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1 Le vendredi 26 février 2010
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour. Nous revoici dans ce
7 prétoire. Je salue toutes les personnes ici présentes.
8 Je vais demander au Greffier d'audience de citer l'affaire inscrite
9 au rôle.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et
11 Messieurs. Affaire IT-05-88/2-T, le Procureur contre Zdravko Tolimir.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
13 Il ne sera pas nécessaire de demander aux parties de se présenter chaque
14 jour, mais puisque c'est aujourd'hui que commence le procès, je vais
15 demander aux parties de se présenter.
16 M. THAYER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
17 Bonjour, Général. Bonjour, Maître Gajic. Je m'appelle Nelson Thayer.
18 J'ai le premier substitut à mes côtés, M. Peter McCloskey, et Janet Stewart
19 est notre commis à l'affaire. Elle sera fidèle au poste tous les jours du
20 procès.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
22 Au nom de la Défense.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Dieu
24 vous bénisse tous. Je m'appelle Zdravko Tolimir, et vous avez ici
25 Aleksandar Gajic, mon conseiller juridique. Je souhaite que votre travail
26 soit couronné de succès et j'espère que vous pourrez, avec l'aide de Dieu,
27 mener ce procès à bon port.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur Tolimir. Je
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1 suppose que vous entendez bien l'interprétation?
2 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête de l'accusé.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Moi aussi, j'espère que nous pourrons
4 bénéficier au cours de ce procès d'une excellente coopération et d'un bon
5 climat d'audience. Nous attendons maintenant le propos liminaire de
6 l'Accusation.
7 Vous avez la parole, Monsieur Thayer.
8 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de me
9 donner la parole.
10 Madame et Messieurs, le 12 mai 1992, à la 16e séance de l'assemblée
11 nationale du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, le président Radovan
12 Karadzic a annoncé les objectifs stratégiques qu'allaient poursuivre le
13 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient au nombre de six, et pour
14 la population de Srebrenica et de Zepa en particulier, deux de ces
15 objectifs stratégiques allaient être poursuivis et maintenus tels des
16 flambeaux pendant tout le reste de la guerre, et allaient garder attisée à
17 tout jamais la flamme de la haine et allaient trouver son apogée dans
18 l'enfer qui a fini par consumer, par brûler plus de 7 000 hommes et
19 adolescents à Srebrenica, dans ces champs de la mort de la Bosnie
20 orientale. Ils allaient à tout jamais laisser des brûlures indélébiles chez
21 leurs êtres chers, ceux qui ont survécu mais qui avaient été affamés,
22 terrorisés, pilonnés, bombardés, pour finir par être chassés, expulsés de
23 ce qu'on avait appelé la zone de sécurité de Srebrenica et de Zepa dans des
24 cars, des camions découverts, et aussi dans des camions servant à déplacer
25 les immondices. Ils étaient déchirés de leur famille qu'ils n'ont pour la
26 plupart jamais revue.
27 Il y avait parmi ces personnes qui maintenaient la flamme de la guerre des
28 gens de très haut niveau, comme Radovan Karadzic, président de l'assemblée
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1 nationale, Krajisnik, qui avaient établi ces objectifs stratégiques. Il y
2 avait aussi les plus hauts officiers, les officiers les plus gradés de la
3 VRS, l'armée de la Republika Srpska; Ratko Mladic, Milan Gvero, Radislav
4 Krstic, et l'accusé, Zdravko Tolimir.
5 C'étaient des hommes aguerris, des officiers chevronnés de la JNA, qui
6 avait été une des armées les plus professionnelles à l'époque. C'étaient
7 des gens sortis d'académies militaires, qui avaient bénéficié de formation
8 spécialisée, qui avaient suivi des cours dans les écoles de guerre de haut
9 commandement à Belgrade, des hommes qui avaient été décorés pour leur
10 service. Ils étaient aussi les héritiers des horreurs qu'avait semées la
11 Deuxième Guerre mondiale, cette guerre horrible qui a laissé des traces
12 dans les Balkans, comme dans le reste de l'Europe. Pour empêcher que ne se
13 produisent des crimes contre l'humanité et que ne se viole le droit
14 international, la JNA avait formé ces officiers en ce devoir sacré, une
15 obligation confiée à chaque soldat, et surtout à la classe des officiers
16 qui pouvait se retrouver en état de guerre; pour leur dire qu'il y avait
17 des règles à respecter en temps de guerre, qu'il fallait respecter sans
18 faute.
19 Lorsque la VRS a été constituée, elle a fait siennes ces obligations
20 consacrées et elle a formé ses officiers pour qu'ils ne sachent que jamais
21 on aurait comme héritage affligeant des hommes faisant la guerre, ces
22 crimes, ces horreurs qu'avait connus l'ex-Yougoslavie. Ce procès porte sur
23 la trahison de cette obligation sacrée et confiée à ces hommes, notamment à
24 un de ces officiers en la personne de Zdravko Tolimir, qui était au plus
25 haut échelon de la VRS, et qui était un des adjoints de Ratko Mladic, en
26 qui celui-ci faisait le plus confiance. C'est pour dire, ce procès fait que
27 Tolimir a choisi d'abandonner ses obligations, d'oublier la loi de la
28 guerre et de poursuivre l'idéal d'un Etat monoserbe, pour finir par
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1 organiser et diriger la commission de brutalités et d'exactions qui étaient
2 en violation flagrante, et il le savait, de chacun des principes qui
3 avaient constitué son code d'officier. Il savait parfaitement bien que
4 c'étaient là des crimes contre l'humanité.
5 Il est accusé de génocide surtout à deux titres, parce qu'il a participé à
6 ce plan incessant, impitoyable mis au point par les dirigeants serbes et
7 militaires afin de chasser la population musulmane des enclaves de
8 Srebrenica et de Zepa. Il voulait rendre la vie de ces gens à ce point
9 insupportable que ces gens n'avaient aucun espoir de survivre dans la
10 région. A un autre titre aussi, parce qu'il a assisté, supervisé et
11 autorisé la détention organisée, l'exécution et l'enterrement de milliers
12 d'adolescents et d'hommes musulmans après que ces hommes, suivant le plan
13 formé, eussent été éliminés de l'enclave.
14 Nous allons prouver qu'il a participé à ces crimes odieux en
15 utilisant tous les moyens possibles. Vous entendrez des témoins ici, vous
16 verrez des dossiers militaires, vous entendrez des transcriptions d'écoute
17 téléphonique, vous aurez aussi des cassettes vidéo, la science légale sera
18 invoquée et vous verrez des images aériennes.
19 Vous verrez que le général Mladic, en personne, a dit, en avril 1995,
20 ceci à l'assemblée du pays :
21 "M. le Général Tolimir a été mon bras droit, l'homme le plus proche
22 de moi pendant cette guerre. Quand on voit ses états de service, c'est lui
23 qui a le plus d'ancienneté. Il a été avec moi dès les premiers jours."
24 Effectivement, il avait la responsabilité des unités et des hommes
25 entre les mains de qui Mladic reposait sa vie, et il était adjoint pour les
26 renseignements et la sécurité à l'état-major principal, mais ce n'était pas
27 un commandant comme on l'entend généralement. Il n'était pas là sur le
28 terrain à donner des ordres à des unités de combat. Il avait une autorité,
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1 une influence qui était incontestable, même s'il n'était pas commandant de
2 terrain. Avant les déportations massives, les expulsions et exécutions de
3 juillet 1995, Mladic s'est appuyé sur Tolimir pour étouffer petit à petit
4 les enclaves de Srebrenica et de Zepa pour créer des conditions
5 insupportables qui allaient bientôt forcer la population musulmane à
6 abandonner tout espoir et à partir, remplissant ainsi ces objectifs
7 stratégiques dont je viens de parler.
8 Lorsque ces expulsions forcées, lorsque ces crimes massifs ont
9 commencé en juillet 1995, vous le verrez, grâce à nos moyens de preuve, il
10 trempait dans toutes ces opérations. Il alliait l'idée d'ensemble et la
11 précision clinique qui a toujours caractérisé ses activités et dont
12 dépendait le général Mladic. J'irais même jusqu'à dire que sans ces
13 qualités, la VRS n'aurait pas survécu.
14 Des éléments de preuve vont le prouver, dans cette misère, dans ce
15 carnage de 1995, Tolimir a bien donné des ordres, le général Tolimir a bien
16 fait des propositions qui étaient suivies d'effets, et le général Tolimir
17 supervisait et autorisait les officiers qui ont organisé cette boucherie de
18 7 000 hommes et adolescents. Ce sont ses hommes à lui, Ljubisa Beara, son
19 subordonné direct, celui qui était chef de la sécurit à l'état-major, et on
20 peut suivre toute la filière de commandement. On va trouver Vujadin
21 Popovic, Corps de la Drina. Ils étaient sur les lieux de détention,
22 d'exécution et d'enterrement pour veiller à ce que cette opération
23 meurtrière fasse sa sale besogne jusqu'à ce que la dernière balle soit
24 tirée, jusqu'à ce que le dernier corps soit enfoui.
25 Ce procès ne va pas porter sur les pauvres soldats qui avaient le
26 doigt sur la gâchette dans ce champs de la mort de Bosnie orientale, mais
27 c'est un procès des officiers qui, au quotidien, ont été responsables du
28 travail que faisaient Beara et Popovic, par exemple, de ceux qui ont veillé
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1 à ce qu'on tire effectivement sur la gâchette. Je dis "de ceux-là," je
2 devrais dire "celui," car il s'agit du général Tolimir.
3 Je vais passer en revue pour vous certaines de ses contributions à
4 certaines de ces opérations de transfert forcé, à certaines des opérations
5 meurtrières. Mais les éléments de preuve vont vous le montrer, l'horreur de
6 juillet 1995, ce n'est pas quelque chose d'abstrait, de spontané. Ce n'est
7 pas une combustion spontanée; au contraire, la VRS a tout fait pour que la
8 population musulmane quitte Srebrenica et Zepa déjà en 1992. Et elle a
9 tramé, elle a préparé un programme systématique qui devait mener,
10 finalement, à la destruction de la population musulmane de Srebrenica et de
11 Zepa, grâce à cette expulsion forcée et à ces crimes massifs.
12 Il faut voir quels sont certains des documents-clés pour montrer
13 l'intention, la connaissance, le rôle et la contribution du général Tolimir
14 à l'entreprise criminelle commune. Commençons et revenons à cette
15 tristement célèbre 16e assemblée de mai 1992 et aux objectifs stratégiques
16 énoncés par Karadzic devant l'assemblée.
17 Normalement devrait apparaître à l'écran une copie, le texte en
18 anglais de ces six objectifs stratégiques. Constatons-le : le premier
19 objectif stratégique - et dites-moi si ceci pose des problèmes techniques -
20 premier objectif stratégique :
21 "Etablir une frontière d'Etat qui sépare les Serbes des deux autres
22 communautés ethniques."
23 C'est là, bien sûr, les Croates et les Musulmans.
24 Deuxième objectif : il fallait créer un couloir qui aille du nord-est
25 à l'ouest. Troisième objectif stratégique :
26 "Etablir un couloir dans la vallée de la Drina."
27 Il fallait que la Drina cesse d'être une frontière qui sépare les
28 Etats serbes.
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1 Mais qu'est-ce que ceci voulait dire ? Le président Karadzic l'a dit, ce
2 jour-là. Nous allons, pour voir ce qu'il a dit, examiner le procès-verbal
3 de cette assemblée.
4 "Le premier objectif, dans ce sens, c'est la séparation …"
5 Il définit les deux autres communautés ethniques. Il dit que :
6 "… ce sont nos ennemis et qui se sont saisis de toutes les occasions,
7 surtout celles présentées par ce siècle, de nous attaquer, et qui allaient
8 continuer à le faire si nous restions ensemble dans ce même Etat."
9 Ici est évoqué le traitement brutal infligé par l'Etat fantoche nazi aux
10 Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je parle ici de l'Etat
11 indépendant de Croatie.
12 Maintenant, voyons le troisième objectif stratégique :
13 "Nous sommes de part et d'autre de la Drina et notre intérêt
14 stratégique et notre espace, c'est là qu'ils se trouvent. Maintenant, nous
15 entrevoyons la possibilité d'avoir quelques municipalités musulmanes le
16 long de la Drina, qui seraient les enclaves, pour que leurs droits soient
17 respectés, mais cette ceinture le long de la Drina doit au fond appartenir
18 à la Bosnie-Herzégovine serbe. C'est utile stratégiquement et c'est
19 positif, parce que ceci nous permet d'entamer les intérêts de nos ennemis
20 en établissant un corridor qui les relieraient; sinon, à l'International
21 musulman et rendrait cette région à tout jamais instable."
22 Donc ici vous avez un amalgame létal : la volonté de se réunir avec la mère
23 Serbie en franchissant la rivière pour former un Etat serbe uni, alliée à
24 la peur de voir venir l'ennemi. Ceci à maintes reprises de façon
25 persistante, vous allez voir qu'on va entonner le chant du génocide pour
26 faire peur aux Musulmans et aux Croates et vous l'entendrez aussi de la
27 bouche des membres de l'état-major principal.
28 La 16e Assemblée, autre élément important ce jour-là, c'est la
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1 création de l'armée elle-même, de l'armée de la République serbe de Bosnie-
2 Herzégovine qui allait bientôt devenir l'armée de la Republika Srpska ou
3 VRS. Ce jour-là, Ratko Mladic a lui aussi été nommé, il a été nommé chef de
4 l'état-major principal de l'armée. Les éléments de preuve vous le
5 prouveront. A ce moment-là, Tolimir était colonel et il était à Banja Luka
6 à l'occasion de cette assemblée et il allait très souvent prendre la parole
7 à l'assemblée pendant la guerre. Le général Mladic accepte le poste qu'il
8 lui est confié, et même à cette occasion il a voulu citer nommément le
9 général Tolimir lorsqu'il a présenté des remerciements. La veille, le 11
10 mai 1992, 12 officiers de la JNA - quatre anciens généraux : le général
11 Mladic; Milovanovic, dont vous allez entendre parler; le général Milan
12 Gvero, vous en entendrez parler; et le général Djordje Djukic, dont nous
13 allons un peu parler aussi - se sont rencontrés à Crna Rijeka près de Han
14 Pijesak, là où voulait être cantonnée l'armée. On leur a dit que le
15 lendemain Mladic -- ou plutôt que l'armée allait être constituée le
16 lendemain et que Mladic deviendrait chef de son état-major principal. On a
17 dit à ces hommes la veille de l'assemblée que Gvero allait devenir le chef
18 adjoint de la morale, Djukic serait nommé pour la logistique et le colonel
19 Tolimir deviendrait l'adjoint responsable du Renseignement et de la
20 Sécurité. Et vous avez ainsi pratiquement dès le premier jour la
21 constitution qui va demeurer : Mladic, Gvero et Tolimir.
22 Vous verrez tous les ordres officiels présidentiels qui
23 mettent en œuvre ceci et portant mobilisation de tous les Serbes pour
24 qu'ils fassent partie de la VRS, équipés de leur matériel, et aussi ordres
25 importants parce que ses officiers les plus compétents seront nommés à des
26 postes de responsabilité dans l'armée.
27 Comment est-ce que ceci a fonctionné, vous aviez Radovan Karadzic qui
28 est devenu le commandant suprême des forces armées, se composant de la VRS;
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1 de la police, qu'on appellera le MUP, ce qui veut dire en B/C/S, ministère
2 de l'Intérieur; et la Défense civile. Mladic était chef de l'état-major
3 principal et il avait comme supérieur direct Radovan Karadzic.
4 Comment savons-nous que ces objectifs stratégiques annoncés en mai
5 1992 étaient davantage que de simples paroles creuses prononcées par un
6 homme politique et que ces objectifs ont été effectivement transmis aux
7 hommes du terrain ?
8 Parlons tout d'abord d'une réunion qui s'est tenue à Bijeljina le 2
9 septembre 1992 à laquelle assistaient le président Karadzic; Krajisnik, le
10 président de l'assemblée; et le général Gvero, au nom de l'état-major
11 principal. Vous allez voir le journal de guerre de celui qui est
12 aujourd'hui le général Novica Simic. Il était commandant du Corps du Bosnie
13 orientale pendant la guerre. Momcilo Krajisnik a pris la parole ce jour-là
14 et a répété ces six objectifs stratégiques, et le général Simic les a très
15 fidèlement repris chacun d'entre eux dans son journal à l'époque à
16 l'époque. Et il dit que le premier, c'était la séparation directe des
17 Musulmans, et puis que les Serbes s'accaparent la vallée de la Drina.
18 Vous voyez l'évangile est transmis. Ça fait un temps certain qu'il se
19 propage, mais là il y va à toute vapeur. Comment savons-nous que ceci se
20 mute en action, qu'on passe de la rhétorique parlementaire à des résultats
21 concrets sur le terrain. Et ce qui compte aussi en quoi ceci est-il
22 pertinent pour administrer la preuve de responsabilité du général Tolimir.
23 Les éléments de preuve vous le montreront. Ces objectifs, ils ont été
24 transmis et traduits en tâches militaires concrètes, "des directives". Les
25 documents écrits qui confiaient des opérations militaires précises à la VRS
26 dans une zone d'opérations précise et pour une période précise, avec
27 plusieurs échelons d'activités, chacun ayant ses objectifs. Nous le verrons
28 plus tard, ces directives, en général, étaient établies à l'état-major
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1 principal où vous aviez dans ce processus les commandants adjoints qui
2 faisaient le rapport dans le cadre des directives plus générales, après
3 quoi elles étaient affinées pour devenir un document serré, solide,
4 technique, qui pouvait être compris et appliqué par l'échelon opérationnel,
5 par les corps d'armée et par les unités se trouvant sous ces corps d'armée.
6 Ces directives étaient approuvées par le général Karadzic. Il les
7 signait parfois, parfois c'était le général Milovanovic ou le général
8 Mladic qui les signait avant que celles-ci ne soient envoyées aux échelons
9 subalternes. Dans les commandants inférieurs, ces documents étaient reçus,
10 analysés et traduits en ordres de missions concrètes sur le terrain.
11 C'est ainsi que les objectifs stratégiques sont transmis. Voyons un
12 des documents-clés à cet égard, la Directive numéro 4, c'est comme ça que
13 nous allons l'intituler pour les besoins du procès.
14 Vous voyez les premiers mots ou plus exactement qu'elle commence par
15 une étude de la situation militaire et politique actuelle et les activités
16 et les intentions de l'ennemi. A l'état-major principal, c'était le travail
17 qui revenait au général Tolimir que de déterminer quelles étaient les
18 activités et les intentions de l'ennemi. De cette façon, la JNA était à
19 même de préparer les actions au mieux et de procéder aux meilleures
20 analyses. Donc ceci faisait partie des fonctions du général Tolimir.
21 Nous parcourons ce document et nous voyons qu'il montre que le Corps de la
22 Drina, qui a englobé Gorazde, Zepa, Srebrenica, ces zones de sécurité,
23 avait été formé et qu'il commençait les activités de combat, notamment à
24 Podrinje, zone qui reprend les territoires de ces enclaves aussi. La
25 directive ajoute que :
26 "Les groupes ennemis de… Gorazde, Zepa, Srebrenica et Cerska n'ont
27 pas été tout à fait battus en déroute."
28 Que voyons-nous jusqu'à présent, que c'est une terminologie guerrière
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1 habituelle. Il faut battre l'ennemi, infliger le plus de pertes possibles.
2 Pas de problème à ce niveau-là. Vous voyez les positions prises à ce
3 moment-là par le Corps de la Drina :
4 "Il faut épuiser l'ennemi et infliger le plus grand nombre de pertes
5 possibles."
6 Mais regardons maintenant ces termes-ci, je vais vous les citer :
7 "…et forcer l'ennemi à quitter les zones de Bihac, Zepa et Gorazde en
8 même temps que la population musulmane."
