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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Mercredi, le 26 juin 1996
4 (10 heures)
5 (Audience publique)
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, hier mes collègues ici présents, M.
7 le juge Stephen et M. le juge Vohrah, m’ont expliqué ce que vous
8 essayiez de m’expliquer hier au soir. A savoir que vous préféreriez
9 ne pas avoir un témoin qui commence sa déposition et que cette
10 déposition soit ensuite interrompue et ne soit pas conclue en raison
11 des deux semaines d’ajournement qui arrivent. C’est ce que vous me
12 demandiez. Excusez-moi de ne pas avoir mieux compris. Je ne l’avais
13 pas entendu de cette manière.
14 Notre réponse est que nous sommes d’accord pour éviter cela puisque,
15 je pense, il faudrait héberger un témoin, lui fournir un logement
16 etc. pour toute cette durée ou supporter les frais encourus pour
17 renvoyer le témoin chez lui, où que cela puisse être. Ce n’est pas
18 la meilleure des procédures.
19 Voyons comment nous avançons aujourd’hui et cela pourrait ne pas arriver,
20 mais s’il semble que nous allons atteindre le point auquel vous
21 appelleriez un témoin et que nous ne pourrions en finir avec lui,
22 alors, tout simplement, vous ne l’appellerez pas. Cela vous semble-
23 t-il acceptable ?
24 M. TIEGER : Oui, Madame la Présidente. Je vous remercie.
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
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1 M. TIEGER : M. le Président le prochain témoin de l’Accusation est Kemal
2 Susic.
3 Appel de M. KEMAL SUSIC à la barre
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, voulez-vous prêter serment ?
5 TÉMOIN (Interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité, toute
6 la vérité, rien que la vérité.
7 (Prestation de serment du témoin)
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.
9 Interrogatoire du témoin par M. TIEGER
10 TÉMOIN : Je vous demande aussi de le régler un peu plus fort parce que je
11 peux à peine entendre.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. l’Huissier, pouvez-vous monter le volume ?
13 Pouvez- vous monter le volume, s’il-vous-plaît ? Pouvez-vous
14 m’entendre maintenant, Monsieur ?
15 TÉMOIN : Oui, c’est un peu mieux.
16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M’entendez-vous bien ?
17 TÉMOIN : Oui, maintenant ça va. Ça va.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
19 M. TIEGER : Merci, Madame la Présidente. Monsieur, vous vous appelez Kemal
20 Susic ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?
23 R. : Je suis né à Kozarac, le 20 octobre 1945.
24 Q. : Y avez-vous vécu toute votre vie jusqu’au début du conflit en 1992 ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Quelle est votre nationalité ?
2 R. : Musulmane.
3 Q. :Dans quelle rue viviez-vous à Kozarac ?
4 R. : Je vivais dans Marsala Tita bb.
5 Q. : Est-ce dans le centre de Kozarac ?
6 R. : Oui.
7 M. TIEGER : Madame la Présidente, cette photographie peut-elle être
8 enregistrée à la suite aux fins d’identification, qui je crois est
9 241 ? M. Susic, savez-vous ce que représente cette photo ?
10 R. : Oui, pour expliquer ------
11 Q. : Laissez-moi vous demander rapidement si elle montre la région de
12 Kozarac ?
13 R. : Oui, c’est ma ville, Kozarac, avant la guerre.
14 M. TIEGER : Je vais demander que cette pièce soit versée au dossier, s’il
15 n’y a pas objection et si elle est admise, j’aimerais qu’elle soit
16 présentée sur le moniteur sous le titre Z5-31.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
18 M. KAY : Pas d’objection, Madame la Présidente.
19 M. TIEGER : M. Susic, peut-on voir la maison que vous habitiez sur cette
20 photo ?
21 R. : C’est celle-là, le plus grand immeuble. Je vivais au deuxième étage
22 de cet immeuble sur la gauche face au mont Kozara. C’est le deuxième
23 étage. C’était un immeuble de quatre étages.
24 Q. : M. Susic, faites-vous référence à l’immeuble de plusieurs étages qui
25 se trouve légèrement à droite sur la photo ? Vous pouvez voir la
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1 petite flèche, cela ---
2 R. : Oui, je peux voir cette marque, là, et elle indique l’immeuble où je
3 vivais.
4 Q. : Pouvez-vous également voir les mosquées de Kozarac sur cette photo ?
5 R. : Actuellement je vois trois mosquées, ici la Mosquée Mutnik, une
6 mosquée au centre même de Kozarac, et je vois la mosquée dans
7 Brdjani et je vois aussi la mosquée dans Stari Grad, dans la vieille
8 ville, également dans le centre de Kozarac. Donc je vois ici trois
9 mosquées. Je pense que cette photo a été prise du minaret d’une
10 autre mosquée, qui se trouve à Kalate. C’est à cela que ça
11 ressemble, le panorama, ce que je vois, je pense, pourrait être pris
12 du minaret de cette mosquée qui a, je crois, été détruite.
13 Q. : Monsieur, je vais demander que cette photo soit placée sur cet
14 appareil à votre droite afin que vous puissiez rapidement nous
15 indiquer ces mosquées ?
16 R. : Pourriez-vous régler la mise au point ? Merci. Maintenant ça va.
17 Cette mosquée ici est---
18 Q. : M. Susic, excusez-moi.
19 R. : ---la mosquée de Mutnik.
20 Q. : Si pouviez l’indiquer sur la photo elle-même, nous pourrons voir
21 l’endroit indiqué. Vous pouvez aussi utiliser le pointeur si vous le
22 souhaitez.
23 R. : Voici la mosquée de Mutnik. Voici la mosquée de Stari Grad, la
24 mosquée de la vieille ville. Voici la mosquée de Brdjani, celle qui
25 se trouve ici.
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1 Q. : Donc, de gauche à droite, sur la photo, à gauche nous voyons la
2 mosquée de Mutnik, au milieu et...
3 R. : Oui.
4 Q. : ...vers le haut nous voyons la mosquée de Brdjani et sur la droite
5 nous voyons la mosquée de Stari Grad ?
6 R. : Oui, sur la droite. Oui, vous avez tout à fait raison.
7 Q. : Merci. J’aimerais si possible vous montrer un très bref extrait
8 vidéo. Je voudrais que vous me disiez si vous pouvez retrouver votre
9 demeure sur cette vidéo. Pourrions nous montrer ce petit extrait de
10 la pièce à conviction 195, s’il vous plaît ?
11 (Présentation de la pièce à conviction 195)
12 Pouvez-vous nous dire d’arrêter quand vous voyez votre maison ?
13 R. : Arrêtez, s’il vous plaît. Voici l’immeuble où je vivais. C’est un
14 immeuble de quatre étages et un supermarché s’y était ouvert
15 quelques mois avant la guerre, mais l’entrée est de l’autre côté.
16 Sur cette vue, je vois que les appartements ont été incendiés. Je ne
17 sais pas ce qui s’est passé de l’autre côté.
18 Q. : Merci.
19 R. : Puis-je ajouter quelque chose ?
20 Q. : Oui, si vous le souhaitez.
21 R. : Non, je veux dire, le souhaitez-vous ?
22 Q. : Non, c’est bien, Monsieur. Merci. Monsieur, votre famille vivait à
23 Kozarac depuis plusieurs générations ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Nous avons vu quelques photographies du poste de police de Marsala
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1 Tita. Savez-vous ce qu’était cet immeuble ou à qui il appartenait
2 avant de devenir un poste de police ?
3 R. : L’immeuble appartenait à mon grand-père, c’est-à-dire au père de ma
4 mère et après la Deuxième Guerre mondiale, il a été confisqué et
5 nationalisé et non seulement cet immeuble mais aussi plusieurs
6 autres dans Kozarac. Quand nous étions enfants nous habitions dans
7 cet immeuble et, une fois, le maire de la municipalité de l’époque
8 Bozo Dragicevic, un homme d’origine serbe, est venu chez nous et
9 nous a dit que nous devions quitter la maison parce qu’elle allait
10 devenir une école. A cette époque, il y avait aussi d’autres
11 bâtiments qui auraient pu servir d’école.
12 Cependant, les événements signifiaient bien sûr que nous devions
13 quitter la maison dans laquelle nous vivions et nous l’avons très
14 mal pris. A cette époque, le père de ma mère était encore en vie
15 mais il était d’un âge très avancé et ne pouvait rien faire. Il
16 était sans recours. Dois-je ajouter quelque chose ?
17 Q. : Non, ça va, merci. M. Susic, quelle était votre activité avant le
18 conflit ?
19 R. : Je travaillais pour l’école primaire de Rade Kondic à Kozarac. Je
20 suis éducateur. J’enseigne l’éducation physique.
21 Q. : Combien de temps avez-vous enseigné l’éducation physique ?
22 R. : J’ai commencé à travailler à l’école primaire à Kozarac en 68, en
23 août, pratiquement jusqu’au début de la guerre, pratiquement
24 jusqu’au dernier jour j’étais avec mes élèves. Les problèmes qui ont
25 précédé la guerre et la situation de guerre nous ont progressivement
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1 chassés des salles de classe, les professeurs et les élèves. Il
2 n’était plus possible de donner des cours. C’est vraiment dur à
3 décrire. Nous étions tous très inquiets, les enfants et les
4 professeurs. Nous passions plus de jours à parler et à discuter qu’à
5 travailler.
6 Q. : Nous reviendrons sur cette période du conflit. Laissez-moi d’abord
7 vous demander, cependant, si vous connaissez Dusko Tadic ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
10 R. : La famille de Dusko Tadic, c’est-à-dire son père Ostoja Tadic, est
11 dans le centre même de Kozarac à environ 100 ou 200 mètres de la
12 maison de mon père. Donc Dusko, sa mère, son père, vivaient à
13 Kozarac et nous nous connaissions très bien. Dusko Tadic a également
14 été mon élève. Quand j’ai commencé à travailler là-bas je crois
15 qu’il était en cinquième année à l’école primaire.
16 Je me souviens de Dusko à cette époque comme d’un garçon très bien,
17 comme tous les autres enfants. Il ne se distinguait pas des autres.
18 Il a grandi normalement. Nous vivions normalement et nous étions
19 amis. Les enfants se rencontraient qu’ils soient d’origine serbe ou
20 musulmane. Je connais aussi les frères de Dusko, Mladen, Ljubomir et
21 Stojan. Stojan était un de mes camarades d’école et je le connais
22 très bien. Je connais également sa mère, Staka. C’est une femme très
23 bien.
24 Le père de Dusko Tadic s’est battu durant la Deuxième Guerre
25 mondiale. Il s’est battu dès le début de la guerre. Il était un
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1 ancien combattant et un homme qui avait rejoint les zones de combat
2 dans les premiers temps de la guerre et après celle-ci il avait une
3 bonne - il a ainsi gagné une bonne pension après la guerre. Donc ils
4 n’ont jamais été pauvres. Ils vivaient là. Ils vivaient bien.
5 Devrais-je ajouter quelque chose ?
6 Q. : Non, c’est bien. Connaissiez-vous la femme et les enfants de Dusko
7 Tadic ?
8 R. : Je connaissais sa femme qui était aussi une de mes élèves. Je ne
9 saurais vous dire si cela a duré un an ou deux, mais elle a été mon
10 élève. J'ai également rencontré sa fille aînée dans la cinquième
11 classe. Elle a également été mon élève. Sa fille cadette, je ne la
12 connais pas parce qu’elle n’était pas dans les classes où
13 j’enseignais. Elle était trop jeune pour cela. La femme de Dusko
14 s’appelle Mira.
15 Q. : Vous avez indiqué que vous êtes professeur d’éducation physique.
16 Dusko Tadic a-t-il utilisé le gymnase de l’école pour donner des
17 cours de karaté aux jeunes ?
18 R. : Oui, je veux dire, c’était le seul gymnase à Kozarac. Beaucoup de
19 gens souhaitaient utiliser ce gymnase, nous avons différentes
20 sections, une école, les pompiers, le club de football de Kozarac.
21 Il était difficile d’y obtenir un moment et Dusko lui-même sait que
22 j’étais l’une des personnes qui l’ont aidé à avoir accès à ce hall,
23 à ce gymnase pour entraîner nos enfants, les enfants de Kozarac, aux
24 arts martiaux.
25 Je pensais qu’il était naturel et normal et sans problèmes parce
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1 qu’ils étaient tous nos enfants et Dusko était l’un d’eux et je n’ai
2 jamais imaginé, je n’aurais jamais pu imaginer qu’il y aurait des
3 problèmes ou des difficultés qui puissent empêcher Dusko d’utiliser
4 le gymnase. Pour autant que je sache, l’école n’a demandé aucune
5 compensation, aucun paiement. Dusko Tadic ne payait rien pour
6 l’utilisation du gymnase.
7 Q. : Quand Dusko Tadic a construit son café, est-ce qu’un des membres de
8 votre famille a aidé ?
9 R. : La famille de Dusko Tadic, pour autant que je sache, son frère
10 Ljubomir et Duško construisaient ensemble la maison et le café. Le
11 café a été ajouté légèrement plus tard. D’abord, ils ont achevé la
12 maison et un grand nombre de jeunes de Kozarac, particulièrement
13 ceux qui prenaient des cours de karaté avec Duško, des voisins et
14 des amis venaient y travailler et aidaient à construire la maison et
15 le café de Duško. Pour autant que je sache, ces gens ne demandaient
16 pas de rémunération et je sais même que le plus jeune de mes fils
17 les a aidés.
18 Q. : Est-ce qu’un des membres de votre famille a prêté de l’argent à Dusko
19 Tadic pour l’aider à financer la construction du café ?
20 R. : Oui, à Kozarac j’avais un oncle, un homme aisé, un homme riche et
21 Duško lui a emprunté une certaine somme, un certain montant pour
22 terminer son café. Je ne pourrais pas vous citer le montant exact
23 qu’il a emprunté. Tout ce que je sais c’est qu’il n’y a pas eu de
24 problèmes particuliers pour le remboursement. Je ne saurais vous
25 dire si Duško a rendu à mon oncle, tout l’argent qu’il lui devait.
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1 Q. : Durant les années au cours desquelles vous avez connu M. Tadic, je
2 suppose que vous connaissiez bien son apparence. Pouvez-vous décrire
3 rapidement son apparence générale au moment où vous le connaissiez,
4 son physique ?
5 R. : Dusko Tadic est un athlète, un sportif bien fait, athlétique, très
6 musclé. Il est de taille moyenne et il a un pas ferme.
7 Q. : Quand vous le connaissiez, a-t-il parfois porté une barbe ?
8 R. : Parfois oui, parfois non, ça dépendait. Je pense que ça dépendait de
9 son humeur. Parfois, il avait une barbe et puis il la rasait, comme
10 ça. C’était un phénomène naturel partout et une manie pour nous,
11 peut-être. Il ne portait pas souvent la barbe. Après tout il était
12 libre de choisir.
13 Q. : Avez-vous vu ou entendu parler de quelqu’un qui, dans la région de
14 Kozarac ou dans l’opština de Prijedor en général ressemblerait
15 suffisamment à Dusko Tadic pour qu’on puisse les confondre ?
16 R. : Je pourrais manquer - que je pourrais avoir tort à ce sujet, je pense
17 que ce serait très difficile parce que je connais Dusko Tadic
18 presque depuis le jour de sa naissance. Ils ont presque grandi sous
19 mes yeux. Ils utilisaient la même rue que moi. Je pourrais
20 reconnaître cet homme de plus loin encore, peut-être même dans
21 l’obscurité, et même s’il me tournait le dos, je pourrais toujours
22 le reconnaître parce qu’il a une démarche assez caractéristique et
23 que son apparence est également assez caractéristique. Il parle
24 aussi d’une manière particulière. Je ne pense vraiment pas pouvoir
25 confondre facilement Dusko Tadic avec quelqu’un d’autre. J’en suis
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1 tout à fait sûr.
2 Q. : M. Susic, permettez-moi de vous demander quelles étaient les
3 relations entre Serbes et Musulmans dans votre enfance et jusqu’au
4 moment qui a précédé le conflit, simplement dans les grandes lignes,
5 étaient-elles bonnes ou mauvaises ?
6 R. : Laissez-moi vous dire sans ambages que les relations étaient bonnes
7 et, en remontant un peu dans le temps, quand j’étais un peu plus
8 jeune, chez nous, à ma connaissance au moins, chez les Musulmans et
9 surtout chez moi et chez mon père, nous ne disions jamais de
10 quelqu’un qu’il était d’ethnie serbe ou croate ou quoi que ce soit.
11 Nous jouions ensemble. Nous avons grandi ensemble. Nous allions à
12 l’école ensemble et nous étions très bons amis.
13 J’étais très ami avec son frère Stojan, par exemple. Nous étions du
14 même âge, de la même génération. Duško est plus jeune. Ljubomir et
15 Mladen sont plus jeunes également. J’étais aussi ami avec Simo
16 Miskovic, nous avons grandi ensemble. Mes frères et moi et les
17 autres enfants de Kozarac. Simo Miskovic venait souvent chez nous en
18 visite et, une fois adulte, il s’est marié et a déménagé à Prijedor
19 et il parlait des jours merveilleux qu’il avait passé à Kozarac dans
20 son enfance et qu’il n’oublierait pas. Nous jouions ensemble.
21 Ensuite nous allions chez ma mère qui nous donnait de la nourriture,
22 des fruits, peu importait l’ethnie à laquelle nous appartenions.
23 Nous nous sentions libres, nous avons grandi normalement. Il y avait
24 aussi Ranko, le frère de Simo Miskovic. Cet homme est mort. Une fois
25 -- non, ne me laissez pas vous ennuyer avec des détails, je pourrais
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1 écrire un roman.
2 Q. : Vous disiez que les gens ne faisaient pas de distinctions entre
3 Musulmans et Serbes. Était-il possible de distinguer à leur
4 apparence physique un Serbe d’un Musulman ?
