Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi, le 13 juin 1996

4 (10 heures)

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, voulez-vous poursuivre avec le

6 Dr Blazevic ?

7 MME HOLLIS : Madame la Présidente, avant d'appeler le témoin à la barre,

8 j'aimerais soulever une question relative aux observations faites

9 hier devant la Cour par M. Niemann. Le point particulier qui nous

10 incite à soulever cette question est que nous croyons savoir qu'il y

11 a eu des commentaires publics émanant soit de représentants de la

12 Défense soit, peut-être, de parents de l'accusé, indiquant que l'une

13 des questions que la Défense pourrait envisager d'invoquer est celle

14 d’une erreur d'identité, du fait qu'un autre homme pourrait beaucoup

15 ressembler à l'accusé.

16 C'est la préoccupation qui nous incite à soulever cette question. Si

17 cela se révèle, en fait, être exact et que la Défense décide

18 d'invoquer cet argument dans sa plaidoirie sans demander à nos

19 témoins ce qu'il en est, nous serions alors tenus de rappeler nos

20 témoins pour répondre à cette question en raison d'inquiétudes que

21 nous avons évoquées ici avec la Chambre ainsi que des contraintes de

22 temps et l'incidence sur les témoins rappelés pour une telle

23 question. Nous demandons à la Cour comment nous devrions procéder

24 sur ce point.

25 Le témoin qui comparaît actuellement relève de cette catégorie.

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1 Nous pourrions aborder cette question durant l'interrogatoire ou si

2 la Défense décide de l'aborder durant le contre-interrogatoire.

3 C'est donc le point particulier que nous avons à l'esprit quand

4 nous soulevons la question.

5 Elle présente un certain caractère d'urgence. Nous pourrions essayer

6 de rappeler un ou deux témoins mais je voulais de nouveau soulever

7 cette question spécifique avec la Cour afin qu'elle saisisse mieux

8 les raisons pour lesquelles nous l'avons fait à ce moment là.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous quelque chose à ajouter, M. Kay ?

10 M. KAY : Oui, Madame la Présidente. La contestation du témoin que nous

11 évoquons actuellement, M. Q, était fondée sur le fait qu'il n'a pas

12 vu ce qu'il a allégué avoir vu, et cette question lui a été

13 clairement posée hier, comme la Cour se souvient, en ce qui concerne

14 ses allégations contre l'accusé.

15 Dans ces circonstances, la Défense s'est acquittée de son obligation

16 de contre-interroger sur une question pour laquelle elle diffère

17 avec le témoin. Cela tombe clairement dans les règles, telles que je

18 les comprends, de ma juridiction et d'autres juridictions appliquant

19 les mêmes critères. La Cour a peut-être besoin de davantage de temps

20 pour examiner les comptes-rendus de l'audience d'hier et de mardi

21 après-midi, mais il m'apparaît clairement que les allégations de ce

22 témoin étaient contestées.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Faites-vous référence à un témoin spécifique

24 ou s'agit-il d'une question générale ?

25 MME HOLLIS : Je pense, Madame la Présidente, que c'est une question

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1 potentielle avec le témoin actuel, Dr. Blazevic. Nous comprenons

2 clairement l'importance du contre-interrogatoire de Q par la Défense

3 et nous comprenons que ce n'est pas la question ici, mais nous

4 pensons qu'il pourrait y avoir d'autres témoins pour lesquels la

5 même question pourrait se poser.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai le sentiment que vous étiez comme deux

7 navires en train de se croiser dans la nuit sans se voir; je crois

8 qu'il y avait un quiproquo. Vous faites donc référence au témoin

9 actuel et au plan général. Nous devrons peut-être nous saisir de ce

10 point à huis clos pour débattre de la signification de l'article 67

11 A ii) b) du Règlement, qui exige que la Défense notifie le Procureur

12 de son intention d'offrir une défense spéciale et qui poursuit en

13 disant . "y compris le défaut total ou partiel de responsabilité

14 mentale". Je me souviens que nous avons discuté lors de l'une de nos

15 conférences préparatoires à huis clos de ce que cet article pourrait

16 couvrir d'autre.

17 J'ignore s'il est possible que cet article couvre ce dont nous

18 parlons maintenant. Je viens juste de recevoir ce matin des extraits

19 de Blackstone's Criminal Practice émanant du Procureur - ou c'est au

20 moins ce qu'a dit l'un des clercs.

21 MME HOLLIS : Oui, Madame la Présidente.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vois qu'il y a aussi quelque chose tiré de

23 l'Australian Evidence Ligertwood. C'est cela. Le Procureur entend-t-

24 il offrir d'autres éléments sur ce point ?

25 M. NIEMANN : Madame, messieurs de la Cour, nous pourrions présenter cette

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1 question sous forme d'une requête formelle, si cela vous paraît plus

2 pratique ?

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je me demandais seulement si vous vouliez

4 présenter quelque chose d'autre.

5 M. NIEMANN : J'ai simplement donné ces éléments à l'appui de la question

6 que j'ai soulevée hier. Il s'agit uniquement de références pour la

7 proposition évoquée mais si Madame, messieurs de la Cour préfèrent

8 que ce soit présenté dans le cadre d'une requête formelle, je peux

9 certainement le faire.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce serait probablement utile, en particulier

11 du fait que la Défense a indiqué au moins hier qu'elle adoptera

12 probablement une position différente.

13 M. NIEMANN : Certainement.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je m'inquiète cependant à propos de ce

15 témoin. J'ignore combien de temps vous entendez encore l'interroger

16 mais si cette question est soulevée à son égard, la Chambre de

17 première instance pourrait être tenue de résoudre ce point

18 rapidement. Certes, nous avons des informations venant de Blackstone

19 et de Ligertwood, deux, cinq pages je crois.

20 Est-ce donc votre intention, votre désir, Mme Hollis, que la Chambre

21 de première instance résolve ce point avant que vous terminiez avec

22 ce témoin ou au moins avant la fin du contre-interrogatoire ?

23 MME HOLLIS : Madame la Présidente, nous avons peut-être deux options. La

24 première est que la Chambre de première instance résolve ce

25 problème. C'est celle que nous préférons. La deuxième option serait,

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1 s'il n'y a pas de solution, qu'on l'aborde lors de notre

2 interrogatoire ou que nous soyons peut-être autorisés à revenir sur

3 ce point, si la Défense ne le soulève pas dans son contre-

4 interrogatoire.

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez entendu ?

6 M. KAY : Oui, plus nous en discutons et plus la terminologie s'éclaircit.

7 Mais ce dont je parlais hier était, en fait, une question

8 différente. "Présenter son argument" et "contre-interroger" sont

9 deux questions légèrement différentes. Le contre-interrogatoire

10 conteste les points de fonds sur lesquels vous êtes en désaccord

11 avec la cause de l'Accusation. Personne ne s'attend à ce que vous

12 procédiez à un contre-interrogatoire sur tous les points évoqués par

13 un témoin, autrement nous risquerions, comme la Cour s'en rend

14 compte, d'être ici longtemps. J'interprétais très différemment la

15 "présentation de l'argument", à savoir que vous présentez votre

16 cause au témoin et vous lui demandez : "est-ce exact"? Ils le

17 rejettent ou l'acceptent, ce qui est une procédure légèrement

18 différente de celle exposée dans le document que j'ai reçu ce matin.

19 Le contre-interrogatoire est une procédure que nous entendons suivre

20 intégralement dans le contexte de notre obligation à l'égard de

21 toute Cour, Madame la Présidente.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis ?

23 MME HOLLIS : Madame la Présidente, après ce que vient de dire la Défense,

24 je pense que cela résout la question en ce qui nous concerne ainsi

25 que nos préoccupations à ce sujet.

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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci M. Kay.

2 Etes-vous prête à appeler votre témoin suivant ...

3 MME HOLLIS : Oui, Madame la Présidente.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... ou à continuer avec le Dr. Blazevic ?

5 Rappel du DR. AZRA BLAZEVIC

6 Poursuite de l'interrogatoire par MME HOLLIS

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dr. Blazevic, vous comprenez que vous êtes

8 toujours sous serment, n'est-ce pas ?

9 LE TEMOIN (Interprétation) : Oui.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, vous pouvez reprendre.

11 MME HOLLIS : Merci. (Au témoin) : Dr. Blazevic, à la conclusion de votre

12 témoignage hier vous avez indiqué qu'à un moment donné, les soldats

13 sont venus au centre médical chercher une femme du nom de Gordana;

14 quand elle est revenue, elle a déclaré qu'ils voulaient qu'elle leur

15 désigne son appartement afin qu'il soit épargné. Vous rappelez-vous

16 de votre témoignage ?

17 R. : Non, mais de sorte qu'ils ne touchent pas à son appartement. C'est

18 ainsi que je l'ai compris.

19 Q. : Oui, et à quel groupe ethnique appartenait Gordana ?

20 R. : Serbe.

21 Q. : Vous avez aussi indiqué qu'une fois les fournitures médicales de la

22 clinique chargées à bord d'un véhicule militaire, on vous a emmenée

23 vers le centre de Kozarac. J'aimerais que l'on présente la pièce à

24 conviction 195 de l'Accusation, un film sur Kozarac et que l'on

25 montre de nouveau l'hôpital, s'il vous plaît ? Dr. Blazevic, si vous

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1 pouviez examiner attentivement l'état de l'hôpital tel qu'il

2 apparaît sur ce film.

3 (Présentation de l'enregistrement vidéo)

4 Merci. Peut-on retirer ce film, s'il vous plaît ? Dr. Blazevic, vous

5 avez examiné le centre médical tel qu'il apparaît sur ce film.

6 Celui-ci décrit-il l'état fondamental du centre médical quand vous

7 l'avez quitté le 26 mai 1992 ? Je parle du bâtiment proprement dit.

8 R. : Oui, on pourrait dire qu'il ressemblait exactement à cela.

9 Q. : Vous avez indiqué qu'un obus avait touché un coin du bâtiment. Ce

10 coin apparaissait-il sur cet extrait de film ?

11 R. : Non.

12 Q. : Quand on vous a emmenée du centre médical vers le centre de Kozarac,

13 le reste du personnel hospitalier a-t-il été emmené avec vous ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Des soldats vous escortaient-ils quand on vous a emmené vers le

16 centre de Kozarac ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Où vous a-t-on emmené ?

19 R. : On nous a emmené vers le croisement de la rue Marsala Tita, celle qui

20 va vers le centre de Kozarac, et de la vieille route.

21 Q. : A quel endroit vous ont-ils finalement laissé, vous et le reste du

22 personnel médical ?

23 R. : Ils se sont arrêtés près de la pâtisserie à Kozarac.

24 Q. : Pour aller du centre médical au carrefour, vous avez mentionné que

25 vous avez suivi la rue Marsala Tita, est-ce exact ?

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1 R. : Oui, partie de la rue.

2 Q. : Avez-vous eu l'occasion d'observer l'état des bâtiments pendant que

3 vous parcouriez la rue Marsala Tita ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Qu'avez-vous observé quant à l'état des bâtiments ?

6 R. : Ils avaient été endommagés par des obus.

7 Q. : En chemin, avez-vous senti de la fumée ou vu des bâtiments incendiés

8 ?

9 R. : A un endroit, nous pouvions voir de la fumée à l'arrière de maisons.

10 Q. : En descendant la rue Marsala Tita, êtes-vous passée devant la maison

11 et le café de Dusko Tadic ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Quel était l'état de la maison et du café de Dule Tadic ?

14 R. : Je me souviens qu'il y avait des débris de verre autour du café, de

15 la maison ... causés probablement par les bombardements parce que

16 tout le quartier avait été assez durement touché.

17 Q. : Avez-vous remarqué quelque chose sur la maison ou le café de Dule

18 Tadic indiquant qu'il avait été touché effectivement de plein fouet

19 par un obus ?

20 R. : Vous voulez dire frappé de plein fouet ...

21 Q. : Oui.

22 R. : ... par un obus, non.

23 Q. : Quand vous êtes arrivés à cette pâtisserie, que s'est-il passé ?

24 R. : On nous a dit de nous arrêter et d'attendre.

25 Q. : Pendant que vous vous y trouviez, avez-vous vu des personnes du

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1 convoi qui était parti plus tôt ce matin là ?

2 R. : Non.

3 Q. : Qu'avez-vous observé pendant que vous étiez à la pâtisserie ?

4 R. : Nous pouvions voir plusieurs groupes de soldats et un camion garé sur

5 le côté.

6 Q. : Et que s'est-il passé après votre arrivée à cet endroit ?

7 R. : Pendant que nous étions debout et attendions, un soldat est arrivé et

8 a appelé l'un des membres de ce personnel médical, le conducteur de

9 l'ambulance, Mohamed Bahonjic, et lui a ordonné de le suivre.

10 Q. : Je m'excuse, quel était le nom de l'homme qu'on a appelé ?

11 R. : Nihad Bahonjic.

12 Q. : Comment l'a-t-on appelé ? L'a-t-on appelé par son nom ou autrement ?

13 R. : Oui. Le soldat s'est approché. Il a prononcé son prénom et son nom de

14 famille et lui a ordonné de le suivre.

15 Q. : Nihad Bahonjic; était-il avec vous au centre médical ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Etait-il aussi avec vous au motel ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Selon vous, à quel groupe ethnique appartenait Nihad Bahonjic ?

20 R. : Musulman.

21 Q. : Avez-vous reconnu le soldat qui a appelé Nihad Bahonjic par son nom ?

22 R. : Non.

23 Q. : Vous a-t-il semblé que Nihad reconnaissait ce soldat ?

24 R. : Non.

25 Q. : Que s'est-il passé après que le soldat ait appelé Nihad par son nom ?

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1 R. : Ils se sont éloignés de nous et sont restés debout dans la rue à côté

2 d'un groupe de soldats.

3 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

4 R. : Pendant que nous attendions, quelqu'un a dit . "Voilà Dule".

5 Q. : Qu'avez vous fait quand vous avez entendu cela ?

6 R. : J'ai regardé; cela signifiait que quelqu'un que nous connaissions

7 était là. J'ai regardé aux alentours et j'ai vu Dusko Tadic

8 traverser la rue, pas très loin.

9 Q. : Quand vous l'avez vu traverser la rue, que faisait-il ?

10 R. : Il traversait seulement la rue.

11 Q. : Et portait-il quelque chose ?

12 R. : Oui, il portait une sorte d'arme dans une main.

13 Q. : Et que faisait-il de l'autre main ?

14 R. : Je me souviens qu'elle était levée comme s'il disait quelque chose à

15 quelqu'un ou essayait d'attirer l'attention de quelqu'un.

16 Q. : Vous souvenez-vous de ce que Dule Tadic portait quand vous l'avez vu

17 ?

18 R. : Il portait un uniforme.

19 MME HOLLIS : Pourrait-on placer sur le rétroprojecteur la pièce à

20 conviction 196 de l'Accusation, le plan de Kozarac, s'il sous plaît

21 ? Le témoin pourrait-il désigner pour la Cour, tout d'abord

22 l'endroit où il se trouvait quand il a aperçu Dule Tadic ?

23 R. : Ici, plus ou moins devant ce bâtiment là.

24 Q. : Ce serait donc le bâtiment où se trouvait la pâtisserie ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Vous êtes maintenant au carrefour de ce que certaines personnes

2 appellent la vieille route de Prijedor ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Pourriez-vous s'il vous plaît indiquer pour la Cour où se trouvait

5 Dule Tadic quand vous l'avez vu et dans quelle direction il se

6 dirigeait ?

7 R. : Il était à peu près ici et il traversait la rue de ce côté dans la

8 direction de l'école.

9 Q. : Merci. Pourrait-on marquer ce document 7/20 aux fins d'identification

10 ?

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pour le procès-verbal, où pointait-il quand

12 il l'a vu ?

13 MME HOLLIS : Je m'excuse, Madame la Présidente.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il était au sommet du triangle ?

15 MME HOLLIS : Le témoin pointait vers un endroit proche de la route en haut

16 du triangle et il a indiqué que l'accusé traversait la route en

17 direction de l'école. Pourrait-on marquer ce document pièce 270 de

18 l'Accusation aux fins d'identification s'il vous plaît ?

19 (Au témoin) : Pourriez-vous examiner cette photographie ? C'est le

20 document 7/20. Dr. Blazevic, reconnaissez-vous le croisement dont

21 vous venez de parler ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Voit-on la pâtisserie ?

24 R. : Oui.

25 MME HOLLIS : Je présente la pièce à conviction 202 de l'Accusation, Madame

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1 la Présidente.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?

3 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 202 est admis.

5 MME HOLLIS : Peut-on placer cette photographie sur le rétroprojecteur,

6 s'il vous plaît ? (Au témoin) : Dr. Blazevic, pourriez-vous utiliser

7 le pointeur et aider à orienter la Cour en ce qui concerne cette

8 photographie; pourriez-vous désigner l'endroit où vous vous teniez

9 quand vous avez vu l'accusé ?

10 R. : Ce serait à cet endroit, ici.

11 Q. : Ce serait devant ce bâtiment de l'autre côté du croisement ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Aux fins de référence, dans quelle direction Marsala Tita va-t-elle

14 vers la mosquée ?

15 R. : Ce serait dans cette direction.

16 Q. : Quand nous regardons la photographie, ce serait quand la route va

17 vers la gauche ?

18 R. : Oui, ce serait la route sur la gauche passant devant cette maison

19 puis traversant Kozarac.

20 Q. : Par conséquent, quand nous regardons le côté droit de la

21 photographie, nous voyons la route venant autour de cette partie

22 herbeuse à droite, où cette route conduit-elle ?

23 R. : Vous voulez dire cette route ici ?

24 Q. : Oui.

25 R. : Cette route, dans cette partie ici se divise en deux, l'une allant

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1 vers la gauche vers Kamicani et l'autre allant tout droit vers la

2 route de Banja Luka.

3 Q. : Celle qui va vers Kamicani, passerait-elle devant l'église ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Celle qui va rejoindre la route de Banja Luka, est-ce la nouvelle

6 route Prijedor/Banja Luka ?

7 R. : Oui.

8 Q. : L'école sur ce plan se trouverait dans quelle direction sur cette

9 photographie ici ?

10 R. : L'école serait quelque part ici, dans cette partie là.

11 Q. : Elle serait donc ...

12 R. : Sur le côté gauche de la photo que nous n'avons pas. Cet endroit

13 n'apparaît pas ici.

14 Q. : Nous ne voyons pas l'école mais elle serait sur la gauche de l'image

15 que représente la photographie ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Pourriez-vous s'il vous plaît montrer à la Cour où vous avez vu Dule

18 Tadic ?

19 R. : Ce serait approximativement ici, sur cette partie de la route quelque

20 part là. Il traversait la route en provenance de cette direction,

21 venant de la maison occupée autrefois par un magasin d'articles

22 techniques et il se dirigeait vers l'école.

23 Q. : Pourriez-vous s'il vous plaît nous indiquer la distance qu'il a

24 parcourue sur la route quand vous l'avez aperçu ?

25 R. : Je ne l'ai vu qu'un instant, approximativement sur cette partie de la

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1 route qui était probablement ici.

2 Q. : Vous dites que vous l'avez vu marcher, est-ce exact ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Est-ce donc la seule partie de la route où vous l'avez vu ou l'avez-

5 vous vu alors qu'ils se rapprochait de l'école ?

6 R. : Je l'ai seulement vu marcher dans cette direction.

7 Q. : Pourriez-vous de nouveau montrer à la Cour où vous l'avez vu ?

8 R. : A peu près là.

9 Q. : Ce serait juste devant l'un des points du triangle près de l'endroit

10 où l'on voit deux personnes en train de marcher, est-ce exact ?

11 R. : Oui. Ce serait à cet endroit où les deux routes se rejoignent pour ne

12 plus en former qu'une.

13 Q. : Vous regardiez donc dans la direction de ce coin herbeux quand vous

14 avez vu Dule Tadic ?

15 R. : Oui.

16 Q. : A quel moment de la journée êtes-vous arrivée à ce croisement et

17 avez-vous vu Dule Tadic ?

18 R. : C'était dans l'après-midi.

19 Q. : Avez-vous une idée de l'heure qu'il était ?

20 R. : Je ne peux pas dire exactement mais peut-être vers 15 heures, peut-

21 être plus tard.

22 Q. : Etait-ce une journée ensoleillée ou nuageuse ?

23 R. : Ensoleillée.

24 Q. : Quelque chose obstruait la vue entre vous et l'accusé ?

25 R. : Non.

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1 Q. : Combien de temps avez-vous pu le voir ?

2 R. : Juste un instant, quelques secondes.

3 Q. : Est-ce que quelque chose à propos de cet incident explique que vous

4 n'avez pas oublié avoir vu Dule Tadic ?

5 R. : Cela m'est resté à l'esprit parce que Nihad Bahonjic n'a pas quitté

6 le croisement avec nous pour Trnopolje. Nous nous sommes toujours

7 demandés après cela pourquoi et par qui il avait été appelé. Le

8 soldat qui avait appelé Nihad Bahonjic l'avait fait par son nom de

9 famille et son prénom et personne d'entre nous ne connaissait ce

10 soldat. Je me souviens que le seul visage connu, la seule personne

11 que nous connaissions et qui était présente à l'endroit à ce moment

12 là était exactement Dusko Tadic. C'est tout.

13 Q. : Vous avez indiqué hier - seulement pour clarifier le procès-verbal -

14 que vous connaissez Dusko Tadic depuis l'époque où vous avez

15 commencé à exercer la médecine vétérinaire à Kozarac. Pourriez-vous

16 nous dire, s'il vous plaît ...

17 R. : Oui.

18 Q. : ... quand vous avez commencé à pratiquer la médecine vétérinaire à

19 Kozarac ?

20 R. : En juillet 1983.

21 Q. : De 1983 à Kozarac ou 1986, quand vous avez emménagé à Kozarac ?

22 R. : Non, j'ai emménagé à Kozarac quelques années plus tard. C'était en

23 1986.

24 Q. : Vous auriez donc connu M. Tadic pour la première fois en 1983 quand

25 vous avez commencé à exercer à Kozarac, est-ce exact ?

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1 R. : Oui.

2 Q. :Vous avez aussi déclaré hier que, sur une base hebdomadaire, vous

3 voyiez aussi peut-être Dule Tadic à Kozarac chaque jour, peut-être

4 parfois plusieurs fois dans la journée. Avant le 26 mai, quand avez-

5 vous vu Dusko Tadic pour la dernière fois à Kozarac ?

6 R. : Je ne peux pas vous donner la date exacte mais c'était peut-être un

7 jour ou deux avant l'attaque contre Kozarac.

8 Q. : Est-ce le 26 mai que vous avez vu Dule Tadic en Bosnie pour la

9 dernière fois ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Comment vous a-t-on transporté de Kozarac ?

12 R. : De l'endroit où nous nous trouvions, nous avons été emmenés à un

13 endroit sur la route de Kozarusa, quand vous quittez Kozarac et

14 prenez la nouvelle route allant vers Prijedor et nous avons été

15 transportés à bord d'une Jeep ou d'un véhicule semblable.

16 Q. : Nihad Bahonjic vous accompagnait-il ?

17 R. : Non, il est resté sur place.

18 Q. : Avez-vous jamais revu Nihad Bahonjic après cette date ?

19 R. : Non.

20 MME HOLLIS : Pourrait-on donner au témoin s'il vous plaît la pièce 79 de

21 l'Accusation ? La photographie pourrait-elle être rendue au Greffe ?

22 Pourriez-vous examiner cette carte un instant puis, si on pouvait la

23 placer sur le rétroprojecteur, pourriez-vous montrer à la Cour la

24 direction suivie par le véhicule militaire et l'endroit où on vous a

25 emmenés ? Pourrait-on la placer sur le rétroprojecteur s'il vous

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1 plaît ?

2 R. : Nous nous trouvions à un carrefour de la vieille route. Nous avons

3 été emmenés vers la nouvelle route de Banja Luka puis nous avons

4 emprunté cette nouvelle route dans la direction de Prijedor et nous

5 sommes arrivés à l'endroit qui se trouve approximativement ici.

6 Q. : Très bien. Sur cette route que vous venez de montrer à la Cour, il

7 semble que vous avez traversé une partie de Kozarusa ou que vous

8 êtes passés près de Kozarusa, est-ce exact ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Qu'avez-vous vu quand vous avez traversé ou que vous êtes passés à

11 côté de Kozarusa ? Quel était l'état du village ?

12 R. : Le village avait été entièrement incendié.

13 Q. : Quel était, selon vous, le groupe ethnique des habitants de Kozarusa

14 ?

