Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi, 21 juin 1996

4 (10 heures)

5 (Audience publique)

6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ? J’allais vous dire de

7 poursuivre, Madame Hollis, mais je crois que M. Wladimiroff souhaite

8 nous dire quelque chose. Oui, monsieur ?

9 M. WLADIMIROFF : Merci, Madame le Président. Je voudrais évoquer une

10 question secondaire : la semaine prochaine, la Défense part en

11 Bosnie. Pour cette raison, je dois préparer certaines choses et, par

12 conséquent, je ne pourrai pas toujours être présent à l’audience.

13 Puisque M. Orie est à l’étranger, je voudrais demander à la Cour

14 d’autoriser Madame de Bertodano à me remplacer à l’audience, le cas

15 échéant.

16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur qui ?

17 M. WLADIMIROFF : Madame de Bertodano qui est une avocate compétente.

18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Elle a été présente de nombreux jours. C’est

19 parfait. Vous allez nous manquer la semaine prochaine mais nous

20 comprenons. Très bien. Nous acceptons votre proposition. Avez-vous

21 entendu ce que M. le Juge Stephen a dit ? C’est parfait. Merci.

22 M. WLADIMIROFF : Merci beaucoup.

23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Madame Hollis, voulez-vous poursuivre, s’il vous

24 plaît ?

25 MADAME HOLLIS : Merci, Madame le Président.

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1 Rappel de M. SAUD HRNIC à la barre.

2 Poursuite de l’interrogatoire par Madame Hollis.

3 Q. : M. Hrnic, j’aimerais vous rappeler que vous êtes toujours sous

4 serment. Monsieur, au cours de votre témoignage, vous nous avez dit

5 hier que vous aviez été interrogé à cinq reprises et que vous

6 pensiez que le premier interrogatoire avait eu lieu un samedi,

7 est-ce exact ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Vous nous avez dit que vous avez été interrogé pour la deuxième fois

10 un lundi, est-ce exact ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Était-ce le lundi suivant, deux jours après l’interrogatoire du

13 samedi ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Vous nous avez dit hier, au cours de votre témoignage, que vous aviez

16 vu le corps de votre frère un mardi, était-ce le mardi suivant votre

17 deuxième interrogatoire ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Lors de votre déposition d’hier, vous nous avez également parlé des

20 coups que vous aviez reçus au cours de ces interrogatoires. Zeljko

21 Meakic était-il jamais présent pendant l’un quelconque de ces

22 passages à tabac ?

23 R. : Oui.

24 Q. : A-t-il pris part à ces passages à tabac ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Que vous a-t-il fait ?

2 R. : Eh bien, j’étais dans la salle d’interrogatoire et d’autres personnes

3 me frappaient. Zeljko Meakic est entré et elles ont arrêté de me

4 battre et il a ri, il m’a donné un coup de pied puis s’est retourné,

5 a quitté la pièce et a fermé la porte derrière lui.

6 Q. : Hier, au cours de votre déposition, vous nous avez parlé d’un

7 incident lors duquel un homme que vous appeliez "Began" ainsi que

8 quelques autres personnes ont été battus. L’homme que vous avez

9 appelé "Began", était-ce le même homme que le Began qui avait été

10 convoqué alors qu’il se trouvait dans la salle 15 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Le passage à tabac auquel vous avez assisté et au cours duquel Began

13 et quelques autres personnes ont été battus a-t-il eu lieu avant ou

14 après l’incident impliquant Meho Alic ?

15 R. : Je suis incapable de le dire.

16 Q. : Avez-vous reconnu la ou les personnes qui ont battu Began et les

17 autres ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Qui avez-vous reconnu ?

20 R. : Zigic.

21 Q. : Avez-vous revu Began après son passage à tabac par Zigic ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Où l’avez-vous revu ?

24 R. : Je l’ai vu lorsqu’il est revenu dans la salle 15.

25 Q. : Avez-vous vu l’état dans lequel il était après son passage à tabac ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Qu’avez-vous vu ?

3 R. : Sa tête était complètement tuméfiée. Il était couvert de

4 meurtrissures. Il ne pouvait pas bouger. Son bras droit ou son bras

5 gauche, je ne sais pas exactement, saignait, il saignait

6 abondamment. Quelqu’un a apporté un mouchoir ou quelque chose et

7 nous avons pu bander son bras.

8 Q. : Serait-il possible que le technicien se place derrière la caméra

9 vidéo ? Monsieur, hier, vous avez évoqué plusieurs incidents qui ont

10 eu lieu à certains endroits à Omarska. Afin de clarifier vos dires,

11 je vous demanderais de revenir vous placer près de la maquette et de

12 désigner certains endroits tandis que je vous interroge. Pourriez-

13 vous à nouveau ôter votre casque, approcher et utiliser le casque

14 qui se trouve sur le bureau du Greffier ?

15 Monsieur, vous nous avez indiqué hier que, durant une partie de

16 votre séjour à Omarska, vous étiez dans la salle 15. À un moment,

17 vous avez montré à la Cour où se trouvait cette salle. J’aimerais

18 vous demander de nous indiquer à nouveau la salle 15.

19 R. : (Le témoin indique l’endroit sur la maquette).

20 Q. : Le témoin désigne l’endroit qui porte le numéro B7. Il semble qu’il y

21 ait deux pièces plus petites à l’intérieur de cette salle, l’une

22 portant le numéro B8 et l’autre le numéro B23. Pourriez-vous

23 regarder l’endroit B8, s’il vous plaît, et nous dire ce qu’était

24 cette petite pièce ?

25 L’INTERPRETE : Pourrait-on donner un micro au témoin, s’il vous plaît ?

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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous devez parler dans le micro.

2 LE TEMOIN : À cet endroit se trouvaient de grands blocs de béton.

3 MADAME HOLLIS : À quoi cette pièce servait-elle ?

4 R. : Elle servait probablement aux ouvriers lorsqu’ils venaient, ils

5 pouvaient s’y laver les mains, entre autres.

6 Q. : À quoi servait la pièce ou l’endroit qui porte le numéro B23,

7 lorsque vous étiez dans le camp ?

8 R. : C’était là que se trouvaient les douches.

9 Q. : La grande salle qui porte le numéro B7 et qui abrite également les

10 pièces B8 et B23, toute cette salle était-elle connue sous le nom de

11 salle 15 ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Tant que vous êtes debout, pourriez-vous, s’il vous plaît, indiquer à

14 la Cour la porte par laquelle vous entriez dans le hangar et

15 pénétriez dans la salle 15 ? (Le témoin montre la porte sur la

16 maquette) Madame et messieurs de la Cour, veuillez remarquer qu’il

17 s’agit de la porte qui est directement sous l’endroit B7. Au cours

18 de votre déposition d’hier, vous nous avez également dit que vous

19 aviez passé un certain temps sur la pista pendant que vous étiez à

20 Omarska. Pourriez-vous, s’il vous plaît, indiquer à la Cour

21 l’endroit de la pista sur lequel vous êtes resté pendant votre

22 séjour à Omarska ?

23 R. : (Le témoin indique l’endroit sur la maquette)

24 Q. : Si vous regardez au dos de la maquette, vous trouverez un autocollant

25 jaune sur lequel est inscrite la lettre "W". Pourriez-vous prendre

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1 cet autocollant jaune portant la lettre "W" et le placer à l’endroit

2 de la pista où vous étiez d’habitude ?

3 Le bâtiment qui se situe juste en face de vous, le bâtiment rouge

4 plus petit, c’est le bâtiment administratif, n’est-ce pas ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Pourriez-vous indiquer à la Cour la partie du bâtiment administratif

7 dans lequel vous dormiez la nuit tandis que vous étiez sur la

8 pista ?

9 R. : (Le témoin indique l’endroit sur la maquette)

10 Q. : J’aimerais faire remarquer que le témoin indique l’endroit portant le

11 numéro A22. Était-ce le même endroit que celui où vous receviez

12 votre repas les jours où vous receviez un repas ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Était-ce l’endroit où vous vous trouviez le matin où vous avez vu le

15 corps de votre frère ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Si vous regardez également la pista, vous verrez l’avant du bâtiment

18 abritant le restaurant. Pourriez-vous vous approcher de façon à voir

19 l’entrée du bâtiment abritant le restaurant et de façon à indiquer à

20 la Cour la fenêtre par laquelle vous pouviez voir que l’on faisait

21 descendre l’escalier aux détenus à coups de pied?

22 R. : (Le témoin indique l’endroit sur la maquette)

23 Q. : J’aimerais faire observer qu’il indique la fenêtre située sur la

24 structure arrondie du bâtiment qui se trouve au-dessus du numéro

25 A21. Merci, monsieur. Pourriez-vous s’il vous plaît regagner votre

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1 place à la table du témoin ?

2 Monsieur, au cours de votre témoignage d’hier, vous nous avez dit

3 que, lorsque vous vous trouviez sur la pista, vous pouviez voir que

4 des gens étaient précipités en bas de l’escalier à coups de pied.

5 Vous avez également indiqué que tandis que vous étiez couché sur le

6 ventre sur la pista, votre tête était en direction du hangar.

7 Pourriez-vous dire à la Cour comment vous pouviez voir que l’on

8 faisait descendre l’escalier à coups de pied à certaines personnes ?

9 R. : Eh bien, pendant que nous étions sur la pista, nous étions la plupart

10 du temps étendus face contre terre, mais lorsque vous êtes couché de

11 cette manière, vous pouvez vous retourner et regarder en dessous de

12 votre bras. C’était tout bonnement impossible de rester couché toute

13 la journée sans bouger. À plusieurs reprises, nous étions assis sur

14 la pista ; tout dépendait du garde qui était là. Ainsi, nous

15 pouvions voir ; même lorsque nous quittions la pista pour prendre

16 notre déjeuner, c’était pareil.

17 MADAME HOLLIS : Madame le Président, au cours de sa déposition d’hier, le

18 témoin a fait référence à certains jours de la semaine et à

19 certaines dates. Je voudrais à présent demander à la Cour de prendre

20 acte officiellement des mois qui se sont écoulés entre avril 1992

21 et décembre 1992. Afin d’aider la Cour, j’ai demandé que l’on

22 imprime un document indiquant ces mois de l’année. J’ai des copies

23 pour les Juges. J’en ai communiqué une copie à la Défense.

24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous y opposez-vous, M. Wladimiroff ?

25 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Cette pièce sera marquée comme pièce à

2 conviction -- quel est le numéro suivant ? 233. La pièce 233 est

3 admise.

4 MADAME HOLLIS : Madame le Président, à ce propos, j’aimerais faire

5 remarquer à la Chambre de première instance que le 24 mai était un

6 dimanche, que le mardi suivant était le 26 mai, que le mercredi

7 suivant était le 27 mai. J’aimerais également faire observer à la

8 Chambre que le 8 juin tombait un lundi.

9 M. Hrnic, pendant votre séjour à Omarska, avez-vous vu Dule Tadic à

10 Omarska ?

11 R. : Oui.

12 Q. : À combien de reprises avez-vous vu Dule Tadic à Omarska ?

13 R. : Une fois.

14 Q. : À cette occasion, que portait Dule Tadic ?

15 R. : Il portait alors un uniforme, une tenue de camouflage d’été.

16 Q. : Que faisait-il lorsque vous l’avez vu ?

17 R. : Je ne sais pas ce qu’il faisait. Je sais que je l’ai vu sur la pista

18 où je me trouvais. Je ne sais pas s’il se déplaçait ou s’il était

19 immobile.

20 Q. : Était-il debout lorsque vous l’avez vu, était-il debout ou assis ?

21 R. : Debout, debout.

22 Q. : Pour autant que vous vous en souveniez, avait-il quelque chose en

23 main ou portait-il quelque chose ?

24 R. : Je ne peux pas l’affirmer avec certitude mais je pense qu’il tenait

25 quelque chose qui ressemblait à un dossier ou à quelque chose de ce

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1 genre.

2 Q. : Par "dossier", vous voulez dire un dossier comme un classeur ou une

3 chemise contenant des documents ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Lorsque vous l’avez vu, vous souvenez-vous s’il portait une barbe ou

6 bien s’il était rasé de près.

7 R. : Je ne sais pas.

8 Q. : Quand l’avez-vous vu ? Était-ce après votre transfert de la salle 15

9 à la pista ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Lorsque vous l’avez vu, dans quelle position étiez-vous ? Étiez-vous

12 assis, couché, accroupis ? Quelle était votre position ?

13 A. : J’étais couché.

14 Q. : Vous étiez couché, comment, sur le ventre, sur le dos ?

15 R. : Sur le ventre.

16 Q. : Dans quelle direction votre tête était-elle placée ?

17 R. : Vers le hangar.

18 Q. : Dans quelle position votre visage était-il placé lorsque vous l’avez

19 vu ? Regardiez-vous par terre ? Votre visage était-il tourné sur le

20 côté ?

21 R. : En ce moment précis, il était tourné sur le côté.

22 Q. : De quel côté, gauche ou droit ?

23 R. : Droit.

24 Q. : Donc, comme vous étiez couché en faisant face au hangar, votre visage

25 étant tourné vers la droite, cela aurait été vers la droite, en

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1 direction de l’herbe et de la maison blanche ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Le technicien pourrait-il revenir, s’il vous plaît, et, M. Hrnic,

4 pourrais-je vous demander une fois encore de vous lever, de vous

5 approcher de la maquette et d’indiquer à la Cour l’endroit où vous

6 étiez lorsque vous avez vu Dule Tadic ; voulez-vous également

7 prendre l’autre autocollant jaune et indiquer l’endroit où Dule

8 Tadic se trouvait lorsque vous l’avez vu ?

9 R. : Je me trouvais ici et Dule Tadic était approximativement ici.

10 Q. : Monsieur, étant donné que je n’ai pas pu voir le premier endroit que

11 vous avez montré, avez-vous indiqué que vous étiez dans la même

12 position que celle dans laquelle vous étiez habituellement sur la

13 pista ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Pourriez-vous ensuite regagner votre place, monsieur ? Merci. Madame

16 le Président, nous allons essayer, avec le matériel dont nous

17 disposons, de prendre une photo qui montre ces deux points de

18 repère. Nous avons essayé auparavant de prendre une photo : cela

19 s’est plutôt bien passé. Nous allons donc essayer de la prendre.

20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Souhaitez-vous prendre cette photo maintenant ?

21 MADAME HOLLIS : Cela prendra un certain temps, pourrais-je donc poursuivre

22 ...

23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne sais pas si ces autocollants ont été bien

24 collés.

25 MADAME HOLLIS : Le technicien pourrait peut-être le vérifier, de façon à

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1 être sûre que les autocollants soient en place pour la photo.

2 M. Hrnic, lorsque vous avez vu Dule Tadic, avez-vous vu une autre

3 personne à ses côtés ?

4 R. : Je ne m’en souviens pas.

5 Q. : Lorsque vous l’avez vu, quelque chose ou quelqu’un vous empêchait-il

6 de voir Dule Tadic ?

7 R. : Non.

8 Q. : L’avez-vous vu de jour ou de nuit ?

9 R. : De jour.

10 Q. : Était-ce un jour ensoleillé ou couvert ?

11 R. : Je pense qu’il y avait du soleil.

12 Q. : Le soleil a-t-il diminué votre capacité à le voir clairement ?

13 R. : Non.

14 Q. : Après avoir reconnu Dule Tadic, qu’avez-vous fait ?

15 R. : Lorsque je l’ai vu à ce moment-là, si je peux m’exprimer ainsi, j’ai

16 embrassé la pista, c’est-à-dire que j’ai baissé ma tête de façon à

17 ce qu’il ne puisse pas me voir.

18 Q. : Pourquoi avez-vous réagi ainsi ?

19 R. : Eh bien, après cet incident qui avait eu lieu et dont d’autres

20 personnes avaient parlé, j’étais simplement effrayé. J’avais peur

21 parce qu’il me connaissait et parce qu’à Omarska, les hommes tuaient

22 souvent les gens qu’ils connaissaient.

23 Q. : M. Hrnic, pourriez-vous s’il vous plaît regarder très soigneusement

24 autour de vous dans la salle d’audience ; je vous demanderais, si

25 vous voyez Dule Tadic dans la salle d’audience, de le montrer s’il

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1 vous plaît.

2 R. : (Le témoin montre Dule Tadic)

3 Q. : Pourriez-vous nous dire où il est assis ?

4 R. : Il est assis à l’arrière entre deux policiers et un troisième

5 policier est debout à côté de lui.

6 MADAME HOLLIS : Madame le Président, pourrais-je faire observer que

7 l’accusé a été identifié avec exactitude ?

8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, le procès-verbal indiquera que le témoin a

9 identifié l’accusé.

10 MADAME HOLLIS : Monsieur, l’homme que vous venez de montrer, est-ce le

11 Dule Tadic que vous avez vu à Omarska ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Est-ce le Dule Tadic que vous connaissiez de Kozarac ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Vous nous avez dit auparavant que, du camp d’Omarska, vous aviez été

16 transféré vers le camp de Manjaca. Comment avez-vous été emmené là ?

17 R. : On m’a emmené en bus.

18 Q. : S’agissait-il de bus civils ou militaires ?

19 R. : Civils.

20 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu à Manjaca ?

21 R. : Jusqu’au 15 décembre 1992.

22 Q. : De Manjaca, où avez-vous été emmené ?

23 R. : Ils nous ont emmené à Karlovac.

24 Q. : Monsieur, lorsque vous avez quitté Manjaca et que vous êtes allé à

25 Karlovac, en abandonnant votre maison et votre affaire dans votre

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1 région d’origine, avez-vous fait cela parce que vous vouliez

2 vraiment partir ou parce que vous aviez le sentiment que vous

3 n’aviez d’autre choix que celui de partir ?

