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1 Le vendredi 10 septembre 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Tout
6 d'abord, je dois dire que nous sommes ici à deux puisque que le Juge Mindua
7 n'était pas disponible car il avait un rendez-vous urgent, et nous avons
8 décidé donc de continuer nos travaux en vertu de l'article 15 bis du
9 Règlement de procédure et de preuve.
10 Avant que le témoin ne pénètre dans ce prétoire, les Juges veulent
11 communiquer une décision orale suite à la demande du Procureur par laquelle
12 il demande des mesures de protection pour le Témoin 65 ter 200, il s'agit
13 donc de la requête communiquée oralement le 30 août 2010. Nous devons
14 passer à huis clos pour cela.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
16 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Les Juges considèrent que l'on
11 a respecté l'article 75(J) du Règlement de procédure et de preuve, et donc
12 font droit à la demande du Procureur.
13 Cela étant dit, nous souhaitons tout de même ajouter une remarque. Les
14 parties doivent savoir que le Témoin 200 est un témoin en vertu de
15 l'article 92 ter, alors que la déposition dans l'affaire Krstic a été
16 versée de façon provisoire au dossier par la décision de cette Chambre du
17 30 mars cette année. Puisque le témoin a déposé avec un pseudonyme et en
18 huis clos dans cette affaire-là, les transcripts restent sous pli scellé,
19 et c'est justement ce transcript-là qui constitue la déposition en vertu de
20 l'article 92 ter de ce témoin.
21 Les deux parties devraient tenir compte de la situation et savoir que cette
22 Chambre-là n'est pas en mesure de lever le sceau de confidentialité de ces
23 documents.
24 Est-ce que quelqu'un veut intervenir ?
25 Monsieur McCloskey.
26 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président,
27 c'est mon témoin. Je vais interroger ce témoin et nous allons essayer de
28 faire lever le sceau de confidentialité de ces documents. Je ne pense pas
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1 qu'il y aura d'objection, je ne pense pas que le témoin va avoir des
2 objections à ce sujet. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de problème à
3 ce sujet, mais en tout cas, on va s'en occuper, si vous êtes d'accord, bien
4 sûr.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous souhaitons attirer votre
6 attention sur la différence qui existe entre les mesures de protection et
7 la confidentialité d'un document, donc vous devez prendre des mesures
8 appropriées dans ce sens.
9 Il nous reste encore de décider au sujet de la demande du Procureur
10 concernant les documents versés au dossier. Nous allons le faire après la
11 première pause.
12 On peut faire entrer le témoin.
13 [Le témoin vient à la barre]
14 LE TÉMOIN : STEFANIE FREASE [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Madame.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler que votre
19 engagement à dire la vérité est toujours de vigueur. M. Tolimir a encore
20 des questions pour vous.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite
24 bonjour à tout le monde ici et à Mme Frease. Je souhaite que ce procès se
25 déroule selon la volonté de Dieu et pas la mienne et que tout cela se
26 termine en paix.
27 Pour commencer, je voudrais présenter mes excuses aux interprètes, puisque
28 nous avons travaillé plus longtemps hier, mais je vous présente mes excuses
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1 aussi, Messieurs les Juges, puisque je n'étais pas très précis quand je
2 demandais des documents. Je n'ai toujours pas été correct avec les cotes,
3 et c'est pour cela que je présente mes excuses. Je présente mes excuses
4 aussi à M. Vanderpuye, puisque je l'ai comparé à un autre Procureur du
5 bureau du Procureur, et je me suis trompé, je n'aurais pas dû le faire,
6 parce qu'il a toujours été correct dans son comportement, voilà. Je
7 présente mes excuses aussi à la Défense, parce que je ne leur ai pas dit en
8 temps voulu quels sont les documents que j'allais utiliser et la façon dont
9 j'allais les utiliser, voilà.
10 Donc, je voudrais remercier par avance tout le monde de la compréhension et
11 peut-être que nous devrions, pour cela, travailler un petit peu moins
12 longtemps aujourd'hui. Voilà. Je suis prêt à sacrifier le temps qui m'est
13 alloué pour que cela bénéficie à tout le monde.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous remercie.
15 Je pense que tout le monde va apprécier la gentillesse de vos propos. De
16 l'autre côté, nous sommes dans le cadre d'une procédure normale, et je
17 pense que vous n'avez pas à vous inquiéter des interprètes. Ils sont
18 patients et ils vont continuer à collaborer professionnellement et faire
19 leur travail.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
21 Contre-interrogatoire par M. Tolimir : [Suite]
22 Q. [interprétation] Madame Frease, je voudrais vous présenter mes excuses,
23 à vous aussi, parce que j'ai cité quelque chose. Pour moi, cela
24 correspondait à la vérité, mais vous ne l'avez pas dit. Je me suis trompé.
25 Je retire ce que j'ai dit, parce que mes notes n'étaient pas à jour. Mais
26 je pense que nous allons bien nous comprendre aujourd'hui, et nous allons
27 donc aborder les questions, les questions que je souhaite vous poser dans
28 le cadre de mon contre-interrogatoire. Merci à nouveau, et je vous présente
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1 mes excuses.
2 La première question : nous avons pu voir que vous avez fait une maîtrise
3 en relations internationales. C'est une réponse qui découle des questions
4 qui vous ont été posées au cours de l'interrogatoire principal, et voici la
5 question que je vais vous poser : est-ce que, par la suite, est-ce que vous
6 avez été formée pour être capable d'analyser des documents ? Est-ce que
7 vous avez été formée, tout particulièrement, à analyser les documents que
8 vous avez analysés ici ? Merci.
9 R. Oui, c'est vrai que j'ai une maîtrise en relations internationales. Je
10 n'ai pas suivi de formation particulière quant à l'analyse des
11 conversations interceptées. Je dois dire, en revanche, que dans mon travail
12 je suis très rigoureuse et je suis très pointilleuse. Donc, le détail
13 m'importe beaucoup.
14 Q. Merci. Vous avez dit que vous avez travaillé dans le bureau du
15 Procureur de ce Tribunal entre le mois d'avril 1995 et le mois de juillet
16 de l'an 2000, et vous avez été conseillère spéciale du Procureur du
17 Tribunal, et ceci, jusqu'à la fin de l'année 2006, 2007. Si je me trompe,
18 veuillez me corriger.
19 Donc, vous avez analysé des documents concernant les conversations
20 interceptées. Est-ce que vous avez fait cela jusqu'en 1998, ou est-ce que
21 vous avez continué à faire cela même pendant la période où vous avez exercé
22 la fonction de conseillère ?
23 R. J'ai travaillé avec ces documents entre le mois d'avril 1998 et
24 jusqu'au moment où j'ai quitté le Tribunal au mois de juillet 2000, et
25 ensuite j'ai travaillé à nouveau sur ces documents entre la fin de l'année
26 2006 et le début de l'année 2007, comme vous l'avez dit.
27 Q. Merci. Excusez-moi, la question était bien longue. C'est surtout la
28 deuxième partie de la question qui m'intéressait, quand vous avez analysé
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1 ces documents. En fait, cette analyse, l'avez-vous faite entre 1998 et
2 2000, pendant que vous étiez employée au Tribunal en tant que permanent, ou
3 est-ce que vous avez continué votre travail d'analyse par la suite alors
4 que vous étiez employée comme conseillère spéciale du bureau du Procureur ?
5 R. J'ai continué à travailler sur ces documents, à effectuer des analyses
6 pendant la période allant entre la fin de l'année 2006 et le début de
7 l'année 2007.
8 Q. Merci. Mais dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que pendant cette
9 période-là vous avez analysé justement les documents qui font l'objet de
10 votre déposition ici ? Est-ce que ce sont ces documents-là que vous avez
11 analysés justement pendant cette période-là, les documents de l'espèce ?
12 R. Oui.
13 Q. L'avez-vous fait parce qu'avant vous n'aviez pas ces documents et vous
14 ne les avez reçus que par la suite, ou est-ce que vous l'avez fait pour une
15 autre raison ?
16 R. A l'époque, je ne travaillais pas pour le Tribunal, donc je n'avais pas
17 accès aux documents.
18 Q. Excusez-moi, je ne vous ai pas très bien comprise. Donc, depuis l'année
19 2000 vous n'avez pas du tout travaillé sur les documents qui font l'objet
20 de votre déposition aujourd'hui ?
21 R. Entre l'an 2000 et l'an 2006, je n'ai pas travaillé pour le Tribunal. A
22 partir de la fin de l'année 2006 et jusqu'au début de l'année 2007, j'ai à
23 nouveau travaillé pour le Tribunal, donc j'ai pu revoir les documents qui
24 sont arrivés entre-temps et j'ai pu travailler sur ces documents.
25 Q. Merci. Je vous prie de nous dire si au cours de ce travail, aussi bien
26 pendant la période où vous avez été permanente et la deuxième période, la
27 période où vous exerciez le rôle de conseillère spéciale, est-ce qu'il vous
28 est arrivé d'analyser d'autres documents appartenant à d'autres armées, par
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1 exemple l'armée croate, musulmane, et cetera, donc d'autres participants à
2 la guerre ?
3 R. J'ai fait l'analyse des documents relatifs à l'enquête dans l'affaire
4 Srebrenica qui venaient de l'ABiH, mais aussi du SDB de Tuzla. Nous avons
5 parlé de ces sources. A cette époque-là, je n'ai pas examiné de documents
6 croates ou autres sources, procès-verbaux, et cetera.
7 Q. Merci. Veuillez nous dire s'il ne vous appartenait que d'analyser des
8 documents venant des services de Sécurité, des écoutes, et cetera, au cours
9 de votre travail ici ?
10 R. Quelle est la période qui vous intéresse ? Est-ce que vous parlez de
11 toute la période pendant laquelle j'ai travaillé au Tribunal, ou juste de
12 la dernière période, en fait, de mon dernier emploi ?
13 Q. Je vais répéter ma question. Pendant la période entre 1998 et l'an
14 2000, pendant que vous avez été employée en tant que permanent par le
15 Tribunal, est-ce que vous n'avez analysé que les documents du service de
16 Sécurité, donc le service secret qui ont recueilli les documents concernant
17 les écoutes ?
18 R. Oui, c'est les documents que j'ai analysés, mais j'ai participé dans
19 l'équipe qui travaillait à Srebrenica. Et plus tôt au début de ma carrière,
20 j'ai fait beaucoup d'enquêtes sur le terrain. Par la suite, en revanche, au
21 cours de la dernière période, j'ai travaillé surtout sur le document que
22 vous venez de mentionner, mais cela étant dit, j'ai continué à collaborer
23 avec l'équipe des enquêteurs.
24 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait qui que ce soit d'autre qui était
25 responsable de l'analyse et du traitement des informations qui venaient des
26 services de sécurité militaire au cours de la guerre qui a eu lieu en
27 Bosnie-Herzégovine, mis à part vos collaborateurs directs qui faisaient
28 partie de votre équipe ?
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1 R. A l'époque, nous étions la seule équipe du Tribunal qui pouvait obtenir
2 et examiner ces documents.
3 Q. Merci. Vous avez parlé de votre première arrivée au commandement de la
4 2e Armée de Bosnie-Herzégovine, quand vous avez pu donc accéder aux bandes
5 d'enregistrement contenant des entretiens et communications interceptées.
6 Est-ce que vous avez eu le droit de les examiner proprement dit, vraiment,
7 de voir ce qui se trouve dans ces bandes, ou bien est-ce que vous avez pu
8 tout simplement les voir et rien d'autre ?
9 R. On nous a permis de voir les bandes sans avoir la possibilité de
10 prendre connaissance de leur contenu à l'époque, à ce moment-là.
11 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez pu pour la
12 première fois prendre connaissance du contenu de ces documents ?
13 R. Est-ce que vous faites référence à des documents particuliers, à savoir
14 des documents écrits, ou bien des cahiers, ou bien des cassettes audio ?
15 Q. Tous les documents, tout ce que vous avez reçu du service du
16 Renseignement militaire de l'ABiH. A quel moment avez-vous pu, pour la
17 première fois, prendre connaissance du contenu de ces documents ?
18 R. Au mois d'avril, j'ai eu la possibilité -- enfin, déjà au mois de mars,
19 je dirais, quand on a reçu le classeur pour la première fois, j'ai eu la
20 possibilité de le parcourir. Il en va de même pour les cahiers au mois
21 d'avril, donc, mais la première fois que nous avons vraiment commencé à
22 parcourir ces documents, parce qu'il a fallu tout d'abord comprendre
23 comment on allait procéder, parce qu'il s'agissait de beaucoup de documents
24 et il n'était pas clair dès le début que j'allais m'en occuper ou si c'est
25 quelqu'un d'autre de mon équipe qui allait s'en occuper.
