Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire: IT-94-1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 21 mai 1996

4 (10 heures)

5 LE PRESIDENT : Maître Niemann, pouvez-vous appeler ---

6 MAITRE NIEMANN : Madame le président, je souhaitais simplement évoquer

7 brièvement quelques questions.

8 LE PRESIDENT : Je pensais que nous allions entendre Mme Greve.

9 MAITRE NIEMANN : Oui.

10 LE PRESIDENT : Doit-on l’appeler « Mme », « juge » ou « mademoiselle » ?

11 MAITRE NIEMANN : « Mme Greve », oui. Maître Tieger me relaiera dans

12 quelques instants. Il y a un certain nombre de questions que je

13 souhaitais évoquer, si vous le permettez. Premièrement, Madame et

14 Messieurs les juges, nous aimerions vous notifier un changement dans

15 l’ordre de comparution des témoins. J’en ai informé la Défense, le

16 témoin Medjunanin, Anes Medjunanin -

17 LE PRESIDENT : A quel numéro correspond-il sur la liste des témoins ?

18 MAITRE NIEMANN : En ce moment, au numéro 11, Madame le Président. Ce

19 témoin est indisponible, nous n’avons pas pu entrer en contact avec

20 lui, pour le moment. Nous pensons être en mesure de le faire, mais

21 n’y sommes pas encore parvenus pour le moment. Nous avons donc

22 l’intention de remplacer ce témoin numéro 11 par le témoin Jerko

23 Doko, qui correspond actuellement au numéro 16.

24 LE PRESIDENT : Je vois, il correspond actuellement au numéro 16.

25 MAITRE NIEMANN : Le témoin Mirsad Mujadzic, qui correspond actuellement au

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1 numéro 14, nous aimerions l’entendre après le témoin Semenovic.

2 LE PRESIDENT : Le numéro 10 ?

3 MAITRE NIEMANN : Semenovic, Madame le Président, c’est-à-dire le témoin

4 numéro 10.

5 LE PRESIDENT : Donc le numéro 14 viendra avant le numéro 10 ?

6 MAITRE NIEMANN : Après le numéro 10.

7 LE PRESIDENT : Après le numéro 10, d’accord. Donc, nous venons de gagner 3

8 à 5 heures. Excusez-moi, c’était une plaisanterie.

9 MAITRE NIEMANN : Probablement.

10 LE PRESIDENT : Globalement, ce n’est pas extrêmement important. D’accord.

11 Y a-t-il autre chose ?

12 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. Madame et Messieurs les juges,

13 nous avons été informés qu’apparemment, cette salle sera utilisée la

14 semaine prochaine pour la même affaire que mardi matin, et d’autres

15 débats s’y dérouleront mercredi matin. Nous ne siégerons donc pas

16 avant mercredi après-midi. Nous avons également entendu qu’il y

17 aurait une audience, non, ce n’est pas une audience de report, mais

18 une audience au titre de l’article 61, au mois de juin/juillet, qui

19 apparemment pourrait durer 10 jours.

20 Cela suscite chez nous quelques préoccupations, Madame et Messieurs

21 les juges, car s’agissant de la semaine prochaine, nous avons des

22 témoins qui arrivent ici aujourd’hui, nous ne pouvons plus reporter

23 leur voyage, ils avaient prévu de déposer au début de la semaine

24 prochaine, mais seront sans doute repoussés à la fin de la semaine

25 prochaine, ou même à la semaine suivante, en raison de ces

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1 changements.

2 Je me demandais, Madame et Messieurs le juges, s’il existait une

3 quelconque possibilité que nous siégions ailleurs, à moins que les

4 autres débats prévus dans ce prétoire ne puissent se dérouler

5 ailleurs dans le bâtiment. Je soulève la question, car si ces

6 interruptions devaient demeurer aussi régulières qu’elles l’ont été

7 jusqu’à présent, le procès s’en trouverait considérablement

8 rallongé.

9 LE PRESIDENT : Nous avons - à la fin de la déposition d’aujourd’hui, je

10 vous parlerai de notre calendrier de la semaine prochaine. Mais

11 puisque vous en avez parlé, oui, une audience de report est prévue

12 le matin du mardi 28.

13 S’agissant d’utiliser une autre salle, croyez-moi, Maître Niemann,

14 j’ai perdu le sommeil à force d’étudier ce calendrier, non en raison

15 de la durée que le Procureur vient d’évoquer, mais en raison du

16 nombre d’intrusions qui, je le sais, vont se produire dans ce

17 procès. Nous pourrions utiliser la salle que nous utilisions avant

18 le procès, mais cela pose des problèmes logistiques, des problèmes

19 d’équipement, des problèmes d’argent. Croyez-moi, je partage le

20 désir de chacun d’avancer le plus vite possible et nous faisons de

21 notre mieux. Mais il y a d’autres affaires en cours, cette Chambre

22 d’instance doit s’occuper d’autres affaires, quant à l’autre

23 Chambre, je ne voudrais pas parler à sa place, mais peut-être a-t-

24 elle également des affaires à traiter.

25 Nous n’avons qu’une salle d’audience et il nous a fallu du temps

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1 pour l’obtenir. Mais au moins, nous l’avons et nous n’avons rien

2 d’autre pour le moment. Nous ferons de notre mieux. Vous avez

3 parfaitement raison d’évoquer cette préoccupation, puisque je vous

4 ai prié d’être aussi efficace et aussi rapide que possible dans la

5 présentation de vos arguments, mais nous devons tenir compte de ces

6 intrusions dans notre travail, qui ne sont aucunement le fait de

7 l’Accusation. Vous avez raison, ce que vous dites est exact, nous ne

8 manquerons pas de faire de notre mieux. A l’issue de la déposition

9 d’aujourd’hui, je vous informerai du calendrier que nous

10 appliquerons la semaine prochaine.

11 MAITRE NIEMANN : Merci.

12 LE PRESIDENT : Maître Tieger, pouvez-vous appeler Mme Greve ?

13 Rappel de MME GREVE

14 Suite de l’interrogatoire, mené par Maître TIEGER.

15 LE PRESIDENT : Mme Greve, vous pouvez vous asseoir. Vous comprenez que

16 vous êtes toujours sous serment, n’est-ce pas ?

17 LE TEMOIN : Oui.

18 LE PRESIDENT : Merci.

19 MAITRE TIEGER : Mme Greve, avant la suspension d’audience d’hier, nous

20 parlions de la diffusion de propagande relative au nationalisme

21 serbe et au danger serbe. En rapport avec cela, je me demandais si

22 je pourrais demander que la pièce à conviction n° 85 soit présentée

23 au témoin très rapidement ? (Remise de la pièce). Je vous

24 demanderaiS de vous concentrer sur ce qui figure en haut de la page.

25 Mme Greve, voyez-vous la date inscrite sur cet article intitulé :

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1 « la gloire de toutes les gloires serbes » ?

2 R. : Oui, je la vois. Hier, j’ai omis de dire qu’il y avait une grave

3 erreur de traduction dans cette date, qui apparaît comme étant le

4 1er juin. Il s’agit, en fait, du 1er juillet. Je reconnais cette

5 date, car elle est celle de la Fête de St-Vitus. Je ne lis pas le

6 serbo-croate, je ne peux donc lire le texte original, mais St-Vitus

7 est fêté le 28 juin, donc la date doit être celle du 1er juillet. Il

8 a été procédé à une vérification avec les traducteurs, il s’agit

9 bien du 1er juillet, donc il y a, malheureusement, une erreur dans

10 le document présenté.

11 Je dois aussi vous prier de m’excuser. J’ai eu, hier, une intuition

12 erronée, lorsque j’ai comparé le prince Lazare à St-Vitus. La

13 version exacte (et j’ai vérifié ce matin) est la suivante : le

14 prince Lazare, un prince, un prince serbe très respecté et glorifié

15 dans l’histoire serbe, est mort le 15 juin, c’est-à-dire le jour de

16 la St-Vitus. C’est la raison pour laquelle il est fêté le même jour

17 que St-Vitus. Une autre raison pour laquelle je souhaitais, bien

18 entendu, corriger mon erreur d’intuition d’hier - j’ai dit que

19 c’était une intuition et je me félicite, au moins, de l’avoir dit -

20 c’est que cela permet de mettre en exergue un point qui a créé la

21 confusion dans mon esprit à l’époque où j’étudiais la région de

22 Prijedor, à savoir la différence qui existe entre le calendrier

23 julien et le calendrier grégorien.

24 Comme vous le savez, nous utilisons tous (la majeure partie du monde

25 utilise) le calendrier grégorien. C’était, au départ, le calendrier

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1 julien, adopté avant Jésus-Christ, par l’empereur Jules César, et

2 par le monde chrétien en 325 après Jésus-Christ, puis révisé par le

3 Pape Grégoire au XIIIe siècle, je crois, en 1582 (sic), parce que

4 l’année calendaire ne correspondait pas exactement à l’année

5 solaire. Et si nous avons des années bissextiles pour compenser,

6 nous avons eu trois années bissextiles de trop en 400 ans - donc, en

7 1582, dix jours ont été supprimés du calendrier. Certains appellent

8 cela le calendrier grégorien, d’autres l’appellent le calendrier

9 julien révisé. Mais ce qui importe, c’est que l’église orthodoxe

10 s’appuie, pour célébrer ses fêtes religieuses, sur l’ancien

11 calendrier julien et non sur le calendrier julien révisé.

12 Il m’est arrivé de rencontrer des témoins qui me citaient une date,

13 celle du jour de St. Petrov par exemple, avec une différence de

14 quinze jours par rapport à la date citée par d’autres pour la même

15 fête et cela a créé, chez moi, une certaine insécurité. Je me

16 demandais s’ils faisaient erreur en parlant de ces congés. La vérité

17 est qu’en 1992, l’année qui nous intéresse, quinze jours séparent le

18 calendrier julien de notre calendrier grégorien. Le 1er janvier 1992

19 du calendrier julien n’arrive que le 14 janvier 1992 dans le

20 calendrier grégorien. Il y a donc une différence, et si vous me

21 permettez de me référer aux fêtes, il peut être utile de se demander

22 par rapport à quel calendrier telle ou telle date est citée.

23 Q. : Mme Greve, je voudrais que l’on passe à l’année 1990. Suite à

24 l’éclatement du système communiste en Yougoslavie, des élections

25 démocratiques ont-elles eu lieu en 1990 ?

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1 R. : Oui, effectivement.

2 Q. : Quels ont été les principaux partis politiques impliqués dans ces

3 élections, dans l’opstina de Prijedor ?

4 R. : Ces partis ont été le SDA, parti d’action démocratique, le SDS,

5 parti démocratique serbe, le HDZ, union démocratique croate, et

6 quelques partis de gauche, les réformistes, les libéraux, etc., et

7 Ante Markovic a organisé la cérémonie fondant le parti réformiste à

8 Prijedor.

9 Q. : Qui comptait au nombre des dirigeants du SDA à Prijedor ?

10 R. : Il y avait plusieurs dirigeants du SDA. En fait, leurs noms ont été

11 cités par les témoins, en tant que sources, mais certains d’entre

12 eux ont aussi été cités, dernièrement, dans la presse. Je parlerai

13 de Muhamed Cehajic, qui est devenu maire, de Mirsad Mujadjic, qui

14 était de la région de Ljubija, de Hilmija Hopovac, qui était de la

15 même région. Je connais également un certain nombre de noms de la

16 région de Kozarac, que j’ai tirés des déclarations des témoins, mais

17 qui ne m’ont pas été confirmés par d’autres sources.

18 Q. : Qui comptait au nombre des dirigeants du SDS ?

19 R. : Au nombre des dirigeants du SDS, on trouve Srdo Srdic, Simo

20 Miskovic, Milan Stakic, Miko Kovacevic, Simo Drljaca et Slobodan

21 Kuruzovic.

22 Q. : S’agit-il de noms que nous entendrons ultérieurement dans la

23 présente déposition ?

24 R. : Oui, tous ces noms figurent également dans de nombreux articles de

25 presse. J’en ai eu connaissance par les témoins comme par les médias

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1 locaux. Un grand nombre de ces témoins ont accordé des interviews,

2 c’est ce que je voulais dire.

3 Q. : Quel a été le résultat des élections de 1990 à Prijedor ?

4 R. : Le résultat de ces élections, et permettez-moi de dire d’emblée

5 qu’il existe une Assemblée locale à Prijedor qui compte 90 sièges.

6 Les sièges ont été répartis en fonction du nombre de voix

7 recueillies. Le SDS, le parti serbe, en a obtenu 28, le SDA, le

8 parti musulman, 30, le HDZ, parti croate, 2, et 30 sièges sont allés

9 aux autres partis.

10 De nombreux sièges ont donc été accordés à des partis qui n’étaient

11 pas précisément liés à un groupe déterminé. Bien sûr, il s’agissait

12 des toutes premières élections libres dans un système multipartite.

13 La démocratie, qui a permis aux électeurs de voter, était donc toute

14 jeune.

15 Q. : Cette victoire du SDA dans des élections multipartites a-t-elle

16 signifié que le SDA pouvait pourvoir tous les postes politiques

17 importants ?

18 R. : Car (1) la démocratie implique une répartition des postes en

19 fonction des voix. Donc, la composition de l’Assemblée ainsi que

20 celle des autres organes politiques a reflété le score obtenu par

21 les différents partis. Mais d’après ce que j’ai compris, la

22 Yougoslavie de Tito reposait sur un système de répartition très

23 élaboré, qui permettait de distribuer les postes en fonction des

24 groupes ethniques, de façon à ce que tous les groupes soient

25 représentés.

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1 Q. : Donc après les élections, les postes à pourvoir ont été distribués

2 aux différents partis ?

3 R. : C’est exact.

4 Q. : Tous les postes ont-ils été immédiatement pourvus ?

5 R. : Non, pas tous, ce qui ne veut pas dire que des postes ont été

6 laissés vacants, mais que les changements ne sont pas tous

7 intervenus immédiatement, je parle des changements découlant du

8 résultat des élections.

9 Q. : A-t-il fallu un délai raisonnable, après les élections, pour

10 pourvoir certains postes ?

11 R. : Oui, effectivement. Notamment pour ce qui concerne les postes

12 politiques.

13 Q. : Au fil du temps, des accords ont-ils été conclus au sujet des postes

14 restant à pourvoir ? Un consensus s’est-il dégagé quant au parti

15 censé pourvoir tel ou tel poste ?

16 R. : Cela n’est pas allé sans quelques querelles, mais finalement, oui,

17 cette répartition a eu lieu.

18 Q. : Les querelles qui ont éclaté au sein de l’Assemblée ont-elles

19 diminué, sont-elles restées inchangées ou ont-elles augmenté avec le

20 temps ?

21 R. : Dans l’immédiat, les choses ont sans doute été très difficiles. Il

22 ne faut pas oublier que pour une société, passer d’un régime

23 communiste totalitaire à la démocratie est un énorme pas à franchir.

24 Il ne suffit pas d’un claquement de doigts pour ce faire. C’est un

25 processus, qui implique un apprentissage. Je pense que cela a été

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1 difficile au début, et c’est devenu encore plus difficile lorsque la

2 haine ethnique et la propagande s’en sont mêlées.

3 Q. : Au fil du temps, les Serbes de Prijedor ont-ils commencé à créer des

4 structures politiques distinctes, en dehors des institutions

5 démocratiques existantes ?

6 R. : Oui, effectivement. Ils l’ont également fait en rapport avec ce qui

7 se passait hors de leur opstina.

8 Q. : Une Assemblée ou une autre institution distincte a-t-elle été créée

9 par les Serbes de Prijedor ?

10 R. : Oui, en fait, une Assemblée distincte a été mise en place. Au début,

11 les gens ne savaient pas exactement de quoi il s’agissait. Nous

12 avons des documents, reçus plus tard, qui en attestent. Mais ce que

13 les témoins nous ont dit, ou m’ont dit, m’ont rapporté, c’est que

14 des réunions qu’ils considéraient comme assez particulières se sont

15 tenues, des réunions des représentants politiques serbes. Ils ne

16 sont pas certains qu’il se soit agi, simplement, de réunions

17 destinées à préparer ce qui allait être dit à l’Assemblée, ils se

18 demandaient s’il ne s’agissait pas de créer une structure distincte,

19 ils se posaient la question. Fondamentalement, ils n’avaient pas

20 l’air trop désireux de savoir exactement de quoi il retournait.

21 Q. : La création de cette Assemblée serbe distincte a-t-elle été un acte

22 d’indépendance de la part des autorités politique serbes locales, ou

23 un geste accompli à l’instigation de quelqu’un ?

24 R. : Les Serbes locaux l’ont fait en coopération avec les instances

25 centrales du SDS, le parti serbe, l’administration, et c’est ainsi

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1 qu’à cette époque, des structures serbes distinctes se sont

2 développées.

3 MAITRE TIEGER : Madame le Président, je demande que ce document soit

4 enregistré pour identification, je vous prie, en tant que pièce à

5 conviction n° 91. (Remise de la pièce).

6 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, de quel document s’agit-il ?

7 R. : C’est encore un article du Kozarski Vjesnik, daté, cette fois, du 28

8 avril 1994. Dans le chapeau de l’article, on annonce qu’il s’agit du

9 point de vue de M. Milomir Stakic, premier Président de l’Assemblée

10 municipale serbe de Prijedor, au sujet des événements du 30 avril et

11 des jours suivants.

12 MAITRE TIEGER : Madame le Président, je demande que ce document soit versé

13 au dossier.

14 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 91 ?

15 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

16 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 91 est acceptée.

17 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, j’aimerais attirer

18 votre attention sur l’extrait de cet article dont vous avez parlé,

19 en haut de la page 1. En haut de la page 1, est-il indiqué que M.

20 Milomir Stakic, est le premier Président de l’Assemblée municipale

21 serbe de Prijedor, c’est-à-dire de l’institution à laquelle vous

22 venez de faire référence ?

23 R. : Oui, et je me hâterai d’ajouter qu’il était vice, qu’il était maire-

24 adjoint au sein de la structure officielle.

25 Q. : J’attire, à présent, votre attention sur le paragraphe 3. Vous y

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1 voyez une phrase, à peu près au milieu du paragraphe, qui commence

2 par les mots « sous la direction » ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Cet article indique-t-il sous la direction de qui l’Assemblée serbe

5 distincte de Prijedor a été créée ?

6 R. : Oui, il indique qu’elle a été créée sous la direction du SDS, Srpska

7 Demokratska Stranka, qui est le parti démocratique serbe.

8 Q. : S’agissait-il du SDS local ?

9 R. : Non, il s’agissait du SDS.

10 Q. : Du siège central du SDS ?

11 R. : C’est comme cela que je l’ai compris, oui.

12 LE PRESIDENT : Où se trouve donc le siège central du SDS ?

13 R. : En Bosnie-Herzégovine - il se trouvait, à l’époque, à Sarajevo.

14 LE PRESIDENT : Excusez-moi, Maître Tieger.

15 MAITRE TIEGER : Non, Madame le Président, il n’y a pas de problème. (A

16 l’intention du témoin) : A part cette Assemblée municipale

17 distincte, créée en dehors du gouvernement démocratique, une autre

18 institution distincte a-t-elle été créée par les responsables serbes

19 de Prijedor ?

20 R. : Oui, notamment une police distincte et la source d’information dont

21 nous disposons au sujet de cette police distincte est, encore une

22 fois, l’interview accordée, il y a près d’un an, par le chef de la

23 police serbe, Simo Drljaca. Lorsqu’il a été promu au poste de vice-

24 Ministre de l’intérieur, il a expliqué sa façon de travailler. Il a

25 employé le mot, en tout cas c’est le mot qui apparaît dans la

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1 traduction, le mot « illégal ». Il a déclaré avoir créé une entité

2 illégale de la police serbe, et y avoir travaillé des mois, six

3 mois, en fait, avant le 30 avril 1992. C’était une structure

4 totalement nouvelle pour la police.

5 MAITRE TIEGER : En rapport avec cela, je voudrais que ce document soit

6 enregistré, pour identification, en tant que pièce à conviction n°

7 92.

8 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, de quel document s’agit-il ?

9 R. : Il s’agit d’un article du Kozarski Vjesnik, daté du 9 avril 1994

10 (sic), qui est une interview de Simo Drljaca, alors vice-Ministre de

11 l’intérieur de la République serbe.

12 Q. : Nous sommes donc, comme vous l’avez dit, le 9 avril 1994 ?

13 R. : Excusez-moi, c’est 1993.

14 Q. : Ce document est une interview de Simo Drljaca ?

15 R. : Oui.

16 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier.

17 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection ?

18 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

19 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 92 est acceptée.

20 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, puis-je attirer

21 votre attention sur le haut de la première page de cet article ? Le

22 9 avril 1993, quelles étaient les fonctions de Simo Drljaca dans la

23 République serbe auto-proclamée ?

24 R. : Il était nommé vice-Ministre de l’intérieur.

25 Q. : Quelles étaient ses fonctions en 1992 ?

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1 R. : Le 30 avril 1992, il était devenu chef de la police.

2 Q. : Veuillez concentrer votre attention sur la deuxième ligne de cet

3 article. Je vous prierais de vous concentrer d’abord sur la première

4 ligne. Cette interview de Simo Drljaca indique-t-elle qui l’a choisi

5 pour créer ces commissariats de police illégaux ?

6 R. : Oui, il est indiqué que c’est le parti démocratique serbe, le SDS,

7 qui l’a choisi.

8 Q. : Cet article indique-t-il la date à laquelle ce travail a commencé ?

9 R. : Oui, il l’indique.

10 Q. : Combien de temps avant le renversement du pouvoir ?

11 R. : Six mois avant le renversement du pouvoir.

12 Q. : Combien de commissariats ont été créés, par combien d’officiers,

13 suite aux efforts déployés par Simo Drljaca pour établir des forces

14 de police illégales ?

15 R. : 1 775 hommes bien armés faisaient fonctionner 13 commissariats de

16 police, selon les chiffres cités par lui.

17 Q. : La création de cette force de police illégale par les responsables

18 serbes s’est-elle faite en coopération avec un groupe quelconque de

19 Prijedor, autre que le SDS ?

20 R. : Oui, avec l’armée, c’était à l’époque de la JNA, de l’armée du

21 peuple yougoslave.

22 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit enregistré en tant que

23 pièce à conviction n° 93 pour identification. (Remise du document).

24 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, de quel document s’agit-il ?

25 R. : C’est encore un article de presse, tiré du Kozarski Vjesnik, en date

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1 du 19 novembre 1993. Il s’intitule : « le 21 novembre, journée des

2 services de sécurité de la Republika Srpska ».

3 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier.

4 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection ?

5 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

6 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 93 est acceptée.

7 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, je vous prierais de

8 concentrer votre attention sur le troisième paragraphe de cet

9 article. Cet article confirme-t-il également la création des

10 commissariats de police serbes illégaux ?

11 R. : Oui, il fait référence à 30 commissariats de police serbes illégaux.

12 Q. : Cet article indique-t-il également qui a participé à la création de

13 ces commissariats de police illégaux et à la prise du pouvoir ?

14 R. : Oui, il y est explicitement stipulé que tous les préparatifs ont été

15 menés à bien dans le cadre d’une coopération exemplaire avec l’armée

16 serbe, qui était encore la JNA.

17 Q. : Je vous prierais de lire le haut de la page. Quel est l’événement

18 qui justifie la parution de cet article ?

19 R. : C’est une fête. En fait, cet article célèbre, et encore une fois, il

20 établit un lien entre la célébration de la création de la nouvelle

21 police et celle de la fête de l’Archange Mihajl.

22 Q. : Cette police, la police serbe de Prijedor, était-elle étroitement

23 liée à des responsables serbes extérieurs à l’opstina ?

24 R. : Oui, et notre meilleure source est, encore une fois, le chef de la

25 police, Simo Drljaca, qui était chef de la police le 30 avril 1992,

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1 qui confirme qu’il travaillait en relation étroite avec les

2 autorités centrales de Banja Luka, que les ordres venaient

3 directement de ce que l’on appelle, dans l’article, le Ministère de

4 l’intérieur.

5 MAITRE TIEGER : Je voudrais que la pièce à conviction précédente, la pièce

6 n° 92, soit présentée au témoin.

7 LE PRESIDENT : S’agit-il du Ministre de l’intérieur de la Republika Srpska

8 ?

9 R. : Oui, mais je me hâterai, ou plutôt il convient d’ajouter

10 immédiatement que le terme « République » utilisé dans ce contexte

11 est susceptible de créer une confusion. Nous l’expliquerons, bien

12 entendu, en détail ultérieurement, mais la Republika Srpska ne s’est

13 jamais proclamée Etat indépendant. Cela étant, il a été dit qu’elle

14 était un Etat indépendant, qu’elle était une unité fédérale du grand

15 Etat serbe, composé de la Serbie en tant que telle et de ces quatre

16 régions de Croatie, placées sous contrôle serbe. Donc, il convient

17 de ne pas la confondre avec un Etat indépendant.

18 Q. : Vous affirmez qu’il a été dit qu’il s’agissait d’une unité de la

19 Serbie. Ce sont des représentants de la Republika Srpska qui ont dit

20 qu’il s’agissait d’une unité de la Serbie ?

21 R. : Cela a été proclamé lorsqu’ils ont proclamé la Republika Srpska, ou

22 plutôt, ils ont commencé par proclamer, et nous le verrons dans des

23 documents ultérieurs, ils ont commencé par proclamer la République

24 du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine en soulignant qu’ils ne

25 souhaitaient pas devenir un Etat, mais ils ont déclaré avoir des

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1 relations étatiques avec elle.

2 Q. : J’ai le sentiment d’être en avance sur le récit. Donc, je m’en

3 tiendrai là. La question que j’avais à l’esprit portait, non pas sur

4 le fait de savoir quelles étaient les intentions de la Republika

5 Srpska quant à sa relation avec la Serbie, mais sur le fait de

6 savoir quelle a été la réaction de la Serbie à cette proclamation,

7 qui n’était pas une proclamation officielle, mais seulement la

8 position adoptée par la Republika Srpska. Mais nous y viendrons plus

9 tard.

10 R. : Bien. Je puis, si je puis vous être d’une quelconque assistance...

11 LE PRESIDENT : Je ne sais pas si Maître Tieger apprécie que j’interrompe

12 son interrogatoire.

13 MAITRE TIEGER : Je n’ai pas la moindre objection à perturber ---

14 LE PRESIDENT : Nous mènerons cette audition en tandem. Nous entendrons un

15 témoin sur ce point, le moment venu.

16 LE TEMOIN : Mais, Madame le Président, je peux vous donner une indication,

17 à savoir que la création de cette structure distincte s’est faite en

18 totale coopération avec la JNA, c’est-à-dire avec l’armée du pays

19 avec lequel ils souhaitaient établir des relations étatiques. Bien

20 entendu, il existait encore des liens entre la République serbe et

21 la République de Bosnie-Herzégovine, mais même après la rupture,

22 début avril 1992, lorsque la Bosnie-Herzégovine est devenue

23 indépendante, ou a déclaré son indépendance, et jusqu’à la prise du

24 pouvoir des Serbes à Prijedor, 24 jours au moins se sont écoulés, et

25 pendant cette période, la JNA existait et coopérait pleinement.