5 R. : Bon, vous voyez, je pense que c’est difficile à dire. Après tout,
6 nous sommes tous pareils. Seuls les gens dans les villages, sur les
7 pentes du mont Kozara se distinguaient parce que les femmes
8 musulmanes différaient des femmes serbes parce qu’elles portaient
9 des costumes caractéristiques, une jupe longue et un foulard noir.
10 Cela était porté par les femmes serbes. Alors on pouvait le
11 remarquer. Nous parlions la même langue. Le dialecte Ijekavac et non
12 pas le dialecte Ekavac qui caractérise la République de Serbie. Mais
13 Milos Radulovic qui travaillait avec moi à l’école, bien qu’il ait
14 vécu près de 30 ans en Bosnie, n’a jamais abandonné son dialecte,
15 l’Ekavac pour adopter l’Ijekavac. Il travaillait avec les enfants à
16 l’école et pourtant il parlait toujours l’Ekavac. Parfois, comme
17 nous nous entendions bien, je lui demandais en plaisantant pourquoi
18 il n’avait pas adopté notre manière de parler ; il répondait "Je
19 parle comme ça. Je viens de Serbie." Ça ne dérangeait personne.
20 C’étaient nos conversations normales. Mais les gens nés à Kozarac
21 qui venaient de là parlaient tous le dialecte Ijekavac. Il n’y avait
22 pas de différences entre nous.
23 Q. : Pouviez-vous parfois dire qui était Musulman et qui était Serbe en
24 fonction de son nom ?
25 R. : Bien sûr, les noms musulmans et serbes diffèrent. Il y a des noms
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1 typiques, et à cet égard et par ce moyen nous savions si quelqu’un
2 était Musulman ou Serbe, par son nom. Si quelqu’un s’appelle
3 "Muhamed", alors il est musulman, nous savons ça. Mais si quelqu’un
4 s’appelle "Miko", "Ranko" ou "Jovan", alors nous savons qu’il est
5 Serbe, c’est le seul moyen de savoir, il n’y en a pas d’autre.
6 Q. : Dans la période entre les élections du 1990 et de début du conflit en
7 1992, les relations entre groupes ethniques avaient-elles commencé à
8 changer, à devenir plus tendues ?
9 R. : Voyons voir. Une forte tension s’est fait sentir juste avant
10 l’agression contre la République de Bosnie-Herzégovine parce que des
11 villes de Bosnie-Herzégovine avaient déjà fait l’expérience en leur
12 sein, elles avaient une expérience directe du développement du
13 nationalisme serbe, lié à l’ancienne Armée du peuple yougoslave.
14 Q. : En fait, M. Susic je souhaiterais que vous vous concentriez plus sur
15 Kozarac pour l’instant et je vous demande si vous avez observé des
16 signes de tension croissante dans votre propre école ?
17 R. : Si nous parlons de mon école en particulier, de l’école où je
18 travaillais, comme j’avais une fonction particulière, mon bureau se
19 trouvait près du gymnase d’éducation physique, mais en allant à la
20 salle des professeurs je pouvais voir que des groupes se formaient
21 progressivement, d’un côté les enseignants d’ethnie musulmane et de
22 l’autre ceux d’ethnie serbe.
23 Je savais ce que cela voulait dire et cela m’inquiétait un peu. Je
24 n’y pouvais rien. De plus, je ne savais pas de quoi ils parlaient,
25 mais j’ai su dès que je les ai vus se diviser que quelque chose ne
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1 tournait pas rond, n’allait pas.
2 Un des mes collègues, d’origine serbe, un professeur d’enseignement
3 technique général, Milos Radulovic, a dit une fois que lui en tant
4 que serbe à Kozarac était en danger. Je n’ai pas aimé ça. Je voulais
5 lui demander ce qui n’allait pas. Je lui ai demandé de venir dans
6 mon bureau pour parler et j’ai demandé "Quel est le problème ?"
7 Il a été incapable de me donner une raison précise pour laquelle il
8 sentait en danger à Kozarac en tant que Serbe. Je lui ai dit "Mico,
9 vous êtes sans doute en danger, parce que vous êtes arrivé à Kozarac
10 avec une valise en bois et que l’école Rade Kondic vous a fourni un
11 studio, puis un appartement de deux pièces, puis vous vous êtes
12 construit une belle maison et c’est sans doute pour ça que vous êtes
13 en danger, parce que de nombreux habitants de Kozarac sont venus
14 vous aider à construire votre maison". Les gens lui ont gratuitement
15 apporté du sable, des matériaux de construction, des poutres. Lui et
16 les autres personnes qui propageaient des soi-disant frayeurs
17 cherchaient simplement des raisons de division. Ils voulaient faire
18 ressortir les divergences de vue et d’opinion et peu à peu le fossé
19 s’est élargi et nous nous sommes de plus en plus éloignés les uns
20 des autres. C’est tout ce que je peux vous dire maintenant.
21 Q. : Peu avant l’attaque de Kozarac, étiez-vous engagé dans un groupe qui
22 s’efforçait de résoudre les problèmes pacifiquement, dans un groupe
23 pacifiste ?
24 R. : Quand Sarajevo a été attaquée, nous avons vu que quelque chose de
25 terrible allait se produire en Bosnie. A cette époque le parti de
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1 l’action démocratique a gagné les élections à Prijedor et a pris le
2 pouvoir. Toutefois, les événements qui avaient précédé les élections
3 avaient créé un fossé entre le parti démocratique serbe déjà formé
4 d’un côté et le parti musulman, le SDA de l’autre.
5 Il était presque impossible d’organiser un dialogue, conversation
6 humaine normale ou toute réunion mixte entre ces partis. C’est
7 pourquoi plusieurs d’entre nous, de Kozarac, de notre propre chef,
8 nous nous sommes rencontrés et nous avons parlé et fondé un groupe
9 que nous avons librement décidé d’appeler Ligue pour la paix. Nous
10 pensions, puisque nous n’adhérions à aucun parti, ni le SDA ni le
11 parti démocratique serbe que nous serions probablement capables de
12 faire quelque chose de rencontrer les deux parties de voir quel
13 était le problème.
14 Q. : M. Susic, avant que nous parlions plus avant des activités de la
15 Ligue pour la paix, je voudrais vous poser quelques questions sur
16 les circonstances dans lesquelles la Ligue a été formée.
17 Premièrement, la Ligue pour la paix a-t-elle été organisée après la
18 prise du pouvoir à Prijedor des autorités serbes ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Étiez-vous au courant de l’existence d’une exigence ou d’un ultimatum
21 des autorités serbes, des nouvelles autorités serbes, à Prijedor,
22 demandant de rendre les armes et que la police prête serment
23 d’obéissance aux nouvelles autorités serbes ?
24 R. : Je connaissais l’existence de cet ultimatum parce que je l’avais fait
25 transmettre par la communauté locale de Kozarac au parti de l’action
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1 démocratique en demandant qu’ils rendent leurs armes, qu’elles aient
2 été obtenues légalement ou non, afin que la police, à la fois ses
3 membres réguliers et extraordinaires, les réservistes et la Défense
4 territoriale rendent leurs armes à l’armée de la Republika Srpska à
5 Prijedor.
6 Je voudrais souligner que la Défense territoriale dont les effectifs
7 étaient d’environ 100 personnes avait reçu des armes de l’Armée
8 yougoslave. Elle avait été équipée par cette armée. Pendant six ou
9 sept mois, elle avait été active à Kozarac ce qui est tout à fait
10 normal. Apparemment, elle avait été armée afin d’éviter les
11 incidents. Je ne sais pas de quels types d’incidents il s’agissait
12 puisqu’il n’y avait pas d’incidents à Kozarac. Cependant ... oui, je
13 suis désolé.
14 Q. : Je ne veux pas vous couper la parole mais cette réponse à ma question
15 précise était suffisante. Je souhaitais également vous demander si
16 au moment de la formation de la Ligue, vous et les autres membres
17 étiez au courant du rassemblement de troupes serbes et d’armes
18 lourdes dans la zone de Kozarac.
19 R. : Nous l’étions tous. Nous l’étions tous. Ce n’était pas un secret. Les
20 gens dans les villages, les gens de Kozarac et moi aussi. Je peux
21 dire qu’avant d’aller à mon travail, d’aller enseigner le matin vers
22 6h30 ou 7h00, j’ai moi-même compté 45 camions militaires remplis de
23 soldats, de personnel. Ce n’étaient pas des jeunes soldats parce
24 qu’ils traversaient Kozarac lentement. J’ai compté les camions un
25 par un. Ils n’étaient pas rasés et ne portaient pas d’uniforme
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1 réglementaire. Les camions tiraient des canons et sur les toits des
2 cabines il y avait des mitrailleuses. La toile de bâche était
3 relevée et je pouvais voir qu’ils étaient tous armés. Sur les
4 portes, pas sur toutes les portes mais sur certaines, était peint en
5 rouge "Loups de Pakrac". C’était l’inscription. Une tête de taureau
6 avec des cornes était dessinée sur le premier camion, elle n’était
7 pas dessinée, c’était vraiment la tête d’un taureau qui était
8 installée sur le camion, le sang coulait encore. Et, croyez-moi,
9 cela m’a choqué.
10 Ils ont traversé Kozarac et se sont dirigés vers Mrakovica. Quand je
11 suis arrivé à l’école j’ai parlé à mes collègues. Tous le monde à
12 Kozarac le savait et progressivement nous avons été saisis par la
13 peur. Il se passait quelque chose.
14 Q. : La traduction qu’on nous a fournie disait que les camions "tiraient
15 des canons". Quel type d’armes étaient tirées par les camions que
16 vous avez vu ?
17 R. : Je ne suis pas un expert militaire mais il s’agissait de canons
18 légers avec deux grandes roues et un tube, j’ai vu ça et chacun des
19 camions en tirait un. Je l’ai vu.
20 Q. : Outre les soldats serbes, avez-vous vu des civils serbes armés ?
21 R. : Sincèrement, je n’ai pas vu de civils serbes armés, mais les paysans
22 musulmans sur les pentes du Mont Kozara venaient à la Commune locale
23 et disaient qu’ils avaient vu à Podgradje, dans les localités à
24 population en majorité serbe que l’armée distribuait des armes même
25 aux enfants et que tous les foyers étaient armés. Nous ne savions
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1 vraiment pas pourquoi. Nous ne pouvions vraiment pas croire ce qui
2 ce produisait ni les raisons pour lesquelles cela se produisait.
3 Kozarac sommeillait à cette époque.
4 Q. :Qui étaient les membres du groupe, les membres de la Ligue pour la
5 paix ?
6 R. : Les membres de la Ligue pour la paix étaient des gens indépendants,
7 des gens qui n’étaient affiliés à aucun parti. Ils n’étaient ni
8 membres du SDA ni d’aucun autre parti. J’étais membre de la Ligue
9 pour la paix. Hamdija Kahrimanovic, Naguib Mahmuljin, Dr Pasic
10 Jusuf, Jasim Fazlic, Hamdija Balic, Kemal Fazlic.
11 Après, comme représentants de la Ligue pour la paix, pour avoir une
12 légitimité à nos propres yeux, nous avons demandé aux représentants
13 d’autres communes locales, Kozarusa et Kamicani de déléguer des gens
14 d’ethnie serbe, pour que nous soyons une ligue homogène, mixte et au
15 nom des gens de Kozarusa nous avons proposé Djuro Pupevac, un homme
16 d’un certain âge, un homme bien et de la part de Kamicani, Milenko
17 Zigic. Malheureusement on a découvert que Milenko Zigic avait
18 participé aux opérations militaires à Kozarac et avait fait beaucoup
19 de mal. Il est resté en arrière. Je ne sais pas s’il est encore
20 vivant.
21 Q. : Permettez-moi de vous poser une question. Je vous interromps certes
22 bien que je ne souhaite pas le faire mais je veux vous poser
23 quelques questions sur les membres de la Ligue que vous avez
24 mentionné. Le Dr Pasic a-t-il survécu à la guerre ?
25 R. : Je ne pense pas.
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1 Q. : Et Jasim Fazlic ?
2 R. : Jasim Fazlic a été tué dans un convoi en direction de Vlasic.
3 Q. :Et Hamdija Balic ?
4 R. : Hamdija Balic à également disparu à Omarska.
5 Q. : Et Nagib Mahmuljin ?
6 R. : Il a aussi disparu à Omarska.
7 Q. : La Ligue pour la paix a-t-elle arrangé des réunions avec les
8 autorités serbes de Prijedor ?
9 R. : Par l’intermédiaire de la commune locale, par l’intermédiaire d’une
10 personne s’appelant Naguib Mahmuljin, le contact a été établi avec
11 les autorités serbes de Prijedor et après avoir beaucoup insisté
12 pour être reçus afin de discuter pour voir quel était le problème et
13 parce qu’il était évident qu’une agression se préparait contre
14 Kozarac. Ils ont dit qu’ils ne souhaitaient pas recevoir une
15 délégation du SDA. Les raisons, je peux seulement les deviner :
16 seulement s’il s’agissait d’un groupe indépendant, ils seraient
17 peut-être prêts à parler avec eux.
18 Nous avons tenu une réunion à l’école. Hamdija Kahrimanovic était
19 présent et l’idée m’est venue que si nous y allions, même si nous
20 n’étions pas membres du SDA, nous étions musulmans après tout et les
21 Serbes avaient déjà organisé plusieurs points de contrôle et nous
22 n’étions pas sûrs qu’ils nous permettraient de passer alors j’ai
23 proposé d’emmener quelques Serbes avec nous, que ce serait sage et
24 normal parce qu’eux aussi étaient des gens de Kozarac. Ils vivent à
25 Kozarac. C’est leur ville aussi et ils devraient se battre pour
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1 Kozarac, comme nous le ferions, de manière démocratique.
2 Alors Hamdija m’a demandé "OK, qu’est-ce que tu as en tête ?"
3 J’étais en bons termes avec la famille de Dusko Tadic alors j’ai dit
4 "Je propose Dusko Tadic". Hamdija a dit "Je ne pense pas qu’il
5 accepte d’y aller". Nous étions encore en réunion et j’ai vu Dusko
6 par la fenêtre et j’ai dit "Je vais le lui demander tout de suite".
7 Je lui ai demandé et pour être franc il n’a pas fait preuve d’un
8 enthousiasme débordant à cette idée mais il m’a dit "Si tu y vas,
9 j’y vais aussi". J’ai dit "OK, merci." Et nous avons encore échangé
10 quelques mots.
11 Nous devions y aller le lendemain. Je suis allé le chercher le
12 matin. Il avait changé d’avis. Il ne voulait pas venir. Alors j’ai
13 dit "Ce n’est pas juste. Tu as dit que tu viendrais. Tu ne peux pas
14 refuser maintenant." Alors nous sommes partis. Nous nous sommes
15 rendus en voiture à Prijedor. A Prijedor nous avons rencontré les
16 représentants de l’armée serbe et Simo Drljaca était déjà en
17 uniforme, un homme qui n’avait absolument rien à voir avec l’armée
18 auparavant. Il était secrétaire de notre Centre d’éducation
19 primaire. Il était en uniforme. Radmilo Zeljala, plusieurs officiers
20 que je ne connaissais pas. Les minutes ont été tenues par Pero
21 Kovacevic, pour autant que je me souvienne, qui était Principal de
22 l’école de Kozarac pendant une période, après il avait déménagé à
23 Prijedor et il travaillait pour l’administration locale. De toute
24 façon c’est sans aucune importance. Nous nous sommes rencontrés, une
25 vingtaine d’hommes en tout. Ils nous ont reçus.
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1 Q. : M. Susic, excusez-moi, je voudrais que nous vérifiions qui se
2 trouvait là exactement. Outre Zeljaja et M. Drljaca, les
3 représentants serbes et plus particulièrement ...
4 R. : du SDS de Prijedor.
5 Q. : Excusez-moi, monsieur, vous avez répondu mais nous n’avons pas
6 entendu l’interprétation. S’agit-il d’un problème technique ?
7 LE PRÉSIDENT : La réponse était "SDS de Prijedor". Peut-être voulez-vous
8 dire la réponse précédente ?
9 M. TIEGER : Oui.
10 LE PRÉSIDENT : Pourquoi ne pas reposer la question ?
11 M. TIEGER : M. Susic, vous avez mentionné plusieurs autres représentants
12 serbes assistaient à la rencontre à Prijedor, mais nous n’avons pas
13 entendu la traduction. Pourriez-vous répéter leurs noms s’il vous
14 plaît ?
15 R. : Oui, bien sûr. Radmilo Zeljaja assistait à la réunion, il était
16 Commandant des casernes militaires de Prijedor ; Slobodan Kuruzovic,
17 Commandant du camp de Trnopolje ; Simo Miskovic, Président du SDS à
18 Prijedor et des représentants des autorités militaires que je ne
19 connaissais pas. Ils portaient des uniformes de l’Armée yougoslave
20 et pour être franc, ils nous ont reçus avec une certaine réserve.
21 Leur comportement n’était guère amical et nous nous sommes sentis
22 gênés. Nous étions assis dans une pièce. Je n’étais jamais venu là
23 auparavant. C’était probablement un lieu de réunion, une salle de
24 réunion. La réunion a commencé sans ordre du jour ni introduction.
25 Je peux vous faire part, si vous le souhaitez du but principal de la
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1 réunion ?
2 Q. : Nous le souhaitons et nous savons que la cour le souhaite aussi. Mais
3 permettez-moi de vous demander d’abord, si les membres de la Ligue
4 pour la paix étaient venus avec une proposition particulière ou pour
5 un débat général et pour engager un dialogue et exprimer leur désir
6 de paix ?
7 R. : Quand nous sommes arrivés à la première réunion, Kozarac faisait déjà
8 l’objet d’un blocus, personne ne pouvait quitter Kozarac et nous
9 savions que la situation était très difficile. Nous sommes
10 simplement allés demander ce que nous devions faire, quel était le
11 problème et qu’avait fait Kozarac pour qu’on nous demande de rendre
12 les armes obtenues légalement : nos chasseurs qui avaient des
13 certificats montrant que les fusils avaient été achetés depuis
14 longtemps ou comme protection. Le secrétariat fédéral pour la
15 Sécurité à Prijedor avait délivré ces certificats. Ils nous ont
16 demandé de rendre toutes nos armes et nous ont dit qu’elles seraient
17 stockées à Prijedor.
