Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 26 février 2010

  2   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour. Nous revoici dans ce

  7   prétoire. Je salue toutes les personnes ici présentes.

  8   Je vais demander au Greffier d'audience de citer l'affaire inscrite

  9   au rôle.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et

 11   Messieurs. Affaire IT-05-88/2-T, le Procureur contre Zdravko Tolimir.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 13   Il ne sera pas nécessaire de demander aux parties de se présenter chaque

 14   jour, mais puisque c'est aujourd'hui que commence le procès, je vais

 15   demander aux parties de se présenter.

 16   M. THAYER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 17   Bonjour, Général. Bonjour, Maître Gajic. Je m'appelle Nelson Thayer.

 18   J'ai le premier substitut à mes côtés, M. Peter McCloskey, et Janet Stewart

 19   est notre commis à l'affaire. Elle sera fidèle au poste tous les jours du

 20   procès.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 22   Au nom de la Défense.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Dieu

 24   vous bénisse tous. Je m'appelle Zdravko Tolimir, et vous avez ici

 25   Aleksandar Gajic, mon conseiller juridique. Je souhaite que votre travail

 26   soit couronné de succès et j'espère que vous pourrez, avec l'aide de Dieu,

 27   mener ce procès à bon port.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur Tolimir. Je


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  1   suppose que vous entendez bien l'interprétation?

  2   L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête de l'accusé.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Moi aussi, j'espère que nous pourrons

  4   bénéficier au cours de ce procès d'une excellente coopération et d'un bon

  5   climat d'audience. Nous attendons maintenant le propos liminaire de

  6   l'Accusation.

  7   Vous avez la parole, Monsieur Thayer.

  8   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de me

  9   donner la parole.

 10   Madame et Messieurs, le 12 mai 1992, à la 16e séance de l'assemblée

 11   nationale du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, le président Radovan

 12   Karadzic a annoncé les objectifs stratégiques qu'allaient poursuivre le

 13   peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient au nombre de six, et pour

 14   la population de Srebrenica et de Zepa en particulier, deux de ces

 15   objectifs stratégiques allaient être poursuivis et maintenus tels des

 16   flambeaux pendant tout le reste de la guerre, et allaient garder attisée à

 17   tout jamais la flamme de la haine et allaient trouver son apogée dans

 18   l'enfer qui a fini par consumer, par brûler plus de 7 000 hommes et

 19   adolescents à Srebrenica, dans ces champs de la mort de la Bosnie

 20   orientale. Ils allaient à tout jamais laisser des brûlures indélébiles chez

 21   leurs êtres chers, ceux qui ont survécu mais qui avaient été affamés,

 22   terrorisés, pilonnés, bombardés, pour finir par être chassés, expulsés de

 23   ce qu'on avait appelé la zone de sécurité de Srebrenica et de Zepa dans des

 24   cars, des camions découverts, et aussi dans des camions servant à déplacer

 25   les immondices. Ils étaient déchirés de leur famille qu'ils n'ont pour la

 26   plupart jamais revue.

 27   Il y avait parmi ces personnes qui maintenaient la flamme de la guerre des

 28   gens de très haut niveau, comme Radovan Karadzic, président de l'assemblée


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  1   nationale, Krajisnik, qui avaient établi ces objectifs stratégiques. Il y

  2   avait aussi les plus hauts officiers, les officiers les plus gradés de la

  3   VRS, l'armée de la Republika Srpska; Ratko Mladic, Milan Gvero, Radislav

  4   Krstic, et l'accusé, Zdravko Tolimir.

  5   C'étaient des hommes aguerris, des officiers chevronnés de la JNA, qui

  6   avait été une des armées les plus professionnelles à l'époque. C'étaient

  7   des gens sortis d'académies militaires, qui avaient bénéficié de formation

  8   spécialisée, qui avaient suivi des cours dans les écoles de guerre de haut

  9   commandement à Belgrade, des hommes qui avaient été décorés pour leur

 10   service. Ils étaient aussi les héritiers des horreurs qu'avait semées la

 11   Deuxième Guerre mondiale, cette guerre horrible qui a laissé des traces

 12   dans les Balkans, comme dans le reste de l'Europe. Pour empêcher que ne se

 13   produisent des crimes contre l'humanité et que ne se viole le droit

 14   international, la JNA avait formé ces officiers en ce devoir sacré, une

 15   obligation confiée à chaque soldat, et surtout à la classe des officiers

 16   qui pouvait se retrouver en état de guerre; pour leur dire qu'il y avait

 17   des règles à respecter en temps de guerre, qu'il fallait respecter sans

 18   faute.

 19   Lorsque la VRS a été constituée, elle a fait siennes ces obligations

 20   consacrées et elle a formé ses officiers pour qu'ils ne sachent que jamais

 21   on aurait comme héritage affligeant des hommes faisant la guerre, ces

 22   crimes, ces horreurs qu'avait connus l'ex-Yougoslavie. Ce procès porte sur

 23   la trahison de cette obligation sacrée et confiée à ces hommes, notamment à

 24   un de ces officiers en la personne de Zdravko Tolimir, qui était au plus

 25   haut échelon de la VRS, et qui était un des adjoints de Ratko Mladic, en

 26   qui celui-ci faisait le plus confiance. C'est pour dire, ce procès fait que

 27   Tolimir a choisi d'abandonner ses obligations, d'oublier la loi de la

 28   guerre et de poursuivre l'idéal d'un Etat monoserbe, pour finir par


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  1   organiser et diriger la commission de brutalités et d'exactions qui étaient

  2   en violation flagrante, et il le savait, de chacun des principes qui

  3   avaient constitué son code d'officier. Il savait parfaitement bien que

  4   c'étaient là des crimes contre l'humanité.

  5   Il est accusé de génocide surtout à deux titres, parce qu'il a participé à

  6   ce plan incessant, impitoyable mis au point par les dirigeants serbes et

  7   militaires afin de chasser la population musulmane des enclaves de

  8   Srebrenica et de Zepa. Il voulait rendre la vie de ces gens à ce point

  9   insupportable que ces gens n'avaient aucun espoir de survivre dans la

 10   région. A un autre titre aussi, parce qu'il a assisté, supervisé et

 11   autorisé la détention organisée, l'exécution et l'enterrement de milliers

 12   d'adolescents et d'hommes musulmans après que ces hommes, suivant le plan

 13   formé, eussent été éliminés de l'enclave.

 14   Nous allons prouver qu'il a participé à ces crimes odieux en

 15   utilisant tous les moyens possibles. Vous entendrez des témoins ici, vous

 16   verrez des dossiers militaires, vous entendrez des transcriptions d'écoute

 17   téléphonique, vous aurez aussi des cassettes vidéo, la science légale sera

 18   invoquée et vous verrez des images aériennes.

 19   Vous verrez que le général Mladic, en personne, a dit, en avril 1995,

 20   ceci à l'assemblée du pays :

 21   "M. le Général Tolimir a été mon bras droit, l'homme le plus proche

 22   de moi pendant cette guerre. Quand on voit ses états de service, c'est lui

 23   qui a le plus d'ancienneté. Il a été avec moi dès les premiers jours."

 24   Effectivement, il avait la responsabilité des unités et des hommes

 25   entre les mains de qui Mladic reposait sa vie, et il était adjoint pour les

 26   renseignements et la sécurité à l'état-major principal, mais ce n'était pas

 27   un commandant comme on l'entend généralement. Il n'était pas là sur le

 28   terrain à donner des ordres à des unités de combat. Il avait une autorité,


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  1   une influence qui était incontestable, même s'il n'était pas commandant de

  2   terrain. Avant les déportations massives, les expulsions et exécutions de

  3   juillet 1995, Mladic s'est appuyé sur Tolimir pour étouffer petit à petit

  4   les enclaves de Srebrenica et de Zepa pour créer des conditions

  5   insupportables qui allaient bientôt forcer la population musulmane à

  6   abandonner tout espoir et à partir, remplissant ainsi ces objectifs

  7   stratégiques dont je viens de parler.

  8   Lorsque ces expulsions forcées, lorsque ces crimes massifs ont

  9   commencé en juillet 1995, vous le verrez, grâce à nos moyens de preuve, il

 10   trempait dans toutes ces opérations. Il alliait l'idée d'ensemble et la

 11   précision clinique qui a toujours caractérisé ses activités et dont

 12   dépendait le général Mladic. J'irais même jusqu'à dire que sans ces

 13   qualités, la VRS n'aurait pas survécu.

 14   Des éléments de preuve vont le prouver, dans cette misère, dans ce

 15   carnage de 1995, Tolimir a bien donné des ordres, le général Tolimir a bien

 16   fait des propositions qui étaient suivies d'effets, et le général Tolimir

 17   supervisait et autorisait les officiers qui ont organisé cette boucherie de

 18   7 000 hommes et adolescents. Ce sont ses hommes à lui, Ljubisa Beara, son

 19   subordonné direct, celui qui était chef de la sécurit à l'état-major, et on

 20   peut suivre toute la filière de commandement. On va trouver Vujadin

 21   Popovic, Corps de la Drina. Ils étaient sur les lieux de détention,

 22   d'exécution et d'enterrement pour veiller à ce que cette opération

 23   meurtrière fasse sa sale besogne jusqu'à ce que la dernière balle soit

 24   tirée, jusqu'à ce que le dernier corps soit enfoui.

 25   Ce procès ne va pas porter sur les pauvres soldats qui avaient le

 26   doigt sur la gâchette dans ce champs de la mort de Bosnie orientale, mais

 27   c'est un procès des officiers qui, au quotidien, ont été responsables du

 28   travail que faisaient Beara et Popovic, par exemple, de ceux qui ont veillé


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  1   à ce qu'on tire effectivement sur la gâchette. Je dis "de ceux-là," je

  2   devrais dire "celui," car il s'agit du général Tolimir.

  3   Je vais passer en revue pour vous certaines de ses contributions à

  4   certaines de ces opérations de transfert forcé, à certaines des opérations

  5   meurtrières. Mais les éléments de preuve vont vous le montrer, l'horreur de

  6   juillet 1995, ce n'est pas quelque chose d'abstrait, de spontané. Ce n'est

  7   pas une combustion spontanée; au contraire, la VRS a tout fait pour que la

  8   population musulmane quitte Srebrenica et Zepa déjà en 1992. Et elle a

  9   tramé, elle a préparé un programme systématique qui devait mener,

 10   finalement, à la destruction de la population musulmane de Srebrenica et de

 11   Zepa, grâce à cette expulsion forcée et à ces crimes massifs.

 12   Il faut voir quels sont certains des documents-clés pour montrer

 13   l'intention, la connaissance, le rôle et la contribution du général Tolimir

 14   à l'entreprise criminelle commune. Commençons et revenons à cette

 15   tristement célèbre 16e assemblée de mai 1992 et aux objectifs stratégiques

 16   énoncés par Karadzic devant l'assemblée.

 17   Normalement devrait apparaître à l'écran une copie, le texte en

 18   anglais de ces six objectifs stratégiques. Constatons-le : le premier

 19   objectif stratégique - et dites-moi si ceci pose des problèmes techniques -

 20   premier objectif stratégique :

 21   "Etablir une frontière d'Etat qui sépare les Serbes des deux autres

 22   communautés ethniques."

 23   C'est là, bien sûr, les Croates et les Musulmans.

 24   Deuxième objectif : il fallait créer un couloir qui aille du nord-est

 25   à l'ouest. Troisième objectif stratégique :

 26   "Etablir un couloir dans la vallée de la Drina."

 27   Il fallait que la Drina cesse d'être une frontière qui sépare les

 28   Etats serbes.


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  1   Mais qu'est-ce que ceci voulait dire ? Le président Karadzic l'a dit, ce

  2   jour-là. Nous allons, pour voir ce qu'il a dit, examiner le procès-verbal

  3   de cette assemblée.

  4   "Le premier objectif, dans ce sens, c'est la séparation …"

  5   Il définit les deux autres communautés ethniques. Il dit que :

  6   "… ce sont nos ennemis et qui se sont saisis de toutes les occasions,

  7   surtout celles présentées par ce siècle, de nous attaquer, et qui allaient

  8   continuer à le faire si nous restions ensemble dans ce même Etat."

  9   Ici est évoqué le traitement brutal infligé par l'Etat fantoche nazi aux

 10   Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je parle ici de l'Etat

 11   indépendant de Croatie.

 12   Maintenant, voyons le troisième objectif stratégique :

 13   "Nous sommes de part et d'autre de la Drina et notre intérêt

 14   stratégique et notre espace, c'est là qu'ils se trouvent. Maintenant, nous

 15   entrevoyons la possibilité d'avoir quelques municipalités musulmanes le

 16   long de la Drina, qui seraient les enclaves, pour que leurs droits soient

 17   respectés, mais cette ceinture le long de la Drina doit au fond appartenir

 18   à la Bosnie-Herzégovine serbe. C'est utile stratégiquement et c'est

 19   positif, parce que ceci nous permet d'entamer les intérêts de nos ennemis

 20   en établissant un corridor qui les relieraient; sinon, à l'International

 21   musulman et rendrait cette région à tout jamais instable."

 22   Donc ici vous avez un amalgame létal : la volonté de se réunir avec la mère

 23   Serbie en franchissant la rivière pour former un Etat serbe uni, alliée à

 24   la peur de voir venir l'ennemi. Ceci à maintes reprises de façon

 25   persistante, vous allez voir qu'on va entonner le chant du génocide pour

 26   faire peur aux Musulmans et aux Croates et vous l'entendrez aussi de la

 27   bouche des membres de l'état-major principal.

 28   La 16e Assemblée, autre élément important ce jour-là, c'est la


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  1   création de l'armée elle-même, de l'armée de la République serbe de Bosnie-

  2   Herzégovine qui allait bientôt devenir l'armée de la Republika Srpska ou

  3   VRS. Ce jour-là, Ratko Mladic a lui aussi été nommé, il a été nommé chef de

  4   l'état-major principal de l'armée. Les éléments de preuve vous le

  5   prouveront. A ce moment-là, Tolimir était colonel et il était à Banja Luka

  6   à l'occasion de cette assemblée et il allait très souvent prendre la parole

  7   à l'assemblée pendant la guerre. Le général Mladic accepte le poste qu'il

  8   lui est confié, et même à cette occasion il a voulu citer nommément le

  9   général Tolimir lorsqu'il a présenté des remerciements. La veille, le 11

 10   mai 1992, 12 officiers de la JNA - quatre anciens généraux : le général

 11   Mladic; Milovanovic, dont vous allez entendre parler; le général Milan

 12   Gvero, vous en entendrez parler; et le général Djordje Djukic, dont nous

 13   allons un peu parler aussi - se sont rencontrés à Crna Rijeka près de Han

 14   Pijesak, là où voulait être cantonnée l'armée. On leur a dit que le

 15   lendemain Mladic -- ou plutôt que l'armée allait être constituée le

 16   lendemain et que Mladic deviendrait chef de son état-major principal. On a

 17   dit à ces hommes la veille de l'assemblée que Gvero allait devenir le chef

 18   adjoint de la morale, Djukic serait nommé pour la logistique et le colonel

 19   Tolimir deviendrait l'adjoint responsable du Renseignement et de la

 20   Sécurité. Et vous avez ainsi pratiquement dès le premier jour la

 21   constitution qui va demeurer : Mladic, Gvero et Tolimir.

 22   Vous verrez tous les ordres officiels présidentiels qui

 23   mettent en œuvre ceci et portant mobilisation de tous les Serbes pour

 24   qu'ils fassent partie de la VRS, équipés de leur matériel, et aussi ordres

 25   importants parce que ses officiers les plus compétents seront nommés à des

 26   postes de responsabilité dans l'armée.

 27   Comment est-ce que ceci a fonctionné, vous aviez Radovan Karadzic qui

 28   est devenu le commandant suprême des forces armées, se composant de la VRS;


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  1   de la police, qu'on appellera le MUP, ce qui veut dire en B/C/S, ministère

  2   de l'Intérieur; et la Défense civile. Mladic était chef de l'état-major

  3   principal et il avait comme supérieur direct Radovan Karadzic.

  4   Comment savons-nous que ces objectifs stratégiques annoncés en mai

  5   1992 étaient davantage que de simples paroles creuses prononcées par un

  6   homme politique et que ces objectifs ont été effectivement transmis aux

  7   hommes du terrain ?

  8   Parlons tout d'abord d'une réunion qui s'est tenue à Bijeljina le 2

  9   septembre 1992 à laquelle assistaient le président Karadzic; Krajisnik, le

 10   président de l'assemblée; et le général Gvero, au nom de l'état-major

 11   principal. Vous allez voir le journal de guerre de celui qui est

 12   aujourd'hui le général Novica Simic. Il était commandant du Corps du Bosnie

 13   orientale pendant la guerre. Momcilo Krajisnik a pris la parole ce jour-là

 14   et a répété ces six objectifs stratégiques, et le général Simic les a très

 15   fidèlement repris chacun d'entre eux dans son journal à l'époque à

 16   l'époque. Et il dit que le premier, c'était la séparation directe des

 17   Musulmans, et puis que les Serbes s'accaparent la vallée de la Drina.

 18   Vous voyez l'évangile est transmis. Ça fait un temps certain qu'il se

 19   propage, mais là il y va à toute vapeur. Comment savons-nous que ceci se

 20   mute en action, qu'on passe de la rhétorique parlementaire à des résultats

 21   concrets sur le terrain. Et ce qui compte aussi en quoi ceci est-il

 22   pertinent pour administrer la preuve de responsabilité du général Tolimir.

 23   Les éléments de preuve vous le montreront. Ces objectifs, ils ont été

 24   transmis et traduits en tâches militaires concrètes, "des directives". Les

 25   documents écrits qui confiaient des opérations militaires précises à la VRS

 26   dans une zone d'opérations précise et pour une période précise, avec

 27   plusieurs échelons d'activités, chacun ayant ses objectifs. Nous le verrons

 28   plus tard, ces directives, en général, étaient établies à l'état-major


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  1   principal où vous aviez dans ce processus les commandants adjoints qui

  2   faisaient le rapport dans le cadre des directives plus générales, après

  3   quoi elles étaient affinées pour devenir un document serré, solide,

  4   technique, qui pouvait être compris et appliqué par l'échelon opérationnel,

  5   par les corps d'armée et par les unités se trouvant sous ces corps d'armée.

  6   Ces directives étaient approuvées par le général Karadzic. Il les

  7   signait parfois, parfois c'était le général Milovanovic ou le général

  8   Mladic qui les signait avant que celles-ci ne soient envoyées aux échelons

  9   subalternes. Dans les commandants inférieurs, ces documents étaient reçus,

 10   analysés et traduits en ordres de missions concrètes sur le terrain.

 11   C'est ainsi que les objectifs stratégiques sont transmis. Voyons un

 12   des documents-clés à cet égard, la Directive numéro 4, c'est comme ça que

 13   nous allons l'intituler pour les besoins du procès.

 14   Vous voyez les premiers mots ou plus exactement qu'elle commence par

 15   une étude de la situation militaire et politique actuelle et les activités

 16   et les intentions de l'ennemi. A l'état-major principal, c'était le travail

 17   qui revenait au général Tolimir que de déterminer quelles étaient les

 18   activités et les intentions de l'ennemi. De cette façon, la JNA était à

 19   même de préparer les actions au mieux et de procéder aux meilleures

 20   analyses. Donc ceci faisait partie des fonctions du général Tolimir.

 21   Nous parcourons ce document et nous voyons qu'il montre que le Corps de la

 22   Drina, qui a englobé Gorazde, Zepa, Srebrenica, ces zones de sécurité,

 23   avait été formé et qu'il commençait les activités de combat, notamment à

 24   Podrinje, zone qui reprend les territoires de ces enclaves aussi. La

 25   directive ajoute que :

 26   "Les groupes ennemis de… Gorazde, Zepa, Srebrenica et Cerska n'ont

 27   pas été tout à fait battus en déroute."

 28   Que voyons-nous jusqu'à présent, que c'est une terminologie guerrière


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  1   habituelle. Il faut battre l'ennemi, infliger le plus de pertes possibles.

  2   Pas de problème à ce niveau-là. Vous voyez les positions prises à ce

  3   moment-là par le Corps de la Drina :

  4   "Il faut épuiser l'ennemi et infliger le plus grand nombre de pertes

  5   possibles."

  6   Mais regardons maintenant ces termes-ci, je vais vous les  citer :

  7   "…et forcer l'ennemi à quitter les zones de Bihac, Zepa et Gorazde en

  8   même temps que la population musulmane."