9 Vous entendrez que cette partie ainsi que d'autres régions autour de là
10 étaient comprises. C'est un ordre juridique facile à rater, c'est juste une
11 ligne de texte. Toutefois, c'est écrit noir sur blanc. Et on le verra
12 bientôt, c'est plus que des mots. Dans une armée aussi disciplinée et aussi
13 bien organisée que la VRS, cet ordre représente l'intention formelle des
14 plus hauts dignitaires de l'armée des Serbes de les faire partir.
15 Le général Milovanovic, qui est l'auteur de cela, déposera en tant
16 que témoin de l'Accusation, et ce ne sera pas une surprise, il sera très
17 franc quant à la signification de ces ordres. Nous verrons aussi ce que
18 cela voulait dire.
19 Quelques jours plus tard, on trouve un ordre du Corps de la Drina en date
20 du 24 novembre 1992. C'est un document qui a été publié par le colonel
21 Zivanovic, colonel à l'époque. On en entendra parler pendant ce procès. En
22 1995, il était le commandant du Corps de la Drina et le général Zivanovic
23 jusqu'au 13 juillet, lorsque le général Krstic a pris cette fonction. Mais
24 en 1992, c'est lui qui commandait le Corps de la Drina. Alors que nous dit-
25 il dans cet ordre ? Tout en haut, dans le premier paragraphe :
26 "Conformément à la directive de l'état-major principal de l'armée de
27 la Republika Srpska…" et il cite directement les numéros des ordres de la
28 Directive numéro 4, donc il n'y a aucun doute quant à ce qu'il veut dire.
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1 Il nous dit : "…j'ai décidé de lancer une attaque…"
2 Mais, là encore, on voit les mots, le choix des mots, je cite :
3 "…forcer la population musulmane locale à abandonner Cerska, Zepa,
4 Srebrenica et Gorazde."
5 En d'autres termes, ce qu'avait dit le général Milovanovic n'avait
6 pas été oublié par le général Zivanovic, et on verra ensuite à quel point
7 tout cela était important pour la VRS en termes de préparation
8 psychologique et on verra aussi l'importance de cette opération d'un point
9 de vue stratégique.
10 "…informer les membres d'unités de l'importance des objectifs de cette
11 opération et souligner que le résultat de ces petites actions et de toute
12 l'opération est particulièrement important pour atteindre les objectifs
13 pour le peuple serbe, à savoir la création et l'établissement d'un Etat
14 serbe dans la région."
15 Alors penchons-nous un instant, Monsieur le Président, sur cette carte.
16 Vous avez entendu parler du Corps de la Drina, de différents sites en
17 Bosnie orientale. Birac, là encore, c'est la zone de Bratunac, Vlasenica,
18 Zvornik, Srebrenica et Cerska. Il y aura des références à Podrinje, le haut
19 Podrinje, Podrinje central, le sud. Commençons par le commencement peut-
20 être. A gauche, en bleu, vous avez la Drina qui s'écoule vers le nord sur
21 la frontière orientale du Corps de la Drina. Elle passe par Bijeljina et
22 elle se déverse dans un autre fleuve. Vous verrez qu'elle passe non loin de
23 Zepa en bas, et on en reparler plus tard dans le cadre de ce procès. Les
24 Musulmans ont dû partir pour rester en vie et traverser à la nage cette
25 rivière. On le verra, le Corps de la Drina avait son quartier général à
26 Vlasenica. Juste à côté, vous avez le Corps de Bosnie orientale, qui était
27 commandé, comme je le disais tout à l'heure, par le général Simic; c'est
28 celui qui a rédigé ces six objectifs stratégiques dans son agenda, et nous
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1 en avons déjà parlé tout à l'heure.
2 Venons-en maintenant à cette deuxième carte. Là encore, comme vous le
3 voyez, vous avez la Drina en bleu et on voit bien qu'elle passe vraiment
4 non loin de Zepa, cette rivière, et vous voyez les trois enclaves, en
5 commençant par le sud-ouest et jusqu'au nord-est : Gorazde, Zepa et
6 Srebrenica. Et vous voyez que Zepa et Srebrenica sont très proches. En
7 fait, en plein milieu de la carte, il y a un drapeau bleu qui représente le
8 poste de commandement de l'état-major principal de Crna Rijeka, au sud-est
9 de Han Pijesak. Inutile de passer au crible chacune des brigades, mais
10 juste au sud de Zepa, au sud-ouest, vous avez la 1ère Brigade d'Infanterie
11 de Podrinje, que l'on connaît comme la Brigade de Rogatica, parce qu'elle
12 était basée à Rogatica, et au nord de Srebrenica, on trouve la 1ère Brigade
13 de Zvornik, qui était commandée par Vinko Pandurevic en juillet 1995.
14 Alors, Madame, Messieurs, suite à la publication de cette Directive numéro
15 4, on le verra, le Corps de la Drina n'a pas pu mener à bien toutes les
16 missions qui étaient les siennes. On vous dira notamment que les forces
17 musulmanes ont enregistré un certain nombre de victoires fin 1992 et début
18 1993, y compris lors de l'assaut du Noël orthodoxe, assaut du village de
19 Kravica le 7 janvier 1993. Cet assaut était mené par des forces menées par
20 Naser Oric, et vous en entendrez parler. Evidemment, le général Tolimir
21 connaissait ces événements, parce que c'était une défaite militaire de
22 taille et cela représentait également une menace pour la sécurité de la
23 région. Son travail consistait à savoir ce que faisait l'ennemi, et ce qui
24 est plus important encore, c'est ce qu'il aurait pu faire ou s'apprêtait
25 potentiellement à faire.
26 Vous avez donc ici un exemple. En haut, on nous dit que c'est l'état-major
27 principal de la VRS, l'administration de la Sécurité et des Renseignements,
28 ça c'est son poste au sein de l'état-major principal. On parlera de secteur
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1 un peu plus tard. Vous verrez, dans certains documents, on parle de secteur
2 de la Sécurité et du Renseignement. Donc, soit administration, soit
3 secteur.
4 Ce sont des informations qu'il transfère. On l'a informé que des
5 Musulmans ont prévu de renouveler leur attaque d'ici deux ou trois jours.
6 Il surveille cette zone. Est-ce que l'on voit ? C'est une contre-attaque du
7 Corps de la Drina. A l'écran, vous voyez donc un ordre de combat du Corps
8 de la Drina pour libérer Kamenica, Cerska et Konjevic Polje, une série de
9 villes que l'on repérera sur la carte dans quelques instants, à l'ouest de
10 Srebrenica.
11 On le voit dans ce premier paragraphe, le général Zivanovic parle de ces
12 ordres qu'il avait donnés en novembre 1992 dans lesquels il avait repris
13 les mots de la Directive 4, à savoir cet ordre criminel de faire partir la
14 population musulmane, de les faire fuir. On le voit dans ce document, il
15 fait allusion aux pertes subies par ses forces à Kravica, Glogova.
16 Ensuite, il demande la libération. Là encore, avec les préparatifs
17 psychologiques, on voit à quel point cette zone était éminemment importante
18 pour les Serbes de Bosnie. Il faut souligner, et je cite :
19 "…que la réussite de ces activités… est éminemment importante pour
20 les Serbes de cette zone et au-delà."
21 Dans le cadre de tout cela, il s'agissait de faire fuir toute la
22 population en application des ordres du général Zivanovic. Vous entendrez
23 des témoignages sur les attaques violentes du Corps de la Drina dans ces
24 villages de Cerska, Kamenica et Konjevic Polje avec un pilonnage et un
25 ciblage systématique des civils, ce qui a fait que la population a été
26 forcée de fuir, que les maisons ont été incendiées après le passage de
27 l'armée et la VRS utilisait un euphémisme pour décrire tout cela et parlait
28 de libération. Lorsque vous voyez ce terme, "libérer" ou "libération", les
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1 éléments de preuve montreront en fait qu'il s'agissait de nettoyage
2 ethnique, de chasser d'expulsions par la force.
3 Ici, vous avez une carte qui vous présente ces zones dont je vous
4 parle. Vous voyez Zvornik. Au sud de Zvornik, vous avez la zone de
5 Kamenica. Là, on a souligné Cancari, qui est à quelques kilomètres.
6 Ensuite, il y a ces différents villages qui, un par un, Cerska, Konjevic
7 Polje, villages qui sont tombés, et la population a été ramenée à
8 Srebrenica. Il s'agit de pertes territoriales très importantes. Vous
9 entendrez des témoignages de gens qui ont survécu à ces attaques, et vous
10 entendrez également des témoignages sur la catastrophe humanitaire qui a
11 été créée dès lors que l'on a regroupé ces dizaines de milliers de gens
12 dans ou autour de la ville de Srebrenica.
13 Peut-être pourrions-nous nous arrêter un instant sur une vidéo qui
14 vous donnera une idée de quelles étaient les conditions, à l'époque.
15 Ensuite, j'aimerais revenir sur la pertinence de ces événements par rapport
16 à ce que pensait M. Tolimir et par rapport aux chefs d'Accusation qui lui
17 seront reprochés dans le cadre de ce procès.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
20 "En essayant de faire le maximum pour la population, les Nations
21 Unies ont planifié et attendu le retour des réfugiés en pensant que la
22 population de la région devrait être réduite, notamment pour ceux qui sont
23 déjà des réfugiés, les milliers d'hommes et de femmes qui n'ont pas de
24 logement et qui ne bénéficient d'aucun soutien dans la ville. C'est sur
25 cette base que le Haut-commissariat pour les Réfugiés et son envoyé spécial
26 ont nié cette implication de nettoyage ethnique.
27 Les gens que nous avons évacués de Srebrenica ont déjà été purifiés d'un
28 point de vue ethnique parce qu'ils viennent de régions qui sont tombées
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1 sous le contrôle serbe. Ce ne sont pas des gens qui viennent de Srebrenica.
2 Ce sont des réfugiés, et ils viennent des villages alentour de Cerska, de
3 Kamenica Polje, des endroits qui ont été récupérés par les Serbes il y a
4 quelque temps.
5 "Toutefois, le plan de M. Mendeluce est très ambitieux. Depuis plus d'une
6 semaine, des convois très importants ont parfois été retardés ou n'ont pas
7 pu passer à cause de militaires aux points de passage militaires. Tout cela
8 s'est intensifié et a été aggravé par les combats qui règnent dans la
9 région. Il y a des tirs et des combats très importants autour de Srebrenica
10 avec les Serbes qui pilonnent les maisons de la ville et les Musulmans qui
11 contre-attaquent.
12 "Parallèlement, il n'y a pas d'engagement au sol par rapport au plan
13 d'évacuation de l'ONU, et chacun pense ici que les choses devraient se
14 passer calmement.
15 "Kate Adie pour BBC News, Bosnie."
16 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "En Bosnie orientale, 37 Musulmans ont été blessés et ont été écartés
20 de l'enclave. Les hélicoptères des Nations Unies et la force de protection
21 des Nations Unies sont les premiers à avoir pu rentrer dans cette zone
22 depuis un certain temps. Bon nombre de ceux qui sont dans la région se sont
23 réfugiés dans les montagnes autour de Zepa et vont probablement avancer
24 vers Gorazde, une autre enclave musulmane qui est considérée comme une zone
25 de sécurité par les Nations Unies.
26 "[aucune interprétation]"
27 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Thayer, vous
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1 devez savoir qu'il n'y a pas eu d'interprétation vers le B/C/S.
2 M. THAYER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais le son n'est
3 pas tellement important. Ce qui était important, en l'occurrence, c'est de
4 donner une impression visuelle de la population et du fait qu'il y avait
5 tellement de gens qui étaient présents à Srebrenica, le fait qu'il y avait
6 des blessés qui sortaient de Zepa, et cetera. Malheureusement, nous ne
7 disposons pas d'une transcription écrite, que ce soit en anglais ou en
8 B/C/S, de cette petite vidéo.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, je -- c'est quand même --
10 cela pose problème.
11 M. THAYER : [interprétation] Oui. Nous disposons d'une traduction pour tout
12 le reste -- pour le reste de la présentation.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, très bien. Poursuivez.
14 M. THAYER : [interprétation] Merci.
15 Monsieur le Président, je voudrais maintenant revenir sur certains comptes
16 rendus concernant ces activités pour essayer de gagner un peu de temps.
17 J'aimerais en venir à ce dont je parlais il y a quelques instants, à savoir
18 les éléments de preuve, le calendrier, l'état-major principal et tout ce
19 qui a mené aux événements de 1993. Ce que nous avons maintenant à l'écran,
20 c'est une analyse effectuée par l'état-major principal quant à savoir s'ils
21 étaient prêts au combat, fin 1992. Alors, cette analyse de niveau de
22 préparation au combat est une autoévaluation qui a été menée, tout d'abord,
23 aux échelons les plus bas du commandement par l'état-major principal. C'est
24 un compte rendu, une analyse de ce qui avait été fait de la performance au
25 cours de ces derniers mois.
26 Ici, nous avons ces éléments pour la période pour avril 1993.
27 Il y a une conférence qui a eu lieu pendant deux jours sur ce niveau de
28 préparation au combat M. Mladic était présent ainsi que ses commandants,
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1 les commandants de corps, ainsi que les autorités politiques les plus
2 élevées de la Republika Srpska. Ils ont présenté chacun leur analyse quant
3 au niveau de préparation au combat, les enjeux, les difficultés, les
4 missions à venir, et cetera. On le voit ici le général Tolimir était chargé
5 de prendre la parole lors de ce séminaire, et ici on a un aperçu de la
6 façon dont l'état-major principal se voyait lui-même et cela donne
7 également une idée des principaux objectifs une stratégique et des
8 directives qui avaient été prises.
9 Cela fait allusion au besoin de faire reculer les Musulmans et de protéger
10 les Serbes de l'extermination et de génocide, tout en posant les jalons
11 d'un Etat serbe.
12 Ensuite on parle de ces objectifs stratégiques plus précisément qui ont été
13 définis devant l'état-major et qui servaient de grandes orientations à la
14 lumière de laquelle les batailles allaient être menées.
15 Ce qu'on nous dit ici c'est qu'ils avaient des objectifs plus larges qui
16 avaient été fixés par les politiques, mais pour reprendre leurs mots -
17 comme on le voit dans cet extrait, l'état-major principal de l'armée et je
18 cite :
19 "De la Republika Srpska a traduit ces objectifs qui avaient été fixés
20 et ces missions en missions individuelles et générales pour la VRS."
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous n'avez rien à l'écran.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi mais on ne me présente que des
23 documents en anglais, et au fur et à mesure de la présentation de ces
24 documents il ne cite pas de cote 65 ter. Donc je ne suis pas en mesure de
25 les retrouver. Ce que j'ai sous les yeux est en anglais uniquement. Merci
26 de m'avoir permis de prendre la parole, je m'excuse auparavant d'avoir dû
27 vous interrompre.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, nous ne sommes pas
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1 en train de verser des pièces au dossier. Nous sommes dans la déclaration
2 liminaire. C'est un problème que vous pourrez soulever plus tard. Merci.
3 Veuillez poursuivre, Monsieur Thayer.
4 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Ce que l'on voit ici là encore c'est que ce document qui a été rédigé par
6 l'état-major principal précise que :
7 "Pour protéger le peuple serbe de génocide qu'il s'agit de préserver
8 le patrimoine culturel des Serbes, qu'il faut se concentrer sur la
9 libération des territoires qui sont les nôtres et qui nous appartiennent,
10 et ce, d'un point de vue historique."
11 Donc pour ce qui nous intéresse que nous dit ce document sur le fait
12 que l'armée se concentre sur cette zone Podrinje ? On le voit il tient
13 compte des succès qu'ils ont pu enregistrer dans le passât concernant la
14 libération, là encore on notera l'euphémisme, la libération de Podrinje.
15 Ils parlent des objectifs stratégiques de la guerre qui sont atteints, à
16 savoir entrer en contact avec la -- créer un contact avec la Serbie sur la
17 Drina et que la Drina ne soit plus une frontière."
18 Ça c'est l'objectif numéro 3.
19 Là encore, en prenant Srebrenica, Kamenica, Cerska, Glogova, ces
20 objectifs stratégiques seront atteints. Ces objectifs ne sont pas encore
21 atteints parce qu'ils n'ont pas encore pris à Srebrenica.
22 Enfin, on fait ici allusion à la présence du commandant de l'état-
23 major principal ou à l'un de ses représentants dans les unités qui mènent
24 cette mission de libération ce qui permettra d'appuyer les combats pour
25 atteindre cet objectif unique. Ce que les éléments de preuve nous
26 démontreront ici, Monsieur le Président, c'est quelle était la pratique ou
27 quelles étaient les pratiques de l'état-major principal, à savoir mettre
28 sur le devant de la scène l'un des assistants du général Mladic à lequel il
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1 avait le plus confiance, le mettre sur place au cœur de la bataille pour
2 qu'il puisse piloter, guider, et le cas échéant, faire en sorte que les
3 objectifs du général Mladic soient bel et bien appliqués et atteints sur le
4 terrain.
5 Je voulais également vous montrer le compte rendu d'une réunion qui a
6 eu lieu le 12 avril 1993. Lors de cette réunion étaient présents le
7 commandant des forces des Nations Unies; le général Morillon, donc vous
8 avez probablement déjà entendu parler; M. Mendeluce, le général que vous
9 avez vu dans la vidéo et qui vous parlait de ce nettoyage ethnique; les
10 généraux Mladic, Gvero, et Tolimir, évidemment, étaient présents à cette
11 réunion.
12 Le général Mladic dit -- déclare que :
13 "Il a participé à cette réunion pour la population musulmane de
14 Srebrenica et non pas pour son propre peuple."
15 On voit, dans ce document, que Mladic dit qu'il était conscient du
16 fait que la délégation de la présidence ne participerait pas à la réunion
17 parce que ça faisait partie de la stratégie des Musulmans de présenter la
18 situation comme étant aussi noire que possible, négative que possible. Il
19 dit ensuite que la vérité c'est que Srebrenica n'a pas été attaquée et que
20 tout était calme dans la région et que seul l'ABiH ou l'armée des Musulmans
21 on y fait allusion comme étant l'ABiH, et que seule cette armée donc de
22 Bosnie-Herzégovine avait rompu le cessez-le-feu. Il poursuit en disant que
23 les civils n'étaient pas ciblés par la VRS. Ici, on parle de l'armée serbe
24 de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. C'est l'ancienne appellation.
25 Il dit que les Serbes n'avaient aucun problème concernant l'évacuation des
26 civils que leurs actions étaient purement défensives et qu'il accuse les
27 Musulmans d'utiliser les convois d'aide humanitaire à des fins de
28 propagande pour atteindre leurs objectifs.
Page 354
1 Enfin, pendant ce procès, vous le verrez, c'est une stratégie qui a été
2 utilisée à plusieurs reprises par les membres-clés de l'état-major
3 principal, que ce soit Mladic, Gvero ou Tolimir.
4 Ça ne voulait rien dire tout est nié et des mensonges sont formulés. On
5 peut induire en erreur les ennemis. On peut mentir à son ennemi. Certes,
6 c'est la guerre. Mais lorsque l'on fait afin de serrer un objectif criminel
7 tel que contraindre des populations civiles par la force à quitter leurs
8 foyers tel que cela était le cas pour les populations musulmanes parce
9 qu'elles constituent un obstacle à votre volonté de constituer un Etat
10 serbe. Cela constitue une entreprise criminelle conjointe.
