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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi, le 25 juillet 1996
4 (10h00)
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
6 M. TIEGER : Oui, Madame le Président. Le témoin suivant répond au nom de
7 Muharem Besic.
8 M. MUHAREM BESIC est appelé à la barre.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Besic, veuillez prêter serment, s'il vous
10 plaît.
11 LE TÉMOIN [Traduction] : Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
12 toute la vérité et rien que la vérité.
13 (Le témoin a prêté serment)
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Merci. Veuillez-vous asseoir.
15 Interrogatoire par M. TIEGER
16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
17 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Comment vous appelez-vous,
18 monsieur ?
19 R. : Muharem Besic.
20 Q. : En quelle année êtes-vous né ?
21 R. : Le 12 octobre 1955 à Kozarac.
22 Q. : Êtes-vous allé à l'école primaire à Kozarac ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Etait-ce l'école Rade Kondic ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Au début de votre vie d'adulte, avez-vous travaillé comme peintre
2 pendant environ trois ou quatre ans à Zagreb ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Pendant cette période, reveniez-vous chez vous à Kozarac tous les
5 week-end ou un week-end sur deux ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Puis, êtes-vous revenu vivre à Kozarac pendant une période de deux
8 ans ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Puis vous avez ensuite travaillé deux ans dans le bâtiment en Croatie
11 ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Durant cette période, rentriez-vous également chez vous tous les
14 week-ends ou un week-end sur deux ?
15 R. : C'est exact.
16 Q. : Après cela, vous êtes revenu vivre à Kozarac et y avez travaillé à
17 plein temps ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Donc, à l'exception de ces quatre à cinq ans en Croatie au cours
20 desquels vous êtes revenu chez vous régulièrement, vous avez passé
21 toute votre vie à Kozarac jusqu'au conflit en 1992 ?
22 R. : Absolument.
23 Q. : Juste avant la guerre, habitiez-vous à Kozarac ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Dans le village de Besici ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Avec qui viviez-vous ?
3 R. : Besici.
4 Q. : Y habitiez-vous avec votre famille ?
5 R. : Je vivais avec mon père, ma mère, mon frère, sa femme et deux de
6 leurs enfants.
7 Q. : M. Besic, connaissez-vous Dusko Tadic ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
10 R. : Je le connais depuis mon enfance, depuis que j'ai 10 ou 12 ans, donc
11 ça fait a peu près 30 ans.
12 Q. : Etes-vous allés à l'école ensemble ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Vous étiez-vous donnés des surnoms ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Comment l'appeliez-vous et comment vous appelait-il ?
17 R. : Je l'appelais Dule et il m'appelait Cicak.
18 Q. : Et, en grandissant, êtes-vous restés en bons termes avec Dusko Tadic
19 ?
20 R. : Et bien, nous n'étions pas particulièrement proches, mais chaque fois
21 que nous nous rencontrions, nous ne manquions pas de nous saluer,
22 "Bonjour, Dule, quoi de neuf ?", des choses comme ça et lui faisait
23 pareil.
24 Q. : Vous retrouviez-vous parfois, par exemple dans un café pour boire un
25 verre, etc.?
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1 R. : Oui. Nous nous retrouvions souvent, enfin, peut-être pas si souvent,
2 peut-être une fois par an, peut-être même moins.
3 Q. : Connaissiez-vous sa famille ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Connaissiez-vous ses parents ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Ses frères ?
8 R. : Ses frères, oui.
9 Q. : Etiez-vous ami avec l'un de ses frères ?
10 R. : Avec son frère aîné, Ljubo, nous avons été très proches pendant deux
11 ans environ. Nous étions de vrais amis.
12 Q. : Alliez-vous chez les Tadic?
13 R. : Oui, avec son frère aîné, Ljubo, j'allais chez lui.
14 Q. : Connaissiez-vous l'épouse de M. Tadic ?
15 R. : Oui.
16 Q. : M. Besic, après le début de la guerre en Croatie et l'aggravation des
17 tensions entre Musulmans et Serbes, avez-vous pu observer certaines
18 des personnes qui se retrouvaient au café de M. Tadic ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Plus précisément, certains des individus qui étaient partisans de la
21 guerre ou qui y participaient étaient-ils des habitués du café de M.
22 Tadic?
23 R. : Oui, des gens qui...
24 M. KAY : Mon éminent collègue pourrait-il éviter de guider le témoin sur
25 ces faits, en invitant le témoin à confirmer la conclusion que
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1 contient sa question ?
2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La question portait plus particulièrement sur
3 l'identité des personnes en faveur de la guerre. J'essaie d'étudier
4 la question. Si c'est une question préliminaire, alors il n'y a pas
5 de problème. M. Tieger, quelle était votre question ?
6 M. TIEGER : Je crois que la question était, certains individus qui étaient
7 en faveur de la guerre ou qui y participaient étaient-ils des
8 habitués du café de M. Tadic?
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Objection rejetée.
10 LE TÉMOIN : Oui, c'était des habitués du café, ces gens qui faisaient la
11 guerre en Croatie, et qui étaient revenus du front, et ces
12 réservistes. Ces soldats-là, ils venaient souvent au café et
13 buvaient jusqu'à des heures tardives et faisaient toutes sortes de
14 choses.
15 Q. : Parmi ces personnes, y avait-il des habitants de Kozarac et ses
16 environs ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Vous souvenez-vous de certains d'entre eux ?
19 R. : Drago Vidovic, surnommé "Tepo", Goran Borovnica et de nombreux autres
20 dont je ne connais pas le nom. Ils arrivaient dans des véhicules de
21 l'armée et ils se garaient là-bas. Je voyais tout cela très bien,
22 puisqu'en face, de l'autre côté de la rue, il y avait le coiffeur où
23 j'allais tous les jours, ou plutôt, tous les deux jours, pour me
24 faire raser.
25 Q. : Ces personnes dont vous ne connaissez pas le nom et qui arrivaient
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1 dans des véhicules de l'armée, venaient-elles ou non dans la région
2 de Kozarac ?
3 R. : Des environs de Kozarac parce qu'il n'y avait pas de tels individus
4 dans le centre de Kozarac ou, du moins, très peu, mais des environs,
5 de la périphérie de Kozarac.
6 Q. : M. Besic, étiez-vous à Kozarac lorsque l'attaque militaire a débuté
7 le 24 mai ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Etiez-vous dans le centre de Kozarac à ce moment-là ?
10 R. : Oui, j'étais dans le centre de Kozarac.
11 Q. : Avez-vous cherché à vous abriter dans le sous-sol de la banque qui se
12 trouvait dans la rue principale ?
13 R. : Oui, oui. J'étais dans le sous-sol de la banque avec les gens qui
14 habitaient cet immeuble et les habitants du bâtiment adjacent.
15 Q. : Etes-vous resté là jusqu'à votre reddition aux forces serbes le 26
16 mai ?
17 R. : Oui. J'y suis resté jusqu'au mardi matin, jusqu'à 9h00 ou 10h00 à peu
18 près, je ne sais pas exactement, lorsque la colonne à été formée
19 devant la banque.
20 Q. : Vous avez parlé d'une colonne. Qu'y avait-il à la tête de cette
21 colonne ?
22 R. : Au début de la colonne, c'était un ordre, je ne sais pas de qui il
23 émanait, mais le drapeau blanc devait être porté et il y avait un
24 jeune garçon qui portait un drapeau blanc à la tête de la colonne.
25 Q. : Cette colonne était-elle constituée d'hommes, de femmes et d'enfants
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1 musulmans ?
2 R. : Oui, les habitants de Kozarac, même les nouveaux nés étaient là.
3 Q. : Quelle était la situation à Kozarac à ce moment-là ? Dans quel état
4 le centre de Kozarac était-il ?
5 Q. : Et bien, les toits avaient déjà reçu des obus. Il y avait des
6 incendies ici et là, mais la plupart des toits et des fenêtres
7 étaient déjà détruits, brisés par les détonations et les arbres,
8 lorsqu'un obus touchait un arbre, la route se couvrait de vert, de
9 branches et de feuilles. Donc, Kozarac a été pilonné à partir de
10 2h00, le dimanche, et pendant deux jours, le pilonnage a été
11 intensif. Le pilonnage allait au rythme d'un semoir répandant des
12 graines dans un champ et voilà.
13 Q. : M. Besic, où la colonne est-elle allée ?
14 R. : La colonne a rejoint la route reliant Prijedor à Banja Luka ou
15 plutôt, on nous a dit de nous diriger vers Prijedor.
16 Q. : La colonne s'est-elle arrêtée durant le trajet ?
17 R. : La colonne s'est arrêtée au premier arrêt vers, pendant le trajet
18 vers Prijedor, à Sujica à un endroit qui s'appelait Limenka.
19 Q. : Vous avez parlé d'un premier arrêt, s'agissait-il d'un arrêt de bus ?
20 R. : Non, c'était le premier arrêt que nous faisions au cours de notre
21 marche.
22 Q. : A quelle distance approximativement cet endroit se trouvait-il du
23 carrefour de la route de Prijedor/Banja Luka et de celle de Kozarac
24 ?
25 R. : A un kilomètre et demi ou deux kilomètres.
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1 Q. : Y avait-il des forces serbes à Limenka ?
2 R. : Oui. Il y avait beaucoup d'équipement militaire et de soldats : des
3 chars, véhicules blindés, fusils, canons, artilleurs et tireurs. Ils
4 étaient tous armés.
5 Q. : Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de soldats là-bas. Comment les
6 Serbes étaient-ils vêtus ? Que portaient-ils ?
7 R. : La plupart portait des uniformes de camouflage, certains avaient des
8 casquettes ici avec des visières. Certains portaient également des
9 masques sur le visage. Certains n'en portaient pas. Il y avait des
10 gens qui étaient habillés à moitié en militaire, à moitié en civil.
11 Q. : Les hommes en uniforme étaient-ils armés ?
12 R. : Oui, bien sûr, ils avaient tous des fusils, certains avaient même des
13 mitraillettes.
14 Q. : A Limenka, les hommes musulmans ont-ils été séparés des femmes et
15 enfants musulmans ?
16 R. : Oui, ils ont été séparés. Les hommes ont été séparés des femmes et le
17 groupe des hommes a été à son tour divisé, c'est-à-dire qu'on a fait
18 monter certains hommes dans des cars et d'autres dans d'autres cars.
19 Je ne sais pas quelle était la signification de cette division.
20 Q. : Certains hommes musulmans ont-ils été emmenés ailleurs que dans les
21 cars ?
22 R. : Oui, en face de Limenka, de l'autre côté de la route, sur la gauche
23 quand on va vers Prijedor, il y avait une immense maison avec un
24 balcon qui s'étendait sur toute la longueur de la façade et il y
25 avait une mitrailleuse orientée vers la route, vers nous. Il y avait
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1 quatre ou cinq Serbes sur le balcon et des gens étaient emmenés vers
2 la maison. Parmi eux se trouvait un homme nommé Muma. Je ne connais
3 pas son nom de famille parce qu'il n'a pas résidé longtemps à
4 Kozarac. Il était marié à une femme de Kozarac et vivait là-bas,
5 mais il était originaire de Prijedor. Il fut emmené à l'intérieur de
6 la maison, avec d'autres. A en juger par la situation, il y avait
7 sûrement quelqu'un dans la maison qui connaissait très bien Kozarac
8 et ses habitants.
9 Q. : A votre connaissance, a-t-on jamais revu les hommes qui ont été
10 emmenés à l'intérieur de cette maison ?
11 R. : Non, ni entendus ni revus vivants.
12 Q. : Vous a-t-on fait monter dans un car ?
13 R. : J'ai d'abord été séparé de la colonne quand ils ont sélectionné les
14 hommes, puis j'ai ensuite été mis dans un groupe spécial, on m'a
15 emmené dans un car, les policiers serbes nous ont fouillés, ils
16 m'ont laissé rentrer, et ils ont noté mes prénom et nom de famille.
17 Q. : Après cela, votre car a-t-il quitté Limenka ?
18 R. : Le car est parti vers Prijedor, en direction de Prijedor. Nous nous
19 sommes arrêtés à Kozarusa en face du café de Ziko.
20 Q. : Après cet arrêt au café de Ziko, le car a-t-il continué jusqu'à
21 Keraterm ?
22 R. : Oui, le car a continué en direction de Prijedor, mais nous avons
23 ensuite bifurqué vers Keraterm, parce que Keraterm se trouve avant
24 Prijedor.
25 Q. : A-t-on fait descendre les hommes du car et les a-t-on détenus à
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1 Keraterm ?
2 R. : Oui. Nous sommes descendus du car. Nous avons dû lever les bras comme
3 ça derrière la nuque et nous sommes entrés dans un bâtiment très
4 poussiéreux, et il y avait beaucoup de matériaux d'emballage, des
5 palettes, entre autres.
6 Q. : Où avez-vous été détenu à Keraterm ? Dans quelle partie du bâtiment ?
7 R. : Dans une grande pièce. Avant cette pièce, il y a une petite pièce, et
8 puis on arrive dans la plus grande.
9 Q. : Avez-vous passé cette nuit-là, puis le lendemain, à Keraterm ?
10 R. : J'y ai passé la nuit, la journée du lendemain, puis vers 10h00 du
11 soir, ils ont commencé à nous faire remonter dans les cars.
12 Q. : Où ces cars sont-ils allés ?
13 R. : Ça, je ne l'ai appris qu'après plusieurs heures passées dans le car.
14 On nous emmenait à Omarska, à la mine d'Omarska.
15 Q. : Vous êtes donc arrivé à Omarska au milieu de la nuit ?
16 R. : Oui, peut-être à minuit ou une heure du matin.
17 Q. : Des gardes attendaient-ils l'arrivée des cars ?
18 R. : Oui, les gardes formaient une haie et nous devions passer entre eux
19 avant d'atteindre la pièce dans laquelle nous étions alors détenus.
20 Q. : Les prisonniers devaient-ils se tenir d'une manière particulière pour
21 sortir des cars ?
22 R. : Oui, nous devions sortir les mains derrière la tête et ils nous
23 frappaient avec tout ce qu'ils avaient sous la main, certains plus
24 que d'autres, avec un bâton, s'ils en avaient un, une matraque, ou
25 en nous donnant des coups de pied, etc.
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1 Q. : Où avez-vous d'abord été détenus ?
2 R. : Nous avons d'abord été détenus dans une immense salle. Qu'est-ce que
3 ça veut dire, "immense" ? Une grande salle, plutôt, d'après ce que
4 j'avais vu puisque j'avais beaucoup travaillé dans ce domaine à
5 l'extérieur et je me changeais sur les chantiers de construction, il
6 y avait des armoires qui fermaient à clé pour y mettre ses
7 vêtements. Je sais à quoi elles ressemblent. C'était donc une salle
8 où les employés venaient se changer.
9 Q. : M. Besic, durant votre séjour à Omarska, des prisonniers ont-ils été
10 tués ?
11 R. : Oui. Cette nuit-là, nous ne sommes même pas tous rentrés et seuls les
12 hommes à forte personnalité, quelqu'un qui avait vraiment -- il y
13 avait Ahil Dedic qui avait une volonté d'acier, ils l'ont d'abord
14 frappé à l'entrée. Puis Ahil est rentré, il avait été passé à tabac,
15 ces vêtements étaient déchirés et puis, à mon avis, au bout de 10
16 minutes et le connaissant bien, Ahil a dû devenir fou. Il a cassé
17 une porte et il a trouvé une machine dans la pièce, et à ce moment-
18 là, nous n'étions pas encore enregistrés comme détenus, mais
19 lorsqu'il a cassé cette porte, cela a fait beaucoup de bruit et un
20 soldat serbe est entré, celui qui s'appelait Cigo. Je ne connais que
21 son surnom. Il a frappé Ahil au visage avec la crosse de son fusil,
22 avec la crosse. il tenait le fusil par le canon. Puis ils ont fait
23 sortir Ahil et on a entendu des coups de feu, une salve. Je ne peux
24 pas dire qu'il a été tué, mais les faits vont plutôt dans ce sens
25 puisque le lendemain matin, je l'ai vu couché dans l'herbe.
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1 Q. : Avez-vous vu le cadavre d'Ahil Dedic le lendemain matin gisant dans
2 l'herbe ?
3 R. : Oui, celui d'Ahil Dedic, oui.
4 Q. : Le lendemain de votre arrivée, M. Besic, vous a-t-on emmené pour être
5 interrogé ?
6 R. : Oui, le lendemain, un soldat est entré et nous a dit de nous mettre
7 en rang par quatre et que nous allions être interrogés, et j'étais
8 dans le premier groupe de quatre.
9 Q. : Où vous a-t-on emmené pour être interrogé ?
10 R. : On m'a emmené à l'étage du bâtiment où se trouvait la cuisine.
11 Q. : A l'étage, avez-vous vu des Serbes que vous avez reconnu ?
12 R. : Oui, en haut de l'escalier en colimaçon qui montait à l'étage, il y
13 avait peut-être six, peut-être 10 soldats au maximum. Je ne les ai
14 pas comptés. Je ne les regardais pas dans les yeux. J'avais les
15 mains derrière la tête et Neso Janjic m'a dit "Où étais-tu, Cicak ?"
16 et j'ai répondu "me voilà". C'est le seul que j'ai reconnu. Il avait
17 un café à Suhi Brod qui s'appelait Sretno. Il ne lui appartenait
18 pas. Il le louait seulement. Il venait d'un village près d'Omarska.
19 Q. : Vous a-t-on fouillé avant de vous interroger ?
20 R. : On m'a amené devant une porte et on m'a plaqué contre le mur, le
21 visage contre le mur, en m'obligeant à faire le signe serbe des
22 trois doigts levés, et le soldat a commencé à me fouiller un peu
23 partout. Lorsque il a terminé, la porte s'est ouverte et on m'a fait
24 entrer.
25 Q. : Connaissiez-vous la personne qui vous a interrogé et, si oui, la
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1 connaissiez-vous avant la guerre ?
2 R. : Lorsque je suis rentré, l'homme a dit "Salut, Cicak". Je le
3 connaissais et lui me connaissait. Il s'appelle Rade Knezevic.
4 C'était un ancien inspecteur du SUP.
5 Q. : Quelle était la nationalité de M. Knezevic ?
6 R. : Serbe.
7 Q. : Après votre interrogatoire, M. Besic, où avez-vous été détenu ?
8 R. : Après l'interrogatoire, on m'a emmené au garage. C'était une petite
9 pièce dans cette salle immense -- ce bâtiment immense. Quand on
10 rentre, on prend à droite. C'est là que je suis allé.
11 Q. : Combien de temps vous a-t-on maintenu là-bas ?
12 R. : A mon arrivée, il était midi environ et j'y ai été maintenu toute la
13 nuit et le lendemain jusqu'au crépuscule, à peu près.
14 Q. : Y avait-il d'autres prisonniers avec vous ?
15 R. : Oui, au fur et à mesure qu'ils étaient interrogés, certains étaient
16 envoyés dans d'autres pièces alors que d'autres venaient avec moi
17 dans le garage. Le garage s'est rempli et c'est comme si nous étions
18 plantés dans le sol. On ne pouvait pas bouger. Il y avait plus de
19 100 personnes là-dedans.
20 Q. : Vous avez dit que vous avez été maintenu dans cette pièce toute la
21 journée, puis le lendemain jusqu'au crépuscule. Où vous a-t-on
22 emmené ensuite ?
23 R. : Oui. Ensuite on nous a emmené, on m'a emmené dans cette immense
24 salle, au dernière étage, en haut des escaliers et on nous y a
25 laissé pendant une heure environ parce que la pièce était
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1 surpeuplée. Puis ils ont dit que ceux qui étaient les plus proches
2 de la porte allaient être emmenés ailleurs et j'étais parmi ceux-là.
3 Q. : Où vous a-t-on emmené ?
4 R. : On m'a emmené au rez-de-chaussée dans une autre pièce appelée
5 l'atelier d'électricité.
6 Q. : M. Besic, je voudrais vous demander de vous lever un instant et de
7 montrer sur la maquette la pièce ou l'on vous maintenait captif, la
8 pièce dont vous venez de parler. Lorsque vous arriverez à cette
9 partie de la maquette, veuillez mettre les écouteurs qui vous seront
10 remis et vous saisir du pointeur qui se trouve également sur la
11 table.
12 R. : Merci.
13 Q. : M. Besic, si vous souhaitez dire quoi que ce soit, veuillez s'il vous
14 plaît parler dans la direction du micro qui se trouve sur la table à
15 droite.
16 R. : D'accord.
17 Q. : Pouvez-vous donc nous indiquer l'endroit où vous avez été emmené
18 après votre interrogatoire ?
19 R. : Après l'interrogatoire, on m'a emmené dans cette pièce ici.
20 Q. : Pouvez-vous revenir à cet autre endroit, là ? Il s'agit du petit
21 garage auquel vous avez fait référence, M. Besic ?
22 R. : Le petit garage, oui.
23 Q. : Et après cela, où étiez-vous détenu? le fil s'est débranché.
24 M'entendez-vous, maintenant ?
25 R. : Oui, je vous entends -- Oh, maintenant, je n'entends plus rien.
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1 Q. : Entendez-vous maintenant l'interprétation de ce que je dis ?
2 R. : Je n'entends rien.
3 Q. : Peut-être y a-t-il un faux contact dans le morceau du fil qui est par
4 terre.
5 R. : Je viens d'entendre quelque chose. Pouvez-vous répéter ? Non, je
6 n'entends plus rien -- si.