26 Si ma mémoire est bonne, je crois que c'est en mai qu'une mission a eu lieu
27 en Bosnie et qu'un petit groupe d'interprètes et moi-même avons commencé à
28 examiner les photocopies des documents et à les classer sous forme d'un
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1 tableau Excel pour pouvoir en analyser le contenu. Ensuite, nous avons mis
2 en place l'autre base de données et nous avons commencé à examiner les
3 cahiers par dates, puisqu'il n'y avait que peu de temps et que certaines
4 dates revêtaient un caractère plus prioritaire que d'autres. Nous avons
5 donc progressivement examiné les documents de manière méthodique.
6 Q. Je vous remercie. Je précise ceci aux fins du compte rendu. Je vous ai
7 demandé quand vous avez commencé, mais vous avez dit mai sans pour autant
8 préciser l'année. Pourriez-vous le faire.
9 R. 1998. Enfin, j'ai jeté un œil, disons, préliminaire aux documents avant
10 cela, mais je crois que nous avons véritablement commencé à travailler sur
11 les documents proprement dits en mai, mai 1998.
12 Q. Merci. D'autres membres de l'équipe ont-ils eu accès à ces documents où
13 étiez-vous la seule ?
14 R. D'autres membres de l'équipe également.
15 Q. Merci. Pourriez-vous nous donner l'identité des membres en question, si
16 toutefois vous vous souvenez de leurs noms.
17 R. L'analyste militaire Rick Butler; Peter Nicholson, qui n'était pas
18 officiellement membre de l'équipe Srebrenica mais qui a aidé dans
19 différentes missions réalisées sur le terrain; les interprètes; Jean-René
20 Ruez, le chef d'équipe; Peter McCloskey, le Procureur. Pour ceux qui ne
21 parlaient pas la langue, bien sûr, leur capacité de travail était limitée.
22 En fait, ils n'étaient pas en mesure de le faire véritablement mais, en
23 tout cas, ils y avaient accès.
24 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire s'il existe des notes sur les documents
25 examinés par vos soins à l'époque, y a-t-il des notes sur le programme que
26 vous avez créé à l'époque, comme vous nous l'avez expliqué ?
27 R. Je pense qu'il a dû y avoir un ou deux rapports de mission sur la
28 traduction que nous avons faite sur site, mais je n'ai pas à l'esprit
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1 d'autres notes -- et puis, je ne sais pas très bien de quoi vous parlez
2 lorsque vous parlez de "programme".
3 Q. Merci. Il me semble que dans l'une de vos réponses, vous avez dit avoir
4 mis sur pied un projet ou quelque chose qui aurait défini la manière dont
5 vous alliez procéder à l'analyse des documents. Je voulais savoir s'il y
6 avait des notes qui existaient toujours sur ces recherches ou sur les
7 documents communiqués par le service militaire.
8 R. En fait, c'était un produit, c'est-à-dire un tableau Excel reprenant
9 les résultats de l'analyse, et une base de données également. Il y a une
10 coquille au compte rendu. J'ai dit "product", alors qu'apparaît "protect."
11 En ligne 21 du compte rendu. Merci.
12 Q. Merci de cette correction. Dites-nous, après 2000, date à laquelle vous
13 avez quitté le Tribunal, avez-vous eu la possibilité d'analyser d'autres
14 conversations interceptées jusqu'à votre retour ici en 2006 en tant que
15 conseillère spéciale ?
16 R. Non.
17 Q. Merci. Veuillez nous expliquer la nature du travail que vous avez fait
18 après votre départ du Tribunal. J'entends par là, le travail que vous avez
19 fait pour le bureau du Procureur de la CPI
20 R. A la CPI j'étais chargée d'aider au lancement des enquêtes sur le
21 terrain dans le cadre de la situation au Darfour.
22 Q. Merci. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment vous
23 avez été amenée à accomplir ce travail, et comment ce travail s'est
24 articulé concrètement.
25 R. J'ai été recrutée par le Procureur du fait de mon expérience passée
26 dans la partie orientale du Tchad. Le Procureur de la CPI
27 rejoindre son équipe pour l'aider à lancer des enquêtes.
28 Q. Merci. Pouvez-vous préciser la période dont il s'agit, le début et la
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1 fin de votre contrat, si vous vous en souvenez, le mois et l'année.
2 R. De juin 2005 à juin 2006.
3 Q. Merci. Dites-nous, s'il vous plaît, si à l'époque vous avez travaillé
4 pour des ONG, et, si oui, lesquels. Et durant quelle période ?
5 R. Dans mon témoignage précédent j'ai dit que j'avais travaillé pour la
6 Coalition pour la justice internationale, une organisation à but non
7 lucratif, basée à Washington DC, de 2000 jusqu'en 2005.
8 Q. Merci. Cette ONG dans laquelle vous avez apporté votre contribution
9 était-elle présente dans certaines zones de crise entre 2000 et 2005 dans
10 certaines zones de conflit ?
11 R. Elle était basée à Washington DC, mais parfois effectivement j'ai dû me
12 déplacer dans certaines régions, par exemple, je suis allée à plusieurs
13 reprises au Timor leste.
14 Q. Merci. Vos déplacements à Timor leste avaient-ils un rapport avec le
15 conflit qui s'est déroulé et exclusivement avec ce conflit ?
16 R. C'était au cours de la période qui a suivi le conflit, mais, oui,
17 effectivement, mes déplacements avaient à voir avec le conflit.
18 Q. Merci. Quel était le lien entre vos ONG et le processus de
19 mondialisation ? Ou, plutôt, excusez-moi, quelle était leur position par
20 rapport au processus de mondialisation ?
21 R. Je ne comprends pas la question.
22 Q. Les ONG pour lesquelles vous avez travaillé, pour lesquelles vous vous
23 êtes rendue en zones de crise, de conflit, au cours des phases de conflit
24 et des phases ultérieures au conflit en Bosnie, par exemple, au Tchad et au
25 Timor leste, ces ONG donc vous ont-elles envoyée sur place dans le cadre
26 des projets qu'elles déployaient et qui ciblaient des secteurs touchés par
27 des conflits, et ceci avait-il quoi que ce soit à voir avec la
28 mondialisation et la mise en place d'un nouvel ordre mondial ?
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1 R. Mon rôle était extrêmement circonscrit, au Timor leste, par exemple,
2 j'étais là pour aider les Nations Unies à mettre sur pied un tribunal
3 spéciale chargé de juger les crimes qui avaient été commis au moment où
4 l'armée indonésienne s'était retirée du Timor oriental.
5 Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Je ne sais pas
6 comment y répondre, votre question sur la mondialisation et l'instauration
7 d'un nouvel ordre mondial.
8 Q. Merci. Puisque nous semblons ne pas nous comprendre sur ces thèmes,
9 j'aimerais passer au point suivant. Dans le cadre de témoignages,
10 d'analyses que vous avez livrés à ce Tribunal dans le cadre de différentes
11 affaires, avez-vous également soumis un rapport, parce qu'en général la
12 plupart des experts présentent des déclarations ou des rapports écrits, or
13 je n'en ai vu aucun de vous. Alors, dans le cadre des analyses que vous
14 avez réalisées, avez-vous rédigé un ou plusieurs rapports ? Ou bien
15 s'agissait-il véritablement d'un exercice ponctuel sans rédaction de
16 rapport ?
17 R. Je n'ai pas rédigé de rapport. Le produit de mon travail a été
18 l'information qui a été synthétisée dans le tableau Excel.
19 Q. Merci. Y a-t-il une raison qui expliquerait pourquoi vous n'avez pas
20 produit de rapport ou de déclaration suite à vos analyses ? Y a-t-il
21 d'autre raison que celle que vous avez indiquée ?
22 R. Mon travail et celui de ceux avec qui je travaillais consistait à
23 analyser les documents et à décider si nous estimions que les documents en
24 question étaient authentiques, véridiques et fiables. C'est l'analyste
25 militaire qui incorporait les résultats de l'analyse de ces documents dans
26 le dossier général.
27 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire si, en tant qu'enquêtrice ou ancienne
28 enquêtrice du bureau du Procureur, vous aviez pour obligation de protéger
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1 les intérêts du Procureur lorsque vous présentiez les résultats de vos
2 recherches publiquement ?
3 R. Les obligations qui sont les miennes me lient à ce Tribunal. Elles
4 consistent à dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 Q. Très bien. C'est votre obligation vis-à-vis de ce Tribunal, tout comme
6 tout autre citoyen d'ailleurs, qui partage ces mêmes obligations, mais plus
7 concrètement, deviez-vous protéger les intérêts du bureau du Procureur,
8 puisque vous faisiez partie de ce même bureau, vous en avez été l'employée
9 ou la conseillère ?
10 R. Je crois qu'à ma prise de fonctions j'ai dû signer un document où il
11 était question de la confidentialité des documents et de la nécessité de
12 préserver cette confidentialité, les documents sur lesquels nous
13 travaillions, mais je crois que ce n'est pas exactement cela que vous
14 demandez, puisque votre question porte sur la protection des intérêts du
15 Procureur, et d'ailleurs je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous
16 entendez par là.
17 Q. Merci. Merci de me faire comprendre que ma question n'était pas
18 suffisamment claire. Je vais tâcher de la préciser.
19 Aviez-vous pour obligation, disons, de protéger ou de sauvegarder les
20 intérêts du bureau du Procureur, comme le précisent l'acte d'accusation et
21 d'autres documents émanant du bureau du Procureur et présentés à la Cour
22 pendant que vous y étiez ?
23 R. C'est peut-être le terme d'"intérêt" qui me pose problème. Si vous
24 étiez en mesure de me présenter le document où ce terme est employé, je
25 pourrais peut-être y jeter un œil, mais j'ai toujours ressenti l'obligation
26 de préserver la confidentialité, de faire preuve d'intégrité et de faire
27 preuve d'honnêteté dans le cadre de mon travail.
28 Q. Merci. Je vais tâcher d'attaquer la question sous un autre angle.
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1 Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistaient vos obligations en termes
2 de loyauté vis-à-vis du bureau du Procureur pendant que vous y avez
3 travaillé et, si oui, êtes-vous encore tenue par ces mêmes obligations ?
4 Veuillez m'excuser. Je vais répéter ma question, parce que je
5 souhaite qu'elle figure précisément au compte rendu d'audience.
6 A quelles obligations étiez-vous tenue en termes de loyauté et de
7 protection du bureau du Procureur de la concurrence à l'époque où vous
8 travailliez pour ce dernier, et êtes-vous encore tenue par de telles
9 obligations ?
10 R. Mais de quelle concurrence parlez-vous ?
11 Q. J'ai dit "interdire la concurrence", peut-être que ce n'est pas ce que
12 l'on vous a interprété, mais c'est ce dont je parlais. Peut-être que vous
13 comprendrez cela dans la mesure où, dans l'intervalle, vous avez travaillé
14 pour les ONG.
15 L'INTERPRÈTE : Il se peut que l'accusé ait en tête la notion de "conflit
16 d'intérêt." Toutefois, il n'utilise pas les termes correspondants.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment répondre à cette
18 question.
19 M. TOLIMIR : [interprétation]
20 Q. Merci. Nous allons essayer par voie d'exemple. Lorsque vous avez
21 travaillé par la suite pour ces ONG, pouviez-vous utiliser comme exemples
22 des informations que vous aviez amassées au Tribunal et au sein du bureau
23 du Procureur ? Compte tenu du fait que vous aviez travaillé pour d'autres
24 tribunaux internationaux ayant engagé des poursuites contre des parties à
25 d'autres conflits, étiez-vous dans la position qui vous aurait permise
26 d'utiliser les données et la connaissance que vous aviez accumulées au
27 travers de votre analyse des documents au sein du bureau du Procureur, ou
28 étiez-vous tenue de maintenir la confidentialité de cette information à
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1 l'époque et continuez-vous à être tenue de le faire aujourd'hui ?
2 R. Si l'information en question n'était pas de caractère public, eh bien,
3 oui.
4 Q. Merci. Puisqu'il s'agit d'informations émanant des services du
5 Renseignement militaire et que vous avez dit qu'il s'agissait là
6 d'informations précieuses, toutes ces informations étaient secrètes,
7 confidentielles. Etes-vous encore tenue de préserver le secret de ces
8 informations ? Cette obligation continue-t-elle d'exister par rapport à ce
9 bureau du Procureur ?
10 R. Il s'agit d'une audience publique.
11 Q. Merci. Il semblerait que ce terme que j'utilise et qui est traduit par
12 "competition" pose problème, ou "concurrence" en français. Alors je vous
13 donne un exemple : seriez-vous habilitée à être experte pour la Défense,
14 alors que vous avez été experte pour l'Accusation ? Peut-être que ceci vous
15 permettra de mieux comprendre ce terme, "konkurencija", que j'utilise en
16 B/C/S.
17 R. Je ne suis pas ici en qualité de témoin expert, d'abord. Par ailleurs,
18 je sais que cette Cour a prononcé une décision selon laquelle d'anciens
19 membres du bureau du Procureur ont été autorisés à travailler tant pour la
20 Défense que pour les Chambres. Les décisions prises par ce Tribunal sont
21 les siennes. Je ne me vois pas prendre une décision telle que celle-ci. Je
22 ne pense pas que ceci me concerne.