18 Nous avions peur de cela et nous avons essayé de trouver une autre
19 solution mais la seule solution possible était de faire ce qu’ils
20 demandaient. Il s’agissait clairement d’un ultimatum. Soit nous
21 rendions nos armes, soit ils nous les prenaient.
22 Étant donné que de nombreuses villes de Bosnie étaient tombées
23 suivant le même scénario, que de nombreuses villes et de nombreux
24 villages avaient rendu leurs armes en pensant que l’armée de la
25 Republika Srpska se comporterait normalement alors qu’ils n’avaient
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1 fait que leur faciliter la tâche. Ils arrivaient, ils mettaient le
2 feu, ils tuaient, ils violaient et emmenaient les gens dans des
3 camps de détention.
4 Donc nous savions que la même chose nous attendait, que nous
5 rendions nos armes ou non. Si nous avions rendu nos armes, nous leur
6 aurions facilité la tâche parce qu’aucun de leurs soldats n’auraient
7 été tués. Alors nous avons proposé de rassembler les armes au poste
8 de police de Kozarac et de les faire garder par une garde mixte,
9 mais aucun membre de la Ligue ne se sentait en position d’emmener
10 les armes à Prijedor et d’offrir les gens de Kozarac aux
11 paramilitaires serbes sur un plateau, comme on dit, sans le demander
12 aux gens de Kozarac. Ai-je été clair ?
13 Q. : Oui. Durant la réunion, est-ce que l’un des dirigeants serbes a dit
14 qu’ils avaient pris le pouvoir à Prijedor parce que les Musulmans
15 projetaient de prendre le pouvoir et qu’ils envisageaient de
16 liquider les notables serbes et qu’ils avaient marqué les maisons
17 des Serbes ?
18 R. : Voyez-vous, il s’agissait d’une autre forme de propagande, afin...
19 afin de prendre le pouvoir, le pouvoir sur Prijedor de manière
20 brutale. L’armée de la Republika Srpska et le SDS ont remplacé dans
21 la nuit les responsables régulièrement élus du parti et bien que la
22 majorité de la population ait été musulmane et que nous ayons
23 simplement remporté plus de sièges à l’assemblée municipale, au
24 tribunal et ainsi de suite, cela les dérangeait tout simplement et
25 ils ont dit qu’ils devaient partir, que Muhamed Cuhajic ne pouvait
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1 plus être maire de la municipalité et ils ont pris le pouvoir grâce
2 aux forces militaires.
3 Ce n’est pas vrai, parce que je l’aurais su et je l’aurais entendu
4 dire que quiconque ait marqué les maisons des Serbes ou établit des
5 listes de liquidation, d’élimination de certains Serbes. Ils nous
6 ont fait cela parce que c’est ce qui a été révélé par la suite, ce
7 qui est connu. Il existe des documents à ce sujet. Durant la guerre
8 et dans les camps de Keraterm et Trnopolje à Omarska, ils ont tué
9 nos intellectuels, des membres important du SDA qui n’étaient pour
10 rien dans les conflits armés entre les Serbes et les Musulmans, et
11 c’est ce qu’ils ont fait.
12 Q. : Quoi qu’il en soit, les dirigeants serbes ont-ils dit aux membres de
13 la Ligue pour la paix durant la réunion que c’était ce qui s’était
14 passé et que c’était pour cette raison qu’ils avaient pris le
15 pouvoir ?
16 R. : Vous voyez, ils cherchaient, non pas une raison parce qu’il n’y avait
17 pas de raison, mais tout ...
18 Q. : M. Susic, ma question n’est sans doute pas suffisamment claire. Je
19 voudrais seulement savoir si cela a été dit ou non à la réunion et
20 non les raisons à la base de cette propagande.
21 R. : Non.
22 Q. : Après la réunion est-ce que l’un des dirigeants serbes vous a parlé ?
23 R. : La réunion s’est terminée sur une discussion houleuse, dans une
24 atmosphère très pesante. En fait, nous n’avions rien accompli. Ils
25 ont également demandé que notre police porte les insignes de l’armée
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1 de la Republika Srpska et nous devions transmettre cette proposition
2 à Kozarac et l’expliquer à notre police et à notre population.
3 Toutefois, après la réunion, Simo Miskovic, le Président du SDS, un
4 homme avec qui j’avais grandi m’a arrêté et m’a dit "Kemal, ce que
5 tu fais ne sert à rien, rien ne peut sauver Kozarac." Il a aussi
6 dit, à moins qu’il ne l’ait fait pour se justifier à mes yeux, que
7 s’il ne pouvait rien faire pour Kozarac, il emmènerait sa famille à
8 Belgrade. Simo n’est pas allé à Belgrade parce que je l’ai vu à
9 Omarska. Kozarac était déjà tombée. Kozarac était déjà détruite à ce
10 moment-là et après un mois durant le mois que j’ai passé la pista,
11 Kozarac brûlait jour et nuit. Je le sais.
12 Q. : Vous avez mentionné Djuro Pupevac qui était membre de la commune
13 locale et qui était serbe. A-t-il parlé en faveur Kozarac à la
14 réunion ?
15 R. : Oui. Djuro Pupevac, pour autant que je peux en juger et quelques
16 collègues qui étaient avec moi. Djuro Pupevac a parlé très
17 favorablement. C’est un homme aux vues modestes, d’un savoir
18 modeste, mais il a dit qu’à Kozarac il n’y avait pas de problème que
19 les gens d’origine serbe n’avaient rien à craindre de personne,
20 qu’ils pouvaient se déplacer librement, qu’ils pouvaient aller
21 travailler et qu’il ne comprenait pas pourquoi Kozarac posait
22 soudain un problème. Lui-même ne voyait pas quel était ce problème.
23 C’est la question qu’il a soulevé devant les autorités de la
24 Republika Srpska. Il n’y a pas eu de réponse à cela.
25 Q. : Dusko Tadic a-t-il fait des déclarations en faveur de Kozarac à cette
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1 réunion ?
2 R. : Je ne m’en souviens pas. Il était certainement avec nous mais je ne
3 me rappelle pas.
4 Q. : Dusko Tadic vous a-t-il dit qu’il avait rencontré les dirigeants
5 serbes juste avant la réunion ?
6 R. : Pourriez-vous répéter la question s’il-vous-plaît ?
7 Q. : Dusko Tadic vous a-t-il dit qu’il allait parler avec les dirigeants
8 serbes juste avant la réunion, ou vous a-t-il dit quelque temps
9 après qu’il avait parlé avec les dirigeants serbes immédiatement
10 avant la réunion ?
11 R. : Je crois qu’il a dit qu’il parlerait aux dirigeants serbes, je ne
12 sais pas avec qui en particulier, il n’a pas donné de nom et je ne
13 sais pas s’il l’a fait, s’il a parlé à quelqu’un. Je n’en sais rien.
14 Q. : Désolé.
15 R. : Peut-être que si j’avais été plus attentif à cela, peut-être que
16 j’aurais pu apprendre s’il l’avait fait ou non. Mais après cela rien
17 pouvait m’indiquer qu’il l’avait fait.
18 Q. : A-t-il dit, avant la réunion, s’il jugeait qu’elle pourrait être
19 utile ou qu’il s’agissait d’une perte de temps ?
20 R. : Malheureusement, son commentaire était quasiment le même que celui de
21 Simo Miskovic. Après la réunion je suis allé à son café. Nous nous
22 sommes assis, nous avons bu un jus de fruit et il a dit "Kemal,
23 Kozarac va être bombardée". J’étais choqué. J’étais surpris.
24 Q. :Je suis désolé, je ne souhaitais pas vous interrompre.
25 R. : Ce n’est pas un problème.
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1 Q. : Y a-t-il eu une deuxième réunion à Prijedor quelques jours avant
2 l’attaque de Kozarac ?
3 R. : Oui, il y a eu une autre réunion.
4 Q. : Étaient-ce les mêmes personnes qui y assistaient ?
5 R. : Plus ou moins. Mais cette réunion n’était guère différente de la
6 première. Le statu quo s’est poursuivi parce qu’aucune des parties
7 ne pouvait ou ne voulait faire une seule concession. Les Serbes
8 d’un côté parce qu’ils demandaient que les armes leur soient remises
9 et que la police porte leurs insignes et nous, de l’autre côté, à
10 Kozarac nous ne voulions pas leur remettre les quelques armes que
11 nous possédions, les leur remettre et être à la merci de ces gens
12 qui étaient venus à Kozarac pour nous attaquer, parce que nous
13 savions que cela s’était déjà produit dans de trop nombreux endroits
14 de Bosnie. Sarajevo était déjà en feu à cette époque.
15 Q. : Les résultats de ces deux rencontres et l’ultimatum des autorités
16 serbes ont-ils été communiqués aux gens de Kozarac ?
17 R. : Oui, ils ont été communiqués. Après la deuxième réunion, nous avons
18 organisé une rencontre des citoyens, un meeting à la mairie. La
19 salle était pleine. Tout ceux qui ont pu rentrer l’on fait et nous
20 avons expliqué à nos concitoyens ce que l’on nous demandait et nous
21 avons demandé à l’assemblée de décider parce qu’ils étaient les
22 seuls à être autorisés à le faire. Ils ont voté et le résultat était
23 qu’ils ne voulaient pas rendre les armes et tomber désarmés dans les
24 bras des soldats serbes parce qu’ils pensaient que ce serait fatal.
25 C’était la réponse des gens de Kozarac.
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1 Q. :Kozarac était-elle militairement en position de se défendre ?
2 R. : Le SDA et la Ligue pour la paix ont conjointement créé une Cellule de
3 crise, comme nous l’avons appelé. Dix personnes environ étaient
4 présentes et nous avions tous les renseignements, les armes qui se
5 trouvaient à Kozarac et ce que nous pouvions utiliser pour nous
6 défendre si nous étions attaqués par l’armée serbe. Pour être tout à
7 fait franc, pour faire une comparaison, c’était David et Goliath,
8 parce que nous avions surtout des fusils de chasse. Les fusils
9 automatiques appartenaient à la police, à la police d’active et de
10 réserve. La Défense territoriale possédait de vieux ou de très vieux
11 fusils de chasse mais ils étaient quasiment inutilisables, ces
12 fusils. Certains avaient peut-être un pistolet ou un revolver et
13 c’est tout ce que je sais.
14 Alors à l’une des réunions j’ai demandé à un homme qui avait
15 entrepris d’organiser une sorte de défense à Kozarac comment
16 s’organiser en cas d’attaque de Kozarac, Sead Cirkin. Je lui ai
17 demandé "Sead combien de munitions avons-nous si nous sommes
18 attaqués ? et il a répondu "Nous avons des munitions pour deux
19 heures de combat", et j’ai ri et il m’a demandé "Pourquoi ris-tu ?"
20 "Sead nous sommes fichus. Sais-tu, Sead quelle force ils vont
21 employer contre nous ? Ils ont des canons, des canons lourds à
22 Mrakovica, des camions lourds. Autour de Prijedor, l’endroit
23 s’appelle Crna Dolina et leurs tanks y sont positionnés. Ils ont
24 également des tanks à Kozarusa. Il n’y a pas de solution pour nous.
25 Aucun moyen d’y échapper", et nous le savions tous mais nous ne
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1 pouvions pas et nous ne devions pas laisser nos femmes, nos enfants,
2 nos personnes âgées à la merci des Serbes qui viendraient à Kozarac
3 et nous savions qu’ils viendraient, parce que le 23 mai, dès le
4 samedi, le village de Hambarine était en feu, il brûlait. Nous le
5 voyions de Kozarac. Tout a été brûlé. Les gens ont été tués. A ce
6 moment-là, même à ce moment là, on parlait d’Omarska. Keraterm était
7 déjà ouvert.
8 Q. : Vous étiez à Kozarac quand l’attaque a commencé ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Vous avez passé deux jours et deux nuit dans une cave dans le centre
11 de Kozarac ?
12 R. : Moi et ma famille et un grand nombre d’habitants du centre de
13 Kozarac que nous appelons Carsija, nous nous sommes cachés dans la
14 cave du bâtiment où je vivais. Il y avait une branche de la Banque
15 Privredna de Sarajevo et nous nous y sommes cachés avec nos
16 familles.
17 Nous nous sommes un peu organisés, nous avions un peu de nourriture,
18 des couvertures, nous croyions qu’après le bombardement qu’ils nous
19 préparaient il y aurait une sorte d’armistice. Qu’il n’y aurait pas
20 de véritable guerre. Nous pensions que cela durerait quelques jours
21 et qu’ensuite nous pourrions trouver une solution, mais les choses
22 ne se passaient pas comme çà. Je l’ai vu.
23 Q. : Le troisième jour quand les gens de Kozarac ont commencé à se rendre
24 par colonnes, vous et votre famille avez rejoint une colonne et vous
25 êtes rendus ?
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1 R. : Le bombardement a duré deux jours et deux nuits, du dimanche au mardi
2 matin, le 26 mai. A la station de radio, l’armée de la Republika
3 Srpska a annoncé que tous les gens de Kozarac devaient se rendre et
4 que ceux qui ne le ferait pas seraient liquidés, qu’ils aient des
5 armes ou non, que nous devions sortir des drapeau blancs et former
6 des colonnes et quitter Kozarac par la route Prijedor/Banja Luka en
7 direction de Prijedor. Alors nous nous sommes mis en route. Mais
8 seulement ceux qui étaient dans le centre de la ville sont partis.
9 Beaucoup de ceux qui vivaient dans les environs, dans les villages
10 sont restés parce qu’ils n’étaient pas au courant. Ils sont
11 malheureusement restés et beaucoup ont été tués.
12 Nous avons atteint la route vers Prijedor. Puis nous avons atteint
13 un arrêt d’autocar. Des soldats de la Republika Srpska nous y
14 attendaient et je les ai entendus de mes propres oreilles crier,
15 tirer, battre, tuer, sans attendre. Nous avons entendu nos mères,
16 nos enfants et nous avions les mains vides. Je ne pouvais en croire
17 mes oreilles. Je ne pouvais croire que cet homme disait des choses
18 semblables. Je me demandais pourquoi. Un autre disait "Non, attends,
19 nous n’avons pas encore reçu d’ordres". La confusion régnait entre
20 eux et nous avancions lentement vers Kozarusa où des autocars nous
21 attendaient.
22 Nous avons vu un grand nombre de chars, de nombreux hommes, des
23 troupes et des fusils et des canons. Ils étaient lourdement armés,
24 pensant que Kozarac résisterait. Mais Kozarac n’avait absolument
25 aucune chance, aucune occasion de leur résister. Kozarac s’était
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1 simplement terré devant eux. Alors nous sommes descendus, les femmes
2 et les enfants et ils ont commencé à les séparer des hommes et des
3 garçons mineurs, des garçons de 12 ou 13 ans. De la manière la plus
4 grossière possible, ils nous ont fait monter dans des autocars et
5 nous ont emmenés à Trnopolje par la vieille route.
6 Q. : Avez-vous pu quitter Trnopolje le même jour avec l’aide d’un collègue
7 de votre soeur ?
8 R. : Nous sommes arrivés à Trnopolje où la situation était très difficile.
9 Ma plus jeune soeur travaillait à l’époque au Secrétariat de
10 l’intérieur à Prijedor. Son ami était Serbe alors elle lui a demandé
11 s'il serait possible pour sa famille et pour la mienne de quitter
12 Trnopolje parce que nous avions peur. Nous avions compris que des
13 choses terribles allaient s’y produire et il a dit d’attendre. Il a
14 trouvé un petit camion dans lequel nous sommes montés et nous sommes
15 partis en direction de Prijedor.
16 Alors cette nuit nous l’avons passée avec des amis et le jour
17 suivant ma famille est allée dans la vieille ville de Prijedor, chez
18 des parents assez éloignés. Nous y sommes restés jusqu’à ce fatal 30
19 mai, le matin où Prijedor et Stari Grad ont été attaqués, où Stari
20 Grad, la vieille ville a été entièrement brûlée et où ils nous ont
21 emmenés à Omarska.
22 Q. : Juste pour clarifier. Vous avez été emmenés à Trnopolje dans un
23 autocar, votre femme et vos enfants dans un autre et vous vous êtes
24 retrouvés à Trnopolje avec l’aide de cet ami et vous avez été
25 conduits à Prijedor ?
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1 R. : Oui, à notre arrivée à Trnopolje, l’armée a séparé les hommes des
2 femmes et les a mis dans une ancienne salle, un cinéma. C’est le
3 même type de salle que celle de Kozarac sauf qu’elle est légèrement
4 plus vieille et c’est là qu’ils nous ont mis. Mais quand des coups
5 de feu ont éclaté, je pense que c’étaient des coups accidentels au
6 hasard, nous avons eu peur parce que nous pensions qu’ils tiraient
7 sur les femmes et les enfants. Alors nous nous sommes tous
8 précipités hors de cette salle et c’est comme ça que nous nous
9 sommes retrouvés mélangés aux femmes et aux enfants. Après cela, ils
10 n’ont pas essayé vraiment sérieusement de nous repousser, mais ils
11 ont commencé à nous installer dans les salles de classes dans cette
12 vieille école à Trnopolje. Nous y avons trouvé cet homme et nous
13 sommes ensuite partis pour Prijedor au moment du coucher de soleil
14 ou même du crépuscule je pense.
15 Q. : Vous dites que vous étiez à Stari Grad le 30 mai quand le nettoyage
16 de Stari Grad a commencé. Est-ce que cela a commencé avec un
17 bombardement en début de matinée ?
18 R. : L’attaque de Stari Grad a commencé le 30 mai au matin. D’abord, on
19 pouvait entendre des coups de pistolet isolés et puis les salves se
20 sont intensifiées et nous avons compris que quelque chose se
21 produisait. Les maisons ont commencé à brûler et puis dans ces rues
22 étroites dans la vieille ville, les Pitzgauer, des véhicules
23 militaires, sont entrés, chargés de soldats équipés de mitrailleuses
24 et ils ont tirés sur les bâtiments et les maisons, sans aucune
25 discrimination. Ils ne vérifiaient pas s’il y avait des femmes ou
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1 des personnes âgées ou des enfants.
