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1 Le lundi 31 mai 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tous dans ce prétoire
6 inhabituel. Je suis convaincu que nous allons pouvoir gérer notre audience
7 dans ce prétoire.
8 Y a-t-il des questions préliminaires ? Je ne pense pas.
9 Monsieur Vanderpuye.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
11 Messieurs les Juges. Bonjour. Je souhaite indiquer aux Juges de la Chambre
12 que nous avons une traduction en B/C/S du P00214, qui est maintenant dans
13 le système électronique du prétoire. C'était le numéro 65 ter 6277.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] S'agissait-il d'un document qui avait
15 été marqué aux fins d'identification ? Quel est le numéro ?
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que c'était une lettre du
17 gouvernement américain concernant les photos aériennes. C'était la pièce
18 P214.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que ceci a été marqué aux
20 fins d'identification. Maintenant nous allons en faire une pièce à
21 conviction. Je vous remercie beaucoup.
22 Il faut faire entrer le témoin, s'il vous plaît.
23 Ai-je raison de dire qu'il a été accordé à ce témoin la distorsion des
24 traits du visage mais non pas la distorsion de la voix, et un pseudonyme ?
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je souhaite vous
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1 souhaiter la bienvenue, et vous demander de lire le texte qui se trouve sur
2 le carton qui vous est actuellement remis.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 LE TÉMOIN : PW-005 [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Et vous pouvez vous
8 asseoir.
9 Ce n'est pas la première fois que vous venez à La Haye, que vous venez au
10 Tribunal. J'espère que vous vous souviendrez de la procédure qui est celle
11 qui est appliquée ici ainsi que les mesures de protection qui vous ont été
12 accordées. Si à aucun moment pendant l'interrogatoire vous avez besoin
13 d'une pause, n'hésitez pas à nous le dire et nous vous aiderons à retrouver
14 votre calme.
15 M. Vanderpuye a quelques questions à vous poser.
16 Monsieur Vanderpuye.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Bonjour à vous, Madame, Messieurs les Juges.
19 Interrogatoire principal par M. Vanderpuye :
20 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous poser quelques
21 questions par rapport à votre témoignage dans cette affaire. Comme vous le
22 savez, je m'appelle Kweku Vanderpuye. Si je vous pose une question qui
23 n'est pas claire à vos yeux, faites-le-moi savoir de façon à ce que je
24 puisse la formuler et que nous puissions bien nous comprendre l'un et
25 l'autre. Je vais vous demander de parler lentement de façon à ce que les
26 interprètes puissent interpréter vos propos ainsi que les miens, pour nous
27 assurer que tout un chacun se comprenne.
28 Ce que je souhaite tout d'abord vous montrer, c'est le numéro 65 ter
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1 6286. Ceci devrait apparaître à l'écran dans quelques instants. Voyez-vous
2 ce qui est à l'écran devant vous, Monsieur ?
3 R. Oui, je le vois.
4 Q. Sans nous dire ce qu'il y a à l'écran, pouvez-vous confirmer que
5 c'est votre nom qui figure dans ce document ?
6 R. Oui, c'est cela.
7 Q. Merci.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je demande le versement au dossier
9 de cette pièce, s'il vous plaît.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce sera admis sous pli scellé.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P259, sous pli scellé.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation]
13 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais vous demander ceci, vous souvenez-vous
14 avoir témoigné dans l'affaire le Procureur contre Popovic et consorts --
15 R. Je me souviens.
16 Q. -- le 8 février 2007 ?
17 R. Je m'en souviens.
18 Q. Avez-vous eu l'occasion de revoir ce témoignage avant de venir dans le
19 prétoire aujourd'hui ?
20 R. Vous voulez dire voir comment ?
21 Q. Avez-vous eu l'occasion d'entendre votre déclaration préalable avant de
22 venir dans le prétoire aujourd'hui ?
23 R. Oui. Oui.
24 Q. Après avoir entendu votre témoignage, pouvez-vous confirmer que ceci
25 est exact et véridique, à savoir que ce que vous dites est exact et
26 véridique ?
27 R. Ce que j'ai vu et ce que j'ai souffert, c'est quelque chose sur lequel
28 je maintiendrai toujours ma position.
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1 Q. Et la déposition que vous avez entendue, votre déposition, reflète de
2 façon exacte et juste ce que vous diriez aujourd'hui si on devait vous
3 poser les mêmes questions ?
4 R. Je peux répéter la même chose, répondre la même chose à chaque
5 question.
6 Q. Bien.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande, s'il
8 vous plaît, que le témoignage antérieur et la pièce qui accompagne ce
9 témoignage soient versés au dossier, numéro 65 ter 6284 et 6285.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ces derniers sont admis.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Et, Monsieur le Président, les pièces qui
12 accompagnent cette déposition antérieure --
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 65 ter 6284 aura le numéro P260,
14 sous pli scellé, alors que le 6285 sera la pièce P261.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vais demander le versement des pièces
16 qui avaient été versées par le truchement de ce témoin également.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ils sont au nombre de combien ?
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il y en a quatre. Le premier est le numéro
19 65 ter 1003.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'essaie de les trouver sur ma liste
21 -- oui, c'est la photographie de l'entrepôt de Kravica.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P262.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Le document suivant est le numéro 3370.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ceci est admis.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P263.
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Le document suivant, le numéro 65 ter
27 3371.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce sera admis.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P264.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Le numéro 65 ter 3372.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ceci sera admis également.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P265.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite
6 lire un bref résumé de la déclaration relevant du 92 ter. Cela ne devrait
7 me prendre pas plus de cinq minutes. Je ne prendrai pas plus de temps que
8 cela.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si c'est vraiment un résumé, soit.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que oui.
11 Je vais commencer. Le témoin a survécu à une exécution d'environ 1 200
12 hommes, garçons, musulmans, par les forces de la VRS et du MUP qui s'est
13 déroulée à l'entrepôt de Kravica le 13 juillet 1995.
14 Le 11 juillet 1995, le témoin a été obligé d'abandonner sa maison à
15 Srebrenica, où il avait vécu toute sa vie. Puisqu'au moment où les villes
16 et les villages voisins sont tombés, le témoin a dû se séparer de sa femme
17 et de ses deux filles près du village de Ravne Njive. Alors qu'il
18 s'enfuyait vers Potocari, le témoin s'est dirigé vers Jaglici, où il a
19 appris que des hommes avaient été rassemblés et devaient avoir lieu pour
20 qu'ils puissent traverser la forêt et se rendre à Tuzla. Le témoin se
21 souvient du fait que son frère et son neveu qui avaient décidé de se rendre
22 à Potocari n'ont pas survécu.
23 Le témoin est arrivé à Jaglici ce soir-là, il a passé la nuit à cet
24 endroit-là. Et le 12, il s'est mis en route vers Buljim, où il a rencontré
25 et est tombé dans deux embuscades au cours desquelles de nombreux hommes
26 ont été tués. Lorsque la nuit est tombée, le témoin et son groupe de six à
27 sept hommes avec bon nombre d'autres personnes ont fait l'objet
28 d'embuscades et de pilonnages près de la rivière près de Kamenica. Le
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1 témoin se souvient d'avoir entendu le bruit d'un Praga sur lequel l'on
2 tirait, il y avait tellement de corps morts qu'il était difficile
3 d'avancer.
4 Le 13 juillet, alors que les survivants de l'embuscade se sont rassemblés,
5 le témoin a reconnu de nombreuses personnes de son village. Parmi les coups
6 de feu plus tard, ils ont dû se rendre sur les hauteurs au-dessus de
7 Kamenica. Les hommes ont été emmenés dans une prairie qui s'appelait
8 Lolici, comme le témoin l'a appris plus tard. Le témoin a entendu dire
9 qu'environ 2 000 personnes avaient été fait prisonnières.
10 Dans la prairie, le témoin se souvient d'avoir vu un prisonnier qui a
11 été très durement frappé et qui a été tué ensuite par un soldat serbe après
12 avoir demandé de l'eau. Le témoin se souvient du fait que le général Mladic
13 est arrivé par la suite et s'est adressé aux prisonniers en disant :
14 "Naser vous a déserté. Il s'est enfui à Tuzla. Ce n'est pas une bonne
15 idée de se battre avec un Serbe. Nous avons quasiment vaincu toutes vos
16 familles. Ils sont hébergés à Tuzla, Kladanj, et un autre endroit. Il est
17 fort probable que d'ici un jour ou deux vous allez les suivre et vous allez
18 pouvoir retrouver vos familles. Personne ne va vous frapper, personne ne va
19 vous provoquer. Nous allons vous donner de la nourriture. Il fait très
20 chaud là où vous êtes. Vous allez trouver un hébergement où vous serez plus
21 à l'aise."
22 Après l'allocution, le discours de Mladic, le témoin ainsi que
23 d'autres prisonniers ont fait l'objet de fouille, on leur a enlevé leurs
24 objets de valeur. En l'espace d'une demi-heure, après le départ du général
25 Mladic, les prisonniers ont dû se mettre en rang et en colonne quatre par
26 quatre et se diriger vers Kravica, autre les soldats qui étaient
27 positionnés à intervalle régulier à plusieurs mètres de chaque côté. Le
28 témoin a vu des civils le long de la route alors que les prisonniers se
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1 dirigeaient vers Kravica. Lorsqu'ils s'y rendaient, ils sont également
2 passés devant un blindé des Nations Unies.
3 Le témoin est arrivé à l'entrepôt de Kravica vers 16 ou 17 heures. A
4 ce moment-là, un autocar était garé devant le bâtiment que le témoin ainsi
5 que les autres prisonniers devaient contourner par l'arrière pour pouvoir
6 entrer. Le côté de l'entrepôt par lequel le témoin est entré était
7 quasiment plein. Le témoin s'est assis parmi les autres prisonniers dans un
8 angle contre un mur. L'entrepôt était quasiment plein et le dernier
9 prisonnier ne pouvait pas trouver de place pour s'asseoir. Un soldat lui a
10 donné l'ordre de rentrer et lui a donné un coup de pied. Lorsque le
11 prisonnier a répondu qu'il n'y avait pas de place pour lui pour qu'il
12 puisse s'asseoir, le soldat a tiré un coup de feu sur lui. A ce moment-là,
13 la fusillade a commencé. Ils se sont dirigés vers les prisonniers à partir
14 de toutes sortes d'armes, et ceci s'est poursuivi tout au long de la nuit.
15 Le témoin s'est caché parmi les morts et resté sans bouger dans l'entrepôt,
16 recouvert par les corps pendant de nombreuses heures.
17 Aux premières heures du matin le 14 juillet, le témoin s'est levé pour
18 obtenir de l'eau. Il a été prévenu par un voisin qu'il devait rester là où
19 il était. Plus tard, néanmoins, le témoin aurait été tué parce qu'il devait
20 se lever momentanément pour uriner. Le témoin a donc replacé deux corps sur
21 lui, et il y resté toute la journée. Lorsque le jour s'est levé, des
22 soldats ont appelé les prisonniers blessés pour leur dire qu'ils seraient
23 emmenés à l'hôpital. Les prisonniers blessés se sont avancés et ont été
24 tués. Le témoin se souvient du fait que deux autres prisonniers ont été
25 également tués. L'autre, parce qu'il avait appelé quelqu'un par son nom, et
26 le second parce qu'il suppliait pour avoir de l'eau.
27 A un moment donné, le témoin a entendu des commentaires qui étaient
28 du style : "Il faut charger la pelleteuse, il faut laver la route
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1 goudronnée, il faut recouvrir tout ceci de paille." Les soldats sont entrés
2 dans l'entrepôt et ils ont jeté de la paille partout sur les prisonniers
3 morts et les prisonniers et les témoins qui étaient parmi eux. Le témoin
4 par la suite a vu la pelleteuse qui était garé devant l'entrepôt lorsqu'il
5 s'est échappé.
6 Après minuit, à un moment donné, c'était dans les premières heures le
7 15 juillet, le témoin a réussi à s'extirper de dessous les corps morts. Il
8 a rencontré deux autres survivants, le premier qui lui a demandé de se
9 joindre à lui pour tenter de s'échapper. Le témoin a refusé et a par
10 ailleurs réussi à quitter l'entrepôt avec le deuxième survivant sans être
11 vu. Alors qu'il s'enfuyait, le témoin a été remarqué par deux soldats qui
12 l'ont appelé et lui ont demandé de se montrer. Cependant, le témoin a
13 réussi à éviter d'être capturé, et a réussi à arriver jusqu'à la rivière
14 qui se trouvait non loin de là. A partir de là, avec un autre survivant, le
15 témoin a échappé et s'est enfuit à travers un champ de blé et dans les
16 bois.
17 Puis-je avoir dans le système électronique le numéro 65 ter 999, s'il vous
18 plaît.
19 Q. Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous ce qui est à l'écran devant vous
20 ?
21 R. Je reconnais l'entrepôt bien. En 1991 et 1992, cela ne ressemblait pas
22 à ça, mais je sais à quoi cela ressemblait lorsque je suis arrivé en 1995.
23 A savoir à quoi ceci ressemblait en 1996 et 1997, je ne sais pas parce que
24 je ne sais quelles modifications y avaient été apportées, parce que
25 différentes personnes ont photographié cela à différentes époques. Je ne
26 sais pas à quoi cela ressemblait de l'autre côté. Je sais à quoi cela
27 ressemblait du côté de la route goudronnée à laquelle je suis arrivé. Je me
28 suis frayé un chemin entre les autocars et l'entrepôt. J'ai passé la
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1 première porte d'entrée et j'ai atteint la deuxième porte d'entrée, et deux
2 soldats serbes étaient là devant la porte. Je suis rentré et une de mes
3 connaissances m'a indiqué que je devais m'asseoir à côté de lui.
4 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de voir la porte d'entrée par laquelle
5 vous êtes entré vous-même sur cette photographie ?
6 R. Ici on voit la première porte. Ceci pourrait correspondre à la deuxième
7 porte, mais ceci n'était pas le but -- ne correspond pas au but du
8 bâtiment. Il y avait encore une partie de l'entrepôt un peu plus loin. Moi,
9 je suis rentré par cette partie-là du bâtiment, mais tout ce que je sais,
10 c'est que je suis passé devant une première porte avant d'atteindre la
11 seconde, et ceci ne ressemble pas à la porte par laquelle je suis entré,
12 mais je ne sais pas de quel côté cette photographie a été prise.
13 Q. Très bien. Je vais d'abord vous montrer numéro 65 ter 1003, et nous
14 reviendrons sur cette photographie par la suite.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons agrandir la partie
16 centrale de l'écran à peu près, s'il vous plaît, de savoir à ce que vous
17 puissiez mieux voir cela ?
18 Q. Bien. Est-ce que vous reconnaissez la porte par laquelle vous êtes
19 entré sur cette photographie ?
20 R. Ceci doit correspondre à la deuxième porte. Je ne sais pas ce qui est
21 marqué en noir ici, qu'est-ce que c'est. A partir de cette porte-là il y a
22 d'autres entrepôts, et ça, c'est la première porte.
23 Q. Je souhaite que vous inscriviez cela sur la photographie, s'il vous
24 plaît.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le représentant du Greffe va vous
26 aider. Mme L'Huissière va vous aider.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est la première porte. Donc, celle-ci
28 doit être la seconde. Je suis entré par la deuxième porte, mais il ne me
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1 semble pas -- en tout cas, cela n'a pas la même apparence que lorsqu'on se
2 trouve sur la route goudronnée. Je ne sais pas de quel côté cette
3 photographie a été prise. Tout ce que je sais, c'est que j'ai dû passer une
4 première porte avant d'entrer dans la seconde. Lorsque l'entrepôt était
5 bondé, je n'avais pas d'endroit où m'asseoir. J'ai dû me mettre dans un
6 angle pour m'asseoir. Il n'y avait pas de place près de la porte, et de
7 l'endroit qui était goudronné je me suis rendu jusqu'à la fin. Ceci
8 pourrait être la première, et celle-ci la seconde entrée.
9 M. VANDERPUYE : [interprétation]
10 Q. Veuillez annoter la porte qui vous semble être la bonne.
11 R. Je ne sais pas d'où cette photographie a été prise, si cette photo a
12 été prise depuis la route goudronnée ou sur le côté. Ça doit être la
13 deuxième entrée. Je peux vous l'indiquer. Il y a quelque chose qui
14 ressemble à un point noir. Je ne sais pas ce que c'est. Tout ce que je
15 sais, c'est que je suis passé par une première porte, passé devant une
16 première porte et que je suis entré dans la seconde. A savoir si c'est
17 vraiment cela, je ne sais pas. C'est dommage parce que la photographie,
18 cela ne ressemble pas à ce que j'ai vu lorsque je me suis rendu à
19 Srebrenica pour pouvoir revenir et faire une demande à cet effet. Je ne
20 sais pas d'où cette photographie a été prise. Tout le monde peut voir ces
21 portes. C'est un fait.
22 Q. Veuillez entourer d'un cercle la porte qui vous semble être la bonne,
23 parce que pour l'instant personne ne peut voir ce que vous indiquez.
24 R. Alors, si ça c'est une porte, ça c'est une première porte. Ensuite il y
25 a une seconde. Ça, ça doit être la porte. Mais cela n'a pas la même
26 apparence que lorsque je m'y suis trouvé.
27 Q. Est-ce que vous pouvez annoter cela ou est-ce qu'il vous faut du temps
28 pour regarder cette photographie ? Je peux vous montrer une pièce si cela
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1 peut vous aider à vous en souvenir.
2 R. Alors, regardons cette autre pièce, mais nous ne devrions pas perdre de
3 temps sur celle-ci. N'importe qui pouvait se rendre à cet entrepôt et voir
4 à quoi cela ressemble. Moi, je sais à quoi cela ressemble lorsque j'y suis
5 venu.