7 Q. : Veuillez nous excuser pour ce problème technique, monsieur.
8 M'entendez-vous maintenant ? M. Besic, puis-je vous demander de
9 prendre le pointeur qui est derrière vous sur la maquette et pouvez-
10 vous, soit nous montrer, soit nous dire, où vous avez été emmené
11 immédiatement après avoir quitté le petit garage ?
12 R. : [Pas d'interprétation].
13 Q. : Je suis désolé, mais je n'entends pas l'interprétation.
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous l'entendons mais en serbo-croate, pas en
15 anglais.
16 R. : Après, on m'a transféré au dernier étage, la grande salle au dessus
17 de la pièce où mène l'escalier, au dernier étage, où j'ai passé une
18 heure environ. Ensuite, ils se sont décidés, ils nous ont ramenés
19 dans cette pièce en bas que l'on appelait l'atelier d'électricité.
20 Q. : Pouvez-vous lire le numéro qui figure sur le sol de la pièce dans
21 laquelle vous avez été conduit ?
22 R. : A17.
23 Q. : M. Besic, avez-vous occupé un emplacement spécifique dans cette pièce
24 ?
25 R. : Oui. Je suis resté tout le temps dans cette partie ici. C'est-à-dire
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1 le coin en haut à gauche de la pièce quand on regarde de la porte en
2 entrant ici.
3 Q. : Les juges ont-ils bien vu ainsi que le conseil de la défense la
4 position approximative que le témoin vient d'indiquer ? Monsieur,
5 pourriez-vous remontrer plus ou moins le lieu que vous avez indiqué
6 ?
7 R. : Juste ici.
8 M. KAY : Oui, Madame le Président.
9 M. TIEGER : Merci. M. Besic. vous pouvez vous rasseoir. Merci. M. Besic,
10 puis-je vous demander de décrire brièvement les conditions qui
11 régnaient à Omarska au cours de la période que vous y avez passée ?
12 R. : Que puis-je vous dire ? en 70, 75 jours, j'ai perdu 29 kilos. On m'a
13 d'abord pesé après à Manjaca et cela peut être confirmé par la Croix
14 Rouge. Je ne me lavais pas. Il n'y avait aucune condition d'hygiène
15 et je ne me suis pas allongé une seule nuit. Il y avait beaucoup de
16 poux. Nous étions tous fatigués. Les hommes étaient frappés, ceux
17 qui arrivaient. Les hommes urinaient dans la pièce, ils urinaient
18 même tout habillés. Vous imaginez, quand les gens ont passé toute la
19 journée comme ça avec une température de 35, 40° centigrade, vous
20 imaginez la situation avec 200 personnes dans la même pièce. La
21 pièce fait, peut être, disons 40 mètres carré --mais je crois que
22 c'est encore trop -- vous pouvez imaginer ce qu'on vivait là-dedans.
23 Puis les gens ont été malades et ils pleuraient. Les huit premiers
24 jours, je ne sortais même pas manger. J'avais trop peur.
25 J'étais -- J'ai mentionné mon surnom, Cicak. Tout le monde me
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1 connaissait par mon surnom "Cicak". Les gens ne connaissaient pas
2 mon nom parce que je crois que la mort m'attendait, si j'étais sorti
3 -- moi et les autres aussi. Ils disaient que c'était juste un
4 centre, un centre d'enregistrement. C'est un mensonge. C'était
5 totalement faux. La guerre a éclaté parce qu'ils ont poursuivi --
6 une malédiction les poursuivait. Au début, vous possédez quelque
7 chose et puis vous êtes dépossédé de tout.
8 Q. : M. Besic, êtes-vous restés à Omarska jusqu'à votre transfert à
9 Manjaca début août ?
10 R. : Oui, je suis resté à Omarska jusqu'au 6 août.
11 M. TIEGER : Madame le Président, la pièce 268, cette photographie, peut-
12 elle être enregistrée aux fins d'identification ? M. Besic,
13 reconnaissez-vous cette photographie ou ce qu'elle représente ?
14 R. : Oui, au milieu de la photo, c'est moi.
15 Q. : Cette photo a-t-elle été prise à Manjaca ?
16 R. : Oui.
17 M. TIEGER : Madame le Président, je demande que cette photographie soit
18 versée au dossier et qu'elle soit placée sur le rétroprojecteur.
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
20 M. KAY : Pas d'objection.
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 268 est admise.
22 M. TIEGER : Monsieur, pouvez-vous indiquer où vous vous trouvez sur cette
23 photographie ?
24 R. : Là, c'est moi.
25 Q. : Savez-vous a peu près combien de temps après votre arrivée à Manjaca
Page 4409
1 cette photo a été prise ?
2 R. : Peut-être un mois, un mois et demi.
3 Q. : Merci, monsieur. M. Besic, avez-vous jamais vu Dule Tadic à Omarska ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Où étiez-vous lorsque vous l'avez vu ?
6 R. : J'étais dans la pièce que j'ai occupé tout au long de la période
7 passée à Omarska.
8 Q. : C'est la pièce que vous nous avez indiqué sur la maquette ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Savez-vous à quelle date approximativement vous avez vu Dule Tadic ?
11 R. : Je ne me rappelle pas de la date exacte, mais c'était en été, entre
12 le 16 et le 19 juin.
13 Q. : Vous souvenez-vous approximativement de l'heure à laquelle vous
14 l'avez vu ?
15 R. : Dans l'après-midi, entre 4h00 et 5h00, 4h00 et 5h00 à peu près.
16 Q. : Cet après-midi là, vous êtes-vous peu à peu rendu compte du fait que
17 des personnes extérieures au camp venaient dans votre zone ?
18 R. Bien sûr, ils venaient. Ceux qui étaient appelé les colorés, c'est-à-
19 dire ceux qui portaient des uniformes de camouflage, et ceux qui
20 venaient des lignes de front. Ils avaient une sorte de permission et
21 lorsqu'ils arrivaient, ils frappaient les gens.
22 Q. : Les prisonniers avaient-ils particulièrement peur de ces gens de
23 l'extérieur ?
24 R. : Par exemple, les gardes qui étaient là étaient des gens comme les
25 autres. Ils sont justes venus les chercher chez eux pour qu'ils
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1 deviennent gardes. Alors ils disaient, "rentre, les colorés
2 arrivent", et quel qu'ait été le -- ils se retiraient afin de ne pas
3 être exposés, les gardes eux-mêmes avaient peur d'eux.
4 Q. : Certains prisonniers qui se trouvaient à l'extérieur rentraient-ils
5 dans la pièce lorsqu'on annonçait l'arrivée de ces hommes?
6 R. : Oui, il s'agissait par exemple d'hommes qui, à ce moment-là, étaient
7 aux toilettes, je me souviens de Senad Garibovic. Je pense qu'il est
8 mort. Je ne l'ai plus jamais revu. Il a été emmené quelques jours
9 plus tard. Il était revenu trempé.
10 Q. : A un moment donné après cela, avez-vous entendu que des prisonniers
11 étaient appelés et devaient quitter leur pièce ?
12 R.: Oui, quand tout devenait calme, ils commençaient à appeler des
13 prisonniers, mais je ne peux pas vous donner l'ordre exact. Eno Alic
14 fut appelé, Emir Karabasic et Jasko Hrnic. Jasko Hrnic a été appelé
15 en dernier. Il était dans la même pièce que moi. On lui a dit de
16 sortir cinq ou six fois, et ils ont appelé "Asko" cinq ou six fois
17 et il ne répondait pas.
18 Alors Dule Tadic est venu jusqu'à la porte et a dit "Jasko, sors de
19 là. Je sais que tu es là. Je vous tuerai tous". Et Jasko s'est levé
20 et s'est dirigé vers la porte. Au moment où il est sorti, j'ai vu
21 Dusko Tadic. Lorsque Jasko a ouvert la porte, j'ai vu clairement
22 Dusko Tadic. Ça a dû durer 10 secondes à peu près, peut-être un peu
23 plus. J'ai juste levé les yeux et j'ai vu qui c'était et je savais
24 que c'était Dusko Tadic parce que je connaissais sa voix. Je savais
25 qu'il était là.
Page 4411
1 Q. : M. Besic, vous souvenez-vous de l'endroit où se trouvait Jasko Hrnic
2 dans la pièce ?
3 R. : Oui, la place de Jasko était sous la table.
4 Q. : Où se trouvait la table ?
5 R. : La table était juste au coin, sur la gauche de la porte à trois
6 mètres environ.
7 Q. : Avant que Jasko Hrnic ne quitte la pièce, avez-vous entendu des sons
8 provenant de l'extérieur indiquant le sort réservé aux autres
9 prisonniers qu'on avait fait sortir ?
10 R. : Oui, ils étaient probablement déjà sortis, Eno Alic et Emir
11 Karabasic. On entendait des cris de douleur et des coups, comme des
12 cris d'animaux, comme s'ils n'étaient plus des hommes, mais des
13 animaux. Les hommes peuvent être comme des chevaux, et les chevaux,
14 on peut les castrer. Je ne sais pas si je dois vous expliquer
15 comment on castre les chevaux.
16 Q. : Vous rappelez-vous de l'état de Jasko Hrnic avant qu'il ne sorte ?
17 Avait-il été déjà passé à tabac ?
18 R. : Oui, il avait été frappé et il avait passé peut-être 10 jours dans le
19 petit garage.
20 Q. : Où était-il avant Omarska ?
21 R. : Il avait été capturé à Benkovac.
22 Q. : Jasko a donc été appelé à de nombreuses reprises et il a fini par se
23 diriger vers la porte pour sortir. A-t-il fait quoi que ce soit
24 avant de sortir ?
25 R. : Il a dit quelque chose aux hommes qui se trouvaient près de lui et il
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1 a enfilé une espèce de protection parce qu'il allait être frappé.
2 Q. : Pendant la période au cours de laquelle Jasko a reçu l'ordre de
3 sortir et n'a pas répondu, la porte était-elle ouverte ou fermée ?
4 R. : Fermée.
5 Q. : La porte s'est ouverte lorsque Jasko est enfin sorti de la pièce ?
6 R. : Oui, exactement. Jasko a ouvert la porte. Juste à côté de la porte,
7 il y avait beaucoup de monde. Ils étaient presque les uns sur les
8 autres, alors on ne pouvait rejoindre la porte en ligne droite. Il
9 fallait faire attention en marchant à ne pas piétiner les pieds, les
10 mains ou la tête des autres.
11 Q. : Savez-vous pendant combien de temps la porte est restée ouverte après
12 son départ ?
13 R. : Lorsque Jasko est sorti, Dule était nettement visible, et au moment
14 où il a passé le seuil de la porte, Dule a juré en insultant sa mère
15 et on a entendu un bruit de coup.
16 Q. : Avez-vous pu voir le coup porté ou ne l'avez-vous qu'entendu ?
17 R. : Je ne l'ai qu'entendu.
18 Q. : Vous souvenez-vous de ce que portait Dule Tadic ?
19 R. : Dule Tadic portait un uniforme de camouflage et peut-être une barbe
20 de, vous savez, 10, 14 jours, 12 jours.
21 Q. : Après que Jasko a quitté la pièce, avez-vous entendu des sons
22 provenant du sol du hangar ou d'à côté ?
23 R. : On entendait un "Mords", un "Suce", "Qu'est-ce que t'as fait de ton
24 karaté ?", puis des cris "Tape-le", etc.
25 Q. : Lorsque vous parlez de "cris", voulez-vous dire qu'il y avait des
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1 hommes qui criaient sur les prisonniers ou que c'était les
2 prisonniers qui criaient de douleur ?
3 R. : Je suppose que ceux qui criaient étaient les auteurs de ces actes. Je
4 crois qu'ils hurlaient, mais je ne peux pas vous dire sur qui ils
5 criaient ou hurlaient.
6 Q. : Avez-vous entendu les prisonniers pousser des cris ?
7 R. : Oui, je l'ai déjà expliqué, comme des hurlements, les hommes
8 hurlaient comme des animaux, "Pourquoi moi ? Qu'est-ce que je vous
9 ai fait ?" Il y avait toutes sortes de -- Vous n'imaginez pas la
10 situation. A ce moment-là, je ne sais pas, nous étions a peu près --
11 je suis sûr que nous étions 3.000 dans ce camp. Je ne sais pas si
12 quiconque osait respirer fort, alors, encore moins écouter. Je pense
13 que cela a duré une heure à peu près, plus ou moins, mais je ne sais
14 pas s'il y avait un seul prisonnier à Omarska qui n'en avait pas
15 jusque là de tout ça. Je ne pense pas qu'il y ait un seul homme qui
16 ait pu oublier cet incident. Je crois qu'à la moindre mention
17 d'Omarska, c'est la première chose à laquelle pensent tous les
18 prisonniers.
19 Q. : M. Besic, dans l'interprétation que nous recevons, il est dit que
20 vous avez entendu un "mords" et un "suce", est-ce à dire que vous
21 avez entendu que l'ordre était donné de "mordre" et de "sucer" ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Vous souvenez-vous si de la musique a été passée pendant ou après
24 l'incident ?
25 R. : Je me souviens avoir entendu de la musique après. C'est après que
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1 j'ai entendu de la musique. Lorsque tout a été fini, l'un d'entre
2 eux (peut-être à 20, 25 mètres de moi), j'ai entendu quelqu'un crier
3 "deux", il a dit "je veux deux volontaires, deux hommes forts, nous
4 ne vous ferons rien, vous n'avez rien à craindre, " et je suppose
5 qu'ils sont sortis. Je ne sais pas qui est sorti. Personne n'est
6 sorti de ma pièce. Mais lorsque tout a été fini, alors ils ont passé
7 de la musique et le garde est venu, a ouvert la porte, et a dit,
8 "Maintenant, tout va bien, c'est fini et on les a emmenés à
9 l'hôpital".
10 Q. : M. Besic, est-ce pendant cette période d'à peu près une heure au
11 cours de laquelle vous avez entendu ces hurlements et ces cris que
12 vous avez également entendu que l'on appelait deux volontaires, deux
13 hommes forts ?
14 R. : Oui.
15 Q. : M. Besic, voyez-vous Dule Tadic dans ce prétoire aujourd'hui ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Pouvez-vous le montrer du doigt et nous décrire sa tenue
18 vestimentaire ?
19 R. : L'homme porte une veste verte, une chemise crème et une cravate
20 bigarrée.
21 M. TIEGER : Madame le Président, le procès-verbal pourrait-il faire état
22 de l'identification de l'accusé ?
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le procès-verbal fera état du fait que
24 le témoin a identifié l'accusé.
25 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Je n'ai plus de question.
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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire ?
2 Contre-interrogatoire par M. KAY
3 M. KAY : Oui, Madame le Président. (Au témoin) : M. Besic, d'après ce que
4 vous avez déclaré devant cette chambre ce matin, vous n'étiez pas
5 particulièrement un ami de Dusko Tadic, n'est-ce pas ?
6 R. : Ce n'est pas que je n'étais pas particulièrement l'un de ces amis.
7 Nous n'étions pas des amis très proches, mais nous ne nous croisions
8 jamais dans la rue sans nous saluer, mais nous ne faisions pas
9 d'affaires ensemble. Je ne me suis jamais adressé à lui pour ce
10 genre de chose, et lui non plus, mais si j'étais seul dans un café
11 et si Dule arrivait, il venait s'asseoir à ma table et vice-versa ;
12 si je le rencontrais dans un café, j'allais m'asseoir à sa table.
13 Q. : Je crois que vous nous avez dit que vous vous asseyiez à la même
14 table de café une fois par an ou même peut-être moins qu'une fois
15 par an.
16 R. : Non.
17 Q. : Ça n'est pas ce que vous nous avez dit ce matin ?
18 R. : Si.
19 Q. : Donc, il ne semble pas que vous parliez avec lui très fréquemment
20 pendant l'année, n'est-ce pas ?
21 R. : Et bien, ces sept ou huit dernières années, probablement moins, mais
22 par le passé, nous allions nager ensemble, faire -- J'allais souvent
23 nager dans une piscine qu'il y avait là-bas.
24 Q. : Alors à quand cela remonte-t-il ?
25 R. : Et bien, à six ou sept ans. Si l'on supprime les années de guerre, si
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1 l'on ne les compte pas, ça ferait six ou sept ans avant 1990.
2 Q. : D'après ce que vous dites, vous ne fréquentiez pas ses amis, n'est-ce
3 pas ?
4 R. : De temps en temps, si. J'avais mes amis et il avait les siens. Je
5 voyais son frère aîné.
6 Q. : Par son frère aîné, vous voulez dire un frère plus âgé que lui ou le
7 plus âgé de ses frères ?
8 R. : Je parle du frère qui est son aîné, Ljubo. C'est-à-dire, celui qui
9 précède immédiatement Dule. Il s'appelle Ljubomir.
10 Q. : Je voudrais maintenant que nous parlions de l'endroit où vous vous
11 trouviez dans cette pièce, dans l'atelier d'électricité, dans le
12 hangar. Il semble, d'après ce que vous nous avez montré sur la
13 maquette, que vous étiez dans le coin gauche lorsqu'on rentre par la
14 porte de cette pièce ?
15 R. : Oui, oui.
16 Q. : Donc, vous étiez contre le mur le plus éloigné de la porte ?
17 R. : Non, non.
18 Q. : Nous avez-vous montré que le coin formé par le mur du fond de la
19 pièce ------
20 R. : Non, j'ai montré que je n'étais pas dans cette direction. J'étais sur
21 la gauche à côté du mur dans le coin. J'étais à un mètre à peu près,
22 si l'on mesure la partie supérieure.
23 Q. : Donc, vous étiez à un mètre du mur du fond ?
24 R : Oui, vers la porte.
25 Q. : Y avait-il quelqu'un d'autre qui était assis derrière vous, dans cet
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1 espace d'un mètre ?
2 R. : Peut-être un ou deux hommes. Je ne peux pas dire combien, mais je
3 n'étais pas contre le mur.
4 Q. : Etiez-vous assis par terre ou sur un banc ?
5 R. : Oui, par terre.
6 Q. : Donc entre l'endroit que vous occupiez et la porte, il y avait
7 beaucoup de monde ?
8 R. : Oui, tout le monde était assis.
9 Q. : Dans cette pièce, le mur de ce côté ne va pas jusqu'à la porte en
10 ligne droite ?
11 R. : Si. Non, non, pas en ligne droite. Il y a un coin.
12 Q. : Dans ce coin, il y avait une table, n'est-ce pas ?
13 R. : Oui.
14 Q. : C'est là qu'était assis Jasko Hrnic ?
15 R. : Jasko Hrnic, à ce moment-là, était assis sous la table ou, plutôt,
16 juste devant la table. Il est resté longtemps sur la table parce
17 qu'il a souvent été frappé et il pouvait s'allonger sur la table.
18 C'était plus confortable pour lui.
19 Q. : Lorsqu'il était sous la table, une ou plusieurs autres personnes
20 venaient-elles s'asseoir sur la table ?
21 R. : Oui, ça dépendait de l'heure, de la situation, qui sautait sur la
22 table, à cet endroit.
23 Q. : La porte de la pièce se trouvait sur ce pan-là du mur ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Vous souvenez-vous si la porte s'ouvrait vers l'extérieur ou vers
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1 l'intérieur ?
2 R. : Elle s'ouvrait vers l'extérieur si l'on regardait de l'extérieur de
3 la pièce. Lorsque l'on entrait dans la pièce, alors on ouvrait la
4 porte en tirant vers soi.
5 Q. Vous souvenez-vous de quel côté de la porte se trouvaient les gonds ?
6 Etaient-ils du côté du mur ou du côté du ----
7 R. : Quand on quitte la grande salle pour rentrer dans la petite pièce,
8 dans l'atelier d'électricité, alors la poignée était sur la droite
9 et le chambranle, avec les gonds, se trouvait de l'autre côté, sur
10 la gauche. Bien sûr, c'était l'inverse lorsqu'on sortait de la
11 pièce.
12 Q. : Donc, la poignée se trouvait du côté du mur ?
13 R. : Non. non.
14 Q. : Les gonds alors étaient du côté du mur ?
15 R. : Oui.
16 Q. : C'est ça ?
17 L'INTERPRÈTE : Nous sommes désolés, nous n'avons pas entendu la réponse du
18 témoin.
19 M. KAY : Monsieur, pourriez-vous vous rapprocher du micro, les interprètes
20 ----
21 LE TÉMOIN : Oui, oui, bien sûr.
22 Q. : Les gonds, donc, se trouvaient du côté du mur ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Vous rappelez-vous le nombre approximatif d'hommes qui se trouvaient
25 dans cette pièce et dont le nom a été appelé ce jour-là ?
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1 R. : Environ 200.
2 Q. : Et dans votre souvenir, le premier nom à avoir été appelé était celui
3 d'Eno Alic, n'est-ce pas ?
4 R. : Je n'ai pas dit qu'Eno Alic avait été le premier à avoir été appelé.
5 Je sais seulement que Jasko Hrnic a été le dernier à être appelé et
6 que c'est le dernier à être sorti.
7 Q. : Jasko Hrnic a quitté la pièce où vous vous trouviez, n'est-ce pas ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Tout ce dont vous vous souvenez, c'est que c'est lui qui a été le
10 dernier à sortir ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Les deux autres, Eno Alic et Emir Karabasic, où étaient-ils ?