4 R. : Nous n’avions aucun autre choix.

5 Q. : Depuis que vous avez quitté la Bosnie, êtes-vous retourné dans

6 l’opstina de Prijedor ?

7 R. : Non.

8 Q. : Est-ce parce que vous faites le choix de ne pas revenir ou parce que

9 vous avez le sentiment que vous ne pouvez pas rentrer chez vous ?

10 R. : J’ai le sentiment que je ne peux pas rentrer chez moi.

11 MADAME HOLLIS : Je n’ai pas d’autres questions, Madame le Président.

12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Sera-t-il procédé à un contre-interrogatoire,

13 M. Kay ?

14 M. KAY : Oui, Madame le Président.

15 Contre-interrogatoire mené par M. KAY

16 Q. : M. Hrnic, vous avez dit hier à la Cour que vous connaissiez Dusko

17 Tadic de Kozarac et que vous aviez suivi des cours de karaté avec

18 lui ; est-ce exact ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Les cours de karaté qu’il donnait à Kozarac comptaient des Musulmans

21 comme vous-même ainsi que des Serbes et des Croates ; est-ce exact ?

22 R. : Oui.

23 Q. : À une certaine époque, alors que vous deveniez plus âgé, vous avez

24 monté une affaire ; ai-je raison de penser que vous avez vécu en

25 dehors de Kozarac pendant un certain temps, à Trnopolje ?

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1 R. : Non.

2 Q. : Je ne savais pas avec certitude si vous aviez toujours vécu à

3 Kozarac, dans la rue Marsala Tita, que vous nous avez montrée sur le

4 plan, ou si vous aviez vécu un certain temps en dehors de Kozarac.

5 R. : J’ai toujours vécu là. Ce quartier était connu sous le nom de Mutnik

6 et je ne sais pas en quelle année le nom a été changé et est devenu

7 Marsala Tita, mais j’ai toujours vécu là à Kozarac.

8 Q. : Merci. À un moment, vous avez dit qu’on empêchait les Musulmans de

9 quitter Kozarac à cause de la prise du pouvoir à Prijedor et à cause

10 d’ordres vous empêchant de voyager ; est-ce exact ?

11 R. : Soit je n’ai pas bien compris, soit -- après le 30 mai, nous sommes

12 partis en direction de Prijedor et je pense que nous pouvions aller

13 à Prijedor jusqu’au 22 mai et revenir de Prijedor également.

14 Q. : Je voulais simplement obtenir votre confirmation parce que l’on a

15 laissé entendre que les Musulmans ne pouvaient pas voyager librement

16 après la prise du pouvoir à Prijedor à la fin du mois d’avril ?

17 MADAME HOLLIS : Madame le Président, je crois que le Conseil a mal

18 compris. Dans le compte rendu, tel que je le possède, la question

19 était de savoir si, après la prise du pouvoir, le témoin avait

20 éprouvé des difficultés à se déplacer entre Kozarac et Prijedor. Il

21 a répondu que, oui, il avait éprouvé des difficultés. Il n’a dit à

22 aucun moment qu’il ne pouvait pas se déplacer entre ces zones. Je

23 fais référence à la page 1981 du compte rendu, Madame le Président.

24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

25 M. KAY : Je pense que d’autres témoins ont également abordé cette

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1 question, comme la Cour s’en souviendra.

2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense que cette opposition se fonde sur le

3 fait que la question est trompeuse parce qu’elle s’appuie sur des

4 faits qui semblent avoir été établis alors qu’ils ne l’ont pas été

5 parce que ce n’est pas ce que le témoin a déclaré hier. Voulez-vous

6 reformuler la question ?

7 M. KAY : Je vais reformuler la question, si cela peut aider mon éminente

8 consoeur.

9 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci.

10 M. KAY (Au témoin) : Formulons donc cette question simplement. M. Hrnic,

11 serait-il exact de dire que vous pouviez vous rendre à Prijedor

12 après la prise du pouvoir à Prijedor ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Vous souvenez-vous que certains Musulmans ont quitté Kozarac pour de

15 bon durant le mois de mai après la prise du pouvoir à Prijedor ?

16 R. : Toujours, nous continuions à espérer que nous reviendrions un jour à

17 Kozarac et, oui, certaines personnes ont quitté Kozarac.

18 Q. : Avant l’attaque contre Kozarac, certaines familles musulmanes ont

19 quitté la ville, peut-être parce qu’elles avaient peur de ce qui

20 allait arriver ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Je ne sais pas si vous vous souvenez de la famille Arnautovic ? Les

23 connaissiez-vous, Simo Arnautovic ?

24 R. : Non.

25 Q. : Ou de la famille Memic ? Il dirigeait le SDA à Kozarac.

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1 R. : Oui.

2 Q. : Vous souvenez-vous qu’il soit parti ou que sa famille soit partie ?

3 R. : Je sais que lui seul est parti. Je sais qu’il a quitté la région.

4 Q. : Vous avez dit à la Cour que vous étiez de service à un point de

5 contrôle à Rajkovici aux environs de Kozarac ?

6 R. : Je n’étais pas de garde. Oui, j’y étais mais je n’étais pas de

7 service.

8 Q. : Vous dites que vous n’étiez pas de service. Vous y êtes-vous rendu de

9 votre plein gré ou d’autres personnes vous ont-elles laissé entendre

10 que vous pourriez y aller pour monter la garde ?

11 R. : J’y suis allé parce que j’avais le sentiment que je devais être là.

12 Q. : Avec combien d’autres personnes étiez-vous de garde à Rajkovici ?

13 R. : Je ne pourrais pas vous donner le nombre exact. Il y avait toujours

14 environ cinq ou six personnes.

15 Q. : Vous nous avez dit que vous possédiez un fusil, un fusil

16 automatique ; est-ce exact ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Les autres personnes possédaient-elles aussi des armes ?

19 R. : Pas toutes.

20 Q. : Mais certaines en possédaient ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Le fusil que vous possédiez était aussi pourvu d’une lunette de

23 visée ; est-ce exact?

24 R. : Non.

25 Q. : Dites-vous la vérité à ce sujet ?

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1 R. : La vérité.

2 Q. : Lors de votre interrogatoire, n’avez-vous pas dit aux personnes

3 chargées d’enquêter sur cette affaire que votre fusil était pourvu

4 d’une lunette ?

5 R. : Ce n’est pas la vérité.

6 Q. : Est-ce exact de dire que lorsque vous étiez de service vous portiez

7 un uniforme militaire ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Portiez-vous un béret ?

10 R. : Non -- le béret est la partie supérieure de l’uniforme, oui.

11 Q. : Portiez-vous un béret et, par ce terme, j’entends un type quelconque

12 de couvre-chef ?

13 R. : Oui, je portais un genre de chapeau.

14 Q. : Était-il de couleur verte ?

15 R. : Non, c’était un béret de camouflage.

16 Q. : Sur votre uniforme, portiez-vous un insigne représentant un lys, une

17 fleur de lys ?

18 R. : Non.

19 Q. : Portiez-vous d’habitude cet uniforme aux alentours de Kozarac ?

20 R. : Lorsque nous allions d’un point de contrôle à l’autre.

21 Q. : Étiez-vous de service à d’autres points de contrôle ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Où se situaient ces points de contrôle ?

24 R. : J’allais d’habitude à un point de contrôle de l’autre côté de la

25 scierie, de l’autre côté de la route.

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1 Q. : C’était la route qui menait de la nationale Prijedor/Banja Luka à

2 Kozarac ; est-ce exact ?

3 R. : La route Prijedor/Banja Luka en direction de Mrakovica en passant par

4 Kozarac.

5 Q. : Un autre homme musulman, appelé Sahib Salkanovic, était-il de service

6 au point de contrôle où vous vous trouviez à Rajkovici ?

7 R. : Je ne reconnais pas ce nom de famille.

8 Q. : Étiez-vous de service à cet endroit avec un homme prénommé Sahib ?

9 R. : Sahid ?

10 Q. : Sahib -- la dernière lettre est un "B".

11 R. : Non, je ne reconnais pas ce nom.

12 Q. : Les gens qui étaient de service à Rajkovici changeaient-ils souvent ?

13 R. : Non.

14 Q. : Lorsque vous n’étiez pas de service à cet endroit, d’autres personnes

15 y étaient-elles de service ?

16 R. : Je m’y trouvais de mon plein gré et c’était un point de contrôle qui

17 était à -- dont le commissariat de police de Kozarac avait la

18 charge, en compagnie des personnes de cette région et ces personnes

19 venaient pour tenir compagnie aux gardes qui se trouvaient à ce

20 point de contrôle et pour rester là avec eux.

21 Q. : Vous-même ne travailliez pas pour la police, n’est-ce pas ?

22 R. : Non.

23 Q. : Donc, le poste où vous vous trouviez à Rajkovici avait un rapport

24 avec la TO, la force de réserve ?

25 R. : Je n’ai pas bien compris la question. Je vous répète qu’il y avait un

Page 3328

1 poste de contrôle policier où des hommes de la TO était de service,

2 ils étaient originaires de la région de la ville et ils restaient

3 là, à ce point de contrôle, sur la grand-route.

4 Q. : Oui, je parle du point de contrôle de Rajkovici qui était l’endroit

5 où vous étiez de service ; est-ce exact ?

6 R. : Je m’y trouvais souvent.

7 Q. : Je me demandais juste quel organe officiel, le cas échéant, vous a

8 mis en poste à cet endroit ; étiez-vous membre de la TO ? Était-ce

9 parce que vous faisiez partie de la TO ?

10 R. : Nous nous étions organisés de notre plein gré.

11 Q. : Lorsque vous dites "organisés", qui avait mis cette organisation en

12 place ?

13 R. : Personne ne nous avait organisés. Nous savions quel serait notre

14 sort. Nous pouvions le deviner et nous essayions de nous organiser

15 et d’avoir des gardes de façon à pouvoir éviter les problèmes.

16 Q. : Je comprends ce que vous dites à ce sujet mais quand avez-vous obtenu

17 votre fusil ?

18 R. : Je ne l’ai pas reçu.

19 Q. : Vous nous avez dit que vous possédiez un fusil automatique. L’aviez-

20 vous depuis de nombreuses années ou l’avez-vous acheté en 1992 ?

21 R. : Oui, je l’ai acheté.

22 Q. : En 1992 ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Je souhaiterais aborder un autre sujet qui se rapporte à la période

25 qui suit votre départ de Kozarac, après l’attaque contre cette

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1 ville, et revenir à ce qui aurait été le mardi, lorsque, avec les

2 autres, vous avez descendu la rue Marsala Tita en formant une

3 colonne. Tout d’abord, pouvez-vous dire à la Cour l’heure qu’il

4 était lorsque vous avez atteint le carrefour entre la vieille rue

5 Kula et la rue Marsala Tita ?

6 MADAME HOLLIS : Veuillez m’excuser à nouveau, Madame le Président.

7 LE TEMOIN : Ce n’était pas mardi, c’était mercredi.

8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez poursuivre, je vous prie.

9 MADAME HOLLIS : Oui, Madame le Président, c’est cela que je souhaitais

10 corriger. Le compte rendu indique que c’est en fait un mercredi

11 qu’il a rejoint la colonne et descendu la rue jusqu’au carrefour. Le

12 mardi est le jour où il a vu Osman Braco.

13 M. KAY : Je vous remercie. Oui, j’ai commis une erreur. Je parle du

14 mercredi mais je pense que vous comprenez ce à quoi je fais

15 référence ; est-ce exact ?

16 R. : Je sais que c’était un mercredi matin.

17 Q. : Oui. Pourriez-vous dire à la Cour l’heure qu’il était ?

18 R. : C’était à l’aube, au lever du soleil. Je ne peux pas vous dire

19 l’heure qu’il était mais nous avons quitté Besici à l’aube et il

20 nous a fallu un certain temps pour atteindre le carrefour à Kozarac.

21 Q. : Étiez-vous nombreux à vous rendre de Besici au carrefour de Kozarac ?

22 R. : Eh bien, environ -- nous étions nombreux mais j’avais une colonne

23 derrière moi. Je n’étais pas à la tête de la colonne mais peut-être

24 à dix mètres de la tête.

25 Q. : Pouvez-vous vous souvenir des noms de toutes les autres personnes qui

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1 étaient avec vous dans la colonne ?

2 R. : Eh bien, certaines de ces personnes.

3 Q. : Pouvez-vous me dire de qui il s’agissait ?

4 R. : Dzevad Besic. Son fils était devant lui. Ils avaient des drapeaux

5 blancs. Ils portaient ces drapeaux. Sa soeur et sa femme étaient là

6 et il y avait probablement aussi d’autres personnes. C’étaient des

7 gens que je connaissais, mais -----

8 Q. : Le nom de son fils, celui que vous avez cité ?

9 R. : Je ne sais pas. Je ne sais pas. C’était Dzevad Besic, le père et puis

10 son fils.

11 Q. : Lorsque vous étiez à Kozarac, vous avez dit hier à la Cour que vous

12 aviez reconnu, parmi les policiers et les soldats portant des

13 uniformes de camouflage, quelqu’un que vous avez décrit comme étant

14 le fils de Gavro ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Le fils de Gavro s’appelle-t-il Milos Gajic ?

17 R. : Je ne sais pas.

18 Q : Le connaissez-vous sous un autre nom, le surnom "Dusko" ou "Dule" ?

19 R. : Non.

20 Q. : Vous parliez de lui comme du "fils de Gavro". Le connaissiez-vous

21 bien ?

22 R. : Pas très bien.

23 Q. : Quel âge avait-il ?

24 R. : Je ne suis pas sûr mais à l’époque il devait avoir entre 35 et 40 ans

25 environ.

Page 3331

1 Q. : Portait-il un uniforme de camouflage ?

2 R. : Oui.

3 Q. : J’aimerais à présent aborder un autre sujet et en venir à la période

4 que vous avez passée à Omarska. Vous avez également passé quelque

5 temps à Keraterm, est-ce exact ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Pendant la période où vous étiez à Keraterm et à Omarska, avez-vous

8 vu un homme appelé Zoran Zigic ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Avez-vous aussi vu en sa compagnie un homme connu sous le nom de Dule

11 Banovic ?

12 R. : Oui, je pense qu’il s’agit de Duca, son nom de famille est Banovic.

13 Q. : Alias "Dusko Banovic" ?

14 R. : Tout le monde l’appelait "Duca".

15 Q. : Ou vous le connaissiez sous le nom de "Dusko Banovic" ; est-ce

16 exact ?

17 R. : Non, non.

18 Q. Monsieur, je vais vous présenter une déclaration, si la Cour nous

19 accorde un moment ? Je souhaiterais que vous examiniez ce document.

20 Il s’agit d’un interrogatoire qui a eu lieu en Allemagne le 30 mars

21 1994 et portant sur des questions intéressant la Cour ; un enquêteur

22 de la police criminelle allemande était présent au cours de cet

23 interrogatoire, de même qu’un interprète qui s’est adressé à vous

24 dans votre propre langue. J’aimerais que vous examiniez ce document

25 et, plus précisément, la page 3 de ce document. Je vous remercie,

Page 3332

1 monsieur l’huissier. (Le document est transmis au témoin)

2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quel est le numéro de votre pièce à conviction,

3 M. Kay ?

4 M. KAY : D19.

5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : D19. Elle sera enregistrée aux fins

6 d’identification sous la cote D19.

7 M. KAY : Merci.

8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le Procureur est-il en possession d’une copie de

9 ce document, M. Kay ?

10 M. KAY : Je ne sais pas s’ils en ont une ou pas ; puisque cette pièce est

11 tirée des documents allemands, j’imagine qu’ils en ont une, Madame

12 le Président.

13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Leur en avez-vous communiqué une copie ?

14 M. KAY : Non.

15 MADAME HOLLIS : Il s’agit de la traduction en serbo-croate de la

16 déclaration allemande ? Nous l’avons, Madame le Président.

17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.

18 M. KAY (Au témoin) : Pouvez-vous voir cette déclaration qui se trouve en

19 face de vous, il s’agit du procès-verbal d’un interrogatoire qui a

20 eu lieu le 30 mars 1994 ? Pouvez-vous la voir, Monsieur Hrnic ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Je voudrais que vous alliez rapidement à la page 3. Vous voyez en

23 haut de la page, vous citez des noms, Zoran Zigic ; est-ce exact ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Dusko Banovic ?

Page 3333

1 R. : Oui.

2 Q. : Cela s’écrit D-U-S-K-O ?

3 R. : Dans mon texte, dans notre langue, on dit "Dusko".

4 Q. : Oui, pas Duca ?

5 R. : Dusko Banovic est un voisin de ma belle-soeur. C’est l’endroit d’où

6 il vient. Je ne connaissais pas Duca auparavant. Je n’aurais pas pu

7 connaître son prénom ou son nom de famille. Tout le monde l’appelait

8 "Duca". Lorsque je suis sorti plus tard et pendant ma détention au

9 camp, j’ai découvert, je ne sais plus exactement quand, j’ai donc

10 découvert plus tard que c’était Dusko Banovic.

11 Q. : Vous saviez qu’il était serveur ; est-ce exact ?

12 R. : Je suis au courant de tout cela.

13 Q. : Si vous passez à la page suivante, page 4, voyez-vous que ce nom est

14 répété là ou est-ce ailleurs à la page 3 ?

15 R. : Des noms sont indiqués à la page 3.

16 Q. : Oui. Vous citez plus d’une fois le nom de Dusko Banovic ; est-ce

17 exact ?

18 R. : C’est possible, c’est probable.

19 Q. : Plus loin encore dans cette déclaration, vers la fin d’une des pages

20 suivantes, faites-vous de nouveau référence à lui comme à quelqu’un

21 que vous connaissiez comme serveur ?