15 R. : Musulman.

16 Q. : Le véhicule militaire vous a emmené à quel endroit ? S'agissait-il

17 d'un bâtiment ou d'une structure ?

18 R. : Le véhicule s'est arrêté devant un café connu à Kozarac sous le nom

19 de café Zikina.

20 Q. : Il semble que c'est à un croisement qui se situe à droite de

21 "Coralic", le terme "Coralic" sur la carte et également en dessous

22 du terme "Coralic" sur la carte, est-ce exact ?

23 R. : C'est l'endroit qui se situe exactement là.

24 Q. : Merci. Que s'est-il passé quand on vous a emmenés à ce café ?

25 R. : On s'y est arrêté. On nous a dit de descendre et nous avons de

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1 nouveau attendu.

2 Q. : Pendant que vous attendiez, aviez-vous des gardes ou une escorte ?

3 R. : Il y avait des soldats devant le café, des soldats sur la route.

4 Q. : Que s'est-il passé ensuite, après qu'un certain temps se soit écoulé

5 ? Où avez-vous été emmenés ensuite ?

6 R. : On nous a dit de monter à bord de l'un des autocars qui se trouvaient

7 là et ils nous ont emmenés à Trnopolje.

8 Q. : L'autocar à bord duquel vous êtes montés, de quel type d'autocar

9 s'agissait-il ?

10 R. : Pour autant que je me souvienne, c'était un autocar de transport

11 ordinaire qui est normalement utilisé dans les transports en commun.

12 Q.: Sur votre chemin à partir de Kozarac puis vers Trnopolje, avez-vous à

13 un moment quelconque observé des véhicules de combat comme des chars

14 ou des transports de troupe blindés ?

15 R. : Je ne me souviens pas en avoir vu.

16 Q. : Dans l'intervalle entre la capture de Prijedor par les Serbes et

17 l'attaque contre Kozarac, avez-vous jamais vu des chars ou des

18 transports de troupes blindés soit près de Kozarac soit près de

19 Prijedor ?

20 R. : J'ai une fois vu un char à Kozarac.

21 Q. : Où se trouvait-il à Kozarac ?

22 R. : Il se trouvait au carrefour de la nouvelle route de Banja Luka et de

23 celle qui traverse Kozarac dans la direction de Trnopolje.

24 Q. : Quand avez-vous vu ce char à ce croisement ?

25 R. : Je ne peux pas dire exactement mais peut-être sept jours, peut-être

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1 plus, avant l'attaque contre Kozarac.

2 Q. : A quel endroit de Trnopolje vous a-t-on conduit ?

3 R. : Ils nous ont emmené à un endroit situé près de la gare ferroviaire de

4 Trnopolje et on nous a ordonné de nous rendre à la clinique

5 médicale, et d'y rester.

6 Q. : Quand l'autocar s'est arrêté effectivement, vous vous trouviez à

7 proximité de quel bâtiment à Trnopolje ?

8 R. : L'autocar s'est arrêté un peu plus loin dans une prairie par laquelle

9 on pouvait entrer dans l'école de Trnopolje, ou dans le bâtiment ...

10 le bâtiment municipal de Trnopolje ou dans la clinique médicale de

11 Trnopolje et on nous a dit de nous rendre à la clinique médicale et

12 d'y rester.

13 Q. : Quand cet autocar est arrivé à Trnopolje, qui l'attendait ?

14 R. : Il y avait de nombreux soldats et un homme que je ne connaissais pas

15 à l'époque. J'ai appris par la suite qu'il s'agissait de Slobodan

16 Kuruzovic, le commandant du camp de Trnopolje.

17 Q. : Vous ne le connaissiez donc pas avant votre arrivée au camp de

18 Trnopolje ?

19 R. : Non.

20 Q. : Le jour de votre arrivée, quand il vous a accueillis avec les

21 soldats, que portaient ces derniers ?

22 R. : Des uniformes.

23 Q. : Que portait M. Kuruzovic ?

24 R. : Egalement un uniforme.

25 Q. : Vous avez mentionné que M. Kuruzovic était le commandant du camp de

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1 Trnopolje. Comment l'avez-vous appris ?

2 R. : Nous l'avons appris parce que durant notre séjour ultérieur à

3 Trnopolje, quand nous demandions quelque chose à quelqu'un, les

4 gardiens mentionnaient toujours le commandant Kuzurovic. Je savais

5 que les personnes qui voulaient sortir du camp ou qui en sortaient

6 devaient avoir une autorisation du commandant Kuzurovic.

7 Q. : Kuzurovic vous a-t-il jamais donné des ordres pendant votre séjour au

8 camp ?

9 R. : Oui, plusieurs fois.

10 Q. : Vous avez déclaré qu'il vous a ordonné de vous rendre au centre

11 médical du camp. A qui d'autre a-t-on donné ce même ordre ?

12 R. : A tout le groupe venu de Kozarac.

13 Q. : Ce centre médical était situé à l'intérieur du camp de Trnopolje ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Est-ce l'endroit où vous avez travaillé et dormi pendant le reste de

16 votre séjour à Trnopolje ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Combien de temps avez-vous été détenue au camp de Trnopolje ?

19 R. : Je suis restée à Trnopolje jusqu'à la mi-août 1992.

20 MME HOLLIS : Pourrait-on présenter maintenant l'enregistrement vidéo

21 suivant s'il vous plaît ?

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'agit-il de 190 ?

23 MME HOLLIS : Madame la Présidente, ce serait la pièce à conviction 203 de

24 l'Accusation pour identification.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien

Page 2712

1 (Présentation de l'enregistrement vidéo)

2 Peut-on arrêter la vidéo s'il vous plaît ?

3 (Au témoin) : Dr. Blazevic, reconnaissez-vous ce qui apparaît sur la

4 vidéo ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Que montre la vidéo ? Quelle est la structure que nous regardons ?

7 R. : C'est le bâtiment de l'école primaire de Trnopolje.

8 Q. : L'école primaire faisait partie du camp de Trnopolje ?

9 R. : Oui.

10 MME HOLLIS : Madame la Présidente, je présente la pièce à conviction 203

11 de l'Accusation pour identification.

12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce 203 ?

13 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 203 est admise.

15 MME HOLLIS (Au témoin) : Dr. Blazevic, au début de cet enregistrement,

16 nous voyons une clôture à proximité d'une maison. Si nous

17 poursuivons, s'il vous plaît, nous voyons une clôture qui passe

18 devant l'école. Peut-on continuer à partir de là ? Arrêtons ici s'il

19 vous plaît ? Il semble que la clôture soit brisée en plusieurs

20 endroits mais elle continue de l'autre côté de l'école. Cette

21 clôture était-elle là à Trnopolje quand vous êtes arrivés au camp le

22 26 mai 1992 ?

23 R. : Oui, la clôture était là.

24 Q. : Les parties affaissées de la clôture ... ces parties étaient-elles en

25 bon état quand vous êtes arrivée en mai 1992 ?

Page 2713

1 R. : Oui.

2 Q. : Des éléments présentés à cette Cour font état d'une clôture de

3 barbelés entourant le camp de Trnopolje. Vous rappelez-vous si une

4 telle clôture était érigée au camp ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Quand cette clôture de barbelés a-t-elle été érigée autour du camp ?

7 R. : Elle l'a été immédiatement avant le transfert des détenus de Keraterm

8 et Omarska à Trnopolje, ce qui pourrait être à la fin juillet.

9 Q. : Est-ce une estimation de votre part ?

10 R. : Non, c'est un fait. Je ne peux pas préciser l'intervalle qui s'est

11 écoulé entre la date à laquelle la clôture a été érigée et leur

12 arrivée mais ce serait de quatre à cinq jours, pas plus.

13 Q. : Combien de temps cette clôture est-elle restée en place à Trnopolje ?

14 R. : Elle était là jusqu'à l'arrivée des prisonniers de Keraterm et je

15 pense que cette même nuit ou le lendemain de leur arrivée, elle a

16 été enlevée.

17 Q. : Très bien. Pourrions-nous revenir à l'enregistrement s'il vous plaît.

18 Ce bâtiment que nous approchons - pourriez-vous l'arrêter ici, s'il

19 vous plaît - ce bâtiment que nous voyons maintenant, le bâtiment

20 blanc à la gauche duquel se trouve le véhicule blanc, quel est ce

21 bâtiment ?

22 R. : Le bâtiment à l'arrière ... parlez-vous du bâtiment derrière le

23 véhicule ou de celui devant sur la photographie ?

24 Q. : Le bâtiment sur le devant de la photographie, à la droite du véhicule

25 blanc des Nations Unies.

Page 2714

1 R. : C'est le bâtiment où se situait le magasin à Trnopolje.

2 Q. : Ce bâtiment a-t-il une partie arrière ?

3 R. : Oui.

4 Q. : La clinique médicale était-elle située dans cette partie arrière ?

5 R. : Oui.

6 MME HOLLIS : Pourrions-nous continuer de présenter le film s'il vous plaît

7 ? Peut-on poursuivre ? Pourrions-nous arrêter le film ici ? Excusez-

8 moi, pourrions-nous revenir légèrement en arrière, quelques images ?

9 (Au témoin) : Quel est ce bâtiment ?

10 R. : C'est le bâtiment qui abritait les organes de l'ancienne commune

11 locale de Trnopolje.

12 Q. : Que trouvait-on dans ce bâtiment ? Quels types d'activités s'y

13 déroulaient ?

14 R. : Vous voulez dire quand je me trouvais à Trnopolje ?

15 Q. : Non, avant que cela devienne un camp. A quoi servait normalement ce

16 bâtiment ?

17 R. : Il abritait les organes de la commune locale ou de l'administration

18 locale. Je ne sais pas comment l'appeler, une collectivité locale,

19 une unité administrative plus petite que l'opstina.

20 Q. : Très bien. Y avait-il parfois un cinéma dans ce bâtiment ?

21 R. : Oui, il y avait un cinéma à l'arrière de ce bâtiment que vous ne

22 pouvez pas voir sous cet angle.

23 Q. : Peut-on reprendre le film s'il vous plaît ? Arrêtons-nous ici ? Quel

24 est ce bâtiment que nous voyons maintenant ?

25 R. : C'était le dépôt des matériaux de construction.

Page 2715

1 Q. : Des prisonniers étaient-ils incarcérés dans ce bâtiment ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous rappelez-vous quels prisonniers y étaient incarcérés ?

4 R. : Au début, les groupes étaient incarcérés dans ce bâtiment pendant un,

5 deux ou trois jours. Les prisonniers d'Omarska y ont été incarcérés

6 pendant plusieurs jours avant de rejoindre le reste du camp de

7 Trnopolje.

8 Q. : Peut-on reprendre le film ? Ce croisement ici ... quand nous tournons

9 à droite à ce croisement, dans quelle direction allons-nous ?

10 R. : Vers Prijedor.

11 Q. : Le bâtiment que nous voyons, le côté du bâtiment, est-ce celui

12 abritant les organes de la commune locale dont vous parliez, le long

13 bâtiment avec les fenêtres rectangulaires ?

14 R. : Oui, ce serait le cinéma.

15 Q. : En fait, le bâtiment avec les fenêtres en dessous et au-dessus, ce

16 serait le côté de l'école ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Pourrions-nous nous arrêter ici s'il vous plaît ? Nous avons vu un

19 film sur une visite de Penny Marshall et dans une partie de ce film

20 elle montrait des tentes situées dans le champ se trouvant

21 immédiatement derrière le bâtiment de l'école. Vous rappelez-vous de

22 ces tentes ?

23 R. : Oui, je m'en souviens.

24 Q. : Quand ces tentes ont-elles été dressées ?

25 R. : C'était un jour ou deux après l'arrivée des prisonniers de Keraterm à

Page 2716

1 Trnopolje, en fait quand cette clôture de barbelés a été érigée.

2 Q. : Qui a dressé ces tentes ?

3 R. : Les prisonniers eux-mêmes, essayant de se constituer un abri de

4 fortune.

5 Q. : Quels types de matériaux ont-ils utilisés pour ce faire ?

6 R. : Tout ce qu'ils pouvaient trouver dans le coin.

7 Q. : Peut-on reprendre le film, s'il vous plaît ? Y avait-il également des

8 tentes derrière l'école ?

9 R. : Oui, les tentes s'étendaient vers l'école puis derrière l'école,

10 entre l'école et le cinéma et à proximité du cinéma.

11 MME HOLLIS : Peut-on arrêter ce film s'il vous plaît et le rembobiner

12 jusqu'à la partie noire. Je le redemanderais plus tard.

13 (Au témoin) : Je présente maintenant la pièce à conviction 204 de

14 l'Accusation pour identification et il s'agirait du document 40/35.

15 Peut-on le montrer au témoin, s'il vous plaît ? Reconnaissez-vous ce

16 bâtiment ?

17 R. : Oui.

18 Q. : De quel bâtiment s'agit-il ?

19 R. : Au premier plan on voit le mur de côté d'une boutique de Trnopolje et

20 à l'arrière-plan se trouve la partie du bâtiment qui abritait le

21 service de chirurgie, le service de consultation externe de

22 Trnopolje.

23 Q. : Peut-on le placer sur le rétroprojecteur ? Madame la Présidente, je

24 présente la pièce à conviction 204 de l'Accusation.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

Page 2717

1 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 204 est admise.

3 MME HOLLIS : Quand nous regardons cet immeuble et le devant de l'immeuble

4 à notre gauche, la partie en blanc, est-ce le magasin que vous avez

5 déjà mentionné ?

6 R. : Oui. (le témoin désigne l'endroit). C'est ce bâtiment ici.

7 Q. : L'arrière du bâtiment abritait votre clinique médicale, est-ce exact

8 ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Pourriez-vous montrer l'endroit à l'arrière où se trouvait votre

11 clinique médicale ?

12 R. : C'était ici.

13 Q. : Il semble qu'il y ait trois fenêtres ici, est-ce exact ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Ces fenêtres auraient donc donné sur l'endroit où se trouvait votre

16 clinique médicale ?

17 R. : Non. Il s'agit de fenêtres du couloir qui passait par les locaux de

18 la clinique de consultation externe.

19 Q. : Votre clinique se serait donc trouvée de l'autre côté de la cour, ou

20 là où se trouvent ces trois fenêtres ?

21 R. : Oui.

22 MME HOLLIS : Si je peux présenter ou demander que l'on marque ce document

23 comme pièce à conviction 205 de l'Accusation aux fins

24 d'identification et qu'on le montre au témoin ? Ce sera le document

25 40/29. (Au témoin) : Dr. Blazevic, cette photographie montre-t-elle

Page 2718

1 l'arrière du magasin, le couloir communicant et le bâtiment abritant

2 le cinéma ?

3 R. : Oui.

4 MME HOLLIS : Je verse la pièce à conviction 205 de l'Accusation.

5 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 205 est admise.

7 MME HOLLIS : Si on pouvait la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous

8 plaît ? (Au témoin) : Dr. Blazevic, en regardant cette photographie,

9 pourriez-vous de nouveau indiquer à la Cour la partie arrière du

10 magasin ?

11 R. : Ce serait l'arrière du bâtiment où se trouve la boutique.

12 Q. : Où se situe le bâtiment ou partie du bâtiment abritant la clinique

13 médicale ?

14 R. : Il serait ici.

15 Q. : Si vous regardez la partie qui relie le bâtiment du magasin et le

16 cinéma, qu'est-ce qui se trouvait dans cette partie communicante qui

17 nous apparaît en rouge ici sur la photographie ?

18 R. : Vous voulez dire cette partie là ?

19 Q. : Oui.

20 R. : Dans cette partie se trouvait l'ancien laboratoire de la clinique des

21 consultations externes à Trnopolje. Une autre pièce, pour autant que

22 je sache, appartenait auparavant à la commune locale et ce serait

23 tout.

24 Q. : Avez-vous jamais utilisé ce laboratoire pendant que votre séjour au

25 camp de Trnopolje ?

Page 2719

1 R. : Non.

2 MME HOLLIS : Peut-on remettre cette pièce à conviction au Greffe, s'il

3 vous plaît ? (Au témoin) : Dr. Blazevic, est-ce que des gardiens

4 montaient la garde du camp de Trnopolje pendant que vous vous y

5 trouviez ?

6 R. : Oui, il y en avait.

7 Q. : Comment étaient vêtus ces gardiens du camp ?

8 R. : Ils portaient des uniformes.

9 Q. : Etaient-ils armés ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Connaissiez-vous certains de ces gardiens du camp ?

12 R. : Oui, la plupart d'entre eux.

13 Q. : D'où venaient les gardiens que vous connaissiez ?

14 R. : Ils venaient soit de Prijedor soit des environs, des villages voisins

15 de Trnopolje.

16 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient ces gardiens que vous

17 connaissiez ?

18 R. : Serbe.

19 Q. : Savez-vous combien de gardiens travaillaient au camp ?

20 R. : Il y avait de nombreux endroits, je ne sais pas.

21 Q. : Savez-vous combien il y avait de tours de garde au camp ?

22 R. : Voulez-vous dire le nombre de groupes qui alternaient ou la fréquence

23 avec laquelle ils se remplaçaient ?

24 Q. : Combien de groupes alternaient ?

25 R. : Trois ou quatre différents groupes de gardiens qui alternaient.

Page 2720

1 Q. : Connaissez-vous la durée de leur tour de garde ?

2 R. : Elle variait.

3 Q. : Y avait-il des gardiens qui travaillaient au camp 24 heures sur 24 ?

4 R. : Oui.

5 Q. : En plus des gardiens du camp et de Kuruzovic, le commandant du camp,

6 d'autres personnes travaillaient-elles au camp sur une base

7 régulière ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Pouvez-vous nous dire qui étaient ces personnes ?

10 R. : Par exemple, Slavko Puharic qui, pour autant que je sache, était le

11 commandant adjoint et puis il y avait la Croix Rouge qui venait tous

12 les jours.

13 Q. : La Croix Rouge, voulez-vous dire la Croix Rouge internationale ?

14 R. : Non, la Croix Rouge de Prijedor.

15 Q. : Qui était chargé de la Croix Rouge au camp de Trnopolje ?

16 R. : Pero Curguz.

17 Q. : Le connaissiez-vous avant votre séjour au camp ?

18 R. : Non.

19 Q. : Qu'est-ce que la Croix Rouge serbe ou de Prijedor a fait pour les

20 détenus du camp ? Quels services a-t-elle assuré ?

21 R. : Aucun.

22 Q. : Est-ce que d'autres personnes travaillaient au camp ?

23 R. : Je ne comprends pas la question.

24 Q. : Je m'excuse, est-ce que d'autres individus travaillaient au camp en

25 plus de ceux que vous avez nommés ?

Page 2721

1 R. : Je ne me souviens pas.

2 Q. : Très bien. D'autres membres du corps médical sont-ils venus

3 travailler au camp ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Qui étaient-il ?

6 R. : Il y avait un médecin, Dusko Ivic et un auxiliaire de santé qui était

7 avec lui et qu'ils appelaient Mica.

8 Q. : Ce docteur, Dr. Dusko Ivic, le connaissiez-vous avant le camp ?

9 R. : Non.

10 Q. : Avez-vous fait sa connaissance pendant votre séjour au camp ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Comment avez-vous fait connaissance avec lui ?

13 R. : Il venait au camp quotidiennement. Dr. Idriz Merdzanic m'a appris son

14 nom parce qu'il le connaissait et avait travaillé auparavant avec

15 lui.

16 Q. : Connaissez-vous aussi son groupe ethnique ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Et quel était-il ?

19 R. : Serbe.

20 Q. : Vous avez dit qu'il venait chaque jour au camp. Cet auxiliaire de

21 santé, Mica, venait-il aussi au camp chaque jour ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quels services médicaux dispensaient-ils aux détenus du camp ?

24 R. : Aucun.

25 Q. : Vous ont-ils mentionné leur position et les raisons de leur présence

Page 2722

1 au camp ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Que vous ont-ils dit ?

4 R. : Dr. Dusko Ivic a mentionné qu'un Comité de crise à Prijedor l'avait

5 chargé de surveiller la situation hygiénique et sanitaire du camp.

6 Q. : Vous avez indiqué que Kuruzovic avait le pouvoir de permettre aux

7 gens de quitter le camp. Quelqu'un d'autre détenait-il ce pouvoir au

8 camp de Trnopolje ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Qui était-ce ?

11 R. : De temps en temps, des personnes pouvaient quitter le camp grâce à un

12 certificat du Dr. Dusko Ivic certifiant le mauvais état de santé de

13 cette personne ou grâce à un certificat de la Croix Rouge du camp.

14 Q. : En plus des gardiens du camp et du personnel que vous venez de

15 nommer, est-ce que d'autres personnes, des soldats, sont venus au

16 camp pendant votre séjour à Trnopolje ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Pendant que vous étiez au camp de Trnopolje, était-il difficile pour

19 ces soldats d'entrer dans le camp ?

20 R. : Non.

21 Q. : Connaissiez vous certains de ces soldats qui venaient au camp ?

22 R. : Oui, la plupart d'entre eux.

23 Q. : D'où venaient ceux que vous connaissiez ?

24 R. : Des villages avoisinants.

25 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenaient-ils ?

Page 2723

1 R. : Serbe.

2 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

3 R. : Ils portaient des uniformes.

4 Q. : Je m'excuse, je n'ai pas entendu l'interprétation.

5 R. : Des uniformes.

6 Q. : Etaient-ils armés quand ils venaient au camp ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Je crois que vous avez mentionné antérieurement dans votre témoignage

9 que l'un des soldats qui venait à la clinique médicale est ensuite

10 venu à Trnopolje et vous avez appris son nom, Ljubo Stojanovic.

11 Combien de fois Ljubo Stojanovic est-il venu au camp de Trnopolje ?

12 R. : Je l'ai vu une, peut-être deux fois.

13 Q. : Vous avez indiqué que lorsqu'il est venu au camp il vous a dit qu'il

14 était de Serbie ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Vous rappelez-vous d'une conversation que vous avez eue avec lui et

17 qu'il vous a dit qu'il vivait alors à Kozarac ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Que vous a-t-il dit sur son existence à Kozarac ?

20 R. : C'est durant cette conversation qu'il a mentionné d'où il venait et

21 qu'il a dit qu'il était de Belgrade mais qu'il vivait aussi à

22 Kozarac.

23 Q. : A-t-il montré un document portant une adresse ?

24 R. : Oui et j'étais assez surprise parce que je connaissais plus ou moins

25 toutes les personnes qui vivaient au moins dans ce quartier de

Page 2724

1 Kozarac qu'il avait mentionné. J'ai dit que je ne pouvais pas y

2 croire, que je ne le connaissais pas et il m'a alors montré sa carte

3 d'identité avec l'adresse.

4 Q. : Vous rappelez-vous quelle partie de Kozarac figurait sur l'adresse ?

5 R. : Il s'agissait de la rue Marsala Tita mais je ne me souviens pas du

6 numéro.

7 Q. : Vous rappelez-vous de l'endroit dans la rue Marsala Tita ?

8 R. : Il a essayé de me l'expliquer et ce devrait être dans le voisinage de

9 la mosquée Mutnik.

10 Q. : A votre connaissance, les gens qui résidaient auparavant dans ce

11 quartier proche de la mosquée Mutnik appartenaient à quel groupe

12 ethnique ?

13 R. : Musulman.

14 Q. : Cette carte d'identité qu'il vous a montré et qui portait son adresse

15 à Kozarac, vous rappelez-vous de la date qui y figurait ?

16 R. : Je m'en souviens parce que c'est un point qui m'a semblé bizarre et

17 nous en avons parlé ultérieurement. La date remontait à trois ou

18 quatre jours avant l'attaque contre Kozarac. Je crois qu'il

19 s'agissait du 19 mai.

20 Q. : Des responsables serbes sont-ils venus visiter le camp de Trnopolje

21 pendant que vous y étiez ?

22 R. : Oui, un officier de l'armée est venu une fois au camp.

23 Q. : Vous rappelez-vous de son nom ?

24 R. : Slobodan Cumba.

25 Q. : Connaissez-vous les raisons de sa visite du camp ?

Page 2725

1 R. : Il est venu au service de chirurgie, s'est présenté et a déclaré

2 qu'il était chargé de la sécurité dans ce secteur de la municipalité

3 de Prijedor.

4 Q. : Pendant cette conversation à la clinique médicale, vous rappelez-vous

5 s'il a fait des commentaires sur le nettoyage ethnique en cours dans

6 la région de Kozarac ?