  9   Vous entendrez que cette partie ainsi que d'autres régions autour de là

 10   étaient comprises. C'est un ordre juridique facile à rater, c'est juste une

 11   ligne de texte. Toutefois, c'est écrit noir sur blanc. Et on le verra

 12   bientôt, c'est plus que des mots. Dans une armée aussi disciplinée et aussi

 13   bien organisée que la VRS, cet ordre représente l'intention formelle des

 14   plus hauts dignitaires de l'armée des Serbes de les faire partir.

 15   Le général Milovanovic, qui est l'auteur de cela, déposera en tant

 16   que témoin de l'Accusation, et ce ne sera pas une surprise, il sera très

 17   franc quant à la signification de ces ordres. Nous verrons aussi ce que

 18   cela voulait dire.

 19   Quelques jours plus tard, on trouve un ordre du Corps de la Drina en date

 20   du 24 novembre 1992. C'est un document qui a été publié par le colonel

 21   Zivanovic, colonel à l'époque. On en entendra parler pendant ce procès. En

 22   1995, il était le commandant du Corps de la Drina et le général Zivanovic

 23   jusqu'au 13 juillet, lorsque le général Krstic a pris cette fonction. Mais

 24   en 1992, c'est lui qui commandait le Corps de la Drina. Alors que nous dit-

 25   il dans cet ordre ? Tout en haut, dans le premier paragraphe :

 26   "Conformément à la directive de l'état-major principal de l'armée de

 27   la Republika Srpska…" et il cite directement les numéros des ordres de la

 28   Directive numéro 4, donc il n'y a aucun doute quant à ce qu'il veut dire.


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  1   Il nous dit : "…j'ai décidé de lancer une attaque…"

  2   Mais, là encore, on voit les mots, le choix des mots, je cite :

  3   "…forcer la population musulmane locale à abandonner Cerska, Zepa,

  4   Srebrenica et Gorazde."

  5   En d'autres termes, ce qu'avait dit le général Milovanovic n'avait

  6   pas été oublié par le général Zivanovic, et on verra ensuite à quel point

  7   tout cela était important pour la VRS en termes de préparation

  8   psychologique et on verra aussi l'importance de cette opération d'un point

  9   de vue stratégique.

 10   "…informer les membres d'unités de l'importance des objectifs de cette

 11   opération et souligner que le résultat de ces petites actions et de toute

 12   l'opération est particulièrement important pour atteindre les objectifs

 13   pour le peuple serbe, à savoir la création et l'établissement d'un Etat

 14   serbe dans la région."

 15   Alors penchons-nous un instant, Monsieur le Président, sur cette carte.

 16   Vous avez entendu parler du Corps de la Drina, de différents sites en

 17   Bosnie orientale. Birac, là encore, c'est la zone de Bratunac, Vlasenica,

 18   Zvornik, Srebrenica et Cerska. Il y aura des références à Podrinje, le haut

 19   Podrinje, Podrinje central, le sud. Commençons par le commencement peut-

 20   être. A gauche, en bleu, vous avez la Drina qui s'écoule vers le nord sur

 21   la frontière orientale du Corps de la Drina. Elle passe par Bijeljina et

 22   elle se déverse dans un autre fleuve. Vous verrez qu'elle passe non loin de

 23   Zepa en bas, et on en reparler plus tard dans le cadre de ce procès. Les

 24   Musulmans ont dû partir pour rester en vie et traverser à la nage cette

 25   rivière. On le verra, le Corps de la Drina avait son quartier général à

 26   Vlasenica. Juste à côté, vous avez le Corps de Bosnie orientale, qui était

 27   commandé, comme je le disais tout à l'heure, par le général Simic; c'est

 28   celui qui a rédigé ces six objectifs stratégiques dans son agenda, et nous


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  1   en avons déjà parlé tout à l'heure.

  2   Venons-en maintenant à cette deuxième carte. Là encore, comme vous le

  3   voyez, vous avez la Drina en bleu et on voit bien qu'elle passe vraiment

  4   non loin de Zepa, cette rivière, et vous voyez les trois enclaves, en

  5   commençant par le sud-ouest et jusqu'au nord-est : Gorazde, Zepa et

  6   Srebrenica. Et vous voyez que Zepa et Srebrenica sont très proches. En

  7   fait, en plein milieu de la carte, il y a un drapeau bleu qui représente le

  8   poste de commandement de l'état-major principal de Crna Rijeka, au sud-est

  9   de Han Pijesak. Inutile de passer au crible chacune des brigades, mais

 10   juste au sud de Zepa, au sud-ouest, vous avez la 1ère Brigade d'Infanterie

 11   de Podrinje, que l'on connaît comme la Brigade de Rogatica, parce qu'elle

 12   était basée à Rogatica, et au nord de Srebrenica, on trouve la 1ère Brigade

 13   de Zvornik, qui était commandée par Vinko Pandurevic en juillet 1995.

 14   Alors, Madame, Messieurs, suite à la publication de cette Directive numéro

 15   4, on le verra, le Corps de la Drina n'a pas pu mener à bien toutes les

 16   missions qui étaient les siennes. On vous dira notamment que les forces

 17   musulmanes ont enregistré un certain nombre de victoires fin 1992 et début

 18   1993, y compris lors de l'assaut du Noël orthodoxe, assaut du village de

 19   Kravica le 7 janvier 1993. Cet assaut était mené par des forces menées par

 20   Naser Oric, et vous en entendrez parler. Evidemment, le général Tolimir

 21   connaissait ces événements, parce que c'était une défaite militaire de

 22   taille et cela représentait également une menace pour la sécurité de la

 23   région. Son travail consistait à savoir ce que faisait l'ennemi, et ce qui

 24   est plus important encore, c'est ce qu'il aurait pu faire ou s'apprêtait

 25   potentiellement à faire.

 26   Vous avez donc ici un exemple. En haut, on nous dit que c'est l'état-major

 27   principal de la VRS, l'administration de la Sécurité et des Renseignements,

 28   ça c'est son poste au sein de l'état-major principal. On parlera de secteur


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  1   un peu plus tard. Vous verrez, dans certains documents, on parle de secteur

  2   de la Sécurité et du Renseignement. Donc, soit administration, soit

  3   secteur.

  4   Ce sont des informations qu'il transfère. On l'a informé que des

  5   Musulmans ont prévu de renouveler leur attaque d'ici deux ou trois jours.

  6   Il surveille cette zone. Est-ce que l'on voit ? C'est une contre-attaque du

  7   Corps de la Drina. A l'écran, vous voyez donc un ordre de combat du Corps

  8   de la Drina pour libérer Kamenica, Cerska et Konjevic Polje, une série de

  9   villes que l'on repérera sur la carte dans quelques instants, à l'ouest de

 10   Srebrenica.

 11   On le voit dans ce premier paragraphe, le général Zivanovic parle de ces

 12   ordres qu'il avait donnés en novembre 1992 dans lesquels il avait repris

 13   les mots de la Directive 4, à savoir cet ordre criminel de faire partir la

 14   population musulmane, de les faire fuir. On le voit dans ce document, il

 15   fait allusion aux pertes subies par ses forces à Kravica, Glogova.

 16   Ensuite, il demande la libération. Là encore, avec les préparatifs

 17   psychologiques, on voit à quel point cette zone était éminemment importante

 18   pour les Serbes de Bosnie. Il faut souligner, et je cite :

 19   "…que la réussite de ces activités… est éminemment importante pour

 20   les Serbes de cette zone et au-delà."

 21   Dans le cadre de tout cela, il s'agissait de faire fuir toute la

 22   population en application des ordres du général Zivanovic. Vous entendrez

 23   des témoignages sur les attaques violentes du Corps de la Drina dans ces

 24   villages de Cerska, Kamenica et Konjevic Polje avec un pilonnage et un

 25   ciblage systématique des civils, ce qui a fait que la population a été

 26   forcée de fuir, que les maisons ont été incendiées après le passage de

 27   l'armée et la VRS utilisait un euphémisme pour décrire tout cela et parlait

 28   de libération. Lorsque vous voyez ce terme, "libérer" ou "libération", les


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  1   éléments de preuve montreront en fait qu'il s'agissait de nettoyage

  2   ethnique, de chasser d'expulsions par la force.

  3   Ici, vous avez une carte qui vous présente ces zones dont je vous

  4   parle. Vous voyez Zvornik. Au sud de Zvornik, vous avez la zone de

  5   Kamenica. Là, on a souligné Cancari, qui est à quelques kilomètres.

  6   Ensuite, il y a ces différents villages qui, un par un, Cerska, Konjevic

  7   Polje, villages qui sont tombés, et la population a été ramenée à

  8   Srebrenica. Il s'agit de pertes territoriales très importantes. Vous

  9   entendrez des témoignages de gens qui ont survécu à ces attaques, et vous

 10   entendrez également des témoignages sur la catastrophe humanitaire qui a

 11   été créée dès lors que l'on a regroupé ces dizaines de milliers de gens

 12   dans ou autour de la ville de Srebrenica.

 13   Peut-être pourrions-nous nous arrêter un instant sur une vidéo qui

 14   vous donnera une idée de quelles étaient les conditions, à l'époque.

 15   Ensuite, j'aimerais revenir sur la pertinence de ces événements par rapport

 16   à ce que pensait M. Tolimir et par rapport aux chefs d'Accusation qui lui

 17   seront reprochés dans le cadre de ce procès.

 18   [Diffusion de cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "En essayant de faire le maximum pour la population, les Nations

 21   Unies ont planifié et attendu le retour des réfugiés en pensant que la

 22   population de la région devrait être réduite, notamment pour ceux qui sont

 23   déjà des réfugiés, les milliers d'hommes et de femmes qui n'ont pas de

 24   logement et qui ne bénéficient d'aucun soutien dans la ville. C'est sur

 25   cette base que le Haut-commissariat pour les Réfugiés et son envoyé spécial

 26   ont nié cette implication de nettoyage ethnique.

 27   Les gens que nous avons évacués de Srebrenica ont déjà été purifiés d'un

 28   point de vue ethnique parce qu'ils viennent de régions qui sont tombées


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  1   sous le contrôle serbe. Ce ne sont pas des gens qui viennent de Srebrenica.

  2   Ce sont des réfugiés, et ils viennent des villages alentour de Cerska, de

  3   Kamenica Polje, des endroits qui ont été récupérés par les Serbes il y a

  4   quelque temps.

  5   "Toutefois, le plan de M. Mendeluce est très ambitieux. Depuis plus d'une

  6   semaine, des convois très importants ont parfois été retardés ou n'ont pas

  7   pu passer à cause de militaires aux points de passage militaires. Tout cela

  8   s'est intensifié et a été aggravé par les combats qui règnent dans la

  9   région. Il y a des tirs et des combats très importants autour de Srebrenica

 10   avec les Serbes qui pilonnent les maisons de la ville et les Musulmans qui

 11   contre-attaquent.

 12   "Parallèlement, il n'y a pas d'engagement au sol par rapport au plan

 13   d'évacuation de l'ONU, et chacun pense ici que les choses devraient se

 14   passer calmement.

 15   "Kate Adie pour BBC News, Bosnie."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   [Diffusion de cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "En Bosnie orientale, 37 Musulmans ont été blessés et ont été écartés

 20   de l'enclave. Les hélicoptères des Nations Unies et la force de protection

 21   des Nations Unies sont les premiers à avoir pu rentrer dans cette zone

 22   depuis un certain temps. Bon nombre de ceux qui sont dans la région se sont

 23   réfugiés dans les montagnes autour de Zepa et vont probablement avancer

 24   vers Gorazde, une autre enclave musulmane qui est considérée comme une zone

 25   de sécurité par les Nations Unies.

 26   "[aucune interprétation]"

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Thayer, vous


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  1   devez savoir qu'il n'y a pas eu d'interprétation vers le B/C/S.

  2   M. THAYER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais le son n'est

  3   pas tellement important. Ce qui était important, en l'occurrence, c'est de

  4   donner une impression visuelle de la population et du fait qu'il y avait

  5   tellement de gens qui étaient présents à Srebrenica, le fait qu'il y avait

  6   des blessés qui sortaient de Zepa, et cetera. Malheureusement, nous ne

  7   disposons pas d'une transcription écrite, que ce soit en anglais ou en

  8   B/C/S, de cette petite vidéo.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, je -- c'est quand même --

 10   cela pose problème.

 11   M. THAYER : [interprétation] Oui. Nous disposons d'une traduction pour tout

 12   le reste -- pour le reste de la présentation.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, très bien. Poursuivez.

 14   M. THAYER : [interprétation] Merci.

 15   Monsieur le Président, je voudrais maintenant revenir sur certains comptes

 16   rendus concernant ces activités pour essayer de gagner un peu de temps.

 17   J'aimerais en venir à ce dont je parlais il y a quelques instants, à savoir

 18   les éléments de preuve, le calendrier, l'état-major principal et tout ce

 19   qui a mené aux événements de 1993. Ce que nous avons maintenant à l'écran,

 20   c'est une analyse effectuée par l'état-major principal quant à savoir s'ils

 21   étaient prêts au combat, fin 1992. Alors, cette analyse de niveau de

 22   préparation au combat est une autoévaluation qui a été menée, tout d'abord,

 23   aux échelons les plus bas du commandement par l'état-major principal. C'est

 24   un compte rendu, une analyse de ce qui avait été fait de la performance au

 25   cours de ces derniers mois.

 26   Ici, nous avons ces éléments pour la période pour avril 1993.

 27   Il y a une conférence qui a eu lieu pendant deux jours sur ce niveau de

 28   préparation au combat M. Mladic était présent ainsi que ses commandants,


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  1   les commandants de corps, ainsi que les autorités politiques les plus

  2   élevées de la Republika Srpska. Ils ont présenté chacun leur analyse quant

  3   au niveau de préparation au combat, les enjeux, les difficultés, les

  4   missions à venir, et cetera. On le voit ici le général Tolimir était chargé

  5   de prendre la parole lors de ce séminaire, et ici on a un aperçu de la

  6   façon dont l'état-major principal se voyait lui-même et cela donne

  7   également une idée des principaux objectifs une stratégique et des

  8   directives qui avaient été prises.

  9   Cela fait allusion au besoin de faire reculer les Musulmans et de protéger

 10   les Serbes de l'extermination et de génocide, tout en posant les jalons

 11   d'un Etat serbe.

 12   Ensuite on parle de ces objectifs stratégiques plus précisément qui ont été

 13   définis devant l'état-major et qui servaient de grandes orientations à la

 14   lumière de laquelle les batailles allaient être menées.

 15   Ce qu'on nous dit ici c'est qu'ils avaient des objectifs plus larges qui

 16   avaient été fixés par les politiques, mais pour reprendre leurs mots -

 17   comme on le voit dans cet extrait, l'état-major principal de l'armée et je

 18   cite :

 19   "De la Republika Srpska a traduit ces objectifs qui avaient été fixés

 20   et ces missions en missions individuelles et générales pour la VRS."

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous n'avez rien à l'écran.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi mais on ne me présente que des

 23   documents en anglais, et au fur et à mesure de la présentation de ces

 24   documents il ne cite pas de cote 65 ter. Donc je ne suis pas en mesure de

 25   les retrouver. Ce que j'ai sous les yeux est en anglais uniquement. Merci

 26   de m'avoir permis de prendre la parole, je m'excuse auparavant d'avoir dû

 27   vous interrompre.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, nous ne sommes pas


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  1   en train de verser des pièces au dossier. Nous sommes dans la déclaration

  2   liminaire. C'est un problème que vous pourrez soulever plus tard. Merci.

  3   Veuillez poursuivre, Monsieur Thayer.

  4   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Ce que l'on voit ici là encore c'est que ce document qui a été rédigé par

  6   l'état-major principal précise que :

  7   "Pour protéger le peuple serbe de génocide qu'il s'agit de préserver

  8   le patrimoine culturel des Serbes, qu'il faut se concentrer sur la

  9   libération des territoires qui sont les nôtres et qui nous appartiennent,

 10   et ce, d'un point de vue historique."

 11   Donc pour ce qui nous intéresse que nous dit ce document sur le fait

 12   que l'armée se concentre sur cette zone Podrinje ? On le voit il tient

 13   compte des succès qu'ils ont pu enregistrer dans le passât concernant la

 14   libération, là encore on notera l'euphémisme, la libération de Podrinje.

 15   Ils parlent des objectifs stratégiques de la guerre qui sont atteints, à

 16   savoir entrer en contact avec la -- créer un contact avec la Serbie sur la

 17   Drina et que la Drina ne soit plus une frontière."

 18   Ça c'est l'objectif numéro 3.

 19   Là encore, en prenant Srebrenica, Kamenica, Cerska, Glogova, ces

 20   objectifs stratégiques seront atteints. Ces objectifs ne sont pas encore

 21   atteints parce qu'ils n'ont pas encore pris à Srebrenica.

 22   Enfin, on fait ici allusion à la présence du commandant de l'état-

 23   major principal ou à l'un de ses représentants dans les unités qui mènent

 24   cette mission de libération ce qui permettra d'appuyer les combats pour

 25   atteindre cet objectif unique. Ce que les éléments de preuve nous

 26   démontreront ici, Monsieur le Président, c'est quelle était la pratique ou

 27   quelles étaient les pratiques de l'état-major principal, à savoir mettre

 28   sur le devant de la scène l'un des assistants du général Mladic à lequel il


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  1   avait le plus confiance, le mettre sur place au cœur de la bataille pour

  2   qu'il puisse piloter, guider, et le cas échéant, faire en sorte que les

  3   objectifs du général Mladic soient bel et bien appliqués et atteints sur le

  4   terrain.

  5   Je voulais également vous montrer le compte rendu d'une réunion qui a

  6   eu lieu le 12 avril 1993. Lors de cette réunion étaient présents le

  7   commandant des forces des Nations Unies; le général Morillon, donc vous

  8   avez probablement déjà entendu parler; M. Mendeluce, le général que vous

  9   avez vu dans la vidéo et qui vous parlait de ce nettoyage ethnique; les

 10   généraux Mladic, Gvero, et Tolimir, évidemment, étaient présents à cette

 11   réunion.

 12   Le général Mladic dit -- déclare que :

 13   "Il a participé à cette réunion pour la population musulmane de

 14   Srebrenica et non pas pour son propre peuple."

 15   On voit, dans ce document, que Mladic dit qu'il était conscient du

 16   fait que la délégation de la présidence ne participerait pas à la réunion

 17   parce que ça faisait partie de la stratégie des Musulmans de présenter la

 18   situation comme étant aussi noire que possible, négative que possible. Il

 19   dit ensuite que la vérité c'est que Srebrenica n'a pas été attaquée et que

 20   tout était calme dans la région et que seul l'ABiH ou l'armée des Musulmans

 21   on y fait allusion comme étant l'ABiH, et que seule cette armée donc de

 22   Bosnie-Herzégovine avait rompu le cessez-le-feu. Il poursuit en disant que

 23   les civils n'étaient pas ciblés par la VRS. Ici, on parle de l'armée serbe

 24   de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. C'est l'ancienne appellation.

 25   Il dit que les Serbes n'avaient aucun problème concernant l'évacuation des

 26   civils que leurs actions étaient purement défensives et qu'il accuse les

 27   Musulmans d'utiliser les convois d'aide humanitaire à des fins de

 28   propagande pour atteindre leurs objectifs.


Page 354

  1   Enfin, pendant ce procès, vous le verrez, c'est une stratégie qui a été

  2   utilisée à plusieurs reprises par les membres-clés de l'état-major

  3   principal, que ce soit Mladic, Gvero ou Tolimir.

  4   Ça ne voulait rien dire tout est nié et des mensonges sont formulés. On

  5   peut induire en erreur les ennemis. On peut mentir à son ennemi. Certes,

  6   c'est la guerre. Mais lorsque l'on fait afin de serrer un objectif criminel

  7   tel que contraindre des populations civiles par la force à quitter leurs

  8   foyers tel que cela était le cas pour les populations musulmanes parce

  9   qu'elles constituent un obstacle à votre volonté de constituer un Etat

 10   serbe. Cela constitue une entreprise criminelle conjointe.

