Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi, le 30 juillet 1996

4 (10 heures)

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, voulez-vous appeler votre témoin

6 suivant ?

7 M. NIEMANN : M. Tieger.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

9 M. TIEGER : Mme le Président, le témoin suivant est Hase Icic.

10 M. KAY : Mme le Président, mon écran est vierge.

11 M. TIEGER : Même situation ici.

12 Appel de M. HASE ICI à la barre

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, pouvez vous prêter serment ?

14 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

15 toute la vérité, rien que la vérité.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

17 Interrogatoire par M. TIEGER

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

19 M. TIEGER : Merci, Mme le Président. (Au témoin) : Monsieur, quel est

20 votre nom ?

21 R. : Je m'appelle Hase Icic.

22 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

23 R. : Le 3 novembre 1948.

24 Q. : Et votre lieu de naissance, M. Icic ?

25 R. : Je suis né dans le village de Hrnici, limitrophe de Trnopolje.

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1 Q. : Quelle est votre nationalité ?

2 R. : Musulman de Bosnie.

3 Q. : Avez-vous grandi dans la région de Trnopolje ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Où êtes-vous allé à l'école ?

6 R. : Partie à Trnopolje et le reste à l'école primaire à Kozarac.

7 Q. : A l'école Rade Kondic ?

8 R. : Oui.

9 Q. : M. Icic, avez-vous servi dans la JNA ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A quelle époque ?

12 R. : Fin 67 jusqu'en 69, c'est-à-dire en 68.

13 Q. : Etes-vous ensuite parti travailler dans le bâtiment en Allemagne vers

14 1970 ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Ce fut votre profession jusque peu de temps avant la guerre en 1992 ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Considériez-vous encore la région de Trnopolje comme "chez vous" ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Avez-vous construit une maison dans la région de Trnopolje ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Reveniez-vous souvent à Trnopolje durant vos années en Allemagne ?

23 R. : Je rentrais tous les 15 jours, parfois chaque semaine, durant le

24 week-end.

25 Q. : Combien de temps restiez-vous ?

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1 R. : Parfois uniquement le week-end et souvent toute une semaine.

2 Q. : Restiez-vous alors chez vous ou sortiez-vous ?

3 R. : Je sortais beaucoup. J'avais besoin de provisions à Kozarac, de voir

4 mes amis.

5 Q. : Quand vous sortiez pour les provisions ou avec vos amis, où alliez-

6 vous ?

7 R. : A Kozarac.

8 Q. : M. Icic, connaissez-vous Dule Tadic ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

11 R. : Depuis l'école.

12 Q. : Connaissez-vous les membres de sa famille ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Etes-vous allé à l'école avec des membres de sa famille ?

15 R. : Oui, avec Mladen.

16 Q. : Avez-vous joué avec Mladen en tant qu'enfant ?

17 R. : Oui, nous avons joué au football.

18 Q. : Avez vous continué à voir Dule Tadic régulièrement à Kozarac pendant

19 que vous grandissiez, avant de travailler en Allemagne ?

20 R. : Nous nous rencontrions, nous nous croisions avec les amis de Dule

21 Tadic.

22 Q. : Durant vos séjours chez vous pendant que vous travailliez en

23 Allemagne, avez-vous continué de voir Dule Tadic régulièrement quand

24 vous alliez aux provisions ou dans les cafés à Kozarac ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Vous êtes-vous parfois retrouvé dans des cafés séparés par quelques

2 mètres ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Tout le temps que vous l'avez connu, l'avez-vous parfois vu avec la

5 barbe ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Et parfois sans la barbe ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Connaissiez-vous bien son aspect avec et sans barbe ?

10 R. : Oui.

11 Q. : M. Icic, êtes-vous rentré à Trnopolje fin avril 1992 pour une visite

12 ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Après cette visite, avez-vous pu rentrer en Allemagne reprendre votre

15 travail ?

16 R. : Non.

17 Q. : Pourquoi pas ?

18 R. : Tous les ponts vers la Croatie étaient détruits.

19 Q. : Etiez-vous à Trnopolje au début de l'attaque de Kozarac le 24 mai ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Pouviez-vous entendre le bombardement de Kozarac ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Les habitants de Kozarac fuyaient-ils vers Trnopolje ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Etaient-ils nombreux ou non ?

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1 R. : Nombreux.

2 Q. : Après le début de l'attaque de Kozarac, a t-on annoncé que les

3 résidents de Trnopolje devaient rendre leurs armes ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Les armes ont-elles été rassemblées et remises aux forces serbes ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Pour autant que vous sachiez, les habitants ont-ils remis toutes

8 leurs armes ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Avez-vous vu celles qui étaient rassemblées ?

11 R. : Oui.

12 Q. : De quelles sortes d'armes s'agissait-il ?

13 R. : Il y en avait peu, plusieurs fusils M48 appartenant aux membres de la

14 TO, certaines armes de chasse et les carabines avec lesquelles on

15 tire sur les oiseaux.

16 Q. : Des carabines à air comprimé ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Etes-vous resté aux alentours de Trnopolje jusqu'au 14 juin ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Les forces serbes sont-elles venues à Trnopolje ce jour là chercher

21 les hommes musulmans ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Qu'avez-vous observé ce jour là ? Qui est venu ? Combien de soldats

24 serbes, quelles sortes de véhicules ?

25 R. : Je ne pouvais pas voir toutes les forces serbes mais j'ai vu un char

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1 devant ma maison et les soldats ordonnant que les hommes soient

2 séparés des femmes, de même que les garçons de plus de 16 ans. Ils

3 les ont emmenés à un camion derrière le char.

4 Q. : Avez-vous été emmené dans ce camion ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Vous a t-on emmené au point de rassemblement près de Trnopolje ?

7 R. : On nous a emmené devant la maison de Hamid Sivac à Sivci.

8 Q. : Avez-vous dû ensuite avec les hommes monter à bord de cars et été

9 emmenés hors de Trnopolje ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Où vous a t-on emmené ?

12 R. : Ils nous ont emmené à Keraterm.

13 Q. : Où avez-vous été incarcéré à Keraterm ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Dans quelle partie de Keraterm avez-vous été incarcéré M. Icic ?

16 R. : Dans la salle No 2.

17 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Keraterm ?

18 R. : Jusqu'au 7 ou 8 juin.

19 Q. : Quelles étaient les conditions générales à Keraterm durant votre

20 incarcération ?

21 R. : Mauvaises, très mauvaises.

22 Q. : Pouvez-vous les décrire ?

23 R. : Il n'y avait que le béton pour s'allonger. Quelques détenus avaient

24 des palettes qui subsistaient de l'entrepôt. Les toilettes étaient

25 bouchées et puaient. Nous n'avions pas d'eau pour nous laver,

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1 presque pas de nourriture ou en quantité insuffisante pour tout le

2 monde.

3 JUGE STEPHEN : Il semble qu'il y ait une certaine confusion à propos des

4 dates.

5 M. TIEGER : Mme Sutherland le faisait justement remarquer, M. le Juge.

6 Merci. M. Icic, jusqu'à quelle date êtes-vous resté à Keraterm,

7 approximativement ?

8 R. : Je suis resté à Keraterm jusqu'au 7 ou 8 juillet.

9 Q. : Merci, monsieur.

10 R. : Je ne connais pas la date exacte.

11 Q. : Les prisonniers étaient-ils appelés régulièrement hors des salles où

12 ils étaient incarcérés puis battus ou torturés ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Des prisonniers étaient-ils régulièrement appelés hors des salles

15 avant d'être tués ou de disparaître ?

16 R. : Oui, l'un et l'autre.

17 Q. : M. Icic, avez-vous été interrogé durant votre séjour à Keraterm ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Quel genre de questions vous a t-on posées durant ces interrogatoires

20 ?

21 R. : Pratiquement aucune. Ils ont commencé par me demander de leur

22 expliquer mes antécédents, mon passé etc.

23 Q. : Ont-ils établi une déclaration ?

24 R. : Oui, mais je ne l'ai pas signée.

25 Q. : Vous ont-ils interrogé sur les armes ou la politique ?

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1 R. : Sur les armes, à la fin ... si j'avais des armes.

2 Q. : Où avez-vous été transféré vers le 7 ou 8 juillet ?

3 R. : Au camp d'Omarska.

4 Q. : Combien d'autres prisonniers de Keraterm ont été transférés avec vous

5 ?

6 R. : Tout un autocar, environ 40 ou 50 détenus.

7 Q. : Quelle était la nationalité de ces prisonniers ?

8 R. : Musulman et croate.

9 Q. : Certains étaient-ils des réservistes de la police, pour autant que

10 vous sachiez ?

11 R. : Oui.

12 Q. : A quel moment êtes-vous arrivé à Omarska ?

13 R. :Le 7 ou le 8 juillet, je ne me souviens pas exactement.

14 Q. : Vous rappelez-vous l'heure qu'il était ?

15 R. : Vers midi.

16 Q. : Des gardes, des soldats attendaient-ils l'arrivée du car ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Où le car s'est-il arrêté ?

19 R. : Quand le car s'est arrêté, ils étaient déjà si l'on peut dire

20 préparés, bienvenus.

21 Q. : Dans quelle partie du camp le car s'est-il arrêté ?

22 R. : Entre le réfectoire et le grand bâtiment rouge avec la porte tournée

23 vers la maison blanche.

24 Q. : En utilisant la baguette située à droite de la console, pouvez-vous

25 nous indiquer l'endroit approximatif où le car s'est arrêté ?

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1 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur la maquette) Approximativement ici.

2 Q. : Comment les gardes ou les soldats étaient-ils postés quand le car

3 s'est arrêté ?

4 R. : Ils ont formé une sorte de haie que les prisonniers ont du traverser.

5 J'ai du la traverser, passer entre eux.

6 Q. : Où allait cette haie, du car jusqu'où ?

7 R. : Vers l'entrée de la maison blanche.

8 Q. : Comment les prisonniers étaient-ils appelés hors du car ?

9 R. : Un par un, facilement.

10 Q. : Que s'est-il passé quand vous et les autres prisonniers êtes sortis

11 du car pour vous rendre à la maison blanche ?

12 R. : Quand j'ai été appelé, j'ai du sortir du car et me diriger vers la

13 maison blanche. Je suis passé entre les gardes vêtus en civil ou

14 portant des uniformes de la police et qui tenaient différents objets

15 dont ils se servaient pour nous frapper de tous côtés.

16 Q. : Où avez-vous été mis quand vous êtes arrivé à la maison blanche ?

17 R. : J'ai été placé dans la dernière salle à droite.

18 Q. : En dehors des prisonniers avec lesquels vous êtes arrivés, y en

19 avait-il déjà d'autres dans cette pièce ?

20 R. : Non.

21 Q. : Savez-vous s'il y en avait d'autres avant votre arrivée et où ils

22 seraient allés ?

23 R. : A ce moment là je ne le savais pas.

24 Q. : Après que vous et les autres ayez été mis dans cette salle, avez-vous

25 été appelés à l'extérieur ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Où vous a t-on envoyé ?

3 R. : A l'interrogatoire.

4 Q. : Comment vous a t-on appelé quand on vous a envoyé à l'interrogatoire

5 ?

6 R. : De la même façon que lorsque nous sommes descendus du car, un par un.

7 Q. : Y avait-il aussi une haie de gardes menant de la maison blanche au

8 site de l'interrogatoire ?

9 R. : Oui, c'était la même haie mais ils étaient moins nombreux.

10 Q. : Etes-vous allé seul à l'interrogatoire ou étiez-vous escorté par un

11 garde ?

12 R. : Un garde marchait devant moi.

13 Q. : Que s'est-il passé quand vous avez traversé la haie ?

14 R. : Il m'ont frappé de nouveau.

15 Q. : Avez-vous essayé de courir ou d'aller plus vite pour éviter les coups

16 ?

17 R. : Je ne pouvais pas parce qu'il m'empêchait d'aller plus vite.

18 Q. : Où vous a t-on interrogé ?

19 R. : Dans la salle au-dessus de la cantine, la dernière sur la gauche.

20 Q. : Quelles question vous ont-ils posé lors de l'interrogatoire ?

21 R. : Aucune.

22 Q. : Que s'est-il passé durant l'interrogatoire ?

23 R. : Il avait une déclaration de Keraterm devant lui et il me l'a lue.

24 Q. : Vous a t-il questionné à son sujet ?

25 R. : Il m'a demandé si j'avais quelque chose à ajouter.

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1 Q. : Et aviez-vous ?

2 R. : Non, je n'avais rien à ajouter.

3 Q. : Où vous a t-on envoyé après l'interrogatoire ?

4 R. : J'ai été renvoyé à la maison blanche.

5 Q. : Y êtes-vous allé seul ou étiez-vous escorté ?

6 R. : J'ai été escorté par un autre garde tout ce temps là près de

7 l'enquêteur ?

8 Q. : Vous a t-on battu de nouveau entre le lieu de l'interrogatoire et la

9 maison blanche ?

10 R. : Non, celui-là ne l'a pas permis.

11 Q. : A la maison blanche, êtes-vous retourné dans la même salle

12 qu'auparavant ?

13 R. : Non, je suis allé dans la dernière salle sur la gauche.

14 Q. : Après votre interrogatoire des Serbes sont-ils venus dans cette salle

15 ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Vous ont-ils ordonné ainsi qu'aux autres détenus de faire quelque

18 chose ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Que vous ont-ils ordonné de faire ?

21 R. : De nous allonger sur le ventre, les bras étendus au-dessus de nos

22 têtes avec les trois doigts ensembles à la façon dont les Serbes

23 prient.

24 Q. : Y avait-il suffisamment de place pour que vous vous allongiez tous ?

25 R. : Non, mais nous devions faire de la place pour que nos mains soient

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1 libres et qu'on puisse voir ces trois doigts.

2 Q. : Après que vous ayez pris cette position, que s'est-il passé ?

3 R. : Les Serbes sont entrés, ont marché et sauté sur nous, regardé si les

4 doigts étaient dans la bonne position sinon ils nous frappaient à

5 coups de crosse en criant de plaisir.

6 Q. : Criaient-ils quelque chose en particulier ?

7 R. : "Soit un grand Serbe, tu es Serbe".

8 Q. : Certains de ces Serbes étaient-ils munis de couteaux ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Utilisaient-ils ces couteaux ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Que faisaient-ils ?

13 R. : Ils coupaient, ils tailladaient les vêtement dans le dos.

14 Q. : Certains des prisonniers ont-ils aussi été tailladés ?

15 R. : Oui.

16 Q. : L'avez-vous été ?

17 R. : Non, mais ils ont coupé ma veste de cuir et le pull-over en dessous.

18 Q. : La veste de cuir a donc protégé votre corps contre les taillades ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Quand l'un des Serbes a coupé votre veste, un autre a t-il réagi

21 contre cela ?

22 R. : Oui, il regrettait pour la veste parce qu'il voulait la même depuis

23 longtemps.

24 Q. : A t-il dit quelque chose à celui qui l'avait tailladée ?

25 R. : Il l'a injurié mais il a néanmoins pris la veste.

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1 Q. : Coupaient-ils les vêtements des prisonniers d'une façon particulière

2 ?

3 R. : Ils faisaient des croix dans le dos.

4 Q. : Après leur départ, vous a t-on laissé seuls un certain temps ce jour

5 là ?

6 R. : Oui, un certain temps.

7 Q. : Quelqu'un est-il venu plus tard dans la pièce ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Qui était-ce ?

10 R. : Krkan.

11 Q. : Saviez-vous à l'époque qui était Krkan ?

12 R. : Non.

13 Q. : Aviez-vous entendu parler de Krkan par quelqu'un à la maison blanche

14 ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Comment avez-vous entendu parler de Krkan ?

17 R. : Avant que quiconque nous torture, une femme du nom de Hajra Hodzic

18 est venue dans la salle et un de ses amis était assis près de moi.

19 Elle lui a raconté quelque chose et lui a dit de faire attention à

20 Krkan parce que c'était lui qui appelait.

21 Q. : Avez-vous fini par apprendre quelle était la fonction de Krkan dans

22 le camp ?

23 R. : Il était le chef ou le commandant du tour de garde.

24 Q. : Krkan a t-il apporté quelque chose avec lui ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Qu'est-ce que c'était ?

2 R. : Une feuille de papier vierge et un crayon.

3 Q. : A t-il dit aux prisonniers ce qu'ils devaient faire avec cette

4 feuille et ce crayon ?

5 R. : Oui. Il nous a dit que chacun de nous devait apposer sa signature sur

6 la feuille de papier et lui remettre tout ce que nous avions sur

7 nous, argent, devises, bijoux.

8 Q. : A t-il indiqué les avantages que les prisonniers pourraient retirer

9 de la remise de leurs objets de valeur ?

10 R. : Oui, il a dit que si le montant était suffisant, nous ne serions pas

11 torturés.

12 Q. : Chaque prisonnier devait-il indiquer son montant personnel ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Comment étiez-vous supposés le faire ?

15 R. : Chacun d'entre nous devait inscrire les objets remis et la somme

16 d'argent près de son nom.

17 Q. : Krkan est-il parti ensuite ?

18 R. : Il est parti immédiatement après nous avoir donné ces instructions.

19 Q. : Est-il revenu plus tard ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Les prisonniers avaient-ils apposé leur nom sur la feuille de papier

22 ?

23 R. : Oui, nous avions tous signé et j'avais mis mon nom et patronyme.

24 Q. : Y avait-il des objets de valeur, des bijoux sur la table ?

25 R. : Non.

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1 Q. : Pourquoi les prisonniers dans la salle n'ont-ils pas remis leurs

2 objets de valeur ?

3 R. : Parce que tout nous avait déjà été enlevé à Keraterm.

4 Q. : Il n'y avait donc pas d'objets de valeur sur la table et une liste de

5 noms de prisonniers sans aucune mention à côté de leur signature ?

6 R. : Rien, en dehors du nom des prisonniers.

7 Q. : Qu'a dit Krkan quand il a vu qu'il n'y avait pas d'objets de valeur ?

8 R. : Non, rien.

9 Q. : A t-il emmené la liste avec lui ?

10 R. : Oui, il a pris la liste et il est parti.

11 Q. : Un groupe est-il venu plus tard à la maison blanche M. Icic ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Faisait-il encore jour ou la nuit était-elle déjà tombée ?

14 R. : C'était dans la soirée.

15 Q. : Comment avez-vous appris qu'un groupe venait ?

16 R. : On pouvait l'entendre de la pièce voisine.

17 Q. : Etaient-ils dans la pièce à côté ou des détenus disaient-ils qu'un

18 groupe venait ?

19 R. : On pouvait les entendre dire dans la pièce voisine "les exécuteurs

20 arrivent".

21 Q. : Qu'ont-ils commencé par faire quand ils sont arrivés à la maison

22 blanche ?

23 R. : Ils portaient quelque chose avec eux. Ils ont apporté du matériel et

24 ont installé l'éclairage dans le couloir.

25 Q. : Aviez-vous la lumière dans votre salle ?

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1 R. : Non.

2 Q. : Pouviez-vous voir les membres du groupe pendant qu'ils travaillaient

3 ?

4 R. : Oui, nous pouvions les regarder à loisir, je le pouvais.

5 Q. : Etait-il généralement dangereux dans le camp de regarder des gardes

6 ou des soldats ?

7 R. : Ce n'était pas dangereux jusqu'à ce qu'ils vous ordonnent de ne pas

8 regarder. Autrement vous pouviez regarder autant que vous vouliez.

9 Q. : Aviez-vous l'ordre de ne pas regarder en cette occasion ?

10 R. : Non.

11 Q. : Krkan est-il revenu ?

12 R. : Oui.

13 Q. : A t-il dit quelque chose aux prisonniers dans votre salle ?

14 R. : Il n'a rien dit pendant qu'ils posaient cet éclairage. Ils parlaient

15 uniquement entre eux.

16 Q. : Avez-vous pu remarquer combien ils étaient dans ce groupe ?

17 R. : Ils étaient cinq, six avec Krkan.

18 Q. : Avez-vous reconnu quelques unes de ces personnes ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Avez-vous reconnu des personnes que vous connaissiez avant la guerre

21 ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Qui avez vous reconnu que vous connaissiez avant la guerre ?

24 R. : J'ai reconnu Dule Tadic, Simo Kevic parce que je les connaissais

25 avant la guerre.

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1 Q. : Vous avez donc reconnu Dule Tadic et Simo Kevic ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Avez-vous reconnu certaines de ces personnes pour les avoir vues à

4 Keraterm ?

5 R. : Non, je connaissais ces deux là avant la guerre et les autres ... les

6 deux autres je les ai reconnus parce qu'ils venaient chaque jour à

7 Keraterm.

8 Q. : Qui avez-vous reconnu de Keraterm ?

9 R. : Il y avait Banovic et un dénommé Duca qui venait chaque jour à

10 Keraterm.

11 Q. : Vous dites qu'ils étaient cinq. Qui était la cinquième personne ?

12 R. : Le cinquième que j'ai vu, j'ai appris son nom pendant qu'ils

13 parlaient entre eux.

14 Q. : Et quel était le nom qu'ils employaient pour lui ?

15 R. : Ils l'appelaient "Babic".

16 Q. : Après l'installation d'un éclairage improvisé, quelqu'un a t-il dit

17 qu'ils allaient appeler chaque prisonnier en dehors de la salle.

18 R. : Oui, Krkan est venu à la porte et nous a dit qu'il allait nous

19 appeler et que chaque personne appelée devait sortir de la salle ?

20 Q. : A t-il commencé à appeler les prisonniers ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Les prisonniers ont-ils été appelés dans un ordre particulier ?