Page 1091

1 JUGE STEPHEN : A cette époque, le gouvernement de Belgrade s’intitulait-il

2 gouvernement de la Serbie, gouvernement serbe, ou s’appelait-il

3 encore gouvernement yougoslave ?

4 R. : Il s’agissait de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

5 Q. : Donc, les références que nous venons de voir à la coopération serbe

6 ou à l’armée serbe sont, en fait, une erreur de dénomination, n’est-

7 ce pas ?

8 R. : Eh bien, cet article est, bien sûr, un article de presse, dans

9 lequel ils communiquent avec la population locale, et il leur a sans

10 doute paru opportun d’utiliser les nouvelles dénominations. C’est,

11 en tout cas, le sentiment que j’ai eu à sa lecture.

12 JUGE STEPHEN : Oui.

13 LE PRESIDENT : Maître Tieger, savez-vous où vous en êtes ?

14 MAITRE TIEGER : Oui, merci, Madame le Président. (A l’intention du témoin)

15 : afin de clarifier quelque peu la chronologie, dites-nous si Simo

16 Drljaca est l’homme que le SDS a désigné pour créer les

17 commissariats de police illégaux, en 1991.

18 R. : C’est exact.

19 Q. : Et après la prise du pouvoir par les militaires à Prijedor, il est

20 devenu chef de la police ?

21 R. : C’est exact.

22 Q. : C’est par la suite qu’il a été nommé, qu’il a été promu au poste de

23 vice-Ministre de l’intérieur ?

24 R. : C’est également exact.

25 Q. : Quel rapport unissait le Ministère de l’intérieur et le département

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1 de la police ?

2 R. : Puis-je dire quelques mots à ce sujet ? Il convient de ne pas perdre

3 de vue que nous parlons d’un ancien régime totalitaire, en train de

4 changer pour devenir plus démocratique. Dans l’ancien cadre

5 communiste, l’un des ministères clés était le Ministère de

6 l’intérieur, et le Ministère de l’intérieur était responsable de la

7 police secrète, de la police d’Etat et de la police chargée de la

8 sécurité publique. Le Ministère de la justice, en revanche, était

9 plus modeste, c’était une entité moins importante.

10 Q. : Je vous ai posé une question au sujet du rapport liant la police de

11 Prijedor et les entités serbes extérieures à l’opstina. Puis-je vous

12 demander d’examiner le bas de la page 2 de la pièce à conviction n°

13 92 ? En examinant ce document, cette interview de Simo Drljaca,

14 alors vice-Ministre de l’intérieur, y trouvez-vous une indication du

15 rapport qui unissait la police de Prijedor à ces entités extérieures

16 à ---

17 R. : Oui.

18 Q. : --- c’est la police serbe, excusez-moi ?

19 R. : Oui. C’est, en fait, à ce moment qu’il répond à quelques critiques,

20 en déclarant que si quelque chose - et je cite la dernière phrase de

21 ce paragraphe : « si quelque chose n’était pas fait convenablement,

22 c’est moi et non eux qu’il eût convenu de remplacer, parce qu’ils

23 exécutaient mes ordres, ceux du siège central de la police de Banja

24 Luka et du Ministre de l’intérieur.

25 Q. : Vous avez déclaré que l’Assemblée serbe distincte de Prijedor avait

Page 1093

1 été créée à l’instigation du siège central du SDS. J’aimerais

2 discuter des liens qui unissaient cette Assemblée distincte de

3 Prijedor et les structures serbes distinctes extérieures à Prijedor.

4 A cet égard, j’aimerais que la pièce à conviction n° 94 soit

5 enregistrée pour identification. (Remise de la pièce). De quel

6 document s’agit-il, Mme Greve ?

7 R. : Il s’agit d’une décision datée du 17 janvier 1992. Il y est stipulé

8 que cette décision consiste à rejoindre la région autonome de

9 Bosanska Krajina, et l’article 1 stipule que ---

10 Q. : Madame, avant que vous ne poursuiviez l’examen de ce document, je

11 demande qu’il soit versé au dossier.

12 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 94 ?

13 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

14 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 94 est acceptée.

15 MAITRE TIEGER : Peut-on placer ce document à l’écran, je vous prie ? (A

16 l’intention du témoin) : Mme Greve, vous avez indiqué que cette

17 décision avait été prise le 17 janvier 1992 ?

18 R. : C’est exact.

19 Q. : Cette décision consistait ---

20 R. : C’est une décision d’union à la région autonome de Bosanska Krajina.

21 Q. : C’est une décision par laquelle l’institution rejoint la région

22 autonome ?

23 R. : L’Assemblée populaire serbe de la municipalité de Prijedor.

24 Q. : Elle est signée par l’individu auquel vous avez déjà fait référence

25 comme étant M. Milomir Stakic ?

Page 1094

1 R. : C’est exact.

2 Q. : Il était le Président de l’Assemblée populaire serbe ?

3 R. : C’est exact.

4 Q. : A ce moment-là, il était également le vice-président de l’Assemblée

5 démocratiquement élue de Prijedor ?

6 R. : C’est également exact.

7 Q. : Mme Greve, quelle est cette région autonome de Bosanska Krajina à

8 laquelle il est fait référence dans ce document ?

9 R. : A l’époque, cette région était comparable aux régions qui, en

10 Croatie, avaient déjà été proclamées RAS, régions autonomes serbes -

11 Srpska Autonma Oblast - qui veut dire districts autonomes serbes. Je

12 dirais que la Krajina est une région divisée en deux par la

13 frontière séparant la Croatie de la Bosnie-Herzégovine, ce qui donne

14 une région de Krajina située en Croatie et une autre région de

15 Krajina située en Bosnie-Herzégovine. C’est pour cette raison

16 qu’existait déjà une région autonome unique, la région autonome de

17 Krajina. C’est pour cela qu’une dénomination différente sert à

18 désigner la région autonome située du côté bosniaque de la Krajina,

19 qui s’appelle une région et non une « Oblast ».

20 Q. : Cette région autonome faisait-elle partie du gouvernement

21 démocratiquement élu en Bosnie-Herzégovine ?

22 R. : Non. Elle s’est créée et s’est peu à peu détachée jusqu’à devenir

23 complètement autonome du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine.

24 Q. : Quel a été le premier pas dans la création de cette région autonome

25 distincte ?

Page 1095

1 R. : Je pourrais peut-être dire qu’avant que le moindre pas ne soit

2 franchi, il n’existait pas de structure régionale complète. Il y

3 avait deux Chambres de commerce principales, situées au nord-ouest

4 de la Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’une certaine coopération

5 financière et une Association de municipalités, qui se chargeait de

6 la coordination du plan et du commerce, ce qui était manifestement

7 très favorable et très bien accueilli. Mais à un certain moment, fin

8 avril 1991, un changement s’est produit dans ces structures et la

9 région autonome de Krajina, la Krajina bosniaque, est devenue une

10 entité dotée aussi d’une certaine indépendance militaire. Le

11 gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine s’y est

12 fermement opposé. Ce n’était pas encore - la République n’était pas

13 encore indépendante, mais les autorités légales, qui étaient encore

14 toutes basées à Sarajevo, se sont opposées à cette création.

15 C’est seulement en septembre 1991 qu’une déclaration d’indépendance

16 formelle a émané de la RAK, Région autonome de Krajina, c’est-à-dire

17 de l’entité située en Bosnie-Herzégovine, qui faisait contrepoint à

18 la Krajina méridionale, située de l’autre côté de la frontière,

19 c’est-à-dire en Croatie. Donc, deux entités étaient également

20 dénommées Krajina, parce que cette région n’est pas divisée

21 naturellement, pourrait-on dire, le même nom sert à désigner les

22 deux régions.

23 Q. : En avril 1991, une Association des municipalités de la région de

24 Krajina s’est dotée de pouvoirs militaires, qui ne se limitaient

25 plus à une simple coopération économique. S’est-elle dénommée région

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1 autonome, à ce moment-là, ou a-t-elle continué à s’intituler

2 Association de municipalités ?

3 R. : Elle allait déjà vers l’autonomie, à cette époque.

4 Q. : Etait-elle connue sous le nom de région autonome de Krajina ou sous

5 le nom d’Association de municipalités, en avril, lorsqu’elle s’est

6 dotée de ces pouvoirs militaires ?

7 R. : Je ne suis peut-être pas absolument sûre de cela, parce que je pense

8 qu’à cette époque, je pense qu’elle se dénommait région autonome de

9 Bosanska Krajina, mais le mot « bosanska a été abandonné plus tard -

10 mais je peux faire erreur sur ce point.

11 MAITRE TIEGER : Si vous le permettez, je voudrais que ce document soit

12 enregistré en tant que pièce à conviction n° 95 pour identification.

13 JUGE STEPHEN : Pourrais-je vous demander, j’espère que ce n’est que de la

14 curiosité, mais nous avons rencontré le mot « bosanska à plusieurs

15 reprises, quelle en est la signification ?

16 R. : Oui, il signifie « bosniaque ».

17 JUGE STEPHEN : Merci.

18 R. : Et c’est la raison pour laquelle, ce qui ne fait qu’ajouter à la

19 confusion, en tout cas cela a été le cas pour moi. Plus tard, la

20 structure serbe distincte a beaucoup tenu à supprimer toute

21 référence à l’appartenance bosniaque. Donc ce qui s’appelait

22 « Bosanska Krajina » est devenu « la Krajina ». La ville qui

23 s’appelait Bosanska Novi est devenue Bosanski Gradica. Les noms ont

24 changé, de façon à faire disparaître le vocable « bosniaque ».

25 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, puis-je vous

Page 1097

1 demander d’examiner la pièce à conviction n° 95, enregistrée pour

2 identification ? De quel document s’agit-il ?

3 R. : C’est encore une fois la traduction d’un article de presse, paru

4 dans le journal Oslobodenje, imprimé à Sarajevo. Il est daté du 24

5 mai 1991.

6 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier.

7 LE PRESIDENT : Des objections ?

8 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

9 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 95 est acceptée.

10 MAITRE TIEGER : Pourrait-on la placer à l’écran, je vous prie ?

11 (A l’intention du témoin) : Ce document indique-t-il la réaction

12 suscitée, à l’époque, par la création de cette Association distincte

13 dans la région de la Krajina ?

14 R. : Oui, il fait remarquer que le SDA, le parti d’action démocratique,

15 celui qui était associé aux Musulmans de Banja Luka, s’est opposé

16 fermement à l’idée de créer ce qu’il appelait « un Etat dans

17 l’Etat ».

18 LE PRESIDENT : Mme Greve, j’ai une question. Je suppose qu’elle est due à

19 une confusion quant à la façon dont les choses fonctionnaient

20 concrètement. Vous aviez une Assemblée générale à Prijedor. Le SDA

21 n’a pas obtenu la majorité, mais a recueilli le plus grand nombre de

22 voix, et obtenu, si je ne m’abuse, 30 sièges sur 90. Puis, vous avez

23 parlé de 30 autres sièges. Je ne sais pas comment ces autres sièges

24 ont été répartis, par rapport au SDA. Mais lorsque le SDS nouait ces

25 relations avec d’autres régions de Bosnie-Herzégovine, avec la

Page 1098

1 Krajina, par exemple, comment ont réagi les dirigeants de cette

2 Assemblée générale ? Le SDS

3 a-t-il continué à participer aux travaux de l’Assemblée de Prijedor,

4 tout en s’efforçant, en même temps, de créer un Etat autonome des

5 Serbes bosniaques à Prijedor, dont il voulait qu’il rejoigne les

6 autres régions à prédominance serbe de la Bosnie-Herzégovine ?

7 Quelle a été la réaction de l’Assemblée générale ? Il me semble que

8 le SDA et les autres partis ont dû réagir au sein de l’Assemblée.

9 R. : Madame le Président, malheureusement, la plupart des plus

10 importantes personnalités des autres partis, autres que le SDS, des

11 autres partis que le parti serbe, ceux qui étaient extérieurs au

12 groupe serbe, sont morts. Nous n’avons donc pas pu les interroger

13 sur ce point particulier. Mais l’information, de seconde main, je

14 l’admets, dont nous disposons, est que les gens n’ont pas bien

15 compris ce qui se passait. De nombreux événements avaient lieu en

16 Europe orientale, de façon générale, qui étaient source de

17 confusion, c’était une époque de transition. Le communisme

18 s’écroulait, en même temps que se développait une crise financière.

19 La démocratie était en train de s’instaurer. Des Républiques

20 envisageaient de quitter la Fédération, les gens étaient plongés

21 dans la confusion. Ils n’avaient pas l’habitude du raffinement de la

22 pensée politique, contrairement aux habitants d’une démocratie, ou

23 plutôt, ils avaient toujours été habitués à ce que le parti décide

24 de ce que devait être l’orientation du pays.

25 Donc, en me fondant sur des sources secondaires, je l’admets, il me

Page 1099

1 semble qu’un grand nombre de personnes n’ont pas réellement eu le

2 sentiment de comprendre suffisamment la situation, elles ne se sont

3 pas inquiétées à temps. Elles ont été prises par surprise. Elles ont

4 constaté qu’un certain nombre de choses se passaient, mais leur

5 réaction a plutôt consisté, pourrait-on dire, à penser que les

6 événements étaient surprenants, sans y voir un réel danger. Et lors

7 de la création des régions indépendantes ou autonomes, et nous en

8 arrivons à l’Assemblée de Prijedor, l’Assemblée élue a refusé de

9 rejoindre cette entité. Tous les partis sont restés au sein de

10 l’Assemblée élue qui a, simplement, éprouvé de plus en plus de

11 difficultés à fonctionner, comme cela a déjà été indiqué.

12 Si vous me le permettez, je répondrai également à votre première

13 question, qui portait sur le point de savoir ce qu’il était advenu

14 des trente voix qui s’étaient réparties entre divers autres partis.

15 Comme je l’ai indiqué, les partis réformiste et libéral, qui

16 étaient, que puis-je dire, des réincarnations du parti communiste -

17 peut-être n’est-ce pas la meilleure façon de les décrire - des

18 partis de gauche, auxquels des gens provenant de différents groupes

19 adhéraient, et le simple fait qu’un tiers de la population n’ait pas

20 voté selon la ligne des trois grands partis, c’est-à-dire ne se soit

21 pas associé à un groupe ethnique particulier, indique peut-être que

22 ces habitants ne pensaient pas que les groupes ethniques aient

23 réellement, à l’époque, quoi que ce soit à voir avec la politique.

24 De nombreux Serbes, et ils le reprocheront ensuite dans des articles

25 de presse, et aussi selon des Serbes avec lesquels nous avons parlé,

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1 ont voté pour d’autres partis que le SDS, parti démocratique serbe.

2 Mais finalement, il est devenu inacceptable qu’un Serbe ne prônant

3 pas vraiment le nationalisme serbe adhère au parti.

4 Des décisions ont été prises, dans les régions indépendantes de

5 Krajina, selon lesquelles un vrai Serbe devait assumer un poste de

6 dirigeant, devait être une personne de confiance, et pour cela il

7 devait adhérer au parti et accepter que le destin du peuple serbe

8 soit fermement pris en main par le SDS.

9 MAITRE TIEGER : Cette Association ou de cette entité créée en avril 1991

10 a-t-elle été constitutionnellement contestée ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

13 conviction n° 96 pour identification. (Remise du document). (A

14 l’intention du témoin) : De quel document s’agit-il, Mme Greve ?

15 R. : C’est une ordonnance parue dans le Journal officiel de la République

16 socialiste de Bosnie-Herzégovine, qui faisait encore partie de l’ex-

17 Yougoslavie.

18 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier.

19 LE PRESIDENT : Y a-t-il des objections ?

20 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

21 MAITRE TIEGER : Peut-on le placer à l’écran, je vous prie ?

22 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 96 est acceptée.

23 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, en haut de la page,

24 est-ce une ordonnance et de quelle institution émane-t-elle ?

25 R. : Du Tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine.

Page 1101

1 Q. : A quelle date ?

2 R. : Elle date de la séance du 1er novembre 1991.

3 Q. : Cette ordonnance concerne quelle institution, selon ce qui est

4 indiqué au premier paragraphe ?

5 R. : Elle concerne l’Association des municipalités de Bosanska Krajina.

6 Q. : Et elle a pour objet l’accord donné à l’adhésion à l’Association des

7 municipalités de Bosanska Krajina ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Quel est le sens de cette ordonnance du Tribunal constitutionnel ?

10 R. : Cette ordonnance rend la décision nulle et non avenue.

11 Q. : L’ordonnance du 1er novembre 1991 ?

12 R. : C’est exact.

13 Q. : A ce moment-là, l’Association des municipalités de Bosanska Krajina

14 était-elle devenue la région autonome de Krajina ?

15 R. : Oui, depuis septembre.

16 Q. : Mme Greve, je voudrais vous demander quelles sont les municipalités

17 de la région qui ont rejoint la région autonome et il serait sans

18 doute utile que la pièce à conviction n° 73 soit placée devant vous.

19 LE PRESIDENT : S’agit-il de la décision exhaustive, pendant que l’on

20 cherche la pièce à conviction n° 73 ?

21 MAITRE TIEGER : Oui, Madame le Président, pas seulement ce qui figure à

22 l’écran, bien sûr.

23 LE PRESIDENT : Je me demandais s’il y avait un raisonnement, une logique.

24 Tout ce que je vois, c’est que la déclaration est nulle et non

25 avenue.

Page 1102

1 MAITRE TIEGER : Elle est contenue dans le document qui a été versé au

2 dossier.

3 LE PRESIDENT : Vous demandez que la totalité de la décision soit versée au

4 dossier ?

5 MAITRE TIEGER : Oui.

6 LE PRESIDENT : C’est la prétendue justification qui figure sur les pages

7 suivantes.

8 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, cette carte vous

9 aide-t-elle à montrer les municipalités qui ont rejoint la région

10 autonome ?

11 R. : Oui. J’attends simplement qu’apparaisse sur l’écran l’emplacement

12 exact - oui -. Ce que nous voyons, en partant de l’ouest de

13 Prijedor, c’est Bosanski Novi, qui a rejoint la région autonome. Au

14 nord de Prijedor, nous voyons Bosanski Djubica, qui l’a rejointe,

15 nous voyons Bosanski Gradica, qui l’a rejointe, et je crains de ne

16 pouvoir lire sur l’écran - oh, j’y arrive -, nous voyons Srbac, qui

17 a rejoint la région autonome, Prnjavor, qui l’a rejointe, Laktasi,

18 qui l’a rejointe, Banja Luka, qui l’a rejointe, Celinac, qui l’a

19 rejointe, je saute Kotor Varos, qui ne l’a pas rejointe, nous voyons

20 Skender Vakuf, qui l’a rejointe, Mrkonjic Grad, qui l’a rejointe,

21 Sipovo, puis je descends plus au sud, nous voyons Kljuc, qui l’a

22 rejointe, Sipovo, qui l’a rejointe, Kupres, qui l’a rejointe,

23 Glamoc, qui l’a rejointe, Bosanski Grahovo, Titov Drvar, qui l’ont

24 rejointe, et Bosanski Petrovac, qui l’a rejointe. Dans ce que l’on

25 appelle Bosanski Kupres, la rivière Una descend le long de cette

Page 1103

1 frontière et traverse Bosanski Kupres.

2 Il y avait donc une partie de Bosanski Kupres, à laquelle on fait

3 référence sous le nom de Kupres, et désormais de « Una », c’est la

4 partie qui se trouve à l’est de la rivière Una, qui était sous

5 contrôle serbe. Cette partie a rejoint la région autonome. Mais il

6 est sans doute important de souligner, dans ce contexte, que

7 Prijedor s’est trouvée isolée, avec deux ou trois autres provinces,

8 dans cette région. Sanski Most n’a pas rejoint la région autonome,

9 Prijedor non plus, ou plutôt l’Assemblée légalement élue de Prijedor

10 ne l’a pas rejointe, pas davantage que Kotor Varos.

11 Q. : Qu’est-il advenu, finalement, de Prijedor, Sanski Most et Kotor

12 Varos ?

13 R. : Ces trois villes ont été ethniquement nettoyées, comme on dit, par

14 la violence et la force, avant de rejoindre la région autonome.

15 Q. : Les autorités serbes ont-elles également créé une entité politique

16 distincte au niveau de la République, ainsi qu’aux niveaux municipal

17 et régional ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Quel était le nom de cette entité ?

20 R. : Ce sont d’abord les responsables politiques qui siégeaient au

21 Parlement légal de Sarajevo, en République de Bosnie-Herzégovine. De

22 concert avec d’autres représentants du peuple serbe, ils ont

23 déclaré, le 9 janvier 1992, une République, mais encore une fois une

24 République qui était une unité fédérale et ils ont averti que cette

25 unité considérait être en relation étatique avec ce que

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1 j’appellerais, pour des raisons de convenance personnelle, la Serbie

2 en tant que telle et les régions autonomes serbes de Croatie. Ils

3 ont créé ce qui s’est appelé, à l’époque, la République du peuple

4 serbe de Bosnie-Herzégovine - nom qui devait changer le 28 février,

5 pour devenir la République serbe de Bosnie-Herzégovine, nom qui

6 devait changer à nouveau le 12 août 1992, pour devenir la Republika

7 Srpska. Aucun autre changement que ces changements de nom n’est

8 intervenu. L’entité est donc la même, quel que soit le nom qu’on lui

9 donne. La seule différence vient des dates.

10 Q. : L’Assemblée serbe distincte, créée en octobre ou en novembre, a-t-

11 elle appelé à l’organisation d’un plébiscite ?

12 R. : Oui. Elle l’a fait le 21 octobre. Elle a décidé de demander ce

13 plébiscite.

14 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

15 conviction n° 97 pour identification. (Remise du document). (A

16 l’intention du témoin) : Mme Greve, quelle est cette pièce à

17 conviction n° 97 proposée à l’identification ?

18 R. : Il s’agit d’un bulletin de vote qui a été utilisé au cours du

19 plébiscite d’octobre, excusez-moi, de novembre 1991; par ce

20 plébiscite, le peuple serbe était, notamment, invité à se prononcer

21 sur la nature des relations étatiques qu’il souhaitait voir

22 instaurer.

23 MAITRE TIEGER : Nous demandons que la pièce à conviction n° 97 soit versée

24 au dossier.

25 LE PRESIDENT : Des objections ?

Page 1105

1 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

2 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 97 est acceptée.

3 MAITRE TIEGER : Pourrait-on la placer à l’écran, je vous prie ?

4 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, quel était le thème général

5 du plébiscite ?

6 R. : Je devrais sans doute indiquer d’emblée que ce bulletin de vote est

7 en fait - sur une même feuille de papier, nous avons deux bulletins

8 de vote différents et ce qui est montré à l’écran en ce moment,

9 c’est le bulletin de vote qui a été remis aux habitants d’origine

10 ethnique serbe, à ceux qui se déclaraient serbes. Ils étaient

11 invités à voter pour indiquer s’ils étaient favorables à la décision

12 prise par l’Assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, le 21

13 octobre 1991, par laquelle le peuple serbe devait demeurer dans un

14 Etat commun de Yougoslavie englobant la Serbie, le Monténégro, la

15 RAS de Krajina, la RAS de Slavonie, de Baranja, du Srem occidental,

16 avec tous ceux qui, comme lui, avaient le même désir.

17 Q. : Quel était l’aspect du bulletin de vote réservé aux non-Serbes ?

18 R. : La question figurait sur la même feuille de papier. Elle était

19 formulée différemment pour les non-Serbes. Ils étaient invités à

20 dire s’ils étaient favorables à ce que la Bosnie-Herzégovine demeure

21 une République, dotée d’un statut d’égalité au sein d’un Etat

22 yougoslave commun englobant les autres Républiques qui se seraient

23 déclarées favorables à la même chose.

24 Q. : En dehors de la référence à l’Assemblée du peuple serbe de Bosnie-

25 Herzégovine qui figurait sur le bulletin de vote réservé aux Serbes,

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1 y avait-il la moindre mention de la Bosnie-Herzégovine, dans le

2 cadre de cet Etat commun de Yougoslavie ?

3 R. : Excusez-moi, puis-je vous demander de répéter la question ?

4 Q. : Bien sûr. Sur le bulletin présenté aux non-Serbes et qui posait la

5 question de savoir si, oui ou non, le peuple serbe demeurerait à

6 l’intérieur d’un Etat commun de Yougoslavie, dont les composantes

7 étaient énumérées, y avait-il la moindre indication de la Bosnie-

8 Herzégovine ? Excusez-moi, j’ai mal formulé ma question. Ceci est le

9 bulletin de vote qui a été remis aux Serbes. Excusez-moi. Est-ce que

10 ---

11 R. : Non, excusez-moi, j’ai été un peu lente. Excusez-moi, non. Sur le

12 bulletin de vote remis aux Serbes, ne figurait aucune indication de

13 l’existence de la Bosnie-Herzégovine en tant que telle. Ici, nous

14 sommes seulement - ils ne font référence qu’aux régions autonomes.

15 Q. : Une majorité des Serbes a-t-elle voté au cours de ce plébiscite ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Et les non-Serbes ?

18 R. : Peu de non-Serbes ont voté, mais je n’ai vu aucun chiffre relatif au

19 nombre de votants. Je crois comprendre qu’ils ont été relativement

20 peu nombreux.

21 Q. : Les responsables serbes ont-ils considéré ce plébiscite comme un

22 événement important ?

23 R. : Oui, en fait, plus tard - la participation ou la non-participation à

24 ce plébiscite a été considérée comme importante, comme démontrant

25 une bonne compréhension de ce que cela signifiait d’être serbe.

Page 1107

1 Q. : Cette importance ressort-elle, en partie, de la déclaration

2 ultérieure de séparation complète de l’entité serbe ?

3 R. : Oui, effectivement.

4 MAITRE TIEGER : Je demande que la pièce à conviction n° 50 soit remise au

5 témoin. (Remise de la pièce).

6 LE PRESIDENT : Mme Greve, c’est peut-être naïf de ma part, mais comment

7 les élections se sont-elles déroulées, au moment du plébiscite,

8 comment se sont déroulées les opérations de vote ? Un bulletin de

9 vote a été remis aux Serbes. Les gens ont-ils fait la queue, en

10 apportant une preuve quelconque du fait qu’ils étaient serbes, après

11 quoi, ils obtenaient le bulletin de vote réservé aux Serbes ? Y

12 avait-il, peut-être une autre file, dans laquelle les gens

13 prouvaient qu’ils n’étaient pas serbes et recevaient l’autre

14 bulletin de vote ? Est-ce de cette façon que les opérations se sont

15 déroulées et si oui, qu’est-il advenu des gens d’origine mixte ?

16 R. : D’après ce que j’ai compris (1), c’est le bouche à oreille qui a

17 fonctionné. Ce sont des témoins qui me l’ont dit, j’ai aussi

18 recueilli des informations générales dans ce sens. Je n’ai trouvé

19 aucun article de presse qui décrive cela de façon complète, mais je

20 crois avoir compris que les Serbes étaient contactés officieusement

21 et qu’on leur disait qu’il serait apprécié qu’ils aillent voter.

22 Tout le monde était invité à voter. Selon des non-Serbes qui sont

23 allés voter, la différence provenait de l’enregistrement, qui se

24 faisait sur une liste ou sur une autre liste. C’est un peu comme

25 lorsqu’on va voter dans nos pays, on est enregistré comme ayant voté

Page 1108

1 ou non. Il y avait une liste distincte réservée aux Serbes.