 11   Vous verrez, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, que le

 12   général Tolimir l'a fait au moyen de la VRS au moment où la VRS pilonnait

 13   les positions de la FORPRONU et les hôpitaux au centre de la ville de

 14   Srebrenica en juillet 1995.

 15   Vous verrez, dans cet extrait, qu'il est dit que M. Thornberry ait demandé

 16   si les Serbes avaient -- s'étaient emparés de Srebrenica par la force, et

 17   le général Mladic indiquait qu'il entendait régler le problème de

 18   Srebrenica par la voie politique, ajoutant que Srebrenica ne faisait pas

 19   partie de la Bosnie orientale, mais faisait partie intégrante de la

 20   Republika Srpska.

 21   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous entendrez parler

 22   d'un incident notoire qui a eu lieu ce jour-là, le 12 avril 1993,

 23   précisément. Les forces serbes ont pilonné un terrain de jeux à Srebrenica,

 24   tuant environ 60 personnes, dont la plupart étaient de jeunes enfants. Vous

 25   verrez, par ailleurs, que les Nations Unies répondent à ce pilonnage. Vous

 26   verrez que des témoins étaient présents. Nous les entendrons, ces témoins,

 27   ils déposeront. Nous verrons comment, à maintes reprises, l'état-major

 28   général tient des propos suivis d'actions qui sont en pleine contradiction


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  1   avec les propos tenus et, bien entendu, l'état-major principal savait fort

  2   bien ce qui se passait à Srebrenica au cours de cette période de 1993. Ils

  3   savaient fort bien également ce qui se passait en 1995, soit dit en

  4   passant.

  5   Vous voyez apparaître à l'écran une demande formulée par le commandement du

  6   Corps de la Drina, le colonel Zivanovic, une fois de plus, signe le

  7   document. Il l'adresse à l'état-major principal, le lendemain de ce

  8   pilonnage qui avait provoqué la mort de 60 personnes, et il indique :

  9   "Vous n'êtes pas sans savoir qu'un grand nombre de civils de Srebrenica et

 10   d'autres endroits ont trouvé refuge à Srebrenica."

 11   Puis il poursuit et évoque "la population piégée, encerclée par les forces

 12   serbes." Ce courrier, il l'adresse au général Gvero, chargé du moral des

 13   troupes, et commandant adjoint, chargé du moral des troupes. Il pose et il

 14   formule une requête au général Gvero, à qui il demande à ce que l'état-

 15   major principal lui apporte son concours --

 16   "Afin de résoudre le problème de la population qui souhaite quitter

 17   Srebrenica, afin que ces populations puissent effectivement quitter en

 18   toute sécurité la zone de combat."

 19   C'est là la requête qu'il formule : libération, évacuation en toute

 20   sécurité. Voilà encore les euphémismes parfaitement grotesques auxquels ont

 21   recours les membres de l'état-major général dans ces documents. C'est

 22   particulièrement sinistre et funeste, lorsque l'on voit que cela s'inscrit

 23   dans le contexte d'un courrier adressé par le général Zivanovic qui, lui-

 24   même, pilonne, qui est lui-même l'auteur de ces bombardements, qui est lui-

 25   même l'auteur de ce nettoyage ethnique, et qui lui-même a été à l'origine

 26   de ce mouvement de population civile vers la ville de Srebrenica. Puis les

 27   Nations Unies, quelques jours plus tard, décident de décrire cette zone

 28   comme étant une zone de sécurité et signant par là même, le début de cette


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  1   campagne épouvantable de nettoyage ethnique.

  2   Bien entendu que le général Tolimir est au courant. Après tout, cela

  3   fait partie de son profil professionnel. Il est tenu de savoir ce qui se

  4   passe dans cette zone, et on le voit qui envoie un rapport de

  5   renseignements à peine quelques jours plus tard, suite au massacre que j'ai

  6   évoqué, ce terrain de jeux. Il est adressé au président Karadzic. Tous les

  7   organes du Renseignement et de la sécurité sont passés vers l'autre rive de

  8   la Drina à l'armée de la Yougoslavie, la VJ. Dans ce document, il évoque le

  9   rôle joué par le général Morillon, et il ajoute, je cite :

 10   "Leur campagne de propagande, dont l'objectif est d'internationaliser le

 11   problème et de veiller à ce qu'il puisse y voir un déploiement de la

 12   FORPRONU à Srebrenica au moyen d'affirmations et de tirs d'artillerie

 13   visant la ville et ayant pour conséquence de nombreux décès parmi la

 14   population civile."

 15   Par conséquent, si l'on s'intéresse à cette façon dont M. Tolimir exprime

 16   les choses, on s'aperçoit que finalement, les 60 victimes de ce pilonnage

 17   ne sont jamais que des outils de propagande et de simples affirmations sans

 18   fondement.

 19   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous verrez à mesure et

 20   nous montrerons, preuves à l'appui, que le général Tolimir essaie de

 21   formuler un message qui permet précisément de poursuivre sur la voie des

 22   tactiques de la VRS.

 23   Grosso modo, ce qu'il nous dit, c'est :

 24   "Bien, vous savez, nous, nous ne faisons rien de mal. Il y a une

 25   propagande à notre encontre. Finalement, nous nous n'avons rien fait. Ce

 26   sont les Musulmans eux-mêmes qui s'autopilonnent, en quelque sorte, et

 27   voilà que c'est nous qu'on montre du doigt," dit-il.

 28   D'où la question ? Pourquoi le responsable de la sécurité et du


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  1   Renseignement pour l'état-major principal se fend-il d'un tel courrier ?

  2   Tout cela peut vous sembler une situation dans laquelle il se berce

  3   d'illusions, mais, finalement, tout cela est lié précisément aux atrocités

  4   épouvantables dont ont été victimes les populations serbes au cours de la

  5   Deuxième Guerre mondiale. Le général Tolimir, l'état-major principal, ont

  6   connu -- tout comme les autres dirigeants de la hiérarchie politique serbe,

  7   ont connu ces erreurs et partagent cette conviction, à savoir que les

  8   nations arabes du monde, les forces catholiques du monde conspirent afin

  9   d'assurer la perte des Serbes. Ce génocide était sur le point d'arriver, ce

 10   génocide de la population serbe, et le seul moyen d'éviter un tel génocide

 11   des Serbes, c'était d'éliminer précisément ces catholiques et ces

 12   Musulmans.

 13   S'agissait-il là d'une véritablement intime conviction de la part du

 14   général Tolimir ? Voilà une question à laquelle je ne peux pas répondre. En

 15   revanche, ce que vous entendrez à maintes reprises, c'est les preuves selon

 16   lesquelles le général Tolimir, tel un  mantra, essaie de nier ce qui était

 17   dit par le reste du monde. Il disait que la VRS ne tuait pas dans ces

 18   pilonnages les populations de Srebrenica. Il disait qu'il n'y avait pas de

 19   population affamée ou de population souffrante suite à cette campagne de

 20   nettoyage ethnique de la VRS. Maintenant, là encore, je ne sais pas s'il le

 21   croyait véritablement. Ça n'est pas extrêmement important. En revanche, il

 22   était, lui et le général Gvero, en charge de la propagande et ils

 23   s'efforçaient tous deux de faire passer ce message dans leurs propres

 24   rangs.

 25   Autre exemple, ici, le 17 avril 1993, autre rapport des services de

 26   Renseignements

 27   "Les Musulmans manipulent les blessés" - dit-il - "et prétendent que

 28   tout cela est dû aux activités militaires de la VRS."


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  1   Quelques jours plus tard, il fait référence à la campagne de

  2   propagande relative à Zepa et à Gorazde où :

  3   "D'aucuns prétendent" - dit-il - "que des populations meurent de

  4   faim, comme ça avait été le cas à Srebrenica."

  5   Malgré la condamnation internationale exprimée dans le cadre de la

  6   Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, 819, déclarant

  7   Srebrenica zone de sécurité, et peut-être même motivé par cette résolution

  8   du Conseil de sécurité, la VRS lance une nouvelle offensive en mai 1993; et

  9   l'on voit ici qu'il s'agit d'un ordre de combat de l'état-major principal

 10   "aux fins de libération des enclaves de Zepa et Gorazde."

 11   C'est à l'état-major principal même que ce document est rédigé, et

 12   comme à l'accoutumée, on y évoque en préambule la situation politique : les

 13   pensons de l'ennemi. L'on dit, dans ce document, que les VRS redoutent les

 14   forces de maintien des Nations Unies qui, à Zepa, les empêcheront de se

 15   saisir de Zepa comme, finalement, on les avait empêchés de se saisir de

 16   Srebrenica, en son temps. Cet ordre de combat, et je cite un paragraphe

 17   opérationnel au début du texte, je cite donc :

 18   "Les dirigeants musulmans essaient d'internationaliser le problème de la

 19   région de Podrinje et, coûte que coûte, essaient de veiller à ce que les

 20   forces des Nations Unies de Srebrenica, Zepa et Gorazde puissent organiser

 21   d'autres actions humanitaires."

 22   Là encore, grosso modo, il faut traduire. Ce qu'il dit c'est : il faut

 23   qu'on se débarrasse des Musulmans avant que les forces internationales

 24   n'arrivent, et à chaque fois qu'il répète, comme ça, "internationaliser le

 25   problème", c'est un mantra, je vous le disais, et vous l'aurez déjà entendu

 26   parce qu'on a retrouvé exactement les mêmes mots dans le rapport des

 27   services de Renseignements du général Tolimir. On voit, là, la main du

 28   général Tolimir dans la formulation du texte. Il contribue lui-même à cet


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  1   effort global visant à ce que soient expulsées de force les populations

  2   musulmanes de la Bosnie orientale.

  3   Je vous propose maintenant de passer au document suivant, où l'on parle de

  4   nettoyer pleinement la vallée de la Drina -- différentes zones de la vallée

  5   de la Drina et où il est dit, à peu près au milieu du texte, et je cite :

  6   "Afin de permettre à la population civile bosniaque de quitter la zone et

  7   afin qu'ils puissent être transférés" - c'est là le terme qu'ils

  8   choisissent - "vers d'autres régions ou reconnaître le rôle de la Republika

  9   Srpska et ainsi créer des conditions favorables au retour de la population

 10   serbe sur les rives gauche et droite de la Drina."

 11   Là encore, afin de parvenir à des objectifs stratégiques, donc premier

 12   objectif séparer les Serbes des Musulmans et, deuxièmement, éliminer cette

 13   frontière naturelle que constituerait entre les deux Etats serbes la

 14   rivière qu'est la Drina. Ici, il est fait référence à une sortie organisée

 15   des populations musulmanes, et vous verrez au haut du document que l'on

 16   fait référence au Détachement de Sabotage et le 65e Régiment de Protection,

 17   et vous voyez ici comment ces unités de l'état-major principal ont été

 18   utilisées au cours des opérations dont était la cible Srebrenica et ses

 19   activités de meurtre. Donc il s'agit de faciliter la sortie et d'organiser

 20   le transfert, un petit peu comme cette évacuation en toute sécurité, citée

 21   par le général Zivanovic. Là encore, des litotes et des euphémismes, et

 22   l'on fait référence ici à la nécessité de se soumettre à l'autorité de la

 23   Republika Srpska. L'on voit ici un exemple, le rapport -- je passe du

 24   rapport que nous avons examiné, il y a quelques instants à d'autres

 25   éléments de preuve qui vous feront comprendre que la VRS sait, à ce moment-

 26   là, qu'aucun Musulman, dès lors qu'il est sain d'esprit, ne choisirait de

 27   rester sur place, et d'ailleurs, la VRS ne le leur aurait jamais permis. La

 28   destruction de mosquées, l'une après l'autre, est un des éléments qui nous


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  1   permet d'imaginer ce qu'aurait pu être leur sort s'ils décidaient de

  2   rester. Là encore, il s'agit d'activités qui ont eu lieu également en 1995.

  3   Finalement, ces documents de la VRS se livrent à des propos purement

  4   oratoires visant à donner le sentiment que les Musulmans pourraient rester

  5   sur place s'ils se soumettaient à l'autorité de la VRS. Ce sont de vains

  6   propos. Il ne s'agit jamais que de -- ce sont des propos parfaitement

  7   hypocrites.

  8   Merci.

  9   Vous voyez ici un rapport des services de Renseignement où il est dit que

 10   les Nations Unies ont adopté une autre résolution déclarant Gorazde,

 11   Sarajevo, Zepa et Bihac une zone de sécurité. M. Butler, l'expert militaire

 12   du bureau du Procureur, vous montrera probablement qu'un autre ordre de

 13   combat cite les mêmes éléments. Je vous rappelle qu'il y a trois enclaves :

 14   Gorazde, Zepa et Srebrenica. Bon, manifestement, ici, nous nous

 15   intéresseront particulièrement, pour 1995, à Srebrenica et à Zepa, mais il

 16   y a trois orientales en Bosnie orientale et il faut le savoir.

 17   Vous verrez des rapports remontant à l'époque où l'on pilonnait Zepa. Là

 18   encore, c'est le général Tolimir qui en est l'auteur et qui adresse ce

 19   rapport au président Karadzic, et dans ce rapport, il décrit l'attaque

 20   comme étant une activité de propagande. Il parle d'affirmations éventuelles

 21   alors qu'en fait, personne ne peut nier la réalité sur le terrain.

 22   Vous voyez ici à l'écran un texte dans lequel il affirme qu'il y a eu ne

 23   campagne de désinformation systématique, que l'on a indiqué qu'il y avait

 24   des attaques -- que d'aucuns prétendent qu'il y a eu des attaques de la

 25   VRS. Vous venez de voir l'ordre de combat, indiquant qu'il fallait procéder

 26   à ces attaques, et nous avons vu que les Nations Unies ont dû intervenir

 27   précisément pour mettre un terme à ces attaques. Dans ce document daté du 3

 28   mai 1993, autre rapport des services d'Intelligence, l'on fait référence à


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  1   ces rapports faisant état d'attaques supposées, de nettoyage ethnique, de

  2   populations affamées et qu'on décrit comme une campagne de propagande. Ils

  3   parlent beaucoup, disent-ils, "de populations affamées, de manque de

  4   médicaments et font appel à la conscience des institutions

  5   internationales." Ce texte, il est rédigé par le général Tolimir la veille,

  6   ou à peine quelques jours avant que la zone de Zepa ne soit déclarée par

  7   les Nations Unies comme une zone de sécurité, et quelques jours à peine

  8   avant que des populations civiles, hommes et femmes, soient blessées, et

  9   vous en avez vu des images lors de la séquence vidéo que je vous ai montrée

 10   tout à l'heure : une petite fille, des hommes vieux, de vielles femmes

 11   victimes de ces tirs de tireurs d'élite ou de ce pilonnage. Tout cela est

 12   pertinent, Madame, Monsieur les Juges, Monsieur le Président, parce que

 13   cela montre à quel point le général Tolimir, dans son machiavélisme,

 14   souhaitait précisément veiller à ce que ces expulsions de force, à ce que

 15   cette souffrance généralisée mènent au départ définitif des populations

 16   musulmanes. La hiérarchie politique et militaire serbe de Bosnie avait

 17   manigancé un plan visant à ce que ces enclaves disparaissent. Il

 18   s'agissait, grosso modo, de créer des tensions -- de créer cette

 19   catastrophe humanitaire de 1993. Cela faisait partie de leur plan, et il

 20   faut comprendre, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, à quel

 21   point le général Tolimir était familier de ces enclaves. Il connaissait

 22   très bien -- il savait quelle était l'importance stratégique pour la

 23   hiérarchie politique et militaire serbe, dont il était un des rouages

 24   essentiels. Ainsi, lorsque arrive 1995, il procédera précisément de la même

 25   manière, il mènera les mêmes opérations et se livrera aux mêmes activités.

 26   Permettez-moi à présent, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

 27   de vous livrer un bref aperçu des éléments de preuve à charge relatifs à

 28   l'état-major principal, aux devoirs et responsabilités de l'accusé au sein


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  1   de cet état-major principal, relatifs également à la façon dont

  2   fonctionnait ce secteur.

  3   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, aux plus hauts rangs de

  4   la VRS -- aux plus hauts échelons de la VRS, c'était précisément l'état-

  5   major principal qui était chargé d'organiser les activités militaires de

  6   l'armée. C'est là qu'étaient coordonnés les objectifs politiques et les

  7   efforts diplomatiques menés par la hiérarchie politique -- le gouvernement

  8   des Serbes de Bosnie, mais c'était l'état-major principal qui, au plus haut

  9   niveau, interagissait avec le président Karadzic d'une part et avec M.

 10   Krajisnik et l'assemblée de l'autre. L'état-major principal et ses membres,

 11   les officiers, tels que le général Tolimir, le général Gvero et Mladic,

 12   lui-même, parfois, s'adressaient directement à l'assemblée nationale,

 13   puisqu'ils fournissaient un aperçu de la situation politique sur place. Ces

 14   officiers brossaient un tableau de la situation militaire sur le terrain et

 15   ils connaissaient les chiffres, ils connaissaient les données chiffrées

 16   factuelles pour l'ensemble du théâtre des opérations, et c'est de cela

 17   qu'ils parlaient à l'assemblée nationale serbe. Ils prônaient, au nom de

 18   l'armée, pour différents dossiers, ils prônaient la -- ils demandaient des

 19   financements afin de parvenir à des objectifs militaires spécifiques pour

 20   telle ou telle municipalité, et il y avait également des rencontres

 21   régulières entre le général Tolimir et certains officiers de l'état-major

 22   principal et également avec le président Karadzic. Ils avaient des

 23   entretiens téléphoniques à intervalles réguliers. Vous verrez que le

 24   président Karadzic avait un calendrier où figurent, justement, les dates de

 25   ces réunions et de ces rencontres à Pale et à la présidence. En fait, vous

 26   entendrez le général Tolimir et le général Mladic eux-mêmes évoquer la

 27   façon dont l'état-major principal se faisait le relais des informations

 28   auprès de -- et ce, plusieurs fois par jour, parfois, auprès du président


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  1   Karadzic.

  2   Je vous propose à présent d'évoquer la structure de l'état-major principal.

  3   Vous devriez voir un organigramme apparaître à l'écran. Nous avons essayé

  4   de le rendre le plus simple possible, même si ce n'est pas toujours

  5   réalisable de présenter les choses de façon facile. Donc, vous voyez tout

  6   au haut de la hiérarchie le général Mladic, dont vous savez qu'il était

  7   commandant de l'état-major et placé directement sous les ordres du

  8   président Karadzic; répondant directement au général Mladic, son chef

  9   d'état-major, Manojlo Milovanovic, placé directement sous ses ordres et qui

 10   occupait non seulement le poste de chef d'état-major mais également de

 11   commandant adjoint, si Mladic était absent. En tant que primo au sein de

 12   l'armée, le général Milovanovic avait le droit de délivrer des ordres de

 13   combat. Le général Milovanovic pourrait être décrit comme étant le

 14   principal opérationnel militaire, si vous voulez, de Mladic au cours des

 15   semaines et mêmes des mois -- et pendant des mois durant à cette époque-là.

 16   Vous verrez qu'en juillet 1995, le général Milovanovic n'était plus

 17   présent, en fait, dans la partie occidentale du pays. Il n'était pas là.

 18   Le général Milovanovic était également chef de l'état-major -- ou

 19   pour l'état-major principal, et donc, il était au centre névralgique de

 20   l'état-major. Vous le voyez apparaître à l'organigramme. Le cœur même de

 21   l'état-major principal, à bien des égards, le centre névralgique des

 22   opérations, et Radivoje Miletic était le chef des opérations et de la

 23   formation, chef de ce secteur. Ses principales attributions étaient de

 24   suivre la situation sur le théâtre de guerre, de procéder à une analyse de

 25   tous les rapports émanant des différents corps d'armée, concocter un

 26   compendium à adresser au président Karadzic jour après jour, mais également

 27   décantant un petit peu les informations en ne fournissant que les

 28   informations les plus importantes. Par ailleurs, il y avait également sur


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  1   le théâtre des opérations la nécessité de transformer les intentions du

  2   général Mladic en documents de combat à proprement parler. Ce sont eux qui

  3   distribuent ces documents de combat au nom de l'état-major.

  4   Vous verrez qu'au sein du service du général Miletic, il y avait

  5   également un chef du département des opérations. A l'époque, c'était le

  6   colonel Ljubo Obradovic, qui était chef adjoint de la section des

  7   opérations. Vous l'entendrez -- vous entendrez parler de lui. En fait, vous

  8   l'entendrez déposer lui-même puisqu'il sera témoin à la barre, ici même. Le

  9   colonel Obradovic était dans son service, le centre névralgique de toutes

 10   ces activités d'analyse et d'information. Dans la mesure où le service

 11   d'Administration et des Opérations était chargé d'obtenir les informations

 12   de différentes sources, donc les rapports des corps d'armée, les rapports

 13   quotidiens qui arrivaient jour après jour, les rapports émanant des

 14   différents commandants adjoints, les rapports émanant des corps d'armée et

 15   des commandants des corps d'armée, les informations du général Tolimir, du

 16   service de Sécurité et de Renseignement, tout cela était fédéré au sein de

 17   ce service.