23 R. : Dans l'ordre de la liste que nous avions nous même établie.

24 Q. : Quand un prisonnier appelé sortait de la salle, pouviez-vous voir

25 dans quelle direction il allait ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Et où allaient-ils ?

3 R. : Ils étaient emmenés dans une petite pièce sur la gauche au bout du

4 couloir.

5 Q. : Après que chaque prisonnier ait été emmené dans la petite pièce au

6 bout du couloir, pouviez-vous entendre ce qui s'y passait ?

7 R. : Nous entendions les coups.

8 Q. : Pouviez-vous entendre les prisonniers crier ou hurler de douleur ?

9 R. : Non.

10 Q. : Saviez-vous ce qui se passait dans cette pièce ?

11 R. : Non, nous ne pouvions entendre que les coups.

12 Q. : Avez-vous revu les prisonniers après qu'ils aient été appelés et que

13 vous ayez entendu le bruit des coups venir de cette petite pièce au

14 bout du couloir ?

15 R. : Je les ai revus chaque fois qu'un prisonnier était battu parce qu'ils

16 le jetaient dans une autre pièce, la première dans laquelle ils nous

17 avaient mis à la sortie des cars et qui faisait face à celle dans

18 laquelle je me trouvais.

19 Q. : Après un certain temps, le groupe qui était venu à la maison blanche

20 et appelait les prisonniers a t-il fait une pause ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Combien de prisonniers avaient alors été appelés dans cette petite

23 salle ?

24 R. : Entre dix et quinze.

25 Q. : Où le groupe est-il allé ?

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1 R. : Ils sont allés devant la maison blanche, ici.

2 Q. : Savez-vous ce qu'ils faisaient là ? Pouviez-vous entendre ce qu'ils

3 faisaient ?

4 R. : Je les entendais. Ils buvaient, prononçaient des toasts.

5 Q. : En plus de leurs libations et de leurs toasts, discutaient-ils de

6 quelque chose ?

7 R. : Oui, ils discutaient du rôle que chacun allait jouer ensuite.

8 Q. : M. Icic, vous avez dit que vous avez entendu prononcer le nom de

9 Babic dans les discussions entre les membres de ce groupe ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Durant leur installation de l'éclairage ou leurs discussions à

12 l'extérieur, avez-vous entendu d'autres noms utilisés par les

13 membres de ce groupe s'adressant à d'autres membres ?

14 R. : Ils utilisaient leurs noms entre eux, tout le groupe.

15 Q. : Quels noms vous rappelez-vous avoir entendus ?

16 R. : Je me souviens qu'ils parlaient. Ils étaient à l'extérieur. Nous ne

17 faisions aucun bruit à l'intérieur. Nous écoutions leur conversation

18 et nous avons entendu qu'untel allait faire ceci ou cela, "Babic va

19 faire ceci parce que c'est sa spécialité" etc.

20 Q. : De quels noms vous rappelez-vous ? Quels noms ont-ils employés ?

21 R. : Ils ont employé "Dule", "Babic", "Simo". Ils ont utilisé tous les

22 noms que j'ai déjà mentionnés.

23 Q. : Après être sorti, le groupe est-il revenu à la maison blanche ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Ont-ils recommencé à appeler les prisonniers hors de la salle ?

Page 4659

1 R. : Oui.

2 Q. : Avez-vous fini par être appelé ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Qu'avez-vous fait quand votre nom a été appelé ?

5 R. : A la porte, j'ai regardé à droite. C'était la sortie de la maison

6 blanche.

7 Q. : Pourquoi avez-vous regardé à droite si tous les prisonniers sont

8 allés à gauche ?

9 R. : Oui, j'ai tourné à gauche mais j'ai regardé à droite.

10 Q. : Qu'avez-vous vu quand vous avez regardé à droite ?

11 R. : J'ai vu deux gardes à l'entrée de la maison blanche.

12 Q. : Quand vous vous êtes arrêté et regardé à droite, que s'est-il passé ?

13 R. : Krkan m'a tiré sur la gauche.

14 Q. : Vers la petite pièce au bout du couloir ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Quand vous avez franchi le seuil de cette petite pièce, qu'avez-vous

17 vu ?

18 R. : Je me suis trouvé face à un groupe de personnes.

19 Q. : Quand vous êtes entré dans la salle ...

20 R. : Quand je suis entré dans la salle, Dule Tadic, se tenait devant moi.

21 Q. : Y avait-il quelqu'un près de lui ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Qui était-ce ?

24 R. : Simo Kevic.

25 Q. : Quand vous êtes entré dans la pièce, vous a t-on ordonné quoi que ce

Page 4660

1 soit ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Qu'est-ce que c'était ?

4 R. : J'ai du les saluer à la manière serbe.

5 Q. : Qu'avez-vous du dire ?

6 R. : J'ai du dire "Que Dieu soit avec vous, héros".

7 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

8 R. : L'un d'eux a immédiatement passé un noeud coulant autour de mon cou.

9 Q. : Je m'excuse, l'un d'eux a mis ... Notre traduction ici n'est pas très

10 claire. Qu'a t-on mis autour de votre cou, M. Icic ?

11 R. : Un noeud coulant autour du cou. Vous savez à quoi cela ressemble ?

12 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

13 R. : Il l'a serré et j'ai été tiré en même temps que l'un d'eux m'assénait

14 un coup terrible dans le dos et je suis tombé sur le ventre.

15 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

16 R. : Ils ont continué à me battre.

17 Q. : Avec quoi vous battaient-ils ?

18 R. : Toutes sortes de choses, les outils qu'ils avaient quand ils ont posé

19 l'éclairage.

20 Q. : De quels outils s'agissait-il ?

21 R. : Ils avaient un câble métallique qui se terminait par des billes

22 d'acier, une barre de fer, une batte en bois et des matraques

23 spéciales en caoutchouc.

24 Q. : Le noeud coulant était-il alors fortement serré autour de votre cou ?

25 Aviez-vous du mal à respirer ?

Page 4661

1 R. : Je ne pouvais pas respirer.

2 Q. : Pouviez-vous crier ?

3 R. : Non.

4 Q. : A t-on fini par desserrer un peu le noeud ?

5 R. : Oui, quand ils le desserraient, ils me battaient à coups redoublés

6 parce qu'ils pouvaient voir que j'étais en vie.

7 Q. : Avez-vous perdu connaissance durant ce passage à tabac ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Avez-vous repris connaissance cette nuit là ?

10 R. : Oui, plusieurs fois mais seulement brièvement.

11 Q. : Avez-vous repris connaissance le lendemain matin ?

12 R. : J'étais un peu plus conscient le matin.

13 Q. : Où vous trouviez-vous ce matin là ?

14 R. : J'étais étendu parmi d'autres personnes meurtries dans la pièce dans

15 laquelle j'avais été mis à la sortie du car.

16 Q. : Que s'est-il passé quand vous avez repris connaissance le matin ?

17 R. : Un garde est venu et a marché sur nous pour voir combien étaient

18 morts.

19 Q. : Le garde a t-il marché sur vous ?

20 R. : Oui, il a mis son pied sur moi.

21 Q. : Que s'est-il passé à ce moment là ?

22 R. : J'ai gémi de douleur et il a dit "Il est vivant mais pas pour

23 longtemps".

24 Q. : Qu'est-il arrivé aux prisonniers morts ?

25 R. : Ils ont été emmenés. Ils ont emmené les dépouilles.

Page 4662

1 Q. : Qui les a emmenés ?

2 R. : D'autres prisonniers.

3 Q. : Des prisonniers qui n'étaient pas de votre pièce ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Ce soir là ou le suivant avez-vous de nouveau entendu les bruits de

6 coups ?

7 R. : Oui.

8 Q. : D'où provenaient ces bruits ?

9 R. : Ils venaient de l'extérieur, de devant la maison blanche.

10 Q. : Est-ce qu'un homme dénommé Hrvat a été appelé hors de votre pièce ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Est-il jamais revenu dans la pièce ?

13 R. : Non.

14 Q. : Avez-vous continué d'entendre les bruits de coups après qu'il ait été

15 appelé ?

16 R. : Oui, on pouvait les entendre.

17 Q. : Dans quelle position étiez-vous alors dans la pièce ? Debout ou

18 allongé ?

19 R. : Je ne pouvais pas me tenir debout. J'étais allongé sur le dos.

20 C'était la seule position possible. Ma tête et mes épaules

21 reposaient sur un autre corps.

22 Q. : Dans quelle direction étiez-vous tourné ?

23 R. : Vers la porte.

24 Q. : A quelle distance de la porte vous trouviez-vous ?

25 R. : Pas très loin de la porte.

Page 4663

1 Q. : Vous étiez donc étendu sur le dos, les épaules contre un autre

2 prisonnier ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Le couloir était-il éclairé à ce moment là ?

5 R. : Quand je regardais dans le couloir à ce moment là, seul celui-ci

6 était éclairé par une source lumineuse de l'extérieur ou il y avait

7 peut-être un éclairage improvisé mais, en d'autres termes, seul le

8 couloir était éclairé.

9 Q. : Avez-vous entendu à un moment donné des personnes approchant la porte

10 ?

11 R. : Oui, j'ai entendu des personnes qui approchaient et juraient.

12 Q. : Après que vous ayez entendu ces jurons, qu'avez-vous vu ?

13 R. : Je les ai vus tirer une personne meurtrie.

14 Q. : Qu'ont-ils fait avec cette personne ?

15 R. : Ils l'ont jetée dans la pièce à mes pieds.

16 Q. : Combien d'individus tiraient cette personne dans la pièce et l'y ont

17 jeté ?

18 R. : Ils étaient deux.

19 Q. : Avez-vous reconnu l'un d'eux ?

20 R. : Oui, le premier.

21 Q. : Qui était-ce ?

22 R. : Dule Tadic.

23 Q. : Après que Dule Tadic et l'autre homme ait jeté la personne meurtrie

24 dans la pièce, ont-ils dit quelque chose ?

25 R. : Oui. Dule Tadic a dit "Tu te rappelleras Sivac que tu ne peux pas

Page 4664

1 toucher un Serbe ou lui dire quoi que ce soit".

2 Q. : A ce moment là, saviez-vous de qui il parlait en utilisant le nom

3 "Sivac" ?

4 R. : Je n'étais pas certain à ce moment là parce qu'il y a plusieurs

5 "Sivac".

6 Q. : La personne jetée dans la pièce a t-elle dit ou demandé quelque chose

7 ?

8 R. : Oui, elle a demandé de l'eau.

9 Q. : Quelqu'un a t-il essayé de lui en donner ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A t-il pu boire ?

12 R. : Non.

13 Q. : Le matin avez-vous pu voir qui était la personne jetée dans la pièce

14 ?

15 R. : Oui, quand il a commencé à faire jour.

16 Q. : Qui était-ce ?

17 R. : Mon vieil ami et cousin, Sefik Sivac.

18 Q. : Ce matin là, quelqu'un est-il venu voir l'état des prisonniers ou qui

19 était mort ?

20 R. : Oui, Krkan est venu.

21 Q. : Que voulait-il savoir ?

22 R. : Il voulait connaître le nom des personnes mortes ou incapables de

23 bouger.

24 Q. : Lui avez-vous dit qui était Sefik Sivac ?

25 R. : Oui.

Page 4665

1 Q. : Qu'avez-vous dit ?

2 R. : Que c'était Sefik Sivac, propriétaire des cafés BMW et De Luxe, à

3 Kozarac.

4 Q. : Où était situé le café BMW ?

5 R. : A Prijedor, sur la place du marché.

6 Q. : Les autres prisonniers vous ont-ils reproché d'avoir dit cela à Krkan

7 ?

8 R. : Ils m'ont dit que j'étais fou de lui avoir dit cela. Cela ne me

9 faisait rien. J'attendais qu'on me finisse.

10 Q. : Sefik Sivac était-il dans votre pièce avant d'y être jeté par Dule

11 Tadic et l'autre homme ?

12 R. : Non.

13 Q. : Saviez-vous où il était avant cela ?

14 R. : Non.

15 Q. : Dule Tadic et Sefik Sivac se connaissaient-ils ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Furent-ils amis pendant un certain temps ?

18 R. : Oui, un certain temps.

19 Q. : Etaient-ils en bons termes avant le début des hostilités ?

20 R. : Pas avant la guerre.

21 R. : Pourquoi pas ?

22 R. : Parce que Sefik l'avait mis à la porte de son café Luxe.

23 Q. : Ce matin là, Sefik Sivac a t-il été retiré de la pièce avec les

24 autres morts ?

25 R. : Immédiatement. Il a été emmené avec les morts ou ceux sans

Page 4666

1 connaissance.

2 Q. : M. Icic, durant les deux nuits où vous avez vu Dule Tadic à la maison

3 blanche, vous souvenez-vous de ce qu'il portait ?

4 R. : Une tenue camouflée.

5 Q. : Vous rappelez-vous s'il portait la barbe ou s'il était rasé ?

6 R. : Il portait la barbe.

7 Q. : Longue ou courte ?

8 R. : Pas trop longue, plutôt courte.

9 Q. : Un jour ou deux après que M. Sivac ait été retiré de la maison

10 blanche, avez vous avec d'autres prisonniers été emmenés de la

11 maison blanche et mis à l'extérieur ?

12 R. : Nous avons été emmenés devant la maison blanche pour qu'ils puissent

13 nettoyer la puanteur. Elle n'était plus supportable.

14 Q. : Les gardes vous ont donc fait sortir de la maison blanche ?

15 R. : Pas moi. J'ai été emmené par d'autres prisonniers qui n'avaient pas

16 encore été battus.

17 Q. : Ils vous ont aidé à sortir ?

18 R. : Oui.

19 Q. : La raison pour laquelle on vous a fait sortir de la maison blanche

20 est que les gardes ne pouvaient plus supporter la puanteur ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Où étiez-vous assis à l'extérieur de la maison blanche ce jour là ?

23 R. : Devant la maison blanche. Voulez-vous que je montre l'endroit ?

24 Q. : Oui, si cela ne vous ennuie pas.

25 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur la maquette).

Page 4667

1 Q. : Merci. Ce fut votre première occasion de voir le camp d'Omarska en

2 dehors des moments où vous avez dû traverser la haie de gardes ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Qu'avez-vous vu pendant que vous étiez assis là ?

5 R. : En fait j'ai vu une grande confusion. Certaines personnes couraient

6 vers la cantine et d'autres dans la direction opposée.

7 Q. : Avez-vous vu d'autres prisonniers ?

8 R. : Oui, au bas de la partie verte, ici, les gardes lavaient les

9 prisonniers, les détenus avec des lances à incendie.

10 Q. : Les prisonniers étaient-ils vêtus ? Etaient-ils habillés ?

11 R. : Non.

12 Q. : Ils étaient nus ?

13 R. : Oui, ils étaient nus.

14 Q. : Vous dites qu'ils "lavaient" les prisonniers - au moins

15 l'interprétation dit qu'ils "lavaient les prisonniers avec des

16 lances à incendie". Que se passait-il quand les lances étaient

17 dirigées sur les prisonniers ?

18 R. : Certains d'entre eux tombaient en raison de la pression de l'eau.

19 Q. : Où cela se passait-il ?

20 R. : A l'écart de la maison blanche où se trouve la partie verte et les

21 buissons.

22 Q. : Pourriez-vous nous indiquer l'endroit ? Ce serait plus facile. Merci.

23 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur le modèle). C'était à peu près ici.

24 Q. : M. Icic avez- vous appris par la suite qu'un parent ou un ami vous

25 avez vu assis devant la maison blanche ?

Page 4668

1 R. : Oui.

2 Q. : Sont-ils ensuite intervenus pour vous faire sortir de la maison

3 blanche ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Pour ce faire, a t-il fallu soudoyer un officiel serbe du camp ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Avez-vous su quelle somme d'argent était demandée pour votre

8 libération ?

9 R. : Oui.

10 Q. : De quelle somme s'agissait-il ?

11 R. : J'ai fini par sortir pour 100 francs suisses. On a demandé à certains

12 100 DM à certains de mes amis et 200 à d'autres. Un Serbe voulait

13 200 DM.

14 Q. : Vos amis ont pu réunir 100 francs suisses ?

15 R. : Oui, 100 francs suisses.

16 Q. : Suffisant pour votre transfert de la maison blanche à une autre

17 partie du camp ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Où vous a t-on transféré ?

20 R. : Dans le grand bâtiment rouge, dans la petite pièce appelée l'atelier

21 d'électricité.

22 Q. : Y êtes-vous resté jusqu'à votre transfert à Manjaca ?

23 R. : Oui.

24 M. TIEGER : Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

Page 4669

1 M. KAY : Merci, Mme le Président.

2 Contre-interrogatoire par M. Kay

3 Q. : M. Icic, pourrais-je clarifier quelques points avec vous ? Après

4 Keraterm, à votre arrivée à Omarska, avez-vous d'abord été détenu

5 dans la maison blanche ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Combien de temps au total êtes-vous resté dans la maison blanche ?

8 R. : Tout le temps, de mon arrivée à Omarska jusqu'au jour où les autres

9 détenus m'ont fait sortir contre ces 100 francs suisses.

10 Q. : Combien de jours cela représente t-il ?

11 R. : Je ne me souviens pas exactement du nombre de jours. Mais je suis

12 arrivé le 7 ou le 8 et je suis sorti le 13 ou le 14. C'est tout ce

13 que je peux dire.

14 Q. : Merci. Vous faisiez partie d'un groupe de prisonniers transférés de

15 Keraterm ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Qui étaient ces prisonniers formant ce groupe de Keraterm ? Vous avez

18 parlé de Musulmans et de Croates mais quels étaient leurs

19 antécédents ?

20 R. : Ils venaient pour la majeure partie de la mine de Ljubija.

21 Q. : Quel était le nombre des personnes venant de la mine de Ljubija ?

22 R. : Ils venaient presque tous de cet endroit.

23 Q. : Vous n'aviez pas travaillé à la mine de Ljubija. Savez-vous ...

24 R. : Non.

25 Q. : ...pourquoi vous étiez inclus dans ce groupe ?

Page 4670

1 R. : Je ne sais pas. Je ne sais toujours pas.

2 Q. : Mais vous avez ensuite été transféré dans cette maison blanche. Si je

3 pouvais examiner le plan de l'intérieur de cet endroit avec vous ?

4 Quand vous sortez il y a deux salles à droite et deux salles à

5 gauche, est-ce exact ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Au bout du couloir il y a un endroit qui n'est pas terminé et qui

8 sert de salle de bain ou de douches ?

9 R. : Simplement une petite pièce, plus petite que les autres.

10 Q. : Cette pièce n'avait pas de carrelage n'est-ce pas ?

11 R. : Je n'ai pas eu le temps de regarder si elle avait ou non un

12 carrelage.

13 Q. : Quand vous êtes arrivé à la maison blanche, quand vous avez franchi

14 la porte, on vous a mis dans la deuxième pièce sur la droite, n'est-

15 ce pas ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Saviez-vous alors s'il y avait d'autres personnes dans la maison

18 blanche ?

19 R. : A ce moment là, non parce que j'étais ... En fait, je me suis

20 précipité dans la maison blanche en courant entre la haie de gardes

21 qui me battaient.

22 Q. : Combien de temps après votre arrivée êtes-vous allé à

23 l'interrogatoire ?

24 R. : Une fois tous dans la pièce un homme a commencé à nous appeler.

25 Q. : D'après ce que vous dites, il semble que vous ayez été dans les

Page 4671

1 premiers à être interrogés parmi ce groupe arrivé de Keraterm ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous rappelez-vous à quelle heure vous êtes arrivé de Keraterm ?

4 R. : Je suis arrivé à la maison blanche vers midi.

5 Q. : Savez-vous vers quelle heure vous avez été interrogé ?

6 R. : Immédiatement après ... Il y a eu une brève interruption après notre

7 descente du car puis nous avons du aller à l'interrogatoire.

8 Q. : Un garde vous a mené à l'interrogatoire dans un autre bâtiment,

9 n'est-ce pas ?

10 R. : Quand je suis allé à l'interrogatoire, j'ai suivi le garde qui ne me

11 laissait pas marcher rapidement.

12 Q. : Combien de temps l'interrogatoire a t-il duré ?

13 R. : Pas très longtemps.

14 Q. : Mais avant cet interrogatoire vous avez été battu à deux reprises,

15 quand vous êtes arrivé à la maison blanche et aussi ...

16 R. : Oui.

17 Q. : ... quand vous êtes sorti de la maison blanche ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Aviez-vous aussi été battu dans la pièce de la maison blanche ?

20 R. : A la maison blanche, je n'ai pas été battu avant l'interrogatoire ou

21 même après. La seule fois où il est arrivé quelque chose est

22 lorsqu'ils nous ont marché dessus.

23 Q. : Après votre interrogatoire on vous a mis dans une autre pièce et

24 selon vous, ce serait la deuxième pièce à gauche en entrant, au bout

25 du bâtiment ?

Page 4672

1 R. : Oui.

2 Q. : Y avait-il déjà d'autres prisonniers dans cette pièce quand vous êtes

3 arrivé ?

4 R. : Non, il n'y avait que ceux arrivés ce jour là avec moi de Keraterm.

5 Q. : Combien de détenus étaient déjà dans cette pièce à la maison blanche

6 ?

7 R. : Quand je suis arrivé de l'interrogatoire, seulement moi et deux

8 autres détenus.

9 Q. : Avez-vous pu déterminer combien de personnes se trouvaient dans le

10 bâtiment? Vous le saviez pour les gens avec vous dans la première

11 pièce mais qu'en était-il des deux autres salles à l'avant ?

12 R. : Je ne regardais pas. Je n'avais pas le temps de regarder.

13 Q. : Pourquoi cela ?

14 R. : Un garde me conduisait à la salle.

15 Q. : Des personnes se trouvaient-elles dans la toute petite pièce au bout

16 du couloir ?