13 R. : Dans d'autres pièces que je ne connais pas, mais ce que je sais,
14 c'est que les coups et le bruit ont commencé lorsqu'ils sont sortis.
15 Celui-là a été appelé cinq ou six fois et il ne sortait pas parce
16 qu'il savait ce qui arrivait généralement aux hommes qui sortaient.
17 Donc, il ne sortait pas, malgré les appels. C'est alors que Dusko
18 Tadic a dit "Sors de là. je sais que tu es là. Je vous tuerai tous".
19 Il y alors eu un certain tumulte parmi les prisonniers , et les
20 hommes ont commencé à dire, "Jasko, sors ou il va nous tuer".
21 Q. : Mais la porte donnant accès à cette pièce était fermée ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Elle n'a été ouverte que lorsque Jasko Hrnic a quitté la pièce ?
24 R. : Oui.
25 Q. : La porte n'a été ouverte que pour le laisser sortir de cette pièce ?
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1 R. : Oui, mais les conditions n'étaient pas normales. On ne pouvait pas
2 sortir de la pièce régulièrement. Comme, par exemple, ici dans ce
3 prétoire, il faut du temps pour sortir de la pièce, un pas après
4 l'autre, et Jasko avait, Jasko devait parcourir une certaine
5 distance, il devait enjamber d'autres hommes, puis ouvrir la porte,
6 puis il fallait encore un peu de temps pour qu'il passe le seuil,
7 parce qu'il y avait trop de monde vers la porte. On ne pouvait pas
8 aller à la porte normalement. Il fallait tâtonner, on ne pouvait
9 poser tout son pied par terre parce qu'on risquait de marcher sur le
10 pied, sur la tête ou sur la main d'un autre ou ce genre de choses.
11 Q. : Vous dites qu'à la porte, vous avez vu Dusko Tadic ?
12 R. : Oui, quand la porte s'est ouverte.
13 Q. : Avez-vous vu d'autres gardes ?
14 R. : Non.
15 Q. : Vous dites que c'est Dusko Tadic qui parlait à Jasko Hrnic ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Votre emplacement est à droite en bas, ici, au bout de la pièce et
18 vous êtes assis par terre ---
19 R. : Oui.
20 Q. : --- regardant par-dessus ces corps qui vous séparent de la porte ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Cette porte n'a été ouverte que très peu de temps ?
23 R. : Oui, 10 secondes environ.
24 Q. : Vous avez inventé cette histoire selon laquelle vous avez vu Dusko
25 Tadic à la porte, M. Besic ?
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1 R. : C'est faux, et j'ai juré que je dirai la vérité. Monsieur, je suis
2 désolé. Vous êtes payés pour faire ce que vous faites et moi, je le
3 fais pour des raisons éthiques, parce que j'ai une obligation morale
4 envers mon peuple et mon État.
5 Q. : Jasko Hrnic était-il un membre de votre famille ?
6 R. : Non. Sa femme et la mienne, oui.
7 Q. : Jasko était le mari de votre cousine, n'est-ce pas ?
8 R. : La fille, la fille de l'oncle -- la fille du frère du frère.
9 Q. : C'était un homme dont vous étiez très proche ?
10 R. : Oui, oui.
11 Q. : Vous le connaissiez très bien ?
12 R. : Relativement.
13 Q. : Lorsque Jasko s'est levé pour quitter la pièce et est passé entre les
14 hommes, vous avez dû regarder au-delà de lui parce qu'il allait vers
15 la porte, n'est-ce pas ?
16 R. : Monsieur, je suis prêt à me prêter à une reconstitution de ces
17 événements sur les lieux, si quelqu'un peut me donner des garanties
18 quant à ma vie et ma sécurité, et je peux vous expliquer comment les
19 choses se sont passées. Je peux aussi vous le montrer sur la
20 maquette ici.
21 Q. : Vous n'êtes pas grand, M. Besic ? Vous êtes moins grand que la
22 moyenne ? Combien mesurez-vous ?
23 R. : 1m67.
24 Q. : Jasko Hrnic était-il grand ?
25 R. : Oui, bien sûr. Il avait votre taille, je pense.
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1 Q. : Etait-il bien charpenté ?
2 R. : Pas vraiment, pas vraiment charpenté mais il était grand.
3 Q. : Paraissait-il grand et fort ?
4 R. : Il ne paraissait pas fort.
5 Q. Les juges ont une photo et effectivement ---
6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, 24.4.91 ?
7 M. KAY : Oui. (Au témoin) : Dans cette pièce, l'atelier d'électricité, à
8 cette occasion, aucun des gardes ou qui que ce soit d'autre n'est
9 rentré pendant l'incident ?
10 R. : Non, non.
11 Q. : Non. Ils ne se sont pas montrés dans la pièce ?
12 R. : Non.
13 Q. : Semblaient-ils vouloir se dérober au regard des hommes qui se
14 trouvaient dans votre pièce ?
15 R. : Ils cachaient tout. Ils cachaient tout et ils mentaient.
16 Q. : Lorsque vous dites avoir vu clairement le visage qui se trouvait à
17 l'autre bout de la pièce comme étant celui de Dusko Tadic, c'est
18 tout simplement un mensonge, M. Besic, n'est-ce pas ?
19 R. : Alors, vous ne reconnaîtriez pas un homme si vous l'aviez connu
20 lorsqu'il avait 12 ans, 18 ans, 20 ans, 25 ans, 30 ans, 35 ans ou 40
21 ans ? Quelqu'un, vous savez, un simple coup d'oeil suffit à 10 ou
22 peut-être 12 mètres de distance. Ça suffit pour le reconnaître.
23 Faut-il scruter du regard un homme que l'on connaît depuis 30 ou 40
24 ans ?
25 Q. : Vous êtes en train de me dire que vous l'avez reconnu parce que vous
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1 avez entendu des histoires portant sur l'incident ---
2 R. : Non.
3 Q. : --- Après qu'il s'est produit ?
4 R. : Non.
5 Q. : N'y a-t-il pas eu de nombreuses discussions à Omarska après ce jour-
6 là ?
7 R. : Comment ça, des discussions ? Personne n'a parlé de ce qui s'était
8 passé de toute la nuit. La moitié des hommes sont restés silencieux
9 sur l'incident. Personne n'osait en parler.
10 Q. : Vous en avez parlé avec d'autres à Omarska avant de quitter le camp ?
11 R. : Nous avons fait quelques commentaires entre nous.
12 Q. : Le camp dans lequel vous avez été transféré par la suite était
13 Manjaca ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Vous avez reparlé de cet incident avec d'autres ?
16 R. : Oui, bien sûr, non seulement de cet incident, mais des choses qui se
17 passaient en général, parce que nous étions plus en sécurité à
18 Manjaca. La Croix Rouge nous rendait visite tous les jours. Nous
19 n'étions pas maltraités là-bas. Nous pouvions donc nous reposer un
20 peu et discuter.
21 Q. : Vous avez parlé à un homme appelé G. Savez-vous de qui je parle
22 lorsque j'utilise l'initiale G dans ce prétoire ?
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Besic, ne mentionnez pas son nom, s'il
24 vous plaît.
25 LE TÉMOIN : Oui, je pense. Oui, je sais.
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1 M. KAY : Vous savez que vous lui avez parlé de cet incident à Manjaca,
2 n'est-ce pas ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Lui et d'autres vous ont dit que c'est Dusko Tadic qui était là ?
5 R. : Non, personne ne me l'a dit. Vous m'avez demandé, avez-vous vu quoi
6 que ce soit et est-ce que mon champ de vision n'était pas obstrué,
7 parce que je ne pouvais pas voir. Cela s'est passé devant une foule
8 de personnes. Sommes-nous rentrés dans les détails, nous, non, c'est
9 faux. Laissez-moi vous dire une chose, l'homme à qui j'ai parlé
10 n'était pas du tout doué pour la communication.
11 Q. : Vous avez repris l'histoire que d'autres ont raconté selon laquelle
12 Dusko Tadic était présent. C'est pourquoi vous avez été préparé à
13 venir ici et à raconter, d'après cette seule et unique vision de lui
14 à Omarska, qu'il était là-bas ?
15 R. : Je vous ai déjà dit que je n'ai pas inventé cette histoire, que c'est
16 un honneur pour moi que d'être ici et vous, vous êtes là pour
17 inventer et orchestrer les choses mais moi, j'étais là-bas, sur les
18 lieux.
19 Q. : Insinuer que vous connaissiez sa voix alors que vous lui aviez à
20 peine parlé ces derniers temps est-ce un moyen d'essayer de rendre
21 plus crédible votre identification du garde à la porte ?
22 R. : Je vous répète que je peux le reconnaître par sa voix.
23 Q. : Ce que vous nous dites, et c'est votre témoignage, c'est que la
24 personne qui a appelé et fait sortir l'homme de la pièce n'était pas
25 un autre garde, que c'était bien Dusko Tadic ?
Page 4425
1 R. : Oui.
2 M. KAY : Merci. Je n'ai plus de question.
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
4 Interrogatoire supplémentaire par M. TIEGER
5 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. M. Besic, au cours des quatre à
6 cinq ans qui ont précédé le début du conflit, avez-vous passé
7 beaucoup de temps dans le centre de la région de Kozarac ?
8 R. : Oui, et j'ai passé les deux années qui ont précédé la guerre, deux
9 ans, deux ans et demi, à Kozarac-même.
10 Q. : Y étiez-vous pour ainsi dire tous les jours ?
11 R. : Tous les jours, tous les jours dans le centre.
12 Q. : Voyiez-vous Dule Tadic régulièrement dans le centre de Kozarac
13 pendant cette période ?
14 R. : Oui, quand il passait. Il construisait son café à l'époque, il
15 passait donc souvent dans le centre de Kozarac.
16 Q. : M. Besic, de l'endroit où vous étiez assis, d'autres prisonniers vous
17 bloquaient-ils la vue et vous empêchaient-ils de voir le visage de
18 Dusko Tadic dans l'embrasure de la porte ?
19 R. : Non, écoutez, il y a une personne debout, une autre qui est assise à
20 sept ou huit mètres, et un homme assis ne peut cacher, obstruer la
21 vue d'une personne qui se tient debout.
22 Q. : M. Besic, savez-vous exactement combien de temps la porte est restée
23 ouverte, en secondes ?
24 R. : J'ai déjà dit 10 secondes environ. Peut-être qu'elle est restée
25 ouverte par la suite, mais d'après mes souvenirs, elle ne l'était
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1 pas.
2 Q. : Lorsque Jasko Hrnic a quitté la pièce, a-t-il obstrué à un moment
3 donné la vision de l'encadrement de la porte ?
4 R. : Je peux vous le montrer. Jasko Hrnic se dirigeait vers la porte, pas
5 en ligne droite. Son côté gauche, sa main gauche était plus proche
6 de la porte. Donc il n'obstruait pas la vue. Il devait choisir les
7 endroits où il trouvait un peu de place pour se déplacer et il
8 devait zigzaguer dans la pièce. Il ne faisait pas un pas, puis un
9 autre, puis encore un autre. Il devait choisir, donc il zigzaguait
10 dans la pièce, en utilisant les quelques espaces inoccupés pour y
11 poser le pied.
12 Q. : Dule Tadic se tenait-il dans l'embrasure de la porte et bloquait-il
13 le passage au moment où Jasko a essayé de sortir ?
14 R. : Lorsque Jasko était en train de sortir de la pièce, Dule a fait un
15 pas en arrière, a ouvert la porte et Jasko a avancé, c'est-à-dire,
16 vers le seuil, et là j'ai vu Tadic faire un pas en arrière. Jasko
17 sort. L'autre insulte le nom de sa mère et on entend un coup.
18 M. TIEGER : Merci, Monsieur. J'en ai terminé.
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, un contre-interrogatoire
20 supplémentaire ?
21 M. KAY : Pas de question, merci, Madame le Président.
22 Interrogatoire par la Cour
23 JUGE STEPHEN : Monsieur le témoin, je croyais que vous nous aviez dit que
24 c'était Hrnic qui avait ouvert la porte, avait enjambé les corps et
25 ouvert la porte, n'est-ce pas exact ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Par conséquent, avant qu'il ait ouvert la porte, vous ne pouviez pas
3 voir qui se trouvait à l'extérieur ?
4 R. : Non.
5 JUGE STEPHEN : Merci.
6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Besic, vous souvenez-vous de la surface de
7 A17, la pièce dans laquelle vous vous trouviez, en mètres, la
8 longueur du mur, de la porte au mur ?
9 R. : De la porte au mur du fond, huit peut-être dix mètres -- je ne peux
10 pas être plus précis -- ou peut-être neuf. Je ne peux vraiment,
11 vraiment pas vous répondre avec précision. Huit sur cinq.
12 Q. : Je suis sûre que nous en disposons sous une forme ou une autre.
13 L'emplacement que vous occupiez ne m'est pas encore très clair. Je
14 n'ai pas très bien vu. Pourriez-vous me montrer une fois de plus où
15 vous étiez assis, s'il vous plaît ? Dites-le-moi afin que je puisse
16 mieux comprendre.
17 R. : Oui, oui, bien sûr. Je peux vous montrer, où voulez-vous que je vous
18 le dise ?
19 Q. : Dites-le moi -- montrez-le-moi, si vous le pouvez, sur la maquette en
20 nous permettant de voir.
21 R. : D'accord. J'étais ici.
22 Q. : Attendez. D'accord. A quelle distance ?
23 R. : (Le témoin indique l'endroit sur la maquette).
24 Q. : Voyons voir. Nous avons ici un plan du sol qui n'est pas forcément
25 exact, mais s'il s'agit de A17 -- diriez-vous qu'un quart de la
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1 distance séparait le mur du fond de l'endroit où, comme nous l'avons
2 entendu dans un autre témoignage, se trouvait une table à l'endroit
3 où le mur fait un coude ?
4 R. : En partant d'ici ?
5 Q. : Oui, monsieur.
6 R. : A quelle distance étais-je d'ici ? à la moitié ou aux deux tiers vers
7 le mur du fond.
8 Q. : Deux tiers vers le mur du fond. Donc vous étiez éloigné de la porte
9 de deux tiers de la longueur, c'est bien ce que vous dites ?
10 R. : De la porte ? je parlais du coude du mur. J'étais à peu près à six ou
11 sept mètres de la porte.
12 Q. : D'accord. Et de ce coin dont vous parlez, vous étiez à peu près aux
13 deux tiers du coin vers le mur du fond ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Il suffira simplement de mesurer la distance par rapport au coude
16 pour que nous comprenions cela. Merci. Veuillez vous asseoir. Vous
17 avez dit dans une réponse à une question de M. Kay que vous aviez
18 parlé avec le témoin G de cet incident, n'est-ce pas, à Manjaca ?
19 R. : Oui -- Non, pas moi, pas personnellement. Nous nous rencontrions par
20 hasard, nous pouvions marcher, parler de cela, mais pas seulement de
21 cela, de tous les incidents parce que nous avions beaucoup plus de
22 possibilités de le faire là-bas et plus de liberté de mouvement à
23 Manjaca, dans cette enceinte que nous appelions le camp.
24 Q. : Vous a-t-il parlé de cet incident ?
25 R. : Oui, il a parlé de certaines choses officieuses, de choses dont on a
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1 du mal à parler et dont on est réticent à se souvenir, mais il a des
2 capacités très limitées. Il jurait souvent lorsque des gens lui
3 posaient des questions là-dessus et il était très réticent à parler
4 des épreuves qu'il avait vécu.
5 Q. : Je poursuivrai sans doute cela après la pause. Nous suspendons nos
6 débats pendant 20 minutes.
7 (11h30)
8 (Brève suspension d'audience)
9 (11h50)
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai plus de question. M. Tieger, M. Kay.
11 des questions ? M. Tieger ?
12 M. TIEGER : Avec votre permission, Madame le Président ?
13 Interrogatoire supplémentaire par M. TIEGER
14 Q. : M. Besic, j'ai peut-être posé une question plus tôt qui n'était pas
15 très claire. Si vous me le permettez, je souhaiterais vous posez
16 quelques questions sur des détails que vous avez pu observer lorsque
17 Jasko Hrnic a quitté la pièce. Tout d'abord, est-il exact que, pour
18 quitter la pièce, Jasko Hrnic faisait des mouvements lents et
19 maladroits parce qu'il passait parmi de nombreux hommes dans la
20 pièce ?
21 R. : Oui, oui, c'est exact.
22 Q. : Pendant qu'il se dirigeait vers la porte, celle-ci était-elle ouverte
23 ou fermée ?
24 R. : Il s'est penché vers la porte d'assez loin, parce qu'il est grand,
25 donc il s'est étiré vers l'avant. Ça lui permettait aussi d'être
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1 stable, parce qu'il zigzaguait et qu'il fallait qu'il fasse
2 attention où il mettait les pieds.
3 Q. : Après qu'il a ouvert la porte, a-t-il pu y aller en ligne droite ou
4 a-t-il dû contourner un ou plusieurs prisonniers pour sortir ?
5 R. : Oui, il a ouvert la porte avant d'arriver à la porte. Il s'est juste
6 penché en avant pour l'ouvrir. La porte était ouverte, alors qu'il
7 lui restait encore quelques pas à parcourir avant d'y arriver.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'est ce que je ne comprends pas. Qui a
9 ouvert la porte, M. Hrnic ou quelqu'un d'autre ?
10 R. : M. Hrnic.
11 M. TIEGER : Au moment où Jasko Hrnic a franchi le seuil de la porte, Dule
12 a-t-il fait un pas en arrière ?
13 R. : Non, lorsque la porte était ouverte, Dule Tadic se tenait dans
14 l'encadrement de la porte et Jasko était encore à l'intérieur de la
15 pièce. Il n'était pas encore sorti. Il lui fallait encore faire une
16 enjambée avant d'y arriver.
17 Q. : Au moment où Jasko Hrnic a passé le seuil, Dule a-t-il reculé ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Après cela, la porte a-t-elle été refermée ?
20 R. : Oui.
21 Q. : C'est au cours de cet événement que vous avez vu Dule Tadic, au cours
22 de tout ce ----
23 R. : Oui, au cours de la période précédente, j'ai vu Dule Tadic.
24 M. TIEGER : Merci, Monsieur.
25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
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1 M. KAY : Je n'ai pas de question, Madame le Président.
2 M. TIEGER : Madame le Président --Non, excusez-moi. .
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Personne n'a plus de questions. Y a-t-il une
4 objection à ce que le témoin soit définitivement libéré ?
5 M. KAY : Non, Madame le PrésidentLE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Besic,
6 vous êtes définitivement libéré. Vous pouvez partir. Merci d'être
7 venu.
8 LE TÉMOIN : Merci.
9 (Départ du témoin)
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, voulez-vous appeler le témoin
11 suivant ?
12 M. TIEGER : Madame le Président, le témoin suivant s'appelle Husein
13 Hodzic.
14 Appel à la barre de M. HUSEIN HODZIC
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Lorsque nous reprendrons nos travaux cet
16 après-midi, nous passerons directement en audience à huis clos
17 pendant 10 à 15 minutes environ pour reparler des questions que nous
18 avons abordées hier. Donc, lorsque nous reviendrons après le
19 déjeuner, nous commencerons en audience à huis clos pendant 10 à 15
20 minutes pour débattre de ces questions. Puis nous passerons en
21 audience publique. (Au témoin) M. Hodzic, voulez-vous plaît prêter
22 serment en lisant le texte qui vous est remis ?
23 LE TÉMOIN [Traduction] : Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
24 toute la vérité et rien que la vérité.
25 (Prestation de serment du témoin)
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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Veuillez-vous asseoir.
2 Interrogatoire par M. TIEGER
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, allez-y.
4 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Monsieur, comment vous appelez-
5 vous ?
6 R. : Hodzic, Husein.
7 Q. : En quelle année êtes-vous né ?
8 R. : 1965.
9 Q. : Où êtes-vous né ?
10 R. : Dans la ville de Kozarac.
11 Q. : Quelle est votre nationalité ?
12 R. : Je suis Musulman.
13 Q. : Dans quel quartier de Kozarac viviez-vous ?
14 R. : Dans un quartier qu'on appelait la vieille ville.
15 Q. : Etait-ce proche de la grande rue de Kozarac ?
16 R. : Oui, c'était immédiatement à côté de la grande rue.
17 Q. : Avez-vous été à l'école à Kozarac ?
18 R. : Oui, au cours élémentaire.
19 Q. : Après avoir fini vos études, avez-vous servi dans les rangs de la JNA
20 ?
21 R. : Oui.
22 Q. : En quelle année et où ?
23 R. : En 1985, au Monténégro, à Danilovgrad près de Titograd.
24 Q. : Etes-vous revenu à Kozarac ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Quelle était votre profession ?
2 R. : J'étais technicien des mines.
3 Q. : Combien de mines trouve-t-on dans la région de Kozarac ou Prijedor ?
4 R. : Il y avait un ensemble de mines, c'est-à-dire, Ljubija d'où l'on
5 extrayait du minerai, donc, Omarska, Ljubija et Tomasica, d'où l'on
6 extrayait du minerai de fer.
7 Q. : Ces mines étaient-elles exploitées par la même entreprise ou
8 organisation ?
9 R. : Oui, la même entreprise, la même organisation. C'était les mines de
10 minerai de fer Ljubija.
11 Q. : Dans quelles mines travailliez-vous ?
12 R. : Dans les mines d'Omarska et de Ljubija.
13 Q. : Quelle a été la dernière mine où vous ayez travaillé avant le début
14 de la guerre ?