23 Q. Merci. Y a-t-il la moindre décision prise par ce Tribunal ou par le
24 bureau du Procureur qui pourrait corroborer ce que vous venez de dire ?
25 R. Certainement. Mais je ne pense pas être tenue de donner des exemples.
26 Q. Merci. Aux fins du compte rendu, pourriez-vous préciser si vous êtes en
27 possession de toute décision de ce Tribunal qui vous donnerait toute
28 liberté de participer à d'autres affaires, même pour la Défense, puisque
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1 par le passé vous avez travaillé pour le bureau du Procureur ? Existe-t-il
2 un document tel que celui-ci du bureau du Procureur qui vous interdirait de
3 travailler pour une future équipe de la Défense ?
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je fais
6 objection à la question. Le témoin y a déjà répondu. A sa connaissance,
7 rien ne l'empêcherait de travailler à la Défense, nous dit-elle, et je
8 crois que ceci répond à la question.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais la dernière question contenait
10 un élément supplémentaire. On lui a demandé si elle avait à l'esprit ou si
11 elle avait connaissance d'un document quelconque. Je pense que le témoin
12 pourra répondre à cette question.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis pas en mesure d'identifier un
14 document particulier.
15 M. TOLIMIR : [interprétation]
16 Q. Merci. La dernière phrase du témoin ne m'a pas été interprétée.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La dernière phrase a été, je cite :
18 "Je ne suis pas en mesure d'identifier un document particulier."
19 Vous avez entendu maintenant l'interprétation ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Même avant,
21 d'ailleurs, que vous la répétiez, parce que les interprètes m'ont entendu
22 et avaient pris un petit peu de retard, ils ont donc interprété avec
23 quelques secondes de décalage. Merci.
24 M. TOLIMIR : [interprétation]
25 Q. Dans votre témoignage dans le cadre de l'affaire Blagojevic, Krstic et
26 Popovic, avez-vous procédé à une sélection de documents appelés à être
27 versés au dossier par votre entremise, ou bien cette sélection a-t-elle été
28 réalisée par un représentant du bureau du Procureur, M. Thayer ou bien M.
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1 Vanderpuye ?
2 R. Pour corriger le compte rendu, je n'ai pas témoigné dans l'affaire
3 Blagojevic, pour commencer. Alors, s'agissant des affaires Krstic et
4 Popovic, ce sont des substituts du Procureur qui ont eu le dernier mot
5 quant aux conversations interceptées qui devaient figurer dans les
6 documents présentés dans le cadre du procès.
7 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire si parmi les membres de l'équipe qui ont
8 travaillé sur les conversations interceptées par l'ABiH, il y avait
9 d'autres citoyens que des citoyens américains, comme vous, mis à part bien
10 sûr le chef d'équipe, M. Ruez, parce qu'il n'était pas directement impliqué
11 dans ce travail ?
12 R. Il y en avait, oui.
13 Q. Merci. Je n'ai pas compris votre réponse affirmative. Oui, quoi ? Il y
14 en avait ou il n'y en avait pas ? Y avait-il des membres de l'équipe qui
15 n'étaient pas américains; oui ou non ? Je n'ai pas envie de revoir en
16 détail les membres de l'équipe qui ont analysé des intercepts.
17 R. Oui, il y avait d'autres personnes de l'équipe qui n'étaient pas des
18 citoyens des Etats-Unis, ils étaient citoyens de Bosnie-Herzégovine.
19 C'étaient les interprètes ou les traducteurs.
20 Q. Merci. Donc, mis à part les interprètes ou traducteurs, bien sûr qu'il
21 faut avoir des traducteurs pour toutes les pièces qui sont en serbe, mais y
22 avait-il d'autres personnes d'une autre nationalité qu'américaine à part
23 les traducteurs ?
24 R. Lorsque j'ai travaillé sur les conversations téléphoniques
25 interceptées, il n'y avait pas d'autres enquêteurs ou membres de l'équipe
26 qui aient travaillé aussi étroitement que moi avec les interprètes. Mais
27 nous communiquions énormément entre nous, entre les enquêteurs, moi-même,
28 les interprètes, les substituts du Procureur, non seulement à propos des
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1 conversations interceptées, mais aussi à propos de toutes les nouvelles
2 informations qui étaient apportées au dossier dans le cours de l'enquête,
3 et c'était moi le contact principal des interprètes qui travaillaient sur
4 les pièces.
5 Q. Merci. Au cours des débats dans l'affaire qui nous intéresse, il
6 semblerait que M. Ruez ait reçu des éléments. Donc, il a obtenu des
7 éléments pendant la période où vous aussi étiez en train de recevoir
8 différentes pièces, mais a-t-il seulement reçu ces éléments, ces pièces, ou
9 est-ce qu'il a aussi analysé ces éléments ? Et si oui, y a-t-il des traces
10 de ces analyses qu'il aurait menées sur ces éléments ?
11 R. Non. Il s'est contenté de les réceptionner.
12 Q. Très bien. Donc, il a juste un document, un reçu indiquant qu'il avait
13 bel et bien obtenu des éléments pour les besoins du bureau du Procureur;
14 c'est cela ?
15 R. Oui.
16 Q. Donc, il semble que Ruez avait établi les contacts avec l'ABiH, mais
17 j'aimerais savoir comment vous-même avez établi un contact avec les
18 autorités de Bosnie-Herzégovine pour obtenir tous les éléments portant sur
19 ces conversations interceptées ?
20 R. Je faisais partie de l'équipe d'enquête sur Srebrenica, donc c'est dans
21 le contexte de cette mission que j'ai établi le contact avec les autres
22 membres de l'équipe et avec les personnes concernées.
23 Q. Très bien. Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit que
24 juste après les événements de Srebrenica, vous êtes entrée en contact avec
25 les autorités de Bosnie-Herzégovine. J'aimerais que vous nous expliquiez
26 exactement comment vous vous y êtes pris. Faisiez-vous partie de l'équipe
27 juste après le conflit, ou est-ce que ce j'ai cru comprendre par le biais
28 de l'interprétation serait erroné ?
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1 R. J'ai travaillé avec Jean-René Ruez et deux autres personnes. C'est en
2 juillet 1995 que nous nous sommes rendus à quatre à Tuzla, car il y avait
3 des rumeurs qui couraient, des documents diffusés à la télévision sur CNN
4 selon lesquels il semblerait que quelque chose se soit passé à Srebrenica.
5 Donc, le Tribunal a pris l'initiative d'envoyer une petite équipe à Tuzla
6 pour aller au fond des choses. Donc, nous sommes restés à Tuzla, nous avons
7 établi le contact. C'est Jean-René Ruez, bien sûr, qui a pris les premiers
8 contacts avec le SDB à Tuzla, puisque c'était lui le chef de la mission, et
9 nous avons commencé à étudier les déclarations que la police avait
10 recueillies auprès des personnes qui avaient réussi à s'échapper de
11 l'enclave. La plupart d'entre eux avaient réussi à s'échapper à pied,
12 d'ailleurs.
13 Si je me souviens bien, nous y sommes restés à peu près un mois, sur place.
14 Ensuite, je suis revenue, et une autre équipe d'enquêteurs est allée en
15 avion à Tuzla et a commencé à recueillir des entretiens auprès des
16 survivants des exécutions en masse.
17 Q. Merci. Est-ce que cela signifie qu'en 1995 vous n'avez pas établi de
18 contact en vue d'obtenir les conversations interceptées ? Je vous ai
19 demandé quand est-ce que vous avez établi un premier contact pour obtenir
20 les conversations interceptées. Vous avez parlé d'autres actions menées
21 dans le biais de l'enquête.
22 R. A l'époque, en juillet 1995, Jean-René Ruez a demandé au SDB si des
23 conversations téléphoniques avaient été interceptées, puisque les rumeurs
24 couraient selon lesquelles il y en aurait. Comme nous l'avons dit, nous
25 n'avons pas pu avoir accès à ces éléments avant le mois de mars de l'année
26 1998. Donc, dans l'intervalle, Jean-René Ruez a fait plusieurs demandes, la
27 plupart du temps c'étaient des demandes orales auprès du SDB, puisqu'il
28 avait une bonne relation avec eux. Moi aussi, je connaissais des gens au
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1 SDB dans le contexte de l'enquête qui était en cours, mais ce n'est qu'au
2 printemps 1998 qu'on a commencé à obtenir ces pièces portant sur les
3 communications interceptées.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une question à poser au témoin.
5 Aidez-moi, Madame Frease. Au début du contre-interrogatoire par M. Tolimir
6 cet après-midi, vous avez dit au bureau du Procureur que vous avez
7 travaillé pour le bureau du Procureur en 1998 et 2000. Et maintenant, vous
8 êtes en train de nous dire que vous étiez dans la région en 1995, vous y
9 étiez déjà sur place. Pourriez-vous nous expliquer un peu à quel moment
10 vous avez commencé à travailler pour le bureau du Procureur, pouvez-vous
11 nous donner le déroulement exact de votre implication avec le bureau du
12 Procureur pour que nous comprenions bien quel a été votre parcours.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai commencé à travailler pour le Tribunal en
14 avril 1995, et j'ai continué à travailler pour le Tribunal jusqu'en juillet
15 2000. Mais la confusion vient du fait qu'on m'a posé une question à propos
16 du moment auquel j'ai commencé à travailler sur les conversations
17 interceptées, et ça, c'était bien sûr en 1998. Mais avant cela j'avais déjà
18 travaillé pour le bureau du Procureur sans interruption et principalement
19 sur l'enquête de Srebrenica.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Cela clarifie bien
21 les choses.
22 Monsieur Tolimir, reprenez, s'il vous plaît.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 M. TOLIMIR : [interprétation]
25 Q. En ce qui concerne la période dont vous a parlé le Président de cette
26 Chambre, avez-vous été en contact avec des personnes qui aient un lien
27 quelconque avec les conversations interceptées, personnes travaillant pour
28 l'armée de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ?
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1 R. J'imagine que vous me parlez de la période allant de 1995 au printemps
2 1998. Et je ne peux vous répondre que par la négative, donc je n'ai eu
3 aucun lien avec ce type de personne.
4 Q. Merci. A l'époque, avez-vous apporté quoi que ce soit à l'ABiH pouvant
5 lui servir, des équipements techniques, des consommables ?
6 R. Non, non. Je n'avais aucun contact avec les membres de l'ABiH jusqu'à
7 ce qu'on les contacte précisément à propos des conversations téléphoniques
8 interceptées.
9 Q. Merci. Etant donné que vous étiez la responsable principale de ce
10 travail, pourriez-vous nous dire qui vous avait contactée en premier au
11 sein de l'ABiH et à quel moment ?
12 R. Je tiens à préciser les choses, c'est Jean-René Ruez qui a fait une
13 demande auprès du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Je ne me souviens pas
14 s'il a fait la demande auprès de l'ABiH ou du SDB demandant à avoir accès
15 aux conversations interceptées. Et à l'époque, je n'étais pas encore
16 impliquée à l'analyse de ces conversations téléphoniques interceptées.
17 D'ailleurs, lorsque nous avons reçu les premières 500 pages, le classeur
18 turquoise que nous avons vu en photo mercredi dernier, je ne savais même
19 pas encore si j'allais travailler sur ce projet. Donc, votre question n'est
20 pas tout à fait posée correctement. En effet, j'ai commencé à participer au
21 projet alors qu'il était déjà en cours. En avril, on m'a présenté les
22 personnes que l'équipe précédente avait rencontrées et avec lesquelles le
23 contact avait été établi.
24 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire quel a été votre premier contact au sein
25 du commandement de l'armée de la BiH afin d'obtenir ces conversations
26 interceptées ? De qui il s'agissait et à quel moment vous avez établi le
27 contact, et il s'agissait d'un contact officiel ou privé ?
28 R. Dans le cadre de mon travail au Tribunal, j'ai toujours établi des
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1 contacts officiels, et là, c'était le 2e Corps. Nous avons rencontré le
2 commandant du 2e Corps, un commandant de l'époque, bien sûr, et ensuite, la
3 personne qui était responsable du renseignement à l'époque. Je peux vous
4 donner des noms si vous voulez. Je ne sais pas si c'est très utile.
5 Q. Merci. Ce sont des personnes dont le poste était d'une notoriété
6 publique à l'époque au sein de l'armée de la Fédération de Bosnie-
7 Herzégovine, donc je pense que vous avez le droit de donner leurs noms.
8 R. Je vais peut-être me tromper de grade, donc je ne vais pas le
9 mentionner. Budakovic, et le colonel Sevko Tihic. Donc, une fois le contact
10 établi au niveau approprié, nous avons eu accès aux subalternes, donc les
11 commandants et les autres personnes qui étaient véritablement impliquées
12 dans l'interception de conversations téléphoniques, donc nous avons été mis
13 en contact avec ceux qui avaient véritablement fait le travail.