 18   Vous verrez que - vous le verrez dans quelques instants - vous verrez

 19   que de bonnes transmissions et la transmission de rapports réguliers

 20   étaient essentielles pour l'état-major principal, tant au niveau du centre

 21   des Opérations à proprement parler que le long des différents axes de

 22   commandement. Nous verrons qu'en juillet 1995, parce que le général

 23   Milovanovic n'était plus présent sur place, c'est le général Tolimir qui

 24   assumait les fonctions du général Milovanovic. Vous verrez des documents

 25   qui le montrent très clairement. Il y avait le chef de l'état-major, il y

 26   avait le secteur -- ce service de l'état-major, mais Mladic avait aussi des

 27   adjoints, chacun responsable de leur service.

 28   Mais je vois l'heure qu'il est. Je pense que l'heure de la pause est


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  1   presque arrivée, Monsieur le Président. Est-il utile de faire la pause ? Je

  2   pourrais reprendre le fil de mes arguments -- je peux continuer maintenant,

  3   si vous voulez.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il vous faudrait combien de minutes

  5   pour terminer ce volet-ci ?

  6   M. THAYER : [interprétation] Davantage de temps que celui qu'aimeraient

  7   avoir les interprètes pour faire une pause.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire une

  9   pause imposée par des raisons techniques et nous reprendrons à 16 heures

 10   15.

 11   --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

 12   --- L'audience est reprise à 16 heures 16.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous allez bientôt reprendre, mais

 14   auparavant je voudrais dire ceci. La Chambre vous serait grée si vous

 15   pouviez fournir à M. Tolimir les numéros des documents visés par l'article

 16   65 ter que vous avez déjà utilisés ou que vous allez utiliser pendant votre

 17   propos liminaire. S'il y a aussi une traduction de la transcription de la

 18   séquence vidéo, vous devriez la fournir à M. Tolimir aussi.

 19   M. THAYER : [interprétation] Merci. J'ai bien compris. Ce que j'ai fait

 20   mercredi, c'est fournir à Me Gajic une table des matières de tous les

 21   documents par sujets avec les numéros ERN en anglais, en B/C/S, avec les

 22   numéros 65 ter dans l'ordre dans lequel je vais les utiliser pour qu'il

 23   puisse prendre connaissance de ma présentation. C'est une présentation en

 24   PowerPoint, et je ne vais donc pas mettre en regard les versions B/C/S et

 25   anglaise. Mais je me suis entretenu avec Me Gajic, et apparemment M.

 26   Tolimir a du mal à passer de la table des matières au prétoire

 27   électronique. Bien sûr, c'est à la Chambre de décider, et il faut voir

 28   aussi ce qu'en pense la sécurité, mais nous, nous n'aurions aucune


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  1   difficulté à voir Me Gajic aider M. Tolimir pour ce qui reste de mon propos

  2   liminaire.

  3   Si nous avons fourni cette table de matière, c'est précisément pour

  4   que lui, il puisse suivre dans sa langue maternelle les débats.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation]  Merci. Nous sommes satisfaits de ce

  6   que vous proposez. Si la Défense dispose des numéros de documents utilités,

  7   c'est très bien.

  8   Est-ce que vous allez montrer d'autres séquences vidéo ?

  9   M. THAYER : [interprétation] Oui, et il y a des sous-titres. Je parle ici

 10   avec l'oracle, et de toute façon l'original est en B/C/S, ce qui veut dire

 11   que M. Tolimir pourra comprendre ce qui se dit. Nous avons des sous-titres

 12   en anglais, mais l'original est en B/C/S. Ça ne devrait pas poser de

 13   problème à M. Tolimir.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 15   Poursuivez.

 16   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   J'en étais resté au moment où nous commencions à parler des commandants

 18   adjoints du général Mladic. Nous avons parlé du service d'état-major avec à

 19   sa tête le chef d'état-major, et techniquement, le général Milovanovic

 20   n'était pas commandant adjoint comme l'était, par exemple, le général

 21   Tolimir. Lui, il était chef d'état-major primus sinter pares et il avait ce

 22   pouvoir intra secte de donner des ordres de combat, ce que n'avaient pas

 23   les autres adjoints s'ils n'y avaient pas été autorisés expressément par le

 24   général Mladic. Mais nous verrons qu'en fait, les commandants adjoints

 25   étaient habilités à donner des ordres de combat de temps en temps si cette

 26   autorité leur était donnée par M. Mladic.

 27   Passons quelques instants à parler de façon générale du rôle de chacun de

 28   ces adjoints au sein de l'état-major principal. J'ai parlé de chaîne de


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  1   commandement, de voie hiérarchique professionnelle. Qu'est-ce que cela veut

  2   dire, dans l'état-major principal, comme c'est vrai dans une société, vous

  3   avez différents services avec chacun sa spécialisation, sécurité et

  4   renseignement, ça en était un. La logistique, ça en était un autre. Le

  5   moral des troupes -- il y avait à la tête de chacun de ces services un

  6   commandant adjoint. Il nous arrive de parler de la ligne ou de la chaîne

  7   spécialisée ou experte, mais ça revient au même. Un commandant adjoint, il

  8   est commandant adjoint dans un domaine particulier, que ce soit la sécurité

  9   et le renseignement, le moral des troupes, la question du personnel, et

 10   ainsi de suite. Chacun de ces chefs adjoints rend compte directement au

 11   général Mladic.

 12   Dans chacun de ces secteurs, le commandant adjoint dispose

 13   d'officiers à qui il peut donner des ordres, et ces subordonnés

 14   s'inscrivent dans une voie hiérarchique organique visée par la dotation des

 15   effectifs. Nous allons revenir sur ce sujet dans quelques instants. Je

 16   parle là de branches qui toutes faisaient rapport en passant par les

 17   adjoints, comme Tolimir, à Mladic tout en représentant un domaine

 18   d'activité spécialisée. Et nous allons voir comment ces différents services

 19   s'intégraient.

 20   Chacun de ces chefs adjoints devait faire des propositions au général

 21   Mladic, des propositions basées sur leurs connaissances précises, que ce

 22   soit la logistique, le moral des troupes, que ce soit les questions

 23   relevant de la sécurité et du renseignement. Ils avaient dans le cadre de

 24   leurs attributions de faire des propositions, examinées, acceptées,

 25   rejetées ou modifiées par Mladic, et en fin de compte, Mladic devait

 26   prendre une décision. Et s'il donnait un ordre partant d'une proposition

 27   faite par un chef adjoint, c'était le chef adjoint qui devait veiller à ce

 28   que l'ordre donné par Mladic soit appliqué sur le terrain jusqu'au dernier


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  1   échelon. Et comment le faisait-il, le chef adjoint, en exerçant un contrôle

  2   professionnel en donnant des directives, en faisant une gestion spécialisée

  3   des officiers se trouvant aux échelons subalternes de cette voie

  4   hiérarchique. Il devait veiller à ce que la mission soit exécutée dans le

  5   droit fil de l'intention qui était celle du général Mladic. Ses chefs

  6   adjoints savaient ce que voulait le général Mladic et ses chefs adjoints

  7   veillaient à ce que chacun des hommes sache ce qu'il avait à faire sur le

  8   terrain pour exécuter l'ordre donné.

  9   Il y a la question du fait qu'il pouvait donner des ordres dans leur

 10   service et connaissance respectifs, par exemple, Djukic pouvait dire à

 11   quelqu'un de transporter une telle quantité de brodequins à un autre

 12   endroit, et le commandant adjoint rendait compte en personne au général

 13   Mladic pour faire rapport de ce qu'avait fait l'adjoint subordonné ou de ce

 14   qu'il n'avait pas fait sur le terrain. Les commandants adjoints étaient

 15   toujours responsables de ce que faisaient leurs subordonnés professionnels.

 16   C'était ça sa vocation. Il était supposé assurer la gestion de ce que

 17   faisait les échelons inférieurs.

 18   Passons quelques instants à l'examen de certains de ces secteurs et

 19   de ses chefs adjoints pour voir ce que ces services font. Il y a d'abord le

 20   général Gvero, qui s'occupait du secteur du moral des troupes.

 21   Nous voyons l'intitulé de sa fonction : commandant adjoint au moral

 22   et aux affaires juridiques et religieuses. Qu'est-ce qu'on entend par la

 23   guidance morale, il y a plusieurs volets, mais c'est surtout veiller à ce

 24   que le moral des troupes soit suffisant. Il fallait veiller à ce que les

 25   hommes continuent de vouloir combattre, qu'ils comprennent aussi pourquoi

 26   ils se battaient et qu'ils vont rester respectueux de leurs chefs et feront

 27   ce qu'on leur dira de faire. C'est ce que devait faire le général Gvero. Il

 28   avait la responsabilité du moral des troupes dans toute l'armée pour que ce


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  1   moral ne s'affaiblisse pas, ne fléchisse pas, que les soldats ne désertent

  2   pas, c'est là un exemple.

  3   Vous allez le voir, le général Gvero et le général Tolimir devaient

  4   grandement coopérer, puisqu'il y avait un chevauchement entre leurs deux

  5   domaines d'activités. S'il y a beaucoup de déserteurs, si beaucoup de

  6   crimes sont commis dans une unité donnée, c'est là un indice d'un problème

  7   au niveau du moral des troupes, mais c'est peut-être aussi une indication

  8   qu'il y a un problème de sécurité, et ceci concerne le général Tolimir

  9   aussi. Donc il y a un peu un chevauchement des compétences. C'est vrai

 10   aussi pour la propagande et les activités psychologiques. La mission du

 11   général Tolimir, c'était de procéder à une évaluation des forces de

 12   l'ennemi et de ses intentions, savoir ce que veut faire l'ennemi, ce qu'il

 13   est capable de faire. Il faut se mettre dans la tête de l'ennemi, et pour

 14   cela, cela veut dire propagande, contre-propagande et opérations

 15   psychologiques. Il y avait dans ce domaine aussi chevauchement,

 16   recoupement.

 17   Maintenant, nous allons voir le lieutenant-colonel Milovan Milutinovic,

 18   chef du département chargé des activités d'Information et de Propagande

 19   psychologique. Il était à la tête du centre d'Information de l'état-major

 20   principal et il rendait compte au général Gvero. Vous allez voir le colonel

 21   Milutinovic sur le terrain, lors des réunions de l'hôtel Fontana - vous en

 22   avez déjà sûrement entendu parler - vous allez le voir à Zepa. Vous allez

 23   voir le général Tolimir donner l'ordre qu'on envoie des haut-parleurs à

 24   Zepa, qu'on les amène au général Milutinovic pour qu'il puisse diffuser des

 25   messages de propagande aux civils de Zepa pour leur dire que l'heure était

 26   venue pour eux de partir, qu'ils n'avaient plus à rester à Zepa. Ceci,

 27   c'était une tactique communément utilisée par la VRS.

 28   Le général Gvero avait aussi la responsabilité des affaires


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  1   juridiques. Il devait superviser ce qu'il y avait en matière d'activités

  2   disciplinaires, de sanctions et autres mesures de discipline. Il y avait,

  3   bien sûr, une autre filière, les tribunaux militaires, qui s'occupaient de

  4   ces questions, mais c'était le général Gvero qui avait la responsabilité de

  5   la supervision de ces activités. Si vous avez tout d'un coup un nombre

  6   élevé d'exactions commises, de violence entre soldats dans une unité, ceci

  7   peut signifier un problème au niveau du moral, et ceci devait rester du

  8   ressort du général Gvero. Vu la nature religieuse de ce conflit, c'est

  9   aussi quelque chose qui était de la responsabilité du général Gvero. Il

 10   devait assurer la liaison avec l'Eglise orthodoxe serbe, au fond donc avec

 11   la communauté religieuse, et vous verrez qu'il y a des membres du clergé

 12   qui participent à plusieurs activités, des manifestations, à diverses

 13   fêtes. Vous le verrez au cours de ce procès.

 14   Nous avons le centre de l'Organisation, de Mobilisation et du

 15   Personnel, dirigé par le général Skrbic. En somme, son service était

 16   responsable du contrôle de la mobilisation, de l'équipement, mais aussi des

 17   questions de formation et d'affectation à leur poste des officiers. Puis,

 18   il y a Djordje Djukic. Il était responsable de l'arrière de la logistique

 19   et le train. Donc il devait assurer la diffusion, la distribution du

 20   matériel de guerre, les carburants, les vêtements, et effectivement, il

 21   fallait maintenir toutes ces bases logistiques qu'avait l'armée pendant

 22   toute la période de guerre.

 23   Prenons le secteur du Renseignement et de la Sécurité. Je vais, pour

 24   commencer, vous montrer le texte d'une allocution faite par le général

 25   Tolimir à l'occasion d'une réunion de l'assemblée nationale de la Republika

 26   Srpska particulièrement houleuse en 1995, à Sanski Most. Certains

 27   militaires avaient été critiqués. Nous allons le voir ici, Tolimir fait une

 28   assez bonne description, description succincte, de ses fonctions. Il doit


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  1   récolter des renseignements à propos des plans de l'ennemi, des intentions

  2   de l'ennemi. Les organes se trouvant sous sa tutelle ont jusqu'à présent

  3   obtenu des renseignements d'importance stratégique portant sur les

  4   dirigeants politiques et militaires permettant de faire une analyse précise

  5   du comportement des ennemis de la Serbie, et c'est important ici, grâce à

  6   cela, d'avoir pris des décisions qui s'imposaient.

  7   Ici, il parle de ses rapports quotidiens en matière de sécurité et de

  8   renseignement que son équipe compilait et envoyait au président et à tous

  9   les organes compétents dans l'armée et, sur l'autre rive de la rivière, à

 10   l'armée de Yougoslavie, à la VJ. Il dit :

 11   "Je fournis ces informations chaque jour… Je les envoie depuis le

 12   début de la guerre…"

 13   Il endosse la responsabilité. Il dit :

 14   "Je suis prêt à le faire pour mes collaborateurs, qui sont mes suppléants

 15   quand je suis absent et qui travaillent cette information…"Et moi, je suis

 16   prêt à être démis de mes fonctions, car c'est moi qui suis responsable du

 17   travail que ces hommes font à ma place."

 18   Des renseignements sont récoltés de diverses manières. Il y a des

 19   informateurs, des documents sont capturés, on interroge des prisonniers de

 20   guerre, il y a des mises sur écoute, donc interception de communications

 21   téléphoniques, communications radio, et le service du Renseignement était

 22   responsable de la planification et de l'exécution d'actions de

 23   reconnaissance. Des soldats sont envoyés en profondeur pour obtenir des

 24   renseignements et mènent aussi des actions de sabotage.

 25   La sécurité, elle, englobait trois grands domaines. Le contre-

 26   espionnage, ça fait un peu bizarre, mais le contre-espionnage ne relève pas

 27   du service du Renseignement, mais du service de la Sécurité, et au Contre-

 28   espionnage, on essaie d'identifier et de réprimer tout ennemi interne,


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  1   traître, des espions pour que l'ennemi n'obtienne pas les renseignements

  2   qu'on essaie d'obtenir de l'ennemi. C'était ça la mission du contre-

  3   espionnage. Doté de ces renseignements, l'organe chargé de la Sécurité

  4   devait informer le commandant s'il y avait des mesures pour proposer aussi

  5   des mesures pour réparer.

  6   Deuxième grand domaine : poursuite. Par exemple, si des soldats ont commis

  7   des infractions ou s'il y a des déserteurs. Ce n'est pas ce service qui

  8   avait fonction d'organe judiciaire, mais il y a la police militaire, qui

  9   est sous l'ordre de l'organe de Sécurité, qui va aller procéder à des

 10   arrestations, et s'il y a des juristes, en général, il y a des juristes

 11   dans une Unité de la Police militaire, qui vont rédiger les actes

 12   nécessaires.

 13   Troisième grand domaine d'activité de cet organe de la Sécurité - ce qui

 14   est important ici pour notre procès - il supervisait le travail fait par

 15   les Unités de la Police militaire. Quelles sont les obligations de ces

 16   Unités de la Police militaire, protection civile, ça en est une pour ce qui

 17   est des militaires importants; protection des installations militaires;

 18   police de la circulation; et aussi prévention de la criminalité. Ce qui est

 19   important aussi c'est qu'il devait s'occuper des prisonniers de guerre,

 20   qu'il s'agissait d'escorter et de surveiller.

 21   Le général Tolimir était à la tête de ces deux secteurs dans le service.

 22   C'est normal. C'est logique, parce que ces deux activités ou des activités

 23   qui se regroupent, l'administration de Renseignement et Sécurité, vous

 24   allez l'apprendre avait son propre chef. Le chef du service du

 25   Renseignement c'était Petar Salapura, et le chef de l'organe chargé de la

 26   sécurité c'était Ljubisa Beara, je vais vous parler de ces deux hommes et

 27   de ce qu'ils faisaient.

 28   Mais je l'ai déjà dit, le général Tolimir qui était le supérieur


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  1   hiérarchique immédiat de ces deux hommes. Il pouvait leur donner des

  2   ordres, des commandements dans le cadre de ses activités. Il pouvait aussi

  3   leur transmettre des ordres venus de son supérieur à lui, à savoir le

  4   général Mladic ou même le président. Si on reçoit un ordre du président on

  5   a tout d'abord l'obligation d'en informer son supérieur immédiat, à savoir

  6   Ratko Mladic.

  7   Salapura et Beara avaient l'obligation de faire rapport au général

  8   Tolimir et de lui dire s'il y avait une évolution importante sur le

  9   terrain. Il devait lui faire des propositions et devait exécuter et veiller

 10   à l'exécution d'ordres donnés ou transmis par le général Tolimir. Ceci vaut

 11   dans les deux sens de la voie hiérarchie, du haut vers le bas, du bas vers

 12   le haut, c'est comme ça que ça fonctionne. Les subordonnés doivent faire

 13   rapport à leurs supérieurs hiérarchiques pour dire que la mission confiée a

 14   bien été exécutée.

 15   Le général Mladic avait la capacité de donner des ordres directement à

 16   Salapura ou à Beara mais il devait d'abord en informer le général Tolimir.

 17   Pourquoi ? Parce que Tolimir avait l'obligation de savoir parce que ces

 18   deux hommes c'était des hommes à Tolimir. Dans le cadre de ses compétences

 19   à lui, lui qui était chef du Renseignement et de la Sécurité, il ne pouvait

 20   pas prendre de décision instruite sans cela, surtout vu l'importance des

 21   questions et des domaines. Il ne pouvait pas prendre de véritable décision

 22   sans être vraiment informé de ce que ses supérieurs immédiats faisaient.

 23   Je le rappelle Tolimir devait rendre compte de ce qu'il faisait à Mladic et

 24   il rendait compte de ce que faisaient les hommes qui lui étaient

 25   subordonnés, à savoir Salapura et Beara.

 26   En juillet 1995, nous allons voir comment tout ceci s'est concrétisé, c'est

 27   manifesté sur le terrain, parlons de recrutement, comment arrivait-on dans

 28   les organes du Renseignement et de la Sécurité ? Ça ne pouvait pas se faire


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  1   sans l'aval explicite et express du général Tolimir. Bien sûr, que le

  2   général Mladic était celui qui prenait la dernière décision en dernière

  3   instance mais pour ce qui est du recrutement pour ces organes spécialisés,

  4   c'était important. Par exemple, la vie même de Mladic était tributaire de

  5   la protection personnelle qu'il avait, et c'était Tolimir qui décidait en

  6   dernière instance de la composition de ces Unités chargées de la

  7   Protection.

  8   Ce tableau vous le montre, il comporte beaucoup de noms, ce tableau de

  9   l'état-major principal. Mais, en fait, c'était une entité toute petite,

 10   c'était un groupe d'officiers vraiment -- c'était une poignée d'hommes. Une

 11   poignée d'hommes d'officiers qui travaillaient de façon très étroitement

 12   liés au quotidien. Les organes de Sécurité, vous le verrez, étaient très

 13   unis étant donné la nature même du travail que cette unité faisait.