15 R. : Dans la mine de minerai de fer d'Omarska.
16 Q. : Quand à peu près avez-vous cessé de travailler à Omarska ?
17 R. : Sept à dix jours avant l'offensive contre Kozarac, avant l'éclatement
18 de la guerre.
19 Q. : Avez-vous travaillé le dernier jour que vous avez passé à Omarska ?
20 R. : Ce jour-là, il n'y avait pas de production, elle était arrêtée. Nous
21 étions assis dans le bureau de l'administration. Nous étions
22 contremaîtres et c'est ce que nous appelions la maison blanche.
23 C'était la pièce utilisée par les mineurs et nous, les
24 contremaîtres.
25 Q. : Quelque chose d'étrange s'est-il produit à la mine, ce jour-là ?
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1 R. : Oui -- et ça m'a surpris -- des armes ont été distribuées.
2 Q. : Ces armes, à qui étaient-elles distribuées ?
3 R. : Principalement aux personnes serbes, en fait, à tous les hommes du
4 groupe ethnique serbe.
5 Q. : M. Hodzic, voyez-vous la maquette devant vous ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Identifiez-vous cette maquette comme étant une partie des bâtiments
8 de la mine d'Omarska ?
9 R. : Oui, c'est le bâtiment administratif et le restaurant et l'atelier de
10 réparation du matériel. Derrière, c'est la maison blanche, c'est là
11 que les mineurs et nous pointions, et puis à gauche, le petit
12 bâtiment rouge, nous l'appelions le bâtiment de lavage, où tout le
13 matériel était lavé après la journée de travail, pour enlever la
14 boue, ou la terre.
15 Q. : Cette grande surface en béton où se trouvent ces bâtiments était-elle
16 utilisée dans le cadre de la production ou de l'entretien à la mine
17 ?
18 R. : Oui. C'était un parking, où l'on garait les camions-bennes et les
19 autre camions après la journée de travail.
20 Q. : La maison blanche dont vous venez de parler, outre l'appel des
21 mineurs qui y était effectué, abritait-elle des bureaux utilisés par
22 les contremaîtres ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Votre bureau se trouvait-il là ?
25 R. : La fenêtre à droite. Mon bureau était la première pièce en rentrant.
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1 Q. : M. Hodzic, connaissez-vous Dule Tadic ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Depuis combien de temps ?
4 R. : Depuis que j'ai 10 ans.
5 Q. : À quelle occasion l'avez-vous connu lorsque vous étiez enfant ?
6 R. : Comme Dusko Tadic était un athlète, il était expert en karaté et tous
7 les enfants de Kozarac, moi y compris, le considéraient comme un
8 homme admirable, un athlète, et peut-être qu'inconsciemment, nous
9 voulions tous pratiquer ce sport. Alors, dès mon jeune âge, je l'ai
10 très bien connu. Pour toutes ces raisons et parce qu'en plus, il
11 habitait comme moi à Kozarac, je le connaissais bien.
12 Q. : En grandissant, avez-vous entretenu une relation amicale avec lui
13 jusqu'à la période de tensions qui a précédé la guerre ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Par exemple, vous saluiez-vous lorsque que vous vous rencontriez dans
16 la rue ou dans les cafés ?
17 R. : Oui. La plupart du temps, oui, lorsque nous nous rencontrions, nous
18 ne nous serrions par forcément la main, mais nous nous saluions, en
19 disant : "Salut".
20 Q. : Connaissiez-vous ses parents ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Connaissiez-vous ses frères ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Connaissiez-vous sa femme ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Son métier, par exemple.
2 R. : Vous voulez dire, de sa femme ?
3 Q. : Oui.
4 R. : Elle était infirmière, au dispensaire de Kozarac.
5 Q. : Je voudrais vous poser quelques questions à propos de quelques autres
6 habitants de la région. Connaissiez-vous Emir Karabasic ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Quel était son métier ?
9 R. : Il était policier actif.
10 Q. : Connaissiez-vous Jasko Hrnic ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Est-ce un personnage connu ou populaire à Kozarac ?
13 R. : Oui. Il avait une entreprise de transport. Il avait aussi des motos.
14 Il était assez connu à Kozarac.
15 Q. : Juste par curiosité, vous souvenez-vous par hasard de la couleur de
16 sa dernière moto avant le début de la guerre ?
17 R. : Rouge et noire. Je n'en suis pas complètement sûr, mais son cousin
18 s'est tué avec cette moto, alors après, il ne l'a plus conduite.
19 Q. : Connaissiez-vous Enver Alic ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Etiez-vous parents ?
22 R. : Oui.
23 Q. : C'était votre oncle ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Les trois hommes que je viens de mentionner, Emir Karabasic, Jasko
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1 Hrnic et Enver Alic étaient-ils de bons amis ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Ces trois hommes étaient Musulmans, n'est-ce pas ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Dule Tadic connaissait-il ces trois hommes ?
6 R. : Oui, il les connaissait extrêmement bien.
7 Q. : A un moment donné, vous êtes-vous trouvé en compagnie de l'un de ces
8 hommes et de Dule Tadic en même temps ?
9 R. : Oui.
10 M. TIEGER : Madame le Président, je demande que cette photographie, la
11 pièce 269, soit enregistrée aux fins d'identification, s'il vous
12 plaît. M. Hodzic, reconnaissez-vous les personnes qui sont sur cette
13 photo ?
14 R. : Oui. On y voit Emir Karabasic et Dusko Tadic.
15 M. TIEGER : Madame le Président, je demande que cette photographie, la
16 pièce 269, soit versée au dossier et qu'elle soit placée sur
17 l'écran.
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
19 M. KAY : Pas d'objection, Madame le Président.
20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 269 est admise.
21 M. TIEGER : A l'aide du pointeur, M. Hodzic, pouvez-vous indiquer Emir
22 Karabasic ? Excusez-moi, avez-vous entendu ma question ?
23 L'INTERPRÈTE : Le micro n'est pas branché.
24 M. TIEGER : Excusez-moi, merci. M. Hodzic, à l'aide du pointeur, pouvez-
25 vous nous indiquer Emir Karabasic et Dusko Tadic ?
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1 R. : (Le témoin les indique sur la photographie).
2 Q. : Merci, monsieur. Pour le compte rendu, Madame le Président, le témoin
3 a indiqué Emir Karabasic comme étant l'homme de droite et Dusko
4 Tadic celui de gauche.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui.
6 M. TIEGER : M. Hodzic, tout d'abord, pendant la période qui a suivi les
7 élections de 1990 et avant le début de la guerre, les tensions se
8 sont-elles exacerbées entre Musulmans et Serbes ?
9 R. : Je n'ai pas très bien compris la question en ce qui concerne les
10 tensions. Oui, il y en avait. Après les élections, il y avait des
11 indices de tensions entre Musulmans et Serbes.
12 Q. Avant que la guerre n'éclate, avez-vous remarqué si, oui ou non, les
13 relations entre Dule Tadic et nombre de ses connaissances musulmanes
14 ont changé ?
15 R. : Oui, ça se voyait.
16 Q. : A-t-il commencé à ne fréquenter pratiquement que des gens d'un groupe
17 ethnique particulier ?
18 R. : Oui, à ce moment-là, il fréquentait principalement, presque
19 exclusivement, des gens de nationalité serbe.
20 Q. : Avez-vous eu l'occasion de voir qui fréquentait son café ?
21 R. : Des membres de ce qu'on appelait L'Armée populaire yougoslave, mais à
22 l'époque ils n'étaient pas membres de cette armée car ils portaient
23 différents insignes et avaient des véhicules militaires.
24 Q. : Avez-vous vu des personnes de cette armée fréquenter le café ?
25 R. : Oui. Lorsqu'ils arrivaient, qu'ils se garaient sur la chaussée devant
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1 le café et qu'ils y entraient.
2 Q. : Dans quel type de véhicules arrivaient-ils ?
3 R. : C'était des Pitzgauers de différentes entreprises, mais ils ne
4 portaient pas d'insigne de la JNA, de l'Armée Populaire Yougoslave.
5 Q. : Quel type d'insigne avez-vous vu sur ces véhicules ?
6 R. : Un insigne serbe, avec quatre S cyrilliques ou le drapeau tricolore
7 serbe.
8 Q. : M. Hodzic, vous avez mentionné les Pitzgauer. Je ne sais pas si
9 quelqu'un l'a déjà fait devant ce Tribunal mais peut-être pourriez-
10 vous nous dire ce qu'est un Pitzgauer ?
11 R. : C'est un véhicule militaire. Un véhicule tout-terrain qui peut sortir
12 des routes, des routes de village, et des pentes fortes lorsque la
13 route est enneigée. A l'arrière du véhicule, 10 personnes peuvent
14 tenir, jusqu'à 10 personnes, c'est-à-dire entre 6 et 10. A l'avant,
15 il n'y a qu'un siège pour le conducteur et un autre.
16 Q. : Merci, monsieur. Une autre précision encore, ce véhicule est-il un
17 véhicule à roues ou à chenilles ?
18 R. : A roues.
19 Q. : Est-ce un véhicule blindé ?
20 R. : Non.
21 Q. : Savez-vous si oui ou non, Dusko Tadic a quitté Kozarac peu avant ou
22 immédiatement avant l'offensive contre Kozarac ?
23 R. : Il a quitté Kozarac la veille de l'attaque de Kozarac.
24 Q. : Tous les Serbes de Kozarac sont-ils partis ?
25 R. : Non.
Page 4440
1 Q. : Certains d'entre eux se trouvaient-ils dans les abris avec des
2 Musulmans au cours de l'attaque ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Etiez-vous chez vous lorsque l'attaque a débuté le 24 mai ?
5 R. : Oui, j'étais chez moi.
6 Q. : Avez-vous passé ce jour-là et le suivant chez vous dans votre cave ?
7 R. : Oui.
8 Q. : De temps en temps, sortiez-vous de la cave pour évaluer la situation
9 ?
10 R. : Oui, quand il y avait une accalmie, une pause dans le pilonnage, les
11 gens pouvaient sortir dans la rue pour vérifier que tout le monde
12 était là et pour essayer de calculer pendant combien de temps ça
13 allait durer. Nous cherchions des réponses les uns chez les autres,
14 ce que nous devions faire, etc ; nous avons pu sortir de temps en
15 temps.
16 Q. : Etes-vous allés à un moment donné dans la zone de Brdjani ?
17 R. : Oui. Le lendemain, le lundi, il y a eu un afflux de gens, de convois
18 de Trnopolje, de Sivci, Menkovic sur des tracteurs, sur des
19 charrettes, et à pied, alors nous avons paniqué et nous avons tous
20 cherché du secours. Il y avait une forêt et nous voulions tous nous
21 y cacher.
22 Q. : Y avait-il beaucoup de personnes qui essayaient de s'échapper dans la
23 forêt ?
24 R. : Un nombre considérable.
25 Q. : Le mardi 26 mai, vous êtes-vous rendus aux forces serbes ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : A quelle heure à peu près la reddition a-t-elle commencé ? Est-ce
3 pour cela que vous avez quitté votre maison ?
4 R. : Le matin, à la fin de la matinée.
5 Q. : Avez-vous rejoint un groupe ou une colonne de personnes qui se
6 rendaient ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Où se dirigeait cette colonne ?
9 R. : En direction de Prijedor.
10 Q. : Comment ce groupe de Musulmans indiquait-il qu'il se rendait ?
11 R. : A la tête de la colonne il y avait un drapeau blanc et un signe qui
12 indiquait que nous nous rendions pacifiquement.
13 Q. : Pendant le trajet vers Prijedor, où la colonne s'est-elle arrêtée ?
14 R. : La colonne s'est arrêtée à Susici.
15 Q. : A un endroit particulier de Susici ?
16 R. : Oui. il y avait un arrêt de bus que l'on appelait localement
17 "Limenka", ce qui voulait dire qu'il était construit en taules --
18 "lim" veut dire fer -- et les gens attendaient là. C'était comme un
19 abri.
20 Q. : Y avait-il également des forces serbes qui attendaient ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Que portaient ces hommes ?
23 R. : Ils avaient différents uniformes, différentes types de vêtements,
24 plus des vêtements civils. Je me souviens d'un en particulier, il
25 portait un bandana sur lequel on voyait "UN". Cela ressemblait à
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1 tout sauf à l'Armée yougoslave.
2 Q. : Y avait-il d'autres indications que les vêtements qui vous donnaient
3 à penser que cette armée était différente de l'Armée yougoslave que
4 vous connaissiez ?
5 R. : Il y avait l'insigne, un aigle blanc et la Kokarda, les quatre S
6 cyrilliques, et puis l'insigne "UN" est différente de l'insigne de
7 l'Armée populaire yougoslave dont l'insigne était claire, une étoile
8 à cinq branches. Un membre de cette armée devait être soigné, rasé
9 de près et ne devait pas avoir les cheveux longs ni la barbe. J'ai
10 été membre de l'Armée populaire yougoslave en 1985.
11 Q. : Les forces serbes à Limenka étaient-elles armées ?
12 R. : Oui, elles étaient armées.
13 Q. : Y avait-il des véhicules militaires sur place ?
14 R. : Oui, il y avait des véhicules militaires. Il y avait des véhicules
15 blindés et des armes légères, d'infanterie.
16 Q. : Y avait-il des indications que la zone avait été pilonnée ?
17 R. : Sur la route, il y avait beaucoup de douilles et de douilles d'obus,
18 je suppose qu'ils avaient été utilisés pour pilonner la zone les
19 deux jours précédents.
20 Q. : A Limenka, les hommes musulmans ont-ils été séparés des femmes et des
21 enfants ?
22 R. : Oui, cela a été fait au début.
23 Q. : Quelle était la limite d'âge entre ceux qui étaient mis dans le
24 groupe des hommes et ceux qui allaient avec les enfants ?
25 R. : 15 ans, 16 ans même jusqu'à 70 ans.
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1 Q. : Qui vous accompagnait ?
2 R. : Mon fils qui avait alors 6 ans.
3 Q. : Votre femme était décédée trois ans auparavant ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Pendant que vous étiez là-bas, vous avez eu à faire à un soldat serbe
6 qui vous connaissait et que vous connaissiez ?
7 R. : Oui, mon collègue de travail, Cedo Cunjak.
8 Q. : Que vous a dit Cedo Cunjak ?
9 R. : Il a injurié ma mère et m'a dit "C'est toi que j'attends".
10 Q. : Avez-vous essayé de lui faire entendre raison ou de vous faire
11 entendre de lui d'une manière ou d'une autre ?
12 R. : Oui, j'ai essayé, parce qu'il connaissait bien ma situation, il
13 savait que mon fils n'avait plus que son père et que je ne pouvais
14 que supplier. A ce moment-là, il m'a arraché l'enfant et il l'a jeté
15 dans le car et avant -- et l'enfant s'est mis à pleurer et il lui a
16 dit "Ne t'inquiète pas, rien ne va t'arriver à toi, mais à ton père,
17 si."
18 Q. : C'est Cunjak qui a dit cela à votre fils ?
19 R. : Oui.
20 Q. : A peu près à ce moment-là, avez-vous vu quelqu'un d'autre que vous
21 connaissiez déjà avant la guerre ?
22 R. : Oui, j'ai vu Goran Borovnica qui vivait à Kozarac, c'était donc un
23 habitant de Kozarac, Goran Borovnica.
24 Q. : Que portait Borovnica ?
25 R. : Il portait un uniforme de camouflage et une casquette qui couvrait
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1 ses oreilles, il n'était pas rasé, pas soigné, il avait une
2 mitraillette au bras et une autre arme -- une arme antichar par-
3 dessus son épaule.
4 Q. : Au cours des années pendant lesquelles vous connaissiez Borovnica,
5 avez-vous remarqué un élément distinctif dans son apparence physique
6 ?
7 R. : Oui, oui, c'était assez visible. Lorsqu'il regardait un point, ses
8 yeux partaient dans des directions différentes, l'un allait dans
9 l'une, l'autre dans l'autre.
10 Q. : Borovnica vous a-t-il posé des questions ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Et vous a-t-il semblé qu'il était en train de décider de votre sort ?
13 R. : Lorsque Borovnica m'a parlé, il m'a d'abord demandé où étaient mes
14 armes, mais je n'en avais jamais eu ; je lui ai dit que je n'avais
15 pas d'armes, que les seules armes de la maison étaient les armes de
16 mon père qui était chasseur et qui avait un permis de port d'arme.
17 Il était débout là, à me regarder, et je me suis rendu compte qu'il
18 essayait simplement de décider ce qu'il allait faire de moi, me
19 liquider ou m'épargner. A un moment, il a dit "Monte dans le car".
20 Q. : Dans le car, Cedo Cunjak vous a-t-il a nouveau repéré ?
21 R. : Oui, j'étais curieux. Je voulais savoir quel sort était réservé aux
22 autres personnes qui arrivaient. A ce moment-là, Cedo Cunjak est
23 passé le long du car du côté où j'étais assis, il a levé les yeux
24 vers moi, plein de colère, a fait le tour du car, est monté, là
25 encore s'est livré à sa tirade d'insultes primitive de la
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1 soldatesque et m'a fait redescendre du car.
2 Q. : Lorsqu'il vous a fait descendre, a-t-il exprimé sa surprise de vous
3 voir encore vivant ?
4 R. : Oui. Tout d'abord, si je peux me permettre ses mots, il a dit "Enculé
5 de ta mère, t'es toujours en vie".
6 Q. : Cunjak vous a-t-il frappé et vous a-t-il fait traverser la route ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Y a-t-il eu ensuite une discussion entre Cunjak et un autre Serbe sur
9 vous et votre frère ?
10 R. : Quand Cunjak m'a fait sortir du car et traverser la route, Nedjo Kos,
11 le chauffeur d'un car d'Autotransport où mon frère Hikmet
12 travaillait se trouvait là. Puisque nous nous ressemblons un peu, il
13 m'a tout de suite reconnu et a demandé à Cedo, ou plutôt, lui a dit
14 : "S'il est comme son frère, alors il faudrait en finir avec eux
15 immédiatement". Ça voulait clairement dire nous "liquider".
16 Q. : Sont-ils partis avec vous à la recherche de votre frère et l'avez-
17 vous finalement trouvé ?
18 R. : Oui. Cedo Cunjak m'a ordonné de faire tous les cars pour trouver mon
19 frère et le faire descendre. Etant donné les circonstances, je ne
20 pouvais pas faire autrement que de m'exécuter, mais inconsciemment,
21 j'avais pris ma décision, je n'allais pas désigner mon frère. Si moi
22 je devais mourir, j'éviterai que lui ne soit tué.
23 Q. : Lorsque vous êtes arrivés à proximité de votre frère, a-t-il fait un
24 geste qui a attiré l'attention sur lui et qui l'a fait repéré ?
25 R. : Oui, ce lien fraternel, cet amour, il n'a pas pu s'en empêcher, il a
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1 levé la tête et il a dit : "Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il y
2 a, Sendo ?"
3 Q. : Après que votre frère a été repéré, la personne que Kos et Cunjak
4 avaient l'intention de liquider, où vous ont-ils emmené, vous et
5 votre frère ?
6 R. : De l'autre côté de la route, c'est-à-dire dans la direction de
7 Kozarac/Prijedor, à gauche de la route pavée, la route principale
8 Banja Luka/Prijedor, Goran Borovnica nous attendait à nouveau.
9 Q. : Borovnica vous a-t-il posé des questions, à vous et à votre frère,
10 plus précises, cette fois ?
11 R. : Oui. Il a demandé à mon frère la même chose qu'à moi, à propos des
12 armes, et mon frère a sorti son permis de port d'arme pour les armes
13 de chasse et pour les armes de petit calibre et lui a dit : "C'est
14 tout ce que j'ai et ce sont des armes que j'ai le droit de
15 posséder". Goran Borovnica a pris les deux documents et a dit : "Je
16 vérifierai quand nous ferons une percée à Kozarac", et il les a mis
17 dans sa poche.
18 Q. : Votre frère et vous êtes remontés dans le car ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Excusez-moi, Monsieur. Un peu plus tard encore, vous a-t-on fait
21 descendre une fois de plus du car, en vous menaçant de vous
22 liquider, mais vous avez finalement réussi à remonter dans le car au
23 moment où celui-ci s'ébranlait ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Le car s'est-il arrêté près du restaurant de Ziko ?
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1 R. : Brièvement, oui, brièvement au café appartenant à Ziko ; nous
2 l'appelions le pub de Ziko.
3 Q. : Des forces serbes étaient-elles rassemblées là-bas ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Combien étaient-elles et étaient-elles bien équipées ?
6 R. : Elles étaient extrêmement bien équipées et il y avait beaucoup
7 d'hommes, donc toute tentative de fuite ou de toute autre chose
8 était exclue.
9 Q. : Y avait-il aussi un grand rassemblement de civils musulmans ?
10 R. : Oui, il y avait une concentration de femmes, d'enfants et de
11 personnes âgées. Il y avait foule. Il est même difficile de donner
12 un chiffre, mais je dirais des milliers.
13 Q. : A partir du restaurant de Ziko, le car vous a-t-il ensuite
14 transporté, vous et les autres hommes, à Keraterm ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Avez-vous été détenu à Keraterm jusqu'à la nuit suivante ?