17 R. : Non, elle était vide.

18 Q. : Vous avez mentionné une femme qui se trouvait aussi dans la maison

19 blanche ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Où se trouvait-elle dans le bâtiment ?

22 R. : Elle nous a dit qu'elle était dans la première pièce à droite.

23 Q. : La "première pièce à droite". en entrant par la porte de devant

24 n'est-ce pas ?

25 R. : Oui.

Page 4673

1 Q. : Après qu'on vous ait mis dans cette seconde pièce à gauche d'autres

2 sont-ils venus vous y rejoindre ?

3 R. : Oui, tous ceux qui ont été interrogés ce jour là m'ont rejoint dans

4 cette salle.

5 Q. : Combien de personnes se trouvaient dans cette pièce ce soir là ?

6 R. : Presque tous. Quelques uns n'ont pas été interrogés.

7 Q. : Il y avait donc entre 40 et 50 personnes, est-ce exact ?

8 R. : Une quarantaine de personnes, 40, 45, de ce genre. Je ne sais pas

9 exactement.

10 Q. : Certains sont-ils arrivés dans un piteux état après avoir été passés

11 à tabac ?

12 R. : A ce moment là, nous n'étions pas encore dans un mauvais état

13 physique. Les coups nous étaient donnés quand nous passions entre la

14 haie.

15 Q. : D'autres semblaient-ils avoir reçu le même traitement que vous, les

16 coups à l'arrivée et quand ils sont sortis pour se rendre à

17 l'interrogatoire ?

18 R. : Nous avons presque tous subi le même sort, un coup de plus ou de

19 moins peut-être mais à peu près tous la même chose.

20 Q. : Les conditions dans ce bâtiment à ce moment là, est-on justifié de

21 dire qu’elles étaient extrêmement mauvaises en raison de la puanteur

22 ...

23 R. : Oui.

24 Q. : ... et de l'utilisation qui en était faite ?

25 R. : Je ne sais pas en fait à quoi il servait mais je me souviens ...

Page 4674

1 D'après moi, il me semble que ce jour là, ces deux pièces avaient

2 été spécialement préparées pour nous.

3 Q. : Quelque 40 personnes dans cette seconde pièce à l'arrière du bâtiment

4 signifie que vous deviez être très à l'étroit ?

5 R. : Oui, c’était très serré. Nous étions entassés comme des sardines.

6 Q. : Nous ne parlons pas d'un grand bâtiment ni de grandes pièces ?

7 R. : Ils ne prêtaient guère attention à cela.

8 Q. : Oui. Quand la nuit est tombée , avez-vous été nourri ce jour là à

9 Omarska ?

10 R. : Non, je n'ai jamais rien mangé à la maison blanche.

11 Q. : Pendant que vous étiez à la maison blanche vous n'avez donc pas eu

12 l'occasion d'aller à la cantine ?

13 R. : Non, je n'ai pas quitté la maison blanche jusqu'au jour où ils nous

14 ont fait sortir pour la nettoyer. Je n'avais pas quitté la maison

15 blanche.

16 Q. : Vous aviez alors passé un mois et demi dans ces camps de détention ?

17 R. : Vous voulez dire Keraterm et Omarska ?

18 Q. : Oui.

19 R. : A peu près ce temps là.

20 Q. : Oui. Vous connaissiez le type de régime auquel vous étiez assujetti ?

21 R. : Oui.

22 Q. : C'était un régime qui vous maintenait dans la peur ?

23 R. : Oui, c'était un régime de terreur.

24 Q. : Un régime où il était dangereux pour vous de désobéir aux ordres ?

25 R. : Oui, c'était dangereux. Vous deviez obéir aux ordres donnés.

Page 4675

1 Q. : Un danger pour vous d'en savoir trop, de connaître les gardes, par

2 exemple ?

3 R. : Oui, c'était dangereux pour tout le monde, pas seulement pour moi,

4 pour tous ceux qui étaient à Omarska ou à Keraterm.

5 Q. : C'était un endroit où vous ne pouviez pas regarder à l'entour et vous

6 intéresser à ce qui se passait autour de vous ?

7 R. : Cela dépendait de la position dans laquelle vous étiez.

8 Q. : Parce que si l'un des gardes vous trouvait trop curieux, vous

9 risquiez immédiatement des sévices ?

10 R. : Cela dépendait aussi du garde. Il y en avait qui avaient plaisir à ce

11 que vous les voyiez avant qu'ils commencent à vous torturer. Ils

12 semblaient avoir plaisir à torturer.

13 Q. : Saviez-vous alors que le tour de garde de Krkan était considéré à

14 Omarska comme le plus dangereux ?

15 R. : Durant mon séjour à Omarska, je n'ai découvert qu'après avoir quitté

16 la maison blanche que Krkan était l'un des tours de garde parmi les

17 pires.

18 Q. : Les pièces où vous étiez à la maison blanche avaient des portes,

19 n'est-ce pas ?

20 R. : Les pièces où je me trouvais n'avaient que des ouvertures, pas de

21 portes.

22 Q. : N'y avait-il pas de portes pour fermer ces pièces afin de vous y

23 garder ?

24 R. : Pendant que j'étais dans ces pièces il n'y avait pas de portes.

25 Q. : Y compris la deuxième pièce à droite ?

Page 4676

1 R. : La deuxième pièce à droite et la deuxième pièce à gauche. Vous

2 pouviez voir d'une pièce à l'autre.

3 M. KAY : Mme le Président, le moment serait propice.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue 20 minutes.

5 (11 heures 30)

6 (Brève suspension d'audience)

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, vous pouvez continuer.

8 M. KAY : Merci, Mme le Président. M. Icic, voulez-vous examiner cette

9 photo et peut-être que nous pourrions appeler 22-22 sur l'écran ? Il

10 s'agit de la pièce à conviction 240 produite antérieurement par

11 l'Accusation. Est-ce possible ?. Je ne pense pas que les techniciens

12 peuvent le faire. Nous pourrions peut-être alors placer cette

13 photographie sur le rétroprojecteur pour que la cour puisse la voir

14 ?

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quel est le numéro de cette pièce à

16 conviction ?

17 M. KAY : Pièce à conviction 240, Mme le Président. M. Bos en a une autre

18 qu'il peut placer sur l'écran ? Merci. C'est une photo, M. Icic,

19 prise dans la maison blanche à partir de la deuxième pièce à droite

20 en entrant. Vous pouvez voir une porte dont la partie supérieure est

21 vitrée. Cette porte est à l'entrée de la pièce où vous avez été

22 placé à votre arrivée. De l'autre côté du couloir la première pièce

23 à gauche a aussi une porte. Ces pièces de la maison blanche avaient

24 donc des portes. Que répondez-vous à cela ?

25 R. : Rien. Ils les ont peut-être installées ensuite.

Page 4677

1 Q. : Elles n'étaient pas là quand vous avez été mis dans la maison blanche

2 ?

3 R. : Je ne les ai pas vues.

4 Q. : Parce que ce que je suggère également est, en fait, que ces portes

5 étaient fermées pendant que vous étiez dans vos pièces à la maison

6 blanche ?

7 R. : Cette porte n'a jamais été fermée dans ces deux pièces.

8 Q. : Très bien. Voyons maintenant ce qui s'est passé après que vous ayez

9 été battu et vos vêtements tailladés et que Krkan a essayé de vous

10 extorquer de l'argent. Après cela, vous dites que des hommes sont

11 entrés dans la maison blanche avec du matériel d'éclairage et autre.

12 Que voulez-vous dire par là ? Quel genre d'éclairage ?

13 R. : Ils ne sont pas venus avec de l'éclairage. Ils sont venus avec du

14 matériel, de l'équipement pour l'éclairage, pour installer

15 l'éclairage dans le couloir.

16 Q. : Pourquoi l'éclairage était-il installé dans le couloir ?

17 R. : Ils devaient en connaître les raisons. Je ne sais pas pourquoi ils

18 l'ont fait.

19 Q. : Parce que la nuit était tombée et qu'il faisait sombre n'est-ce pas ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Il n'y avait pas d'éclairage électrique dans vos pièces ?

22 R. : Non, pas dans ma pièce.

23 Q. : Et dans les autres pièces ?

24 R. : Dans les autres pièces ... Ni dans les pièces d'en face.

25 Q. : La pièce où vous avez été envoyé pour interrogatoire, pourriez-vous

Page 4678

1 l'identifier de nouveau, en entrant dans la maison blanche par la

2 porte de devant ?

3 R. : Il n'y avait pas de salles d'interrogatoire dans la maison blanche.

4 Q. : Vous avez décrit pourtant être allé dans une pièce où d'autres

5 avaient été et où vous avez été passé à tabac ?

6 R. : J'ai dit qu'en descendant du car, ceux qui étaient arrivés avec moi,

7 nous avons été mis dans la dernière pièce sur la droite mais ce

8 n'était pas la salle des interrogatoires. La salle des

9 interrogatoires est située dans un tout autre bâtiment.

10 Q. : Oui, mais vous avez dit être appelé dans une autre pièce durant la

11 nuit.

12 R. : Oui, quand j'ai été appelé mais ce n'était pas la salle des

13 interrogatoires. C'était la salle des sévices.

14 Q. : Pourriez-vous identifier la pièce de sévices quand vous entrez par

15 devant ?

16 R. : Quand vous entrez dans la maison blanche, c'est la pièce au bout du

17 couloir.

18 Q. : A gauche ou à droite ?

19 R. : Au milieu.

20 Q. : La petite pièce au fond du couloir ?

21 R. : Oui, c'était la petite pièce.

22 Q. : Cette pièce était toute petite, à peine plus grande qu'une douche ?

23 R. : Je ne dirais pas cela. Une douche est très petite. Je travaille dans

24 le bâtiment et je connais les dimensions d'une douche, 60 par 80,

25 pas plus.

Page 4679

1 Q. : Oui, mais la pièce dans laquelle vous dites avoir été appelé et battu

2 par cinq ou six hommes, s'agit-il bien de la pièce au fond du

3 couloir ?

4 R. : J'ai dit que c'est la pièce au fond du couloir où nous avons été

5 emmenés un par un ce soir là et battus.

6 Q. : A quoi servait donc l'éclairage ?

7 R. : Probablement pour leur permettre de voir. Ceux qui nous frappaient,

8 de sorte qu'ils puissent voir ce qu'ils faisaient.

9 Q. : Cette pièce aurait été fermée sur le couloir, vous avez du franchir

10 une porte pour y entrer ?

11 R. : Il n'y avait rien, pas d'écran.

12 Q. : S'agissait-il seulement d'une pièce ouverte au bout du couloir ?

13 R. : Oui, comme les autres pièces. Elle aurait pu avoir une porte mais il

14 n'y en avait pas ou tout au moins je n'ai rien remarqué. Il n'y

15 avait pas d'obstacle.

16 Q. : Combien de personnes s'y trouvaient avec vous durant votre passage à

17 tabac ?

18 R. : Quand je suis entré dans la pièce, il n'y avait que moi et ceux qui

19 me frappaient.

20 Q. : Combien de personnes se trouvaient donc dans cette pièce ?

21 R. : Ils étaient cinq et j'étais le sixième.

22 Q. : Comment exactement avez-vous été passé à tabac ?

23 R. : Cela je n'ai pas vu. Je n'avais pas le temps.

24 Q. : Vous avez décrit avoir un noeud coulant autour du cou et être tombé.

25 C'était une façon de vous tenir et de vous contrôler avec la corde

Page 4680

1 autour du cou n'est-ce pas ?

2 R. : Oui, l'un d'eux me tenait avec un noeud coulant très serré et je me

3 débattais pour respirer et je ne pouvais pas voir.

4 Q. : Combien de temps après l'épisode des vêtements tailladés à coups de

5 couteau est-ce que le passage à tabac a eu lieu ? Combien de temps

6 après cela ?

7 R. : L'épisode des vêtements tailladés a précédé le passage à tabac. Il

8 faisait encore jour.

9 Q. : Oui je le sais et c'était en fait ma question. Je voulais connaître

10 l'intervalle entre ces deux incidents.

11 R. : Je ne pourrais pas vous dire. L'un des incidents a eu lieu le jour et

12 l'autre la nuit.

13 Q. : Le premier incident des vêtements tailladés concernait le tour de

14 garde de Krkan n'est-ce pas ?

15 R. : Je ne sais pas à quel tour de garde appartenaient ces individus ou

16 qui ils étaient.

17 Q. : Mais c'est Krkan qui vous a demandé d'écrire vos noms et d'indiquer

18 sur une feuille de papier la somme d'argent et les articles de

19 valeur dont vous disposiez ?

20 R. : Oui, il était toujours celui qui appelait.

21 Q. : Ce groupe qui vous a attaqué dans cette pièce comprenait quelqu'un

22 appelé Duca, n'est-ce pas, ou Duca ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Que vous connaissez aussi sous le nom de "Dule".

25 R. : Non, je ne l'ai jamais connu sous le nom de Dule.

Page 4681

1 Q. : En êtes-vous certain ?

2 R. : Absolument, je n'ai même jamais su qu'il était Dule. Orlovci m'a dit

3 qu'il s'appelait Duca mais il aurait pu aussi être Dule. C'était

4 possible parce que les Serbes l'utilisent comme diminutif, Dule,

5 Dusko, ils pourraient tous être le même nom.

6 Q. : Ne l'avez-vous pas mentionné dans une déclaration écrite de votre

7 main comme "Dule, alias Duca" ?

8 R. : Peut-être que quand je l'ai écrit c'était un lapsus mais dans mon

9 esprit, c'est la même chose.

10 Q. : Ce qui m'intéresse c'est de savoir pourquoi vous parlez de lapsus et

11 pas quelque chose que vous auriez utilisé comme expression ?

12 R. : L'expression normale pour un homme est si vous connaissez son

13 identité complète, si vous êtes amis, si vous sortez avec lui mais

14 cela n'a jamais été le cas, nous n'avons jamais été amis et nous ne

15 sommes jamais sortis ensembles. Je ne l'ai connu que comme un homme

16 malfaisant qui venait quotidiennement à Keraterm.

17 Q. : Mais essayez-vous de dissimuler le fait que vous avez appelé Duca

18 "Dule" en raison de cette affaire ?

19 R. : Non.

20 Q. : Je vais vous montrer cette déclaration écrite de votre propre main le

21 12 février 1993 où vous faites référence à cela. C'est la pièce D28,

22 Mme le Président.

23 M. BOS : D27.

24 M. KAY : D27. (Au témoin) : Vous rappelez-vous avoir écrit cela en février

25 1993, M. Icic ?

Page 4682

1 R. : Oui.

2 Q. : A la fin de la déclaration vous pouvez voir qu'elle a été numérotée

3 200; est-ce votre signature ? Vous pouvez examiner la toute dernière

4 page marquée 200 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : C'est votre signature n'est-ce pas ?

7 R. : Oui, mais ce n'est pas ma déclaration.

8 Q. : Comment ce n'est pas votre déclaration ?

9 R. : Quand je suis sorti du camp, j'ai habité dans une ville où peu de

10 gens viennent de Yougoslavie. Le médecin m'a encouragé à parler de

11 l'incident autrement je deviendrais fou. Je lui ai dit que je

12 n'avais personne avec qui parler et il m'a dit de jeter mon

13 expérience sur le papier.

14 C'est ce que j'ai fait mais ce n'était pas une déclaration. Je ne

15 l'ai écrit que pour avoir un souvenir, un mémento. Je pourrais

16 couvrir 200 pages s'il s'agissait d'une déclaration couvrant chaque

17 détail de tous les incidents. Mais ce document ne couvre pas tout ce

18 que j'ai vécu dans le camp. C'est la partie la plus infime de la

19 vérité sur ce que j'ai vécu dans les camps et que je désire voir

20 survivre pour ne pas oublier.

21 Q. : Voyons donc ce que vous appelez la vérité parce que, en page 166, si

22 vous tournez la première page, vous avez en fait écrit que c'était

23 la vérité n'est-ce pas ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Vous pourriez peut-être nous le lire dans votre propre langue ?

Page 4683

1 R. : C'est la vérité pour moi. Ce que j'ai écrit est la vérité mais, bien

2 sûr, vous pouvez déformer les mots à volonté. Un mot peut être

3 interprété de mille façons.

4 Q. : Mais ce sont bien vos propres termes sur ces pages, ce ne sont pas

5 les miens ?

6 R. : Ce sont mes termes ...

7 Q. : Oui.

8 R. : ... qui ont un sens pour moi.

9 Q. : Vous pouvez peut-être alors passer à la page 178 et en voir le sens

10 en ce qui concerne Duca. Pour être juste afin que tout soit resitué

11 dans son contexte, voyez-vous le paragraphe qui commence par "Oko

12 22", le premier paragraphe de la page ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Vous pourriez peut-être lire tout le paragraphe pour que nous

15 sachions ce que vous y dites ? Lisez le dans votre propre langue et

16 il nous sera interprété.

17 R. : "Vers 22 heures un nouveau groupe de tortionnaires est revenu et ils

18 se préparaient à nous torturer. Comme il n'y avait pas

19 d'électricité, ils ont placé le générateur dans le couloir et une

20 ampoule afin d'éclairer le couloir et la petite pièce qui leur

21 servait de salle des tortures.

22 Ils ont pris la liste établie par . et nous ont appelé un par un

23 puis torturé. Ce groupe de Tchetniks était composé de six hommes

24 dont Dule Tadic de Kozarac, Simo Kevic d'Orlovci, un réparateur de

25 pneus, un dénommé Banovic de Prijedor, Dule appelé "Duca" de

Page 4684

1 Prijedor et Dragan Babic de Babici près de Kamicani.

2 Parmi les gardes étaient les gardes de Krkan et deux frères, Kvocka.

3 Dès qu'ils appelaient quelqu'un, un noeud coulant lui était passé au

4 cou pour l'empêcher de crier tandis que les autres commençaient à le

5 battre avec différents objets, des barres faites de ..."

6 Q. : C'est tout ce qui nous intéresse en ce moment, tout le texte relatif

7 aux noms. Ce qui m'intéresse c'est que vous dites ici que Duca était

8 aussi appelé Dule.

9 R. : Oui, c'est le nom que certaines personnes lui donnaient à Keraterm.

10 Je le connaissais comme la plupart des gens sous le nom de "Duca".

11 Q. : Oui, mais pourquoi essayez-vous d'éviter d'admettre dans ce prétoire

12 que vous le connaissiez sous le nom de "Dule" et dites que c'était

13 une erreur ou que ce n'était pas votre intention. Pourquoi ?

14 R. : Je ne voulais pas l'éviter et je n'essaye pas de l'éviter maintenant.

15 Dans mon esprit "Dule" et "Duca" sont la même personne.

16 Q. : Bien. Pendant combien de temps ce groupe d'hommes vous a t-il attaqué

17 ?

18 R. : Pas vraiment attaqué. Je l'ai déjà dit. Ils m'ont amené. Je les ai

19 salués. Ils ont serré le noeud coulant autour de mon cou et m'ont

20 battu. J'ignore combien de temps.

21 Q. : C'était votre quatrième tabassage depuis votre arrivée au camp ?

22 R. : C'était le premier vrai tabassage. Les autres étaient des coups en

23 passant.

24 Q. : Vous deviez à ce stade être en très mauvais état physique n'est-ce

25 pas ?

Page 4685

1 R. : Je ne dirais pas très mauvais état mais j'étais en mauvais état.

2 Q. : Quand on vous a appelé vous deviez savoir ce qui vous attendait, vous

3 deviez être effrayé ?

4 R. : En fait je ne savais pas ce qui m'attendait mais j'entendais le

5 tabassage et j'ai vu toutes ces personnes jetées dans la pièce. Je

6 supposais que la même chose m'attendait.

7 Q. : Après ce passage à tabac, vous nous avez parlé d'une occasion quand

8 vous dites que Dule Tadic est venu dans votre pièce et déclaré "Tu

9 te souviendras Sivac que tu ne peux pas toucher ou parler à un

10 Serbe", est-ce exact ?

11 R. : Il n'est pas venu dans ma pièce. Il est resté dans l'entrée quand ils

12 ont jeté Sefik Sivac à mes pieds.

13 Q. : Vous dites que vous avez reconnu cette personne comme étant Dule

14 Tadic ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Est-ce parce que vous l'avez vu ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Est-ce ce que vous nous avez dit aujourd'hui, que vous l'avez vu ?

19 R. : Je l'ai vu à ce moment là.

20 Q. : Vous dites dans cette déclaration ici que vous avez identifié Dule

21 Tadic par sa voix. Si vous passez à la page suivante, page 179 ...

22 R. : Je l'ai aussi entendu.

23 Q. : Pour que nous puissions examiner ce point vous pourriez peut-être

24 lire le dernier paragraphe qui commence par "Nekako", le dernier

25 paragraphe en page 179 ?

Page 4686

1 R. : Oui.

2 Q. : Si vous pouviez nous lire le paragraphe entier dans votre langue ?

3 R. : Le dernier, à partir de "Hrvat" ?

4 Q. : Quelques lignes plus haut, tout au début pour que nous ayons tout le

5 paragraphe. Vous voyez ce que je veux dire ?

6 R. : Oui. "C'était peut-être la troisième nuit, vers minuit. J'étais de

7 nouveau réveillé et j'avais soif. Un type m'a passé une gorgée d'eau

8 et ça m'a rafraîchi. A l'extérieur les Tchetniks avaient des orgies

9 et je les ai entendus appeler quelqu'un du nom de Hrvat. Ils l'ont

10 tué cette nuit là puis ils ont ajouté un jeune qui avait demandé de

11 l'eau mais n'a pas eu le temps de la boire avant de mourir. J'ai

12 entendu jurer celui qui l'a jeté dans le pièce et j'ai reconnu la

13 voix de Dule Tadic parce qu'il avait juré de la même façon la nuit

14 où ils m'ont tabassé. Le matin j'ai vu que le mort était Sefik

15 Sivac. Il y avait des cadavres partout qui étaient enlevés par

16 d'autres prisonniers".