 14   Quand le colonel Beara parle de Tolimir, il ne dit pas, "général Tolimir,"

 15   "Toso" chaud; c'est le surnom qu'on a donné. Il le dit "Frère," "Bro." Nous

 16   allons entendre un enregistrement audio, une bande-son. Il faudrait essayer

 17   de baisser le volume. Il s'agit d'une écoute en date du 6 juin 1995. Les

 18   intervenants sont Tolimir et le colonel Beara.

 19   [Diffusion de cassette audio]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Ah, bonjour, bonjour.

 22   Zeljko [imperceptible].

 23   Réponse : Oui.

 24   Allô. Allô.

 25   Allô. Ljubo Beara :

 26   Il est là, Toso.

 27   Réponse : Oui.

 28   Passe-le-moi, un instant.


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  1   Salut bien, oui.

  2   Beara : Salut, Toso.

  3   Bonjour, dit Ljubo. Ça va bien.

  4   Bouf.

  5   Oui. Ah, merde, je suis ici chez Mrki.

  6   Ah.

  7   J'ai tout couvert sauf Maja.

  8   O.K.

  9   Oui.

 10   J'ai entendu dire que Marko maintenant il a prévu une réunion à 6 heures

 11   avec tout le monde du coin.

 12   O.K. O.K. Bien vas-y.

 13   Vas-y. Ah, j'y vais.

 14   Oui, et tu devrais venir aussi. Et puis il va voir celui-là qui a été

 15   suspendu. Il faudra qu'on s'en occupe là-bas.

 16   Qu'est-ce qui se passe en bas ?

 17   Bien, quand tu viendras on s'en chargera.

 18   Très bien.

 19   Bien, on va aller ce soir.

 20   O.K. Bon. Salut, frère. Mrki veut parler.

 21   Salut, salut."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 23   M. THAYER : [interprétation] Le contenu n'est pas important ici, mais ce

 24   qui est important c'est de voir la façon dont ces hommes se parlent :

 25   "Salut, Toso; salut, mon frère, Ljubo." Ici le général Tolimir donne des

 26   instructions au colonel Beara : "Va là-bas, viens ici et puis va t'occuper

 27   de cela là-bas."

 28   Vous allez entendre le chef de la sécurité du Corps de la Drina, Vujadin


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  1   Popovic, qui contacte directement le général Tolimir, pour lui demander son

  2   aide pour une question personnelle. Vous entendrez des officiers de

  3   sécurité, qui s'appellent "Pop, Nedjo," quand Beara parle de Drago Nikolic,

  4   le chef de la sécurité, il dit Drago.

  5   Permettez-moi de consacrer quelques instants au colonel Salapura. Là

  6   encore, j'aimerais revenir sur les manières dont l'administration du

  7   Renseignement obtenait ces renseignements, et là encore, elle fournissait

  8   des informations une certaine expertise aux unités subordonnées sur les

  9   questions de renseignement ou sur un problème qui aurait pu survenir dans

 10   une brigade au sein du corps, et à ce moment-là, c'est le colonel Salapura

 11   qui s'en serait chargé, et le général Tolimir évidemment supervisait tout

 12   cela.

 13   Vous allez entendre des témoignages selon lesquels le colonel B a également

 14   géré, d'un point de vue professionnel, le 10e Détachement de Sabotage, qui

 15   était une unité de missions spéciales qui s'occupait directement de

 16   l'exécution des prisonniers, à Branjevo, le 16 juillet et à Bisina, le 23

 17   juillet. Ils ont mené différentes actions de sabotage, différentes missions

 18   : des attaques, des contre-attaques, des attentats, et le tout étant géré

 19   très professionnellement, ce qui signifie que l'on recommandait d'utiliser

 20   au mieux l'unité en fonction de son commandant -- pour son commandant, pour

 21   Mladic, il fallait savoir quelle unité serait utilisée où, comment, pour

 22   quels objectifs. Donc c'était des unités qui relevaient de l'administration

 23   du Renseignement du général Tolimir. Le général Tolimir savait ce qu'il se

 24   passait dans ce 10e Détachement de Sabotage et il en était responsable.

 25   Vous verrez, dans des documents, que le général Tolimir participait

 26   directement au processus de recrutement de ce 10e Détachement de Sabotage.

 27   Nous avons d'ores et déjà parlé du recueil d'informations ou de

 28   renseignements auprès des prisonniers de guerre pour l'administration de la


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  1   Sécurité et pour l'administration du Renseignement, qui était chapeautées

  2   par le général Tolimir, qui s'intéressait donc aux prisonniers de guerre.

  3   Ces deux unités -- ces deux administrations avaient un rôle à jouer en la

  4   matière.

  5   J'aimerais vous présenter un document, une analyse quant au niveau de

  6   préparation au combat du Corps de la Drina. On en a vu un tout à l'heure

  7   provenant de l'état-major principal, en datant de 1993, et j'aimerais

  8   maintenant vous présenter un autre document qui date de janvier 1995,

  9   simplement pour vous donner une idée de la manière dont les choses

 10   fonctionnaient sur le terrain, parce qu'on a fait beaucoup de descriptions

 11   de qui faisait quoi, et cetera, mais là, maintenant, j'aimerais pouvoir

 12   vous montrer comment cela fonctionnait sur le terrain. Donc, là encore, on

 13   a le titre : "Le commandement du Corps de la Drina, 28 janvier 1995." On

 14   parle ici du rôle en matière de surveillance électronique, de faire des

 15   écoutes des communications radio de l'ennemi. Ils utilisent ça, et vous

 16   aurez beaucoup d'éléments de preuve qui vous seront présentés sur le fait

 17   que l'armée faisait la même chose, et il y a un certain nombre d'éléments

 18   de preuve qui sont assez affligeants et qui proviennent, justement, de

 19   cette surveillance électronique qui était menée de part et d'autre, par les

 20   deux parties.

 21   Là, le Corps de la Drina précise que la source principale de

 22   renseignements, c'est l'interrogatoire de prisonniers de guerre et de

 23   déserteurs. Là encore, l'objectif était d'obtenir des informations sur

 24   l'ennemi. Le Corps de la Drina gère tout cela de manière très

 25   professionnelle, de manière très responsable avec des informations qui sont

 26   présentées au commandement et aux unités en fonction de leur zone de

 27   responsabilité.

 28   Puis, ce qui est encore plus important pour ce qui nous intéresse,


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  1   tous ces renseignements étaient envoyés au secteur de l'état-major

  2   principal, et là, évidemment, il s'agit du secteur du général Tolimir.

  3   Ensuite ce sont des informations qui sont renvoyées aux différents

  4   commandements sous une forme utilisable par ces différents commandements,

  5   et cela était effectivement le travail du général Tolimir.

  6   Nous le verrons, lorsque nous parlerons de juillet 1995, ces

  7   questions devaient être posées au sein de l'administration de la Sécurité

  8   et des Renseignements par le général Tolimir, lui-même, dès lors que des

  9   prisonniers étaient faits prisonniers. Qu'advenaient-il de ces prisonniers

 10   ? Parce qu'ils étaient une source d'information, évidemment, très

 11   importante de renseignement.

 12   Comme je vous l'ai dit, c'est la police militaire qui relevait de

 13   l'administration de la Sécurité qui était chargée de garder et d'escorter

 14   ces prisonniers de guerre. Là encore, ce ne sont pas juste des grandes

 15   lignes qui ont été écrites dans un livre. On le voit dans un autre document

 16   du Corps de la Drina qui est daté d'avril 1995. Là, c'est un document qui

 17   est signé par Popovic, dont on entendra beaucoup parler, qui est le chef de

 18   la sécurité du commandement du Corps de la Drina. En avril, il se plaint du

 19   fait qu'il ne reçoit pas suffisamment d'information et du fait que les

 20   prisonniers de guerre ne sont pas bien traités, qu'ils sont emmenés dans un

 21   camp de prisonniers qui s'appelle Batkovic. On en réentendra parler de

 22   Batkovic, et ce dont il se plaint, c'est que ces prisonniers de guerre sont

 23   amenés dans des zones sensibles alors qu'il n'y a pas de sécurité qui est

 24   assurée pour eux. Donc il demande à ce qu'on leur ligote les mains et à ce

 25   qu'on leur place un bandeau sur -- pour les yeux, de telle sorte qu'ils ne

 26   pourraient pas s'échapper et divulguer l'emplacement des troupes. Alors ces

 27   qui est important, là, c'est que ce sont des informations, qui sont

 28   divulguées -- qui sont communiquées sur la manière dont sont traités les


Page 380

  1   prisonniers de guerre par le général Tolimir.

  2   On a ici un extrait, d'ailleurs, qui remonte à juin 1995. Là encore,

  3   c'est lors d'une séance à l'assemblée nationale. Il y a quelqu'un qui s'est

  4   plaint d'un politique qui avait été arrêté, et le général Tolimir cite

  5   précisément cette directive qui émane, donc, de son secteur.

  6   Donc, son travail à lui consiste précisément à savoir. Il est au courant de

  7   toutes ces questions à tout moment et l'a toujours été depuis ce premier

  8   document que vous avez vu et qui est daté de 1993.

  9   Vous le verrez, évidemment, c'est le secteur du général Tolimir qui publie

 10   des lignes directrices ou des recommandations pour ces interrogatoires de

 11   prisonniers de guerre. Alors, il y a un autre fait qui est lié à cela, il y

 12   a des documents, vous le verrez, qui prouvent la responsabilité du général

 13   Tolimir et le fait qu'il a mené les travaux de la Commission d'échange de

 14   prisonniers RS,  et ce processus d'échange de prisonniers. C'est lui qui

 15   prend ces décisions -- ou les décisions concernant les échanges de

 16   prisonniers. Il y avait une commission qui s'occupait de cela, mais les

 17   décisions de cette commission dépendaient des choix faits par le général

 18   Tolimir. Là encore, c'est quelque chose de très important parce que ça

 19   montre bien que le général Tolimir comprenait bien quelle était

 20   l'importance de ces prisonniers de guerre comme source de renseignements,

 21   mais également comme permettant de faire libérer des prisonniers serbes qui

 22   étaient détenus dans des prisons croates et musulmanes en juillet 1995.

 23   Vous verrez qu'en la matière, il était épaulé par le colonel Beara.

 24   Alors, là encore, on parle toujours d'administration du Renseignement, mais

 25   sous les ordres de Salapura, il y avait trois hommes dont vous allez

 26   entendre parler. Tout d'abord, Radoslav Jankovic, en juillet 1995, il a été

 27   détaché du poste de commandement de l'état-major principal et envoyé à

 28   Bratunac pendant une attaque de la VRS à Srebrenica. Vous verrez qu'il a


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  1   émis un certain nombre d'ordres d'interception, et vous verrez une vidéo de

  2   l'hôtel Fontana et des réunions qui y ont eu lieu, et vous le verrez assez

  3   bientôt.

  4   Deuxième personne qui nous intéresse, c'est Dragomir Pecanac, qui

  5   s'occupait des questions de Sécurité et de Renseignement, et nous le

  6   verrons faire passer des informations sur le terrain au général Tolimir en

  7   juillet 1995.

  8   Troisièmement, vous aurez des documents concernant Jovica Karanovic, qui

  9   était basé sur place, et vous verrez, là aussi, qu'il le fait passer des

 10   informations au général Tolimir lorsqu'il était sur le terrain en juillet

 11   1995.

 12   Alors répondez surtout ces points. On a déjà entendu beaucoup parler du

 13   colonel Ljubo Beara et sa responsabilité qu'elles étaient telles.

 14   Il s'agissait d'apporter de l'expertise à ses subordonnées, d'assurer le

 15   commandement de l'organe et des unités, le contre-espionnage et garantir la

 16   sécurité du poste de commandement, élaborer des plans de contre-espionnage,

 17   protéger les unités, soutien, maintenir la confidentialité de tous ces

 18   plans de soutien et - on en a déjà parlé d'ailleurs - l'administration de

 19   la Sécurité avait un contrôle professionnel des unités police militaire.

 20   Là, je dois dire que c'est un élément qu'il est important de bien

 21   comprendre. Les organes de Sécurité, et notamment les chefs de la sécurité

 22   qui étaient chargés de ces organes, que ce soit au niveau de la brigade ou

 23   du corps, bon, ce sont des exemples. Les chefs de sécurité de ces organes

 24   avaient un contrôle professionnel des Unités de Police militaire. Si

 25   c'était une Unité de Police militaire du Corps de la Drina, à ce moment-là,

 26   il y avait le chef de la police du Corps de la Drina gérait ces unités

 27   directement. Ça veut dire qu'il faisait des propositions au commandant du

 28   corps. En 1995 et en juillet 1995, c'était le cas du général Zivanovic,


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  1   puis ensuite du général Krstic qui commandait ces unités. Le chef de la

  2   sécurité, lui, ne peut pas commander ces unités ou les envoyer quelque part

  3   directement. Il peut proposer au commandant d'utiliser ces unités

  4   uniquement, et il est également chargé de leur disponibilité

  5   opérationnelle.

  6   C'est la même chose pour les autres branches spécialisées. Les choses

  7   fonctionnaient de la même manière.

  8   Mais lorsque le commandant du corps où le général Mladic prenait une

  9   décision sur ce que devait faire la police militaire c'était le chef de la

 10   sécurité qui devait s'assurer que cet ordre était bien exécuté et

 11   complètement exécuté. C'est ce que l'on entend par contrôler ou l'aspect de

 12   maîtrise du chef de la sécurité, son rôle de gestion, son rôle de

 13   supervision.

 14   Vous le verrez également le colonel Beara a supervisé les Bataillons de

 15   Police militaire, du 65e Régiment de Protection motorisée de l'état-major

 16   principal jusqu'à ce que ce Bataillon de Police militaire ait son propre

 17   commandant, qui lui-même était commandé par le 65e Régiment de Protection

 18   motorisée, Beara avait un contrôle professionnel sur ce Bataillon de Police

 19   militaire. En clair c'est le chef de sécurité qui finalement, au bout du

 20   compte, donnait des ordres. C'est le chef de sécurité qui par le biais de

 21   la police militaire était le commandement ou l'officier de commandement,

 22   pour ce qui est des informations et pour ce qui est de l'organigramme et la

 23   façon dont passaient les informations et différentes informations selon

 24   qu'il était commandant ou qu'il était chef de la sécurité.

 25   Donc on verra, il y avait d'autres chefs du département que l'on verra à

 26   l'état-major principal qui participait à ces réunions quotidiennes et qui

 27   parlait à l'état-major principal, ou différentes collèges, comme on les

 28   appelait. Beara recueillait des informations lors de ces réunions. Il


Page 383

  1   obtenait des informations sur le terrain. Vous entendrez un témoignage

  2   venant d'un soldat des Nations Unies néerlandais qui dit que Beara

  3   recherchait des informations en 1995 concernant les mouvements de l'armée

  4   musulmane sur ce faisait Naser Oric sur les positions de l'armée musulmane,

  5   et cetera.

  6   Donc ces informations remontaient directement au général Tolimir et tel

  7   était le cas en juillet 1995.

  8   Venons-en maintenant à un autre document daté d'octobre 1994. L'état-major

  9   principal publie des instructions sur la façon dont les choses sont censées

 10   fonctionner.

 11   En clair, on le voit il y a une répartition de 80 %/20 % ce que demande

 12   l'état-major principal pour le renseignement et le contre-espionnage, et

 13   d'un autre côté, il est question de police militaire et il est question

 14   judiciaire au pénal. Donc on a une description ici en bref de la manière

 15   dont cette chaîne de commandement était liée au commandement des

 16   commandants.

 17   Les organes de Renseignement et de Sécurité étaient placés sous le

 18   commandement direct du commandant de l'unité mais pour ce qui est des

 19   activités professionnelles, ils étaient contrôlés au niveau central par les

 20   organes de Renseignement et de Sécurité. Voilà. Donc vous voyez donc

 21   quelles sont ces instructions. Les organes de Sécurité, à tous les niveaux,

 22   doivent remettre -- doivent rendre compte aux organes de Sécurité --

 23   Alors je vais quand même vous apporter quelques petites définitions.

 24   Lorsque vous voyez VRS GS avec une petite banane placée sous le G, comme on

 25   dit, cet VRS Glavni Stab, donc VRS GS, ça veut dire en clair état-major

 26   principal. Vous avez donc les instructions qui sont précisées ici

 27   concernant le secteur du général Tolimir, qui prend des décisions de

 28   transfert, de nomination, le fait que certains soient chargés de certaines


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  1   tâches, et cetera.

  2   Il y a aussi des précisions concernant le recrutement, ce qu'on

  3   appelle les critères spéciaux, et puis tout cela étant approuvé

  4   exclusivement par le général Tolimir.

  5   On vous dira aussi que la VRS appliquait toutes les règles, ou le

  6   règlement antérieur de l'ancienne JNA à ses propres unités. Ceci semble

  7   assez normal puisqu'ils ont grandi ensemble, les soldats ont appris à

  8   travailler ensemble, et cela comprenait d'ailleurs une formation concernant

  9   la convention de Genève et les lois de la guerre. Tout cela a été étudié à

 10   différents niveaux. On le voit ici à l'écran, vous avez le règlement

 11   antérieur concernant l'application du droit international de la guerre pour

 12   l'ancienne République de Yougoslavie.

 13   Alors sous le titre : "Prévention des violations du droit de la

 14   guerre et responsabilités pénales en cas de crimes de guerre," on y dit que

 15   "Tout le monde est responsable en cas de violation de ce type. Chacun devra

 16   rendre des comptes, et que dire qu'on ne savait pas ne constituant rien à

 17   l'excuse.

 18   En 1988, ces officiers, qui ont été formés, savaient qu'ils pouvaient

 19   être jugés responsables devant une cour, un tribunal national ou une cour

 20   internationale, d'un point de vue pénal, et on stipule plus avant que la

 21   personne qui organise, qui incite ou qui aide à violer le droit et les

 22   coutumes de guerre, sera considérée comme responsable et comme auteur de

 23   ces crimes et qu'un officier devra rendre compte de ces faits s'il a été un

 24   auteur de telles violations et qu'il contribue -- et qu'il serait également

 25   considéré comme coupable s'il a des subordonnés qui contribuent à ce type

 26   d'action.

 27   Alors le lendemain du 12 mai 1992, c'était séance de l'assemblée

 28   nationale où Karadzic a présenté les Orientations stratégiques. Le


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  1   lendemain, le président Karadzic a signé une ordonnance concernant

  2   l'application des règles du droit international de la guerre concernant la

  3   VRS, et lors d'une autre ordonnance signée en août, il a dit clairement que

  4   cela faisait partie des obligations des membres de la VRS que d'appliquer

  5   ce règlement, et cela a évidemment été diffusé tout le long de la chaîne de

  6   commandement depuis l'état-major principal.

  7   Donc, en octobre 1992, on voit bien que ces grandes lignes que ces

  8   orientations proviennent du bureau du procureur militaire de l'état-major

  9   principal. Bon, c'est un peu petit et je m'en excuse, mais en 1992, cela

 10   provient de l'état-major principal -- crimes contre l'humanité et le droit

 11   international, cela peut être commis par des individus mais par nature, ces

 12   crimes sont en général commis de manière organisée et mis en œuvre par une

 13   -- ils sont le résultat d'une politique. Ensuite on précise que cela se

 14   fait dans le contexte d'opérations militaires de grande importance et sur

 15   ordre d'officiers supérieurs. Là encore, ces soldats, qui exécutaient des

 16   gens, ne se sont pas simplement réveillés un matin comme ça avec l'idée de

 17   le faire. Ils ont suivi des ordres.

 18   Sur la planche suivante, on voit les différents crimes ou délits

 19   parmi lesquels affamer la population, meurtre, entraîner des blessures

 20   graves pour mettre en danger la santé des personnes concernées, déplacement

 21   forcé. On s'en rend compte, les officiers ont des responsabilités très

 22   importantes en la matière, ce qui démontre donc la responsabilité du corps

 23   des officiers de l'armée de la Republika Srpska, puisque c'est eux qui

 24   donnaient des ordres. Cette responsabilité appartient notamment à des

 25   individus hauts gradés, des responsables publiques militaires ou

 26   travaillant pour des organisations publiques. Si des officiers arrivent à

 27   établir que des unités des forces armées ou leurs membres ont commis ou

 28   commettent de tels crimes, et s'ils ne prennent aucune mesure pour faire


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  1   face à cela, à ce moment-là, c'est eux qui sont responsables de ces crimes

  2   et délits.