2 Puis ils ont commencé à entrer dans les maisons, à entrer par
3 effraction. Ils demandaient les clés de voiture. Les femmes
4 enlevaient les bijoux qu’elles portaient, c’était du pillage. Ils
5 prenaient l’argent et nous disaient "Laissez tous les objets de
6 valeur. Laissez-les simplement. Vous n’en aurez plus besoin." Ils ne
7 nous permettaient même pas de nous habiller. Ma femme a quitté la
8 maison pieds nus et ce n’était pas seulement moi mais tous les
9 autres aussi.
10 Alors ils nous ont fait aller au Balkan Hotel. Là, ils ont séparé
11 encore une fois les femmes et les hommes, un grand nombre d’autocars
12 sont arrivés et nous ont conduits à Omarska.
13 Q. : A l’arrivée à Omarska, où avez-vous d’abord été conduits ?
14 R. : Je vois cette maquette d’Omarska. Nous avons été conduits dans les
15 autocars là, jusqu’à ce bâtiment administratif et pendant les trois
16 ou quatre premiers jours j’étais dans une de ces pièces à l’arrière.
17 Nous sommes entrés par l’entrée principale. On va dans la salle de
18 restaurant, un soldat nous attendait et prenait nos noms et nos
19 prénoms un par un. C’est incroyable le nombre de personnes dans
20 cette pièce, on arrivait à peine à respirer.
21 Donc, de notre propre chef, nous avons cherché d’autres pièces. Les
22 gens ouvraient les portes et allaient dans d’autres pièces et puis
23 on nous a donné l’ordre de quitter ces pièces et de sortir sur
24 l’espace asphalté qui je ne sais pour quelle raison était appelé
25 "pista". Pourquoi est-ce que c’était appelé pista ? Aujourd’hui
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1 encore je ne le sais pas, de toute manière ça n’a aucune importance,
2 mais c’est le nom que nous avons également employé et j’ai passé un
3 mois sur cette pista. Nous y restions de jour et de nuit, nous y
4 dormions même. Qu’il pleuve ou pas, quand il pleuvait, s'il faisait
5 froid, s’il y avait des flaques d’eau, nous devions continuer à y
6 rester allongés. Nous ne pouvions même pas nous accroupir parce que
7 nous étions entourés par des véhicules blindés de la Republika
8 Srpska, ils tiraient à la mitrailleuse au-dessus de nos têtes, alors
9 nous devions absolument rester allongés.
10 Nous avions terriblement froid. Alors nous essayions de nous
11 rapprocher les uns des autres. Des personnes âgées pleuraient. Il y
12 avait aussi des enfants. C’était très dur. Durant les cinq premiers
13 jours et les cinq premiers jours ils ne voulaient pas -- ils ne nous
14 donnaient rien à manger, ils ne nous donnaient même pas d’eau à
15 boire. Nous étions physiquement anéantis. Quand nous pouvions nous
16 lever ce qu’on ne nous permettait pas souvent, beaucoup de gens
17 s’évanouissaient. Tout simplement on voyait tout noir devant soi.
18 Soit il fallait s’accrocher la personne la plus proche soit on
19 tombait. C’étaient incroyable. Nous ne pouvions pas parler. Mes
20 lèvres étaient complètement desséchées. Je saignais. Je ne pouvais
21 pas comprendre comment un homme pouvait faire ça à un autre. Nous
22 avions travaillé avec ces gens, joué ensemble, nous nous étions
23 mariés avec eux, nous avions assisté ensemble à des enterrements.
24 C’était terriblement difficile. Je veux dire terriblement difficile
25 mentalement. Cela nous touchait épouvantablement. Nous avons
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1 vraiment trouvé ça dur, croyez-moi. Je ne veux pas vous ennuyer avec
2 ces histoires, donc si vous avez des questions, bien sûr je les
3 entendrai.
4 M. TIEGER : Je pense qu’il est maintenant temps de faire une pause.
5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L’audience est suspendue pendant 20 minutes.
6 (11h30)
7 (Brève suspension d’audience)
8 (11h55)
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous pouvez reprendre.
10 M. TIEGER : Merci, Madame la Présidente. M. Susic, vous êtes resté sur la
11 pista pendant environ un mois ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Puis vous avez été transféré dans le grand hangar qui est également
14 représenté sur la maquette ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Vous vous trouviez d’abord au rez-de-chaussée du hangar dans un
17 espace fermé où l’on gardait des équipements miniers lourds en temps
18 normal ?
19 R. : Oui.
20 Q. : La zone où se trouvaient les prisonniers était entourée de fils de
21 fer ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Après quelque temps, avez-vous réussi à sortir en cachette de cette
24 zone et à gagner une pièce à l’étage dans le hangar?
25 R. : Oui. J’ai réussi à sortir. Quand nous sommes entrés dans le
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1 hangar....
2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le compte-rendu ne s’imprime pas, bien qu’il
3 semble être en marche. M. Tieger, veuillez recommencer.
4 M. TIEGER : M. Susic, je vais répéter les questions que je viens de vous
5 poser parce que le compte-rendu de ce que vous venez de dire ne
6 s’est pas inscrit. Vous êtes resté sur la pista pendant environ un
7 mois ?
8 R. : Oui.
9 Q. :Puis vous avez été transféré dans le grand hangar ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Vous vous trouviez avec d’autres prisonniers au rez-de-chaussée du
12 hangar dans un espace où l’on gardait des équipements miniers lourds
13 en temps normal ?
14 R. : Tous les prisonniers de la pista ont été transférés dans le hangar.
15 Du vieux matériel minier hors d’usage y était entassé. On nous a
16 entourés de fils de fer. J’y ai passé plusieurs jours. J’ai tout
17 essayé pour partir dès que possible parce que chaque soir des
18 soldats venaient et emmenaient des hommes, ils les tuaient, ils les
19 battaient gravement et en voyant que ma vie était en danger j’ai
20 cherché une autre solution et au moment d’une panne d’électricité,
21 j’ai réussi à sortir.
22 Q. : Vous êtes allés dans une pièce du hangar à l’étage ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Vous y êtes resté jusqu’à votre transfert au camp de Manjaca ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Avez-vous été interrogé pendant que vous étiez à Omarska ?
2 R. : Je n’ai été interrogé qu’une fois.
3 Q. :Savez-vous qui vous a interrogé ?
4 R. : Oui. Il s’appelait Dragan Radakovic, avec plusieurs autres hommes que
5 je ne connaissais pas. En plus de lui, il y avait deux soldats de la
6 Republika Srpska qui forçaient les prisonniers en les battant à
7 donner des renseignements qu’ils voulaient entendre. Le traitement
8 était très cruel.
9 Q. :Avez-vous été battu durant votre interrogatoire ?
10 R. : Ils ne m’ont pas battu.
11 Q. : Avez-vous vu dans quel état étaient les autres prisonniers avant et
12 après leur interrogatoire ?
13 R. : Je l’ai vu. Quand on m’a emmené pour un interrogatoire nous étions
14 encore à la pista. La plupart du temps quand des interrogatoires
15 avaient lieu nous devions nous tourner vers le hangar pour ne pas
16 voir dans quel état se trouvaient les gens qui sortaient d’un
17 interrogatoire. Ils subissaient des coups graves alors ils
18 demandaient qu’une veste ou une couverture soit montée pour que la
19 victime, même celles qui ne donnaient pas signe de vie soit sortie
20 et déposée dans l’herbe devant le restaurant. Ça arrivait tous les
21 jours. Ces choses étaient quotidiennes.
22 Pour mon interrogatoire, un soldat qui s’appelait Milan Pavlic s’est
23 approché de moi, m’a mis sa bayonnette sous la gorge, il m’a menacé
24 en disant que je devais répondre aux questions de M. Radakovic et
25 après il m’a demandé "Comment est-ce que je vous coupe la gorge ?"
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1 J’ai répondu "De la manière la plus simple pour vous". Puis
2 Radakovic lui a fait signe du regard de me laisser et m’a dit de
3 retourner à la pista, qu’il penserait à moi, mais que probablement
4 mes deux frères et moi serions liquidés. Pourquoi, je ne savais pas.
5 Je suis retourné à la pista.
6 Q. : Vous avez indiqué auparavant que les prisonniers étaient battus en
7 d’autres occasions que durant les interrogatoires. Avez-vous vu la
8 condition des prisonniers détenus dans la maison blanche ?
9 R. : La maison blanche était une sorte de purgatoire pour nous. On n’y
10 emmenait les gens mais ils en ressortaient gravement battus et la
11 plupart du temps déjà morts. Il était terrible d’apprendre que l’on
12 devait aller à la maison blanche, parce que s’ils vous disaient
13 qu’il fallait y aller, dans la plupart des cas cela signifiait la
14 fin. J’ai vu les gens qui avaient été battus, qui avaient été
15 mutilés, avec des fractures ouvertes aux extrémités, aux membres,
16 aux bras et aux jambes et des blessures si graves au visage que je
17 ne pouvais plus reconnaître des personnes que j’avais connues. L’une
18 des ces personnes était le Président du SDA à Kozarac, Becir
19 Medunjanin. Il avait été gravement battu tout comme son fils qui a
20 survécu, à peu près à cette époque il a été liquidé à Omarska. Il a
21 supplié le soldat de le tuer, mais de ne plus le battre. Je l’ai
22 entendu moi-même et je l’ai vu.
23 Q. : Avez-vous vu des responsables officiels serbes de Prijedor à Omarska
24 ?
25 R. : A deux reprises à Omarska, j’ai vu Simo Miskovic et Simo Drljaca. Je
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1 les ai vu tous les deux au grand jour. Simo Drljaca portait un
2 uniforme camouflé. Il savait et voyait ce qui se passait, le
3 traitement qu’on nous infligeait. Je crois qu’il n’a rien fait pour
4 aider ou pour changer la situation parce que celle-ci est restée la
5 même.
6 Q. : Qui commandait le camp d’Omarska ?
7 R. : Le commandant du camp d’Omarska était Zeljko Meakic.
8 Q. : Avez-vous vu Simo Drljaca parler avec Zeljko Meakic ?
9 R. : Généralement, quand Simo venait à Omarska à l’entrée du bâtiment ou
10 du restaurant, Mejakic ou un certain nombre d’officiers venaient le
11 rejoindre ils parlaient cinq minutes dehors avant d’aller à l’étage.
12 Ils avaient leurs bureaux à l’étage où ils discutaient probablement
13 des activités et des développements à venir. Je ne sais pas de quoi
14 mais je les ai vus parler.
15 Q. : Est-ce que des responsables officiels, des responsables serbes qui
16 n’étaient pas de Prijedor venaient à Omarska ?
17 R. : Parmi les représentants des autorités serbes en dehors de Prijedor,
18 je peux citer le cas de Radoslav Brdjanin, qui était un pilier du
19 SDS à Banja Luka. Une fois, il est venu en hélicoptère. Je me
20 souviens que l’hélicoptère a atterri juste derrière le bâtiment du
21 restaurant. L’homme est sorti. Tout le monde a dit que c’était
22 Radoslav Brdjanin. Il s’est présenté par la suite. On nous a fait
23 mettre en rang et on nous a ordonné de chanter des chansons
24 chetniks. Beaucoup de gens pour ne pas être tués ont chanté et crié.
25 A la fin il nous a dit, très sarcastique "Pourquoi avez-vous eu
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1 besoin de tout ça ?" Et à cette époque Kozarac avait déjà été
2 détruite et brûlée.
3 Q. : Durant votre séjour à Omarska, y avez-vous vu Dusko Tadic ?
4 R. : Croyez-moi, en raison de tout ce qui s’était passé avant la guerre et
5 du fait que je connaissais sa famille, j'aurais personnellement aimé
6 ne pas le voir. Je n’ai vu Dusko Tadic qu’une fois à Omarska. Il est
7 venu avec un groupe de soldats de la Republika Srpska. Quand je l'ai
8 vu ce jour-là, il faisait soleil, c’était une journée claire. Dusko
9 ne portait pas d’arme. Je n’ai pas vu d’armes sur lui. Il parlait
10 avec des gens. Il est entré dans le bâtiment administratif et il est
11 monté à l’étage, parce que j’étais assis sur la pista à ce moment là
12 et à travers la vitre on pouvait voir les gens monter et descendre
13 les escaliers. Ce jour-là je ne l’ai pas vu descendre.
14 Dans la soirée, ceux d’entre nous qui étaient sur la pista ont été
15 obligé de la quitter et nous avons été menés, 600 ou 700 d’entre
16 nous, dans le restaurant parce qu’il était plus facile pour eux de
17 nous surveiller, afin que personne ne s’échappe ou provoque un
18 incident ou autre chose. C’était terrible pour nous parce que nous
19 étions les uns sur les autres. Nous ne pouvions pas respirer. En
20 même temps, ils venaient pour nous battre ou ils venaient en
21 chercher certains pour les emmener ailleurs, nous ne savions pas où.
22 Nous y avons passé la nuit. Le matin nous sommes retournés sur la
23 pista et nous y avons passé toute la journée jusqu’au moment ou nous
24 l’avons quittée. Je parle de la pista.
25 Q. : Je vais vous demander de vous lever un instant et d’indiquer
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1 l’endroit où vous vous trouviez sur la pista quand vous avez vu
2 Dusko Tadic et puis l’endroit où il se trouvait quand vous l’avez
3 vu. Je voudrais également vous demander, peut-être pouvez-vous
4 prendre cette baguette, pouvez-vous d’abord indiquer l’endroit de la
5 pista où vous vous trouviez ?
6 R. : Cette zone, là, entre le bâtiment administratif et le restaurant et
7 ce bâtiment où se trouvaient les bureaux, les bureaux du hangar.
8 Nous les prisonniers, nous l’appelions la "pista". L’endroit était
9 délimité par des pots de fleurs et nous avions l’ordre de ne pas les
10 dépasser et cette zone à l’arrière était également utilisée quand
11 nous faisions la queue pour le déjeuner, ce dégoûtant déjeuner.
12 Dusko arrivait de ce côté là. J’étais ici quelque part,
13 approximativement. C’était en plein jour. Le temps était ensoleillé
14 et je n’aurais pas pu le confondre avec quelqu’un d’autre. Il
15 avançait lentement, il parlait avec des soldats et il est entré ici.
16 Q. : Pouvez-vous placer deux marques jaunes qui sont je crois sur le côté
17 de la maquette et qui devraient être marquées "T" et "W"....
18 LE PRÉSIDENT : Mademoiselle Sutherland, il serait peut-être préférable que
19 le témoin utilise ces écouteurs ce qui lui permettrait de se
20 déplacer.
21 M. TIEGER : Pouvez-vous placer la marque avec "W" à l’endroit
22 approximatif où vous vous trouviez au moment où vous avez vu Dusko
23 Tadic ?
24 INTERPRETE : Excusez-moi, je vous entend à peine.
25 M. TIEGER : M. Susic, si vous parlez, il faudra vous rapprocher du micro
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1 pour que les interprètes entendent ce que vous dites.
2 R. : Excusez-moi. Cette marque avec "W" montre approximativement où
3 j’étais. Il m’est difficile de préciser, à peu près ici.
4 Q. : Pouvez-vous indiquer avec la marque "T" l’endroit approximatif où se
5 trouvait Dusko Tadic au moment où vous l’avez vu ?
6 R. : Dusko se trouvait par ici. Il venait, je pense, de là. Je ne pouvais
7 pas voir. Je n’ai pas fait attention jusqu’à ce qu’il apparaisse.
8 Cette partie ici et celle-là sont en verre donc il est possible de
9 voir ce côté à travers la vitre. C’était environ ici, plus ou moins.
10 Je n’ai pas fait attention à la distance parce que bien sûr je ne
11 pensais pas à cela alors.
12 Il avançait lentement, parlant tout le temps, et en le remarquant en
13 raison des relations amicales d’avant, j’ai spontanément levé la
14 main pour lui faire signe pour lui dire que j’étais là, en espérant
15 qu’il pourrait m’aider. Mon beau-frère était assis à côté de moi. Il
16 m’a tiré le bras et il m’a dit "Ne fais pas ça, Kemal. Tu ne sais
17 pas ce qui pourrait t’arriver." Je ne savais que penser et j’étais
18 déçu, j’ai baissé la main. Je pense parfois à ce moment, peut-être
19 Dusko m’a-t-il remarqué mais il n’en a rien laissé paraître, il n’a
20 fait aucun signe de reconnaissance et il est entré.
21 Q. : M. Susic, vous pouvez vous rasseoir.
22 R. : Merci.
23 Q. : Comment étaient habillés les soldats qui accompagnaient Dusko Tadic ?
24 R. : A cette époque les uniformes de l’armée de la Republika Srpska
25 étaient divers. Certains portaient des pantalons de camouflage et
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1 des vestes ordinaires de l’ancienne armée populaire yougoslave,
2 certains portaient des chemises bleues et d’autres des vêtements
3 civils. Ils étaient indisciplinés, pas rasés. A mon avis, c’était
4 une armée sans discipline, sans ordre. Ils se conduisaient comme des
5 hooligans. Ils juraient.
6 Q. : Vous souvenez-vous de la tenue des soldats qui accompagnaient Dusko
7 Tadic ?
8 R. : Dusko portaient des pantalons de camouflage et une chemise sans
9 veste. Il n’était pas armé.
10 Q. : Chemise de camouflage ?
11 R. : Non, une chemise ordinaire.
12 Q. : Vous avez indiqué que lui et les gens qui l’accompagnaient ont
13 lentement longé la façade du restaurant et sont entrés dans le
14 bâtiment du restaurant. Pouviez-vous le voir monter l’escalier à
15 travers la vitre ?