11 Vous verrez, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, que le
12 général Tolimir l'a fait au moyen de la VRS au moment où la VRS pilonnait
13 les positions de la FORPRONU et les hôpitaux au centre de la ville de
14 Srebrenica en juillet 1995.
15 Vous verrez, dans cet extrait, qu'il est dit que M. Thornberry ait demandé
16 si les Serbes avaient -- s'étaient emparés de Srebrenica par la force, et
17 le général Mladic indiquait qu'il entendait régler le problème de
18 Srebrenica par la voie politique, ajoutant que Srebrenica ne faisait pas
19 partie de la Bosnie orientale, mais faisait partie intégrante de la
20 Republika Srpska.
21 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous entendrez parler
22 d'un incident notoire qui a eu lieu ce jour-là, le 12 avril 1993,
23 précisément. Les forces serbes ont pilonné un terrain de jeux à Srebrenica,
24 tuant environ 60 personnes, dont la plupart étaient de jeunes enfants. Vous
25 verrez, par ailleurs, que les Nations Unies répondent à ce pilonnage. Vous
26 verrez que des témoins étaient présents. Nous les entendrons, ces témoins,
27 ils déposeront. Nous verrons comment, à maintes reprises, l'état-major
28 général tient des propos suivis d'actions qui sont en pleine contradiction
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1 avec les propos tenus et, bien entendu, l'état-major principal savait fort
2 bien ce qui se passait à Srebrenica au cours de cette période de 1993. Ils
3 savaient fort bien également ce qui se passait en 1995, soit dit en
4 passant.
5 Vous voyez apparaître à l'écran une demande formulée par le commandement du
6 Corps de la Drina, le colonel Zivanovic, une fois de plus, signe le
7 document. Il l'adresse à l'état-major principal, le lendemain de ce
8 pilonnage qui avait provoqué la mort de 60 personnes, et il indique :
9 "Vous n'êtes pas sans savoir qu'un grand nombre de civils de Srebrenica et
10 d'autres endroits ont trouvé refuge à Srebrenica."
11 Puis il poursuit et évoque "la population piégée, encerclée par les forces
12 serbes." Ce courrier, il l'adresse au général Gvero, chargé du moral des
13 troupes, et commandant adjoint, chargé du moral des troupes. Il pose et il
14 formule une requête au général Gvero, à qui il demande à ce que l'état-
15 major principal lui apporte son concours --
16 "Afin de résoudre le problème de la population qui souhaite quitter
17 Srebrenica, afin que ces populations puissent effectivement quitter en
18 toute sécurité la zone de combat."
19 C'est là la requête qu'il formule : libération, évacuation en toute
20 sécurité. Voilà encore les euphémismes parfaitement grotesques auxquels ont
21 recours les membres de l'état-major général dans ces documents. C'est
22 particulièrement sinistre et funeste, lorsque l'on voit que cela s'inscrit
23 dans le contexte d'un courrier adressé par le général Zivanovic qui, lui-
24 même, pilonne, qui est lui-même l'auteur de ces bombardements, qui est lui-
25 même l'auteur de ce nettoyage ethnique, et qui lui-même a été à l'origine
26 de ce mouvement de population civile vers la ville de Srebrenica. Puis les
27 Nations Unies, quelques jours plus tard, décident de décrire cette zone
28 comme étant une zone de sécurité et signant par là même, le début de cette
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1 campagne épouvantable de nettoyage ethnique.
2 Bien entendu que le général Tolimir est au courant. Après tout, cela
3 fait partie de son profil professionnel. Il est tenu de savoir ce qui se
4 passe dans cette zone, et on le voit qui envoie un rapport de
5 renseignements à peine quelques jours plus tard, suite au massacre que j'ai
6 évoqué, ce terrain de jeux. Il est adressé au président Karadzic. Tous les
7 organes du Renseignement et de la sécurité sont passés vers l'autre rive de
8 la Drina à l'armée de la Yougoslavie, la VJ. Dans ce document, il évoque le
9 rôle joué par le général Morillon, et il ajoute, je cite :
10 "Leur campagne de propagande, dont l'objectif est d'internationaliser le
11 problème et de veiller à ce qu'il puisse y voir un déploiement de la
12 FORPRONU à Srebrenica au moyen d'affirmations et de tirs d'artillerie
13 visant la ville et ayant pour conséquence de nombreux décès parmi la
14 population civile."
15 Par conséquent, si l'on s'intéresse à cette façon dont M. Tolimir exprime
16 les choses, on s'aperçoit que finalement, les 60 victimes de ce pilonnage
17 ne sont jamais que des outils de propagande et de simples affirmations sans
18 fondement.
19 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous verrez à mesure et
20 nous montrerons, preuves à l'appui, que le général Tolimir essaie de
21 formuler un message qui permet précisément de poursuivre sur la voie des
22 tactiques de la VRS.
23 Grosso modo, ce qu'il nous dit, c'est :
24 "Bien, vous savez, nous, nous ne faisons rien de mal. Il y a une
25 propagande à notre encontre. Finalement, nous nous n'avons rien fait. Ce
26 sont les Musulmans eux-mêmes qui s'autopilonnent, en quelque sorte, et
27 voilà que c'est nous qu'on montre du doigt," dit-il.
28 D'où la question ? Pourquoi le responsable de la sécurité et du
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1 Renseignement pour l'état-major principal se fend-il d'un tel courrier ?
2 Tout cela peut vous sembler une situation dans laquelle il se berce
3 d'illusions, mais, finalement, tout cela est lié précisément aux atrocités
4 épouvantables dont ont été victimes les populations serbes au cours de la
5 Deuxième Guerre mondiale. Le général Tolimir, l'état-major principal, ont
6 connu -- tout comme les autres dirigeants de la hiérarchie politique serbe,
7 ont connu ces erreurs et partagent cette conviction, à savoir que les
8 nations arabes du monde, les forces catholiques du monde conspirent afin
9 d'assurer la perte des Serbes. Ce génocide était sur le point d'arriver, ce
10 génocide de la population serbe, et le seul moyen d'éviter un tel génocide
11 des Serbes, c'était d'éliminer précisément ces catholiques et ces
12 Musulmans.
13 S'agissait-il là d'une véritablement intime conviction de la part du
14 général Tolimir ? Voilà une question à laquelle je ne peux pas répondre. En
15 revanche, ce que vous entendrez à maintes reprises, c'est les preuves selon
16 lesquelles le général Tolimir, tel un mantra, essaie de nier ce qui était
17 dit par le reste du monde. Il disait que la VRS ne tuait pas dans ces
18 pilonnages les populations de Srebrenica. Il disait qu'il n'y avait pas de
19 population affamée ou de population souffrante suite à cette campagne de
20 nettoyage ethnique de la VRS. Maintenant, là encore, je ne sais pas s'il le
21 croyait véritablement. Ça n'est pas extrêmement important. En revanche, il
22 était, lui et le général Gvero, en charge de la propagande et ils
23 s'efforçaient tous deux de faire passer ce message dans leurs propres
24 rangs.
25 Autre exemple, ici, le 17 avril 1993, autre rapport des services de
26 Renseignements
27 "Les Musulmans manipulent les blessés" - dit-il - "et prétendent que
28 tout cela est dû aux activités militaires de la VRS."
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1 Quelques jours plus tard, il fait référence à la campagne de
2 propagande relative à Zepa et à Gorazde où :
3 "D'aucuns prétendent" - dit-il - "que des populations meurent de
4 faim, comme ça avait été le cas à Srebrenica."
5 Malgré la condamnation internationale exprimée dans le cadre de la
6 Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, 819, déclarant
7 Srebrenica zone de sécurité, et peut-être même motivé par cette résolution
8 du Conseil de sécurité, la VRS lance une nouvelle offensive en mai 1993; et
9 l'on voit ici qu'il s'agit d'un ordre de combat de l'état-major principal
10 "aux fins de libération des enclaves de Zepa et Gorazde."
11 C'est à l'état-major principal même que ce document est rédigé, et
12 comme à l'accoutumée, on y évoque en préambule la situation politique : les
13 pensons de l'ennemi. L'on dit, dans ce document, que les VRS redoutent les
14 forces de maintien des Nations Unies qui, à Zepa, les empêcheront de se
15 saisir de Zepa comme, finalement, on les avait empêchés de se saisir de
16 Srebrenica, en son temps. Cet ordre de combat, et je cite un paragraphe
17 opérationnel au début du texte, je cite donc :
18 "Les dirigeants musulmans essaient d'internationaliser le problème de la
19 région de Podrinje et, coûte que coûte, essaient de veiller à ce que les
20 forces des Nations Unies de Srebrenica, Zepa et Gorazde puissent organiser
21 d'autres actions humanitaires."
22 Là encore, grosso modo, il faut traduire. Ce qu'il dit c'est : il faut
23 qu'on se débarrasse des Musulmans avant que les forces internationales
24 n'arrivent, et à chaque fois qu'il répète, comme ça, "internationaliser le
25 problème", c'est un mantra, je vous le disais, et vous l'aurez déjà entendu
26 parce qu'on a retrouvé exactement les mêmes mots dans le rapport des
27 services de Renseignements du général Tolimir. On voit, là, la main du
28 général Tolimir dans la formulation du texte. Il contribue lui-même à cet
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1 effort global visant à ce que soient expulsées de force les populations
2 musulmanes de la Bosnie orientale.
3 Je vous propose maintenant de passer au document suivant, où l'on parle de
4 nettoyer pleinement la vallée de la Drina -- différentes zones de la vallée
5 de la Drina et où il est dit, à peu près au milieu du texte, et je cite :
6 "Afin de permettre à la population civile bosniaque de quitter la zone et
7 afin qu'ils puissent être transférés" - c'est là le terme qu'ils
8 choisissent - "vers d'autres régions ou reconnaître le rôle de la Republika
9 Srpska et ainsi créer des conditions favorables au retour de la population
10 serbe sur les rives gauche et droite de la Drina."
11 Là encore, afin de parvenir à des objectifs stratégiques, donc premier
12 objectif séparer les Serbes des Musulmans et, deuxièmement, éliminer cette
13 frontière naturelle que constituerait entre les deux Etats serbes la
14 rivière qu'est la Drina. Ici, il est fait référence à une sortie organisée
15 des populations musulmanes, et vous verrez au haut du document que l'on
16 fait référence au Détachement de Sabotage et le 65e Régiment de Protection,
17 et vous voyez ici comment ces unités de l'état-major principal ont été
18 utilisées au cours des opérations dont était la cible Srebrenica et ses
19 activités de meurtre. Donc il s'agit de faciliter la sortie et d'organiser
20 le transfert, un petit peu comme cette évacuation en toute sécurité, citée
21 par le général Zivanovic. Là encore, des litotes et des euphémismes, et
22 l'on fait référence ici à la nécessité de se soumettre à l'autorité de la
23 Republika Srpska. L'on voit ici un exemple, le rapport -- je passe du
24 rapport que nous avons examiné, il y a quelques instants à d'autres
25 éléments de preuve qui vous feront comprendre que la VRS sait, à ce moment-
26 là, qu'aucun Musulman, dès lors qu'il est sain d'esprit, ne choisirait de
27 rester sur place, et d'ailleurs, la VRS ne le leur aurait jamais permis. La
28 destruction de mosquées, l'une après l'autre, est un des éléments qui nous
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1 permet d'imaginer ce qu'aurait pu être leur sort s'ils décidaient de
2 rester. Là encore, il s'agit d'activités qui ont eu lieu également en 1995.
3 Finalement, ces documents de la VRS se livrent à des propos purement
4 oratoires visant à donner le sentiment que les Musulmans pourraient rester
5 sur place s'ils se soumettaient à l'autorité de la VRS. Ce sont de vains
6 propos. Il ne s'agit jamais que de -- ce sont des propos parfaitement
7 hypocrites.
8 Merci.
9 Vous voyez ici un rapport des services de Renseignement où il est dit que
10 les Nations Unies ont adopté une autre résolution déclarant Gorazde,
11 Sarajevo, Zepa et Bihac une zone de sécurité. M. Butler, l'expert militaire
12 du bureau du Procureur, vous montrera probablement qu'un autre ordre de
13 combat cite les mêmes éléments. Je vous rappelle qu'il y a trois enclaves :
14 Gorazde, Zepa et Srebrenica. Bon, manifestement, ici, nous nous
15 intéresseront particulièrement, pour 1995, à Srebrenica et à Zepa, mais il
16 y a trois orientales en Bosnie orientale et il faut le savoir.
17 Vous verrez des rapports remontant à l'époque où l'on pilonnait Zepa. Là
18 encore, c'est le général Tolimir qui en est l'auteur et qui adresse ce
19 rapport au président Karadzic, et dans ce rapport, il décrit l'attaque
20 comme étant une activité de propagande. Il parle d'affirmations éventuelles
21 alors qu'en fait, personne ne peut nier la réalité sur le terrain.
22 Vous voyez ici à l'écran un texte dans lequel il affirme qu'il y a eu ne
23 campagne de désinformation systématique, que l'on a indiqué qu'il y avait
24 des attaques -- que d'aucuns prétendent qu'il y a eu des attaques de la
25 VRS. Vous venez de voir l'ordre de combat, indiquant qu'il fallait procéder
26 à ces attaques, et nous avons vu que les Nations Unies ont dû intervenir
27 précisément pour mettre un terme à ces attaques. Dans ce document daté du 3
28 mai 1993, autre rapport des services d'Intelligence, l'on fait référence à
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1 ces rapports faisant état d'attaques supposées, de nettoyage ethnique, de
2 populations affamées et qu'on décrit comme une campagne de propagande. Ils
3 parlent beaucoup, disent-ils, "de populations affamées, de manque de
4 médicaments et font appel à la conscience des institutions
5 internationales." Ce texte, il est rédigé par le général Tolimir la veille,
6 ou à peine quelques jours avant que la zone de Zepa ne soit déclarée par
7 les Nations Unies comme une zone de sécurité, et quelques jours à peine
8 avant que des populations civiles, hommes et femmes, soient blessées, et
9 vous en avez vu des images lors de la séquence vidéo que je vous ai montrée
10 tout à l'heure : une petite fille, des hommes vieux, de vielles femmes
11 victimes de ces tirs de tireurs d'élite ou de ce pilonnage. Tout cela est
12 pertinent, Madame, Monsieur les Juges, Monsieur le Président, parce que
13 cela montre à quel point le général Tolimir, dans son machiavélisme,
14 souhaitait précisément veiller à ce que ces expulsions de force, à ce que
15 cette souffrance généralisée mènent au départ définitif des populations
16 musulmanes. La hiérarchie politique et militaire serbe de Bosnie avait
17 manigancé un plan visant à ce que ces enclaves disparaissent. Il
18 s'agissait, grosso modo, de créer des tensions -- de créer cette
19 catastrophe humanitaire de 1993. Cela faisait partie de leur plan, et il
20 faut comprendre, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, à quel
21 point le général Tolimir était familier de ces enclaves. Il connaissait
22 très bien -- il savait quelle était l'importance stratégique pour la
23 hiérarchie politique et militaire serbe, dont il était un des rouages
24 essentiels. Ainsi, lorsque arrive 1995, il procédera précisément de la même
25 manière, il mènera les mêmes opérations et se livrera aux mêmes activités.
26 Permettez-moi à présent, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
27 de vous livrer un bref aperçu des éléments de preuve à charge relatifs à
28 l'état-major principal, aux devoirs et responsabilités de l'accusé au sein
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1 de cet état-major principal, relatifs également à la façon dont
2 fonctionnait ce secteur.
3 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, aux plus hauts rangs de
4 la VRS -- aux plus hauts échelons de la VRS, c'était précisément l'état-
5 major principal qui était chargé d'organiser les activités militaires de
6 l'armée. C'est là qu'étaient coordonnés les objectifs politiques et les
7 efforts diplomatiques menés par la hiérarchie politique -- le gouvernement
8 des Serbes de Bosnie, mais c'était l'état-major principal qui, au plus haut
9 niveau, interagissait avec le président Karadzic d'une part et avec M.
10 Krajisnik et l'assemblée de l'autre. L'état-major principal et ses membres,
11 les officiers, tels que le général Tolimir, le général Gvero et Mladic,
12 lui-même, parfois, s'adressaient directement à l'assemblée nationale,
13 puisqu'ils fournissaient un aperçu de la situation politique sur place. Ces
14 officiers brossaient un tableau de la situation militaire sur le terrain et
15 ils connaissaient les chiffres, ils connaissaient les données chiffrées
16 factuelles pour l'ensemble du théâtre des opérations, et c'est de cela
17 qu'ils parlaient à l'assemblée nationale serbe. Ils prônaient, au nom de
18 l'armée, pour différents dossiers, ils prônaient la -- ils demandaient des
19 financements afin de parvenir à des objectifs militaires spécifiques pour
20 telle ou telle municipalité, et il y avait également des rencontres
21 régulières entre le général Tolimir et certains officiers de l'état-major
22 principal et également avec le président Karadzic. Ils avaient des
23 entretiens téléphoniques à intervalles réguliers. Vous verrez que le
24 président Karadzic avait un calendrier où figurent, justement, les dates de
25 ces réunions et de ces rencontres à Pale et à la présidence. En fait, vous
26 entendrez le général Tolimir et le général Mladic eux-mêmes évoquer la
27 façon dont l'état-major principal se faisait le relais des informations
28 auprès de -- et ce, plusieurs fois par jour, parfois, auprès du président
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1 Karadzic.
2 Je vous propose à présent d'évoquer la structure de l'état-major principal.
3 Vous devriez voir un organigramme apparaître à l'écran. Nous avons essayé
4 de le rendre le plus simple possible, même si ce n'est pas toujours
5 réalisable de présenter les choses de façon facile. Donc, vous voyez tout
6 au haut de la hiérarchie le général Mladic, dont vous savez qu'il était
7 commandant de l'état-major et placé directement sous les ordres du
8 président Karadzic; répondant directement au général Mladic, son chef
9 d'état-major, Manojlo Milovanovic, placé directement sous ses ordres et qui
10 occupait non seulement le poste de chef d'état-major mais également de
11 commandant adjoint, si Mladic était absent. En tant que primo au sein de
12 l'armée, le général Milovanovic avait le droit de délivrer des ordres de
13 combat. Le général Milovanovic pourrait être décrit comme étant le
14 principal opérationnel militaire, si vous voulez, de Mladic au cours des
15 semaines et mêmes des mois -- et pendant des mois durant à cette époque-là.
16 Vous verrez qu'en juillet 1995, le général Milovanovic n'était plus
17 présent, en fait, dans la partie occidentale du pays. Il n'était pas là.
18 Le général Milovanovic était également chef de l'état-major -- ou
19 pour l'état-major principal, et donc, il était au centre névralgique de
20 l'état-major. Vous le voyez apparaître à l'organigramme. Le cœur même de
21 l'état-major principal, à bien des égards, le centre névralgique des
22 opérations, et Radivoje Miletic était le chef des opérations et de la
23 formation, chef de ce secteur. Ses principales attributions étaient de
24 suivre la situation sur le théâtre de guerre, de procéder à une analyse de
25 tous les rapports émanant des différents corps d'armée, concocter un
26 compendium à adresser au président Karadzic jour après jour, mais également
27 décantant un petit peu les informations en ne fournissant que les
28 informations les plus importantes. Par ailleurs, il y avait également sur
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1 le théâtre des opérations la nécessité de transformer les intentions du
2 général Mladic en documents de combat à proprement parler. Ce sont eux qui
3 distribuent ces documents de combat au nom de l'état-major.
4 Vous verrez qu'au sein du service du général Miletic, il y avait
5 également un chef du département des opérations. A l'époque, c'était le
6 colonel Ljubo Obradovic, qui était chef adjoint de la section des
7 opérations. Vous l'entendrez -- vous entendrez parler de lui. En fait, vous
8 l'entendrez déposer lui-même puisqu'il sera témoin à la barre, ici même. Le
9 colonel Obradovic était dans son service, le centre névralgique de toutes
10 ces activités d'analyse et d'information. Dans la mesure où le service
11 d'Administration et des Opérations était chargé d'obtenir les informations
12 de différentes sources, donc les rapports des corps d'armée, les rapports
13 quotidiens qui arrivaient jour après jour, les rapports émanant des
14 différents commandants adjoints, les rapports émanant des corps d'armée et
15 des commandants des corps d'armée, les informations du général Tolimir, du
16 service de Sécurité et de Renseignement, tout cela était fédéré au sein de
17 ce service.