22 R. : J’avais entendu dire qu’il était serveur et je l’ai mis dans ma

23 déclaration.

24 Q. : Vous avez fait référence à quelqu’un connu sous le nom de "Duce" ;

25 par "Duce", vous faites allusion à quelqu’un d’autre, n’est-ce pas,

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1 à quelqu’un connu sous le nom de Duca Knezovic ?

2 R. : Je n’en suis pas sûr mais Duca était originaire d’Orlovici, je le

3 sais parce qu’il connaissait beaucoup de gens originaires de

4 Kozarusa même. Il a battu personnellement Fazo de Kozarusa et de

5 nombreuses autres personnes.

6 Q. : Dusko Banovic est quelqu’un que vous avez vu à Omarska de même qu’à

7 Keraterm ; est-ce exact ?

8 R. : J’ai vu Duca à Keraterm presque tous les jours ; à Omarska, je ne me

9 rappelle pas l’avoir vu.

10 Q. : Vous avez également vu Dusko Banovic à Omarska, n’est-ce pas ?

11 R. : Je ne me rappelle pas l’avoir vu.

12 Q. : Si M. Bos pouvait avoir l’obligeance d’aller chercher la pièce D18

13 chez le témoin de sorte que je puisse atteindre la page pertinente -

14 ----

15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense qu’il s’agit de la pièce D19.

16 M. KAY : D19. Peut-être souhaiteriez-vous jeter un oeil aux septième et

17 huitième lignes en bas, en fait, la deuxième référence à Dusko

18 Banovic sur cette page ?

19 MADAME HOLLIS : Excusez-moi, de quelle page parlons-nous ?

20 M. KAY : De la page 2 ---

21 MADAME HOLLIS : Merci.

22 M. KAY : Ou de la page 3, de la deuxième page de la déclaration.

23 (Au témoin) : N’est-il pas dit dans ce passage -- peut-être pouvez-vous

24 lire à haute voix tout le passage qui traite d’Omarska et de Dusko

25 Banovic ? Pouvez-vous le lire à haute voix ?

Page 3335

1 R. : Je peux le lire à voix haute. Cependant, on m’a dit que la nuit où

2 mon frère se trouvait dans la maison blanche, Dusko Banovic et Zoran

3 Zigic étaient là.

4 Q. : Oui ; poursuivez, je vous prie.

5 R. : "Ils tabassaient les prisonniers. Banovic et Zigic avaient l’habitude

6 de venir à Omarska. Ils n’appartenaient à aucune garde régulière".

7 Q. : Merci beaucoup. Donc, dans ce passage, vous faites référence au fait

8 que Dusko Banovic s’est rendu au camp d’Omarska ?

9 R. : J’ai fait remarquer que l’on m’avait dit que l’on voyait les gens qui

10 venaient et j’ai vu Zigic de mes propres yeux.

11 Q. : Il s’agit d’une déclaration que vous avez signée en Allemagne dans le

12 cadre de poursuites pénales qui étaient engagées dans ce pays ? Vous

13 avez fait cette déclaration pour la Cour, n’est-ce pas ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Merci. Je voudrais vous interroger sur un autre sujet, en rapport

16 avec la période que vous avez passée à Omarska et qui concerne ce

17 que vous connaissez des jours de la semaine et des dates. Aviez-vous

18 un moyen quelconque de tenir compte du temps qui passait ?

19 R. : Je crois que je suis arrivé au camp d’Omarska le huit. Je pense aussi

20 que c’était un lundi. J’ai d’abord été dans la pièce 15. Je n’ai pas

21 subi d’interrogatoires et ce n’est qu’au cours de la deuxième

22 semaine qu’ils m’ont emmené pour m’interroger.

23 Q. : Oui. Vous avez dit que vous pensiez être arrivé à Omarska le 8 juin,

24 un lundi, d’après ce que vous croyez. Aviez-vous un moyen quelconque

25 de connaître ces dates à l’époque ?

Page 3336

1 R. : À partir du jour de mon arrivée, depuis mon premier jour dans le

2 camp, je suis d’abord allé à Keraterm. J’ai passé sept jours à

3 Keraterm et puis on m’a emmené à Omarska.

4 Q. : Mais la question que je vous ai posée était la suivante : aviez-vous

5 un moyen quelconque de savoir quel jour vous étiez et quelle était

6 la date ?

7 R. : Nous pouvions savoir quel jour de la semaine nous étions et connaître

8 la date exacte ; peut-être que certains le savaient, peut-être que

9 d’autres ne le savaient pas mais nous connaissions le jour de la

10 semaine, chaque jour de la semaine.

11 Q. : Si je comprends bien ce que vous dites, vous saviez quel jour vous

12 étiez parce que d’autres vous disaient quel jour de la semaine vous

13 étiez et quelle était la date ?

14 R. : Non, on m’a emmené pour un interrogatoire à 10 heures le samedi

15 matin. On m’a interrogé jusqu’à midi parce que, à Omarska, les

16 inspecteurs travaillaient jusqu’à midi, le samedi et on m’a dit que

17 nous partirions le lundi.

18 Q. : Si je comprends bien, vous nous dites que l’on vous avait dit que

19 vous partiriez le lundi ; était-ce pour un deuxième interrogatoire ?

20 R. : Oui. Lundi fut le deuxième jour de l’interrogatoire.

21 Q. : Vous a-t-on dit que vous aviez été interrogé la première fois un

22 samedi ?

23 R. : Non, ils ne m’ont pas dit que nous étions un samedi. D’après leurs

24 allées et venues, nous connaissions tous à Omarska les jours où les

25 inspecteurs travaillaient et les jours où ils ne travaillaient pas ;

Page 3337

1 le samedi, ils ne travaillaient que jusqu’à midi.

2 Q. : Excusez-moi. Dans cette déclaration que je viens de vous présenter et

3 avant le passage concernant Dusko Banovic et Zoran Zigic, c’est donc

4 à la deuxième page, si vous la tournez, vous verrez qu’on vous a dit

5 que votre frère avait été passé à tabac, que vous avez dit en 1994

6 que vous aviez vu le corps de votre frère un samedi, dans le pré à

7 l’intérieur du camp ? Voudriez-vous prendre votre déclaration à la

8 page précédente et y jeter un oeil ?

9 R. : Je vois ce dont vous parlez mais ce n’est pas vrai.

10 Q. : Peut-être pourriez-vous lire à haute voix cette partie de façon à ce

11 que nous puissions vérifier ce qui y a été écrit ?

12 R. : Je peux le lire à haute voix mais le 20 juin je ne pouvais pas voir

13 Smajo Kahrimanovic parce que j’étais interrogé le lundi et c’était

14 la première fois que j’ai quitté la pista pour aller au restaurant

15 pour y dormir. Voulez-vous que je lise ?

16 Q. : Lisez simplement à haute voix le passage qui dit : "J’ai alors pu

17 voir le samedi que le corps de mon frère était dans le pré, à

18 l’intérieur du camp".

19 R. : "Le samedi, qui était le 20 juin 1992, Smajo Kahrimanovic m’a dit que

20 mon frère, Dalija, était mort suite aux blessures qu’on lui avait

21 infligées pendant la nuit de vendredi à samedi ; le samedi était le

22 20 juin". Ainsi, il est resté pendant deux jours dans le bâtiment où

23 avaient lieu les interrogatoires ou, plutôt, dans la cage d’escalier

24 vitrée.

25 Q. : Vous poursuivez en disant, n’est-ce pas, que vous aviez pu voir le

Page 3338

1 samedi le corps de votre frère dans le pré, à l’intérieur du camp ;

2 est-ce exact ?

3 R. : Non.

4 Q. : Est-ce ce qui est dit dans ce document ? C’est tout ce que je

5 demande.

6 R. : C’est ce qui est dit dans ce document.

7 Q. : Vous voyez, voici ce que je souhaite vous demander à ce sujet : vous

8 avez donné des dates et des jours, avez-vous pu les donner grâce à

9 vos propres souvenirs ou parce que d’autres personnes vous avaient

10 parlé ?

11 R. : Je connaissais les jours de la semaine et, par la suite, j’ai appris

12 les dates où ces événements s’étaient produits.

13 Q. : Avez-vous eu des conversations avec d’autres témoins au sujet des

14 événements d’Omarska et au sujet des jours ou des dates où les

15 événements se sont passés ?

16 R. : Probablement, très vraisemblablement.

17 Q. : Puis-je considérer que cette réponse est vraiment un "oui" ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Ces discussions avec les autres témoins de cette affaire ont-elles eu

20 lieu pendant que vous attendiez la tenue du procès ?

21 R. : Non.

22 Q. : Vous n’avez pas parlé avec les autres témoins au cours de ces

23 derniers jours -----

24 R. : J’ai parlé avec d’autres témoins. J’étais avec des témoins mais nous

25 n’avons pas parlé de cela parce que ces témoins ne se trouvaient pas

Page 3339

1 au même endroit.

2 M. KAY : C’est tout ce que je vous demande. Merci.

3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Madame Hollis, souhaitez-vous procéder à

4 un interrogatoire supplémentaire ?

5 MADAME HOLLIS : Merci, Madame le Président.

6 Interrogatoire supplémentaire par MADAME HOLLIS

7 Q. : M. Hrnic, lorsque vous êtes arrivé ici, vous avez été informé que, en

8 application d’une ordonnance du Tribunal, vous ne pouviez pas

9 discuter de cette affaire avec les témoins ou avec d’autres

10 personnes, à part avec l’Accusation ou au procès ; est-ce exact ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Au cours des conversations que vous avez eues avec d’autres témoins

13 présents ici pour déposer, avez-vous jamais parlé avec eux de cette

14 affaire ?

15 R. : Non.

16 Q. : Au cours de votre témoignage, vous avez dit que votre deuxième

17 interrogatoire avait eu lieu un lundi ; est-ce exact ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Sont-ce vos souvenirs qui vous permettent de connaître le jour où le

20 deuxième interrogatoire a eu lieu ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Je crois que, au cours de votre témoignage, vous avez aussi déclaré

23 que c’est après ce deuxième interrogatoire que l’on vous a déplacé

24 et que vous vous êtes retrouvé sur la pista ; est-ce exact ?

25 R. : Oui.

Page 3340

1 Q. : Après que l’on vous a déplacé sur la pista, vous avez alors passé vos

2 nuits dans le restaurant ; est-ce exact ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Était-ce après que l’on vous a déplacé sur la pista que vous avez

5 appris la mort de votre frère ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Où étiez-vous lorsque l’on vous a appris la mort de votre frère ?

8 R. : J’étais dans le restaurant.

9 Q. : Qui vous a informé de la mort de votre frère ?

10 R. : Smajo Kahrimanovic.

11 Q. : En réponse à une question précédente de la Défense, lorsque l’on vous

12 a interrogé sur une déclaration antérieure et que l’on vous a montré

13 la traduction serbo-croate de la version allemande de cette

14 déclaration, je crois que vous avez indiqué que d’autres personnes

15 vous avaient dit qu’un Dusko Banovic avait été à Omarska ; est-ce

16 exact ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Donc, vous n’avez jamais dit vous-même que vous aviez vu Dusko

19 Banovic à Omarska ; est-ce exact ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Tandis que vous étiez dans les camps, que ce soit Trnopolje, Keraterm

22 ou Omarska, connaissiez-vous un Dusko Banovic que l’on appelait

23 également "Duca" ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Sont-ce d’autres personnes qui vous ont dit cela ?

Page 3341

1 R. : Tout le monde l’appelait "Duca" et j’ai appris plus tard que son nom

2 était Dusko Banovic.

3 Q. : Donc, on vous a dit plus tard que la personne que l’on vous avait

4 indiquée comme étant Duca était Duca Banovic ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Connaissiez-vous Dusko Banovic ?

7 R. : Pas avant la guerre.

8 Q. : Ce que vous saviez de lui, c’est que les gens l’appelaient "Duca" et

9 qu’ensuite, plus tard, on vous a dit qu’il était Dusko Banovic ?

10 R. : Oui.

11 Q. : L’homme que vous avez vu lorsque vous étiez sur la pista, l’homme que

12 vous avez identifié dans ce prétoire comme étant Dule Tadic, était-

13 ce l’homme que l’on vous avait indiqué comme étant "Duca" ?

14 R. : Non.

15 Q. : Vous avez indiqué auparavant, en réponse à une autre question de la

16 Défense, que vous pouviez vous rendre à Prijedor jusqu’au 22 mai ;

17 est-ce exact ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Ensuite, après le 22 mai, vous avez compris que les Musulmans ne

20 pouvaient plus circuler entre Kozarac et Prijedor ; est-ce exact ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Vous avez également indiqué que, lorsque vous étiez au point de

23 contrôle à Rajkovici, vous portiez un couvre-chef camouflé ; est-ce

24 exact ?

25 R. : Oui.

Page 3342

1 Q. : Mais ce n’était pas un béret, est-ce exact ?

2 R. : Ce n’était pas un vrai béret. C’était un calot qui allait avec les

3 vêtements et dont la couleur était celles des tenues camouflées,

4 vert, bleu. Il était de plusieurs couleurs, comme les vêtements.

5 Q. : M. Hrnic, le jour où vous étiez sur la pista dans le camp d’Omarska,

6 vous avez vu l’homme que vous avez identifié comme Dule Tadic ;

7 subsiste-t-il un doute dans votre esprit quant à savoir si l’homme

8 que vous avez reconnu à cette date est le Dule Tadic que vous avez

9 indiqué dans ce prétoire ?

10 R. : Je n’ai aucun doute à ce propos.

11 MADAME HOLLIS : Je n’ai pas d’autres questions.

12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

13 M. KAY : Oui, Madame le Président. Tandis que je m’occupe de la question

14 de l’identification, la déclaration, qui se trouve chez le témoin,

15 pourrait peut-être être rendue à M. Wladimiroff qui fera quelques

16 recherches pour moi ?

17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui.

18 M. KAY : Merci.

19 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. KAY

20 Q. : M. Hrnic, j’aimerais juste vous poser quelques questions à propos du

21 jour où vous avez vu Dusko Tadic dans le camp d’Omarska. Vous étiez

22 alors couché sur la pista ; est-ce exact ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Était-ce au mois de juin ?

25 R. : Cela devait être en juin ou en juillet, au début du mois de juillet.

Page 3343

1 Q. : À l’époque où vous étiez sur la pista, vous y étiez en compagnie

2 d’un grand nombre d’autres prisonniers ; est-ce exact ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Comme vous l’avez dit à la Cour hier, vous étiez serrés comme des

5 sardines ?

6 R. : J’ai expliqué que nous étions couchés les uns à côtés des autres en

7 rang.

8 Q. : Y avait-il beaucoup de monde sur la pista ?

9 R. : Oui, assez.

10 Q. : En fait, la pista était pleine de détenus ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Vous vous trouviez là, vers le hangar, comme vous l’avez indiqué à la

13 Cour ?

14 R. : Oui.

15 Q. : En réponse à une question d’un des membres de l’Accusation, vous avez

16 dit à la Cour que rien ne vous empêchait de voir ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Mais, en fait, beaucoup d’autres gens étaient couchés sur la pista

19 entre vous et l’homme qui, selon vos dires, était Dusko Tadic ?

20 R. : Il y avait des gens qui étaient couchés sur la pista, tout le monde

21 était couché.

22 Q. : Oui et il y avait beaucoup de gens entre vous et l’homme qui, selon

23 vos dires, était Dusko Tadic ?

24 R. : Ils étaient couchés.

25 Q. : Oui. Tout le monde était-il couché à ce moment-là ?

Page 3344

1 R. : Oui.

2 Q. : Entre vous et cet homme, il y avait beaucoup de gens ?

3 R. : Oui, qui étaient couchés.

4 Q. : Lorsque vous l’avez vu, vous avez regardé en dessous de votre bras

5 tandis que votre visage était contre le sol ?

6 R. : J’étais couché, mon visage était tourné vers la maison blanche, en

7 direction de la maison blanche, de sorte que je pouvais voir Dule.

8 Q. : Si vous faisiez face à la maison blanche, l’homme qui, selon vos

9 dires, était M. Tadic devait se trouver à l’extrémité de votre champ

10 de vision, sur le côté ; vous ne le voyiez pas directement ?

11 R. : Je pouvais voir lorsque j’étais couché. Je pouvais voir à la fois

12 l’entrée du bâtiment, qui ils emmenaient, et je pouvais aussi voir

13 les passages à tabac à travers la fenêtre. Je pouvais voir comment

14 ils étaient passés à tabac.

15 Q. : Mais M. Tadic, l’homme qui, d’après ce que vous avez dit, était

16 M. Tadic, ne se trouvait pas près de la maison blanche ; il se

17 trouvait dans une autre position. Il était plus proche du bâtiment

18 administratif ?

19 R. : Oui. Je viens de vous dire que lorsque j’étais couché je pouvais voir

20 qui ils emmenaient dans le bâtiment administratif et je pouvais même

21 voir la fenêtre, celle que vous voyez sur la maquette ici, et la

22 cage d’escalier. Lorsque nous étions couchés, nous regardions par-

23 dessous nos bras ou nous nous tournions légèrement mais lorsque nous

24 étions couchés comme cela, nous avions la tête sur le côté de sorte

25 que nous pouvions voir énormément de choses : qui était emmené pour

Page 3345

1 se faire interroger, qui était emmené dehors.

2 Q. : Vous étiez donc dans la position suivante : vos bras ne se trouvaient

3 pas le long du corps mais ils étaient placés au-dessus de vos

4 épaules et c’est de cette façon que vous pouviez voir en dessous de

5 vos bras ?