16 R. : Oui, parce que les vitres étaient transparentes et toute une partie
17 était en verre, peut-être en Plexiglas, je ne sais pas, et on
18 pouvait voir à travers et reconnaître les personnes qui montaient et
19 qui descendaient. La distance n’était pas grande. Il y avait souvent
20 trois ou quatre personnes qui surveillaient de là ceux qui se
21 trouvaient sur la pista pour voir qui était assis avec qui, qui
22 parlait avec qui, s’il y avait des relations entre les gens. Dans un
23 certain endroit du restaurant, il y avait un endroit avec un homme
24 armé d’une mitrailleuse qui gardait les gens assis sur la pista. Ce
25 sont juste quelques détails. Je ne sais pas s’ils sont importants.
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1 Je veux seulement expliquer.
2 Q. : Vous êtes resté sur la pista jusqu’à la nuit quand on vous a
3 transférés dans le bâtiment du restaurant, est-ce exact ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Le jour où vous avez vu Dusko Tadic ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Vous ne l’avez pas vu quitter le bâtiment du restaurant ?
8 R. : Non.
9 Q. : Monsieur, pouvez-vous regarder la salle d’audience et nous dire si
10 Dusko Tadic s’y trouve ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Pouvez-vous le désigner, s’il vous plaît et nous dire ce qu’il porte
13 ?
14 R. : C’est l’homme assis au milieu. Il porte une veste bleue, une cravate
15 et une chemise blanche.
16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il sera enregistré que le témoin a identifié
17 l’accusé.
18 M. TIEGER : Merci, Madame la Présidente. Ce sera tout.
19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire, M. Kay ?
20 M. KAY : Oui, votre honneur.
21 Contre-interrogatoire mené par M. KAY
22 Q. : M. Susic, je voudrais premièrement vous poser quelques questions sur
23 la période précédant l’attaque de Kozarac. Vous nous avez dit que
24 vous étiez impliqué dans un groupe pacifiste et que vous êtes allés
25 négocier à Prijedor pour Kozarac. Vous nous avez dit que Dusko Tadic
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1 était membre de ce groupe les deux fois que vous y êtes allés. Vous
2 vous souvenez de votre témoignage ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Vous nous avez également dit que c’était vous qui l’aviez proposé au
5 groupe et que vous aviez quitté la pièce où vous vous trouviez parce
6 que vous l’aviez vu passer dans la rue et que vous lui avez soumis
7 cette idée. Ai-je bien compris cela ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Vous rappelez-vous avant de lui parler de cet arrangement, si en fait
10 vous aviez eu avec lui des discussions au sujet de cette rencontre à
11 Prijedor avec les autres membres de la cellule de crise ?
12 R. : Je ne pense pas.
13 Q. : Pouvez-vous vous souvenir si, en fait, Bosko Dragicevic vous avait
14 également accompagnés à l’une des rencontres ?
15 R. : On a proposé à Bosko Dragicevic de se joindre à nous mais il a
16 refusé, il ne voulait pas venir avec nous ?
17 Q. : Un homme du nom de Mehmet Ilijaz, Président du SDA à Prijedor était-
18 il présent à la réunion à Prijedor ?
19 R. : Mehmet ?
20 Q. : Mehmet Ilijaz.
21 R. : Non, je ne me le rappelle pas.
22 Q. : Non, pas dans votre délégation, mais juste en tant que personne de
23 Prijedor présente avec les autres personnes de Prijedor, dont vous
24 avez nommés certaines ? Pouvez-vous vous souvenir ?
25 R. : Un instant...
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1 Q. : Bien sûr.
2 R. : ...s’il vous plaît. A la réunion, Dedo Trnalic était présent, pour
3 autant que je m’en souvienne. Je n’habite pas Prijedor. Je ne
4 connais pas beaucoup de gens de Prijedor. Qui plus est, je ne
5 connaissais que très peu de gens associés au parti SDA à Prijedor,
6 je ne peux donc vous donner des renseignements sûrs concernant les
7 noms des personnes qui assistaient à cette réunion.
8 Q. : Merci. S’agissant de cette réunion, vous souvenez-vous si on a pris
9 des notes ?
10 R. : Pour autant que je sache, un homme du nom de Pero Kovacevic a pris
11 des notes. Je ne sais pas pour quelle raison on lui a confié cette
12 tâche. Mais je pense que c’est ce qu’il faisait de toute manière. On
13 ne nous a pas donné ces notes pour que nous en vérifions le contenu.
14 On les a simplement emportées.
15 Q. : Juste deux questions concernant d’autres points sur la période
16 précédant l’attaque de Kozarac. Je ne sais pas si vous vous souvenez
17 d’un homme qui habitait Kozarac, Adem Kahrimanovic ?
18 R. : Je m’en souviens.
19 Q. : Est-il exact qu’il est parti à Banja Luka avant l’attaque contre
20 Kozarac ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Vous souvenez-vous s’il est allé habiter chez sa soeur à Banja Luka ?
23 R. : Non, il est parti avec sa femme et il est allé habiter chez ma soeur
24 qui vivait alors à Banja Luka.
25 Q. : Oui, vous avez probablement raison à ce sujet, je ne fais
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1 qu’interpréter quelque chose qui m’a été donné et j’accepte votre
2 affirmation. C’était chez votre soeur ?
3 R. : C’est exact. C’est juste. Cet homme est mon oncle et sa femme est ma
4 tante et ils ont vécu à Banja Luka avec ma soeur pendant une
5 période.
6 Q. : Vous souvenez-vous si, en fait, Dusko Tadic et son frère Ljubo ont
7 aidé Adem à déménager de Kozarac ?
8 R. : Ils ne l’ont pas aidé directement mais Dusko lui a dit qu’il serait
9 sage de quitter Kozarac, sachant probablement ce qui allait s’y
10 produire ; il est très probable qu’il ait fait cela par gratitude
11 parce que cet homme lui avait prêté une certaine somme d’argent pour
12 terminer la construction de son bâtiment et mon oncle est parti à
13 Banja Luka. Je l’ai personnellement conduit au croisement de la
14 route principale Prijedor/ Banja Luka d’où il est allé à Banja Luka
15 en autocar et il y est resté.
16 Q. :Avez-vous eu des nouvelles d’Adem pendant que vous étiez à Trnopolje
17 ou à Omarska ? Avez-vous reçu des messages de lui ?
18 R. : Je suis resté un seul jour à Trnopolje jusqu’au crépuscule. A Omarska
19 j’ai passé deux mois et sept jours. Je n’ai jamais reçu de message
20 de lui.
21 Q. : Merci. J’aimerais soulever d’autres points concernant également Dusko
22 Tadic. Premièrement, vous avez toujours porté la barbe, est-ce
23 correct ?
24 R. : Ce n’était pas si fréquent. Parfois je me rasais mais parfois
25 c’était comme une mode, un caprice et je pensais qu’il n’y avait
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1 rien de mal à porter la barbe, pour moi avoir une barbe est une
2 chose normale, le choix démocratique d’un individu. Tout le monde
3 est libre de s’habiller comme il veut ou de porter une barbe s’il le
4 souhaite.
5 Q. : Ce n’était pas une critique !
6 R. : Je ne l’ai pas pris comme une critique. Je pensais juste vous devoir
7 une explication.
8 Q. : Oui, mais votre démocratie vous imposait aussi d’avoir une pièce
9 d’identification en ex-Yougoslavie, est-ce exact ?
10 R. : Oui, j’en avais une.
11 Q. : Sur cette carte d’identité se trouvait la photographie du titulaire
12 de la carte ? Les interprètes ont besoin d’un mot plutôt que d’un
13 signe de tête, monsieur. Pouvez-vous répondre oui ou non ?
14 R. : Non. Je vais vous dire. Je vous écoute. J’avais une carte d’identité.
15 Je l’ai toujours avec moi et je peux vous montrer la photographie.
16 Sur cette photographie je portais la barbe pour documentation.
17 Q. : Ma question ne portait pas sur ce sujet, mais si vous avez changé
18 d’apparence, n’ayant pas porté de barbe, puis décidant d’en porter
19 une plus régulièrement, est-il exact que vous auriez dû changer la
20 photographie de votre carte d’identité ?
21 R. : Selon le règlement, oui, mais les autorités en Bosnie n’étaient pas
22 si strictes, particulièrement dans la localité où je me trouvais. Il
23 suffisait que je montre ma carte d’identité. Que nous soyons rasés
24 ou pas ils connaissaient mon identité et savaient qui j’étais et
25 qu’il n’y avait pas de problème. Il n’y avait ni sanctions, ni
Page 3621
1 conséquences.
2 Q. : S’agissant de Dusko Tadic, vous avez mentionné le fait qu’il avait ou
3 non une barbe, mais pouvez-vous vous souvenir qu’il y a bien eu une
4 période, peu avant le conflit de 1992 pendant laquelle il portait
5 une barbe de manière constante ?
6 R. : Je m’en souviens.
7 Q. : Vous l’avez connu, comme vous l’avez dit à la Cour, pendant des
8 années. Il y a eu des périodes pourtant pendant lesquelles il ne
9 vivait pas à Kozarac, peut-être vous souvenez-vous que dans les
10 années quatre-vingt il est allé en Lybie, est-ce exact ?
11 R. : Oui, je ne sais pas s’il était en Lybie mais je sais que pendant une
12 période il ne vivait pas à Kozarac et je sais qu’il a passé quelques
13 temps à Banja Luka. Mais, croyez-moi c’est la première fois que
14 j’entend dire qu’il aurait vécu en Lybie. Kozarac est une petite
15 ville, peut-être en aurais-je entendu parler mais, après tout, je ne
16 pense pas que ce soit particulièrement important et pourquoi moi ou
17 qui que ce soit d’autre saurait si Dusko Tadic est ou non allé en
18 Lybie ?
19 Q. : Ce qui revient à dire que, bien que vous vous souveniez qu’il y a eu
20 des périodes durant lesquelles il ne vivait pas à Kozarac vous ne
21 pouvez pas nous dire où il se trouvait ?
22 R. : Je pense qu’il vivait à Banja Luka parce qu’il possédait une voiture
23 de marque Visa avec des plaques minéralogiques de Banja Luka. Je
24 pense que je peux même me souvenir de la couleur de sa voiture. Elle
25 était grise. Il venait fréquemment en voiture à Kozarac puis il
Page 3622
1 allait à Banja Luka. Je ne sais pas ce qu’il faisait à Banja Luka et
2 après tout c’est son affaire personnelle.
3 Q. : Hormis cette période à Banja Luka, vous souvenez-vous qu’il ait
4 travaillé ailleurs en ex-Yougoslavie, dans une autre région ?
5 R. : Je ne m’en souviens pas. Je sais seulement qu’il allait souvent en
6 Allemagne avec son frère Mladen qui vivait à Munich à cette époque.
7 Je ne sais pas non plus s’il travaillait en Allemagne, s’il y avait
8 ou non une occupation, ou s’il y avait un travail régulier, mais je
9 ne pense pas puisque je le voyais assez fréquemment et que ces
10 visites étaient généralement de courte durée. Donc il était souvent
11 à Kozarac et il se déplaçait principalement entre Banja Luka et
12 Kozarac.
13 Q. : Vous souvenez-vous, toujours avant l’attaque de Kozarac, qu’il avait
14 pris beaucoup de poids qu’il était plus corpulent que par le passé ?
15 R. : Oui. Je me rappelle cela également.
16 Q. : Vous avez remarqué ces changements dans son apparence ?
17 R. : Oui, je m’en souviens. J’ai également remarqué cela.
18 Q. : Encore une fois, ce n’est pas quelqu’un que vous aviez l’habitude de
19 voir habillé en vêtements militaires. Ce n’était pas le type de
20 vêtements que vous lui voyiez généralement porter ?
21 R. : Avant la guerre, je ne l’ai pas vu porter cet uniforme à Kozarac.
22 Q. : Non.
23 R. : Je ne sais pas si quelqu’un d’autre l’a vu dans cet uniforme mais moi
24 non.
25 Q. : Oui, quand vous le voyiez, il portait des vêtements ordinaires ?
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1 R. : Des vêtements civils.
2 Q. : Oui. Je voudrais vous poser quelques questions sur Trnopolje. Vous
3 avez mentionné une personne du nom de Bozo qui vous a aidé à
4 Trnopolje ?
5 R. : Oui. Je pense que son nom était Bozo et il travaillait pour autant
6 que je sache d’après ce que m’en a dit ma soeur, pour le Secrétariat
7 de l’intérieur à Prijedor. Je pense qu’à cette époque il était déjà
8 à la retraite, mais quand la guerre a éclaté il avait repris du
9 service. Je ne connais pas son nom de famille.
10 Q. : Était-ce Bozo Karajica ?
11 R. : Kararjica ou Karajica, non.
12 Q. : Une autre question. Quand vous étiez à Omarska avez-vous reçu de la
13 nourriture d’un garde qui vous a aidé, du nom de Merko Vidovic ?
14 R. : Oui.
15 Q. : C’est tout ce que je souhaitais vous demander sur ces points et
16 maintenant je voudrais que nous passions au moment ou vous vous
17 trouviez sur la pista. Vous dites avoir vu Dusko Tadic. Pouvez-vous
18 vous souvenir quand et depuis combien de temps vous vous trouviez à
19 Omarska à ce moment-là ?
20 R. : On m’a amené à Omarska le 30 mai 1992 et pour préciser la date où je
21 l’ai vu, à ce moment là je pensais, non à ce moment-là je n’y ai pas
22 pensé mais je dirais que c’était en juin, je dirais durant la
23 deuxième moitié du mois de juin. Il faisait relativement chaud à ce
24 moment-là. Ce devait être vers midi. Il faisait soleil. Nous étions
25 tous assis sur la pista, face à... en fait ça dépendait. Nous étions
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1 légèrement détendus à ce moment-là et je me trouvais faire face au
2 restaurant, le bâtiment administratif, plus par curiosité parce que
3 beaucoup de choses se produisaient à l’entrée. De nouvelles
4 personnes arrivaient, des nouveaux prisonniers étaient amenés, on
5 les battait à l’entrée et on les emmenait dans différentes pièces,
6 etc.
7 Q. : Était-ce durant la période où vous passiez la nuit dans le hangar ou
8 dans le restaurant ou sur la pista ?
9 R. : A cette époque, en gros, nous passions toute la soirée et souvent
10 tous les soirs dehors mais souvent pour des raisons de sécurité ils
11 nous forçaient à entrer dans le restaurant parce que cela leur
12 permettait de nous surveiller plus facilement. Et puis le matin ils
13 nous mettaient dehors à 6 heures ou 6 heures et demie, ils nous
14 mettaient dehors et chacun de nous cherchait un endroit sur la pista
15 pour y passer la journée. Je ne sais pas à quoi vous pensez mais il
16 est absolument impossible que je me sois trompé de personne. Peut-
17 être aurais-je pu me tromper sur quelqu’un que je n’aurais connu que
18 depuis un ou deux mois mais quelqu’un qui a grandi sous mes yeux,
19 qui a été mon élève, dont je connaissais la démarche, la démarche
20 caractéristique et les gestes, dont je connaissais la manière de
21 parler, il aurait été difficile de me tromper sur cette personne.
22 Pour être tout à fait sincère, son apparition m’a personnellement
23 causée une grande déception, parce que je pensais qu’il prendrait
24 ses distances par rapport à cela ou au moins qu’il ne viendrait pas
25 à Omarska qui était la quintessence du mal comme la suite l’a
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1 montré.
2 Q. : Vous voyez, ce que je suggère c’est qu’une personne dans l’erreur
3 peut croire à son erreur, et c’est ce que je prétends, que vous vous
4 êtes trompé en l’identifiant. Peut-être souhaitez-vous que nous
5 passions en revue tous les deux certains détails afin de se décider
6 de ce point. Vous avez mentionné les pots de fleur entre le...
7 M. TIEGER : M. Kay, je suis désolé de vous interrompre, mais avant que
8 nous n’allions au coeur de l’affaire je souhaiterais demander une
9 modification de la période.
10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Que voulez-vous dire par là ?
11 M. TIEGER : Mention en est faite à un endroit antérieur du compte-rendu,
12 cela se produit à 12.31 32 page 41/15. Si on pouvait communiquer ce
13 fait aux techniciens.
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : A quel moment, le 12 ?
15 M. TIEGER : Cela fait référence à un endroit dont il est possible que la
16 Cour se souvienne.
17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : A quel moment ?
18 M. TIEGER : a 12.31.32
19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Y a-t-il une objection, le voyez-vous sur
20 votre écran, M. Kay ?
21 M. KAY : Mademoiselle de Bertodano m’a informé de l’affaire.
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Regardez et vous le verrez à 12.31.32. Pas
23 d’objection à sa modification ?
24 M. KAY : Aucune.
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien, ce sera modifié. Merci.
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1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, vous pouvez poursuivre.
2 M. KAY : Merci, Madame la Présidente. (Au témoin) : Puis-je donc vous
3 demander quelques précisions sur ce point ? La première est celle-ci
4 : vous avez mentionné la présence de pots de fleurs qui formaient la
5 limite de la pista. Étaient-ils placés en haie des deux côtés du
6 hangar jusqu’au bâtiment du restaurant ?
7 R. : Ces pots de fleurs ne formaient pas une haie. Ils étaient simplement
8 là comme ornements et auparavant ils avaient contenu des fleurs. Je
9 voudrais vous demander de m’expliquer pourquoi vous supposez et
10 aussi pourquoi vous me montrez un document et sur quoi vous fondez
11 votre conclusion selon laquelle je l’ai confondu avec quelqu’un
12 d’autre et pour quelle raison j’aurais pu faire cette erreur ? C’est
13 ce que vous m’avez dit.
14 Q. : S’il vous plaît. Je pense que les choses se passeront mieux pour la
15 Cour si vous me permettez de poser les questions et si vous répondez
16 aux questions que je vous pose. Puis, si d’autres points ont besoin
17 d’être soulevés par le Substitut du Procureur, il le fera. Donc,
18 voudriez-vous je vous prie vous en tenir à répondre à mes questions,
19 cela ne durera pas longtemps. Tout ce que je voulais savoir était la
20 position des pots de fleurs dont vous avez dit qu’ils délimitaient
21 la pista.