18 Vous verrez que - vous le verrez dans quelques instants - vous verrez
19 que de bonnes transmissions et la transmission de rapports réguliers
20 étaient essentielles pour l'état-major principal, tant au niveau du centre
21 des Opérations à proprement parler que le long des différents axes de
22 commandement. Nous verrons qu'en juillet 1995, parce que le général
23 Milovanovic n'était plus présent sur place, c'est le général Tolimir qui
24 assumait les fonctions du général Milovanovic. Vous verrez des documents
25 qui le montrent très clairement. Il y avait le chef de l'état-major, il y
26 avait le secteur -- ce service de l'état-major, mais Mladic avait aussi des
27 adjoints, chacun responsable de leur service.
28 Mais je vois l'heure qu'il est. Je pense que l'heure de la pause est
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1 presque arrivée, Monsieur le Président. Est-il utile de faire la pause ? Je
2 pourrais reprendre le fil de mes arguments -- je peux continuer maintenant,
3 si vous voulez.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il vous faudrait combien de minutes
5 pour terminer ce volet-ci ?
6 M. THAYER : [interprétation] Davantage de temps que celui qu'aimeraient
7 avoir les interprètes pour faire une pause.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire une
9 pause imposée par des raisons techniques et nous reprendrons à 16 heures
10 15.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
12 --- L'audience est reprise à 16 heures 16.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous allez bientôt reprendre, mais
14 auparavant je voudrais dire ceci. La Chambre vous serait grée si vous
15 pouviez fournir à M. Tolimir les numéros des documents visés par l'article
16 65 ter que vous avez déjà utilisés ou que vous allez utiliser pendant votre
17 propos liminaire. S'il y a aussi une traduction de la transcription de la
18 séquence vidéo, vous devriez la fournir à M. Tolimir aussi.
19 M. THAYER : [interprétation] Merci. J'ai bien compris. Ce que j'ai fait
20 mercredi, c'est fournir à Me Gajic une table des matières de tous les
21 documents par sujets avec les numéros ERN en anglais, en B/C/S, avec les
22 numéros 65 ter dans l'ordre dans lequel je vais les utiliser pour qu'il
23 puisse prendre connaissance de ma présentation. C'est une présentation en
24 PowerPoint, et je ne vais donc pas mettre en regard les versions B/C/S et
25 anglaise. Mais je me suis entretenu avec Me Gajic, et apparemment M.
26 Tolimir a du mal à passer de la table des matières au prétoire
27 électronique. Bien sûr, c'est à la Chambre de décider, et il faut voir
28 aussi ce qu'en pense la sécurité, mais nous, nous n'aurions aucune
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1 difficulté à voir Me Gajic aider M. Tolimir pour ce qui reste de mon propos
2 liminaire.
3 Si nous avons fourni cette table de matière, c'est précisément pour
4 que lui, il puisse suivre dans sa langue maternelle les débats.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Nous sommes satisfaits de ce
6 que vous proposez. Si la Défense dispose des numéros de documents utilités,
7 c'est très bien.
8 Est-ce que vous allez montrer d'autres séquences vidéo ?
9 M. THAYER : [interprétation] Oui, et il y a des sous-titres. Je parle ici
10 avec l'oracle, et de toute façon l'original est en B/C/S, ce qui veut dire
11 que M. Tolimir pourra comprendre ce qui se dit. Nous avons des sous-titres
12 en anglais, mais l'original est en B/C/S. Ça ne devrait pas poser de
13 problème à M. Tolimir.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
15 Poursuivez.
16 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 J'en étais resté au moment où nous commencions à parler des commandants
18 adjoints du général Mladic. Nous avons parlé du service d'état-major avec à
19 sa tête le chef d'état-major, et techniquement, le général Milovanovic
20 n'était pas commandant adjoint comme l'était, par exemple, le général
21 Tolimir. Lui, il était chef d'état-major primus sinter pares et il avait ce
22 pouvoir intra secte de donner des ordres de combat, ce que n'avaient pas
23 les autres adjoints s'ils n'y avaient pas été autorisés expressément par le
24 général Mladic. Mais nous verrons qu'en fait, les commandants adjoints
25 étaient habilités à donner des ordres de combat de temps en temps si cette
26 autorité leur était donnée par M. Mladic.
27 Passons quelques instants à parler de façon générale du rôle de chacun de
28 ces adjoints au sein de l'état-major principal. J'ai parlé de chaîne de
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1 commandement, de voie hiérarchique professionnelle. Qu'est-ce que cela veut
2 dire, dans l'état-major principal, comme c'est vrai dans une société, vous
3 avez différents services avec chacun sa spécialisation, sécurité et
4 renseignement, ça en était un. La logistique, ça en était un autre. Le
5 moral des troupes -- il y avait à la tête de chacun de ces services un
6 commandant adjoint. Il nous arrive de parler de la ligne ou de la chaîne
7 spécialisée ou experte, mais ça revient au même. Un commandant adjoint, il
8 est commandant adjoint dans un domaine particulier, que ce soit la sécurité
9 et le renseignement, le moral des troupes, la question du personnel, et
10 ainsi de suite. Chacun de ces chefs adjoints rend compte directement au
11 général Mladic.
12 Dans chacun de ces secteurs, le commandant adjoint dispose
13 d'officiers à qui il peut donner des ordres, et ces subordonnés
14 s'inscrivent dans une voie hiérarchique organique visée par la dotation des
15 effectifs. Nous allons revenir sur ce sujet dans quelques instants. Je
16 parle là de branches qui toutes faisaient rapport en passant par les
17 adjoints, comme Tolimir, à Mladic tout en représentant un domaine
18 d'activité spécialisée. Et nous allons voir comment ces différents services
19 s'intégraient.
20 Chacun de ces chefs adjoints devait faire des propositions au général
21 Mladic, des propositions basées sur leurs connaissances précises, que ce
22 soit la logistique, le moral des troupes, que ce soit les questions
23 relevant de la sécurité et du renseignement. Ils avaient dans le cadre de
24 leurs attributions de faire des propositions, examinées, acceptées,
25 rejetées ou modifiées par Mladic, et en fin de compte, Mladic devait
26 prendre une décision. Et s'il donnait un ordre partant d'une proposition
27 faite par un chef adjoint, c'était le chef adjoint qui devait veiller à ce
28 que l'ordre donné par Mladic soit appliqué sur le terrain jusqu'au dernier
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1 échelon. Et comment le faisait-il, le chef adjoint, en exerçant un contrôle
2 professionnel en donnant des directives, en faisant une gestion spécialisée
3 des officiers se trouvant aux échelons subalternes de cette voie
4 hiérarchique. Il devait veiller à ce que la mission soit exécutée dans le
5 droit fil de l'intention qui était celle du général Mladic. Ses chefs
6 adjoints savaient ce que voulait le général Mladic et ses chefs adjoints
7 veillaient à ce que chacun des hommes sache ce qu'il avait à faire sur le
8 terrain pour exécuter l'ordre donné.
9 Il y a la question du fait qu'il pouvait donner des ordres dans leur
10 service et connaissance respectifs, par exemple, Djukic pouvait dire à
11 quelqu'un de transporter une telle quantité de brodequins à un autre
12 endroit, et le commandant adjoint rendait compte en personne au général
13 Mladic pour faire rapport de ce qu'avait fait l'adjoint subordonné ou de ce
14 qu'il n'avait pas fait sur le terrain. Les commandants adjoints étaient
15 toujours responsables de ce que faisaient leurs subordonnés professionnels.
16 C'était ça sa vocation. Il était supposé assurer la gestion de ce que
17 faisait les échelons inférieurs.
18 Passons quelques instants à l'examen de certains de ces secteurs et
19 de ses chefs adjoints pour voir ce que ces services font. Il y a d'abord le
20 général Gvero, qui s'occupait du secteur du moral des troupes.
21 Nous voyons l'intitulé de sa fonction : commandant adjoint au moral
22 et aux affaires juridiques et religieuses. Qu'est-ce qu'on entend par la
23 guidance morale, il y a plusieurs volets, mais c'est surtout veiller à ce
24 que le moral des troupes soit suffisant. Il fallait veiller à ce que les
25 hommes continuent de vouloir combattre, qu'ils comprennent aussi pourquoi
26 ils se battaient et qu'ils vont rester respectueux de leurs chefs et feront
27 ce qu'on leur dira de faire. C'est ce que devait faire le général Gvero. Il
28 avait la responsabilité du moral des troupes dans toute l'armée pour que ce
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1 moral ne s'affaiblisse pas, ne fléchisse pas, que les soldats ne désertent
2 pas, c'est là un exemple.
3 Vous allez le voir, le général Gvero et le général Tolimir devaient
4 grandement coopérer, puisqu'il y avait un chevauchement entre leurs deux
5 domaines d'activités. S'il y a beaucoup de déserteurs, si beaucoup de
6 crimes sont commis dans une unité donnée, c'est là un indice d'un problème
7 au niveau du moral des troupes, mais c'est peut-être aussi une indication
8 qu'il y a un problème de sécurité, et ceci concerne le général Tolimir
9 aussi. Donc il y a un peu un chevauchement des compétences. C'est vrai
10 aussi pour la propagande et les activités psychologiques. La mission du
11 général Tolimir, c'était de procéder à une évaluation des forces de
12 l'ennemi et de ses intentions, savoir ce que veut faire l'ennemi, ce qu'il
13 est capable de faire. Il faut se mettre dans la tête de l'ennemi, et pour
14 cela, cela veut dire propagande, contre-propagande et opérations
15 psychologiques. Il y avait dans ce domaine aussi chevauchement,
16 recoupement.
17 Maintenant, nous allons voir le lieutenant-colonel Milovan Milutinovic,
18 chef du département chargé des activités d'Information et de Propagande
19 psychologique. Il était à la tête du centre d'Information de l'état-major
20 principal et il rendait compte au général Gvero. Vous allez voir le colonel
21 Milutinovic sur le terrain, lors des réunions de l'hôtel Fontana - vous en
22 avez déjà sûrement entendu parler - vous allez le voir à Zepa. Vous allez
23 voir le général Tolimir donner l'ordre qu'on envoie des haut-parleurs à
24 Zepa, qu'on les amène au général Milutinovic pour qu'il puisse diffuser des
25 messages de propagande aux civils de Zepa pour leur dire que l'heure était
26 venue pour eux de partir, qu'ils n'avaient plus à rester à Zepa. Ceci,
27 c'était une tactique communément utilisée par la VRS.
28 Le général Gvero avait aussi la responsabilité des affaires
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1 juridiques. Il devait superviser ce qu'il y avait en matière d'activités
2 disciplinaires, de sanctions et autres mesures de discipline. Il y avait,
3 bien sûr, une autre filière, les tribunaux militaires, qui s'occupaient de
4 ces questions, mais c'était le général Gvero qui avait la responsabilité de
5 la supervision de ces activités. Si vous avez tout d'un coup un nombre
6 élevé d'exactions commises, de violence entre soldats dans une unité, ceci
7 peut signifier un problème au niveau du moral, et ceci devait rester du
8 ressort du général Gvero. Vu la nature religieuse de ce conflit, c'est
9 aussi quelque chose qui était de la responsabilité du général Gvero. Il
10 devait assurer la liaison avec l'Eglise orthodoxe serbe, au fond donc avec
11 la communauté religieuse, et vous verrez qu'il y a des membres du clergé
12 qui participent à plusieurs activités, des manifestations, à diverses
13 fêtes. Vous le verrez au cours de ce procès.
14 Nous avons le centre de l'Organisation, de Mobilisation et du
15 Personnel, dirigé par le général Skrbic. En somme, son service était
16 responsable du contrôle de la mobilisation, de l'équipement, mais aussi des
17 questions de formation et d'affectation à leur poste des officiers. Puis,
18 il y a Djordje Djukic. Il était responsable de l'arrière de la logistique
19 et le train. Donc il devait assurer la diffusion, la distribution du
20 matériel de guerre, les carburants, les vêtements, et effectivement, il
21 fallait maintenir toutes ces bases logistiques qu'avait l'armée pendant
22 toute la période de guerre.
23 Prenons le secteur du Renseignement et de la Sécurité. Je vais, pour
24 commencer, vous montrer le texte d'une allocution faite par le général
25 Tolimir à l'occasion d'une réunion de l'assemblée nationale de la Republika
26 Srpska particulièrement houleuse en 1995, à Sanski Most. Certains
27 militaires avaient été critiqués. Nous allons le voir ici, Tolimir fait une
28 assez bonne description, description succincte, de ses fonctions. Il doit
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1 récolter des renseignements à propos des plans de l'ennemi, des intentions
2 de l'ennemi. Les organes se trouvant sous sa tutelle ont jusqu'à présent
3 obtenu des renseignements d'importance stratégique portant sur les
4 dirigeants politiques et militaires permettant de faire une analyse précise
5 du comportement des ennemis de la Serbie, et c'est important ici, grâce à
6 cela, d'avoir pris des décisions qui s'imposaient.
7 Ici, il parle de ses rapports quotidiens en matière de sécurité et de
8 renseignement que son équipe compilait et envoyait au président et à tous
9 les organes compétents dans l'armée et, sur l'autre rive de la rivière, à
10 l'armée de Yougoslavie, à la VJ. Il dit :
11 "Je fournis ces informations chaque jour… Je les envoie depuis le
12 début de la guerre…"
13 Il endosse la responsabilité. Il dit :
14 "Je suis prêt à le faire pour mes collaborateurs, qui sont mes suppléants
15 quand je suis absent et qui travaillent cette information…"Et moi, je suis
16 prêt à être démis de mes fonctions, car c'est moi qui suis responsable du
17 travail que ces hommes font à ma place."
18 Des renseignements sont récoltés de diverses manières. Il y a des
19 informateurs, des documents sont capturés, on interroge des prisonniers de
20 guerre, il y a des mises sur écoute, donc interception de communications
21 téléphoniques, communications radio, et le service du Renseignement était
22 responsable de la planification et de l'exécution d'actions de
23 reconnaissance. Des soldats sont envoyés en profondeur pour obtenir des
24 renseignements et mènent aussi des actions de sabotage.
25 La sécurité, elle, englobait trois grands domaines. Le contre-
26 espionnage, ça fait un peu bizarre, mais le contre-espionnage ne relève pas
27 du service du Renseignement, mais du service de la Sécurité, et au Contre-
28 espionnage, on essaie d'identifier et de réprimer tout ennemi interne,
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1 traître, des espions pour que l'ennemi n'obtienne pas les renseignements
2 qu'on essaie d'obtenir de l'ennemi. C'était ça la mission du contre-
3 espionnage. Doté de ces renseignements, l'organe chargé de la Sécurité
4 devait informer le commandant s'il y avait des mesures pour proposer aussi
5 des mesures pour réparer.
6 Deuxième grand domaine : poursuite. Par exemple, si des soldats ont commis
7 des infractions ou s'il y a des déserteurs. Ce n'est pas ce service qui
8 avait fonction d'organe judiciaire, mais il y a la police militaire, qui
9 est sous l'ordre de l'organe de Sécurité, qui va aller procéder à des
10 arrestations, et s'il y a des juristes, en général, il y a des juristes
11 dans une Unité de la Police militaire, qui vont rédiger les actes
12 nécessaires.
13 Troisième grand domaine d'activité de cet organe de la Sécurité - ce qui
14 est important ici pour notre procès - il supervisait le travail fait par
15 les Unités de la Police militaire. Quelles sont les obligations de ces
16 Unités de la Police militaire, protection civile, ça en est une pour ce qui
17 est des militaires importants; protection des installations militaires;
18 police de la circulation; et aussi prévention de la criminalité. Ce qui est
19 important aussi c'est qu'il devait s'occuper des prisonniers de guerre,
20 qu'il s'agissait d'escorter et de surveiller.
21 Le général Tolimir était à la tête de ces deux secteurs dans le service.
22 C'est normal. C'est logique, parce que ces deux activités ou des activités
23 qui se regroupent, l'administration de Renseignement et Sécurité, vous
24 allez l'apprendre avait son propre chef. Le chef du service du
25 Renseignement c'était Petar Salapura, et le chef de l'organe chargé de la
26 sécurité c'était Ljubisa Beara, je vais vous parler de ces deux hommes et
27 de ce qu'ils faisaient.
28 Mais je l'ai déjà dit, le général Tolimir qui était le supérieur
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1 hiérarchique immédiat de ces deux hommes. Il pouvait leur donner des
2 ordres, des commandements dans le cadre de ses activités. Il pouvait aussi
3 leur transmettre des ordres venus de son supérieur à lui, à savoir le
4 général Mladic ou même le président. Si on reçoit un ordre du président on
5 a tout d'abord l'obligation d'en informer son supérieur immédiat, à savoir
6 Ratko Mladic.
7 Salapura et Beara avaient l'obligation de faire rapport au général
8 Tolimir et de lui dire s'il y avait une évolution importante sur le
9 terrain. Il devait lui faire des propositions et devait exécuter et veiller
10 à l'exécution d'ordres donnés ou transmis par le général Tolimir. Ceci vaut
11 dans les deux sens de la voie hiérarchie, du haut vers le bas, du bas vers
12 le haut, c'est comme ça que ça fonctionne. Les subordonnés doivent faire
13 rapport à leurs supérieurs hiérarchiques pour dire que la mission confiée a
14 bien été exécutée.
15 Le général Mladic avait la capacité de donner des ordres directement à
16 Salapura ou à Beara mais il devait d'abord en informer le général Tolimir.
17 Pourquoi ? Parce que Tolimir avait l'obligation de savoir parce que ces
18 deux hommes c'était des hommes à Tolimir. Dans le cadre de ses compétences
19 à lui, lui qui était chef du Renseignement et de la Sécurité, il ne pouvait
20 pas prendre de décision instruite sans cela, surtout vu l'importance des
21 questions et des domaines. Il ne pouvait pas prendre de véritable décision
22 sans être vraiment informé de ce que ses supérieurs immédiats faisaient.
23 Je le rappelle Tolimir devait rendre compte de ce qu'il faisait à Mladic et
24 il rendait compte de ce que faisaient les hommes qui lui étaient
25 subordonnés, à savoir Salapura et Beara.
26 En juillet 1995, nous allons voir comment tout ceci s'est concrétisé, c'est
27 manifesté sur le terrain, parlons de recrutement, comment arrivait-on dans
28 les organes du Renseignement et de la Sécurité ? Ça ne pouvait pas se faire
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1 sans l'aval explicite et express du général Tolimir. Bien sûr, que le
2 général Mladic était celui qui prenait la dernière décision en dernière
3 instance mais pour ce qui est du recrutement pour ces organes spécialisés,
4 c'était important. Par exemple, la vie même de Mladic était tributaire de
5 la protection personnelle qu'il avait, et c'était Tolimir qui décidait en
6 dernière instance de la composition de ces Unités chargées de la
7 Protection.
8 Ce tableau vous le montre, il comporte beaucoup de noms, ce tableau de
9 l'état-major principal. Mais, en fait, c'était une entité toute petite,
10 c'était un groupe d'officiers vraiment -- c'était une poignée d'hommes. Une
11 poignée d'hommes d'officiers qui travaillaient de façon très étroitement
12 liés au quotidien. Les organes de Sécurité, vous le verrez, étaient très
13 unis étant donné la nature même du travail que cette unité faisait.