6 Q. Je vais vous montrer le numéro 65 ter 1720. Maintenant, il s'agit là
7 d'un document que vous avez annoté il y a un certain temps déjà, je
8 souhaite vous le montrer pour voir si ceci vous aide à vous souvenir de
9 cela.
10 R. Ici se trouve sur la partie droite du côté de la route goudronnée, le
11 bâtiment est en fait parallèle à la route goudronnée, alors qu'ici nous
12 avons des angles.
13 Q. J'ai quelques questions à vous poser à présent…
14 [Le conseil de l'Accusation qui se concerte]
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que l'on peut agrandir, s'il vous
16 plaît, sur la droite où l'on voit des annotations.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tu vois là, il y a la première porte d'entrée.
18 Tiens ça, tu vois, ça c'est la première porte d'entrée, puis t'as la
19 deuxième porte d'entrée là.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation]
21 Q. Et quelle est la deuxième, s'il vous plaît ? Pourriez-vous la décrire ?
22 R. Celle-ci. Je vois la première porte puis je vois la deuxième porte. La
23 voici.
24 Q. La deuxième "door" se trouve-t-elle sur la gauche ou sur la droite sur
25 cette photographie ?
26 R. Les deux portes sont par rapport à la route goudronnée en face.
27 Q. Oui, Monsieur le Témoin. La première porte se situe-t-elle sur la
28 droite ou sur la gauche sur cette photographie ?
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1 R. Mais quand on arrive de Lolici, c'est sur la gauche de la route
2 goudronnée, et sur la droite c'est du côté de la rivière. Et puis si on
3 avançait vers Lolici, sur la droite il y aurait celle qui se situerait sur
4 la gauche, et puis c'est l'inverse lorsqu'on arrive depuis la route.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, --
6 LE TÉMOIN : [interprétation] En arrivant, j'avais l'entrepôt sur ma droite,
7 et donc je suis entré par la première porte puis par la deuxième porte, et
8 il y avait un autobus qui était garé quand on arrive depuis la route devant
9 l'entrepôt.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je comprends très bien ce que vous
11 êtes en train de dire. Mais est-ce que vous pourriez nous aider de la
12 manière suivante, est-ce que vous pouvez écrire une petite croix sur la
13 première porte par laquelle vous êtes entré en allant vers la deuxième
14 porte. Donc quelle était la première porte ?
15 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, merci.
17 Et pourriez-vous, s'il vous plaît, maintenant tracer un cercle autour de la
18 deuxième porte, la deuxième porte par laquelle vous êtes entré dans ce
19 bâtiment.
20 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que cela
22 est clair désormais.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
24 En fait, je souhaite demander le versement de ce document, et puis je
25 voudrais reprendre l'autre et en demander le versement également parce que
26 je pense qu'il sera clair.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui. Le document sera versé au
28 dossier tel qu'annoté.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P266.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que le premier document était un
3 document 65 ter 999, et j'en demande le versement également.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La pièce sera versée au dossier.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P267.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne souhaite pas importuner le témoin. Mais
8 je vous demanderais d'avoir l'amabilité de ne plus présenter de
9 photographies qui sont déjà annotées, je ne vois pas à quoi cela sert. Donc
10 si l'on a des photographies déjà annotées, de s'abstenir de les verser au
11 dossier.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela peut s'avérer utile de soumettre
13 une photographie déjà annotée, une carte déjà annotée à un témoin. Et je
14 pense que là c'était la façon appropriée de procéder pour obtenir la teneur
15 de la déposition pour entendre la substance de la déposition du témoin.
16 Veuillez poursuivre.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci.
18 65 ter 1003, c'est la pièce que j'allais utiliser. Je pense que c'est la
19 deuxième photographie que j'ai présentée au témoin, je voudrais la verser
20 au dossier.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais c'est la pièce P262, déjà versée
22 au dossier.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Alors très bien. Mais je voudrais
24 néanmoins afficher cette pièce et poser quelques questions au sujet de
25 cette pièce au témoin.
26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous attendons l'affichage de la
28 pièce P262.
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1 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous rencontrons quelques problèmes
3 techniques, d'après ce qu'on m'a dit, mais nous allons l'avoir à l'instant.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. Est-ce qu'on pourrait agrandir la
5 partie gauche, s'il vous plaît, de la photographie. Merci.
6 Q. Monsieur le Témoin, j'apporte votre attention sur le bas de cette
7 photographie. Voyez-vous une clôture en bas sur la photographie ?
8 R. Oui, je le vois. Mais à l'époque je n'ai pas vu de clôture, il n'y en
9 avait pas. Peut-être qu'on l'a installée depuis, peut-être qu'on a
10 également construit des murs, mais à l'époque je ne l'ai pas vue. Je sais
11 quel était l'aspect de l'entrepôt au moment où je suis venu. Mais je ne
12 sais pas quel était son aspect par la suite. Je sais quel était l'aspect de
13 ma maison quand je suis parti et dans quel état je l'ai retrouvée.
14 Q. Je vous remercie. Je voulais simplement savoir si en juillet 1995 quand
15 vous êtes arrivé là-bas il y avait une clôture.
16 R. Je ne l'ai pas vue.
17 Q. Très bien. Merci. Dans une déclaration que vous avez donnée
18 précédemment, vous dites qu'à l'intérieur de l'entrepôt il y avait une
19 petite pièce. Vous souvenez-vous d'avoir parlé de cela en 1996, vous
20 l'auriez mentionné ?
21 R. Je me souviens. Le soir, quand ils nous ont frappés dans l'entrepôt, le
22 jeudi dans la nuit, l'image m'est venue qu'on était en train de verser de
23 l'eau. Et moi je me suis redressé et j'ai vu comme une guérite et je n'ai
24 pas pu atteindre cette eau puisque mon voisin m'a dit : "Rassoies-toi,
25 oublie l'eau." Mais cette image de l'eau qui coule, je l'ai entendue.
26 Alors, je ne sais pas, était-ce un moment de démence, est-ce que c'était un
27 moment de grande peur, mais je n'ai jamais vu de l'eau véritablement dans
28 cet entrepôt.
Page 2220
1 Q. D'accord. Je voudrais que l'on fasse deux choses. Premièrement, dans
2 votre réponse, la traduction que nous avons reçue est que vous avez dit :
3 "Dans la nuit du jeudi, ils nous ont roué de coups." J'aimerais savoir si
4 l'on a bien interprété ce que vous aviez dit. Est-ce qu'on vous a frappé
5 dans la nuit du 13 ?
6 R. Jeudi, ils ont commencé à battre entre 16 et 17 heures, et ils nous ont
7 roué de coups jusqu'à minuit. Et puis il y a eu des coups de feu. Puis les
8 blessés, ils appelaient à l'aide, ceux qui étaient encore en vie. Et les
9 autres, ils riaient, ils parlaient toute la nuit dehors. Et le lendemain
10 matin à l'aube, je ne sais pas quelle heure il était, ils ont demandé qui
11 est en bon état, qu'il sorte et qu'il rejoigne notre armée. Et on a vu
12 sortir je ne sais pas combien de personnes, et je ne sais pas qui c'était,
13 parce que je n'ai pas bougé, je n'ai pas regardé. Et on a fait démarrer le
14 camion, mais je ne sais pas non plus où il est parti. Et après on
15 n'entendait plus personne dans l'entrepôt. Puis il y en a un qui s'est mis
16 à crier, je ne sais pas à quelle heure : "Salko, Salko." Il a répété 15 ou
17 20 fois Salko, Salko.
18 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais juste savoir une chose. Lorsque vous
19 dites "frapper", vous voulez dire asséner des coups, ou vous voulez dire
20 tirer des coups de feu ?
21 R. Je veux dire tirer des coups de feu avec des fusils automatiques, des
22 mitrailleuses, des bombes, des grenades. Et l'autre, lorsqu'il a appelé
23 Salko, il lui a injurié sa mère turque, il y a une rafale qui a été tirée.
24 Après quelques heures, il y a un blessé qui a commencé à appeler : "Adila,
25 de l'eau, Adila, de l'eau." Mais il était tellement épuisé qu'on comprenait
26 à peine, et on lui a injurié sa tribu islamique, et il y a eu une rafale et
27 on ne l'a plus jamais entendu.
28 Et puis, ceux qui étaient sortis, qui étaient montés sur le camion, ceux
Page 2221
1 qui étaient blessés et qui ont pu marcher, ils ont été tués devant
2 l'entrepôt.
3 Q. Je voudrais que l'on parle de la petite pièce. Je vais vous montrer une
4 photographie.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] 65 ter 1450, page 105.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas ça.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] P95. Excusez-moi, il s'agit de la page
8 105.
9 Q. Je voulais juste vous montrer cette photographie un instant.
10 R. Je ne me souviens absolument pas de cette photographie.
11 Q. D'accord. Je voudrais vous demander la chose suivante. Est-ce qu'on
12 pourrait, s'il vous plaît, revenir un petit peu. Est-ce que vous voyez sur
13 la gauche, sur cette photographie, il semblerait qu'il y ait une entrée là;
14 et sur la photographie, on dirait que l'on aperçoit un mur, un peu comme le
15 tracé d'un mur. Voyez-vous ?
16 R. Oui, mais je ne me souviens pas de cette photographie.
17 Est-ce à l'extérieur ?
18 Q. C'est l'intérieur de l'entrepôt. Et sur la gauche, on voit une porte
19 qui donne sur l'extérieur.
20 R. Est-ce ce mur ? Non, cette photographie, je ne la connais pas du tout.
21 Q. Mais je voudrais vous demander la chose suivante : ce mur, par rapport
22 à la porte, est-ce que cela correspond à peu près à l'emplacement de la
23 petite pièce que vous avez vue dans l'entrepôt, son emplacement par rapport
24 à la porte ?
25 R. Cette photographie, je ne m'en souviens pas du tout.
26 Q. Mais la pièce que vous avez vue dans l'entrepôt était-elle près de la
27 porte ?
28 R. Je ne me souviens pas de l'avoir vue.
Page 2222
1 Q. Mais je ne vous demande plus ce qu'il en est de la photographie. La
2 pièce que vous avez vue à l'intérieur de l'entrepôt était-elle près de
3 l'entrée, près de la porte ?
4 R. J'ai parlé de cette pièce où il m'a semblé avoir entendu l'eau couler
5 dans cette pièce. C'était comme une guérite ou comme une pièce d'accueil,
6 mais je n'y suis pas allé finalement parce que l'autre m'a dit : Reste ici,
7 mets-toi par terre. De quelle eau parle-tu ? Reste ici.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, il serait peut-
9 être plus utile d'enlever cette photographie, parce que cela semble semer
10 la confusion, et le témoin a affirmé clairement qu'il ne reconnaissait pas
11 cette photographie. Il vaudrait mieux ne pas l'afficher. Et vous pouvez
12 continuer avec votre interrogatoire sans cette photographie.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, très bien. Merci, Monsieur le
14 Président.
15 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous d'avoir parlé d'une pièce à
16 l'enquêteur du Tribunal en 1996 ?
17 R. Je me souviens j'ai mentionné une pièce. Cette pièce m'est venue à
18 l'esprit dans la nuit pendant que j'étais dans l'entrepôt, qu'il y avait de
19 l'eau qui coulait dedans, et c'était comme un petit espace. Et moi j'allais
20 me redresser pour aller vers cet espace et l'autre m'a tiré par ma veste et
21 m'a fait me rasseoir et me mettre par terre en me disant: "Oublie cette
22 eau. Il n'en est pas question que tu y ailles." Donc je ne suis pas allé.
23 Mais je me souviens d'en avoir parlé, de cette eau. Cette eau, il m'a
24 semblé l'avoir entendue couler. Alors, est-ce que c'était parce que j'avais
25 tellement soif que j'ai eu l'impression d'entendre de l'eau couler ? Ça, je
26 ne sais pas.
27 Q. Vous souvenez-vous d'avoir dit aux enquêteurs que cette pièce se
28 situait sur la gauche par rapport à l'entrée de l'entrepôt ?
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1 R. Oui, c'est l'image qui m'est venue, que cette pièce était sur la
2 gauche, mais je ne l'ai pas atteint; je ne suis pas allé boire. Et c'était
3 de nuit.
4 Q. Je vous remercie.
5 R. Et de jour, je n'ai pas bougé, je n'ai pas regardé. Je ne savais pas ce
6 qui était en train de se passer dehors, qui était dehors. Juste la première
7 nuit quand ils nous ont tiré dessus, là, ils étaient là toute la nuit
8 devant l'entrepôt. Et le lendemain matin, quand ils ont fait sortir ceux
9 qui étaient en bon état, ils ont pris le camion et puis les blessés, ils
10 les ont abattus, ceux qui étaient sortis. Et après il y a celui qui a
11 appelé "Salko" et l'autre qui appelait "Adila, de l'eau." Mais pendant 24
12 heures, plus personne ne s'est manifesté dans l'entrepôt, plus personne n'a
13 parlé, ni crié, ni rien du tout.
14 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de questions pour
15 vous.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'en ai terminé avec mon interrogatoire
17 principal, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
19 Vanderpuye.
20 Monsieur, c'est l'accusé, M. Tolimir qui a le droit de vous poser des
21 questions à ce stade.
22 Monsieur Tolimir, vous pouvez commencer avec votre contre-interrogatoire.
23 Là encore, Monsieur, si vous avez besoin de faire une pause, n'hésitez pas
24 à nous le dire.
25 Monsieur Tolimir, vous avez la parole.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Bonjour à toutes et à tous. Paix à tous. Que Dieu fasse et sa Providence
28 que ce procès se termine au mieux.
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1 Contre-interrogatoire par M. Tolimir :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je souhaite tirer au clair un
3 certain nombre de choses pour que le reste soit clair. Dans la deuxième
4 phrase de son résumé, le Procureur Vanderpuye dit que le témoin affirme que
5 1 200 personnes ont été abattues à Kravica, et que c'est là que s'est
6 trouvé le témoin, qu'il est victime de cette exécution. Vous avez parlé de
7 2 000, Monsieur. Alors, quelle est la différence entre ce qu'a écrit M.
8 Vanderpuye et ce que vous avez dit vous-même ? Est-ce que vous souhaitez
9 apporter une modification ? Je voudrais simplement que votre déclaration ne
10 perde pas de son importance, et qu'on ait des données précises. Je voudrais
11 simplement vérifier ce chiffre.
12 R. Monsieur, je ne sais pas ce que vous avez voulu dire là.
13 Q. Je vous demande quel est le nombre de personnes qui ont été victimes de
14 cette exécution dans cet entrepôt que vous ne reconnaissez pas ?
15 R. J'ai dit que je ne les ai pas comptées. Je n'ai même pas essayé de
16 compter. Je sais qu'on était à Lolici, et qu'il y a eu des conversations et
17 qu'on a évoqué le chiffre de 2 000, et que tous ces gens sont arrivés dans
18 l'entrepôt dont personne n'est sorti en vie.
19 Q. Je vous remercie. Je vous ai bien compris. Donc, c'est sur la base de
20 cette évaluation qui a été avancée par ceux qui ont parlé que vous avez
21 parlé de ce chiffre ?
22 R. Oui. Moi-même, je n'ai pas compté. Je ne sais pas s'il y avait 1 000
23 personnes ou 2 000 personnes. C'est uniquement d'après leur évaluation que
24 j'ai dit qu'il y avait à peu près 2 000 personnes. Mais je ne sais pas quel
25 était le nombre exact. Je sais qu'il y avait cette colonne dont j'ai fait
26 partie, que nous avons tous été emmenés là-bas, et que personne n'est sorti
27 vivant de cet endroit.
28 Q. Très bien. Je voulais juste que l'on tire cela au clair dès le départ
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1 pour qu'on ne soit pas emmené à remettre en question votre déclaration.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la pièce 1D85 à présent, s'il
3 vous plaît. Il s'agit de la déclaration de ce témoin donné au ministère de
4 l'Intérieur de la Sûreté de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Merci.
5 M. TOLIMIR : [interprétation]
6 Q. Je voulais vous accorder un petit peu de temps pour que vous puissiez
7 jeter un coup d'œil sur cette déclaration. Je tiens à vous poser la
8 question suivante. A quel moment avez-vous appris que vous deviez vous
9 rendre au village de Jaglici ?
10 R. De qui ai-je appris cela ? C'est à moi que vous posez cette question ?
11 Q. Oui. Je vous demande quel jour, quelle date, et puis de qui, puisque
12 vous venez de demander cela vous-même ?
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Il ne
14 faudrait pas diffuser cela à l'extérieur du prétoire.
15 Monsieur, l'accusé vous a posé la question suivante : A quel moment avez-
16 vous appris, donc quel jour, quelle date, avez-vous appris cela ? Et puis,
17 qui vous l'a appris ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Que l'on quittait Srebrenica et sa maison ?
19 Ça, je l'ai appris le 11 juillet. J'étais en train de faucher, et ma femme
20 est venue me dire : "Mais que fais-tu ? Srebrenica est tombée. Les gens
21 sont en train de partir." Moi, je suis rentré chez moi pour laisser le
22 bétail sortir de l'étable. Il y avait mon gendre qui était là. Sa maison
23 avait brûlé dès le début de l'année 1992, et pendant tout ce temps il était
24 resté chez moi. Il m'a dit : "Mais que veux-tu faire ?" Je lui ai dit : "Je
25 veux laisser le bétail partir." Je suis rentré chez moi. J'ai pris mon sac
26 à dos avec un petit peu de nourriture et quelques vêtements, et j'ai tout
27 laissé sur place. Je n'ai pris que ce qui pouvait rentrer dans mon sac à
28 dos. Et c'est vers 19 heures que j'ai quitté ma maison, entre 19 heures et
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1 20 heures, le 11 juillet. C'est là que je suis parti de chez moi.