7 R. : Oui, il a été très franc et a indiqué que le sort de Kozarac tenait à

8 ce qu'il y aurait eu des extrémistes dans la ville et qu'ils

9 n'avaient pas déposé leurs armes. Brdo avait déposé les armes et a

10 subi le même sort. Et il a dit également que quelqu'un avait eu

11 l'idée de procéder à un nettoyage ethnique et que c'est ce qui

12 allait se passer.

13 Q. : Vous avez mentionné qu'un autre endroit allait subir le même sort. A-

14 t-il dit quoi que ce soit sur un endroit appelé Biscani ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Qu'a-t-il dit à propos de Biscani ?

17 R. : Il a dit: "ils ont déposé les armes et pourtant ils vont subir le

18 même sort que vous".

19 Q. : Que s'est-il passé à Biscani ?

20 R. : Sept jours plus tard cette région a aussi été nettoyée.

21 Q. : Durant votre conversation, il a utilisé le terme "nettoyage" ?

22 R. : Je crois que oui.

23 Q. : Nous avons examiné les bâtiments qui faisaient partie du camp de

24 Trnopolje. Vous rappelez-vous si des structures se dressaient de

25 l'autre côté de la rue en face du camp ?

Page 2726

1 R. : Il y avait quelques maisons privées, des résidences dans le voisinage

2 immédiat du camp.

3 Q. : Le personnel du camp a-t-il jamais utilisé ces maisons à des fins

4 quelconque ?

5 R. : Certains membres du personnel.

6 Q. : Vous rappelez-vous quelles maisons ils ont utilisé ?

7 R. : L'une d'elle était juste en face de l'école de Trnopolje où l'armée

8 était stationnée, je ne sais pas pourquoi. Il y avait une autre

9 maison un peu plus éloignée du camp dans la direction de Kozarac sur

10 le côté droit et c'était un bâtiment qui officiellement abritait les

11 locaux de Slobodan Kuruzovic, ses bureaux.

12 MME HOLLIS : Pourrait-on présenter la deuxième partie de la pièce à

13 conviction 203 de l'Accusation s'il vous plaît ?

14 (Présentation de la vidéo)

15 Pourrait-on s'arrêter ici s'il vous plaît ? Reconnaissez-vous cette

16 structure avec l'auvent vert ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Des membres du personnel du camp utilisaient-ils cette structure ?

19 R. : Oui, pendant un certain temps la Croix Rouge occupait un côté et un

20 poste militaire se trouvait dans l'autre partie de la maison.

21 Q. : Qu’est-ce qu'était cette maison auparavant, si vous le savez ?

22 R. : C'était un pub privé.

23 Q. : Vous avez dit que la Croix Rouge a utilisé cette maison à une

24 certaine époque. Où se trouvait-elle avant d'utiliser ce bâtiment ?

25 R. : Elle était dans les locaux de l'ancienne commune locale à Trnopolje

Page 2727

1 et à l'intérieur de l'enceinte du camp; on pouvait les voir sur une

2 photographie précédente.

3 Q. : Il s'agirait du bâtiment dans lequel vous avez dit que se trouvait le

4 cinéma ?

5 R. : Oui, oui, sur le devant.

6 Q. : Merci. Pourrions-nous continuer s'il vous plaît ? Pourrait-on arrêter

7 ici ? Cet endroit près de ce café servait-il à quelque chose ?

8 R. : A droite de l'endroit où se tient cette femme, sur les deux côtés de

9 la clôture, il y avait un point de contrôle militaire, un poste de

10 sentinelle.

11 Q. : Peut-on continuer la vidéo, s'il vous plaît ? Pourrait-on arrêter le

12 film ici ? Reconnaissez-vous cette structure rouge à deux étages ?

13 R. : Ce ..

14 Q. : Oui.

15 R. : ... ce bâtiment en briques ? Oui.

16 Q. : Cette structure était-elle utilisée par le personnel du camp ?

17 R. : C'est une maison utilisée par Slobodan Kuruzovic.

18 Q. : Pourrait-on arrêter la vidéo, s'il vous plaît ? Pouvez-vous nous dire

19 si d'autres membres des professions médicales ont travaillé avec

20 vous à la clinique durant tout votre séjour au camp de Trnopolje ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Pourriez-vous nous dire qui étaient ces personnes ?

23 R. : Vous voulez que je vous donne une liste des noms ?

24 Q. : Oui, le personnel médical qui a travaillé avec vous durant tout votre

25 séjour.

Page 2728

1 R. : Il y avait les docteurs Idriz Merdzanic, Jusuf Pasic, Mensur, moi-

2 même et mon collègue Hase Dzonlagic, puis un vétérinaire et un

3 auxiliaire de santé Mujo Zulic et une infirmière Sabiha Islamovic.

4 Q. : Vous avez mentionné Mensur, quel était son nom de famille ?

5 R. : Kusuran.

6 Q. : Toutes les personnes que vous avez nommées ont-elles quitté Trnopolje

7 en même temps que vous ?

8 R. : Non, nous partions à des intervalles différents.

9 Q. : Certaines d'entre elles ont-elles été transférées de Trnopolje à

10 d'autres camps ?

11 R. : Oui, deux médecins, Dr. Jusuf Pasic et Dr. Mensur Kusuran, ont été

12 transférés à Omarska.

13 Q. : Nous disposons d'éléments, comme je l'ai dit, venant de la visite de

14 Penny Marshall. J'aimerais que l'on joue une partie de la pièce 184

15 de l'Accusation. C'était une partie de cette visite. Ce serait le

16 passage montrant la clinique médicale de Trnopolje. Pourrions-nous

17 nous arrêter ici, s'il vous plaît ? Pouvez-vous nous dire ... Nous

18 regardons un homme qui porte une blouse blanche et qui est amputé

19 d’une partie du bras droit. Pouvez-vous nous dire qui est cette

20 personne ?

21 R. : C'est Mica, l'auxiliaire de santé.

22 Q. : C'est l'auxiliaire de santé qui accompagnait le Dr. Ivic au camp ?

23 R. : Oui.

24 Q. : L'homme qui marche vers Mica, c'est le Dr. Idriz, est-ce exact ?

25 R. : Oui.

Page 2729

1 Q. : Pourrait-on continuer ? Pourrait-on poser ici ? Qui est cet homme

2 portant une blouse blanche à votre gauche ?

3 R. : Il s'agit de Vasif Gutic qui était aussi avec nous à Trnopolje.

4 Q. : Etait-il également un docteur ?

5 R. : Il était étudiant en médecine et s'apprêtait en fait à recevoir son

6 diplôme.

7 Q. : Si nous pouvions passer maintenant à la partie suivante de cet

8 enregistrement, le dernier segment s'il vous plaît ? Pourrions-nous

9 avancer jusqu'au ... pourrait-on arrêter ici s'il vous plaît ? Dr.

10 Blazevic, est-ce vous que l'on voit sur l'écran ?

11 R. : Oui, c'est moi.

12 Q. : Vous parliez avec Penny Marshall à ce moment là, est-ce exact ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Que lui disiez-vous ?

15 R. : J'essayais de lui faire comprendre qu'il manquait un groupe de

16 personnes. A ce moment là, tous les détenus de Keraterm avaient été

17 transférés à Trnopolje, pour autant que nous sachions, ainsi que la

18 moitié des détenus du camp d'Omarska. Nous ne savions pas où avaient

19 été transférés les autres détenus d'Omarska. Nous avions seulement

20 entendu dire qu'ils avaient été envoyés à Manjaca.

21 Q. : Durant une très brève partie de sa visite, Penny Marshall a pu

22 s'entretenir en privé avec vous et le reste du personnel médical,

23 n'est-ce pas ?

24 R. : Oui.

25 Q. : En cette occasion, avez-vous pu parler librement avec elle ?

Page 2730

1 R. : Non.

2 Q. : Pourquoi pas ?

3 R. : J'avais trop peur.

4 Q. : Que pensiez-vous qu'il arriverait si vous parliez librement du camp

5 de Trnopolje ?

6 R. : Je pensais qu'ils nous tueraient.

7 Q. : Qui cela ?

8 R. : Les soldats.

9 MME HOLLIS : Madame la Présidente, le moment serait propice pour une

10 suspension d'audience.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l'audience 20 minutes.

12 (11 heures 37)

13 (Brève suspension d'audience)

14 (11 heures 55)

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, voulez-vous reprendre s'il vous

16 plaît ?

17 MME HOLLIS : Merci, Madame la Présidente. (Au témoin) : Dr. Blazevic,

18 avant la suspension, nous parlions du personnel médical qui vous

19 avez accompagné au camp de Trnopolje. La femme appelée Gordana en

20 faisait-elle partie ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Combien de temps a-t-elle été détenue à Trnopolje ?

23 R. : Elle est restée au camp pendant peut-être une dizaine de jours et

24 elle a ensuite été remmenée chez elle.

25 Q. : Savez-vous qui l'a remmenée chez elle ?

Page 2731

1 R. : Elle nous a dit que son frère est venu la chercher.

2 Q. : Durant la dizaine de jours où Gordana s'est trouvée avec vous au camp

3 de Trnopolje, vous rappelez-vous d'un incident inhabituel auquel

4 elle aurait pu participer ?

5 R. : L'un de deux hommes battus dans les locaux du laboratoire à Trnopolje

6 nous a dit qu'une femme en blouse de laboratoire est entrée dans la

7 pièce accompagnée de deux soldats et qu'ils ont eu une conversation.

8 Q. : Savez-vous qui étaient les femmes qui à Trnopolje portaient ces

9 blouses de laboratoire ?

10 R. : Seulement nous trois, moi-même, Sabiha Zulic et Gordana.

11 Q. : Avez-vous discuté de cet incident avec Sabiha ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Etes-vous allée dans cette pièce quand l'homme a été passé à tabac ?

14 R. : Oui.

15 Q. : A votre connaissance, Sabiha est-elle allée dans cette pièce ?

16 R. : Non.

17 Q. : Qui était l'homme qui vous a parlé de cet incident ?

18 R. : Je pense que c'était Nedzad Jakupovic.

19 Q. : Y avait-il déjà des prisonniers dans le camp de Trnopolje quand vous

20 y êtes arrivée pour la première fois ?

21 R. : Il y avait déjà de nombreuses personnes.

22 Q. : Durant votre séjour au camp, d'autres personnes, d'autres détenus y

23 sont-ils arrivés ?

24 R. : Oui, la situation à Trnopolje était constamment chaotique. Le nombre

25 de détenus variait considérablement. Il y avait en permanence un

Page 2732

1 groupe de peut-être 1 500 à 2 000 hommes et, en plus de cela, des

2 gens, des civils, des femmes, des enfants y étaient amenés

3 constamment et ils étaient ensuite expédiés dans d'autres endroits.

4 Q. : Durant votre séjour au camp, connaissiez-vous certains des autres

5 détenus du camp ?

6 R. : Oui, la plupart d'entre eux.

7 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique les détenus du camp

8 appartenaient-ils ?

9 R. : Ils étaient presque tous des Musulmans avec quelques Croates.

10 Q. : Quelles étaient les diverses catégories d'âge du personnel du camp,

11 des prisonniers ?

12 R. : Il était très varié allant de 15 ou 16 ans jusqu'à des personnes

13 âgées.

14 Q. : D'où provenaient les personnes qui étaient amenées au camp ?

15 R. : Elles venaient des villages avoisinants.

16 Q. : Les Serbes ont-ils donné des raisons de l'arrivée constante de ces

17 personnes dans le camp ?

18 R. : Ils nous disaient toujours que nous étions là pour qu'ils puissent

19 nous protéger à l'encontre des extrémistes musulmans.

20 Q. : Ces personnes qui arrivaient des villages avoisinants, vous ont-elles

21 donné les raisons de leur présence dans le camp ?

22 R. : Elles nous ont dit qu'elles y étaient parce qu'elles y avaient été

23 amenées.

24 Q. : Amenées par qui ?

25 R. : Par l'armée.

Page 2733

1 Q. : Vous ont-elles raconté ce qui était arrivé à leurs villages et à

2 leurs maisons ?

3 R. : L'histoire était presque toujours ...l'histoire répétée était presque

4 toujours la même. L'armée arrivait et ordonnait aux gens de quitter

5 leurs maisons très rapidement. Généralement plusieurs personnes

6 étaient abattues et le reste était envoyé au camp à Trnopolje.

7 Q. : Ces soldats qui allaient dans les villages et ordonnaient aux gens de

8 sortir et qui tuaient quelques personnes - les détenus vous ont-ils

9 dit qu'il s'agissait de soldats musulmans ?

10 R. : Non.

11 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient ces soldats, d'après les détenus

12 ?

13 R. : Il s'agissait de soldats serbes.

14 Q. : Du camp, pouviez-vous apercevoir des incendies dans la région

15 avoisinante pendant votre séjour à Trnopolje ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Quels endroits ou villages semblaient touchés par ces incendies ?

18 R. : Pendant longtemps on a pu voir l'incendie dans la direction de

19 Kozarac, dans tous les villages voisins de Kozarac et sur les

20 collines tournées vers Kozarac.

21 Q. : A votre connaissance, quel groupe ethnique peuplait les villages d'où

22 venaient les prisonniers ?

23 R. : Musulman.

24 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenaient les

25 habitants des villages dont vous pouviez voir les incendies ?

Page 2734

1 R. : Il s'agissait de villages musulmans.

2 Q. : Vous a-t-on jamais autorisé à quitter le camp de Trnopolje pendant

3 que vous y étiez incarcérée ?

4 R. : J'ai quitté le camp plusieurs fois.

5 Q. : Etes-vous en fait retournée à Kozarac ?

6 R. : Deux fois.

7 Q. : A quelle date y êtes-vous retournée pour la première fois ? Combien

8 de temps après votre arrivée au camp ?

9 R. : C'était deux ou trois jours après mon arrivée au camp.

10 Q. : Pourquoi êtes-vous retournée à Kozarac en cette occasion ?

11 R. : Nous leur avons demandé de nous emmener au moins au bâtiment du

12 centre médical de Kozarac pour que nous puissions voir s'il y

13 restait des médicaments que nous pourrions utiliser pour aider les

14 prisonniers.

15 Q. : Qui vous y a emmené ?

16 R. : Des soldats nous ont accompagné à Kozarac.

17 Q. : Quand vous êtes arrivés à Kozarac, la partie de la ville que vous

18 pouviez observer ... l'état de la ville vous paraissait-il différent

19 de ce qu'il était quand vous l'avez quittée le 26 mai ?

20 R. : Non, ce n'était pas très différent.

21 Q. : Quand a eu lieu votre deuxième visite à Kozarac ?

22 R. : Vers la fin juin peut-être.

23 Q. : Pourquoi êtes-vous alors allée à Kozarac ?

24 R. : Nous voulions en fait essayer de récupérer les documents, nos

25 documents, nos documents personnels qui nous paraissaient

Page 2735

1 extrêmement importants pour nous à cette époque et aucun d'entre

2 nous n'avait pris ces documents avec lui auparavant.

3 Q. : En cette seconde occasion, comment vous êtes-vous rendue du camp de

4 Trnopolje à Kozarac ?

5 R. : A bicyclette.

6 Q. : Vous êtes donc allée du camp à Kozarac en bicyclette ?

7 R. : Oui, nous sommes arrivés à proximité de Kozarac à bicyclette.

8 Q. : Quand vous êtes arrivés à proximité de Kozarac, avez-vous eu une

9 escorte pour le reste de votre déplacement ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A quel endroit vous a-t-on donné cette escorte ?

12 R. : Je suis arrivée à bicyclette à un endroit sur la route entre Kozarac

13 et Trnopolje qui est assez proche du croisement avec la nouvelle

14 route de Banja Luka que nous appelions autrefois "Suhi Brod".

15 Q. : Est-ce à ce point que vous avez reçu une escorte ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Cette escorte était-elle constituée d'un groupe de soldats qui se

18 trouvaient à cet endroit ?

19 R. : Oui, un des soldats était présent sur cette route.

20 Q. : Vous avez effectivement pu entrer à Kozarac ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Jusqu'où avez vous pu marcher dans Kozarac en cette occasion ?

23 R. : J'ai pu traverser Kozarac à pied et j'ai atteint la mosquée Mutnik.

24 Q. : Lors de ce deuxième voyage à Kozarac, l'état des bâtiments de la

25 ville était-il sensiblement différent de celui de votre voyage

Page 2736

1 précédent ?

2 R. : Oui, cette fois, à cette époque Kozarac avait été complètement

3 détruit.

4 Q. : Quand vous dites que Kozarac avait été "complètement détruit", avez-

5 vous vu des bâtiments dans la ville qui semblaient apparemment avoir

6 subi peu de dégâts ?

7 R. : Oui.

8 Q. : De quels bâtiments s'agissait-il ?

9 R. : Principalement les maisons des Serbes le long de cette route.

10 Q. : Le long de la rue Marsala Tita ?

11 R. : Oui, dans la rue Marsala Tita et dans une autre rue menant vers ...

12 qui mène de l'église orthodoxe au centre médical.

13 Q. : Ces maisons, les maisons serbes qui n'étaient pas endommagées, en

14 connaissiez-vous les propriétaires ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Qui étaient ces propriétaires serbes ?

17 R. : Dans cette rue j'ai vu la maison de Bozo Dragicevic, celle de Dusko

18 Tadic, la maison de Drago Coprka, de Mirko Grahovac.

19 Q. : Ces maisons étaient toutes relativement intactes ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Les maisons que vous venez de mentionner portaient-elles des signes

22 ou des graffitis ?

23 R. : Oui, c'était une caractéristique de toutes ces maisons. Elles

24 portaient un signe qui expliquait leur appartenance à un Serbe.

25 Q. : Sur les maisons que vous avez mentionnées, par exemple celle de Bozo

Page 2737

1 Dragicevic, avez-vous vu l'un de ces signes sur cette maison ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous rappelez-vous de ce que ce signe disait ?

4 R. : Il disait "Serbe" ou "Cette maison est serbe" mais principalement

5 "Serbe".

6 Q. : Avez-vous aperçu un tel signe sur la maison et le café de Dusko Tadic

7 ?

8 R. : Oui, c'était écrit sur l'un des côtés, je ne me souviens pas lequel,

9 "Maison serbe, ne pas toucher".

10 Q. : Les deux autres maisons que vous avez mentionnées, celles de Grahovac

11 et de l'autre homme, ces maisons portaient-elles également des

12 signes ?

13 R. : Oui, sur la maison de Mirko Grahovac, il y avait un dessin, le dessin

14 caractéristique d'une croix serbe avec les quatre S et sur la maison

15 de Drago Coprka il y avait un grand drapeau serbe.

16 Q. : Quand vous parlez des quatre S, il s'agit des S de l'alphabet

17 cyrillique ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Est-il exact que ces S cyrilliques ressemblent un peu à la lettre "C"

20 de l'alphabet latin ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Vous avez indiqué que ces quatre maisons n'étaient pas détruites.

23 Avez-vous aussi eu l'occasion de voir l'église serbe ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Etait-elle endommagée ?

Page 2738

1 R. : Non, je ne me souviens pas avoir vu de dégâts. Elle n'était pas

2 endommagée.

3 Q. : Avez-vous vu des mosquées de Kozarac ?

4 R. : J'ai vu la mosquée Mutnik.

5 Q. : Elle était dans quel état ?

6 R. : Elle était ruinée.

7 Q. : Avez-vous vu des maisons musulmanes qui auraient été laissées

8 relativement intactes ?

9 R. : Il n'y en avait que deux ou trois le long de cette route.

10 Q. : Où étaient situées ces deux ou trois maisons ?

11 R. : L'une se trouvait dans le centre de Kozarac proprement dit. Je me

12 souviens que quand je suis rentrée au camp, j'ai essayé d'expliquer

13 qu'il s'agissait d'une vieille maison, une petite maison ancienne

14 qui était intacte. On m'a dit qu'elle appartenait à un couple de

15 personnes âgées du nom d'Hasimic. Je ne connais pas ces personnes.

16 Q. : Où étaient situées les deux autres maisons musulmanes qui étaient

17 relativement intactes ?

18 R. : L'une se trouvait près de la pâtisserie que j'ai mentionnée

19 auparavant et la troisième était beaucoup plus proche du carrefour

20 de la route Banja Luka/Prijedor.

21 Q. : Ces maisons serbes que vous avez mentionnées, les quatre maisons

22 serbes qui étaient relativement intactes ... Quel était l'état des

23 maisons voisines ?

24 R. : Elles avaient été incendiées.

25 Q. : Vous rappelez-vous une autre de vos sorties du camp sous escorte

Page 2739

1 militaire à l'occasion de laquelle vous avez vu le village de

2 Kamicani en train de brûler ?

3 R. : Oui, je me souviens.

4 MME HOLLIS : Peut-on de nouveau montrer au témoin la pièce à conviction 79

5 de l'Accusation ? Pourriez-vous s'il vous plaît examiner cette carte

6 un instant pour situer Kamicani ? Peut-on la placer sur le

7 rétroprojecteur ? Pourriez-vous s'il vous plaît indiquer à la Cour

8 l'endroit que vous appelez Kamicani ?

9 R. : Ce serait ici.

10 Q. : Pourrait-on agrandir un peu l'image s'il vous plaît ?

11 R. : Oui, c’est cet endroit, ici.

12 Q. : Pourrions-nous grossir un peu ce point, s'il vous plaît ? Je regarde

13 et je ne vois pas de village appelé Kamicani.

14 R. : Tout ce secteur qui va de Kozarac, quand vous quittez Kozarac et

15 prenez la vieille route vers Banja Luka, environ 500 mètres après

16 Kozarac, toute cette région composée de villages était appelée

17 "Kamicani" par les gens ...

18 Q. : Pourriez-vous nous montrer ...

19 R. : ... au sens large du terme.

20 Q. : ... l'endroit que les gens appelaient "Kamicani" ?

21 R. : (Le témoin désigne l'endroit). Cela irait d'ici, de ce croisement qui

22 est situé ici, et cette route qui mène à Brdjani. En fait, tout ce

23 secteur, qui couvre Softici, Alici, Rustici, Kesici, Donji Forici et

24 tout le secteur jusqu'à Rustici serait appelé "Kamicani" au sens

25 large du terme, y compris cet endroit à droite de la nouvelle route

Page 2740

1 de Banja Luka.

2 R. : Très bien. Pouvez-vous alors nous montrer de nouveau cette partie de

3 Kamicani que vous avez vue en train de brûler quand vous êtes sortie

4 du camp sous escorte militaire ?

5 R. : Ce pourrait être ce secteur-ci.

6 Q. : Vous rappelez-vous du commentaire fait par le soldat sur cet incendie

7 à Kamicani ?

8 R. : Le commentaire a été quelque chose du genre "aujourd'hui Cigo nettoie

9 Kamicani et ils ne feront pas de prisonniers".

10 Q. : "Aujourd'hui", je m'excuse, pourriez-vous répéter ? Je ne comprends

11 pas l'interprétation. Quel était ce commentaire ?

12 R. : Le commentaire était : "Aujourd'hui les hommes de Cigo ou Cigo et ses

13 gens nettoient Kamicani. Ils ne prendront pas ... Ils ne feront pas

14 de prisonniers".

15 Q. : Lors d'autres sorties du camp de Trnopolje, êtes-vous allée dans le

16 village de Trnopolje pour vous approvisionner ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Qui vous escortait quand vous êtes allée dans le village pour vous

19 approvisionner ?

20 R. : Si nous allions dans les jardins qui entouraient le camp de

21 Trnopolje, nous y allions sans escorte et restions dans un secteur

22 de 200 à 300 mètres autour du camp qui avait les gardiens; mais si

23 j'allais plus loin, et c'était essentiellement pour aider les

24 résidents serbes qui se trouvaient là ou si des animaux avaient

25 besoin de soins, dans ce cas j'avais une escorte militaire.

Page 2741

1 Q. : Qu'avez-vous vu quand vous vous êtes rendue au village de Trnopolje

2 pour chercher des fournitures ?

3 R. : Nous pouvions voir généralement que les maisons devant lesquelles

4 nous passions ou dans lesquelles nous entrions si nous recherchions

5 des médicaments qui auraient pu y rester - et c'est dans ces cas là

6 que nous avions une escorte - nous pouvions nous rendre compte que

7 les maisons avaient été abandonnées très rapidement. Les maisons

8 étaient totalement ... dans un chaos effroyable, total. Nous

9 pouvions voir que des meubles avaient disparu, toutes les portes

10 étaient ouvertes, toutes les maisons avaient leurs portes ouvertes

11 en grand.

12 Q. : Dans quel état se trouvaient les maisons ? Etaient-elles endommagées

13 ? Intactes ?