14 Quand le colonel Beara parle de Tolimir, il ne dit pas, "général Tolimir,"
15 "Toso" chaud; c'est le surnom qu'on a donné. Il le dit "Frère," "Bro." Nous
16 allons entendre un enregistrement audio, une bande-son. Il faudrait essayer
17 de baisser le volume. Il s'agit d'une écoute en date du 6 juin 1995. Les
18 intervenants sont Tolimir et le colonel Beara.
19 [Diffusion de cassette audio]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Ah, bonjour, bonjour.
22 Zeljko [imperceptible].
23 Réponse : Oui.
24 Allô. Allô.
25 Allô. Ljubo Beara :
26 Il est là, Toso.
27 Réponse : Oui.
28 Passe-le-moi, un instant.
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1 Salut bien, oui.
2 Beara : Salut, Toso.
3 Bonjour, dit Ljubo. Ça va bien.
4 Bouf.
5 Oui. Ah, merde, je suis ici chez Mrki.
6 Ah.
7 J'ai tout couvert sauf Maja.
8 O.K.
9 Oui.
10 J'ai entendu dire que Marko maintenant il a prévu une réunion à 6 heures
11 avec tout le monde du coin.
12 O.K. O.K. Bien vas-y.
13 Vas-y. Ah, j'y vais.
14 Oui, et tu devrais venir aussi. Et puis il va voir celui-là qui a été
15 suspendu. Il faudra qu'on s'en occupe là-bas.
16 Qu'est-ce qui se passe en bas ?
17 Bien, quand tu viendras on s'en chargera.
18 Très bien.
19 Bien, on va aller ce soir.
20 O.K. Bon. Salut, frère. Mrki veut parler.
21 Salut, salut."
22 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
23 M. THAYER : [interprétation] Le contenu n'est pas important ici, mais ce
24 qui est important c'est de voir la façon dont ces hommes se parlent :
25 "Salut, Toso; salut, mon frère, Ljubo." Ici le général Tolimir donne des
26 instructions au colonel Beara : "Va là-bas, viens ici et puis va t'occuper
27 de cela là-bas."
28 Vous allez entendre le chef de la sécurité du Corps de la Drina, Vujadin
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1 Popovic, qui contacte directement le général Tolimir, pour lui demander son
2 aide pour une question personnelle. Vous entendrez des officiers de
3 sécurité, qui s'appellent "Pop, Nedjo," quand Beara parle de Drago Nikolic,
4 le chef de la sécurité, il dit Drago.
5 Permettez-moi de consacrer quelques instants au colonel Salapura. Là
6 encore, j'aimerais revenir sur les manières dont l'administration du
7 Renseignement obtenait ces renseignements, et là encore, elle fournissait
8 des informations une certaine expertise aux unités subordonnées sur les
9 questions de renseignement ou sur un problème qui aurait pu survenir dans
10 une brigade au sein du corps, et à ce moment-là, c'est le colonel Salapura
11 qui s'en serait chargé, et le général Tolimir évidemment supervisait tout
12 cela.
13 Vous allez entendre des témoignages selon lesquels le colonel B a également
14 géré, d'un point de vue professionnel, le 10e Détachement de Sabotage, qui
15 était une unité de missions spéciales qui s'occupait directement de
16 l'exécution des prisonniers, à Branjevo, le 16 juillet et à Bisina, le 23
17 juillet. Ils ont mené différentes actions de sabotage, différentes missions
18 : des attaques, des contre-attaques, des attentats, et le tout étant géré
19 très professionnellement, ce qui signifie que l'on recommandait d'utiliser
20 au mieux l'unité en fonction de son commandant -- pour son commandant, pour
21 Mladic, il fallait savoir quelle unité serait utilisée où, comment, pour
22 quels objectifs. Donc c'était des unités qui relevaient de l'administration
23 du Renseignement du général Tolimir. Le général Tolimir savait ce qu'il se
24 passait dans ce 10e Détachement de Sabotage et il en était responsable.
25 Vous verrez, dans des documents, que le général Tolimir participait
26 directement au processus de recrutement de ce 10e Détachement de Sabotage.
27 Nous avons d'ores et déjà parlé du recueil d'informations ou de
28 renseignements auprès des prisonniers de guerre pour l'administration de la
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1 Sécurité et pour l'administration du Renseignement, qui était chapeautées
2 par le général Tolimir, qui s'intéressait donc aux prisonniers de guerre.
3 Ces deux unités -- ces deux administrations avaient un rôle à jouer en la
4 matière.
5 J'aimerais vous présenter un document, une analyse quant au niveau de
6 préparation au combat du Corps de la Drina. On en a vu un tout à l'heure
7 provenant de l'état-major principal, en datant de 1993, et j'aimerais
8 maintenant vous présenter un autre document qui date de janvier 1995,
9 simplement pour vous donner une idée de la manière dont les choses
10 fonctionnaient sur le terrain, parce qu'on a fait beaucoup de descriptions
11 de qui faisait quoi, et cetera, mais là, maintenant, j'aimerais pouvoir
12 vous montrer comment cela fonctionnait sur le terrain. Donc, là encore, on
13 a le titre : "Le commandement du Corps de la Drina, 28 janvier 1995." On
14 parle ici du rôle en matière de surveillance électronique, de faire des
15 écoutes des communications radio de l'ennemi. Ils utilisent ça, et vous
16 aurez beaucoup d'éléments de preuve qui vous seront présentés sur le fait
17 que l'armée faisait la même chose, et il y a un certain nombre d'éléments
18 de preuve qui sont assez affligeants et qui proviennent, justement, de
19 cette surveillance électronique qui était menée de part et d'autre, par les
20 deux parties.
21 Là, le Corps de la Drina précise que la source principale de
22 renseignements, c'est l'interrogatoire de prisonniers de guerre et de
23 déserteurs. Là encore, l'objectif était d'obtenir des informations sur
24 l'ennemi. Le Corps de la Drina gère tout cela de manière très
25 professionnelle, de manière très responsable avec des informations qui sont
26 présentées au commandement et aux unités en fonction de leur zone de
27 responsabilité.
28 Puis, ce qui est encore plus important pour ce qui nous intéresse,
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1 tous ces renseignements étaient envoyés au secteur de l'état-major
2 principal, et là, évidemment, il s'agit du secteur du général Tolimir.
3 Ensuite ce sont des informations qui sont renvoyées aux différents
4 commandements sous une forme utilisable par ces différents commandements,
5 et cela était effectivement le travail du général Tolimir.
6 Nous le verrons, lorsque nous parlerons de juillet 1995, ces
7 questions devaient être posées au sein de l'administration de la Sécurité
8 et des Renseignements par le général Tolimir, lui-même, dès lors que des
9 prisonniers étaient faits prisonniers. Qu'advenaient-il de ces prisonniers
10 ? Parce qu'ils étaient une source d'information, évidemment, très
11 importante de renseignement.
12 Comme je vous l'ai dit, c'est la police militaire qui relevait de
13 l'administration de la Sécurité qui était chargée de garder et d'escorter
14 ces prisonniers de guerre. Là encore, ce ne sont pas juste des grandes
15 lignes qui ont été écrites dans un livre. On le voit dans un autre document
16 du Corps de la Drina qui est daté d'avril 1995. Là, c'est un document qui
17 est signé par Popovic, dont on entendra beaucoup parler, qui est le chef de
18 la sécurité du commandement du Corps de la Drina. En avril, il se plaint du
19 fait qu'il ne reçoit pas suffisamment d'information et du fait que les
20 prisonniers de guerre ne sont pas bien traités, qu'ils sont emmenés dans un
21 camp de prisonniers qui s'appelle Batkovic. On en réentendra parler de
22 Batkovic, et ce dont il se plaint, c'est que ces prisonniers de guerre sont
23 amenés dans des zones sensibles alors qu'il n'y a pas de sécurité qui est
24 assurée pour eux. Donc il demande à ce qu'on leur ligote les mains et à ce
25 qu'on leur place un bandeau sur -- pour les yeux, de telle sorte qu'ils ne
26 pourraient pas s'échapper et divulguer l'emplacement des troupes. Alors ces
27 qui est important, là, c'est que ce sont des informations, qui sont
28 divulguées -- qui sont communiquées sur la manière dont sont traités les
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1 prisonniers de guerre par le général Tolimir.
2 On a ici un extrait, d'ailleurs, qui remonte à juin 1995. Là encore,
3 c'est lors d'une séance à l'assemblée nationale. Il y a quelqu'un qui s'est
4 plaint d'un politique qui avait été arrêté, et le général Tolimir cite
5 précisément cette directive qui émane, donc, de son secteur.
6 Donc, son travail à lui consiste précisément à savoir. Il est au courant de
7 toutes ces questions à tout moment et l'a toujours été depuis ce premier
8 document que vous avez vu et qui est daté de 1993.
9 Vous le verrez, évidemment, c'est le secteur du général Tolimir qui publie
10 des lignes directrices ou des recommandations pour ces interrogatoires de
11 prisonniers de guerre. Alors, il y a un autre fait qui est lié à cela, il y
12 a des documents, vous le verrez, qui prouvent la responsabilité du général
13 Tolimir et le fait qu'il a mené les travaux de la Commission d'échange de
14 prisonniers RS, et ce processus d'échange de prisonniers. C'est lui qui
15 prend ces décisions -- ou les décisions concernant les échanges de
16 prisonniers. Il y avait une commission qui s'occupait de cela, mais les
17 décisions de cette commission dépendaient des choix faits par le général
18 Tolimir. Là encore, c'est quelque chose de très important parce que ça
19 montre bien que le général Tolimir comprenait bien quelle était
20 l'importance de ces prisonniers de guerre comme source de renseignements,
21 mais également comme permettant de faire libérer des prisonniers serbes qui
22 étaient détenus dans des prisons croates et musulmanes en juillet 1995.
23 Vous verrez qu'en la matière, il était épaulé par le colonel Beara.
24 Alors, là encore, on parle toujours d'administration du Renseignement, mais
25 sous les ordres de Salapura, il y avait trois hommes dont vous allez
26 entendre parler. Tout d'abord, Radoslav Jankovic, en juillet 1995, il a été
27 détaché du poste de commandement de l'état-major principal et envoyé à
28 Bratunac pendant une attaque de la VRS à Srebrenica. Vous verrez qu'il a
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1 émis un certain nombre d'ordres d'interception, et vous verrez une vidéo de
2 l'hôtel Fontana et des réunions qui y ont eu lieu, et vous le verrez assez
3 bientôt.
4 Deuxième personne qui nous intéresse, c'est Dragomir Pecanac, qui
5 s'occupait des questions de Sécurité et de Renseignement, et nous le
6 verrons faire passer des informations sur le terrain au général Tolimir en
7 juillet 1995.
8 Troisièmement, vous aurez des documents concernant Jovica Karanovic, qui
9 était basé sur place, et vous verrez, là aussi, qu'il le fait passer des
10 informations au général Tolimir lorsqu'il était sur le terrain en juillet
11 1995.
12 Alors répondez surtout ces points. On a déjà entendu beaucoup parler du
13 colonel Ljubo Beara et sa responsabilité qu'elles étaient telles.
14 Il s'agissait d'apporter de l'expertise à ses subordonnées, d'assurer le
15 commandement de l'organe et des unités, le contre-espionnage et garantir la
16 sécurité du poste de commandement, élaborer des plans de contre-espionnage,
17 protéger les unités, soutien, maintenir la confidentialité de tous ces
18 plans de soutien et - on en a déjà parlé d'ailleurs - l'administration de
19 la Sécurité avait un contrôle professionnel des unités police militaire.
20 Là, je dois dire que c'est un élément qu'il est important de bien
21 comprendre. Les organes de Sécurité, et notamment les chefs de la sécurité
22 qui étaient chargés de ces organes, que ce soit au niveau de la brigade ou
23 du corps, bon, ce sont des exemples. Les chefs de sécurité de ces organes
24 avaient un contrôle professionnel des Unités de Police militaire. Si
25 c'était une Unité de Police militaire du Corps de la Drina, à ce moment-là,
26 il y avait le chef de la police du Corps de la Drina gérait ces unités
27 directement. Ça veut dire qu'il faisait des propositions au commandant du
28 corps. En 1995 et en juillet 1995, c'était le cas du général Zivanovic,
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1 puis ensuite du général Krstic qui commandait ces unités. Le chef de la
2 sécurité, lui, ne peut pas commander ces unités ou les envoyer quelque part
3 directement. Il peut proposer au commandant d'utiliser ces unités
4 uniquement, et il est également chargé de leur disponibilité
5 opérationnelle.
6 C'est la même chose pour les autres branches spécialisées. Les choses
7 fonctionnaient de la même manière.
8 Mais lorsque le commandant du corps où le général Mladic prenait une
9 décision sur ce que devait faire la police militaire c'était le chef de la
10 sécurité qui devait s'assurer que cet ordre était bien exécuté et
11 complètement exécuté. C'est ce que l'on entend par contrôler ou l'aspect de
12 maîtrise du chef de la sécurité, son rôle de gestion, son rôle de
13 supervision.
14 Vous le verrez également le colonel Beara a supervisé les Bataillons de
15 Police militaire, du 65e Régiment de Protection motorisée de l'état-major
16 principal jusqu'à ce que ce Bataillon de Police militaire ait son propre
17 commandant, qui lui-même était commandé par le 65e Régiment de Protection
18 motorisée, Beara avait un contrôle professionnel sur ce Bataillon de Police
19 militaire. En clair c'est le chef de sécurité qui finalement, au bout du
20 compte, donnait des ordres. C'est le chef de sécurité qui par le biais de
21 la police militaire était le commandement ou l'officier de commandement,
22 pour ce qui est des informations et pour ce qui est de l'organigramme et la
23 façon dont passaient les informations et différentes informations selon
24 qu'il était commandant ou qu'il était chef de la sécurité.
25 Donc on verra, il y avait d'autres chefs du département que l'on verra à
26 l'état-major principal qui participait à ces réunions quotidiennes et qui
27 parlait à l'état-major principal, ou différentes collèges, comme on les
28 appelait. Beara recueillait des informations lors de ces réunions. Il
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1 obtenait des informations sur le terrain. Vous entendrez un témoignage
2 venant d'un soldat des Nations Unies néerlandais qui dit que Beara
3 recherchait des informations en 1995 concernant les mouvements de l'armée
4 musulmane sur ce faisait Naser Oric sur les positions de l'armée musulmane,
5 et cetera.
6 Donc ces informations remontaient directement au général Tolimir et tel
7 était le cas en juillet 1995.
8 Venons-en maintenant à un autre document daté d'octobre 1994. L'état-major
9 principal publie des instructions sur la façon dont les choses sont censées
10 fonctionner.
11 En clair, on le voit il y a une répartition de 80 %/20 % ce que demande
12 l'état-major principal pour le renseignement et le contre-espionnage, et
13 d'un autre côté, il est question de police militaire et il est question
14 judiciaire au pénal. Donc on a une description ici en bref de la manière
15 dont cette chaîne de commandement était liée au commandement des
16 commandants.
17 Les organes de Renseignement et de Sécurité étaient placés sous le
18 commandement direct du commandant de l'unité mais pour ce qui est des
19 activités professionnelles, ils étaient contrôlés au niveau central par les
20 organes de Renseignement et de Sécurité. Voilà. Donc vous voyez donc
21 quelles sont ces instructions. Les organes de Sécurité, à tous les niveaux,
22 doivent remettre -- doivent rendre compte aux organes de Sécurité --
23 Alors je vais quand même vous apporter quelques petites définitions.
24 Lorsque vous voyez VRS GS avec une petite banane placée sous le G, comme on
25 dit, cet VRS Glavni Stab, donc VRS GS, ça veut dire en clair état-major
26 principal. Vous avez donc les instructions qui sont précisées ici
27 concernant le secteur du général Tolimir, qui prend des décisions de
28 transfert, de nomination, le fait que certains soient chargés de certaines
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1 tâches, et cetera.
2 Il y a aussi des précisions concernant le recrutement, ce qu'on
3 appelle les critères spéciaux, et puis tout cela étant approuvé
4 exclusivement par le général Tolimir.
5 On vous dira aussi que la VRS appliquait toutes les règles, ou le
6 règlement antérieur de l'ancienne JNA à ses propres unités. Ceci semble
7 assez normal puisqu'ils ont grandi ensemble, les soldats ont appris à
8 travailler ensemble, et cela comprenait d'ailleurs une formation concernant
9 la convention de Genève et les lois de la guerre. Tout cela a été étudié à
10 différents niveaux. On le voit ici à l'écran, vous avez le règlement
11 antérieur concernant l'application du droit international de la guerre pour
12 l'ancienne République de Yougoslavie.
13 Alors sous le titre : "Prévention des violations du droit de la
14 guerre et responsabilités pénales en cas de crimes de guerre," on y dit que
15 "Tout le monde est responsable en cas de violation de ce type. Chacun devra
16 rendre des comptes, et que dire qu'on ne savait pas ne constituant rien à
17 l'excuse.
18 En 1988, ces officiers, qui ont été formés, savaient qu'ils pouvaient
19 être jugés responsables devant une cour, un tribunal national ou une cour
20 internationale, d'un point de vue pénal, et on stipule plus avant que la
21 personne qui organise, qui incite ou qui aide à violer le droit et les
22 coutumes de guerre, sera considérée comme responsable et comme auteur de
23 ces crimes et qu'un officier devra rendre compte de ces faits s'il a été un
24 auteur de telles violations et qu'il contribue -- et qu'il serait également
25 considéré comme coupable s'il a des subordonnés qui contribuent à ce type
26 d'action.
27 Alors le lendemain du 12 mai 1992, c'était séance de l'assemblée
28 nationale où Karadzic a présenté les Orientations stratégiques. Le
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1 lendemain, le président Karadzic a signé une ordonnance concernant
2 l'application des règles du droit international de la guerre concernant la
3 VRS, et lors d'une autre ordonnance signée en août, il a dit clairement que
4 cela faisait partie des obligations des membres de la VRS que d'appliquer
5 ce règlement, et cela a évidemment été diffusé tout le long de la chaîne de
6 commandement depuis l'état-major principal.
7 Donc, en octobre 1992, on voit bien que ces grandes lignes que ces
8 orientations proviennent du bureau du procureur militaire de l'état-major
9 principal. Bon, c'est un peu petit et je m'en excuse, mais en 1992, cela
10 provient de l'état-major principal -- crimes contre l'humanité et le droit
11 international, cela peut être commis par des individus mais par nature, ces
12 crimes sont en général commis de manière organisée et mis en œuvre par une
13 -- ils sont le résultat d'une politique. Ensuite on précise que cela se
14 fait dans le contexte d'opérations militaires de grande importance et sur
15 ordre d'officiers supérieurs. Là encore, ces soldats, qui exécutaient des
16 gens, ne se sont pas simplement réveillés un matin comme ça avec l'idée de
17 le faire. Ils ont suivi des ordres.
18 Sur la planche suivante, on voit les différents crimes ou délits
19 parmi lesquels affamer la population, meurtre, entraîner des blessures
20 graves pour mettre en danger la santé des personnes concernées, déplacement
21 forcé. On s'en rend compte, les officiers ont des responsabilités très
22 importantes en la matière, ce qui démontre donc la responsabilité du corps
23 des officiers de l'armée de la Republika Srpska, puisque c'est eux qui
24 donnaient des ordres. Cette responsabilité appartient notamment à des
25 individus hauts gradés, des responsables publiques militaires ou
26 travaillant pour des organisations publiques. Si des officiers arrivent à
27 établir que des unités des forces armées ou leurs membres ont commis ou
28 commettent de tels crimes, et s'ils ne prennent aucune mesure pour faire
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1 face à cela, à ce moment-là, c'est eux qui sont responsables de ces crimes
2 et délits.