  3   Autre partie de la formation professionnelle, c'est le fait que les

  4   officiers étaient responsables des documents qui étaient publiés et des

  5   rapports qui étaient publiés avec leur signature. Ils devaient les avoir

  6   lus, ils devaient en connaître le contenu et déterminer s'ils étaient

  7   valables et correspondaient à la réalité. En signant, il approuvait le

  8   contenu de ce document. Ça, c'est un principe qui s'appliquait à tous les

  9   officiers. Une fois que l'on passait des officiers aux subordonnés, la

 10   responsabilité de ces documents incombait à son auteur mais aussi à la

 11   personne suivante qui reçoit ce document ou cet ordre.

 12   Alors je vous ai d'ores et déjà parlé des comptes rendus. Les comptes

 13   rendus, au sein de la VRS, étaient essentiels pour l'état-major principal.

 14   Les commandants supérieurs devaient savoir ce qui se passait, et ils

 15   avaient donc besoin d'avoir des informations en temps réel pour qu'ils

 16   puissent prendre les bonnes décisions, le moment venu, quant à savoir s'il

 17   fallait changer une décision ou s'il fallait justement s'en tenir à la

 18   décision initiale. Dans ces rapports ou dans ces comptes rendus, le

 19   commandant pouvait également vérifier si les commandements qu'il avait

 20   donnés auparavant étaient effectivement appliqués. Donc, il y avait

 21   plusieurs objectifs à cela, et on le verra, ces comptes rendus se faisaient

 22   régulièrement. Ce devait être le cas; sinon, il n'y a aurait pas eu moyen

 23   de contrôler le déroulement des choses. Le commandement -- les niveaux les

 24   plus bas du commandement pouvaient envoyer leur compte rendu au bon moment

 25   pour que le commandement intermédiaire puisse ensuite, lui aussi, établir

 26   un rapport en temps réel et puisse envoyer ces informations aux supérieurs

 27   hiérarchiques. Donc vous avez des bataillons, des brigades, des corps qui,

 28   ensemble, établissaient tous ces comptes rendus en fonction de ce que leur


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  1   avait dit leur subordonné : qui les analysait, qui les traitait et qui les

  2   envoyait au niveau supérieur ? Le général Mladic parlait aux commandant des

  3   corps au quotidien, souvent par téléphone. Il devait le faire le soir parce

  4   que, bien souvent, la situation sur le terrain changeait entre le moment où

  5   un rapport était remonté à un niveau donné et était traité par l'état-major

  6   principal. Donc tous ces rapports étaient analysés et ensuite, le cas

  7   échéant, ils étaient envoyés au président Karadzic. Ces rapports étaient

  8   vraiment un lien vital entre l'état-major principal et le président

  9   Karadzic. Ça le tenait informé de ce qui se passait, de ce qui était

 10   important pour qu'il puisse trancher en tant que commandant en chef des

 11   forces armées.

 12   Par ailleurs, outre ce type de rapport existaient également des

 13   rapports qui remontaient la chaîne professionnelle de commandement que nous

 14   avons évoquée, il y a quelques instants. Donc il y a toujours deux types de

 15   rapport et en permanence, ces rapports sont remontés. Jour après jour, tous

 16   les jours, il y a une transmission de rapports. C'est en quelque sorte la

 17   substantifique moelle de toute la chaîne de commandement.

 18   Par ailleurs, il y a la question des transmissions. S'il n'y a pas de

 19   bonnes transmissions, il vous est impossible de faire remonter les rapports

 20   depuis le terrain. Si vous envoyez un rapport vers la brigade, si vous

 21   souhaitez transmettre de la brigade vers vos corps d'armée, si cela ne peut

 22   pas se faire, vous aurez des problèmes. Donc, vous voyez les efforts

 23   déployés par l'état-major principal de manière à ce que ces transmissions

 24   restent en parfait état -- transmissions et voies de communication avec les

 25   unités subalternes, d'autant que le général Mladic était parfois sur le

 26   terrain. A ce moment-là, il envoyait son commandant adjoint sur une autre

 27   partie du terrain, mais vous voyez qu'ils étaient en permanence à même de

 28   maintenir la communication en créant des postes de commandement avancé.


Page 388

  1   Vous verrez IKM, cela revient en permanence. C'est l'abréviation B/C/S du

  2   terme qui correspond à poste de commandement avancé. Donc, vous aviez un

  3   IKM où vous aviez un officier responsable du poste avancé, ou parfois, l'on

  4   utilisait les équipements de transmission de la brigade locale ou du corps

  5   d'armée présent sur place. Mais quoi qu'il en soit, le contact n'était

  6   jamais interrompu. Le général Milovanovic vous dira, lui-même, que même

  7   lorsqu'il était en Krajina, il communiquait avec le général Mladic par le

  8   truchement d'une ligne encodée, et il y avait un contact quotidien avec

  9   l'état-major principal. Vous verrez qu'au cours des opérations de

 10   Srebrenica et de Zepa, le général Tolimir maintenait cette communication,

 11   lui aussi, avec l'état-major principal ainsi qu'avec les unités

 12   subordonnées et ainsi qu'avec les autres officiers, et ce, depuis

 13   différents endroits. Vous verrez que le général Tolimir a formulé des

 14   propositions, donner des ordres, adresser des rapports depuis le Corps de

 15   la Drina, Vlasenica, depuis le commandement du Corps de Vlasenica, de la

 16   Drina, depuis le poste de commandement avancé, Krivace, pour le Corps de la

 17   Drina. Vous verrez qu'il envoie ces rapports depuis un autre poste de

 18   commandement avancé également, qui s'appelle Borike, une petite école à

 19   proximité de Zepa, Rogatica, quel que soit l'endroit où il se trouve, quoi

 20   qu'il en soit il veille toujours à ce que la communication soit maintenue

 21   par le truchement de transmission. Il a des équipements de transmission et

 22   si on n'en a pas, il veillera à s'en procurer.

 23   Donc nous verrons dans les documents, systématiquement en haut du

 24   document quelle est la source, quel est l'endroit d'où a été envoyé. IKM du

 25   Corps de la Drina, Krivace, par exemple, Corps de la Drina, poste avancé

 26   IKM, donc autres noms de localités. Le général Tolimir n'aurait jamais pu

 27   s'acquitter de sa tâche s'il n'avait pas eu la possibilité de maintenir ces

 28   canaux, ces voies de communication intactes.


Page 389

  1    Permettez-moi à présent de revenir aux propos tenus par le général

  2   Tolimir, qui décrit comment l'état-major principal fonctionne. Là encore,

  3   peut-être une réunion assez houleuse à l'assemblée nationale, l'armée

  4   risquait de se voir remontrer les bretelles, pour ce qui s'était passé à

  5   Srebrenica, et à Zepa, et plus important encore, de se voir adresser les

  6   critiques suite à l'effondrement des défenses de la VRS dans la partie

  7   occidentale de la Bosnie. Mais, ici, vous voyez la réponse du général

  8   Tolimir aux critiques qui lui sont adressées, et il dit, je cite :

  9   "Nous, nous sommes le plus petit état-major principal au monde."

 10   Vous voyez ce GS avec le signe des critiques par-dessus. Le général

 11   Miletic est le responsable des opérations, c'est lui qui reste sur place

 12   pour recevoir toutes les informations et qui obtient toutes ces

 13   informations et veille à les communiquer. Le général Milosevic, il s'agit

 14   de Dragomir Milosevic, ne confondons pas du Corps de Sarajevo, le Corps

 15   Romanija ne sera pas laissé seul. Il aurait toujours l'appui de l'état-

 16   major principal et il y aura toujours le poste de commandement avancé qui

 17   était plus fort. Il y a deux postes de commandement avancé de l'état-major

 18   principal. Là encore, l'état-major principal envoie ses représentants à des

 19   postes avancés. Le général Milovanovic est resté à son poste puisqu'il

 20   l'officier de commandement le plus expérimenté ainsi que le général Mladic

 21   qui est mentionné également, et le général Maric. A Grahovo-Glamoc, qui est

 22   le poste avancé, sur ce front, cette ligne de front c'est là qu'ils sont

 23   présents. Puis il conclut et résume :

 24   "Nous allons procéder à une analyse experte, nous allons reparler des

 25   directives, et sur fondement de ces directives, nous nous rendons sur le

 26   terrain et travaillions conformément aux tâches qui nous ont été confiées."

 27   En résumé, Mladic a signé ces tâches critiques aux commandants, aux

 28   officiers de l'état-major principal, parce que ce sont eux qui ont les


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  1   compétences les plus évidentes, et on estime qu'ils ont les habilités

  2   nécessaires. Indépendamment de cette ligne d'expertise professionnelle, ces

  3   deux que l'on pense qu'ils sont les mieux placés pour s'acquitter de ces

  4   tâches spécialisées. A ce point de vue, vous verrez que, lorsque le général

  5   Mladic quitte Suva Reka, il laisse sur place un des officiers responsable

  6   en qui il place sa confiance pleine et entière. Le général Mladic dit, par

  7   exemple, au général Tolimir :

  8   "Sur le terrain, maintenant je quitte le terrain, c'est toi qui as la

  9   responsabilité pleine et entière du commandement."

 10   Avant de nous intéresser aux opérations et à la structure de l'état-major

 11   principal, je vous rappelle que nous nous étions intéressés à cet ordre de

 12   combat intimant l'ordre de procéder à des attaques sur les enclaves de Zepa

 13   et de Gorazde. L'on indiquait dans cet ordre quelles étaient les

 14   dispositions à prendre afin de se débarrasser des Musulmans, de les faire

 15   quitter ces enclaves, et là encore, vous verrez, comme je vous l'ai dit,

 16   que les Nations Unies avaient déclaré cette zone de sécurité. Vous verrez

 17   que, dans le cadre de ce programme de zones de sécurité, qui était censée

 18   être démilitarisée parce que des accords avaient été signés précisément,

 19   afin d'éliminer tous les armements et de les stoker dans des points de

 20   collecte d'armes installées à différents endroits. Mais je crois que

 21   personne ne disconviendra ici du fait que les enclaves n'ont jamais été

 22   démilitarisées. Ça, personne ne le conteste. L'Accusation ne le conteste

 23   pas, ça n'a jamais été démilitarisé. Les armes de petits calibres ont été

 24   remises, certes, mais nombreuses sont ces mêmes armes qui n'ont pas été

 25   remises au centre de collecte.

 26   Vous verrez que les forces musulmanes, en fait, bénéficiaient de

 27   renfort, et ce, pendant toute la période allant de 1993 à 1995, grâce à des

 28   parachutages d'armes. Par conséquent, ils pouvaient effectivement mener des


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  1   attaques militaires depuis l'enclave vers l'extérieur des enclaves. Dans un

  2   premier temps, il s'agissait de repousser les forces serbes dans d'autres

  3   endroits ou de les obliger à ne rester que vraiment autour des enclaves,

  4   afin que ces forces soient discrètes et retirées du front de Sarajevo. Vous

  5   verrez, cela a créé une situation délicate pour l'armée de la Republika

  6   Srpska. Une situation de plus en plus problématique d'autant qu'ils

  7   n'avaient pas des effectifs nécessaires ni les ressources d'ailleurs pour

  8   pouvoir, et ce, en permanence, assurer ce siège des enclaves, parce qu'il y

  9   avait en permanence ces petites attaques de sabotage menées par les forces

 10   bosniaques en violation d'ailleurs de l'accord de démilitarisation.

 11   Voyons à présent la carte qui apparaît à l'écran, où l'on voit l'enclave de

 12   Srebrenica, et où l'on voit comment ce programme de maintien de la paix

 13   fonctionnait en 1995. On vous dira qu'il y avait un bataillon de soldats

 14   néerlandais présent sur place. On les appelle le DutchBat, en appellation

 15   anglaise. En fait, ils en étaient à leur troisième tour de service, parfois

 16   on parlera de DutchBat III, puisque c'était la troisième fois qu'ils

 17   étaient présents sur place. Ils étaient présents en deux endroits, un

 18   endroit juste à côté de là où il est marqué Srebrenica, ils avaient une

 19   base à cet endroit-là, et puis, ils avaient une autre base qui se situait

 20   dans le village de Potocari. Comme vous voyez, si vous suivez cette ligne

 21   rouge, ça représente une route qui va du sud au nord, et qui relie

 22   Srebrenica et Potocari. Donc ils avaient deux bases militaires, la base

 23   Bravo au sud, et la base Charlie au nord, donc à Potocari entre Srebrenica

 24   et Bratunac. Alors comment les choses devaient-elles fonctionner ? En fait,

 25   les Nations Unies avaient des postes d'observation tout autour des enclaves

 26   que l'on appelle des OP, point d'observation, et vous voyez qu'ils

 27   apparaissent, ces abréviations, OP, à partir de l'ouest, Alpha, Bravo,

 28   Charlie, et cetera, vous voyez également Mike, Papa, jusqu'à côté M et P,


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  1   donc jusqu'à côté de la base de Potocari.

  2   A un poste d'observation qui sera particulièrement important se trouve au

  3   sud-est. Vous voyez apparaître la lettre E pour écho, donc poste

  4   d'observation E. Cela avait fait l'objet de contestation. En fait, il a été

  5   complètement explosé par les Serbes en prélude à leur attaque sur

  6   Srebrenica. Il a été réduit à néant en 1995. Les postes d'observation

  7   étaient de couleur blanche, ils étaient très visibles, ils n'étaient pas

  8   censés être placés là en catimini, non. Il s'agissait de dire, nous sommes

  9   la Nations Unies, nous sommes là et présents, nous sommes là pour voir ce

 10   qui se passe, et sachez que nous vous regardons, nous sommes là pour

 11   veiller à ce que de part et d'autre chacun dépose les armes.

 12   Mais vous verrez que pour toute une série de raisons - et là,

 13   nombreux sont les responsables - on peut en montrer beaucoup du doigt. Ils

 14   n'ont pas été capables de s'acquitter de cette tâche. Vous verrez en effet

 15   qu'à Zepa, les forces de maintien de la paix étaient à peu près 80

 16   Ukrainiens, en juillet 1995.

 17   Puisque nous avons cette carte à l'écran, permettez-moi d'épingler

 18   une route particulièrement importante qui va de l'est vers l'ouest, entre

 19   Bratunac et Konjevic Polje. Vous voyez Bratunac à la droite de la carte et

 20   vous voyez cette route qui traverse les municipalités de Glogova, Kravica,

 21   Sandici pour arriver enfin à Konjevic Polje. Il y a une interception entre

 22   cette route et la route qui rejoint, du nord au sud, Milici à l'ouest à

 23   Konjevic Polje en passant par Nova Kasaba et finalement, cette route

 24   continue au nord jusqu'à Zvornik. Cette route-là, nous l'évoquerons à

 25   maintes reprises au cours du procès en raison des événements qui s'y sont

 26   déroulés en juillet 1995; alors que s'est-il passé, finalement ? Il se

 27   trouve que les zones, qui étaient censées être démilitarisées, ne l'ont pas

 28   été. En fait, il y avait des attaques œil pour œil, dent pour dent. Le


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  1   général Tolimir, dans ses rapports de Renseignement, se plaignait du fait

  2   qu'avaient lieu ces attaques de représailles et c'est vrai, elles avaient

  3   effectivement lieu.

  4   En juillet 1994, après une année de ces petites attaques, nous

  5   verrons que suite à l'analyse de la disponibilité opérationnelle sur une

  6   période de six mois, il y a une réunion entre le général Mladic et les

  7   commandants de brigade du commandement du Corps de la Drina, et les

  8   commandants du Corps de la Drina lui fournissent certaines informations

  9   ayant trait à ces attaques. Deux jours après cette séance d'information --

 10   ce briefing, c'était en juillet - le 1er juillet pour être précis - l'on

 11   voit que le commandant de la Brigade de Bratunac, il s'agissait du

 12   lieutenant-colonel Slavko Ognjenovic, à ce moment-là, et donc, à ce moment-

 13   là, le 4 juillet 1994, le commandant de la Brigade de Bratunac indique un

 14   certain nombre d'informations dans un rapport qui, d'ailleurs, a été

 15   distribué jusqu'aux unités du 3e Bataillon d'Infanterie. Donc, finalement,

 16   tous les soldats des tranchées sur la ligne de front entendent le message

 17   qui leur est adressé par le biais de ce rapport. Que dit-il, dans ce

 18   rapport ? Il dit :

 19   "Nous avons gagné la guerre à Podrinje mais nous n'avons pas encore

 20   battu les Musulmans complètement. C'est précisément ce que nous devons

 21   faire, au cours de la prochaine période. Il faut que nous atteignions notre

 22   objectif ultime : un Podrinje intégralement serbe. Les enclave de

 23   Srebrenica, de Zepa et de Gorazde doivent être mises en échec

 24   militairement."

 25   Soit, apparemment, ça semble être simplement une description

 26   d'activité de guerre tout à fait normale, c'est-à-dire réduire à néant les

 27   forces de l'ennemi.

 28   "Il faut poursuivre sur la voie de la formation, de l'entraînement, de la


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  1   discipline et de la préparation de l'armée de la Republika Srpska afin

  2   qu'elle soit à même d'exécuter cette tâche critique, à savoir l'expulsion

  3   de tous les Musulmans depuis -- de l'enclave de Srebrenica."

  4   Là encore, soit, peut-être parle-t-il simplement des soldats. Il poursuit :

  5   "Aucune retraite ne sera tolérée, s'agissant de l'enclave de Srebrenica. Il

  6   faut que nous allions de l'avant. Il faut que la vie de l'ennemi devienne

  7   parfaitement intolérable, de manière à ce qu'il quitte massivement cette

  8   enclave, et ce, dans les plus brefs délais, parce qu'il faut qu'ils

  9   comprenne une fois pour toutes que jamais ils ne pourront y survivre."

 10   En masse -- expulsion en masse, massive.

 11   Là encore, il parle de populations civiles qui, comme vous l'avez vu, ont

 12   été la cible depuis la 4e Directive opérationnelle. Lorsque le commandant,

 13   qui incarne lui-même le commandement, c'est-à-dire cet homme qui donne

 14   l'exemple à ses subordonnés, tient de tels propos et que ces propos sont

 15   distribués à l'ensemble des militaires, ils comprennent de quoi il s'agit.

 16   Mais il faut bien comprendre que le lieutenant-colonel Ognjenovic ne fait

 17   que transmettre les ordres tels qu'il les a interprétés de la bouche de ses

 18   supérieurs hiérarchiques. Vous entendrez que deux semaines plus tard, lors

 19   d'une session de l'assemblée parlementaire, le président Karadzic, à Pale,

 20   dit à propos des objectifs stratégiques, afin de dissiper tout éventuel

 21   doute quant à ces objectifs stratégiques dont on pourrait estimer qu'ils

 22   n'ont pas été atteints, Karadzic dit donc la chose suivante :

 23   "L'objectif stratégique premier est de se débarrasser de l'ennemi de chez

 24   nous, les Musulmans, les Croates, et notre objectif est de ne plus partager

 25   ce même Etat avec eux."

 26   Que voyons-nous donc ? Nous voyons un ordre donné par l'état-major

 27   principal trois jours après ce discours du président Karadzic, et voilà cet

 28   ordre :


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  1   Premier point : le général Mladic dit : Grosso modo, l'accord de paix

  2   créant ces zones de sécurité, les forces de maintien de la paix des Nations

  3   Unies, tout cela est nul et non avenu en raison des attaques, précisément,

  4   que j'avais décrites précédemment. Par ailleurs, il donne l'ordre de

  5   détruire les communications depuis les enclaves et de veiller à ce que tous

  6   les Musulmans quittent les enclaves. Lorsqu'il parle de communications, il

  7   entend par là les déplacements entre Srebrenica et Zepa qui avaient lieu à

  8   intervalles réguliers, des échanges de marchandise, de denrées

  9   alimentaires, d'armes aussi.

 10   Il ordonne pour qu'il soit mis fin à ce transport et indique que

 11   l'état-major principal doit contrôler et maîtriser tout cela de façon plus

 12   ferme. Exception faite des denrées alimentaires et des médicaments validés

 13   par l'état-major principal, aucune marchandise ne doit être transportée

 14   entre les deux enclaves. Il indique par ailleurs que les commandements des

 15   corps doivent régler les postes de contrôle et doivent veiller à un

 16   contrôle -- à passer au peigne fin toutes les marchandises, et ce sont les

 17   responsables de l'état-major principal qui doivent veiller à passer au

 18   peigne fin ces marchandises.