14 R. : Elles étaient intactes.

15 Q. : Connaissiez-vous les propriétaires de certaines de ces maisons ?

16 R. : Oui.

17 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient ces personnes que vous

18 connaissiez ?

19 R. : Musulman.

20 Q. : Certains des propriétaires que vous connaissiez étaient-ils au camp

21 de Trnopolje ?

22 R. : Certains d'entre eux, oui.

23 Q. : Pendant que vous étiez dans le village de Trnopolje, avez-vous

24 assisté au pillage de certaines de ces maisons ?

25 R. : Oui.

Page 2742

1 Q. : Qui procédait à ce pillage ?

2 R. : Généralement les soldats.

3 Q. : Quel genre de choses prenaient-ils ?

4 R. : Ils prenaient tout, des meubles aux petits articles ménagers, les

5 vivres qu'ils trouvaient dans les maisons.

6 Q. : Pendant que vous étiez dans la région de Trnopolje, la ville de

7 Trnopolje, avez vous jamais vu des maisons musulmanes occupées par

8 d'autres personnes ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Connaissiez-vous les propriétaires de ces maisons ?

11 R. : Oui.

12 Q. : A votre connaissance, où se trouvaient les propriétaires de ces

13 maisons ?

14 R. : Ces maisons spécifiquement ... Je sais que le propriétaire d'une

15 maison que je savais occupée se trouvait au camp de Trnopolje.

16 Q. : Avez-vous eu l'occasion de parler effectivement avec les personnes

17 qui occupaient maintenant cette maison ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Avez-vous appris quel était leur groupe ethnique ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Et quel était ce groupe ethnique ?

22 R. : Il s'agissait de Serbes de Slavonska Pozega.

23 Q. : Savez-vous où se trouve cet endroit, à quelle distance de Trnopolje ?

24 R. : Je ne pense pas que ce soit à plus de 400 ou 500 mètres.

25 Q. : Est-ce que Slavonska Pozega est une ville ou un quartier ?

Page 2743

1 R. : Je m'excuse. Je n'avais pas compris la question. Je pensais que vous

2 me demandiez si je savais où se trouvait cette maison.

3 Q. : La maison est donc située à 400 ou 500 mètres du camp et les

4 personnes habitant cette maison, la ville dont ils venaient, savez-

5 vous à quelle distance cette ville se trouve par rapport à Trnopolje

6 ?

7 R. : Je ne peux pas vous le dire exactement mais à plus d'une centaine de

8 kilomètres probablement.

9 Q. : Vous avez indiquez que vous sortiez aussi du camp pour administrer

10 des soins vétérinaires. Quand vous quittiez le camp à cette fin,

11 dans quels villages vous rendiez-vous ?

12 R. : Il s'agissait généralement de maisons serbes voisines de Trnopolje.

13 Je suis allée une fois à Hrnici; une fois ou deux je suis allée au

14 village de Babici, Nisevici ou à d'autres villages se trouvant sur

15 la route allant vers Prijedor, par exemple Baltici.

16 Q. : Quel était l'état de ces maisons serbes où vous alliez ?

17 R. : Elles étaient dans leur état ordinaire, intactes.

18 Q. : Vous avez mentionné que durant votre séjour au camp de Trnopolje

19 quelque

20 1 500 à 2 000 hommes y étaient gardés en permanence, est-ce exact ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Et que d'autres personnes y étaient amenées en provenance des

23 villages voisins qui avaient été nettoyés ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Quelle était la durée normale du séjour au camp de Trnopolje de ces

Page 2744

1 personnes qui provenaient des villages voisins ?

2 R. : Elle variait, parfois deux, parfois trois ou quatre mais généralement

3 pas plus longtemps.

4 Q. : Trois ou quatre quoi ?

5 R. : Jours, je m'excuse.

6 Q. : Qu'arrivait-il ensuite à ces gens après cette période de trois ou

7 quatre jours ?

8 R. : Ils étaient transportés ailleurs.

9 Q. : Comment, quels étaient les moyens de transport utilisés ?

10 R. : Les premiers groupes, comme nous les appelions, les convois, étaient

11 transportés par voie ferrée, par trains; par la suite, les convois

12 ont emprunté la route en utilisant autocars et camions.

13 Q. : Ces transports ferroviaires, quels types de wagons étaient utilisés

14 pour transporter ces gens ?

15 R. : Essentiellement des wagons de marchandises.

16 Q. : Les autocars et camions utilisés étaient-ils des véhicules civils ou

17 militaires ?

18 R. : Civils.

19 Q. : Les personnes composant ces convois, s'agissait-il de groupes mixtes

20 ou essentiellement de femmes et d'enfants ?

21 R. : Principalement des femmes et des enfants.

22 Q. : Qu'arrivait-il aux hommes qui étaient amenés au camp de Trnopolje ?

23 R. : On ignorait ce qui était arrivé aux hommes ou l'endroit où ils se

24 trouvaient; ou ils avaient été abattus auparavant dans les villages

25 ou ils avaient été emmenés ou restaient dans l'un des camps.

Page 2745

1 Q. : Par conséquent, ces groupes qui arrivaient dans le camp en provenance

2 des villages avoisinants étaient constitués principalement de femmes

3 et d'enfants ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Le camp proprement dit. J'aimerais vous poser quelques questions sur

6 la situation dans le camp. Tout d'abord quelle était la situation au

7 plan hygiénique ?

8 R. : Elle était terrible. Nous n'avons pas eu du tout d'eau courante

9 pendant toute la durée de notre séjour. L'eau était amenée pour tout

10 le camp, elle provenait d'un puits.

11 Q. : Quelles étaient les températures dans le camp cet été là, faisait-il

12 très chaud ? Faisait-il chaud ou frais durant l'été ?

13 R. : Je me souviens que la première partie de l'été fut pluvieuse puis

14 qu'ensuite il a fait très chaud.

15 Q. : Qu'en était-il des installations sanitaires pour les détenus ?

16 R. : Les toilettes de l'école de Trnopolje ne pouvaient pas être utilisées

17 du fait du manque d'eau et c'est la raison pour laquelle des

18 sanitaires provisoires ont été construit dans la prairie voisine de

19 la maison.

20 Q. : S'agissait-il de toilettes ouvertes ou closes ?

21 R. : Elles étaient ouvertes, en plein air, et avec les briques trouvées

22 dans les bâtiments, un muret d'un mètre de haut environ a été

23 construit de sorte que vous ne pouviez pas voir à l'intérieur. Des

24 rigoles ont été creusées tout autour.

25 Q. : A quoi ressemblait l'abri au camp ?

Page 2746

1 R. : Je m'excuse, je ne comprends pas la question.

2 Q. : L'abri au camp, quelles étaient les conditions d'hébergement au camp

3 ?

4 R. : Voulez-vous dire l'endroit où se trouvaient les détenus ?

5 Q. : Oui.

6 R. : Nous étions dans les locaux du centre médical et le reste des détenus

7 se trouvaient dans les locaux de l'ancienne école primaire de

8 Trnopolje. Les personnes qui étaient amenées étaient généralement

9 incarcérées dans le cinéma et si elles ne pouvaient pas toutes y

10 entrer, certaines d'entre elles passaient alors la nuit dehors.

11 Q. : Il s'agit des gens qui étaient amenés provisoirement des villages

12 avoisinants et qui étaient incarcérés dans le cinéma ?

13 R. : Je n'ai pas entendu la première partie de votre question.

14 Q. : Il s'agit des gens qui étaient amenés provisoirement des villages

15 avoisinants et qui étaient incarcérés dans le cinéma ?

16 R. : Oui.

17 Q. : La nourriture à Trnopolje - combien de repas étaient servis à ces

18 prisonniers ?

19 R. : Il n'y avait pas de repas réguliers à Trnopolje.

20 Q. : Combien de fois par jour les détenus pouvaient-ils manger ?

21 R. : Les détenus mangeaient ce qu'ils pouvaient trouver eux-mêmes ou ce

22 que les villageois, pendant qu'ils habitaient encore dans leurs

23 maisons voisines, leur apportaient. S'agissant du camp proprement

24 dit, il n'y avait pas de repas organisés; ils avaient lieu seulement

25 de temps en temps mais pas chaque jour et il n'y avait que des

Page 2747

1 rations militaires; une sorte de soupe était fournie aux détenus.

2 Q. : Les prisonniers sont-ils tombés malades du fait de l'état du camp ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Quelles sortes de maladies ont-ils contractées?

5 R. : Les maladies étaient généralement dues à ces horribles conditions

6 hygiéniques. On était infecté de poux; les croûtes sur la peau

7 (scab) et la diarrhée étaient fréquentes.

8 Q. : L'interprétation parle de "poux" puis de "croûtes sur la peau"

9 (scab). Je m'excuse, je ne comprends pas ce que vous entendez par

10 "scab". Pourriez-vous nous l'expliquer ?

11 R. : "Scab" est une maladie de la peau ... Voulez-vous que je vous

12 l'explique ?

13 Q. : Vous voulez peut-être parler de la "gale" (scabies) ?

14 R. : Oui, je parle de la gale.

15 Q. : Vous avez indiqué que des personnes étaient amenées à Trnopolje en

16 provenance de Keraterm et d'Omarska. Les avez-vous vues à leur

17 arrivée au camp ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Quel était l'état général des personnes venant de ces deux camps ?

20 R. : Désastreux, elles n'avaient que la peau et les os. Elles

21 ressemblaient à des squelettes.

22 Q. : Des personnes venant de Keraterm et d'Omarska ont-elles été amenées à

23 la clinique médicale ?

24 R. : Oui.

25 MME HOLLIS : Peut-on afficher le document 5/20 sur l'écran d'ordinateur

Page 2748

1 s'il vous plaît ?

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce une pièce versée comme élément de

3 preuve ?

4 MME HOLLIS : Non, Madame la Présidente. Je demande que ce document soit

5 marqué pièce à conviction 206 de l'Accusation pour identification.

6 (Au témoin) : Reconnaissez-vous cette photographie ?

7 R. : Oui.

8 MME HOLLIS : Madame la Présidente, si la Cour le souhaite, nous avons une

9 photographie que nous pouvons verser en fait comme la pièce à

10 conviction. Elle serait marquée pièce à conviction 206 de

11 l'Accusation pour identification. On peut peut-être montrer cette

12 photographie au témoin ? Vous avez dit que vous reconnaissiez cette

13 photographie ? Qui l'a prise ?

14 R. : Dr. Idriz Merdzanic.

15 Q. : Où a-t-elle été prise ?

16 R. : A Tnorpolje.

17 Q. : L'homme qui figure sur la photographie était-il l'un de ceux amenés à

18 Trnopolje en provenance de Keraterm ou d'Omarska ?

19 R. : Oui.

20 MME HOLLIS : Madame la Présidente, je verse la pièce à conviction 206 de

21 l'Accusation.

22 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 206 est versée.

24 MME HOLLIS (Au témoin) : Dr. Blazevic, lorsque le Dr. Idriz a pris cette

25 photographie, savez-vous quel était l'état de connaissance de cet

Page 2749

1 homme ? Etait-il conscient ? Avait-il perdu connaissance ?

2 R. : Il avait perdu connaissance.

3 Q. : Cette photographie de cet homme, donne-t-elle une idée générale de

4 l'état de bon nombre des hommes amenés au camp en provenance de

5 Keraterm et d'Omarska ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Que fait cet homme ? Est-il allongé là ?

8 R. : Il est allongé sur la table qui sert à examiner les patients dans la

9 clinique de consultations externes.

10 Q. : Il est allongé sur le ventre ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Peut-on rendre cette photographie au Greffier, s'il vous plaît ? A

13 votre connaissance, durant votre séjour au camp de Trnopolje, des

14 détenus du camp ont-ils été battus ?

15 R. : Oui.

16 Q. : A votre connaissance, quelle était la fréquence de ces sévices ?

17 R. : Ils étaient quotidiens pourrait-on dire.

18 Q. : A votre connaissance, en quels endroits du camp ces passages à tabac

19 se déroulaient-ils ?

20 R. : Partout, à l'école d'après ce que disaient les gens qui s'y

21 trouvaient; dans le bâtiment de la clinique de consultations

22 externes proprement dit, ce bureau qui avait été autrefois le

23 laboratoire; puis dans une pièce proche du laboratoire et qui, il y

24 a longtemps, était le bureau de la commune locale.

25 Q. : S'agissant des sévices infligés dans le laboratoire, pouviez-vous

Page 2750

1 entendre ce qui se passait ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Qu'entendiez-vous ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Qu'entendiez-vous ?

6 R. : J'entendais des coups ou des cris, parfois des injures.

7 Q. : Pouviez-vous voir les détenus amenés dans cette salle de laboratoire

8 ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Puis quand ils en ressortaient, pouviez-vous observer sur leurs corps

11 les indices des sévices subis ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Quand ils étaient amenés dans cette salle de laboratoire et qu'ils en

14 ressortaient, qui les escortait ?

15 R. : Des soldats.

16 Q. : Vous rappelez-vous une occasion où l'on vous a demandé de venir à

17 l'école pour y examiner un détenu ?

18 R. : Oui, je me souviens.

19 Q. : Qui était le détenu qu'on vous a demandé d'examiner ?

20 R. : Il s'agissait de Nedzad Jakupovic.

21 Q. : Dans quel état était-il quand vous l'avez examiné à l'école ?

22 R. : Il avait perdu connaissance.

23 R. : Avez-vous remarqué sur son corps des signes de blessures, des

24 hématomes ?

25 R. : Oui.

Page 2751

1 Q. : Ce passage à tabac était-il le premier qu'on ait infligé ?

2 R. : Non, c'était le second.

3 Q. : Où s'était passé le premier ?

4 R. : La première fois, il avait été battu dans le laboratoire voisin de la

5 clinique.

6 Q. : Combien de temps après ce premier passage à tabac avez-vous été

7 appelée à l'école pour constater les résultats du deuxième ?

8 R. : Un jour ou deux.

9 Q. : Quand vous l'avez vu à l'école, avez-vous conclu qu'il avait besoin

10 de soins que vous ne pouviez pas lui administrer au camp ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Qu'est-ce qui vous inquiétait et vous portait à conclure qu'il avait

13 besoin de soins supplémentaires ?

14 R. : Il avait perdu connaissance et le Dr. Idriz Merdzanic (qui était

15 aussi présent) pensait donc que son cerveau avait pu être touché et

16 qu'il risquait de mourir s'il restait avec nous.

17 Q. : Etes-vous parvenu à convaincre le personnel de Trnopolje de l'envoyer

18 ailleurs pour qu'il reçoive des soins ?

19 R. : Le Dr. Idriz Merdzanic s'est tourné vers le Dr. Ivic qui se trouvait

20 également dans le camp et lui a demandé d'assurer le transport du

21 patient, ce qu'il a promis de faire quand il irait à Prijedor. Mais

22 quand nous avons vu que le Dr. Ivic était parti pour Prijedor et ne

23 l'avait pas emmené, nous avons dit aux gardiens qu'il avait ordonné

24 le transfert du patient à Prijedor et ils s'en sont occupés.

25 Q. : Avez-vous appris par la suite où cet homme avait été emmené après son

Page 2752

1 traitement à Prijedor ?

2 R. : Oui. Il a bien été emmené à l'hôpital de Prijedor puis nous avons

3 appris que, de là , il avait été envoyé au camp d'Omarska.

4 Q. : Est-ce que vous-même ou un membre du personnel médical l'avez

5 photographié après le premier passage à tabac ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Combien de temps s'est-il écoulé entre ces premiers sévices et les

8 photographies ?

9 R. : Une heure ou deux.

10 Q. : Quel genre de blessures a-t-il subi du fait de ce premier passage à

11 tabac ?

12 R. : Il était si meurtri que nous ne pouvions pas le reconnaître au début.

13 Q. : En plus des hématomes, avait-il d'autres blessures sur le corps ?

14 R. : Oui, il était tout ensanglanté. Un de ses sourcils était coupé.

15 Q. : Quelque chose avait-il été gravé ou marqué sur son corps ?

16 R. : Sur une partie de son corps, je ne me souviens pas où exactement, on

17 pouvait voir, et il nous en a parlé, que quelqu'un avait essayé de

18 graver quelque chose au couteau, mais l'incision n'était pas

19 profonde. Elle était relativement superficielle.

20 Q. : Quelle était la marque ou le symbole qu'on avait essayé de graver

21 superficiellement sur son corps ?

22 R. : Une croix.

23 Q. : Peut-on montrer le document 5/18 sur l'écran et marquer cette copie

24 sur papier de cette photographie comme la pièce à conviction 207 de

25 l'Accusation pour identification, s'il vous plaît. Pourriez-vous

Page 2753

1 regarder cette photographie ? Reconnaissez-vous la personne qui y

2 figure ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Qui est-ce ?

5 R. : Nedzad Jakupovic.

6 Q. : Est-ce l'une des photographies prises de lui par le personnel médical

7 peu de temps après son premier passage à tabac ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Madame la Présidente, je verse la pièce à conviction 207 de

10 l'Accusation.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

12 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 207 est admise.

14 MME HOLLIS : Je vois un bandage sur ce qui semble être le côté gauche de

15 son visage. Que dissimule ce bandage ? Quel type de blessure ?

16 R. : La peau et le tissus sous-cutané ont été lacérés, s'étaient fendus

17 près du sourcil et nous avons posé des points de suture.

18 Q. : On observe une zone très sombre au bas de son dos. De quel genre de

19 blessures s'agit-il ?

20 R. : D’énormes hématomes, pleins de sang.

21 Q. : Peut-on marquer le document 5/17 comme la pièce à conviction 208 de

22 l'Accusation pour identification ? Pendant que nous examinons cette

23 photographie - pourrions-nous rappeler celle qui précédait - pendant

24 que nous examinons cette photographie, y voit-on cette croix qui a

25 été gravée superficiellement sur son corps ?

Page 2754

1 R. : Non.

2 Q. : Si vous pouviez aussi regarder la pièce à conviction 208 de

3 l'Accusation pour identification. Reconnaissez-vous cette

4 photographie ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Est-ce aussi une photographie de Nedzad Jakupovic prise peu de temps

7 après cette première série de coups ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Si vous examinez cette photographie, les parties coloriées ici

10 marquent les hématomes sur son corps ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Peut-on voir sur cette photographie la croix gravée sur son corps ?

13 R. : Je ne me souviens pas où exactement mais je pense que c'était quelque

14 part dans ce secteur, soit sur le côté soit à l'avant dans le

15 voisinage de l'épaule. Je sais qu'il nous a demandé si c'était

16 visible et si une cicatrice subsisterait.

17 Q. : Quand il vous a posé cette question, pouviez-vous la voir ?

18 R. : Oui, on pouvait la voir mais je me souviens aussi que nous lui avons

19 dit que la blessure n'était pas profonde et qu'il ne resterait

20 probablement pas de cicatrice, au moins pas très visible.

21 Q. : Ce document pourrait-il être marqué pièce à conviction 209 de

22 l'Accusation pour identification. Ce serait le document 5/19. Cette

23 pièce à conviction est-elle une autre photographie montrant les

24 hématomes sur le corps de Nedzad Jakupovic ?

25 R. : Oui.

Page 2755

1 Q. : Est-ce une autre des photographies que vous avez prises peu de temps

2 après son premier passage à tabac ?

3 R. : Oui, je pense.

4 MME HOLLIS : Je verse la pièce à conviction 209 de l'Accusation pour

5 identification.

6 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 209 est admise. Voulez-

8 vous verser 208 ?

9 MME HOLLIS : Oui, Madame la Présidente, je veux également verser la pièce

10 à conviction 208 de l'Accusation.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à 208 ?

12 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 208 est admise.

14 MME HOLLIS : Peut-on remettre ces photographies au Greffe, s'il vous plaît

15 ? Connaissez-vous certains des gardes qui infligeaient ces sévices

16 au camp de Trnopolje ?

17 R. : Je les connaissais essentiellement par leurs surnoms.

18 Q. : Quels étaient les surnoms de certains de ces individus ?

19 R. : L'un d'eux était surnommé Deba et un autre Darko. Il y en avait un

20 qui s'appelait Mile et un autre encore Mladen.

21 Q. : Savez-vous d'où venaient ces gardiens ?

22 R. : Je sais par exemple que Darko était de Tukovi, de même que Deba.

23 C'est un quartier de Prijedor.

24 Q. : Connaissez-vous le groupe ethnique des individus que vous avez nommés

25 ?

Page 2756

1 R. : Ils étaient Serbes.

2 Q. : Vous rappelez-vous un homme appelé Mujkanovic qui a été battu au camp

3 de Trnopolje ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Combien de temps ont ils infligé des sévices à Mujkanovic ?

6 R. : Il a été battu longtemps, jour et nuit.

7 Q. : Avez-vous vu cet homme après cette série de passages à tabac ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Dans quel état se trouvait-il ?

10 R. : Je ne l'ai vu que lorsqu'ils l'ont sorti de la clinique par la

11 fenêtre.

12 Q. : Il a donc été battu dans le laboratoire ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Pendant ces passages à tabac, vous rappelez-vous avoir vu Darko

15 sortir et essuyer son pied sur l'herbe ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Vous rappelez-vous si Darko a dit quelque chose à ce moment là ?

18 R. : Oui, il jurait et essuyait ses bottes. Il a déclaré qu'il saignait.

19 Q. : "Il" - Que lui, Darko, saignait ?

20 R. : Non, il jurait contre la mère de cette personne dans le laboratoire

21 et a dit "j'encule sa mère, qu'est-ce qu'il saigne !".

22 Q. : Quand Mujkanovic a été emmené du laboratoire, savez-vous dans quelle

23 direction il a été emmené ?

24 R. : Il a été emmené dans la direction de la gare ferroviaire de

25 Trnopolje.

Page 2757

1 Q. : Avez-vous jamais revu Mujkanovic au camp après cela ?

2 R. : Non.

3 Q. : Cette même nuit où Mujkanovic a été emmené à l'étang aux poissons,

4 vous rappelez-vous avoir vu Darko revenir à la clinique médicale ?

5 R. : Oui, cette nuit là Darko est venu nous voir.

6 Q. : Dans quel état était-il quand il est revenu à la clinique.

7 R. : Il était saoul.

8 Q. : Vous rappelez-vous avoir entendu Darko parler à Sabiha Islamovic en

9 cette occasion ?

10 R. : Oui, je me souviens.

11 Q. : Et que disait-il ?

12 R. : Il était saoul. Je crois que c'était son anniversaire. Il en a parlé

13 et il nous a dit combien il était malheureux, qu'ils n'étaient pas

14 vraiment des êtres humains, qu'ils ne valaient rien. Il a dit aussi

15 qu'il était jeune, qu'il avait fait toutes sortes de choses dans sa

16 vie, tué, incendié, égorgé mais qu'il n'avait encore jamais commis

17 de viol.

18 Q. : Durant cette discussion, avez-vous entendu Sahiba répondre à cet

19 homme Darko ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Quelle a été sa réponse ?

22 R. : Elle a déclaré "Attends un peu, fiston, tu es jeune, tu as le temps

23 d'apprendre".

24 Q. : Cette réponse vous a-t-elle surpris ?

25 R. : Oui.

Page 2758

1 Q. : Avez-vous jamais su ce qu'elle voulait dire par là ?

2 R. : Non.

3 Q. : Quand vous dites que Darko a déclaré qu'ils n'étaient pas des êtres

4 humains, qu'ils ne valaient rien, à votre connaissance quels étaient

5 les "ils" auxquels il faisait référence ?

6 R. : Il disait en quelque sorte "Nous, les Serbes".

7 MME HOLLIS : Madame la Présidente, le moment est peut-être propice pour

8 une suspension.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle était l'ethnie de l'homme figurant à

10 la pièce à conviction 207, 208 et 209, Dr. Blazevic ?

11 R. : Vous voulez dire Jakupovic ?

12 Q. : Je ne me rappelle pas du nom.

13 MME HOLLIS : Oui.

14 TEMOIN : C'est un Musulman.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le deuxième homme que vous avez mentionné,

16 Mujkanovic ?

17 MME HOLLIS : Mujkanovic.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Celui qui a été emmené, qui n'a plus été

19 revu.

20 MME HOLLIS : Mujkanovic.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle était son ethnie ?

22 TEMOIN : Musulman.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant 20 minutes.

24 (Suspension d'audience du déjeuner)

25 (14 heures 30)

Page 2759

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, vous pouvez reprendre.

2 MME HOLLIS : Merci, Madame la Présidente. (Au témoin) : Dr. Blazevic, nous

3 parlions avant la suspension des sévices observés au camp de

4 Trnopolje et des individus qui ont participé effectivement à

5 certains de ces passages à tabac. J'aimerais vous demander si vous

6 vous souvenez d'un incident particulier, un garde qui est venu à la

7 clinique médicale après avoir participé à un passage à tabac pour se

8 faire examiner la main ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Pourquoi voulait-il qu'on examine sa main ?