6 R. : Je n’ai pas dit que je regardais Dule en dessous de mon bras. J’étais

7 comme ceci. Je m’appuyais comme ceci et je regardais vers le côté.

8 Q. : Ce matin, vous avez dit que, la plupart du temps, vous vous trouviez

9 sur la pista dans une position couchée, vous vous retourniez et, en

10 regardant en dessous de votre bras, vous pouviez voir ce qui se

11 passait. C’est ce que vous nous avez dit plus tôt ce matin.

12 R. : Je ne crois pas. C’est ce que j’ai dit maintenant. Je ne me rappelle

13 pas vraiment mais je pense que je viens de le dire.

14 Q. : Vous avez dit que vous étiez couché sur le ventre, que vous regardiez

15 en direction du hangar, il était sur la droite, et vous regardiez la

16 vitre de la maison blanche.

17 R. : Non, ce n’est pas ce que j’ai dit.

18 Q. : Je lis simplement à haute voix ce que vous avez dit plus tôt dans la

19 journée.

20 MADAME HOLLIS : Madame le Président, je crois une fois encore que la

21 confusion règne. Il y a eu une question portant sur le fait de

22 savoir comment ce témoin, s’il était sur la pista, pouvait voir que

23 des détenus recevaient des coups de pied ou étaient poussés en bas

24 de l’escalier du bâtiment administratif. Il a indiqué qu’il était

25 dans une position qui lui permettait parfois de regarder en dessous

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1 de son bras et de voir cette fenêtre située au-dessus de A21 et que

2 parfois il était assis et pouvait voir cette fenêtre au-dessus de

3 A21. Je crois, cependant, qu’en réponse à ma question, il a dit que

4 son visage était tourné vers la droite dans la direction de la

5 maison blanche. Je ne crois pas qu’il a indiqué explicitement dans

6 cette partie de sa déposition qu’il regardait en dessous de son

7 bras. Si cette question s’avère importante, je demanderais que cette

8 partie du compte rendu soit communiquée au témoin de façon à ce

9 qu’il ne soit pas déconcerté.

10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, le compte rendu montrera bien sûr cela.

11 Tant de questions ont été posées à ce sujet, d’abord par Madame

12 Hollis, ensuite par vous et de nouveau par Madame Hollis et puis

13 encore par vous, je pense qu’il est temps que nous en terminions,

14 vraiment.

15 M. KAY : Oui, je souhaitais simplement aborder un autre sujet, à la

16 lumière de l’examen que j’ai fait des réponses apportées par le

17 témoin aux questions de l’interrogatoire principal

18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Poursuivez.

19 M. KAY : Vous avez dit au Substitut du Procureur que personne ne vous

20 empêchait de voir Dusko Tadic lorsque vous étiez couché sur le sol.

21 Ce n’est pas vrai, n’est-ce pas ?

22 R. : C’est vrai.

23 Q. : Mon opinion est que, dans ces conditions, vous n’avez pas vu Dusko

24 Tadic du tout.

25 R. : Je ne sais pas -- c’est vous qui y étiez ou moi ?

Page 3347

1 M. KAY : Je vous remercie. Je n’ai plus d’autres questions. Il y a encore

2 une question, Madame le Président, et elle est due au fait que nous

3 n’avions pas reçu de copie supplémentaire. J’aimerais jeter un coup

4 d’oeil à ce document, s’il vous plaît, à nouveau -----

5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce la pièce 19 de la Défense ?

6 M. KAY : C’est la pièce 19, Madame le Président. Dans ce document, vous

7 trouverez un passage concernant votre séjour au camp de Keraterm.

8 Des parenthèses au crayon indiquent ce passage, les voyez-vous ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Vous dites dans cette déclaration, peut-être pouvez-vous lire ce

11 passage à haute voix ?

12 R. : "Au cours de ma détention au camp de Keraterm, seuls des hommes

13 étaient amenés au camp, des Musulmans et des Croates. Les soldats

14 serbes ne nous donnaient pas de nourriture ou quoi que ce soit mais

15 nos femmes étaient autorisées à nous apporter de la nourriture que

16 nous partagions entre nous. On pouvait entendre les soldats armés de

17 fusils mitrailleurs. Durant notre séjour dans le camp, nous avons

18 fait l’objet de passages à tabac. Je ne connais les noms que de

19 Zoran Zigic et de Dusko Banovic". Souhaitez-vous que je poursuive ?

20 Q. : Non, arrêtez-vous ici. Vous avez dit que vous connaissiez le nom de

21 Dusko Banovic ?

22 R. : Dans le camp, je connaissais uniquement Zigic et Duca et, par la

23 suite, j’ai appris leur nom.

24 M. KAY : Merci. Je n’ai pas d’autres questions, Madame le Président.

25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Madame Hollis ?

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1 MADAME HOLLIS : Merci, Madame le Président.

2 Nouvel interrogatoire supplémentaire par MADAME HOLLIS

3 Q. : M. Hrnic, dans votre témoignage, vous avez indiqué que dans le camp,

4 on vous avait dit que ces deux personnes s’appelaient Zigic et

5 Duca ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Après votre détention dans les camps, on vous a dit que ces personnes

8 étaient Zoran Zigic et Dusko Banovic ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Monsieur, lorsque vous avez fait cette déclaration aux enquêteurs

11 allemands, on vous avait dit que ces deux hommes portaient ces

12 noms ; est-ce exact ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Monsieur, lorsque vous étiez sur la pista et que vous avez vu Dule

15 Tadic, vous avez montré brièvement à la Cour la position dans

16 laquelle vous vous trouviez. Pourriez-vous s’il vous plaît nous

17 dire, lorsque votre tête était dirigée vers la droite, votre tête

18 était-elle placée sur vos mains ou regardiez-vous en dessous de

19 votre épaule ?

20 R. : Je pense qu’elle s’appuyait sur mes mains comme ceci, que j’étais

21 couché comme ceci.

22 Q. : Les autres détenus qui étaient couchés sur le ventre sur la pista

23 vous empêchaient-ils de voir Dule Tadic ?

24 R. : Non.

25 MADAME HOLLIS : Merci, Madame le Président.

Page 3349

1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

2 M. KAY : Je n’ai rien à ajouter, Madame le Président, merci.

3 Le témoin est interrogé par la Cour

4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Juste une question, M. Hrnic, au sujet de

5 M. Banovic : au cours de votre témoignage, vous avez déclaré que

6 pendant que vous étiez à Omarska, on vous avait indiqué un homme,

7 qui d’après ce que l’on vous avait dit, était Duca Banovic ; est-ce

8 exact ?

9 R. : Non.

10 Q. : Donc, vous n’avez pas vu de Duca Banovic à Omarska ?

11 R. : Non.

12 Q. : Avez-vous jamais vu Duca Banovic ?

13 R. : J’ai vu Duca à Keraterm.

14 Q. : Combien de fois avez-vous vu Duca à Keraterm ?

15 R. : Presque tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour.

16 Q. : Si je comprends bien votre témoignage, vous ne le connaissiez pas

17 avant la guerre ; est-ce exact ?

18 R. : Non, je ne le connaissais pas.

19 Q. : À quoi ressemblait M. Banovic ?

20 R. : Il était très, très petit, je ne sais pas combien il mesurait, et il

21 était très costaud, très robuste. Il était toujours en uniforme. Il

22 était très bien bâti. Mais il n’était pas très grand, mais sa taille

23 était normale, un genre de personne très large, il était très

24 baraqué.

25 Q. : Portait-il une barbe ?

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1 R. : Je ne m’en souviens pas.

2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Madame Hollis, avez-vous des questions

3 supplémentaires à la lumière de mes questions ?

4 MADAME HOLLIS : Merci, Madame le Président.

5 Reprise de l’interrogatoire supplémentaire par MADAME HOLLIS

6 Q. : M. Hrnic, lorsque vous avez vu cet homme qui s’appelait Duca, cet

7 homme vous rappelait-il Dule Tadic ou ressemblait-il, dans votre

8 esprit, à Dule Tadic ?

9 R. : Dule était un homme fort mais Duca était encore plus costaud.

10 Q. : Avez-vous jamais pris Duca pour Dule Tadic lorsque vous avez vu Duca

11 à Keraterm ?

12 R. : Ce n’était pas possible. Duca venait tous les jours pour nous passer

13 à tabac.

14 Q. : Dans votre esprit, étiez-vous parfaitement capable de faire la

15 distinction entre Duca et Dule Tadic ?

16 R. : Oui.

17 MADAME HOLLIS : Je vous remercie.

18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, avez-vous des questions supplémentaires

19 à la lumière de -----

20 M. KAY : Je n’ai pas d’autres questions, Madame le Président.

21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Nous allons suspendre l’audience

22 pendant 20 minutes, s’il vous plaît. Si nous en avons terminé avec

23 M. Hrnic, y a-t-il une opposition à ce que M. Hrnic s’en aille. Pas

24 d’opposition ? M. Hrnic, vous pouvez vous en aller définitivement.

25 Vous pouvez quitter le prétoire. Merci d’être venu.

Page 3351

1 (Départ du témoin)

2 (11h30)

3 (Brève suspension d’audience)

4 (11h50

5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Madame Hollis, pourriez-vous appeler le témoin

6 suivant à la barre ?

7 MADAME HOLLIS : Avant cela, Madame le Président, j’avais fait savoir

8 auparavant que nous allions essayer de photographier des positions

9 sur la pista indiquées par M. Hrnic. À mon grand étonnement, c’est

10 possible. Cela a été fait et nous avons une photo. J’en ai donné une

11 copie à la Défense. Je demanderais que cette pièce soit enregistrée

12 aux fins d’identification comme étant la pièce à conviction suivante

13 de l’Accusation.

14 Il s’agit d’une photographie montrant la pista et portant deux

15 étiquettes jaunes, l’une portant la lettre "W", c’est l’endroit qu’a

16 indiqué le témoin pour montrer où il se trouvait lorsqu’il a vu Dule

17 Tadic, l’autre portant la lettre "T" et indiquant l’endroit où,

18 selon le témoin, Dule Tadic se trouvait lorsqu’il a vu ce dernier.

19 Bien sûr, pour permettre à la Cour de s’orienter, je souhaiterais

20 faire observer que le témoin a dit qu’il se trouvait à proximité du

21 hangar ; le bâtiment de l’autre côté de la pista est donc le

22 bâtiment administratif/restaurant. Je souhaiterais présenter cette

23 pièce comme la pièce à conviction suivante de l’Accusation.

24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Cette pièce devrait être la pièce à conviction

25 234. Y a-t-il une opposition à la pièce à conviction 234 ?

Page 3352

1 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Elle est acceptée.

3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

4 M. NIEMANN : Madame le Président, j’appelle Sulejman Besic à la barre.

5 Appel de M. SULEJMAN BESIC à la barre

6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Besic, voulez-vous prêter serment en lisant

7 le texte qui se trouve devant vous ?

8 LE TEMOIN [Interprétation] : Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

10 (Le témoin a prêté serment)

11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous remercie, Monsieur. Vous pouvez vous

12 asseoir.

13 Interrogatoire par M. NIEMANN

14 Q. : Vos nom et prénom sont-ils Sulejman Besic ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

17 R. : Le 25 avril 1950.

18 Q. : Où êtes-vous né, M. Besic ?

19 R. : Je suis né à Kozarac, dans le village de Brdjani.

20 Q. : À quelle distance environ du centre de Kozarac le village de Brdjani

21 se trouve-t-il?

22 R. : Exactement trois kilomètres.

23 Q. : Avez-vous vécu là toute votre vie jusqu’en 1992 ?

24 R. : J’ai vécu là toute ma vie jusqu’en 1992.

25 Q. : Où avez-vous été à l’école ?

Page 3353

1 R. : À Kozarac.

2 Q. : Avez-vous fait huit années d’école à Kozarac ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Ensuite, avez-vous travaillé pendant un certain temps, dix ans

5 environ, comme bûcheron dans la région de Kozarac ?

6 R. : Oui, oui.

7 Q. : Quand avez-vous fait votre service militaire ?

8 R. : Je suis parti à l’armée en 1969 et je suis revenu en 1970.

9 Q. : Où avez-vous fait votre service militaire ?

10 R. : En Serbie, dans la ville de Nis.

11 Q. : Pendant votre service militaire, avez-vous été particulièrement

12 entraîné dans le maniement de l’artillerie lourde et des canons ?

13 R. : Oui.

14 Q. : De quelle nationalité êtes-vous ?

15 R. : Je suis Musulman de Bosnie.

16 Q. : Vous rappelez-vous quand la guerre en Croatie a éclaté au début de

17 l’année 1991, je devrais dire en 1991 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Je pense que c’était aux environs du milieu de l’année 1991, n’est-ce

20 pas ?

21 R. : Je le pense, oui.

22 Q. : Travailliez-vous toujours à cette époque ?

23 R. : Oui.

24 Q. : En tant que réparateur de tronçonneuses ?

25 R. : Oui.

Page 3354

1 Q. : Où travailliez-vous ?

2 R. : Je travaillais dans une scierie appelée Bosanska Dubica.

3 Q. : Cette entreprise avait-elle des succursales, des bureaux et des sites

4 d’exploitation à plusieurs endroits dans l’opstina de Prijedor ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Travailliez-vous à plusieurs endroits dans l’opstina de Prijedor ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Mais vous avez toujours habité à Kozarac ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Lorsque la guerre avec la Croatie a éclaté, les habitants ont-ils été

11 convoqués pour rejoindre l’armée et participer à la guerre en

12 Croatie ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Tous les membres de votre communauté ont-ils répondu à cette

15 convocation ?

16 R. : Non.

17 Q. : Savez-vous si une partie ou un segment particulier de la communauté

18 n’a pas répondu à cette convocation ?

19 R. : Une partie, une petite partie, a répondu positivement mais ce n’était

20 pas le cas de la majorité des gens.

21 Q. : Quelque chose est-il arrivé par la suite aux gens qui n’avaient pas

22 répondu à cette convocation ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Qu’est-il arrivé aux gens qui n’avaient pas répondu à la

25 convocation ?

Page 3355

1 R. : La plupart d’entre eux ont perdu leur emploi.

2 Q. : Avez-vous vu vous-même que des gens en particulier perdaient leur

3 emploi dans l’entreprise pour laquelle vous travailliez ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Pouvez-vous nous dire comment vous avez assisté à cela et à qui cela

6 arrivait ?

7 R. : Dans l’entreprise où je travaillais, peu de patrons étaient

8 musulmans, il y avait seulement un patron musulman et il était

9 chargé de nommer des gens pour accomplir divers travaux, au fond, il

10 était chef de département. À un moment, tous les anciens patrons

11 que je connaissais lorsque la guerre a éclaté en Croatie sont partis

12 quelque part et ensuite certains nouveaux patrons que je ne

13 connaissais pas sont arrivés. Cependant, je connaissais l’un d’eux

14 d’avant. Il s’appelait Gavran Bogdan et il a dit : "Je suis un

15 nouveau directeur et je vais vous expliquer certaines choses que

16 vous devez savoir. Vous savez que la guerre a éclaté en Croatie et

17 qu’il est de notre devoir de protéger la Yougoslavie ; vous devez

18 répondre positivement à cette convocation, vous tous, et c’est votre

19 devoir. J’ai aussi un certificat que j’ai reçu d’un Général", j’ai

20 oublié son nom, et ils nous a montré ce certificat. Nous étions une

21 cinquantaine dans la pièce où nous assistions à cette réunion avec

22 lui. Le document portait un gros cachet et il a lu que toutes les

23 personnes qui refusaient de répondre à la convocation seraient

24 licenciées.

25 Q. : Lorsque vous dites "un gros cachet", c’était le cachet de la JNA,

Page 3356

1 n’est-ce pas ?

2 R. : Oui. Oui, de la JNA, l’Armée nationale yougoslave, et en dessous, il

3 y avait une signature, je ne sais pas qui avait signé ce document

4 mais c’était un Général.

5 Q. : Les personnes qui avaient refusé de répondre à la convocation ont-

6 elles ensuite été licenciées ?

7 R. : Oui. Mon patron, qui était le chef de ce département, a été licencié.

8 Il a été licencié après huit jours et n’est jamais revenu.

9 Q. : Les personnes licenciées étaient alors remplacées par des Serbes,

10 n’est-ce pas ?

11 R. : Oui, de nouveaux patrons arrivaient et alors, les simples

12 travailleurs commençaient à sentir la peur. Nous étions à peu près

13 moitié-moitié, la moitié de Musulmans et la moitié de Serbes, et les

14 Serbes commençaient à se séparer, à former des groupes séparés, dans

15 la cantine où nous mangions ou partout ailleurs. Ils ne voulaient

16 pas vraiment avoir de contacts avec nous. Ils nous fuyaient et nous

17 sentions, en quelque sorte, une certaine peur. Nous voyions à la

18 télévision ce qui se passait en Croatie. Ils insultaient le

19 président croate et ainsi de suite.

20 Q. : En mai 1992, vous-même travailliez toujours dans cette entreprise ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Je ne pense pas que vous ayez été appelé à rejoindre l’armée ;

23 c’était à cause de votre âge, n’est-ce pas ?

24 R. : Je pense que c’est la raison. Un an avant cela, j’avais rendu mon

25 uniforme militaire que j’avais gardé pendant 18 ans.

Page 3357

1 Q. : En mai, travailliez-vous à un endroit situé de l’autre côté de la

2 ville de Prijedor ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Faisiez-vous le trajet depuis Kozarac pour aller travailler à cet

5 endroit ?