2 Et puis ils ont dit les femmes, les personnes âgées, les enfants,
3 doivent aller vers la base de la FORPRONU à Potocari, et puis ils vont
4 partir vers Tuzla en passant par Jaglici. Et moi, j'ai dit au revoir à ma
5 femme et à mes deux filles. Elles sont parties vers Potocari, et moi vers
6 Jaglici. Je suis resté à Jaglici pendant une nuit entière.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous
8 interrompre. Excusez-moi. La question posée par l'accusé a reçu une
9 réponse. Donc, peut-être que M. Tolimir pourrait vous poser à présenter une
10 autre question.
11 Monsieur Tolimir.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Je souhaite que l'on affiche 1D87, page 2. Est-ce qu'on peut
14 l'afficher, ce document, dans le prétoire électronique. Voyons, pour
15 commencer, la première page.
16 M. TOLIMIR : [interprétation]
17 Q. C'est la déclaration qui a été donnée au Tribunal pénal international.
18 C'est une déclaration que vous avez donnée.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et prenons la page 2 à présent. Merci.
20 M. TOLIMIR : [interprétation]
21 Q. Nous n'avons pas besoin de nous intéresser au premier paragraphe, pas
22 non plus au deuxième paragraphe, mais c'est plutôt la ligne 8 qui nous
23 intéresse.
24 "Un jour ou deux avant la chute de Srebrenica, j'ai entendu dire que
25 l'enclave allait tomber. Notre commandant," son nom a été expurgé, "nous a
26 informé du fait qu'il nous fallait percer un corridor pour pouvoir passer
27 vers Tuzla. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, personnes
28 blessées et malades devaient se rendre à Potocari.
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1 "Mon épouse et mes enfants sont partis pour Potocari le 11 juillet."
2 Est-ce que j'ai bien repris vos propos, est-ce que je vous ai bien cité ?
3 R. Oui, mais ce n'est pas deux jours avant que je l'ai appris. C'est
4 plutôt le 11 juillet que j'ai appris que Srebrenica était tombée. J'étais
5 chez moi dans les champs. J'ai appris que les femmes, les enfants allaient
6 vers Potocari et que nous, on devait partir vers Tuzla. Moi aussi j'aurais
7 aimé aller vers Potocari, mais en fait je devais suivre un voisin avec la
8 nourriture et mon sac à dos vers Jaglici, mais j'aurais préféré partir pour
9 Potocari.
10 Q. Très bien. Vous dites que c'était le 11. Et puis dans la deuxième
11 phrase vous dites : "Notre commandant - dont le nom a été expurgé - nous a
12 informés qu'il nous fallait percer un corridor pour pouvoir passer jusqu'à
13 Tuzla." C'est la deuxième phrase de votre déclaration, mais ce nom a été
14 effacé ici.
15 Qui est ce commandant qui vous a informés du fait qu'il fallait
16 percer un corridor ?
17 R. Quand nous sommes arrivés à Jaglici, il y avait là du monde, beaucoup
18 de gens s'étaient rassemblés. Il y en avait tant qu'on ne pouvait pas les
19 compter. Et on disait qu'on allait essayer de passer vers Tuzla et puis on
20 verrait bien qui parviendrait.
21 Mais c'était une enclave protégée, six municipalités composaient.
22 Srebrenica, c'aurait été mieux qu'elle ne soit pas protégée parce que la
23 population aurait résisté et se serait défendue avec des haches et avec des
24 bêches et avec tout ce qu'on avait. Mais la population a péri et le monde a
25 fermé les yeux. Zepa, Srebrenica et Visegrad, Zvornik et Bratunac, il
26 aurait fallu laisser les gens partir. Combien d'enfants sont restés et qui
27 malheureusement n'ont pas connu leurs pères, étaient trop petits pour les
28 connaître ?
Page 2228
1 Q. Très bien. Et pour préciser quelque chose dans le compte rendu, qui
2 vous a dit qu'il fallait passer vers Tuzla ?
3 R. Zulfo Tursunovic nous a dit qu'il fallait essayer de traverser cette
4 zone pour aller de l'avant.
5 Q. Et qui était ce Zulfo Tursunovic ?
6 R. C'était le commandant, notre commandant.
7 Q. Vous voulez dire qu'il était le commandant d'une brigade dont vous
8 faisiez partie ?
9 R. Oui, bien sûr. Ce n'était pas moi.
10 Q. Est-ce que l'on pourrait revenir à la pièce 1D --
11 R. Est-ce que nous pourrions faire une pause maintenant.
12 M. TOLIMIR : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin souhaiterait
13 faire une pause.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une
15 pause. Je pense que ceci constituera notre première pause qui sera un peu
16 plus tôt que prévu, et nous revenons dans cette salle d'audience à 15
17 heures 45.
18 Un représentant du Greffe va vous escorter durant la pause.
19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 17.
20 --- L'audience est reprise à 15 heures 49.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'espère que vous
22 allez mieux. Je vous rappelle que vous ne devez pas hésiter à nous demander
23 une autre pause si vous en avez besoin.
24 M. Tolimir va poursuivre son contre-interrogatoire.
25 Monsieur Tolimir, c'est à vous.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Est-ce que l'on pourrait montrer la page 2 du document 1D87 sur le prétoire
28 électronique, lignes 21 à 25. Et lorsque le témoin aura lu ce paragraphe,
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1 je poserai ma question.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Un représentant du Greffe a dit aux
3 personnes idoines de ne pas diffuser cela hors du prétoire.
4 M. TOLIMIR : [interprétation]
5 Q. Monsieur le Témoin, dans le troisième paragraphe en partant du haut de
6 la page, vous mentionnez que "à Jaglici," il s'agit de la ligne 21, vous
7 mentionnez :
8 "Nous sommes arrivés à Jaglici aux environs de 22 heures."
9 R. Je ne sais pas à quelle heure c'était lorsque nous sommes arrivés.
10 C'était la nuit, mais je ne peux pas vous dire exactement si c'était 20
11 heures ou 22 heures. Je me souviens quand nous sommes repartis de Jaglici.
12 Q. Mais je ne fais que lire votre déclaration. Il s'agit de vos propres
13 mots. Vous avez dit ceci aux enquêteurs. Vous dites que vous êtes arrivés à
14 Jaglici aux environs de 22 heures.
15 R. Je ne me souviens pas. Je sais que nous sommes arrivés après la tombée
16 de la nuit, mais je ne peux pas vous dire exactement à quelle heure. Je
17 sais que nous sommes partis de Jaglici le 12.
18 Q. Je vais citer un passage et je vous poserai une question, et vous
19 pouvez répondre comme vous le souhaitez. Mais veuillez attendre que je vous
20 donne la citation. A la ligne 21, je cite :
21 "Nous sommes arrivés à Jaglici. Il faisait nuit. C'était aux environs de 22
22 heures. Les gens avaient constitué une colonne et ont commencé à partir en
23 direction des bois."
24 "Le premier groupe devait en fait procéder au déminage, et par conséquent
25 nous devions attendre. Les soldats étaient mélangés avec les civils, mais
26 les civils étaient concentrés dans le milieu de la colonne."
27 Et ma question est la suivante : J'aimerais savoir si vous avez dit ceci
28 aux enquêteurs du bureau du Procureur ?
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1 R. J'ai fait cette déclaration, mais je n'avais pas de montre à l'époque,
2 mais par conséquent je ne sais pas à quelle heure exactement nous sommes
3 arrivés à Jaglici. Je sais à quelle heure nous sommes partis de Jaglici,
4 parce que je connaissais un garde forestier que je connaissais, et j'avais
5 demander quelle heure il était. Il m'a dit qu'il était en fait 1 heure
6 moins 20.
7 Q. Merci. Ce n'est important, mais je voulais savoir si vous avez dit cela
8 aux enquêteurs.
9 R. J'ai dit cela, mais je n'ai pas mentionné l'heure. J'ai simplement dit
10 que nous étions arrivés à Jaglici, mais je sais que je me souviens de
11 l'heure à laquelle nous sommes repartis de Jaglici.
12 Q. Maintenant, est-ce que vous pourriez me parler de la manière dont la
13 colonne était constituée. Vous avez mentionné dans cette phrase que je
14 viens de vous lire -- je cite à nouveau :
15 "Nous avons commencé à partir en direction des bois. Le premier
16 groupe était censé procéder au déminage. Les soldats étaient mélangés avec
17 les civils, mais les civils étaient plutôt au milieu de la colonne."
18 Est-ce que vous pourriez m'expliquer comment cette colonne a été
19 constituée ?
20 Je répète. Est-ce que vous pourriez me dire comment cette colonne a été
21 constituée ?
22 R. Je sais que je suis parti de Jaglici au sein d'une colonne de
23 personnes. C'était une colonne d'environ six mètres de large. Nous étions
24 trois ou quatre alignés, et nous sommes allés en direction d'une localité
25 qui s'appelle Buljim. Je ne connaissais pas cet endroit. Nous avons
26 descendu une côte et nous sommes arrivés à une route goudronnée. Lorsque
27 nous sommes arrivés sur cette route goudronnée, la colonne était déjà en
28 mouvement et il y avait une vallée avec des gens qui étaient déjà là-bas.
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1 Je ne sais pas ce qu'ils attendaient. Lorsque nous sommes arrivés à cette
2 route, il y avait un homme, peut-être que c'était le dernier qui était
3 parti de Jaglici avec le groupe, et il descendait cette route goudronnée.
4 Q. Est-ce que je peux vous poser d'abord la question, ensuite vous pouvez
5 répondre. Etant donné que vous étiez un soldat --
6 R. Je n'étais pas un soldat. J'étais en habit civil, mais j'avais une arme
7 de chasse, et lorsque nous sommes arrivés à Jaglici, mon beau-frère l'a
8 prise.
9 Q. Mais vous étiez en âge de porter les armes, parce qu'il est mentionné
10 ici que vous travailliez dans un entrepôt, dans un dépôt ?
11 R. Quel dépôt ?
12 Q. Il est mentionné dans cette déclaration que vous avez travaillé dans
13 des unités arrière, c'est-à-dire dans la logistique.
14 R. J'étais effectivement membre, mais j'étais dans la protection civile.
15 Et lorsque j'ai déménagé vers Tuzla, j'étais d'abord à Stupari, dans une
16 unité de logistique. Mais en fait, je coupais du bois et j'apportais l'eau
17 et la nourriture jusqu'en 1996. Et en 1996, j'ai été démobilisé.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer le document
20 1D87, page 2.
21 M. TOLIMIR : [interprétation]
22 Q. Il s'agit de la phrase qui est juste en dessous du premier paragraphe.
23 Il s'agit d'une phrase très simple. Vous dites, je cite :
24 "J'ai rejoint l'armée le 17 avril 1992."
25 R. Effectivement.
26 Q. Quand avez-vous été démobilisé ?
27 R. En 1996. Je l'ai dit déjà.
28 Q. Aux fins du compte rendu d'audience, est-ce que je pourrais consigner
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1 que de 1992 à 1996, vous étiez dans l'armée ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous avez constitué cette
4 colonne, comment se fait-il que des civils et des soldats l'on constitué ?
5 Est-ce que quelqu'un vous a donné des ordres, est-ce que quelqu'un vous a
6 ordonné de faire quoi que ce soit ?
7 R. En fait, on avançait un peu comme du bétail. Personne ne s'intéressait
8 vraiment à ce que faisaient les autres jusqu'à ce que nous arrivions à
9 Buljim. Et puis, nous avons été pris dans une embuscade, et les gens se
10 sont dispersés. Mais personne ne s'intéressait vraiment aux autres.
11 Q. Très bien.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait présenter au témoin le
13 document 1D85, ligne 8, à la page 2. En fait, il s'agit de la première page
14 de cette déclaration; 8e ligne, document 1D85.
15 M. TOLIMIR : [interprétation]
16 Q. Vous voyez le premier paragraphe, il est mentionné, le 11 juillet, et
17 cetera; et puis le deuxième paragraphe commence par le 12 juillet. Et puis
18 un peu plus bas, il est mentionné --
19 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on pourrait avoir une référence exacte du
20 document.
21 M. TOLIMIR : [interprétation]
22 Q. Il est mentionné :
23 "Jusqu'à environ 12 heures, la colonne se constituait…"
24 R. Oui, effectivement, on s'alignait puis on se dispersait et puis on
25 s'alignait à nouveau. Je ne sais pas exactement ce qui se passait. Ils nous
26 demandaient de nous aligner, mais nous n'allions nulle part. Puis la
27 colonne s'est décomposée et puis finalement, la colonne est repartie en
28 direction de Buljim.
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1 Q. Mais avant que nous passions à Buljim, est-ce que vous pourriez nous
2 dire combien de temps la constitution de cette colonne a pris, parce que
3 vous dites que vous êtes arrivés vers 22 heures ? Est-ce que cela a pris
4 deux heures jusqu'à minuit ?
5 R. Je n'ai pas dit quand nous sommes arrivés à Jaglici. Je n'avais pas de
6 montre. Je ne savais pas, je n'aurais pas pu savoir. Par contre, je sais
7 quand nous sommes partis de Jaglici, tout simplement parce que j'ai posé la
8 question à ce garde forestier, et il m'a dit qu'il était 1 heure moins 20
9 dans l'après-midi.
10 Q. Et quand êtes-vous arrivés à Jaglici ?
11 R. C'était après la tombée de la nuit. Je ne sais pas exactement quand.
12 Q. Est-ce exact ce qui est mentionné dans la déclaration, à savoir que
13 vous êtes arrivés à 22 heures ?
14 R. Quand ai-je dit que c'était à 10 heures du soir ? Je sais que nous
15 sommes arrivés à Jaglici après la tombée de la nuit, mais je n'ai jamais
16 dit exactement à quelle heure.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait présenter le document
18 1D87, page 2.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous rappelle
20 qu'il faut ménager des pauses entre vos questions et les réponses du
21 témoin. Vous pouvez toujours regarder l'écran, si vous le souhaitez, mais
22 il est très difficile de vous suivre tant pour la sténotypiste que pour les
23 interprètes.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demandais que
25 l'on affiche la page 2 du document 1D87 en version serbe, ligne 21, qui
26 était encore à l'écran il y a quelques instants. Et c'est exactement le
27 même numéro de page en anglais. Je vais citer la phrase.
28 M. TOLIMIR : [interprétation]
Page 2234
1 Q. C'est votre déclaration. Il est mentionné donc "Déclaration du témoin."
2 Et à la ligne 21 il est mentionné, je cite :
3 "Nous sommes arrivés à Jaglici durant la nuit aux environs de 22 heures.
4 Les gens constituaient une colonne."
5 Je n'invente pas cela. Je me borne à lire votre déclaration, et cette
6 déclaration a été donnée aux enquêteurs du TPIY.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez déjà cité cette
8 partie, et le témoin vous a donné une réponse. Par conséquent, il n'est pas
9 nécessaire de répéter cela. Veuillez poursuivre.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais le témoin
11 dit qu'il n'a jamais dit cela.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas dit à quelle
13 heure nous étions arrivés à Jaglici durant la nuit.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Mais ceci est votre déclaration.
16 R. Vous pouvez écrire ce que vous voulez, je sais ce que j'ai dit. Je ne
17 sais pas à quelle heure exactement nous sommes arrivés à Jaglici. Je ne
18 sais pas.
19 Q. Merci. Mais ceci est votre déclaration. Je n'ai rien inventé.
20 R. Je n'ai rien inventé non plus, Monsieur.
21 Q. Monsieur le Témoin, combien de temps a-t-il fallu pour constituer la
22 colonne, parce que vous ne vous souvenez pas quand vous êtes arrivés, mais
23 vous vous souvenez quand vous êtes partis, vous êtes partis à 1 heure moins
24 quart.
25 R. Nous sommes arrivés à 1 heure moins 20.
26 Q. Merci.
27 R. Arrêtez de me remercier. Vous me posez des questions ici. Quels que
28 soient les propos que je formule, je me tiens à ces propos.
Page 2235
1 Q. Merci. Je suis désolé de devoir continuer à vous remercier, mais je dis
2 toujours merci à la suite d'une question.
3 R. Vous n'avez pas besoin de le faire.
4 Q. Ce n'est pas grave. Dites-moi quelle était la longueur de cette colonne
5 et combien de temps il a fallu pour que cette colonne se constitue, parce
6 que vous dites que vous êtes partis à une 1 heure moins 20 ?
7 R. Je n'étais pas à l'avant de la colonne, ni à la fin d'ailleurs, ni au
8 bout de la colonne. J'étais au milieu. Dans cette colonne, il y avait
9 toutes les personnes qui sont allées à Buljim, et nous avons accusé un
10 retard lorsque nous sommes arrivés à un certain endroit parce qu'il y avait
11 un attroupement. Je ne sais pas ce qu'ils attendaient ou ce qu'ils
12 voulaient. Nous étions sur une route goudronnée à l'extérieur de la
13 localité de Buljim, et il y avait un homme qui est sorti de cet
14 attroupement et a dit : "Qu'attendez-vous ?" Et quelqu'un a répondu : "Nous
15 avons perdu la trace de la colonne." Et l'homme a dit : "Je vais vous
16 montrer la direction de la colonne." Je ne sais pas qui était cet homme.
17 J'ai demandé aux gens qui étaient à côté de moi de qui il s'agissait, et un
18 homme a répondu: "Il s'agit de Golic." C'est là que j'ai vu ce Golic pour
19 la première fois.
20 Sur le flanc gauche de la colline, quelqu'un a commencé à proférer
21 des insultes et nous a dit : "Qu'est-ce que vous attendez ?" Et les tirs
22 ont commencé. Et à partir de ce moment-là, les gens sont partis dans
23 différentes directions. Personne n'a vraiment regardé ce que les autres
24 faisaient. Il y avait des personnes qui étaient déjà mortes ou qui étaient
25 blessées. Personne ne les regardait, personne ne s'intéressait vraiment à
26 ce qui se passait.