11 R. : Immédiatement avant cela il était dans le laboratoire en compagnie

12 d'autres soldats qui y frappaient des détenus. Il s'est probablement

13 blessé à la main durant ce passage à tabac et il est venu demander

14 qu'on lui pose un pansement.

15 Q. : Craignait-il une fracture de sa main ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Vous rappelez-vous de quel garde il s'agissait ?

18 R. : Je crois qu'il s'appelait Mladen.

19 Q. : A quel groupe ethnique appartenait ce Mladen ?

20 R. : Serbe.

21 Q. : Durant votre séjour à Trnopolje, à votre connaissance, à quel groupe

22 ethnique appartenaient tous les individus, tous les détenus qui ont

23 été frappés ?

24 R. : Musulman.

25 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenaient les

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1 individus qui ont effectivement commis ces infractions et frappé ces

2 détenus ?

3 R. : Ils étaient Serbes.

4 Q. : A votre connaissance, quelqu'un a-t-il été tué durant votre séjour au

5 camp de Trnopolje ?

6 R. : Une femme a été blessée dans le camp et elle est morte immédiatement

7 après. Et l'un des détenus qui avait été passé à tabac dans le

8 laboratoire y est décédé.

9 Q. : Connaissez-vous le nom de ce détenu qui a été battu dans le

10 laboratoire et qui est décédé des suites des coups reçus ?

11 R. : On m'a dit que ...il s'appelait Talic Teufik.

12 Q. : Avez-vous effectivement vu le cadavre de Talic Teufik ?

13 R. : J'ai seulement vu un corps enveloppé dans une couverture.

14 Q. : Est-ce qu'un membre du personnel médical de la clinique vous a

15 informé de ce cadavre et de son identité ?

16 R. : Non.

17 Q. : Qui vous en a parlé et qui vous a appris son identité ?

18 R. : Je crois que cela s'est passé en même temps que le passage à tabac de

19 Nedzad Jakupovic et que c'est celui-ci qui m'en a informé, ou des

20 gens qui savaient qu'il avait été emmené avec Nedzad Jakupovic.

21 Q. : Donc Nedzad et Talic Teufik ont été emmenés ensembles pour être

22 battus ?

23 R. : Ils ont été amenés dans le laboratoire en même temps et ont été

24 frappés.

25 Q. : C'est après cela que Nedzad vous a dit que l'autre homme était mort ?

Page 2761

1 R. : Non, ce n'est pas Nedzad qui nous a dit cela; nous étions ... les

2 soldats nous ont ramené Nedzad, au centre médical, afin que nous

3 puissions essayer de l'aider. Cela s'est passé dans la soirée, et le

4 lendemain matin ils sont venus demander à Mujo - je crois qu'il

5 s'appelait Mujo - d'enlever le cadavre qui se trouvait dans le

6 laboratoire.

7 Q. : Qui était Mujo.

8 R. : Mujo Zulic.

9 Q. : Travaillait-il dans le laboratoire ou dans la clinique médicale avec

10 vous ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Après qu'il ait enlevé le cadavre, vous a-t-il dit de qui il

13 s'agissait ?

14 R. : Je ne me souviens pas lui avoir parlé directement.

15 Q. : Très bien. Vous avez mentionné une femme blessée qui est décédée.

16 Comment êtes-vous au courant de cet incident ?

17 R. : Elle a également été amenée au centre médical après que des coups de

18 feu aient été tirés dans le camp.

19 Q. : Qu'avez-vous vu de cet incident ?

20 R. : D'après ce qu'on nous a raconté plus tard, un groupe de soldats serbe

21 qui se trouvaient à l'entrée du camp près d'un camion aurait,

22 probablement par négligence, tiré quelques coups de feu, blessant un

23 soldat. Après cela les gardiens ou des soldats se sont mis à tirer

24 dans tout le camp à Trnopolje et c'est à ce moment là qu'un femme a

25 été blessée.

Page 2762

1 Q. : C'est la femme qui a été amenée à votre clinique médicale ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Elle est morte des suites de ces blessures ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Connaissez-vous son appartenance ethnique ?

6 R. : Elle était musulmane.

7 Q. : Connaissez-vous l'appartenance ethnique de Talic Teufik ?

8 R. : Musulman.

9 Q. : Pendant votre séjour à Trnopolje, avez-vous appris que des détenus

10 ont été utilisés pour creuser des tombes et enterrer des cadavres ?

11 R. : Pourriez-vous répéter la question s'il vous plaît ?

12 Q. : Oui. Pendant votre séjour au camp de Trnopolje, avez-vous appris que

13 des détenus ont été utilisés pour creuser des tombes et enterrer des

14 cadavres ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Comment l'avez-vous appris ?

17 R. : Il s'agissait généralement de groupes de personnes, de prisonniers

18 détenus à Trnopolje et les soldats venaient les chercher pour

19 accomplir certaines tâches.

20 Q. : Et vous appreniez ensuite ce qu'ils avaient accompli ?

21 R. : Ils nous expliquaient à leur retour où ils étaient allés et ce qu'ils

22 avaient fait.

23 Q. : Et que vous ont-ils dit ?

24 R. : Ils enterraient généralement les cadavres qui se trouvaient dans le

25 camp de Trnopolje ?

Page 2763

1 Q. : Vous indiquaient-ils sur quels sites et dans quels endroits ils

2 enterraient ces cadavres ?

3 R. : Les endroits différaient. Par exemple, je me souviens qu'à plusieurs

4 reprises il s'est agi d'un endroit situé à proximité de la gare

5 ferroviaire de Trnopolje, près du vivier de Ribnjak. Cela se passait

6 aussi, par exemple, dans des parties du camp, des endroits en dehors

7 du camp dans la direction de Prijedor, simplement dans tout le

8 secteur de ...peut-être un ou deux kilomètres autour du camp.

9 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenaient les

10 victimes identifiées par les prisonniers ?

11 R. : Musulman.

12 Q. : Pendant votre séjour au camp de Trnopolje, avez-vous entendu dire que

13 des viols étaient commis dans le camp et en ville ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Sans mentionner le nom de victimes, pourriez-vous nous indiquer qui

16 vous a informé de ces viols ?

17 R. : Il s'agissait habituellement des mères des victimes ou des victimes

18 elles-mêmes.

19 Q. : Elles venaient à la clinique médicale ?

20 R. : Oui, les mères venaient généralement quand de très jeunes filles

21 étaient concernées. Elles s'inquiétaient pour la santé de leurs

22 filles et des répercussions et elles demandaient des conseils sur ce

23 qu'il était possible de faire.

24 Q. : Quand vous dites qu'elles "s'inquiétaient pour leur santé " ... les

25 mères demandaient des conseils sur quels genres de problèmes

Page 2764

1 susceptibles de toucher leurs filles ?

2 R. : Elles craignaient que leurs filles aient des d'hémorragies ou

3 qu'elles tombent enceinte.

4 Q. : Vous rappelez-vous un incident quand huit mères sont venues à la

5 clinique accompagnées de leurs huit filles ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Qu'ont-elles raconté sur les événements qui avaient touché leurs

8 filles ?

9 R. : Je ne me souviens pas exactement comment ... Elles ne parlaient pas

10 de façon directe. Elles demandaient généralement ce qu'elles

11 pouvaient faire. "Nos filles ont été emmenées la nuit dernière.

12 Elles sont rentrées ce matin et nous craignons qu'elles puissent

13 tomber enceinte ou avoir des hémorragies. Avez-vous quelque chose ?

14 Avez-vous des tranquillisants que nous pourrions utiliser ?" Et

15 elles posaient toutes sortes de questions du même genre.

16 Q. : Dans quel état mental ou émotionnel se trouvaient ces filles quand

17 elles étaient amenées à la clinique ?

18 R. : Habituellement elles pleuraient et ne disaient pas un mot.

19 Q. : Ces huit mères et leurs huit filles qui sont venues à la clinique,

20 ont-elles précisé qui les avait emmenées ?

21 R. : Des soldats.

22 Q. : Ont-elles indiqué l'endroit où les sévices sexuels ont été commis ?

23 R. : Elles ont été emmenées dans la direction de Kozarac et les sévices

24 ont été commis dans un camion.

25 Q. : Quel était l'âge de ces filles ?

Page 2765

1 R. : Très jeune, 16, 17 ans.

2 Q. : Quels soins médicaux, s'il en est, ont-elles reçus ?

3 R. : Nous leur donnions généralement des tranquillisants, si nous en

4 avions mais dans ce cas particulier, nous avons demandé l'aide du

5 Dr. Dusko Ivic.

6 Q. : A-t-il, en fait, permis à ces jeunes femmes d'être emmenées à

7 Prijedor et d'y être examinées ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Quand elles sont revenues, vous ont-elles indiqué le traitement

10 qu'elles avaient reçu à Prijedor ?

11 R. : Je ne me souviens pas exactement. Je sais essentiellement qu'elles

12 ont été ramenées ... elles sont revenues de Prijedor peu de temps

13 après et elles sont parties le même jour avec un convoi quittant

14 Trnopolje.

15 Q. : Quand vous avez parlé avec le Dr. Ivic de cet incident, vous êtes-

16 vous plainte des sévices infligés à ces huit jeunes filles ?

17 R. : Je pense que le Dr. Idriz l'a fait.

18 Q. : A votre connaissance, savez-vous si quelqu'un a été puni pour ces

19 sévices sexuels ?

20 R. : Non.

21 Q. : Vous rappelez-vous que des soldats sont venus ensuite au camp avec un

22 char ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Vous rappelez-vous de la raison pour laquelle ces soldats sont venus

25 au camp avec un char ?

Page 2766

1 R. : L'incident est intervenu immédiatement après cela. Ils ont demandé,

2 ils ont cherché la personne qui les avait dénoncés et signalé qu'ils

3 commettaient des viols, qui avait déclaré qu'ils commettaient des

4 actes semblables ... ils recherchaient cette personne et criaient

5 qu'ils "allaient tuer tout le monde".

6 Q. : Après cet incident, vous rappelez-vous d'une conversation avec le Dr.

7 Ivic durant laquelle il vous a mise en garde contre le fait de

8 causer des difficultés ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Que vous a-t-il dit à l'époque ?

11 R. : Il nous a dit que nous pouvions voir quels problèmes nous avions

12 causés, dans quelles difficultés nous les avions mis et il a ajouté

13 qu'il était préférable de ne rien savoir à ce sujet.

14 Q. : Vous rappelez-vous s'il a fait des observations sur le viol ?

15 R. : Il a dit quelque chose du genre : "C'est la guerre, c'est ce qui

16 arrive durant une guerre et on ne peut rien y faire".

17 Q. : Vous rappelez-vous un incident concernant une fillette de 13 ans

18 victime de sévices sexuels ?

19 R. : Oui, c'était durant la journée, à proximité du camp.

20 Q. : Qui l'a amenée à la clinique ?

21 R. : Sa mère.

22 Q. : Qu'ont-ils dit sur ce qui lui était arrivé ?

23 R. : Ils ont dit qu'un gardien l'avait emmenée dans la maison qui est

24 située de l'autre côté de la rue et l'avait violée.

25 Q. : Elle a donc dit qu'un gardien du camp avait commis ces sévices ?

Page 2767

1 R. : Je n'ai pas parlé avec elle; Gutic Vasif lui a parlé ainsi qu'à la

2 mère puis il m'a rapporté cette conversation.

3 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenaient ces huit

4 jeunes filles dont vous avez parlé et cette fillette de 13 ans ?

5 R. : Musulman.

6 Q. : Vous rappelez-vous un incident, quand une femme que vous connaissiez

7 est venue vous voir à propos d'un viol ?

8 R. : Je m'en souviens.

9 Q. : Que vous a-t-elle dit à propos de ce qui lui était arrivé ?

10 R. : Elle m'a seulement dit que l'un des gardiens l'avait violée à

11 proximité du camp dans une maison et qu'elle voulait me montrer de

12 quel gardien il s'agissait.

13 Q. : Vous a-t-elle désigné le gardien ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Etait-ce un gardien que vous connaissiez ?

16 R. : Oui, l'un des gardiens.

17 Q. : A votre connaissance, à quel groupe ethnique appartenait ce gardien ?

18 R. : Serbe.

19 Q. : Vous rappelez-vous le nom de ce gardien, si vous l'avez jamais su ?

20 R. : Non, je ne me souviens pas.

21 Q. : Quels conseils avez-vous donné, ainsi que le personnel médical, à ces

22 jeunes femmes et jeunes filles pour essayer d'éviter d'être violées

23 ?

24 R. : Nous avons observé spécifiquement que les femmes et les enfants

25 amenés des villages avoisinants étaient toujours logés pendant une

Page 2768

1 nuit ou deux dans le bâtiment du cinéma. Nous avons noté que durant

2 la nuit les soldats venaient en chercher quelques unes et nous

3 apprenions par la suite qu'elles avaient été violées. Nous avons

4 donc toujours conseillé aux jeunes femmes et aux jeunes filles de

5 passer la nuit dans l'école parmi les détenus parce que les soldats

6 s'y aventuraient alors rarement.

7 Q. : En plus de ces viols de jeunes femmes qui se trouvaient dans le camp

8 même, avez-vous entendu dire que des viols étaient commis dans le

9 village de Trnopolje ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Comment avez-vous appris l'existence de ces viols ?

12 R. : Les mères venaient nous voir et nous faire part de leur inquiétude

13 parce que des soldats avaient emmené leurs filles et les avaient

14 gardées toute la nuit. Généralement la mère nous demandait - parce

15 qu'elle pensait que nous en savions davantage - elle nous demandait

16 où s'adresser pour des conseils ou s'il y avait quelque chose que

17 nous puissions faire.

18 Q. : Quel était le groupe ethnique de ces femmes qui venaient ainsi vous

19 demander des renseignements ou des conseils ?

20 R. : Musulman.

21 Q. : Vous avez discuté plusieurs incidents différents qui se sont déroulés

22 dans le camp de Trnopolje pendant votre séjour. Pendant que vous

23 vous trouviez au camp, avez-vous pu observer chaque incident qui a

24 touché les détenus du camp ?

25 R. : Non.

Page 2769

1 Q. : Avez-vous pu voir chaque Serbe qui entrait dans le camp ?

2 R. : Non.

3 Q. : Durant votre séjour dans le camp, aurait-il été possible pour un

4 Serbe que vous connaissiez de venir au camp à plusieurs reprises

5 sans que vous l'aperceviez ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Vous a-t-on jamais dit pourquoi vous vous trouviez, personnellement,

8 au camp de Trnopolje ?

9 R. : Non.

10 Q. : Vous avez mentionné l'argument avancé que les personnes étaient

11 placées dans les camps pour les protéger des extrémistes musulmans,

12 est-ce exact ?

13 R. : Oui, c'est toujours de qu'ils nous disaient.

14 Q. : A votre connaissance, y avait-il des extrémistes musulmans à Kozarak

15 avant l'attaque contre la ville ?

16 R. : Non.

17 Q. : Nous avons mentionné que certains résidents de Kozarac étaient armés

18 . Avez-vous une idée de la quantité d'armes qui se trouvaient à

19 Kozarac ?

20 R. : Non.

21 Q. : Quand vous vous rendiez en ville, est-ce que chaque personne, chaque

22 musulman que vous rencontriez était armé ?

23 R. : Non.

24 Q. : Est-ce que chaque homme en ville, chaque homme musulman était armé ?

25 R. : Non.

Page 2770

1 Q. : Diriez-vous que la plupart des hommes que vous voyiez étaient armés ?

2 Je m'excuse, je n'ai pas entendu la réponse.

3 R. : Non.

4 Q. : Mais vous avez aperçu certains individus armés, est-ce exact ?

5 R. : Oui, il y en avait.

6 Q. : Existait-il une sorte d'ancien plan de la Défense territoriale

7 prévoyant de placer des gardes aux bâtiments importants de Kozarac

8 en cas de guerre ou d'urgence ?

9 R. : Il y avait un plan de la Défense territoriale, au moins je le crois.

10 Q. : Comment savez-vous qu'un tel plan existait ?

11 R. : Ces plans existaient dans l'ex-Yougoslavie.

12 Q. : Comment le saviez-vous ? Comment étiez-vous au courant de leur

13 existence ?

14 R. : On nous les montrait.

15 Q. : Une fonction vous était-elle assignée en cas d'urgence ou de guerre

16 dans le cadre de ce plan de Défense territoriale ?

17 R. : D'après le plan de Défense territoriale de l'ex-Yougoslavie ou durant

18 toute autre période ?

19 Q. : Dans le cadre du Plan de Défense territoriale qui aurait existé dans

20 l'ex-Yougoslavie en cas de guerre ou d'urgence, aviez-vous

21 personnellement à vous acquitter de certaines fonctions ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Des fonctions vous ont-elles été assignées dans le cadre de tout

24 autre type de plan qui aurait été conçu au printemps de 1992 ?

25 R. : Non.

Page 2771

1 Q. : A votre connaissance, au printemps de 1992, des gardes avaient-ils

2 été postés auprès des bâtiments importants de Kozarac ?

3 R. : Probablement, oui.

4 Q. : Avez-vous, personnellement, aperçu de tels gardes ?

5 R. : Je ne sais pas si je peux les appeler des "gardes" mais un point de

6 contrôle de la police et de l'armée se trouvait devant ma maison.

7 Q. : Entre la capture de Prijedor par les Serbes et l'attaque contre

8 Kozarac, vous êtes-vous rendue de nuit dans la ville de Kozarac ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Quand vous sortiez la nuit durant cette période entre la capture de

11 Prijedor par les Serbes et avant l'attaque de Kozarac, avez-vous vu

12 des hommes patrouiller la ville ou garder des bâtiments ?

13 R. : Ils étaient là probablement mais je n'y ai jamais prêté attention.

14 Q. : Avant ce conflit, apparteniez-vous, vous ou votre conjoint, à une

15 organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?

16 R. : Non.

17 Q. : Apparteniez-vous l'un ou l'autre à un groupe organisé de résistance

18 anti-serbe ?

19 R. : Non.

20 Q. : Après l'attaque contre Kozarac, êtes-vous l'un ou l'autre devenu

21 membre d'un tel groupe ?

22 R. : Non.

23 Q. : J'aimerais à ce stade poser quelques questions sur un témoin qui a

24 comparu ici devant cette cour sous le pseudonyme de "témoin Q".

25 Quand vous répondez à ces questions, veuillez ne mentionner à aucun

Page 2772

1 moment le nom du témoin Q. Il est exact, n'est-ce pas, qu'on vous a

2 informé du nom du témoin Q ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Il est vrai, n'est-ce pas, que vous connaissez un peu le témoin Q ?

5 R. : Oui, c'est vrai.

6 Q. : Vous le reconnaîtriez si vous deviez le rencontrer quelque part dans

7 la rue ?

8 R. : Oui.

9 Q. : J'aimerais attirer votre attention sur le dimanche 24 mai, jour de

10 l'attaque contre Kozarac. Vous rappelez-vous avoir vu à cette date

11 le témoin Q au centre médical ?

12 R. : Oui.

13 Q. : En fait, vous rappelez-vous avoir fait une pause-cigarette avec le

14 témoin Q à cette date ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Vous rappelez-vous de ce que portait alors le témoin Q ?

17 R. : Non.

18 Q. : Vous avez évoqué dans votre témoignage ici aujourd'hui des choses que

19 vous avez vu Dule Tadic faire. Vous avez mentionné votre

20 connaissance de Dule Tadic et le fait que vous vous connaissiez

21 mutuellement de vue. Je vous demande maintenant de regarder s'il

22 vous plaît dans le prétoire et de désigner Dule Tadic si vous

23 l'apercevez.

24 M. WLADIMIROFF : Nous contestons de nouveau cette identification au banc

25 de la Défense, Madame la Présidente, pour les mêmes motifs que

Page 2773

1 précédemment.

2 MME HOLLIS : Madame la Présidente, nous pensons qu'il s'agit d'un témoin

3 d'attestation et que nous avons posé un fondement suffisant pour

4 qu'il soit admis à ce titre. Nous ne pensons donc pas que les

5 problèmes qui seraient dus à un témoin d'identification existent.

6 Nous pensons que la question est appropriée et qu'il est approprié

7 que le témoin y réponde.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je statue de la même manière qu'auparavant.

9 Un fondement approprié a été établi comme précédemment. Je repousse

10 donc cette objection. Le témoin a indiqué qu'il connaissait M. Tadic

11 avant et je considère donc qu'un fondement adéquat a été établi.

12 MME HOLLIS : Merci. (Au témoin) : Dr. Blazevic, pourriez-vous examiner le

13 prétoire très attentivement et nous dire si vous y voyez Dule Tadic

14 ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Pourriez-vous s'il vous plaît désigner Dule Tadic ?

17 R. : C'est l'individu assis entre deux policiers à l'arrière dans le

18 prétoire.

19 Q. : Dr. Blazevic ...

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera le fait que le

21 témoin a identifié l'accusé.

22 MME HOLLIS : Oui, Madame la Présidente, merci. (Au témoin) : Dr. Blazevic,

23 vous avez indiqué que vous avez quitté le camp de Trnopolje en août

24 1992. Comment avez-vous pu quitter le camp à cette date ?

25 R. : C'était à la mi-août 1992, immédiatement après l'arrivée de la Croix

Page 2774

1 Rouge internationale à Trnopolje. Le commandant du camp, Slobodan

2 Kuruzovic, m'a rencontrée sur le chemin devant le camp où des

3 camions et des autocars étaient déjà garés pour constituer le convoi

4 suivant et il m'a annoncé "vous partez avec ce convoi".

5 Q. : On vous a donc emmené avec le convoi en territoire sous contrôle des

6 Musulmans de Bosnie ?

7 R. : Oui, à proximité de ce territoire.

8 Q. : Comment vous a-t-on transporté à partir du camp de Trnopolje ?

9 R. : Nous sommes allés par autocars du camp de Trnopolje à un endroit

10 situé sur le mont Vlasic. On m'a dit par la suite qu'il s'agissait

11 de Smetovi. Nous avons ensuite continué à pied.

12 Q. : Dr. Blazevic, quand vous êtes arrivée à Trnopolje le 26 mai, est-ce

13 vraiment parce que vous aviez choisi d'y aller ou parce que vous

14 n'aviez pas le choix ?

15 R. : Je n'avais pas le choix.

16 Q. : En août, quand vous avez quitté Trnopolje, abandonnant votre maison

17 et l'endroit où vous résidiez, êtes vous partie parce que vous le

18 vouliez réellement ou parce que les conditions étaient telles que

19 vous n'aviez pas d'autre choix ?

20 R. : C'était un ordre.

21 MME HOLLIS : Pas d'autres questions, Madame la Présidente.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, entendez-vous contre-

23 interroger le témoin ?

24 M. WLADIMIROFF : Oui, Madame la Présidente.

25 Contre-interrogatoire par M. Wladimiroff

Page 2775

1 Q. : Dr. Blazevic, j'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord à

2 propos de votre interrogatoire. Vous avez été interrogée par des

3 représentants de l'Accusation durant cinq jours en novembre 1994.

4 R. : Je leur ai parlé en une autre occasion avec des représentants des

5 autorités officielles du pays ou de l’état dans lequel je vis à

6 présent.

7 Q. : Vous avez signé une déclaration de cet interrogatoire ?

8 R. : C'était mon premier interrogatoire. J'ai signé la déclaration.

9 Q. : Avez-vous reçu une copie de cette déclaration ?

10 R. : Non.

11 Q. : Merci. Pourriez-vous éclaircir un point dont je ne suis pas sûr, la

12 date à laquelle vous avez commencé à exercer la médecine à Kozarac ?

13 R. : Quand j'ai commencé à travaillé à Kozarac ?

14 Q. : Oui.

15 R. : En juillet 1983.

16 Q. : Est-il exact alors que vous avez emménagé à Kozarac et commencé à y

17 vivre en 1986 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Vous y avez résidé jusqu'en mai 1992, n'est-ce pas ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Savez-vous si Dusko Tadic a été absent de Kozarac durant cette

22 période ?

23 R. : Non.

24 Q. : Revenons à 1983. L'Accusation vous a dit que vous l'avez vu cette

25 année là. L'avez-vous réellement vu cette année là ?