17 R. : Nous avons passé la soirée et la nuit à Keraterm. Puis le lendemain,
18 nous avons passé toute la journée à Keraterm et c'est seulement le
19 soir, tard, que nous sommes montés dans les cars et que nous avons
20 été transférés.
21 Q. : Une fois dans les cars, où avez-vous été transférés ?
22 R. : A Omarska.
23 Q. : Après votre arrivée à Omarska, M. Hodzic, où avez-vous d'abord été
24 détenus ?
25 R. : Avant l'interrogatoire, j'étais dans la pièce 15.
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1 Q. : Pendant combien de temps y êtes-vous resté ?
2 R. : De sept à 10 jours, environ 10 jours.
3 Q. : Où avez-vous été interrogé ?
4 R. : Qui m'a interrogé, oui, j'ai été interrogé dans le bâtiment
5 administratif de mon ancienne entreprise.
6 Q. : Connaissiez-vous déjà avant la guerre la personne qui vous a
7 interrogé ?
8 R. : Oui, Rade Kovic.
9 Q. : Quelle était sa nationalité ?
10 R. : Serbe.
11 Q. : Vous a-t-on frappé au cours de l'interrogatoire ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Combien de temps ?
14 R. : Environ une heure.
15 Q. : Rade Kovic a-t-il appris que vous aviez travaillé à la mine d'Omarska
16 ?
17 R. : Oui. Lorsqu'il m'a demandé où j'avais travaillé, je lui ai dit, ici,
18 à la mine d'Omarska.
19 Q. : Qu'a-t-il dit quand il a appris cela ?
20 R. : Il est devenu encore plus haineux, il m'a donc insulté et a continué
21 à me frapper, "Vous les Musulmans, vous travailliez à Omarska dans
22 la mine serbe et les Serbes pointent au chômage".
23 Q. : Les coups portés étaient-ils violents ?
24 R. : Ils étaient si violents et si nombreux que j'en ai encore des
25 séquelles. A ce moment-là, il m'a brisé la mâchoire, en plusieurs
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1 morceaux, je n'ai pas pu faire de radio à Omarska pour vérifier,
2 mais j'entends encore le bruit que fait ma mâchoire, comme elle
3 fonctionne mal, comme si quelque chose était brisé.
4 Q. : Après l'interrogatoire, où avez-vous été détenu ?
5 R. : J'ai été transféré dans une pièce qu'on appelait "la grande salle".
6 Q. : Ces deux pièces se trouvaient-elles dans le hangar ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Au rez-de-chaussée ou au premier étage ?
9 R. : Au premier étage.
10 Q. : Madame le Président, puis-je demander à Madame Sutherland ou à
11 l'huissier -- je serais tout à fait prêt à le faire moi-même avec
12 l'autorisation des juges -- de replacer le premier étage sur la
13 maquette afin que le témoin puisse indiquer où se trouvaient ces
14 pièces ?
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur l'huissier.
16 M. TIEGER : Merci. M. Hodzic, je vais vous demander dans un instant de
17 vous lever et de nous indiquer les pièces dont vous avez parlé. Je
18 vous demanderai de vous saisir du pointeur devant vous et de mettre
19 les écouteurs qui se trouvent sur la table devant vous. Si vous avez
20 l'occasion de répondre à une question, pourriez-vous parler dans le
21 micro qui se trouve sur cette même table ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Puis-je vous demander de vous lever et de nous montrer tout d'abord
24 la pièce 15 ? Pouvez-vous vous décaler d'un côté ou de l'autre afin
25 que les Juges -- Vous pouvez vous reculer, peut-être, afin de pas
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1 bloquer la vue aux Juges. Pourriez-vous nous remontrer la pièce 15 ?
2 R. : (Le témoin indique l'endroit sur la maquette)
3 Q. : Pour le procès-verbal, pouvez-vous lire les nombres qui sont écrits
4 sur le sol de la zone recouvrant la pièce 15 ?
5 R. : B23 et B8, ce sont les lavabos et les toilettes.
6 Q. : Je suis désolé, monsieur. Il semble qu'un chiffre ait été omis.
7 Pourriez-vous nous les redire rapidement ?
8 R. : B7 est la pièce 15.
9 Q. : Pouvez-vous nous montrer où se trouvait la grande salle dans laquelle
10 vous avez été transféré après l'interrogatoire ?
11 R. : (Le témoin indique l'endroit sur la maquette).
12 Q. : Quel(s) chiffre(s) figure(nt) sur le sol de la salle ?
13 R. : B14.
14 Q. : Pour revenir à la pièce 15, il semble y avoir une porte à droite
15 lorsque l'on fait face à la maquette. La voyez-vous ?
16 R. : (Le témoin indique l'endroit sur la maquette).
17 Q. : En regardant à droite de cette porte, y a-t-il une autre porte de
18 l'autre côté de cette pièce ?
19 R. : Oui, ici .
20 Q. : La porte était-elle maintenue ouverte ou fermée ?
21 R. : Elle était fermée. A clé.
22 Q. : Par conséquent, les prisonniers de la pièce 15 n'avaient pas accès à
23 l'autre partie du premier étage de l'autre côté de la porte ?
24 R. : Non, ils ne pouvaient pas emprunter ce passage pour aller d'un côté à
25 l'autre.
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1 Q. : Dans la grande salle que vous avez indiqué, les gardes étaient-ils
2 postés à la porte au premier étage, à l'intérieur de cette pièce ?
3 R. : Non.
4 Q. : Comment les prisonniers entraient-ils dans cette salle ?
5 R. : Les prisonniers empruntaient les escaliers qui menaient à cette
6 grande salle à l'intérieur du hangar.
7 Q. : Les gardes étaient-ils au rez-de-chaussée ?
8 R. : Oui, au rez-de-chaussée.
9 Q. : Pour revenir à la pièce 15, il y a un ensemble de portes plus
10 petites, de pièces plus petites au-delà de la pièce 15. Que sont-
11 elles --Pouvez-vous tout d'abord nous les montrer ?
12 R. : Cette zone abrite des bacs en ciment et des robinets, où les ouvriers
13 pouvaient se laver les mains et le corps après leurs heures de
14 travail.
15 Q. : Si l'on se déplace vers la gauche du bâtiment et l'on dépasse la
16 pièce 15 -- excusez-moi, permettez-moi de vous poser un brève
17 question. A quoi correspond l'endroit que vous venez juste
18 d'indiquer ?
19 R. : Là, C'est l'endroit où se trouvaient les douches, où les mineurs
20 pouvaient aussi prendre une douche dans les cabines après leurs
21 heures de travail.
22 Q. : Si l'on regarde plus à gauche au-delà de la pièce 15, il y a un
23 couloir et des pièces qui donnent sur ce couloir, à quoi servaient
24 ces pièces ?
25 R. : Ces pièces étaient plus petites, un genre de bureaux qui, avant la
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1 guerre, étaient utilisés pour les différentes activités de la mine.
2 Lorsque l'endroit est devenu un camp, l'un des bureaux a été utilisé
3 par les gardes, les gardiens du camp.
4 Q. : Si l'on suit le couloir vers la gauche, on trouve une grande pièce au
5 bout, la pièce que vous montrez maintenant, à quoi servait cette
6 pièce ?
7 R. : Cette pièce avant la guerre était le bureau de conception, pour
8 dessiner différentes choses, une salle de dessin que nous utilisions
9 à la mine pour travailler sur différents projets de conception.
10 Q. : Pendant la période où Omarska a servi de camp, la pièce a-t-elle été
11 utilisée pour enfermer des prisonniers ?
12 R. : Oui. Oui, à cette époque, il y avait des prisonniers dans cette pièce
13 Q. : Pour finir, en revenant une fois de plus à la grande salle, il y a
14 également des pièces qui apparaissent à gauche de cette salle.
15 Pouvez-vous les indiquer ? A votre gauche, au bout du couloir
16 lorsqu'on fait face à la pièce 15, à quoi servait ces pièces, celles
17 que vous êtes en train de montrer ?
18 R. : Ces pièces étaient également des bureaux. Je ne sais pas trop -- Je
19 ne savais pas à qui elles appartenaient, mais elles servaient de
20 bureaux pour la mine, etc.
21 Q. : Lorsque Omarska est devenu un camp pour les Croates et les Musulmans,
22 à quoi ont servi ces pièces ?
23 R. : Ces deux pièces étroites étaient les toilettes et les autres, même si
24 nous n'avions pas le droit de nous en servir, nous avons forcé la
25 serrure et nous venions parfois dans cette pièce quand l'autre était
Page 4453
1 bondée. C'était toujours bondé et certains utilisaient les autres
2 pièces. Personnellement, je ne l'ai pas fait.
3 Q. : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous rasseoir. M. Hodzic, pouvez-vous
4 décrire les conditions générales qui régnaient à Omarska pendant
5 votre captivité ?
6 R. : Les conditions de vie à Omarska...Du point de vue d'un élément
7 fondamental et de base, l'eau que nous buvions, nous n'avions pas
8 d'eau potable du tout, parce que avant je travaillais dans la mine,
9 et nous n'en avions jamais eu. C'était de l'eau "industrielle", de
10 l'eau utilisée pour nettoyer le matériel, la pista et pas pour autre
11 chose. Pendant notre séjour dans le camp, nous avons bu cette eau et
12 nous étions heureux de boire cette eau imbuvable parce que même
13 celle-là, il n'y en avait pas beaucoup.
14 Q. : Combien de cabinets de toilettes les mineurs pouvaient-ils utiliser
15 avant la guerre ?
16 R. : Avant la guerre, une équipe comprenait environ 150 hommes, 50 hommes
17 et il y avait des W-C à peu près pour ce nombre d'hommes. Lorsque le
18 camp a été établi, la moitié des W-C s'est bouchée, alors que nous
19 étions des milliers là-dedans.
20 Q. : Quel a été l'effet de -- Permettez-moi de vous demander la chose
21 suivante. Pour ne parler que des W-C qui fonctionnaient, les hommes
22 y avaient-ils accès librement ?
23 R. : De temps en temps ?
24 Q. : Quel effet l'absence de sanitaires en quantités suffisantes et la
25 peur de les utiliser avaient-ils ?
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1 R. : Si l'on décidait d'aller aux toilettes, les conséquences étaient très
2 graves. Il fallait s'attendre à être battu, frappé, passé à tabac.
3 Il y avait donc pleins d'hommes qui choisissaient tout simplement de
4 ne pas y aller et pour se soulager, ils utilisaient des bottes, des
5 boîtes en plastique, même des pantalons et puis ils attendaient un
6 instant. Parfois, il y avait un garde compréhensif qui nous
7 permettait de sortir rapidement et d'aller le jeter. C'est comme ça
8 que nous nous sommes débrouillés, ça n'était pas facile, mais nous
9 nous sommes débrouillés.
10 Q. : Outre les coups que vous receviez quand vous alliez aux toilettes,
11 étiez-vous aussi battus lorsque vous alliez manger ?
12 R. : Oui, tous les jours, sans faute. Nous y étions devenus insensibles,
13 voilà tout.
14 Q. : Etait-il demandé aux prisonniers de sortir de leur pièce et les
15 battait-on ou les tuait-on ?
16 R. : Oui, souvent.
17 Q. : Avez-vous vu des corps à Omarska, des corps de prisonniers musulmans
18 ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Savez-vous comment ces corps étaient généralement transportés, quel
21 type de véhicules était utilisé ?
22 R. : Des véhicules qui appartenaient à la mine d'Omarska, un "TAM", un
23 petit "TAM", jaune et un gros camion "FAP", mais principalement des
24 véhicules appartenant à la mine.
25 Q. : Le camion "TAM" est un petit camion, n'est-ce pas ? un petit camion à
Page 4455
1 plateau ?
2 R. : Oui, un petit.
3 Q. : Le camion "FAP" dont vous parlez est un gros véhicule ?
4 R. : Non pas si gros, mais un peu tout de même. Sa capacité était d'à peu
5 près huit tonnes.
6 Q. : Avez-vous eu l'occasion de voir le camion "FAP" ou un camion "TAM"
7 être utilisé pour le transport de corps du camp d'Omarska ?
8 R. : Oui, une fois, j'ai vu un camion "FAP", on ne pouvait pas charger les
9 corps à la main, et une chargeuse avec un godet chargeur énorme a
10 été utilisée et ils ont charrié les corps, le godet chargeur
11 soulevait tous les corps et les laisser tomber dans le camion. Ils
12 ont fait avec les corps ce qu'ils faisaient avant avec des cailloux
13 et des blocs de pierre. Certains corps étaient déjà raides, d'autres
14 étaient mutilés. Ça n'était plus des corps. C'était l'horreur pure
15 et simple.
16 Q. : Avez-vous vu le camion "FAP" peu de temps après qu'un groupe
17 important de prisonniers est arrivé de Hambarine en juillet ?
18 R. : J'ai vu le camion lorsqu'un groupe de prisonniers est arrivé de la
19 zone de Hambarine et des villages environnants.
20 Q. : C'est après leur arrivée que vous avez vu le camion être chargé de
21 ces cadavres, après l'arrivée de ces prisonniers ?
22 R. : Oui.
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons lever l'audience jusqu'à 14h30.
24 Comme je l'ai indiqué, lorsque nous rouvrirons l'audience, nous
25 serons en séance à huis clos pendant 10 à 15 minutes.
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1 (13h00)
2 (Pause-Déjeuner)
3 (14h30)
4 (Séance à huis clos)
5
6
7
8
9
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11
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13 pages 4456-4475 expurgées – audience à huis clos
14
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19
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21
22
23
24
25
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1 (15.20)
2 (Brève suspension d'audience)
3 (15.30
4 (Audience publique)
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons poursuivre sans pause jusqu'à
6 17.30 puisque nous avons dû traiter différentes questions en
7 audience à huis clos. La sténotypiste est-elle d'accord? Très bien.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, allez-vous citer votre témoin
9 suivant à la barre, ou vous reste-t-il des questions à poser à M.
10 Besic ?
11 M. TIEGER : M. Hodzic.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je suis désolée, je n'ai pas son nom sous les
13 yeux. Très bien. Veuillez le faire entrer.
14 Rappel à la barre de M. HUSEIN HODZIC
15 Reprise de l'interrogatoire par M. TIEGER
16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez-vous asseoir, monsieur. M. Tieger ?
17 M. TIEGER : Merci, Madame le Président.
18 M. Hodzic, juste quelques précisions sur certains points que vous
19 avez abordés précédemment. Tout d'abord, vous avez dit que l'eau qui
20 avait été utilisé auparavant à des fins industrielles, pour nettoyer
21 la pista, par exemple, était utilisée dans le camp en guise d'eau
22 potable pour les prisonniers. Lorsque vous dites "pour nettoyer la
23 pista avant la guerre", parlez-vous de cette zone entièrement
24 bétonnée où les gros véhicules et machines étaient garés.
25 R. : Oui.
Page 4477
1 Q. : Vous avez également dit de Jasko Hrnic qu'il possédait des motos.
2 Puis vous avez mentionné que son frère s'était tué avec l'une
3 d'entre elles et que Jasko ne voulait plus s'en servir. M. Hrnic
4 possédait-il d'autres motos ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Vous souvenez-vous de la marque ou de la couleur ?
7 R. : Il y avait des grosses cylindrées, Kawasaki et Suzuki. Pour la
8 plupart, c'était des grosses motos et il en changeait souvent.
9 C'était un de ses passe-temps, et comme c'était un homme d'affaires
10 qui avait sa propre entreprise de transport, il en avait les moyens.
11 Q. : Vous rappelez-vous la couleur de l'une ou de l'autre de ses motos ?
12 R. : Je me rappelle l'une de ses motos Kawasaki. C'était une 50
13 centimètres cubes et j'ai eu le plaisir de faire un tour dessus avec
14 lui. Il conduisait et j'étais derrière, c'est pour ça que c'est de
15 celle-là dont je me souviens le mieux.
16 Q. : Vous rappelez-vous la couleur de cette moto ?
17 R. : Cette moto était rouge.
18 JUGE STEPHEN : Avant de passer à autre chose, nous nous intéressons
19 seulement à la dernière moto qu'il a eu en sa possession, n'est-ce
20 pas ? D'après ce que je comprends de ce que dit le témoin, il parle
21 de toutes les motos possédées sur plusieurs années.
22 M. TIEGER : Peut-être cela n'était-il pas clair.
23 JUGE STEPHEN : Pouvez-vous éclaircir ce point ?
24 M. TIEGER : Oui, merci, monsieur le Juge. Vous avez raison, j'ai commencé
25 en parlant des motos qu'il possédait encore après le moment où
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1 l'autre a été accidentée. (Au témoin) : M. Hodzic, la moto dont vous
2 venez de parler, la rouge sur laquelle vous êtes monté, M. Hrnic la
3 possédait-elle encore juste avant le début de la guerre ?
4 R. : Je crois que oui. Je crois que c'est la dernière qu'il a eue à
5 l'époque.
6 Q. : Merci. M. Hodzic, pour revenir à Omarska, les prisonniers étaient-ils
7 régulièrement appelés pour sortir de la pièce ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Certains des prisonniers sont-ils revenus ?
10 R. : Oui, certains.
11 Q. : Dans quel état les prisonniers qui revenaient se trouvaient-ils
12 souvent ?
13 R. : Ils avaient l'air d'avoir été frappés, certains pouvaient revenir
14 seuls, d'autres étaient ramenés dans une couverture, cela dépendait
15 des situations.
16 Q. : Vous souvenez-vous d'un homme du nom de Silvio Saric ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Etait-il Président du parti du HDZ à Prijedor avant la guerre ?
19 R. : Oui.
20 Q. : L'a-t-on appelé à l'extérieur et est-il revenu ?
21 R. : On lui a ordonné de sortir et il est revenu.
22 Q. : Dans quel état était-il ?
23 R. : Son état était l'un des pires de tous les hommes qui sortaient et
24 rentraient. Il était -- Il a fallu le ramener à l'intérieur. Il ne
25 pouvait plus marcher tout seul. Les seuls signes de vie qu'il
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1 montrait étaient une respiration haletante et son regard. Toutes les
2 autres fonctions de son corps étaient réduites à néant.
3 Q. : M. Saric a-t-il succombé à ses blessures quelques jours après son
4 retour ?
5 R. : Oui. Il est mort dans la pièce quelques jours plus tard.
6 Q. : Certains prisonniers ont-ils été appelés à l'extérieur et tués dehors
7 ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Connaissiez-vous, par exemple, un homme portant le nom de Sefik Sivac
10 ?
11 R. : Oui, je le connaissais bien.
12 Q. : Que faisait-il avant la guerre ?
13 R. : Avant la guerre, il avait l'un des restaurants les plus luxueux de
14 Kozarac, le "De Luxe", qu'il a par la suite rebaptisé
15 "l'International" puis il a tenu un café à Prijedor au vieux marché.
16 Q. : Avait-il déjà été frappé avant qu'on ne lui ordonne de sortir pour la
17 dernière fois ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Après que Sefik Sivac ait été appelé pour la dernière fois, avez-vous
20 pu voir son corps par la suite ?
21 R. : Oui, le lendemain, j'ai vu son corps, son cadavre.
22 Q. : Dans quel état était son corps ?
23 R. : Ça ressemblait à tout sauf à un corps. Les vêtements étaient en
24 lambeaux. On voyait clairement du sang. C'était tout simplement --
25 Le cadavre avait une forme terrible.
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1 Q. : Ce cadavre était-il seul ou était-il entassé avec d'autres ?
2 R. : Son corps se trouvait sur un tas formé par d'autres corps, environ
3 10, huit à dix corps. J'ai reconnu le sien et celui d'un autre
4 homme.
5 Q. : Juste pour le procès-verbal, j'ai remarqué que dans le transcript, le
6 nom "Dzavid Sivac" apparaît deux fois, et la personne au sujet de
7 laquelle je vous ai posé ces questions est bien Sefik Sivac, n'est-
8 ce pas ? Vous parliez de Sefik Sivac ?
9 R. : Sefik Sivac.
10 Q. : Certains prisonniers ont-ils reçu l'ordre de sortir et ont tout
11 simplement disparu ?
12 R. : Beaucoup.
13 Q. : M. Hodzic, aviez-vous une place attitrée, un endroit où vous vous
14 trouviez normalement dans la grande salle ?
15 R. : Oui, nous avions tous nos places plus ou moins attitrées. Lorsque
16 quelqu'un rentrait pour la première fois, il conservait généralement
17 la première place qu'il trouvait. C'était une habitude. J'avais ma
18 place.
19 Q. : Emir Karabasic était-il dans votre pièce ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Se trouvait-il près de vous ?
22 R. : Oui, c'était le troisième homme sur ma gauche.
23 Q. : Puis-je vous demander de vous lever et de nous montrer sur la
24 maquette où vous vous trouviez dans la pièce et où se trouvait M.
25 Karabasic ?
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1 R. : Oui. (Le témoin indique un emplacement sur la maquette). J'étais ici.
2 Q. : Pour le procès-verbal, cela correspond-il à un emplacement le long du
3 mur du fond de la pièce, quand on rentre, près du coin gauche ?
4 R. : Oui, j'appuyais ma tête contre le mur, ce qui veut dire que j'étais
5 dans le dernier rang contre le mur, ici.
6 Q. : Emir Karabasic était-il proche de vous ?
7 R. : Sur la gauche, la troisième personne à partir de moi.
8 M. TIEGER : Les juges ont-ils vu le dernier emplacement qui vient d'être
9 indiqué ?