3 Autre partie de la formation professionnelle, c'est le fait que les
4 officiers étaient responsables des documents qui étaient publiés et des
5 rapports qui étaient publiés avec leur signature. Ils devaient les avoir
6 lus, ils devaient en connaître le contenu et déterminer s'ils étaient
7 valables et correspondaient à la réalité. En signant, il approuvait le
8 contenu de ce document. Ça, c'est un principe qui s'appliquait à tous les
9 officiers. Une fois que l'on passait des officiers aux subordonnés, la
10 responsabilité de ces documents incombait à son auteur mais aussi à la
11 personne suivante qui reçoit ce document ou cet ordre.
12 Alors je vous ai d'ores et déjà parlé des comptes rendus. Les comptes
13 rendus, au sein de la VRS, étaient essentiels pour l'état-major principal.
14 Les commandants supérieurs devaient savoir ce qui se passait, et ils
15 avaient donc besoin d'avoir des informations en temps réel pour qu'ils
16 puissent prendre les bonnes décisions, le moment venu, quant à savoir s'il
17 fallait changer une décision ou s'il fallait justement s'en tenir à la
18 décision initiale. Dans ces rapports ou dans ces comptes rendus, le
19 commandant pouvait également vérifier si les commandements qu'il avait
20 donnés auparavant étaient effectivement appliqués. Donc, il y avait
21 plusieurs objectifs à cela, et on le verra, ces comptes rendus se faisaient
22 régulièrement. Ce devait être le cas; sinon, il n'y a aurait pas eu moyen
23 de contrôler le déroulement des choses. Le commandement -- les niveaux les
24 plus bas du commandement pouvaient envoyer leur compte rendu au bon moment
25 pour que le commandement intermédiaire puisse ensuite, lui aussi, établir
26 un rapport en temps réel et puisse envoyer ces informations aux supérieurs
27 hiérarchiques. Donc vous avez des bataillons, des brigades, des corps qui,
28 ensemble, établissaient tous ces comptes rendus en fonction de ce que leur
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1 avait dit leur subordonné : qui les analysait, qui les traitait et qui les
2 envoyait au niveau supérieur ? Le général Mladic parlait aux commandant des
3 corps au quotidien, souvent par téléphone. Il devait le faire le soir parce
4 que, bien souvent, la situation sur le terrain changeait entre le moment où
5 un rapport était remonté à un niveau donné et était traité par l'état-major
6 principal. Donc tous ces rapports étaient analysés et ensuite, le cas
7 échéant, ils étaient envoyés au président Karadzic. Ces rapports étaient
8 vraiment un lien vital entre l'état-major principal et le président
9 Karadzic. Ça le tenait informé de ce qui se passait, de ce qui était
10 important pour qu'il puisse trancher en tant que commandant en chef des
11 forces armées.
12 Par ailleurs, outre ce type de rapport existaient également des
13 rapports qui remontaient la chaîne professionnelle de commandement que nous
14 avons évoquée, il y a quelques instants. Donc il y a toujours deux types de
15 rapport et en permanence, ces rapports sont remontés. Jour après jour, tous
16 les jours, il y a une transmission de rapports. C'est en quelque sorte la
17 substantifique moelle de toute la chaîne de commandement.
18 Par ailleurs, il y a la question des transmissions. S'il n'y a pas de
19 bonnes transmissions, il vous est impossible de faire remonter les rapports
20 depuis le terrain. Si vous envoyez un rapport vers la brigade, si vous
21 souhaitez transmettre de la brigade vers vos corps d'armée, si cela ne peut
22 pas se faire, vous aurez des problèmes. Donc, vous voyez les efforts
23 déployés par l'état-major principal de manière à ce que ces transmissions
24 restent en parfait état -- transmissions et voies de communication avec les
25 unités subalternes, d'autant que le général Mladic était parfois sur le
26 terrain. A ce moment-là, il envoyait son commandant adjoint sur une autre
27 partie du terrain, mais vous voyez qu'ils étaient en permanence à même de
28 maintenir la communication en créant des postes de commandement avancé.
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1 Vous verrez IKM, cela revient en permanence. C'est l'abréviation B/C/S du
2 terme qui correspond à poste de commandement avancé. Donc, vous aviez un
3 IKM où vous aviez un officier responsable du poste avancé, ou parfois, l'on
4 utilisait les équipements de transmission de la brigade locale ou du corps
5 d'armée présent sur place. Mais quoi qu'il en soit, le contact n'était
6 jamais interrompu. Le général Milovanovic vous dira, lui-même, que même
7 lorsqu'il était en Krajina, il communiquait avec le général Mladic par le
8 truchement d'une ligne encodée, et il y avait un contact quotidien avec
9 l'état-major principal. Vous verrez qu'au cours des opérations de
10 Srebrenica et de Zepa, le général Tolimir maintenait cette communication,
11 lui aussi, avec l'état-major principal ainsi qu'avec les unités
12 subordonnées et ainsi qu'avec les autres officiers, et ce, depuis
13 différents endroits. Vous verrez que le général Tolimir a formulé des
14 propositions, donner des ordres, adresser des rapports depuis le Corps de
15 la Drina, Vlasenica, depuis le commandement du Corps de Vlasenica, de la
16 Drina, depuis le poste de commandement avancé, Krivace, pour le Corps de la
17 Drina. Vous verrez qu'il envoie ces rapports depuis un autre poste de
18 commandement avancé également, qui s'appelle Borike, une petite école à
19 proximité de Zepa, Rogatica, quel que soit l'endroit où il se trouve, quoi
20 qu'il en soit il veille toujours à ce que la communication soit maintenue
21 par le truchement de transmission. Il a des équipements de transmission et
22 si on n'en a pas, il veillera à s'en procurer.
23 Donc nous verrons dans les documents, systématiquement en haut du
24 document quelle est la source, quel est l'endroit d'où a été envoyé. IKM du
25 Corps de la Drina, Krivace, par exemple, Corps de la Drina, poste avancé
26 IKM, donc autres noms de localités. Le général Tolimir n'aurait jamais pu
27 s'acquitter de sa tâche s'il n'avait pas eu la possibilité de maintenir ces
28 canaux, ces voies de communication intactes.
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1 Permettez-moi à présent de revenir aux propos tenus par le général
2 Tolimir, qui décrit comment l'état-major principal fonctionne. Là encore,
3 peut-être une réunion assez houleuse à l'assemblée nationale, l'armée
4 risquait de se voir remontrer les bretelles, pour ce qui s'était passé à
5 Srebrenica, et à Zepa, et plus important encore, de se voir adresser les
6 critiques suite à l'effondrement des défenses de la VRS dans la partie
7 occidentale de la Bosnie. Mais, ici, vous voyez la réponse du général
8 Tolimir aux critiques qui lui sont adressées, et il dit, je cite :
9 "Nous, nous sommes le plus petit état-major principal au monde."
10 Vous voyez ce GS avec le signe des critiques par-dessus. Le général
11 Miletic est le responsable des opérations, c'est lui qui reste sur place
12 pour recevoir toutes les informations et qui obtient toutes ces
13 informations et veille à les communiquer. Le général Milosevic, il s'agit
14 de Dragomir Milosevic, ne confondons pas du Corps de Sarajevo, le Corps
15 Romanija ne sera pas laissé seul. Il aurait toujours l'appui de l'état-
16 major principal et il y aura toujours le poste de commandement avancé qui
17 était plus fort. Il y a deux postes de commandement avancé de l'état-major
18 principal. Là encore, l'état-major principal envoie ses représentants à des
19 postes avancés. Le général Milovanovic est resté à son poste puisqu'il
20 l'officier de commandement le plus expérimenté ainsi que le général Mladic
21 qui est mentionné également, et le général Maric. A Grahovo-Glamoc, qui est
22 le poste avancé, sur ce front, cette ligne de front c'est là qu'ils sont
23 présents. Puis il conclut et résume :
24 "Nous allons procéder à une analyse experte, nous allons reparler des
25 directives, et sur fondement de ces directives, nous nous rendons sur le
26 terrain et travaillions conformément aux tâches qui nous ont été confiées."
27 En résumé, Mladic a signé ces tâches critiques aux commandants, aux
28 officiers de l'état-major principal, parce que ce sont eux qui ont les
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1 compétences les plus évidentes, et on estime qu'ils ont les habilités
2 nécessaires. Indépendamment de cette ligne d'expertise professionnelle, ces
3 deux que l'on pense qu'ils sont les mieux placés pour s'acquitter de ces
4 tâches spécialisées. A ce point de vue, vous verrez que, lorsque le général
5 Mladic quitte Suva Reka, il laisse sur place un des officiers responsable
6 en qui il place sa confiance pleine et entière. Le général Mladic dit, par
7 exemple, au général Tolimir :
8 "Sur le terrain, maintenant je quitte le terrain, c'est toi qui as la
9 responsabilité pleine et entière du commandement."
10 Avant de nous intéresser aux opérations et à la structure de l'état-major
11 principal, je vous rappelle que nous nous étions intéressés à cet ordre de
12 combat intimant l'ordre de procéder à des attaques sur les enclaves de Zepa
13 et de Gorazde. L'on indiquait dans cet ordre quelles étaient les
14 dispositions à prendre afin de se débarrasser des Musulmans, de les faire
15 quitter ces enclaves, et là encore, vous verrez, comme je vous l'ai dit,
16 que les Nations Unies avaient déclaré cette zone de sécurité. Vous verrez
17 que, dans le cadre de ce programme de zones de sécurité, qui était censée
18 être démilitarisée parce que des accords avaient été signés précisément,
19 afin d'éliminer tous les armements et de les stoker dans des points de
20 collecte d'armes installées à différents endroits. Mais je crois que
21 personne ne disconviendra ici du fait que les enclaves n'ont jamais été
22 démilitarisées. Ça, personne ne le conteste. L'Accusation ne le conteste
23 pas, ça n'a jamais été démilitarisé. Les armes de petits calibres ont été
24 remises, certes, mais nombreuses sont ces mêmes armes qui n'ont pas été
25 remises au centre de collecte.
26 Vous verrez que les forces musulmanes, en fait, bénéficiaient de
27 renfort, et ce, pendant toute la période allant de 1993 à 1995, grâce à des
28 parachutages d'armes. Par conséquent, ils pouvaient effectivement mener des
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1 attaques militaires depuis l'enclave vers l'extérieur des enclaves. Dans un
2 premier temps, il s'agissait de repousser les forces serbes dans d'autres
3 endroits ou de les obliger à ne rester que vraiment autour des enclaves,
4 afin que ces forces soient discrètes et retirées du front de Sarajevo. Vous
5 verrez, cela a créé une situation délicate pour l'armée de la Republika
6 Srpska. Une situation de plus en plus problématique d'autant qu'ils
7 n'avaient pas des effectifs nécessaires ni les ressources d'ailleurs pour
8 pouvoir, et ce, en permanence, assurer ce siège des enclaves, parce qu'il y
9 avait en permanence ces petites attaques de sabotage menées par les forces
10 bosniaques en violation d'ailleurs de l'accord de démilitarisation.
11 Voyons à présent la carte qui apparaît à l'écran, où l'on voit l'enclave de
12 Srebrenica, et où l'on voit comment ce programme de maintien de la paix
13 fonctionnait en 1995. On vous dira qu'il y avait un bataillon de soldats
14 néerlandais présent sur place. On les appelle le DutchBat, en appellation
15 anglaise. En fait, ils en étaient à leur troisième tour de service, parfois
16 on parlera de DutchBat III, puisque c'était la troisième fois qu'ils
17 étaient présents sur place. Ils étaient présents en deux endroits, un
18 endroit juste à côté de là où il est marqué Srebrenica, ils avaient une
19 base à cet endroit-là, et puis, ils avaient une autre base qui se situait
20 dans le village de Potocari. Comme vous voyez, si vous suivez cette ligne
21 rouge, ça représente une route qui va du sud au nord, et qui relie
22 Srebrenica et Potocari. Donc ils avaient deux bases militaires, la base
23 Bravo au sud, et la base Charlie au nord, donc à Potocari entre Srebrenica
24 et Bratunac. Alors comment les choses devaient-elles fonctionner ? En fait,
25 les Nations Unies avaient des postes d'observation tout autour des enclaves
26 que l'on appelle des OP, point d'observation, et vous voyez qu'ils
27 apparaissent, ces abréviations, OP, à partir de l'ouest, Alpha, Bravo,
28 Charlie, et cetera, vous voyez également Mike, Papa, jusqu'à côté M et P,
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1 donc jusqu'à côté de la base de Potocari.
2 A un poste d'observation qui sera particulièrement important se trouve au
3 sud-est. Vous voyez apparaître la lettre E pour écho, donc poste
4 d'observation E. Cela avait fait l'objet de contestation. En fait, il a été
5 complètement explosé par les Serbes en prélude à leur attaque sur
6 Srebrenica. Il a été réduit à néant en 1995. Les postes d'observation
7 étaient de couleur blanche, ils étaient très visibles, ils n'étaient pas
8 censés être placés là en catimini, non. Il s'agissait de dire, nous sommes
9 la Nations Unies, nous sommes là et présents, nous sommes là pour voir ce
10 qui se passe, et sachez que nous vous regardons, nous sommes là pour
11 veiller à ce que de part et d'autre chacun dépose les armes.
12 Mais vous verrez que pour toute une série de raisons - et là,
13 nombreux sont les responsables - on peut en montrer beaucoup du doigt. Ils
14 n'ont pas été capables de s'acquitter de cette tâche. Vous verrez en effet
15 qu'à Zepa, les forces de maintien de la paix étaient à peu près 80
16 Ukrainiens, en juillet 1995.
17 Puisque nous avons cette carte à l'écran, permettez-moi d'épingler
18 une route particulièrement importante qui va de l'est vers l'ouest, entre
19 Bratunac et Konjevic Polje. Vous voyez Bratunac à la droite de la carte et
20 vous voyez cette route qui traverse les municipalités de Glogova, Kravica,
21 Sandici pour arriver enfin à Konjevic Polje. Il y a une interception entre
22 cette route et la route qui rejoint, du nord au sud, Milici à l'ouest à
23 Konjevic Polje en passant par Nova Kasaba et finalement, cette route
24 continue au nord jusqu'à Zvornik. Cette route-là, nous l'évoquerons à
25 maintes reprises au cours du procès en raison des événements qui s'y sont
26 déroulés en juillet 1995; alors que s'est-il passé, finalement ? Il se
27 trouve que les zones, qui étaient censées être démilitarisées, ne l'ont pas
28 été. En fait, il y avait des attaques œil pour œil, dent pour dent. Le
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1 général Tolimir, dans ses rapports de Renseignement, se plaignait du fait
2 qu'avaient lieu ces attaques de représailles et c'est vrai, elles avaient
3 effectivement lieu.
4 En juillet 1994, après une année de ces petites attaques, nous
5 verrons que suite à l'analyse de la disponibilité opérationnelle sur une
6 période de six mois, il y a une réunion entre le général Mladic et les
7 commandants de brigade du commandement du Corps de la Drina, et les
8 commandants du Corps de la Drina lui fournissent certaines informations
9 ayant trait à ces attaques. Deux jours après cette séance d'information --
10 ce briefing, c'était en juillet - le 1er juillet pour être précis - l'on
11 voit que le commandant de la Brigade de Bratunac, il s'agissait du
12 lieutenant-colonel Slavko Ognjenovic, à ce moment-là, et donc, à ce moment-
13 là, le 4 juillet 1994, le commandant de la Brigade de Bratunac indique un
14 certain nombre d'informations dans un rapport qui, d'ailleurs, a été
15 distribué jusqu'aux unités du 3e Bataillon d'Infanterie. Donc, finalement,
16 tous les soldats des tranchées sur la ligne de front entendent le message
17 qui leur est adressé par le biais de ce rapport. Que dit-il, dans ce
18 rapport ? Il dit :
19 "Nous avons gagné la guerre à Podrinje mais nous n'avons pas encore
20 battu les Musulmans complètement. C'est précisément ce que nous devons
21 faire, au cours de la prochaine période. Il faut que nous atteignions notre
22 objectif ultime : un Podrinje intégralement serbe. Les enclave de
23 Srebrenica, de Zepa et de Gorazde doivent être mises en échec
24 militairement."
25 Soit, apparemment, ça semble être simplement une description
26 d'activité de guerre tout à fait normale, c'est-à-dire réduire à néant les
27 forces de l'ennemi.
28 "Il faut poursuivre sur la voie de la formation, de l'entraînement, de la
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1 discipline et de la préparation de l'armée de la Republika Srpska afin
2 qu'elle soit à même d'exécuter cette tâche critique, à savoir l'expulsion
3 de tous les Musulmans depuis -- de l'enclave de Srebrenica."
4 Là encore, soit, peut-être parle-t-il simplement des soldats. Il poursuit :
5 "Aucune retraite ne sera tolérée, s'agissant de l'enclave de Srebrenica. Il
6 faut que nous allions de l'avant. Il faut que la vie de l'ennemi devienne
7 parfaitement intolérable, de manière à ce qu'il quitte massivement cette
8 enclave, et ce, dans les plus brefs délais, parce qu'il faut qu'ils
9 comprenne une fois pour toutes que jamais ils ne pourront y survivre."
10 En masse -- expulsion en masse, massive.
11 Là encore, il parle de populations civiles qui, comme vous l'avez vu, ont
12 été la cible depuis la 4e Directive opérationnelle. Lorsque le commandant,
13 qui incarne lui-même le commandement, c'est-à-dire cet homme qui donne
14 l'exemple à ses subordonnés, tient de tels propos et que ces propos sont
15 distribués à l'ensemble des militaires, ils comprennent de quoi il s'agit.
16 Mais il faut bien comprendre que le lieutenant-colonel Ognjenovic ne fait
17 que transmettre les ordres tels qu'il les a interprétés de la bouche de ses
18 supérieurs hiérarchiques. Vous entendrez que deux semaines plus tard, lors
19 d'une session de l'assemblée parlementaire, le président Karadzic, à Pale,
20 dit à propos des objectifs stratégiques, afin de dissiper tout éventuel
21 doute quant à ces objectifs stratégiques dont on pourrait estimer qu'ils
22 n'ont pas été atteints, Karadzic dit donc la chose suivante :
23 "L'objectif stratégique premier est de se débarrasser de l'ennemi de chez
24 nous, les Musulmans, les Croates, et notre objectif est de ne plus partager
25 ce même Etat avec eux."
26 Que voyons-nous donc ? Nous voyons un ordre donné par l'état-major
27 principal trois jours après ce discours du président Karadzic, et voilà cet
28 ordre :
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1 Premier point : le général Mladic dit : Grosso modo, l'accord de paix
2 créant ces zones de sécurité, les forces de maintien de la paix des Nations
3 Unies, tout cela est nul et non avenu en raison des attaques, précisément,
4 que j'avais décrites précédemment. Par ailleurs, il donne l'ordre de
5 détruire les communications depuis les enclaves et de veiller à ce que tous
6 les Musulmans quittent les enclaves. Lorsqu'il parle de communications, il
7 entend par là les déplacements entre Srebrenica et Zepa qui avaient lieu à
8 intervalles réguliers, des échanges de marchandise, de denrées
9 alimentaires, d'armes aussi.
10 Il ordonne pour qu'il soit mis fin à ce transport et indique que
11 l'état-major principal doit contrôler et maîtriser tout cela de façon plus
12 ferme. Exception faite des denrées alimentaires et des médicaments validés
13 par l'état-major principal, aucune marchandise ne doit être transportée
14 entre les deux enclaves. Il indique par ailleurs que les commandements des
15 corps doivent régler les postes de contrôle et doivent veiller à un
16 contrôle -- à passer au peigne fin toutes les marchandises, et ce sont les
17 responsables de l'état-major principal qui doivent veiller à passer au
18 peigne fin ces marchandises.