27 Q. Est-ce que je peux vous poser une question concernant ce que vous venez
28 de dire. Vous avez mentionné un dénommé Golic. Est-ce que vous entendez par
Page 2236
1 là Ejub Golic, le commandement de la brigade ?
2 R. Je n'ai jamais entendu parler d'une autre personne répondant à ce nom
3 de Golic. Mais je ne connaissais pas cette personne avant cet incident. Je
4 sais, il s'agit d'Ejub Golic.
5 Q. Est-ce que Golic vous a parlé ? Est-ce qu'il a dit quelque chose ?
6 R. Non. Il s'est adressé à la personne qui lui a dit qu'ils avaient perdu
7 la trace de la colonne.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, encore une fois,
9 nous attendons la traduction. Veuillez ménager des pauses entre les
10 questions et les réponses. Vous vous chevauchez. Vous n'attendez pas, vous
11 ne ménagez pas des pauses. Ce n'est pas une manière appropriée de procéder
12 à un contre-interrogatoire. Veuillez ménager des pauses.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie de faire des
14 pauses, mais le témoin ne veut pas que je le remercie, que je dise merci.
15 Il ne veut pas attendre non plus.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, ce n'est pas une
17 question de dire simplement merci, mais regardez à l'écran et voyez bien si
18 le compte rendu s'est arrêté ou pas. Et ensuite, vous pouvez poser la
19 question. Ceci est très simple, c'est très simple.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, mais je ne peux pas suivre le compte
21 rendu d'audience parce que les trois écrans qui sont devant moi présentent
22 les documents. Il n'y en a pas un seul qui présente le compte rendu
23 d'audience. Soit j'ai le compte rendu d'audience soit j'ai les documents.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si vous appuyez sur le bouton
25 "LiveNote" vous aurez le compte rendu.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais à l'heure actuelle je me concentre
27 sur les documents.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous avez le compte rendu
Page 2237
1 devant vous ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président. Soit j'ai le
3 compte rendu d'audience soit j'ai les documents. Je ne peux pas avoir les
4 deux. La représentante du Greffe a essayé de m'aider.
5 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je comprends les difficultés que vous
7 rencontrez, mais il y a une manière de résoudre le problème. En fait,
8 ménagez de plus grandes pauses entre les réponses et vos questions. Vous
9 vous rendez peut-être compte que nous entendons encore l'interprétation,
10 donc ménagez des pauses et ne posez pas immédiatement la question suivante.
11 Et je pense que dans ce cas-là tout se passera bien. Veuillez poser votre
12 prochaine question.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Est-ce que vous pouvez me dire combien de temps j'ai encore à ma
15 disposition, étant donné que nous avons consacré du temps de manière peu
16 rationnelle ?
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je n'ai pas fait les calculs, mais je
18 vous avais dit que vous aviez entre deux heures et demie et trois heures
19 pour la totalité de votre contre-interrogatoire. Donc je pense que cela
20 vous suffira. Veuillez continuer.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 M. TOLIMIR : [interprétation]
23 Q. Témoin, il y a un moment vous avez mentionné Zulfo Tursunovic et vous
24 avez dit que c'était votre commandant. Est-ce que c'était le commandant en
25 second de Naser Oric ? Est-ce que vous pourriez dire ceci aux Juges de la
26 Chambre ?
27 R. Ce n'était pas moi, donc je suppose que c'était lui.
28 Q. Et qui était Ramiz Becirovic, est-ce que vous pourriez expliquer ceci
Page 2238
1 aux Juges de la Chambre ?
2 R. Je ne peux pas vous dire quel était le rôle de Ramiz Becirovic. Je sais
3 qu'il était à Srebrenica, mais je ne sais pas quel était son poste ou son
4 grade.
5 Q. Est-ce qu'il était basé à l'état-major ou au commandement ?
6 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas intéressé.
7 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire qui avait procédé à
8 l'établissement de la colonne ? Est-ce que c'était Zulfo Tursunovic ou est-
9 ce Ramiz ou est-ce que c'était quelqu'un d'autre ?
10 R. Je n'ai vu ni Ramiz ni Zulfo là-bas.
11 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvait le QG de
12 l'ABiH à Srebrenica avant que vous partiez ?
13 R. Où se trouvait le QG ?
14 Q. Oui, le QG de la 21e Division à Srebrenica.
15 R. Nulle part. Lorsque quelqu'un était basé là-bas, ça correspondait au
16 QG. Et il y avait six municipalités là-bas, mais personne ne savait
17 vraiment ce qui se passait. C'était une enclave sécurisée et, par
18 conséquent, les gens avaient baissé la garde.
19 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvait le commandement de la
20 28e Division ? Est-ce que vous avez jamais travaillé au sein de ce
21 commandement ?
22 R. Non, jamais. Je ne sais pas où est exactement le QG de cette division
23 ni comment cela s'appelait exactement. J'étais exploitant agricole. Je
24 travaillais la terre, et lorsque je devais le faire, je travaillais, sinon
25 je me reposais. Et je n'avais pas le temps d'aller à Srebrenica pour savoir
26 ce qui se passait, et je n'étais pas particulièrement intéressé non plus.
27 Q. Merci. Avant le 11 juillet, (expurgé)
28
Page 2239
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 Q. Merci. Est-ce que vous avez dû aller sur la ligne de front ? Est-ce que
4 vous avez dû occuper un poste au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
5 Est-ce que vous étiez membre de l'armée jusqu'en 1996 ?
6 R. Quelques fois je devais assurer la garde durant la nuit, mais durant la
7 journée je devais rester sur mon exploitation agricole parce qu'il n'y
8 avait pas suffisamment de personnes qui pouvaient travailler.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Je suis
11 désolé de devoir interrompre le débat. Est-ce que l'on pourrait passer à
12 huis clos partiel, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Allons-y.
14 [Audience à huis clos partiel]
16 (expurgé)
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1 (expurgé)
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4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 [Audience publique]
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,
11 Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, veuillez
13 poursuivre.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous prie de
15 m'excuser. Je vais faire de mon mieux. Je ne pense pas que la Défense a
16 fait quoi que ce soit pour révéler l'identité du témoin.
17 M. TOLIMIR : [interprétation] :
18 Q. A la page 7 080, lignes 8 et 9 de la déposition dans l'affaire Popovic
19 et consorts, le témoin a dit, je cite :
20 "Je faisais du foin ce jour-là, et ma fille est venue, elle m'a dit
21 que notre voisin avait été tué, et qu'un ordre avait été établi pour que
22 nous quittions la localité, étant donné que Srebrenica était tombée."
23 A la page 7 138, lignes 12 à 19 du compte rendu d'audience dans
24 l'affaire Popovic, une question a été posée, à savoir :
25 "Est-ce juste de dire que le 11 juillet 1995, vous avez reçu une
26 information par messager que Srebrenica était tombée, et que les femmes et
27 les enfants et les vieillards devaient aller à Potocari, et que les autres
28 devaient aller dans les bois ?"
Page 2241
1 Et vous avez dit, je cite votre réponse :
2 "Oui, je crois que c'est ce que j'ai dit."
3 La question du conseil de la Défense :
4 "Vous avez reçu ceci de votre commandant Zulfo Tursunovic, on vous a
5 dit que vous deviez ouvrir un corridor en direction de Tuzla ?"
6 Et vous avez répondu :
7 "Oui."
8 J'aimerais savoir si j'ai cité fidèlement cet échange que vous avez
9 eu avec le conseil de la Défense dans l'affaire Popovic ?
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous
11 avez compris la question que M. Tolimir vient de vous poser ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai compris.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous répondre, s'il vous
14 plaît, à cette question.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris ce qu'il a dit.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. Tolimir voulait savoir s'il avait
17 cité fidèlement l'échange que vous avez eu avec le conseil de la Défense
18 dans l'affaire Popovic. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je suis censé répondre ?
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui. M. Tolimir voulait savoir s'il
21 avait bien cité les échanges que vous avez eus avec le conseil de la
22 Défense dans l'affaire Popovic. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,
23 répondre à cette question ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que j'ai dit tout cela clairement.
25 M. TOLIMIR : [interprétation]
26 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire où et quand le messager vous
27 a fait savoir que vous deviez quitter votre village et que vous deviez
28 partir en direction de Tuzla ?
Page 2242
1 R. Je crois que j'ai dit que j'étais dans les champs, je faisais du foin
2 quand ma fille est arrivée, et elle m'a dit que des gens étaient en train
3 de partir. Je crois que j'ai répété ceci à plusieurs reprises.
4 Q. Merci. Dans l'affaire Popovic, vous avez dit que vous avez reçu des
5 informations de votre commandant Zulfo Tursunovic, et qu'il vous a dit --
6 R. Il a envoyé un messager. J'ai dit que j'étais dans les champs, et que
7 ma fille est venue me voir et m'a dit qu'on devait partir.
8 Q. Merci. Je comprends ce que vous dites. Je voudrais savoir si ce que je
9 venais de dire est exact. Votre fille vous a transmis un ordre qui avait
10 été envoyé par Tursunovic par courrier, par messager, n'est-ce pas ?
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce que M. Tolimir a compris est
12 inexact. Etes-vous en mesure de répondre ou est-ce difficile pour vous ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me posez une question ?
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui. M. Tolimir voulait savoir de
15 vous s'il avait compris, autrement dit que c'est votre fille qui a transmis
16 l'ordre de M. Tursunovic aux fins de former une colonne, si cet ordre vous
17 a été transmis.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Par l'intermédiaire d'une estafette. Non, il
19 ne s'agissait pas de former une colonne à partir du village, mais nous
20 devions nous mettre en route en direction de Potocari et Jaglici. Ne me
21 posez pas la même question cinq fois. Je vous ai dit clairement que nous
22 nous sommes mis en route en présence des femmes, des enfants et des
23 personnes âgées jusqu'à Ravne Njive. Depuis là, les femmes et les enfants
24 se sont dirigés vers Potocari; nous nous sommes dirigés vers les bois. Je
25 crois qu'en fait dans les grandes lignes, voilà comment cela s'est passé.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. Tolimir. Je crois que ceci est
27 utile pour vous.
28 Vous devriez passer à un autre sujet.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 M. TOLIMIR : [interprétation]
3 Q. Vous avez évoqué Ravne Njive, où les femmes et les enfants sont arrivés
4 pour se rendre ensuite à Potocari, ainsi que votre femme. Qui s'est occupé
5 de la séparation, et qui vous a demandé de le faire ?
6 R. Nous avons reçu l'ordre dès que nous avons quitté le village, à savoir
7 les personnes âgées et les femmes et les enfants devaient se rendre à
8 Potocari, et les autres devaient se rendre à Jaglici, où nous devions nous
9 réunir. Je crois que j'ai expliqué cela de façon assez claire.
10 Q. Mais c'est la première fois que vous évoquez Ravne Njive.
11 R. Non, je l'ai évoqué à de maintes reprises. J'ai dit que c'était
12 l'endroit où nous nous sommes séparés.
13 Q. Pourriez-vous nous parler du 28e Bataillon de Montagne à Srebrenica,
14 commandé par Ejub Golic, et où cela se trouvait au niveau de la colonne ?
15 R. Je vous ai dit où j'ai vu Ejub Golic pour la première et dernière fois,
16 et cela je l'ai dit assez clairement.
17 Q. Merci. Dans l'affaire Popovic à la page 7 133, lignes 3 à 4, vous avez
18 dit, je vous cite :
19 "Dans la mesure où je pouvais le voir, son groupe a été le dernier à
20 quitter Jaglici, il me semble."
21 Vous parliez à ce moment-là d'Ejub Golic. Est-ce que le capitaine
22 Ejub Golic, avec ce 28e Bataillon de Montagne, est-ce qu'il faisait partie
23 de la colonne ? Est-ce qu'il s'est trouvé à l'avant ou l'arrière de la
24 colonne ?
25 R. Moi, je ne peux pas vous le dire parce que je ne connaissais pas Ejub,
26 et je l'ai dit très clairement. Lorsqu'il venait à Buljim accompagné d'un
27 groupe de personnes, je crois qu'il n'y avait plus personne à Jaglici.
28 Ensuite j'ai expliqué ce qui s'est passé après. C'est la dernière fois que
Page 2244
1 je vais vous parler de cela.
2 Q. Merci, Monsieur.
3 R. Merci à vous également.
4 Q. Dans l'affaire Popovic, 7 109, lignes 19 à 25, et pages 7 110, lignes 1
5 à 2 :
6 "C'était une longue colonne. Ejub Golic était la deuxième personne à
7 arriver, et c'est lui qui est parti de Jaglici. Pour ce qui est de Buljim,
8 je ne sais pas s'ils se sont arrêtés à cet endroit-là. J'ai continué à me
9 déplacer ce jour-là. Quand Ejub est arrivé, il m'a demandé : 'Qu'attends-
10 tu', et nous lui avons ont dit que nous avions perdu trace de la colonne.
11 Et il a dit : 'Mais qu'attendez-vous ici ?' Et ensuite il a insulté nos
12 mères. Et en même temps une fusillade a éclaté à droite et à gauche de la
13 colonne. Les personnes se sont dispersées sans faire attention les uns aux
14 autres, sans faire attention aux blessés, sans faire attention aux morts.
15 Chacun essayait de sauver sa peau."
16 Et je citais vos propres termes de l'affaire Popovic. Voici ma
17 question : Pourquoi Golic a-t-il insulté, vous a-t-il insulté ? Pourriez-
18 vous nous l'expliquer ?
19 R. Eh bien je suppose que c'est parce que nous avions perdu toute trace de
20 la colonne, et nous n'avancions pas.
21 Il n'y avait pas d'autres raisons.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant regarder la page 7 114
23 lignes 10 à 12 du compte rendu d'audience.
24 Q. C'est votre témoignage qui est consigné à cet endroit-là. Il faut
25 préciser certaines choses parce que ceci a peut-être été mal interprété.
26 Vous allez nous le dire et je vais citer vos propos.
27 "D'après ce que je sais, nous étions les seuls à porter un uniforme civil
28 et nous avions formé cette colonne."
Page 2245
1 R. Je n'étais pas le seul. Nous étions plusieurs à porter des uniformes
2 civils par opposition à des uniformes militaires. Nous étions plus nombreux
3 en uniformes civils qu'en uniformes militaires.
4 Q. Vous avez dit que vous étiez plus nombreux en uniformes civils qu'en
5 uniformes militaires. Est-ce que cela signifie que les soldats portaient
6 également des habits civils ?
7 R. Ceux qui les avaient les portaient; ceux qui n'en avait pas, ne les
8 avait pas mis. En bref, tout le monde ne portait pas des vêtements civils.
9 Q. Merci. Pour ce qui est de la question des embuscades, dans votre
10 déclaration ou dans votre déposition, vous avez évoqué deux embuscades. A
11 la page 7 133, lignes 9 à 11, dans l'affaire Popovic, vous avez dit que :
12 "La première embuscade a eu lieu près d'un endroit appelé Buljim, où j'ai
13 vu Golic. C'est là que les personnes se sont dispersées. La deuxième
14 embuscade a eu lieu au moment où vous avez atteint la rivière."
15 Voici ma question.
16 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'accusé peut ouvrir son microphone, s'il
17 vous plaît.
18 M. TOLIMIR : [interprétation]
19 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où la première embuscade a eu lieu et
20 vous souvenez vous du paysage à cet endroit-là du terrain ?
21 R. Je vous ai dis que c'était en deçà de Buljim, juste à l'extérieur de
22 Buljim. Il y avait une route goudronnée au pied de la colline à cet
23 endroit, et c'est là qu'il y a eu la première embuscade. La deuxième
24 embuscade a eu lieu à Kamenica à la tombée du jour. Nous descendions la
25 rivière en amont. Il y avait un groupe de cinq à six personnes. Nous nous
26 sommes arrêtés au moment où nous avons entendu des coups de feu qui
27 provenaient d'une des collines. On avait tiré, quelqu'un avait tiré en
28 utilisant un Praga. Nous nous sommes mis en route en direction de l'endroit
Page 2246
1 d'où venait des cris et des tirs. Nous étions à 300 mètres environ de
2 l'endroit où nous pouvions entendre à la fois des cris et des coups de feu.
3 Nous ne pouvions pas passer par là, donc nous sommes revenus sur nos
4 pas. Nous avons entendu des balles siffler au-dessus de nos têtes. Je suis
5 tombé sur un arbre et je me suis caché derrière l'arbre. On ne pouvait
6 m'atteindre que d'en haut et non pas sur le côté, donc je pensais que
7 j'étais protégé par l'arbre. J'ai vu les autres personnes qui étaient
8 autour de moi également. Je me suis levé, il y avait quelques rafales de
9 coup de feu de temps en temps, et je me suis rendu compte du fait que les
10 personnes qui m'accompagnaient précédemment n'étaient plus là. J'ai perdu
11 mon couvre-chef, mon chapeau. Je ne sais pas comment cela s'est passé. Je
12 me suis mis en marche en direction de l'endroit où je pouvais entendre les
13 coups de feu.
14 J'avais fait 100 ou 200 mètres, et je me suis mis à crier : "Ne tirez
15 pas, je suis un des vôtres". Je ne sais pas qui se trouvait de l'autre
16 côté, mais ils m'attendaient. Et lorsque je me suis rapproché d'eux, j'ai
17 vu qu'il y avait un jeune homme et il m'a dit : "Vieil homme, je vois que
18 tu as quelque chose dans ton sac à dos. J'ai faim". Je lui ai dis que
19 j'avais du pain et de la viande. Il a mangé quelque chose et ensuite nous
20 avons quitté cet endroit. Alors que nous marchions, nous nous sommes rendu
21 compte que nous marchions sur des cadavres, et j'ai reconnu quelqu'un qui
22 était mon voisin. Et j'ai demandé à ce jeune homme qui était avec moi de me
23 donner une allumette de façon à ce que je puisse voir s'il s'agissait
24 effectivement de mon voisin, mais le jeune homme est parti. Je ne l'ai plus
25 revu.