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, pas le dernier emplacement. Je n'ai pas
11 vu le dernier mais j'ai vu le premier endroit qu'il a indiqué, celui
12 où il était assis.
13 M. TIEGER : Oui, il y avait un meilleur angle à l'écran.
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Indiquez-le une nouvelle fois en nous
15 permettant de voir.
16 M. TIEGER : Pourriez-vous nous montrer à nouveau votre emplacement ?
17 Pourriez-vous très rapidement nous indiquer à nouveau où vous vous
18 trouviez ?
19 R. : (Le témoin indique son emplacement sur la maquette).
20 Q. : Merci. Je suis désolé. Pourriez-vous retourner vous asseoir -- avant
21 cela, permettez-moi de vous poser une ou deux autres questions.
22 Savez-vous où Enver Alic était détenu ?
23 R. : Enver Alic se trouvait dans cette pièce-ci, mais dans le hall, là.
24 Q. : Savez-vous où était Jasko Hrnic ?
25 R. : Dans la pièce sous la grande salle.
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1 Q. : Merci. Vous pouvez retourner vous asseoir. Certains prisonniers
2 pouvaient-ils parfois se rendre visite d'une pièce à l'autre ?
3 R. : Oui, c'était possible.
4 Q. : Et cela dépendait de quoi ?
5 R. : Ça dépendait des gardes, de chaque garde et de sa personnalité, de
6 son degré de bienveillance.
7 Q. : Vous avez mentionné le fait qu'Emir Karabasic et Jasko Hrnic étaient
8 de bons amis. Emir Karabasic rendait-il parfois visite à Jasko Hrnic
9 ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Vous souvenez-vous du jour où Emir Karabasic a reçu l'ordre de sortir
12 de la grande salle pour la dernière fois ?
13 R. : Je m'en souviens.
14 Q. : Vous rappelez-vous plus ou moins la date de ce jour ?
15 R. : Pas la date, mais c'était en juin, entre le 15 et le 20 juin.
16 Q. : Vous rappelez-vous approximativement de l'heure à laquelle cela s'est
17 produit ?
18 R. : Dans l'après-midi, entre 4h00 et 6h00. Je ne sais pas quelle heure il
19 était exactement.
20 Q. : Avait-on déjà ordonné à Emir Karabasic de sortir auparavant ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Dans quel état était-il le jour où on l'a appelé pour la dernière
23 fois ?
24 R. : Son état était très mauvais, il avait de nombreuses marques de coups.
25 Il était tout noir. On voyait nettement des marques de chaîne sur
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1 son torse, des marques de coups de barre de métal, parce que la
2 ligne était droite. Environ 90 pour cent de son corps était noir,
3 même la plante de ses pieds parce qu'il était pieds nus, il n'avait
4 pas de chaussettes. La plante de ses pieds était donc noire, et cela
5 lui posait un grave problème parce qu'il ne pouvait plus marcher.
6 Q. : Etait-il en train de se remettre des passages à tabac précédents le
7 jour où on l'a appelé pour la dernière fois ?
8 R. : Je ne sais pas. Il s'était assez bien remis. Je ne sais pas s'il
9 s'était complètement remis mais presque.
10 Q. : Emir Karabasic était-il inquiet de l'éventuelle venue de telle ou
11 telle personne au camp ?
12 R. : Oui, sa plus grande crainte était l'arrivée de Dule Tadic. Je crois
13 que c'est ce qu'il craignait le plus, il le répétait, il insistait
14 sur ce point. Je ne sais pas pourquoi. J'ai essayé plusieurs fois
15 lorsque j'en ai eu l'occasion de lui demander pourquoi. Je pensais
16 que c'était l'un des ses amis, un vieil ami ; peut-être pouvait-il
17 s'attendre à recevoir un peu d'aide de sa part et ne pas le craindre
18 parce que Emir et moi (sic) étions de bons amis.
19 Une fois, il a réussi à me dire seulement, "J'ai vu quelque chose
20 que je n'aurai pas dû voir, je me suis trouvé à un endroit où je
21 n'aurais pas dû être". Il n'a pas dit ce qu'il avait vu ni où il
22 s'était trouvé, mais il avait très peur. La seule pensée de Dusko
23 Tadic le terrorisait. Je ne comprenais pas -- peut-être que, même
24 aujourd'hui, je ne comprends toujours pas.
25 M. KAY : Madame le Président, puis-je soulever un point ? Nous évoluons
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1 ici dans une sphère où des éléments de preuve préjudiciables à
2 l'accusé sont présentés, qui, selon moi, l'empêchent de jouir d'un
3 procès équitable, à cause de la nature de ces éléments de preuve qui
4 sont en fait une conversation relatée impliquant une tierce
5 personne. Ces propos tombent dans la catégorie de preuves indirectes
6 au sujet desquelles nous avons déjà exprimé notre opposition.
7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
8 M. TIEGER : Madame le Président, même dans un système juridique dont les
9 principes régissant l'ouï-dire sont très rigoureux, cet élément de
10 preuve devrait faire l'objet d'une "exception d'état d'esprit". De
11 plus, c'est un élément de base qui précède une autre déclaration
12 faite en anticipation de mort".
13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
14 M. KAY : Puis-je répondre ? Tout d'abord, il n'y a rien qui vienne étayer
15 l'argument de l'anticipation de mort qui est l'exception à la règle
16 de l'ouï-dire dans les systèmes juridiques acceptant la preuve
17 indirecte. Il n'y a rien dans les éléments présentés par
18 l'Accusation qui montre que les déclarations faites à cette époque
19 par cette partie tombent dans cette catégorie.
20 L'état d'esprit de la partie auquel il est fait référence n'est pas
21 pertinent en l'espèce. Je ne vois pas comment l'état d'esprit d'une
22 personne pourrait avoir un quelconque effet sur la situation lorsque
23 les actes sont perpétrés par une autre personne et comment cela peut
24 être pertinent dans cette affaire. Si l'Accusation envisage la
25 situation en partant de cette base, alors nous déclarons qu'ils
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1 commettent une erreur fondamentale dans la manière dont ils
2 présentent cet élément de preuve et la base de leur argument.
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
4 M. TIEGER : Tout d'abord, Madame le Président, il me semble clair que
5 l'état d'esprit de cette victime-là a un rôle à jouer dans l'analyse
6 générale de cet incident et a valeur probante lorsqu'il est placé
7 dans le contexte des faits.
8 Deuxième point, cette déclaration n'a pas été entendue -- Je ne
9 fonde pas cet élément de preuve en particulier sur la prévision de
10 mort à ce moment précis, mais c'est une première étape vers une
11 déclaration faite au moment où la victime était directement
12 confrontée à l'éventualité qu'elle craignait tant, et si vous me
13 permettez d'utiliser cette déclaration, à ce moment-là, il croyait
14 fermement être un homme mort.
15 Comme vous l'entendrez, cette déclaration est entièrement fiable en
16 tant qu'expression d'une impression immédiate et d'une sensation
17 spontanée qui permettrait son admission, même dans un système
18 juridique très strict sur le point de la preuve indirecte.
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Comme vous l'avez dit à plusieurs reprises,
20 notre Règlement de procédure et de preuve n'exclut pas explicitement
21 la preuve indirecte. L'article 89 C) prévoit l'admission de tout
22 élément de preuve pertinent et ayant valeur probante. La requête que
23 vous avez déposé sur la preuve indirecte, ou l'ouï-dire, pour
24 laquelle nous vous avons promis que vous recevriez une réponse cette
25 semaine, le -- Nous avons entendu vos arguments la semaine dernière,
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1 nous y travaillons actuellement -- Il y a en fait deux parties dans
2 cette requête. L'une étant que tout élément de preuve présenté qui
3 porte directement sur la culpabilité de l'accusé soit exclus s'il
4 s'agit de preuve par "ouï-dire" et si elle ne tombe pas, je suppose,
5 dans l'une des catégories d'exceptions reconnues et mentionnées dans
6 vos arguments écrits. Vous en citez deux, les cas de déclaration
7 faite sous l'emprise d'un choc ou d'un état d'excitation et une
8 autre que j'ai oubliée.
9 La deuxième partie de votre requête, cependant, demande que les
10 Juges n'entendent pas ce témoignage, même s'il tombe dans une des
11 catégories d'exception, jusqu'à ce que nous déterminions les
12 circonstances dans lesquelles le témoignage a été recueilli. Nous
13 n'avons pas statué, mais nous travaillons sur la décision et nous en
14 débattons. Par conséquent, je rejette votre objection.
15 Une fois de plus, c'est la valeur probante qui nous intéresse.
16 L'article 89 D) du Règlement permet à ce Tribunal ou à une Chambre
17 de première instance d'écarter tout élément de preuve dont la valeur
18 probante, bien qu'elle existe, est largement inférieure à l'exigence
19 d'un procès équitable. Il n'y est pas question d'"effet
20 préjudiciable", mais de "procès équitable". À ce stade, nous
21 interprétons cet article d'une manière qui nous autorise à entendre
22 ce témoignage. Ce témoignage est certainement pertinent, il semble
23 avoir valeur probante. S'il apparaît qu'il est largement inférieur à
24 la nécessité pour M. Tadic de jouir d'un procès équitable, dans ce
25 cas-là, nous ne le prendrons pas en considération. Il n'influencera
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1 pas notre décision finale en l'espèce.
2 Je rejette donc votre objection. M. Tieger, veuillez poursuivre.
3 M. TIEGER : Merci, Madame le Président.
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le fait que M. Tieger élève ces objections et
5 que tous les deux vous deviez débattre de ce genre de détails met en
6 lumière un problème auquel doit faire face un tribunal international
7 qui nous amène à travailler dans un nouveau système qui combine les
8 systèmes de tradition civiliste, où l'ouï-dire n'est même pas prise
9 en compte, et les systèmes de common law. M. Tieger, des États-Unis,
10 nous parle d'exceptions que je suis à même de connaître, alors que
11 vous faites référence à des exceptions sans doute plus connues des
12 juges Stephen et Vohrah. Nous nous concentrons sur une chose tout à
13 fait différente, à savoir la valeur probante. Lorsque nous vous
14 communiquerons notre décision, nous espérons que vous comprendrez
15 notre analyse. Cependant, je rejette votre objection.
16 M. KAY : Oui, Madame le Président.
17 M. TIEGER (au témoin) : Emir Karabasic vous a-t-il dit ce qu'il pensait
18 qu'il allait advenir si Dule Tadic venait au camp ?
19 R. : Oui, il a été très clair. Il a dit qu'il n'existerait plus, ce qui
20 voulait dire qu'il allait être tué. Je suis tout à fait sûr de cela.
21 Il n'a pas dit cela une seule fois, il a répété quelque chose comme
22 "Si Dule vient, alors je ne suis plus là, je suis fini" à plusieurs
23 reprises.
24 Q. : Comment était-il quand il disait cela ?
25 R. : Je ne l'avais jamais vu dans un état pareil -- une peur panique,
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1 misérable, terrifié. Un homme qui n'avait jamais eu peur de rien, un
2 homme très conscient de sa dignité et qui était tombé si bas.
3 Q. : Vous avez dit que lorsque vous lui posiez des questions, il ne vous
4 disait pas exactement pour quelles raisons il avait peur. Les
5 prisonniers rechignaient-ils à partager les choses qu'ils avaient vu
6 ?
7 R. : Oui, c'était, si l'on peut dire, la première chose à dire à quelqu'un
8 parce que plus vous en saviez, plus vous aviez de chances de vous
9 faire tuer. C'est pour cette raison que les gens, un frère par
10 exemple, ne disait rien à son frère, parce que s'il savait quelque
11 chose, alors vous vous feriez tuer afin que vous ne le sachiez plus.
12 Q. : Excusez-moi, je souhaiterais simplement éclaircir l'interprétation.
13 L'interprétation dit "c'était la première chose à dire à quelqu'un
14 parce que plus vous en saviez, plus vous aviez de chances de vous
15 faire tuer." La première chose à dire, c'était donc de dire aux
16 nouveaux prisonniers qu'ils ne devaient pas se parler entre eux ?
17 R. : C'est ce que nous pensions, parce que si quelqu'un avait assisté à la
18 perpétration d'un acte monstrueux, alors cette personne
19 disparaissait peu de temps après, mais pas tous, heureusement pas
20 tous parmi nous. Certains survivaient parce qu'il est impossible de
21 détruire un peuple.
22 Q. : Le jour, où l'après-midi, au cours duquel il a été ordonné pour la
23 dernière fois à Emir Karabasic de sortir, en quels termes cet ordre
24 a-t-il été formulé ?
25 R. : Emir Karabasic doit descendre.
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1 Q. : D'où venait la voix ?
2 R. : Du rez-de-chaussée, de la pièce en face de la porte d'entrée que l'on
3 devait traverser pour pouvoir monter jusqu'à la grande salle dans
4 laquelle Emir Karabasic et moi-même nous trouvions.
5 Q. : Comment a réagi Emir Karabasic ? Dans quel état était-il après avoir
6 entendu son nom ?
7 R. : Il a sauté sur ces pieds, il était pale, effrayé. Il s'est levé pour
8 se rendre à la fenêtre. Il a fallu qu'il passe par dessus mon pied,
9 mes jambes. Il est donc allé jusqu'à la fenêtre, s'est penché, puis
10 il s'est retourné vers nous, il était aussi face à moi à ce moment-
11 là, et à ce moment-là, j'ai pensé que la peur allait le faire
12 mourir, mais la seule chose qu'il a dite était "Dule est arrivé, je
13 suis fini".
14 M. TIEGER : Madame le Président, Peut-on enregistrer cette photographie
15 sous la cote 270 aux fins d'identification, s'il vous plaît ? Peut-
16 on la faire apparaître sur l'écran sous le numéro 15/32 ? M. Hodzic,
17 reconnaissez-vous cette photographie ?
18 R. : Oui, c'est la pièce dans laquelle je me trouvais, avec Emir
19 Karabasic.
20 Q. : Le mur que l'on voit à droite sur la photographie, est-ce le mur du
21 fond de la pièce contre lequel vous étiez adossé ?
22 R. : Oui, c'est le mur du fond, près des armoires bleues.
23 Q. : Le placard bleu était-il déjà là à l'époque ?
24 R. : Non.
25 Q. : La fenêtre que l'on voit à droite ou au centre de la photographie
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1 est-elle la fenêtre vers laquelle Emir Karabasic s'est rendu après
2 avoir entendu son nom ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Qu'a-t-il fait quand il est arrivé à la fenêtre ?
5 R. : Cette fenêtre, c'était pour nous une source d'oxygène, d'air, elle
6 était ouverte en permanence, et il est donc allé jusqu'à la fenêtre.
7 Il n'avait pas besoin de se pencher au-dessus car la vue était
8 large. Il s'est alors retourné et a dit "Dule est là, c'en est fini
9 de moi".
10 Q. : Quel air avait-il à ce moment-là ?
11 R. : Il avait l'air tellement terrifié, il avait perdu tout espoir de
12 pouvoir revenir après cet appel. Plus d'espoir et une peur immense.
13 Q. : Emir Karabasic est-il descendu ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Quels bruits vous sont parvenus du rez-de-chaussée du hangar, après
16 son départ ?
17 R. : Je n'ai pas entendu la question.
18 Q. : Quels bruits vous sont parvenus du rez-de-chaussée du hangar, après
19 son départ ?
20 R. : Un bruit de coups, de passage à tabac qui a commencé immédiatement,
21 des obscénités. Cet acte barbare avait déjà commencé.
22 Q. : Avez-vous entendu le nom d'autres prisonniers être appelés après Emir
23 Karabasic ?
24 R. : J'ai entendu celui de Jasko Hrnic. Il a été appelé plusieurs fois.
25 Q. : Pendant combien de temps les bruits de coups et les cris vous sont-
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1 ils parvenus d'en bas ?
2 R. : D'après moi et sachant que nous n'avions pas de montre, et de toute
3 façon, personne n'aurait pensé à regarder l'heure, cela doit avoir
4 duré environ une heure, à 10 minutes près, mais nous n'avions pas de
5 montre. Les gardes nous les avaient prises.
6 Q. : Pouvez-vous nous dire combien de prisonniers ont été passés à tabac
7 en bas, d'après les bruits que vous avez perçu ?
8 R. : Plusieurs. J'en ai reconnu certains au son de leur voix, parce que
9 les cris s'alternaient, ils ne venaient pas d'un seul homme. C'est
10 différent. Vous savez, vous connaissez un homme, vous le connaissez
11 très bien et puis il gémit, il hurle, et cela continue avec un
12 deuxième, puis un troisième.
13 Q. : Avez-vous pu évaluer combien de gardes ou d'autres personnes
14 passaient les prisonniers à tabac ?
15 R. : Un certain nombre de gardes. Je ne sais pas combien. Je ne pouvais
16 pas les compter mais il y en avait un certain nombre parce qu'un
17 homme ne peut pas distribuer tous ces coups aussi vite et les
18 atteindre tous, et chacun avait ses jurons de prédilection. On
19 distinguait clairement qu'il y avait différentes personnes. Combien,
20 je ne sais pas.
21 Q. : Pendant l'heure qu'a duré approximativement le passage a tabac, avez-
22 vous entendu des ordres qui étaient proférés ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Qu'avez-vous entendu ?
25 R. : Des mots dont je ne croyais pas capable un homme digne de ce nom,
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1 "Mords", "Tire", "Attrape", "Déchire", ce genre de choses. Je sais
2 très bien que l'objet de ces ordres étaient les parties génitales
3 des victimes parce qu'à ce moment-là, j'ai entendu, veuillez excuser
4 mon langage très cru "Arrache-lui les couilles avec tes dents" et
5 c'était très clair parce qu'un homme n'en a qu'à un seul endroit.
6 Cette douleur, la douleur de ces hommes, ces hurlements de douleur,
7 c'était si atroce. Hitchcock, ça n'est rien, c'est juste un
8 cinéaste, il n'est rien par rapport à eux, pour montrer quelque
9 chose comme ça. A travers la douleur et les hurlements, ils les
10 imploraient, les gens qui subissaient cela les imploraient, mais les
11 auteurs semblaient trouver du courage dans ces actes. Il y avait de
12 plus en plus de bruits et les coups étaient de plus en plus
13 violents. C'était horrible.
14 Q. : Et, pendant tout cela, avez-vous essayé de ne pas écouter ?
15 R. : Oh oui, j'ai essayé, j'ai essayé de me boucher les oreilles. J'ai
16 prié Dieu pour ne plus être là parce que ces cris de douleur étaient
17 difficiles, très difficiles à endurer pour un homme normal. J'ai
18 donc essayé de baisser la tête, de mettre mes mains sur mes
19 oreilles, et je les enlevais, peut-être allais-je entendre quelqu'un
20 qui réussissait à survivre, et puis, je les couvrais à nouveau.
21 C'était -- Si je devais revivre ça, je ne crois pas que j'y
22 survivrai, juste le fait d'entendre ce qui se passait.
23 C'est la pire des choses qui me soient arrivées dans le camp et dans
24 ma vie. C'est quelque chose de difficile, de difficile à décrire. Il
25 faut vraiment que la chance vous ait quitté pour vivre une chose
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1 pareille. C'est seulement si la chance vous a quitté, si vous n'avez
2 absolument pas de chance qu'une telle chose peut vous arriver.
3 Q. : M. Hodzic, lorsque que les bruits qui montaient du rez-de-chaussée du
4 hangar se sont finalement tus, c'est-à-dire, les bruits que vous
5 avez décrits, avez-vous ensuite entendu autre chose dans le hangar,
6 une fois l'incident terminé ?
7 R. : Lorsqu'ils ont arrêté les passages à tabac et que les cris, les
8 gémissements, je ne sais pas comment les appeler, se sont tus, une
9 pause a suivi, une pause. Je ne sais pas combien de temps elle a
10 duré. Je ne sais pas ce qu'est un silence de mort, c'est une
11 expression couramment utilisée. Il régnait un silence de mort. Puis
12 nous avons entendu le bruit d'un petit camion, un TAM, et lorsque le
13 bruit s'est éloigné, on a entendu un bruit de lavage, quelqu'un
14 lavait quelque chose.
15 Q. : Vous souvenez-vous s'il y avait de la musique au cours de l'incident
16 ou après ?
17 R. : À l'époque, la musique représentait un facteur motivant, cela les
18 aidait aussi. Elle leur remontait le moral, aux gardes, à ces
19 hommes, je ne sais pas comment les appeler. Je ne veux pas les
20 insulter, mais ces hommes, ces humains, passaient de la musique. Les
21 paroles sont maintenant gravées dans ma mémoire, "Laissez moi vivre,
22 ne touchez pas à mon bonheur", et la traduction de ces paroles est
23 suffisamment claire et montre quelles étaient leurs intentions. Les
24 hommes torturés devaient sentir deux sortes de douleur, une douleur
25 physique à cause des coups et une douleur psychologique en entendant
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1 les paroles provocantes de la chanson.
2 Q. : M. Hodzic, avez-vous revu Emir Karabasic, Jasko Hrnic ou Enver Alic
3 vivants après ce jour ?
4 R. : Non.
5 Q. : Avez-vous jamais vu Dule Tadic à Omarska ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Où étiez-vous lorsque vous l'avez vu ?
8 R. : Je faisais la queue pour le déjeuner, par groupe de 30 et, au moment
9 où je suis sorti, il y avait déjà une queue dans la cuisine. Nous
10 attendions le long du mur de ce bâtiment devant moi. Dans l'angle de
11 la cuisine se tenait Dusko Tadic. Je le connaissais très bien, et
12 j'ai senti la peur m'envahir à l'idée d'être repéré par lui.