2 Si, à l’époque, les gens pouvaient se déclarer serbes, dans une

3 certaine mesure, et il existe des indications dans ce sens, s’ils

4 venaient d’un milieu mixte et ne s’étaient pas encore considérés

5 comme serbes, il avaient désormais la possibilité de le faire. Je ne

6 suis pas entièrement sûre de cela, mais ceux qui disaient : « je

7 suis non serbe » recevaient au moins le bulletin de vote réservé aux

8 non-Serbes. C’est ce que j’ai compris. Je vous prie de m’excuser si

9 c’est un peu superficiel.

10 MAITRE TIEGER : Madame le Président, j’aimerais poursuivre sur la lancée

11 de la question posée par le juges et demander que la pièce à

12 conviction précédente, la pièce n° 97, soit de nouveau remise au

13 témoin avant de poursuivre.

14 LE PRESIDENT : Les deux bulletins de vote ?

15 LE TEMOIN : Une instruction accompagne les deux bulletins de vote. Elle

16 décrit la façon de procéder et stipule qu’il appartient au parti

17 démocratique serbe d’organiser les opérations.

18 MAITRE TIEGER : Pourrait-on montrer la page 2 de ce document à l’écran ?

19 (A l’intention du témoin) : Des instructions accompagnent l’article

20 qui présente le bulletin de vote, ou plutôt des copies des deux

21 bulletins de vote. Ces instructions sont très précises quant à la

22 façon selon laquelle doivent se dérouler les opérations de vote et à

23 l’identité de ceux qui sont chargés de les organiser. Mme Greve,

24 excusez-moi, je suis simplement en train d’identifier cette partie

25 du document. Y est-il indiqué que des organes ont été mis en place

Page 1109

1 aux fins de mener à bien le plébiscite et comporte-t-il des

2 instructions quant à la façon de les mener à bien ?

3 R. : Oui, effectivement.

4 Q. : A la dernière page de ce document, trouve-t-on les instructions

5 relatives à la façon dont les bulletins de vote doivent être remis

6 aux personnes venant voter au plébiscite ?

7 R. : Oui. Il y a, cependant, un point intéressant, si je puis m’exprimer

8 ainsi. Il n’a pas été prouvé clairement que l’appartenance nationale

9 ou ethnique apparaissait sur les cartes d’identité, à l’époque, mais

10 il est possible que ce renseignement ait pu se trouver, déjà, sur

11 les cartes d’identité, ainsi que les numéros, je ne sais pas.

12 Q. : Y est-il indiqué que les bulletins de vote étaient de couleurs

13 différentes ?

14 R. : Oui, jaunes pour les non-Serbes.

15 JUGE STEPHEN : Je me demandais si je pouvais poser une question, à ce

16 stade ? Compte tenu des longues années de communisme en Yougoslavie,

17 si une personne était totalement dépourvue de religion, comment

18 était-il possible de savoir si elle était serbe, croate ou musulmane

19 ? Le savait-on de réputation, car la langue était la même, la

20 véritable ethnicité était la même ?

21 R. : C’est une très bonne question, Monsieur le juge, que beaucoup de

22 gens m’ont dit s’être posée, car on entend souvent : « j’ai perdu le

23 fil; j’ai deux grand-parents appartenant à tel groupe, et un grand-

24 parent dans chacun des deux autres groupes. Je n’ai jamais été

25 pratiquant. Nous avons la même langue. On ne peut nous distinguer

Page 1110

1 physiquement ou de quelque autre manière ». Il n’était pas courant

2 de penser en termes ethniques, du temps du régime communiste. On

3 était yougoslave.

4 Il arrive donc souvent que les gens viennent me dire : « je ne sais

5 vraiment pas. Je suis moi, mais je ne me vois vraiment pas comme

6 appartenant à tel groupe plutôt qu’à tel autre ». Mais certains

7 vivaient, peut-être plus particulièrement dans les zones rurales,

8 plus reculées, où la structure était plus homogène, où les gens ont

9 longtemps vécu et se sont mariés dans un milieu plus circonscrit,

10 mais particulièrement en ville, on trouve apparemment beaucoup de

11 gens qui se découvrent des origines mixtes et ont à choisir de se

12 présenter en tant que ceci ou en tant que cela.

13 MAITRE TIEGER : Revenons à la page 3 de ce document. Y est-il indiqué que

14 des Commissions chargées du déroulement du plébiscite doivent être

15 mises en place, notamment une Commission principale, une Commission

16 de district, ainsi que, plus localement, un bureau électoral local ?

17 R. : Oui, en effet.

18 Q. : Ce sont ces instructions qui ont régi le déroulement du plébiscite ?

19 R. : C’est exact.

20 Q. : Mais en dehors du bouche à oreille, vous n’avez, à l’époque du

21 plébiscite, lu aucun article relatif à la façon dont celui-ci devait

22 se dérouler ?

23 R. : Non.

24 Q. : Pouvons-nous revenir à la pièce à conviction n° 50 ? Mme Greve, je

25 vous ai interrogée au sujet de l’importance accordée au plébiscite

Page 1111

1 par les responsables serbes. Je vous ai demandé si la création d’une

2 entité serbe distincte était une manière d’affirmer cette

3 importance. A cet égard, j’aimerais que vous examiniez la pièce à

4 conviction n° 50, dont je demanderais qu’on la place sur le rétro-

5 projecteur.

6 R. : Il s’agit de la déclaration.

7 Q. : Le paragraphe 1 de ce document indique-t-il sur quoi s’appuie la

8 déclaration de la République serbe de Bosnie-Herzégovine ---

9 R. : Oui.

10 Q. : --- est-ce indiqué ?

11 R. : Oui, en effet, il y est fait référence au plébiscite qui s’est

12 déroulé le 19 novembre 1991.

13 Q. : Et il y est indiqué que cela s’est fait sur la base du plébiscite ?

14 R. : Oui, en effet, ainsi que la décision du peuple serbe à l’issue du

15 plébiscite.

16 Q. : Mme Greve, je me rends compte que discuter de ces entités dans un

17 ordre quasi chronologique peut être source de confusion. Je demande

18 que ce document soit enregistré pour identification en tant que

19 pièce à conviction n° 98. De quel document s’agit-il ?

20 R. : Il s’agit d’un petit organigramme que j’ai réalisé dans le simple

21 but de visualiser les différents niveaux des différentes structures.

22 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier.

23 LE PRESIDENT : Des objections ?

24 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 98 est acceptée.

Page 1112

1 MAITRE TIEGER : Peut-on placer cette pièce à conviction à l’écran, je vous

2 prie ?

3 (A l’intention du témoin) : qu’est-il indiqué dans la partie gauche

4 de ce document ?

5 R. : Dans la partie gauche de ce document, sont indiquées les structures

6 légales en vigueur dans la République socialiste fédérative de

7 Yougoslavie, ainsi que les différents niveaux, les niveaux

8 administratifs, la République, la République fédérative, la

9 République de Bosnie-Herzégovine, le niveau régional - peu

10 important, à l’époque -, il s’agit des deux principales Chambres de

11 commerce - et le niveau municipal - indiqué ici par les termes

12 « opstina de Prijedor » -, ainsi que ce à quoi j’ai fait référence

13 hier dans les termes « Mjesna Zajednica », qui signifient communauté

14 locale.

15 Q. : Qu’est-il indiqué dans la partie droite de ce document ?

16 R. : La partie droite montre la structure distincte créée en 1991/1992.

17 Le 27 avril 1992, comme l’ont rappelé les explications fournies par

18 M. Gow, la République fédérale de Yougoslavie a été déclarée en tant

19 qu’entité légale; et puis, il y a ces nouvelles entités, que j’ai

20 placées sur ce graphique, depuis le niveau fédéral jusqu’au niveau

21 de la communauté. La République du peuple serbe de Bosnie-

22 Herzégovine, déclarée le 9 janvier 1992, a changé son nom, le 28

23 février 1992, en République serbe de Bosnie-Herzégovine, nom qui a

24 encore changé le 12 août 1992, pour devenir Republika Srpska; elle a

25 déclaré avoir des relations étatiques avec la République fédérale de

Page 1113

1 Yougoslavie.

2 La même chose concerne les régions autonomes. Il y en avait

3 plusieurs. J’ai fait figurer la région autonome de Krajina, qui

4 répond au sigle RAK, parce que c’est l’unité régionale située dans

5 les environs de l’opstina de Prijedor. Lorsque les Serbes ont pris

6 le pouvoir à Prijedor, ils ont déclaré que cette région constituait

7 l’opstina serbe de Prijedor, Srpska opstina Prijedora, mais les

8 communautés locales, qui sont alors devenues des communautés locales

9 serbes, ont gardé le nom de Mjesna Zajednica. Les différents niveaux

10 figurent tous sur ce graphique, car je trouve, moi-même, que les

11 choses sont plus faciles à comprendre lorsqu’elles sont illustrées.

12 Q. : Je remarque que sur le côté gauche, où figurent les structures

13 démocratiquement élues de Bosnie-Herzégovine, la région est

14 indiquée, mais il n’y a pas de case. Existait-il, au sein du

15 gouvernement officiel, des structures régionales analogues à la

16 région autonome de Krajina ?

17 R. : Non, il n’en existait pas. Il n’y avait que les deux Chambres de

18 commerce, dont le niveau de fonctionnement et la toile de fond

19 étaient un peu différents.

20 MAITRE TIEGER : Je m’apprête à passer à un autre sujet, Madame le

21 Président, à moins que le Tribunal n’ait des questions à poser.

22 LE PRESIDENT : J’avais une question portant sur la pièce à conviction n°

23 98, je crois. Mme Greve, dans la partie droite de ce diagramme

24 figurent des cases en pointillés, quatre cases, en-dessous de la

25 République fédérale de Yougoslavie. Quelle est la signification de

Page 1114

1 ces pointillés ?

2 R. : J’ai fait figurer des pointillés, car la nature légale de ces

3 structures est contestée. Certains objectent qu’il ne s’agit pas de

4 structures légales, légitimes, mais ces structures existent sans

5 aucun doute de facto. C’est pourquoi j’ai voulu visualiser ce fait,

6 sans aucune intention de réduire l’importance du débat sur cette

7 importante question.

8 Q. : Il est utile de pouvoir visualiser. Mais je remarque également que

9 vous n’avez placé aucune flèche sur ce diagramme. Lorsque je pense à

10 un organigramme, je m’attends à voir quelque chose en haut, puis des

11 flèches montrant qui est responsable devant qui. Ce diagramme a-t-il

12 pour objectif de laisser supposer ou d’établir que la Republika

13 Srpska était responsable devant la République fédérale de

14 Yougoslavie ?

15 R. : En tant que spécialiste des sciences politiques, ceci ne fait pas

16 partie de mon domaine de compétence privilégié. J’ai

17 intentionnellement omis d’inscrire des flèches, pour ne pas sortir

18 de ce que je comprenais.

19 LE PRESIDENT : Nous suspendons l’audience pendant vingt minutes.

20 (11 h 30)

21 (Brève suspension d’audience)

22 (12 h 00)

23 LE PRESIDENT : Maître Tieger ?

24 MAITRE TIEGER : Merci, Madame le Président. Mme Greve, nous avons discuté,

25 dans ses grandes lignes, la période qui s’étend des élections d’août

Page 1115

1 1990 jusqu’au renversement de pouvoir d’avril 1992. J’aimerais vous

2 demander de réfléchir à un moment qui se situe au milieu de 1991, au

3 début de la guerre en Croatie. Cet événement a-t-il eu un effet sur

4 les relations ethniques dans l’opstina de Prijedor ?

5 R. : Oui, au moment de la mobilisation.

6 Q. : Les groupes nationaux ou ethniques ont-ils, en tant que groupes,

7 réagi différemment à la mobilisation ?

8 R. : Oui, en effet.

9 Q. : Comment les Serbes ont-ils réagi à la mobilisation qui les forçait à

10 aller se battre dans la guerre en Croatie ?

11 R. : Contrairement aux non-Serbes, les Serbes ont réagi favorablement au

12 principe. Ils ont été aussi, bien entendu, nombreux à hésiter à

13 partir à la guerre.

14 Q. : Quelle a été la réaction des communautés musulmane et croate à la

15 mobilisation ?

16 R. : De façon générale, elles n’ont pas réagi, c’est-à-dire qu’elles ne

17 désiraient pas se battre dans la guerre en Croatie.

18 Q. : Au niveau de la République et de l’opstina, le SDA a-t-il appuyé la

19 mobilisation ou s’y est-il opposé ?

20 R. : Il s’est opposé à la mobilisation.

21 Q. : A-t-il pris quelque mesure que ce soit, toutefois, pour faire

22 physiquement obstruction, de quelque façon que ce soit, à cette

23 mobilisation ?

24 R. : Pas sur le principe, mais à l’époque, il tenait beaucoup à obtenir

25 une réduction de l’armement et des efforts de guerre.

Page 1116

1 Q. : Cette réaction disparate de la part des différents groupes ethniques

2 a-t-elle accru les tensions entre ces groupes ?

3 R. : Je pense que cette réaction a, dans une certaine mesure, été plus

4 efficace du point de vue de son utilité en termes de propagande, par

5 rapport à la scission provoquée par les Serbes qui auraient été

6 menacés et auraient eu de nombreux ennemis en leur sein.

7 Q. : La propagande s’est-elle intensifiée après le début de la guerre en

8 Croatie ?

9 R. : Oui, en effet.

10 Q. : Cette diversité de réaction à la mobilisation a-t-elle eu une

11 incidence sur l’armement ou le nombre des armes disponibles dans

12 l’opstina de Prijedor ?

13 R. : Oui, en effet.

14 Q. : Pour commencer, quelle a été cette incidence sur les Serbes de

15 Prijedor qui ont réagi à la mobilisation ?

16 R. : Ils étaient armés, équipés et entraînés et ont été envoyés en

17 Croatie, sur le théâtre des opérations.

18 Q. : Ont-ils été démobilisés à leur retour à Prijedor ?

19 R. : Non. Les autorités légales de l’opstina de Prijedor ont décidé qu’il

20 fallait les désarmer et les démobiliser, mais cela n’a pas été

21 accepté et ne s’est pas fait, de facto.

22 Q. : Les Musulmans qui, auparavant, faisaient partie des unités de

23 réserve, ne faisaient-ils plus partie de ces unités de réserve de la

24 JNA ?

25 R. : Effectivement, c’est en partie ce qui s’est passé, dans une grande

Page 1117

1 mesure, je dirais.

2 Q. : Outre les armes reçues par les Serbes qui ont répondu à la

3 mobilisation et sont rentrés avec leurs armes, sans être

4 démobilisés, les habitants de l’opstina de Prijedor ont-ils reçu de

5 nouvelles armes ?

6 R. : Oui. Les armes distribuées étaient en nombre considérable. La

7 population ne s’est pas inquiétée du fait que les soldats allant à

8 la guerre recevaient des armes, mais elle a commencé à s’alarmer

9 lorsqu’elle a vu des voisins et les Serbes en général recevoir des

10 armes.

11 Q. : Ainsi, des Serbes qui n’avaient pas participé à la guerre en Croatie

12 recevaient également des armes ?

13 R. : Oui, par exemple des femmes âgées ou des jeunes gens qui,

14 manifestement, n’avaient pas atteint l’âge de se battre.

15 Q. : Les responsable serbes de Prijedor ont-ils, ultérieurement, reconnu

16 que les habitants avaient, de facto, reçu des armes ?

17 R. : Oui, effectivement.

18 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

19 conviction n° 99 pour identification. (Remise du document). Mme

20 Greve, de quel document

21 s’agit-il ?

22 R. : Il s’agit d’un article de presse, tiré du Kozarski Vjesnik du 9

23 juillet 1993; ce sont des extraits de ce qu’a diffusé Radio Prijedor

24 dans l’émission de Srdjan Mrdjan Maladan diffusée le 30 juin 1993.

25 Q. : Ce document présente-t-il l’émission à laquelle a, y compris,

Page 1118

1 participé le vice-Président de la municipalité de Prijedor ?

2 R. : Oui, en effet.

3 Q. : Qui commandait la 43e Brigade de la milice ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Et était chef du poste de sécurité publique de Prijedor en juillet

6 1993 ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Madame le Président, je demande que la pièce à conviction n° 99 soit

9 versée au dossier.

10 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

11 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 99 est acceptée.

12 MAITRE TIEGER : Mme Greve, puis-je attirer votre attention sur la page 3

13 de ce document ? Peut-on faire le point, à l’écran, sur le cinquième

14 paragraphe ? Mme Greve, vous voyez ce cinquième paragraphe qui,

15 selon le texte, reprend les propos de Radanovic ?

16 R. : Oui, je le vois.

17 Q. : Qui est Simo Radanovic ?

18 R. : C’est le commandant militaire.

19 Q. : Etait-ce un dirigeant actif à l’époque consécutive au renversement

20 de pouvoir, au moment des nettoyages ethniques dans la municipalité

21 de Prijedor ?

22 R. : Oui, d’après lui, il dirigeait ce qu’on appelait la Brigade tzigane.

23 Q. : Est-il, ensuite, devenu vice-Président de l’Assemblée municipale de

24 Prijedor ?

25 R. : Oui. Selon ses dires ainsi que selon les déclarations reproduites

Page 1119

1 dans la presse.

2 Q. : D’accord. Confirme-t-il que les Serbes de l’opstina de Prijedor ont

3 été armés avant ce renversement de pouvoir ?

4 R. : Oui, il le confirme.

5 Q. : En fait, le certifie-t-il dans la première phrase ?

6 R. : Oui. Il déclare : « Je certifie, par la présente, qu’avec l’accord

7 et la coopération de certains pays, nous, les Serbes, avons, à

8 l’époque, commencé à armer le peuple serbe, à la condition que soit

9 évitée toute utilisation abusive de ces armes ».

10 Q. : Parle-t-il de l’époque antérieure à la prise de Prijedor par l’armée

11 ?

12 R. : C’est ce qu’il fait.

13 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

14 conviction n° 100, je vous prie. (Remise du document). Quelle est

15 cette pièce à conviction, Mme Greve ?

16 R. : Encore une fois, il s’agit de la traduction d’un article de presse,

17 paru dans le Kozarski Vjesnik du 6 août 1993 et intitulé :

18 « troisième anniversaire du parti démocratique serbe de Prijedor;

19 empêcher la répétition du massacre des Serbes en 1941 ».

20 Q. : Qui est surtout cité dans cet article ?

21 R. : Plusieurs personnes. Simo Miskovic, je crois, compte au nombre de

22 ceux qui sont abondamment cités.

23 Q. : Nous demandons que ce document soit versé au dossier, Madame le

24 Président.

25 LE PRESIDENT : Des objections à la pièce à conviction n° 100 ?

Page 1120

1 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

2 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 100 est acceptée.

3 MAITRE TIEGER : Peut-on la placer à l’écran, je vous prie ? Mme Greve,

4 vous avez évoqué Simo Miskovic. De qui s’agit-il ?

5 R. : Il était Président du SDS, du Comité de district du parti

6 démocratique serbe.

7 Q. : Cet article, en haut, signale-t-il quelle occasion a justifié

8 l’interview de Simo Miskovic ?

9 R. : Oui, le troisième anniversaire du parti démocratique serbe de

10 Prijedor.

11 Q. : Prenons la dernière phrase du paragraphe 3. Simo Miskovic y indique-

12 t-il si les Serbes ont été armés avant la prise du pouvoir par

13 l’armée en 1992 ?

14 R. : Oui, il le reconnaît lorsqu’il déclare que les dirigeants du SDS ont

15 vu ce qui se préparait, eu égard aux non-Serbes, et ont commencé à

16 armer leur propre peuple, afin d’empêcher la même tragédie qu’en

17 1941.

18 Q. : Je note, dans le même paragraphe, Mme Greve, dans la deuxième phrase

19 : « le 2 août 1991, nous avons créé le SDS dans le district de

20 Prijedor ». Est-ce la date exacte de la création du SDS à Prijedor ?

21 R. : Non. Ce n’est pas possible puisque celui-ci avait participé aux

22 élections l’année précédente, mais cet article ayant paru en 1993,

23 il peut y avoir eu une erreur dans l’original ou dans la traduction,

24 puisqu’il s’intitule « le troisième anniversaire », ce qui indique,

25 bien sûr, que le parti avait été créé à Prijedor avant de participer

Page 1121

1 aux élections.

2 Q. : L’armement des Serbes par le SDS dans l’opstina de Prijedor s’est-il

3 accéléré au fur et à mesure que le renversement du pouvoir par les

4 militaires devenait plus proche ?

5 R. : Oui, en effet.

6 Q. : A cet égard, je vous prierais d’examiner la pièce à conviction n°

7 91, dont j’aimerais qu’elle soit présentée au témoin. (Remise du

8 document). Mme Greve, qui a contribué à armer les Serbes dans

9 l’opstina de Prijedor ?

10 R. : Là encore, il s’est agi d’un effort conjoint du parti, de l’armée et

11 du peuple serbe.

12 Q. : Je demanderais que la page 1 de la pièce à conviction n° 91 soit

13 placée à l’écran. Peut-on faire le point sur le quatrième

14 paragraphe, je vous prie ? En lisant ce paragraphe, ainsi que celui

15 de la page suivante, trouvez-vous une indication de la coopération

16 et de l’aide fournie par le commandant de l’armée de Prijedor, à ce

17 moment-là ?

18 R. : Oui, en effet. Il est fait référence, à la dernière ligne, au

19 colonel Arsic, Vladimir Arsic, qui était commandant de la région.

20 Q. : Peut-on voir le haut de la page suivante, je vous prie ?

21 R. : Ici, il est stipulé qu’il était commandant de « notre caserne, un

22 bon soldat, un homme d’expérience, et nous avons décidé qu’il nous

23 fallait accélérer le processus consistant à nous armer nous-mêmes ».

24 Q. : Tout cela date d’avant le 30 avril 1992, date du renversement de

25 pouvoir ?

Page 1122

1 R. : Oui, en effet.

2 Q. : Et d’avant la date annoncée pour le retrait de la JNA de Bosnie-

3 Herzégovine ?

4 R. : Oui, effectivement. Si vous le permettez, j’ajouterais un point que

5 je juge important, à savoir que ce processus consistant à armer les

6 gens, les gens de la rue, correspondait à la propagande, car les

7 gens ont pris de plus en plus peur lorsqu’on leur a dit qu’ils

8 allaient être armés pour pouvoir se protéger, ce qui leur a permis

9 de penser qu’il y avait des ennemis partout.

10 Q. : En dehors de l’armée régulière, la JNA, le système de défense de

11 l’ex-Yougoslavie comprenait également la Défense territoriale,

12 n’est-ce pas ?

13 R. : C’est exact.

14 Q. : Qui était, concrètement, une sorte d’armée de la République ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Les armes de la DT étaient-elles, dans ce système, aux mains des

17 opstinas locales ?

18 R. : Oui, en effet.

19 Q. : Est-ce que, dans le cas qui nous intéresse, cela a signifié que les

20 Musulmans et les Croates ont pu se procurer des armes grâce à

21 l’existence de la DT ?

22 R. : En principe, oui. En pratique, ils ont commencé à retirer ses armes

23 à la DT dès 1991. C’est l’un des points, je crois, qu’a évoqués M.

24 Gow, lorsqu’il a fait référence au livre du général Kadijevic.

25 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

Page 1123

1 conviction n° 101. (Remise du document). Mme Greve, de quel document

2 s’agit-il ?

3 R. : C’est également la traduction d’un article du Kozarski Vjesnik en

4 date du 20 mai 1994, intitulé : « nous connaissons notre objectif ».

5 Q. : Il contient une interview de qui ?

6 R. : Du colonel Radmilo Zeljaja, commandant de la 3e Brigade mécanisée de

7 Prijedor.

8 Q. : Nous demandons que ce document soit versé au dossier, Madame le

9 Président, en tant que pièce à conviction n° 101.

10 LE PRESIDENT : Des objections ?

11 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

12 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 101 est acceptée.

13 MAITRE TIEGER : Peut-on montrer ce document à l’écran, je vous prie, la

14 page 1 ? Peut-on examiner le deuxième paragraphe, je vous prie ? Mme

15 Greve, je vous demanderais de lire, au milieu de ce paragraphe, la

16 phrase qui commence par les mots « notre commandement ». Le colonel

17 Zeljaja y indique-t-il ce qu’il est advenu des armes de la DT ?

18 R. : Oui. Il déclare : « notre commandement, avec l’accord du corps », à

19 savoir le corps cantonné à Banja Luka, « est parvenu à saisir les

20 armes et l’équipement technique de la Défense territoriale, des

21 unités de la DT dans les municipalités de Prijedor, de Sanski Most,

22 de Novi Grad et de Bosanski Dubica, ainsi que dans la région de la

23 Krajina de Knin, pour les placer dans nos dépôts, sous notre

24 contrôle ».

25 Q. : Donc, à partir de ce moment-là, ces armes de la DT ont été sous le

Page 1124

1 contrôle physique de la JNA ?

2 R. : C’est ce que j’ai compris à la lecture de cet article.

3 Q. : Savez-vous si l’une quelconque de ces armes a, ensuite, été

4 redistribuée à la DT ?

5 R. : Oui, elles l’ont été.

6 Q. : De quelle quantité et de quelle qualité d’armes parlons-nous, en

7 gros ?

8 R. : En gros, il s’agissait d’une quantité faible et d’armes de qualité

9 médiocre.

10 Q. : Outre le fait de posséder une force de police et une Assemblée

11 distinctes, les autorités serbes ont-elles fait référence à une DT

12 serbe, à une DT distincte ?

13 R. : Oui, elles ont commencé à faire référence à une DT serbe avant le

14 renversement de pouvoir du 30 avril 1992.

15 Q. : Qui était le chef de cette Défense territoriale serbe ?

16 R. : Slobodan Kuruzovic.

17 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

18 conviction n° 102 pour identification. (Remise du document). Quel

19 est ce document, Mme Greve ?

20 R. : Encore une fois, c’est un article du Kozarski Vjesnik daté du 30 mai

21 1994. Il s’intitule : « changement de personnel au CIA (Centre

22 d’information et d’affaires) du Kozarski Vjesnik; nouveau directeur

23 : Slobodan Kuruzovic ».

24 Q. : Nous demandons que ce document soit versé au dossier en tant que

25 pièce à conviction n° 102.

Page 1125

1 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

2 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 102 est acceptée.

3 MAITRE TIEGER : Peut-on la placer à l’écran ? J’aimerais que nous

4 retournions en arrière, au niveau du troisième paragraphe. Mme

5 Greve, voyez-vous, dans ce troisième paragraphe, une indication

6 quant aux fonctions de Slobodan Kuruzovic au sein de la DT serbe ?

7 R. : Oui, la dernière phrase du paragraphe 3 fait référence à Slobodan

8 Kuruzovic comme étant le commandant de la Défense territoriale serbe

9 canonnée à Prijedor ainsi que l’un des organisateurs de la prise du

10 pouvoir à Prijedor les 29/30 avril 1992.

11 Q. : Y est-il indiqué s’il était également membre du SDS ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Après que M. Kuruzovic soit devenu commandant de la Défense

14 territoriale serbe cantonnée à Prijedor et ait participé à

15 l’organisation de la prise de pouvoir militaire à Prijedor, quelles

16 fonctions lui ont-elles été assignées, selon cet article ?