 19   Donc, un contrôle très pointilleux sur les mouvements de marchandises

 20   par le truchement d'un document qui s'appelle la Directive opérationnelle

 21   numéro 7, vous en entendrez parler ultérieurement. Mais ici, il s'agit déjà

 22   de la façon dont l'état-major principal organise ce mécanisme de contrôle.

 23   Il veut par ailleurs que l'enclave soit minée entièrement --

 24   encerclée. Il veut que les Musulmans ne puissent pas quitter les enclaves.

 25   Alors, vous allez vous dire : Oui, mais alors qu'est-ce que ça veut dire,

 26   finalement ? "Je croyais que ce qu'ils voulaient, c'était justement qu'ils

 27   quittent les enclaves," non, mais lui, ce qu'il veut, c'est justement les

 28   bloquer -- les laisser complètement livrés à eux-mêmes dans ces enclaves.


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  1   Ne les laissez ni sortir, ni entrer, ne les laissez pas échanger d'armes,

  2   bloquez-les vraiment dans ces enclaves. Puis, il donne des instructions aux

  3   commandements de brigades et de corps d'armée afin qu'ils redoublent

  4   d'efforts s'agissant des activités des tireurs d'élite. Et puis, au

  5   paragraphe 13, il dit que :

  6   "Finalement, puisque cet accord n'a pas été respecté par les Musulmans,

  7   puisqu'ils se sont livrés à des activités de sabotage, je veux que vous

  8   preniez des mesures afin de limiter géographiquement les enclaves dans une

  9   zone bien définie."

 10   La référence qu'il fait à cette nécessité de réduire les enclaves, nous

 11   montrerons, preuve à l'appui, qu'il ne s'agit pas de la même chose de ce

 12   qui s'est passé avec la 7e Directive en juillet [comme interprété] 1995.

 13   Ici, en 1994, la situation est différente parce que l'état-major principal

 14   concentre son attention sur cet objectif stratégique et commence à mettre

 15   la pression. Il ne s'agit pas encore de mettre la pression jusqu'à ce que

 16   ce soit complètement intolérable, mais certainement ils commencent à

 17   augmenter progressivement, à resserrer un peu le garrot, si vous voulez,

 18   par le truchement des activités des tireurs d'élite et la façon dont on

 19   tirait sur les population civiles qui ont péri.

 20   Vous verrez que le général Zivanovic communique avec les commandants de

 21   corps et adopte pratiquement mot à mot la stratégique du général Mladic

 22   telle que décrite dans son ordre. Donc entre 1992, 1993, 1994, vous verrez

 23   que l'état-major principal ne perd jamais du regard ces enclaves. Lorsque

 24   l'on arrive à 1995, vous verrez que les différentes parties commencent à

 25   envisager une cessation des hostilités et un accord en la matière où les

 26   parties en guerre sont censées veiller à la bonne mise en œuvre de ce

 27   cessez-le-feu, en quelque sorte. Dans cet accord, l'on prévoie certain

 28   nombre de questions qui sont importantes aux yeux du général Tolimir et de


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  1   son service, et vous verrez que le général Tolimir est associé

  2   personnellement à la rédaction de ces textes.

  3   L'on verra, par exemple, un document de l'état-major principal portant la

  4   date du 7 janvier 1995, et le général Tolimir a participé à ces réunions.

  5   En fait, il avait été signataire d'un accord de libre circulation des

  6   personnes. Il représentant l'armée lors de cette rencontre, il rencontrait

  7   les plus hauts responsables de la FORPRONU. Bien entendu, il donne au

  8   président Karadzic des informations sur ce qui se fait, puisque tout cela

  9   était très étroitement lié au sort à réserver aux enclaves. Au paragraphe

 10   2, l'on voit qu'il est dit qu'il dit aux commandements de corps d'armée

 11   qu'ils doivent remettre à l'état-major principal de l'armée des

 12   propositions d'emplacement pour les postes d'observation de la FORPRONU le

 13   long des lignes de désengagement des zones de responsabilité afin de voir

 14   si le cessez-le-feu est respecté.

 15   Là, le général Tolimir ne donne pas un ordre de combat. En revanche, il

 16   donne des instructions qui sont en phase en tout cas avec les intentions du

 17   général Mladic, puisqu'il dit aux commandements de corps d'armée qu'ils

 18   doivent fournir des informations. Et je vous assurer que lorsque le général

 19   Tolimir dit : "Vous donnez des informations," ils le feront, parce qu'il

 20   agit sur instruction directe du général Mladic, il a derrière lui

 21   l'autorité du général Mladic.

 22   S'agissant de cet accord de cessez-le-feu, vous voyez ici un texte

 23   dont est l'auteur le général Tolimir qui adresse cette notification au

 24   corps d'armée. Il y dit : Nous avons examiné les cartes que vous nous avez

 25   envoyées où étaient censées figurer les lignes de conflit entre la VRS et

 26   les forces musulmanes, et il ajoute dans ce texte : Corps de la Drina,

 27   franchement vous ne vous en êtes pas bien sortis du tout. Vous n'avez même

 28   pas indiqué des lignes autour du front, et il pense notamment à Srebrenica


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  1   lorsqu'ils les accusent d'avoir fait un travail de piètre qualité. Il

  2   ajoute : On ne sait pas qui est en contrôle de l'usine de Zeleni Jadar.

  3   Là, il fait référence à ce poste d'observation E, dans le coin sud-

  4   est de l'enclave. Ce poste d'observation se situe sur un axe est-ouest tout

  5   à fait critique. Si les Serbes souhaitaient lancer une attaque contre

  6   Srebrenica, il fallait que cette route goudronnée leur soit accessible, et

  7   c'est de cela qu'il parle notamment en février 1995. Il faut qu'il dispose

  8   d'informations très précises et de renseignements précis, et vous verrez le

  9   rôle que jouent ces renseignements pour les actions à mener en juillet.

 10   Ensuite, il donne des instructions sur toutes les questions qui font

 11   l'objet un petit peu de polémique.

 12   Il leur remonte les bretelles en disant : Bon, cette fois, faites un

 13   travail un peu plus correct.

 14   Un mois plus tard à peu près, autre document, rédigé par le général Tolimir

 15   et portant la date du 19 mars 1995 intitulé : "Etablissement d'un système

 16   de sécurité et contrôle du territoire."

 17   Alors, que se passe-t-il, rappelez-vous de la carte, la route qui rejoint

 18   Bratunac à Konjevic Polje en allant de l'est vers l'ouest avec cette

 19   intersection entre l'axe nord-sud et l'axe est-ouest ? En fait, c'est de

 20   cette intersection entre les deux routes qu'il parle à proximité de

 21   Konjevic Polje, et il est dit dans cette communication : Il y a des zones

 22   non occupées que devront se saisir les forces musulmanes si nous ne faisons

 23   rien. Il le dit au président Karadzic, à qui il propose que des Unités du

 24   ministère de l'Intérieur, du MUP donc, soient détachées sur place. Il parle

 25   de ces deux routes, la route nord-sud et la route est-ouest, et encore une

 26   fois, la zone de Bihac et de Podrinje. Il ajoute : Veuillez informer

 27   l'état-major principal des intentions du MUP.

 28   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, au cours du


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  1   procès, vous verrez plusieurs documents indiquant qu'au cours de cette

  2   période de 36 heures, le général Karadzic, par le truchement du

  3   commandement du ministère de l'Intérieur, a veillé précisément à ce qu'il y

  4   ait des forces de la police du MUP stationnées à l'intersection de ces deux

  5   routes, croisement qui sera essentiel, et vous le comprendrez lorsque nous

  6   évoquerons les transports forcés de population et les opérations de

  7   meurtre.

  8   Je vois que le moment est peut-être bienvenu pour la pause, Monsieur le

  9   Président, en tout cas à moi il me convient parfaitement.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur Thayer. Nous allons

 11   effectivement faire notre deuxième pause et reprendrons à 18 heures 15.

 12   --- L'audience est suspendue à 17 heures 46.

 13   --- L'audience est reprise à 18 heures 16.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer.

 15   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Au cours de cette période février/mars 1995, vous verrez que le général

 17   Tolimir reçoit des renseignements et des rapports de sécurité et de

 18   renseignement à propos de la situation à Zepa et à Srebrenica depuis ses

 19   subordonnés, tels que Beara, qui sont sur le terrain et qui rencontrent les

 20   responsables de la FORPRONU et qui vont à Zepa pour recueillir des

 21   informations. Vous entendrez par ailleurs qu'ils reçoivent des

 22   informations, au début de 1995, que c'était les Musulmans qui essayaient de

 23   quitter l'enclave en raison de pénurie et de condition de vie invivable. Ça

 24   a été le cas déjà depuis le début de la guerre, et tout cela n'a fait que

 25   se détériorer suite à l'ordre du général Mladic datant de juillet 1995,

 26   isolant les enclaves les unes des autres, mettant un petit peu la pression

 27   sans aller carrément jusqu'à ce que devienne intolérable.

 28   Le général Tolimir reçoit ces informations et les relaye une fois de plus


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  1   au président Karadzic ainsi qu'aux différentes agences de renseignement

  2   parce que c'est une information importante pour la situation stratégique de

  3   cette zone. Il reçoit des informations également de la part des dirigeants

  4   politiques et militaires à Srebrenica et Zepa. Vous entendrez le nom de

  5   Golic, un agent du renseignement du Corps de la Drina, qui envoie un

  6   rapport, le long de la chaîne de commandement selon lequel on évoque les

  7   Musulmans de Srebrenica et de Zepa qui quittent les enclaves et où il

  8   indique quelles sont les identités des différents militaires officiers de

  9   haut rang à Zepa, certains sont également des responsables politiques de

 10   haut rang.

 11   Donc vous entendrez notamment les noms d'Avdo Palic, qui est un dirigeant

 12   de l'armée musulmane, commandant de la Brigade de Zepa, Hamdija Torlak,

 13   Emir Imamovic, qui sont des leaders de la communauté musulmane. Le général

 14   Tolimir reçoit donc des informations relatives à ces personnalités, et les

 15   informations sont relayées depuis le corps d'armée jusqu'à l'état-major

 16   principal et finalement jusqu'au général Mladic.

 17   Vous verrez les rapports du général Golic et est indiqué de la main

 18   du général Mladic une mention adressée au général Tolimir, on y dit : Toso,

 19   il faut que non, on continue il faut que ça soit poursuivi au 65e Régiment

 20   de Protection dans la zone. Il faut utiliser cela. Ce sont vraiment des

 21   exemples de la façon dont ces renseignements sont utilisés au cours de

 22   cette période et de ces événements de juillet 1995.

 23   Puis une fois de plus, le général Tolimir reçoit ces informations relatives

 24   à la situation humanitaire dans les enclaves elles-mêmes. Donc ces

 25   événements désastreux ont lieu au mois de juillet 1995, Srebrenica et Zepa

 26   ne sont pas simplement des noms des endroits sur une carte que lit le

 27   général Tolimir; non, ce sont des endroits qu'il connaît très bien dont il

 28   a une connaissance experte, et qui s'inscrive directement dans les


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  1   objectifs stratégiques généraux que nous avons évoqués toute la journée

  2   d'aujourd'hui. Cela il ne faut à aucun prix l'oublier parce que ces

  3   enclaves il le voit de ces deux points de vue.

  4   Si l'on poursuit l'examen des événements de 1995, on s'apercevra preuve à

  5   l'appui que la hiérarchie politique, militaire des Serbes de Bosnie

  6   considérait que ces enclaves étaient importantes et il y avait un accord

  7   entre eux et ils estimaient qu'il allait falloir mener une attaque, une

  8   offensive imminente dans cette zone. Il y avait un projet d'action

  9   militaire à mener incessamment sous peu. Le général Rupert Smith qui était

 10   le commandant des forces de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine témoignera,

 11   et vous dira qu'il a eu des rencontres avec le président, qu'il a rencontré

 12   à plusieurs reprises le président Karadzic, parfois, d'homme à homme,

 13   parfois avec d'autres hauts responsables des Nations Unies, et avec

 14   d'autres responsables également, tel que M. Krajisnik. Parfois le général

 15   Tolimir était présent sur place, parfois le général Gvero l'accompagnait.

 16   Mais dès le début de 1995, la situation était déjà critique dans les

 17   enclaves et la FORPRONU s'en est plainte auprès des dirigeants politiques

 18   et militaires serbes de Bosnie. Et vous verrez que la VRS avait

 19   systématiquement limitée l'arrivée d'aide humanitaire vers les enclaves

 20   jusqu'en mars 1995, avant même mars 1995. Mais vous verrez, nous verrons le

 21   document dans quelques instants - cette fois l'on s'approche véritablement,

 22   la pression augmente et l'on s'approche du paroxysme. Ce que nous

 23   examinerons c'est une autre directive. La Directive numéro 7. On a parlé de

 24   la 4e Directive. Cette 7e Directive opérationnelle remonte à mars 1995, et

 25   ici vous voyez apparaître à l'écran simplement la première de couverture où

 26   il est indiqué la date, 17 mars.

 27   Il est dit sur cette première page un certain nombre de choses qui sont

 28   l'issue de l'analyse de la disponibilité opérationnelle conduite au mois de


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  1   janvier, au plus haut niveau de la hiérarchie militaire et politique donc

  2   les dirigeants des plus hauts niveaux se répartissent les tâches pour cette

  3   période imminente de la guerre. L'état-major principal rédige, à ce moment-

  4   là, cette directive et la publie au mois de mars, la date de la directive

  5   est en fait le 8 mars 1995.

  6   Nous savons que le général Tolimir est associé à cette exercice de

  7   rédaction directive -- il est associé à cette analyse de disponibilité

  8   opérationnelle qui est à l'origine de cette Directive opérationnelle numéro

  9   7 et nous savons qu'il a participé à la rédaction de ce document, de cette

 10   directive puisque c'est la méthode globale qui est appliquée, c'est-à-dire

 11   que tous les experts font valoir leur savoir-faire respectif qui sont

 12   ensuite mis en commun afin de rédiger ce document qui est une directive

 13   opérationnelle, un document militaire.

 14   Nous voyons qu'il y a un paragraphe qui a trait aux caractéristiques

 15   principales de la situation militaire et politique internationale, tout

 16   comme c'était le cas dans d'autres ordres de combat où l'on voit que le

 17   général Tolimir adresse un message qui inclut son évaluation de la

 18   situation, et ce message est inclus dans le texte l'on y voit un paragraphe

 19   très détaillé sur les objectifs et plans probables des forces musulmanes.

 20   Là encore, c'est là le travail du général Tolimir. C'est à lui qu'incombe

 21   cette tâche il est responsable de cette zone.

 22   Il est dit l'on estime que les Musulmans prévoient une offensive au

 23   printemps, qu'ils vont essayer de concentrer leur attention sur les

 24   enclaves afin d'établir le lien entre les différentes enclaves et de

 25   parvenir à la Drina. Ce qui les inquiète - et on l'a vu dans un des

 26   discours, une des allocutions du président Karadzic - ce qui les inquiète,

 27   c'est que les Musulmans parviennent à établir ce couloir vert, qui

 28   traverserait un couloir islamique qui traverserait toute la Bosnie jusqu'à


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  1   la Drina.

  2   L'information que l'on voit apparaître et qui porte sur l'évaluation des

  3   plans de l'ennemi, on voit qu'il apparaisse également dans la septième

  4   Directive opérationnelle, il aide à lui donner ces orientations. L'on voit

  5   dans le suivi à cette directive une référence aux rapports de renseignement

  6   du général Tolimir, référence très précise. Cela paraît dans la section qui

  7   apparaît à l'écran et qui est consacrée aux tâches à confier à la VRS.

  8   Voici les tâches générales des objectifs :

  9   "Lorsque vous serez aux alentours des enclaves de Zepa et de Srebrenica, il

 10   conviendra de procéder à une séparation physique de Srebrenica et de Zepa,

 11   et ce, dans les plus brefs délais afin d'éviter toute communication entre

 12   les individus de deux enclaves."

 13   Là encore, il s'agit de véritablement resserrer les taux d'isoler les deux

 14   enclaves. Il ne faut pas faire de procès d'intention pour autant mais l'on

 15   sait que l'intention avait toujours été illégale c'est ce que -- si l'on en

 16   croit les objectifs stratégiques figurant dans les 1ère et 3e Directives, à

 17   savoir expulser les populations musulmanes. 

 18   Aussitôt après cette partie, vous avez le passage suivant ce sont ici des

 19   instructions données au Corps de la Drina :

 20   "Grâce à des opérations de combat planifiées, il est créée une situation

 21   intolérable d'insécurité absolue sans le moindre espoir de survie ou de vie

 22   pour les habitants de Srebrenica et de Zepa."

 23   Attardons-nous un instant sur ces mots. Ici, c'est la mouture la plus

 24   récente de cette Directive 4, qui est vraiment le fil d'Ariane. C'est ça

 25   qu'on trouve en filigrane de tous ces objectifs illégaux. On prend pour

 26   cible les enclaves. Le motif est en infraction de la loi. On veut créer une

 27   situation à ce point intolérable, on veut rendre la vie tellement intenable

 28   pour ces habitants qu'ils n'ont qu'une seule possibilité, qu'une seule


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  1   issue : c'est la fuite. Il fallait créer des conditions qui -- c'est un

  2   ordre très clair qui cherche à priver de leur droit de vie à Zepa, et à

  3   Srebrenica, leurs habitants. Nous allons effectivement trouver ceci, une

  4   autre partie qui fait le lien avec d'autres parties de cette directive.

  5   Effectivement, la perte de tout espoir de survie va être reliée à la

  6   question de l'approvisionnement en aide humanitaire à la population civile

  7   et le fait de rapprovisionner la FORPRONU. Donc on a cette phrase qui dit

  8   de créer une situation intolérable, insoutenable, ne laissant aucun espoir

  9   de vie ni de survie.

 10   Partie suivante de ce texte, il est question d'une autre opération au cas

 11   où les forces de la FORPRONU partiraient, où on va assurer la libération

 12   définitive de la région de la Drina. Ici, nous avons ce passage dont je

 13   viens précisément de parler.

 14   "Les organes de l'Etat et les organes militaires pertinents responsables de

 15   la coopération avec la FORPRONU et les organisations humanitaires…"

 16   Je m'arrête un instant pour dire que là, les éléments de preuve sont

 17   éclatants de précision. Qui est responsable de la coopération avec la

 18   FORPRONU ? C'est l'état-major principal. Je poursuis la lecture.

 19   "…vont, grâce à des obstructions planifiées à la délivrance de permis,

 20   réduire et limiter le soutien logistique de la FORPRONU aux enclaves et

 21   l'approvisionnement en ressources matérielles de la population musulmane,

 22   ce qui va rendre la population tributaire de notre bonne volonté tout en

 23   évitant que nous soyons condamnés par la communauté internationale et

 24   l'opinion publique internationale."

 25   Alors essayons de disséquer un peu ce texte, qui est très complexe. Les

 26   éléments de preuve seront éclatants. Là aussi, c'est l'état-major principal

 27   qui dit quel convoi peut passer ou pas, que ce soit à destination de la

 28   FORPRONU, pour les forces de maintien de la paix ou pour le Haut-


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  1   commissariat aux Réfugiés, vivres, produits d'hygiène pour la population

  2   civile musulmane de Zepa aussi et de Srebrenica. Ici, il est question de

  3   l'état-major principal et l'organe d'Etat. C'est en fait une commission

  4   qui, en dernière instance, devait s'en remettre à l'état-major principal.

  5   Grâce à une restriction planifiée mais dissimulée, quand on dit "non

  6   manifeste," "unobtrusively," c'est faire preuve d'intelligence. Les

  7   éléments de preuve vous le montreront, le général Tolimir, Gvero, ne

  8   perdait jamais de vue l'importance de la communauté internationale.

  9   Avec Mladic, ces deux hommes étaient les personnalités les plus

 10   publiques. On les interviewait pour le journal télévisé, et c'était Tolimir

 11   qui avait pour mission d'avoir cette vue panoramique des choses, de savoir

 12   ce qui se passait dans la communauté internationale, d'avoir vraiment une

 13   vue panoramique de ce qui se passait tout en ayant un œil vigilant sur le

 14   terrain. C'est pour ça qu'ici, on fait preuve d'intelligence.

 15   On dit : On va le faire, mais on va le faire en catimini. On va les

 16   rendre tributaires de nous, mais nous allons nous y prendre de façon à ne

 17   pas déclencher une intervention des Nations Unies ou une intervention du

 18   genre de celle qu'il y a eu en 1993 avec la venue du général Morillon.