17 Q. : Oui. Quand vous avez écrit cela vous n'avez pas mentionné que vous

18 aviez vu Dule Tadic n'est-ce pas ? Vous dites que vous avez reconnu

19 sa voix.

20 R. : Je l'avais entendu jurer auparavant et je l'ai vu lorsqu'il a jeté

21 Sefik à mes pieds.

22 Q. : Ce que vous avez entendu était "Tu te souviendras Sivac que tu ne

23 peux pas toucher ou parler à un Serbe". C'est bien ce que vous dites

24 n'est-ce pas ?

25 R. : Oui "Tu te souviendras Sivac que tu ne peux pas parler ou toucher à

Page 4687

1 un Serbe" quelque chose du genre.

2 Q. : Dans cette déclaration que vous venez de lire vous dites que c'est le

3 matin que vous avez reconnu le mort comme étant Sefik Sivac ? Vous

4 l'avez décrit comme un jeune homme industrieux. Pour reprendre vos

5 termes "le matin, j'ai vu que le mort était Sefik Sivac".

6 R. : Oui. Je l'ai reconnu le matin et je suis devenu certain que c'était

7 lui. Quand ils l'ont apporté je n'étais pas certain mais il n'était

8 pas industrieux, il était un brave homme, un grand homme. Un homme

9 industrieux est un homme qui travaille beaucoup et je voulais dire

10 qu'il était un grand homme.

11 Q. : Un doute ne vous a donc pas permis de reconnaître l'homme lorsqu'il a

12 été jeté dans votre pièce, est-ce bien cela ?

13 R. : A ce moment là, c'est exact, je ne l'ai pas reconnu sur le moment.

14 Q. : Est-ce parce que la pièce était dans le noir ?

15 R. : C'est possible.

16 Q. : Est-ce parce qu'il vous était difficile de reconnaître quelqu'un dans

17 cette pièce la nuit sans électricité ?

18 R. : Il n'y avait pas d'éclairage la nuit dans cette pièce et il était

19 vraiment difficile de voir la face d'un homme battu. Mais avec le

20 jour, la lumière suffisait pour voir.

21 Q. : Quand vous parlez de ce matériel d'éclairage amené à la maison

22 blanche la nuit de votre passage à tabac, c'est vrai ? Cela s'est

23 bien passé ainsi ?

24 R. : C'est vrai et je ne l'oublierais jamais. Je n'oublierais pas mes

25 côtes brisées et la douleur que je ressentirais le restant de mes

Page 4688

1 jours.

2 Q. : Je comprends. Mais ce qui m'intéresse c'est l'éclairage parce que

3 dans votre déclaration, vous dites que l'éclairage était alimenté

4 par un générateur, est-ce exact ?

5 R. : Oui, pas une dynamo. Mais des batteries sèches de type automobile.

6 Q. : L'éclairage était donc médiocre à moins de disposer d'une lumière

7 artificielle pour vous permettre de voir ce qui se passait ?

8 R. : Il y avait suffisamment de lumière dans le couloir et ils éclairaient

9 aussi la petite pièce. Je ne sais pas s'il y avait deux ampoules

10 dans la petite pièce mais en tout état de cause le couloir et la

11 petite pièce étaient bien éclairés.

12 Q. : Le générateur utilisé comme source d'alimentation était donc une

13 batterie d'automobile, est-ce exact ?

14 R. : Oui. Une batterie d'automobile ou de camion.

15 Q. : Vous avez donné de nombreuses interviews à la presse et aux médias

16 sur ces questions. Etes-vous aussi apparu à la télévision, M. Icic ?

17 R. : Oui, mais pas à la télévision. Cet incident n'a pas été abordé. La

18 télévision voulait savoir à quoi ressemblaient les hommes valant 100

19 francs.

20 Q. : Oui, mais vous avez parlé avec Monika Gras ? Avez-vous figuré sur une

21 ou deux de ses émissions de télévision ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Vous avez donné des interviews à des journalistes, n'est-ce pas ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Ce que je vous suggère, c'est que vous n'avez pas reconnu Dusko Tadic

Page 4689

1 dans la maison blanche dans ces occasions que vous avez décrites ?

2 R. : Vous avez le droit de dire que je n’étais pas dans la maison blanche

3 mais je soutiens qu'il participait à ces deux incidents.

4 Q. : Vous avez vu l'arrestation de Dusko Tadic à la télévision n'est-ce

5 pas ?

6 R. : Je n'ai pas vu l'arrestation proprement dite parce que je

7 travaillais.

8 Q. : Non, mais vous l'avez vue à la télévision quand vous êtes rentré du

9 travail?

10 R. : Brièvement durant les informations.

11 Q. : Vous avez également regardé les émissions tournées sur Omarska ?

12 R. : Pas beaucoup, un peu. Je n'avais pas le temps.

13 Q. : Mais vous avez parlé à des journalistes de la télévision, comme Penny

14 Marshall, est-ce exact ?

15 R. : Oui, Mme Marshall est venue me voir récemment mais nous n'avons

16 jamais mentionné Tadic ou même l'incident. Elle m'a demandé si

17 j'allais à La Haye et nous avons bavardé. Elle est venue à mon

18 entreprise, voir où je travaillais et nous n'avons pas discuté cette

19 affaire.

20 Q. : Savez-vous qui est le témoin K dans cette affaire ? Je ne veux pas

21 son nom.

22 R. : Le témoin K, oui, je me souviens.

23 Q. : Est-elle votre belle-soeur ?

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi, un instant, avant que le témoin

25 réponde.

Page 4690

1 M. KAY : Oui, Mme le Président.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Attendez. Ne répondez pas. M'entendez-vous ?

3 LE TEMOIN : Je ne suis pas familier avec le témoin K. Oui, je vous

4 entends.

5 M. KAY : Je comprends, Mme le Président. Il y a eu un changement.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Une minute. Bien. Le témoin a changé depuis

7 que j'ai enlevé mes écouteurs.

8 M. KAY : On m'a informé ce matin que le statut du témoin K a changé.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis ?

10 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président. Nous avons informé la défense ce matin

11 que, depuis hier, le témoin K a manifesté son intention et son désir

12 de témoigner en public. Nous communiquerons son nom et sa

13 déclaration intégrale à la Défense aujourd'hui.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Vous n'en avez pas informé la Cour ?

15 MME HOLLIS : Non, Mme le Président.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons rendu une ordonnance le 10 août

17 l'an dernier je crois accédant aux mesures de protection demandées

18 par le Procureur.

19 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Si les parties sont d'accord, examinons

21 le point.

22 M. KAY : Je ne connais pas encore son nom et c'est la raison pour laquelle

23 j'utilise l'initiale. (Au témoin) : Mais est-il exact qu'elle est

24 votre belle-soeur ?

25 M. TIEGER : Je m'excuse, Mme le Président, je pense que nous entrons ...

Page 4691

1 LE TEMOIN : Non, elle n'est pas la femme de mon frère.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

3 M. TIEGER : Je suis un peu confus compte tenu des réponses. Il se pourrait

4 que nous ne parlions pas de la même personne quand nous faisons

5 référence au témoin K.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D'après ce que me dit Mme Hollis, le K visé

7 dans l'ordonnance du 10 août 1995 désire maintenant témoigner

8 publiquement et librement. Si c'est ce que souhaite la partie qui

9 entend présenter ce témoin, c'est possible. A ce stade je n'ai pas

10 de questions. Il appartient à M. Kay d'obtenir du témoin ce qu'il

11 cherche. S'il n'y a pas d'opposition, nous pouvons poursuivre. Ma

12 seule inquiétude était qu'un témoin protégé à la demande du

13 Procureur puisse être identifié et, au moins sans que la Chambre le

14 sache, cette requête a été retirée. Parfait.

15 M. KAY : Mme le Président, je vais abandonner ce point.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d'autres questions. Vous pouvez examiner

17 ce point si vous le voulez, M. Kay.

18 M. KAY (Au témoin) : Vous prétendez que de 30 à 40 détenus étaient tués

19 chaque soir dans la maison blanche pendant que vous y étiez, est-ce

20 exact ?

21 R. : Je pense qu'ils étaient plus nombreux.

22 Q. : Oui, mais pendant que vous y étiez ?

23 R. : Pendant que j'y étais le nombre de personnes tuées était plus élevé.

24 Les cadavres étaient enlevés. Qu'ils aient été tués ou déjà morts,

25 ils ne sont jamais revenus, aucun de ceux enlevés de la maison

Page 4692

1 blanche. C'est pourquoi je suppose qu'ils sont morts.

2 Q. : Mais ce serait presque la totalité des gens dans la pièce ?

3 R. : Presque toute la pièce était vidée, presque toute la pièce.

4 M. KAY : Merci. Pas d'autres questions, Mme le Président.

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

6 M. TIEGER : Merci, Mme le Président.

7 Nouvel interrogatoire par M. TIEGER

8 Q. : M. Icic, on vous a demandé si vous connaissiez ou non les raisons de

9 votre inclusion parmi le groupe de personnes transférées de Keraterm

10 à Omarska. Vous avez indiqué que, à ce jour, vous ne saviez pas

11 pourquoi.

12 R. : Non, je ne le sais pas.

13 Q. : Quand on vous a interrogé à Omarska, la personne chargée de

14 l'interrogatoire a t-elle remarqué dans votre déclaration que vous

15 travailliez en Allemagne, que vous étiez venu en visite et que vous

16 n'aviez pas pu repartir ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Quelle a été sa réaction quand elle a vu cela ?

19 R. : Il a souri.

20 Q. : Mme le Président, pourrait-on marquer cette photo aux fins

21 d'identification comme pièce à conviction. Ce serait la pièce 279.

22 M. l'huissier, peut-on la montrer à la Défense, s'il vous plaît ? M.

23 Icic, cette photo montre t-elle une partie de la maison blanche et,

24 en particulier, partie de la petite pièce au bout du couloir ?

25 R. : Oui, sauf ces choses, les tables, qui n'étaient pas là. Elle était

Page 4693

1 vide.

2 Q. : Je verse 279, Mme le Président et demande qu'elle soit placée sur

3 l'Elmo.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

5 M. KAY : Pas d'objection, Mme le Président.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 279 est versée au dossier.

7 M. TIEGER : Peut-on agrandir un peu plus l'arrière de la pièce ? Un peu

8 plus encore. M. Icic, la pièce au fond du couloir est la salle des

9 tortures que vous avez mentionnée ?

10 R. : Oui.

11 Q. : On peut voir le mur gauche et le mur du fond sur cette photo n'est-ce

12 pas ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Le mur arrière se prolonge t-il sur la droite puis il y a un autre

15 mur à droite ?

16 R. : Oui, il part sur la droite puis il y a un autre mur.

17 Q. : Cette pièce est-elle de la taille des douches dont vous avez

18 l'expérience ?

19 R. : Non, je dirais plutôt de la taille d'une salle de bain.

20 Q. : Y a t-il place à l'intérieur de cette pièce pour six personnes et

21 leurs déplacements ou au moins pour qu'ils remuent les bras ?

22 R. : Dans cette pièce il y avait assez de place pour que je tombe et

23 qu'ils me frappent. Comment ils se déplaçaient ou bougeaient, je

24 n'en ai pas la moindre idée.

25 Q. : M. Icic, en ce qui concerne d'autres parties de la maison blanche,

Page 4694

1 vous avez indiqué que vous n'avez pas observé l'absence ou noté la

2 présence de portes à l'entrée des deuxièmes pièces à gauche et à

3 droite ou de la petite pièce dont nous venons de parler. Y avait-il

4 des portes sur les premières salles à gauche et à droite ?

5 R. : Oui, il y avait une porte fermée à l'entrée de la première pièce.

6 Q. : Etait-ce le même type de porte que celle que l'on voit sur ces

7 photographies ?

8 R. : Oui, une porte à demi vitrée.

9 Q. : Juste pour clarifier un ou plutôt deux incidents sur lesquels M. Kay

10 vous a interrogé il y a un instant. Quand vous êtes rentré de

11 l'interrogatoire et qu'un groupe de personnes est venu et s'est mis

12 à sauter sur vos dos et à taillader vos vêtements ...

13 R. : Oui.

14 Q. : Savez-vous si Krkan était ou non présent à ce moment là ?

15 R. : Krkan était dans le couloir.

16 Q. : Krkan est-il revenu plus tard avec la feuille de papier et le crayon

17 ?

18 R. : Oui, après un certain temps il est venu avec la feuille et un crayon.

19 Q. : On vous a interrogé sur le dénommé Duca que vous avez vu à Keraterm.

20 Vous ne connaissiez pas le nom ou le prénom véritables de Duca

21 n'est-ce pas ?

22 R. : Non, je ne le connais toujours pas.

23 Q. : Pensiez-vous que Duca pouvait être un surnom dérivé de plusieurs

24 prénoms ?

25 R. : Oui.

Page 4695

1 Q. : Je veux aussi vous questionner à propos d'un autre incident mentionné

2 par M. Kay, le moment où Sefik Sivac a été jeté dans votre pièce.

3 Tout d'abord, avant que M. Sivac ait été jeté dans la pièce, avez-

4 vous entendu quelque chose dans le couloir ?

5 R. : Oui, j'ai entendu un juron et une sorte de querelle ou ils juraient

6 entre eux, ils discutaient pendant le passage à tabac.

7 Q. : C'est après avoir entendu ces jurons que M. Sivac a été jeté dans

8 votre pièce ?

9 R. : Oui, après cela ils l'ont retiré et l'ont jeté.

10 Q. : Vous avez dit qu'il n'y avait pas de lumière dans votre pièce. Le

11 couloir ...

12 R. : Il n'y avait pas d'éclairage.

13 Q. : Le couloir et l'entrée étaient-ils mieux éclairés que l'intérieur de

14 votre pièce ?

15 R. : Le couloir était éclairé et bien éclairé.

16 Q. : Avez-vous pu voir le visage du premier homme qui a tiré M. Sivac dans

17 la pièce et l'a jeté alors qu'ils se tenait dans l'entrée ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Cet homme était-il Dule Tadic ?

20 R. : Oui, je suis certain que c'était Dule Tadic.

21 Q. : Etait-ce après que M. Sivac ait été jeté dans la pièce que vous avez

22 entendu Dule Tadic dire quelque chose ?

23 R. : Oui, c'est à ce moment là qu'il a dit à Sefik de se rappeler qu'il ne

24 pouvait ni toucher ni parler aux Serbes, puis il est parti.

25 Q. : Vous avez d'abord entendu les jurons puis M. Sivac a été jeté dans la

Page 4696

1 pièce ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous avez entendu ensuite les mots adressés à Sivac ?

4 R. : Oui.

5 Q. : M. Icic, vous nous avez parlé du récit que vous avez écrit en 1993

6 sur certaines de vos expériences à Omarska et à Keraterm. Etes-vous

7 un écrivain professionnel ?

8 R. : Non. Je n'ai jamais rien écrit et je ne l'ai écrit que pour ne pas

9 devenir dingue.

10 Q. : Etes-vous un enquêteur criminel ?

11 R. : Non.

12 Q. : Etes-vous un historien ?

13 R. : Non.

14 Q. : Essayiez-vous d'écrire un récit dans le but d'un procès ?

15 R. : Non, le format serait très différent.

16 Q. : Par exemple, quand vous décrivez l'incident avec Sefik Sivac, donnez-

17 vous tous les détails de ce qui s'est passé cette nuit là ?

18 R. : Non, je n'ai pas décrit tous les détails. Ce serait trop long.

19 Q. : Avez-vous donné toutes les raisons pour lesquelles vous saviez que

20 c'était Dule Tadic qui avait jeté M. Sivac dans la pièce ?

21 R. : Je n'ai pas écrit la raison. C'est un récit abrégé pour que je puisse

22 l'avoir avec moi. La raison, je peux l'imaginer. Je n'avais pas

23 besoin d'écrire ce que je savais.

24 Q. : M. Kay vous a demandé si vous avez parlé à des journalistes comme

25 Monika Gras et vous avez répondu par l'affirmative ?

Page 4697

1 R. : Oui.

2 Q. : Il vous a demandé si vous avez vu l'arrestation de Dusko Tadic ou si

3 vous saviez qu'il avait été arrêté et vous avez répondu par

4 l'affirmative ?

5 R. : Je l'ai appris aux actualités télévisées après le travail. J'ai été

6 surpris.

7 Q. : Cependant, le récit que de certaines de vos expériences à Omarska et

8 à Keraterm a été écrit avant l'arrestation de M. Tadic n'est-ce pas

9 ?

10 R. : Bien avant.

11 Q. : Avant que vous ayez été contacté par des journalistes ?

12 R. : Avant que j'ai même pensé entrer en contact avec qui que ce soit.

13 Q. : C'est dans ce récit que vous avez mentionné que M. Tadic et d'autres

14 vous avez battu dans la petite pièce de la maison blanche et que M.

15 Tadic avait jeté Sefik Sivac dans la pièce, est-ce correct ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Permettez-moi de vous poser une nouvelle question, M. Icic. Voyez-

18 vous Dule Tadic dans le prétoire aujourd'hui ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Pouvez-vous nous le désigner et nous décrire ce qu'il porte, s'il

21 vous plaît ?

22 R. : Il est entre deux policiers et porte une veste verte et une cravate.

23 Q. : Le procès-verbal peut-il mentionner l'identification de l'accusé, Mme

24 le Président ?

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal dira que le témoin a

Page 4698

1 identifié l'accusé.

2 M. TIEGER : Puis-je avoir un instant. Pas d'autres questions, Mme le

3 Président.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

5 M. KAY : Pas d'autres questions, Mme le Président.

6 Interrogatoire par la Cour

7 JUGE STEPHEN : Monsieur, nous avons vu des photos de l'intérieur de la

8 maison blanche et elles montrent des murs blancs et propres. Quel

9 était l'état de la maison blanche quand vous y étiez ?

10 R. : A l'époque elle ressemblait davantage à un abattoir, avec toute la

11 puanteur, le sang, l'urine, les gens battus, le sang maculant les

12 murs, l'horreur. C'était cela l'état réel des pièces de la maison

13 blanche.

14 JUGE STEPHEN : Merci.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai qu'une question et elle se rapporte

16 aux dates mentionnées dans votre témoignage. A quelle date avez-vous

17 quitté Keraterm ?

18 R. : Le 7 ou le 8. Je ne connais pas la date exacte, le 7 ou le 8 juillet.

19 Q. : Juillet 1992 ?

20 R. : 1992.

21 Q. : Etes-vous allé immédiatement à Omarska après avoir quitté Keraterm ?

22 R. : Immédiatement.

23 Q. : Le tabassage dont vous parlez a bien eu lieu quelques jours après

24 votre arrivée à Omarska ?

25 R. : Le passage à tabac a eu lieu le même soir.

Page 4699

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas d'autres questions. M. Tieger ?

2 M. Kay ?

3 M. KAY : Non, Mme le Président.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que ce témoin soit

5 dispensé définitivement ?

6 M. KAY : Pas d'objection, Mme le Président.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Icic, vous êtes dispensé définitivement.

8 Vous pouvez partir. Merci d'être venu. L'audience est suspendue

9 jusqu'à 14 heures 30.

10 (12 heures 55)

11 (Suspension d'audience du déjeuner)

12 (14 heures 30)

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, voulez-vous appeler le témoin

14 suivant ?

15 MME HOLLIS : Merci, Mme le Président. Avant que j'appelle le témoin

16 suivant, s'agissant du point examiné ce matin, le témoin K m'a

17 indiqué hier soir qu'elle est prête maintenant à témoigner en public

18 sans mesures de protection. Je demande donc que partie de la

19 décision d'août relative aux mesures de protection pour le témoin K

20 soit annulée. Si la Cour le permet je suis prête à communiquer à la

21 Défense le nom du témoin, à le confirmer, ainsi qu'une déclaration

22 non expurgée.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La Défense doit-elle intervenir ? Non.

24 M. WLADIMIROFF : Pas d'opposition, Mme le Président.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Il est accédé à votre requête, Mme

Page 4700

1 Hollis. La partie de la décision accordant des mesures de protection

2 au témoin K sera modifiée ou traitée comme il convient.

3 MME HOLLIS : Merci, Mme le Président.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'apprécie que vous ayez informé la Chambre.

5 Nous n'aurons pas à nous inquiéter de ce point. Nous sommes heureux

6 que le témoin puisse être entendu en audience publique.

7 MME HOLLIS : Il a semblé ce matin que nous ayons tardé à informer la

8 Chambre. Je m'en excuse. Nous n'avions pas pensé que la question

9 surgirait durant le contre-interrogatoire et nous voulions avoir

10 tout réglé avant de vous notifier.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.

12 MME HOLLIS : Madame, messieurs de la Cour, nous n'allons pas appeler

13 maintenant le témoin 52 mais le témoin 54 dans l'ordre que vous

14 avez. L'Accusation appelle Ermin Strikovic à la barre.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense a t-elle été informée du

16 changement ?

17 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président.

18 Appel de ERMIN STRIKOVIC à la barre

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Strikovic, voulez-vous prêter serment ?

20 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

21 toute la vérité, rien que la vérité.