Page 2776

1 R. : J'aimerais expliquer quelque chose ici. Je connaissais les noms de

2 résidents de Kozarac, leur adresse, leur situation de famille, plus

3 ou moins, des choses de ce genre. Cependant je ne pensais pas chaque

4 jour à l'accusé et je ne le considérais pas comme une relation

5 suffisamment proche pour me demander si je l'avais vu hier ou

6 aujourd'hui. C'était simplement une personne que je rencontrais en

7 passant; je savais où il habitait, avec qui il était marié et peut-

8 être d'autres choses si elles devaient devenir intéressantes.

9 Q. : Si Dusko Tadic avait vécu à l'étranger durant ces années ou au moins

10 durant cette période, 1986 jusqu'en 1992, vous l'auriez su, n'est-ce

11 pas, oui ou non ?

12 R. : Il est tout à fait possible que je ne l'aurais pas su.

13 Q. : Dusko Tadic est-il jamais venu à votre clinique ?

14 R. : Je ne m'en rappelle pas.

15 Q. : Etes-vous jamais allée chez lui ?

16 R. : Non.

17 Q. : Etes-vous jamais allée dans son café.

18 R. : Non.

19 Q. : Vous avez témoigné que le troisième jour de l'attaque, c'est-à-dire

20 le 26 mai, vous êtes allée à Trnopolje pour négocier avec les

21 autorités serbes, n'est-ce pas ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Vous avez également déclaré que le même jour, vous êtes retournée au

24 motel où se trouvait le centre médical de Kozarac ?

25 R. : Non, nous ne sommes pas retournés au motel mais au centre médical à

Page 2777

1 Kozarac.

2 Q. : Bien. Savez-vous l'heure qu'il était ?

3 R. : Avant midi.

4 Q. : Que voulez-vous dire par "avant midi". Pouvez-vous nous donner une

5 heure plus précise ?

6 R. : Je sais que cela aurait pu être durant la matinée ou à midi mais pas

7 plus tard que cela. Mais dans les circonstances, mon orientation

8 temporelle était extrêmement mauvaise. Nous n'avions pas dormi

9 pendant plusieurs jours, depuis deux nuits déjà.

10 Q. : Bien. Je vais vous présenter un plan aux fins d'identification.

11 Pouvez-vous nous dire ce que ce plan représente ?

12 R. : Ce devrait être une partie de Kozarac, le centre de Kozarac.

13 M. WLADIMIROFF : J'aimerais verser cette pièce à conviction Madame la

14 Présidente. Je crois que ce sera la D 10.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D 12 me précise le Greffier. Des objections ?

16 MME HOLLIS : Non, Madame la Présidente.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce à conviction 12 de la Défense

18 est admise.

19 M. WLADIMIROFF : Peut-on placer l'ensemble sur l'elmo, s'il vous plaît ?

20 Merci. (Au témoin). Pourriez-vous nous montrer sur la carte le

21 chemin que vous avez suivi du centre médical, comme vous avez

22 témoigné, au croisement de la vieille route de Prijedor ?

23 R. : Si je comprends bien ce plan, le centre médical devrait se trouver

24 ici et, dans ce cas, nous avons emprunté cette rue ici puis celle-ci

25 qui descend là.

Page 2778

1 Q. : Merci. Pourriez-vous également montrer sur cette carte où se

2 trouverait la pharmacie ?

3 R. : Si ceci est la route qui quitte le centre médical et que nous avons

4 ici la rue Marsala Tita allant vers le croisement, la pharmacie

5 devrait alors se trouver là.

6 Q. : Bien. Pourriez-vous nous montrer sur ce plan où pourrait se trouver

7 la maison de Dusko Tadic ?

8 R. : Dans ce cas, la maison de Dusko Tadic se trouverait approximativement

9 ici, de l'autre côté de la rue.

10 Q. : Pourriez-vous nous montrer où se trouvait votre clinique, l'endroit

11 où vous viviez ?

12 R. : Ce serait ici.

13 Q. : Pour en revenir au témoin Q et en n'oubliant pas de l'appeler témoin

14 Q, avez-vous une idée de l'endroit où il vivait ?

15 R. : Oui.

16 M. WLADIMIROFF : Il se peut que j'ai un problème à poursuivre en audience

17 publique Madame la Présidente.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je me demandais si la prochaine question

19 allait être "montrez-moi sur le plan".

20 M. WLADIMIROFF : Oui.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourriez-vous poursuivre avec le reste du

22 contre-interrogatoire et nous reviendrions sur ce point à huis clos,

23 si vous le voulez bien ?

24 M. WLADIMIROFF : Oui. Si je devais oublier, je demanderais à M. Kay de me

25 le rappeler.

Page 2779

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci.

2 M. WLADIMIROFF (Au témoin) : Revenons tout d'abord à l'endroit où vous

3 avez désigné le centre médical sur le plan. Pourriez-vous nous dire

4 si d'autres maisons dans le voisinage du centre médical ont été

5 bombardées ? Vous pouvez voir sur le plan les maisons, chaque

6 maison, située sur le plan.

7 R. : Tout le long du chemin que nous avons emprunté du centre médical vers

8 le croisement de la vieille route et de la rue Marsala Tita à

9 Kozarac, on pouvait observer les effets des bombardements. La

10 chaussée était défoncée et les maisons avaient été endommagées par

11 les éclats et certaines d'entre elles avaient été touchées de plein

12 fouet.

13 Q. : Pourriez-vous donc avoir l'obligeance de nous indiquer de nouveau sur

14 le plan, en partant du centre médical, le chemin que vous avez suivi

15 et nous dire ce que vous avez vu, toutes ces maisons, pendant que

16 vous remontiez cette rue ?

17 R. : Nous allions dans cette direction, vers la rue Marsala Tita.

18 Q. : Arrêtons-nous ici. Jusque là, toutes les maisons que vous avez vues

19 avaient-elles été bombardées ou touchées par des obus ?

20 R. : De façon générale on remarquait des dégâts.

21 Q. : Si vous continuez sur cette route, Marsala Tita, vous parvenez au

22 croisement avec la vieille route de Prijedor n'est-ce pas ?

23 R. : Si nous continuons de descendre la rue Marsala Tita, nous atteignons

24 alors le croisement avec la vieille route.

25 Q. : Pendant que vous vous trouviez dans la rue Marsala Tita, avez-vous

Page 2780

1 constaté des maisons bombardées ou au moins touchées par des obus ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Ai-je donc raison de dire qu'en allant du centre médical vers la

4 pâtisserie, la plupart des maisons que vous avez observées dans cet

5 endroit avaient été bombardées ou endommagées ?

6 R. : Oui, oui, la plupart des maisons dans ce secteur étaient endommagées.

7 Q. : Pouvez-vous expliquer à la Cour l'origine de ces dégâts ? Etaient-ils

8 dus à des combats de rue ou résultaient-ils de bombardements venant

9 des collines ?

10 R. : Des bombardements.

11 Q. : Les obus étaient tirés sur la ville à partir de l'extérieur ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Cela s'est passé durant ces trois jours ou durant les deux premiers

14 jours ? Quand cela s'est-il passé ?

15 R. : Le bombardement de Kozarac a commencé dimanche vers midi et a duré

16 jusqu'à notre départ de la ville.

17 Q. : Passons à la pâtisserie. Pouvez-vous nous montrer où elle se situe

18 sur le plan ? Pourriez-vous montrer l'établissement sur le plan ?

19 R. : Elle devrait être ici.

20 Q. : Bien. Vous étiez là avec un groupe de personnes n'est-ce pas ?

21 Combien étiez-vous ?

22 R. : Je crois que nous étions 12 ou 13.

23 Q. : Combien de temps avez-vous attendu là ?

24 R. : Je ne sais pas, une demie heure peut-être ou peut-être seulement une

25 dizaine de minutes. Je ne sais pas.

Page 2781

1 Q. : Pendant que vous étiez là avec votre groupe, dans quelle direction

2 regardiez-vous ? Regardiez-vous la pâtisserie ou la rue Marsala Tita

3 ou vers le triangle, vers la place ? Dans quelle direction

4 regardiez-vous ou regardiez-vous partout ?

5 R. : Nous regardions essentiellement dans toutes les directions. Mais il

6 régnait une telle crainte que je ne peux pas réellement le définir.

7 En tout état de cause, nous étions debout et conversions.

8 Q. : Pouviez-vous vous déplacer dans votre groupe ou attendiez-vous

9 simplement sans bouger ?

10 R. : Je ne comprends pas la question.

11 Q. : Pouviez-vous vous déplacer dans votre groupe ou restiez-vous sur

12 place sans bouger ?

13 R. : Nous ne bougions pas.

14 Q. : Combien de personnes avez-vous observées sur le triangle, sur la

15 place ?

16 R. : Je ne me souviens pas.

17 Q. : Y avait-il beaucoup de monde ou seulement quelques personnes ?

18 R. : Je me souviens qu'il y avait deux groupes de soldats constitués peut-

19 être chacun de quatre ou cinq personnes. Je me souviens que deux

20 soldats se tenaient devant une maison qui se trouvait là le long de

21 la route. Il y avait aussi quelques soldats près de l'école mais je

22 ne peux pas vous dire s'ils étaient nombreux ou non.

23 Q. : Les soldats dans ces deux groupes se déplaçaient-ils ou non ?

24 R. : Les deux groupes étaient fixes et seulement quelques uns des soldats

25 se déplaçaient. Les deux qui se trouvaient devant cette maison se

Page 2782

1 déplaçaient.

2 Q. :Avez-vous vu quelqu'un appartenant à ces groupes de soldats traverser

3 la rue ou la place ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Avez-vous vu des personnes traverser en plus d'une occasion ?

6 R. : Je ne me souviens pas. Je ne pense pas.

7 Q. : Vous avez témoigné qu'à un moment vous avez levé la tête parce que

8 quelqu'un a dit "Voilà Dule". Quand vous dites que vous avez levé la

9 tête, cela signifie-t-il qu'auparavant vous aviez la tête baissée ?

10 R. : Très vraisemblablement.

11 Q. : Donc apparemment, cette mention de "Voilà Dule" vous a incitée à

12 regarder autour de vous; c'est la seule raison pour laquelle vous

13 avez regardé autour de vous, est-ce exact ?

14 R. : Oui.

15 Q. : "Dule" est un nom serbe n'est-ce pas ?

16 R. : Oui, un surnom.

17 Q. : Combien de personnes connaissiez-vous à l'époque portant le surnom de

18 "Dule" ?

19 R. : Quelques unes.

20 Q. : Pourriez-vous désigner sur le plan l'endroit où vous avez vu

21 traverser cette personne appelée "Dule" ?

22 R. : Sur le plan, ce serait exactement ici où se rejoignent ces deux

23 petites rues, là.

24 Q. : Vous avez témoigné que vous l'avez vu "quelques secondes" n'est-ce

25 pas ?

Page 2783

1 R. : Oui.

2 Q. : Pouvez-vous nous décrire son apparence, à quoi ressemblait-il ?

3 R. : Il portait un uniforme. Il tenait une arme dans une main et l'autre

4 était dressée de sorte qu'il paraissait parler à quelqu'un ou

5 essayer d'attirer l'attention de quelqu'un

6 Q. : Pouvez-vous décrire son visage ?

7 R. : Non.

8 Q. : Vous avez témoigné de plus que vous avez vu Dusko Tadic deux jours

9 avant l'attaque ?

10 R. : Ce jour là ou deux jours avant l'attaque, je sais qu'il se trouvait

11 encore à Kozarac.

12 Q. : Vous ne l'avez donc pas effectivement vu deux jours avant l'attaque

13 n'est-ce pas ?

14 R. : Deux jours ... Je ne peux pas vous certifier que je l'ai vu.

15 Q. : Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois avant l'attaque ?

16 R. : Je tiens à expliquer de nouveau que je ne considère pas comme un

17 événement particulier les personnes que je rencontre dans la journée

18 parce que généralement cela ne signifie rien pour moi. J'ai déjà dit

19 que j'ai connu l'accusé de façon passagère. Je ne me souviendrais

20 probablement d'une personne que je rencontre quotidiennement que

21 s'il existe une raison particulière.

22 Q. : Mais vous n'avez aucun souvenir particulier d'avoir rencontré Dusko

23 Tadic avant l'attaque contre Kozarac, n'est-ce pas ?

24 R. : Je l'ai vu durant les jours qui ont immédiatement précédé l'attaque

25 contre Kozarac, immédiatement avant l'attaque, mais quel jour en

Page 2784

1 particulier l'ai-je vu pour la dernière fois, je ne peux pas

2 vraiment vous le dire.

3 Q. : Vous l'avez vu avant l'attaque donc, à un moment non précisé, vous

4 l'avez vu tout simplement. Avez-vous jamais vu Dusko Tadic en

5 uniforme ?

6 R. : Je ne me souviens pas.

7 Q. : L'avez-vous jamais vu porter un fusil, une arme ?

8 R. : Il est possible qu'il en ait eu une mais je ne l'ai pas réellement

9 remarqué.

10 Q. : Vous avez aussi témoigné que vous vous souvenez d'une réunion ou, au

11 moins, d'une pause-cigarette avec le témoin Q au centre médical ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Vous avez donc fumé une cigarette ensemble, n'est-ce pas ?

14 R. : Oui, je pense.

15 Q. : Bien. Combien de temps cela prend-t-il, combien de temps faut-il pour

16 fumer une cigarette ?

17 R. : Deux ou trois minutes.

18 Q. : Bien. Vous ne pouvez pas vous rappeler ce que portait le témoin Q à

19 ce moment là, n'est-ce pas ?

20 R. : Non.

21 Q. : Vous avez donc fumé une cigarette en sa compagnie pendant deux ou

22 trois minutes mais vous ne savez pas ce qu'il portait.

23 R. : Je ne remarque généralement pas ce genre de choses à moins d'une

24 raison spéciale, particulière à ce propos.

25 Q. : Revenons à cet incident sur cette place en triangle. Vous y avez été

Page 2785

1 amenée par les soldats avec le groupe venant du centre médical ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Pendant que vous attendiez là, les soldats sont revenus et ont

4 demandé à Nihad Bahonjic de les accompagner. Je suppose que vous

5 vous teniez tous là sans bouger, effrayés, n'est-ce pas ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Vous regardiez vers le sol quand quelqu'un a dit "Voilà Dule" ?

8 R. : Non, personne ne m'a dit "C'est Dule". Nous avons seulement entendu

9 quelqu'un murmurer "Voilà Dule", ce qui signifiait pour nous que

10 quelqu'un que nous connaissions se trouvait là.

11 Q. : Quelqu'un a donc murmuré "Voilà Dule", vous avez levé la tête, vu une

12 fraction de seconde ou pendant quelques secondes, une personne en

13 uniforme, vous ne vous souvenez pas de son visage, vous ne pouvez

14 rien nous en dire et vous nous dites que vous avez vu Dusko Tadic,

15 n'est-ce pas ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Dr. Blazevic, je suggère que vous vous êtes trompée en pensant que

18 vous avez vu Dusko Tadic à ce croisement, n'est-ce pas ?

19 R. : Je ne pense pas que je me sois trompée parce que, à ce moment là,

20 quand j'ai regardé autour de moi, cherchant un visage familier, je

21 ne m'attendais pas à voir l'accusé mais il se trouve seulement qu'il

22 était la personne traversant la rue.

23 Q. : Avant d'entrer dans cette salle d'audience hier, vous a-t-on remis un

24 document montrant le plan du prétoire ?

25 R. : Non.

Page 2786

1 Q. : Avant que vous entriez dans le prétoire hier, vous l'a-t-on fait

2 visiter ?

3 R. : Le prétoire, oui.

4 Q. : Ne vous a-t-on pas montré où les parties allaient siéger, les Juges,

5 l'accusé ?

6 R. : On m'a expliqué où les Juges allaient siéger, la Défense,

7 l'Accusation et, s'agissant de l'accusé, on m'a dit qu'il pourrait

8 siéger n'importe où dans le prétoire ou même ne pas être présent.

9 Q. : N'avez-vous pas supposé que l'accusé siégerait du côté de la Défense

10 ?

11 R. : Je n'ai aucun besoin de supposer.

12 Q. : On vous a montré l'endroit n'est-ce pas ?

13 R. : Je le connais et il m'importe peu où il est assis. Je peux le

14 reconnaître.

15 Q. : Il est assis entre deux policiers comme vous avez témoigné ?

16 R. : Oui.

17 M. WLADIMIROFF : Je pense qu'il ne nous reste que la question de la maison

18 du témoin Q en ce qui me concerne.

19 M. WLADIMIROFF : Après en avoir discuté avec M. Kay, Madame la Présidente

20 , nous pensons que ce n'est peut-être pas nécessaire, vu les

21 réponses.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Avez-vous terminé votre contre-

23 interrogatoire ?

24 M. WLADIMIROFF : Nous avons terminé le contre-interrogatoire.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait. Vous avez d'autres questions Mme

Page 2787

1 Hollis ?

2 MME HOLLIS : Très brièvement, Madame la Présidente.

3 Nouvel interrogatoire par Mme Hollis

4 Q. : Dr. Blazevic, vous avez déclaré que le bombardement de Kozarac a

5 commencé le 24 mai et s'est poursuivi jusqu'au 26 mai. Ce

6 bombardement a-t-il été très intense durant certaines périodes ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Le bombardement de Kozarac a-t-il été très sporadique et léger à

9 d'autres périodes ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Durant quelle période le bombardement de Kozarac a-t-il été le plus

12 intense ?

13 R. : Le bombardement le plus intensif a eu lieu durant la nuit, toute la

14 journée du dimanche, la nuit entre ... durant la nuit de dimanche à

15 lundi et le lundi jusque dans l'après-midi ou la soirée.

16 Q. : Le bombardement est devenu moins intense par la suite ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Le bombardement était-il très sporadique le mardi ?

19 R. : Oui.

20 Q. : A quel moment de la journée êtes-vous arrivée au camp de Trnopolje ?

21 R. : Au coucher du soleil.

22 Q. : Avez-vous une idée du temps qu'il vous a fallu pour aller de Kozarac

23 au camp de Trnopolje ?

24 R. : Je ne me souviens pas parce que nous avons attendu tout d'abord au

25 croisement à Kozarac puis on nous a emmenés au café Zikina où nous

Page 2788

1 avons aussi attendu et on nous a emmenés ensuite à Trnopolje par une

2 autre route.

3 Q. : En ce qui concerne le témoin Q, vous avez indiqué que vous l'aviez vu

4 le dimanche 24; que vous vous souveniez avoir fait une pause-

5 cigarette avec lui à cette date. Vous rappelez-vous si à cette date,

6 le témoin Q a participé aux préparations au centre médical ?

7 R. : Un groupe de jeunes hommes du voisinage ont essayé pendant plusieurs

8 jours de nous aider à la clinique médicale.

9 Q. : Vous souvenez-vous si le témoin Q faisait partie de ce groupe ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Quand vous étiez au croisement le 26 mai, quelqu'un vous bouchait-il

12 la vue; quelqu'un ou quelque chose vous bouchait-il la vue quand

13 vous avez regardé et aperçu Dule ?

14 R. : Non.

15 Q. : Quand vous avez regardé et aperçu Dule, le Dule que vous avez vu,

16 était-ce le Dule Tadic que vous connaissiez et qui avait un café et

17 une maison dans la rue Marsala Tita à Kozarac ?

18 R. : Oui.

19 MME HOLLIS : Pas d'autres questions.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, avez-vous d'autres questions

21 ?

22 M. WLADIMIROFF : Une seule, Madame la Présidente. Je vais montrer au

23 témoin une feuille de papier sur laquelle j'ai écrit le nom

24 véritable.

25 INTERPRETE : Micro, s'il vous plaît ?

Page 2789

1 M. WLADIMIROFF : Je m'excuse. Je vais montrer au témoin une feuille de

2 papier sur laquelle j'ai inscrit le nom véritable du témoin Q.

3 J'aimerais lui demander si c'est le nom qu'elle a à l'esprit quand

4 nous parlons du témoin Q. Je vais la montrer à l'Accusation bien

5 sûr.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Montrez la au Procureur, bien. L'huissier

7 peut-il montrer cette feuille de papier au Procureur et nous la

8 présenterons ensuite au Dr. Blazevic ? Veuillez la placer à plat sur

9 la table s'il vous plaît. Placez là à plat sur la table.

10 (Nouveau contre-interrogatoire par M. WLADIMIROFF )

11 TEMOIN : Oui.

12 M. WLADIMIROFF : C'est le nom auquel vous pensiez quand vous parliez du

13 "témoin Q" ?

14 R. : Oui.

15 M. WLADIMIROFF : Merci. Pas d'autres questions.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, avez-vous d'autres questions ?

17 MME HOLLIS : Non, Madame la Présidente.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai seulement une question ou peut-être

19 deux.

20 (Examen par la Cour)

21 Q. : Dr. Blazevic, vous avez mentionné l'hôpital de Kozarac et je l'ai

22 entendu appeler un hôpital, un centre médical et une clinique.

23 Pourriez-vous me dire de quoi il s'agit ? Etait-ce le seul hôpital

24 en ville ou à Kozarac, ou expliquez-moi ce que c'était, s'il vous

25 plaît ?

Page 2790

1 R. : Le nom officiel était Centre sanitaire de Kozarac. Il s'agissait d'un

2 bâtiment où s'effectuaient les consultations médicales de routine,

3 les tests de laboratoire habituels, les tests de sang etc. Il y

4 avait également quelques cabinets dentaires et c'était tout.

5 Q. : Est-ce que des patients y passaient la nuit pour traitement ou y

6 faisaient des séjours prolongés ?

7 R. : Non.

8 Q. : Il n'y avait pas de lits d'hôpital ?

9 R. : Non, il n'y avait pas de lits.

10 Q. : Y avait-il un hôpital ailleurs dans Kozarac ?

11 R. : Non.

12 Q. : Et il n'y avait pas une autre clinique médicale à Kozarac ?

13 R. : Non. Je m'excuse, il se peut que, comme à Trnopolje, il y ait eu des

14 locaux dans le bâtiment de la Commune locale où les médecins

15 auscultaient des patients.

16 Q. : Mais c'était la seule installation médicale à Kozarac, est-ce exact ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Vous avez indiqué dans votre témoignage que vous étiez retournée à

19 Kozarac à deux reprises après qu'on vous ait emmenée au camp de

20 Trnopolje. Mes notes, au moins, indiquent que la première fois, cela

21 s'est passé deux ou trois jours après votre arrivée au camp, est-ce

22 exact ?

23 R. : Oui.

24 Q.: Puis vous y êtes retournée une deuxième fois à bicyclette escortée par

25 des soldats, est-ce exact ?

Page 2791

1 R. : J'étais seule à bicyclette sur le trajet allant de Trnopolje à Suhi

2 Brod parce que, à cette époque, la région était encore habitée de

3 personnes qui y résidaient avant la guerre et la liberté était

4 relativement ... les déplacements étaient relativement libres puis

5 j'ai eu une escorte militaire à partir de Suhi Brod.

6 Q. : On vous a emmenée à Trnopolje à quelle date ? Etait-ce le 27 ?

7 R. : C'était le 26.

8 Q. : Vous êtes donc retournée pour la première fois vers le 29 mai, est-ce

9 exact ?

10 R. : Oui, c'est possible.

11 Q. : Bien. A quelle date y êtes-vous retournée pour la deuxième fois ?

12 C'est vraiment ce que je veux savoir.

13 R. : Je ne peux pas me rappeler exactement mais c'était une vingtaine de

14 jours plus tard, peut-être même plus.

15 Q. : Y avait-il des Musulmans en ville, à Kozarac, quand vous y êtes

16 retournée la première fois ?

17 R. : Non.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, avez-vous d'autres questions ?

19 MME HOLLIS : Non, Madame la Présidente.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?

21 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons suspendre l'audience maintenant

23 pendant 20 minutes puis vous pourrez appeler votre témoin suivant à

24 notre retour, Mme Hollis ou M. Niemann. Très bien.

25 (15 heures 50)

Page 2792

1 (Brève suspension d'audience)

2 (16 heures 10)

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

4 M. NIEMANN : Madame la Présidente, j'appelle Nasiha Klipic à la barre.

5 (Appel de NASIHA KLIPIC à la barre)

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voulez-vous prêter serment s'il vous plaît ?

7 TEMOIN (Interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité, toute

8 la vérité, rien que la vérité.

9 (Prestation de serment du témoin)

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir. Vous pouvez

11 commencer M. Niemann.