17 R. : Selon cet article, il est devenu le chef du Kozarski Vjesnik qui, à

18 ce moment-là, était depuis longtemps une pièce maîtresse des efforts

19 de propagande et d’information serbes dans l’opstina de Prijedor.

20 Q. : En regardant la dernière ligne de cet article, y trouve-t-on une

21 indication émanant de M. Kuruzovic quant aux principes qui guideront

22 son travail à la direction du Kozarski Vjesnik ?

23 R. : Oui. « La foi orthodoxe, les intérêts du peuple serbe de la

24 Republika Srpska seront les principaux guides de ma politique

25 éditoriale au CIA, déclare Kuruzovic ».

Page 1126

1 Q. : Mme Greve, j’aimerais attirer votre attention sur la période

2 immédiatement antérieure à la prise de pouvoir militaire à Prijedor,

3 fin avril 1992. Je vous demanderais, pour commencer, de me parler

4 brièvement de la situation politique qui prévalait à Prijedor, à

5 cette époque. L’Assemblée municipale fonctionnait-elle efficacement,

6 comme l’eût fait une institution démocratique, à ce moment-là ?

7 R. : Non. Mais permettez-moi, peut-être, d’ajouter qu’un Conseil

8 exécutif, assisté de secrétariats, fonctionnait, même si l’Assemblée

9 et ses commissions ne fonctionnaient pas, ne fonctionnaient pas

10 bien.

11 Q. : Donc l’opstina n’était pas complètement paralysée, mais les

12 décisions politiques étaient-elles prises normalement ?

13 R. : Elle fonctionnait en tant qu’entité politique, oui.

14 Q. : Que se passait-il, au sein de l’Assemblée, à ce moment-là ? Quel

15 était le degré d’efficacité de son fonctionnement ?

16 R. : Elle ne fonctionnait pas efficacement. Elle était empêchée de le

17 faire. Il était pratiquement impossible d’obtenir un consensus sur

18 quelque question que ce soit, et il arrivait que des participants

19 quittent la séance.

20 Q. : Donc, les mécanismes étaient encore en place, mais il était

21 impossible de prendre la moindre décision ?

22 R. : C’est exact.

23 Q. : Une Assemblée distincte avait-elle été créée, à ce moment-là, par

24 les Serbes de l’opstina de Prijedor ?

25 R. : Oui, effectivement. Comme le montre la décision antérieure de

Page 1127

1 rejoindre la région autonome de Krajina.

2 Q. : Des commissariats de police distincts avaient-ils été créés, à ce

3 moment-là ?

4 R. : Oui.

5 Q. : S’agissant de la situation militaire en vigueur à ce moment-là, les

6 troupes et les réservistes qui s’étaient portés volontaires pour

7 aller se battre en Croatie étaient-ils revenus ?

8 R. : Oui, la majorité était revenue. Le nombre de ceux qui étaient

9 revenus était même supérieur au nombre de soldats partis de

10 Prijedor. Un cessez-le-feu était intervenu en Croatie, au début de

11 1991 et, puisque Prijedor, avec ses infrastructures, offrait un

12 moyen de rallier les régions de Croatie où avaient eu lieu les

13 combats, l’ensemble des troupes qui se retiraient à travers la

14 Bosnie-Herzégovine, ou en tout cas la majorité d’entre elles,

15 passait nécessairement par Prijedor. Il ne s’agit pas exactement

16 d’un corridor, mais d’une liaison routière importante entre les

17 champs de bataille croates et la Serbie.

18 Q. : Les hommes qui avaient été mobilisés ou qui s’étaient portés

19 volontaires pour combattre en Croatie étaient-ils majoritairement

20 issus d’un seul et même groupe ethnique ?

21 R. : La majorité d’entre eux étaient serbes, oui.

22 Q. : Ont-ils été démobilisés à leur retour ?

23 R. : Non.

24 Q. : Ont-ils conservé leurs armes ?

25 R. : Oui.

Page 1128

1 Q. : Le nombre des soldats cantonnés dans l’opstina de Prijedor ou dans

2 ses environs était-il supérieur au nombre des soldats originaires de

3 l’opstina ?

4 R. : Oui. Certains y avaient été stationnés alors que la guerre faisait

5 rage en Croatie et il était courant d’entendre dire : « c’étaient

6 nos troupes, elles ne nous faisaient donc pas peur ». Ces soldats

7 avaient été stationnés à cet endroit dans l’éventualité d’un départ

8 en Croatie, au cas où leur présence aurait été requise sur les

9 champs de bataille. Ils n’étaient que stationnés à Prijedor.

10 D’autres soldats sont restés quelque temps à Prijedor, au retour du

11 front, et ne sont pas rentrés directement chez eux.

12 Q. : Des armes lourdes avaient-elles introduites dans la région ?

13 R. : Oui, en grand nombre. Des chars, des canons, de l’artillerie.

14 Q. : Y avait-il des troupes paramilitaires à Prijedor ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Les habitants connaissaient-ils l’origine de certaines de ces

17 troupes ?

18 R. : Oui. Je peux peut-être expliquer, à ce stade que, si j’ai bien

19 compris, il existe deux grandes variantes de la langue serbo-croate

20 : l’Ekavien, principalement parlé en Serbie, et le Yekavien, parlé

21 en Croatie et en Bosnie. Je répète que je ne connais pas la langue,

22 mais on m’a expliqué que la différence entre les deux variantes

23 était équivalente à celle qui distingue l’anglais britannique de

24 l’anglais américain. De sorte que les gens distinguaient

25 immédiatement une personne parlant l’Ekavien, que l’on parle en

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1 Serbie même. Mais il y a des exceptions. Dans certaines régions de

2 la Serbie, on parle le Yekavien, parlé également en Croatie et en

3 Bosnie, l’inverse étant impossible, selon les dictionnaires que j’ai

4 consultés.

5 Q. : Finalement, y avait-il des civils serbes armés à ce moment-là ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Que s’est-il passé la nuit du 29 au 30 avril ?

8 R. : Très tôt le matin du 30 avril, juste après minuit, aux environs de

9 quatre heures, les Serbes de l’opstina de Prijedor ont pris le

10 pouvoir par les armes, en coopération avec l’armée et, y compris,

11 les forces paramilitaires, la police et le parti. Ils ont établi des

12 barrages routiers dans toute la ville de Prijedor, posté des gardes

13 armés devant les principaux bâtiments, le commissariat de police, la

14 banque, la mairie, ainsi qu’à l’intérieur de la station de radio,

15 etc., et des tireurs d’élite sur les toits. Ils ont également pris

16 la parole à Radio-Prijedor pour annoncer qu’ils avaient créé

17 l’opstina serbe de Prijedor par la force.

18 Q. : Les autorités serbes de facto ont-elles ultérieurement prétendu que

19 cette prise du pouvoir avait été déclenchée par un événement

20 particulier ?

21 R. : Oui. Lorsque les journalistes ont parlé, enfin, je devrais dire que

22 les habitants de l’opstina de Prijedor ne pouvaient plus, à

23 l’époque, et cela a été indiqué hier, capter toutes les émissions de

24 télévision ou de radio. Ils ne pouvaient plus voir que les émissions

25 diffusées depuis Belgrade, Banja Luka et, finalement, Pale. La

Page 1130

1 station de télévision de Belgrade avait diffusé, le 29 avril, une

2 télécopie stipulant que la République - le dirigeant de la DT de la

3 République de Bosnie-Herzégovine - avait ordonné à la DT de Bosnie-

4 Herzégovine d’attaquer la JNA et d’entraver son mouvement alors

5 qu’elle se retirait de Bosnie-Herzégovine. Mais cette télécopie a

6 immédiatement été dénoncée comme étant un faux par les autorités de

7 Sarajevo et je n’ai rencontré personne qui l’ait réellement vue.

8 Cependant, lorsque les journalistes sont arrivés, plus tard, à Banja

9 Luka, ils ont reçu copie de cette télécopie dont on leur a dit

10 qu’elle avait été le prétexte de la prise du pouvoir.

11 Q. : Peut-on me remettre le document enregistré en tant que pièce à

12 conviction n° 103 ? (Remise du document). De quel document s’agit-

13 il, Mme Greve ?

14 R. : Son intitulé est : FBIS EEU 92084 et il est daté du 30 avril 1992 -

15 FBIS EEU désignant le service d’information étranger d’Europe

16 orientale de la radio. Il fait référence à une émission diffusée par

17 le réseau mondial de radio Sarajevo, en serbo-croate, à 18 h 18

18 G.M.T. le 29 avril 1992.

19 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame

20 le Président.

21 LE PRESIDENT : Des objections ?

22 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

23 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 103 est acceptée.

24 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Ce document indique-t-il si

25 les autorités bosniaques avaient été informées de l’existence d’un

Page 1131

1 ordre donné à la DT locale ?

2 R. : Oui, il indique qu’elles en étaient informées et qu’elles ont

3 immédiatement dû déclarer que c’était faux.

4 Q. : La pièce à conviction indique-t-elle si la télécopie a été déclarée

5 publiquement comme étant un faux ?

6 R. : Oui, il y est stipulé que cette dénonciation a déjà eu lieu et la

7 pièce à conviction la confirme.

8 Q. : En fait, Mme Greve, les responsables serbes de facto de Prijedor

9 ont-ils indiqué eux-mêmes si la prise du pouvoir a été un événement

10 spontané, dû à cette télécopie, ou s’il s’est agi d’un plan

11 longuement mûri ?

12 R. : Ils font régulièrement référence à un plan longuement mûri. A un

13 certain moment, ils disent pour quelles raisons la nuit du 29 au 30

14 avril a été choisie. Ils déclarent : « nous avions envisagé d’agir

15 le 30, dans la nuit du 30 avril au 1er mai, mais en raison de cela,

16 il nous a fallu agir 24 heures plus tôt ». Je dois, toutefois,

17 ajouter que plusieurs années après les faits, cette télécopie n’est

18 plus jamais invoquée. Mais une autre télécopie, dont il n’était pas

19 question au départ, est mentionnée à présent.

20 Q. : Puis-je demander que la pièce à conviction n° 91 soit remise au

21 témoin ? Je vous prierais de vous concentrer sur le troisième

22 paragraphe. Y est-il indiqué si la prise du pouvoir a été une

23 réaction spontanée ou un événement longuement mûri ?

24 R. : Il y est stipulé clairement qu’il ne s’agissait pas d’une réaction

25 spontanée, mais simplement de l’acte final d’un plan longuement

Page 1132

1 mûri.

2 Q. : Qui est l’homme qui formule cette affirmation ?

3 R. : Milomir Stakic.

4 Q. : Etait-il le premier Président de l’Assemblée municipale serbe ?

5 R. : Oui.

6 MAITRE TIEGER : Peut-on, à nouveau, remettre la pièce à conviction n° 90

7 au témoin ? (A l’intention du témoin) : Mme Greve, vous avez indiqué

8 que la prise du pouvoir a résulté d’une coordination des efforts

9 déployés par les autorités politiques, policières et militaires ?

10 R. : Oui, c’est ce que j’ai dit.

11 Q. : Le paragraphe 3 de la pièce à conviction n° 93 indique-t-il qui a

12 participé à cette prise du pouvoir ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Que dit cet article ?

15 R. : Ce paragraphe, et je ne prends en considération que la deuxième

16 partie du paragraphe, pour le moment, stipule la chose suivante :

17 « il n’a pas été facile d’organiser des réunions illégales pour

18 préparer notre défense, mais après que l’ancienne présidence de la

19 Bosnie-Herzégovine ait bloqué les casernes et les autres

20 installations militaires, il a été décidé, en accord avec les

21 officiers de l’armée serbe, le parti démocratique serbe et le comité

22 exécutif de la municipalité de Prijedor, de prendre le pouvoir aux

23 extrémistes musulmans ».

24 Q. : Cette prise du pouvoir par la force des armes, le 30 avril 1992,

25 avec l’accord et la coopération de la JNA, a-t-elle précédé

Page 1133

1 l’annonce du retrait des troupes de la JNA de Bosnie-Herzégovine ?

2 R. : Oui, en effet.

3 Q. : Les responsables appartenaient-ils à la JNA, à l’époque ?

4 R. : Oui, en effet.

5 Q. : Les Musulmans ont-ils opposé une résistance physique à cette

6 intervention armée appuyée par les armes de la JNA, de la police

7 serbe et des paramilitaires ?

8 R. : Non, et je suppose que c’est ce qui explique que cet article puisse,

9 au paragraphe suivant, affirmer que tout cela s’est passé sans un

10 coup de feu, affirmation abondamment reprise dans la presse.

11 Q. : A cet égard, j’aimerais de nouveau attirer votre attention sur la

12 pièce à conviction n° 100. Dans ce document, Simo Miskovic indique-

13 t-il s’il y a eu une résistance musulmane ou croate à la prise du

14 pouvoir du 30 avril ?

15 R. : Simo Miskovic déclare que le 30 avril 1992, la prise du pouvoir

16 s’est effectuée sans un coup de feu et sans faire une seule victime.

17 Q. : Mme Greve, je voudrais maintenant vous poser des questions relatives

18 aux conséquences immédiates de cette prise du pouvoir. Je

19 commencerais par vous demander si elle a eu une incidence sur la

20 propagande ou l’information.

21 R. : Oui. Le Kozarski Vjesnik et Radio-Prijedor sont immédiatement

22 devenus ce qu’on peut appeler des porte-parole des nouvelles

23 autorités, c’est-à-dire de l’opstina serbe de Prijedor.

24 Q. : Y a-t-il eu une escalade dans le ton de la propagande ?

25 R. : Oui, les termes utilisés pour désigner les Croates et les Musulmans

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1 sont devenus beaucoup plus péjoratifs.

2 Q. : La prise du pouvoir a-t-elle influé sur la capacité des Musulmans et

3 des Croates à se déplacer dans l’opstina ?

4 R. : Oui, les déplacements de ces groupes ont été sérieusement

5 restreints, mais je devrais peut-être dire que, plutôt que de parler

6 de Musulmans et de Croates, il serait peut-être plus exact de parler

7 de non-Serbes, car il existait d’autres groupes minoritaires très

8 peu nombreux qui ne faisaient pas non plus partie du groupe serbe.

9 Les Monténégrins, peu nombreux, étaient considérés comme des Serbes,

10 mais traités en frères cadets, tout en comptant au nombre des

11 étrangers bien acceptés. Mais fondamentalement, il y avait les

12 Serbes et les non-Serbes, parmi lesquels les Musulmans étaient

13 majoritaires.

14 Q. : Quelle a été la nature des restrictions imposées à la liberté de

15 circulation dans l’opstina ? Comment ont-elles été mises en oeuvre ?

16 R. : Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre. Il y avait les barrages

17 routiers, placés aux carrefours, où les gens devaient montrer leur

18 carte d’identité et si celle-ci ne prouvait pas qu’ils étaient

19 serbes, il leur était impossible d’être identifiés comme serbes et

20 ils n’obtenaient pas nécessairement le droit de franchir le barrage.

21 Il leur fallait un permis spécial pour voyager et leurs possibilités

22 de circuler étaient très limitées, très restreintes. En gros, ils ne

23 pouvaient plus sortir de l’opstina. Il leur fallait aussi respecter

24 le couvre-feu.

25 Q. : Les responsables serbes ont-ils, par la suite, admis la nature très

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1 stricte de ces restrictions ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Je voudrais de nouveau attirer votre attention sur la pièce à

4 conviction n° 99. Je vous renvoie à la page 3 de ce document, au

5 milieu de la page, où figure une déclaration de M. Ecim. La nature

6 très stricte de ces restrictions y est-elle indiquée de quelque

7 manière que ce soit ?

8 R. : Oui, en effet, car il y est fait référence aux difficultés, enfin,

9 ils blâment, en fait, les quelques Serbes qui, prétendument,

10 auraient aidé des Musulmans ou des non-Serbes à partir, et affirment

11 que ces non-Serbes ont quitté la région dans des cercueils placés à

12 bord de voitures appartenant à des Serbes et qu’ils étaient munis

13 d’une carte d’identité serbe, ce qui indique que partir n’était pas

14 facile.

15 Q. : Les communications étaient-elles restreintes ?

16 R. : Oui, elles l’étaient. Il est rappelé que de grandes routes

17 traversent la région et que la population non serbe ne pouvait plus

18 se procurer un billet d’autobus pour partir. Or, ces non-Serbes ne

19 pouvaient pas non plus utiliser leur voiture personnelle pour

20 partir, à moins de posséder une carte d’identité serbe et, pour

21 autant que cela fût possible, ils ne pouvaient pas facilement

22 obtenir un billet de train. Il existe un aérodrome dans la région,

23 mais il n’est pas moderne, il ressemble davantage à un terrain de

24 sport pour avions de sport (sic) et il n’y avait pas de vols

25 réguliers dans cette région.

Page 1136

1 Q. : Et l’accès au téléphone, a-t-il changé en quoi que ce soit ?

2 R. : Oui, les lignes téléphoniques utilisées par les non-Serbes ont été

3 bloquées, par intermittence. C’est, en fait, devenu davantage la

4 règle que l’exception et les coupures d’électricité se sont,

5 également, multipliées.

6 Q. : Après la prise du pouvoir, l’accès au travail a-t-il changé pour les

7 Musulmans et les Croates ?

8 R. : Oui, cela a, d’ailleurs, été confirmé ultérieurement, dans le

9 journal officiel de la région autonome de Krajina. Il était

10 désormais important d’être un bon Serbe, quelqu’un qui savait ce que

11 cela voulait dire et avait démontré sa loyauté à l’égard des Serbes,

12 du parti, quelqu’un qui avait voté pour l’indépendance au moment du

13 plébiscite, etc., et cela a, sans aucun doute, eu pour effet

14 d’empêcher les non-Serbes de postuler à un poste de direction, ceux

15 qui en occupaient étant invités à les quitter. Finalement, en

16 quelques jours, la majorité de la main-d’oeuvre, y compris dans les

17 usines, a été invitée à quitter son poste.

18 MAITRE TIEGER : Madame le Président, je demande que ce document soit

19 enregistré en tant que pièce à conviction n° 104 pour

20 identification. (Remise du document).

21 (A l’intention du témoin) : De quel document s’agit-il, Mme Greve ?

22 R. : C’est une traduction exhaustive d’un article de presse. La

23 traduction n’indique pas où il a été publié, mais la date y figure,

24 c’est celle du 22 juin 1992 et l’article est intitulé : « A la

25 direction, uniquement des Serbes loyaux ! ». Cet article reproduit

Page 1137

1 un fac-similé d’une décision de la région autonome de Krajina. C’est

2 l’Etat-major de crise de Banja Luka.

3 MAITRE TIEGER : Nous demandons que ce document soit versé au dossier.

4 LE PRESIDENT : Des objections ?

5 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

6 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 104 est acceptée.

7 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Peut-on relever un peu le

8 document ? Mme Greve, ce document indique-t-il si le processus de

9 dénonciation des contrats de travail des Musulmans et des Croates,

10 commencée après la prise du pouvoir, s’est poursuivie ?

11 R. : Oui, il indique que ce phénomène s’est poursuivi et que les demandes

12 présentées aux fins de conserver un emploi se sont multipliées.

13 Q. : Y est-il indiqué également quelles conditions, quelles

14 qualifications étaient requises pour conserver un poste, je parle

15 des postes importants, dans la région autonome ?

16 R. : Oui, en effet. A ce moment-là, pratiquement toute la population non

17 serbe avait perdu son poste. Ceux qui restaient en fonctions étaient

18 serbes, et l’article indique qu’il ne suffisait pas simplement

19 d’être serbe. Il est indiqué qu’outre le fait de posséder la

20 nationalité serbe - je lis le deuxième paragraphe, la deuxième

21 partie - « ils doivent également », il s’agit des ressortissants

22 serbes, « avoir confirmé leur nationalité serbe à l’occasion du

23 plébiscite ». Il est question du plébiscite des 9 et 10 novembre

24 1991. Il fallait qu’il soit idéologiquement clair, à leurs yeux, que

25 l’unique représentant du peuple serbe était le parti démocratique

Page 1138

1 serbe.

2 JUGE STEPHEN : Je me demandais si je pouvais poser une question à ce

3 sujet. Je vois ici une référence à l’armée de la République serbe de

4 Bosnie-Herzégovine. Etait-ce l’époque de la déclaration selon

5 laquelle la République serbe devait continuer à faire partie de la

6 Yougoslavie ?

7 R. : C’est exact, Monsieur le juge.

8 Q. : Etait-il possible de posséder une armée distincte tout en faisant

9 partie de la République de la nation yougoslave ?

10 R. : A mon avis, non, Monsieur le juge.

11 Q. : Les autres entités de cette nation amputée possédaient-elles leur

12 propre armée ?

13 R. : Elles ont fini par créer leur propre armée et leurs entités armées,

14 mais comme cela a été dit hier, au moment où a été discutée la

15 décision du Comité directeur de ce qui était alors la Conférence sur

16 la coopération et la sécurité européennes, cette décision souligne

17 la nécessité, pour les équipements lourds de la JNA, de se retirer,

18 tout comme le personnel qui n’était pas originaire de Bosnie-

19 Herzégovine, et stipule qu’il n’appartenait pas à la JNA de décider

20 de créer une armée bosno-serbe, etc. Soit les armes devaient être

21 retirées de Bosnie-Herzégovine, soit elles devaient être placées

22 sous le contrôle des autorités légales, c’est-à-dire de Sarajevo.

23 MAITRE TIEGER : Les nouvelles autorités serbes de facto ont-elles, après

24 la prise du pouvoir, commencé à imposer des exigences à la

25 population musulmane et croate ?

Page 1139

1 R. : Immédiatement.

2 Q. : Quelle a été la nature de ces exigences ?

3 R. : L’une des premières exigences a consisté, si je puis m’exprimer

4 ainsi, en une espèce de suite donnée à un événement antérieur à la

5 prise du pouvoir. Tout non-Serbe qui, pour une raison ou une autre,

6 possédait une arme, était convoqué par la police, arrêté par un char

7 ou par quelqu’un d’autre. Même s’il s’agissait d’un fusil de chasse,

8 dont le propriétaire possédait un port d’arme, celui-ci était prié

9 de remettre son arme. On leur disait qu’en cas de refus, ils y

10 seraient contraints par la force.

11 C’est ainsi que de nombreux habitants avaient commencé à livrer les

12 armes de chasse en leur possession, ou toute autre arme, justifiée

13 par leur appartenance à un club sportif, à un club de maniement

14 d’armes ou autre. Mais ce phénomène s’est considérablement accéléré

15 après la prise du pouvoir par les Serbes. A ce moment-là, les Serbes

16 ont exigé que toute personne possédant quelque arme que ce soit la

17 restitue immédiatement.

18 Q. : Comment les communautés musulmane et croate ont-elles réagi, en

19 gros, à cette exigence de restitution des armes ?

20 R. : En gros, je crois que la plupart des armes ont été livrées aux

21 Serbes, car ces communautés se sont trouvées confrontées à une

22 puissance armée écrasante. Mais certains, que les autorités légales

23 de Sarajevo avaient nommés officiers de police, n’ont pas toujours

24 accepté immédiatement de livrer leurs armes à une entité illégale.

25 La situation créait un conflit d’allégeance.

Page 1140

1 Ils avaient été nommés représentants d’un gouvernement légal et

2 n’ont pas tous accepté de livrer immédiatement leurs armes. La même

3 remarque s’applique aux armes de qualité médiocre que possédait la

4 Défense territoriale. Celle-ci était également partie prenante,

5 c’était une structure légale, et elle n’a pas immédiatement accepté

6 de livrer ses armes à une entité illégale.

7 Q. : Les autorités serbes de facto ont-elles exigé des démonstrations de

8 loyauté, des serments d’allégeance au nouveau régime ?

9 R. : Oui, en effet, avant de pratiquement licencier l’ensemble des forces

10 de police, elles les ont convoquées à des réunions pour les informer

11 qu’il leur faudrait, désormais, porter les nouveaux insignes serbes

12 et prêter serment d’allégeance à la nouvelle opstina serbe, etc.

13 Q. : Les écoles fonctionnaient-elles normalement ?

14 R. : Au début, oui. Mais il a été décidé (décision confirmée par la

15 décision de la région autonome serbe de Krajina) de terminer l’année

16 scolaire beaucoup plus tôt que prévu, cette année-là. Elle devait

17 s’achever le 20 mai, date importante, je crois, au regard des

18 événements qui ont suivi. C’était un moment, aussi, où tous les

19 habitants serbes avaient été mobilisés dans l’armée, dans l’armée de

20 réserve, dans la police ou dans la police de réserve, de sorte que

21 cette mesure, qui libérait les enseignants, leur permettait donc de

22 s’enrôler dans les forces de la Défense territoriale où les Serbes

23 constituaient une section spéciale.

24 Q. : L’ordre de fermer les écoles, le 20 mai, est-il venu de l’Etat-major

25 de crise de la région autonome ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : A quelle date s’est déroulée la première action militaire dirigée

3 contre une communauté musulmane ou croate ?

4 R. : Le 22 mai. J’ajouterais une chose, si vous le permettez. Au moment

5 de la mobilisation pour la guerre en Croatie, la pénurie d’uniformes

6 militaires avait déjà posé un problème, quand ils ont essayé de

7 trouver un uniforme pour tout le monde. Donc, certains, apparemment,

8 allaient à la guerre vêtus, pour partie, des éléments d’uniforme et

9 pour partie de vêtements civils.

10 MAITRE TIEGER : Je demande que l’on place sur l’écran la pièce à

11 conviction n° 78. Excusez-moi. Apparemment, la pièce à conviction n°

12 79 illustrera mieux la région pour le témoin. (A l’intention du

13 témoin) : Mme Greve, pourriez-vous nous montrer la région qui a subi

14 la première attaque militaire ?

15 R. : Elle se situe dans cette bande de territoire qui s’étend de Prijedor

16 à Hambarine,

17 au-dessus de Prijedor, de la ville. Hambarine est un village, mais

18 aussi une Mjesna Zajednica englobant les régions situées au nord et

19 à l’ouest, pour l’essentiel, ainsi que quelques régions situées au

20 sud.

21 Q. : Un incident quelconque a-t-il précédé cette attaque militaire ?

22 R. : Oui. Hambarine se trouve sur la route menant à Ljubija - cette route

23 continue jusqu’à Ljubija - et Ljubija est une région où, à l’époque,

24 n’avait pas encore - dont les Serbes n’avaient pas encore

25 entièrement pris le contrôle. C’est-à-dire, et nous y reviendrons

Page 1142

1 plus tard, les Serbes ont, encore une fois, prétendu avoir pris le

2 pouvoir à Ljubija sans aucune violence, mais en recourant à la ruse

3 (selon leurs propres termes) pour mettre la main sur toutes les

4 armes de la région.