22 (Prestation de serment du témoin)

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

24 Interrogatoire par MME HOLLIS

25 Q. : Quel est votre nom monsieur ?

Page 4701

1 R. : Ermin Strikovic.

2 Q. : Votre date de naissance ?

3 R. : 15 juillet 1957.

4 Q. : Quelle est votre nationalité ou groupe ethnique ?

5 R. : Musulman.

6 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?

7 R. : Zenica.

8 Q. : Dans quelle partie de Bosnie se trouve Zenica ?

9 R. : Dans le centre.

10 Q. : Peut-on rappeler la pièce à conviction 78 de l'Accusation ? Peut-on

11 la remettre au témoin ? Si vous voulez bien examiner cette pièce

12 puis qu'on la place sur le rétroprojecteur ? Peut-on agrandir la

13 partie centrale ? Pouvez-vous nous montrer où se trouve Zenica ?

14 R. : Ici.

15 Q. : Merci. Veuillez vous asseoir. Avez-vous habité Zenica jusqu'à 13 ans

16 ?

17 R. : Non, jusqu'à 13 ans.

18 Q. : Jusqu'à l'âge de 13 ans. ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Avez-vous ensuite résidé dans le quartier Puharska de la ville de

21 Prijedor ?

22 R. : Oui.

23 Q. : En 1985 vous êtes vous installé dans la ville de Kozarac ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous résidé à Kozarac jusqu'en mai 1992 ?

Page 4702

1 R. : Oui.

2 Q. : Avez-vous servi dans les rangs de la JNA de 1984 à 1985 ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Quelles étaient vos fonctions ?

5 R. : Chauffeur de camion.

6 Q. : Où étiez-vous cantonné ?

7 R. : Je n'ai pas fait mon service militaire en Bosnie. J'étais à Kovin

8 près de Belgrade pour la formation et j'ai ensuite été cantonné à

9 Kerestinec près de Zagreb.

10 Q. : Durant votre service dans la JNA êtes-vous devenu familier avec les

11 uniformes, armes, véhicules et matériel de la JNA.?

12 R. : Oui.

13 Q. : Quelle est votre situation de famille ?

14 R. : Je suis marié.

15 Q. : Quel est le nom de votre femme ?

16 R. : Azra Blazevic.

17 Q. : Quelle était sa profession ?

18 R. : Médecin vétérinaire.

19 Q. : Quelle était votre profession ?

20 R. : Responsable des transports.

21 Q. : Où travailliez-vous ?

22 R. : Dans une entreprise, les mines de fer de Ljubija, à l'entretien des

23 véhicules.

24 Q. : La mine de fer de Ljubija détenait-elle les mines de Tomasica et

25 Omarska ?

Page 4703

1 R. : Oui.

2 Q. : Savez-vous quelle est la distance entre Prijedor et Omarska ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Quelle est-elle ?

5 R. : 22 kilomètres.

6 Q. : Quelle est la durée pour conduire de Prijedor à Omarska en temps

7 normal ?

8 R. : 45 minutes par autocar, 30 à 35 minutes par automobile selon la

9 circulation.

10 Q. : Quelle est la distance de Kozarac à Omarska ?

11 R. : 12 kilomètres.

12 Q. : Combien de temps faut-il normalement pour aller de l'une à l'autre ?

13 R. : En temps normal environ 20 minutes.

14 Q. : Quelles étaient vos fonctions à la mine de fer de Ljubija ?

15 R. : J'étais le directeur technique du parc automobile du service appelé

16 Autoservis.

17 Q. : Combien de temps avez vous travaillé pour cette entreprise ?

18 R. : Neuf ans.

19 Q. : Où se trouvait votre lieu de travail ?

20 R. : Le siège était à Prijedor.

21 Q. : La plupart de vos collègues, amis et connaissances habitaient-ils

22 Prijedor ?

23 R. : Oui, la plupart d'entre eux.

24 Q. : Connaissiez-vous de nombreux résidents de Kozarac ?

25 R. : Je ne connaissais pas beaucoup de monde à Kozarac.

Page 4704

1 Q. : Connaissiez-vous Dule Tadic ?

2 R. : Non, je ne le connaissais pas.

3 Q. : En mars 1992, vous rappelez-vous qu'on vous a demandé d'établir un

4 plan pour transporter le minerai de fer de la mine d'Omarska à celle

5 de Tomasica ?

6 R. : Je me souviens qu'un plan a été établi pour la reconstruction de la

7 route d'accès industrielle existant entre Omarska et Tomasica.

8 Q. : Qui vous a demandé d'établir ce plan ?

9 R. : Mon supérieur, Bozo Grbic.

10 Q. : Quel était son poste dans l'entreprise ?

11 R. : Il était le directeur de ce secteur de l'entreprise.

12 Q. : Vous avez indiqué que le plan comprenait la réouverture d'une route

13 d'accès industrielle entre Tomasica et Omarska ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Quel type de véhicules envisageait-on d'utiliser sur cette route ?

16 R. : Elle devait être utilisée par des véhicules lourds de transport du

17 minerai.

18 Q. : D'autres dirigeants vous ont-ils consulté sur les progrès du projet ?

19 R. : Oui.

20 Q. : S'intéressaient-ils à la date à laquelle le projet serait terminé ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Qui étaient ces personnes ?

23 R. : Ostoja Marjanovic, directeur général de la compagnie. Stevan Tubin,

24 coordinateur principal des transports.

25 Q. : Quelle était la nationalité des trois hommes que vous avez

Page 4705

1 mentionnés, MM Grbic, Marjanovic et Tubin ?

2 R. : Ils étaient Serbes.

3 Q. : L'un de ces hommes occupait-il un poste élevé dans un parti politique

4 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Qui était-ce ?

7 R. : Ostoja Marjanovic était l'un des responsables du SDS.

8 Q. : Vous a t-on dit à quoi servirait cette route ?

9 R. : A transporter le minerai entre Omarska et Tomasica.

10 Q. : Cette route a t-elle été ouverte en mars 1992 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Puis-je présenter une autre carte à la Cour pour identification de la

13 pièce à conviction 280 de l'Accusation ? Elle est identique à la

14 pièce 79 de l'Accusation mais montre une région située plus au sud

15 et appartient à une série différente. Pouvez-vous examiner cette

16 carte un instant et vous orienter quant à l'emplacement de cette

17 route industrielle ? Peut-on retirer la pièce 78 de l'Accusation du

18 rétroprojeteur et la remplacer par la 280 ? Pouvez-vous nous montrer

19 où se situe cette route ?

20 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur la carte)

21 Q. : Pouvez-vous l'indiquer avec la baguette et la maintenir pendant qu'on

22 cherche avec les caméras ? Pouvez-vous nous montrer le chemin suivi

23 par cette route ?

24 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur la carte).

25 Q. : Qu'est-ce que suivait cette route sur le côté ?

Page 4706

1 R. : La voie ferrée.

2 Q. : Vous pouvez vous asseoir. Merci.

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition à 280 ?

4 M. WLADIMIROFF : Non, Mme le Président.

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 280 est versée au dossier.

6 MME HOLLIS : Avez-vous eu l'occasion d'examiner cette route après son

7 ouverture ?

8 R. : Oui, à deux reprises.

9 Q. : Avez-vous constaté alors que la route était utilisée par des

10 véhicules lourds ?

11 R. : Non, le revêtement ne révélait pas qu'elle était utilisée par des

12 véhicules lourds.

13 Q. : Avez-vous appris par la suite à quoi servait cette route ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Qu'avez-vous appris ? A quoi servait-elle ?

16 R. : A transporter des gens au camp d'Omarska.

17 Q. : Comment l'avez-vous appris ?

18 R. : Avec de nombreuses personnes j'ai aussi été mené par cette route à

19 Omarska.

20 Q. : Vous êtes-vous rendu compte d'un blocus de la ville de Kozarac

21 quelques jours avant l'attaque ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Vous rappelez-vous vous être trouvé le 26 mai au motel de Kozarac

24 utilisé comme centre médical provisoire ?

25 R. : Oui.

Page 4707

1 Q. : Vous rappelez-vous des conditions de la reddition acceptées à cette

2 date ?

3 R. : Oui, je me souviens de certaines des conditions.

4 Q. : Faisiez-vous partie de la colonne qui s'est rendue le 26 mai 1992 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Quelle était votre fonction ?

7 R. : J'étais le chauffeur de l'ambulance.

8 Q. : Qui était à la tête de cette colonne ?

9 R. : Une automobile, une Mercedes.

10 Q. : Qui étaient les passagers dans cette automobile ?

11 R. : La police de Kozarac.

12 Q. : Vous suiviez cette voiture dans votre ambulance ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Avez-vous conduit votre ambulance de Kozarac à l'hôpital de Prijedor

15 ?

16 R. : Oui.

17 Q. : En chemin, que s'est-il passé avec la voiture et les officiers de

18 police ?

19 R. : La colonne a été stoppée sur la route Kozarac/Prijedor près d'un

20 arrêt de bus appelé Limenka. L'un des officiers de l'armée présents

21 a laissé passer la voiture que je conduisais et celle qui suivait.

22 La Mercedes avec les policiers de Kozarac a été stoppée à l'arrêt de

23 bus.

24 Q. : Quelle est la distance entre l'arrêt de bus et le centre commercial

25 de Kozarac ?

Page 4708

1 R. : Du centre commercial de Kozarac, environ un kilomètre et demi.

2 Q. : Après avoir atteint l'hôpital de Prijedor avec l'ambulance, avez-vous

3 été emmené au poste de police de Prijedor puis au camp de Keraterm ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Puis la nuit suivante, le 27 mai, avez-vous été emmené au camp

6 d'Omarska ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Vous rappelez-vous du nombre des bus de détenus en cette occasion ?

9 R. : Je ne peux pas vous donner le nombre exact. Je ne pouvais pas les

10 compter mais ils étaient nombreux, je dirais une dizaine.

11 Q. : Quand vous êtes descendus des bus au camp d'Omarska, avez-vous du

12 avec les autres passer entre une haie d'hommes en uniforme ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quel type d'uniformes portaient-ils ?

15 R. : Des tenues camouflées bleues, des uniformes bleu foncé. Ils avaient

16 des bérets.

17 Q. : Aviez-vous déjà vu ces tenues camouflées bleues et ces uniformes bleu

18 foncé ?

19 R. : Non, je ne les avais jamais vus auparavant.

20 Q. : Quand vous êtes passés entre la haie, avez-vous entendu parler les

21 hommes portant ces uniformes ?

22 R. : Oui, je les ai entendus parler.

23 Q. : Parlaient-ils un dialecte local ou un autre type de dialecte ?

24 R. : Ils parlaient un autre dialecte.

25 Q. : L'avez-vous reconnu ?

Page 4709

1 R. : Oui.

2 Q. : Et quel était-il ?

3 R. : Un dialecte de Serbie.

4 Q. : Comment avez-vous pu le reconnaître ?

5 R. : En Bosnie-Herzégovine on n'utilise pas le dialecte ekavski. Il est

6 caractéristique de la Serbie et du Monténégro et c'est le dialecte

7 qu'ils parlaient.

8 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes passés entre cette haie ?

9 R. : Ils juraient, nous insultaient, nous demandaient pourquoi nous nous

10 étions rendus, pourquoi nous n'avions pas combattu, ajoutant que ce

11 serait plus facile ainsi de nous tuer, des choses de ce genre.

12 Q. : Certains des détenus ont-ils été frappés lorsqu'ils ont traversé la

13 haie ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp d'Omarska ?

16 R. : 72 jours.

17 Q. : Votre première nuit au camp, vous rappelez-vous un incident

18 concernant un dénommé Ahil ?

19 R. : Oui, je me souviens de l'incident.

20 Q. : Connaissiez-vous Ahil avant le camp ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Connaissez-vous son nom de famille ?

23 R. : Non.

24 Q. : Quelle était sa profession ?

25 R. : Il travaillait pour la police de Kozarac la veille de la guerre.

Page 4710

1 Q. : Que lui est-il arrivé durant cet incident ?

2 R. : Nous étions dans la même pièce quand nous sommes arrivés à Omarska.

3 Je crois qu'il avait peur ou qu'il était physiquement déséquilibré.

4 Il a commencé à hurler "Ce ne sera jamais la Serbie, nous sommes en

5 Bosnie". Il a crié "Nous sommes en Bosnie". Un homme en uniforme est

6 entré alors dans la pièce. Je le connaissais, nous l'appelions

7 "Cigo". Il a commencé à battre Ahil. Il a fini par lui asséner un

8 coup sur la tête avec la crosse de son fusil automatique.

9 Q. : Combien de temps a t-il battu Ahil ?

10 R. : Une quinzaine de minutes.

11 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

12 R. : Ahil est tombé et il était étendu, inerte, par terre et Cigo a quitté

13 la pièce.

14 Q. : Cigo est-il revenu ?

15 R. : Il est revenu un peu plus tard et a tiré le corps d'Ahil dans le

16 couloir.

17 Q. : Avez-vous revu Ahil le lendemain matin ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Où l'avez-vous vu ?

20 R. : Etendu sur l'herbe près de la maison blanche.

21 Q. : A quel groupe ethnique Ahil appartenait-il ?

22 R. : Ahil était Musulman.

23 Q. : Et le groupe ethnique de Cigo si vous le connaissez ?

24 R. : Je sais qu'il était Serbe.

25 Q. : Durant votre séjour à Omarska, avez-vous pu constater si Cigo était

Page 4711

1 un garde du camp ou s'il était un visiteur ?

2 R. : Cigo était un visiteur occasionnel du camp.

3 Q. : Après votre arrivée à Omarska, avez-vous jamais été détenu dans

4 l'atelier ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Pouvez-vous désigner l'atelier avec la baguette ?

7 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur la maquette).

8 Q. : Merci. Durant votre incarcération dans l'atelier, avez-vous aussi été

9 détenu dans une pièce avec un dénommé Vasif Alihodzic ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Le connaissiez-vous avant le camp d'Omarska ?

12 R. : Oui, je le connaissais, nous étions amis.

13 Q. : Quelle était sa profession ?

14 R. : Il était propriétaire d'une petite compagnie de transport.

15 Q. : A t-il été appelé hors de la pièce dans laquelle vous vous trouviez ?

16 R. : Oui.

17 Q. : L'avez-vous jamais revu après cela ?

18 R. : Non, je ne l'ai jamais revu.

19 Q. : Quel était son groupe ethnique ?

20 R. : Il était musulman.

21 Q. : Avez-vous aussi été détenu dans la même pièce qu'un dénommé Sejad

22 Sivac ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Connaissiez-vous Sejad Sivac avant le camp d'Omarska ?

25 R. : Nous étions de très bons amis.

Page 4712

1 Q. : Quelle était sa profession avant le camp ?

2 R. : Il était vétérinaire.

3 Q. : D'où était-il ?

4 R. : Il était du hameau de Sivci.

5 Q. : Quel était son groupe ethnique ?

6 R. : Il était Musulman.

7 Q. : Sejad Sivac a t-il été interrogé à deux reprises au camp d'Omarska ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Dans quel état était-il à son retour du premier interrogatoire ?

10 R. : Il est rentré dans un état normal. Il n'avait pas été battu. Il

11 semblait normal.

12 Q. : Dans quel état était-il à son retour du second interrogatoire ?

13 R. : Il ne pouvait pas entrer seul dans la pièce. Il était porté par

14 d'autres.

15 Q. : Avez-vous vu des blessures, des hématomes sur son corps à ce moment

16 là ?

17 R. : Oui, parce que je l'ai personnellement habillé.

18 Q. : Qu'avez-vous vu ?

19 R. : Des hématomes dans le dos, sur les jambes, des marques rouges

20 indiquant des hémorragies dans les reins.

21 Q. : Combien de temps s'est-il écoulé avant que Sejad Sivak puisse de

22 nouveau marcher après ces sévices ?

23 R. : Cinq ou six jours, je ne me souviens pas exactement.

24 Q. : A t-il été appelé de nouveau plus tard ?

25 R. : Oui.

Page 4713

1 Q. : Vous rappelez-vous combien de temps plus tard il a été appelé ?

2 R. : Oui, je me souviens. C'était exactement le 27 juillet à 14 heures, 14

3 heures 20.

4 Q. : Comment pouvez-vous être aussi certain ?

5 R. : Quand il a été appelé, il m'a laissé ses articles personnels et il

6 est sorti. Je savais qu'il ne reviendrait pas et j'ai donc demandé

7 la date et l'heure aux gens autour de moi.

8 Q. : Avez-vous vu quelque chose lui arriver lorsqu'il est sorti de la

9 pièce ?

10 R. : Oui. Dès qu'il a atteint la porte, le soldat qui l'a appelé lui a

11 asséné un coup de pied dans la poitrine.

12 Q. : Avez-vous vu quoi que ce soit après cela ?

13 R. : La porte a été fermée. Vous ne pouviez plus rien voir.

14 Q. : Avez-vous jamais revu votre ami après cette date ?

15 R. : Je ne l'ai jamais revu.

16 Q. : Et quel était le prénom de votre ami ?

17 R. : Sejad Sivac.

18 Q. : Avez-vous été transféré d'Omarska à Manjaca ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Combien de temps avez-vous été incarcéré à Manjaca ?

21 R. : Du 6 août au 14 décembre 1992.

22 Q. : Où êtes-vous allé après le camp de Manjaca ?

23 R. : Au centre de rassemblement de Karlovac.

24 Q. : Avant l'attaque de Kozarac le 24 mai 1992, apparteniez-vous à une

25 organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?

Page 4714

1 R. : Non.

2 Q. : Apparteniez-vous à un groupe de résistance organisé anti-serbe ?

3 R. : Non.

4 Q. : Après l'attaque de Kozarac le 24 mai 1992, êtes-vous devenu membre

5 d'un tel groupe ?

6 R. : Non.

7 MME HOLLIS : Pas d'autres questions.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire, M. Kay ?

9 M. KAY : Pas de questions, Mme le Président.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que M. Strikovic soit

11 dispensé définitivement ?

12 M. KAY : Non.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, vous êtes dispensé définitivement.

14 Merci d'être venu.

15 (Départ du témoin)

16 MME HOLLIS : Nous appelons Hakija Elezovic à la barre.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger est allé voir si le témoin suivant

18 est disponible, je pense, parce que c'est un record, Mme Hollis.

19 Vous devriez recevoir une médaille. M. Nieman doit être second

20 derrière vous au plan du temps.

21 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président. Nous ne cherchons pas les médailles

22 ...

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'en suis certaine.

24 MME HOLLIS : ... mais nous avons obtenu toutes les informations

25 pertinentes, je crois

Page 4715

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, merci.

2 Appel de M. HAKIJA ELEZOVIC à la barre

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, pouvez-vous prêter serment ?

4 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

5 toute la vérité, rien que la vérité.

6 (Prestation de serment du témoin)

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Comment vous appelez-vous, Monsieur ?

8 R. : Hakija Elezovic.

9 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

10 R. : Le 1er février 1940.

11 Q. : Quelle est votre nationalité ou votre groupe ethnique ?

12 R. : Musulman.

13 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?

14 R. : Trnopolje.

15 Q. : S'agit-il de la ville de Trnopolje ou d'un hameau voisin ?

16 R. : Le hameau de Elezovici.

17 Q. : Quelle distance sépare Elezovici de Trnopolje ?

18 R. : Environ un kilomètre.

19 Q. : Combien de temps avez-vous habité à Elezovici ?

20 R. : Toute ma vie, jusqu'à présent.

21 Q. : Quelle était la nationalité ou le groupe ethnique des habitants de

22 Elezovici ?

23 R. : Elezovici était peuplé de Musulmans.

24 Q. : Son nom vient-il de ce qu'il était peuplé surtout par la famille

25 Elezovic ?

Page 4716

1 R. : Oui.

2 Q. : Quelle était la composition ethnique de la ville de Trnopolje ?

3 R. : Elle était mixte. Différentes nationalités étaient représentées.

4 Q. : Quelle distance sépare Elezovici de Prijedor ?

5 R. : Huit kilomètres environ.

6 Q. : Quelle est sa distance de Kozarac ?

7 R. : Six kilomètres.

8 Q. : Quelle était votre profession ?

9 R. : J'étais pêcheur. Je travaillais dans la pisciculture.

10 Q. : Où travailliez-vous ?

11 R. : Dans les étangs de Sanicani.

12 Q. : Sanicani ?

13 R. : Sanicani.

14 Q. : Combien de temps y avez-vous travaillé ?

15 R. : De 1963 à 1992, 29 ans.

16 Q. : Pourrait-on maintenant replacer la pièce à conviction 280 de

17 l'Accusation sur le rétroprojecteur après l'avoir montrée au témoin

18 ? M. Elezovic, pouvez-vous examiner cette carte un instant et situer

19 la ferme piscicole où vous avez travaillé ainsi que Elezovici. Puis

20 pourrait-on placer la carte sur le rétroprojecteur ? Pouvez-vous

21 nous indiquer la ferme piscicole où vous travailliez ?

22 R. : Ici. Voici la gare ferroviaire, Kozarac et Trnopolje ensembles et

23 c'est ici que j'habitais, ici.

24 Q. : Pouvez-vous rester un instant sur votre lieu de résidence ?

25 R. : Ici.

Page 4717

1 Q. : Merci beaucoup. Peut-on rendre ces cartes au Greffier ? M. Elezovic,

2 quand les attaques ont commencé dans l'opstina de Prijedor, aviez-

3 vous trois enfants, deux fils et une fille ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Quels étaient les noms de vos fils ?