14 Q. Merci. Pour le compte rendu, sans faire référence à aucuns noms, bien
15 sûr, pourriez-vous nous dire quel genre de contact vous avez réussi à
16 établir entre le service du Renseignement du 2e Corps et l'équipe du bureau
17 du Procureur, quelle était la nature de ces contacts ?
18 R. C'étaient des contacts de nature professionnelle. On nous a emmenés sur
19 les deux sites. Ils nous ont expliqué ce qu'ils faisaient sur place sur ces
20 deux sites, et ils nous ont expliqué de façon générale quelle était la
21 procédure employée.
22 Q. Merci. Nous pouvons peut-être mettre de côté la situation à Tuzla et au
23 2e Corps, mais pourriez-vous nous dire si à l'époque où vous traitiez et
24 analysiez les conversations interceptées, le bureau du Procureur a demandé
25 à s'entretenir avec le service des Renseignements qui traitait des
26 conversations téléphoniques interceptées, mais je parle ici des services
27 des Renseignements américains, britanniques, français, enfin, qui étaient
28 aussi présents sur le théâtre à l'époque.
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1 R. Je ne sais pas si ces informations sont confidentielles ou non. Nous
2 avons essayé de rentrer en contact avec les Etats-Unis sur ce sujet mais
3 nous n'avons pas pu aller très loin. Si je me souviens bien, ils ont pu
4 nous confirmer un certain nombre de noms de code, Panorama, Badem, Palma,
5 ce type d'information, mais rien de plus. Disons qu'ils n'étaient pas très
6 coopératifs.
7 Q. Merci. Avez-vous cru nécessaire de vérifier la fiabilité de ces
8 documents en les croisant peut-être avec des informations venant des
9 services de Renseignements étrangers qui, eux-mêmes, avaient leur propre
10 système de surveillance électronique aérienne, par exemple, ou avaient même
11 des troupes dans la région à l'époque ?
12 R. Nous n'avons pas pu vérifier la fiabilité des pièces par les biais dont
13 vous avez parlé, mais nous avions d'autres moyens pour vérifier la
14 fiabilité de ces documents. Et depuis le début de la semaine, nous avons
15 parlé longuement de ces moyens. Je tiens à dire que toute information
16 supplémentaire reçue, par exemple, de Croatie n'a fait que corroborer de
17 façon supplémentaire les éléments que nous analysions et que nous avions
18 analysés depuis des années.
19 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire si vous vérifiiez des éléments qui vous
20 semblaient incomplets ou pas très vérifiables, si vous pensez qu'il
21 n'aurait pas été utile d'obtenir des éléments similaires de la part des
22 autres services de Renseignements qui se trouvaient sur la région et qui,
23 eux aussi, balayaient les ondes avec leurs propres systèmes d'écoute ?
24 R. Oui, c'aurait été très bien, c'aurait été idéal, mais comme nous
25 l'avons déjà dit, les communications interceptées par radio sont des
26 informations qui sont très sensibles et qui sont très protégées, quand
27 elles sont obtenues par des services de Renseignements, donc à l'époque
28 nous n'avons pas pu croiser ce que nous avions avec ce dont disposaient les
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1 autres services de Renseignements. Cela dit, nous avons pu authentifier les
2 éléments que nous avions reçus en leur faisant passer un certain nombre de
3 tests, et des tests tout à fait fiables, d'ailleurs.
4 Q. Merci. Nous avons parlé de l'authenticité et de la fiabilité, et nous
5 avons aussi parlé de l'exhaustivité des pièces et nous en prendrons des
6 exemples pour aller plus avant sur ce sujet, mais j'aimerais savoir si vous
7 ne pensez pas qu'il serait bon quand même de pouvoir croiser vos
8 informations avec les informations collectées auprès d'autres services.
9 L'OTAN, par exemple, surveillait les communications par le biais d'une
10 surveillance électronique, si qui que ce soit établissait une
11 communication, l'OTAN surveillait tout de suite la communication et pouvait
12 imposer une interdiction de survol, ils enregistraient tout. Donc,
13 n'aurait-il pas été utile quand même de vérifier et de corroborer les
14 pièces que vous aviez en main avec d'autres sources d'informations d'autres
15 services, vous n'avez pas essayé de contacter qui que ce soit, soit vous,
16 soit quelqu'un au bureau du Procureur, pour essayer d'obtenir des sources
17 auprès de toutes les personnes qui surveillaient les ondes ?
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais entendre la réponse
19 d'abord et ensuite, j'écouterai M. McCloskey.
20 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, mais
21 nous entrons dans un domaine qui relève de l'article 70.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Très bien, c'est
23 différent, alors. Poursuivez.
24 M. McCLOSKEY : [interprétation] Il se peut que -- vous savez que nous avons
25 fait des demandes en vertu de l'article 70 auprès de nombreux gouvernements
26 sur ces sujets, entre autres. Nous sommes déjà rentrés dans les grands
27 principes, et vous avez obtenu des réponses de la part du témoin, mais
28 maintenant, je pense que si nous voulons plus -- si la Chambre veut plus de
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1 détails, cela ne va pas être possible. Il faut que je fasse très attention
2 à ce qui va être dit parce que nous devons suivre absolument les
3 dispositions de l'article 70.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Défense est-elle au courant de
5 tout cela ?
6 M. McCLOSKEY : [interprétation] Certes -- malheureusement, nous ne
7 communiquons pas avec la Défense aussi bien que ne le voudrions. Je pense
8 que la Défense comprend quand même les limitations qui sont imposées par
9 l'article 70, surtout en ce qui concerne, par exemple, les images
10 aériennes. Bon, ça, je m'en excuse auprès de la Juge Nyambe, mais ça a déjà
11 été discuté depuis longtemps et il y a eu des objections à ce propos,
12 d'ailleurs.
13 Pour ce qui est des conversations interceptées, en revanche, donc pas de
14 l'imagerie mais les conversations interceptées, là, il n'y a pas
15 d'historique. Et je ne me suis pas vraiment entretenue avec Me Gajic. Je ne
16 me souviens même pas s'il y avait précédent, en fait, mais c'est sensible,
17 il faut que nous fassions attention en tout cas.
18 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] J'ai une question pour M. McCloskey.
19 Pourquoi m'avez-vous présenté des excuses ? Je n'ai pas bien compris.
20 M. McCLOSKEY : [interprétation] Mais c'est parce que je ne vous voyais pas,
21 uniquement parce que vous êtes cachée par le pilier. J'en suis désolé.
22 Malheureusement, je négligeais de vous parler parce que je ne vous voyais
23 pas.
24 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Bien. Je vous remercie. Bienvenu de
25 l'autre côté du pilier. Vous voyez à quoi ça ressemble maintenant.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Moi, j'ai vu à quoi vous faisiez
27 référence, parce que j'ai vu que vous aviez bougé la tête pour voir Mme la
28 Juge Nyambe. Mais je pense qu'elle, elle n'arrivait pas à comprendre à quoi
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1 vous faisiez référence.
2 Monsieur Tolimir, je vois que la position de l'Accusation est assez claire.
3 Vous devez prendre en compte qu'en posant ce type de question, vous
4 pourriez très bien outrepasser les dispositions prévues au titre de
5 l'article 70; l'article 70 porte sur les éléments qui sont fournis par un
6 autre Etat. Donc, essayez d'obtenir vos informations, mais tout en gardant
7 à l'esprit les dispositions de l'article 70.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais la réponse
9 du substitut du Procureur nous suffit. C'est au compte rendu. Si nous
10 posons une question au témoin et que le témoin ne puisse pas y répondre
11 alors qu'il connaisse la réponse, je vais tout simplement demander un huis
12 clos pour qu'il puisse répondre. Donc, je vais vous demander un huis clos
13 partiel, ou un huis clos total d'ailleurs, afin que le témoin puisse
14 répondre à ces questions, puisqu'il semble qu'ils aient les réponses mais
15 ne veulent pas les donner.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ça ne va pas servir à grand-
17 chose parce que si un Etat ou un organe d'un Etat a donné des informations,
18 mais uniquement en application de l'article 70, en utilisant que les
19 dispositions de l'article 70 pour que l'information ne soit pas donnée à
20 qui que ce soit, dans ce cas-là la Chambre ne peut pas se servir de ces
21 informations. C'est le problème. Le fait que nous soyons à huis clos ou en
22 audience publique ne règle aucunement le problème. Nous n'avons pas le
23 droit de nous servir de cette information si elle a été fournie au titre de
24 l'article 70.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais le témoin
26 n'a qu'à me dire qu'elle connaît les limites de l'article 70, et donc
27 qu'elle ne peut pas répondre à la question, du fait de l'article 70
28 justement. Ce qui est important pour moi, c'est de savoir si elle a bel et
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1 bien utilisé des sources provenant d'autres services de renseignement pour
2 croiser les conversations interceptées qui lui avaient été données par la
3 Bosnie-Herzégovine. C'est tout ce que je veux savoir.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis convaincu que Mme Frease est
5 tout à fait consciente et informée de la ligne qu'elle ne doit pas
6 traverser. Poursuivez.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1998, je crois que c'était à la fin de
8 cette année-là, nous avons essayé d'obtenir des informations
9 complémentaires, comme je l'ai dit plus tôt, de la part des Etats-Unis.
10 Toutefois, nous n'avons pas reçu grand-chose en réponse à notre demande.
11 Dans l'intervalle et au cours de mon actuelle déposition, nous avons évoqué
12 des conversations interceptées provenant de la Croatie et également d'une
13 autre source, et nous avons entendu des enregistrements audio et examiné
14 des retranscriptions correspondant à ces conversations. Tout ceci renforce
15 encore davantage la foi que j'ai dans les documents que nous avons reçus en
16 1998.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
18 l'intention de demander quoi que ce soit dont je n'aurai pas besoin pour
19 présenter ma thèse.
20 M. TOLIMIR : [interprétation]
21 Q. J'aimerais maintenant que l'on examine la pièce P787, s'il vous plaît,
22 sur l'écran. Nous connaissons déjà ce document, document déjà versé au
23 dossier. Il porte la date du 24 juillet 1995, envoyé par le chef du secteur
24 SDB au département du service de Sécurité militaire du 2e Corps. Donc, ils
25 en sont les destinataires.
26 Au compte rendu, page 5 000, lignes 5 à 20, en réponse à l'une des
27 questions qui vous a été posées, c'était une question du Juge Nyambe. Je
28 cite :
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1 "Dans votre déclaration préalable, vous avez dit que la Bosnie-Herzégovine
2 avait certaines réserves ou avait essayé de ne pas remettre un certain
3 nombre de documents." C'était la question, vous avez répondu par
4 l'affirmative.
5 Ensuite, la Juge Nyambe vous a demandé pourquoi, selon vous, ils avaient
6 réagi de la sorte, et vous avez répondu que :
7 "En 1995, la guerre était toujours en cours et que les conversations
8 radio interceptées étaient un sujet sensible. Ce type d'information, de
9 renseignement, continuait d'être considéré comme l'un des joyaux de la
10 couronne. Ils utilisaient ces renseignements pour les communiquer en temps
11 réel à leur postes de commandement, ou bien pour protéger leurs hommes, ou
12 encore, ils communiquaient les informations qu'ils jugeaient pertinentes. A
13 l'époque," je vous cite, "nous n'avions pas encore établi de rapport avec
14 eux. Et parce que la guerre se poursuivait, je crois qu'il était tout à
15 fait compréhensible qu'ils se réservent l'information et qu'ils rechignent
16 à communiquer des informations aussi sensibles que celles-ci à des gens
17 qu'ils ne connaissaient pas, à des gens qui pouvaient être à l'origine de
18 fuites et qui pourraient éventuellement compromettre leurs intérêts
19 fondamentaux et les mettre en danger."
20 C'était à la page 5 000. Vous souvenez-vous avoir dit quelque chose
21 comme cela ?
22 R. Oui.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, la première séance
24 de travail touche à sa fin. Nous allons, je pense, devoir faire une pause,
25 et nous reprendrons à 16 heures 20.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.
28 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.
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1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, c'est à vous.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. TOLIMIR : [interprétation]
4 Q. Madame, vous avez pu lire le document. La citation faite par moi
5 correspond-elle à ce que vous avez dit pendant l'interrogatoire que vous
6 avez subi ces derniers jours ?
7 R. Oui.
8 Q. Le document que vous avez à l'écran est rédigé le 24 juillet 1995, et
9 indique que les besoins matériels doivent être satisfaits immédiatement.
10 C'est un document qui a été établi par les services de sécurité de l'Etat,
11 qui ont été autorisés à prendre contact avec les organisations et instances
12 internationales au sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Les
13 représentants de ce service déclarent que les équipements doivent vous être
14 envoyés immédiatement pour satisfaire à vos besoins et pour qu'un dossier
15 soit créé.