12 (Interrogatoire par M. NIEMANN)

13 M. NIEMANN : Mme Klipic, quel est votre lieu de naissance ?

14 R. : Kamicani.

15 Q. : Quelle est sa distance approximative de Kozarac ?

16 R. : Je dirais 3,5 kilomètres.

17 Q. : Etes-vous allée à l'école primaire à Kamicani ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Je crois que vous avez ensuite suivi des cours de couture à Prijedor

20 et que vous avez obtenu votre diplôme en 1979 ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Avez-vous travaillé ensuite dans l'affaire de votre famille ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Où était-ce ?

25 R. : Non, nous n'avions pas de magasin privé. Nous avions nos camions, nos

Page 2793

1 tracteurs, nos chevaux et nous transportions des matériaux de

2 construction, du bois d'oeuvre etc.

3 Q. : Où se trouvait cette entreprise ou cette affaire, cette entreprise

4 familiale ?

5 R. : A la maison.

6 Q. : Oui. Etait-ce à Kamicani ?

7 R. : Oui, oui à Kamicani.

8 Q. : Si vous placez votre écouteur sur le sommet de votre tête, il restera

9 en place. Vous n'aurez pas besoin de le tenir. Etes-vous restée là

10 jusqu'à votre mariage ?

11 R. : Oui, jusqu'en 1987.

12 Q. : Qui avez-vous épousé ?

13 R. : Sahinuk Klipic.

14 Q. : Quelle était la profession de votre époux ?

15 R. : Il était policier.

16 Q. : Quelle était son activité dans la police ? Quelle était sa spécialité

17 ?

18 R. : Mon mari a suivi l'école de la circulation de la police et il

19 travaillait dans les services de police de Prijedor, en fonction de

20 la charge de travail, comme tout autre policier en ville.

21 Q. : Je vois. Combien de temps a-t-il travaillé à Prijedor ?

22 R. : Mon mari a travaillé jusqu'au 29 avril 1992, entre le 29 et le 30,

23 jusqu'à la prise de pouvoir à Prijedor.

24 Q. : Que lui est-il arrivé lors de la prise de pouvoir à Prijedor ?

25 R. : Mon mari a travaillé jusqu'à 11 heures. Il est allé à la gare

Page 2794

1 ferroviaire de Prijedor et le dernier autocar en partait à 11 heures

2 30 mais le bus n'est pas venu. Il s'est alors rendu dans un café, un

3 endroit proche de la gare, et il a demandé à certains collègues de

4 le conduire à la maison. Il s'agissait de Rade Strika et Preradovic

5 et ils ont répondu qu'ils n'avaient pas le temps. Il est alors

6 retourné sur la route de Kozarac et a trouvé un moyen de transport.

7 Il est arrivé à la maison vers 2 ou 3 heures. Il a dit : "J'ai

8 survécu à cela mais je ne pense pas que je pourrais survivre à une

9 autre nuit comme celle-là".

10 Q. : A-t-il alors commencé à travailler comme policier à Kozarac ?

11 R. : Oui. Puisque les Musulmans et les Croates ne pouvaient pas retourner

12 à Prijedor travailler comme policiers, ils ont alors commencé à

13 travailler dans la localité la plus proche.

14 Q. : Dans ce cas, il s'agissait de la police de Kozarac ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Du fait de la profession de votre époux, avez-vous fini par connaître

17 un certain nombre de policiers dans la région de Prijedor ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Connaissiez-vous également certains des policiers travaillant dans la

20 région de Kozarac ?

21 R. : Oui.

22 Q. : En fait, bien que votre époux ait travaillé à Prijedor, vous résidiez

23 à Kozarac ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Peut-on présenter sur l'écran la photographie 6/6, s'il vous plaît,

Page 2795

1 et pourriez-vous examiner la photographie que je vous montre

2 maintenant ?

3 R. : Oui, c'est le ...

4 Q. : Je m'excuse mais elle aurait dû être marquée d'abord par le Greffier.

5 Peut-elle être marquée du chiffre 210 ? Examinant cette photographie

6 que vous avez devant vous et qui est également présentée sur

7 l'écran, pourriez-vous me dire ce qu'elle représente ou ce qu'on y

8 voit en partie ?

9 R. : Nous voyons un carrefour ici. C'était un point de contrôle occupé par

10 des policiers serbes. Jusqu'au dimanche 24, jusqu'à l'attaque vers

11 11 heures, c'est là qu'ils se trouvaient. Nous habitions cette

12 maison là et ce grand bâtiment est l'imprimerie.

13 Q. : Oui. Je verse ce document, Madame, messieurs de la Cour.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

15 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 210 est admise.

17 M. NIEMANN : Sur cette photographie telle qu'elle apparaît à l'écran,

18 votre maison est-elle celle que l'on peut voir à l'extrême droite

19 près du poteau ?

20 R. : Oui. Elle est à l'extrême droite, oui.

21 Q. : Pouvez-vous nous situer de nouveau l'endroit ?

22 R. : Nous sommes à proximité de la route Banja Luka/Prijedor, près de la

23 station service.

24 Q. : Merci. Je remets cette pièce, Madame, messieurs de la Cour. On peut

25 peut-être la rendre au Greffier ?

Page 2796

1 R. : Oui.

2 Q. : Etiez-vous à Prijedor juste avant le commencement de l'attaque contre

3 cette ville en 1992 ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Juste avant l'attaque, pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez ?

6 R. : Vous voulez dire avant l'attaque contre Kozarac ?

7 Q. : Oui.

8 R. : Le 20 avril 92 nous sommes allés au bureau de l'emploi puisque

9 j'étais au chômage. Je devais m'y présenter tous les deux mois.

10 C'est le jour où j'y suis allée, le 28 avril 1992.

11 Q. : Mais je parle de l'attaque contre Kozarac, pas contre Prijedor. Vous

12 rappelez-vous où vous vous trouviez quand Kozarac a été attaquée ?

13 R. : Oui. Je rendais visite à une de mes collègues dans la rue Marsala

14 Tita; il s'agissait de Tinka et Fadil. C'est là qu'ils vivaient.

15 C'étaient nos amis les plus proches de Kuljani et c'est là que je me

16 trouvais , jeudi, vendredi et samedi, jusqu'à l'attaque.

17 Q. : Vous rappelez-vous de quelles dates il s'agissait en 1992 ?

18 R. : Les 21, 22, 23 et 24.

19 Q. : Le 24, étiez-vous avec votre mari ?

20 R. : Oui.

21 Q. : A quelle heure la ville de Kozarac a-t-elle été attaquée, à quel

22 moment de la journée ?

23 R. : Je pense que c'était, je n'en suis pas certaine, vers 13 ou 14

24 heures.

25 Q. : Etiez-vous avec votre époux à ce moment là ?

Page 2797

1 R. : Oui.

2 Q. : Votre époux est-il resté avec vous ?

3 R. : Non, il est parti. Quand les sirènes ont sonné, mon mari est parti au

4 poste de police.

5 Q. : Je vois. Etait-il en fonction ce jour là ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Qu'avez-vous fait quand votre époux est parti ?

8 R. : Quand mon mari est parti, ma collègue, mes deux enfants, son enfant

9 et son mari nous sommes rendus dans un abri chez Nafik Hamic.

10 C'était dans la cave de sa maison. C'est là qu'il se trouvait.

11 Q. : Où se trouvait cette maison où vous vous êtes réfugiée ? A Kozarac ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Etait-ce simplement la cave de l'un de vos voisins ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Que s'est-il passé une fois que vous êtes descendue dans la cave ?

16 R. : Un bombardement intensif a commencé. La chose la plus étrange au

17 monde, le moment le plus difficile dans la vie d'une personne; les

18 obus pleuvaient. C'était très pénible pour nous. Nous étions assis

19 là, criant, pleurant.

20 Q. : A ce stade, vos enfants étaient encore avec vous ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Approximativement, combien de personnes se trouvaient dans la cave ?

23 R. : Une vingtaine je pense, dans cet ordre d'idée.

24 M. NIEMANN : Peut-on montrer au témoin la pièce à conviction 196 ? Si on

25 pouvait la placer ... (Au témoin) : Tout d'abord, reconnaissez-vous

Page 2798

1 ce que c'est ?

2 R. : Oui, je crois.

3 Q. : Qu'est-ce que c'est ? Que reconnaissez-vous ?

4 R. : C'est la route Prijedor/Banja Luka.

5 Q. : C'est le plan de Kozarac ?

6 R. : Oui, je pense.

7 Q. : Peut-on le placer sur l'écran et pourriez-vous prendre la baguette

8 s'il vous plaît. Pourriez-vous indiquer tout d'abord

9 approximativement où se trouvait votre maison à Kozarac ?

10 R. : Voici le croisement Prijedor/Banja Luka, Prijedor. Je pense que c'est

11 quelque part ici.

12 Q. : Je vois. Pouvez-vous me dire où se trouvait la cave, la maison avec

13 la cave où vous vous êtes réfugiés ... Où se trouvait-elle

14 approximativement ?

15 R. : En montant la rue Marsala Tita ou la grande rue. Ici se trouve le

16 terrain de jeu, puis c'est la direction de l'hôpital. Je crois que

17 c'est là que l'on tourne vers l'hôpital. La maison se trouvait

18 quelque part ici. C'était le troisième bâtiment en allant de la rue

19 principale vers l'hôpital.

20 Q. : En descendant la rue voisine ? Etait-ce sur le côté ? Etait-ce la rue

21 voisine de la rue Marsala Tita ?

22 R. : Oui, elle était juste à côté ... Si ceci est la grande rue et que

23 vous tournez ici, je ne me souviens pas exactement, puis je pense

24 que vous prenez cette route.

25 Q. : Merci.

Page 2799

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne sais pas si c'est extrêmement important

2 mais je suis un peu confuse en ce qui concerne l'endroit où se

3 trouve la maison du témoin et celle avec la cave. Quand elle déplace

4 la baguette, elle ne s'arrête pas toujours quand elle veut le faire.

5 Prenez votre temps pour nous expliquer. Il est important que nous

6 comprenions.

7 M. NIEMANN : Quand vous prenez la baguette, tout d'abord, j'aimerais que

8 vous montriez de nouveau l'endroit où se trouve votre maison sur ce

9 plan et que vous la gardiez sans bouger sur l'endroit.

10 R. : Ma maison était, si ceci est ... J'ai vraiment un problème. Si ceci

11 est la grande rue et que vous tournez là, ma maison pourrait se

12 trouver à ce croisement; dans la direction de Prijedor vers Banja

13 Luka, elle était sur la droite et sur la gauche dans le sens

14 inverse.

15 Q. : Je veux que vous supposiez ... N'hésitez pas à nous dire si vous êtes

16 un peu perdue parce que nous pouvons aller plus lentement

17 ...Supposez que nous allons vers Prijedor et que aller vers la

18 droite sur cette route signifie se diriger vers Banja Luka.

19 R. : Je suis perdue. Je suis tout simplement perdue. Je sais que c'est ici

20 mais j'ignore de quel côté. En fait, elle est sur cette photo.

21 Q. : Bien. C'est dans ce secteur général que se trouve votre maison, peut-

22 on dire cela ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Très bien. Pouvez-vous nous dire de nouveau où vous êtes allés quand

25 l'attaque a commencé et que vous vous êtes réfugiés dans la cave ?

Page 2800

1 Pourriez-vous nous l'indiquer sur la carte ?

2 R. : Je pense que je vais là, c'est l'école, puis je tourne ici, c'est ...

3 et nous allons dans la direction de l'hôpital. Est-ce que je vais

4 dans la bonne direction ? Oui, je vais vers l'hôpital.

5 Q. : Le petit carré avec le "H", supposons un instant qu'il s'agit de

6 l'hôpital. Cela vous aide-t-il ?

7 R. : Oui, je pense que j'étais ici, oui, en plein milieu.

8 Q. : Merci. Peut-on rendre cette pièce, Madame, messieurs de la Cour ?

9 Combien de temps êtes-vous restés dans cette cave ?

10 R. : Nous y sommes restés jusqu'au lundi matin, jusqu'à 8 heures. C'était

11 le 25.

12 Q. : Que s'est-il passé le matin du lundi 25 ?

13 R. : Les soldats étaient déjà entrés dans Susa et Kozarac ici et certaines

14 personnes sont venues nous dire d'emmener nos enfants et de courir

15 vers la forêt. Mais du fait du bombardement, nous n'avons pas osé

16 sortir de l'abri, c'était dangereux; nous avons également décidé

17 qu'il était préférable d'être tués par un obus que d'être abattus ou

18 quelque chose du genre.

19 Q. : Pouvez-vous parler très lentement parce que votre témoignage doit

20 être traduit et les interprètes ne vous suivent pas si vous parlez

21 trop vite. Pouvez-vous répondre aussi lentement que possible à mes

22 questions ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Vous avez donc décidé avec cet autre groupe de personnes de vous

25 rendre dans la forêt. Où êtes-vous allés ? Dans quelle direction

Page 2801

1 êtes-vous allés ?

2 R. : Nous sommes allés vers Brdjani, vers Kozara, un endroit qui s'appelle

3 Brdjani, puis Krtavina et il y avait une auberge de jeunesse à

4 l'endroit où nous sommes allés ... nous sommes allés dans les bois.

5 Q. : Quand vous dites "nous", combien de personnes constituaient votre

6 groupe, approximativement ?

7 R. : Nous ... un voisin conduisait sa Mercedes verte puis mes enfants,

8 l'enfant de ma collègue et sa mère et ils sont venus plus tard.

9 Q. : A ce stade, aviez-vous vu votre époux ?

10 R. : Non.

11 Q. : Pourriez-vous regarder s'il vous plaît la photographie que je vous

12 montre maintenant et la photographie Z5/21 peut-elle être présentée

13 sur l'écran d'ordinateur, s'il vous plaît ? Avant cela, pourrait-on

14 marquer cette copie; le Greffier a-t-il marqué cette copie, s'il

15 vous plaît ? Que représente cette photographie ?

16 R. : Il s'agit de mon mari, de ses deux frères, de sa belle-soeur et de

17 son collègue, un policier serbe. Mon beau-frère posait le toit ...

18 posait le toit de sa maison et ils avaient une party. Ils

19 célébraient l'événement.

20 Q. : La photographie originelle que vous avez devant vous et qui vous est

21 montrée est la seule copie qui ait survécu à l'attaque contre

22 Kozarac, est-ce exact ? C'est la seule copie dont vous disposez ?

23 R. : Oui, j'en ai d'autres mais celle-ci m'a été donnée par ma belle-

24 soeur. Je n'en ai aucune qui m'appartienne.

25 Q. : Je vois. Madame, messieurs de la Cour, je verse la copie plutôt que

Page 2802

1 l'original, bien que celui-ci soit disponible pour inspection et

2 nous pouvons tirer des copies avec l'ordinateur dont les

3 reproductions sont tout à fait acceptables.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le témoin souhaite conserver l'original ?

5 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

7 M. WLADIMIROFF : Aucune.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce à conviction 211 est admise.

9 M. NIEMANN : On pourrait peut-être maintenant retourner ces photographies

10 ?

11 (Au témoin) : Une fois partie dans la Mercedes verte, où êtes-vous

12 finalement arrivés ? Quelle a été votre destination finale ?

13 R. : Nous sommes arrivés à une maison, un chalet de montagne. Nous y

14 sommes restés et il est reparti chercher d'autres personnes qui

15 étaient restées en arrière dans l'abri.

16 Q. : Est-ce que d'autres personnes se trouvaient à cet endroit ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Qu'avez-vous fait quand vous y êtes arrivés ?

19 R. : Nous ne savions pas où aller. Dans la forêt ... la forêt était

20 bombardée et nous sommes allés nous cacher dans des buissons mais

21 ils pouvaient nous y voir de sorte que c'est là que l'attaque a été

22 la plus féroce.

23 Q. : Combien de temps êtes-vous restés à cet endroit ?

24 R. : Nous y sommes restés jusqu'au soir, à la tombée de la nuit.

25 Q. : Le soir du 25 ou du 26 ?

Page 2803

1 R. : Du 25.

2 Q. : Que s'est-il passé alors ?

3 R. : Nous sommes partis pour la maison d'été d'Adil et Nasiha Jakupovic

4 qui se trouvait là. Nous y avons passé la nuit.

5 Q. : Ils étaient de vos amis ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Que s'est-il passé après cette nuit là ? Etes-vous restés dans la

8 montagne ?

9 R. : Oui, nous y sommes restés jusque mardi après-midi.

10 Q. : Quand vous parlez du mardi après-midi, c'était le 26 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Qu'avez-vous fait alors ?

13 R. : Nous ne pouvions pas y rester plus longtemps à cause du bombardement,

14 des tirs et ...

15 Q. : Alors qu'avez-vous fait ?

16 R. : ...nous avons décidé, puisque nous formions un groupe nombreux, je ne

17 sais pas combien nous étions, de nous diriger vers Vidovici. Il y

18 avait un petit village serbe, je ne sais pas combien de maisons,

19 mais il était très petit et il n'avait pas été bombardé.

20 Q. : Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre de personnes qui se

21 dirigeaient vers Vidovici ?

22 R. : Je pense que nous étions très nombreux, je ne peux pas dire - 2 ou 3

23 000 - mais c'était une longue colonne.

24 Q. : Ce groupe était-il constitué de femmes, d'enfants et d'hommes ?

25 R. : Oui.

Page 2804

1 Q. : Ces personnes venaient-elles des alentours de Kozarac ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Quand vous êtes arrivés au village de Vidovici ... Avant que je vous

4 pose cette question, quelle est la distance approximative entre

5 Vidovici et le centre de Kozarac ?

6 R. : Cinq kilomètres environ.

7 Q. : Qu'avez-vous fait quand vous êtes arrivés à Vidovici ?

8 R. : Nous sommes allés à la maison de Milan Vidovic.

9 Q. : Vous y êtes-vous réfugiés ?

10 R. : Oui, nous y avons passé la nuit et nous y sommes restés jusqu'à

11 mercredi.

12 Q. : Le mercredi 27 ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Que s'est-il passé le mercredi 27 ? Qu'avez-vous fait ce jour là ?

15 R. : Le mercredi 27, nous étions chez Vidovic, l'armée était déjà arrivée

16 à la Brdjani, à la mosquée. Ils incendiaient tout. Les maisons

17 brûlaient et nous avons compris que l'on ne pouvait rien faire

18 d'autre que de nous rendre, de descendre et nous avons décidé de

19 nous diriger vers Kozarac.

20 Q. : Vos enfants étaient-ils avec vous à ce stade ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Votre époux était-il avec vous ?

23 R. : Non.

24 Q. : Comment vous êtes-vous rendus à Kozarac ?

25 R. : Mes enfants et moi-même étions sur un tracteur.

Page 2805

1 Q. : Quand vous parlez de tracteur, étiez-vous assis sur le tracteur

2 proprement dit ou sur une remorque tirée par le tracteur ?

3 R. : Sur une remorque, nous étions sur une remorque.

4 Q. : Des personnes se déplaçaient-elles à pied, d'autres sur des tracteurs

5 et d'autres encore en utilisant d'autres moyens de transport ?

6 R. : Oui, certains étaient en voiture, d'autres sur des tracteurs et

7 certains marchaient.

8 Q. : Connaissez-vous l'accusé Dule Tadic ?

9 R. : Oui, très bien.

10 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

11 R. : Pratiquement depuis toujours.

12 Q. : Vous rappelez-vous de circonstances particulières d'une rencontre

13 avec l'accusé Dule Tadic, de circonstances particulières quelles

14 qu'elles soient ?

15 R. : Oui, je connaissais Dule. Il disait parfois bonjour et parfois pas

16 mais je pense qu'en ... en 1985 ou 86 dans une taverne, à "Neima".

17 Q. : Quelque chose s'y est-il passé qui vous revient spécialement à

18 l'esprit quand vous pensez à Dule Tadic ?

19 R. : Oui, c'était amusant et bizarre.

20 Q. : Que s'est-il passé, dites-nous, dans ce café en 1986 ?

21 R. : J'étais avec mon frère et d'autres amis. J'étais à Bihac pour un

22 mariage puis nous sommes retournés à Neima pour prendre un verre.

23 Q. : Quand vous parlez de "Neima", s'agit-il du nom du café ?

24 R. : Oui, il s'appelait "Neira".

25 Q. : Où se trouvait ce café, dans quelle ville ?

Page 2806

1 R. : "Neira" était je crois huit ou neuf maisons après celle de Dule dans

2 la rue Marsala Tita.

3 Q. : A Kozarac ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Vous êtes allés dans ce café après avoir assisté à un mariage à Bihac

6 ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Que s'est-il passé ?

9 R. : Nous sommes entrés et nous voulions nous asseoir à une table. Dule

10 Tadic et son groupe ... Je ne me souviens pas qui était présent mais

11 je crois qu'un de ses frères était là. Je voulais m'asseoir sur une

12 chaise qui se trouvait derrière moi et Dule l'a retirée pour

13 plaisanter.

14 Q. : Que s'est-il passé ?

15 R. : J'ai essayé de m'asseoir, j'ai manqué la chaise et je suis tombée.

16 Q. : Je vois. Durant votre vie, combien de fois auriez-vous vu l'accusé

17 Dule Tadic, en moyenne ?

18 R. : Très fréquemment parce que j'allais souvent dans les bars et les

19 cafés.

20 Q. : Savez-vous où habitait Dule Tadic ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Où habitait-il ?

23 R. : Dule Tadic vivait à Kozarac. Dans la rue Marsala Tita, il y avait un

24 restaurant et la maison de Banda et il venait après cette dernière.

25 Q. : Banda était son voisin n'est-ce pas, son voisin immédiat ?

Page 2807

1 R. : Oui, son voisin direct.

2 Q. : Si vous étiez dans la maison de Dule Tadic et que vous fassiez face à

3 la rue Marsala Tita, Banda se trouvait-il à gauche ou à droite de la

4 maison de Dule Tadic ?

5 R. : A gauche.

6 Q. : Savez-vous qui était le voisin de droite de Dule Tadic ?

7 R. : Oui. C'était Suljo Mujagic et Adil Jakupovic.

8 Q. : En regardant directement de l'autre côté de la rue, si vous vous

9 tenez devant la maison de Dule Tadic et regardez directement de

10 l'autre côté de la rue Marsala Tita, que voyez-vous ?

11 R. : En face il y avait un immeuble d'habitation. Il y en avait un autre à

12 côté avec un coiffeur, une pharmacie et un magasin de textiles.

13 Q. : Pourriez-vous examiner la photographie que je vous remets maintenant

14 et elle pourrait peut-être être marquée 212 ? On pourrait peut-être

15 la présenter sur l'écran ? C'est 49/15. Pourriez-vous examiner la

16 photographie qui vous a été remise et me dire si vous reconnaissez

17 ce qu'on y voit ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Que représente cette photographie ?

20 R. : Vous avez ici un coiffeur ...

21 Q. : Non, non, je m'excuse. Nous ne pouvons pas le montrer sur l'écran

22 parce que cela n'apparaît pas, nous ne pouvons pas voir ce que vous

23 désignez. Dites-moi simplement de quoi il s'agit, si cela ne vous

24 ennuie pas ?

25 R. : C'est un bâtiment. L'étage était habité et au rez-de-chaussée ...

Page 2808

1 Q. : Est-ce une photographie du bâtiment que vous avez décrit il y a un

2 instant comme se trouvant en face de la maison de Dule Tadic, de

3 l'autre côté de la rue de sa maison ?

4 R. : Non, c'est un peu plus bas et le bâtiment que j'ai mentionné était un

5 peu au-dessus de celui-ci.

6 Q. : Dites-moi ce que représente cette photographie ? Est-ce un endroit

7 proche de la maison de Dule Tadic ?

8 R. : Oui, c'est en face du restaurant. C'est très proche.

9 Q. : Je vois, merci. Est-ce la maison que vous décriviez il y a un instant

10 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Merci. Je verse cette pièce, Madame, messieurs de la Cour.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

14 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections, Madame la Présidente.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 212 est admise.

16 M. NIEMANN : Peut-on placer cette photographie sur l'elmo, s'il vous plaît

17 ? (Au témoin) : Avec la baguette, pourriez-vous indiquer s'il vous

18 plaît la partie du bâtiment le plus proche de la maison de Dule

19 Tadic si vous regardez de l'autre côté de la rue ? Vous ne pouvez

20 pas pointer sur l'écran de l'ordinateur; vous devez indiquer sur

21 l'elmo, cet écran ici.

22 R. : Je m'excuse. Ceci.

23 Q. : Cela ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce une boutique, juste au-dessus de

24 l'endroit que vous désignez avec votre baguette, est-ce une boutique

25 ?