13 Q. : S'agissait-il de l'angle faisant directement face à l'endroit où les
14 prisonniers faisaient la queue ? L'angle de la cuisine faisant
15 directement face à l'endroit où les prisonniers faisaient la queue ?
16 R. : Oui, oui, et je regardais droit devant, c'est-à-dire que mon regard
17 était tourné dans sa direction.
18 Q. : Comment les prisonniers faisaient-ils la queue ?
19 R. : En file indienne.
20 Q. : Tournés dans quelle direction ?
21 R. : La direction de la cuisine.
22 Q. : Donc votre épaule droite était contre le mur ?
23 R. : Oui, contre le mur.
24 Q. : Les prisonniers faisaient-ils toujours la queue ainsi pour aller
25 déjeuner ?
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1 R. : Pas toujours. Parfois, nous devions nous mettre face au mur, parfois
2 regarder nos pieds. Ça dépendait. Le plus souvent, nous ne pouvions
3 ni regarder devant nous, ni sur les côtés.
4 Q. : Comment Dule Tadic était-il vêtu ce jour-là, si vous vous en souvenez
5 ?
6 R. : Je me souviens qu'il portait un uniforme de camouflage.
7 Q. : Y avait-il beaucoup de soldats ou de gardes à l'endroit où il se
8 trouvait ?
9 R. : Oui, sur la gauche par rapport à moi, c'était courant, c'était là que
10 se tenaient les gardes, tous les jours. C'était le poste de la
11 sentinelle. Un garde se tenait là, cherchant à se protéger du
12 soleil. Ils avaient installé un genre de store improvisé et il se
13 tenait devant eux à l'angle du restaurant.
14 Q. : Après avoir repéré et reconnu Dule Tadic et commencé à avancer pour
15 aller déjeuner, avez-vous tenté de vous dissimuler pour ne pas qu'il
16 vous voie ?
17 R. : J'ai fait ce que j'ai pu pour ne pas qu'il me remarque.
18 Q. : Savez-vous s'il se trouvait encore sur place lorsque vous êtes
19 revenus du déjeuner quelques minutes plus tard ?
20 R. : Oui, il était toujours là.
21 Q. : M. Hodzic, voyez-vous M. Dule Tadic dans ce prétoire ?
22 R. : Si je le vois ?
23 Q. : Oui, pouvez-vous regarder autour de vous et nous dire si vous voyez
24 Dule Tadic dans ce prétoire ?
25 R. : Oui, je le vois. Il est assis entre deux policiers, il a un visage
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1 peu amène et il porte une cravate. Je le vois bien.
2 M. TIEGER : Le procès-verbal pourra-t-il faire état de l'identification de
3 l'accusé ?
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera état de
5 l'identification de l'accusé par le témoin mais, M. Hodzic, s'il
6 vous plaît, veuillez éviter les descriptions négatives. Dites-nous
7 seulement ce que porte M. Tadic. Cela sera suffisant. Merci.
8 M. TIEGER : Je n'ai plus de questions, Madame le Président.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voulez-vous contre-interroger le témoin, M.
10 Kay ?
11 M. KAY : Oui, Madame le Président.
12 (Contre-interrogatoire par M. KAY)
13 Q. : M. Hodzic, d'après ce que vous nous avez dit, vous n'avez pas vu Dule
14 Tadic dans le camp, cet après-midi au cours duquel Emir Karabasic a
15 été appelé ?
16 R. : Si, je l'ai vu.
17 Q. : Vous nous avez dit que Emir Karabasic vous avait déclaré avoir peur
18 de Dusko Tadic ?
19 R. : Oui, je l'ai entendu le dire.
20 Q. : Vous nous avez dit qu'il s'était confié à vous ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Emir Karabasic était un homme connu à Kozarac ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Beaucoup de gens du camp connaissaient son identité ?
25 R. : Je suppose, oui.
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1 Q. : Ce qu'il semble vous avoir dit est "Si Dusko Tadic vient au camp et
2 apprend que je suis ici, alors quelque chose va m'arriver" ?
3 R. : Oui, c'est ce qu'il m'a dit.
4 Q. : Donc, avant cette après-midi là, aucun indice dans le discours d'Emir
5 Karabasic n'indiquait que Dusko Tadic était déjà venu au camp et
6 qu'il savait qu'il était là ?
7 R. : Il ne me l'a pas dit.
8 Q. : L'après-midi où Emir Karabasic a été appelé, vous souvenez-vous si un
9 ou plusieurs autres noms ont été appelés ?
10 R. : Oui, Jasko Hrnic.
11 Q. : Quelqu'un d'autre ?
12 R. : Je n'ai pas entendu.
13 Q. : Eno Alic, par exemple, savez-vous qu'il a été appelé ?
14 R. : Il n'a pas été appelé, d'après ce que j'ai entendu. Je n'ai pas
15 entendu qu'on l'appelait. Je ne sais pas comment il est sorti de la
16 pièce mais on ne l'a pas appelé.
17 Q. : Avez-vous entendu d'autres personnes être appelées ?
18 R. : Cet après-midi là ?
19 Q. : Oui.
20 R. : Non.
21 Q. : Donc, vous n'avez entendu que ces deux noms et vous vous trouviez
22 dans cette pièce au premier étage au bout du couloir lorsque vous
23 avez entendu ces noms, c'est ça ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Est-ce la pièce dans laquelle vous êtes resté durant votre période de
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1 détention à Omarska jusqu'au moment où vous avez été transféré ?
2 R. : Oui, mais avant l'interrogatoire, j'étais dans la pièce 15.
3 Q. : Oui, mais vous êtes resté dans cette pièce jusqu'à ce que vous
4 finissiez par être transféré en août, n'est-ce pas ?
5 R. : Oui.
6 Q. : En fin d'après-midi lorsque ces incidents ont eu lieu, avez-vous
7 parlé à d'autres personnes de ce qui s'était passé ?
8 R. : Après cet événement ?
9 Q. : Oui.
10 R. : Je n'en avais pas le courage, parce que si l'un d'entre nous
11 commençait à poser des questions sur quelque chose, alors cela
12 pouvait devenir dangereux.
13 Q. : Savez-vous de qui je parle lorsque je parle du témoin G ? Vous a-t-on
14 dit que c'est le pseudonyme à employer si l'on parlait au cours de
15 ces débats d'une personne qui se trouvait dans le camp ?
16 R. : Non.
17 Q. : Je voudrais que vous regardiez ce morceau de papier. Je ne veux pas
18 que les personnes se trouvant dans la galerie du public derrière
19 vous le voie, alors assurez-vous de le maintenir juste devant vous,
20 puis veuillez plier la feuille.
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mettez-le à plat sur la table. Voulez-vous
22 montrer ce papier au Procureur ? (le morceau de papier est transmis)
23 M. KAY (Au témoin) : Ce nom que j'ai écrit sur un morceau de papier est-ce
24 le nom d'une personne dont vous savez qu'elle a participé aux
25 événements du hangar ?
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1 R. : Je l'ai entendu dire mais je n'en suis pas sûr.
2 Q. : Avez-vous vu cette personne que nous appellerons G, vous comprenez,
3 participer aux événements qui se sont déroulés cet après-midi là ?
4 R. : Je n'ai pas vu ce qui s'était passé cet après-midi là et je n'ai pas
5 vu la personne G.
6 Q. : Parce que ce que je suggère, c'est que vous avez dit à ce Tribunal
7 qu'Emir Karabasic a mentionné Dule Tadic au moment où il quittait la
8 pièce parce que vous voulez impliquer Dusko Tadic dans les
9 événements qui se sont produits cet après-midi là ?
10 R. : Je ne veux pas incriminer Dusan Tadic. Je veux incriminer ceux qui
11 sont coupables de quelque chose et pas seulement Dusko Tadic
12 personnellement. Je préférerais pouvoir le défendre que l'accuser.
13 Q. : Ce que je suggère, c'est que vous avez inventé cette histoire pour
14 l'impliquer dans ce que vous dites avoir entendu ?
15 R. : C'est faux. Je ne l'ai pas inventé.
16 Q. : Avez-vous toujours parlé de ce qui s'était produit cet après-midi là
17 sans rien inventer sur ce que vous pensez qu'il s'est passé, sans
18 inventer des parties de l'histoire ?
19 R. : Je n'ai rien inventé, ni ajouté quoi que ce soit à l'histoire et je
20 vous demande, monsieur, de bien vouloir me poser des questions plus
21 courtes, parce que j'ai du mal à répondre à de longues questions.
22 Q. : Avez-vous toujours dit la vérité sur ce qui s'est passé cet après-
23 midi là ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Donc, d'après ce que vous avez dit, vous n'avez rien vu de ce qui
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1 s'est passé dans le hangar lorsque ces cris vous sont parvenus ?
2 R. : Je n'ai rien vu.
3 Q. : Je voudrais que vous examiniez cette déclaration dont vous êtes
4 l'auteur et que je vais vous donner dans votre langue. C'est une
5 déclaration prise sous la forme d'une interview. Aux fins
6 d'identification, Madame le Président, pourrait-on enregistrer cette
7 pièce sous la côte D24, qui est le numéro suivant ? Je pense que le
8 Procureur dispose déjà d'une copie.
9 Je voudrais vous présenter cette déclaration. Vous y verrez quelque
10 chose d'écrit dans votre propre langue. Vous rappelez-vous avoir
11 fait une déclaration en juillet 1993, environ un an plus tard, en
12 réponse à un questionnaire d'une organisation du nom de Réfugiés de
13 l'ex-Yougoslavie ? Vous en souvenez-vous ?
14 R. : Oui, je m'en souviens. Ça n'était pas une déclaration. C'est une
15 histoire qui raconte comment j'ai survécu dans le camp et aucune
16 distinction n'a été faite entre ce que j'ai entendu dire et ce que
17 j'ai personnellement vécu, c'était juste une histoire générale du
18 camp.
19 Q. : Cette déclaration a-t-elle été écrite avec l'aide d'un interprète ?
20 R. : Oui, il y avait un interprète à la présence duquel j'ai objecté
21 d'emblée parce qu'il était Albanais et qu'il connaissait mal la
22 langue que je parle.
23 Q. : Quel que soit son degré de connaissance de la langue, vous ne pensez
24 pas qu'il aurait inventé des choses que vous auriez vues, n'est-ce
25 pas, M. Hodzic ?
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1 R. : Mais les choses ont pu être confondues, entre ce que j'ai entendu
2 dire et ce que j'ai vu.
3 Q. : Veuillez aller en pages 5 et 6 de la déclaration et en haut de la
4 page 7, les premiers paragraphes -- Vous n'avez pas besoin de lire
5 ce passage à haute voix. Vous pouvez le lire dans votre tête et je
6 vous poserai ensuite quelques questions.
7 R. : J'ai fini.
8 Q. : Bien. Veuillez prendre la page 6 de la déclaration, vous y voyez les
9 noms mentionnés, vous dites dans cette déclaration que l'un des
10 gardes a appelé quatre noms, Enver Alic, Emir Karabasic, Jasko Hrnic
11 et Fikret Harambasic, n'est-ce pas ? Les noms d'Enver Alic et Emir
12 Karabasic figurent à la page 5.
13 R. : Oui, c'est ce qui est dit ici.
14 Q. : Oui, vous prétendez donc que ces quatre noms ont été appelés mais
15 c'est quelque chose que vous n'avez pas entendu personnellement,
16 c'est ça ?
17 R. : Je n'ai entendu que deux noms et cette déclaration que j'ai faite
18 n'est qu'une histoire de la période que j'ai passée au camp, ce que
19 j'y ai entendu dire et ce que j'y ai vu. C'est --Aucune distinction
20 n'est faite entre ce que j'ai entendu dire et ce que j'ai vu,
21 contrairement à ce que je fais maintenant.
22 Q. : Est-ce bien exact, car vous remarquerez qu'à la fin de la phrase dans
23 le premier paragraphe de la page 6, vous dites avoir été le témoin
24 oculaire de la majeure partie des faits que vous allez relater,
25 "tout le reste je l'ai entendu dire". Peut-être pourriez-vous lire à
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1 haute voix ces deux phrases qui concluent le premier paragraphe de
2 la page 6, qui commencent par "Vecinu" ? Pourriez-vous lire ce
3 passage à haute voix pour les Juges ?
4 R. : "j'ai été le témoin oculaire de la majeure partie des faits que je
5 vais relater. Tout le reste, je l'ai entendu dire".
6 Q. : Merci. Dans le paragraphe suivant, vous dites que "ils étaient
7 frappés violemment à l'aide de crosses de fusils et de barres de fer
8 devant le hangar, là où nous pouvions voir", c'est exact ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Ils recevaient l'ordre de se coucher par terre. Ils recevaient des
11 coups de toute part et sur toutes les parties du corps".
12 R. : Monsieur, il est dit "Là où nous pouvions les voir."
13 Q. : Oui.
14 R. : C'est un pluriel. Par la suite, j'ai entendu quelque chose parce que
15 plus haut, il est dit " j'ai entendu le reste".
16 Q. : Vous n'avez donc vu personne être frappé dans ce hangar, comme vous
17 l'avez dit aux juges ?
18 R. : Cet après-midi là, je n'ai vu personne être frappé. Je n'ai fait
19 qu'entendre les passages à tabac.
20 Q. : Et pourtant, dans votre déclaration, vous affirmez y avoir assisté ?
21 R. : Ce "nous pouvions", cela peut aussi bien vouloir dire que quelqu'un
22 d'autre qui y a assisté m'en a parlé.
23 Q. : On ne peut pas dire qu'ils étaient frappé sur toutes les parties du
24 corps en écoutant seulement l'incident se dérouler, il faut y avoir
25 assisté, parce que, si ça n'était pas le cas, comment sauriez-vous
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1 qu'ils recevaient des coups sur toutes les parties du corps ?
2 R. : J'ai été personnellement frappé et je sais qu'ils vous frappent sur
3 toutes les parties du corps.
4 Q. : Dans ce même paragraphe, vous poursuivez en disant "C'est la pire des
5 choses à laquelle nous ayons assisté" ? C'est exact, n'est-ce pas ?
6 R. : Oui, mais dans quel paragraphe ?
7 Q. : Dans le deuxième paragraphe, page 6, juste après l'épisode au cours
8 duquel ils sont violemment frappés, devant, "là où nous pouvions
9 voir" et qu'ils sont frappés sur toutes les parties du corps, vous
10 dites "C'est la pire des choses à laquelle nous ayons assisté".
11 R. : Oui, mais cette phrase dit également que nous y avons assisté ; cela
12 veut donc dire là aussi que plusieurs personnes y ont assisté, et
13 j'ai pu l'entendre d'autres personnes. C'était juste une histoire
14 pour que la personne qui m'interrogeait se fasse une idée de ce qui
15 nous était arrivé dans le camp.
16 Q. : Vous continuez plus loin dans votre déclaration en disant : "15
17 minutes plus tard, les tortionnaires firent sortir un autre
18 Musulman, "G"" et la lettre G est utilisée dans la traduction et
19 remplace son vrai nom ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Dans la phrase suivante, "Les tortionnaires ouvrirent la porte du
22 hangar où je me trouvais et prirent la première personne qu'ils
23 virent" ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Vous prétendiez que G venait de la même pièce que vous ?
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1 R. : Oui, la personne où se trouvait G (sic) appartenait à notre pièce.
2 Nous partagions la même porte pour entrer et sortir.
3 Q. : "Les tortionnaires formaient une allée. G devait prendre pratiquement
4 tous les corps inertes par les chevilles ou les bras et les traîner
5 le long de cette allée comme des sacs à patates. Pendant ce temps,
6 les tortionnaires continuaient à frapper les corps presque sans vie.
7 Lorsqu'il finissait de tirer un corps, il devait le laisser et en
8 tirer un autre"
9 R. : Oui, c'est ce qui est dit ici.
10 Q. : C'est ce que vous prétendez avoir vu ? Vous prétendez avoir vu des
11 choses cet après-midi là qui n'étaient pas exactes, que vous n'avez
12 pas vues ?
13 R. : Je n'ai pas vu cela et il est clair dans tous les cas que c'est un
14 pluriel, que c'était -- ce qui diffère de "je". Il y a une
15 différence entre "nous" et "je" et c'était l'histoire du camp.
16 Q. : Mais pourquoi parlez-vous ici de G alors que vous n'aviez aucune idée
17 de la participation de G à l'incident ?
18 R. : Lorsque, par la suite, il est devenu possible d'avoir des
19 conversations entre nous quand le danger avait cessé, je n'ai pas
20 voulu lui rappeler des souvenirs qui lui étaient si douloureux.
21 Q. : Si nous passons au paragraphe suivant : "La première fois que Jasmin
22 Hrnic a été tiré dans l'allée, il était déjà mort. Je sais que
23 c'était Hrnic parce que l'un des Serbes fit remarquer que sur sa
24 moto, il était plus fort. Je savais que Hrnic était le seul à
25 conduire une moto".
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1 R. : Oui, cela ne dit pas quand il a été traîné la première fois, mais
2 quand Jasmin Hrnic a été traîné dans cette haie de soldats, et il
3 n'est pas précisé qu'il s'agit de la première, deuxième ou troisième
4 fois.
5 Q. : Mais vous n'avez rien vu de tout cela ?
6 R. : Non, je n'ai pas vu cela. Je ne prétends pas l'avoir vu.
7 Q. : Pourquoi avoir dit le contraire dans votre déclaration, ce qui vous
8 vaut d'être aujourd'hui un témoin du Procureur ?
9 M. TIEGER : Madame le Président, j'ai plusieurs objections à formuler eu
10 égard à cette question. Je crois que l'objection principale est que
11 le conseil ressasse encore et encore le même point paragraphe après
12 paragraphe et repose la même question à laquelle le témoin a déjà
13 apporté une réponse à maintes reprises. Deuxièmement, sur cette
14 question en particulier, je ne pense pas qu'il y ait un quelconque
15 fondement justifiant la formulation par la Défense dans ces
16 questions de supposition quand à la motivation sous-tendant la
17 comparution de ce témoin.
18 M. KAY : Je suis désolé que ceci mette M. Tieger mal à l'aise.
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le témoin a déjà dit à plusieurs reprises "ce
20 n'est pas une déclaration, mais une histoire construite à partir de
21 ce que j'ai entendu dire et vu". Et très souvent, vous lui demandez
22 "Pourquoi ceci figure-t-il dans votre déclaration si vous ne l'avez
23 pas vu ?" La réponse a toujours été "ce n'est pas une déclaration
24 relatant ce que j'ai vu. C'est une déclaration, comme je l'ai dit
25 d'emblée, de ce que j'ai entendu dire et vu".
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1 Je peux donc rejeter votre objection. Il se répète beaucoup et vous
2 obtenez de nombreuses informations sur un événement au sujet duquel
3 le témoin n'a pas témoigné aujourd'hui parce qu'il dit ne pas y
4 avoir assisté. Si vous voulez continuer à lire toutes ces choses
5 dont ils dit qu'elles ont été entendues par d'autres personnes qui
6 les lui ont décrites par la suite, faites. Objection rejetée.
7 M. KAY (Au témoin) : Là encore, lorsque vous avez fait votre déclaration,
8 vous avez dit que G a reçu l'ordre de boire de l'huile de moteur,
9 est-ce exact ?
10 R. : Lorsque j'ai raconté cette histoire du camp, pas la déclaration.
11 Q. : Cependant, dans cette déclaration, vous dites, en haut de la page 6,
12 "j'ai été le témoin oculaire de la majeure partie des faits que je
13 vais relater. Tout le reste, je l'ai entendu dire".
14 R. : Tout ce que j'ai entendu ou vu, je l'ai raconté à cette Chambre.
15 Q. : A cette occasion, vous avez fait une déclaration qui allait permettre
16 à l'Accusation (NdT : version en anglais incomplète) des présumés
17 criminels de guerre serbes, n'est-ce pas ?
18 M. TIEGER : Madame le Président, je fais opposition. Cet ensemble de
19 questions a commencé lorsque le conseil lui-même a demandé au témoin
20 quel était le titre du "questionnaire pour les réfugiés d'ex-
21 Yougoslavie". C'est une question extrêmement injuste que le conseil
22 pose maintenant au témoin.
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La question est si oui ou non c'est une
24 déclaration qui a amené le Procureur à penser que des criminels de
25 guerre serbes -- je n'arrive pas à lire le reste. A moins que le
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1 témoin ait eu personnellement connaissance du fait que son
2 témoignage allait être remis à l'Accusation, et que l'Accusation ait
3 alors évalué le témoignage afin de décider si un acte d'accusation
4 allait être déposé, je crois que c'est une question déplacée. C'est
5 à l'Accusation d'y répondre. Sa déclaration, si j'ai bien compris,
6 n'a pas été recueillie par l'Accusation. Elle a été recueillie par
7 qui, les Réfugiés -- une organisation. Son nom complet m'échappe.
8 M. KAY : Recueillie sans condition par les Nations unies.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Réfugiés d'ex-Yougoslavie, oui. Je fais donc
10 droit à l'opposition. Il s'agit là de spéculation. Cette question
11 appelle une conclusion que le témoin ne peut pas tirer.