6 R. : Oui, c’était en mai. Je dois ajouter que je suis allé travailler

7 avant le 1er mai et que quelque chose est arrivé. Nous revenions de

8 Bosanska Dubica chaque vendredi, nous rentrions à la maison, et le

9 lundi, nous partions travailler mais quelque chose est arrivé. Nous

10 étions dans la forêt. Nous ne savions pas qu’ils ne nous

11 permettraient pas de rentrer à la maison ce vendredi-là. Notre

12 patron nous a dit que quelque chose se passait. Les routes étaient

13 fermées et nous n’avions pas la possibilité de rentrer chez nous.

14 Aux environs du 15 mai, ils nous ont donné un moyen de transport et

15 nous avons quitté l’endroit où nous travaillions, nous sommes

16 arrivés à la route entre Bosanska Dubica et Prijedor et ensuite j’ai

17 vu des militaires qui transportaient des mitrailleuses du côté

18 gauche au côté droit de la route ; et ils voulaient voir nos papier

19 d’identité, ils faisaient sortir les Musulmans, ils leur parlaient

20 et ensuite nous avons pu rentrer chez nous.

21 Nous avons donc eu environ trois ou quatre points de contrôle avant,

22 sur la route menant à Prijedor ; et, lorsque nous sommes arrivés à

23 Prijedor à un carrefour, à un carrefour Prijedor/Kozarac, j’ai vu

24 beaucoup de soldats. J’ai vu des sacs à poussière, j’ai vu des

25 mitrailleuses et pendant que les soldats nous contrôlaient au

Page 3358

1 carrefour, j’ai entendu qu’ils parlaient un dialecte différent et

2 qu’en fait, ce n’étaient pas des soldats bosniaques.

3 Q. : Avez-vous pu déterminer la nationalité de ces soldats en les

4 écoutant ?

5 R. : Oui, oui, je reconnaissais le dialecte. C’étaient des Serbes mais des

6 Serbes de Serbie parce qu’ils utilisaient le mot "bre".

7 Q. : Oui. Vous avez dit dans votre réponse précédente, du moins dans la

8 traduction que l’on en a donnée ici, vous avez dit que les soldats

9 que vous aviez vus au carrefour Prijedor/Kozarac avaient "des sacs à

10 poussière et des mitrailleuses".

11 L’INTERPRETE : "Du sable", "des sacs de sable".

12 Q. : Des sacs de sable, n’est-ce pas ?

13 R. : Oui, avec du sable, des sacs remplis de sable.

14 Q. : Vous voulez dire des sacs de sable ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Les soldats serbes que vous aviez vus étaient-ils des soldats

17 réguliers de la JNA ?

18 R. : Non, ils n’étaient pas rasés, ils étaient assez sales. Les uniformes

19 qu’ils portaient étaient assez sales et ils avaient une allure

20 épouvantable.

21 Q. : Avez-vous remarqué s’ils portaient des signes distinctifs, des

22 insignes ou quelque chose comme cela ?

23 R. : Oui, j’ai remarqué différents insignes. J’ai surtout remarqué une

24 personne qui nous faisait sortir et qui contrôlait nos papiers

25 d’identité. Elle portait un insigne sur sa manche qui ressemblait à

Page 3359

1 un oiseau, à un aigle. C’est l’insigne que j’ai remarqué sur un

2 soldat. J’ai aussi remarqué un insigne sur leur couvre-chef :

3 c’était des cocardes (kokardas) que j’avais vues pendant la guerre

4 précédente.

5 Q. : À mesure que vous approchiez de Kozarac, avez-vous rencontré

6 d’autres points de contrôle ?

7 R. : Dans le village d’Orlovci, qui se trouvait à environ huit kilomètres

8 de Kozarac, peut-être sept. C’était le dernier point de contrôle où

9 des soldats serbes étaient de service. On ne nous a pas fait montrer

10 notre carte d’identité là et, lorsque je suis arrivé à Kozarac, au

11 tournant pour arriver à Kozarac, des policiers réguliers, en

12 uniforme bleu, patrouillaient à gauche et à droite de ce tournant.

13 Q. : Avez-vous reconnu ces policiers qui patrouillaient à Kozarac même ?

14 R. : J’en ai reconnu quelques-uns. Je ne connais pas vraiment leur nom

15 mais je les connaissais d’avant, je les avais vus passer.

16 Q. : Je vois. Est-ce qu’un policier musulman vous a ensuite dit quelle

17 était la situation à Kozarac avec la police ?

18 R. : Oui. Un jour, je pense que c’était onze jours avant le début de la

19 guerre, un type est venu. Son nom était Mevludin. Je ne l’avais

20 jamais vu avant cela. C’était un jeune homme, très jeune. Il est

21 venu dans une maison de mon village de Brdjani, c’était une maison

22 de jeunes où les jeunes se rassemblaient. Plusieurs jeunes gens sont

23 venus mais il n’y avait pas beaucoup de monde et je suis venu et

24 nous sommes entrés. Nous étions à peu près trente, à l’intérieur, et

25 cet homme expliquait ce qui se passait aux environs de Kozarac.

Page 3360

1 Il a dit ce qui suit. Les Serbes nous ont vraiment joué un tour à

2 nous, les habitants de Prijedor ainsi qu’à nos dirigeants. Nous

3 étions convenus que nous avions une armée mixte, une police mixte et

4 nous les croyions. Nous nous sommes assis avec eux et nous avons

5 dîné avec eux et le matin, lorsque nous nous sommes réveillés, nous

6 avons vu que toute la ville de Prijedor était remplie de militaires.

7 Tous les policiers musulmans de Prijedor avaient été désarmés et

8 expulsés de Kozarac.

9 Cependant, Mevludin nous a avertis plus tard : "Écoutez, nous devons

10 parler aux Serbes. Nous devons trouver un moyen de faire en sorte

11 qu’ils nous laissent seuls. Si vous avez des armes, rendez-les.

12 N’ayez pas peur. Rien n’arrivera aux Musulmans s’ils rendent leurs

13 armes". Certaines personnes qui possédaient des armes ou des

14 pistolets ont promis qu’ils iraient chez eux et qu’ils les

15 rendraient. C’est alors que nous nous sommes séparés. Nous avons

16 quitté la réunion et nous n’avons plus jamais revu cet homme.

17 Q. : Le lendemain matin, y a-t-il eu une annonce à la radio concernant la

18 remise des armes ?

19 R. : Oui. À la radio de Prijedor -- mais à l’époque, elle ne s’appelait

20 pas Radio Prijedor, elle s’appelait Radio serbe Prijedor parce que

21 les Serbes étaient déjà entrés dans Prijedor -- ils nous informaient

22 et ils disaient que certains villages aux alentours de Prijedor

23 avaient déjà rendu toutes leurs armes. Ils ont dit qu’à Kozarac, 700

24 armes et fusils n’avaient pas été rendus. Ils ont lancé un ultimatum

25 afin que nous apportions ces armes à la Commune locale et que nous

Page 3361

1 les laissions là.

2 Q. : À votre connaissance, un groupe de la Défense territoriale se

3 formait-il dans la région de Kozarac à cette époque ?

4 R. : Oui. La TO existait auparavant mais au sein de la JNA régulière. Les

5 membres de la TO avaient leurs uniformes mais ils avaient très peu

6 d’armes.

7 Q. : Connaissez-vous, à peu près, le nombre de personnes qui faisaient

8 partie de ce groupe de défense en train de se former ?

9 R. : Approximativement, je ne suis pas sûr mais je sais que -- je sais

10 qu’il n’y avait pas plus de 20 personnes, du moins c’est ce que je

11 pouvais voir.

12 Q. : Ce groupe possédait-il des armes ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quel type d’armes possédaient-ils ?

15 R. : Ils avaient des M48 -- des vieux fusils -- et j’ai vu quelques, en

16 fait une mitrailleuse, une vieille.

17 Q. : Possédaient-ils des pièces d’artillerie ou des canons ?

18 R. : Non.

19 Q. : Ou des chars ou des armes lourdes ?

20 R. : Non, non, non.

21 Q. : À cette période, avez-vous pu vous rendre compte que la réception

22 télévisuelle avait changé à Kozarac ?

23 R. : Oui, tout à coup, un programme télévisé diffusé par Sarajevo a

24 disparu ; nous devions regarder Belgrade TV. Nous ne pouvions pas

25 regarder les programmes diffusés par Sarajevo. Ensuite, après

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1 plusieurs jours, nous avons également reçu un programme diffusé par

2 une télévision de Banja Luka.

3 Q. : Vous souvenez-vous de la teneur des émissions télévisées que vous

4 receviez lorsque vous ne pouviez plus recevoir Sarajevo ?

5 R. : Oui, je me souviens de quelques officiers à la télévision, à la

6 télévision de Banja Luka, qui parlaient de Kozarac. Ils se

7 félicitaient d’avoir réussi à prendre Prijedor sans avoir eu à tirer

8 une seule balle ; ils disaient que la seule solution était que les

9 habitants de Kozarac rendent leurs armes et que rien ne leur

10 arriverait.

11 Q. : Certaines personnes ont-elles répondu à cet ordre qui exigeait la

12 remise des armes ?

13 R. : Oui, beaucoup de gens ont rendu leurs armes. Ils ont amené leurs

14 armes à la Commune locale et les y ont laissées.

15 Q. : Et vous, aviez-vous une arme à l’époque ?

16 R. : Non, je n’ai jamais eu aucune arme que ce soit.

17 Q. : À cette époque, vous ou votre famille avez-vous fait quoi que ce

18 soit pour vous préparer à la guerre ?

19 R. : Non, les autres gens l’ont fait. Plusieurs jours avant cela, ils

20 avaient commencé à préparer des abris. Ils creusaient dans les

21 caves. J’avais un voisin qui avait une grande cave et nous avions

22 décidé de nous cacher là si quelque chose se passait.

23 Q. : Quand l’attaque contre Kozarac a-t-elle commencé ?

24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi, M. Niemann. Je vois, en me basant

25 sur la liste des témoins, que ce témoin va déposer au sujet des

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1 chefs d’accusation 1 et 24 à 28 mais il semble que les témoignages

2 de ce type commencent à s’accumuler.

3 Nous avons entendu un certain nombre de témoins experts, je ne suis

4 pas sûre du nombre, je pense que nous en avons entendu treize mais

5 ce chiffre peut être faux, et ils ont parlé de choses du même genre.

6 Nous passons à présent aux chefs d’accusation individuels et nous

7 commençons à entendre de chaque témoin les mêmes choses encore et

8 toujours.

9 Je comprends bien que vous essayez de prouver votre cause le plus

10 rapidement possible mais, vraiment, nous avons entendu suffisamment

11 de témoignages, je pense, à ce sujet. Nous venons d’entendre ce type

12 de déposition de la bouche de tellement de témoins. Par exemple,

13 hier, nous avons proposé que nous ne voyions pas le film une

14 nouvelle fois, la pièce à conviction 185 peut-être ou peut-être est-

15 ce 195. À mon avis, vous devriez avancer plus rapidement lors de

16 témoignages de ce type et en arriver aux éléments que ce témoin peut

17 nous apprendre qui sont différents de ce que les nombreux témoins

18 que nous avons entendus nous ont dit. Pouvez-vous faire cela ou bien

19 me dire pourquoi nous ne devrions pas avancer plus rapidement ?

20 M. NIEMANN : Madame le Président, j’en suis au 24 mai 1992.

21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ensuite, vous allez l’interroger au sujet de

22 l’attaque, vous allez lui demander s’il se souvient de l’attaque,

23 vous allez lui demander s’il y a eu des bombardements d’obus, vous

24 allez alors lui demander où il était lorsque les bombardements ont

25 eu lieu, puis vous allez lui demander où il a été. Je ne veux pas me

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1 montrer sarcastique, vraiment pas ; c’est juste que j’imagine que,

2 de votre point de vue, il est difficile, pour un Procureur, de

3 savoir avec précision combien d’éléments de preuve il devrait

4 présenter. Ce que je pense, c’est que nous écoutons très

5 attentivement les témoignages, nous prenons des notes, nous

6 examinons les comptes rendus et nous en avons une très bonne

7 connaissance. Je suis en train de vous dire que je connais certains

8 faits que, j’en suis sûre, le témoin va nous présenter et mes

9 éminents collègues en ont peut-être une meilleure connaissance

10 encore.

11 C’est pourquoi, je propose que, pour gagner du temps, vous ne

12 fassiez pas répéter à chaque témoin cette même litanie d’événements,

13 parce que nous les connaissons très bien. À un moment donné,

14 j’imagine que vous allez lui montrer ce plan de Prijedor, de

15 Kozarac. Vous pouvez continuer à l’interroger mais comprenez-vous ce

16 que je veux dire ? Poursuivez. Je suis simplement d’avis que cela

17 devient cumulatif. C’est la première fois que j’exprime mon opinion

18 là-dessus et je veux juste que vous en teniez compte.

19 M. NIEMANN (Au témoin) : Vous avez été emprisonné au camp de Trnopolje ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Quand avez-vous été emprisonné au camp de Trnopolje ?

22 R. : Le 27 mai.

23 Q. : Comment êtes-vous arrivé au camp de Trnopolje ?

24 R. : Eh bien, cela s’est passé comme ceci. Après le premier bombardement

25 le 24 mai, le 27 mai, cela a duré du 24 au 27, sans cesse, jour et

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1 nuit. On ne pouvait pas sortir le nez dehors. Le 27 mai, cela s’est

2 arrêté un petit peu aux environs de huit heures du matin et nous

3 sommes sortis sur une colline et nous avons regardé autour de nous

4 parce que mon village est là-haut, dans la direction de Kozara et je

5 pouvais voir des quartiers de Prijedor, de Kozarac et des villages

6 aux alentours de Kozarac, ils brûlaient tous.

7 Q. : M. Besic, si je peux vous interrompre. Je pense que nous allons

8 reprendre lors de votre arrivée au camp de Trnopolje, si cela ne

9 vous dérange pas ? Où avez-vous été emmené lors de votre arrivée au

10 camp de Trnopolje ?

11 R. : Lors de mon arrivée au camp de Trnopolje, j’ai été emmené dans une

12 pièce qui se situait du côté ouest de l’école primaire, au rez-de-

13 chaussée. On m’a placé là avec ma femme et mes enfants.

14 Q. : À cette époque, le camp se composait d’un bâtiment scolaire, n’est-

15 ce pas, qui était entouré d’autres bâtiments ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Il y avait également un bureau dans le camp, n’est-ce pas ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Se trouvait-il en fait dans le bâtiment scolaire ou dans un endroit

20 proche ?

21 R. : Dans un autre endroit, plus loin de l’école, c’était une pièce

22 différente.

23 Q. : Était-ce un bâtiment différent ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Où était-il relié au bâtiment scolaire lui-même ?

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1 R. : Le bureau se trouvait à côté de la route menant de Kozarac à la gare

2 de Trnopolje, du côté droit, plus près de la gare, et du côté

3 gauche, en venant de Kozarac. Avant, il y avait un magasin et à côté

4 du magasin, il y avait un centre médical ; et ensuite, sous le même

5 toit, se trouvait un bureau dans lequel les officiers militaires

6 siégeaient.

7 Q. : Que se passait-il dans ce bâtiment ?

8 R. : Il y avait une pièce dans laquelle les officiers militaires

9 siégeaient et, lorsque le prisonnier était amené devant eux, il

10 devait répondre aux questions qu’ils lui posaient.

11 Q. : Les passages à tabac avaient-ils lieu dans cette pièce ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Y avait-il également un bâtiment où se trouvait un cinéma ?

14 R. : Oui, le bâtiment où se trouvait le cinéma était relié à celui-là.

15 Q. : Pendant la période que vous avez passée à Trnopolje, à quoi ce

16 bâtiment servait-il ?

17 R. : C’était le centre principal où les femmes et les enfants des villages

18 environnants se rassemblaient. Il était utilisé exclusivement pour

19 les femmes, les enfants et les personnes âgées.

20 Q. : Le camp était-il clôturé ou était-ce un camp ouvert sans clôture ?

21 R. : Au début, il était ouvert jusqu’au jour où les femmes ont été

22 emmenées ailleurs. Ensuite, ils ont placé un grillage autour du

23 camp.

24 Q. : Quel type de grillage ont-ils placé autour du camp ?

25 R. : Au début, ils ont placé une clôture qui était une espèce de fil de

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1 fer et, ensuite, ils ont placé du fil de fer barbelé au-dessus.

2 Q. : Y avait-il des gardes dans le camp de Trnopolje ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Ces gardes étaient armés, n’est-ce pas ?

5 R. : Oui.

6 Q. : De quelle nationalité étaient-ils ?

7 R. : Serbe.

8 Q. : Savez-vous s’ils faisaient partie de la JNA, de la police ou d’une

9 autre organisation ?

10 R. : Au début, c’étaient des réservistes de la JNA.

11 Q. : Lorsque vous êtes arrivé au camp, avez-vous reçu de la nourriture ?

12 R. : Pas durant les quatre premier jours.

13 Q. : Avez-vous ensuite reçu de la nourriture ?

14 R. : Oui, ils apportaient de la nourriture juste pour les enfants. Un

15 jour, une autre équipe de télévision est venue avec eux et ils ont

16 distribué des chocolats et des biscuits aux enfants et la télévision

17 a filmé cette distribution. La chose la plus triste, c’est qu’il y

18 avait des soldats derrière et que, au même moment, les enfants leur

19 rendaient les biscuits et les chocolats.

20 Q. : Donc, vous dites que des journalistes de télévision étaient présents.

21 Savez-vous d’où venaient ces journalistes ?

22 R. : De la direction de Banja Luka.

23 Q. : Connaissez-vous la nationalité de ces journalistes ?

24 R. : Serbe. C’étaient des Serbes.

25 Q. : Êtes-vous en train de nous dire que devant ces journalistes de

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1 télévision et devant la télévision, on donnait des bonbons aux gens

2 et, en particulier, aux enfants ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Ensuite, après le départ des journalistes, ces bonbons étaient

5 repris ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Y avait-il de l’eau potable dans le camp ?