16 Alors, est-ce que ce qu'on peut lire dans ce texte rend bien compte de ce
17 que vous avez dit devant la Chambre de première instance, ou est-ce qu'il
18 concerne autre chose ? Merci.
19 R. Je n'avais pas vu ces documents avant le procès Popovic. Ce document
20 est une demande qui est présentée par le ministère de l'Intérieur, par le
21 service de la sécurité d'Etat, qui est celui avec lequel nous avons eu nos
22 premiers contacts. C'est donc une demande adressée au commandement de 2e
23 Corps d'armée et qui concerne des conversations interceptées. Il est
24 demandé au commandement de ce 2e Corps d'armée de remettre ces écoutes. En
25 d'autres termes, ce qui est écrit ici confirme ce que j'ai déjà dit, à
26 savoir que nous avons entendu parler de l'existence d'interceptions radio.
27 Nous les avons demandées à la police, mais nous ne les avons jamais reçues,
28 et je n'ai pas su jusqu'au procès Popovic que ces demandes avaient été
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1 présentées par la police aux militaires. Les militaires ont pris la
2 décision de ne pas remettre ces écoutes, de rien nous donner jusqu'en 1998.
3 Q. Merci. Veuillez, pour le compte rendu d'audience, nous dire si
4 immédiatement après les événements de Srebrenica, c'est-à-dire dès le mois
5 de juillet, disons, dès la date du 24 juillet, qui est celle de
6 l'élaboration de ce document, alors que j'étais moi-même à Zepa, un ordre a
7 été émis qui demandait que le texte des conversations interceptées soit
8 remis au bureau du Procureur par les autorités bosniaques. Est-ce que de
9 tels ordres ont été émis à cette époque-là ?
10 R. Nous avons cette requête sous les yeux en ce moment, mais comme je l'ai
11 déjà dit, je n'avais pas connaissance du fait qu'une demande officielle,
12 voire un ordre, comme selon le mot que vous venez d'utiliser, ait été
13 présenté à l'époque.
14 Q. Merci. Vous ne le saviez pas, mais veuillez nous dire, pour
15 consignation au compte rendu d'audience, s'ils ont vraiment reçu un ordre
16 émanant des instances compétentes, ordre portant sur la nécessité de vous
17 remettre ces documents ?
18 R. Si les militaires ont reçu une demande ? Je ne sais pas. Je ne faisais
19 pas partie de l'armée. Mais à la lecture de ce document, il ressort que les
20 militaires ne l'ont pas reçue.
21 Q. Donc l'ordre leur a été donné de vous remettre ces documents. Merci.
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Est-ce l'officier le plus ancien des services de sécurité de
24 l'Etat qui a été à l'origine de cet ordre ?
25 R. Pour autant que je le sache, l'homme qui a signé cet ordre était
26 l'autorité la plus importante au sein des services de sécurité de l'Etat à
27 Tuzla, autrement dit, l'homme le plus important au sein de la police.
28 Q. Merci. Veuillez nous dire si cela signifie que ce représentant du SDB
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1 avait déjà les mains libres pour vous remettre ces documents ? Avait-il
2 donc une certaine liberté, ou est-ce qu'il devait s'adresser à l'armée pour
3 pouvoir le faire ? Merci.
4 R. Ces documents montrent qu'il s'est adressé à l'armée à cette fin.
5 Q. Merci. Mais dès qu'il s'est adressé à l'armée, il est probable qu'il
6 était en possession de certains documents, donc est-il logique qu'il vous
7 remette les documents dont il disposait en tant que service de Sécurité de
8 l'Etat, parce qu'ici vous avez usage de documents qui émanent de ce
9 service. Merci.
10 R. Oui. En fait, nous n'avons pas reçu de documents du SDB avant mai 1999.
11 Nous ne savions pas que le SDB avait son siège au même endroit que le 2e
12 Corps d'armée jusqu'à mai 1999. Nous l'avons appris lorsque nous avons
13 commencé à interroger les opérateurs chargés des écoutes. Dans mon
14 souvenir, les explications fournies à l'époque ont consisté à dire que le
15 SDB interceptait des communications sur la fréquence radio 836, et que
16 cette fréquence était une fréquence élevée pour les écoutes, et que les
17 documents dont ils estimaient qu'ils étaient les plus précieux étaient des
18 conversations interceptées sur d'autres fréquences, fréquences utilisées
19 par l'armée.
20 Q. Merci. Veuillez examiner la dernière phrase de ce document. Je cite :
21 "Nous avons besoin de ces documents audio pour créer un fichier qui sera
22 remis au Tribunal international de La Haye."
23 Alors, qu'est-ce que nous dit cette phrase ? Les services de sécurité de
24 l'Etat demandent un certain nombre de documents dans le but de créer un
25 dossier qui, ensuite, devrait vous être remis. Oui ou non ? Merci.
26 R. Oui.
27 Q. Merci. Vous-même, en tant que représentants du Tribunal, voire un autre
28 membre de votre équipe, a-t-il ou elle déjà adressé à ce moment-là une
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1 demande aux autorités de Bosnie-Herzégovine aux fins que ces autorités vous
2 remettent ces documents ?
3 R. Je pense que ceci aurait dû être fait sur accord de leur part, car nous
4 sommes arrivés à Tuzla quelques jours avant.
5 Q. Merci. A quel moment M. Ruez a-t-il demandé ces documents, et à quel
6 moment avez-vous entendu parler de l'existence de ces documents ? Merci.
7 R. Je ne me rappelle pas à quel moment M. Ruez a présenté officiellement
8 sa demande, demande d'entraide judiciaire s'agissant des écoutes radio. Une
9 référence a été faite à une demande qui aurait été présentée à la fin de
10 1997 -- j'ai un petit problème de syntaxe. Je vous demande un instant.
11 Demande à la suite de laquelle nous avons pu consulter ces documents en
12 mars 1998.
13 Q. Merci. Mais dites-nous, je vous prie, au sein du bureau du
14 Procureur, puisque vous avez examiné tous les documents que possède le
15 bureau du Procureur, existe-t-il un document qui aurait été envoyé aux
16 autorités de Bosnie-Herzégovine et qui comporterait une demande de remise
17 de l'ensemble des documents relatifs aux crimes de guerre qui pouvait
18 servir de base pour la suite des discussions ? Merci.
19 R. Le bureau du Procureur n'a cessé de présenter des demandes d'obtention
20 d'éléments d'information, donc je serais incapable de vous indiquer une
21 demande en particulier. Puis il faut ajouter que nous parlons d'une
22 procédure qui était en train de se créer, cette idée de présenter des
23 demandes portant sur la remise de documents ou des demandes d'aide, car à
24 cette époque-là, bien sûr, le Tribunal international était encore une
25 institution très nouvelle et elle était en train de mettre en place ses
26 propres procédures internes quant à la façon de demander des éléments
27 d'information aux gouvernements.
28 Q. Merci. Vous nous avez dit que vous étiez chef de l'équipe chargée de
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1 ces écoutes et de leur traitement, et que vous avez pris vos fonctions en
2 1995. Est-ce que cela signifie que quelque part dans vos archives on
3 devrait trouver une demande envoyée aux autorités de Bosnie-Herzégovine, et
4 est-ce que vous avez jamais fait état de cette demande à un moment
5 ultérieur dans le temps ?
6 Nous voyons à la lecture de ce document qu'il a été envoyé en
7 juillet 1995, et vous dites que vous avez reçu les documents du SDB en 1999
8 seulement, au mois de mai, et qu'en 1998 vous avez reçu des documents de
9 l'ABiH. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a eu un tel décalage dans
10 le temps entre la demande et la réception ?
11 R. Je pense qu'il importe de signaler que c'est Jean-René Ruez qui était
12 le chef d'équipe. Il importe également d'indiquer que les demandes
13 d'information étaient, pour la plupart, lancées par lui et qu'elles
14 passaient par lui et que c'est lui qui était le récipiendaire des
15 informations envoyées suite à ces requêtes.
16 J'ai commencé à travailler sur les écoutes, comme nous l'avons déjà
17 dit à plusieurs reprises, au printemps de 1998, mais c'est seulement en
18 juillet 1995 que j'ai participé pour la première fois au travail d'enquête.
19 Je crois me rappeler que nous avons eu sous les yeux un document
20 rédigé par Jean-René Ruez, document qui revient sur la chronologie, c'est-
21 à-dire sur les moments où les demandes ont été faites oralement et par
22 écrit en vue d'obtenir les écoutes en question, et ce travail, c'était un
23 travail qui était réalisé par lui et que je n'avais pas la responsabilité
24 de mener à bien.
25 Q. Merci. Cela est clair à mes yeux, mais je vous demande si dans le
26 dossier vous avez un document qui présente la demande de documents que vous
27 avez ensuite analysés, et je vous prie de nous dire si vous avez essayé de
28 déterminer pour quelle raison ces documents n'étaient pas en train de vous
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1 parvenir, alors que dans le même temps le monde entier parlait de
2 Srebrenica et de ce qui s'y était passé ? Merci.
3 R. Un tel document aurait dû se trouver dans les dossiers de l'équipe. Je
4 ne me rappelle pas avoir eu sous les yeux un document de ce genre bien
5 précis.
6 Q. Merci. S'il vous plaît, j'aimerais maintenant que nous examinions un
7 document du prétoire électronique, dont le numéro de pièce à conviction est
8 P788. Merci. Voilà, le document apparaît en serbe et en anglais sur les
9 écrans. C'est un document relativement court.
10 Il importe au plus haut point de prêter attention à son contenu. Ce
11 document, qui date de 1995, se lit comme suit, je cite :
12 "Fourniture de documents destinés au Tribunal international, instruction."
13 Ce document est signé par le général de brigade, Jusuf Jasarevic, qui était
14 chef de l'état-major principal de l'ABiH. Il envoie ce texte au
15 commandement du 2e Corps. Que dit-il dans ce document ? Je cite :
16 "Nous avons été informés par le ministère de l'Intérieur de Sarajevo, plus
17 précisément par les services de Sécurité de l'Etat, que dans leur document
18 7-1022 du 24 juillet 1995, le SDB de Tuzla a demandé les enregistrements
19 audio que vous détenez et qui concernent les incidents liés à Srebrenica.
20 Puisque les enregistrements demandés sont très importants pour le dossier
21 qui est en cours de constitution dans l'intérêt du Tribunal international
22 chargé des crimes de guerre, il est essentiel que ces documents soient
23 fournis au secteur du SDB de Tuzla."
24 Signé par le général de brigade, Jusuf Jasarevic.
25 Alors, nous voyons qu'ici le service de Sécurité de l'Etat s'adresse à
26 l'administration de l'ABiH.
27 Ma question est la suivante : est-ce que ce n'est pas encore un
28 document qui établit clairement qu'en juillet et août, toutes les instances
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1 de Bosnie-Herzégovine, y compris l'armée, l'état-major, les services de
2 Sûreté de l'Etat travaillaient activement à l'élaboration de ce dossier et
3 recherchaient des documents auprès du 2e Corps d'armée, et que par
4 conséquent ils n'ont pas reçu ces documents audio qu'ils avaient demandés ?
5 Très précisément, oui ou non ?
6 R. Je ne sais pas s'ils ont travaillé à l'élaboration de ce dossier en
7 particulier. C'est un document qui a été élaboré, comme vous l'avez dit et
8 comme vous le savez, par l'ABiH. Je pense qu'il faudrait poser la question
9 aux responsables de l'armée.
10 La première fois que j'ai vu ce document c'est également pendant le
11 procès Popovic. Je ne connaissais absolument pas la documentation
12 précédente, et tant qu'elle n'a pas été présentée au procès au cours du
13 contre-interrogatoire, si je ne m'abuse, pendant l'affaire Popovic.
14 Q. Je vous remercie. En tant qu'analyste, est-il clair à vos yeux que ces
15 documents indiquent que les instances de Bosnie-Herzégovine ont commencé à
16 travailler dès les mois de juillet et d'août 1995 à l'élaboration d'un
17 fichier, et qu'elles ont demandé les documents audio au 2e Corps d'armée;
18 oui ou non ?
19 R. L'expression "travailler à l'élaboration du dossier" me gêne un peu.
20 D'après ce que je sais, vous tirez cette expression de la dernière phrase
21 contenue dans le document précédent que nous avons examiné. Ce que je veux
22 dire c'est que la façon dont je comprends les choses et la façon dont
23 j'interprète le document précédent consiste à penser que le SDB à l'époque
24 s'efforçait d'apporter son aide au Tribunal en fournissant des éléments
25 d'information susceptibles d'être utiles par conséquent au Tribunal qui
26 enquêtait sur les crimes présumés qui auraient été commis à Srebrenica
27 pendant la chute de cette enclave. Donc ce document, -- je reformule, ce
28 document est manifestement une réponse qui est faite au premier document
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1 que vous avez montré dans lequel l'ABiH, autrement dit l'état-major
2 principal demande au 2e Corps de remettre des documents au SDB afin que le
3 SDB transmette ces documents au bureau du Procureur.
4 Q. Merci. Est-ce que dans ce document on fait état du premier document,
5 est-ce que Jusuf Jasarevic évoque le document du 24 juillet 1995; oui ou
6 non ? Merci.