6 R. : Le plus âgé était Salih et le plus jeune ...

7 INTERPRETE : Je m'excuse, je n'ai pas entendu.

8 MME HOLLIS : Quel était le nom de votre plus jeune fils ?

9 R. : Samir.

10 Q. : Quelle était la date de naissance de vos fils ?

11 R. : Salih est né le 27 avril 64.

12 Q. : Et Samir ?

13 R. : En 1973, aussi en avril. Je ne me souviens pas exactement de la date.

14 Q. : Pendant que vous habitiez Elezovici, vous êtes-vous jamais rendu à

15 Kozarac ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Pour quelle raison ?

18 R. : Il y avait un bureau, un marché et la famille de ma femme habitait

19 Kozarusa et...

20 Q. : En moyenne, quelle était la fréquence mensuelle de vos visites à

21 Kozarac

22 R. : Je ne peux pas dire. Parfois je n'y allais pas du tout et parfois à

23 cinq ou six reprises.

24 Q. : Connaissiez-vous Dule Tadic ?

25 R. : Je le connaissais de vue mais pas vraiment jusqu'au conflit,

Page 4718

1 seulement de vue.

2 Q. : Depuis combien de temps le connaissiez-vous de vue ?

3 R. : Peut-être cinq ou six ans.

4 Q. : Le voyiez-vous fréquemment, occasionnellement ou rarement lors de vos

5 visites à Kozarac ?

6 R. : Je ne le voyais pas chaque fois mais de temps en temps.

7 Q. : Vos enfants connaissaient-ils Dule Tadic ?

8 R. : Oui, l'aîné de mes fils le connaissait bien. Ils étaient même amis.

9 Q. : Votre fils aîné, Salih, vous a t-il jamais parlé de Dule Tadic ?

10 R. : Oui, mais ça ne m'intéressait guère.

11 Q. : Saviez-vous si Dule Tadic avait une sorte d'affaire à Kozarac ?

12 R. : Oui, je savais qu'il avait un café.

13 Q. : Vous rappelez-vous où ce café était situé ?

14 R. : Je me souviens.

15 Q. : Où était-il situé ?

16 R. : En montant la grande rue sur la droite en venant de Mrakovica, à une

17 petite distance de l'école.

18 Q. : Vous rappelez-vous du type de commerces situés de l'autre côté de la

19 rue ?

20 R. : En face du café il y avait un salon de coiffure, une pharmacie, si je

21 me souviens bien et une librairie ou quelque chose du genre.

22 Q. : Etes-vous jamais allé dans son café ?

23 R. : Oui, en une seule occasion.

24 Q. : Avez-vous jamais vu Dule Tadic avec une barbe ?

25 R. : Oui.

Page 4719

1 Q. : Je vous demanderais maintenant, monsieur, de bien vouloir regarder

2 dans le prétoire et voir si vous y apercevez Dule Tadic de Kozarac

3 et, si oui, de le désigner ?

4 R. : Je le vois.

5 Q. : Pouvez-vous nous dire également où il est assis ?

6 R. : A gauche, entre les deux policiers.

7 MME HOLLIS : Mme le Président, je demanderais qu'il soit noté que l'accusé

8 a été correctement identifié.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le procès-verbal mentionnera que le

10 témoin a correctement identifié l'accusé.

11 MME HOLLIS : Monsieur, vous avez dit qu'au début de l'attaque de Kozarac,

12 vous aviez deux fils, Salih et Samir. Votre fils Salih avait-il été

13 mobilisé comme officier de réserve quand le conflit a éclaté en

14 Croatie ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Combien de temps a t-il servi comme officier de réserve dans la JNA ?

17 R. : Un peu moins d'un mois et demi, un mois et dix jours.

18 Q. : Pourquoi a t-il arrêté ?

19 R. : Il a vu que ce n'était pas une guerre, que ça ne menait nulle part.

20 Q. : Avant l'attaque de Kozarac, les habitants non-serbes de la région de

21 Trnopolje avaient-ils reçu l'ordre de remettre leurs armes ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Que vous a t-on dit ?

24 R. : De rendre les armes.

25 Q. : Aviez-vous des armes ?

Page 4720

1 R. : J'avais un fusil de chasse mais il appartenait à mon entreprise alors

2 je l'ai rendu. Ce n'était pas le mien alors je l'ai rendu au

3 directeur.

4 Q. : L'avez-vous rendu avant ou après le début de l'attaque dans votre

5 secteur ?

6 R. : Avant.

7 Q. : Vos fils avaient-ils des armes ?

8 R. : Non, personne.

9 Q. : Etiez-vous chez vous avec votre famille quand Kozarac a été attaqué ?

10 R. : Oui, nous étions tous là.

11 Q. : Salih est-il ensuite allé à Kamicani voir si son amie et sa famille

12 étaient en sécurité ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Salih a t-il alors été capturé et emmené au camp d'Omarska ?

15 R. : Oui.

16 Q. : A l'exception de Salih, êtes-vous resté chez vous avec le reste de

17 votre famille jusqu'au 9 juillet 1992 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Aviez-vous des réfugiés à votre domicile ?

20 R. : Oui.

21 Q. : De quels villages ou hameaux venaient-ils ?

22 R. : De Kozarusa.

23 Q. : Quel était le groupe ethnique de ces réfugiés ?

24 R. : Musulman.

25 Q. : Etiez-vous au courant de l'ouverture du camp de détention à Trnopolje

Page 4721

1 ?

2 R. : Non, je ne savais pas ce qui se passait.

3 Q. : Mais vous saviez que le camp avait été ouvert ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Quelle était la distance entre ce camp et votre domicile ?

6 R. : Environ un kilomètre.

7 Q. : Votre femme et d'autres résidents de Trnopolje ont-ils apporté de la

8 nourriture aux détenus du camp ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Cela a t-il continué jusqu'à ce que les résidents de votre secteur

11 soient aussi rassemblés et incarcérés ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Quand le nettoyage ethnique de la région de Trnopolje a t-il commencé

14 ?

15 R. : Le jeudi 9 juillet vers 17 heures.

16 Q. : C'était votre secteur particulier ?

17 R. : C'était le coin entre Rajici et Matici, Elezovici et Trnjani.

18 Q. : Le nettoyage ethnique avait-il déjà eu lieu dans le reste de la

19 région ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Le 9 juillet étiez-vous avec vos enfants en train d'aider des voisins

22 dans les champs quand les soldats sont arrivés ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Les soldats sont-ils venus à votre domicile et vous ont-ils forcé

25 avec votre fils Samir à vous joindre à une colonne allant vers le

Page 4722

1 camp de Trnopolje ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Quelle était l'importance de cette colonne ?

4 R. : Je ne sais pas exactement mais je dirais environ 300 personnes.

5 Q. : Quel était le sexe et le groupe d'âge des personnes dans la colonne ?

6 R. : Des hommes de 16 à 70 ans.

7 Q. : Avez-vous reconnu certains des hommes qui vous ont contraint à

8 quitter votre foyer et vous ont escorté dans cette colonne ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Qui avez-vous reconnu ?

11 R. : J'ai reconnu Minja Kecen de Sanicani, ses collègues et une autre

12 personne dont je ne me souviens pas du nom.

13 Q. : Vous dites que vous avez reconnu Mijo Kecen ? Quel était son

14 patronyme ?

15 R. : Mija Kecen, fils de Bogoljub Kecen.

16 Q. : Le prénom était Minja ?

17 R. : Minja mais je pense que son véritable prénom est Miroslav, je n'en

18 suis pas sûr.

19 Q. : Quel était le groupe ethnique de ces deux hommes que vous avez

20 reconnus ?

21 R. : Serbe.

22 Q. : Que portaient les hommes qui vous ont contraint à quitter votre foyer

23 et vous ont escorté dans cette colonne ?

24 R. : Des armes de fantassins. Ils avaient des armes et des uniformes

25 différents. Ils avait des uniformes SMB et des tenues camouflées.

Page 4723

1 Q. : Marchiez-vous dans cette colonne avec votre fils Samir ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Que s'est-il passé durant le trajet au camp de Trnopolje ?

4 R. : Le hameau de Reljici se situe juste avant le camp. Ils ont sorti Esad

5 Mujgic puis mon fils Samir, Edhem Elezovic, Amir et Halil, les deux

6 fils et les ont abattus à trois mètres de moi environ.

7 Q. : Les avez-vous vus abattre votre fils et ces trois autres hommes ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Avez-vous vu qui a abattu votre fils ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Qui était-ce ?

12 R. : Minja de Zmijanac et d'autres que je ne connais pas.

13 Q. : Quand votre fils a été retiré de la colonne, avez-vous pu lui parler

14 ?

15 R. : Non, nous nous sommes regardés dans les yeux.

16 Q. : Avez-vous eu l'occasion d'aller voir votre fils après qu'il ait été

17 abattu ?

18 R. : Non, nous avons du avancer de quelques pas avant de nous arrêter.

19 Q. : Qu'arrivait-il aux autres personnes de la colonne quand ces hommes

20 ont été exécutés ?

21 R. : Rien. Ils prenaient d'autres personnes et bon nombre d'entre elles

22 ont été tuées à cet endroit, une trentaine à ce moment là.

23 Q. : D'autres hommes ont donc été retirés de la colonne et tués le long de

24 la route ?

25 R. : Oui, ils ont été abattus.

Page 4724

1 Q. : Quand vous êtes arrivés au camp de Trnopolje, avez-vous été mis dans

2 des cars et emmenés aux camp d'Omarska puis à celui de Keraterm ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Combien de temps avez-vous été incarcéré au camp de Keraterm ?

5 R. : Une dizaine de jours, pas plus. Je ne sais même pas si c'était aussi

6 long que cela.

7 Q. : Peut-on appeler la pièce à conviction 201 de l'Accusation sur

8 l'ordinateur ? Dans quelle pièce étiez-vous incarcéré à Keraterm ?

9 R. : La salle No 2.

10 Q. : Combien d'hommes étaient incarcérés dans cette pièce avec vous ?

11 R. : Plus de 500.

12 Q. : Pendant votre séjour à Keraterm, d'autres personnes étaient-elles

13 détenues dans d'autres pièces ?

14 R. : Oui. Je pense qu'il y avait quatre salles.

15 MME HOLLIS : Pourrait-on remettre cette pièce au témoin, s'il vous plaît ?

16 R. : Ici.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : De quelle pièce s'agit-il Mme Hollis ?

18 MME HOLLIS : De la pièce à conviction 201 de l'Accusation, Mme le

19 Président. Reconnaissez-vous monsieur ce qu'on voit sur cette

20 photographie ?

21 R. : Oui. C'est un entrepôt à Keraterm pour les ardoises, des choses comme

22 cela.

23 Q. : Est-ce là qu'on vous a emmené ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous jamais été interrogé durant votre séjour à Keraterm ?

Page 4725

1 R. : Oui.

2 Q. : Cet interrogatoire a t-il eu lieu dans une salle au premier étage du

3 bâtiment du camp de Keraterm ?

4 R. : Oui, à gauche. Vous passez la salle No 1 et montez à l'étage.

5 Q. : Peut-on placer cette photographie sur le rétroprojecteur, s'il vous

6 plaît ?

7 R. : C'est là que je suis monté à l'étage et ici qu'on m'a interrogé.

8 Q. : Pouvez-vous nous le montrer de nouveau ?

9 R. : Il y avait ici un escalier qui montait et c'est là qu'on m'a

10 interrogé.

11 Q. : Qui a procédé à votre interrogatoire à Keraterm ?

12 R. : Radakovic, le Directeur du parc national de Kozarac.

13 Q. : Quelqu'un d'autre était-il présent ?

14 R. : Dule Tadic était son garde du corps.

15 Q. : Que s'est-il passé durant cet interrogatoire ?

16 R. : Ils m'ont interrogé surtout sur mon fils, m'accusant de l'avoir

17 incité à déserter et Dule a commencé à me battre, à me donner des

18 coups de pied. Je suis tombé. Il a fait le tour de la table et a

19 continué à me frapper dans le dos et la poitrine.

20 Q. : Vous dites que Dule vous a d'abord donné un coup de pied et vous êtes

21 tombé ? Où vous a t-il frappé ?

22 R. : J'étais assis sur la chaise. Ici, dans la poitrine.

23 Q. : Le coup de pied qu'il vous a donné dans la poitrine était-il un coup

24 de pied ordinaire ou était-ce différent ?

25 R. : Un coup de pied de "maître".

Page 4726

1 Q. : Qu'entendez-vous par coup de pied de "maître" ?

2 R. : Il ne m'a pas simplement donné un coup de pied. Il a attendu que je

3 me détende un peu puis il m'a frappé.

4 Q. : Quand il vous a frappé vous a t-il donné un coup de pied de front ou

5 de côté ?

6 R. : Quand je suis tombé il a fait le tour de la table parce que j'étais

7 de l'autre côté et il a continué à me frapper.

8 Q. : Avec quoi vous frappait-il ?

9 R. : Avec ses pieds.

10 Q. : A t-il continué à vous donner des coups de pied de la même manière

11 pendant tout le passage à tabac ?

12 R. : On pourrait le dire, oui.

13 Q. : Aviez-vous vu ce genre de coups de pied auparavant ?

14 R. : Dans des films.

15 Q. : Dans quel genre de films avez-vous vu ce type de coups de pied ?

16 R. : Karaté, judo.

17 Q. : Combien de temps Dule Tadic vous a t-il donné ces coups de pied ?

18 R. : Quelques minutes et l'interrogatoire a duré au total environ une

19 demi-heure.

20 Q. : M. Radakovic a t-il participé à ce passage à tabac ?

21 R. : Il était dans la pièce. Il m'interrogeait.

22 Q. : Vous a t-il aussi frappé ?

23 R. : Non. Il souriait et riait seulement pendant que celui-là me battait.

24 Q. : Vous dites que durant votre interrogatoire, ils parlaient

25 essentiellement de votre fils. Il s'agissait de votre fils Salih ?

Page 4727

1 R. : Oui, Salih.

2 Q. : Que disaient-ils à propos de votre fils Salih ?

3 R. : Que j'étais responsable, que je lui avais conseillé de quitter

4 l'armée.

5 Q. : Ont-ils parlé d'une rencontre ou d'une réunion avec votre fils ?

6 R. : Oui, Radakovic a dit "Condamné à mort" et il a ajouté "vous aurez

7 l'occasion de le rencontrer à Omarska", que j'allais à Omarska.

8 Q. : Durant cet incident quand Dule Tadic vous frappait, combien de temps

9 au total l'avez-vous regardé ?

10 R. : Tout le temps.

11 Q. : Pouviez-vous le voir clairement ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Que portait-il en cette occasion ?

14 R. : Un uniforme de la police.

15 Q. : Etait-il armé ?

16 R. : Il avait un pistolet.

17 Q. : Vous rappelez-vous s'il avait une barbe ou s'il était rasé ?

18 R. : Une barbe plus courte que la normale.

19 Q. : Quelles blessures a occasionné ce passage à tabac ?

20 R. : J'ai eu des côtes fracturées.

21 Q. : Avez-vous subi d'autres blessures en dehors de vos côtes fracturées ?

22 R. : Je souffre des reins et de maux de tête.

23 Q. : Aviez-vous des difficultés à respirer après cet interrogatoire et ce

24 tabassage ?

25 R. : Oui.

Page 4728

1 Q. : Vous rappelez-vous un incident dans la salle 3 à Keraterm le même

2 jour du passage à tabac par Dule Tadic ?

3 R. : Oui, dans la salle 3 on pouvait entendre des coups de feu, un tir

4 intensif. Cela ressemblait à des armes lourdes du genre

5 mitrailleuse. De nombreuses personnes ont été tuées ce jour là et

6 Zigic y a participé.

7 Q. : Avez-vous vu ce qui se passait ou seulement entendu des bruits durant

8 la nuit ?

9 R. : On pouvait entendre et plus tard j'ai vu le sang qui n'avait pas

10 encore été lavé.

11 Q. : Savez-vous qui était incarcéré dans la salle 3 ?

12 R. : Je connaissais trois frères de Rakovcani.

13 Q. : Vous dites que quelques heures plus tard vous avez vu du sang à

14 l'extérieur. Etait-ce le lendemain ?

15 R. : Le lendemain quand je suis parti pour Omarska.

16 Q. : C'est le lendemain que vous avez été emmené au camp d'Omarska ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Quand vous êtes arrivé à Omarska avez-vous été contraint avec les

19 autres détenus de vous aligner contre un bâtiment ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Dans quelle position avez-vous du placer vos mains et vos doigts ?

22 R. : Trois doigts contre le mur, comme ceci.

23 Q. : Que vous a t-on fait ensuite ainsi qu'aux autres détenus ?

24 R. : Ils nous ont tous battu mais cet immeuble m'a aidé parce quand Cigo

25 m'a frappé, je suis tombé et j'ai vomi tout ce sang coagulé et je

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1 pouvais mieux respirer.

2 Q. : Vous dites que c'est Cigo qui vous a frappé. Le connaissiez-vous

3 avant le camp d'Omarska ?

4 R. : Oui, je savais qu'il était né à Omarska et qu'il était chauffeur de

5 taxi à Prijedor. Je ne le connaissais pas très bien mais je le

6 connaissais depuis pas mal de temps.

7 Q. : Où vous a t-on emmené après ce passage à tabac ?

8 R. : A la maison blanche.

9 Q. : Dans quelle pièce étiez-vous incarcéré à la maison blanche ?

10 R. : Ce n'était pas vraiment une pièce. Plutôt une salle de bain-toilettes

11 qui n'était pas terminée. Il y avait deux pièces de chaque côté et

12 au fond la salle de bain.

13 Q. : Cette toilette/salle de bain était au fond du couloir dans la maison

14 blanche ?

15 R. : Au bout.

16 Q. : Il y avait deux pièces à droite et deux pièces à gauche ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Combien étiez-vous dans la salle de bain ?

19 R. : Nous étions 30 dans ce petit espace, 30. Nous étions les uns sur les

20 autres et manquions d'air pour respirer.

21 Q. : Pouviez-vous vous asseoir ou vous allonger ?

22 R. : Nous ne pouvions pas tous nous asseoir et personne ne pouvait

23 s'allonger.

24 Q. : Vous ne pouviez pas respirer. Y avait-il des fenêtres dans cette

25 pièce ?

Page 4730

1 R. : Il y avait une petite fenêtre fermée au milieu de la pièce, placée

2 assez haut. Ils nous demandaient de l'argent pour acheter de la

3 bière si nous voulions qu'ils l'ouvrent.

4 Q. : Qui vous demandait de l'argent pour acheter de la bière et ouvrir la

5 fenêtre ?

6 R. : Les gardes du camp.

7 Q. : Quelqu'un est-il mort dans cette pièce pendant que vous y étiez

8 écrasés les uns contre les autres ?

9 R. : Oui, je ne connais pas son nom. Il était assez corpulent et c'est

10 peut-être la raison pour laquelle il est mort. Et il y en avait un

11 autre.

12 Q. : Vous dites qu'à votre arrivée à Omarska vous avez été battu par un

13 dénommé Cigo. Vous rappelez-vous s'il vous a battu en une autre

14 occasion ?

15 R. : Oui, une autre fois à la maison blanche, il m'a forcé à m'agenouiller

16 et à aboyer comme un chien. Puis il a placé le canon dans ma bouche

17 et dit "tu veux me mordre ?"

18 Q. : Qu'a t-il fait ensuite ?

19 R. : Il a cassé ma dent ici.

20 Q. : Votre dent du bas à l'avant ?

21 R. : Oui, devant.

22 Q. : Après votre arrivée à Omarska, avez-vous vu votre fils Salih ?

23 R. : Oui, je l'ai aperçu pendant qu'il faisait la queue pour déjeuner.

24 Q. : Avez-vous pu lui parler ?

25 R. : Non.

Page 4731

1 Q. : Vous rappelez-vous de la première fois où on vous a emmené pour

2 interrogatoire au bâtiment où se trouvait la cuisine ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes arrivé en haut de l'escalier dans

5 ce bâtiment ?

6 R. : Ils m'ont amené en haut de l'escalier où se trouvait un groupe de

7 gens qui ont commencé immédiatement à me frapper. J'avais à peine

8 levé la tête en haut de l'escalier que quelqu'un m'a frappé, cassant

9 ma dent du haut.

10 Q. : Ont-ils continué à vous battre ensuite ?

11 R. : Oui, ils me frappaient mais je pouvais encore marcher. Ils m'ont

12 frappé puis m'ont laissé et je suis allé dans la pièce du fond, à

13 gauche et c'est là que j'étais.

14 Q. : Quand ils vous ont interrogé dans cette pièce, avez-vous pu leur

15 répondre ?

16 R. : Ils m'ont dit de parler, me demandant si on m'avait coupé la langue

17 mais j'avais la bouche pleine de sang et je n'ai pas pu parler

18 pendant un certain temps.

19 Q. : Quel genre de questions vous posaient-ils durant votre interrogatoire

20 ?

21 R. : Quelle était l'organisation, qui l'armait, pour qui avais-je voté.

22 Ils cherchaient seulement un prétexte pour nous battre.

23 Q. : Avez-vous été ramené à la maison blanche après cet interrogatoire ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous été rappelé plus tard pour un autre interrogatoire ?

Page 4732

1 R. : Oui.

2 Q. : Que vous est-il arrivé quand vous avez remonté l'escalier du même

3 bâtiment pour ce deuxième interrogatoire ?

4 R. : Il y avait davantage de soldats en haut de l'escalier. Radakovic

5 regardait et il a dit "tient, tu es de retour". Puis il m'a frappé

6 et je suis tombé. Ils m'ont ramené à la maison blanche et ne m'ont

7 pas rappelé pour un nouvel interrogatoire. En haut des escaliers un

8 policier m'a ramené à la maison blanche.

9 Q. : Le Radakovic en haut de l'escalier, était-ce lui qui vous avait

10 interrogé à Keraterm ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Où vous ont-ils mis quand ils vous ont ramené à la maison blanche ?