8 R. : Non.

9 Q. : Où deviez-vous aller pour avoir de l’eau ?

10 R. : Nous devions passer par une maison privée et traverser la route et,

11 autour de nous, les gardes étaient assis aux points de contrôle. Il

12 y avait aussi une pompe que nous devions utiliser pour pomper l’eau.

13 Nous devions faire la queue toute la journée pour avoir un peu

14 d’eau.

15 Q. : Quelles étaient les conditions sanitaires, les toilettes et ainsi de

16 suite ; étaient-elles appropriées pour les personnes détenues dans

17 cet endroit ?

18 R. : Non, il n’y en avait pas.

19 Q. : Alors, qu’avait-on prévu pour fournir des toilettes aux gens ?

20 R. : Il y avait une école et environ 2 500 à 3 000 personnes pouvaient

21 dormir dans l’école. Les autres dormaient dehors contre les murs et

22 certains avaient fabriqué des tentes en nylon et dormaient dedans.

23 Il y avait un seul cabinet à l’école et personne ne pouvait y aller

24 parce qu’il était inondé. Ils avaient obligé les détenus à creuser

25 des trous dans le sol et à les utiliser comme toilettes, comme

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1 toilettes extérieures.

2 Q. : Des maladies commençaient-elles à se répandre dans le camp ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Voyiez-vous de temps à autres que des gens étaient emmenés hors du

5 camp ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Savez-vous ce qui arrivait à ces personnes lorsqu’elles avaient été

8 emmenées hors du camp ?

9 R. : Elles étaient emmenées et ne revenaient jamais.

10 Q. : Qui emmenait ces personnes hors du camp ?

11 R. : C’était en général les gardes, les gardes des environs. Ils avaient

12 des noms inscrits sur des morceaux de papier et appelaient les gens

13 qui devaient être trouvés à l’intérieur et emmenés.

14 Q. : Cela arrivait-il la nuit ou le jour ?

15 R. : Cela arrivait le jour comme la nuit mais c’était plus fréquent la

16 nuit.

17 Q. : Ces personnes revenaient-elles dans les pièces ?

18 R. : Non.

19 Q. : Après avoir été environ 25 jours dans le camp, avez-vous assisté à un

20 incident impliquant l’une des femmes qui étaient dans le camp ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé à cette femme ?

23 R. : Il y avait là une infirmerie et le docteur qui y travaillait

24 s’appelait Idriz, c’était un Musulman mais il ne disposait d’aucun

25 médicament. Un autre docteur était avec lui, je ne le connaissais

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1 pas, et des enfants, il y avait tant d’enfants là et de femmes. Tous

2 ces enfants tombaient malades. Ils vomissaient. Une femme faisait la

3 queue, elle était debout dans les escaliers et elle attendait de

4 pouvoir entrer chez le docteur pour qu’il l’aide, pour qu’il lui

5 donne des médicaments pour son enfant. Cependant, comme elle

6 attendait là, debout dans les escaliers, deux soldats serbes qui se

7 trouvaient sur la route, de l’autre côté de la route, derrière la

8 clôture, parlaient assez fort et semblaient se disputer. Ils étaient

9 là à 10 ou 15 mètres de la clôture et, soudain, on a entendu un coup

10 de feu. J’ai levé les yeux et j’ai vu un soldat serbe tomber, il est

11 tombé sur le dos mais l’autre soldat qui était resté debout et qui

12 tenait un fusil en main a tout à coup dirigé son fusil mitrailleur

13 vers l’intérieur, derrière la clôture, et a commencé à tirer comme

14 s’il était devenu fou et il a commencé à tirer sur les gens qui se

15 trouvaient là.

16 C’est ainsi que de mes propres yeux, j’ai vu comment il a touché au

17 ventre une femme qui tenait son enfant par la main, elle est alors

18 tombée et s’est effondrée mais, heureusement, l’enfant était

19 toujours vivant. Plusieurs autres personnes ont été blessées ou ont

20 reçu des balles dans les jambes ou les bras. Ensuite, les policiers

21 serbes sont arrivés et ils ont réussi tant bien que mal à le

22 maîtriser. Ils l’ont attaché et l’ont emmené quelque part. Ils ont

23 ramassé tous les blessés ainsi que cette femme et ils les ont

24 conduits quelque part. Ce soldat a dit que quelqu’un avait tiré

25 depuis l’intérieur du camp et avait tué le garde qui l’accompagnait

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1 et qui se tenait là avec eux. Un contrôle minutieux des soldats

2 serbes entrés dans le camp a commencé (sic). Ils fouillaient les

3 bâtiments, ils montaient sur le toit des bâtiments pour voir si

4 quelqu’un avait tiré ce coup depuis l’intérieur du camp.

5 Q. : Donc, une sorte d’enquête a été menée, n’est-ce pas, à propos de la

6 personne qui avait tiré et avait tué cette femme ?

7 R. : Oui.

8 Q. : On a supposé que quelqu’un dans le camp avait tiré sur le soldat ?

9 R. : Eh bien, le soldat qui avait commis le meurtre à dit à son Commandant

10 supérieur qu’il y avait quelques tireurs embusqués parmi les hommes

11 et les femmes qui se trouvaient dans le camp et que cette personne

12 avait tiré depuis l’intérieur du camp.

13 Q. : Pour autant que vous le sachiez, ce soldat a-t-il été discipliné ?

14 R. : Non.

15 Q. : Plus tard dans la journée, après l’incident au cours duquel la femme

16 a été abattue, les femmes et les enfants ainsi que les hommes âgés

17 de plus de 60 ans ont-ils été emmenés hors du camp ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Où furent-ils emmenés ?

20 R. : Le Commandant du camp est venu nous dire que toutes les femmes, les

21 enfants et les personnes de plus de 60 ans devaient quitter le camp

22 car une maladie s’était déclarée. Ils iraient en direction de Banja

23 Luka, ils seraient logés dans des hôtels et recevraient de l’aide.

24 Les femmes ont accepté cette proposition et les colonnes se mirent

25 en route en direction de la gare qui se trouvait à quelque 300 à 400

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1 mètres du camp. Ils furent tous placés dans des wagons. C’était un

2 train de wagons à bestiaux. Les femmes et les enfants ont donc été

3 embarqués dans ce train et ont été emmenés en direction de Banja

4 Luka.

5 Q. : Vous a-t-on dit ensuite où ces femmes avaient été emmenées ?

6 R. : Non.

7 Q. : Pendant que vous étiez dans le camp, entendiez-vous des tirs de temps

8 à autre ?

9 R. : Pas de temps à autre, tout le temps. Les tirs ne s’arrêtaient jamais

10 autour du camp.

11 Q. : Savez-vous quelle était la cible des personnes qui tiraient ces

12 balles?

13 R. : Ils tiraient pour s’amuser. Nous étions à l’intérieur et, pour eux,

14 c’était comme de la musique et ils ne pouvaient pas s’en passer. Ils

15 tiraient des coups tout autour, sur les bâtiments, les clôtures, les

16 fils électriques et sur tout ce qui se trouvait aux alentours.

17 Q. : Vous avez indiqué précédemment que, de temps en temps, des gens

18 étaient emmenés hors du camp et ne revenaient jamais. Ces personnes

19 appartenaient-elles à des groupes particuliers ?

20 R. : Oui, ils ont d’abord emmené les hommes dotés d’un certain niveau

21 d’éducation. Les directeurs, les professeurs, les médecins, par

22 exemple et, je crois, les ingénieurs étaient appelés. Ensuite, ils

23 ont emmené les personnes d’un rang moins élevé.

24 Q. : Lorsqu’ils étaient emmenés, savez-vous où ils étaient conduits ?

25 R. : Non.

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1 Q. : Savez-vous ce qui leur arrivait ?

2 R. : Non.

3 Q. : Après leur départ du camp, avez-vous jamais revus ces personnes qui

4 faisaient partie de ces groupes ?

5 R. : Non.

6 Q. : Quelle était la nationalité ou le groupe ethnique de ces personnes

7 qui étaient emmenées ?

8 R. : Il s’agissait principalement de Musulmans ; il y avait aussi certains

9 Croates.

10 Q. : Connaissiez-vous un Professeur Ante, A-N-T-E ?

11 R. : Non. J’ai rencontré le Professeur Ante dans ma pièce lorsqu’il est

12 arrivé avec son fils. J’ai entendu des gens lui demander d’où il

13 venait ; il leur a répondu qu’il était de Ljubija, de la mine, qu’il

14 était croate mais je n’ai jamais vraiment compris l’endroit où il

15 travaillait.

16 Q. : Vous souvenez-vous d’un incident lié à cet homme ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Que lui est-il arrivé ?

19 R. : Le Professeur était un homme d’âge mûr, je pense qu’il était

20 retraité. Son fils, qui avait environ 25 ans, l’accompagnait. Un

21 soldat que je n’avais jamais vu de ma vie est arrivé, il s’est mis

22 dans le corridor et a demandé à voir le Professeur Ante. Celui-ci

23 s’est levé et a dit : "Me voilà". Le soldat a ri, est entré et a dit

24 ensuite : "Eh bien, comment allez-vous, Professeur ?" et le

25 Professeur gardait le silence. Le soldat a dit ensuite :

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1 "Professeur, vous souvenez-vous de moi ?" Le Professeur a dit :

2 "Peut-être." "Comment ne vous souvenez-vous pas de moi ? J’étais un

3 de vos élèves ? Vous ne vous rappelez pas toutes les mauvaises notes

4 que vous m’avez données ?" Le Professeur a répondu : "Eh bien, je

5 vous ai donné les notes que vous méritiez, monsieur." Le soldat a ri

6 à nouveau et a dit "Eh bien, vous voyez, Professeur, si ces notes

7 avaient été meilleures, votre vie aurait été plus longue mais comme

8 elles ne l’ont pas été, vous devez venir avec moi." Alors, le

9 Professeur s’est levé et est sorti et une minute plus tard, tandis

10 qu’il l’emmenait dehors dans ce corridor, il s’est retourné et a

11 appelé le fils du Professeur, je ne me souviens pas de son nom. Le

12 jeune homme s’est levé et était sur le point d’aller chercher son

13 manteau mais le soldat a dit : "Non, tu n’en auras pas besoin." Ils

14 sont donc sortis tous les deux et je ne les ai plus jamais revus.

15 Q. : En dehors de la pièce dans laquelle vous vous trouviez dans le camp,

16 pouviez-vous vous déplacer autour du camp, en-dehors de celui-ci ?

17 R. : Non, pas en dehors du camp. Nous pouvions nous déplacer à l’intérieur

18 des clôtures tous les jours entre 8 heures du matin et 7 heures du

19 soir, c’était l’heure d’été.

20 Q. : Vous pouviez donc vous réunir avec les autres prisonniers détenus

21 dans ce camp, à l’intérieur du camp, mais ce que vous dites, c’est

22 que vous ne pouviez pas en sortir ; est-ce exact ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Peu après l’incident survenu au Professeur, vous souvenez-vous que

25 l’on a dressé des listes des prisonniers détenus dans le camp ?

Page 3375

1 R. : Oui.

2 Q. : Qui dressait ces listes de noms ?

3 R. : Il y avait trois femmes qui étaient de la Croix-Rouge serbe et qui

4 dressaient la liste de toutes les personnes détenues dans le camp.

5 Nous devions tous aller chez elles et leur donner nos nom et prénom.

6 Ils avaient menacé de nous tuer si nous ne le faisions pas. Nous

7 avons donc tous fait la queue et, en trois ou quatre jours environ,

8 la liste était prête.

9 Q. : Lorsque la liste de tous les prisonniers a été terminée, que s’est-il

10 alors passé dans le camp ?

11 R. : Après ce recensement, ils ont commencé à revenir pour emmener des

12 gens hors du camp, en les appelant par leurs nom et prénom ; chaque

13 jour, chaque nuit, 10, 15, 20 personnes étaient emmenées dans une

14 direction inconnue.

15 Q. : Lorsque vous dites "ils" revenaient pour les emmener, qui entendez-

16 vous par "ils"?

17 R. : Des soldats, des soldats serbes qui venaient de différents endroits,

18 qui n’étaient pas des gardes. Tout à coup, de façon inattendue, un

19 groupe de soldats arrivaient avec une liste et les gardes les

20 amenaient à l’intérieur et ils se déplaçaient parmi les soldats, ils

21 trouvaient ces personnes, les mettaient en détention, les

22 attachaient et les emmenaient hors du camp.

23 Q. : Certaines de ces personnes qui étaient emmenées hors du camp et dont

24 le nom se trouvait sur la liste sont-elles revenues ?

25 R. : Pas au camp de Trnopolje.

Page 3376

1 Q. : Des personnes de votre groupe étaient emmenées hors du camp lorsque

2 leur nom était cité ; avez-vous jamais vu que certaines de ces

3 personnes revenaient dans votre pièce ?

4 R. : Non.

5 Q. : Vous souvenez-vous d’une personne appelée Eno Besic ?

6 R. : Ener ?

7 Q. : E-N-O, Eno Besic ?

8 R. : Eno Besic, oui.

9 Q. : Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

10 R. : Oui, je le sais. Eno Besic se trouvait dans le camp avec moi et, un

11 jour, des soldats serbes sont venus à la porte et l’ont appelé et

12 lui ont dit, "Viens avec nous" et Eno est sorti du camp. Il est

13 parti et ensuite, une nuit, un jour et encore une autre nuit ont

14 passé et Eno est revenu. Il avait été interrogé. Il pouvait à peine

15 marcher. Lorsque nous nous sommes approchés de lui, il se trouvait

16 dans une pièce. Il ne pouvait pas respirer. Tout ce qu’il disait

17 était, "Un petit peu d’eau". Nous avions un peu d’eau et donc, nous

18 lui en avons donnée, nous avons déboutonné sa chemise et nous avons

19 vu qu’ils avaient fait une croix sur sa poitrine et qu’ils avaient

20 fait de même sur son dos. Il souffrait atrocement. Il ne pouvait pas

21 dormir de la nuit. Il criait. Il faisait très chaud. Il y avait des

22 mouches tout autour. L’endroit était crasseux. Ensuite, un ou deux

23 jours plus tard, il était toujours en train de gémir et de crier et

24 les gens essayaient de s’éloigner de lui. Lorsque nous regardions

25 son dos, à l’endroit où ils l’avaient découpé avec un couteau, il y

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1 avait des vers, des vers vivants qui se tortillaient, et nous avons

2 essayé de les enlever avec de l’eau et quelque chose mais la

3 puanteur était tellement affreuse que personne ne pouvait

4 l’approcher.

5 Q. : Avez-vous vous-même été interrogé au cours de votre détention dans le

6 camp de Trnopolje ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Que vous est-il arrivé après avoir été interrogé ?

9 R. : Un jour, des soldats sont venus et m’ont appelé. Je suis donc venu

10 auprès d’eux et je les ai accompagnés. Je suis entré dans le bureau

11 du Commandant du camp. Il s’appelait Slobodan Kuruzovic. Je suis

12 entré et je me suis placé devant lui. Il m’a dit : "Tourne ta

13 chaise". J’ai tourné la chaise de l’autre côté, pas comme pour

14 s’asseoir, et il était debout en face de moi. Je m’appuyais avec mes

15 mains sur la chaise. Derrière mon dos se trouvait un soldat et

16 Slobodan Kuruzovic m’a interrogé et m’a dit : "À présent, dis-moi

17 combien de Serbes tu as tués ? As-tu participé à la guerre ? Très

18 lentement, très gentiment, mieux tu nous le dis, plus facile ce sera

19 pour toi. Où avez-vous laissé vos armes ?" J’ai répété que je

20 n’avais pas participé à la guerre, que je ne possédais pas d’armes

21 et il s’est moqué de moi. "Ils disent tous cela", il a dit, "Vous

22 êtes tous pareils". Tout à coup, j’ai senti un coup violent dans mon

23 dos, de sorte que, par-dessus la chaise, j’ai commencé à tomber mais

24 après, un soldat m’a redressé et m’a dit : "Parle plus clairement".

25 Cependant, ce coup était tellement violent, je pense que l’on

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1 m’avait frappé avec un objet métallique, avec une espèce de bâton

2 muni d’une balle ou quelque chose dans le genre, c’était si lourd

3 que je ne pouvais pas respirer, je ne pouvais pas me remettre.

4 Ensuite, un homme est entré et a dit : "Arrêtez". Lorsque j’ai levé

5 les yeux, j’ai vu mon patron, le patron de l’entreprise où je

6 travaillais. Son nom était Slobodan Milunovic. Il a dit : "Arrêtez,

7 je le connais. C’est mon ouvrier. Il ne possédait pas de fusil et je

8 vous garantis qu’il n’a pas pris part aux combats," et ensuite

9 Kuruzovic a dit : "Très bien, si vous répondez de lui, je le

10 laisserai partir," et le soldat qui se trouvait derrière moi a dit :

11 "Tu peux aller."

12 Je suis donc sorti de la pièce, directement. À droite dans le

13 corridor se trouvait une pièce qui était une salle des machines. Il

14 n’y avait pas de fenêtre dans cette pièce, uniquement une porte en

15 métal. Là, j’ai rencontré deux soldats. Ils n’ont mis contre le mur

16 et ils me poussaient avec la crosse de leur fusil pour m’indiquer où

17 je devais aller. "Non, vous n’allez pas là, vous venez ici pour nous

18 parler." Je suis entré dans une pièce et c’était affreux. Les murs

19 étaient couverts de sang. Il y avait même du sang au plafond, le sol

20 était ensanglanté. À un moment donné, je me suis évanoui. Ensuite,

21 j’ai repris conscience et deux soldats sont entrés et, un petit peu

22 plus tard, deux autres soldats sont arrivés. Ils m’ont regardé et

23 l’un d’eux a dit : "Maintenant, tu viens avec nous et tu vas trouver

24 le fusil là où tu l’as caché, tu vas nous donner l’or et l’argent et

25 nous te laisserons partir et tous tes problèmes seront résolus."