26 Ensuite j'ai entendu des cris provenant d'un groupe qui se trouvait près du
27 ruisseau et qui appelait à l'aide. Lorsque l'aube s'est levée, nous étions
28 en train de rassembler les blessés. Nous étions près de Kamenica, c'est ce
Page 2247
1 qu'ils nous ont dit. Nous nous sommes rendu compte de cela, ils se sont
2 alignés à cet endroit-là, je suis passé devant eux, je suis passé sur la
3 droite de ces personnes --
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez fourni une réponse longue à
5 la question posée par l'accusé, ceci est fort utile, mais je crois que M.
6 Tolimir a le droit de vous poser une autre question.
7 Monsieur Tolimir.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 M. TOLIMIR : [interprétation]
10 Q. Monsieur le Témoin, je ne souhaitais pas vous interrompre, mais
11 pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été tuées lors de la
12 première embuscade, et combien de personnes ont été tuées lors de la
13 deuxième embuscade; vous en souvenez-vous ?
14 R. Je ne les ai pas comptées et je serais incapable de vous trouver
15 quelqu'un qui serait en mesure de compter les morts. Il faisait nuit
16 lorsqu'il y a eu la première embuscade. Pour ce qui est de la deuxième
17 embuscade, il y avait à la fois des morts et des blessés, je ne peux pas
18 vous dire combien il y en avait, s'il y en avait 150 ou 100. Je ne peux
19 rien vous dire étant donné que je ne les ai pas comptés, et je ne peux pas
20 vous parler de ce que je n'ai pas vu.
21 Q. Merci.
22 R. Je vous remercie également.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le 1D86, page
24 3 en B/C/S' et en anglais ligne 22 à partir du haut, à partir du E et des
25 phrases suivantes données au commissaire de l'Etat de la Bosnie-
26 Herzégovine, le 22 septembre 1995. Est-ce que nous pouvons montrer ce
27 document au témoin.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans un instant, ceci va être affiché
Page 2248
1 à l'écran.
2 M. TOLIMIR : [interprétation]
3 Q. Je vais citer vos propos.
4 "La deuxième embuscade s'est déroulée au dessus de Buljim."
5 R. Au-dessus de Buljim, c'est impossible. Au-dessus de Kamenica.
6 Q. Merci. Vous avez raison.
7 "La deuxième embuscade s'est déroulée au dessus de Bratunacka
8 Kamenica. La fusillade a commencé de toutes parts et je me suis abrité dans
9 un fossé, et j'attendais la tombée de la nuit. Et je me suis mis en route
10 le long de fougères, et j'ai rencontré un homme appelé Fuad. Je lui ai
11 donné de la nourriture et ensuite j'ai rejoint notre groupe de personnes.
12 Et il me semblait qu'il y avait 500 cadavres environ."
13 R. Je n'ai pas dit qu'il y avait 500 cadavres. J'ai dit qu'on avait
14 l'impression de marcher sur des cadavres.
15 Q. Est-ce que la sténotypiste a rajouté le chiffre de 500 ?
16 R. On aurait pu ajouter 500 ou 1 000. Je sais que je n'ai pas donné de
17 chiffre parce que je ne les ai pas comptés.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons montrer le document
20 1D086, page 3, ou plutôt, c'est cette page-ci. C'est la déclaration du
21 témoin. Ceci peut être consigné au compte rendu, ce n'est pas quelque chose
22 que le témoin a dit et que ceci a été rajouté à la déclaration contre sa
23 volonté.
24 Est-ce que je peux demander le versement au dossier de cette pièce,
25 s'il vous plaît.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, tout ce que le
27 témoin a dit est consigné au compte rendu d'audience. Ce document sera
28 admis. Ceci sera admis sous pli scellé.
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1 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D45, sous pli scellé,
3 Monsieur le Président.
4 M. TOLIMIR : [interprétation]
5 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
6 R. Merci.
7 Q. Si vous me permettez de citer ce que vous venez de dire, vous avez dit
8 qu'il y avait un nombre très important de cadavres mais que vous ne les
9 avez pas comptés.
10 R. J'ai dit qu'il y avait beaucoup de cadavres, et comme je marchais, je
11 marchais sur des cadavres. Je ne les ai pas comptés, je n'étais pas en
12 mesure de le faire.
13 Q. Merci. Nous avons votre déclaration manuscrite dans le système
14 électrique du prétoire, à la page 9 en serbe.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher cela, s'il
16 vous plaît ?
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quel est le numéro ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous donner le numéro.
19 C'est le 1D86, page 3, c'est à la sixième line.
20 M. TOLIMIR : [interprétation]
21 Q. Et je cite ce que vous avez écrit à la main.
22 "Il me semble qu'il y avait 500 cadavres."
23 R. J'ai dit que je ne les ai pas comptés et que je n'ai pas donné de
24 chiffre. Vous pouvez écrire ce que vous voulez.
25 Q. Ce n'est pas moi qui ai écrit cela. Ceci est votre écriture. Vous
26 l'avez sous les yeux à l'écran, à la ligne 6.
27 "Il me semble qu'il y avait 500 cadavres."
28 R. Je ne me souviens pas d'avoir dit cela.
Page 2250
1 Q. Mais est-ce votre écriture, Monsieur le Témoin ?
2 R. Comme vous dites que la deuxième embuscade se trouvait à l'extérieur de
3 Buljim et en réalité c'est à l'extérieur de Kamenica.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous nous aider, s'il vous
5 plaît. Du côté droit de l'écran, vous voyez un document qui a été écrit à
6 la main. Est-ce vous qui avez écrit ce document ? Est-ce votre écriture ?
7 Je pense que vous devriez regarder sur la droite. Est-ce que c'est votre
8 écriture ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas mon écriture. C'est très
10 simple.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
12 Monsieur Tolimir.
13 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Je demande le versement de cette pièce. Il faudrait que l'on voie que c'est
16 la déclaration du témoin mais qu'il a nié sa teneur.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, il a simplement dit que ce
18 n'était pas son écriture. Et le document a déjà été versé au dossier; il
19 s'agit de la pièce D45, sous pli scellé.
20 Veuillez poursuivre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je présente mes excuses aux interprètes.
22 M. TOLIMIR : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire qui a rédigé cette
24 déclaration ?
25 R. Celle-ci ?
26 Q. Celle à droite à l'écran, qui est manuscrite, si ce n'est pas vous
27 c'est qui ?
28 R. Ce n'est pas moi qui l'ai écrite.
Page 2251
1 Q. Savez-vous si vous avez dicté cela à quelqu'un ?
2 R. J'ai fait une déclaration disant que j'ai vu des morts, mais je n'ai
3 pas donné de chiffre. Comment voulez-vous que je les compte de nuit ?
4 Q. Je comprends.
5 R. Voilà.
6 Q. Mais je vous pose une question, vous pouvez me dire : "Je l'ai fait ou
7 je ne l'ai pas fait."
8 R. Mais je vous dis que je n'ai pas cité de chiffre, que je n'ai pas
9 compté les morts, et vous n'avez plus besoin de me poser la question.
10 L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent.
11 M. TOLIMIR : [interprétation]
12 Q. Et qui a écrit cela ?
13 R. Je ne sais pas. Moi je ne l'ai pas écrit.
14 Q. Merci.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Cela fait un petit moment que nous nous occupons de la même question, mais
18 en fait, page 7 nous pouvons voir une indication tout à fait claire disant
19 qui a recueilli la déclaration. C'est même traduit en anglais. Donc c'est
20 Erna Lucic qui aurait recueilli la déclaration, et puis vous avez la
21 signature d'un employé et la déclaration du témoin. Et si vous regardez la
22 version en B/C/S, vous verrez que l'écriture n'est pas du tout la même. Et
23 puis vous voyez le nom du témoin.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-être que cela nous faciliterait
25 la vie de regarder la page 7 à l'écran.
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, tout à fait.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que nous avons la page 1 qui
28 s'affiche, ce n'est pas la page 7.
Page 2252
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. La page 7 porte le numéro ERN 2281.
2 Est-ce que l'ont peut regarder l'endroit où il y a le cachet. On peut
3 agrandir et on verra très nettement le nom du témoin. Puis reportons-nous à
4 la traduction.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quelle page ?
6 M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président ? Je ne
7 vous ai pas entendu.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quelle page, en anglais ?
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je l'ai --
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous l'avons à l'écran.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] L'on voit tout à fait clairement qui était
12 présent lorsqu'on a recueilli cette déclaration.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-on afficher de nouveau la même
14 page, la page à laquelle s'est référé M. Tolimir en interrogeant le témoin
15 sur les 500 corps. Est-ce que l'on peut l'afficher dans les deux langues.
16 Je ne me souviens pas du numéro de la page.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du document 1D086, page 3, ligne 22.
18 M. GAJIC : [interprétation] Il s'agit de la page 9 dans le prétoire
19 électronique, si c'est bien le document manuscrit qui vous intéresse.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Nous avons à
21 présent les deux versions, la version en anglais et la version manuscrite
22 en B/C/S.
23 Souhaitez-vous poser d'autres questions eu égard à ce document, Monsieur
24 Tolimir ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Non, je n'ai pas d'autres
26 questions. Je voulais simplement savoir si le témoin pouvait confirmer que
27 ce chiffre de 500 ne venait pas de lui, que c'est la commission qui a
28 rajouté ce chiffre, la commission de l'état, que c'est la commission qui,
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1 de son propre chef, a inscrit ce chiffre.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas qui l'a mis, ce chiffre, parce
3 que moi je ne l'ai pas donné. Je n'ai pas pu compter.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que la réponse du témoin a
5 été très clairement consignée au compte rendu d'audience.
6 Veuillez poursuivre, Monsieur Tolimir.
7 M. LE JUGE MINDUA : Je voulais juste vérifier l'authenticité de ce
8 document, au manuscrit.
9 Est-ce que je peux avoir la dernière page, Madame la Greffière ? La
10 dernière page où il y a la signature.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans les deux langues, s'il vous
12 plaît.
13 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez lire le
14 dernier paragraphe dans votre langue ? C'est possible ? Comme ça je vais
15 écouter l'interprétation en français.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est écrit ici, je ne vois rien de tout
17 cela. Je ne peux pas vous le dire.
18 M. LE JUGE MINDUA : Bon, c'est dommage. Ce n'est pas grave. D'accord.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais pouvez-vous nous dire si la
20 signature que l'on trouve sur la droite en bas est quelque chose que vous
21 reconnaissez ? La reconnaissez-vous ? Reconnaissez-vous cette signature ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux lire cela, mais ce n'est pas moi qui
23 l'ai écrit, pour autant que je m'en souvienne.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous voyez, il y a un nom, un nom qui
25 est écrit. Et il y a cette signature. Elle vient de vous ou de quelqu'un
26 d'autre ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas d'avoir écrit cela.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cette signature, ressemble-t-elle à
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1 votre signature habituelle lorsque vous signez un document ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Habituellement j'écris en majuscules.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Même lorsque vous signez ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est surtout les lettres majuscules que
5 j'utilise.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que l'on
7 peut s'en tenir là, et M. Tolimir pourra continuer.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. 1D85, s'il vous
9 plaît, dans le prétoire électronique. Peut-on l'afficher ? Je voudrais que
10 l'on voie la signature du témoin, où l'on voit que ce sont des lettres
11 majuscules qu'il utilise, et cela nous permettra de voir que cette
12 signature est un faux.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, c'est moi. Ça, c'est ma signature, avec
14 des lettres majuscules, car c'est surtout des lettres majuscules que
15 j'utilise quand j'écris.
16 M. TOLIMIR : [interprétation]
17 Q. Je vous remercie.
18 R. Que j'ai signé quelque part, non. Non, je suis capable de reconnaître
19 ma signature. Je ne sais pas ce qui est écrit dans le texte. Ça ne
20 m'intéresse pas d'ailleurs. Moi, je sais ce que j'ai vu.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
22 Demandez-vous le versement au dossier pour ce document ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D46, sous pli scellé.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Continuez, s'il vous plaît.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce 1D085, page
28 3 en serbe et en anglais, l'avant-dernier paragraphe. C'est ce document. Il
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1 s'agit d'une déclaration donnée le 27 octobre 1995 par ce témoin au
2 ministère de l'Intérieur à Tuzla. Merci. Nous voyons s'afficher à l'écran.
3 Page suivante en anglais, s'il vous plaît, et non celle-ci, celle que nous
4 voyons actuellement.
5 M. TOLIMIR : [interprétation]
6 Q. Nous sommes en train d'examiner les cinq dernières lignes avant que
7 vous ne parliez de la fiabilité et la véracité de la déclaration. Je vous
8 citerais, mais je ne citerais pas les noms des localités. Je dirais trois
9 petits points pour ne pas révéler votre identité. Vous, vous verrez de quoi
10 il s'agit. Je cite :
11 "A Jelah j'ai trouvé Sacir et Kasim - je ne connais pas leurs noms - les
12 deux du village de Zapolje, municipalité de Bratunac, et nous sommes partis
13 ensemble vers … et ensuite vers … le 29 juillet 1995 … cette localité est
14 tombée, et moi je suis revenu à … avec 14 autres personnes où nous avons
15 passé les 42 journées à venir. Ensuite nous dix sommes partis pour Kladanj,
16 où nous sommes arrivés le 18 septembre 1995."
17 R. Je n'ai pas dit M. Sacir et Kasim. J'ai dit Sacir et Kasim. Pas Secin.
18 Sacir et Kasim.
19 Q. Je vous remercie d'avoir corrigé. Donc Sacir et Kasim.
20 Donc ce qui m'intéresse maintenant, c'est que vous répondiez à ma question.
21 Vous étiez combien en tout à partir pour Zepa ?
22 R. De Pobudje ?
23 Q. Oui.
24 R. Il n'y avait que moi, Kasim et Sacir lorsque nous sommes partis de
25 Jelah. Nous étions à Jelah. C'est là que nous avons passé la nuit. Nous
26 avons entendu des coups de feu dans les hauteurs, au-dessus de Jelah. C'est
27 un homme de Cerska qui m'emmenait là. Moi je ne connaissais pas Pobudje et
28 j'étais là avec Sacir et Kasim. Et là je me suis séparé d'un homme, et puis
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1 lorsque des coups de feu ont commencé, nous sommes partis. "Connais-tu le
2 chemin ?" "Non. Mais moi je voulais qu'on arrive à Rogac, à partir de là,
3 on saurait."
4 Et puis on a croisé un gars qui prenait la fuite, et on lui a demandé, "Y
5 a-t-il quelqu'un dans ces murs ?" Et il a dit "Non, il n'y a plus personne.
6 Il y en a qui se nourrissent de champignons ou des escargots, qui les font
7 griller." Et il a dit, "Moi je suis de Jagodnja. Connais-tu Hasim, le garde
8 forestier ? Il a dit : "Mais c'est mon plus vieux voisin", et j'ai dit :
9 "Mais de moi aussi." Donc je ne lui faisais pas confiance. Et je lui ai
10 demandé : "Combien d'enfants avait Hasim ?" Il me dit : "Trois". Et je
11 demande : "Quels sont ses prénoms ?" Et il me les a donnés. "Et sa femme,
12 comment s'appelle-t-elle ?" Banane [phon] "Alors où allez-vous ?" "A Zepa"
13 et il a dit : "Je viens avec vous. Très bien."
14 Donc nous sommes allés là-haut. Il y avait des cadavres. J'ai vu huit
15 ou neuf cadavres, et lui il s'était enfui de là-bas, et on a pris cette
16 colline. "Sais-tu où sont Rahunici et Deboracelar [phon], ainsi que Lipa
17 [phon]?" Là où il y avait la mosquée. Et donc on est allé vers le bas, vers
18 Amnici [phon], et là il y avait du fil de fer. On a croisé un gars, et il
19 nous a dit "Où allez-vous ?" On a dit "On va à Zepa."
20 Q. Ecoutez, on va s'arrêter ici. Les huit cadavres, où les avez-vous vus
21 ? D'où viennent-ils ?
22 R. Je les ai vus en surplomb de Jelah à Pobudje. Il y a là une colline. Je
23 ne sais plus comment ça s'appelle. Ils étaient allongés. Il y avait un bout
24 de chêne et ses jambes étaient comme ça, dans cette position-là au moment
25 où on est passé. Je pense que j'en ai vu huit, et quand ils sont allés les
26 ramasser ils ont dit qu'ils en ont vu neuf. Mais je ne sais pas si c'est
27 vrai. Moi j'en ai vu huit.
28 Q. Je vous remercie. Comment cela se fait que vous vous êtes retrouvé en
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1 compagnie de 14 personnes ?
2 R. Il n'y avait pas 14 personnes. On était trois, et quand nous sommes
3 partis à côté de ce fil de fer, la clôture de Maljine [phon], là on en a
4 croisé un de plus, et il nous a demandé : "Où allez-vous ?" Et on a dit :
5 "On veut aller à Sutjeska, à Zepa." Et il nous a répondu : "Mais on ne peut
6 pas passer par Buljim, il y a des embuscades qui sont trop fortes." "Je
7 vais en passant par Rogac à [inaudible]." Et il a dit : "Mais t'es fou." Si
8 je suis fou, ne viens pas avec moi. Et lui il est revenu. Je ne sais pas ce
9 qui est advenu de lui par la suite.
10 On a passé la nuit à Rahunici dans un bois et le lendemain matin on est
11 reparti. On ne connaissait pas le chemin. Et puis on s'est retrouvé sur une
12 colline, c'était un chemin de montagne. Et j'ai vu des bunkers, et j'ai vu
13 que là il y avait eu probablement une ligne de front lorsqu'il y avait eu
14 ces gars de Pobudje. Et à Rogac, je connaissais bien la situation. Et j'ai
15 dit : "Mais ça, ça doit se trouver à Rogac". "Si tu es sûr que cet arbre
16 est à Rogac, eh bien il faut qu'on y aille."