13 R. : Dans la maison blanche, à l'étage, à droite.

14 Q. : Quand on vous a ramené à la maison blanche où vous aviez été

15 incarcéré auparavant, vous ont-ils emmené à l'intérieur ?

16 R. : Ils m'ont emmené à l'interrogatoire. Quand je suis revenu de

17 l'interrogatoire la deuxième fois, ils ne m'ont pas fait entrer. Ils

18 m'ont emmené pour me battre de nouveau.

19 Q. : Où vous ont-ils emmené pour cela ?

20 R. : A un endroit avec de hautes herbes près de la maison blanche. Il y

21 avait des trous et une dizaine de soldats qui tabassaient. Il y

22 avait déjà un tas de cadavres et je les ai vus battre mon fils. Je

23 connaissais les cinq ou six personnes qui étaient là. Dule a été le

24 premier à m'accueillir. Il a commencé à me frapper avec son pied et

25 m'a dit que j'étais enfin venu à la bonne place. Il a commencé à me

Page 4733

1 battre et mon fils l'implorait de me laisser tranquille. Puis il a

2 commencé à battre mon fils et quand j'ai commencé à me lever,

3 quelqu'un m'a frappé sur le cou et je suis retombé. J'ai reçu un

4 coup très fort et j'ai perdu connaissance quelque temps.

5 Quand je suis revenu à moi, ils chargeaient déjà les cadavres et

6 j'ai du être sans connaissance pendant une heure ou deux. Les morts

7 étaient nombreux. Il y avait mon fils et Sivac, le vétérinaire,

8 Sivac. J'ai oublié son prénom mais je sais qu'il était le

9 vétérinaire. Ils étaient déjà entassés les uns sur les autres. Puis

10 j'ai reconnu Redo et un joueur de football. Ils étaient déjà morts.

11 Le camion en était rempli de cadavres.

12 Q. : Connaissiez-vous un dénommé Zuhdija Turkanovic ?

13 R. : Oui, Turkanovic était là également. Oui, je l'ai vu aussi.

14 Q. : Connaissiez-vous un dénommé Nedibov Duracak ?

15 R. : Oui, le fils de Nedib, un footballeur. Nedibov Duracak, il était

16 mort.

17 Q. : Pourrions-nous revenir en arrière un instant. Vous avez dit qu'ils

18 vous avaient amené à la maison blanche, une zone avec de hautes

19 herbes. Etait-ce à côté ou derrière la maison blanche ? Où était-ce

20 situé ?

21 R. : Derrière la maison blanche, juste où se trouvait la salle de bain,

22 sur le côté où se trouvait la salle de bain.

23 Q. : Qu'avez-vous vu quand vous êtes passé à l'arrière de la maison

24 blanche ?

25 R. : Je les ai vus battre des gens, un groupe, tous des soldats et Dule

Page 4734

1 était avec eux, en uniforme de camouflage, en tenue militaire

2 camouflée, il avait une matraque. Ils n'employaient pas leurs

3 fusils. Ils frappaient seulement les détenus.

4 Q. : Quand vous vous êtes retrouvé à l'arrière et que vous avez aperçu

5 Dule Tadic et les autres battre les détenus, avez-vous reconnu votre

6 fils à ce moment là ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Puis Dule Tadic a aussi commencé à vous battre, est-ce exact ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Comment vous frappait-il ?

11 R. : A coups de pied dans le ventre.

12 Q. : Le même genre de coups de pied que ceux qu'il assénait au camp de

13 Keraterm ?

14 R. : Oui, des coups de pied similaires. Il savait vraiment se servir de

15 ses pieds.

16 Q. : Durant cet incident où vous avez vu Dule Tadic derrière la maison

17 blanche, pendant combien de temps avez-vous pu le voir effectivement

18 ?

19 R. : Pas très longtemps, cinq ou six minutes. Quand mon fils l'a imploré

20 de me laisser, il m'a laissé et s'est mis à frapper mon fils avec un

21 pistolet et mon fils est tombé. J'ai reçu un coup ensuite qui m'a

22 fait perdre connaissance.

23 Q. : Quand vous avez vu Dule Tadic ce jour là, était-il rasé ou avait-il

24 une barbe ?

25 R. : Sa barbe était plus longue qu'à Keraterm mais elle n'était pas

Page 4735

1 vraiment longue.

2 Q. : Vous avez dit qu'ils chargeaient les corps quand vous avez repris

3 connaissance. Où étiez-vous étendu alors ?

4 R. : J'étais étendu près de mon fils, de Sivac et de Turkanovic. Ils

5 étaient près de moi. Puis j'ai reconnu immédiatement d'autres

6 détenus qui avaient été tués auparavant. Il y avait de nombreux

7 cadavres partout. Ils en ont rempli un camion.

8 Q. : Avez-vous reconnu des gens qui chargeaient les cadavres ?

9 R. : Oui, ils étaient des gens du camp, Samir Hodzic, celui qui a pris mon

10 fils et Sivac. Il y en avait un autre. Je sais qu'il vendait du pain

11 à Prijedor. C'était un albanais je crois. Il m'a emmené avec Hodzic

12 à la maison blanche quand tout était terminé et ils m'ont mis dans

13 la première pièce.

14 Q. : Quand vous les avez vus charger votre fils, vous dites que Samir

15 Hodzic a chargé votre fils, avez-vous observé ce qu'il portait aux

16 pieds ?

17 R. : Il était pieds nus puis il a pris une paire de chaussures et les a

18 mises.

19 Q. : A qui appartenaient ces chaussures ?

20 R. : C'étaient celles de mon fils Salih.

21 Q. : Après qu'il ait pris ces chaussures, vous a t-il dit quelque chose à

22 propos de porter les chaussures de votre fils ?

23 R. : Je lui ai dit de les prendre.

24 Q. : Donc après cela, après que vous ayez repris connaissance, vous avez

25 été ramené à la maison blanche, est-ce exact ?

Page 4736

1 R. : Oui. Ils m'ont ramené là. Les gardes n'ont même pas remarqué. Le

2 garde ne faisait pas du tout attention. Il était assis là. A gauche

3 il y avait une petite pièce où j'avais déjà été incarcéré et c'est

4 là que nous avons passé deux jours puis la Croix Rouge

5 internationale était attendue alors ils nous ont rassemblé et nous

6 ont emmené.

7 Q. : Quand vous avez été ramené à la maison blanche, ils ne vous ont pas

8 mis dans la pièce du fond du couloir, dans le coin des toilettes ?

9 R. : Non.

10 Q. : Vous avez dit qu'on vous avez emmené d'Omarska quand la Croix Rouge

11 internationale était attendue. Où vous ont-ils emmené ?

12 R. : Trnopolje, pas d'Omarska. Au hangar. De la maison blanche au hangar.

13 Q. : Quand vous avez quitté le camp d'Omarska vous avez été emmené à celui

14 de Trnopolje n'est-ce pas ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp de Trnopolje ?

17 R. : Jusqu'au 21 août.

18 Q. : Connaissiez-vous certains des gardes du camp de Trnopolje ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Vous rappelez-vous des noms des gardes que vous connaissiez ?

21 R. : Je connaissais Mladen Baltic, Djurdjevic, puis Mladen Karajica,

22 Baltic, Cavic.

23 Q. : Vous avez dit que vous connaissiez un dénommé Karajica. Connaissiez-

24 vous une famille Karajica avant d'être emmené au camp ?

25 R. : Oui.

Page 4737

1 Q. : Quels étaient le nom des hommes de la famille Karajica que vous

2 connaissiez ?

3 R. : Je connaissais Sevo Karajica, le père de Sreto, Mladen était le fils.

4 Ils étaient assez nombreux. Je ne connais pas le nom de tous mais je

5 les connais. Je ne m'en souviens pas maintenant.

6 Q. : Vous connaissiez donc Sveto Karajica ?

7 R. : Il était le plus âgé. Il est plus âgé que moi.

8 Q. : S'appelait-il Sveto ou Sreto ?

9 R. : Sreto est son fils, le fils de Sveto. Sreto est le père de Mladen.

10 Mladen est jeune, de l'âge de mes fils.

11 Q. : Combien de fils a Sveto ?

12 R. : Deux, Sreto et un autre dont je ne me souviens pas du nom.

13 Q. : Combien de fils a Sreto ?

14 R. : Deux fils, Mladen et un autre dont je ne me souviens pas du nom.

15 Q. : Vous avez dit que vous connaissiez aussi des gardes de Trnopolje

16 dénommés Cavic ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Connaissez-vous le prénom des gardes dénommés Cavic ?

19 R. : Il y avait trois ou quatre Cavic. Celui-là, le plus petit, était le

20 pire.

21 Q. : Le plus petit. Savez-vous où il habitait ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Où était-ce ?

24 R. : A côté de Trnopolje, vers Tetrov Gaj, à un kilomètre environ du camp.

25 Q. : Savez-vous avec qui il habitait ?

Page 4738

1 R. : Avec sa mère.

2 Q. : Savez-vous où travaillait sa mère ?

3 R. : Dans l'usine de pâte à papier de Prijedor.

4 Q. : Les Cavic qui travaillaient au camp habitaient-ils la région de

5 Trnopolje ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Vous avez indiqué que vous avez quitté Trnopolje le 21 août. Avez-

8 vous été intégré à un convoi important qui a fini par arriver au

9 Mont Vlasic ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A un moment donné au Mont Vlasic, a t-on ordonné aux hommes à bord

12 des autocars de votre groupe d'en descendre ?

13 R. : Oui, quand nous avons approché Vlasi, trois cars étaient remplis

14 d'hommes et ils ont tous été déchargés là.

15 Q. : Vous a t-on également dit de prendre tous vos effets personnels avec

16 vous ?

17 R. : Ils nous ont dit que nous n'avions besoin de rien et qu'ils pouvaient

18 rester dans le car.

19 Q. : Après être descendu du car avec ces autres hommes, avez-vous réussi à

20 monter à bord d'un camion faisant partie du convoi et à continuer

21 avec celui-ci ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Puis vous avez fini par arriver en territoire sous contrôle du

24 gouvernement bosniaque ?

25 R. : Oui, à Travnik.

Page 4739

1 Q. : Avant les attaques dans l'opstina de Prijedor, étiez-vous membre

2 d'une organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?

3 R. : Non, jamais. Je n'ai jamais appartenu à une organisation. Je ne

4 faisais pas de politique. Je ne m'occupais que de mon travail.

5 Q. : De quelles blessures ou problèmes médicaux permanents souffrez-vous

6 du fait des passages à tabac et sévices infligés dans les camps ?

7 R. : J'ai des maux de tête et des cauchemars fréquents. J'ai des problèmes

8 de reins. Mon bras me fait mal quand je le lève.

9 Q. : Vous avez dit que vous aviez perdu vos dents de devant sous les coups

10 assénés dans les camps. Avez-vous maintenant fait remplacer ces

11 dents ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Vous avez déjà identifié Dule Tadic dans ce prétoire. L'homme que

14 vous avez identifié est-il celui qui vous a battu à Keraterm ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Est-ce l'homme qui vous a battu ainsi que votre fils au camp

17 d'Omarska ?

18 R. : Oui.

19 MME HOLLIS : Pas d'autres questions, Mme le Président.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant 20 minutes.

21 (16 heures)

22 (Brève suspension d'audience)

23 (16 heures 20)

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons essayé de résoudre des problèmes

25 techniques avec les installations que nous essayons de fournir aux

Page 4740

1 parties pour pouvoir continuer à recevoir les témoignages. C'est la

2 raison de ce retard et je m'en excuse.

3 Contre-interrogatoire par M. KAY

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, vous avez terminé votre

5 interrogatoire n'est-ce pas ?

6 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Contre-interrogatoire, M. Kay ?

8 Contre-interrogatoire par M. KAY

9 Q. : M. Elezovic, vous nous avez dit que durant votre séjour à Keraterm

10 vous avez été interrogé par un dénommé Radakovic. Le connaissiez-

11 vous avant cet interrogatoire ?

12 R. : Je n'ai pas bien entendu. Est-ce que je connaissais Rade ?

13 Q. : Radakovic, l'homme qui vous aurait interrogé à Keraterm ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Le connaissiez-vous avant cet interrogatoire ?

16 R. : Oui, je le connaissais. Nous n'avions pas de relations.

17 Q. : Vous connaissiez donc son nom ?

18 R. : Je savais qu'il était un directeur du parc national.

19 Q. : Quand avez-vous appris qu'il s'appelait Radakovic ?

20 R. : Je l'ai appris des détenus qui étaient là.

21 Q. : Quelqu'un d'autre vous a donc appris son nom ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Vous avez décrit l'homme qui était avec lui comme étant Dule Tadic.

24 Vous avez dit qu'il était son garde du corps. Qu'entendez-vous par

25 là ?

Page 4741

1 R. : Il l'accompagnait. Il ne m'a pas frappé, seulement Dule m'a battu.

2 Q. : Le nom de cet homme vous a t-il été appris par d'autres personnes ?

3 R. : Dule Tadic ?

4 Q. : Oui.

5 R. : Je connaissais Dule Tadic de vue. J'avais entendu dire qu'il

6 s'écrivait des lettres de menaces. Apparemment des Musulmans étaient

7 censés les lui écrire mais on aurait pu établir qu'il s'écrivait ces

8 lettres à lui même et c'est bien de cet homme dont il s'agit. C'est

9 ainsi que je le connaissais.

10 Q. : Connaissiez-vous le nom de Dule Tadic après l'interrogatoire auquel

11 il était présent avec Radakovic ?

12 R. : Je le connaissais avant.

13 Q. : Vous ne semblez pas avoir connu Dule Tadic très bien, n'est-ce pas ?

14 R. : Non, nous n'avions pas de relations mais j'en entendais parler, je le

15 connaissais.

16 Q. : Vous avez évoqué des lettres de menaces dans le journal et que ...

17 R. : Je ne sais pas si c'était dans les journaux. J'ai entendu dire qu'il

18 était censé être menacé mais que les auteurs de menaces se sont

19 révélés être de braves gens et qu'en fait il s'est avéré qu'il

20 s'était écrit ces lettres à lui même mais je ne savais pas. J'ai

21 demandé qui il était et on m'a dit "C'est cet homme".

22 Q. : Ce devait être assez longtemps avant l'attaque de Kozarac en 1992 ?

23 R. : C'était en 1991 ou 1992 avant le conflit.

24 Q. : Donc en 1991 avant cette affaire de lettres de menaces vous ne

25 connaissiez pas Dule Tadic ?

Page 4742

1 R. : Je le connaissais de vue mais pas son nom. Il ne présentait aucun

2 intérêt pour moi comme de nombreuses autres personnes avec qui je

3 n'avais aucun contact.

4 Q. : Mais après ces lettres de menaces vous dites que vous avez appris son

5 nom d'autres personnes ?

6 R. : Oui, j'entendais parler de ce Dule mais j'ignorais qui il était

7 jusqu'à ce qu'on me le montre.

8 Q. : Il semble donc que vous n'avez passé aucun temps avec Dule Tadic, que

9 vous n'avez jamais été en sa compagnie ?

10 R. : Non, je n'ai jamais été en sa compagnie.

11 Q. : Vous avez revu Radakovic quand vous étiez à Omarska ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Radakovic ne vous a pas interrogé à Omarska. Il se trouvait seulement

14 ...

15 R. : Oui.

16 Q. : ... dans le centre d'interrogatoire ?

17 R. : Il était dans une des premières pièces quand vous arrivez à l'étage.

18 Q. : Vous avez donc rencontré cet homme à Keraterm et à Omarska ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Après votre interrogatoire, vous êtes allé à la maison blanche mais

21 on vous a emmené à l'arrière du bâtiment où, nous avez-vous dit,

22 vous avez été gravement battu par Dusko Tadic, est-ce exact ?

23 R. : A Keraterm, c'est Dusko qui m'a battu, pas à Omarska.

24 Q. : N'avez vous pas dit que, à Omarska, Dusko Tadic vous avait battu

25 après votre deuxième interrogatoire et qu'on vous ait emmené à

Page 4743

1 l'arrière de la maison blanche ?

2 R. : J'y ai été emmené après l'interrogatoire qui avait lieu à l'étage où

3 se trouvait la cuisine et à l'arrière de la maison blanche un groupe

4 de gens effectuaient les passages à tabac et Dule Tadic était avec

5 eux.

6 Q. : Pouvez-vous nous donner les noms d'autres personnes dans ce groupe

7 qui battaient les détenus ?

8 R. : Je ne connais pas les noms.

9 Q. : En connaissiez-vous ou en avez-vous reconnu certains ?

10 R. : Les visages mais pas les noms. Il s'agissait surtout de gens

11 d'Omarska.

12 Q. : Quel était le nombre des victimes de ces sévices quand vous avez été

13 emmené à l'arrière de la maison blanche ?

14 R. : Environ 50 à 60 personnes, beaucoup. Il y avait des cadavres, des

15 personnes en vie, en train de gémir, donnant des signes de vie. Ils

16 ne tiraient pas. Ils les frappaient avec des bâtons.

17 Q. : C'est ce que je voulais vous demander. Cela ne semble pas être un

18 endroit où couteaux et fusils ont été utilisés pour abattre des

19 gens, est-ce exact ?

20 R. : Non, seulement des objets contondants.

21 Q. : Vous semblez être le seul survivant de cet incident, est-ce exact ?

22 R. : Apparemment, d'après ce qui était prévu derrière la maison blanche,

23 le fait d'avoir perdu connaissance m'a sauvé la vie. J'ai reçu un

24 coup de couteau dans la jambe et je ne m'en suis même pas rendu

25 compte.

Page 4744

1 Q. : Mais vous êtes le seul survivant parmi les gens tabassés, est-ce bien

2 cela ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Vous avez remarqué un prisonnier qui n'avait pas de chaussures ?

5 R. : Quand j'ai repris connaissance et qu'ils chargeaient les cadavres.

6 Q. : C'était un autre détenu appelé Hodzic, n'est-ce pas ?

7 R. : Oui, Hodzic.

8 Q. : Mais selon vous, l'intention était bien de vous tuer n'est-ce pas ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Parce que plutôt que d'être à Keraterm, vous étiez à Omarska quand

11 cet événement a eu lieu ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Quand vous avez repris connaissance, il ne restait que deux

14 prisonniers ?

15 R. : Non, ils étaient plus nombreux. Ils le les avaient pas tous enlevés.

16 Ils étaient en train de les charger. Environ quatre prisonniers

17 effectuaient le chargement.

18 Q. : Merci. C'est, en fait, ce que je vous demandais, le nombre de

19 prisonniers en vie qui chargeaient les dépouilles. Il y en avait

20 quatre mais les gardes ou les soldats qui avaient infligé les

21 sévices n'étaient plus là ?

22 R. : Il y avait un chauffeur.

23 Q. : S'agit-il du chauffeur conduisant le camion qui emmenait les cadavres

24 ?

25 R. : Oui.

Page 4745

1 Q. : Puis vous êtes retourné à la maison blanche où l'on vous a mis dans

2 l'une des pièces, est-ce correct ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Y êtes-vous allé en marchant ? Comment vous êtes-vous rendu à la

5 maison blanche ?

6 R. : Hodzic et un autre, Bahti, m'ont aidé. Je pense qu'il était albanais.

7 Il conduisait le camion de distribution du pain.

8 Q. : Quand vous étiez dans cette pièce, Hodzic portait-il alors les

9 chaussures de votre fils ?

10 R. : Quand je suis parti vers la maison blanche il les portait. Il les a

11 mises quand il chargeait les cadavres. Bahti m'a dit de m'étendre et

12 qu'ils reviendraient une fois qu'ils auraient terminé.

13 Q. : Mais parmi toutes les dépouilles qui étaient là, d'autres devaient

14 porter des chaussures ?

15 R. : J'ignore pourquoi il a pris celles de mon fils.

16 Q. : Oui, cela semble une coïncidence que ce soit vous et qu'il ait pris

17 les chaussures de votre fils ?

18 R. : C'est peut-être aussi parce qu'ils étaient cousins, comme souvenir.

19 Q. : Hodzic est un cousin de votre fils ?

20 R. : Oui, il fait partie de la famille.

21 Q. : Hodzic est donc aussi l'un de vos parents ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Il ressort des événements, des tortionnaires, que tout ce que vous

24 pouvez identifier est le nom de Dusko Tadic, est-ce exact ?

25 R. : Oui.

Page 4746

1 Q. : Vous êtes la seule personne à avoir survécu n'est-ce pas ? Quelqu'un

2 d'autre vous a t-il relaté M. Elezovic le récit de ce qui s'est

3 passé derrière la maison blanche et vous êtes venu témoigner devant

4 cette cour comme si c'était votre propre expérience ?

5 R. : Vous me demandez si je fabrique cette histoire ?

6 Q. : Oui, que vous n'étiez pas présent sur place ?

7 R. : J'ai survécu tout cela.

8 Q. : Quand vous dites que Zigic était dans la salle 3 quand ils y

9 abattaient des détenus, vous ne saviez pas que Zigic était présent

10 parce que vous ne l'y avez pas vu ?

11 R. : Je ne l'ai pas vu mais des gens qui le connaissaient ont dit qu'il

12 était le pire en cette occasion ainsi que les deux jumeaux Banovic.

13 J'étais présent mais je n'ai pas vu ce qu'ils faisaient.

14 Q. : Non et vous n'avez pas vu Zigic y participer n'est-ce pas ?

15 R. : Non.

16 Q. : Ce que je vous suggère, c'est que quelqu'un vous a dit que Dule était

17 présent quand votre fils a été tué ?

18 R. : Dule m'a aussi battu avec mon fils, avec un groupe. Il n'était pas

19 seul.