Page 3379

1 J’ai dit : "Je ne possède pas d’or. Je n’ai pas d’argent. Je n’ai

2 jamais eu de fusil." Un autre soldat s’est approché et a dit :

3 "Regarde le mur." J’ai regardé le mur. "Tu vois la photo sur le

4 mur ?" Il n’y avait pas de photo sur le mur, alors j’ai dit, "Non,

5 il n’y a pas de photo sur ce mur", et il a répété : "Tu ne vois pas

6 de photo sur ce mur ?" "Non." Ensuite, j’ai de nouveau été frappé.

7 Q. : Avez-vous été battu sans cesse ou de façon intermittente au cours de

8 cet incident ?

9 R. : Non, ils ne m’ont pas battu durant l’interrogatoire.

10 Q. : Après l’interrogatoire, lorsque vous avez été placé dans cette pièce,

11 avez-vous été battu ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Savez-vous qui vous battait ?

14 R. : Je ne les avais jamais vus ----

15 Q. : Connaissez-vous la nationalité ----

16 R. : ---- avant ce moment-là.

17 Q. : Connaissez-vous la nationalité des personnes qui vous battaient ?

18 R. : C’étaient des soldats serbes.

19 Q. : Slobodan Milunovic est l’homme qui a empêché que vous ne soyez battu

20 lorsque vous étiez avec le Commandant du camp ; comment était-il

21 vêtu à ce moment-là ?

22 R. : Il était en uniforme d’officier. Il avait ses galons et trois étoiles

23 environ et autour, il y avait une bande jaune. Je pense que

24 c’étaient les galons de la JNA, d’un Major de la JNA, et c’est la

25 façon dont les soldats s’adressaient à lui, Camarade Major.

Page 3380

1 Q. : Et Kuruzovic, le Commandant du camp comment était-il vêtu ?

2 R. : Kuruzovic était le Commandant du camp et cette personne-là était

3 quelqu’un d’autre. C’était Milunovic. Il n’était pas officier ; il

4 était simple soldat. Il ne portait pas de galons.

5 Q. : Donc, juste pour clarifier vos propos, êtes-vous en train de nous

6 dire que Kuruzovic était la personne que vous avez décrite comme

7 étant le Major de la JNA ?

8 R. : Oui.

9 Q. : D’après ce que vous avez pu observer, l’homme qui était votre ancien

10 patron, Slobodan Milunovic, paraissait-il occuper une position

11 supérieure par rapport à Kuruzovic, le Commandant du camp ?

12 R. : Non, non.

13 Q. : Lorsque vous avez été emmené dans l’autre pièce que vous appelez la

14 salle des machines, quelqu’un vous a-t-il menacé avec un couteau ou

15 a-t-il placé un couteau près de vous ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Que s’est-il passé ? Pouvez-vous décrire comment cela s’est produit ?

18 R. : Lorsque je suis tombé, lorsque le premier soldat m’a frappé, il a

19 ensuite mis sa baïonnette ici, j’ai toujours la cicatrice, et l’a

20 tournée.

21 Q. : Avez-vous également été touché à la bouche lorsque vous étiez dans

22 cette pièce ?

23 R. : Oui. J’ai reçu un coup à la bouche, un coup très violent, donné avec

24 un fusil, avec la crosse d’un fusil et ensuite je ne sais plus ce

25 qui s’est passé.

Page 3381

1 Q. : C’est alors que vous avez perdu connaissance ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Lorsque vous avez repris connaissance, avez-vous remarqué que vous

4 aviez perdu une dent ?

5 R. : Oui. Oui, j’ai trouvé deux dents dans ma bouche et une autre était

6 tombée. Ma mâchoire était brisée.

7 Q. : Je pense que, lorsque vous avez dit qu’ils avaient placé la

8 baïonnette contre votre tête, vous avez indiqué votre tempe, n’est-

9 ce pas ?

10 R. : Oui. Oui.

11 Q. : Où avez-vous repris connaissance après ce passage à tabac, après

12 avoir perdu conscience ?

13 R. : Dans la même pièce, j’ai senti que quelqu’un me secouait et me

14 regardait. J’ai vu le même homme en uniforme militaire, il criait

15 mon nom. Je connaissais très bien cet homme. Nous travaillions dans

16 la même entreprise. J’ai oublié son nom de famille mais son prénom

17 était Djuro.

18 Q. : Qu’a-t-il fait de vous lorsqu’il vous a réveillé ?

19 R. : Il m’a aidé à me lever. Il m’a sorti de la pièce et a essayé d’entrer

20 dans ma salle avec moi mais comme tous les prisonniers y étaient

21 déjà, il ne pouvait pas parce que la cage d’escalier et les salles

22 étaient déjà pleines de monde, elles étaient bondées, remplies de

23 gens qui étaient couchés dans tous les coins, alors il m’a ramené.

24 Q. : Où vous a-t-il emmené ensuite ?

25 R. : Il m’a emmené à un coin d’un bâtiment où le toit dépassait du

Page 3382

1 bâtiment et il a dit : "Cela te protégera de la pluie", et il a

2 trouvé un morceau de chiffon et a essuyé le sang de mon visage et

3 ensuite il m’a laissé. Il devait se dépêcher afin de quitter

4 rapidement l’endroit clôturé.

5 Q. : Savez-vous qui était l’adjoint du camp, le commandant adjoint du

6 camp ?

7 R. : Pour autant que je puisse m’en souvenir, il avait le rang de

8 capitaine et son nom était Branko Topola. À cette époque, il était

9 Commandant adjoint du camp.

10 Q. : Comment se comportait-il vis-à-vis des prisonniers du camp ?

11 R. : Au début, il était très gentil, très aimable. Il sympathisait en

12 quelque sorte avec les gens. Il disait : "Eh bien, je ne suis qu’à

13 moitié serbe. Ma mère est musulmane. Mon père est serbe mais ils

14 m’ont forcé à rester ici avec vous et à vous surveiller", et ainsi

15 de suite.

16 Q. : Le Commandant du camp s’est-il adressé aux prisonniers du camp pour

17 leur expliquer qui il était et d’où il venait ?

18 R. : Un jour, on nous a dit de nous mettre en rang. Il nous a dit son nom.

19 Il nous a dit que son nom était Slobodan Milunovic et, pour autant

20 que je m’en souvienne, il a dit qu’avant il travaillait à Sanski

21 Most comme professeur, comme enseignant dans une école.

22 Q. : Ce jour-là, vous a-t-il dit ce qui allait arriver aux détenus ?

23 R. : Oui, il a donné à tous les prisonniers l’avertissement suivant : "Mes

24 soldats se trouvent parmi vous ; au cas où un de mes soldats

25 disparaîtrait ou serait tué par vous, vous serez tous abattus."

Page 3383

1 Q. : Que s’est-il passé ensuite ? Que vous a-t-il dit après cela, vous en

2 souvenez-vous ?

3 R. : Non.

4 Q. : A-t-il dit quoi que ce soit au sujet des personnes qui pouvaient

5 alors quitter le camp ?

6 R. : Oui, après cela, il nous a laissé partir et, le lendemain, il nous a

7 à nouveau fait mettre en rang et nous a dit : "Le convoi arrive

8 demain. Je vais vous libérer mais uniquement les détenus qui se

9 trouvent de l’autre côté de la route, de la grand route Banja

10 Luka/Prijedor, les détenus qui vivent du côté droit de la route,

11 ceux qui sont restés sans foyer et qui possèdent les documents leur

12 permettant de se rendre dans des pays tiers."

13 Q. : Ensuite, des bus et des véhicules ont-ils commencé à arriver au

14 camp ?

15 R. : Oui. Le lendemain, pour autant que je puisse m’en souvenir, trois ou

16 quatre bus sont arrivés ainsi que deux camions remorques munis de

17 bâches. Les gens ont reçu l’ordre de monter à bord de ces véhicules.

18 Q. : Et vous, êtes-vous monté à bord d’un bus ?

19 R. : Non.

20 Q. : Qu’avez-vous décidé de faire ?

21 R. : Je n’ai pas eu de chance. Je n’avais aucune possibilité de monter

22 dans ce bus. Mon frère se trouvait avec moi et nous regardions ce

23 qui se passait. Les gens perdaient presque la vie en essayant de

24 grimper dans ces bus. Les bus étaient bondés et ensuite, tous les

25 autres sont repartis.

Page 3384

1 Q. : Le jour où ces bus étaient là, avez-vous vu des soldats qui portaient

2 des uniformes différents de ceux que vous aviez vus auparavant ?

3 R. : Oui, c’était la première fois que je voyais certains soldats en

4 uniforme noir ; ils possédaient des véhicules blindés munis de

5 grosses mitrailleuses et ils se tenaient à côté des bus et des

6 camions. C’étaient des soldats et on nous avait dit qu’ils

7 arrivaient des environs de Banja Luka.

8 Q. : Ces soldats ont-ils ensuite escorté les bus comme ils quittaient la

9 zone ?

10 R. : Oui.

11 M. NIEMANN : Le moment est-il bien choisi, Madame le Président ?

12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience jusqu’à 14h30.

13 (13h00)

14 (Suspension d’audience pour le déjeuner).

15

16 (14h30)

17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, voulez-vous poursuivre, s’il vous

18 plaît ?

19 M. NIEMANN : M. Besic, avant de suspendre l’audience pour le déjeuner,

20 vous nous avez dit que le Commandant du camp, Kuruzovic, s’était

21 adressé à vous ; vous vous en souvenez ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Savez-vous à quel groupe ethnique il appartenait, quelle était sa

24 nationalité ?

25 R. : Il était serbe.

Page 3385

1 Q. : Je pense que vous avez dit que des bus sont arrivés plus tard et que

2 des gens ont été emmenés dans ces bus. Vous nous avez aussi décrit

3 comment vous avez vu des soldats dans des uniformes inhabituels que

4 vous n’aviez jamais vus auparavant, vous en souvenez-vous ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Avez-vous entendu par la suite quelque chose à la radio au sujet de

7 ce qui était arrivé à ces bus ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Qu’avez-vous entendu ?

10 R. : Nous avons entendu que les bus avaient été arrêtés au Mont Vlasic et

11 que tous les détenus qui se trouvaient dans les bus avaient été

12 abattus.

13 Q. : Après avoir entendu cela le lendemain ou quelque temps après,

14 Kuruzovic vous a-t-il ensuite appelé à nouveau ?

15 R. : Oui.

16 Q. : S’est-il adressé une fois encore aux prisonniers qui s’étaient

17 réunis ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Qu’a-t-il dit ?

20 R. : Il a fait aligner les prisonniers et il a dit "Peut-être que certains

21 d’entre vous ont entendu parler de l’incident annoncé à la radio

22 croate ; ce que vous avez entendu à la radio croate est faux. Il est

23 vrai que les prisonniers, les détenus ont été relâchés en territoire

24 placé sous le contrôle de l’armée musulmane, du gouvernement

25 musulman. Une vingtaine d’entre eux ont été abattus par des

Page 3386

1 Musulmans qui étaient en train de tirer".

2 Q. : Lorsque vous dites "l’incident annoncé à la radio croate", parlez-

3 vous du massacre sur le Mont Vlasic ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Après cela, la Croix-Rouge internationale est-elle venue au camp ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Que s’est-il passé lorsque la Croix-Rouge internationale est arrivée

8 au camp ?

9 R. : La Croix-Rouge internationale est arrivée au camp trois jours après

10 le convoi. Un autre convoi se préparait et les gens qui avaient

11 entendu à la radio que les premières personnes parties avec le

12 convoi avaient été tuées ont néanmoins commencé à monter à bord de

13 bus et de camions. Cependant, tandis qu’ils y montaient, un véhicule

14 blanc portant des étoiles bleues est arrivé. Tout à coup, des

15 soldats serbes ont ordonné que tout le monde s’éloigne très vite des

16 bus et ensuite ils ont soudainement disparu comme s’ils étaient

17 rentrés sous terre.

18 Q. : Lorsque vous parlez d’étoiles bleues, est-ce le symbole de la

19 Communauté européenne ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Kuruzovic a-t-il dit quoi que ce soit aux gens qui se réunissaient à

22 propos de la nature de ce camp ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Qu’a-t-il dit ?

25 R. : Il a dit que ce n’était pas un camp, que c’était un abri, un refuge

Page 3387

1 où les gens se rassemblaient, un point de rassemblement.

2 Q. : En tout état de cause, après la venue de la Croix-Rouge

3 internationale et des observateurs de la Communauté européenne, les

4 choses ont-elles commencé à s’améliorer ?

5 R. : Oui.

6 Q. : De quelle façon ?

7 R. : D’abord, nous avons reçu des colis de nourriture. Ensuite, on nous a

8 donné un repas chaud une fois par jour et ils nous ont permis

9 d’avoir de l’eau à l’intérieur de sorte que nous pouvions au moins

10 prendre un bain d’eau froide.

11 Q. : Durant votre détention au camp de Trnopolje et avant que la Croix-

12 Rouge internationale ne vienne et que les choses ne commencent à

13 s’améliorer, vous souvenez-vous d’un incident au cours duquel on

14 vous a ordonné de prendre une pelle et d’aller dans un champ ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Qu’avez-vous fait ce jour-là lorsque l’on vous a donné cet ordre ?

17 R. : Pendant plusieurs jours, nous avons été privés de nourriture. Ils

18 nous faisaient chauffer de l’eau dans laquelle ils versaient des os

19 de chez le boucher et, avec ces os, ils nous faisaient de la soupe,

20 sans sel. C’est de cela que nous nous sommes nourris durant toute

21 notre détention dans le camp. Nous avions besoin de pain. Une femme,

22 une Musulmane qui travaillait dans le camp avec d’autres femmes de

23 la Croix-Rouge serbe, a décidé de prendre l’argent que certains

24 d’entre nous possédaient et d’acheter du pain par l’entremise de ces

25 femmes, de façon à ce que nous puissions en avoir. C’est ce que nous

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1 avons fait.

2 Q. : A-t-elle ensuite obtenu ce pain et l’a-t-elle apporté devant le

3 camp ? Êtes-vous ensuite sorti pour prendre le pain et pendant que

4 vous étiez dehors, un soldat vous a-t-il ordonné de vous rendre en

5 un endroit précis où l’on vous a dit de prendre une pelle ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Où êtes-vous ensuite allé avec cette pelle ?

8 R. : Il n’y avait pas que moi, je n’ai pas fait cela tout seul. Le soldat

9 m’a gardé pendant quelques minutes et ensuite l’autre soldat est

10 allé à l’intérieur et a pris quatre autres jeunes gens, âgés de 18 à

11 25 ans, et à cinq, nous sommes allés au-delà du bâtiment. Auparavant

12 il y avait un café à cet endroit ; c’est dans ce café que se

13 trouvait la Croix-Rouge serbe. Ensuite, au-delà de ce bâtiment, se

14 trouvait un jardin et c’est là que deux soldats serbes nous ont

15 empêchés de continuer. Ils ont mesuré avec des pas la zone où nous

16 étions censés creuser un trou, de forme rectangulaire. Ils nous ont

17 dit qu’il devait avoir 80 à 90 centimètres de profondeur.

18 Nous avons commencé à creuser et les soldats ont pris du foin et

19 l’ont mis à côté d’une clôture. Ensuite, ils se sont assis sur la

20 clôture, sur le foin, ils ont sorti une bouteille de cognac et ont

21 commencé à boire. Ensuite, après plusieurs minutes, deux autres

22 soldats se sont joints à eux. Ils avaient une allure épouvantable,

23 ils étaient couverts de sang et n’étaient pas rasés. Pendant que je

24 creusais, mon visage était tourné vers eux, je n’étais pas loin

25 d’eux et j’écoutais leur conversation.

Page 3389

1 Q. : De quoi parlaient-ils ?

2 R. : Ils discutaient pour savoir quels étaient les deux soldats, parmi

3 eux, qui étaient censés remplir le trou que nous étions en train de

4 creuser.

5 Q. : Ont-ils dit avec quoi ils allaient reboucher le trou ?

6 R. : À la main, avec des pelles.

7 Q. : Oui. Mais ont-ils dit ce qu’ils allaient mettre dans ces trous ?

8 R. : Non.

9 Q. : Qu’avez-vous fait ensuite, après avoir entendu cette conversation ?

10 R. : J’ai compris qu’ils se disputaient -- j’ai compris qu’ils allaient

11 remplir le trou que nous creusions et je me suis tourné vers l’un

12 des soldats et je lui ai dit qu’une dysenterie épouvantable s’était

13 déclarée et que nous devions courir aux toilettes toutes les cinq

14 minutes ; je lui ai dit que j’avais mal au ventre, de façon à ce

15 qu’il me laisse partir et que je puisse passer dans un autre

16 jardin ; il m’a donné cinq minutes et il m’a dit "Reviens après".

17 Q. : Lorsque vous êtes sorti de cet endroit, vous êtes-vous dirigé vers

18 une grange ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Lorsque vous êtes arrivé -----

21 R. : Je suis allé -----

22 Q. : Excusez-moi.

23 R. : La grange se trouvait sur ma gauche et j’ai senti une odeur, une

24 odeur nauséabonde, qui venait de la droite.

25 Q. : Avez-vous regardé dans la direction d’où cette odeur venait ?

Page 3390

1 R. : Oui.

2 Q. : Qu’y avez-vous vu ?

3 R. : J’ai regardé et, à deux mètres de moi, il y avait une pile de corps

4 enveloppés dans quelque chose.