17 Et donc on y est allé tous les trois. On est arrivé dans une prairie, il y
18 en avait huit dans cette prairie. On a contourné la prairie, mais on
19 n'osait pas aller par-là parce qu'il aurait pu y avoir des bergers. On est
20 arrivé dans un bois, il y avait des prés et j'ai dit : "Installez-vous ici,
21 moi je vais monter plus haut pour voir où on est pour que je me repère." Et
22 là j'ai vu qu'on était plus haut que Sebiocina. Et on est revenu. On s'est
23 caché dans les bois et j'ai dit que je connaissais la route à partir de là.
24 On a attendu que la nuit tombe et c'est de là qu'on est reparti vers Rogac.
25 Et on est partis par le chemin le plus court en bas de l'église, il y a un
26 camp privé puis le village de Vojvodici en passant par Saric [phon], en
27 direction de Cik [phon]. On est arrivé là-bas où il y avait un tilleul de
28 Rogac, le tilleul de Rogac. Il y avait des chiens méchants puis on est
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1 parti derrière cette maison, on n'a pas pris le chemin vers Kostraca.
2 Q. Très bien, merci. Et dites-nous, vous êtes combien ?
3 R. Trois.
4 Q. Merci.
5 R. Et là on a entendu une voix. On ne savait pas qui c'était un homme ou
6 une bête. Et qu'allait-on faire ? On a dit qu'on allait essayer de voir un
7 petit peu. On a tourné à droite dans un pré. Il y avait de l'herbe haute
8 qui n'avait pas été coupée. Et au bout de 10 minutes, pas plus, on a vu
9 arriver deux autres hommes là où on était, nous. Je les vois mais je ne
10 leur parle pas. Et Sacir dit : "Mais vois-tu quelque chose ?" Et je lui
11 réponds : "Oui, ici je vois." Il dit alors : "Que fait-on ?" Et je réponds
12 : "Mais peut-être que ce sont des nôtres." Et il dit : "Mais comment se
13 trouveraient-ils ici ?" Et j'ai dit : "Mais nous, on y est bien, n'est-ce
14 pas ?" Donc eux ils ne nous voyaient pas dans l'herbe.
15 Le dernier, il a glissé, il est tombé et s'est ramassé sur ses bras,
16 et j'ai vu qu'il avait un sac à dos, et ils avançaient dans notre
17 direction. Et à 10 ou 12 mètres de nous, le premier avait un fusil
18 automatique, prêt à tirer. "D'où viens-tu, qui es-tu ?" et moi je n'ouvrais
19 pas la bouche. Sacir a dit : "Je suis de la municipalité de Bratunac."
20 L'autre : "Si t'es Musulman, fais la prière." Il a commencé à le faire. Et
21 donc : "Je t'ai reconnu d'après ta voix, et c'est bien toi Velja ? Et Elvir
22 étaient là. Et donc on a commencé à se parler : "Où étiez-vous quand il y a
23 eu les deux coups de feu ?" On était peut-être à 300 mètres de ces coups de
24 feu, et les autres qui nous disent : "On a tiré sur nous".
25 On était près du ruisseau, on est sorti dans un pré, et là il y avait
26 du bétail qui sont venus soit pour les prendre soit pour se reposer. Et là
27 ils ont tiré des coups de feu. On s'est séparé de Ramiz, est-ce qu'il a été
28 tué, est-ce qu'il a été blessé, on ne sait pas. Et à partir de ce moment-
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1 là, nous quatre étions ensemble. Et on est allé à Zepa.
2 Q. Qui est Ramiz ?
3 R. Ramiz Becirovic, c'était un homme plus jeune. C'est pas celui au sujet
4 duquel vous me posez la question.
5 Q. Je vous remercie. Et là, à quel moment est-ce que vous êtes 14 ?
6 R. Non, on était quatre arrivés à Zepa. Je suis arrivé le 26 à Zepa, qui
7 est tombé le 29. J'ai passé huit jours à Zepa, un groupe s'est constitué
8 pour repartir vers Tuzla. Nous sommes arrivés à Zalisina et trois des
9 nôtres sont restés là.
10 Q. Merci. Et ceux qui sont partis avec vous, étaient-ils de Zepa ou de
11 Srebrenica ?
12 R. Il y en avait de la municipalité de Bratunac et de Srebrenica, et de
13 Vlasenica.
14 Q. Je vous remercie. Donc vous êtes dix à arriver sur le territoire
15 contrôlé par l'armée de la BH, et les quatre autres --
16 R. Trois sont restés à Zalisina sur notre groupe. Deux ont été tué à
17 Stedric, ils ont sauté sur une mine.
18 Q. Et ceux qui sont restés, ils sont restés tout seul ?
19 R. Ils sont restés tout seul, mais ils ont réussi à passer, ils sont
20 restés, nous, on est partis, on n'avait pas de nourriture, on voulait
21 d'abord trouver la nourriture, puis --
22 Q. Donc ils se sont sauvés, est-ce que je peux le dire ainsi ?
23 R. Ils ont réussi à passer.
24 Q. Les trois qui ont été tués, c'était comment ?
25 R. Il y en a deux qui ont sauté sur des mines à Stedric.
26 Q. Savez-vous comment ils s'appellent ?
27 R. Abid de Piric, je ne sais pas son nom de famille; et du village de
28 Mostahovina, il y avait Samir ou Amir, mais je ne sais pas en fait son nom
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1 exact. Salim, Salim, ces deux-là ils ont été tués par une mine.
2 Q. Ils sont de Zepa, Srebrenica ou Bratunac ? Donnez-nous le nom du
3 village.
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 R. Mostahovina et l'autre village c'est le village de Piric.
9 Q. D'accord. Donc vous étiez 12 en fait à vous sauver, ai-je bien dit ?
10 R. Ces deux ont été tués à Stedric, et nous nous étions huit à repartir de
11 là-bas, je pense. Puis on s'est trouvé à Srebrenica, il y a eu un groupe
12 qui est revenu d'Udric et on s'est cachés dans les bois jusqu'au 9
13 septembre. Le 9 septembre, on est partis vers Tuzla, et le 18 je suis
14 arrivé à Kladanj.
15 Q. Et dites-nous seulement, ce groupe qui est arrivé d'Udric, il y avait
16 combien de personnes là ?
17 R. Il y en avait plusieurs d'Udric, mais ceux qui se sont joints à nous,
18 il y en avait quatre ou cinq, mais ils étaient plus nombreux que ça.
19 Q. Et combien sont revenus d'Udric ?
20 R. Je ne sais pas, je peux vous dire qui est venu se joindre à nous.
21 Q. Et tout cela ce sont des gens qui avaient initialement fait partie de
22 la colonne de Jaglici ?
23 R. Oui, je pense. Ils revenaient parce qu'ils n'arrivaient pas à passer.
24 Q. Et pouvez-vous nous dire combien de personnes erraient ainsi affamées ?
25 R. Ça je ne saurais pas te dire quel était leur nombre. Il y avait
26 beaucoup de groupes dans ces bois. Il y avait des gens que je n'ai pas
27 croisé, je ne sais pas combien ils étaient. Il y en a qui sont arrivés
28 après moi, avant moi. Je sais que c'est le 9 septembre que je suis parti et
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1 que c'est le 18 que je suis arrivé.
2 Q. D'accord. Mais savez-vous s'il y a eu d'autres personnes qui se sont
3 sauvées parmi ceux qui ont erré dans les bois comme ces trois qui ont
4 réussi à passer ?
5 R. Oui, après moi, Muskic Ramiz qui après 70 jours et s'est fait tué par
6 une mine à Baljkovica. Muskic Ramiz qui est sorti avec moi de l'entrepôt.
7 Q. A Balkovica c'est ça ?
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous y reviendrons.
9 Oui, Monsieur Vanderpuye.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce qu'on
11 pourrait passer à huis clos partiel pour un moment, s'il vous plaît.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Allons-y.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
14 partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 2262
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
5 Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
7 M. TOLIMIR : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, où vous
9 vous situiez à Zepa. Est-ce que vous étiez à Zepa à proprement parler, est-
10 ce que vous étiez dans les rangs de l'armée ?
11 R. Nous étions à Igrisnik et Vukovin Stan [phon] parce que Zepa était
12 tombée à l'époque. Nous étions dans les bois et dans les collines, pas dans
13 le village à proprement parler.
14 Q. Merci. Je voulais que vous fassiez un distinguo entre Zepa et les
15 villages où vous vous trouviez.
16 R. Eh bien, tout ceci était sous le contrôle de Zepa, il s'agit des
17 villages de Luka, Krusev Dol, et nous étions sur les hauteurs.
18 Q. Merci. Est-ce que vous avez essayé d'entrer en contact avec les forces
19 qui se retiraient de Zepa ?
20 R. Non, lorsque Zepa est tombée, les villages de Luka et Krusev Do, eh
21 bien en fait il y avait des personnes de la municipalité de Bratunac et de
22 celle de Srebrenica qui avaient commencé à repartir. Il y avait un groupe
23 important de personnes, je ne sais pas quel était l'effectif exact, mais
24 ils se rendaient en direction de la rivière de la Drina, c'est-à-dire en
25 direction de la Serbie. Un ami à moi les a rejoint, il voulait que je
26 l'accompagne, mais je lui ai dit que je ne m'embarquerai pas là-bas.
27 Q. Est-ce que vous faites référence au groupe de Srebrenica ou au groupe
28 de Zepa qui est parti en direction de la Serbie ?
Page 2263
1 R. Eh bien, il y avait des personnes de Vlasenica, de Bratunac et de Zepa
2 qui faisaient partie du groupe qui est parti en direction de la Serbie.
3 Q. Est-ce que vous serez d'accord pour dire que pour ceux qui sont allés
4 en direction de la Serbie, c'est-à-dire en direction de la rivière de la
5 Drina sont arrivés à survivre ?
6 R. Je connais un homme qui est parti en direction de la Serbie et qui n'y
7 est pas arrivé.
8 Q. Est-ce que vous connaissez son nom et est-ce que vous savez pourquoi il
9 n'y est pas arrivé ?
10 R. Il s'appelait Nazif Krlic [phon] de Krusevo. C'est la municipalité de
11 Srebrenica, mais cela faisait partie de l'enclave de Zepa durant la guerre.
12 Q. Savez-vous ce qui lui est arrivé ?
13 R. Je ne sais pas; est-ce qu'il a été tué, est-ce qu'il est mort.
14 Q. Qu'en est-il des personnes qui sont allées en Serbie, en direction de
15 la Serbie, est-ce qu'elles ont survécu ou est-ce qu'elles ont été tuées ?
16 R. Je connaissais une personne qui a rejoint ce groupe et pour ce qui est
17 de cette personne, je sais qu'elle n'y est jamais arrivée. Pour ce qui est
18 du reste de ce groupe, je sais qu'ils sont arrivés en Serbie.
19 Q. Merci. Mon conseiller attire mon attention sur le fait que le nom que
20 vous avez mentionné n'est pas dans le compte rendu d'audience.
21 R. Je n'ai même pas dit qu'il n'était pas arrivé là-bas. Lorsque les
22 personnes sont arrivées en Serbie, elles ont été ensuite acheminées vers
23 les Etats-Unis, l'Australie ou vers d'autres pays étrangers, et j'ai appris
24 que Nazif Krlic était celui qui n'était pas arrivé jusqu'en Serbie. C'est
25 quelqu'un que je connaissais avant la guerre.
26 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire combien d'habitants de Srebrenica ont
27 sauvé leurs vies en quittant l'enclave de Zepa en direction de la Serbie ?
28 R. Je ne peux pas vous donner de chiffre. Je ne sais pas combien de
Page 2264
1 personnes sont parties pour commencer. Et je ne sais ce qui est advenu que
2 pour les personnes que je connaissais. Je sais que Nazif Krlic, qui était
3 de Srebrenica, lui, n'y est pas arrivé.
4 Q. Merci.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous voulez dire quelque chose,
6 Monsieur Tolimir ?
7 M. TOLIMIR : [interprétation] Je voulais remercier le témoin.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait peut-être avoir une
9 pause ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais remercier le témoin et je voulais
11 lui dire que j'en avais terminé de mon contre-interrogatoire. Et je lui
12 souhaite un bon retour chez lui. Je voulais le remercier, ainsi que tous
13 ceux qui m'ont aidé à réaliser et à terminer l'interrogatoire du témoin.
14 Merci, Monsieur le Président, pour nous avoir aidé à communiquer.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci pour ces propos, Monsieur
16 Tolimir.
17 Monsieur Vanderpuye, nous allons faire notre deuxième pause maintenant,
18 mais j'aimerais savoir si vous avez des questions supplémentaires.
19 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas de
20 questions supplémentaires à poser.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur le Témoin,
23 vous n'avez plus à répondre à aucune question. Les Juges de la Chambre
24 voudraient vous remercier d'être encore une fois venu à La Haye, et de nous
25 avoir aidé à nous rapprocher de la vérité. Vous pouvez maintenant vaquer à
26 vos occupations habituelles, et nous vous souhaitons un bon retour chez
27 vous.
28 Un représentant du Greffe va vous aider pour quitter le prétoire.
Page 2265
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Encore une fois merci. Nous
3 reprendrons à 17 heures 45. Je crois que le témoin suivant sera disponible.
4 Merci.
5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 17.
6 [Le témoin se retire]
7 --- L'audience est reprise à 17 heures 48.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le
9 témoin suivant. Merci.
10 [Le témoin vient à la barre]
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. J'aimerais vous
12 rappeler que la déclaration que vous avez faite de dire toute la vérité et
13 rien que la vérité continue à être valable. Vous pouvez vous asseoir.
14 M. Tolimir a encore quelques questions à vous poser.
15 Ou est-ce que nous sommes encore dans le cadre de l'interrogatoire
16 principal ? Je suis un peu perdu. Apparemment c'est à vous, Monsieur
17 Vanderpuye.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
19 LE TÉMOIN : PW-032 [Reprise]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 Interrogatoire principal par M. Vanderpuye : [Suite]
22 Q. [interprétation] Bonjour.
23 Vendredi, je vous posais des questions concernant l'échange
24 d'information dans la structure du nord entre l'armée et le MUP, et je
25 crois que j'avais mentionné le MUP et tout particulièrement la 21e
26 Division. Et vous aviez mentionné qu'en principe, ces informations
27 n'étaient pas transmises très fréquemment. Pourriez-vous nous expliquer
28 comment ces informations étaient transmises lorsque c'était le cas ?
Page 2266
1 R. Lorsque je m'acquittais de ces responsabilités, l'information n'était
2 pas transmise. Je ne sais pas quelles étaient les raisons, et je n'ai pas
3 demandé. Mais au cours des premiers mois à ce poste, j'éprouvais le besoin
4 d'échanger des informations. Si nous avions des informations concernant des
5 dirigeants politiques qui n'avaient rien à voir avec l'armée ou les
6 activités de combat, pourquoi pas, pourquoi ne pas transmettre les
7 informations aux personnes qui travaillaient là-bas. De la même manière, si
8 nous avions des informations concernant les activités de combat,
9 principalement concernant la 21e Division, je ne voyais pas pourquoi ce
10 type d'information n'aurait pas pu être échangé immédiatement, et n'aurait
11 pas pu être transmis au commandement concerné.
12 Ce type de coopération s'est intensifié durant le printemps 1995 avec, bien
13 sûr, l'accord du commandement concerné. Depuis cette période, l'échange
14 d'information fonctionnait bien. Nous fournissions des informations au CSB
15 et vice versa. Nous donnions des informations également à la 21e Division,
16 et ceci se produit dans l'autre sens également.
17 Q. Est-ce que ces informations étaient sous forme électronique ? Est-ce
18 que les échanges d'information se faisaient par copie papier ? Comment cela
19 se produisait exactement ?
20 R. Tous les éléments d'information, dans leur forme originale, étaient
21 transmis au CSB. En fait, nous déclarions que si les informations émanaient
22 du centre de sécurité de l'Etat, elles étaient répercutées vers le
23 commandement concerné.
24 Q. Merci.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'aimerais vous présenter la pièce P239.
26 Je ne pense pas que nous ayons à nous inquiéter de problèmes de
27 confidentialité.
28 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
Page 2267
1 M. VANDERPUYE : [interprétation]
2 Q. Ce que j'aimerais faire, c'est d'afficher le B/C/S -- en fait, je crois
3 qu'il ne faudrait pas que ce soit diffusé. Je voudrais voir si l'on peut
4 afficher deux documents en B/C/S, c'est-à-dire le document susmentionné
5 ainsi que le document 2329A [comme interprété]. Nous pourrons afficher les
6 traductions après.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ma version du document, c'est illisible
9 parce qu'en fait, l'exemplaire que j'ai à l'écran n'est pas très bon.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous sommes exactement dans la même
11 situation que vous. Nous attendons que ce document s'affiche à l'écran
12 ainsi que l'autre document, et ensuite on devrait élargir ces documents.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il s'agit du document 2923A. Je crois que
14 nous l'avons à l'écran, du moins c'est ce que j'aimerais vous présenter.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, est-ce que vous
16 pourriez nous dire quelle partie du document vous allez utiliser de façon à
17 ce qu'on puisse procéder à un élargissement.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si ce document s'affiche à nouveau à
20 l'écran.
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] On peut peut-être commencer par les
22 titres.
23 Q. -- oui, Monsieur Gajic.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Gajic, allez-y.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne peux rien
26 lire. Je ne vois rien du tout.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-être que le représentant du
28 Greffe peut nous aider et essayer de voir également ce qui se passe au
Page 2268
1 niveau de l'écran de M. Tolimir, qui semble être différent du nôtre.