20 Q. : Selon vous, l'intention était de vous tuer, vous étiez au bon endroit

21 pour être tué ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quand vous avez quitté la maison blanche on vous a placé dans une

24 autre partie du camp d'Omarska, une autre pièce, est-ce exact ?

25 R. : Oui.

Page 4747

1 Q. : Cette pièce était-elle située dans le bâtiment plus grand que l'on

2 voit sur le modèle au milieu du prétoire ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Vous rappelez-vous où vous vous trouviez dans le bâtiment à la fin de

5 votre séjour à Omarska ?

6 R. : Quand vous montez l'escalier, je pense que c'est la deuxième porte à

7 droite.

8 Q. : Il s'agirait de la salle 15 ?

9 R. : J'ignore comment elle s'appelait mais il s'agissait de la deuxième

10 pièce et en face il y avait un service du genre croix rouge. Un

11 manchot de Petrov Gaj y travaillait.

12 Q. : Je dois vous interroger sur un autre point . Est-il exact que vous

13 avez vu des programmes de télévision sur le camp d'Omarska et

14 l'arrestation de Dusko Tadic ?

15 R. : Non. Je n'en ai pas vu.

16 Q. : Vous n'avez pas personnellement parlé à Monika Gras, donné des

17 interviews à la télévision ?

18 R. : Non. Je ne sais pas à qui j'ai parlé. J'ai fait une déclaration à

19 Götingen, à Kellerman je crois.

20 Q. : Avez-vous donné des interviews à des journaux, au Times de Londres ?

21 R. : C'est possible, en plusieurs occasions.

22 Q. : Avez-vous été interviewé pour des programmes de télévision ?

23 R. : Oui, une fois pour ZDF.

24 Q. : Avez-vous regardé des programmes de télévision sur le camp d'Omarska

25 ?

Page 4748

1 R. : Non, je ne les ai pas vus.

2 Q. : Vous n'avez pas regardé le film de Monika Gras ?

3 R. : Je ne l'ai pas vu.

4 M. KAY : Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis ?

6 MME HOLLIS : Merci, Mme le Président.

7 Nouvel interrogatoire par MME HOLLIS

8 Q. : M. Elezovic, vous avez dit que vous connaissiez Dule Tadic de vue à

9 Kozarac, est-ce exact ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Puis il y a eu cet incident des lettres et quelqu'un vous a désigné

12 Dule Tadic après cet incident ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Vous avez alors associé le visage que vous connaissiez avec le nom ?

15 R. : Oui, c'est cela.

16 Q. : Ce visage était-il celui de la personne que vous aviez vue parfois à

17 Kozarac ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Est-ce la personne que vous avez désignée dans le prétoire

20 aujourd'hui ?

21 R. : Oui.

22 Q. : M. Elezovic, quand vous avez relaté à cette cour les événements à

23 l'arrière de la maison blanche, les sévices contre votre fils, votre

24 passage à tabac puis votre reprise de connaissance pour trouver

25 votre fils mort à vos côtés, mentiez-vous à la Cour ?

Page 4749

1 R. : Non.

2 Q. : Disiez-vous la vérité ?

3 R. : Je disais la vérité. C'est malheureusement la vérité.

4 Q. : Quand vous dites que vous avez été battu à Keraterm par l'accusé que

5 vous avez désigné, mentiez-vous à la Cour ?

6 R. : Non, je ne mentais pas.

7 Q. : Quand vous avez vu cet homme à Keraterm, l'avez-vous reconnu comme

8 étant Dule Tadic de Kozarac ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Quand vous avez vu cet homme à Omarska vous frapper et frapper votre

11 fils, l'avez-vous reconnu comme Dule Tadic de Kozarac ?

12 R. : Oui et je savais que c'était ma fin.

13 MME HOLLIS : Pas d'autres questions.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, avez-vous d'autres questions ?

15 M. KAY : Non, Mme le Président.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai quelques questions, M. Elezovic.

17 Interrogatoire par la Cour

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez déclaré que la population de

19 Trnopolje était mixte, composée de Serbes et de Musulmans, est-ce

20 exact ?

21 R. : C'est vrai. Il y avait d'autres nationalités, Croates, Ukrainiens,

22 Polonais. Différentes nationalités étaient représentées à Trnopolje.

23 Q. : Savez-vous quels étaient les pourcentages respectifs de Serbes et de

24 Musulmans à Trnopolje ?

25 R. : Les Musulmans étaient plus nombreux.

Page 4750

1 Q. : Vous avez dit que les résidents de Trnopolje devaient remettre leurs

2 armes. Les Serbes ont-ils comme les Musulmans reçu l'ordre de

3 remettre leurs armes ?

4 R. : Non, uniquement les Musulmans. Les Serbes s'armaient.

5 Q. : Vous avez également déclaré que le nettoyage ethnique a commencé le 9

6 juillet 1992 et que vous aidiez des voisins serbes quand des soldats

7 sont venus vous arrêter. Quelle était la ...

8 R. : Oui, ce jour là.

9 Q. : nature des relations entre Serbes et Musulmans à Trnopolje à cette

10 époque ? S'entendaient-ils ? Y avait-il des tensions ?

11 R. : Il y avait des tensions mais nous savions ce qui se préparait.

12 Q. : Quand vous en êtes-vous rendu compte ?

13 R. : Quand ils ont commencé à bombarder, à attaquer Kozarac, quand ils ont

14 nettoyé ethniquement partie de Kozarac. Ils nous ont laissé

15 tranquilles jusqu'à la fin, plus d'un mois. A vivre normalement ...

16 Ce n'était pas normal, vous ne pouviez aller nulle part. Tout ce que

17 vous aviez à manger étaient vos réserves de vivres, vous deviez les

18 aider, vous deviez travailler etc...

19 Q. : Trnopolje a t-il été bombardé ?

20 R. : Quelques obus, j'ignore combien, sont tombés autour de la mosquée.

21 Q. : Vous souvenez-vous de la date ?

22 R. : Le 23 ou 24 mai, je ne suis pas certain.

23 Q. : Avant le bombardement de Kozarac, quelles étaient les relations entre

24 Serbes et Musulmans ? Vous entendiez-vous ?

25 R. : Oui, tout le monde s'entendait bien. Avant le conflit, nous avions

Page 4751

1 une bonne vie, tout était normal.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Allons-nous entendre davantage de choses sur

3 Trnopolje Mme Hollis. Si ma mémoire est correcte on n'a pas entendu

4 grand chose sur les événements de Trnopolje. Nous avons surtout

5 entendu parler des jours précédant le conflit à Kozarac et à

6 Prijedor.

7 MME HOLLIS : Oui, Mme le Président.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je peux donc arrêter de poser des questions ?

9 MME HOLLIS : Non, Mme le Président, vous pouvez poser autant de questions

10 que vous voulez. Nous espérons recevoir davantage d'informations.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas d'autres questions. Avez-vous

12 d'autres questions à la lumière des miennes ?

13 MME HOLLIS : Merci, Mme le Président.

14 Nouvel interrogatoire par MME HOLLIS

15 Q. : M. Elezovic, avant le 9 juillet quand a eu lieu le nettoyage

16 d'Elezovici et de ce secteur particulier, savez-vous si d'autres

17 villages, d'autres hameaux proches de vous comme Sivci avaient aussi

18 été "nettoyés" ?

19 R. : Oui, avant nous.

20 MME HOLLIS : Merci.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

22 M. KAY : Pas d'autres questions, Mme le Président.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Elezovic peut-il être définitivement

24 dispensé ?

25 M. KAY : Non, Mme le Président.

Page 4752

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Elezovic, vous êtes définitivement

2 dispensé. Vous pouvez partir. Merci d'être venu.

3 (Départ du témoin)

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mme Hollis, avez-vous besoin d'expurger ...

5 non.

6 MME HOLLIS : Compte tenu de la situation actuelle du témoin, non, Mme le

7 Président.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Très bien. M. Niemann ?

9 M. NIEMANN : Oui, Mme le Président. L'Accusation appelle Said Grozdanic.

10 Appel de M. Said Grozdanic à la barre

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, pouvez-vous prêter serment s'il

12 vous plaît ?

13 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

14 toute la vérité, rien que la vérité.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

16 Interrogatoire par M. Nieman

17 Q. : Quelle est votre nom, s'il vous plaît ?

18 R. : Mon nom ?

19 Q. : Oui.

20 REPONSE : Said Grozdanic.

21 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

22 R. : Le 2 janvier 1967.

23 Q. : Et votre lieu de naissance ?

24 R. : Gornji Garevci Kozarac.

25 Q. : Avez-vous été élevé à cet endroit ?

Page 4753

1 R. : Oui.

2 Q. : Y avez-vous habité jusqu'en 1992 ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Quelle est la distance entre Gornji Garevci et Prijedor ?

5 R. : Sept kilomètres et deux kilomètres au nord de la route vers Kozarac.

6 Q. : Avez-vous été arrêté après l'attaque de Kozarac en 1992 ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Quand avez-vous été arrêté ?

9 R. : Le 25 mai 1992.

10 Q. : Où vous a t-on emmené après votre arrestation ?

11 R. : Keraterm.

12 Q. : On vous a emmené à Keraterm en car, n'est-ce pas ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Keraterm ?

15 R. : Deux jours.

16 Q. : Où avez-vous été emmené ensuite ?

17 R. : Au camp d'Omarska.

18 Q. : Avez-vous été interrogé durant votre séjour au camp d'Omarska ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Avez-vous jamais été battu durant votre séjour à ce camp ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Avant d'être emmené au camp d'Omarska, avez-vous jamais été membre

23 d'une organisation militaire ou paramilitaire ?

24 R. : Non.

25 Q. : Quelle est votre origine ou nationalité ethnique ?

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1 R. : Je suis un Musulman de Bosnie.

2 Q. : Combien de temps avez-vous séjourné au camp d'Omarska ?

3 R. : Du 27 mai au 21 août, pour autant que je me souvienne.

4 Q. : Et c'était en 1992 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Le 6 août 1992 de nombreux prisonniers ont-il été transférés du camp

7 d'Omarska ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Qu'est-il arrivé à ces prisonniers transférés ce jour là, le 6 août

10 1992 ?

11 R. : Je ne sais pas où ils se trouvaient après leur transfert mais j'ai

12 entendu des gardes dire que certains étaient allés à Manjaca et

13 d'autres à Trnopolje.

14 Q. : Ce jour là est-ce que de nombreux prisonniers qui étaient restés à

15 Omarska ont été transférés par car à un autre endroit ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Combien de prisonniers environ restaient dans le camp après ces

18 transferts ?

19 R. : 180.

20 Q. : Faisiez-vous partie de ces 180 prisonniers restants ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Que vous est-il arrivé après le départ de la majorité des prisonniers

23 du camp d'Omarska ?

24 R. : Nous avons tout d'abord dû nettoyer le camp. Puis, des lits sont

25 arrivés pendant la nuit et nous avons dû les monter. C'est ce qui

Page 4755

1 s'est passé le premier jour.

2 Q. : Ces lits sont arrivés par camion de l'extérieur du camp, n'est-ce pas

3 ?

4 R. : Ce doit être le cas. Il y avait une sorte de camion. Je ne sais pas

5 d'où il est venu mais je l'ai vu plein de lits alors que nous les

6 transportions à l'intérieur.

7 Q. : Où avez-vous monté les lits ?

8 R. : Dans le bâtiment comprenant la cuisine à Omarska. C'était à l'est en

9 entrant dans ce bâtiment. Il y avait quelques bureaux. Il y avait un

10 garage mais c'était la deuxième porte alors qu'on entrait dans le

11 garage par la première porte.

12 Q. : Vous a t-on dit pourquoi vous deviez monter ces lits après le départ

13 des prisonniers ? Quelqu'un vous en a t-il donné les raisons ?

14 R. : Non.

15 Q. : Avez-vous découvert ces raisons par la suite ?

16 R. : On ne nous a rien dit mais on a pu deviner que c'était pour les

17 journalistes qui devaient venir, pour déguiser ce qui se passait à

18 Omarska.

19 Q. : Vous a t-on dit que des journalistes allaient venir au camp d'Omarska

20 ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Vous a t-on permis de dormir dans ces lits après que vous les ayez

23 montés ?

24 R. : Pas la première fois. Parfois c'était permis et parfois pas.

25 Q. : Que s'est-il passé pour ce qui est de la nourriture et des rations

Page 4756

1 après le départ de la majorité des prisonniers ?

2 R. : Ils ont commencé à nous servir deux repas par jour puis nous ne

3 devions plus courir pour aller déjeuner. Nous devions marcher

4 lentement et nous devions dire aux journalistes que nous n'étions

5 dans le camp que depuis deux ou trois semaines et ...

6 Q. : Je m'excuse. Les gardes du camp vous ont-ils dit ce que vous deviez

7 raconter aux journalistes à propos du camp, quelle sorte de camp il

8 s'agissait ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Que vous a t-on dit de raconter ?

11 R. : On nous a dit de faire attention à ce que nous dirions aux

12 journalistes, parce que nous étions toujours entre leurs mains, nous

13 étions toujours à leur merci ...

14 Q. : Vous rappelez-vous qui vous a dit cela ?

15 R. : zeljko Meakic est venu à de nombreuses reprises. Je ne connaissais

16 pas son nom mais j'ai fini par l'apprendre durant mon long séjour à

17 Omarska. Nous devions dire que nous étions là depuis deux ou trois

18 semaines, que nous avions deux repas par jour, que personne ne nous

19 avait touché à ce jour, que nous serions libérés dans les sept jours

20 et que nous n'étions là qu'aux fins d'interrogatoire.

21 Q. : Ce sont les réponses qu'on vous disait de donner aux journalistes ?

22 R. : Oui.

23 Q. : En dehors du montage des lits, les prisonniers restés à Omarska ont-

24 ils dû faire autre chose en termes de nettoyage du camp ?

25 R. : Oui, nous avons nettoyé la maison blanche, le hangar, déplacé les

Page 4757

1 bacs à fleur, les urnes en béton, pour le déguiser.

2 Q. : Où se trouvaient ces urnes ou bacs en béton ?

3 R. : Ils étaient entre la hangar et la cuisine sur la pista.

4 Q. : Et où ont-ils été déplacés ?

5 R. : Je me souviens que nous les avons déplacés mais pas pourquoi ni

6 comment parce que cela importait peu. Je ne savais que ce que nous

7 devions faire.

8 Q. : Vous dites que vous avez dû nettoyer la maison blanche. Qu'avez-vous

9 observé quand vous êtes allé dans la partie à nettoyer de la maison

10 blanche ?

11 R. : Pas moi, je n'ai pas nettoyé la maison blanche. J'en ai vu d'autres

12 la nettoyer mais ces bâtiments sont séparés d'une cinquantaine de

13 mètres. Je n'y suis pas allé, d'autres l'ont fait. Qu'ont-ils

14 nettoyé, je l'ignore. Je ne leur ai pas demandé. Je les ai seulement

15 vus aller la nettoyer mais ...

16 Q. : Etiez-vous au camp d'Omarska quand les journalistes sont arrivés ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Avez-vous appris d'où venaient ces journalistes ?

19 R. : Non.

20 Q. : Savez-vous s'ils étaient Serbes ou venaient de l'ex-Yougoslavie ?

21 R. : Ils parlaient tous une langue que je comprends. On peut donc supposer

22 qu'ils n'étaient pas des journalistes étrangers puisqu'ils parlaient

23 tous notre langue. Ils filmaient, enregistraient et nous devions

24 dire que tout allait bien. Les journalistes étrangers venaient avec

25 un interprète et vous saviez qu'ils étaient étrangers. En une ou

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1 deux occasions ils parlaient ma langue, le serbo-croate.

2 Q. : Donc certains des journalistes parlaient votre langue et d'autres

3 employaient des interprètes ?

4 R. : Oui. Certains n'avaient pas besoin d'interprètes, d'autres en

5 demandaient un en arrivant. Le journaliste pose des questions dans

6 une langue étrangère et l'interprète traduit question et réponse. Si

7 un journaliste parle ma langue, je pense qu'il n'est pas un

8 étranger.

9 Q. : Bien. Avez-vous quitté le camp d'Omarska le 21 août 1992 ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Etes-vous allé à Manjaca ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Manjaca ?

14 R. : Jusqu'au 14 décembre. Je ne me souviens pas de la date. Je sais que

15 c'était en décembre mais c'était le 14 ou le 16.

16 Q. : Vers la mi-décembre donc. Avez-vous quitté le camp de Manjaca et

17 êtes-vous allé à Karlovac ?

18 R. : Oui.

19 M. NIEMANN : Pas d'autres questions.

20 M. KAY : Pas de contre-interrogatoire, Mme le Président.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que M. Grozdanic soit

22 dispensé définitivement, M. Kay ?

23 M. KAY : Non, Mme le Président.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, vous êtes dispensé définitivement.

25 Vous pouvez partir. Merci d'être venu. Vous êtes libre de partir

Page 4759

1 maintenant.

2 LE TEMOIN : Merci.

3 (Départ du témoin)

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il nous reste cinq minutes avant notre heure

5 habituelle d'ajournement. Plutôt que d'appeler un autre témoin nous

6 préférons nous pencher sur deux autres points. Le premier concerne

7 la requête de la Défense relative à un bref ajournement après la

8 conclusion de l'exposé des arguments du Procureur. Je crois que vous

9 avez demandé une ou deux semaines, M. Wladimiroff, est-ce exact ?

10 M. WLADIMIROFF : C'est exact, Mme le Président.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons examiné ce point. Quelle est la

12 position du Procureur ? Je ne sais pas si vous avez une position ?

13 M. NIEMANN : Nous n'en avons pas, Mme le Président.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il est fait droit à la requête. Quand le

15 Procureur conclura la présentation de ses arguments, nous nous

16 ajournerons pendant deux semaines pour permettre à la Défense

17 d'utiliser cette période. L'autre point concerne la requête du

18 Procureur relative à l'interrogatoire des témoins d'alibi durant cet

19 ajournement. Si je m'en souviens bien, la Défense ne s'y oppose pas.

20 Elle a rencontré le Procureur, ils ont discuté de cette question et

21 ont convenu que le Procureur pourra interroger ces témoins en

22 présence du conseil de la défense, si je me souviens bien.

23 M. WLADIMIROFF : Nous avons établi les modalités.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Par écrit ?

25 M. WLADIMIROFF : Nous avons discuté la question et il n'y a pas de

Page 4760

1 problèmes.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Il est donc fait droit à la requête

3 pendante du Procureur relative à un complément à la réponse

4 concernant la notification d'alibi dans la mesure où il n'est pas

5 nécessaire d'y répondre avant que vous ayez parlé avec les témoins

6 d'alibi. De combien de temps pensez-vous avoir besoin ensuite, M.

7 Niemann, pour déposer la notification relative à des témoins de

8 réfutation ? Vous pouvez en discuter si vous voulez et nous donner

9 votre réponse demain.

10 M. NIEMANN : Oui, si c'est possible, Mme le Président.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Juge Stephen suggère que je vous

12 demande si vous avez une meilleure estimation du temps nécessaire

13 pour conclure votre présentation principale. Je viens de faire

14 l'addition et j'obtiens 47 heures sur la base des délais figurant

15 sur votre liste. Qu'en pensez-vous ?

16 M. NIEMANN : Notre position est que ...

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous besoin de tout le temps figurant

18 sur votre liste de témoins ou allez-vous ne pas appeler certains

19 d'entre eux ?

20 M. NIEMANN : Il y a peut-être un ou deux témoins que nous n'appellerons

21 pas, Mme le Président mais pour l'instant notre estimation nous

22 situe encore vers la deuxième ou la troisième semaine.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez peut-être examiner votre liste de

24 témoins et nous dire demain matin de combien de temps vous avez

25 encore besoin. Nous ne suggérons pas que vous réduisiez la

Page 4761

1 présentation de vos éléments de preuve mais nous vous demandons

2 seulement quelle est votre estimation à ce stade.

3 Très bien. D'autres questions à examiner pendant les deux minutes

4 qui nous restent ?

5 M. NIEMANN : Il y a un autre point, Madame, messieurs de la Cour. J'ignore

6 si cela va toucher cette action mais il me semble approprié

7 d'évoquer le fait que nous pourrions avoir des difficultés à opérer

8 en Bosnie durant la période électorale allant du 1er au 21

9 septembre. Je soulève ce point parce que le Bureau du Procureur pour

10 sa part a été avisé que toutes les ressources en Bosnie seront

11 utilisées à cette fin durant cette période et qu'ils ne sont pas en

12 mesure de couvrir nos besoins. Je sais que c'est un problème

13 intéressant la Défense mais je le soulève à ce stade.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Suggérez-vous qu'il puisse y avoir des

15 difficultés à interroger alors les témoins de la défense ? Si nous

16 nous ajournons fin août ou début septembre pendant deux semaines,

17 dites-vous que vous pourriez ne pas pouvoir le faire ?

18 M. NIEMANN : Nous avons certainement été avisés que, s'agissant de nos

19 activités en Bosnie, durant cette période les ressources de l'IFOR

20 et autres agences seront intégralement consacrées à la préparation

21 des élections et qu'elles ne pourront satisfaire aucun de nos

22 besoins. Je ne suis pas en mesure de dire si cela influera ou non

23 sur cette procédure ou sur l'action de la Défense mais je soulève le

24 point pour attirer votre attention.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ces questions nous échappent entièrement.

Page 4762

1 Nous lirons les journaux comme vous. Nous suivrons l'évolution au

2 mois d'août et nous serons peut-être mieux en mesure de l'évaluer.

3 L'audience est ajournée jusqu'à demain 10 heures.

4 (17 heures 30)

5 (Ajournement de l'audience au lendemain)

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