22 R. : Il faudrait que je me lève pour l’indiquer.
23 Q. : Je vous en prie, faites-le et si M. Bos peut vous donner la baguette
24 indiquez les endroits où se trouvaient ces pots de manière à ce que
25 la cour puisse le voir.
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1 R. : (Le témoin indique des points sur la maquette). Je ne sais pas
2 combien il y en avait exactement mais voilà comment ils étaient
3 placés vers le restaurant et de l’autre côté. Il est vrai, bien sûr,
4 qu’il y avait de l’espace entre eux, il y avait un certain espace
5 entre eux et nous qui étions sur la pista avions l’ordre de ne pas
6 les dépasser.
7 Q. : Merci d’avoir répondu à ma question, vous pouvez vous rasseoir. Je
8 voudrais vous demander maintenant de nous dire le nombre
9 approximatif de personnes qui se trouvaient sur la pista avec vous
10 en juin. Pouvez-vous nous donner un chiffre ?
11 R. : Environ 600.
12 Q. : Aurais-je raison de suggérer qu’il s’agissait d’un petit espace pour
13 contenir 600 personnes ?
14 R. : Vous avez tout à fait raison. Ils étaient entassés. L’espace était
15 surpeuplé. Nous ne pouvions pas bouger mais nous étions obligés
16 d’être là. On nous avait ordonné de ne pas quitter cette zone. Il y
17 avait à peine la place de s’asseoir les uns à côté des autres.
18 Q. : Ce jour-là on vous avait demandé de rester assis ou couchés et à
19 quelques occasions on vous a permis de vous lever?
20 R. : Souvent quand les soldats arrivaient du front, quand ils battaient
21 gravement des gens ou les tuaient, on nous ordonnait de nous
22 allonger face contre l’asphalte et nous étions souvent les uns sur
23 les autres, mais nous ne pouvions pas lever la tête pour voir qui
24 étaient ceux qui emmenaient les gens et les tuaient suivant un
25 certain plan, suivant des listes toute prêtes. Nous n’avions pas le
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1 droit de voir cela. Il suffisait qu’un soldat vienne vers vous et
2 vous demande : "Me connaissez-vous ? Si vous disiez oui, on vous
3 tuait. Nous restions allongés dans l’eau pendant cinq ou six heures
4 et nous n’avions pas le droit de nous lever. S’il pleuvait toute la
5 journée nous n’avions pas le droit de partir et nos vêtements
6 étaient trempés et séchaient sur nous. C’était très dur d’être
7 allongé. Quand nous avions l’ordre de nous lever de nombreuses
8 personnes restaient allongées. Quelques personnes âgées sont mortes
9 sur la pista parce qu’elles étaient déjà décharnées, épuisées.
10 Q. : Les jours ordinaires vous demandait-on d’être assis sur le tarmac le
11 visage vers le sol ?
12 R. : Ils nous l’on demandé à plusieurs reprises. Généralement et la
13 plupart du temps durant la journée quand la Commission de Banja
14 Luka, les jours ou la Commission de Banja Luka venait pour conduire
15 des interrogatoires, certains inspecteurs qui venaient et des
16 policiers du Secrétariat de l’intérieur emmenaient les gens au
17 premier étage du bâtiment du restaurant et, après ces
18 interrogatoires honteux, ils infligeaient des sévices graves aux
19 nôtres, les battaient et nous avions l’ordre de ne pas regarder dans
20 cette direction, c’est-à-dire soit de s’asseoir dans la direction
21 opposée, vers un autre bâtiment, soit de s’allonger face contre
22 terre. Il suffisait que l’un de nous relève la tête pour que les
23 soldats, des douzaines de soldats nous marchent sur le dos avec
24 leurs bottes et nous frappent avec divers objets, avec des barres de
25 métal, de fer avec des câbles ou tout ce qu’ils pouvaient trouver.
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1 Il suffisait qu’une personne lève la tête pour recevoir un coup
2 terrible à la tête et cela se produisait fréquemment.
3 Q. : Donc vous nous dites que lorsque rien de spécial, aucuns sévices
4 particuliers n’avaient lieu, aucune visite que l’on voulait cacher,
5 n’avait lieu, vous pouviez alors lever les yeux et regarder autour
6 de vous et vous n’étiez pas obligés de regarder le sol ou le hangar
7 ?
8 R. : Quand il y avait une accalmie relative, qu’il n’y avait pas d’excès,
9 alors nous avions la permission de nous asseoir face les uns aux
10 autres ou de demander de l’eau. Parfois nous avions la permission de
11 boire l’eau de la rivière proche qu’ils apportaient dans des
12 jerricans à essence. L’eau était imbuvable, elle était pleine
13 d’insectes ou de boue mais il fallait boire parce qu’il n’y avait
14 pas d’autre eau pour nous. C’étaient les seuls moments pendant
15 lesquels nous étions un peu plus détendus ou nous avions moins peur,
16 mais cela arrivait très rarement.
17 Q. : Donc il semble qu’au moment ou vous dites avoir vu Dusko Tadic était
18 un moment ou vous aviez la permission de regarder autour de vous,
19 est-ce exact ?
20 R. : Oui, à ce moment là nous étions libres. Nous pouvions peut-être
21 marcher un peu, se déplacer entre nous où si quelqu’un avait un peu
22 de nourriture sur soi, peut-être des biscuits ou un petit morceau de
23 pain après le déjeuner, nous en avions dans nos poches, dans nos
24 vestes ou ailleurs. A ce moment je faisais face au restaurant et
25 nous regardions souvent vers le restaurant pour voir s'ils amenaient
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1 des amis ou des membres de nos familles ou des frères, nos femmes,
2 des mères et cela arrivait. A Omarska, ils ont amené environ 40
3 femmes et leur ont infligé les traitements les plus graves et nous
4 avons vu ça, nous l’avons entendu. Je ne pourrais jamais oublier les
5 cris pendant la nuit et les sanglots, les appels à l’aide. Le matin
6 quand elles étaient assises à la table du restaurant je voyais des
7 hématomes sur leurs yeux et des traces de coups et les vêtements
8 déchirés. C’étaient des femmes qui ne pouvaient dire un seul mot,
9 elles ne pleuraient même pas. Leurs visages étaient blafards et
10 elles avaient les yeux fixes, elles étaient complètement perdues.
11 C’était terrible à voir. Nous d’un côté battus et mutilés et elles
12 de l’autre. Ce sont des faits. Ce sont les faits concernant Omarska.
13 Q. : Donc au moment dont nous parlons, personnes ne vous avait forcé, vous
14 ou les personnes qui se trouvaient avec vous, à regarder ailleurs ni
15 ne vous avait empêché de voir ce qui se passait pour protéger une
16 identité, est-ce exact ?
17 R. : Ils ont demandé, les soldats du front venaient fréquemment en
18 véhicules de combat, furieux, revanchards et ils demandaient que
19 nous nous tournions vers le hangar et ils passaient entre nous et
20 ceux qui étaient légèrement plus forts, qui avaient perdu moins de
21 poids ils les emmenaient, les battaient gravement et beaucoup
22 d’entre eux ne revenaient pas. Il y avait aussi des moments,
23 fréquents, où on les emmenaient à la maison blanche et ils en
24 revenaient invalides, complètement handicapés ou bien on les en
25 sortaient morts et on les déposait sur l’herbe devant la maison
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1 blanche. Chaque matin un camion jaune avec un excavateur improvisé
2 les emmenaient là où se trouvaient les rejets des mines. Certains
3 donnaient encore signe de vie, ils n’étaient pas morts et pourtant
4 ils les emmenaient et les enterraient vivants. Je ne suis pas le
5 seul à être au courant. Beaucoup le savent et beaucoup
6 confirmeraient qu’il en était bien ainsi.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Susic, je pense que la question est, quelque
8 chose ou quelqu’un vous empêchait-il de voir M. Tadic. Était-ce bien
9 la question, M. Kay ?
10 M. KAY : Sous une forme légèrement différente.
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si vous souhaitez reformuler la question.
12 L’important est qu’elle n’a pas reçu de réponse.
13 M. KAY : Madame la Présidente, je vais continuer.
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, il vous faut une réponse à cette question.
15 Je pense que vous méritez une réponse à cette question. Justement,
16 je ne pense pas que vous ayez reçu de réponse.
17 M. KAY : Je vous en suis très obligé. (Au témoin) : Ma question est la
18 suivante : Au moment où vous dites avoir vu Dusko Tadic vous n’aviez
19 pas l’ordre de vous tourner vers le hangar ou de regarder au sol, et
20 donc vous pouviez voir qui était là ou ce qui se passait, est-ce
21 exact ? Une réponse simple aiderait probablement la Cour.
22 R. : Je vais vous expliquer. Quand j’ai vu Dusko rien de particulier ne se
23 passait sur la pista. Il n’y avait pas d’incidents et donc aucun des
24 supérieurs ne nous avait ordonné de regarder vers le hangar ou de
25 prendre une posture particulière afin de ne pas voir quelque chose.
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1 Il est simplement arrivé en compagnie de plusieurs hommes, il est
2 passé et est entré dans le bâtiment du restaurant. Nous avons
3 simplement noté que rien ne se produisait, il n’y avait pas de
4 problème, pas d’incident parce qu’ils ne pensaient pas qu’il y avait
5 quelque chose d’horrible, que quelque chose de mauvais se passait
6 qui nous force à nous tourner vers le bâtiment du restaurant ou à
7 nous en détourner. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question,
8 mais c’était la situation.
9 M. KAY : Madame la Présidente, ce serait un moment approprié.
10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE ; M. Tieger, le contre-interrogatoire de ce témoin
11 n’est pas terminé. Hier quand nous avons demandé à M. Wladimiroff
12 combien de temps lui prendrait son exposé concernant la question de
13 l’identification, il a dit une heure, ou peut-être une demi-heure,
14 si je me souviens biens, je n’ai pas regardé mes notes, une demi-
15 heure pour lui et peut-être une demi-heure pour M. Wagenaar s’il est
16 disponible. M. Wagenaar est-il disponible ?
17 M. KAY : Oui. Le Professeur Wagenaar sera disponible entre 16 heures et 16
18 heures 30. Des arrangements ont été pris hier au soir pour qu’il
19 soit présent. Donc il sera là à partir de 16 heures.
20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il sera en salle d’audience entre 16 heures et
21 16 heures 30 pour témoigner ?
22 M. KAY : C’est ce que nous espérons, Madame la Présidente. Il doit arriver
23 entre 16 heures et 16 heures 30. Il revient juste d’un voyage outre-
24 atlantique, comme la Cour le sait.
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La question est que je ne pense pas qu’il faille
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1 deux heures pour entendre les exposés de la Défense ou de
2 l’Accusation sur ce point. Ou peut-être que si. De toute façon,
3 puisque nous n’avons pas terminé le contre-interrogatoire de ce
4 témoin vous pouvez décommander vos autres témoins, M. Tieger. Nous
5 continuerons et terminerons le contre-interrogatoire de M. Susic,
6 puis nous entendrons l’exposé sur la question de l’identification.
7 Si nous finissons tôt nous trouverons probablement une occupation
8 pour ce laps de temps.
9 M. KAY : J’espérais être suffisamment bref pour en finir avec ce témoin,
10 Madame la Présidente. Je n’avais pas l’intention d’être un grand...
11 J’avais espéré finir avant le déjeuner mais je n’avais pas
12 l’intention de prendre beaucoup plus de temps.
13 PRÉSDIDENT DE LA CHAMBRE : Arrêtons-nous en là. Vous pouvez libérer vos
14 témoins restants. Lorsque l’interrogatoire de M. Susic sera terminé
15 nous entendrons les exposés et déciderons de la procédure sur cet
16 autre point et l’audience sera ajournée parce que l’autre chambre de
17 première instance a besoin de cette salle. Très bien.
18 L’audience reprendra à 14h30.
19 (13h00)
20 (Suspension d’audience du déjeuner)
21 (14h30)
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?
23 M. NIEMANN : Madame la Présidente, cet après-midi à quatre heures, je dois
24 m’occuper d’une autre affaire, serait-il possible de m’excuser ?
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Bien sûr.
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1 M. NIEMANN : Merci.
2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
3 M. KEMAL SUSIC, rappelé à la barre
4 Suite du contre-interrogatoire par M. KAY
5 Q. : M. Susic, juste quelques questions : en revenant sur le moment où
6 vous dites avoir vu Dusko Tadic alors que vous étiez sur la pista à
7 Omarska, pouvez-vous décrire son apparence à cette occasion ?
8 R. : Je pense que oui. A cette occasion Tadic portait un pantalon
9 d’uniforme camouflé et une chemise sans veste. Il n’avait pas
10 d’armes sur lui. Plusieurs des personnes qui l’escortaient portaient
11 des armes. Ils portaient des fusils automatiques ou un pistolet à la
12 ceinture.
13 Q. : Et quelle apparence avait son visage ?
14 R. : Vous voulez dire portait-il ou non une barbe ?
15 Q. : Oui.
16 R. : Non, il ne portait pas de barbe.
17 Q. : Il était entièrement rasé ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Juste une autre question que je voudrais vous poser. Pendant la
20 période où vous avez connu Dusko Tadic, l’avez-vous vu conduire une
21 moto ?
22 R. : Avant la guerre ou ?
23 Q. :Oui. Avant la guerre.
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous vois bouger. Je rejette votre objection.
25 Vous pouvez continuer, M. Kay.
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1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Susic, veuillez répondre à la question.
2 TÉMOIN : Oui. Je n’ai pas vu Dusko conduire une moto.
3 M. KAY : Merci beaucoup. Je n’ai plus de questions.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
5 M. TIEGER : Pas de questions, Madame la Présidente.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. J’ai une question, M. Susic. Je
7 pense, si je peux la trouver. Combien de temps êtes-vous restés à
8 Omarska, M. Susic ?
9 R. : Je suis resté à Omarska deux mois et sept jours. Du 30 mai, lorsqu’on
10 m’y a conduit jusqu’au 7 août quand nous avons été transférés à
11 Manjaca, dans un camp de guerre militaire.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, des questions supplémentaires, M. Tieger
13 ?
14 M. TIEGER : Non, Madame la Présidente.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
16 M. KAY : Non, merci, Madame la Présidente.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à ce que M. Susic
18 dispose ?
19 M. KAY : Non, Madame la Présidente.
20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Susic, vous pouvez disposez. Vous êtes libre
21 de partir maintenant.
22 TÉMOIN : Merci, merci.
23 (Le témoin se retire)
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J’avais indiqué avant la suspension d’audience
25 il y a quelques jours que nous allions maintenant entendre les
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1 exposés sur une soumission de la Défense aux fins d’exclure un
2 témoignage concernant l’identification de témoins auxquels
3 l’Accusation a montré un album photos. Nous avons reçu cette requête
4 accompagnée d’une pièce jointe, un article de William A. Wagenaar et
5 le Procureur a déposé sa réponse hier au soir. La Défense est-elle
6 prête à poursuivre ?
7 M. VLADIMIROFF : Oui, Madame la Présidente.
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avant que nous entendions l’exposé de la
9 Défense, M.Tieger, j’aimerais que vous expliquiez de quelle manière
10 vous avez l’intention d’employer les preuves obtenues à partir de
11 l’album photos. La Chambre de première instance ne sait pas encore
12 exactement comment vous l’utiliserez. Je pense que nous comprenons
13 qu’il existe un album photos, des photos, de 13 individus - est-ce
14 bien 13 ?
15 M. TIEGER : Oui, Madame la Présidente.
16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Et qu’elles ont été montrées à 39 personnes. La
17 question est celle de savoir si vous avez alors montré l’album
18 photos à un individu, si vous l’avez fait, et que cette personne à
19 identifié quelqu’un, la manière dont vous avez l’intention
20 d’utiliser cette identification devant la Cour ? Qu’allez-vous faire
21 ? Qu’allez-vous demander au témoin et quel poids donnerez-vous à sa
22 sélection ou à
23 son absence de sélection précédentes ? Ce serait utile, ne serait-ce que
24 comme base. Il se peut que le Juge Stephen ait des questions
25 supplémentaires. Allez-y, s’il-vous-plaît.
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1 M. TIEGER : Je crois que la réponse à votre question, Madame la
2 Présidente, dépend du témoin impliqué. C’est pourquoi je vais
3 exposer séparément les cas des différentes catégories de témoins.
4 Premièrement, concernant ceux que je pourrais qualifier de témoins
5 d’identification classiques, à savoir, une personne qui ne
6 connaissaît pas l’accusé avant l’incident en l’espèce et n’a pas
7 d’autre moyen d’identifier l’accusé que de le voir ou d’en voir une
8 photo. Dans un tel cas, le témoin à qui l’on présente alors une
9 série de photos et qui désigne une certaine photo en disant "Oui,
10 c’est la personne impliquée dans cet incident particulier", permet
11 de conclure de manière raisonnable que ce choix se fonde sur le seul
12 contact antérieur avec la personne donnée.
13 Dans un tel cas, bien que nous n’en ayons pas discuté et je ne pense
14 pas que ce soit là l’objet des préoccupations de la Défense, il
15 existe, sans doute, deux manières de présenter ce choix. L’une est
16 de demander au témoin de raconter comment il a fait son choix et les
17 circonstances qui ont accompagnées celui-ci. L’autre, serait sans
18 doute de faire témoigner l’enquêteur qui a mené l’interrogatoire
19 durant lequel le choix a été fait d’en expliquer les circonstances.
20 Comme je l’ai dit, ce point n’a pas été la préoccupation principale
21 de la Défense à ma connaissance. Leur requête concerne les photos
22 elles-mêmes.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dans votre réponse, cependant, vous avez
24 identifié, vous vous êtes axé sur le besoin de s’assurer que le
25 processus est équitable et vous citez Biggers, Manson et Denno -
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1 particulièrement Denno, et j’oublie l’autre nom. Donc c’est le
2 processus.