5 Mais, ce jour-là, un barrage routier contrôlé par les Musulmans

6 bloquait la route de Prijedor à Hambarine. Une voiture s’en est

7 approchée. Selon les articles de presse qui ont rendu compte de cet

8 événement par la suite, quatre Serbes et un Croate étaient à bord de

9 cette voiture. Le Croate conduisait, les Serbes étaient sans doute

10 membres des Bijeli Orlovi, les Aigles blancs, une unité

11 paramilitaire. Ils étaient en uniforme et portaient des armes. On

12 leur a demandé de s’arrêter au barrage routier et de remettre leurs

13 armes avant de le franchir. Apparemment, ils ont refusé d’obtempérer

14 et des coups de feu ont été tirés, tuant deux Serbes. L’un des

15 Musulmans, blessé au cours de l’incident, devait succomber à ses

16 blessures par la suite.

17 Q. : Après cet incident, un ultimatum a-t-il été lancé aux habitants de

18 Hambarine ?

19 R. : Oui. Cet ultimatum, diffusé par Radio-Prijedor, stipulait que

20 Hambarine devait livrer aux autorités de la ville de Prijedor les

21 trois ou quatre hommes qui contrôlaient ce barrage routier.

22 Q. : A l’expiration de l’ultimatum, le lendemain, que s’est-il passé ? Y

23 a-t-il eu une attaque militaire ?

24 R. : Il y a eu une attaque militaire. Comparée à ce qui devait suivre,

25 elle n’a pas été extrêmement violente. Au cours de cette attaque, la

Page 1143

1 région de Hambarine et les localités voisines ont été pilonnées,

2 pour la première fois, par l’artillerie lourde, dont certaines

3 pièces se trouvaient dans la ville de Prijedor, à l’aérodrome

4 d’Urije, dans cette zone, donc en fait, ils tiraient sur Hambarine

5 par-dessus Prijedor. A la fin du bombardement, les entités armées

6 serbes sont arrivées dans la région de Hambarine avec des chars et

7 d’autres armes. De nombreux habitants avaient déjà fui la région,

8 pour se diriger soit vers le nord, vers Rizvanovici, Biscani et

9 d’autres villages de la région épargnés par les obus, soit vers le

10 sud, qui est une région boisée - la forêt de Kurevo - qui fut la

11 cible des obus pendant que ces personnes fuyaient.

12 LE PRESIDENT : Nous suspendons l’audience jusqu’à 14 h 30.

13 (13 heures)

14 (Suspension d’audience pour le déjeuner)

15 (14 h 30)

16 LE PRESIDENT : Maître Tieger, vous pouvez poursuivre.

17 MAITRE TIEGER : Merci, Madame le Président. Madame le Président, j’ai

18 versé au dossier, hier, le document n° 82, sachant qu’il s’agissait

19 d’une copie en noir et blanc d’un document que nous devions

20 rapidement recevoir en couleur. Le document en couleur est arrivé et

21 peut être utilisé aujourd’hui.

22 LE PRESIDENT : Bien. S’agit-il de la pièce n° 88 ?

23 MAITRE TIEGER : 82, Madame le Président.

24 LE PRESIDENT : 82, excusez-moi. Y a-t-il une objection à ce que le

25 document en couleur soit substitué à celui que nous avons versé au

Page 1144

1 dossier hier en tant que pièce à conviction n° 82 ?

2 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

3 LE PRESIDENT : D’accord, très bien. La substitution sera faite.

4 MAITRE TIEGER : Le nouveau document 82 peut-il être remis au témoin ?

5 LE PRESIDENT : Maître Tieger ?

6 MAITRE TIEGER : Oui, Madame le Président. (A l’intention du témoin) : Mme

7 Greve, vous nous avez expliqué cette carte, qui vous a été montrée

8 en noir et blanc, hier. Peut-être pourriez-vous rapidement nous dire

9 à quoi correspondent les couleurs ?

10 R. : Oui. Le code de couleurs est le suivant : le vert représente les

11 zones habitées ou loties principalement, majoritairement, par les

12 Musulmans, le bleu représente les zones serbes, le rouge les

13 Croates.

14 Q. : Pourriez-vous nous montrer, sur cette carte, quelle était la

15 répartition ethnique de l’opstina de Prijedor, qui englobe la région

16 dont vous parliez avant la suspension d’audience ?

17 R. : Nous parlions de Hambarine, qui est une ville, mais aussi, avec les

18 zones environnantes, une Mjesna Zajednica.

19 Q. : Vous avez indiqué que Hambarine a subi son premier pilonnage le 23

20 mai, après quoi elle a été envahie par les troupes ?

21 R. : Hambarine a été envahie par les troupes et les chars, oui.

22 Q. : Qu’ont fait les habitants de Hambarine au début du pilonnage ?

23 R. : Ils ont tenté de fuir, de courir vers le nord, vers d’autres

24 villages musulmans, ou vers le sud, également vers des villages

25 musulmans, ainsi que vers Carakovo, figurant ici, qui se trouve dans

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1 une zone boisée, donc il était sans doute plus facile de se cacher

2 au sud qu’au nord, mais la région de Carakovo a aussi été pilonnée,

3 pendant que les gens tentaient d’atteindre la forêt.

4 Cela a poussé un grand nombre de personnes à tenter d’aller encore

5 plus au sud-ouest, dans la direction de la région qui figure sous le

6 nom de Ljubija sur la carte.

7 Q. : Les habitants de la région sont-ils finalement revenus à Hambarine ?

8 R. : Oui, un grand nombre d’entre eux est revenu. Ne perdons pas de vue,

9 cependant, que le nettoyage ethnique était en cours au voisinage de

10 l’opstina de Prijedor, dans l’opstina de Bosanski Novi, à l’ouest,

11 et que des gens étaient arrivés dans l’opstina de Prijedor, avaient

12 trouvé refuge avant tout dans le sud-ouest de l’opstina de Prijedor,

13 auprès de Musulmans ou de Croates, car à Bosanski Novi, ce sont les

14 non-Serbes qui ont subi le nettoyage ethnique.

15 Q. : Les habitants qui ont fui ce premier pilonnage de Hambarine et les

16 troupes d’invasion, pour ensuite revenir à Hambarine, ont-ils fini

17 par quitter la région ?

18 R. : Oui, par la suite.

19 Q. : D’accord. Nous y reviendrons dans le courant de votre déposition ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Vous avez déclaré qu’après cette première attaque sur Hambarine, le

22 23 mai, un certain nombre d’habitants ont fui vers la région de

23 Ljubija, également montrée sur la carte ?

24 R. : C’est exact. C’est la région située ici. Elle se divise en deux

25 parties : Donja Ljubija et Gornja Ljubija, donja signifiant « bas »

Page 1146

1 et gornja « haut ».

2 Q. : Des armes étaient-elles disponibles au siège de la DT de Ljubija ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Les habitants de Hambarine qui ont fui vers la région de Ljubija

5 ont-ils regroupé ces armes ?

6 R. : Non.

7 Q. : Qu’est-il advenu des armes qui se trouvaient au siège de la DT ?

8 R. : Selon les chroniqueurs serbes des événements de l’époque à Ljubija,

9 les Serbes sont parvenus à mettre la main sur l’ensemble de ces

10 armes, avant qu’elles aient pu servir.

11 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit enregistré, pour

12 identification, en tant que pièce à conviction n° 105. (Remise du

13 document).

14 JUGE STEPHEN : Vous m’avez donné des espoirs. Je croyais que vous alliez

15 nous fournir, à chacun, une carte en couleur. N’est-ce pas le cas ?

16 MAITRE TIEGER : Je nourrissais le même espoir, Monsieur le juge, mais

17 après en avoir discuté, j’ai compris que ce document allait être

18 scanné ce soir et que des copies couleur seraient faites à partir de

19 la copie papier.

20 JUGE STEPHEN : Merci beaucoup.

21 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, quelle est cette

22 pièce à conviction n° 105 ?

23 R. : Il s’agit, encore une fois, d’un article du Kozarski Vjesnik. Il est

24 daté du 17 juin 1994 et reprend plusieurs articles portant sur la

25 journée du 22 mai, date à laquelle les Serbes ont pris le contrôle

Page 1147

1 de Ljubija.

2 MAITRE TIEGER : Nous demandons que ce document soit versé au dossier.

3 LE PRESIDENT : Des objections ?

4 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

5 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 105 est acceptée.

6 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, je vous prierais de

7 vous pencher sur la deuxième page de ce document - il conviendrait

8 peut-être de la situer dans son contexte - veuillez prendre la

9 première page. Le bas de la première page indique-t-il ce qui s’est

10 passé après l’attaque de Hambarine ?

11 R. : Oui, il est fait référence au fait que la plupart des habitants non

12 serbes vivaient dans les environs de Ljubija et étaient bien armés.

13 Ljubija même abritait une unité de la Défense territoriale qui ne

14 comptait que trois Serbes. Tous les extrémistes de la rive gauche de

15 la Sana, la rivière qui coule dans la partie gauche de cette région,

16 avaient trouvé refuge dans les bois entourant Ljubija et à la veille

17 du 22 mai 1992, les réfugiés ont commencé à se déverser dans la

18 ville.

19 Q. : La suite de cet article indique-t-elle ce qu’il est advenu des armes

20 qui se trouvaient dans Ljubija et dont l’article affirme que trois

21 Serbes seulement les gardaient - je vous renvoie en page 2 ?

22 R. : Oui, elle l’indique.

23 Q. : Au bas de la page, est-il indiqué ce qu’il est advenu de ces armes ?

24 R. : Oui, il est fait référence au fait que le dirigeant local du Comité

25 de crise, dénommé Slobodan Taranjac, a conclu que le seul danger

Page 1148

1 réel qu’ils couraient - « ils » désignant les habitants de la région

2 de Ljubija - venait de la Défense territoriale, car elle était

3 largement composée de non-Serbes, et l’article évoque ce fait comme

4 un problème supplémentaire.

5 Q. : Le dirigeant de la Défense territoriale serbe a-t-il estimé

6 nécessaire de saisir ces armes aux non-Serbes, ces armes de la DT,

7 par la force ?

8 R. : Non, il a décidé qu’il suffirait d’adopter une attitude de ruse.

9 Q. : Quand ces armes ont-elles été soustraites à la DT ?

10 R. : Souhaitez-vous que je me réfère à la troisième page de cet article ?

11 Q. : Je vous en prie.

12 R. : Au premier paragraphe de cette page, nous trouvons des explications

13 à ce sujet. Souhaitez-vous que j’en donne lecture ?

14 Q. : Certainement.

15 R. : Il y est stipulé qu’ils ont recouru à la ruse : « j’ai envoyé Krivi

16 dire à la Défense territoriale que nous étions attaqués par 150

17 bérets verts, qu’Ivica Milosevic et ses hommes s’étaient placés sous

18 mon commandement et que nous défendions Ljubija. 30 minutes plus

19 tard à peu près, j’ai envoyé Milo Gliga, avec son camion, reprendre

20 les armes aux membres de la Défense territoriale. Il m’a demandé

21 comment il allait les désarmer et je lui ai répondu qu’ils s’étaient

22 déjà désarmés eux-mêmes, ne voulant pas défendre Ljubija. Gliga est

23 alors arrivé au siège de la Défense territoriale, il y a trouvé

24 Krivi, seul avec toutes les armes. C’est ainsi que nous avons

25 éliminé un danger de plus sans tirer une seule balle ».

Page 1149

1 Q. : Donc, selon cet article, Krivi a repris les armes à lui tout seul ?

2 R. : Oui, c’est lui qui s’est occupé des armes.

3 JUGE STEPHEN : Pourriez-vous lire ce qui est écrit en page 1 ? Il y est

4 fait référence à une unité militaire, dont le commandant aurait dit,

5 la 43e Brigade, de ne pas ouvrir un front. De quelle Brigade s’agit-

6 il, de quelle sorte d’unité ?

7 MAITRE TIEGER : Si cela peut vous aider, Monsieur le juge, je vous informe

8 que nous allons présenter des documents qui identifieront la 43e

9 Brigade et diront où elle opérait pendant cette période.

10 JUGE STEPHEN : Merci.

11 MAITRE TIEGER : Pourrions-nous revoir la pièce à conviction n° 82, je vous

12 prie ?

13 LE TEMOIN : L’article que nous venons de voir à l’écran - j’aurais peut-

14 être dû le mentionner - faisait également référence à l’arrivée de

15 8 000 réfugiés dans la région de Ljubija.

16 MAITRE TIEGER : Mme Greve, la carte de la répartition ethnique comporte

17 une vaste zone de couleur verte qui indique une forte concentration

18 de population musulmane dans la région de Hambarine. Si vous

19 regardez du côté droit, y a-t-il aussi, ou y avait-il aussi une

20 forte concentration de population musulmane de Prijedor dans la

21 région de Kozarac ?

22 R. : Oui, c’était sans doute la plus forte concentration de Musulmans

23 dans la région. La région élargie de Kozarac, connue sous le nom de

24 Potkozarac, est dominée par le Mont Kozarac, c’est pourquoi il n’y a

25 pas de village serbe sur les pentes de cette montagne.

Page 1150

1 Q. : Je crois vous avoir entendu indiquer précédemment le nombre

2 approximatif d’habitants de cette région ?

3 R. : La région élargie, qui s’étend jusqu’à Trnopolje et Kevljani inclus,

4 comptait approximativement 27 000 habitants d’origine non serbe.

5 LE PRESIDENT : De quelle région sommes-nous en train de parler ?

6 R. : De la région élargie de Kozarac, Kozarac étant la localité située

7 ici, mais le même nom sert souvent à désigner la région élargie, la

8 région de Kozarac. La montagne s’appelle Kozara et s’étend sur toute

9 la longueur.

10 Q. : Je croyais que vous parliez de la totalité de la région

11 correspondant à l’opstina de Prijedor. Maintenant, je comprends.

12 R. : Excusez-moi, Madame le Président.

13 LE PRESIDENT : Merci.

14 MAITRE TIEGER : Nous aimerions voir la photo 5/0101, suivie des photos

15 5/0102 et 5/0103. (A l’intention du témoin) : Mme Greve, que montre

16 cette photo ?

17 R. : Je crois savoir que ceci est une carte postale montrant la mosquée

18 de Kozarac.

19 Q. : Photo suivante, je vous prie. Que montre cette photo ?

20 R. : Encore une fois, je crois savoir que ceci est une autre vue de

21 Kozarac, qui montre la rue du Maréchal Tito, la principale rue de la

22 ville, qui coupe les deux rues, l’ancienne et la nouvelle, menant à

23 Prijedor et Banja Luka.

24 Q. : Photo suivante, je vous prie. Avons-nous, ici, une autre vue de

25 Kozarac ?

Page 1151

1 R. : Oui.

2 MAITRE TIEGER : Madame le Président, je demande que ces trois photos

3 soient versées au dossier en tant que pièce à conviction unique, n°

4 106.

5 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

6 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 106 est acceptée.

7 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, quel genre de ville

8 était Kozarac, quelle était la principale occupation de ses

9 habitants ? Quel était son degré de prospérité ?

10 R. : C’était une région prospère. Elle était proche du Mont Kozara et

11 possédait des scieries, elle se caractérisait par le travail du

12 bois. Elle se trouvait à une intersection, à un carrefour. C’était

13 une voie d’accès au plus important mémorial de la guerre, situé sur

14 le Mont Kozara, et nombreux étaient les habitants de la région qui

15 avaient travaillé à l’étranger, en tant qu’ouvriers étrangers. Leurs

16 moyens financiers leur avaient permis de créer de petites

17 entreprises, etc. Donc, la région était considérée comme prospère,

18 dans une opstina elle-même prospère, celle de Prijedor.

19 Q. : Après la prise du pouvoir par les armes dans l’opstina de Prijedor,

20 les autorités serbes de facto ont-elles présenté des exigences ou

21 lancé des ultimatums à la population de Kozarac ?

22 R. : Oui. Elles ont exigé que la DT de cette région prête allégeance, se

23 soumette immédiatement aux nouvelles autorités de l’opstina de

24 Prijedor.

25 Q. : Des exigences ont-elles été présentées à tous les responsables de la

Page 1152

1 police de l’opstina ?

2 R. : Oui, les mêmes qu’à tous les responsables de la police de l’opstina.

3 Q. : Des négociations se sont-elles déroulées entre des représentants de

4 la population de Kozarac et les autorités de facto de Prijedor ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Ces négociations ont-elles abouti ?

7 R. : Les participants ont peut-être pensé qu’elles avaient donné quelques

8 résultats, ils s’attendaient à ce qu’elles se poursuivent, mais il

9 s’est avéré qu’elles avaient échoué.

10 Q. : Ont-ils continué à exiger que la population prête serment de loyauté

11 aux nouvelles autorités serbes ?

12 R. : Oui, en effet.

13 Q. : La restitution des armes a-t-elle été exigée ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Cette exigence a-t-elle été maintenue, par la suite ?

16 R. : Oui.

17 Q. : La population de Kozarac était-elle bien armée ?

18 R. : La police et les forces de défense territoriale possédaient des

19 armes et un certain nombre de Musulmans avaient acheté des armes,

20 lorsque cela leur avait été possible, en voyant les autres s’armer.

21 Mais généralement parlant, le nombre des armes était limité, comparé

22 aux armes dont disposait la partie adverse.

23 Q. : Permettez-moi de vous poser encore une question au sujet de ce

24 serment d’allégeance exigé par les dirigeants serbes de facto. Ce

25 serment était-il un serment de loyauté envers le nouveau pouvoir

Page 1153

1 serbe ?

2 R. : Oui, en tant que partie prenante de cette nouvelle structure, de la

3 nouvelle Republika Srpska.

4 Q. : Cela voulait-il dire que les habitants de Kozarac n’étaient plus

5 censés faire partie de la Bosnie-Herzégovine ?

6 R. : C’est cela.

7 Q. : Après qu’il ait été exigé de restituer les armes et de prêter

8 serment d’allégeance aux nouveaux responsables, Kozarac a-t-elle été

9 attaquée ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Quand l’attaque a-t-elle commencé ?

12 R. : Je crois savoir qu’elle a commencé le 24 mai.

13 Q. : Comment l’attaque de Kozarac a-t-elle commencé, quelle force

14 militaire a été utilisée ?

15 R. : Cette fois, c’est toute la région qui a été lourdement bombardée. Je

16 demanderais que l’on me remette à nouveau la carte de ---

17 Q. : Peut-être pourrions-nous utiliser la pièce à conviction n° 79, 2/35.

18 Je demanderais aux juges de regarder l’écran, c’est un peu difficile

19 à lire, peut-être pourrait-on mieux l’orienter avant que vous ne

20 décriviez --

21 R. : Kozarac se trouve ici, la ville de Prijedor ici, la région

22 montagneuse située derrière la ville ici, les grandes routes menant

23 à Prijedor et Banja Luka ici, l’étang, le lac de barrage, ici, ce

24 sont les éléments principaux dont nous avons immédiatement besoin

25 pour comprendre la situation. Lorsque Kozarac a été attaquée, les

Page 1154

1 diverses informations, enfin, toutes les sources d’information

2 indiquent, en fait, qu’elle a été attaquée et bombardée à partir de

3 plusieurs points. Certains se trouvaient en face - ou peut-être

4 ferais-je mieux de commencer par dire qu’il y avait des

5 installations militaires, des installations militaires déjà

6 anciennes sur le Mont Kozara. Plusieurs installations, situées sur

7 les flancs de la montagne, ont servi à bombarder Kozarac et les

8 zones environnantes.

9 Mais il y avait aussi des installations, si j’ai bien compris,

10 quelque part dans cette région, la région de Kamen, si j’ai bien

11 compris, de l’autre côté de l’étang, ou du lac de barrage, à Tojka

12 Brdo, ainsi que dans les zones situées ici, à Racelici, peut-être.

13 C’est pour cela que les habitants de Kozarac ont eu le sentiment

14 d’être bombardés de tous les côtés à la fois, et ce bombardement

15 était massif, l’artillerie lourde a été utilisée, dont seule la JNA

16 disposait ou avait disposé.

17 Q. : Combien de temps ce bombardement massif s’est-il poursuivi ?

18 R. : La première phase du bombardement a duré près de 24 heures.

19 Q. : A-t-il alors entièrement cessé ?

20 R. : Pas entièrement.

21 Q. : A-t-il continué par intermittence ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Pendant combien de temps, approximativement ?

24 R. : Pendant approximativement 12 heures, je crois.

25 Q. : Qu’ont fait les habitants de Kozarac lorsque le bombardement a

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1 commencé ?

2 R. : Ils ont cherché à s’abriter, pour l’essentiel; c’est-à-dire que

3 certains se sont immédiatement mis en quête de la meilleure cave de

4 la région, celle de leur maison ou de la maison d’un voisin;

5 d’autres ont essayé d’atteindre le pied de la montagne, malgré les

6 obus qui pleuvaient depuis le sommet. Comme le montre la carte, la

7 région est légèrement vallonnée, c’est pourquoi ils ont dû penser

8 que certaines zones pouvaient être sûres. Mais plus les gens se

9 rapprochaient de la montagne, plus les obus se concentraient, aussi,

10 sur le pied de la montagne.

11 Q. : A la fin du pilonnage, que s’est-il passé, sur le plan militaire,

12 après que le pilonnage a cessé ?

13 R. : Encore une fois, il s’agissait d’une opération coordonnée, à

14 laquelle plusieurs unités ont participé de concert. C’étaient des

15 unités militaires ordinaires, alliées à des réservistes, des

16 paramilitaires, des policiers et des réservistes de la police, ainsi

17 que certains Serbes locaux - à cette époque-là, pratiquement tous

18 les hommes serbes adultes portaient l’uniforme - et d’un peu

19 partout, sur les routes, ont surgi des chars et des troupes, qui se

20 sont lancées à l’attaque de diverses localités.

21 Q. : Qu’est-il arrivé aux habitants de Kozarac une fois que les troupes

22 sont entrées dans la région ?

23 R. : Ils ont été forcés de quitter leurs maisons, leurs abris, et de

24 sortir dans la rue.

25 Q. : Où ont-ils été emmenés, une fois qu’ils se sont trouvés dans la rue

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1 ?

2 R. : Ils ont été emmenés en certains points, où ils étaient regroupés et

3 concentrés. Ceux qui venaient du centre de Kozarac ont, pour la

4 plupart, été emmenés dans la direction de Kozarusa, d’autres ont été

5 emmenés sur la grande route menant à Trnopolje, nous y reviendrons.

6 La population a, ensuite, été séparée. Les femmes et les enfants de

7 moins de

8 12-15 ans, ainsi que les hommes âgés, de plus de 60-65 ans dans ce

9 cas précis, ont été mis dans un groupe, et la population masculine

10 de 12-15 ans à 60-65 ans dans l’autre groupe. Un certain nombre de

11 personnes ont été tuées au cours de cette opération de tri, mais

12 ceux qui sont restés en vie ont été séparés de cette façon.

13 Q. : La destruction de Kozarac a-t-elle cessé avec la fin du pilonnage ?

14 R. : Non.

15 Q. : Avez-vous eu l’occasion de voir le film vidéo tourné par les

16 journalistes qui ont visité la région de Prijedor au cours de l’été

17 1992 ?

18 R. : Oui. J’ai également parlé aux représentants de plusieurs ONG, qui

19 ont été autorisés à pénétrer dans la région, une fois qu’elle a été

20 presque entièrement nettoyée de sa population non serbe, et qui ont

21 emprunté cette grande route.

22 Q. : Avez-vous vu un film récent montrant la région de Kozarac, un film

23 tourné récemment ?

24 R. : Oui, j’ai vu une vidéo tournée par le Bureau du Procureur.

25 Q. : Est-ce également la vidéo la plus complète que vous ayez vue sur

Page 1157

1 cette région ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Montre-t-elle les deux côtés de la rue, de la rue principale, que

4 vous nous avez montrée ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Montre-t-elle des portions des deux grandes routes, et de la vieille

7 route menant à Omarska et Prijedor ?

8 R. : C’est ce que l’on m’a dit et cela recoupe un renseignement qui m’a

9 été fourni par d’autres sources, mais je ne me suis pas rendue sur

10 place. Peut-être devrais-je dire que lorsque la région a été

11 nettoyée et bombardée, ou bombardée et nettoyée, absolument toutes

12 les propriétés des non-Serbes ont été pillées, avant qu’on ne les

13 fasse sauter de l’intérieur. Donc les dommages visibles dans le film

14 ne sont pas tous dus au bombardement. D’autres activités ont eu lieu

15 par la suite.

16 MAITRE TIEGER : Madame le Président, peut-on projeter la vidéo n° 5 ?

17 Avant que nous ne commencions, cette vidéo est une partie du film

18 mise à la disposition de la Défense. Cet extrait dure environ 40

19 minutes. Je n’ai pas l’intention de projeter la totalité de cet

20 extrait devant cette Chambre aujourd’hui. Je suis sûr que cela

21 intéressera le Tribunal de le regarder à un moment plus opportun. Je

22 me contenterai de projeter une partie de cette bande, que nous

23 arrêterons ensuite. Je demande que cette bande vidéo soit

24 enregistrée pour identification en tant que pièce à conviction n°

25 107.

Page 1158

1 LE PRESIDENT : Y a-t-il des objections à la pièce à conviction n° 107 de

2 l’Accusation ?

3 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

4 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 107 est acceptée.

5 (Projection de la bande vidéo)

6 MAITRE TIEGER : Mme Greve, est-ce bien la rue principale de Kozarac ?

7 R. : Je crois savoir que c’est cela, oui.

8 Q. : Est-ce la mosquée figurant sur la photo que nous avons vue

9 précédemment ?

10 R. : Je crois savoir que c’est cela, oui.

11 Q. : Le véhicule qui tournait ce film vidéo est-il, à présent, sorti de

12 la partie principale de la ville, pour emprunter la route qui mène

13 vers la montagne ?

14 R. : Oui, c’est ce que j’ai compris.

15 R. : Mme Greve, cette partie de la vidéo nous montre-t-elle le chemin de

16 retour, depuis la montagne vers la ville ?

17 R. : Je crois savoir que c’est le cas, en effet.

18 Q. : La fin de la vidéo montre la grande route Prijedor Banja Luka,

19 n’est-ce pas ?

20 R. : Je crois savoir que c’est bien cela, oui.

21 MAITRE TIEGER : Peut-on arrêter la vidéo ? Madame le Président, comme je

22 l’ai indiqué, cette bande vidéo n’était qu’un extrait d’un film plus

23 long, qui dure 45 minutes et montre des scènes de destruction

24 comparables des deux côtés de la vieille route menant à Prijedor,

25 des deux côtés de la vieille route Prijedor Banja Luka, qui mène à

Page 1159

1 Prijedor, puis à la région d’Omarska, c’est la même route qui mène à

2 la région d’Omarska. Il ne me reste que deux questions à poser à

3 Mme Greve sur ce point, après quoi, je laisserai les juges

4 l’interroger à leur convenance.

5 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, dans votre souvenir, cette

6 vidéo

7 montre-t-elle l’église orthodoxe serbe de Kozarac ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Cette église est-elle endommagée ou détruite ?

10 R. : La vidéo ne montre pas le moindre signe d’endommagement.

11 Q. : La vidéo montre-t-elle aussi le village serbe d’Omarska ?

12 R. : Oui.

13 Q. : On le voit à la fin de la bande. Dans quel état est le village

14 d’Omarska ?

15 R. : Il est intact; il n’a pas été détruit.

16 Q. : Mme Greve, après que les Musulmans et les Croates de la région de

17 Kozarac ont été regroupés et séparés du reste de la population, où

18 les hommes de cette région ont-ils été emmenés ?