19 Donc, un contrôle très pointilleux sur les mouvements de marchandises
20 par le truchement d'un document qui s'appelle la Directive opérationnelle
21 numéro 7, vous en entendrez parler ultérieurement. Mais ici, il s'agit déjà
22 de la façon dont l'état-major principal organise ce mécanisme de contrôle.
23 Il veut par ailleurs que l'enclave soit minée entièrement --
24 encerclée. Il veut que les Musulmans ne puissent pas quitter les enclaves.
25 Alors, vous allez vous dire : Oui, mais alors qu'est-ce que ça veut dire,
26 finalement ? "Je croyais que ce qu'ils voulaient, c'était justement qu'ils
27 quittent les enclaves," non, mais lui, ce qu'il veut, c'est justement les
28 bloquer -- les laisser complètement livrés à eux-mêmes dans ces enclaves.
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1 Ne les laissez ni sortir, ni entrer, ne les laissez pas échanger d'armes,
2 bloquez-les vraiment dans ces enclaves. Puis, il donne des instructions aux
3 commandements de brigades et de corps d'armée afin qu'ils redoublent
4 d'efforts s'agissant des activités des tireurs d'élite. Et puis, au
5 paragraphe 13, il dit que :
6 "Finalement, puisque cet accord n'a pas été respecté par les Musulmans,
7 puisqu'ils se sont livrés à des activités de sabotage, je veux que vous
8 preniez des mesures afin de limiter géographiquement les enclaves dans une
9 zone bien définie."
10 La référence qu'il fait à cette nécessité de réduire les enclaves, nous
11 montrerons, preuve à l'appui, qu'il ne s'agit pas de la même chose de ce
12 qui s'est passé avec la 7e Directive en juillet [comme interprété] 1995.
13 Ici, en 1994, la situation est différente parce que l'état-major principal
14 concentre son attention sur cet objectif stratégique et commence à mettre
15 la pression. Il ne s'agit pas encore de mettre la pression jusqu'à ce que
16 ce soit complètement intolérable, mais certainement ils commencent à
17 augmenter progressivement, à resserrer un peu le garrot, si vous voulez,
18 par le truchement des activités des tireurs d'élite et la façon dont on
19 tirait sur les population civiles qui ont péri.
20 Vous verrez que le général Zivanovic communique avec les commandants de
21 corps et adopte pratiquement mot à mot la stratégique du général Mladic
22 telle que décrite dans son ordre. Donc entre 1992, 1993, 1994, vous verrez
23 que l'état-major principal ne perd jamais du regard ces enclaves. Lorsque
24 l'on arrive à 1995, vous verrez que les différentes parties commencent à
25 envisager une cessation des hostilités et un accord en la matière où les
26 parties en guerre sont censées veiller à la bonne mise en œuvre de ce
27 cessez-le-feu, en quelque sorte. Dans cet accord, l'on prévoie certain
28 nombre de questions qui sont importantes aux yeux du général Tolimir et de
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1 son service, et vous verrez que le général Tolimir est associé
2 personnellement à la rédaction de ces textes.
3 L'on verra, par exemple, un document de l'état-major principal portant la
4 date du 7 janvier 1995, et le général Tolimir a participé à ces réunions.
5 En fait, il avait été signataire d'un accord de libre circulation des
6 personnes. Il représentant l'armée lors de cette rencontre, il rencontrait
7 les plus hauts responsables de la FORPRONU. Bien entendu, il donne au
8 président Karadzic des informations sur ce qui se fait, puisque tout cela
9 était très étroitement lié au sort à réserver aux enclaves. Au paragraphe
10 2, l'on voit qu'il est dit qu'il dit aux commandements de corps d'armée
11 qu'ils doivent remettre à l'état-major principal de l'armée des
12 propositions d'emplacement pour les postes d'observation de la FORPRONU le
13 long des lignes de désengagement des zones de responsabilité afin de voir
14 si le cessez-le-feu est respecté.
15 Là, le général Tolimir ne donne pas un ordre de combat. En revanche, il
16 donne des instructions qui sont en phase en tout cas avec les intentions du
17 général Mladic, puisqu'il dit aux commandements de corps d'armée qu'ils
18 doivent fournir des informations. Et je vous assurer que lorsque le général
19 Tolimir dit : "Vous donnez des informations," ils le feront, parce qu'il
20 agit sur instruction directe du général Mladic, il a derrière lui
21 l'autorité du général Mladic.
22 S'agissant de cet accord de cessez-le-feu, vous voyez ici un texte
23 dont est l'auteur le général Tolimir qui adresse cette notification au
24 corps d'armée. Il y dit : Nous avons examiné les cartes que vous nous avez
25 envoyées où étaient censées figurer les lignes de conflit entre la VRS et
26 les forces musulmanes, et il ajoute dans ce texte : Corps de la Drina,
27 franchement vous ne vous en êtes pas bien sortis du tout. Vous n'avez même
28 pas indiqué des lignes autour du front, et il pense notamment à Srebrenica
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1 lorsqu'ils les accusent d'avoir fait un travail de piètre qualité. Il
2 ajoute : On ne sait pas qui est en contrôle de l'usine de Zeleni Jadar.
3 Là, il fait référence à ce poste d'observation E, dans le coin sud-
4 est de l'enclave. Ce poste d'observation se situe sur un axe est-ouest tout
5 à fait critique. Si les Serbes souhaitaient lancer une attaque contre
6 Srebrenica, il fallait que cette route goudronnée leur soit accessible, et
7 c'est de cela qu'il parle notamment en février 1995. Il faut qu'il dispose
8 d'informations très précises et de renseignements précis, et vous verrez le
9 rôle que jouent ces renseignements pour les actions à mener en juillet.
10 Ensuite, il donne des instructions sur toutes les questions qui font
11 l'objet un petit peu de polémique.
12 Il leur remonte les bretelles en disant : Bon, cette fois, faites un
13 travail un peu plus correct.
14 Un mois plus tard à peu près, autre document, rédigé par le général Tolimir
15 et portant la date du 19 mars 1995 intitulé : "Etablissement d'un système
16 de sécurité et contrôle du territoire."
17 Alors, que se passe-t-il, rappelez-vous de la carte, la route qui rejoint
18 Bratunac à Konjevic Polje en allant de l'est vers l'ouest avec cette
19 intersection entre l'axe nord-sud et l'axe est-ouest ? En fait, c'est de
20 cette intersection entre les deux routes qu'il parle à proximité de
21 Konjevic Polje, et il est dit dans cette communication : Il y a des zones
22 non occupées que devront se saisir les forces musulmanes si nous ne faisons
23 rien. Il le dit au président Karadzic, à qui il propose que des Unités du
24 ministère de l'Intérieur, du MUP donc, soient détachées sur place. Il parle
25 de ces deux routes, la route nord-sud et la route est-ouest, et encore une
26 fois, la zone de Bihac et de Podrinje. Il ajoute : Veuillez informer
27 l'état-major principal des intentions du MUP.
28 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, au cours du
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1 procès, vous verrez plusieurs documents indiquant qu'au cours de cette
2 période de 36 heures, le général Karadzic, par le truchement du
3 commandement du ministère de l'Intérieur, a veillé précisément à ce qu'il y
4 ait des forces de la police du MUP stationnées à l'intersection de ces deux
5 routes, croisement qui sera essentiel, et vous le comprendrez lorsque nous
6 évoquerons les transports forcés de population et les opérations de
7 meurtre.
8 Je vois que le moment est peut-être bienvenu pour la pause, Monsieur le
9 Président, en tout cas à moi il me convient parfaitement.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur Thayer. Nous allons
11 effectivement faire notre deuxième pause et reprendrons à 18 heures 15.
12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 46.
13 --- L'audience est reprise à 18 heures 16.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer.
15 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Au cours de cette période février/mars 1995, vous verrez que le général
17 Tolimir reçoit des renseignements et des rapports de sécurité et de
18 renseignement à propos de la situation à Zepa et à Srebrenica depuis ses
19 subordonnés, tels que Beara, qui sont sur le terrain et qui rencontrent les
20 responsables de la FORPRONU et qui vont à Zepa pour recueillir des
21 informations. Vous entendrez par ailleurs qu'ils reçoivent des
22 informations, au début de 1995, que c'était les Musulmans qui essayaient de
23 quitter l'enclave en raison de pénurie et de condition de vie invivable. Ça
24 a été le cas déjà depuis le début de la guerre, et tout cela n'a fait que
25 se détériorer suite à l'ordre du général Mladic datant de juillet 1995,
26 isolant les enclaves les unes des autres, mettant un petit peu la pression
27 sans aller carrément jusqu'à ce que devienne intolérable.
28 Le général Tolimir reçoit ces informations et les relaye une fois de plus
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1 au président Karadzic ainsi qu'aux différentes agences de renseignement
2 parce que c'est une information importante pour la situation stratégique de
3 cette zone. Il reçoit des informations également de la part des dirigeants
4 politiques et militaires à Srebrenica et Zepa. Vous entendrez le nom de
5 Golic, un agent du renseignement du Corps de la Drina, qui envoie un
6 rapport, le long de la chaîne de commandement selon lequel on évoque les
7 Musulmans de Srebrenica et de Zepa qui quittent les enclaves et où il
8 indique quelles sont les identités des différents militaires officiers de
9 haut rang à Zepa, certains sont également des responsables politiques de
10 haut rang.
11 Donc vous entendrez notamment les noms d'Avdo Palic, qui est un dirigeant
12 de l'armée musulmane, commandant de la Brigade de Zepa, Hamdija Torlak,
13 Emir Imamovic, qui sont des leaders de la communauté musulmane. Le général
14 Tolimir reçoit donc des informations relatives à ces personnalités, et les
15 informations sont relayées depuis le corps d'armée jusqu'à l'état-major
16 principal et finalement jusqu'au général Mladic.
17 Vous verrez les rapports du général Golic et est indiqué de la main
18 du général Mladic une mention adressée au général Tolimir, on y dit : Toso,
19 il faut que non, on continue il faut que ça soit poursuivi au 65e Régiment
20 de Protection dans la zone. Il faut utiliser cela. Ce sont vraiment des
21 exemples de la façon dont ces renseignements sont utilisés au cours de
22 cette période et de ces événements de juillet 1995.
23 Puis une fois de plus, le général Tolimir reçoit ces informations relatives
24 à la situation humanitaire dans les enclaves elles-mêmes. Donc ces
25 événements désastreux ont lieu au mois de juillet 1995, Srebrenica et Zepa
26 ne sont pas simplement des noms des endroits sur une carte que lit le
27 général Tolimir; non, ce sont des endroits qu'il connaît très bien dont il
28 a une connaissance experte, et qui s'inscrive directement dans les
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1 objectifs stratégiques généraux que nous avons évoqués toute la journée
2 d'aujourd'hui. Cela il ne faut à aucun prix l'oublier parce que ces
3 enclaves il le voit de ces deux points de vue.
4 Si l'on poursuit l'examen des événements de 1995, on s'apercevra preuve à
5 l'appui que la hiérarchie politique, militaire des Serbes de Bosnie
6 considérait que ces enclaves étaient importantes et il y avait un accord
7 entre eux et ils estimaient qu'il allait falloir mener une attaque, une
8 offensive imminente dans cette zone. Il y avait un projet d'action
9 militaire à mener incessamment sous peu. Le général Rupert Smith qui était
10 le commandant des forces de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine témoignera,
11 et vous dira qu'il a eu des rencontres avec le président, qu'il a rencontré
12 à plusieurs reprises le président Karadzic, parfois, d'homme à homme,
13 parfois avec d'autres hauts responsables des Nations Unies, et avec
14 d'autres responsables également, tel que M. Krajisnik. Parfois le général
15 Tolimir était présent sur place, parfois le général Gvero l'accompagnait.
16 Mais dès le début de 1995, la situation était déjà critique dans les
17 enclaves et la FORPRONU s'en est plainte auprès des dirigeants politiques
18 et militaires serbes de Bosnie. Et vous verrez que la VRS avait
19 systématiquement limitée l'arrivée d'aide humanitaire vers les enclaves
20 jusqu'en mars 1995, avant même mars 1995. Mais vous verrez, nous verrons le
21 document dans quelques instants - cette fois l'on s'approche véritablement,
22 la pression augmente et l'on s'approche du paroxysme. Ce que nous
23 examinerons c'est une autre directive. La Directive numéro 7. On a parlé de
24 la 4e Directive. Cette 7e Directive opérationnelle remonte à mars 1995, et
25 ici vous voyez apparaître à l'écran simplement la première de couverture où
26 il est indiqué la date, 17 mars.
27 Il est dit sur cette première page un certain nombre de choses qui sont
28 l'issue de l'analyse de la disponibilité opérationnelle conduite au mois de
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1 janvier, au plus haut niveau de la hiérarchie militaire et politique donc
2 les dirigeants des plus hauts niveaux se répartissent les tâches pour cette
3 période imminente de la guerre. L'état-major principal rédige, à ce moment-
4 là, cette directive et la publie au mois de mars, la date de la directive
5 est en fait le 8 mars 1995.
6 Nous savons que le général Tolimir est associé à cette exercice de
7 rédaction directive -- il est associé à cette analyse de disponibilité
8 opérationnelle qui est à l'origine de cette Directive opérationnelle numéro
9 7 et nous savons qu'il a participé à la rédaction de ce document, de cette
10 directive puisque c'est la méthode globale qui est appliquée, c'est-à-dire
11 que tous les experts font valoir leur savoir-faire respectif qui sont
12 ensuite mis en commun afin de rédiger ce document qui est une directive
13 opérationnelle, un document militaire.
14 Nous voyons qu'il y a un paragraphe qui a trait aux caractéristiques
15 principales de la situation militaire et politique internationale, tout
16 comme c'était le cas dans d'autres ordres de combat où l'on voit que le
17 général Tolimir adresse un message qui inclut son évaluation de la
18 situation, et ce message est inclus dans le texte l'on y voit un paragraphe
19 très détaillé sur les objectifs et plans probables des forces musulmanes.
20 Là encore, c'est là le travail du général Tolimir. C'est à lui qu'incombe
21 cette tâche il est responsable de cette zone.
22 Il est dit l'on estime que les Musulmans prévoient une offensive au
23 printemps, qu'ils vont essayer de concentrer leur attention sur les
24 enclaves afin d'établir le lien entre les différentes enclaves et de
25 parvenir à la Drina. Ce qui les inquiète - et on l'a vu dans un des
26 discours, une des allocutions du président Karadzic - ce qui les inquiète,
27 c'est que les Musulmans parviennent à établir ce couloir vert, qui
28 traverserait un couloir islamique qui traverserait toute la Bosnie jusqu'à
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1 la Drina.
2 L'information que l'on voit apparaître et qui porte sur l'évaluation des
3 plans de l'ennemi, on voit qu'il apparaisse également dans la septième
4 Directive opérationnelle, il aide à lui donner ces orientations. L'on voit
5 dans le suivi à cette directive une référence aux rapports de renseignement
6 du général Tolimir, référence très précise. Cela paraît dans la section qui
7 apparaît à l'écran et qui est consacrée aux tâches à confier à la VRS.
8 Voici les tâches générales des objectifs :
9 "Lorsque vous serez aux alentours des enclaves de Zepa et de Srebrenica, il
10 conviendra de procéder à une séparation physique de Srebrenica et de Zepa,
11 et ce, dans les plus brefs délais afin d'éviter toute communication entre
12 les individus de deux enclaves."
13 Là encore, il s'agit de véritablement resserrer les taux d'isoler les deux
14 enclaves. Il ne faut pas faire de procès d'intention pour autant mais l'on
15 sait que l'intention avait toujours été illégale c'est ce que -- si l'on en
16 croit les objectifs stratégiques figurant dans les 1ère et 3e Directives, à
17 savoir expulser les populations musulmanes.
18 Aussitôt après cette partie, vous avez le passage suivant ce sont ici des
19 instructions données au Corps de la Drina :
20 "Grâce à des opérations de combat planifiées, il est créée une situation
21 intolérable d'insécurité absolue sans le moindre espoir de survie ou de vie
22 pour les habitants de Srebrenica et de Zepa."
23 Attardons-nous un instant sur ces mots. Ici, c'est la mouture la plus
24 récente de cette Directive 4, qui est vraiment le fil d'Ariane. C'est ça
25 qu'on trouve en filigrane de tous ces objectifs illégaux. On prend pour
26 cible les enclaves. Le motif est en infraction de la loi. On veut créer une
27 situation à ce point intolérable, on veut rendre la vie tellement intenable
28 pour ces habitants qu'ils n'ont qu'une seule possibilité, qu'une seule
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1 issue : c'est la fuite. Il fallait créer des conditions qui -- c'est un
2 ordre très clair qui cherche à priver de leur droit de vie à Zepa, et à
3 Srebrenica, leurs habitants. Nous allons effectivement trouver ceci, une
4 autre partie qui fait le lien avec d'autres parties de cette directive.
5 Effectivement, la perte de tout espoir de survie va être reliée à la
6 question de l'approvisionnement en aide humanitaire à la population civile
7 et le fait de rapprovisionner la FORPRONU. Donc on a cette phrase qui dit
8 de créer une situation intolérable, insoutenable, ne laissant aucun espoir
9 de vie ni de survie.
10 Partie suivante de ce texte, il est question d'une autre opération au cas
11 où les forces de la FORPRONU partiraient, où on va assurer la libération
12 définitive de la région de la Drina. Ici, nous avons ce passage dont je
13 viens précisément de parler.
14 "Les organes de l'Etat et les organes militaires pertinents responsables de
15 la coopération avec la FORPRONU et les organisations humanitaires…"
16 Je m'arrête un instant pour dire que là, les éléments de preuve sont
17 éclatants de précision. Qui est responsable de la coopération avec la
18 FORPRONU ? C'est l'état-major principal. Je poursuis la lecture.
19 "…vont, grâce à des obstructions planifiées à la délivrance de permis,
20 réduire et limiter le soutien logistique de la FORPRONU aux enclaves et
21 l'approvisionnement en ressources matérielles de la population musulmane,
22 ce qui va rendre la population tributaire de notre bonne volonté tout en
23 évitant que nous soyons condamnés par la communauté internationale et
24 l'opinion publique internationale."
25 Alors essayons de disséquer un peu ce texte, qui est très complexe. Les
26 éléments de preuve seront éclatants. Là aussi, c'est l'état-major principal
27 qui dit quel convoi peut passer ou pas, que ce soit à destination de la
28 FORPRONU, pour les forces de maintien de la paix ou pour le Haut-
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1 commissariat aux Réfugiés, vivres, produits d'hygiène pour la population
2 civile musulmane de Zepa aussi et de Srebrenica. Ici, il est question de
3 l'état-major principal et l'organe d'Etat. C'est en fait une commission
4 qui, en dernière instance, devait s'en remettre à l'état-major principal.
5 Grâce à une restriction planifiée mais dissimulée, quand on dit "non
6 manifeste," "unobtrusively," c'est faire preuve d'intelligence. Les
7 éléments de preuve vous le montreront, le général Tolimir, Gvero, ne
8 perdait jamais de vue l'importance de la communauté internationale.
9 Avec Mladic, ces deux hommes étaient les personnalités les plus
10 publiques. On les interviewait pour le journal télévisé, et c'était Tolimir
11 qui avait pour mission d'avoir cette vue panoramique des choses, de savoir
12 ce qui se passait dans la communauté internationale, d'avoir vraiment une
13 vue panoramique de ce qui se passait tout en ayant un œil vigilant sur le
14 terrain. C'est pour ça qu'ici, on fait preuve d'intelligence.
15 On dit : On va le faire, mais on va le faire en catimini. On va les
16 rendre tributaires de nous, mais nous allons nous y prendre de façon à ne
17 pas déclencher une intervention des Nations Unies ou une intervention du
18 genre de celle qu'il y a eu en 1993 avec la venue du général Morillon.