 19   C'est un thème récurrent. On dit : On ne peut pas se faire arrêter une fois

 20   de plus, comme ce fut le cas quand est venu Morillon. On ne peut pas avoir

 21   ces responsables du maintien de la paix autour de Srebrenica et de Zepa.

 22   L'ordre est clair : Il faut créer ces conditions. Quand on lit ceci en

 23   conjonction avec le passage précédent, quand on avait ces mots horribles

 24   qui disaient qu'il fallait rendre la vie de ces personnes insoutenable, et

 25   c'est un ordre qu'envoie l'état-major principal à ses commandements

 26   subordonnés sur le terrain.

 27   Je pense que puisque nous allons voir ces images à un autre moment du

 28   procès, vous allez retrouver ce libellé, le fait de rendre la vie


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  1   insupportable. Vous allez trouver in extenso, mot pour mot, ces termes dans

  2   l'ordre qu'envoie le général Zivanovic au Corps de la Drina, parce que, là,

  3   il faut appliquer cette politique sur le terrain. Ce ne sont pas que des

  4   paroles. Ce sont des ordres destinés à créer ces conditions. Ces ordres

  5   sont pris très au sérieux car on sait comment fonctionne l'armée. On donne

  6   des ordres, dans l'armée. Les ordres doivent appliqués, exécutés. Une fois

  7   exécutés, il faut en faire rapport en remontant la chaîne de commandement.

  8   Si ce n'est pas le cas, quelqu'un en sera tenu pour responsable. Vous le

  9   voyez ici, le général Zivanovic envoie ce message. Il dit :

 10   "Il faut créer ces conditions qui seront à ce point insoutenables."

 11   Nous avons ici une opération de transfert forcé qui commence à arriver à un

 12   point d'ébullition. Il y a des tireurs embusqués, il y a des pilonnages et

 13   il y a un étouffement -- un étranglement lent, inexorable des enclaves

 14   pendant toute la durée du printemps 1995. C'est à dessein que l'état-major

 15   décide de serrer la vis et de diminuer les approvisionnements destinés au

 16   DutchBat comme à la population civile de Srebrenica et de Zepa. Ceci

 17   s'inscrit dans ce plan commun, dans ces efforts organisés visant à faire

 18   partir la population.

 19   Commençons par les instructions en matière de convois. C'était simple : si

 20   la FORPRONU avait besoin de ravitaillement ou s'il y avait une relève de

 21   personnel ou un relèvement des observateurs, à ce moment-là, on envoyait un

 22   fax à l'état-major principal. Il y avait un certain Djordjevic, un colonel,

 23   qui était préposé à recevoir ces demandes, mais Mladic s'appuyait sur les

 24   principaux hommes qu'il avait à sa disposition, Tolimir, Gvero, qui

 25   travaillaient ensemble pour examiner ces demandes et lui faire des

 26   propositions. Pour ce qui est des convois d'aide humanitaires, je vous ai

 27   dit qu'il y avait ce qu'on appelait la commission de la Republika Srpska,

 28   une commission d'Etat chargée de la coopération avec les organisations


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  1   internationales, les organisations humanitaires. L'état-major principal y

  2   avait un membre le représentant dans la commission.

  3   Vous verrez requête sur requête pour qu'un convoi soit autorisé à

  4   passer. On dit : Voilà, nous avons examiné le plan de la commission, nous

  5   approuvons ceci mais nous rejetons ceci et cela. Ce qui veut dire qu'en

  6   dernière instance, c'était toujours l'état-major principal qui déterminait

  7   ce qui allait entrer dans l'enclave et ce qui n'allait pas entrer dans

  8   l'enclave. Nous vous montrerons des exemples de ces demandes. Nous avons

  9   des notes manuscrites de Mladic, qu'il envoie à Toso ou à Gvero : fais-nous

 10   une proposition, qu'est-ce que tu suggères ?

 11   Nous verrons la signature ou le paraphe du général Tolimir. Vous

 12   verrez parfois même les commentaires du général Tolimir à même la requête

 13   envoyée par fax.

 14   J'aimerais vous donner une idée de ce à quoi ressemblait ce refus

 15   d'autorisation de passer donné aux convois. Vous verrez une notification du

 16   général Miletic en date du mois de mars. Nous avons réduit les plans

 17   concernant les enclaves quant au nombre de véhicules et le nombre de

 18   véhicules n'est pas permis, pas plus que le transport de carburant. En

 19   dépit des instructions en matière de restrictions que nous avons soumises

 20   au comité de coordination, on peut s'attendre à ce que la FORPRONU essaie

 21   de faire entrer du carburant dans l'enclave, ce qu'il ne faut pas

 22   autoriser. Autre refus, en date du mois de mars. Qu'est-ce qui ne peut pas

 23   entrer dans Srebrenica à cause de ce refus ? Du diesel, des vivres

 24   réfrigérés ou pas, des rations sèches, des pièces de rechange, une remorque

 25   -- un camion citerne. Puis il y a une note, une instruction dans le dernier

 26   paragraphe :

 27   "Donnez des informations sur les convois qui n'ont pas été autorisés à

 28   franchir les potes de contrôle. Ne les donnez à personne et n'expliquez


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  1   rien à personne. Faites comme si vous n'aviez rien reçu. Si un convoi

  2   apparaît à un croisement, il faut le renvoyer, l'obliger à rebrousser

  3   chemin."

  4   Des lits d'hôpitaux, des lits de camp pour le HCR, qui avait demandé

  5   des convois, demande approuvée par le comité d'Etat en avril 1995, mais la

  6   VRS ne permet pas que du boeuf, de l'huile, du sel soient envoyés à

  7   Srebrenica. 8, 9, 10, 11, 12, 13 avril 1995 : à ces dates, rien n'était

  8   censé entrer dans Srebrenica. Du matériel scolaire, aussi, s'est vu

  9   interdit. Vous verrez ces exemples vous-même pendant le procès. Je ne vais

 10   pas m'attarder davantage sur ce point, mais je voudrais vous donner un

 11   exemple qui va illustrer les problèmes ainsi occasionnés, notamment pour

 12   les Nations Unies, qui avaient pour responsabilité de faire parvenir cette

 13   aide humanitaire dans les enclaves. Ici, nous sommes au mois de juin.

 14   Problèmes au niveau des convois, notamment de logistique et de

 15   réapprovisionnement pour le DutchBat et pour les civils, le HCR se

 16   poursuive dans beaucoup de parties de la zone de responsabilité de la

 17   FORPRONU. Ce convoi de 56 camions qui devait arriver dans les enclaves

 18   orientales est arrivé à Belgrade hier mais la BSA, en fait, quand la

 19   FORPRONU parle VRS. Elle prend le sigle en anglais, "Bosnian Serb Army" --

 20   donc la VRS a diminué le nombre de camions autorisé. Il n'est plus que de

 21   23. Elle a diminué de 50 % la quantité de vivres autorisée et de 70 % la

 22   quantité de carburant autorisée. Elle a rejeté le passage de deux

 23   ambulances nécessaires pour les troupes onusiennes et a insisté pour dire

 24   que les effectifs accompagnant le convoi partent avec celui-ci, même si

 25   personne ne peut empêcher, en d'autres termes, la relève des effectifs.

 26   Donc, l'idée, c'était d'empêcher qu'il y ait rotation au niveau des

 27   effectifs. On laissait partir les hommes mais on n'autorisait pas l'arrivée

 28   de nouveaux gardiens de la paix, ce qui veut dire que ces hommes n'avaient


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  1   pas de quoi pour manger, étaient sous l'ombre, n'avaient pas suffisamment

  2   d'armes et vous allez voir comment tout ceci a eu un effet très négatif sur

  3   le caractère opérationnel de ces troupes.

  4   Mais lorsque l'état-major a approuvé le passage d'un convoi, ce qu'il

  5   a fait, enfin, il n'a pas dit non tout le temps parce qu'il leur fallait

  6   quand même respecter certaines limites, et ça, vous allez le voir partout.

  7   Vous verrez que Tolimir, Gvero, l'état-major savaient jusqu'où aller, à

  8   quel moment s'arrêter et jusqu'où aller pour ne pas déclencher un tollé de

  9   la communauté internationale, et ils ne voulaient sûrement pas qu'il y ait

 10   un soutien aérien de l'OTAN, ils ne voulaient sûrement pas qu'il y ait non

 11   plus le soutien de forces terrestres.

 12   Lorsque l'état-major a approuvé le passage d'un convoi, ce convoi

 13   devait être inspecté -- vérifié à Zvornik, et en fonction du pont que ce

 14   convoi empruntait. Il y a des rapports de la Brigade de Zvornik envoyés aux

 15   corps qui énumèrent les éléments -- les objets qu'ils ont retirés des

 16   convois. Parce que ces hommes savaient ce que l'état-major autorisait et ce

 17   qu'il interdisait. Par exemple, des stérilisateurs de terrain de campagne.

 18   Ça, c'est un produit médical. C'était empêché. A un moment donné,

 19   simplement, du détergent pour faire la lessive, du shampoing, des

 20   serviettes, tout ça était enlevé, ainsi que des produits de nettoyage.

 21   Le général Tolimir était partie intégrante de tout ce processus à

 22   plusieurs titres, notamment parce que c'était les Unités de la Police

 23   militaire et les organes de Sécurité qui avaient la responsabilité de la

 24   tenue et du fonctionnement de ces postes de contrôle. Nombreux seront les

 25   exemples, grâce aux documents de notification, vous allez voir manuscrit

 26   "sécurité, organe de Sécurité," ou le nom de l'officier de la brigade qui

 27   montre que cette demande est adressée et parvient à l'organe de sécurité.

 28   Lorsqu'une approbation était donnée au passage d'un convoi, vous le


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  1   verrez, c'était le service de Sécurité qui avait pour obligation de

  2   superviser et d'appliquer cette politique de la VRS qui déterminait ce qui

  3   pouvait entrer dans l'enclave, bien sûr, un aspect du renseignement qui

  4   joue. C'est pour ça que le général Tolimir était responsable de ces

  5   activités. Mais sur le terrain, dans l'enclave de Srebrenica, pour le

  6   DutchBat, pour la population civile souffrante à Srebrenica, la procédure

  7   suivie par la VRS, en matière de convoi, elle s'est personnifiée en la

  8   personne de Momic Nikolic, et vous l'entendrez, l'adjoint au commandant

  9   responsable du renseignement pour la Brigade de Bratunac.

 10   Parce que le dernier poste de contrôle avant d'entrer à Srebrenica,

 11   c'était à Bratunac, un poste de contrôle qu'on appelle le Pont jaune. Il se

 12   trouve à proximité du poste d'observation néerlandais Papa. Momir Nikolic

 13   procède chaque fois à un contrôle rigoureux, à une inspection rigoureuse,

 14   et vous verrez des documents où il a écrit :

 15   "…pas un seul convoi, pas une seule équipe du CICR ou des Médecins

 16   sans frontières peut entrer sans ma permission dans Srebrenica."

 17   Comme en juillet 1995, le colonel Ognjenovic invente le fait qu'il

 18   avait à expulser les Musulmans pour rendre la vie insupportable, Momir

 19   Nikolic reçoit ses instructions de ses supérieurs hiérarchiques. L'état-

 20   major principal connaissait bien Momir Nikolic, et nous verrons des

 21   documents de l'état-major principal qui le mentionnent nommément. Ces

 22   documents disent :

 23   "Nous avons établi les modalités d'inspection et nous avons aussi

 24   établi les demandes à cet égard."

 25   Voyons un autre document, document établi dans le cadre d'une analyse

 26   de l'état de disponibilité opérationnelle. C'est pour vous de donner une

 27   idée du degré d'organisation de discipline qui régnait dans la VRS. C'est

 28   une brigade qui établit ce rapport point par point et sous la rubrique :


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  1   "Soutient renseignement sécurité," ce rapport dit ceci :

  2   "En 1995, les organisations internationales, et leurs représentants sont

  3   passés et sont restés temporairement dans la zone de responsabilité de la

  4   brigade."

  5   On dit que chaque événement a été rapporté aux organes supérieurs et à

  6   l'état-major principal, et il est question des postes de contrôle grâce au

  7   contrôle des organisations internationales, et on dit que ces postes

  8   fonctionnent conformément aux ordres donnés par l'état-major principal et

  9   aux instructions données par le commandant de la brigade.

 10   On vous dira que les conditions non cessées d'empirer à partir de mars 1995

 11   jusqu'à l'attaque du mois de juillet. La délivrance en catimini au compte-

 12   goutte de permis par la VRS, il ne fallait pas qu'il soit trop rigoureux

 13   pour vraiment créer une situation de misère. Il ne fallait pas empêcher

 14   trop de convois de passer pour affamer encore davantage les gens qui

 15   étaient déjà affamés et il est clair que l'effet provoqué a été amplifié

 16   car il y avait déjà sur place des conditions de détresse.

 17   A cela s'ajouter le fait et nous le prouverons qu'il y a eu de plus

 18   en plus d'activités de tireurs embusqués pendant cette période. Vous, vous

 19   souvenez de cet ordre donné à propos des tireurs embusqués et des

 20   silencieux qu'il fallait mettre sur les armes, et c'était l'état-major

 21   principal qui avait cette école de formation des tireurs embusqués, et il y

 22   a les soldats de la Brigade de Bratunac qui tiraient sur ces civils

 23   musulmans. En même temps, le commandant de la Brigade de Bratunac disait

 24   qu'il fallait rendre la vie des Musulmans insupportable, et donc il y a eu

 25   une recrudescence des tireurs embusqués mais aussi des pilonnages.

 26   Les survivants, des témoins viendront vous dire que les bombardements

 27   se sont intensifiés en 1995, et vous verrez, comme en 1993, des rapports

 28   sur le renseignement et la sécurité de Tolimir en 1995, qui disent qu'en


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  1   fait ces pilonnages ça fait partie d'une campagne d'intoxication de

  2   propagande, de désinformation.

  3   Il y a un exemple notoire celui du pilonnage de civils par la VRS le

  4   25 mai 1995, et ce jour-là, en guise de représailles contre des frappes de

  5   l'OTAN, la VRS a pilonné toutes les zones de sécurité ce jour-là, les

  6   frappes aériennes avaient frappé des dépôts de munition. La plupart des

  7   jeunes qui célébraient, qui fêtaient l'anniversaire de Tito, ils étaient 70

  8   à Tuzla, ils ont été tués alors qu'ils fêtaient ceci dehors en début de

  9   soirée. Ils ont été pilonnés par la VRS et le VRS a aussi simultanément ou

 10   quasi pilonné Srebrenica une gamine de 9 ans a été tuée, et sa sœur a été

 11   grièvement blessée.

 12   Vous l'entendrez. Ce fut une attaque coordonnée dirigée contre la

 13   population civile pour la seule et unique raison de semer la terreur et la

 14   souffrance.

 15   D'autres témoins nous relaterons une attaque survenue le 24 juin 1995, un

 16   observateur militaire des Nations Unies vous le dira. Il y aura des

 17   rapports montrant qu'il y a eu infiltration par la VRS du 10e Détachement

 18   de Sabotage, pour qu'ils tirent sur des civils à Srebrenica, ce qui a

 19   provoqué la mort de civils.

 20   Momir Nikolic, l'homme responsable de la sécurité et l'adjoint à la Brigade

 21   de Bratunac, vous le dira, et le colonel Salapura dont nous avons parlé,

 22   subordonné direct de Tolimir, a dirigé cette action sur le terrain. Ce qui

 23   veut dire que, lorsque arrive la fin du mois de juin - et ici nous avons

 24   une parmi de multiples lettres de protestation envoyées par les Nations

 25   Unies - le général Smith s'est plaint auprès du général Mladic parce qu'il

 26   dit recevoir quasi chaque jour des rapports attestant de pilonnage sur

 27   Bihac, zone de sécurité, Gorazde, zone de sécurité, Sarajevo, pilonnage de

 28   zones fortement peuplées.


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  1   Le général Tolimir a déjà son moyen de communication. Après cette attaque

  2   du 24, où des civils sont tués, il dit que :

  3   "Il y a de plus en plus de méfiance dans la population à l'égard de ces

  4   dirigeants militaires et civils à Srebrenica, il y a d'autres accusations

  5   qui disent que ceci a provoqué des actes de représailles de la part de la

  6   VRS en raison d'infiltration et action de sabotage en territoire serve. Le

  7   commandement de la 28e Division envoie des informations fausses disant que

  8   c'est la VRS qui a mené des actions de sabotage visant des civils et des

  9   installations civiles, pour ainsi provoquer la condamnation de la

 10   communauté internationale."

 11   C'est ce message qu'a façonné, qu'a usiné le général Tolimir depuis le

 12   premier jour. Le modus operandi n'a jamais changé.

 13   Vous entendrez très vite parler de l'effet qu'ont eu ces restrictions sur

 14   les forces de maintien de la paix du DutchBat et sur la population civile.

 15   Les dirigeants des Nations Unies ont rencontré les chefs politiques et

 16   militaires des Serbes de Bosnie, ils ont manifesté leurs inquiétudes. Vous

 17   l'entendrez. Vous entendrez le président Karadzic répéter l'évaluation

 18   faite par le général Tolimir, à savoir qu'il s'attendait à une percée des

 19   Musulmans de l'enclave Karadzic dit de l'enclave que c'est une bombe à

 20   retardement sur le point de se déclencher.

 21   Lorsque arrive le mois de juillet 1995 les forces de maintien de la paix

 22   qui devaient être au nr de 600 n'étaient plus qu'au nombre de 350. Ils

 23   n'avaient pas été autorisés à amener des armes. Ils devaient utiliser les

 24   armes utilisées par ceux qui étaient avant eux. Ils n'avaient pas de

 25   nouvelle munition, notamment pour les systèmes antichar. Ils n'avaient pas

 26   depuis février de renouvellement en combustible. Ils utilisaient du bois

 27   pour cuisiner, et ils devaient faire des patrouilles à pied -- ils ne

 28   pouvaient pas appliquer le mandat qu'ils leur avaient été donné. Ils


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  1   vivaient de ration sèche parce qu'ils n'avaient pas de vivre fraîche, parce

  2   qu'ils n'avaient pas de carburant, et ils s'éclairaient à la chandelle le

  3   soir. Effectivement, il y avait aussi un problème ils ne pouvaient pas

  4   utiliser de l'électricité pour purifier l'eau.

  5   Pour les civils de Srebrenica, c'était une situation catastrophique.

  6   La FORPRONU ne pouvait pas maintenir les installations hospitalières, ne

  7   pouvait pas les réapprovisionner. Les gens étaient affamés. Si les gens

  8   essayaient de partir de Srebrenica à Zepa pour aller trouver de quoi

  9   manger, ils se faisaient tuer.

 10   Vous avez une photo prise par un membre du DutchBat. Vous voyez des civils

 11   de Srebrenica qui sont rassemblés autour d'un camion qui ramasse les

 12   immondices. Ils cherchent quelque chose à manger. Ils le faisaient souvent.

 13   Ils triaient les déchets dans l'espoir de trouver quelque chose à manger.

 14   Le général Tolimir connaissait cette situation, même avant que la Directive

 15   numéro 7 ne commence à fonctionner. Donc là, nous sommes avant même cette

 16   délivrance au compte-goutte des permis. Donc, imaginez ces conditions.

 17   Etes-vous en mesure de le faire ? Moi, je ne sais pas. Je pense que je ne

 18   pourrais pas ressentir ce qu'ont vécu ces gens en 1995.

 19   Un membre du DutchBat, le commandant adjoint du bataillon à Srebrenica, le

 20   colonel Franken, vous dira que c'est en fait une terreur par les convois,

 21   et c'est bien ce que c'était. La Directive numéro 7 a été appliquée avec

 22   brutalité. Vous verrez l'effet qu'elle a eu sur la capacité ou l'incapacité

 23   du DutchBat à répondre à l'attaque militaire imminente.

 24   Je vois l'heure qu'il est. La journée se termine, et comme j'étais sur le

 25   point d'aborder un nouveau chapitre, je pourrai fort bien le commencer

 26   lundi -- je disais demain, excusez-moi.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, ce ne sera pas demain.

 28   Nous allons lever l'audience, mais lundi, il faudra savoir et se demander


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  1   comment nous allons organiser nos journées, quand nous allons faire des

  2   pauses, quelle sera la durée des volets d'audience.

  3   Nous allons lever l'audience et elle reprendra lundi prochain à 9 heures,

  4   ici même.

  5   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le lundi 1er mars

  6   2010, à 9 heures 00.

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