19 R. : Les hommes ont été emmenés dans deux camps, qui avaient été ouverts

20 auparavant, l’un dans la ville de Prijedor, que l’on appelle

21 « Keraterm » et l’autre un peu au sud du village d’Omarska, que l’on

22 appelle « Omarska ».

23 Q. : Y avait-il un troisième camp dans la région ?

24 R. : Oui, il y avait un troisième camp dans la région, en fait, c’était

25 la gare ferroviaire de Kozarac. On l’appelait aussi « Trnopolje ».

Page 1160

1 Q. : Je demande que l’on nous montre le document 2/35/2 à l’écran et que

2 l’on fasse un agrandissement de la région d’Omarska, située en haut,

3 à droite. Mme Greve, cette pièce à conviction montre-t-elle

4 l’emplacement du village d’Omarska ?

5 R. : Selon la carte, en effet, c’est le centre du village d’Omarska.

6 Q. : Je demande que l’original de cette pièce à conviction soit rendu au

7 Greffe, je vous prie. Je demande, d’abord, que cette carte soit

8 versée au dossier en tant que pièce à conviction n° 108.

9 LE PRESIDENT : Des objections ?

10 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

11 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 108 est acceptée.

12 MAITRE TIEGER : Devrais-je demander que ceci soit imprimé ? Merci. (A

13 l’intention du témoin) : Mme Greve, pourriez-vous nous aider à nous

14 orienter ? Je regarde la partie supérieure de cette carte, sur la

15 gauche. Y voyons-nous un petit coin du lac de barrage auquel vous

16 avez fait référence précédemment ?

17 R. : Oui, il se trouve ici - devrait-il y avoir une flèche ? - je ne sais

18 pas ce que je dois faire.

19 Q. : Vous pourriez souhaiter y revenir, le cas échéant. J’essaie

20 simplement de nous aider à nous orienter, par rapport à la carte que

21 nous avons vue avant, qui montrait Prijedor et Omarska. C’était la

22 pièce à conviction n° 79.

23 R. : Nous voyons ici le village d’Omarska, relié par chemin de fer, je le

24 répète, à Prijedor et nous voyons le lac de barrage, l’étang, ici.

25 Q. : L’emplacement du camp qui a été créé dans la région d’Omarska

Page 1161

1 figure-t-il sur cette carte ?

2 R. : Je crois savoir que non. Il se trouve à 2 km au sud du village

3 d’Omarska et à l’échelle de cette carte, un carré représente une

4 superficie de 500 mètres sur 500 mètres, donc c’est à 2 km au sud,

5 légèrement à l’ouest de la ville d’Omarska, ou du village, si j’ai

6 bien compris.

7 Q. : Est-il proche d’un quelconque point de repère physique ?

8 R. : Oui, il se trouve non loin d’une mine à ciel ouvert, l’extension

9 d’une mine de fer, l’extension de la mine de fer d’Omarska.

10 Q. : D’accord. Si nous retournions à la pièce à conviction n° 108 -

11 permettez-moi de vous poser d’abord cette question. Cette mine de

12 fer, je suppose, se trouve près de, au voisinage de minerai de fer,

13 de bassins ferreux. Ces puits figurent-ils sur la carte ?

14 R. : Oui, en effet. Je constate que j’ai accidentellement placé une

15 flèche sur cette carte, c’est le fruit de mon ignorance, mais je

16 peux la déplacer. Il y a des mines à ciel ouvert dans cette zone,

17 ici. Je rappellerais, à titre d’information, qu’il s’agit de la

18 deuxième mine de fer d’Europe, c’est donc une mine importante.

19 Q. : De quoi se composait la partie de la mine qui a été convertie en

20 camp ?

21 R. : Elle se composait d’une zone administrative et d’un grand garage, ou

22 plutôt de quelque chose qui ressemblait à un hangar. Le complexe

23 comprenait, au total, cinq bâtiments : le bâtiment administratif,

24 avec une cantine et des bureaux, au premier étage; le grand garage

25 servait à la maintenance des équipements lourds utilisés dans la

Page 1162

1 mine et ce bâtiment, apparemment de petite taille, est la « maison

2 blanche ». Il y avait aussi un autre bâtiment de petite taille,

3 appelé la « maison rouge » et une petite station de pompage.

4 Q. : Qui gérait le camp ?

5 R. : Il s’intitulait « centre d’enquête militaire ». Il était géré en

6 coopération par la police et l’armée, je parle de la police serbe.

7 Q. : Seuls des hommes ont été emmenés au camp d’Omarska ?

8 R. : Au début, des hommes seulement. Mais il y avait 36, 37, 38 femmes

9 dans le camp.

10 Q. : A quelle tranche d’âge appartenaient les détenus du camp ?

11 R. : Vous parlez des femmes ou des hommes ?

12 Q. : De toute la population. Commençons par les hommes.

13 R. : L’âge des hommes variait, en gros, de 12-15 ans à 60-65 ans.

14 Q. : Quand Omarska a-t-il commencé à fonctionner en tant que camp de

15 détention ?

16 R. : Les Serbes eux-mêmes disent qu’il a commencé à fonctionner à partir

17 du 25 mai.

18 Q. : approximativement combien de personnes y étaient détenues à la fois

19 ?

20 R. : Le nombre a varié. Je pense que sa capacité maximale absolue

21 tournait autour de 3 000, 3 300 personnes, peut-être.

22 Q. : J’aimerais vous poser quelques questions relatives aux conditions

23 générales en vigueur dans le camp, aux conditions générales de

24 détention des prisonniers. Permettez-moi de vous demander, d’abord,

25 en quels lieux les prisonniers ont été placés, de combien d’espace

Page 1163

1 ils disposaient dans les pièces ou les salles qu’offrait cet ancien

2 complexe minier ?

3 R. : Cela a varié avec le temps, mais au départ, les gens avaient très

4 peu d’espace, c’est-à-dire qu’ils se décrivaient eux-mêmes comme des

5 sardines dans une boîte. Ils devaient rester debout, ils ne

6 pouvaient pas se tourner et restaient parfois ainsi, debout,

7 plusieurs jours d’affilée.

8 Q. : Les prisonniers ont-ils reçu de la literie ou des couvertures ?

9 R. : Du point de vue literie ou couvertures, ils n’ont rien reçu.

10 Q. : Donc ils dormaient ou restaient assis à même le sol ?

11 R. : C’est exact.

12 Q. : Combien de nourriture recevaient les prisonniers ?

13 R. : Ils recevaient de la nourriture une fois par jour, un huitième de

14 pain, nous a-t-on dit, accompagné d’un récipient contenant une soupe

15 liquide et parfois, un peu de choux ou de macaronis dans cette

16 soupe, ainsi qu’un peu d’eau.

17 Q. : Un tel régime était-il suffisant à l’alimentation d’une personne ?

18 R. : Non, il ne l’était pas.

19 Q. : Les prisonniers ont-ils été nourris dès leur arrivée ?

20 R. : Non, ils avaient fréquemment à affronter une période de trois,

21 quatre, cinq jours, entassés les uns sur les autres sans eau ni

22 nourriture.

23 Q. : Combien de temps le camp a-t-il fonctionné au cours de l’été 1992 ?

24 R. : Il a, en fait, été fermé les 5/6 août 1992, à peu près.

25 Q. : Fait-il chaud, l’été, dans la région de Prijedor ?

Page 1164

1 R. : On nous a dit, effectivement, qu’il faisait très chaud, l’été, dans

2 la région de Prijedor.

3 Q. : Combien d’eau les prisonniers recevaient-ils et quelle était la

4 qualité de cette eau ?

5 R. : Ce n’était pas de l’eau pure. C’était l’eau dont disposait la mine

6 et les prisonniers en recevaient très peu. Ils l’utilisaient donc

7 avant tout pour boire, pas pour se laver.

8 Q. : Qu’en était-il des installations sanitaires ? Y en avait-il ?

9 R. : Il y avait très peu d‘installations sanitaires. Il y avait quelques

10 toilettes, mais pas suffisamment.

11 Q. : Comment les prisonniers satisfaisaient-ils leurs besoins, de ce

12 point de vue ?

13 R. : Ils avaient surtout recours au champ.

14 Q. : Les prisonniers pouvaient-ils sortir, lorsqu’ils en avaient besoin,

15 de la pièce où ils se trouvaient, pour utiliser les installations

16 réservées à cet effet ?

17 R. : Non.

18 Q. : Avec le temps, les prisonniers ont-ils commencé à souffrir de

19 troubles médicaux ?

20 R. : Oui. De malnutrition, de diarrhée, de poux, différentes maladies se

21 sont déclarées très rapidement. Il était, en particulier, très

22 difficile de désinfecter les plaies.

23 Q. : Des soins médicaux étaient-ils régulièrement dispensés ?

24 R. : Les soins médicaux réguliers n’existaient pas, il n’existait aucune

25 forme de soins médicaux. Certains prisonniers étaient médecins et

Page 1165

1 s’occupaient de leurs compagnons de détention lorsqu’ils le

2 pouvaient, mais pour l’essentiel, ils manquaient d’instruments, de

3 médicaments, de désinfectant.

4 Q. : Des interrogatoires ont-ils eu lieu dans le camp ?

5 R. : Oui. Je pense que le nom du camp l’indique : « centre de

6 renseignement ».

7 LE PRESIDENT : Quel nom du camp l’indique ... ?

8 MAITRE TIEGER : Excusez-moi. Pourriez-vous répéter cela ? Je crois que

9 vous n’avez pas été entendue.

10 R. : Je veux dire qu’il s’agissait d’un centre d’enquête militaire. Donc,

11 des enquêtes étaient menées. Il en découlait, dans un sens, que leur

12 but était de procéder à des interrogatoires.

13 MAITRE TIEGER : A cet égard, je demande que la pièce à conviction n° 92

14 soit présentée au témoin. (A l’intention du témoin) : Des

15 interrogatoires ont-ils eu lieu dans les trois camps ?

16 R. : Oui, effectivement, mais les interrogatoires les plus durs ont eu

17 lieu à Omarska et à Keraterm, où étaient détenus les hommes.

18 J’ajouterais que quelques hommes se sont retrouvés à Keraterm,

19 excusez-moi, à Trnopolje, mais il semble que cela n’arrivait que si

20 un Serbe avait voulu les aider ou lorsque les détenus étaient

21 tellement entassés les uns sur les autres qu’il n’était plus

22 possible de les placer dans les deux autres camps. Donc, en

23 principe, les hommes étaient emmenés à Keraterm et à Omarska.

24 Q. : Les responsables serbes disposaient-ils d’un terme particulier,

25 d’une expression, pour désigner les interrogatoires ?

Page 1166

1 R. : Oui. Ils y faisaient référence en employant les termes de

2 « conversations informatives ».

3 Q. : Employaient-ils cette expression en parlant aux journalistes et aux

4 gens de l’extérieur ?

5 R. : Oui. Dans leurs conversations avec des journalistes, le personnel

6 humanitaire ainsi que dans leurs propres journaux.

7 Q. : Possédons-nous une indication, de la part des responsables serbes

8 pour le moins, du nombre de conversations informatives qui se sont

9 déroulées dans les camps au cours de l’été 92 ?

10 R. : Selon Simo Drljaca, chef de la police serbe, 6 000 conversations de

11 ce genre se sont déroulées dans ces camps.

12 Q. : Je demande que l’on place la pièce à conviction n° 92 à l’écran et

13 je vous prierais de vous pencher sur le deuxième paragraphe à partir

14 du bas, la première phrase. Est-ce une interview de Simo Drljaca ?

15 R. : Oui. Encore une fois, c’est l’interview qu’il a accordée lorsqu’il a

16 été nommé vice-Ministre.

17 Q. : Il y indique que plus de 6 000 conversations informatives ont eu

18 lieu dans les trois camps ?

19 R. : C’est exact.

20 Q. : Il était chef de la police à cette époque ---

21 R. : Oui.

22 Q. : --- à l’époque où les camps fonctionnaient ?

23 R. : Oui, pendant toute la durée de leur fonctionnement.

24 Q. : Qui, en fait, menait ces interrogatoires ou conversations

25 informatives ?

Page 1167

1 R. : Des interrogateurs qui venaient de l’extérieur et qui, pour la

2 plupart, appartenaient à la police. Mais ils étaient souvent

3 accompagnés de personnes liées à l’armée. Ce camp était censé être

4 un centre militaire, mais certains interrogateurs venaient, en fait,

5 des bureaux de la sécurité publique, c’est-à-dire des bureaux de la

6 police.

7 Q. : De quelle manière étaient menés ces interrogatoires ?

8 R. : D’une manière très brutale.

9 JUGE VORAH : Mme Greve, pourriez-vous parler un peu plus fort, car j’ai

10 des difficultés à entendre. Je crois que Maître Orie a également des

11 difficultés à entendre.

12 R. : Je vous prie vraiment de m’excuser, parce que ---

13 MAITRE TIEGER : Excusez-moi. Je vais répéter ma question, Monsieur le

14 juge. (A l’intention du témoin) : De quelle manière étaient menés

15 ces interrogatoires, Mme Greve ?

16 R. : D’une manière très brutale.

17 Q. : Les prisonniers étaient-ils frappés ?

18 R. : Ils étaient durement frappés.

19 Q. : Etaient-ils torturés ?

20 R. : Un grand nombre d’entre eux a été sérieusement torturé.

21 Q. : Les déclarations extraites aux prisonniers durant ces conversations

22 informatives ont-elles servi, par la suite, à justifier leur

23 détention et le nettoyage de Prijedor ?

24 R. : Oui, effectivement.

25 Q. : A cet égard, je demande que la pièce à conviction n° 91 soit

Page 1168

1 présentée au témoin. Peut-on placer la page 2, le deuxième

2 paragraphe complet, à l’écran, je vous prie ? Mme Greve, ce numéro

3 du Kozarski Vjesnik contient le récit de la façon dont le premier

4 Président de l’Assemblée municipale serbe de Prijedor, M. Milomir

5 Stakic, voit les événements ?

6 R. : C’est exact.

7 Q. : La première phrase du deuxième paragraphe indique-t-elle ce qui

8 s’est passé une fois que les prisonniers ont été placés en détention

9 ?

10 R. : Oui. Il indique que des renseignements suffisants ont été recueillis

11 de la bouche de ces prisonniers pour conclure que les Musulmans

12 étaient très bien organisés et qu’ils étaient décidés à liquider

13 leurs concitoyens, les Serbes.

14 Q. : Donc, selon M. Stakic, ces renseignements ont été recueillis après

15 que les prisonniers ont été placés en détention ?

16 R. : C’est exact.

17 Q. : Trois phrases plus bas, dans la phrase qui commence par les mots :

18 « sur la base des relevés d’interrogatoire... » ?

19 R. : Il prétend qu’ils ont appris, que les Serbes ont appris, qu’ils, et

20 ce terme désigne les non-Serbes, avaient l’intention de prendre

21 simultanément le pouvoir et les casernes par la force des armes.

22 Q. : Quels autre renseignements ont-ils appris au cours de ces séances

23 d’interrogatoire, selon M. Stakic ?

24 R. : Le pire, selon lui, était que les Serbes auraient découvert que les

25 Musulmans disposaient d’un plan détaillé prévoyant la liquidation de

Page 1169

1 la population serbe de Prijedor.

2 Q. : Donc les relevés d’interrogatoire rédigés sur la base des

3 renseignements extraits aux prisonniers pendant ces interrogatoires

4 brutaux ont débouché sur l’information dont parle M. Stakic ?

5 R. : C’est ainsi que je l’ai compris.

6 Q. : Outre les passages à tabac qui se produisaient au cours des

7 interrogatoires, Mme Greve, les prisonniers subissaient-ils des

8 violences physiques à d’autres moments ?

9 R. : Oui, ils subissaient des violences physiques lorsqu’ils se rendaient

10 à la cantine pour obtenir leur nourriture, car ils étaient battus

11 chaque fois. A tel point que même s’ils éprouvaient un grand besoin

12 de s’alimenter, les prisonniers devaient se demander s’ils étaient

13 suffisamment en forme pour aller chercher leur nourriture.

14 De même, s’ils avaient besoin de se soulager, il leur fallait se

15 demander s’ils pouvaient le faire en toute sécurité, selon qui

16 étaient les gardes de service, car ils se faisaient également passer

17 à tabac à cette occasion. Un certain nombre de prisonniers, qui

18 dormaient à la cantine la nuit, restaient dehors. Cet endroit

19 s’appelle la pista. C’est une étendue bétonnée séparant le bâtiment

20 administratif du grand garage. Lorsqu’ils restaient dehors, il leur

21 arrivait, de temps à autre, de subir également des mauvais

22 traitements. La nuit surtout, des gens arrivaient à l’endroit où se

23 trouvaient les prisonniers, appelaient quelques noms et faisaient

24 sortir ces personnes.

25 Q. : Les gardes réguliers du camp étaient-ils les seuls à passer à tabac

Page 1170

1 les prisonniers ?

2 R. : Non. Il y avait des gens de l’intérieur et de l’extérieur du camp.

3 Des policiers, des militaires, des paramilitaires, des habitants

4 locaux.

5 Q. : Certaines personnes, des personnes appartenant à une couche

6 déterminée de la société, couraient-elles davantage de risques à

7 Omarska que les autres ?

8 R. : Oui, car (1) la tendance à Omarska consistait, apparemment, à placer

9 dans ce camp les membres de la communauté non serbe appartenant aux

10 couches supérieures, à l’élite de la population, c’est-à-dire des

11 personnes détenant des postes importants au sein de la communauté,

12 des responsables, des dirigeants politiques, des gens de toute

13 sorte, à commencer par des footballeurs connus et le reste à

14 l’avenant. Ces personnes étaient particulièrement visées par les

15 mauvais traitements.

16 Q. : Certaines parties du camp présentaient-elles davantage de dangers

17 pour les prisonniers que d’autres ?

18 R. : La partie de loin la plus dangereuse du camp était la maison

19 blanche, apparemment inoffensive.

20 Q. : Que se passait-il dans la maison blanche qui la rendait plus

21 dangereuse, ou est-ce que certaines personnes y étaient placées, en

22 particulier ?

23 R. : Eh bien, les gens étaient fréquemment placés dans la maison blanche

24 après les interrogatoires, lorsqu’ils y avaient survécu, et ils y

25 subissaient les mauvais traitements certainement les plus extrêmes.

Page 1171

1 Q. : Quel était le traitement réservé aux femmes détenues à Omarska ?

2 R. : D’un certain point de vue, elles jouissaient de meilleures

3 conditions que la population masculine. Mais leur plus gros problème

4 résidait dans les viols, perpétrés la nuit, pratiquement tout le

5 temps, d’après ce qui nous a été rapporté.

6 Q. : Mme Greve, des prisonniers ont-ils été tués à Omarska ?

7 R. : Oui, un certain nombre de prisonniers a été tué à Omarska. Il est

8 difficile d’en établir le nombre exact, mais puisque, selon les

9 responsables serbes, il n’y a pas eu de libérations massives et

10 compte tenu du nombre de prisonniers amenés dans ce camp, le nombre

11 de tués a dû être substantiel.

12 Q. : Par « substantiel », pensez-vous à des dizaines, à des douzaines ?

13 R. : Je pense plutôt à un millier ou davantage, mais je ne suis pas en

14 mesure d’établir un chiffre.

15 Q. : Ces meurtres de prisonniers étaient-ils gardés secrets ---

16 R. : Non.

17 Q. : --- des autres détenus ?

18 R. : Non, ils n’étaient pas gardés secrets, à savoir que les

19 interrogatoires se déroulaient dans des bureaux, à huis clos, et la

20 maison blanche avait des portes, fermées elles aussi, c’était un

21 bâtiment indépendant. Mais les corps des prisonniers défunts

22 restaient dehors, de sorte que les prisonniers qui allaient

23 satisfaire leurs besoins naturels, chercher leur nourriture, ou ceux

24 qui passaient la journée sur la pista, c’est-à-dire sur cette

25 étendue bétonnée, pouvaient les voir.

Page 1172

1 Q. : L’existence du camp était-elle secrète ? Les dirigeants serbes

2 locaux en avaient-ils connaissance ou non ?

3 R. : Oui, ils en avaient connaissance, ce n’était pas un secret.

4 Q. : Visitaient-ils jamais le camp ?

5 R. : Oui, certains d’entre eux visitaient le camp.

6 Q. : Qu’en était-il de Simo Drljaca, le chef de la police ?

7 R. : Oui, il a visité le camp.

8 Q. : Des responsables serbes n’appartenant pas à l’opstina de Prijedor

9 ont-ils visité le camp ?

10 R. : Oui, des responsables de Banja Luka. Je crois savoir également que

11 des représentants de la radiotélévision de Banja Luka sont venus au

12 camp.

13 Q. : Et le CICR, les organisations humanitaires, ont-elles pu visiter et

14 inspecter le camp pendant son fonctionnement ?

15 R. : Aussi longtemps qu’Omarska a fonctionné de la façon que je viens de

16 décrire, elles n’ont jamais visité le camp. Lors de sa fermeture,

17 lorsqu’il a été embelli et briqué en prévision de la visite de

18 journalistes étrangers, le CICR a également été autorisé à entrer

19 dans le camp.

20 Q. : A quelle date le camp a-t-il fermé, quand sa fermeture a-t-elle

21 commencé ?

22 R. : Un article a paru dans la presse américaine, le 2 août, suite à quoi

23 un effort immédiat a été fait pour fermer le camp et transférer les

24 prisonniers. On peut dire qu’il a fermé ses portes, effectivement,

25 les 5 et 6 août 1992.

Page 1173

1 Q. : Lorsque l’existence du camp a été connue du monde occidental, des

2 journalistes ont-ils tenté d’y pénétrer ?

3 R. : Immédiatement, oui.

4 Q. : Certains journalistes ont-ils pu y pénétrer durant la période que

5 vous venez d’évoquer ?

6 R. : Oui, mais seulement après le départ du principal groupe de

7 prisonniers et pas mal de travaux de réfection, et ils n’ont pu

8 visiter qu’une partie très réduite du camp - essentiellement la

9 cantine.

10 Q. : La majorité des prisonniers d’Omarska a-t-elle été transférée, à ce

11 moment-là, à la fin de la première semaine d’août ?

12 R. : Oui, la grande majorité d’entre eux, il n’est sans doute resté que

13 quelques 100 ou un peu plus de 100 prisonniers, mais ---

14 Q. : Où ont-ils été emmenés ?

15 R. : La grande majorité a probablement été emmenée à Manjaca. Manjaca est

16 un camp situé dans l’opstina de Banja Luka, si j’ai bien compris. Je

17 ne me suis pas particulièrement intéressée à ce camp, mais les

18 autorités serbes y ont fait référence. Mais plus d’un millier de

19 prisonniers, sans doute, a été emmené à Trnopolje, qui est resté

20 ouvert au moment où Omarska a fermé ses portes.

21 Q. : Je me rends bien compte que vous ne vous êtes pas intéressée

22 intensément à Manjaca, mais savez-vous si les conditions en vigueur

23 à Manjaca étaient les mêmes ou non qu’à Omarska ?

24 R. : Elles étaient bien meilleures. Il n’y avait pas de danger. Elles

25 étaient synonymes de survie possible.

Page 1174

1 Q. : Certains prisonniers sont-ils restés à Omarska après que la majorité

2 d’entre eux ont été transférés ?

3 R. : Oui, le camp a été montré aux médias internationaux et ces

4 prisonniers ont été ceux qu’on exhibait.

5 Q. : Ont-ils été chargés de nettoyer le camp, pour le rendre aussi

6 présentable que possible en prévision de l’arrivée des médias ?

7 R. : Oui, les hommes qui ont été laissés dans le camp, ainsi que les

8 femmes avant leur transfert, ont dû se charger, en partie, du

9 nettoyage. Trois femmes avaient été laissées dans le camp, au

10 départ, mais lorsque la presse est arrivée, ils ont nié la présence

11 de femmes dans le camp et à ce moment-là, elles ont été emmenées en

12 voiture à Omarska (sic).

13 Q. : Des responsables serbes liés au fonctionnement du camp ont-ils été

14 interrogés sur la nature du camp, une fois que les journalistes

15 l’ont découvert ?

16 R. : Oh, oui, ils l’ont été.

17 Q. : Ont-ils été, notamment, interrogés aux fins de savoir si, oui ou

18 non, les prisonniers étaient frappés ?

19 R. : Oui, ils ont été interrogés à ce sujet.

20 LE PRESIDENT : Quand avez-vous dit que vous croyiez que les journalistes

21 avaient appris l’existence du camp ? Vous avez dit qu’il avait été

22 fermé en août, le 4 ou 5 août, je crois, 1992, et qu’ils ont appris

23 son existence peu après. Donc à quelle date pensez-vous qu’ils ont,

24 pour la première fois, entendu parler du camp et qu’ils sont venus

25 au camp ?

Page 1175

1 R. : Le premier article paru sur le sujet est l’article bien connu de Roy

2 Gutman paru dans Newsday, je crois, le 2 août 1992. Ensuite, les

3 choses sont allées très, très vite car, avant cela, il avait été

4 allégué que des camps existaient et la pression a donc été mise sur

5 Radovan Karadzic pour qu’il autorise des journalistes à se rendre en

6 des points précis de Prijedor. Donc, tout s’est passé très, très

7 vite, si j’ai bien compris.

8 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit enregistré en tant que

9 pièce à conviction n° 109 pour identification. (A l’intention du

10 témoin) : Mme Greve, quelle est cette pièce à conviction n° 109 ?

11 R. : C’est le compte rendu d’une interview dans laquelle Stakic fait des

12 déclarations portant, entre autres, sur Omarska.

13 Q. : Je demande que cette pièce soit versée au dossier.

14 LE PRESIDENT : Des objections ?

15 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

16 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 109 est acceptée.

17 MAITRE TIEGER : Peut-on la placer à l’écran, je vous prie ?

18 (A l’intention du témoin) : pour commencer, M. Milomir Stakic indique-t-il

19 sous la direction de qui, sur la décision de qui, les camps ont été

20 créés ? Je vous renvoie

21 à ---

22 R. : Oui, il le fait. Au second paragraphe, il déclare que cela a été

23 fait sur la décision des autorités civiles de Prijedor.

24 Q. : Milomir Stakic a-t-il été interrogé au sujet des passages à tabac

25 qui ont eu lieu à Omarska ?

Page 1176

1 R. : Oui.

2 Q. : Qu’a-t-il répondu ?

3 R. : Il répond que, d’après les informations disponibles, il n’y a eu

4 aucun mauvais traitement, aucune violence physique dans les centres

5 en tant que tels.

6 Q. : A-t-il été confronté aux articles de presse qui alléguaient que des

7 meurtres avaient été commis à Omarska ?

8 R. : Il l’a été et a répondu : « Ce sont des cas de décès, comme le

9 commandant responsable me l’a appris, qu’accompagne toute la

10 documentation médicale nécessaire pour l’établir. Ce ne sont pas des

11 meurtres ».

12 Q. : Indique-t-il qu’il fait bien référence à Omarska ?

13 R. : Oui, il l’indique. Il lui est demandé précisément s’il parle bien

14 d’Omarska et il le confirme.

15 Q. : Dit-il, en tout cas, que le nombre des prisonniers décédés de mort

16 naturelle est limité ?