7 R. On pourrait revenir sur le premier document pour vérifier les numéros,
8 mais il est certain qu'il fait référence au document du 24 juillet. Je ne
9 me rappelle pas de tête si le numéro du document en question était 7-1022,
10 qui est le numéro qu'on trouve dans ce document-ci. Mais je pense que c'est
11 sans doute le cas.
12 L'INTERPRÈTE : Remplacer les deux corps d'armée chaque fois que cela a été
13 dit par l'interprète par le 2e Corps d'armée.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Je vous remercie. Si cela vous semble nécessaire nous pouvons demander
16 un nouvel affichage de ces documents dans le prétoire électronique. Il
17 faudrait donc que nous revenions sur la pièce P787 en même temps que nous
18 examinons le document qui est actuellement à l'écran il faudrait que les
19 deux soient affichés en même temps. Alors, voilà, il apparaît, voyons ce
20 qui est écrit dans ce document, je cite :
21 "Avec le document 7-1022, du 24 juillet 1995."
22 Et puis en haut au niveau de l'en-tête nous trouvons le même numéro, 7-
23 1022, la même date 24 juillet, n'est-ce pas ?
24 R. Il semble qu'il y ait un J derrière le numéro, non ? Dans le document
25 original le numéro est 7-1022 J. Enfin, bon, d'accord c'est le même numéro.
26 Q. Bien. Ce n'est pas un élément qu'il est capital d'établir en tout état
27 de cause. Mais ce que j'aimerais que vous disiez c'est s'il existait la
28 volonté, parce que vous n'avez pas pu dire si vous le connaissiez ou pas,
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1 mais est-ce qu'il existait la volonté au sein des instances, des organes de
2 Sûreté de l'Etat et des organes de sécurité de l'armée de fournir ces
3 documents au Tribunal ? Oui ou non ? Je vous remercie.
4 R. Oui.
5 Q. Merci. Puisque cette volonté existait aussi bien de la part des organes
6 de Sûreté de l'Etat qui vous ont remis les documents en question que du
7 côté des instances chargées de la sécurité au sein de l'armée, pourriez-
8 vous nous dire pour quelle raison ces documents ne vous ont pas été
9 transmis jusqu'en 1998 pour l'armée et en mai 1999 pour les instances de
10 Sûreté de l'Etat, comme vous l'avez dit il y a à peine un instant ? Je vous
11 remercie.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que
14 cette question a déjà été posée à plusieurs reprises au témoin. Elle y a
15 déjà répondue, et je ne crois pas que nous puissions gagner qrand-chose à
16 voir cette question reposée au témoin sur la base de ce document
17 particulier ou de quelque autre document. Le témoin a précisément dit que
18 la note avait été préparée par M. Ruez en rapport aux demandes qui avaient
19 été présentées et que des réponses ont été apportées par rapport à ces
20 documents, et je ne vois pas comment le fait de reposer la question encore
21 et encore pourrait donner lieu de la part du témoin à une réponse
22 différente.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais entendre la réponse, même
24 brève peut-être, mais sans répétition inutile.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas pour quelle raison ces
26 documents n'ont pas été transmis plus tôt.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, Monsieur
28 Tolimir.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 M. TOLIMIR : [interprétation]
3 Q. Madame le Témoin, il importe au plus haut point que vous disiez
4 clairement pour consignation au compte rendu d'audience si vous savez
5 pourquoi, autrement dit est-ce que dans le cadre de votre analyse vous avez
6 établie les raisons pour lesquelles vous n'avez pas reçu ces documents au
7 moment où l'initiative a été lancée par les organes officiels auxquels vous
8 les aviez demandés, pourquoi a-t-il fallu trois ans pour les obtenir ? Je
9 vous remercie.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je crois vraiment
11 que nous sommes en présence d'une répétition. Le témoin a déclaré à
12 plusieurs reprises qu'elle avait participé à l'analyse de ces documents en
13 1998 et pas avant et qu'elle n'était pas chargée de ce travail, et elle a
14 évoqué précisément les raisons pour lesquelles l'armée et le MUP de Bosnie
15 n'avaient pas répondu plus tôt; interrogée à ce sujet elle a dit très
16 clairement qu'elle ne le savait pas, par conséquent je pense qu'il est
17 inopportun de continuer à interroger le témoin sur ces aspects de la
18 question. Vous pourriez peut-être attendre que soit entendu un autre témoin
19 qui pourrait vous aider en vous fournissant cette information. Ne reposez
20 pas, je vous prie, la même question, mais passez à autre chose.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pensais que ce
22 témoin savait pourquoi elle n'avait pas reçu quelque chose qui avait été
23 demandé alors que l'initiative de fournir ce document avait démarré, donc
24 au début j'ai demandé au témoin pourquoi selon elle ces documents n'avaient
25 pas été remis, mais le témoin a dit que la volonté de les remettre
26 existait. Il y avait une volonté de leur part de remettre ces documents.
27 C'est la raison pour laquelle j'essaie d'obtenir des éléments plus précis.
28 Quand on possède quelque chose, on peut le remettre. Si on ne le possède
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1 pas, alors on n'a pas la capacité de le remettre. Merci.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce témoin ne travaillait pas pour
3 l'ABiH mais pour le bureau du Procureur, et elle a dit très clairement à
4 plusieurs reprises qu'elle ne le savait pas. Je pense que vous devriez
5 passer à un autre sujet.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais
7 maintenant que l'on examine la pièce P789, et si possible. A l'écran, grâce
8 au système de prétoire électronique.
9 Je ne vais pas essayer de contraindre le témoin à dire quoi que ce soit. Il
10 me suffit d'entendre un oui ou un non de sa part. Ce genre de réponse est
11 tout à fait recevable en ce qui me concerne.
12 Merci.
13 M. TOLIMIR : [interprétation]
14 Q. Nous voyons un document à l'écran du commandement du 2e Corps, services
15 de Sécurité qui disposaient de ces conversations interceptées. Le document
16 porte sur tous les premiers documents demandés, donc les enregistrements
17 audio. Et si vous regardez le deuxième paragraphe du document, vous lirez
18 ce qui suit :
19 "Conformément à ce qui précède, nous demandons à ce que vous fassiez une
20 sélection dans vos enregistrements audio relatifs à la chute de Srebrenica
21 contenant des données se rapportant aux crimes de guerre et aux crimes de
22 génocide commis par l'agresseur contre les habitants de la 'zone' dite 'de
23 sécurité.' Nous vous prions de bien vouloir nous les communiquer de sorte à
24 ce que nous puissions les transmettre au CSB
25 aux demandes ci-dessus."
26 Nous voyons que ce document porte la date du début août, et à la dernière
27 phrase, on lit :
28 "Nous demandons à ce que vous donniez suite à ce document le plus
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1 rapidement possible de façon à ce que nous puissions accomplir les tâches
2 susmentionnées ou dans les délais prescrits."
3 Ma question est la suivante : en tant qu'analyste, vous êtes-vous penchée
4 sur ce deuxième paragraphe où l'on demande une sélection de ces
5 enregistrements audio ? Selon vous, qu'entend-on par ce terme "sélection" ?
6 Merci.
7 R. C'est au cours du procès Popovic que j'ai vu ce document également pour
8 la première fois, et en partie ma réponse sera la même, je ne suis pas sûre
9 d'être la bonne personne pour répondre à cette question. En 1998, il est
10 vrai que nous avons reçu une sélection de documents dans ce classeur bleu,
11 550 pages. C'est peut-être cela dont il parle lorsqu'il parle de sélection
12 ici, mais là encore, je n'ai jamais été membre de l'ABiH. Je ne suis donc
13 pas tout à fait certaine de savoir ce que cela veut dire, mais ça pourrait
14 être une explication.
15 Q. Merci. Vous étiez enquêtrice chargée d'examiner les documents qui vous
16 ont été remis. En tant qu'enquêtrice, vous êtes-vous demandée si cette
17 sélection communiquée au bureau du Procureur par l'ABiH ne dépendait pas de
18 ce que l'armée souhaitait voir tomber entre les mains du Procureur, et
19 n'avez-vous pas jugé que ceci pouvait avoir une influence sur la fiabilité
20 de cette collection de documents, au vu du fait qu'une sélection avait été
21 réalisée quant à ce qui devrait figurer ou ne devrait pas figurer dans le
22 dossier qui avait été remis au bureau du Procureur ? Merci.
23 R. Effectivement, nous l'avons pris très au sérieux, et c'est la raison
24 pour laquelle il était très important de recevoir les cahiers, tous les
25 cahiers, de façon à ce que nous puissions les examiner minutieusement, de
26 la première à la dernière page, conversation par conversation. C'est aussi
27 la raison pour laquelle nous souhaitions également obtenir toutes les
28 versions électroniques de ces conversations, de façon à avoir le sentiment
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1 que nous obtenions, disons, un dossier complet de ce qui avait été
2 retranscrit.
3 Q. Merci. La dernière fois, à la fin, nous avons également constaté que
4 ces versions électroniques ou ces retranscriptions électroniques étaient
5 incomplètes. Ceci a-t-il suscité des doutes dans votre esprit quant à la
6 méthode suivie pour rassembler et communiquer ces documents, une méthode
7 qui aurait pu davantage convenir à l'ABiH qu'au bureau du Procureur, avant
8 donc de vous les présenter conformément à votre demande ? Merci.
9 R. Les cahiers étaient complets, je peux le dire, puisque j'ai longtemps
10 étudié ces cahiers. Les documents électroniques me sont parvenus plus tard.
11 Je ne peux pas affirmer avec une certitude absolue que nous les avons tous
12 reçus. Je pense que c'est le cas, mais il me faudrait examiner les dossiers
13 dans leur intégralité pour être en mesure de vous répondre de manière
14 absolument sûre.
15 Q. Merci. Vous avez examiné ces trois documents de l'ABiH que j'ai demandé
16 que l'on affiche à l'écran, des documents que vous aviez déjà vus dans le
17 cadre d'un autre procès, et vous avez constaté qu'il y avait une véritable
18 volonté au sein de tous les organes, volonté de communiquer les documents
19 en question, mais qu'en dépit de cela, vous ne les avez pas reçus ?
20 Voici ma question : avez-vous tenté de vous renseigner sur les
21 ressources techniques et humaines dont disposait le SDB ? Par exemple,
22 avaient-ils un laboratoire audio et combien de temps avaient-ils besoin
23 pour préparer cette sélection de documents ? Merci.
24 R. Je vais vous demander de préciser votre question, parce qu'il y a
25 différents éléments dans celle-ci. D'abord, vous avez évoqué les documents
26 communiqués par l'armée, puis il y a un autre aspect qui renvoie
27 précisément au SDB, alors je vous demanderais de bien vouloir ventiler
28 votre question.
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1 Q. Bien. L'armée vous a communiqué des documents en 1998, comme vous
2 l'avez dit vous-même dans le cadre de votre déposition, et le MUP vous a
3 fourni des documents en mai 1999; c'est bien exact ? Merci.
4 R. Oui.
5 Q. Et vous voyez dans les documents que nous venons d'examiner que le MUP
6 était censé vous remettre ces documents, documents obtenus de l'armée,
7 puisqu'ils avaient pour tâche de rassembler, de compiler ces documents
8 audio, puisque c'est ce dont il s'agit. Donc, voilà ma question :
9 j'aimerais savoir si vous savez vous-même quels étaient le matériel et les
10 effectifs disponibles au service de la Sûreté de l'Etat à ce moment-là,
11 s'ils avaient un laboratoire audio à cette époque lorsque la demande de
12 communication de documents leur a été communiquée et lorsque les documents
13 ont été remis à vous en 1998 et en 1999 ? Merci.
14 R. Tout ce que je sais c'est que le SDB à ce moment-là travaillait à
15 partir du site nord au cours de la période en question. Je ne sais pas
16 s'ils disposaient d'un laboratoire.
17 Q. Merci. Le cas échéant, je peux subdiviser encore davantage ma question,
18 mais voici une question subsidiaire : savez-vous quelles sont les
19 prérogatives du service de Sûreté de l'Etat et quel type de missions ce
20 service est appelé à effectuer ? Merci.
21 R. Pas dans le détail, non.
22 Q. Merci. A la lecture de ces trois documents, vous constatez que l'armée
23 était censée remettre au service de Sûreté de l'Etat les documents dont il
24 est question ici, sous l'intitulé d'enregistrements audio ou de
25 conversations radio interceptées, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Merci. Et à l'évidence, au vu de ces trois documents, l'armée s'est
28 exécutée, elle a donc répondu à la demande formulée et a remis les
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1 documents au MUP ? Est-ce que ceci ressort clairement de ces trois
2 documents ?
