaient. Les événements de Yougoslavie ont montré

14 ce qui peut arriver lorsque des concepts de ce genre ne sont pas

15 compris par l’un ou l’autre des protagonistes, ou lorsque ceux qui

16 ne sont pas impliqués dans un conflit tentent de s’en mêler ».

17 Pour finir, je vais vous lire la fin de l’article dont vous

18 êtes l’auteur : « Il arrive qu’il faille affirmer la souveraineté en

19 recourant à la force armée - et le recours à la force armée peut

20 être le seul moyen de parvenir à mater quelque peu les serpents

21 sifflants lorsqu’ils ont commencé à cracher leur venin ».

22 Votre description péjorative de la Serbie n’est-elle pas le

23 signe d’un préjugé ?

24 R. Je ne - je ne suis pas au courant de l’existence d’une description

25 péjorative, c’est bien cela que vous avez dit ?

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1 Q. La description de la Serbie.

2 R. Je ne suis pas au courant qu’il y ait une description de la Serbie,

3 en tout cas pas de description péjorative, elle n’est donc le signe

4 d’aucun préjugé d’aucune sorte.

5 MAITRE ORIE : Madame le Président, je voudrais vous demander, et je vous

6 renvoie à ce que j’ai dit ce matin, si vous pourriez nous accorder

7 un report jusqu’à lundi matin, car nous devons nous préparer. Nous

8 ne pouvons pas tout faire ici. Nous devons trouver des sources, pour

9 cela, nous avons besoin du week-end. Nous accordez-vous un report ?

10 LE PRESIDENT : Oui. Nous pouvons suspendre l’audience aujourd’hui avec

11 près d’une heure d’avance, quinze minutes environ. Normalement, nous

12 suspendons à 17 h 30, donc nous allons suspendre, mais vous

13 comprendrez, comme cela a été dit plus tôt, avant le déjeuner, que

14 c’est une mesure exceptionnelle, qui ne devrait pas, j’espère,

15 devenir pratique courante.

16 MAITRE ORIE : Cela ne deviendra pas pratique courante, mais énormément de

17 documents ont été présentés et discutés et, par ailleurs, Maître Kay

18 ne nous aide pas depuis quelques jours.

19 LE PRESIDENT : J’ai compris cela. Mais les pièces à conviction ont été

20 communiquées au préalable. L’Accusation, j’en suis sûre, a fourni à

21 la Défense l’ensemble de ses pièces à conviction.

22 MAITRE NIEMANN : Oui. en décembre dernier, Madame le Président.

23 LE PRESIDENT : Est-ce exact ?

24 MAITRE WLADIMIROFF : C’est exact. Je pourrais dire, à titre

25 d’éclaircissement, que nous nous sommes répartis la préparation et

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1 c’est là qu’un problème s’est posé.

2 LE PRESIDENT : Je comprends. Vous avez vos problèmes et je suppose que

3 j’ai des responsabilités. Mes responsabilités consistent à ne pas

4 être trop souple. Je tente donc de vous inciter à respecter les

5 délais. Normalement, nous suspendrions à 17 h 30, mais je comprends

6 vos problèmes. Nous suspendons jusqu’à lundi à 10 heures.

7 (Suspension d’audience jusqu’au lundi 13 mai 1996)

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10 Témoin : M. Gow Traduction

11 Vendredi 10 mai 1996 Affaire n° IT-94-1-T

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