12 M. KAY (Au témoin) : Voyons, M. Hodzic, si vous pouvez répondre à cette
13 question étant donné que vous avez eu amplement le temps de vous
14 appuyer sur le fait que vous relatiez des événements que vous
15 connaissiez et qui faisaient partie de l'histoire du camp. Si vous
16 vous penchez sur le paragraphe où vous mentionnez l'ordre qui est
17 donné à G de boire de l'huile de moteur, dites-vous également "A
18 partir de ce moment-là, je n'ai pas pu continuer à regarder"?
19 R. : A quelle page est-ce ?
20 Q. : Au milieu de la page 6. " Nous avons entendu qu'on donnait l'ordre à
21 G de boire de l'huile de moteur usée".
22 R. : "Puis j'ai entendu", et non "vu", "que G recevait l'ordre et à partir
23 de cet instant je ne pouvais plus voir quoi que ce soit". Il y a ici
24 une erreur de traduction car il y a une différence entre "entendu"
25 et "vu".
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1 Q. : Oui. "Je ne pouvais plus voir quoi que ce soit" implique que vous
2 pouviez les voir avant ?
3 R. : J'ai dit et répété -- je ne sais pas combien de fois encore il faut
4 que je le répète -- cette déclaration, cette histoire relatant mon
5 expérience au camp n'est pas destinée à accuser qui que ce soit.
6 C'est un questionnaire soumis à tous les détenus, tous les réfugiés
7 de l'ex-Yougoslavie afin de donner une image, d'une certaine
8 manière, une image générale de la situation d'alors. Il n'y avait
9 rien, pas de cadre défini à l'époque auquel nous devions nous tenir,
10 je ne fais que raconter une histoire.
11 Q. : Sur cette question, justement, nous l'avons vu dans votre
12 déclaration, vous donnez moult détails sur G et sur ce qu'il est
13 censé avoir fait cet après-midi là, n'est-ce pas ?
14 R. : Là encore, lorsque nous avons "entendu", je n'ai pas vu cela --si
15 vous trouvez un exemple dans lequel j'ai dit "J'ai vu", "Nous avons
16 entendu qu'on ordonnait à G de boire de l'huile de moteur usée",
17 etc. Par la suite, il m'a dit qu'il avait dû boire, il me l'a
18 raconté. Ma déclaration est composée d'éléments que j'ai vus et
19 d'autres qui m'ont été rapportés.
20 Q. : Dans cette déclaration, vous ne dites pas avoir entendu Emir
21 Karabasic dire "Dule est là, je suis fini"?
22 R. : Si je devais raconter tout ce que j'ai vu et entendu, j'en aurais
23 pour très longtemps. Ce serait une histoire en plusieurs volumes.
24 Q. : Ce que je vous suggère, c'est la chose suivante : vous avez entendu
25 une rumeur disant que Dule Tadic était mêlé à tout cela, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. : Ça n'est pas vrai.
3 Q. : G n'est-il pas monté dans la grande pièce et n'y a-t-il pas eu une
4 rumeur qui circulait entre vous sur les événements qui s'étaient
5 produits ?
6 R. : G ne pouvait presque plus parler après cela, parce qu'après l'acte
7 qu'on lui a ordonné de commettre, il est difficile de parler de quoi
8 que ce soit, alors vous pensez bien qu'il n'allait pas rentrer et
9 dire "Hé, Dule Tadic était dans le coin, etc., etc...". Je ne sais
10 pas si vous vous rendez compte ce que c'était que d'être dans ce
11 camp.
12 Q. : Vous ne saviez pas qu'il y avait un second volontaire dans le hangar
13 avec G, n'est-ce pas ?
14 R. : Il ne pouvait pas y avoir qu'une personne. Une personne n'aurait pas
15 été suffisante pour satisfaire leurs besoins de divertissements,
16 pour traîner, tirer, pour tout faire, pour tenir. Une personne
17 n'aurait pas pu faire cela seule. C'est logique qu'ils aient été
18 plusieurs.
19 Q. : Je suis en train de vous suggérer la chose suivante : à cause de
20 cette rumeur et parce que vous prétendez avoir vu plus de choses que
21 les autres, vous êtes venu ici pour incriminer Dusko Tadic ?
22 R. : C'est faux.
23 M. KAY : Je n'ai plus de questions. Madame le Président, j'ai demandé le
24 versement au dossier de la déclaration. Peut-elle être enregistrée
25 sous la cote D24 ? J'ai oublié de le rappeler.
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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Quelle est la cote ?
2 M. KAY : 24.
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Elle a été enregistrée aux fins
4 d'identification. Vous en demandez le versement au dossier. Y fait-
5 on opposition ?
6 M. TIEGER : Madame le Président, elle fait déjà partie des éléments dont
7 dispose cette Chambre, suite au versement de la pièce par
8 l'Accusation. En ce qui concerne la déclaration -- la traduction du
9 document dont le versement est demandé, je ne suis pas bien sûr de
10 savoir où nous en sommes. Nous avons transmis à la Défense une
11 traduction en anglais du questionnaire. Il y a maintenant une
12 traduction en serbo-croate qui, d'après ce que je comprends, fait
13 l'objet de la demande de versement devant cette Chambre. J'aimerais
14 au moins avoir la possibilité de contrôler la conformité de cette
15 version aux versions originales. Mais, sauf cette réserve, je ne m'y
16 oppose pas.
17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dans ce cas, nous réservons notre décision.
18 Donnons-leur la possibilité d'examiner l'anglais et de s'assurer que
19 la traduction est bonne, en tout cas du point de vue de
20 l'Accusation. Peut-être qu'il n'y aura pas de problème.
21 M. KAY : Oui. Madame le Président, vous vous souviendrez sûrement que le
22 témoin l'a examinée avec moi en audience. Je ne m'oppose donc pas à
23 ce que la version en serbo-croate soit la pièce 24A, et la version
24 en anglais la pièce 24B.
25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je crois que M. Tieger veut dire que -- avez-
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1 vous lu la déclaration dans sa totalité ? Je suis désolée, alors je
2 ne l'ai pas entendue. Je pensais que vous ne l'aviez lue que
3 partiellement.
4 M. KAY : Cet incident correspond à la section 6. J'ai résumé la fin.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La version en anglais est admise sous la côte
6 24B.
7 M. KAY : Oui.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 24A est admise, sous réserve que le Procureur
9 ait la possibilité de confirmer la traduction que vous avez faite de
10 l'anglais.
11 M. KAY : C'est une traduction du Tribunal, du Greffe. Elle a été faite à
12 notre demande.
13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D'accord.
14 M. KAY : Par le Tribunal.
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, disposez-vous d'un exemplaire de
16 24A ? C'est le serbo-croate.
17 M. TIEGER : Non.
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Elle est versée. S'il y a une problème de
19 traduction, nous le résoudrons ultérieurement. 24A et 24B sont
20 admises. Veuillez transmettre un exemplaire de 24A à l'Accusation,
21 s'il vous plaît.
22 M. Tieger, avez-vous de nouvelles questions ?
23 (Interrogatoire supplémentaire par M. TIEGER)
24 Q. : Une seule question peut-être, M. Hodzic. Veuillez consulter la
25 première page du questionnaire, en bas du premier paragraphe, dans
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1 la dernière phrase, le traducteur ou l'interprète à qui vous vous
2 adressiez en répondant au questionnaire a-t-il compris que vous
3 disiez vouloir résumer certains des pires événements survenus à
4 Omarska, et cela se reflète-t-il dans la déclaration ?
5 R. : Si l'interprète a compris cela ?
6 Q. : Et bien, au moins, cela apparaît-il dans l'exemplaire du
7 questionnaire que vous avez sous les yeux en bas, juste avant le
8 récit du premier incident ?
9 R. : "J'ai vécu des choses terribles au cours de cette période. Je vais
10 essayer de parler brièvement des pires événements".
11 Q. : Était-ce ce que vous avez essayé de faire pour les personnes qui vous
12 questionnaient ou qui vous ont demandé de répondre au questionnaire
13 ce jour-là, de leur permettre de comprendre dans une certaine mesure
14 ce qui s'était passé à Omarska en leur fournissant les informations
15 dont vous disposiez ?
16 R. : Oui, c'est ce que j'essayais de faire, de leur dresser une image
17 générale de ce qui se passait dans le camp. Je ne l'ai pas considéré
18 comme une déclaration parce que je ne peux fonder une déclaration
19 sur l'ouï-dire, de quelque chose de plus important (sic). C'était
20 juste une histoire, une histoire que je racontais sur quelque chose
21 qui s'était produit dans ma vie pendant que j'étais au camp.
22 M. TIEGER : Merci, monsieur, je n'ai plus de question. Madame le
23 Président, madame Sutherland me souffle que nous avons omis de
24 demander le versement de la pièce 270 au dossier.
25 M. KAY : Pas d'opposition, Madame le Président.
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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'est la photo de M. Karabasic et de M.
2 Tadic, n'est-ce pas ?
3 M. TIEGER : Non, Madame le Président, c'est la photo de la grande salle.
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : De l'endroit où se trouvait le témoin. Oui,
5 très bien.
6 M. TIEGER : C'est exact.
7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d'opposition au versement de la pièce 270
8 ?
9 M. KAY : Non, Madame le Président.
10 M. TIEGER : Madame le Président, je vous demande de m'accorder un instant.
11 J'ai terminé, merci.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
13 M. KAY : Moi aussi.
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas de question. Monsieur, vous êtes
15 définitivement libéré. Merci de votre présence.
16 LE TÉMOIN : Je vous en prie.
17 (Départ du Témoin)
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, voulez-vous appeler le témoin
19 suivant ?
20 M. KEEGAN : Oui, madame le Président, le témoin suivant est Armin Mujcic.
21 (Appel à la barre de M. Armin MUJCIC)
22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, veuillez vous lever et prêter
23 serment.
24 LE TÉMOIN [Traduction] : Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
25 toute la vérité et rien que la vérité.
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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
2 Interrogatoire par M. KEEGAN
3 Q. : Monsieur, pourriez-vous décliner votre identité ?
4 R. : Je m'appelle Armin Mujcic.
5 Q. : Quand êtes-vous né ?
6 R. : le 26 avril 1968.
7 Q. : Êtes-vous né dans la ville de Kozarac dans la municipalité de
8 Prijedor ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Où avez-vous été élevé et où êtes-vous allé à l'école ?
11 R. : J'ai été élevé à Kozarac et j'y ai fait quatre ans d'école primaire.
12 Q. : C'était à "Kozarusa" et non "Kozarac" ?
13 R. : À Kozarusa.
14 Q. : Après vos quatre premières années à l'école, avez-vous continué
15 l'école dans la ville de Kozarac puis à Prijedor ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Quel est votre métier, monsieur ?
18 R. : Je suis serrurier.
19 Q. : Avez-vous fait votre service militaire obligatoire ?
20 R. : Oui.
21 Q. : En quel année ?
22 R. : 1986/87.
23 Q. : Quelle formation avez-vous reçu ?
24 R. : J'étais dans les chars.
25 Q. : Etiez-vous conducteur ou artilleur ?
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1 R. : Artilleur.
2 Q. : Après votre retour dans la région de Kozarac, avez-vous exécuté
3 certaines tâches en tant que réserviste ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Quand avez-vous exécuté votre dernière mission en tant que réserviste
6 ?
7 R. : À la veille de la guerre, au moment de l'éclatement du conflit en
8 Slovénie et en Croatie.
9 Q. : Lors de cette mission, vous a-t-on remis un uniforme et des armes ?
10 R. : Nous avions notre uniforme chez nous et on nous a remis des armes.
11 Q. : Où vous ont-elles été remises ?
12 R. : Le jour où les manoeuvres ont commencé.
13 Q. : Étiez-vous autorisés à garder vos armes avec vous ?
14 R. : Non.
15 Q. : Quand devaient-elles être rendues ?
16 R. : Lorsque les manoeuvres étaient terminées.
17 Q. : Après avoir terminé votre service militaire obligatoire et être
18 revenu dans votre région, où avez-vous travaillé ?
19 R. : J'ai travaillé à l'usine de pneus de Ljubija.
20 Q. : Êtes-vous marié ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Avez-vous des enfants ?
23 R. : Oui, un.
24 Q. : Monsieur, connaissez-vous un homme du nom de Dusko Tadic de Kozarac ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Comment l'avez-vous connu ?
2 R. : Je le connais depuis l'école primaire lorsqu'il y donnait des cours
3 de karaté.
4 Q. : Avez-vous jamais participé à un entraînement de karaté ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Quel âge aviez-vous ?
7 R. : 13 ou 14 ans, je me rappelle plus.
8 Q. : Depuis cette époque où vous avez participé à cet entraînement de
9 karaté, avez-vous revu Dusko Tadic dans la région de Kozarac ?
10 R. : Oui, je le voyais en compagnie de tous les gens qui possédaient des
11 cafés ou des bars, des gens qui avaient une entreprise de transport,
12 qui avaient leurs propres camions.
13 Q. : Connaissez-vous les noms de certaines de ces personnes ?
14 R. : Jasmin Hrnic, surnommé Jasko. Parfois, je le voyais aussi avec un
15 policier, Emir Karabasic.
16 Q. : Que faisait Jasmin Hrnic dans la vie ?
17 R. : Il avait une entreprise privée de transport routier.
18 Q. : Était-il aussi connu pour ses motos ?
19 R. : Oui, il conduisait toujours de bonnes motos, chères, puissantes.
20 Q. : Vous rappelez-vous par hasard la couleur de la moto qu'il avait avant
21 la guerre ?
22 R. : Je crois que c'était une Kawasaki rouge.
23 Q. : La pièce 269 pourrait-elle être placée sur l'écran, s'il vous plaît ?
24 Désolé, la pièce 269 pourrait-elle être placée sur le
25 rétroprojecteur ? Peut-on brancher le rétroprojecteur, s'il vous
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1 plaît ? Merci. Monsieur, reconnaissez-vous les personnes sur cette
2 photo ?
3 R. : Oui.
4 Q. : De qui s'agit-il ?
5 R. : À droite, on voit Emir Karabasic et Dusko Tadic sur la droite avec
6 une barbe.
7 Q. : Excusez-moi, la traduction dit " À droite, on voit Emir Karabasic et
8 Dusko Tadic sur la droite avec une barbe" ?
9 R. : De mon point de vue, il est sur ma droite, c'est-à-dire Emir
10 Karabasic.
11 Q. : Oui, et par conséquent M. Dusko Tadic est sur la gauche ?
12 R. : Oui, il porte une barbe et une moustache.
13 Q. : Merci. Monsieur, voyez-vous l'homme que vous savez être Dusko Tadic
14 dans ce prétoire ? Pourriez-vous regarder dans le prétoire et nous
15 dire si vous y voyez Dusko Tadic ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Pourriez-vous nous le montrer du doigt et décrire les vêtements qu'il
18 porte ?
19 R. : Il porte un costume vert et il est assis entre deux policiers.
20 Q. : Merci. Le procès-verbal peut-il indiquer que le témoin a identifié
21 l'accusé ?
22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera que le témoin a
23 identifié l'accusé.
24 M. KEEGAN : Monsieur, avant la guerre, quand vous êtes-vous arrêté de
25 travailler ?
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1 R. : Avant la guerre, nous avons arrêté le travail quand Prijedor a été
2 occupé par l'armée, par l'armée serbe, la police, et cela a duré
3 pendant deux ou trois jours. Tout s'est arrêté. Ensuite, ils ont
4 déclaré vouloir mettre de l'ordre. L'armée était postée dans tous
5 les bâtiments stratégiques. Des drapeaux serbes furent hissés. C'est
6 comme ça que nous avons dû nous déplacer pendant plusieurs jours. Il
7 y avait des postes de contrôle.
8 Q. : Pendant combien de temps après ces événements avez-vous pu continuer
9 à travailler ?
10 R. : Plusieurs jours.
11 Q. : Et que s'est-il passé ensuite ?
12 R. : Un jour, à un poste de contrôle occupé par l'armée serbe à Orlovci,
13 des soldats sont montés et ont dit "nous voulons vérifier vos
14 papiers d'identité".
15 Q. : Lorsque vous dites que les soldats sont montés, vous voulez dire
16 "dans le bus" ?
17 R. : Oui. Ceux qui étaient d'origine serbe, ils l'ont déduit de leurs
18 noms, ont eu le droit de continuer, et nous, qui étions musulmans,
19 ou peut-être d'autre origine, avons reçu l'ordre de rebrousser
20 chemin. À partir de ce jour-là, nous ne sommes plus retourner
21 travailler.
22 Q. : Étiez-vous dans la région de Kozarac lorsque l'offensive a été lancée
23 ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Vous rappelez-vous le jour où a débuté l'offensive ?
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1 R. : Oui. C'était un dimanche après-midi. le 24 ou le 25. Je ne me
2 souviens pas de la date exacte.
3 Q. : Où étiez-vous au début de l'offensive ?
4 R. : J'étais à Kozarusa à un endroit appelé Mujkanovici.
5 Q. : Étiez-vous chez vous ou chez une autre personne ?
6 R. : J'étais chez des parents, de l'autre côté. Ma maison se trouve à la
7 limite entre les communes de Garevci et Kozarusa.
8 Q. : Pourquoi n'étiez-vous pas chez vous ?
9 R. : Nous allions à la maison le jour, mais la nuit, nous n'y dormions pas
10 parce qu'à partir du jour où l'armée a pris le contrôle de Prijedor,
11 il y a eu des patrouilles et des soldats armés dont nous avions
12 peur.
13 Q. : Le région où vous habitiez était elle à forte prédominance serbe ?
14 R. : Oui. Il n'y avait que trois maisons musulmanes. Les autres étaient
15 serbes.
16 Q. : Lorsque l'offensive a débuté, qu'avez-vous vu ?
17 R. : Elle a commencé d'un seul coup. Un grand nombre d'armes différentes
18 tiraient et bombardaient. J'ai vu une colonne de véhicules arriver
19 de la direction de Prijedor. Une partie des véhicules a fait un
20 détour en passant par la route de Garevci et l'autre s'est dirigée
21 vers Kozarac et a commencé à pilonner les maisons une à une. J'ai vu
22 ma maison brûler, j'ai vu qu'elle avait été touchée, ainsi que
23 d'autres maisons voisines. Les véhicules sur la route de Garevci, le
24 char, celui qui avait fait un détour par la route de Garevci, ils
25 ont aussi commencé à tirer.
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1 Q. : Après le début de l'offensive, qu'avez-vous fait ?
2 R. : Que pouvions-nous faire ? Il y avait des femmes et des enfants. Nous
3 nous sentions perdus. Nous ne savions pas où aller, ni quoi faire.
4 Nous avons donc essayé de nous cacher dans des caves là où les obus
5 ne pouvaient pas nous atteindre, mais les obus tombaient partout. Il
6 tombait un obus par seconde, semblait-il.
7 Q. : Avez-vous continué à vous déplacer à l'intérieur de cette zone les
8 deux jours qui ont suivi et à aller d'un endroit à un autre ?
9 R. : Oui.
10 Q. : À un moment donné, êtes-vous rentrés dans la ville de Kozarac ?
11 R. : Oui, je suis allé à Kozarac. Nous avons pensé que nous serions plus
12 en sécurité si nous arrivions à Kozarac, aux bois.
13 Q. : Lorsque vous êtes arrivés à Kozarac, y avez-vous vu Dusko Tadic ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Pouvez-vous décrire les circonstances dans lesquelles vous l'avez vu
16 ?
17 R. : Je crois que c'était pendant le deuxième jour. Nous étions fatigués,
18 il y avait plusieurs jeunes garçons et hommes avec moi. Nous étions
19 mouillés parce que nous nous étions déplacés dans l'eau ; c'était
20 notre meilleur protection contre les obus, les balles et tout le
21 reste. Nous avons rencontrés des gens qui nous ont dit que des cars
22 venaient et repartaient vers Trnopolje, qu'il y avait un espèce de
23 centre de rassemblement là-bas, bien que nous ayons vu des cars
24 venant de Kozarac et partant en direction de Prijedor. Nous avions
25 décidé de nous joindre aux colonnes que nous avions vu venir de la
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1 direction de Kotlovici, de Mrakovici, du haut de Kozarac vers la
2 route de Banja Luka. Nous pensions éventuellement rejoindre l'une de
3 ces colonnes.
4 Q. : À quel endroit de la ville vous trouviez-vous lorsque vous avez vu
5 Dusko Tadic ?
6 R. : Nous étions parvenus à l'endroit où se trouve l'école. À ce moment-
7 là, quand j'ai vu un char, j'étais derrière la pharmacie, derrière
8 le bâtiment qui abritait la pharmacie.
9 Q. : Vous avez parlé d'un char. Qu'avez-vous vu dans le char ?
10 R. : J'ai vu une colonne qui se déplaçait à gauche du char. J'ai reconnu
11 deux personnes sur le char : Dusko Tadic et Goran Borovnica.
12 Q. : Que les avez-vous vu faire ?
13 R. : Au moment où il est descendu du char, les gens demandaient quelque
14 chose, posaient des questions sur quelque chose. J'ai entendu un
15 bruit, des insultes. J'ai entendu "mère balija" et d'autres choses
16 de ce type. Un jeune homme, un jeune garçon s'est approché et Dule
17 l'a frappé.
18 M. KEEGAN : Madame le Président, peut-être serait-ce un bon moment --
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. La Chambre de première instance lève
20 l'audience jusqu'à demain matin, 10h00.
21 (17h30)
22 (Ajournement de l'audience au lendemain)
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