3 R. Non.
4 Q. Avez-vous remarqué que les commandants militaires ont demandé au
5 commandement du corps de remettre ces documents au service de Sûreté de
6 l'Etat ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci. Et avez-vous remarqué également en lisant ces documents que le
9 service de Sûreté de l'Etat demande la même chose, de façon à ce qu'un
10 dossier puisse être constitué ? Je crois vous avoir donné lecture de cette
11 phrase tout à l'heure. Merci.
12 R. Oui.
13 Q. Merci. Avez-vous essayé de déterminer la quantité de documents se
14 trouvant en possession du service de Sûreté de l'Etat, utilisés pour
15 constituer ce dossier, et pourquoi ils l'ont rendu à l'armée, et pourquoi
16 est-ce l'armée qui vous a communiqué ce document et non pas le service de
17 la Sûreté de l'Etat, qui était censé vous le remettre ?
18 Ma question étant de savoir pourquoi le service de la Sûreté de
19 l'Etat n'a pas fait ce qui est précisé dans la dernière phrase et a remis
20 les documents à l'ABiH, et que les Serbes de Bosnie ont ensuite remis ce
21 matériel à vous, personnellement, plutôt que le SDB ? Je vous remercie.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous vois debout, Monsieur
23 Vanderpuye, mais je demanderais au témoin de bien vouloir répondre. Je suis
24 certain qu'elle est en mesure de le faire.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaitais attirer votre attention sur
26 quelque chose que nous avons vu dans les documents examinés hier, et c'est
27 en rapport avec la question qui vient de m'être posée. Sur le premier site,
28 le site nord, le SDB et l'armée partageaient les informations. Le SDB
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1 transmettait ses informations à l'armée, et l'armée faisait ensuite
2 remonter cette information au commandement. Le SDB communiquait également
3 ses propres informations à son commandement.
4 Alors, j'ai quelques peines à me souvenir des informations qui -- en
5 tout cas, je pense qu'il y avait échange total d'information entre ces deux
6 organes. Alors, ce que vous verrez, par exemple, à l'intercalaire 4 ou 5 de
7 ce classeur que nous avons examiné mercredi après-midi, c'est que l'en-tête
8 dit : "Armée de Bosnie-Herzégovine 2e Corps," mais que l'organe qui a
9 enregistré la conversation en question, c'est le SDB de Tuzla.
10 Je pense que la réponse obtenue lorsque nous avons posé cette
11 question a été que le SDB a pensé que parce que nombre de ces documents
12 n'étaient pas les leurs ils n'avaient pas le droit de remettre des
13 conversations interceptées par l'armée au bureau du Procureur sans l'aval
14 de l'armée.
15 M. TOLIMIR : [interprétation]
16 Q. Merci. Nous avons vu dans le document P788 que le général de
17 brigade, Jusuf Jasarevic, le chef donc, a donné son aval, qu'il a autorisé
18 la transmission au service de Sûreté de l'Etat de documents de l'armée. On
19 l'a vu dans le document. Et dans le premier document, on a également
20 constaté que la Sûreté de l'Etat avait été à l'origine du dossier qui était
21 censé être remis. Je vous ai lu la dernière phrase, une phrase assez
22 importante. Et en écoutant votre réponse, on apprend que le SDB avait ce
23 document, quelque chose donc dont ils disposaient déjà. La demande portait
24 sur quelque chose dont ils disposaient déjà.
25 Alors, pourquoi la Sûreté de l'Etat vous a-t-elle remis ces documents
26 en mai 1999, et pourquoi l'armée vous a-t-elle remis les siens en 1998, et
27 entre ces trois années, de 1995 à 1998, est-ce que les documents ont été
28 traités par la Sûreté de l'Etat, s'ils disposaient d'un laboratoire ou de
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1 quelque chose de ce genre ? Vous êtes-vous penchée sur ces questions ?
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je me lève encore une fois parce que dans
4 cette dernière question se trouvent quasiment cinq questions. Pourquoi la
5 Sûreté de l'Etat a agi de telle sorte, pourquoi l'armée a agi de telle
6 sorte, pourquoi n'ont-ils pas remis l'information immédiatement. Il me
7 semble qu'il serait plus utile et plus efficace que M. Tolimir pose ses
8 questions les unes après les autres au témoin, de façon à ce que celle-ci
9 puisse les comprendre et y répondre.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Effectivement, le témoin déjà a
11 demandé à ce que des questions plus courtes lui soient posées.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais s'agissant de cette dernière série de
13 questions, je dois dire que je ne me sens pas à même d'y répondre parce que
14 je ne faisais pas partie de ce processus, et je n'ai pas les réponses à ces
15 questions. Je ne sais pas pourquoi les choses ne se sont pas produites
16 comme elles auraient dû le faire.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 M. TOLIMIR : [interprétation]
20 Q. Je ne vous demande pas de nous dire pourquoi les choses ne se sont pas
21 produites comme elles auraient dû. Je vous demande si vous vous êtes
22 penchée sur cette question, la question de savoir pourquoi ces documents ne
23 vous ont pas été remis pendant trois ans, et je vous demande si ceci aurait
24 pu éventuellement avoir une influence sur la fiabilité et l'authenticité
25 des documents ? Si vous vous êtes penchée là-dessus ? Je ne vous demande
26 pas autre chose.
27 R. Ce n'est qu'au cours du procès Popovic que j'ai eu accès à ces
28 documents pour la première fois dans le cadre de mon contre-interrogatoire.
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1 Alors, ma réponse est non, je ne me suis pas penchée là-dessus parce que je
2 n'avais même pas connaissance de l'existence de ces documents.
3 Q. Merci. En tant qu'enquêtrice, avec à l'esprit la nécessité d'examiner
4 des documents authentiques et fiables, pouvez-vous me dire si les actions
5 entreprises par les autorités de Bosnie-Herzégovine, s'agissant de ces
6 enregistrements, ont suscité le moindre doute concernant le fait que ces
7 documents auraient peut-être fait l'objet d'un traitement particulier
8 pendant toute la période au cours de laquelle ils ne vous ont pas été
9 remis, c'est-à-dire les trois années en question ? Merci.
10 R. Je vois où vous voulez en venir. Ayant examiné ces documents dans la
11 mesure où je l'ai fait, je n'ai pas le moindre doute sur l'authenticité et
12 la fiabilité de ces derniers. Il pourrait être utile de connaître les
13 raisons de ce retard, mais ayant travaillé en profondeur sur ces documents
14 et ayant également examiné d'autres documents d'autres sources qui
15 corroborent ces premiers documents, je n'ai toujours pas le moindre doute
16 quant à leur authenticité et à leur fiabilité.
17 Q. Merci. Nous avons vu un enregistrement audio hier accompagnant sa
18 retranscription, et l'on constate que la retranscription est incomplète,
19 que certaines phrases y manquent. Mme le Juge Nyambe vous a posé une
20 question après cela. Vous souvenez-vous de cet épisode ?
21 R. J'aimerais être tout à fait certaine que nous parlons de la même chose.
22 Vous faites référence à l'intercalaire 4 du classeur, et Mme le Juge Nyambe
23 s'est tournée vers le Procureur en disant qu'elle avait du mal à suivre la
24 retranscription et l'enregistrement audio; c'est bien cela ?
25 Q. Oui. Merci. C'est cela.
26 R. C'est là un exemple d'une situation dans laquelle le SDB de Tuzla - et
27 je vous renvoie à l'intercalaire 4, que j'ai sous les yeux - où le SDB de
28 Tuzla appose une annotation au début de la conversation qui précise qu'ils
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1 ne sont en mesure d'entendre qu'un interlocuteur. Ils ont donc enregistré
2 la conversation de la personne appelée X, un officier de la VRS. Cette
3 retranscription ne reprend que les propos de X.
4 Lorsque nous avons examiné les notes consignées par le lieutenant-
5 colonel De Ruiter des Nations Unies, ses notes contenaient cinq points
6 distincts évoqués dans cinq paragraphes différents. Dans la conversation
7 enregistrée par le SDB, étant donné qu'ils n'entendaient qu'un
8 interlocuteur, c'est-à-dire l'officier de la VRS, seuls les points 2 et 5
9 sont repris dans la retranscription de la conversation. Toutefois, si vous
10 examinez la retranscription finale, où sont reflétés les propos des deux
11 interlocuteurs, dans cette conversation, vous trouverez les points 1 à 5
12 conformément à la teneur des notes du lieutenant-colonel De Ruiter.
13 Je ne sais pas si ceci vous permet de mieux comprendre comment il se
14 fait que certaines parties puissent manquer.
15 Q. Je comprends parfaitement pourquoi certaines parties manquent, les
16 parties correspondantes aux propos des interlocuteurs qui n'étaient pas
17 membres de la VRS. Chaque fois que des représentants de la FORPRONU sont
18 enregistrés, une partie de la conversation manque. Par exemple, les
19 officiers de la VRS qui y ont participé. Toutefois, par la suite, en
20 écoutant l'enregistrement audio, on entend ce que dit M. Y et non pas
21 seulement ce que dit M. X, mais ceci ne se retrouve pas dans le rapport de
22 la Sûreté de l'Etat.
23 Ceci ne vous indique donc pas que la Sûreté de l'Etat a bien opéré
24 une sélection parmi ce qui vous a été transmis ou pas, et ceci n'a-t-il pas
25 une influence sur ce que vous pouvez considérer comme étant authentique ou
26 fiable ?
27 R. Je pense que nous devrions choisir un exemple précis pour pouvoir
28 vraiment traiter de ce point concrètement. Il est tout à fait possible,
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1 bien sûr, qu'il manque certains mots ou certains membres de phrases. Cela
2 dépend bien sûr aussi du nombre de fois que vous écoutez un enregistrement
3 audio. J'ai eu la possibilité d'écouter des cassettes et d'essayer de les
4 retranscrire, et c'est extrêmement difficile, et cela exige de grandes
5 compétences. Par ailleurs, il est arrivé que les services de Sûreté de
6 l'Etat ne procèdent qu'à un résumé de la conversation.
7 Dans toutes les analyses que j'ai effectuées, je ne me suis pas
8 retrouvée devant une situation où il existait de très grandes différences
9 entre les différents enregistrements et retranscriptions de conversations.
10 Que l'ABiH ou le SDB de Tuzla ou les Croates aient été à l'origine de ce
11 travail, je n'ai pas constaté de différences significatives, ni par rapport
12 aux nouvelles cassettes que nous avons écoutées.
13 Q. Merci. Hier au cours de votre interrogatoire principal, le Procureur
14 nous a fait entendre un enregistrement audio, et jusqu'à un certain point,
15 nous avons été en mesure de suivre. Et par la suite, nous avons constaté
16 qu'un certain nombre de phrases manquaient dans le texte. Puis, après ces
17 quelques phrases manquantes, la retranscription s'est poursuivie et le
18 service de Sûreté de l'Etat vous a communiqué ce document comme étant
19 authentique et fiable alors que nous avons tous été en mesure de constater
20 que la retranscription n'était pas complète et que deux ou trois phrases
21 importantes manquaient, rendant ce document dépourvu de fiabilité et
22 d'authenticité. Voilà l'exemple que j'avais à l'esprit.
23 Ma question est donc la suivante : est-il possible que les services
24 de Sûreté de l'Etat aient procédé à une sélection de sorte à ne vous
25 communiquer que certains éléments ?
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire
28 référence à une bande audio bien précise, celle dont vous parlez dans votre
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1 question, pour que nous soyons bien sûrs de parler de la même chose.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie de me donner la parole,
4 Monsieur le Président. Je suis debout parce que je pense que la situation
5 ici est un peu confuse. On le voit d'ailleurs dans la question posée par M.
6 Tolimir. Les choses sont un peu confuses. Avant-hier, mercredi, lorsque
7 nous avons entendu la bande, on a entendu une bande, c'est-à-dire un
8 enregistrement audio, et il y avait la transcription de cette bande audio,
9 une transcription qui n'avait rien à voir de l'enregistrement de la même
10 conversation mais faite, cette fois-ci, par le SDB. Donc, on avait deux
11 transcriptions et une seule bande audio. En ce qui concerne ce qui manque
12 dans une des transcriptions, ça, ce n'est pas très clair dans la question
13 de M. Tolimir, puisqu'il n'a pas expliqué au témoin qu'il y avait deux
14 transcriptions et que, pour ce qui est d'une transcription, elle a été
15 faite par un camp qui ne pouvait entendre qu'un côté de la conversation,
16 donc sur une bande audio qui est différente de la bande audio que le SDB,
17 lui, a utilisée pour sa propre transcription.
18 Donc, la question n'est pas du tout claire. Il faudrait que M.
19 Tolimir la repose afin que nous sachions exactement de quoi nous parlons.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, qu'avez-vous à dire
21 ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin veut voir la transcription papier.