2 Oui, Monsieur Gajic.
3 M. GAJIC : [interprétation] Toutes nos excuses, Monsieur le Président. Mais
4 l'image que peut voir M. Tolimir est d'une qualité bien moindre que celle
5 que nous avons. Cela doit être lié à l'écran.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Nous allons faire de notre
7 mieux pour résoudre ce problème, mais je dois vous dire que nos écrans ne
8 font pas montre d'une excellente qualité.
9 Monsieur Vanderpuye, est-ce que vos documents sont clairs sur votre écran ?
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Moi, j'ai l'avantage de savoir de quoi ils
11 retournent, par conséquent, c'est assez clair pour moi. Mais nous pouvons
12 procéder par étapes, et ceci n'a que pour but de démontrer et d'illustrer
13 certains éléments liés à la déposition du témoin.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, j'aimerais
15 savoir si ces interceptions qui s'affichent à l'écran faisaient partie d'un
16 classeur que nous avons reçu en copies papier ?
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, ce qui apparaît à droite à l'écran,
18 effectivement. Et ceci a été versé au dossier par le truchement du Témoin
19 PW-024. Par contre, pour ce qui est du document à gauche, cela ne fait pas
20 partie de ce jeu de documents, et c'est la raison pour laquelle c'est à
21 l'écran. Mais on peut peut-être simplement bloquer tout le reste de l'écran
22 et se concentrer sur l'en-tête. Voilà, très bien.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation]
25 Q. A gauche, vous voyez qu'il est mentionné République de Bosnie-
26 Herzégovine. Il est mentionné 2e Corps. Et ensuite, vous avez le site et le
27 numéro de rapport, 05/12795. Est-ce que vous voyez cela ?
28 R. Je dois dire que je ne vois pas très bien, mais, oui, effectivement, je
Page 2269
1 vois cela.
2 Q. Très bien. Est-ce qu'il s'agit d'un des rapports qui émanaient de votre
3 unité, je parle du rapport qui est à gauche sur l'écran ?
4 R. Pour ce qui est de la partie qui est au-dessus de la ligne en
5 pointillé, c'est le type de rapports que nous établissions. Pour ce qui est
6 de la partie qui est en dessous de la ligne en pointillé, il s'agit d'un
7 rapport provenant du SDB du CSB, à savoir le service de sécurité de l'Etat,
8 à Tuzla.
9 Q. J'aimerais maintenant que l'on se concentre sur le bas du document,
10 document qui porte le numéro 557.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] On peut peut-être agrandir cette partie-là
12 du document, passer au document qui est de l'autre côté de l'écran et
13 trouver la partie correspondante en élargissant également. Très bien.
14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes en mesure de lire ces deux
15 notes dans le rapport, c'est-à-dire à gauche et à droite, ça représente
16 donc le rapport qui porte le numéro 557 ?
17 R. Oui.
18 Q. Et en les comparant, est-ce que vous pouvez nous dire s'ils sont
19 identiques ?
20 R. D'après ce que je peux voir, ils sont tout à fait identiques.
21 Q. Et est-ce que c'était la manière dont le MUP et votre unité -- ou je
22 devrais dire le CSB, donc le CSB et votre unité échangeaient des rapports ?
23 R. Il s'agit d'un rapport que nous avons obtenu du SDB, le service de
24 sécurité de l'Etat, et nous l'avons répercuté au commandement idoine. Vous
25 voyez que le numéro de la filière est le 557, alors qu'en fait, il y a une
26 autre référence que nous avons donnée à ce rapport. Et je vois que ceci
27 avait été transmis par le biais de la filière de relais radio Zvornik-
28 Vlasenica sur la fréquence de 785 mégahertz.
Page 2270
1 Etant donné que les personnes responsables de ces transmissions
2 n'avaient aucune expérience militaire, cette filière d'acheminement
3 Zvornik-Vlasenica n'existait pas à proprement parler. Il s'agissait d'une
4 connexion entre Zvornik et Kosevo et il y avait un outil de communication
5 différent de type SMC 132 Veliki Zep à partir de ce point-là, et à partir
6 de Vlasenica en direction du commandement du Corps de la Drina.
7 Q. Très bien. Je voudrais vous présenter maintenant d'autres documents.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Mais avant de ce faire, Monsieur le
9 Président, je voudrais verser ce document qui est sur la gauche. Il s'agit
10 d'un document de la liste 65 ter, 2923A, mais qui n'a pas encore de
11 traduction en anglais. La traduction pour le P239 cependant, étant donné
12 qu'il s'agit d'un document identique, peut être utilisée pour la traduction
13 de d'autres documents, mais si vous préférez, nous pouvons également
14 demander une traduction différente pour le document 2923A.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, je pense que ce serait utile et
16 nous voulons montrer qu'il y a un texte identique, donc je pense que ceci
17 devrait également être traduit. Ce sera marqué aux fins d'identification,
18 mais est-ce que vous pourriez nous dire s'il y a un document en B/C/S
19 manuscrit d'origine ?
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Apparemment oui, mais je ne vais pas le
21 verser à ce stade étant donné que ceci est lié à un témoin qui va peut-être
22 venir déposer, je pense que ce serait préférable de le verser au dossier
23 par son truchement.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous allons donc accorder une cote
25 provisoire à ce document en attendant la traduction.
26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous versez ce document
28 sous pli scellé ?
Page 2271
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il faudrait
2 que ce soit versé sous scellé. Et Mme Stewart m'a rappelé de vous de
3 demander s'il était possible en fait de mentionner que cette pièce P239A
4 est liée à l'autre pièce qui est à l'écran, si cela est possible. Je ne
5 sais pas s'il est possible de faire cela, mais j'aimerais simplement que
6 ceci soit consigné quelque part.
7 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On m'a informé que le document P239
9 n'a pas été versé au dossier sous pli scellé. Par conséquent, je ne pense
10 pas que ce soit nécessaire de recevoir ce nouveau document sous pli scellé.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Eh bien, le problème c'est que pour ce qui
12 est de ce document, il y a des informations connexes qui font l'objet de
13 mesures de protection, même si une partie de ce document est identique au
14 document précédent. Mais vous avez raison, ce serait peut-être difficile
15 d'établir le lien entre ces deux documents, puisqu'il y en a un qui est
16 sous pli scellé et l'autre qui ne l'est pas. Mais nous pourrions peut-être
17 simplement mentionner quelque part le numéro de la pièce en disant que ce
18 document est lié au document P239.
19 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans ce cas-là, les Juges de la
21 Chambre vont recevoir ce document comme nouveau document avec une nouvelle
22 cote, une cote provisoire sous scellé. Je pense que c'est la meilleure
23 manière de procéder de façon à identifier ce document, et en même temps
24 faire un distinguo entre les deux.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 2923A
26 deviendra la pièce P268, sous pli scellé, cote provisoire pour
27 identification.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
Page 2272
1 Monsieur Vanderpuye, veuillez poursuivre.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Est-ce que l'on pourrait maintenant afficher à l'écran la pièce pour le
4 document de la liste 65 ter 3113.
5 J'aurais besoin du document de la liste 65 ter 311B, non pardon, 3113B et
6 ensuite j'aurais besoin également du document 3113C, et ces deux documents
7 devraient être affichés l'un à côté de l'autre dans la version B/C/S pour
8 l'instant.
9 Q. Monsieur le Témoin, vous avez devant vous à gauche un autre document
10 avec l'en-tête de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine et vous
11 avez le numéro de rapport 06/21795. Et en dessous de la ligne en pointillé,
12 vous voyez qu'il s'agit d'une interception entre Puk Cerovich et un
13 général. Et à droite, à l'écran, vous voyez un document qui a pour en-tête
14 "CSB SDB Tuzla" et puis il est mentionné, vous voyez qu'il s'agit d'un
15 document où c'est marqué émanant du PEB, guerre électronique défensive du
16 2e Corps.
17 Est-ce que vous voyez ces documents qui sont devant vous ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que vous pouvez regarder ces deux documents, et est-ce que vous
20 pouvez nous dire s'ils sont identiques ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce qu'il s'agit du type d'informations, c'est-à-dire que votre
23 unité répercutait au CSB ou au SDB ?
24 R. D'après ce que je peux voir, c'est en fait le scénario inverse puisque
25 ce rapport nous est arrivé, certaines perceptions se font par un dispositif
26 de la gamme RRU-1, c'est un rapport habituel où le niveau sonore de
27 l'interlocuteur de l'autre côté de la ligne n'est pas vraiment très bon,
28 voire totalement inexistant. Ce rapport a été transmit au CSB
Page 2273
1 ce que je peux voir, ils nous l'ont envoyé dans sa forme originale.
2 Q. Très bien. Merci. J'aimerais vous montrer maintenant -- mais tout
3 d'abord, j'aimerais en fait que l'on prenne note de l'emplacement ou du
4 lieu d'où vient ce document, à savoir le document du 2e Corps, parce que je
5 vais vous montrer un autre document.
6 R. Vous voulez dire le site ?
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pouvez-vous éteindre votre micro en
8 fait. Veuillez poursuivre.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Et vous voyez, cet endroit où ceci a été
10 enregistré, il s'agit en fait de ce site dans le nord, ce site dans le nord
11 où les services de sécurité avaient installé leur unité d'écoute.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation]
13 Q. J'aimerais maintenant vous présenter le document de la liste 65 ter
14 311A [sic]. Est-ce qu'on pourrait également conserver à l'écran le document
15 du CSB.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que c'est possible.
17 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez répéter le numéro pour
19 que ça soit clair, s'il vous plaît.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Numéro
21 65 ter 3113A, et je souhaite conserver à l'écran, si c'est possible, celui
22 qui se trouve sur la droite. Je crois que c'est le numéro 65 ter 3113B. Si
23 c'est possible. Sinon, ce n'est pas grave. Nous pouvons passer au document
24 suivant. Ce document ne doit pas être diffusé non plus. Si nous pouvons
25 agrandir la partie où on peut lire "13 heures 05". Bien. C'est parfait.
26 Q. Ce que je vous montre, Monsieur le Témoin, c'est l'entrée d'un
27 carnet d'un opérateur qui était rattaché à la 21e Division. Si vous
28 regardez la teneur de ce document - et nous n'avons pas de traduction sous
Page 2274
1 les yeux - mais si vous regardez la teneur de cette écoute téléphonique,
2 est-ce que vous pouvez nous dire si ceci correspond à l'écoute téléphonique
3 qui se trouve à droite, où nous voyons 13 heures 04 ? Si vous ne voyez pas,
4 dites-le-moi et je pourrais l'agrandir. Peut-être que nous pourrions lire
5 les deux dans le compte rendu d'audience pour que ce soit plus clair.
6 R. Oui, je le vois. Je pense qu'il s'agit d'un rapport qui a été consigné
7 dans un carnet. Il s'agit de rapports qui ont été préparés par mon unité.
8 On indique la fréquence, l'heure, ceux qui participent à la conversation et
9 la signature de la personne qui a rassemblé ces informations. Le rapport
10 est identique à celui du SDB de Tuzla.
11 Q. Et s'agit-il là du type d'information que le SDB et la 21e Division et
12 votre unité se sont partagés ?
13 R. Je vous ai déjà dit, étant donné que j'avais déjà travaillé deux ans
14 dans le service du Renseignement, de la collecte de renseignements, il
15 était clair qu'il fallait recueillir ces éléments tout de suite pour que ce
16 soit transparent, et le commandant était d'accord. Il était tout à fait
17 normal de compiler des renseignements comme cela. Et tout élément
18 d'information au niveau de la division était toujours intéressant pour le
19 corps, même si l'information disponible au corps n'intéressait pas toujours
20 la division. Le renseignement qui nous intéressait était surtout celui qui
21 portait sur la zone de responsabilité de la division, à savoir la Posavina
22 et la 21e.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit là de
25 télégrammes complètement différents, et la teneur de télégrammes est
26 différente. Par exemple, au niveau de la troisième phrase, on peut lire
27 dans la version manuscrite :
28 "Ceci porte sur les hommes de Talic."
Page 2275
1 Et dans l'autre, on peut lire :
2 "Ils partiront avec les hommes de Talic."
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est quelque chose que j'avais
4 remarqué également. Je vous remercie.
5 Et ceci ne semble pas tout à fait identique. Si vous regardez la
6 deuxième phrase, après la lettre majuscule C, on voit qu'il y a une
7 différence par rapport au texte qui se trouve sur la gauche. Vous devriez
8 préciser cela.
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'étais sur le point de le faire. Ce que
10 je souhaite montrer maintenant, c'est le numéro 3113D sur la liste 65 ter.
11 C'est l'entrée d'un carnet de notes. Je souhaite que ceci soit affiché au
12 même temps que ce que nous avons ici à l'écran maintenant.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce qui veut dire que le carnet écrit
14 à la main et sur la gauche doit demeurer à l'écran.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, c'est exact.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et dans la partie droite, il faut
17 remplacer avec l'autre, le nouveau document.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
19 Alors, si nous pouvons avoir le 1304, à peu près en même temps que le
20 1305 de l'autre côté, je pense que c'est bien. Nous avons ici deux entrées
21 qui correspondent à des carnets de notes. Comme vous pouvez le voir, il y a
22 un qui indique 1305, la fréquence de 255 et 850, et l'autre où l'heure est
23 de 13 heures 04, et la fréquence est de 255.850. C'est deux écoutes
24 téléphoniques portent sur Puk Cerovic et le général.
25 M. Tolimir a raison de dire que ces écoutes téléphoniques ne sont pas tout
26 à fait identiques.
27 Q. Mais si nous regardons ces deux écoutes, est-ce qu'on peut dire que
28 cela porte sur le même sujet ou sur le même événement ?
Page 2276
1 R. Cela fait 15 ans maintenant. Je pense que ces deux entrées sont
2 identiques. Le rapport qui se trouve à gauche a été consigné à l'endroit
3 qui se trouvait dans le sud, en raison du nom ici, parce que la signature
4 correspond à quelqu'un qui était là à ce moment-là. Et je pense que le
5 rapport que nous avons à droite a été consigné par quelqu'un qui se
6 trouvait sur le site nord. Ceci arrive souvent lorsqu'ils travaillent avec
7 la même fréquence, et ils ne savent pas qu'ils surveillent la même
8 fréquence et travaillent avec la même fréquence.
9 J'ai déjà également dit plus tôt que des erreurs peuvent se glisser
10 dans ce genre de rapport, compte tenu de la vitesse avec laquelle nous
11 travaillons, et on peut manquer un son, une lettre, et les ordinateurs que
12 nous avions étaient usagés. Et on constate que chaque lettre doit avoir un
13 signe diacritique, un C avec un signe diacritique. Ceci a été tapé avec un
14 CH, parce que c'est la seule chose que nous pouvions faire avec
15 l'ordinateur que nous avions.
16 Q. Je vous remercie.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
18 versement au dossier de ces deux documents, s'il vous plaît. Il faudra
19 peut-être les marquer aux fins d'identification, et je vais remettre aux
20 Juges de la Chambre la traduction correspondante. Je crois qu'elles
21 existent. Je vais les retrouver.
22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est donc le numéro 65 ter 311A qui est
24 la traduction anglaise, et il y a également une pièce jointe qui est la
25 traduction anglaise. Je demande le versement du 3113A et le numéro 65 ter
26 3113D sous pli scellé, s'il vous plaît.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous avons vu une transcription tapée
28 à la machine. Et nous avons vu une transcription manuscrite de cela
Page 2277
1 également, de la conversation interceptée. Vous souhaitez demander le
2 versement de cela également ?
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est la 3113B qui est la version imprimée
4 de la version manuscrite qui se trouve sur la droite.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, précisément.
6 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On m'a indiqué que tous les documents
8 seront admis sous la même cote, avec un A, B, C, D, mais tous les documents
9 ne comportent pas la traduction anglaise.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Le C ne comporte pas de traduction
11 anglaise, mais il y a différentes heures qui sont indiquées. Je ne sais pas
12 s'il faut les verser tous ensemble, ces documents. Je pense que c'est peut-
13 être préférable de le faire ensemble.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] A, B et D seront admis et auront une
15 cote unique avec A, B et D, et le C sera admis aux fins d'identification.
16 Et tous ces documents doivent être versés sous pli scellé ?
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, il y en a un
18 qui n'a pas besoin d'être sous pli scellé, et c'est le B.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc A, C et D sous pli scellé.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 65 ter 3113A aura la cote P269A
22 sous pli scellé. Le numéro 65 ter 3113B aura la pièce P269B. Le numéro 65
23 ter 3113C aura la cote P269C sous pli scellé, marquée aux fins
24 d'identification. La pièce P313D sur la liste 65 ter aura la cote P269D
25 sous pli scellé.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
27 Veuillez poursuivre.
28 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
Page 2278
1 Q. Monsieur le Témoin, vous avez indiqué que pour ce qui était de
2 l'organisation du personnel qui se trouvait sur les sites nord et sud,
3 qu'il y avait des commandants de groupes et de sections, et cetera. Est-ce
4 que les commandants ou les commandants de sections ou de groupes
5 surveillaient les opérateurs qui se trouvaient là quotidiennement ?
6 R. Les commandants de sections, non seulement surveillaient, mais
7 travaillaient, bien sûr, de façon active, pour la bonne et simple raison
8 que ces sections et ces groupes n'avaient jamais suffisamment d'hommes. Et
9 quelquefois, les hommes devaient travailler au front et on gardait un
10 nombre minimum de personnes pour être attachées à de telles unités.
11 Q. Est-ce que vos commandants de groupes participaient également à ces
12 écoutes et est-ce qu'ils surveillaient les opérateurs en question ?
13 R. Oui, oui, tout à fait. Le commandant était à la fois soldat,
14 commandant, contrôleur, et tout le reste. Il participait à toutes ces
15 activités de façon très active, 24 heures sur 24.