Page 2809

1 R. : Non, c'est un coiffeur.

2 Q. : Oui, et est-ce qu'un magasin se trouve juste à coté ?

3 R. : Ceci est une pharmacie et cela un magasin de textiles.

4 Q. : Des gens habitaient au-dessus de ces magasins, n'est-ce pas ?

5 R. : Oui.

6 Q. : On pourrait peut-être rendre ces photographies ? Avant la guerre en

7 1992, connaissiez-vous la profession de Dule Tadic, comment il

8 gagnait sa vie ?

9 R. : Je connaissais Dule en tant qu'instructeur de karaté.

10 Q. : Qu'en est-il des locaux où il habitait ; abritaient-ils une affaire

11 quelconque ?

12 R. : Oui. Il a ouvert un café ces dernières années.

13 Q. : Connaissez-vous le nom de ce café ?

14 R. : Non, j'ai oublié, ce n'était pas intéressant.

15 Q. : Connaissez-vous le nom de son père ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Quel était le nom de son père ?

18 R. : Ostoja, je crois.

19 Q. : Connaissiez-vous son épouse ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Saviez-vous où elle travaillait ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Où travaillait-elle ?

24 R. : Sa femme, Mira, travaillait à l'hôpital, au centre médical.

25 Q. : Savez-vous s'il avait ou non une famille, des enfants ?

Page 2810

1 R. : Oui, Dule Tadic avait deux filles.

2 Q. : Quel âge ont-elles, approximativement ?

3 R. : Je me souviens que l'une était plus âgée et la plus jeune devrait

4 avoir huit ou neuf ans comme mon fils.

5 Q. : Huit ou neuf ans maintenant, n'est-ce pas ?

6 R. : La plus jeune, je pense, oui vers cet âge et la plus âgée devrait

7 avoir 12 ou 13 ans.

8 Q. : Connaissiez-vous ses amis ou ses fréquentations ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Pouvez-vous nommer certaines de ces personnes ?

11 R. : Oui. Dule Tadic était l'ami de Emir Karabasic, Vaso Crnogorac, Fadil

12 Hrustice, Adil Jakupovic et de presque tout le monde à Kozarac. Il

13 avait de bonnes relations avec presque tout le monde mais c'étaient

14 ceux qu'il fréquentait le plus.

15 Q. : Les personnes que vous venez de mentionner étaient-elles des

16 Musulmans ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Savez-vous si Dule Tadic avait des frères et des soeurs ?

19 R. : Je crois qu'il avait deux ou trois frères. Je le connaissais surtout,

20 lui et ses frères, pas ...

21 Q. : Avez-vous eu l'occasion de parler avec Dule Tadic ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Est-ce arrivé une seule fois ou occasionnellement durant votre séjour

24 à Kozarac ?

25 R. : A de nombreuses reprises. Nous nous disions bonjour en passant. Mon

Page 2811

1 frère, Envir, a donné du bois d'oeuvre à Dule Tadic pour la

2 construction de son café.

3 Q. : Le nom de votre frère ... Envir, était son prénom. Quel était son

4 deuxième nom, son nom de famille ?

5 R. : Envir Alic.

6 Q. : Quel âge avait votre frère Envir Alic ?

7 R. : Mon frère Envir est né en 1949.

8 Q. : Que faisait-il à Kozarac ? Quelle était sa profession ?

9 R. : Mon frère Envir ne travaillait pas à Kozarac. Il travaillait à Sisak.

10 Q. : Je m'excuse.

11 R. : Il était camionneur.

12 Q. : Avez-vous vu votre frère depuis la guerre, depuis 1992 ?

13 R. : Non.

14 Q. : Savez-vous où il a été emmené peu de temps après l'ouverture des

15 hostilités ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Où a-t-il été emmené ?

18 R. : Au camp d'Omarska.

19 Q. : Vous ne l'avez jamais revu depuis ?

20 R. : Non.

21 Q. : Aviez-vous aussi un autre frère, Ekrem ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Voulez-vous un verre d'eau.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous pouvons nous arrêter quelques instants,

25 Mme Klipic ... Est-ce que je prononce votre nom correctement ?

Page 2812

1 TEMOIN : Non, ça va.

2 Q. : Votre autre frère, Ekrem, quel âge aurait-il ?

3 R. : Il est né en 1955.

4 Q. : L'avez-vous vu depuis la guerre ?

5 R. : Non.

6 Q. : Et votre époux, après son départ en mai 1992 ? Avez-vous revu votre

7 mari depuis ce jour là ?

8 R. : Non.

9 Q. : Nous étions arrivés dans votre témoignage au moment où vous commencez

10 à descendre dans une remorque tirée par un tracteur. Pouvez-vous

11 nous dire ce qui s'est passé ensuite ?

12 R. : Oui, les convois ont commencé à descendre vers Brdjani. L'armée était

13 là. Tout était en train de brûler, les maisons, les mosquées, tout.

14 Q. : Quelle est la distance approximative entre Brdjani et le centre de

15 Kozarac ?

16 R. : Je pense qu'elle est d'environ deux kilomètres et demi, trois

17 kilomètres. Brdjani est assez important.

18 Q. : Bien. Racontez-nous ce que vous avez observé pendant ce trajet ?

19 R. : Nous sommes descendus et sommes arrivés au croisement à Kozarac, et

20 nous avons commencé à nous diriger vers Prijedor ...

21 Q. : C'était le mercredi 27 mai 1992 ?

22 R. : Mai, oui.

23 Q. : Oui. Quelle était l'heure approximative ?

24 R. : Je pense qu'il était vers 14 heures.

25 Q. : Je sais qu'il vous est très difficile d'évaluer ces choses, mais quel

Page 2813

1 était le nombre approximatif des personnes constituant cette colonne

2 ?

3 R. : Je peux dire que la colonne allait du croisement à Kozarac jusqu'à la

4 pâtisserie, peut-être un ou deux kilomètres de long.

5 Q. : Bien. Avez-vous observé quelques chars et choses de ce genre dans le

6 secteur ou le voisinage quand vous êtes descendus ?

7 R. : Nous avons vu de tout, des choses terribles; des cadavres, des vaches

8 mortes, des maisons incendiées, de nombreux soldats, des policiers,

9 des chars.

10 Q. : Les policiers que vous avez vus, avez-vous pu déterminer s'il

11 s'agissait de gens que vous connaissiez en tant que policiers serbes

12 ou y avait-il à la fois des policiers serbes et des policiers

13 musulmans ?

14 R. : Tous des Serbes; il n'y avait pas de Musulmans.

15 Q. : Je vois. Que s'est-il passé ensuite ?

16 R. : Nous nous sommes dirigés vers Kozarusa. Nous avons marché vers

17 Kozarusa et j'ai surtout prêté attention aux policiers.

18 Q. : Pourquoi prêtiez-vous attention aux policiers ?

19 R. : Parce que jusqu'à ce jour, ils étaient des collègues de mon mari et

20 je les connaissais.

21 Q. : Cherchiez-vous aussi votre mari ?

22 R. : Oui, je leur ai demandé s'ils avaient des nouvelles de mon mari.

23 Q. : A qui avez-vous demandé ?

24 R. : Quand nous ... quand nous nous sommes dirigés vers Prijedor sur le

25 tracteur, il y avait une voiture Golf, une voiture Golf de la police

Page 2814

1 allant dans la même direction.

2 Q. : Quand vous dites une voiture "Golf", vous voulez dire une Volkswagen

3 Golf ?

4 R. : Oui, nous les appelions des Golf de la police.

5 Q. : Je vois. Vous rappelez-vous de la couleur de cette voiture ?

6 R. : Elle était bleu et blanc, les couleurs de la police.

7 Q. : C'est une voiture que vous connaissiez du fait de la profession de

8 policier de votre mari ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Avez-vous vu qui conduisait la voiture de police venant vers vous ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Pendant que cette voiture se dirigeait vers vous, vous étiez toujours

13 sur la remorque tirée par le tracteur, n'est-ce pas ?

14 R. : Oui.

15 Q. : La voiture de police allait-elle dans la même direction que vous ou

16 venait-elle de la direction opposée ?

17 R. : De la direction opposée.

18 Q. : Avez-vous eu l'occasion de voir qui conduisait la voiture de police ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Et qui la conduisait ?

21 R. : Le conducteur était Brane Bolta.

22 Q. : Clairement, vous le connaissiez auparavant ?

23 R. : Oui, il a travaillé une dizaine d'années je pense à Kozarac.

24 Q. : Il était policier ?

25 R. : Oui.

Page 2815

1 Q. : Quelle était sa nationalité ou son groupe ethnique ?

2 R. : Serbe.

3 Q. : Avez-vous reconnu quelqu'un d'autre dans cette voiture ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Qui était ...

6 R. : Brane Bolta et près de lui Dule Tadic et également Goran Borovnica

7 mais je ne pouvais pas voir si quelqu'un était assis à côté de Goran

8 Borovnica.

9 Q. : Vous avez donc aperçu Dule Tadic à l'avant sur le siège du passager à

10 côté du conducteur ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Où Goran Borovnica était-il assis ?

13 R. : Goran Borovnica était assis derrière Bolta.

14 Q. : Pendant combien de temps avez-vous pu observer cette voiture de la

15 police ?

16 R. : Peut-être une minute ou deux. Nous étions arrêtés et ils conduisaient

17 lentement, ils ne pouvaient pas aller vite.

18 Q. : Cette voiture de la police s'est-elle arrêtée à un moment ou un autre

19 ou est-elle seulement passée lentement ?

20 R. : Ils sont passés lentement. J'ai crié "Bolta", "Bolta" et, bien sûr,

21 je n'étais intéressée que par les policiers pour pouvoir demander

22 des nouvelles de mon mari.

23 Q. : Bolta a-t-il répondu ?

24 R. : Non.

25 Q. : A quelle distance cette voiture de la police vous a-t-elle croisé ou

Page 2816

1 quelle est la distance la plus courte qui vous a séparé de ce

2 véhicule, approximativement ?

3 R. : Moins d'un mètre, peut-être 50 centimètres. Seule une ligne blanche

4 séparait le tracteur et la Golf; peut-être un mètre ou 80

5 centimètres.

6 Q. : Vous rappelez-vous si les fenêtres de la voiture étaient ouvertes ou

7 fermées ?

8 R. : Je ne me souviens pas; elles étaient peut-être légèrement

9 entrouvertes.

10 Q. : Avez-vous reconnu Dule Tadic dès que vous l'avez aperçu ou après,

11 quand le véhicule s'est rapproché de l'endroit où vous étiez assise

12 ?

13 R. : Je l'ai reconnu immédiatement et par la suite.

14 Q. : Connaissiez-vous déjà Goran Borovnica ?

15 R. : Oui, Goran Borovnica était un serveur au café "Red Rose".

16 Q. : Quand vous avez vu cette voiture de police dans laquelle vous avez

17 aperçu Dule Tadic, quel temps faisait-il ? Faisait-il beau ? Le

18 temps était-il couvert ? Vous rappelez-vous ?

19 R. : Il faisait très chaud.

20 Q. : Et le soleil brillait ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Votre vue de ce véhicule a-t-elle été obstruée à un moment quelconque

23 quand il vous a croisé ?

24 R. : Non. Que voulez-vous dire ?

25 Q. : A un moment quelconque, alors que ce véhicule se dirigeait vers

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1 l'endroit où vous étiez assise et vous a croisée, quelque chose sur

2 la route ou autrement vous a-t-il empêché de le voir ? Un obstacle

3 a-t-il bloqué votre vue pendant cette période ?

4 R. : Non, j'étais heureuse de voir une voiture de la police et d'avoir des

5 nouvelles de mon mari.

6 Q. : Vous avez dit il y a un instant, je crois, que vous avez interpellé

7 Bolta mais qu'il vous a ignorée ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Aviez-vous aperçu Dule Tadic et Goran Borovnica ensembles auparavant

10 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Où les aviez-vous vus ensembles ?

13 R. : Dans les cafés de Kozarac.

14 Q. : Les voyiez-vous occasionnellement ou fréquemment ou peut-être que

15 vous ne pouvez pas dire ?

16 R. : Je ne peux pas dire.

17 Q. : Vous rappelez-vous comment Dule Tadic était vêtu ou semblait être

18 vêtu quand il était assis dans cette voiture ?

19 R. : Oui, il portait une tenue camouflée.

20 Q. : Que voulez-vous dire par "tenue camouflée" ? Quelle sorte de ...

21 Pouvez-vous nous la décrire ?

22 R. : C'est l'uniforme bariolé. C'est un uniforme inhabituel, que nous

23 n'avions pas avant la guerre.

24 Q. : Qu'avez-vous fait après le passage de ce véhicule ?

25 R. : Nous avons avancé longtemps, peut-être une heure, jusqu'à ce que nous

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1 atteignions Kozarusa et le café Zikina.

2 Q. : Kozarusa, est-ce sur la route qui relie Kozarac et Prijedor ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Quelle distance approximative sépare Kozarusa de Kozarac ?

5 R. : Environ cinq kilomètres je pense.

6 Q. : Dans cette colonne qui avançait sur la route où vous vous trouviez à

7 ce moment là, est-ce que certaines personnes étaient à pied ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Est-ce que des personnes se trouvaient à bord de véhicules à moteur ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Y avait-il des femmes et des enfants dans le groupe ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Ainsi que des hommes ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Cette colonne ou partie de cette colonne était-elle gardée ou

16 escortée pendant que vous avanciez ?

17 R. : Que voulez-vous dire ? Est-ce que les Serbes nous gardaient ?

18 Q. : Oui.

19 R. : Oui, ils sélectionnaient des personnes et les tuaient.

20 Q. : L'avez-vous vu vous même ou est-ce que quelqu'un vous l'a relaté ?

21 R. : Non, nous les avons vu choisir les personnes individuellement et les

22 emmener dans les maisons ou derrière les maisons.

23 Q. : Quand vous parlez des "Serbes", s'agissait-il de l'armée, de la

24 police ou d'un mélange des deux ?

25 R. : Ils étaient très mélangés.

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1 Q. : Connaissiez-vous les uniformes des officiers ou des soldats de la JNA

2 ? Connaissiez-vous cet uniforme ?

3 R. : Très bien.

4 Q. : Avez-vous observé des personnes portant un uniforme de la JNA ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Vous connaissiez naturellement les uniformes des officiers de police

7 ou des policiers ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Avez-vous aperçu des personnes portant ces uniformes ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Pouvez-vous nous répéter le temps qu'il vous a fallu pour vous rendre

12 de, disons, Kozarac, l'endroit où vous avez démarré, jusqu'à

13 Kozarusa.?

14 R. : Je ne me souviens pas du nombre d'heures mais cela a duré de l'après-

15 midi jusqu'à la soirée. Je pense qu'il nous a fallu environ une

16 heure et demie pour parvenir à Kozarusa.

17 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à Kozarusa ?

18 R. : Le pire moment et le plus triste. Ils ont séparé les hommes de 15 à

19 65 ans de leurs femmes et de leurs mères, des enfants.

20 Q. : Quand vous dites "ils" vous pensez aux Serbes n'est-ce pas ?

21 R. : Bien sûr.

22 Q. : Pouvez-vous nous dire où cela s'est passé à Kozarusa ?

23 R. : Il y a un arrêt de bus à Kozarusa et c'est exactement là que je me

24 trouvais.

25 Q. : Etait-ce sur la route principale entre Kozarac et Prijedor ?

Page 2820

1 R. : Oui.

2 Q. : A Kozarusa ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Outre l'arrêt de bus, vous rappelez-vous d'autres bâtiments à cet

5 endroit ?

6 R. : Il y avait un café Zikina et un grand parking le long de la route.

7 Q. : Est-ce que des véhicules y étaient garés ?

8 R. : Oui, il y avait de très nombreux véhicules. Je crois qu'il y avait un

9 char, un véhicule blindé, je ne me souviens pas exactement, juste à

10 côté du café Zikina.

11 Q. : En dehors du véhicule blindé, pouviez-vous voir des autocars ou

12 d'autres types de véhicules ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Avez-vous reconnu certains des Serbes qui procédaient à ce tri ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Pouvez-vous en nommer certains ?

17 R. : Laissez-moi me rappeler. Mile Preradovic, Rade Strika, Ranko

18 Durdevic, Dule Tadic, Goran Borovnica, Tomo Stojakovic, Duro - je ne

19 me souviens pas de son nom de famille - un autre agent de la

20 circulation. Ceux que je connaissais le mieux étaient presque tous

21 des policiers.

22 Q. : Je vois. Pouviez-vous voir ce que faisaient les individus que vous

23 venez de nommer quand vous les avez aperçus ?

24 R. : Oui, ils répartissaient les hommes en trois groupes.

25 Q. : Quels étaient ces trois groupes ?

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1 R. : Certains étaient destinés à Omarska, d'autres à Trnopolje et d'autres

2 encore à Keraterm.

3 Q. : Comment saviez-vous que c'était la classification de chacun de ces

4 groupes, Trnopolje, Keraterm et Omarska ?

5 R. : Nous n'étions pas certains de leurs destinations mais j'ai appris par

6 la suite où ils avaient été emmenés.

7 Q. : Quelle distance vous séparait de Dule Tadic quand vous l'avez aperçu

8 ?

9 R. : Il était à environ trois ou quatre mètres, juste de l'autre côté de

10 la route et sur ce parking.

11 Q. : Quand vous l'avez aperçu la première fois, étiez-vous debout ou

12 assise ? Pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez ?

13 R. : Assise.

14 Q. : Etiez-vous assise sur cette remorque que vous avez mentionnée ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Vos enfants étaient-ils encore avec vous à ce stade ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Les conditions, la lumière etc. étaient-elles encore bonnes pour vous

19 permettre de bien voir ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Entre l'endroit où vous étiez assise et celui où vous avez vu Dule

22 Tadic, y avait-il des obstacles qui auraient pu vous empêcher de le

23 voir ?

24 R. : Non.

25 Q. : Combien de temps avez-vous pu l'observer pendant qu'il se trouvait à

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1 cet endroit ?

2 R. : Nous avons passé beaucoup de temps là. Combien de temps les avons-

3 nous observés ? Ils se déplaçaient beaucoup. Je ne lui ai pas

4 beaucoup prêté attention. J'en ai observé d'autres davantage.

5 Q. : Je vois. Avez-vous entendu Dule Tadic dire quoi que ce soit à ce

6 stade ?

7 R. : Oui, il a demandé à voix haute à Milos : "Où est-ce que j'emmène

8 ceux-là ? Où les emmenons-nous ?" De toute évidence, ils coopéraient

9 étroitement.

10 Q. : Qui est ce "Milos" dont vous parlez ?

11 R. : Milos le policier, Milos Preradovic.

12 Q. : D'où était-il originaire ?

13 R. : Il était de, je ne sais pas, de Kernica peut-être mais il avait

14 longtemps travaillé comme policier à Kozarac.

15 Q. : Vous avez dit que Goran Borovnica était également là ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Que faisait-il ?

18 R. : La même chose que tous les autres.

19 Q. : Quand vous avez entendu Dule parler, avez-vous reconnu sa voix ?

20 R. : Que voulez-vous dire "reconnu" ? Je l'ai vu crier "Hé, vous".

21 Q. : Pouvez-vous nous dire comment il était vêtu quand vous l'avez vu en

22 cette occasion ?

23 R. : Oui. Il portait une tenue camouflée. Il avait la tête nue.

24 Q. : Avez-vous pu voir s'il portait des armes ?

25 R. : Oui, un fusil automatique et un pistolet à la ceinture.

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1 Q. : Avez-vous pu voir s'il portait d'autres armes sur sa personne ?

2 R. : Non, je n'en ai pas vu. Je connaissais les armes que j'ai vues parce

3 que mon mari avait un fusil automatique et un pistolet.

4 Q. : Vous a-t-il parlé à un moment quelconque pendant que vous étiez

5 assise sur cette remorque ?

6 R. : Non.

7 Q. : Que vous est-il arrivé ensuite ?

8 R. : Brane Bolta s'est approché et m'a demandé si je connaissais quelqu'un

9 à Prijedor chez qui aller. J'ai répondu que non et que je voulais

10 aller où l'on envoyait mes proches.

11 Q. : Pensez-vous que Brane Bolta était prêt à vous aider s'il le pouvait ?

12 R. : Peut-être, pour montrer qu'il était un homme de caractère.

13 Q. : Oui. Que s'est-il passé alors quand vous avez dit que nous n'aviez

14 personne chez qui aller à Prijedor ?

15 R. : Brane Bolta était à l'arrière de la colonne avec Tomislav Stojakovic

16 et il y avait aussi une voiture de police, je ne sais pas laquelle.

17 Ils nous ont emmenés au camp de Trnopolje.

18 Q. : Quelle est la distance approximative entre Trnopolje et Kozarac ?

19 R. : Je pense que c'est à six kilomètres environ de Kozarac; cela

20 s'appelle Kozarac mais c'est en fait Trnopolje.

21 Q. : Comment êtes-vous allés de Kozarusa à Trnopolje ?

22 R. : Nous avons emprunté une route que je n'avais encore jamais prise.

23 Q. : Je veux dire avez-vous marché ou étiez-vous à bord d'un véhicule ?

24 R. : J'étais encore sur la remorque.

25 Q. : Les autres membres du groupe emmené à Trnopolje, ont-ils emprunté un

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1 moyen de transport motorisé ou certains ont-ils dû marcher ?

2 R. : Il n'y avait plus que des femmes et des enfants.

3 Q. : Savez-vous - c'est difficile pour vous à évaluer - mais savez-vous

4 quel était le nombre approximatif de femmes et d'enfants dans ce

5 groupe ?

6 R. : Ils étaient très nombreux, extrêmement nombreux. Je pouvais le sentir

7 à la façon dont ils pleuraient, je pouvais me rendre compte de leur

8 nombre parce que c'était extrêmement triste à regarder, parce que

9 les hommes étaient emmenés et nous ne savions pas où nous allions.

10 Q. : Ne restait-il absolument aucun homme dans le groupe ?

11 R. : Les seuls qui restaient étaient très âgés ou très jeunes, pour

12 conduire le tracteur ou les chevaux ou des choses du genre.

13 Q. : Combien de temps vous a-t-il fallu pour aller de Kozarusa à Trnopolje

14 ?

15 R. : Nous allions dans la direction de Donji Garevci, à Orlovic, Donji

16 Garevci puis je ne sais pas, une heure peut-être.

17 Q. : Vous rappelez-vous l'heure approximative de votre arrivée à Trnopolje

18 ?

19 R. : Je sais que c'était peu de temps après le coucher du soleil.

20 Q. : Que s'est-il passé lors de votre arrivée ?

21 R. : Nous sommes restés dans le camp, dans cet endroit entouré de barbelés

22 et de très nombreuses personnes s'y trouvaient déjà.

23 Q. : Etiez-vous allée à cet endroit avant la guerre, avant 1992 ?

24 R. : Tous les ans, le 2 mai, une grande foire populaire y était organisée.

25 Q. : L'endroit où se trouvait le camp, à quoi servait-il avant d'être

Page 2825

1 utilisé comme camp ?

2 R. : Il y avait une école, un magasin et un entrepôt, une quincaillerie et

3 un centre.

4 Q. : Quand vous êtes arrivés à cet endroit, est-ce que des personnes

5 semblaient garder le camp ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Savez-vous si elles étaient des Serbes ou des Musulmans ou pouvez

8 vous les distinguer ?

9 R. : Oui. Les Musulmans étaient à l'intérieur du camp et les Serbes

10 gardaient le camp.

11 Q. : Savez-vous s'il s'agissait de membres de l'armée ou de la police ou

12 des deux ?

13 R. : Des deux.

14 Q. : Quand vous y êtes arrivés pour la première fois, où avez-vous passé

15 la première nuit ?

16 R. : Un parent est venu me voir et m'a emmenée à la troisième maison quand

17 on va du camp dans la direction de Kozarac.

18 Q. : Aviez-vous vos enfants avec vous ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Quel âge avaient vos enfants ?

21 R. : Deux ans et demi et quatre ans et demi.

22 M. NIEMANN : Le moment est-il propice, Madame la Présidente ?

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Mardi, nous aurons une comparution

24 initiale dans une autre affaire. Je pensais que vous aviez peut-être

25 vu le communiqué de presse avant nous, M. Wladimiroff, mais je peux

Page 2826

1 le voir ...

2 M. WLADIMIROFF : La Défense ne comptera pas sur le ouï-dire pour cette

3 question !

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien sûr, vous m'avez beaucoup aidée avec ces

5 choses mais nous aurons une comparution initiale mardi de sorte que

6 nous ne commencerons pas avant 11 heures 30 mardi. Nous nous

7 ajournons maintenant jusqu'à demain 10 heures.

8 (Ajournement de la Cour jusqu'au lendemain).

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