19 C'est un thème récurrent. On dit : On ne peut pas se faire arrêter une fois
20 de plus, comme ce fut le cas quand est venu Morillon. On ne peut pas avoir
21 ces responsables du maintien de la paix autour de Srebrenica et de Zepa.
22 L'ordre est clair : Il faut créer ces conditions. Quand on lit ceci en
23 conjonction avec le passage précédent, quand on avait ces mots horribles
24 qui disaient qu'il fallait rendre la vie de ces personnes insoutenable, et
25 c'est un ordre qu'envoie l'état-major principal à ses commandements
26 subordonnés sur le terrain.
27 Je pense que puisque nous allons voir ces images à un autre moment du
28 procès, vous allez retrouver ce libellé, le fait de rendre la vie
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1 insupportable. Vous allez trouver in extenso, mot pour mot, ces termes dans
2 l'ordre qu'envoie le général Zivanovic au Corps de la Drina, parce que, là,
3 il faut appliquer cette politique sur le terrain. Ce ne sont pas que des
4 paroles. Ce sont des ordres destinés à créer ces conditions. Ces ordres
5 sont pris très au sérieux car on sait comment fonctionne l'armée. On donne
6 des ordres, dans l'armée. Les ordres doivent appliqués, exécutés. Une fois
7 exécutés, il faut en faire rapport en remontant la chaîne de commandement.
8 Si ce n'est pas le cas, quelqu'un en sera tenu pour responsable. Vous le
9 voyez ici, le général Zivanovic envoie ce message. Il dit :
10 "Il faut créer ces conditions qui seront à ce point insoutenables."
11 Nous avons ici une opération de transfert forcé qui commence à arriver à un
12 point d'ébullition. Il y a des tireurs embusqués, il y a des pilonnages et
13 il y a un étouffement -- un étranglement lent, inexorable des enclaves
14 pendant toute la durée du printemps 1995. C'est à dessein que l'état-major
15 décide de serrer la vis et de diminuer les approvisionnements destinés au
16 DutchBat comme à la population civile de Srebrenica et de Zepa. Ceci
17 s'inscrit dans ce plan commun, dans ces efforts organisés visant à faire
18 partir la population.
19 Commençons par les instructions en matière de convois. C'était simple : si
20 la FORPRONU avait besoin de ravitaillement ou s'il y avait une relève de
21 personnel ou un relèvement des observateurs, à ce moment-là, on envoyait un
22 fax à l'état-major principal. Il y avait un certain Djordjevic, un colonel,
23 qui était préposé à recevoir ces demandes, mais Mladic s'appuyait sur les
24 principaux hommes qu'il avait à sa disposition, Tolimir, Gvero, qui
25 travaillaient ensemble pour examiner ces demandes et lui faire des
26 propositions. Pour ce qui est des convois d'aide humanitaires, je vous ai
27 dit qu'il y avait ce qu'on appelait la commission de la Republika Srpska,
28 une commission d'Etat chargée de la coopération avec les organisations
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1 internationales, les organisations humanitaires. L'état-major principal y
2 avait un membre le représentant dans la commission.
3 Vous verrez requête sur requête pour qu'un convoi soit autorisé à
4 passer. On dit : Voilà, nous avons examiné le plan de la commission, nous
5 approuvons ceci mais nous rejetons ceci et cela. Ce qui veut dire qu'en
6 dernière instance, c'était toujours l'état-major principal qui déterminait
7 ce qui allait entrer dans l'enclave et ce qui n'allait pas entrer dans
8 l'enclave. Nous vous montrerons des exemples de ces demandes. Nous avons
9 des notes manuscrites de Mladic, qu'il envoie à Toso ou à Gvero : fais-nous
10 une proposition, qu'est-ce que tu suggères ?
11 Nous verrons la signature ou le paraphe du général Tolimir. Vous
12 verrez parfois même les commentaires du général Tolimir à même la requête
13 envoyée par fax.
14 J'aimerais vous donner une idée de ce à quoi ressemblait ce refus
15 d'autorisation de passer donné aux convois. Vous verrez une notification du
16 général Miletic en date du mois de mars. Nous avons réduit les plans
17 concernant les enclaves quant au nombre de véhicules et le nombre de
18 véhicules n'est pas permis, pas plus que le transport de carburant. En
19 dépit des instructions en matière de restrictions que nous avons soumises
20 au comité de coordination, on peut s'attendre à ce que la FORPRONU essaie
21 de faire entrer du carburant dans l'enclave, ce qu'il ne faut pas
22 autoriser. Autre refus, en date du mois de mars. Qu'est-ce qui ne peut pas
23 entrer dans Srebrenica à cause de ce refus ? Du diesel, des vivres
24 réfrigérés ou pas, des rations sèches, des pièces de rechange, une remorque
25 -- un camion citerne. Puis il y a une note, une instruction dans le dernier
26 paragraphe :
27 "Donnez des informations sur les convois qui n'ont pas été autorisés à
28 franchir les potes de contrôle. Ne les donnez à personne et n'expliquez
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1 rien à personne. Faites comme si vous n'aviez rien reçu. Si un convoi
2 apparaît à un croisement, il faut le renvoyer, l'obliger à rebrousser
3 chemin."
4 Des lits d'hôpitaux, des lits de camp pour le HCR, qui avait demandé
5 des convois, demande approuvée par le comité d'Etat en avril 1995, mais la
6 VRS ne permet pas que du boeuf, de l'huile, du sel soient envoyés à
7 Srebrenica. 8, 9, 10, 11, 12, 13 avril 1995 : à ces dates, rien n'était
8 censé entrer dans Srebrenica. Du matériel scolaire, aussi, s'est vu
9 interdit. Vous verrez ces exemples vous-même pendant le procès. Je ne vais
10 pas m'attarder davantage sur ce point, mais je voudrais vous donner un
11 exemple qui va illustrer les problèmes ainsi occasionnés, notamment pour
12 les Nations Unies, qui avaient pour responsabilité de faire parvenir cette
13 aide humanitaire dans les enclaves. Ici, nous sommes au mois de juin.
14 Problèmes au niveau des convois, notamment de logistique et de
15 réapprovisionnement pour le DutchBat et pour les civils, le HCR se
16 poursuive dans beaucoup de parties de la zone de responsabilité de la
17 FORPRONU. Ce convoi de 56 camions qui devait arriver dans les enclaves
18 orientales est arrivé à Belgrade hier mais la BSA, en fait, quand la
19 FORPRONU parle VRS. Elle prend le sigle en anglais, "Bosnian Serb Army" --
20 donc la VRS a diminué le nombre de camions autorisé. Il n'est plus que de
21 23. Elle a diminué de 50 % la quantité de vivres autorisée et de 70 % la
22 quantité de carburant autorisée. Elle a rejeté le passage de deux
23 ambulances nécessaires pour les troupes onusiennes et a insisté pour dire
24 que les effectifs accompagnant le convoi partent avec celui-ci, même si
25 personne ne peut empêcher, en d'autres termes, la relève des effectifs.
26 Donc, l'idée, c'était d'empêcher qu'il y ait rotation au niveau des
27 effectifs. On laissait partir les hommes mais on n'autorisait pas l'arrivée
28 de nouveaux gardiens de la paix, ce qui veut dire que ces hommes n'avaient
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1 pas de quoi pour manger, étaient sous l'ombre, n'avaient pas suffisamment
2 d'armes et vous allez voir comment tout ceci a eu un effet très négatif sur
3 le caractère opérationnel de ces troupes.
4 Mais lorsque l'état-major a approuvé le passage d'un convoi, ce qu'il
5 a fait, enfin, il n'a pas dit non tout le temps parce qu'il leur fallait
6 quand même respecter certaines limites, et ça, vous allez le voir partout.
7 Vous verrez que Tolimir, Gvero, l'état-major savaient jusqu'où aller, à
8 quel moment s'arrêter et jusqu'où aller pour ne pas déclencher un tollé de
9 la communauté internationale, et ils ne voulaient sûrement pas qu'il y ait
10 un soutien aérien de l'OTAN, ils ne voulaient sûrement pas qu'il y ait non
11 plus le soutien de forces terrestres.
12 Lorsque l'état-major a approuvé le passage d'un convoi, ce convoi
13 devait être inspecté -- vérifié à Zvornik, et en fonction du pont que ce
14 convoi empruntait. Il y a des rapports de la Brigade de Zvornik envoyés aux
15 corps qui énumèrent les éléments -- les objets qu'ils ont retirés des
16 convois. Parce que ces hommes savaient ce que l'état-major autorisait et ce
17 qu'il interdisait. Par exemple, des stérilisateurs de terrain de campagne.
18 Ça, c'est un produit médical. C'était empêché. A un moment donné,
19 simplement, du détergent pour faire la lessive, du shampoing, des
20 serviettes, tout ça était enlevé, ainsi que des produits de nettoyage.
21 Le général Tolimir était partie intégrante de tout ce processus à
22 plusieurs titres, notamment parce que c'était les Unités de la Police
23 militaire et les organes de Sécurité qui avaient la responsabilité de la
24 tenue et du fonctionnement de ces postes de contrôle. Nombreux seront les
25 exemples, grâce aux documents de notification, vous allez voir manuscrit
26 "sécurité, organe de Sécurité," ou le nom de l'officier de la brigade qui
27 montre que cette demande est adressée et parvient à l'organe de sécurité.
28 Lorsqu'une approbation était donnée au passage d'un convoi, vous le
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1 verrez, c'était le service de Sécurité qui avait pour obligation de
2 superviser et d'appliquer cette politique de la VRS qui déterminait ce qui
3 pouvait entrer dans l'enclave, bien sûr, un aspect du renseignement qui
4 joue. C'est pour ça que le général Tolimir était responsable de ces
5 activités. Mais sur le terrain, dans l'enclave de Srebrenica, pour le
6 DutchBat, pour la population civile souffrante à Srebrenica, la procédure
7 suivie par la VRS, en matière de convoi, elle s'est personnifiée en la
8 personne de Momic Nikolic, et vous l'entendrez, l'adjoint au commandant
9 responsable du renseignement pour la Brigade de Bratunac.
10 Parce que le dernier poste de contrôle avant d'entrer à Srebrenica,
11 c'était à Bratunac, un poste de contrôle qu'on appelle le Pont jaune. Il se
12 trouve à proximité du poste d'observation néerlandais Papa. Momir Nikolic
13 procède chaque fois à un contrôle rigoureux, à une inspection rigoureuse,
14 et vous verrez des documents où il a écrit :
15 "…pas un seul convoi, pas une seule équipe du CICR ou des Médecins
16 sans frontières peut entrer sans ma permission dans Srebrenica."
17 Comme en juillet 1995, le colonel Ognjenovic invente le fait qu'il
18 avait à expulser les Musulmans pour rendre la vie insupportable, Momir
19 Nikolic reçoit ses instructions de ses supérieurs hiérarchiques. L'état-
20 major principal connaissait bien Momir Nikolic, et nous verrons des
21 documents de l'état-major principal qui le mentionnent nommément. Ces
22 documents disent :
23 "Nous avons établi les modalités d'inspection et nous avons aussi
24 établi les demandes à cet égard."
25 Voyons un autre document, document établi dans le cadre d'une analyse
26 de l'état de disponibilité opérationnelle. C'est pour vous de donner une
27 idée du degré d'organisation de discipline qui régnait dans la VRS. C'est
28 une brigade qui établit ce rapport point par point et sous la rubrique :
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1 "Soutient renseignement sécurité," ce rapport dit ceci :
2 "En 1995, les organisations internationales, et leurs représentants sont
3 passés et sont restés temporairement dans la zone de responsabilité de la
4 brigade."
5 On dit que chaque événement a été rapporté aux organes supérieurs et à
6 l'état-major principal, et il est question des postes de contrôle grâce au
7 contrôle des organisations internationales, et on dit que ces postes
8 fonctionnent conformément aux ordres donnés par l'état-major principal et
9 aux instructions données par le commandant de la brigade.
10 On vous dira que les conditions non cessées d'empirer à partir de mars 1995
11 jusqu'à l'attaque du mois de juillet. La délivrance en catimini au compte-
12 goutte de permis par la VRS, il ne fallait pas qu'il soit trop rigoureux
13 pour vraiment créer une situation de misère. Il ne fallait pas empêcher
14 trop de convois de passer pour affamer encore davantage les gens qui
15 étaient déjà affamés et il est clair que l'effet provoqué a été amplifié
16 car il y avait déjà sur place des conditions de détresse.
17 A cela s'ajouter le fait et nous le prouverons qu'il y a eu de plus
18 en plus d'activités de tireurs embusqués pendant cette période. Vous, vous
19 souvenez de cet ordre donné à propos des tireurs embusqués et des
20 silencieux qu'il fallait mettre sur les armes, et c'était l'état-major
21 principal qui avait cette école de formation des tireurs embusqués, et il y
22 a les soldats de la Brigade de Bratunac qui tiraient sur ces civils
23 musulmans. En même temps, le commandant de la Brigade de Bratunac disait
24 qu'il fallait rendre la vie des Musulmans insupportable, et donc il y a eu
25 une recrudescence des tireurs embusqués mais aussi des pilonnages.
26 Les survivants, des témoins viendront vous dire que les bombardements
27 se sont intensifiés en 1995, et vous verrez, comme en 1993, des rapports
28 sur le renseignement et la sécurité de Tolimir en 1995, qui disent qu'en
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1 fait ces pilonnages ça fait partie d'une campagne d'intoxication de
2 propagande, de désinformation.
3 Il y a un exemple notoire celui du pilonnage de civils par la VRS le
4 25 mai 1995, et ce jour-là, en guise de représailles contre des frappes de
5 l'OTAN, la VRS a pilonné toutes les zones de sécurité ce jour-là, les
6 frappes aériennes avaient frappé des dépôts de munition. La plupart des
7 jeunes qui célébraient, qui fêtaient l'anniversaire de Tito, ils étaient 70
8 à Tuzla, ils ont été tués alors qu'ils fêtaient ceci dehors en début de
9 soirée. Ils ont été pilonnés par la VRS et le VRS a aussi simultanément ou
10 quasi pilonné Srebrenica une gamine de 9 ans a été tuée, et sa sœur a été
11 grièvement blessée.
12 Vous l'entendrez. Ce fut une attaque coordonnée dirigée contre la
13 population civile pour la seule et unique raison de semer la terreur et la
14 souffrance.
15 D'autres témoins nous relaterons une attaque survenue le 24 juin 1995, un
16 observateur militaire des Nations Unies vous le dira. Il y aura des
17 rapports montrant qu'il y a eu infiltration par la VRS du 10e Détachement
18 de Sabotage, pour qu'ils tirent sur des civils à Srebrenica, ce qui a
19 provoqué la mort de civils.
20 Momir Nikolic, l'homme responsable de la sécurité et l'adjoint à la Brigade
21 de Bratunac, vous le dira, et le colonel Salapura dont nous avons parlé,
22 subordonné direct de Tolimir, a dirigé cette action sur le terrain. Ce qui
23 veut dire que, lorsque arrive la fin du mois de juin - et ici nous avons
24 une parmi de multiples lettres de protestation envoyées par les Nations
25 Unies - le général Smith s'est plaint auprès du général Mladic parce qu'il
26 dit recevoir quasi chaque jour des rapports attestant de pilonnage sur
27 Bihac, zone de sécurité, Gorazde, zone de sécurité, Sarajevo, pilonnage de
28 zones fortement peuplées.
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1 Le général Tolimir a déjà son moyen de communication. Après cette attaque
2 du 24, où des civils sont tués, il dit que :
3 "Il y a de plus en plus de méfiance dans la population à l'égard de ces
4 dirigeants militaires et civils à Srebrenica, il y a d'autres accusations
5 qui disent que ceci a provoqué des actes de représailles de la part de la
6 VRS en raison d'infiltration et action de sabotage en territoire serve. Le
7 commandement de la 28e Division envoie des informations fausses disant que
8 c'est la VRS qui a mené des actions de sabotage visant des civils et des
9 installations civiles, pour ainsi provoquer la condamnation de la
10 communauté internationale."
11 C'est ce message qu'a façonné, qu'a usiné le général Tolimir depuis le
12 premier jour. Le modus operandi n'a jamais changé.
13 Vous entendrez très vite parler de l'effet qu'ont eu ces restrictions sur
14 les forces de maintien de la paix du DutchBat et sur la population civile.
15 Les dirigeants des Nations Unies ont rencontré les chefs politiques et
16 militaires des Serbes de Bosnie, ils ont manifesté leurs inquiétudes. Vous
17 l'entendrez. Vous entendrez le président Karadzic répéter l'évaluation
18 faite par le général Tolimir, à savoir qu'il s'attendait à une percée des
19 Musulmans de l'enclave Karadzic dit de l'enclave que c'est une bombe à
20 retardement sur le point de se déclencher.
21 Lorsque arrive le mois de juillet 1995 les forces de maintien de la paix
22 qui devaient être au nr de 600 n'étaient plus qu'au nombre de 350. Ils
23 n'avaient pas été autorisés à amener des armes. Ils devaient utiliser les
24 armes utilisées par ceux qui étaient avant eux. Ils n'avaient pas de
25 nouvelle munition, notamment pour les systèmes antichar. Ils n'avaient pas
26 depuis février de renouvellement en combustible. Ils utilisaient du bois
27 pour cuisiner, et ils devaient faire des patrouilles à pied -- ils ne
28 pouvaient pas appliquer le mandat qu'ils leur avaient été donné. Ils
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1 vivaient de ration sèche parce qu'ils n'avaient pas de vivre fraîche, parce
2 qu'ils n'avaient pas de carburant, et ils s'éclairaient à la chandelle le
3 soir. Effectivement, il y avait aussi un problème ils ne pouvaient pas
4 utiliser de l'électricité pour purifier l'eau.
5 Pour les civils de Srebrenica, c'était une situation catastrophique.
6 La FORPRONU ne pouvait pas maintenir les installations hospitalières, ne
7 pouvait pas les réapprovisionner. Les gens étaient affamés. Si les gens
8 essayaient de partir de Srebrenica à Zepa pour aller trouver de quoi
9 manger, ils se faisaient tuer.
10 Vous avez une photo prise par un membre du DutchBat. Vous voyez des civils
11 de Srebrenica qui sont rassemblés autour d'un camion qui ramasse les
12 immondices. Ils cherchent quelque chose à manger. Ils le faisaient souvent.
13 Ils triaient les déchets dans l'espoir de trouver quelque chose à manger.
14 Le général Tolimir connaissait cette situation, même avant que la Directive
15 numéro 7 ne commence à fonctionner. Donc là, nous sommes avant même cette
16 délivrance au compte-goutte des permis. Donc, imaginez ces conditions.
17 Etes-vous en mesure de le faire ? Moi, je ne sais pas. Je pense que je ne
18 pourrais pas ressentir ce qu'ont vécu ces gens en 1995.
19 Un membre du DutchBat, le commandant adjoint du bataillon à Srebrenica, le
20 colonel Franken, vous dira que c'est en fait une terreur par les convois,
21 et c'est bien ce que c'était. La Directive numéro 7 a été appliquée avec
22 brutalité. Vous verrez l'effet qu'elle a eu sur la capacité ou l'incapacité
23 du DutchBat à répondre à l'attaque militaire imminente.
24 Je vois l'heure qu'il est. La journée se termine, et comme j'étais sur le
25 point d'aborder un nouveau chapitre, je pourrai fort bien le commencer
26 lundi -- je disais demain, excusez-moi.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, ce ne sera pas demain.
28 Nous allons lever l'audience, mais lundi, il faudra savoir et se demander
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1 comment nous allons organiser nos journées, quand nous allons faire des
2 pauses, quelle sera la durée des volets d'audience.
3 Nous allons lever l'audience et elle reprendra lundi prochain à 9 heures,
4 ici même.
5 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le lundi 1er mars
6 2010, à 9 heures 00.
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