17 R. : Oui, il déclare ne pas pouvoir citer un chiffre exact, mais que ce

18 chiffre est peu élevé. Il lui est à nouveau demandé si ces personnes

19 étaient en nombre élevé, et il répond que non.

20 Q. : Cette négation de l’existence de passages à tabac à Omarska a-t-elle

21 été confirmée par les responsables de facto de l’opstina de Prijedor

22 ?

23 R. : Non.

24 Q. : Je demande que ce document soit enregistré pour identification en

25 tant que pièce à conviction n° 110. (Remise du document). Quelle est

Page 1177

1 cette pièce à conviction n° 110, Mme Greve ?

2 R. : C’est à nouveau le compte rendu d’une interview, mais de Kovacevic,

3 cette fois.

4 Q. : Un membre du Krizni Stab ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Egalement membre du SDS ?

7 R. : Il l’était et l’est peut-être encore, je ne sais pas.

8 Q. : Dans cette interview, il est également interrogé au sujet d’Omarska

9 et des mauvais traitements physiques constatés à Omarska ?

10 R. : Oui.

11 MAITRE TIEGER : Je demande que cette pièce soit versée au dossier, Madame

12 le Président.

13 LE PRESIDENT : Des objections ?

14 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

15 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 110 est acceptée.

16 Maître Tieger, vous avez demandé à Mme Greve s’il était membre de

17 quoi ? du chris quoi ?

18 MAITRE TIEGER : Du Krizni Stab ou Etat Major de crise.

19 LE TEMOIN : Cela me rappelle que nous n’avons peut-être pas suffisamment

20 parlé de la création des Krizni Stab. Je pense que nous avons laissé

21 cela de côté. Si Madame et Messieurs les juges le souhaitent, je

22 serais heureuse de la décrire en quelques mots.

23 MAITRE TIEGER : Il est peut-être préférable d’en finir avec la partie

24 présente de l’interrogatoire et d’aborder cela après la pause.

25 LE PRESIDENT : Bien.

Page 1178

1 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Je vous prierais de vous

2 concentrer sur ce qui figure en bas de page. M. Kovacevic est-il

3 interrogé au sujet de la situation en vigueur à Omarska et des

4 enquêtes menées à Omarska ?

5 R. : Oui

6 Q. : D’accord. Se trouve-t-il face à un journaliste auquel il a été dit

7 que des hommes auraient été interrogés au sujet d’Omarska ? Des

8 gardes du camp ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Que répond-il à cette question ?

11 R. : Il répond que des erreurs ont été commises. Il admet que quelques

12 erreurs ont été découvertes, avant d’ajouter que la guerre est la

13 guerre et que des hommes s’enivraient. A ce moment-là, il est

14 interrompu par l’interprète, puis il ajoute : « bien sûr, nous

15 condamnons ces faits, nous cherchons à les élucider. Des hommes ont

16 déjà été arrêtés ».

17 Q. : Le journaliste insiste-t-il pour savoir combien d’hommes ont été

18 arrêtés en raison des erreurs commises à Omarska ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Que lui dit Kovacevic en page 2 de ce document ?

21 R. : Il déclare que ce n’est pas son domaine de travail. Que sa

22 spécialité est l’économie, et qu’il ne sait pas quel est leur

23 nombre, mais que selon lui, ils existent.

24 Q. : M. Kovacevic a-t-il accordé d’autres interviews au sujet d’Omarska ?

25 R. : Oui, il est --- je pense qu’il en a accordé plusieurs autres.

Page 1179

1 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit enregistré en tant que

2 pièce à conviction n° 111 pour identification. (Remise du document).

3 (A l’intention du témoin) : Quel est ce document n° 111, Mme Greve ?

4 R. : Encore une fois, c’est une interview dans laquelle M. Kovacevic

5 répond à des questions.

6 Q. : Répond-il à des questions au sujet d’Omarska ?

7 R. : Oui, c’est cela.

8 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame

9 le Président.

10 LE PRESIDENT : Des objections ?

11 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

12 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 111 est acceptée.

13 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Dans cette interview, M.

14 Kovacevic est interrogé au sujet du nombre de personnes décédées, du

15 côté serbe et du côté musulman ?

16 R. : C ’est exact.

17 Q. : De quoi commence-t-il à parler, à ce moment-là ?

18 R. : A ce moment-là, il fait référence à Jasenovac, qui a été évoqué hier

19 comme étant le camp de la mort le plus connu de la seconde guerre

20 mondiale en Croatie. Une comparaison est également faite avec

21 Auschwitz.

22 Q. : Indique-t-il qu’il est impossible, même aussi longtemps après, de

23 savoir combien de personnes, serbes en l’occurrence, ont été

24 assassinées à Jasenovac ?

25 R. : Oui, il indique que même 50 ans après, ils sont encore incapables de

Page 1180

1 dire combien de personnes ont été tuées à Jasenovac.

2 Q. : En réponse à la question portant sur le nombre de personnes tuées,

3 M. Kovacevic évoque-t-il spontanément, dans cette interview, le

4 problème des camps de la mort, afin d’expliquer pourquoi il est si

5 difficile d’estimer un nombre, de citer un nombre approximatif ?

6 R. : Oui, c’est la comparaison qu’il établit.

7 MAITRE TIEGER : Nous nous apprêtons à projeter la vidéo, Madame le

8 Président. Elle comprend trois séquences et durera environ dix

9 minutes.

10 LE PRESIDENT : Dans ce cas, nous suspendons l’audience pendant 20 minutes,

11 je vous prie.

12 (16 heures)

13 (Brève suspension d’audience)

14 (16 h 20)

15 LE PRESIDENT : Maître Tieger ?

16 MAITRE TIEGER : Merci, Madame le Président. Avant la suspension, nous nous

17 apprêtions à projeter les séquences vidéo sur lesquels se fondent

18 les comptes rendus. Avant cela, nous aimerions fournir au Tribunal

19 trois exemplaires de ces comptes rendus, qui ont été versés au

20 dossier. (Remise des documents). Madame le Président, ces documents

21 sont-ils enregistrés, ont-ils un numéro de pièce à conviction ?

22 LE PRESIDENT : Votre numérotation figure, je crois, en haut à droite. Il

23 s’agit du numéro 4/227. Je vois. J’ai les pièces à conviction n°

24 110, 111, puis une page sur laquelle rien n’est indiqué, le n° 109.

25 MAITRE TIEGER : Avant, il y avait des autocollants sur ces documents.

Page 1181

1 L’ordre exact devrait être le suivant : une interview d’une page de

2 Stakic, une interview de deux pages de Kovacevic, puis un court

3 paragraphe isolé, nouvelle brève interview de Kovacevic. Pouvons-

4 nous projeter, à présent, les séquences vidéo 2, 3 et 4 ?

5 (Projection des séquences vidéo 2, 3 et 4)

6 Pourriez-vous projeter la séquence n° 4, je vous prie ?

7 Merci. Madame le Président, je demande que ce document vidéo soit

8 versé au dossier en tant que pièce à conviction n° 112.

9 LE PRESIDENT : Des objections à la pièce à conviction n° 112 ?

10 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

11 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 112 est acceptée.

12 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, vous avez dit que

13 certains des responsables serbes que nous avons vus étaient membres

14 de l’Etat-major de crise. Pourriez-vous dire au Tribunal si, oui, ou

15 non, l’Etat-major de crise était un organe du gouvernement serbe de

16 facto de l’opstina de Prijedor ?

17 R. : Oui, dans l’opstina, dans l’opstina serbe de Prijedor, l’Etat-major

18 de crise était une sorte de Quartier général de crise. Il comprenait

19 les dirigeants militaires, le chef de la police et les membres les

20 plus influents du SDA, aux côtés de l’un des dirigeants de la mine

21 et des personnalités de diverses composantes de la société, grâce

22 auxquels une étroite coopération était possible.

23 Q. : Mme Greve, vous avez dit que les personnes qui ont été regroupées

24 après l’attaque de Kozarac avaient été envoyées à Omarska, Keraterm

25 ou Trnopolje en fonction de leur sexe et peut-être d’autres

Page 1182

1 facteurs. Où se trouvait Keraterm ?

2 R. : Keraterm se trouvait dans la ville de Prijedor, non loin du centre

3 ville. C’était l’ancienne usine de carrelage en céramique.

4 Q. : Peut-être pourriez-vous nous montrer son emplacement sur la pièce à

5 conviction n° 79 ?

6 R. : C’est l’usine -- elle est désignée sur la carte comme une usine de

7 production d’argile. Le camp se trouvait ici, dans les principaux

8 bâtiments, situés ici.

9 Q. : Ce camp a-t-il été créé et géré par les mêmes autorités que celles

10 qui ont créé et géré le camp d’Omarska ?

11 R. : C’est ce que j’ai compris, oui.

12 Q. : Quel était le nombre approximatif des Musulmans et des Croates, ou

13 plutôt des non-Serbes détenus, en même temps, dans l’usine de

14 Keraterm ?

15 R. : Au maximum, 1 500 environ. Mais je dirais également

16 qu’occasionnellement des Serbes étaient aussi emmenés à Omarska et

17 Keraterm, lorsqu’ils avaient essayé d’aider leurs concitoyens non

18 serbes.

19 Q. : Les conditions en vigueur dans le camp de Keraterm, la

20 surpopulation, l’absence de nourriture, d’hygiène et d’installations

21 sanitaires, étaient-elles comparables à celles d’Omarska, que vous

22 avez brièvement décrites ?

23 R. : Elles étaient plus ou moins les mêmes, effectivement.

24 Q. : Les prisonniers étaient-ils également frappés et tués à Keraterm ?

25 R. : Oui.

Page 1183

1 Q. : Y a-t-il eu des incidents au cours desquels un nombre

2 particulièrement élevé de prisonniers a été tué, à quelque moment

3 que ce soit ?

4 R. : Oui, il y a eu un incident particulier, dans ce camp, qui se compose

5 d’un bâtiment principal avec différentes salles. Une salle portait

6 le n° 3. Au cours de la nuit du 25 au 26 juillet, on estime qu’au

7 moins 150 personnes ont été tuées à la mitrailleuse, dans la nuit,

8 et lorsque leurs corps sans vie ont été emportés, les blessés ont

9 été emportés avec les morts et il y avait peut-être 60 à 80 blessés

10 parmi eux. Ceci est indiqué sur -- je ne suis pas absolument sûre

11 des chiffres, mais il s’agit d’un événement qui a défrayé la

12 chronique. Il a été considéré comme un massacre. J’aimerais attirer

13 votre attention sur le fait qu’une grande route arrive tout près du

14 camp, de sorte qu’à partir de cette grande route, les gens pouvaient

15 voir ce qui se passait, peut-être pas à l’intérieur du camp, mais en

16 tout cas sur les terrains appartenant au camp et les routes ont été

17 bloquées, à la suite de cet incident, pour permettre le nettoyage.

18 Q. : D’autres prisonniers tués à Keraterm ont-ils été assassinés par

19 balle, de la même façon, ou y a-t-il eu d’autres formes d’exécution

20 ?

21 R. : Je pense que ce sont surtout les passages à tabac, des coups de

22 couteau ou la combinaison des deux qui ont provoqué la mort des

23 autres prisonniers tués.

24 Q. : Pouvez-vous nous montrer, je vous prie, où se trouvait le camp de

25 Trnopolje ?

Page 1184

1 R. : En fait, sur cette carte, Trnopolje ne figure pas sous ce nom, mais

2 en tant que stanica Kozarac, c’est-à-dire la gare de Kozarac, mais

3 c’est aussi -- le village de Trnopolje se trouve également ici.

4 Q. : Le camp de Trnopolje était-il géré par les mêmes autorités que

5 celles auxquelles vous avez fait référence précédemment ?

6 R. : Pour l’essentiel, oui, mais aussi par ce qui était, à l’époque, la

7 Croix Rouge locale serbe, qui a joué un rôle important dans la

8 direction de ce camp.

9 Q. : Qui était le chef du camp de Trnopolje ?

10 R. : C’est l’homme auquel il a déjà été fait référence comme étant le

11 chef de la DT, également membre du SDS, Slobodan Kuruzovic.

12 Q. : Est-ce l’homme qui devait, plus tard, être chargé de certaines

13 responsabilités au Kozarski Vjesnik ?

14 R. : C’est exact.

15 Q. : La fonction assignée au camp de Trnopolje différait-elle, de quelque

16 manière que ce soit, de celle qui était assignée aux camps d’Omarska

17 ou de Keraterm ?

18 R. : Oui. Sa fonction principale consistait à servir d’étape, avant la

19 déportation. Il était donc tout à fait opportun qu’il se trouve près

20 d’une gare ferroviaire.

21 Q. : Qui était détenu au camp de Trnopolje ?

22 R. : Ce que l’on peut désigner en quelques mots comme le groupe des

23 femmes, des enfants et des hommes âgés.

24 Q. : De façon générale, quelles étaient les conditions en vigueur à

25 Trnopolje, comparées à celles d’Omarska ou de Keraterm?

Page 1185

1 R. : Bien, bien, bien meilleures. Mais c’était tout de même un camp de

2 concentration, où les difficultés étaient grandes.

3 Q. : Les prisonniers subissaient-ils des violences physiques au camp de

4 Trnopolje ?

5 R. : Oui.

6 Q. : De quelle nature ?

7 R. : Des passages à tabac, comme toujours, ainsi que quelques exécutions

8 arbitraires et pour les femmes, le problème sans doute le plus

9 important était le viol.

10 Q. : Pourriez-vous revenir aux camps d’Omarska et de Keraterm pour

11 quelques instants ? Une quelconque indication permet-elle de savoir

12 quel eût été le sort réservé aux prisonniers d’Omarska et de

13 Keraterm si la presse internationale n’avait pas découvert et

14 démasqué ces camps ?

15 R. : Oui, je pense que cette indication nous est fournie par le chef de

16 la police, Simo Drljaca, dans l’interview accordée par lui. Car à

17 l ’époque, en avril 1993, il indique que c’est uniquement en raison

18 de la pression internationale que les personnes taxées d’extrémisme,

19 d’intégrisme, etc., n’ont pas été punies comme elles le méritaient,

20 et il indique également que cette punition aurait été le châtiment

21 le plus sévère possible ou le plus sévère qui existait.

22 Q. : Je voudrais orienter votre attention sur la pièce à conviction n°

23 92. Au deuxième paragraphe avant la fin -- d’abord, s’agit-il d’une

24 interview de Simo Drljaca ?

25 R. : C’est exact.

Page 1186

1 Q. : Indique-t-il, dans cette interview, que la documentation appropriée

2 prouve que plus de 1 500 Musulmans et Croates ont activement

3 participé au conflit contre la République serbe ?

4 R. : C’est exact.

5 Q. : Dans le cadre de cet article et d’autres déclarations émanant de

6 responsables serbes, les termes « documentation appropriée » font-

7 ils référence aux interrogatoires, aux « conversations

8 informatives » ?

9 R. : Oui. C’est indiqué également deux lignes plus haut.

10 Q. : Sur la base de ces « conversations informatives » et des

11 informations qui en étaient tirées, de quels autres crimes Simo

12 Drljaca accuse-t-il les 1 500 Musulmans et Croates ?

13 R. : D’avoir participé au génocide du peuple serbe.

14 Q. : Se plaint-il du fait que les officiers serbes n’ont pas obtenu

15 l’autorisation de châtier justement ces Musulmans et ces Croates

16 convaincus de participation au génocide ?

17 R. : C’est ainsi que je lis la dernière phrase, oui. La dernière phrase

18 du paragraphe est la suivante : « au lieu de se voir infliger le

19 juste châtiment qu’ils méritaient, les puissants du monde occidental

20 nous ont contraints à tous les libérer de Manjaca ».

21 Q. : Merci. Au moment où l’existence du camp a été découverte, où les

22 prisonniers ont été transférés d’Omarska à Manjaca et Trnopolje,

23 quelle était, de façon générale, leur condition physique ?

24 R. : Ils avaient perdu beaucoup de poids. Nous y reviendrons

25 ultérieurement, mais je souligne que des hommes ont été amenés en

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1 grand nombre à Omarska et à Keraterm en deux occasions : d’une part,

2 après l’attaque contre Kozarac, immédiatement consécutive à

3 l’attaque contre la ville de Prijedor, puis à la fin du mois de

4 juillet, après le 20 juillet, lorsque la région de Ljubija a été

5 encerclée, attaquée et ethniquement nettoyée, comme on dit. Donc,

6 certaines personnes se trouvaient dans les camps depuis la fin du

7 mois de mai ou le début du mois de juin, et nombre d’entre elles

8 avaient perdu jusqu’à 20 ou 30 kilos, ou même davantage.

9 MAITRE TIEGER : Je demande que cette photographie, déjà remise à la

10 Défense, soit versée au dossier. Il s’agit de la pièce à conviction

11 n° 113. C’est la photo 5/1/04.

12 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

13 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 113, ou plutôt, y a-t-il des

14 objections à la pièce à conviction n° 113 ? Elle est acceptée.

15 MAITRE TIEGER : Peut-on la placer sur le rétroprojecteur, je vous prie ?

16 (A l’intention du témoin) : Mme Greve, est-ce la photo d’un prisonnier

17 récemment libéré d’Omarska au moment où la photo a été prise ?

18 R. : Je ne sais pas si l’emploi du mot « libéré » convient. Il avait été

19 transféré à Trnopolje, mais avait été détenu à Omarska.

20 Q. : La photo montre dans quelle condition physique il se trouvait

21 immédiatement, ou peu de temps après son transfert d’Omarska ?

22 R. : C’est exact.

23 Q. : Je vous ai interrogée au sujet de la principale différence qui

24 distinguait le rôle assigné aux camps d’Omarska, de Keraterm et de

25 Trnopolje. Vous avez indiqué que le camp de Trnopolje servait

Page 1188

1 également de centre de déportation. Qu’est-il arrivé à la majorité

2 des prisonniers détenus au camp de Trnopolje ?

3 R. : La majorité a été déportée hors de l’opstina Srpska, hors de

4 l’opstina de Prijedor.

5 Q. : Par quels moyens ont-ils été déportés ?

6 R. : Je ne suis pas en mesure de dire si la majorité a été déportée par

7 le rail ou par la route, mais les deux moyens ont été utilisés. On

8 rapporte que 25 wagons à bestiaux se trouvaient parfois, en même

9 temps, en transit, à la gare de Banja Luka. Un grand nombre de

10 prisonniers a donc été transporté par le rail, essentiellement dans

11 des wagons à bestiaux, comme cela a été le cas au cours des

12 déportations de la seconde guerre mondiale.

13 LE TEMOIN (sic) : Je demande que ce document soit enregistré pour

14 identification en tant que pièce à conviction n° 114. (Remise du

15 document). (A l’intention du témoin) : Mme Greve, de quel document

16 s’agit-il ?

17 R. : Il s’agit d’une communication à la presse émanant du Comité

18 international de la Croix rouge. Il est daté du 2 octobre 1992.

19 MAITRE TIEGER : Je demande que la pièce à conviction n° 114 soit versée au

20 dossier.

21 LE PRESIDENT : Des objections ?

22 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

23 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 114 est acceptée.

24 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, la pièce à

25 conviction n° 114 rend-elle compte de l’évacuation de certains

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1 prisonniers du camp de Trnopolje ?

2 R. : Oui, et nous sommes plus loin dans le temps, c’est-à-dire qu’il

3 s’agit d’une évacuation, pas d’une déportation. Au moment évoqué

4 dans ce document, le Comité international de la Croix rouge avait

5 reçu l’autorisation d’entrer dans les camps, et notamment dans celui

6 de Trnopolje; ils demandent l’autorisation d’évacuer les gens et en

7 particulier certains de ceux qui avaient déjà été libérés d’Omarska

8 et de Keraterm.

9 Q. : La libération des prisonniers de Trnopolje, effectuée par voie de

10 déportation au début, puis par voie d’évacuation grâce au CICR,

11 était-elle conditionnée par l’abandon de quelque chose de la part

12 des prisonniers ?

13 R. : Oui, il leur fallait signer un document spécial, par lequel ils

14 abandonnaient tous leurs biens matériels et acceptaient, en outre,

15 de ne pas revenir dans l’opstina serbe de Prijedor.

16 MAITRE TIEGER : Je demande que ce document soit enregistré pour

17 identification en tant que pièce à conviction n° 115. (Remise du

18 document). (A l’intention du témoin) : De quel document s’agit-il,

19 Mme Greve ?

20 R. : C’est la citation de l’article 11 d’un accord conclu le 1er octobre

21 1992 au sujet de la libération et du transfert des prisonniers.

22 Cette citation faisait partie de mon étude, mais elle provient - à

23 l’époque, je possédais le texte original de l’accord -- c’est une

24 photocopie du texte original de l’accord.

25 MAITRE TIEGER : Nous demandons que ce document n° 115 soit versé au

Page 1190

1 dossier.

2 LE PRESIDENT : Des objections ?

3 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

4 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 115 est acceptée.

5 MAITRE ORIE : Nous avons des difficultés à trouver la -- une copie de

6 cette pièce à conviction serait-elle disponible à notre intention,

7 car nous avons des difficultés à la retrouver en cet instant ?

8 (Remise du document). Merci, Madame le Président.

9 LE PRESIDENT : Pas d’objection à la pièce n° 115 ?

10 MAITRE ORIE : Toujours pas d’objection, Madame le Président.

11 LE PRESIDENT : Elle est donc acceptée.

12 MAITRE TIEGER : (A l’intention du témoin) : Mme Greve, je vous renvoie à

13 la pièce à conviction n° 115, l’article 11 scelle un accord conclu

14 par quelles parties ?

15 R. : C’est l’accord proposé par le Comité international de la Croix

16 rouge. Il est conclu et signé par différentes parties prenantes au

17 conflit de Bosnie-Herzégovine, notamment par un représentant de

18 Radovan Karadzic.

19 Q. : L’article 11 rend-il compte du fait que, selon les responsables du

20 CICR, la libération des prisonniers du camp de Trnopolje dépendait

21 de l’abandon volontaire, par ces derniers, des biens qu’ils

22 détenaient et de leur renonciation à un quelconque droit au retour ?

23 R. : Je ne sais pas si le sens conféré par le CICR à cet article était

24 lié à ce qu’ils avaient déjà vécu à Trnopolje ou s’il se fondait sur

25 l’interprétation générale que celui-ci faisait des événements, car

Page 1191

1 cette pratique, nous l’avons constatée, la Commission d’experts l’a

2 constatée un peu partout en Bosnie-Herzégovine, dans les régions

3 ayant subi le nettoyage ethnique. Le CICR aurait sans doute pu tirer

4 cette information de n’importe quelle région, à cet égard. Mais cet

5 article tend à prouver que le CICR était conscient que la signature

6 de ce genre de document était demandée à deux catégories de

7 personnes, les prisonniers sur le point d’être libérés ou transférés

8 et les civils.

9 Q. : D’accord, donc cette pratique n’était pas spécifique au camp de

10 Trnopolje ?

11 R. : Non.

12 Q. : L’article 11 rend-il compte du fait que cette pratique était connue

13 comme étant en vigueur, plus généralement, dans les camps de toute

14 la Bosnie ?

15 R. : Il rend compte du fait qu’il s’agissait d’un problème généralisé,

16 que la façon de procéder était générale, oui.

17 Q. : Les prisonniers de Trnopolje s’exécutaient-ils en signant un tel

18 document, afin d’être libérés ?

19 R. : Oui, et le CICR leur conseillait, en fait, de le signer, car c’était

20 la condition préalable au départ, donc le Comité international de la

21 Croix rouge conseillait effectivement aux gens de signer pour

22 pouvoir partir.

23 Q. : Tous ceux qui ont été déportés hors de Trnopolje grâce à

24 l’intervention du CICR, pendant la durée de fonctionnement de ce

25 camp, ont-ils atteint un lieu sûr après leur sortie du camp ?

Page 1192

1 R. : Non. Il y avait deux obstacles principaux : les conditions de

2 transport, l’absence d’air frais, de nourriture et d’eau, le fait

3 que le voyage pouvait durer plusieurs jours, de sorte que les

4 personnes les moins valides, les bébés ou les personnes âgées, ne

5 parvenaient pas toujours au bout. Il était normal, à la fin du

6 voyage, que l’on demande aux déportés de continuer à pied, il leur

7 fallait souvent traverser la ligne de front, qui était minée, on

8 tirait au-dessus de leurs têtes et, parfois, sur un groupe de gens

9 en marche.

10 Q. : Des incidents particuliers se sont-ils produits, au cours desquels

11 un grand nombre de prisonniers déportés ou évacués ne sont pas

12 parvenus à atteindre un lieu sûr ?

13 R. : Oui, un incident particulier s’est produit; à cet égard, il serait

14 peut-être utile, si je puis me permettre de le proposer, de

15 reprendre la carte générale de la Bosnie-Herzégovine, de façon à

16 montrer dans quelle direction les gens se déplaçaient.

17 Q. : Certainement. La pièce à conviction n° 78 peut-elle être remise au

18 témoin ?

19 R. : Comme on le voit sur cette carte, la route va de Prijedor à Banja

20 Luka, puis se poursuit jusqu’à Doboj, et à partir d’ici, elle

21 redescend. Il était fréquent que les gens soient emmenés en train

22 jusqu’à un endroit situé un peu plus loin que Doboj, puis qu’on leur

23 demande de continuer à pied dans la direction -- excusez-moi, je

24 devrais lire la carte plus attentivement. Certains partaient vers

25 Tuzla, d’autres vers Zenica. Mais dans la direction de Zenica, les

Page 1193

1 gens étaient aussi déportés par la route, auquel cas ils allaient,

2 par la route, de Banja Luka vers Zenica et/ou passaient d’abord par

3 Travnik. Ces régions de Bosnie-Herzégovine étaient contrôlées par le

4 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, à l’époque.

5 Le long de cette route, vous verrez un endroit dénommé Skender Vakuf

6 -- il a été souligné qu’il s’agissait également d’une opstina --,

7 puis la route se poursuit, et un peu au sud-est de Skender Vakuf, il

8 y a une montagne dénommée Vlasic. Sur cette montagne, le 22 août

9 1992, si ma mémoire est bonne, 250 ou 300 hommes déportés par la

10 route ont, apparemment, reçu l’ordre de quitter la colonne des

11 véhicules servant à la déportation et de grimper la montagne, je

12 parle des prisonniers, des déportés. Il s’agissait, pour

13 l’essentiel, d’hommes qui avaient été détenus à Keraterm et pour

14 quelques-uns d’entre eux, à Omarska. Ils ont reçu l’ordre de sortir

15 de la colonne, d’aller jusqu’au bord d’une falaise, de se mettre à

16 genoux, et ont été abattus. Nous n’avons pu en retrouver que très

17 peu, quatre, cinq, six, qui ont survécu.

18 Mais cet incident est également étayé, dans une certaine mesure, par

19 des documents; en effet, il s’est produit en dehors de l’opstina de

20 Prijedor et le commandant militaire, le commandant militaire serbe,

21 du lieu où il s’est produit, n’a guère apprécié de voir tant de

22 prisonniers tués dans la zone placée sous sa responsabilité. Donc,

23 ils ont pratiquement tous été abattus sur le bord de la falaise,

24 avant de tomber au bas de la falaise.