3 Supposons pourtant qu’une personne connaissait l’accusé auparavant.
4 Avez vous l’intention de montrer l’album à ces témoins et comment
5 l’utiliseriez-vous ? Particulièrement, souhaiteriez-vous seulement
6 que le témoin dépose que, oui, il le connaissait avant et lui
7 demanderiez-vous ensuite comment il avait fait sa connaissance et
8 quels étaient leurs rapports ? Puis vous souhaiteriez que la
9 personne identifie dans l’album, si elle a fait un choix mais
10 souhaiteriez-vous aussi que le témoin identifie l’accusé en audience
11 ?
12 M. TIEGER : Je penserais si l’Accusation choisissait d’obtenir des
13 éléments de preuve concernant le choix de l’accusé parmi les photos,
14 bien que je ne sache pas, de toute façon, oui, je pense encore que
15 ces deux facteurs jouent dans l’estimation du poids à accorder à une
16 identification. Je pense qu’ils sont appropriés tous deux.
17 Manifestement, l’un n’exclut pas l’autre. Je cite comme exemple
18 particulier le témoin qui a précédemment comparu devant la cour et a
19 identifié devant celle-ci l’accusé qu’il connaissaît depuis fort
20 longtemps et dont le contre-interrogatoire a révélé qu’il avait
21 précédemment identifié la photographie de l’accusé dans une série de
22 photos.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Votre avis est-il que cette seconde proposition,
24 à savoir, si quelqu’un connaissait la personne avant et que vous
25 avez utilisé l’album photos et que vous souhaitez qu’ils témoignent
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1 au sujet de l’identification par l’album photos, s’agit-il d’une
2 identification, d’une reconnaissance ou y a-t-il une différence ?
3 Peut-être nous avançons-nous trop avant dans votre exposé. Mes
4 questions sont peut-être suffisantes pour expliquer le travail de
5 terrain.
6 M.TIEGER : Si vous souhaitez une réponse, Madame la Présidente, il n’y a
7 pas de problème. Je pense qu’il est utile pour cette discussion de
8 distinguer entre ce que nous appelons identification et ce que l’on
9 peut qualifier de reconnaissance. Je pense que la distinction se
10 fait entre une personne que ne connaissait pas l’accusé avant la
11 survenance d’un incident et celle qui le connaissaît.
12 En théorie, nous pouvons rencontrer, tout comme nous le pourrions
13 ici, des cas où les deux possibilités sont proches. Le cas par
14 exemple d’un accusé qui connaissait l’accusé avant l’incident mais
15 n’avait eu avec lui que peu de contacts. Dans ce cas, la Défense,
16 par exemple peut choisir d’attaquer la reconnaissance du témoin et
17 affirmer qu’en fait les contacts précédents du témoin avec l’accusé
18 ne lui donnaient pas une base suffisante pour reconnaître l’accusé
19 au moment de l’incident. Dans ce cas, le choix par le témoin de la
20 photo de l’accusé dans une série montre sa capacité à reconnaître
21 l’accusé.
22 JUGE STEPHEN : Bien sûr, le problème est très évident dans ce cas et vous
23 en êtes bien conscient. Il pourrait regarder la série de photos et
24 identifier non en fonction de ce qu’il a vu de l’accusé à Omarska,
25 disons, mais en fonction de sa connaissance antérieure. Tout le
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1 monde comprend cela et cela ne pose pas de problème. C’est un
2 facteur qui affecte la valeur.
3 M. TIEGER : Exact. Je ne veux bien sûr pas confondre les deux concepts.
4 C’est pourquoi je pense qu’il est utile de différencier les deux
5 questions.
6 JUGE STEPHEN : Oui, exactement.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. M. Wladimiroff, avez-vous l’intention
8 ou souhaitez-vous présenter le témoignage du Professeur Wagenaar ?
9 M. WLADIMIROFF : Oui, Madame la Présidente. Il sera possible de l’entendre
10 à cinq heures et demie ou entre quatre heures et cinq heures et
11 demie.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Entre 16h00 et 17h30 ?
13 M. WLADIMIROFF : Entre 16h00 et 16h30, pardon.
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Entre 16h00 et 16h30 ?
15 M. WLADIMIROFF : C’est cela.
16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. M. Tieger, y a-t-il une objection à ce
17 que nous entendions le Professeur Wagenaar ?
18 M. TIEGER : Oui, Madame la Présidente. Comme la Cour l’a peut-être
19 observé, dans la réponse écrite, l’Accusation soutient que la
20 Défense a soulevé la question de l’admissibilité de l’album photos.
21 Notre position est qu’il n’existe ni condition préalable ni test
22 exigé de l’Accusation, dans quelque juridiction que ce soit pour
23 introduire cet élément de preuve. Dans la mesure où l’évaluation des
24 facteurs peut exister dans certaines juridictions, la question
25 principale est le contenu de ce qui sera présenté devant le jury. En
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1 tout état de cause, cela ne se réduit jamais à l’affirmation qu’une
2 procédure expérimentale spécifique doit être menée avant que
3 l’Accusation puisse introduire des éléments de preuve manifestement
4 probants.
5 La Défense est évidemment libre après l’admission de cette preuve,
6 l’introduction de cet élément de preuv,e d’attaquer la valeur que la
7 Cour lui donnera mais il s’agit là d’un problème entièrement
8 différent de celui de l’admissibilité. Le fait que M. Wagenaar est
9 impliqué en l’espèce résulte simplement de ce que l’Accusation a
10 tenté en toute bonne foi de résoudre cette question avec la Défense
11 avant le procès. Nous savions à l’époque, comme nous le savons
12 maintenant, qu’un tel test n’est pas exigible, pas plus qu’un album
13 photos qui est très astreignant n’a besoin d’un tel test pour être
14 admissible mais, durant les discussions, la Défense a suggéré que
15 nous pouvions éliminer cette question au procès si nous soumettions
16 à M. Wagenaar, dont nous avions tous deux entendu parlé et s’il
17 approuvait cela. Parce que nous avions confiance dans le système
18 d’identification et parce que nous voulions résoudre cela avant le
19 procès nous l’avons présenté. Il a approuvé.
20 Voilà où en est l’affaire. Si nous voulons faire un pas en arrière,
21 nous retournons simplement à l’étape précédente, à savoir qu’il
22 n’existe aucune condition préalable à l’admissibilité. Dans sa
23 présentation de l’affaire, la Défense peut appeler les témoins
24 appropriés pour attaquer les éléments de preuve de l’Accusation,
25 mais ces éléments doivent simplement être entendus et la requête de
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1 la Défense est déplacée.
2 En tout état de cause, si un quelconque test, quel qu’il soit, était
3 nécessaire, il a été mené par M. Wagenaar et approuvé par lui.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, avez-vous quelque chose à
5 ajouter sur ce point avant de passer à votre argumentation ?
6 M. WLADIMIROFF : Pour être sincère il n’est pas clair à mes yeux si
7 l’Accusation est en train de nous dire oui, nous nous y opposons. En
8 fait, ils n’ont fait que des commentaires. Si je peux commenter ces
9 points également. Nous avons discuté avec l’Accusation d’un autre
10 sujet, d’une identification par vidéo. C’est ce dont nous avons
11 discuté l’an dernier. Cela a été confirmé dans la lettre du 28
12 octobre et j’ai écrit à l’Accusation que M. Tadic envisage de
13 coopérer avec le Bureau du Procureur quand celui-ci produira une
14 cassette vidéo aux fins d’une confrontation et d’une possible
15 reconnaissance par les témoins si l’Accusation est capable de
16 remplir les conditions suivantes et en effet c’est là que le
17 Professeur Wagenaar entre en scène. Cette lettre se concluait ainsi
18 : une fois établie une liste des toutes les exigences pour la
19 production d’une cassette vidéo, la Défense consultera ses propres
20 experts et pourra formuler des conditions supplémentaires avant de
21 prendre la décision finale de coopérer ou non. C’est exactement ce
22 qui a fait l’objet de notre discussion.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Donc vous nous dites qu’il n’y a en fait eu
24 aucun accord.
25 M. WLADIMIROFF : Non, certainement pas. Tout au début de l’année, nous
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1 avons à nouveau rencontré l’Accusation au sujet de l’identification
2 et nous leur avons dit que nous envisageons nous-mêmes d’enregistrer
3 une cassette vidéo. Alors ils nous ont dit qu’ils avaient cet album
4 photo et c’est tout ce que nous savions. Nous n’en avons pas discuté
5 dans les termes de : qu’est-ce que c’est que cet album de photo ?
6 Pouvons-nous y jeter un coup d’oeil ? Comment a-t-il été fait et a-
7 t-il été vérifié par le Professeur Wagenaar ? Rien de tel. Nous
8 avons simplement reçu l’information qu’il existait un album de
9 photo. En fait, la première fois que nous avons vu celui-ci, c’était
10 le 7 juin. Donc je pense qu’il y a eu un malentendu. Nous avons
11 discuté en détail d’une identification vidéo mais pas d’une
12 identification photo.
13 La seconde question est celle du témoignage que fera aujourd’hui le
14 Professeur Wagenaar. Je pense qu’il est très utile que la Cour
15 comprenne le sens de ce test, puisqu’il est la personne qui l’a
16 testé. Vous avez lu sa lettre et vous aurez remarqué que ses
17 commentaires sont fondés sur la prémisse que par exemple la
18 composition ethnique ne pose pas problème. Mais en fait M. Wagenaar
19 répondait simplement à la question qui lui était posée. Il n’a pas
20 répondu à une autre question qui pourrait se poser après lecture de
21 la lettre qui a été soulevé par la Défense et c’est pourquoi je fais
22 cette objection ou du moins j’ai soumis cela la semaine dernière.
23 Nous pensons qu’il serait utile que la Cour comprenne ce que l’on a
24 fait avec ce test, quelle est sa signification, quels en sont les
25 problèmes et ce que la recherche nous apprend concernant les pièges
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1 de ce genre de choses. Nous voudrions que le Professeur Wagenaar
2 vous explique quels sont les problèmes afin que vous puissiez
3 évaluer les arguments de la Défense comme vous avez évalué ceux de
4 l’Accusation.
5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je conviens que ce serait utile. La question est
6 : est-ce utile maintenant ? Voilà la question.
7 (Les juges délibèrent)
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : A la majorité, la Chambre a décidé de ne pas
9 entendre M. Wagenaar à ce stade. Laissez-moi en expliquer les
10 raisons. Vous avez entièrement raison de dire que son témoignage
11 nous sera très utile parce qu’il évoquera cette procedure mais je
12 suis sûr vous avez participé à de nombreuses affaires dans
13 lesquelles des statistiques étaient présentées. Par exemple, j’ai
14 tout entendu sur ces statistiques des témoins d’une des parties, ce
15 qu’est un modèle et ce qu’est un écart type, etc. et l’une des
16 parties adopte X comme écart type. Puis j’entends l’autre partie. Je
17 n’ai jamais entendu la Défense intercéder avant que la partie
18 demanderesse ne présente le témoignage de son témoin expert devant
19 la Cour et dire à l’Accusation ou à la partie demanderesse dans une
20 affaire civile que c’est inapropprié.
21 C’est pourquoi nous avons permis et permettons que les experts
22 soient exemptés de suivre le règlement et que les experts des deux
23 parties restent en salle d’audience et entendent le témoignage
24 qu’ils pourront par la suite commenter et qu’ils témoignent en temps
25 voulu concernant l’élément de preuve concerné.
Page 3645
1 L’autre préoccupation qui, je suppose, ne convient pas vraiment ici
2 est qu’il n’y a pas de jury. Très fréquemment le problème d’un jury,
3 comme nous le savons bien, du moins ceux d’entre nous qui viennent
4 de systèmes avec des jurys, est que l’on ne peut pas, j’ai failli
5 dire qu’on ne peut pas recoller les pots cassés, ce n’est pas ce que
6 je veux dire. Je veux dire il est difficile de recoller les pots
7 cassés parce que ce qui se passe avec un jury est que parfois on
8 admet la présentation d’éléments de preuve et que l’on demande
9 ensuite au jury de ne pas en tenir compte. Bien sûr, nous savons
10 tous en tant que juristes qu’il leur est parfois difficile de
11 laisser de côté les preuves, bien que je pense que les jurys font du
12 bon travail. Ici, le problème ne se pose pas.
13 Nous, Juges, prévoyons intentionnellement et particulièrement dans
14 le Règlement de procédure et de preuve à l’article 89 D) je crois,
15 89 D) qu’une Chambre peut exclure tout élément de preuve dont la
16 valeur probante est largement inférieure à l’exigence d’un procès
17 équitable. L'intention qui gouverne ce paragraphe est qu’il s’agit
18 manifestement d’un élément de preuve probant mais qu’il pourrait
19 arriver qu’en dépit de cette qualité, nous pourrions aussi être
20 convaincus après avoir entendu en temps voulu les autres témoins
21 experts qu’il est entièrement inapproprié, nous pouvons prendre la
22 décision qu’il faudrait l’exclure mais cela se fait dans un ordre
23 donné.
24 Je ne voudrais pas établir le précédent d’interruption d’un procès
25 dans une affaire pénale afin qu’une partie puisse juger le caractère
Page 3646
1 approprié de la technique de travail de la partie adverse. La
2 manière normale de procéder, comme je l’ai dit, est d’entendre un
3 témoin expert, entendre ce qui s’est passé et ensuite si vous le
4 souhaitez de le contredire en temps opportun par un témoin expert,
5 mais non pas avant. D’autre part, bien qu’il soit utile pour nous
6 quand cela arrive de manière précoce, il nous est difficile de le
7 placer dans le contexte approprié. Nous l’entendons et nous
8 entendons des propos érudits et importants mais à moins de le mettre
9 effectivement en contexte, la valeur réelle en est absente.
10 L’autre point est que vous nous avez soumis avec vos conclusions
11 celles de M. Wagenaar. Nous avons à notre disposition actuellement
12 suffisamment d’éléments émanant de M. Wagenaar. Bien sûr, vous êtes
13 libre si vous le souhaitez de contester ces éléments de preuve comme
14 vous l’entendez y compris en appelant un témoin expert, ce qui est
15 la procédure traditionnelle puis de contester l’ensemble de la
16 procédure et de dire qu’elle n’est pas scientifiquement probante.
17 Donc, je rejette cette requête mais nous pouvons poursuivre les
18 exposés.
19 M. WLADIMIROFF : Puis-je attirer votre attention sur un aspect qui a
20 frappé la Défense, au moins. Dans une procédure bien conduite, une
21 fois une décision prise par le Juge ou la Cour, il est hautement
22 probable que la Cour conservera la même attitude aux étapes
23 ultérieures de la procédure et ne reviendra pas sur sa décision.
24 Elle restera dans sa logique. C’est ce que nous pensons. Un exemple
25 général : votre cour a décidé qu’une identification à la barre est
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1 appropriée en l’espèce et jusqu’à présent nous n’avons aucune raison
2 de croire que vous modifierez votre décision sur ce point.
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si la base en est appropriée, oui, Monsieur.
4 M. WLADIMIROFF : Absolument. Nous vous avons entendu dire cela et nous
5 l’avons apprécié, c’est donc votre décision. La prochaine fois vous
6 déciderez encore conformément à cette décision.
7 Ce que nous pensons actuellement c’est que si nous débattons
8 aujourd’hui de la valeur d’un élément de preuve qui sera présenté
9 sur la base de ce test, vous preniez une décision sur ce point et
10 que plus tard peut-être lors de l’argumentation principale vous
11 entendrez les preuves du Professeur Wagenaar et nous craignons qu’il
12 soit très difficile pour vous de revenir sur ce que vous aurez
13 décidé aujourd’hui. Donc nous préférons que vous compreniez la
14 signification exacte des éléments de preuve qui vous sont présentés.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il n’y aura pas d’identification à la barre.
16 M. WLADIMIROFF : Non, il ne s’agit que d’un exemple. Une fois la décision
17 prise en faveur d’une identification à la barre, vous accepterez
18 tous les nouveaux témoins s’ils ont reconnu Tadic dans le prétoire
19 sur la base d’une connaissance limitée de celui-ci, nous pourrons
20 objecter, mais vous prendrez des décisions consistantes.
21 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne pense pas que si nous entendons M.
22 Wagenaar au moment approprié et que celui-ci dans son rôle d’expert
23 témoigne sur la procédure et témoigne que la procédure employée par
24 l’accusation n’est pas valable et ne devrait pas se voir accorder et
25 n’a pas de valeur probante parce qu’elle n’a pas été conduite
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1 conformément aux procédures scientifiques acceptées, si telle devait
2 être la teneur de son témoignage et que nous l’acceptions et nous
3 l’acceptons, alors ces éléments de preuve ne seront pas acceptés, M.
4 Wladimiroff, je puis vous l’assurer.
5 M. WLADIMIROFF : Mais que se passerait-il, Madame la Présidente, si
6 quelqu’un était identifié à la barre parce qu’il l’a également
7 reconnu sur la base des photographies qui lui ont été montrées avant
8 qu’il l’identifie et quelles seraient les implications de cette
9 identification ? Alors vous avez officiellement enregistré le fait
10 qu’une identification à eu lieu et vous ne pouvez revenir sur ce
11 point.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, bien, je pense ceci. Je pense que la
13 manière correcte de procéder est celle que nous avons employée dans
14 le passé, à savoir que nous avons permis l’identification à la barre
15 si elle repose sur des fondements suffisants. Il me semble que ce
16 que vous affirmez maintenant est que les fondements seraient une
17 identification à partir de l’album photo qui pourrait être rejeté
18 par le témoignage de M. Wagenaar en tant que témoin de la Défense.
19 S’il s’agit là du seul fondement, alors l’identification à la barre
20 est également exclue. C’est très simple.
21 M. WLADIMIROFF : Voilà qui est très rassurant.
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, bien sûr, parce que nous avons dit
23 clairement qu’il s’agissait d’une question de fondements. Les
24 témoins que nous avons entendus, des témoins qui, vous le savez,
25 sont allés à l’école avec M. Tadic ou ont eu d’autres contacts avec
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1 lui, nous ont convaincus qu’il y avait des fondements suffisants et
2 nous avons permis l’identification à la barre. Cela ne signifie pas
3 que nous permettions en principe l’identification à la barre, bien
4 sûr, vous avez raison ; vous regardez à travers la pièce et vous
5 voyez un monsieur entre deux officiers et vous savez, il n’y a pas
6 besoin d’être astrophysicien pour comprendre qu’il s’agit soit de
7 l’un des deux officiers soit de M. Tadic.