5 Q. : Ces gens étaient-ils morts ou vivants ?

6 R. : Ils étaient morts.

7 Q. : En les regardant, avez-vous pu déterminer l’état de ces corps ?

8 R. : Oui. Ils étaient disposés comme des sardines, les uns sur les autres,

9 et j’ai vu qu’ils avaient le crâne fracassé ; j’en ai donc conclu

10 qu’ils n’avaient pas été tués par une arme à feu. Au-dessus des

11 têtes, j’ai aussi vu un énorme bâton qui était couvert de sang, un

12 bâton en bois.

13 Q. : Combien de corps environ avez-vous vu à cet endroit ?

14 R. : Selon mon estimation, je ne pouvais pas les compter mais il y en

15 avait une vingtaine.

16 Q. : Lorsque vous avez vu ces cadavres, qu’avez-vous fait ensuite ?

17 R. : D’abord, comme je regardais sur la droite les deux corps qui étaient

18 les plus proches de moi, c’est la première fois de ma vie que je

19 voyais cela, j’ai vu que leur langue sortait. Ils étaient attachés

20 l’un à l’autre avec un fil de fer. L’un des deux n’avait pas plus de

21 18 ans. Il était très jeune.

22 Q. : S’agissait-il d’hommes uniquement ou y avait-il des hommes et des

23 femmes ?

24 R. : Il n’y avait que des hommes.

25 Q. : Avez-vous pu voir s’ils portaient-ils des vêtements civils ou

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1 militaires ?

2 R. : Ils ne portaient pas d’uniformes militaires ; c’étaient tous des

3 civils. Certains portaient même des shorts rouges et ils ne

4 portaient que ces shorts, ils n’avaient rien au-dessus.

5 Q. : Vous êtes-vous ensuite échappé de cet endroit pour retourner au camp

6 de Trnopolje ?

7 R. : Oui, oui.

8 Q. : Lorsque vous êtes revenu au camp, vous êtes-vous caché au cas où les

9 gardes qui vous avaient laissé aller aux toilettes vous auraient

10 cherché ?

11 R. : Oui, j’étais tout le temps dans la pièce ; mon frère était avec moi

12 et je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il montait la garde

13 constamment et il guettait pour voir si des soldats s’approchaient

14 de nous.

15 Q. : Et les hommes qui étaient partis avec vous pour creuser le gros trou

16 et que vous aviez laissés là, les avez-vous jamais revus ?

17 R. : Non, jamais.

18 Q. : Avez-vous ensuite rencontré le père de l’un des hommes qui creusaient

19 avec vous dans le camp ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Vous a-t-il décrit son fils ?

22 R. : Oui, j’ai vu cet homme pleurer et il m’a dit, "Mon fils a disparu. Il

23 était ici ce matin vers 8 heures et je ne sais pas ce qui lui est

24 arrivé", et ensuite je lui ai demandé comment était son fils ; il

25 m’a décrit son fils et m’a dit qu’il avait quelque chose en dessous

Page 3392

1 de l’oeil. J’en ai conclu que c’était le jeune homme qui creusait

2 avec moi car je l’avais reconnu, mais je n’ai rien dit au vieil

3 homme.

4 Q. : Lorsque vous dites "quelque chose en dessous de son oeil", vous

5 voulez parlez d’une tâche de vin ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Durant votre détention au camp, avez-vous jamais vu des femmes se

8 faire emmener hors du camp par des soldats ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Pouvez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles ces

11 incidents se produisaient ?

12 R. : Oui. Un jour, je ne me souviens pas de la date mais j’étais dans le

13 camp depuis un mois et demi ou deux mois ; au début, les femmes

14 n’ont pas toutes été emmenées hors du camp. Je me suis réveillé le

15 matin à 8 heures et partout où je regardais, à droite, à gauche,

16 tout le monde pleurait et c’était étrange ; pourquoi ces gens

17 pleuraient-ils ? Et ensuite, j’ai demandé à l’un d’entre eux ce qui

18 se passait. Il m’a dit, "Tu veux voir ? Viens avec moi".

19 Je l’ai accompagné. Je l’ai suivi dans un cinéma où, pour la

20 plupart, des femmes, des enfants et des personnes âgées avaient été

21 placées, et il m’a emmené à l’entrée de ce cinéma, j’ai vu qu’à

22 droite, il y avait une toilette extérieure et que deux filles

23 étaient couchées. Elles portaient très peu de vêtements et étaient

24 couvertes de sang.

25 Q. : Avez-vous pu évaluer leur âge ?

Page 3393

1 R. : Elles avaient entre 13 et 15 ans, environ.

2 Q. : Êtes-vous ensuite entré dans le bâtiment ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Lorsque vous êtes entré dans le bâtiment, qu’avez-vous vu ?

5 R. : Je suis entré dans le bâtiment et j’ai vu deux autres filles

6 enveloppées dans des couvertures. Elles ne portaient pas de

7 vêtements. Lorsque j’ai regardé de l’autre côté, j’ai vu une autre

8 fille qui ne donnait aucun signe de vie.

9 Néanmoins, un homme qui se tenait près de moi m’a donné un coup sur

10 l’épaule et m’a indiqué la droite. J’ai vu que quatre hommes âgés

11 étaient couchés et qu’ils étaient couverts de sang. Lorsque je me

12 suis approché, j’ai vu que les quatre hommes avaient été massacrés.

13 Ces hommes avaient plus de 60 ans.

14 Q. : Lorsque vous dites "massacrés", comment avaient-ils été tués ?

15 R. : Ils avaient reçu des coups de couteau et de baïonnette dans le cou.

16 Q. : Les filles que vous aviez vues à cet endroit, semblaient-elles avoir

17 été blessées ?

18 R. : Oui, elles étaient couvertes de sang.

19 Q. : Comme si quelqu’un les avait battues ou quelque chose comme ça, c’est

20 ce que vous voulez dire ?

21 R. : Oui, oui, comme si elles avaient été battues ou que l’on avait enlevé

22 leurs vêtements. Elles avaient l’air d’être à moitié mortes. L’une

23 d’entre elles ne montrait aucun signe de vie.

24 Q. : Avez-vous demandé aux gens qui se trouvaient dans ce cinéma ce qui

25 s’était passé ?

Page 3394

1 R. : Oui.

2 Q. : Que vous ont-ils dit ?

3 R. : Les soldats étaient venus pendant la nuit avec des lampes

4 électriques. Ils étaient sortis de blindés, c’étaient les plus

5 dangereux de la région. Ils étaient entrés. À l’intérieur, le garde

6 qui se trouvaient là s’était éloigné. Ils avaient ensuite choisi les

7 filles et les femmes qui leur plaisaient et les avaient emmenées.

8 Certaines se défendaient et avaient alors été battues. Dans le noir,

9 les gens essayaient de sauver toutes les personnes qu’ils pouvaient

10 essayer de sauver mais toutes les personnes âgées qui avaient essayé

11 de sauver des femmes avaient été tuées.

12 Q. : Vous souvenez-vous d’un incident auquel vous avez assisté, un jour où

13 il faisait très chaud, en face du camp de Trnopolje et qui avait

14 impliqué un soldat du nom de Dragoja Cavic ?

15 R. : Le nom du soldat était Dragoja Cavic.

16 Q. : Cavic, excusez-moi.

17 R. : Oui, oui.

18 Q. : Qu’avez-vous vu au sujet de ce soldat ?

19 R. : J’ai vu une femme qui portait un sac en plastique. La femme avait

20 environ 30 ans, peut-être 35 ans. Dragoja Cavic, que j’avais

21 rencontré là pour la première fois et dont j’avais appris le nom là

22 au camp, marchait en direction de cette femme et l’appelait par son

23 nom. Je ne me souviens pas de son nom. Il a demandé où était son

24 mari et qui elle cherchait au camp. La femme a répondu, "J’ai un

25 fils, un fils très jeune qui se trouve dans le camp, je lui ai donc

Page 3395

1 apporté un peu de nourriture". Il s’est retourné et a ordonné aux

2 deux gardes qui se trouvaient là de trouver son fils et de le lui

3 amener.

4 Q. : Ce soldat, Cavic, avait-il l’air d’être ivre à ce moment-là ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

7 R. : Les soldats ont amené le fils. Ensuite, Cavic a ordonné à la femme de

8 dire où se trouvait son mari et il a dit que son mari avait tué un

9 membre de sa famille, d’après ce que j’ai pu comprendre. La femme a

10 répondu, "Je ne sais pas." Cavic a de nouveau répété, "Je vais te

11 tuer". La femme a répété, "Je ne sais pas".

12 Q. : Qu’a fait Cavic ensuite ?

13 R. : Il s’est rapproché de la femme et a appuyé son pistolet contre sa

14 tête, près de l’oreille, et il lui a ordonné d’enlever son haut. La

15 femme pleurait affreusement mais elle a commencé à enlever ses

16 vêtements.

17 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

18 R. : Elle a enlevé son haut. Il continuait à demander où était son mari et

19 à ce moment-là, j’ai entendu tirer et j’ai regardé la route et la

20 femme était couchée sur le dos. Il lui avait tiré une balle dans la

21 tête. Après cela, son fils pleurait tellement qu’il fallait se

22 boucher les oreilles. Le soldat, Cavic, s’est tourné vers le jeune

23 homme et a dit, "Déshabille-toi, à poil, et montre-toi à tout le

24 monde". Le garçon pleurait. Le soldat a commencé à le frapper et à

25 lui enlever sa chemise. Il lui a enlevé sa chemise et ensuite il a

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1 dit quelque chose que je n’avais jamais entendu de ma vie,

2 "Maintenant, je vais te faire violer ta mère morte".

3 Après avoir dit cela, les gens qui se tenaient près du mur de

4 l’école ont essayé de s’éloigner du mur et de courir à l’intérieur.

5 Néanmoins, l’autre soldat a dit d’une voix très cruelle, "Asseyez-

6 vous ici et regardez ; quiconque bougera sera abattu". Nous avons dû

7 assister à la scène. Soudain, j’ai entendu un coup de feu et j’ai

8 levé la tête et j’ai vu que le garçon tombait à côté de sa mère.

9 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

10 R. : À un moment, des soldats ont surgi de quelque part, d’autres

11 soldats, ils ont pointé leur fusil en direction de Cavic et ont dit,

12 "Les mains en l’air". Il a jeté son pistolet et il avait encore un

13 autre fusil mitrailleur et il s’en est débarrassé aussi. Ils se sont

14 approchés de lui. Ils lui ont passé les menottes et ils l’ont emmené

15 quelque part.

16 Q. : Avez-vous jamais revu Cavic ?

17 R. : Le lendemain matin, lorsque je suis sorti, j’ai vu Cavic dans le même

18 uniforme militaire. Il avait le même pistolet et le même fusil. Il

19 marchait le long du grillage.

20 Q. : Il semblait être de nouveau de service, n’est-ce pas ?

21 R. : Il avait repris son service, comme d’habitude.

22 Q. : Êtes-vous resté au camp de Trnopolje pendant une période d’environ

23 quatre mois et demi ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous ensuite été contraint de signer un document se rapportant à

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1 vos biens et avoirs ?

2 R. : Oui.

3 Q. : À quelle fin vous a-t-on fait signer ce papier ?

4 R. : Nous devions tous signer ce document afin de déclarer que, de notre

5 propre volonté, nous donnions nos biens aux autorités serbes et que

6 nous ne reviendrions jamais, que ce soit armé ou pas ; les personnes

7 qui ne le signaient pas ne pouvaient pas partir.

8 Q. : Peu après avoir signé ce document, avez-vous été autorisés à monter

9 dans des bus qui allaient en direction de Prijedor et êtes-vous

10 finalement arrivés en Croatie ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Entre la date à laquelle vous êtes partis en direction de la Croatie

13 et la date à laquelle vous avez été pris en charge par la FORPRONU,

14 étiez-vous escortés par des soldats serbes armés ?

15 R. : Oui, nous avons été escortés par des soldats serbes armés jusqu’à

16 Dvor, au bord de l’Una. C’est là que l’on entre en Croatie. À cet

17 endroit se trouvait un grand pont ; les soldats serbes nous ont

18 accompagnés jusqu’à la moitié du pont, ensuite, ils nous ont fait

19 monter dans des bus et ils sont repartis.

20 Q. : Connaissez-vous l’accusé dans la présente affaire, Dule Tadic ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

23 R. : Depuis longtemps mais j’ai vraiment fait sa connaissance quelque 10

24 ans avant la guerre.

25 Q. : Quand l’avez-vous rencontré, vous en souvenez-vous ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Pouvez-vous nous dire quand c’était, environ ?

3 R. : C’était en 1974 ou en 1975, je ne peux pas être plus précis. C’est la

4 première fois que je me suis assis près de Dule Tadic et qu’un de

5 mes amis m’a invité à leur table.

6 Q. : Qui était cet ami ?

7 R. : Ismet Karabasic.

8 Q. : Vous souvenez-vous du nom de l’endroit où cette rencontre a eu lieu ?

9 R. : Oui, c’était à Kozarac et le restaurant s’appelait Basta.

10 Q. : Avez-vous eu à cette occasion une conversation avec Dule Tadic ?

11 R. : Non.

12 Q. : L’avez-vous rencontré une deuxième fois ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré une deuxième fois,

15 vous en souvenez-vous ?

16 R. : La deuxième fois, je suis arrivé et à la même table, à la même place,

17 dans le même restaurant, j’ai vu Dule Tadic assis en compagnie d’un

18 policier, Emir. Emir était assis à côté de lui, il m’a invité à me

19 joindre à eux et je me suis assis à leur table.

20 Q. : Donc, vous vous êtes assis à table avec Emir et l’accusé, Dule

21 Tadic ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quel est le nom de famille d’Emir ?

24 R. : Emir Karabasic.

25 Q. : Outre lors de ces deux rencontres précises avec l’accusé Dule Tadic

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1 dont vous vous souvenez, l’avez-vous vu de temps en temps dans la

2 ville de Kozarac ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Où habitait-il à Kozarac ?

5 R. : Il habitait à Kozarac, à l’endroit suivant : lorsque l’on suit la

6 grand route Prijedor/Banja Luka et que l’on entre ensuite dans

7 Kozarac, un restaurant se trouve sur la droite et au-delà de ce

8 restaurant, il y avait un magasin de chaussures ; ensuite, il y

9 avait une habitation et la suivante était celle de Dule Tadic.

10 Q. : Aviez-vous l’occasion de vous rendre assez régulièrement dans ce

11 quartier de Kozarac ?

12 R. : Eh bien, j’y allais le samedi ou le dimanche, lorsque j’étais libre.

13 Q. : Savez-vous si Dule Tadic a toujours vécu dans la même maison à

14 Kozarac pendant toute la période où il y habitait, pour autant que

15 vous le sachiez ?

16 R. : Oui, tant qu’il habitait à Kozarac.

17 Q. : Savez-vous ce que faisait Dule Tadic avant la guerre ?

18 R. : Je ne sais pas quel était son métier.

19 Q. : Avaient-ils des activités commerciales dans sa résidence de Kozarac ?

20 R. : Oui, il avait un café en bas de chez lui.

21 Q. : Connaissiez-vous le nom de son père ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quel était le nom de son père ?

24 R. : Ostoja Tadic.

25 Q. : Ostoja Tadic était-il assez connu dans la région de Kozarac ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Que savait-on de lui, de l’histoire d’Ostoja Tadic que vous

3 connaissez ?

4 R. : Il avait participé à la dernière guerre de 1941, dès le début de la

5 guerre. C’était un citoyen éminent, d’un caractère très joyeux.

6 Q. : Savez-vous s’il était en vie lorsque la guerre a commencé, en 1992 ?

7 R. : Non, il n’était pas en vie.

8 Q. : Savez-vous si l’accusé Dule Tadic était marié ou s’il était

9 célibataire ?

10 R. : Marié.

11 Q. : Savez-vous d’où sa femme était originaire ?

12 R. : Oui.

13 Q. : D’où venait-elle ?

14 R. : Du village de Vidovici.

15 Q. : Savez-vous si Dule Tadic et sa femme ont des enfants ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Savez-vous combien d’enfants ils ont ?

18 R. : Deux, à ma connaissance.

19 Q. : Connaissiez-vous des relations ou des amis de Dule Tadic ?

20 R. : Pas vraiment, j’en connaissais un, que je voyais souvent en sa

21 compagnie.

22 Q. : Qui était-ce ?

23 R. : Le policier, Emir Karabasic. C’était, je pense, son meilleur ami.

24 Q. : Connaissiez-vous le nom du père de sa femme ?

25 R. : Non.

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1 Q. : Savez-vous si Dule Tadic participait ou s’intéressait à des activités

2 sportives quelconques ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Lesquelles ?

5 R. : Le karaté.

6 Q. : À votre connaissance, Dule Tadic était-il assez connu dans la ville

7 de Kozarac ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Savez-vous pourquoi il était assez connu ?

10 R. : Je crois que c’était parmi les enfants et les jeunes qu’il était

11 surtout connu. Chaque fois qu’ils le voyaient, ils le montraient et

12 disaient, "C’est Dule Tadic et il est entraîneur de karaté".

13 M. NIEMANN : Madame et Messieurs de la Cour, j’aimerais à présent passer à

14 une partie du témoignage qui se rapporte à la demande que j’ai

15 introduite hier.

16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons suspendre l’audience pendant cinq

17 minutes et ensuite nous passerons à huis clos.

18 (L’audience est levée pendant un court moment)

19 (Audience à huis clos)

20 (expurgée)

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24 (L’audience est suspendue jusqu’au mardi 25 juin 1996)

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