25 Q. : Mme Greve, vous avez indiqué que ces camps ont commencé à

Page 1194

1 fonctionner activement après l’attaque de Kozarac, survenue le 24

2 mai. Le nettoyage des communautés musulmane et croate de l’opstina

3 de Prijedor a-t-il cessé au moment de l’attaque, lors du

4 regroupement des habitants de Kozarac ?

5 R. : Non et l’on peut ajouter qu’il n’a pas commencé avec l’attaque de

6 Kozarac, mais au même moment, à partir de la mi-mai 1992, des

7 membres de l’élite étaient sélectivement regroupés. On les faisait

8 sortir de la ville de Prijedor et lorsque le grand nettoyage a eu

9 lieu dans la région de Kozarac, il a duré quelque temps, car

10 certains avaient réussi à se cacher dans des abris, dans les

11 villages et les hameaux proches, mais leur sort n’a pas été plus

12 enviable que celui des autres. Ceux qui n’ont pas été regroupés

13 immédiatement sont sans doute morts, le pourcentage de morts est

14 sans doute supérieur parmi eux.

15 Q. : Dans la ville même de Prijedor, ou dans l’opstina, y a-t-il eu des

16 actes de résistance coordonnée contre les dirigeants responsables de

17 la prise de la ville ?

18 R. : Pas dans la ville même de Prijedor, mais pourrais-je changer de

19 carte ?

20 LE PRESIDENT : Quelle carte souhaitez-vous voir ?

21 MAITRE TIEGER : Je pense que vous avez besoin de la pièce à conviction n°

22 79.

23 LE PRESIDENT : 79 ?

24 MAITRE TIEGER : Oui, je crois que la pièce à conviction n° 79 est la carte

25 dont les juges ont une copie.

Page 1195

1 R. : Sur cette carte, nous voyons la ville de Prijedor, la rivière Sana

2 et la rive gauche de la Sana. Nous voyons le village de Hambarine,

3 attaqué avant Kozarac, et une zone boisée, dénommée Kurevo, vers

4 laquelle quelques personnes ont fui. Parmi elles, certaines

5 personnes qui ont organisé une résistance armée, sous la conduite

6 d’un Croate dénommé Slavko Ecimovic, qui devait mourir plus tard à

7 Omarska. Un groupe d’environ 150 personnes a lancé une attaque sur

8 la ville de Prijedor en vue de reprendre le pouvoir aux Serbes.

9 Q. : Quel a été le succès de cette attaque ?

10 R. : Cette attaque n’a eu aucun succès. C’est-à-dire qu’ils avaient peut-

11 être pensé être appuyés depuis l’intérieur de Prijedor, mais il

12 n’ont reçu aucun appui. Ils n’étaient pas bien armés et ont été

13 dispersés et chassés, quelques-uns ont même été tués, en quelques

14 heures. Ils avaient traversé la rivière Sana et étaient entrés dans

15 le quartier ancien de la ville de Prijedor, appelé Stari Grad.

16 Q. : J’aimerais attirer votre attention sur la pièce à conviction n° 93.

17 En examinant cette pièce à conviction n° 93, y voyez-vous une

18 référence aux efforts mis en oeuvre par ces 150 personnes environ

19 pour reprendre Prijedor ?

20 R. : Oui, en effet. La référence les concernant parle de bérets verts,

21 c’est ainsi qu’étaient désignées, je le répète, les unités

22 militaires ou paramilitaires musulmanes.

23 Q. : Vous avez indiqué que les personnes qui ont mené à bien cette

24 attaque n’étaient pas particulièrement bien armées. Possédaient-

25 elles des armes lourdes, des blindés, de l’artillerie ?

Page 1196

1 R. : Non, ils n’avaient que des fusils légers, des mitrailleuses et peut-

2 être quelques grenades, peut-être des lance-grenades, mais ils

3 n’avaient pas d’artillerie et aucun équipement lourd.

4 Q. : Etaient-ils tous armés ?

5 R. : Ils n’étaient pas tous armés.

6 Q. : Pour quelle raison ?

7 R. : N’ayant pas pu se procurer les armes nécessaires, et aussi sans

8 doute parce qu’ils ont pensé qu’en entrant dans la ville, ils

9 pourraient recevoir l’aide de certains habitants, qu’il leur serait

10 possible de déclencher une sorte de rébellion, mais cela n’a pas été

11 possible.

12 Q. : Selon les autorités serbes, combien de temps a-t-il fallu pour

13 vaincre ces 150 personnes mal armés ?

14 R. : Plusieurs heures.

15 Q. : L’attaque a alors pris fin ?

16 R. : L’attaque a alors pris fin, du côté des attaquants, en tout cas.

17 Q. : D’accord. Radio-Prijedor a-t-elle annoncé cette attaque ?

18 R. : Oui, Radio-Prijedor l’a annoncée aux premières heures du matin, en

19 disant avant tout aux gens de rester chez eux, de garder leur calme

20 et de ne pas avoir peur, car les autorités serbes allaient

21 rapidement prendre le contrôle des événements.

22 Q. : A-t-on conseillé aux Musulmans et aux Croates de Prijedor de faire

23 quelque chose de particulier ?

24 R. : Oui, on leur a conseillé de se servir de draps, de tissu, de

25 couvertures ou de toute autre matière de couleur blanche qu’ils

Page 1197

1 pourraient trouver pour marquer leurs maisons et indiquer qu’ils

2 s’étaient rendus ou étaient loyaux aux autorités serbes de la ville

3 de Prijedor.

4 Q. : Que s’est-il passé, ce jour-là, dans les quartiers de Prijedor,

5 après que les habitants Musulmans et Croates, ou en tout cas ceux

6 qui avaient entendu la consigne, ont placé un drapeau blanc à la

7 fenêtre pour identifier leur maison ?

8 R. : Un certain nombre des quartiers de Prijedor a été ethniquement

9 nettoyé, ce matin-là. Des groupes armés serbes, des paramilitaires,

10 des policiers et des habitants locaux y sont entrés, après avoir été

11 informés de l’arrivée des attaquants, et ont repris le flambeau; ils

12 ont demandé à tous les habitants non serbes des maisons ainsi

13 marquées de sortir dans la rue, après quoi, ils les ont répartis en

14 deux catégories : le groupe des hommes de 12-15 à 60-65 ans et le

15 groupe des femmes, avec les enfants et les hommes âgés. Ils les ont

16 ensuite emmenés, les hommes à Keraterm et à Omarska, les femmes à

17 Trnopolje. Je devrais peut-être ajouter qu’à ce moment-là, les camps

18 étaient tellement surpeuplés qu’il était très difficile d’y trouver

19 de la place pour de nouveaux arrivants. Ainsi, quelques femmes ont

20 été emmenées dans un gymnase, une salle de sport, Mladost, située

21 dans la ville même, qui a aussi servi d’étape. D’autres ont d’abord

22 été détenus dans des écoles, en attendant que de la place se libère

23 dans les trois camps, pour les différentes catégories.

24 Q. : Des parties de la ville de Prijedor ont-elles été détruites ?

25 R. : Oui, la partie la plus détruite a été Stari Grad, c’est-à-dire la

Page 1198

1 vieille ville, située aux abords de la rivière Sana et bordée, des

2 trois autres côtés, par un canal. On dit que ce quartier abritait de

3 très anciens bâtiments, d’une très belle architecture d’origine

4 musulmane. Il a été rasé. D’après la presse, il ne restait, ensuite,

5 que quelques rares bâtiments debout. Mais tous les bâtiments n’ont

6 pas été détruits au cours de l’attaque, certains ont été rasés plus

7 tard.

8 Q. : Le nettoyage des Musulmans et des Croates s’est-il poursuivi dans

9 d’autres parties de l’opstina ?

10 R. : Oui. Je devrais m’empresser d’ajouter que dans cette période, après

11 le nettoyage de la région de Kozarac et de la ville de Prijedor, je

12 crois que pour de simples raisons logistiques, il était impossible

13 de poursuivre immédiatement le nettoyage dans d’autres régions. Mais

14 celui-ci a continué, dans des villes, des hameaux, des maisons. Ils

15 arrivaient dans une maison, arrêtaient une personne et faisaient

16 peser une intense pression sur le reste de la population. A cette

17 époque, on leur demandait également de porter un brassard blanc sur

18 le bras, qui les distinguait des autres lorsqu’ils circulaient dans

19 la rue. Pratiquement n’importe quel Serbe pouvait pénétrer dans la

20 maison d’un non-Serbe et exiger de lui ce qu’il voulait, qu’il lui

21 livre ses biens ou sa femme. Aucun membre de la communauté non serbe

22 ne bénéficiait plus d’aucune protection légale.

23 Q. : Où et à quel moment s’est déroulée la dernière grande opération de

24 nettoyage ?

25 R. : La dernière grande opération de nettoyage s’est concentrée sur les

Page 1199

1 régions qui avaient encore une population non serbe, à savoir la

2 région de Ljubija, de Hambarine et la forêt de Kurevo. Toutes ces

3 régions se trouvent sur la rive ouest de la rivière Sana.

4 Q. : Peut-on remettre de nouveau à Mme Greve la pièce à conviction n° 79

5 ?

6 R. : La rivière Sana se trouve ici, la rive gauche de la rivière Sana

7 ici, Ljubija ici, Hambarine ici. Je devrais peut-être citer d’autres

8 noms que vous avez sans doute entendus dans la bouche d’autres

9 témoins : Rakovcani, Ecimovic, Biscani et Carakovo. Toute cette

10 région est fréquemment désignée sous le nom de « Brdo », qui

11 signifie montagne. C’est une région montagneuse et boisée, Ljubija,

12 je le répète étant une vaste extension de ce grand complexe minier.

13 Q. : Quel est le nombre approximatif des non-Serbes qui vivaient dans la

14 région lors de cette dernière grande opération de nettoyage ?

15 R. : Ce nombre est estimé à environ 20 000 au total. Je devrais ajouter

16 que si l’on se dirige vers le sud de Ljubija, on est encore dans

17 l’opstina de Prijedor, dans des villages essentiellement habités par

18 des Croates. Il n’y avait que 5,6 % de Croates dans l’opstina, selon

19 le recensement de 1991, dont un grand nombre vivait dans la région

20 de Ljubija et au sud de celle-ci.

21 Q. : Le rétroprojecteur peut-il faire le point sur la région située entre

22 Prijedor et Kozarac. Je vous demanderais de vous déplacer

23 chronologiquement dans la période que vous avez décrite cet après-

24 midi, qui aboutit à la dernière grande opération de nettoyage, dans

25 la région de Hambarine. Vous avez déjà indiqué que la première

Page 1200

1 attaque a affecté Hambarine et s’est poursuivie le lendemain dans la

2 région de Kozarac, qui figure ici. Certains des habitants de la

3 région de Kozarac, qui recouvre cette vaste région que vous nous

4 avez montrée, ont-ils fui dans diverses directions ?

5 R. : Oui, ils ont tenté de fuir dans diverses directions, mais encore une

6 fois, il leur a été extrêmement difficile de s’échapper. Certains

7 ont, finalement, été regroupés alors qu’ils tentaient de gravir la

8 montagne pour atteindre le versant nord de la montagne de Kozara.

9 D’autres ont été regroupés par les Nations Unies et livrés aux

10 Serbes. D’autres encore ont tenté de fuir dans d’autres directions.

11 A un certain moment, le camp de Trnopolje étant surpeuplé, il a été

12 décidé que des femmes et des enfants pouvaient aller vivre avec des

13 parents. Certains de ces parents vivaient dans le quartier de

14 Puharska, un quartier majoritairement musulman de Prijedor, d’autres

15 sont allés dans un village dénommé Cela, qui se trouve de l’autre

16 côté de l’étang, du lac de barrage de Kozara et un certain nombre a

17 sans doute tenté d’atteindre la région de Ljubija. Mais leur liberté

18 de circulation était sévèrement restreinte, à l’époque.

19 Q. : Au cours des semaines qui ont suivi l’attaque de Kozarac, la région

20 a-t-elle été systématiquement nettoyée des Musulmans et des Croates,

21 un par un, village par village ?

22 R. : Oui, pratiquement maison par maison.

23 Q. : Cette région recouvre-t-elle la zone que nous voyons au sud de

24 Kozarac ?

25 R. : Elle recouvre toutes les zones que nous voyons ici. En nous

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1 dirigeant, par exemple, vers la région d’Orlovci, dans cette

2 direction, nous trouvons des zones à prédominance serbe, mais il est

3 permis de dire que pratiquement chaque village, chaque hameau,

4 chaque lotissement, a été nettoyé de sa population non serbe. Il

5 convient de mentionner, également, qu’avant la grande attaque contre

6 la région de Kozarac et, plus tard, contre la rive gauche de la

7 rivière Sana, avant l’attaque de Stari Grad par les Musulmans,

8 également, les Serbes avaient été alertés, d’une façon ou d’une

9 autre et étaient pratiquement tous partis. Bien sûr, il restait

10 quelques personnes qui n’avaient pas souhaité partir.

11 LE PRESIDENT : Mme Greve, pour le procès-verbal, qu’entendez-vous par

12 « nettoyer » ?

13 R. : Je devrais d’abord vous prier de m’excuser pour l’emploi de ce

14 terme. C’est un euphémisme. « Nettoyer ethniquement » signifie

15 nettoyer par la force ou la violence armée, après encerclement.

16 Toute personne survivant à un tel encerclement était transférée dans

17 des camps tels qu’Omarska ou Keraterm, pour les hommes, ou promise à

18 la déportation, pour les femmes. Cela revient à dire qu’il n’y avait

19 plus de place pour eux dans l’opstina serbe de Prijedor.

20 MAITRE TIEGER : Au cours de cette période, qui s’étend du 24 mai, en fait

21 du 23 mai jusqu’à l’attaque de Hambarine, en juillet, certaines

22 personnes ont-elles tenté de fuir vers la région de Hambarine ?

23 R. : Oui, en effet.

24 Q. : A quel moment a eu lieu la dernière grande attaque ?

25 R. : Elle a commencé le 20 juillet 1992.

Page 1202

1 Q. : Comment cette attaque a-t-elle commencé ?

2 R. : Encore une fois, la région a été bombardée, puis manifestement

3 encerclée par les troupes, qui venaient de toutes les directions.

4 Par « troupes », je fais référence aux forces militaires régulières

5 ainsi qu’aux troupes de réserve, aux groupes paramilitaires, aux

6 unités de la police et à la police de réserve, ainsi qu’à quelques

7 Serbes locaux.

8 Q. : Ces unités sont arrivées après le bombardement ?

9 R. : Oui, elles sont arrivées à ce moment-là.

10 Q. : Cette opération de nettoyage s’est-elle distinguée, de quelque façon

11 que ce soit, de celles qui l’avaient précédée, à Hambarine en mai, à

12 Kozarac en mai ou lors des opérations de nettoyage plus limitées qui

13 ont suivi ?

14 R. : Il est difficile de le dire avec précision, mais il est possible que

15 les exécutions immédiates aient été plus nombreuses lors de cette

16 dernière attaque, excusez-moi, que lors des opérations de nettoyage

17 précédentes. Je ne sais pas si cela a quoi que ce soit à voir avec

18 le fait qu’il y avait encore de nombreux prisonniers à Omarsaka et à

19 Keraterm et que, lorsqu’ils regroupaient les prisonniers, ils ne

20 trouvaient pas, apparemment, de place pour eux. On rapporte donc que

21 des bus entiers de prisonniers ont été tués.

22 JUGE STEPHEN : Je ne suis pas sûr de comprendre dans quelle région cela

23 s’est passé.

24 MAITRE TIEGER : Excusez-moi, Monsieur le juge. Pourrions-nous revenir sur

25 la pièce à conviction n° 79 ? Je vous prie de m’excuser de m’être

Page 1203

1 écarté de la carte.

2 Mme Greve, vous avez indiqué où se trouvaient Kozarac ainsi que les

3 régions où ont eu lieu, par la suite, d’intermittentes opérations de

4 nettoyage systématique. Vous venez de parler de la dernière grande

5 opération de nettoyage. Pouvez-vous montrer au Tribunal dans quelle

6 région elle s’est déroulée ?

7 R. : Oui. Il s’agit de la région de Hambarine et Ljubija. Elle se trouve

8 sur la rive gauche. Peut-être pouvons-nous voir les détails sur

9 cette carte, d’abord au nord de Hambarine. En fait, tout ce qui se

10 trouve entre Prijedor et cette zone, située plus haut, ou plutôt

11 toute la région de la rive gauche de la rivière Sana, a été nettoyée

12 au cours d’opérations ultérieures plus limitées, et ici, nous sommes

13 sur la rive est de la rivière Sana, où se trouve le lac de barrage.

14 Mais, à l’époque dont nous parlons, le nettoyage a concerné la

15 région située entre la ville de Prijedor et les villages de Biscani

16 et Hedici, situés plus haut, et entre la ville de Prijedor et la

17 région de Ljubija, située plus bas, ainsi que toutes les régions

18 situées entre la rivière Sana et les routes. Ceci est la grande

19 route, c’est la grande route qui mène à Sanski Most. On sait aussi

20 que des troupes, la 6e Brigade de la Sana, par exemple, sont venues

21 de Sanski Most participer à cette opération de nettoyage.

22 Q. : Où ont été emmenés les Musulmans et les Croates qui ont survécu au

23 pilonnage et à l’invasion des troupes ultérieure ?

24 R. : Le groupe des hommes a été emmené à Keraterm et à Omarska. Le groupe

25 des femmes, des enfants et des hommes âgés à Trnopolje. Certaines

Page 1204

1 personnes ont sans doute été déportées directement du stade

2 d’athlétisme qui devait être construit à Tukovi, banlieue de

3 Prijedor, sur la rive gauche de la rivière Sana.

4 Q. : Finalement, si elles survivaient aux camps, ces personnes devaient

5 être déportés hors de l’opstina de Prijedor ?

6 R. : C’est exact.

7 Q. : Vous avez évoqué l’un des contingents des forces armées qui ont

8 participé à la dernière action de nettoyage menée à Hambarine. Je

9 voudrais vous poser quelques questions au sujet de certaines des

10 forces armées qui ont participé au nettoyage dont vous venez de

11 parler, à Kozarac, Hambarine, etc. Des responsables serbes nous

12 apprennent-ils quelles étaient certaines des unités militaires ayant

13 participé à ces opérations de nettoyage ?

14 R. : Oui, car elles les ont fêtées par la suite.

15 Q. : A cet égard, j’aimerais attirer votre attention sur cette pièce à

16 conviction, dont je demande qu’elle soit enregistrée pour

17 identification sous le n° 116. Quel est ce document, Mme Greve ?

18 R. : C’est, à nouveau, un article du Kozarski Vjesnik, daté du 20 mai

19 1994. Il est intitulé : « pour la fierté et l’honneur de la

20 patrie ».

21 Q. : Cet article a-t-il été écrit en l’honneur de la journée de la 43e

22 Brigade mécanisée de Prijedor ?

23 R. : C’est exact.

24 Q. : Nous demandons que ce document soit versé au dossier.

25 LE PRESIDENT : Des objections ?

Page 1205

1 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

2 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 116 est acceptée.

3 MAITRE TIEGER : Mme Greve, au deuxième paragraphe de la page 3, cet

4 article indique-t-il à quel endroit la 43e Brigade mécanisée de

5 Prijedor a participé aux actions menées dans l’opstina de Prijedor ?

6 R. : Oui. Il fait référence à Prijedor qui, dans ce contexte, doit être

7 la ville de Prijedor, à Kozarac, Kurevo, la zone boisée située sur

8 la rive gauche de la rivière Sana, à Panjik, Hambarine et ce qu’ils

9 appellent des bastions mudjahiddines.

10 Q. : Les unités de la 43e Brigade ont-elles participé, avec d’autres

11 contingents des forces militaires serbes, à d’autres opérations de

12 nettoyage ?

13 R. : Oui, la participation à ces opérations à Novi Grad, Kljuc, Sanski

14 Most et Krupa, sur la rivière Una, est mentionnée.

15 Q. : Aux côtés de quelles autres unités militaires ?

16 R. : La 5e de Kozara et la 6e de Krajina. La 6e de Krajina est celle à

17 laquelle j’ai déjà fait référence sous le nom de 6e de Sana. Elle

18 était stationnée à Sanski Most, qui est une ville et une opstina

19 située au sud de Prijedor.

20 Q. : Puis-je, à présent, attirer votre attention sur ce document, dont je

21 demande qu’il soit enregistré, pour identification, en tant que

22 pièce à conviction n° 117 ?

23 R. : Peut-être qu’avant cela, je pourrais souligner que dans le

24 paragraphe suivant, il est fait référence à la 5e Brigade de Kozara

25 et à la 6e de Grmec. J’ai cru comprendre que le Quartier général de

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1 la 6e Brigade de Krajina, dont j’ai déjà parlé, se trouvait sur un

2 plateau, sur une petite montagne appelée Grmec. C’est donc à la même

3 Brigade qu’il est fait référence sous les noms de 6e de Grmec et 6e

4 de Krajina.

5 Q. : Mme Greve, quel est ce document ?

6 R. : Encore une fois, c’est un article du Kozarski Vjesnik daté du 6 août

7 1994 : « persistant dans la défense du peuple serbe, le chemin de la

8 guerre de la 5e Brigade de Kozarac ».

9 Q. : Je demande que ce document soit versé au dossier.

10 LE PRESIDENT : Des objections à la pièce à conviction n° 117 ?

11 MAITRE ORIE : Pas d’objection.

12 MAITRE TIEGER : Mme Greve, comme vous l’avez indiqué, cet article évoque

13 le chemin de la guerre de la 5e Brigade de Kozarac ?

14 R. : C’est exact.

15 Q. : Cet article indique-t-il pour quelles raisons la 5e Brigade de

16 Kozarac a été créée ?

17 LE PRESIDENT : Excusez-moi, y a-t-il des objections à la pièce à

18 conviction n° 117 ?

19 MAITRE ORIE : Il n’y a pas d’objection, Madame le Président.

20 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 117 est acceptée. Pouvez-vous

21 répéter votre question ?

22 MAITRE TIEGER : Mme Greve, y a-t-il une indication des raisons pour

23 lesquelles la 5e Brigade de Kozarac a été créée ?

24 R. : Oui. Au premier paragraphe. Il y est précisément stipulé que la 5e

25 Brigade de Kozarac a été créée en tant que formation territoriale

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1 des forces armées de l’ex-Yougoslavie destinée à mener la guerre

2 dans la région de la municipalité de Prijedor.

3 Q. : Cet article indique-t-il, plus bas sur cette page, où la 5e Brigade

4 de Kozarac a mené ses opérations ? Je me permets de vous renvoyer au

5 dernier passage de ce long paragraphe.

6 R. : Les troupes et les officiers qui les commandaient ont grandement

7 contribué à préparer la prise du pouvoir par les Serbes de Prijedor,

8 ainsi qu’au nettoyage des intégristes musulmans de la ville.

9 Q. : L’article indique-t-il à quelle date la 5e Brigade de Kozarac a mis

10 fin, avec succès, à ses opérations de guerre à Prijedor ?

11 R. : Le 1er août 1992, elle a pu répondre à d’autres obligations.

12 Q. : Les opérations de nettoyage étaient-elles largement terminées à

13 cette date ?

14 R. : C’est exact.

15 Q. : Je demande que ce document soit enregistré en tant que pièce à

16 conviction n° 118 pour identification, je vous prie. Quel est ce

17 document, Mme Greve ?

18 R. : C’est, encore une fois, un article du Kozarski Vjesnik daté du 29

19 juillet 1994. Il est intitulé : « la Brigade sur le long et

20 honorable chemin de la guerre. Le chemin de la guerre de la 5e

21 Brigade de Kozarac. Immense contribution à la cause de la liberté ».

22 Q. : Je demande que ce document soit versé au dossier.

23 LE PRESIDENT : Des objections ?

24 MAITRE ORIE : Pas d’objection, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 118 est acceptée.

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1 MAITRE TIEGER : Mme Greve, puis-je vous renvoyer au dernier paragraphe de

2 la quatrième page de cet article ? Y est-il indiqué dans quel

3 endroit la 5e Brigade de Kozarac a participé aux opérations de

4 nettoyage, et avec quelles unités ?

5 R. : Sous l’intitulé : « 20 mai 1992 », il est fait référence

6 au « rassemblement du premier bataillon, composé des troupes de

7 Slavonie et de quelques nouvelles recrues, dans le village de

8 Jaruge, Prijedor. Participation ultérieure aux batailles pour la

9 libération des villages de Kozarac, au cours d’une opération

10 conjointe menée par le 1er bataillon de la 43e Brigade de transport

11 et des parties du 2e bataillon de notre Brigade, déjà rassemblées

12 dans le village de Gornji Garevci », qui est un village à

13 prédominance serbe.

14 MAITRE TIEGER : Madame et Messieurs les juges, souhaitez-vous que je

15 poursuive ?

16 LE PRESIDENT : Non. Il est 17 h 30. J’avais simplement une question, qui

17 portait sur l’endroit d’où venaient ces troupes. Où ont-elles obtenu

18 leur équipement et qui les composait ? S’agissait-il de Serbes de

19 Bosnie, de Serbes de la région de Prijedor ou d’ailleurs ? Mais je

20 suppose que nous pourrons voir cela demain.

21 Mme Greve, vous pouvez disposer jusqu’à demain, 10 heures. Merci

22 d’être venue.

23 Nous avons à parler de notre plan de travail de la semaine

24 prochaine, Maître Niemann ?

25 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.

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1 (Départ du témoin)

2 LE PRESIDENT : Comme vous l’avez indiqué ce matin, Maître Niemann, vous

3 avez entendu que cette Chambre d’instance devra, je suppose,

4 s’occuper d’une autre question, la semaine prochaine. Vous avez

5 entendu diverses informations, mais je vous prie de vous concentrer

6 sur celle-ci : à mon grand regret, nous ne siégerons pas dans cette

7 affaire lundi. Lundi est un jour de congé. Je viens de demander de

8 quel congé il s’agissait, on m’a dit que c’était la Pentecôte.

9 C’est, en tout cas, un congé officiel, les bureaux du gouvernement

10 seront fermés, donc nous ne siégerons pas dans cette affaire. Nous

11 n’entendrons pas non plus cette affaire mardi, Maître Orie et Maître

12 Niemann. Cette Chambre d’instance a une autre question à examiner.

13 Mercredi matin, nous ne siégerons pas dans cette affaire; cette

14 Chambre d’instance a deux autres questions à traiter. Mais nous

15 reprendrons nos débats la semaine prochaine, dans l’après-midi du

16 mercredi, nous poursuivrons toute la journée du jeudi et du

17 vendredi.

18 Donc, pour récapituler, lundi est un congé officiel, le Tribunal

19 sera fermé. Mardi, cette Chambre d’instance a une autre question à

20 examiner et mercredi, nous avons deux autres questions à traiter.

21 Nous ne siégerons donc pas mardi dans cette affaire. Mercredi, nous

22 commencerons nos débats à 14 h 30 et siégerons toue la journée de

23 jeudi et de vendredi.

24 Y a-t-il d’autres questions, Maître Niemann ou Maître Orie ?

25 MAITRE NIEMANN : Non.

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1 LE PRESIDENT : D’accord. Dans ce cas, nous suspendons l’audience jusqu’à

2 demain, 10 heures.

3 (Suspension de l’audience jusqu’au lendemain)

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