8 Donc j’accepte et je comprends le motif de votre opposition, mais
9 nous nous estimons tenus de rejeter cette opposition, ne lui ayant
10 trouvé aucun fondement suffisant. Si on nous démontre que le seul
11 fondement proposé est impropre, alors ce qui en découle est
12 également exclu, je puis vous l’assurer.
13 M. WLADIMIROFF : Je comprend la position de la Cour.
14 Je pense, Madame la Présidente, que je souhaiterais m’entretenir
15 avec la Défense afin de savoir s’il serait techniquement sage de
16 soutenir la position que je me proposais de présenter. Je voudrais
17 examiner la possibilité de traiter cette question dans notre
18 argumentation principale, parce que je pense que cela devrait être
19 en relation avec le témoignage du Dr Wagenaar.
20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Une suspension de quinze minutes, est-ce
21 suffisant ?
22 M. WLADIMIROFF : Oui.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L’audience est suspendue 15 minutes.
24 (Brève suspension d’audience)
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, souhaitez-vous continuer ?
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1 M. WLADIMIROFF : Madame la Présidente, nous avons décidé de ne pas
2 poursuivre sur ce point et de réserver notre présentation jusqu’à ce
3 que nous présentions notre argumentation principale parce que nous
4 préférerions discuter ce point avec le témoignage de M. Wagenaar.
5 C’est pourquoi nous vous demandons de laisser ce point en suspens
6 jusqu’à cette date.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Nous avons maintenant l’argument que
8 vous nous avez donné au sujet de M. Wagenaar et l’Accusation nous a
9 également soumis son argument, mais vous ne souhaitez pas les
10 exposer ?
11 M. WLADIMIROFF : Nous souhaitons qu’elle soit mise en suspens.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord nous le mettons...
13 M. WLADIMIROFF : En délibéré.
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... nous le mettrons donc simplement en délibéré
15 et nous prendrons une décision après avoir entendu les autres
16 témoignages, soit des éléments de preuve que vous souhaitez
17 présenter ou un témoignage ou tout autre chose. M. Tieger ? J’ai dit
18 que vos témoins pouvaient disposer, alors que faisons-nous
19 maintenant ? Disposez-vous encore d’un témoin qui pourrait avoir
20 fini à 5 heures 30 ?
21 M. TIEGER : Non, Madame la Présidente.
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord. Un ou deux points. J’apprends que la
23 Défense a déposé une requête relative au ouï-dire aujourd’hui et
24 l’Accusation doit y répondre sous 14 jours à compter d’aujoud’hui.
25 Nous souhaiterions donc prendre date pour une audience, puisque vous
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1 avez bien demandé une audience, M. Wladimiroff ?
2 M. WLADIMIROFF : Oui, Madame la Présidente.
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous aurons donc une audience à ce sujet le
4 premier jour d’audience qui sera le mardi 16 juillet. Donc le
5 Procureur doit soumettre sa réponse sous quatorze jours calendaires.
6 Nous entendrons ce point le 16 juillet à 10h00. Y-a-t-il d’autres
7 points que le Conseil aimerait porter maintenant à l’attention de la
8 Cour ?
9 M.WLADIMIROFF : Oui, Madame la Présidente, une question pratique. Je n’ai
10 pas vérifié ma boite à lettres mais puis-je être assuré que votre
11 décision du 7 mai s’y trouve ?
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, elle y sera quand vous descendrez s’il elle
13 n’y est pas déjà. M. Tieger?
14 M. TIEGER : Non, Madame la Présidente.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, puis-je vous adresser quelques
16 remarques ?
17 M. NIEMANN : Oui, Madame la Présidente.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous vous souvenez que je vous ai félicité
19 l’autre jour pour avoir interrogé en 20 minutes un témoin dont vous
20 pensiez qu’il faudrait deux ou trois heures pour le faire si je me
21 souviens bien. J’apprécie cela bien que je comprenne que vous ayez
22 besoin de présenter votre argument principal efficacement.
23 Cependant, nous voulons qu’il soit également rapide. Donc, je veux
24 simplement vous lire un récapitulatif que j’ai rédigé, qui a en fait
25 été rédigé par Madame Featherstone, concernant le nombre des témoins
Page 3652
1 que nous avons entendus et le nombre de ceux qui doivent encore être
2 entendus.
3 Pour le chef d’accusation 1 nous avons entendu, c’est-à-dire pour
4 les témoins qui apparaissent sur votre liste comme devant témoigner
5 pour le chef d’accusation 1 seulement, nous avons entendu 11 témoins
6 et devons encore en entendre 29. Pour les chefs d’accusation 5 à 11
7 nous en avons entendu un et devons en entendre 12 encore. Pour les
8 chefs 12 à 14 il en reste deux à entendre. Pour les chefs 15 à 17,
9 nous devons encore en entendre 3. Pour les chefs 18 à 20, il en
10 reste un. Pour les chefs 21 à 23 il en reste deux. Pour les chefs 24
11 à 28 nous avons entendus 3 témoins et il en reste un. Pour les chefs
12 29 à 34 nous n’en avons entendu aucun et devons en entendre six.
13 Donc pendant notre période de suspension en raison de l’utilisation
14 de la salle d’audience par l’autre Chambre de première instance, je
15 vous encourage à examiner les éléments de preuve que vous avez
16 l’intention de présenter et les témoins que vous souhaitez faire
17 comparaître pour chaque chef d’accusation, notamment le chef
18 d’accusation 1. Vous avez encore 29 témoins sur ce point et nous
19 avons déjà entendu... Examinez cette liste pour voir si vous pouvez
20 la réduire, si possible à ce que vous considérez comme le minimum
21 absolument nécessaire pour soutenir votre dossier.
22 Je n’ai pas l’intention de manquer de tact. Je sais que j’ai demandé
23 plus d’une fois que le Procureur examine les éléments de preuve que
24 vous vous proposez d’offrir et de les traiter de manière plus rapide
25 si possible. Je vous ai entendu dire qu’il s’agit du premier procès
Page 3653
1 et que cela vous préoccupe. Mais je vais vous demander, puisqu’il y
2 a plusieurs conseils, ce serait bien, je ne suggère pas que vous ne
3 le faites pas, qu’ils confèrent entre eux afin de s’assurer qu’ils
4 ne se chevauchent pas trop.
5 Avez-vous des remarques ou pourriez-vous le faire pour moi ?
6 M. NIEMANN : Mesdames et Messieurs de la Cour, nous avons bien sûr abordé
7 ce point à de nombreuses reprises entre nous en nous efforçant de
8 réduire la liste des témoins. Je pense que le fait qu’il existe deux
9 listes illustre bien ce point : l’une est la liste des témoins cités
10 à comparaître et l’autre celle des témoins qui pourraient l’être, ce
11 sont ceux que nous avons sacrifiés, dans un sens, afin de réduire le
12 nombre des témoins. Bien sûr, nous tiendrons compte de ce que vous
13 venez de dire et ré-examinerons notre position pour voir s’il est
14 possible ou non de réduire le nombre des témoins. De toute façon
15 c’est un travail que nous effectuons de manière constante. Nous
16 étudierons aussi l’idée de réduire les témoignages à leur minimum,
17 afin que le temps imparti aux témoins soit réduit au minimum.
18 Dans certains cas, Mesdames et Messieurs de la Cour, nous estimons
19 que les témoignages sont très, très importants pour l’argument de
20 l’Accusation. Il est souvent très difficile en faisant comparaître
21 un témoin important pour un point précis et qui dispose également
22 d’autres éléments pertinents, il est souvent délicat, vous ne pouvez
23 éliminer ce témoin parce qu’il dispose d’un élément important mais
24 il est souvent difficile de limiter son témoignage à ce seul point
25 et de le renvoyer simplement une fois ce point évoqué. C’est un
Page 3654
1 problème qui se produit naturellement de temps en temps.
2 Nous sommes conscients, Mesdames et Messieurs de la Cour, du temps
3 qu’il faut pour tout cela. Nous connaissons le nombre de témoins.
4 Bien qu’il ne s’agisse pas de l’affaire la plus importante dont le
5 Tribunal ait à connaître, elle est très inhabituelle dans le sens où
6 la plupart des juridictions ne rencontrent pas en temps normal des
7 affaires de meurtres multiples, de types de crimes, de viols et
8 d’attaques graves multiples comme c’est le cas en l’espèce. Il
9 s’agit d’une affaire énorme qui en tant que telle requiert un nombre
10 considérable d’éléments de preuve. L’expérience que j’ai acquise
11 dans d’autres juridictions me montre que dans des affaires traitant
12 seulement de 20 meurtres, j’en connais une qui a duré quelques huit
13 mois. L’affaire qui nous occupe est plus importante encore.
14 Donc nous nous efforçons, Mesdames et Messieurs de la Cour, de
15 limiter ce nombre mais ce n’est pas aisé. Nous essayons d’être aussi
16 économes du temps de la Cour qu’il est possible de l’être mais nous
17 redoublerons nos efforts.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons examiné une possibilité que vous nous
19 avez proposé, à savoir des heures supplémentaires, et d’entendre
20 peut-être l’affaire lundi. Nous vous avions indiqué que nous ne
21 pouvions pas parce qu’une fois encore, nous n’avons qu’une salle
22 d’audience. L’autre Chambre a besoin de celle-ci lundi. Nous avons
23 traité un certain nombre de points dans cette salle durant l’affaire
24 Tadic. Nous entendons maintenant des témoignages environ cinq heures
25 et demie par jour et le seul moyen d’allonger l’horaire serait
Page 3655
1 d’avoir deux équipes d’interprètes et nous en employons déjà six ou
2 sept. Cela signifierait que nous devrions doubler ce chiffre, ce qui
3 serait absolument astronomique. Donc, nous ne pouvons pas faire
4 grand’chose en tant que juges pour l’étendre. Je vous demande encore
5 une fois d’examiner, puisque nous disposons de cette période de deux
6 semaines, d’examiner pour voir ce qui peut être fait. Nous sommes
7 patients. Notre travail de juges est d’être assis et d’écouter, mais
8 en un sens il nous incombe aussi de diriger les parties et de les
9 conduire à agir de manière rapide et appropriée.
10 JUGE STEPHEN : M. Wladimiroff, puis-je vous demander, au sujet de cette
11 requête relative au ouï-dire, vous avez entendu notre Président dire
12 à l’accusation qu’ils ont 14 jours pour répondre. Il est possible
13 que je me méprenne sur l’autorisation demandée mais il me semble que
14 nous pourrions vous l’accorder sans que rien n’en soit changé
15 puisque le premier élément de cette requête est "refuser d’entendre
16 les éléments de preuve par ouï-dire ", dans les faits puis le
17 second, cependant "avoir le choix de les entendre si elle considère
18 que sa valeur probante excède de loin son effet préjudiciable", ce
19 qui est mot pour mot l’article 89 D). Donc je ne vois pas en quoi
20 cette autorisation changerait quoi que ce soit. Je me demande
21 simplement s’il sera aisé pour l’accusation de répondre si votre
22 demande est faite sous cette forme. Je ne peux que vous demander d’y
23 réfléchir. Il est possible que je me sois mépris sur l’objet de
24 votre requête.
25 M. WLADIMIROFF : Je serais enchanté de le faire. La Défense suppose que
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1 vous ne faites pas une lecture cynique de sa requête mais que vous
2 n’avez tout simplement pas compris quel était le but recherché. Au
3 moins, nous désirons avoir la possibilité d’avoir les moyens
4 d’argumenter lorsque cela doit l’être parce que maintenant sur la
5 base de l’article 89 D) nous n’avons pas la possibilité d’avancer
6 que le ouï-dire peut être pesé. En général chaque témoignage doit
7 être pesé et jusqu’à présent vous acceptez le témoignage par ouï-
8 dire. Nous préférons qu’il ne soit pas accepté à moins que des
9 arguments et des raisons valables de le faire et de ne l’accepter
10 qu’aux termes de l’article 89 D). Donc qu’il existe une étape entre
11 les deux qui nous permette d’argumenter puisque votre position
12 initiale est de ne pas l’accepter.
13 JUGE STEPHEN : Je pense que le fait même que vous avez dit ce que vous
14 avez dit éclaircit la situation en ce qui me concerne et sera sans
15 doute utile à l’Accusation.
16 M. WLADIMIROFF : Je l’espère.
17 JUGE STEPHEN : Merci.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je peux, si vous me le permettez, ajouter
19 quelque chose à ce propos. Je repense aux témoignages, je ne les ai
20 pas examinés mais je ne me souviens que d’une, peut-être de deux
21 oppositions faites par la Défense concernant le ouï-dire. L’une
22 concernait Madame Klipic qui, je crois, a témoigné et qui a témoigné
23 sur une mort. Le témoignage était qu'elle avait entendu de quelqu’un
24 qui avait vu quelque chose se produire dans un camp et je ne suis
25 même pas sûre que cette personne ait vu quelque chose mais une
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1 troisième personne aurait pu lui en parler. Pour autant que je m’en
2 souvienne, l’opposition a été retenue en ce qui concernait tout ce
3 qui n’était pas le fait même de la mort, hormis le fait que (vous
4 pouvez vérifiez) la personne était morte mais tout le reste nous
5 avons refusé de l’entendre. La raison de cette décision n’avait pas
6 tant trait au ouï-dire, qu’au fait que le témoignage n’était plus
7 probant. Probant signifie qui vient appuyer les faits affirmés. Si
8 ce n’est pas le cas, ces propos n’ont pas leur place qu’il s’agisse
9 de ouï-dire ou quelque autre étiquette qu’on leur donne. Voici la
10 première. Il y a eu une autre opposition, de la part de M. Kay je
11 pense, puisqu’il s’agissait d’une identification de M. Tadic. Je
12 n’en ai pas de souvenirs précis.
13 M. WLADIMIROFF : Vous vous souviendrez qu’il s’agissait de l’affaire de
14 l’église.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, c’est exact. C’est à ce propos que nous
16 avons évoqué l’exception concernant l’expression sous l’emprise d’un
17 état d’excitation. Une fois encore cela provient de différents
18 systèmes mais la raison pour laquelle une déclaration faite sous
19 l’emprise de l’émotion reste du ouï-dire mais est admissible à titre
20 exceptionnel est qu’elle a une valeur probante, une certaine
21 crédibilité, parce que l’ont admet que les personnes sous l’emprise
22 d’un état d’excitation n’inventent pas et nous recevons donc ce type
23 de preuve.
24 Nous aurons un peu de temps pendant la pause. Vous pourriez regarder
25 le compte-rendu pour voir ce qui ne vous a pas satisfait dans les
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1 termes des décisions sur la base de. Je ne veux pas définir la
2 source d’insatisfaction. Je la limiterais à un point, qui doit avoir
3 trait aux témoignages offerts que vous n’estimez pas probants parce
4 qu’il s’agit de ouï-dire. Si vous voulez bien faire cela alors peut-
5 être pourrez-vous nous indiquer ce dont vous parlez, parce que le
6 Juge Stephen a raison en règle générale, le ouï-dire est admissible.
7 Il s’agit d’un Tribunal international, trois juges et croyez-moi
8 nous avons débattu de la question du ouï-dire. S’il ne tenait qu’à
9 moi, l’affaire - c’est une expression américaine - pourrait avancer
10 différemment en raison de ce dont j’ai l’habitude à savoir que le
11 ouï-dire n’est pas admissible. Ceci n’est pas vrai des systèmes
12 issus du droit romain et ce n’est certainement pas vrai d’un
13 tribunal international avec trois juges.
14 Donc je ne veux pas vous convaincre. Je ne sais pas si je peux vous
15 convaincre et si vous décidez d’offrir un élément de preuve il me
16 faudra convaincre la partie adverse. Mais nous écoutons.
17 M. WLADIMIROFF : Une fois encore, sur ce point aussi nous avons déposé une
18 requête et non seulement en examinant les décisions prises à ces
19 deux occasions mais en sachant ce qui pourrait se produire avec des
20 témoins futurs. Nous estimons que nous devrions discuter ce point à
21 présent afin de donner un cadre si vous devez prendre une décision à
22 ce sujet la prochaine fois.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le Juge Stephen est plus rapide que moi et je ne
24 l’ai pas regardé, mais une fois encore le témoignage par ouï-dire
25 pour des crimes de guerre - nous verrons. Nous verrons. Si vous ne
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1 parlez pas de... S’il ne s’agit pas d’une critique, d’une critique
2 directe de ce qui s’est produit dans le passé mais s’il s’agit
3 plutôt d’une suggestion pour que dans l’avenir nous adoptions une
4 approche différente, ou certainement dans le futur, c’est bien. Mais
5 s’il s’agit de quelque chose d’autre, alors il vous faut consulter
6 le compte rendu. J’ai confiance dans ce que nous avons fait jusqu’à
7 présent c’est à dire, oui, quand une opposition a été faite je pense
8 que ce qui s’est produit dans les rares cas qui ont fait l’objet
9 d’une objection a valeur probante. D’autres témoignages par ouï-dire
10 ont été fréquents en matière politique sans qu’il y ait d’objection
11 mais je ne dit cela que pour votre gouverne.
12 Donc, vous le traitez comme vous voulez. Le point du Juge Stephen
13 était que nous ne désirons pas que le Procureur nous soumette une
14 réponse disant, le Règlement dit que nous pouvons le faire. Si c’est
15 vrai, alors nous n’avons pas accompli grand chose.
16 M. WLADIMIROFF : Ce pourrait être difficile, mais nous essaierons de vous
17 expliquer ceci lors de la reprise du procès.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord. Très bien. Donc l’audience est
19 ajournée, malheureusement jusqu’au 16 juillet à 10 heures.
20 (15 heures 45)
21 (La Cour s’ajourne jusqu’au mardi 16 juillet 1996.)
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