16 Q. Et est-ce que les commandants de sections et les commandants de groupes
17 étaient responsables de la qualité du travail qui était fait à ces
18 endroits, qui était fait par ces unités d'écoute ?
19 R. Je l'ai déjà dit, c'est quasiment comme esclaves que les gens faisaient
20 ce travail. Ils voulaient éviter à tout prix d'être enlevés de là et d'être
21 envoyés sur le champ de bataille, donc là où il y avait des combats. Donc
22 24 heures sur 24, ils s'appliquaient pour faire au mieux leur travail, bien
23 sûr, conformément à leurs possibilités, leurs capacités.
24 Q. S'est-il jamais produit qu'un opérateur ait été coupable d'un
25 manquement à la discipline ou qu'il ait rendu un travail de mauvaise
26 qualité ? Est-ce qu'il s'est jamais produit qu'il soit sanctionné ?
27 R. Mais il y avait toujours des mises en garde. Je me souviens que plus de
28 50 % des effectifs que nous avions dans l'unité ont été envoyés au front un
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1 an auparavant. Je pense que c'était en 1994.
2 Q. Etait-ce parce que c'était indispensable ou c'était une mesure
3 disciplinaire ?
4 R. Je dirais que c'était plutôt parce que c'était nécessaire.
5 Q. S'agissant de l'équipement mis à la disposition des opérateurs pour
6 travailler, vous avez dit qu'il y avait des cahiers qui leur ont été remis
7 et des enregistreurs. Est-ce que vous pouvez nous dire quels autres
8 éléments leur ont été remis ?
9 R. Tout opérateur, toute personne qui travaillait, essayait de faire
10 mieux. Donc les gens apportaient leurs propres carnets ou cahiers. Mais je
11 dois vous dire que sur le plan de la logistique, il n'y avait qu'une
12 certaine quantité de livres qui étaient mis à notre disposition par le
13 commandement du 2e Corps d'armée. Pour le reste, c'était à qui se
14 débrouillera mieux. On nous donnait des cahiers, mais il n'y en avait
15 jamais assez. Donc il fallait se débrouiller. Les gens apportaient tout ce
16 qu'ils pouvaient, tout ce qu'ils pouvaient se procurer, par exemple des
17 cahiers qui n'avaient été utilisés que pour la moitié, ou d'un côté. Je
18 sais qu'un camion de fourniture est parti brûler en 1993, 1994. On roulait
19 des cigarettes. Enfin, on faisait toutes sortes de choses.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] 65 ter 01357, s'il vous plaît, dans le
21 prétoire électronique. Je voudrais présenter cela au témoin.
22 Q. Reconnaissez-vous ce que l'on voit à l'image, ce que vous voyez devant
23 vous, Monsieur le Témoin ?
24 R. Ce que je vois, je pense que c'est une station radioamateur Kern, c'est
25 ce que l'on voit sur la gauche. Et sur la droite, je pense que cet appareil
26 c'est un ICER-100, me semble-t-il. Je ne sais pas. Beaucoup de temps s'est
27 passé depuis. Ce sont des appareils qui ont été apportés de différents
28 clubs radioamateurs.
Page 2280
1 Q. Et sur la droite, est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle est la
2 fonction de cet appareil ?
3 R. L'appareil à droite, il peut jouer un rôle double. Je pense que c'est
4 un petit peu plus difficile d'expliquer cela au Tribunal. Donc nous avons
5 d'une part une possibilité qui est celle de cet appareil, c'est de recevoir
6 des ondes courtes; et puis l'autre sert à décomposer le signal du RRU-800.
7 Q. Et l'appareil sur la droite, on lit "Kenwood." Qu'est-ce que cela veut
8 dire ?
9 R. Pour l'essentiel, il servait à élargir la fourchette, donc pour
10 recevoir les signaux du RRU-800.
11 Q. Mais dans leur forme initiale, est-ce qu'ils étaient prévus pour faire
12 cela ou bien les opérateurs devaient-ils les adapter pour les rendre
13 capable de le faire ?
14 R. Pour expliquer cela, il faudrait que je précise un certain nombre de
15 points techniques. Cet appareil avait la possibilité de capter un canal,
16 une fréquence; c'était un des moyens d'obtenir le signal du RRU-800. Cet
17 appareil, pour améliorer la qualité du signal, il avait un ajout que l'on
18 appelle le préamplificateur, donc pour renforcer la qualité du signal
19 jusqu'au seuil de ce qui est audible. Et puis on avait également un
20 appareil qui a été improvisé par un mécanicien qui s'appelle converteur, ou
21 un convertisseur, et son rôle était le suivant. Vu que ces appareils ne
22 sont pas des appareils militaires, ils ne sont pas de qualité
23 professionnelle. A chaque fois qu'ils enregistraient et qu'ils captaient un
24 signal, ils n'avaient pas de fréquence fixe. Le convertisseur servait à
25 élever cette fréquence, donc la nôtre était à 16 ou 18 mégahertz en
26 principe. Je ne sais pas si vous me comprendrez, mais je ne sais pas
27 comment vous l'expliquer mieux. Donc l'appareil n'était pas capable de
28 fixer techniquement, il n'était pas calibré dans le cadre de la fourchette
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1 de fréquences militaires.
2 Q. Et donc, est-ce qu'il fallait l'adapter, le modifier, pour qu'il puisse
3 enfin --
4 R. Tout à fait. Donc la première tâche consistait à élargir le faisceau.
5 Donc comme ces appareils étaient majoritairement ceux qui fonctionnaient
6 sur des ondes courtes. Je vais vous dire, même si certains d'autres
7 pourront affirmer le contraire, il y a une chose qui est certaine et exacte
8 : avec ces appareils-là, on était capable de le faire. Il y avait quatre
9 moyens de s'y prendre et d'y arriver. Donc deux méthodes principales et
10 deux sous-méthodes. Premièrement, avec cet appareil - vous pouvez le voir
11 d'ailleurs dans nos rapports - on peut suivre une fréquence et un canal.
12 Donc une seule fréquence et un seul canal. Une d'émission et une de
13 réception. Si vous aviez deux interlocuteurs, ce qui constitue l'émission
14 pour l'un constitue la réception pour l'autre. Dans un cas de figure idéal,
15 on aurait la possibilité de suivre les deux sur un canal, l'émission et la
16 réception, mais il était difficile de suivre une conversation entière. Donc
17 on n'avait pas ces moyens-là.
18 Puis une autre méthode qui était celle qui était la plus utilisée, on
19 suivait une fréquence, que ce soit sur le plan de l'émission ou sur le plan
20 de la réception, et à cause de deux anomalies, pour ainsi dire, parce que
21 l'appareil n'était pas parfait. On suivait les deux interlocuteurs. Et en
22 quoi consistaient ces anomalies ? La première, parce qu'il y a un feed-
23 back. Prenons un téléphone : il y a le micro et l'écouteur qui jouent un
24 rôle comparable. Vous avez quelqu'un qui s'exprime dans le micro et de
25 l'autre côté vous avez donc la voix qui parvient, mais on l'entend un peu
26 moins bien. Donc ça, c'est le moyen technique qu'on a utilisé le plus
27 souvent.
28 Puis l'autre anomalie, c'est lorsque, sur les bureaux à des postes se
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1 situant à l'extrémité, il y a une différence parce qu'on passe du système
2 UHF à quatre bandes à celui à deux. Donc on a essayé de tirer le meilleur
3 parti de ce qu'on avait. Cela a à voir également avec le RRU-800 et le RRU-
4 1. Cela concerne les deux appareils.
5 A l'instant, nous avons pu voir la bande fréquence du RRU-1 où ce
6 retour fonctionnait bien. On avait par exemple un interlocuteur 1,
7 maintenant il y a un interlocuteur 2, et puis on les entendait à deux
8 bouts. Donc c'est une situation où le téléphone ne fait pas bien son
9 travail, ce qui fait qu'on peut entendre l'autre partie, même si c'est à 10
10 mégahertz de plus ou de moins que la fréquence citée, parce que ce sont les
11 capacités techniques de cet appareil.
12 Q. Je vous remercie. Je voudrais que vous nous parliez un petit peu
13 d'antenne que vous aviez à votre disposition sur les sites nord et sud. En
14 termes généraux, s'il vous plaît, de manière simple, est-ce que vous
15 pourriez nous dire quels étaient les types d'antenne que vous utilisiez ?
16 R. Bien. Pour rester simple, 90 % des antennes étaient de facture
17 artisanale, c'est-à-dire que c'était avec des panneaux de circulation, des
18 conduites d'eau, des fils de cuivre qui étaient utilisés avec des
19 amplificateurs encastrés. Je me souviens également que nous avions une
20 antenne parabolique militaire. Nous utilisions également des anciennes
21 antennes de télévision analogique qui fonctionnaient très bien avec
22 certaines fréquences. En d'autres termes, nous n'avions pas d'antenne
23 conçue pour ces activités. Nous avions des antennes paraboliques militaires
24 et le reste était des antennes artisanales.
25 Q. Très bien. Je voudrais maintenant vous présenter le document de la
26 liste 65 ter 1632.
27 M. VANDERPUYE : [interprétation] Mais avant de ce faire, Mme Stewart vient
28 de me le rappeler, je voudrais verser au dossier le document de la liste 65
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1 ter 1357.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] D'accord.
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P270.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation]
6 Q. Tout d'abord, est-ce que vous pourriez nous dire s'il s'agit du type
7 d'antenne que vous avez décrit ?
8 R. Oui. Mais en 1995, le mat de l'antenne que vous voyez ici n'existait
9 pas. Les antennes étaient placées sur des toits. A gauche, vous voyez une
10 antenne parabolique, antenne militaire que j'avais mentionnée, puis au
11 milieu vous avez une antenne hélicoïdale, et les deux autres antennes sont
12 des antennes de type Yagi. Vous avez également une antenne qui n'est en
13 fait qu'une structure tubulaire, que vous voyez également à l'écran.
14 Q. Merci, Monsieur.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais verser
16 cette photo au dossier. J'ai deux autres photos également qui représentent
17 des antennes similaires. Il s'agit des photos 1633 et 1634.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous voulez que ces trois
19 photos soient versées au dossier avec une seule cote ou avec plusieurs
20 cotes distinctes ?
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] Elles peuvent être versées ensemble.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais en fait, on vient de me dire
23 qu'il est préférable de leur accorder des cotes séparées aux fins
24 d'identification.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pas de problème.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La photo de la liste 65 ter 1632
27 recevra la cote P271. 1633, cote P272. Et 1634, cote P273.
28 M. VANDERPUYE : [interprétation]
Page 2284
1 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes en mesure d'identifier le site
2 sur lequel se trouvent ces antennes ?
3 R. Si vous faites référence à cette photographie, c'est sur le site nord.
4 Q. Très bien. J'aimerais maintenant vous présenter la photo de la liste 65
5 ter numéro 1635. Il semble s'agir encore d'une autre antenne parabolique.
6 Est-ce que vous pourriez nous dire, si vous le savez, où était située cette
7 antenne ?
8 R. D'après ce que je peux voir, je pense que l'antenne s'est située sur le
9 site sud, sur le toit du site sud.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'aimerais verser cette pièce au dossier.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il s'agit de la photo de la liste 65 ter
13 1635. Il y a également une autre photo de la liste 65 ter, 1636 ainsi que
14 1637 et 1638. J'aimerais présenter au témoin la dernière photo que je viens
15 de mentionner.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ces quatre photos seront versées au
17 dossier.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La photo de la liste 65 ter 1635
19 recevra la cote P274. 1636, P275. 1637, P276. Et 1638, P277.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation]
21 Q. Je voulais vous montrer cette antenne, peut-être que vous pourriez nous
22 en parler un peu.
23 R. Il s'agit d'une antenne hélicoïdale de fortune. Ce type d'antenne
24 artisanale ne pouvait pas capter toute la gamme de RRU-800. Par conséquent,
25 il nous fallait plusieurs antennes hélicoïdales de façon à couvrir les
26 bandes de fréquence 600 à 650, 700 à 750, 800 à 850, et cetera, et 850 à
27 900. Qu'est-ce que cela signifie qu'une résonance à une certaine fréquence
28 ? Cela signifie en fait que cela permet de capter les ondes. Vous voyez
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1 qu'il s'agit ici d'une antenne de fortune, et vous avez en fait un tuyau de
2 canalisation, et l'antenne a un dispositif de préamplification, et vous
3 avez ensuite des fils de cuivre torsadés.
4 Q. Merci. Je crois qu'on vous a posé des questions pour savoir comment il
5 se faisait que des communications de la VRS pouvaient être interceptées,
6 compte tenu du fait qu'ils auraient dû savoir qu'ils étaient écoutés.
7 J'aimerais vous présenter la pièce de la liste 65 ter 2978.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] En fait, il s'agit de la pièce 2978A.
9 Q. Je crois que l'on peut tous voir maintenant cette pièce à l'écran.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Peut-être qu'on peut agrandir également la
11 partie traduite de façon à ce que tout le monde puisse la voir clairement.
12 Q. Il s'agit d'une interception réalisée par un officier d'écoute du 2e
13 Corps. Et cela porte sur une conversation entre Panorama 3 et le
14 lieutenant-colonel Savcic. Et vous voyez ce qu'il dit :
15 "Qui veut savoir" ?
16 Et Panorama 3 répond : "Panorama 3."
17 C dit: "Panorama B ?"
18 P dit: "Panorama 3."
19 Et C: "Ah bon, c'est le lieutenant-colonel Savcic qu'il nous faut,
20 n'est-ce pas ?"
21 Et P l'appelle un crétin fini. Et vous voyez que cela se reproduit
22 après. Je crois qu'en B/C/S, c'est à la deuxième page. Et en version
23 anglaise, on retrouve un dialogue similaire au moment où la conversation
24 continue avec P qui dit :
25 "D'accord, tu parles trop rapidement, mec…
26 "Ralentis, ne parle pas tant. Tu devrais savoir. Et dis à ce crétin de ne
27 pas mentionner des noms la prochaine fois. Ne mentionnez ni les noms, ni
28 les grades, et certainement pas des noms de famille."
Page 2286
1 Et puis vous voyez ensuite que P dit :
2 "Vous êtes encore pire que celui qui m'a connecté : vous avez
3 mentionné le grade, le nom, le prénom. La seule chose qui vous manque,
4 c'est la date de naissance et l'endroit où il se trouve et ses intentions,
5 et cetera."
6 Est-ce que dans ces interceptions c'est ce que vous voyez lorsque
7 vous, vous étudiez ces écoutes ? Et c'est ainsi que vous avez observé le
8 comportement des officiers de la VRS ou du personnel employé par la VRS
9 pour garantir la sécurité de leurs communications radio ?
10 R. Je peux mentionner certaines des caractéristiques qui étaient propres à
11 ces rapports. Ces conversations se déroulaient de manière assez
12 caractéristique. Tout d'abord, il demandait à être connecté à quelqu'un
13 d'autre, et c'est ce que je mentionnais : un passage d'une communication à
14 quatre fils à une communication à deux fils. Nous avons un canal biactif.
15 Cela signifie que l'on peut entendre les deux interlocuteurs. Ça, c'est
16 d'un point de vue technique.
17 Pour ce qui est du contexte de cette conversation et le fait que la
18 confidentialité n'est pas respectée, toutes les unités et toutes les armées
19 avaient des noms de code. Si le nom de code est "panorama", dans ce cas-là
20 le commandant serait Panorama 1. Les instances dirigeantes disposaient de
21 tableaux de codes pour l'identification. Ils disent que je veux parler par
22 exemple à Panorama 325. En général, ces codes étaient remplacés tous les
23 dix jours.
24 Une troisième caractéristique de ce rapport est le fait que ces
25 règles ne semblent pas être observées, de fait également que les gens
26 parlent trop. Ici vous voyez que c'est l'opérateur, mais quelques fois
27 c'était également le commandant qui était un peu trop bavard. Il est
28 évident que la VRS avait des lignes sécurisées, des lignes que nous ne
Page 2287
1 pouvons pas intercepter. Vous avez, par exemple, les lignes de
2 communication qui allaient de l'état-major de la VRS vers Belgrade et vers
3 les corps subordonnés. On ne pouvait pas intercepter les communications qui
4 passaient par le SMC-1306B [phon], et ceci est vrai, mais bien sûr nous
5 arrivions également à procéder à l'interception d'autres conversations.
6 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous
8 sommes arrivés à l'issue de notre audience d'aujourd'hui, et je voudrais
9 verser ce document au dossier.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est d'accord.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P278.
13 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On me demande si vous voulez
15 verser cette pièce sous pli scellé.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, ce n'est pas la peine.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Monsieur Vanderpuye, est-ce
18 que vous pourriez nous faire savoir combien de temps va durer votre
19 interrogatoire principal demain ?
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien. On me dit que j'ai utilisé 3
21 heures et 20 minutes. Je pense que je pourrais conclure dans le temps qui
22 m'était imparti au départ, c'est-à-dire 40 minutes supplémentaires. J'ai
23 deux autres séries de thèmes à aborder, deux autres thèmes à aborder, que
24 je souhaiterais aborder avec le témoin, un qui porte sur la politique de
25 conversation des données et une autre pour expliquer en fait la carte
26 établie durant la guerre, et la manière dont les communications étaient
27 interceptées.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.
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1 Je pense que c'est important, tout particulièrement pour l'accusé qui
2 a préparé son contre-interrogatoire.
3 Monsieur le Témoin, je vous rappelle que vous ne devez être en contact avec
4 personne entre ce soir et demain matin. Je suis désolé que vous ayez à
5 revenir demain dans ce prétoire pour poursuivre votre déposition demain à 9
6 heures. Nous allons lever la séance, et nous reprendrons demain matin à 9
7 heures.
8 --- L'audience est levée à 19 heures et reprendra le mardi 1er juin 2010, à
9 9 heures 00.
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