23 Elle trouvera cela à l'intercalaire 4. C'est en date du 9 juillet. C'est un
24 document qui vient de la DB, de la Sûreté de l'Etat. Nous avons pu entendre
25 la totalité de l'enregistrement audio jusqu'à la quinzième ligne. C'était
26 parfaitement identique jusqu'à la quinzième ligne, de la première à la
27 quinzième ligne. Mais à partir de la quinzième ligne, il manque un
28 paragraphe entier, alors que l'on entendait très bien ce paragraphe sur la
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1 bande audio et on entendait la personne de l'autre côté de la ligne alors
2 que le SDB déclare qu'il ne pouvait pas l'entendre.
3 M. TOLIMIR : [interprétation]
4 Q. Alors, comment cela se fait-il ? Le SDB dit qu'ils ne peuvent pas
5 entendre l'interlocuteur et on ne peut pas vérifier qu'ils n'entendent pas.
6 Ce n'est pas possible d'utiliser cet exemple lorsque l'on juge de
7 l'authenticité et de la fiabilité d'un document.
8 R. Nous ne parlons pas de la même chose. D'un côté, on a entendu une bande
9 audio qui était à l'intercalaire 4, hier, et on pouvait entendre les deux
10 côtés de la conversation. C'est vrai, mais ce n'était pas l'enregistrement
11 que possédait le SDB, à l'époque. Dans l'enregistrement du SDB de l'époque,
12 on n'entendait qu'un seul côté de la conversation. On ne l'a pas entendue.
13 On a vu la transcription, rien de plus.
14 Mais pour répondre à votre question, lorsque vous dites que le SDB
15 aurait peut-être pu tout simplement couper délibérément des passages des
16 bandes qu'ils nous ont données et des éléments qu'ils nous ont donnés,
17 voici ce que je pourrais répondre. Ma réponse est négative, c'est
18 impossible. Je vais m'expliquer. Il n'y a pas que le SDB mais il y a aussi
19 les militaires, et pas uniquement l'ABiH mais aussi les Croates, et tous
20 les autres documents dont nous disposons, sachez que ce sont tous des
21 personnes qui font exactement la même chose qu'un sténotypiste. Ils ont
22 l'habitude de faire ce travail, le même travail que font les sténotypistes
23 ou les interprètes. Donc, ce sont des gens qui sont extrêmement compétents,
24 bien formés et qui sont formés à noter exactement ce qu'ils entendent,
25 qu'ils soient ou non d'accord avec ce qu'ils entendent, qu'ils puissent
26 penser aussi qu'on pourrait l'exprimer différemment ou de bien meilleure
27 façon. Mais ils sont là pour enregistrer ce qu'ils entendent, rien de plus.
28 J'ai travaillé avec ces pièces, toutes ces pièces, et je sais, du fait
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1 d'avoir travaillé avec toutes ces pièces, que c'est ainsi que les gens
2 procédaient.
3 Alors, il peut très bien y avoir une faute dans la transcription,
4 tout comme parfois nous avons des erreurs au compte rendu de l'audience, ça
5 peut arriver, l'erreur est humaine, mais ce n'est pas systématique, c'est
6 impossible.
7 Q. Je vous remercie de votre réponse. Donc, je vois que vous connaissez
8 bien la question et j'aimerais que vous nous disiez où ces personnes ont
9 été formées, par qui et comment.
10 R. Je n'en sais rien. Je sais que certains ont été formés en interne au
11 cours de la guerre, au cours du conflit en Bosnie-Herzégovine. Quant à
12 savoir à quelle école ils ont été envoyés, je ne sais pas. Il faudrait leur
13 demander.
14 Q. Merci. J'ai posé la question, d'ailleurs, et les réponses sont dans le
15 compte rendu. Revenons-en à cette fameuse transcription que nous avons à la
16 page 4, intercalaire 4. Vous dites que la Sûreté de l'Etat ne pouvait pas
17 entendre un côté de la conversation, mais à la ligne 16, on voit bien
18 qu'ils sont parfaitement capables de l'entendre. Alors, la DB semble
19 pouvoir être capable d'entendre ce qu'elle veut bien entendre et rien
20 d'autre. Comment se fait-il qu'ils entendent une personne sur une ligne et
21 on n'entend pas la personne qui parle sur la ligne suivante alors que sur
22 l'enregistrement audio, on pouvait entendre les deux interlocuteurs ? Est-
23 ce que cela signifie que tous les mots prononcés par les représentants des
24 Nations Unies étaient omis et qu'ils ne transmettaient ce que disait une
25 personne que parce qu'ils l'avaient entendue ? Mais il était impossible
26 qu'ils ne puissent pas entendre l'un des interlocuteurs du tout. A la ligne
27 16, par exemple, on voit une personne qui semble dire "O.K.". Vous le voyez
28 ?
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1 R. Oui. C'est après le "Hello, hello. O.K.".
2 Q. Oui. Et la personne X dit : "Répétez, s'il vous plaît," "Please
3 repeat." Et la réponse est "O.K.". Ou bien, regardez la ligne 1, si pour
4 vous c'est plus simple. Lorsqu'ils établissent la communication, quelqu'un
5 dit "Hello", "Bonjour." L'autre personne dit "Bonjour," et cetera, et
6 cetera.
7 Vous avez analysé toutes les transcriptions écrites et j'aimerais
8 savoir si vous avez remarqué qu'en ce qui concerne les transcriptions de la
9 DB, ils n'ont jamais relayé les propos des représentants de la FORPRONU ou
10 de toute personne autre qui soit en train de parler avec les membres de
11 l'armée. L'avez-vous remarqué ? Et si vous ne l'avez pas remarqué, pourquoi
12 ?
13 R. Passons à l'intercalaire 5 --
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, si nous passons à l'intercalaire
15 5. Pour le compte rendu, il nous faut une citation bien précise de la
16 transcription. Dans votre question, Monsieur Tolimir, vous dites qu'il y
17 avait une réponse qui était : "Ok." Mais dans la transcription, on voit X
18 qui dit :
19 "Allo. Bonjour. Je n'entends rien. Vous devez tout répéter, je n'ai rien
20 compris. Veuillez tout répéter."
21 Et la réponse est :
22 "Ok."
23 Mais moi, je ne le vois pas du tout dans la transcription écrite. Je ne
24 vois pas où X aurait répété "Ok." Donc, je voulais juste que ceci soit noté
25 au compte rendu de l'audience. On ne sait pas dans ce document écrit où est
26 la question et où est la réponse.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas vraiment précis. Il n'est pas
28 vrai de dire qu'il ne consignait que ce que disaient les membres de la VRS,
Page 5206
1 puisqu'il y a des exemples où, en effet, cela s'avère, mais d'autres - et
2 nous en avons parlé d'ailleurs et je suis sûre que vous en avez parlé aussi
3 avec d'autres témoins qui sont déjà venus ici. Souvent, ils ne pouvaient
4 entendre qu'un côté de la conversation. Passez à l'intercalaire 10 par
5 exemple. Là dans cette conversation, ils entendent l'interprète et le
6 général Tolimir. Donc, tout dépend de ce qu'ils arrivaient à entendre, de
7 la force du signal qu'ils arrivaient à intercepter. Je ne vois vraiment pas
8 quels auraient été leurs motifs pour éliminer les propos des représentants
9 des Nations Unies. Et lorsque j'ai analysé ces informations, je n'ai jamais
10 trouvé cette tendance dont parle M. Tolimir.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, vous étiez prêt
12 à vous lever.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. En ce qui concerne le premier point,
14 donc le passage auquel faisait référence le général Tolimir, sachez qu'il
15 s'agit de la transcription effectuée par le MUP, 9 juillet 1995. Deuxième
16 page derrière l'intercalaire, quatre lignes à partir du haut, on voit X
17 dire :
18 "Bonjour. Je n'entends rien. Vous allez devoir tout répéter, je n'ai rien
19 compris. Veuillez s'il vous plaît tout répéter."
20 Et ensuite, X dit :
21 "Ok."
22 Ça, c'est dans la transcription du MUP. Ensuite, on trouve la transcription
23 complète, qui vient d'une bande qui a été obtenue dans le cadre d'une
24 saisie. Ce n'est pas du tout la même chose que la bande obtenue, donnée par
25 le MUP avec la transcription du MUP dont on vient juste de donner lecture.
26 Je peux vous donner une référence exacte.
27 Donc, vous le trouverez en fait sur la première page de la transcription
28 complète, c'est-à-dire la transcription qui vient d'un matériel qui a été
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1 saisi. Et ce n'est pas du tout les bandes que détenait le MUP. A la
2 dernière ligne, on voit bien qu'il y a un "Ok" qui est attribué au général
3 Tolimir, qui serait le X dans l'autre transcription. Et si vous allez
4 jusqu'à la ligne où le général Tolimir parle avant ce "Ok," vous voyez
5 qu'il est écrit :
6 "Je n'ai rien compris. Veuillez s'il vous plaît répéter."
7 Cela correspond parfaitement avec les propos qui sont attribués à X dans la
8 transcription du MUP.
9 Autre chose que je voulais dire, le fait que le MUP n'entende qu'un côté et
10 jamais le côté de la FORPRONU. Nous avons déjà un témoin qui est venu
11 parler, et vous savez que pour ce qui est par exemple de l'intercalaire 10,
12 11 et 12, dans ces conversations, on entend très bien les deux participants
13 à la conversation et ils sont tous les deux retranscrits par le MUP. Je
14 voulais que ce soit clair.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai un petit problème avec ce que
16 vous venez de nous affirmer. Vous n'êtes pas là pour témoigner,
17 malheureusement.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Vous avez tout à fait.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais tout est au compte rendu
20 maintenant. Nous avons le dossier, nous avons les intercalaires. Hier, nous
21 avons reçu les documents et nous pouvons lire tout aussi bien que vous.
22 Sachez-le. Donc, je pense que M. Tolimir devrait poursuivre son contre-
23 interrogatoire.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 M. TOLIMIR : [interprétation]
26 Q. Question suivante : si dans une transcription 50 % de la conversation
27 manque, s'il y a un des interlocuteurs qu'on n'entend pas du tout, peut-on
28 considérer néanmoins que la conversation est fiable ?
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1 R. Les 50 % que l'on entend, de mon avis, peuvent être considérés comme
2 étant fiables.
3 Q. Merci. Et comment avez-vous évalué la fiabilité de ces 50 % en tant
4 qu'analyste, et comment savez-vous ce que peut bien dire l'autre personne,
5 puisque s'il répond par exemple et qu'on n'entend pas la question, comment
6 pouvez-vous vous y retrouver ? On a des exemples de ce type, un grand
7 nombre d'entre eux d'ailleurs.
8 R. Oui. Nous avons parlé du concept de fiabilité, enfin, de ma définition
9 du terme de fiabilité. Et comme je l'ai dit, cela a à voir avec la
10 procédure interne employée pour enregistrer les conversations, la formation
11 reçue par les agents chargés d'effectuer ces écoutes, les pratiques
12 utilisées, le fait aussi d'analyser la totalité des matériels et les
13 lacunes et les parties manquantes aussi. Donc, si on ne peut entendre que
14 50 % d'une conversation, ces 50 % peuvent être considérés comme étant
15 fiables.
16 Q. Bien. En ce qui concerne la conversation que nous avons vue à
17 l'intercalaire 4, qui a été utilisé en présence d'un autre témoin, pour
18 indiquer à quel point j'étais responsable de tout ce qui s'était passé à
19 Srebrenica, et pour expliquer à quel point je n'avais pas fait ce que mon
20 interlocuteur m'avait demandé, or, hier, dans le compte rendu, on a vu que
21 ce n'était pas le cas. Alors, c'est fiable ou ce n'est pas fiable ?
22 R. Il est difficile pour moi de faire des commentaires à propos de la
23 déposition d'un autre témoin. Je ne sais pas ce qu'ils ont dit. Je ne sais
24 pas dans quel contexte ils l'ont dit.
25 Je ne suis venue ici que pour parler des conversations interceptées, mais
26 en tant qu'ensemble. Je ne suis pas venue ici pour parler de
27 responsabilités qui incomberaient à l'un ou à l'autre.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une petite question pour essayer
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1 d'aller au fond des choses.
2 Avez-vous essayé de savoir pourquoi parfois, enfin à plusieurs reprises
3 d'ailleurs, une seule partie de la conversation était entendue, y avait-il
4 une explication technique qui pourrait expliquer pourquoi parfois on entend
5 les deux locuteurs et parfois on entend qu'un ? Avez-vous enquêté sur le
6 sujet, en tant que membre du bureau du Procureur, pour essayer de savoir ce
7 qui s'était passé ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Surtout lorsque nous avons rencontré
9 différentes versions d'une même conversation pour essayer de comprendre
10 pourquoi parfois dans un enregistrement on entend les deux participants, et
11 parfois dans un autre enregistrement d'une même conversation on n'entend
12 pas les deux, on en entend qu'un. Pourquoi parfois une conversation débute
13 à un certain moment et dans un autre enregistrement de cette même
14 conversation elle commence à un autre moment.
15 Donc du point de vue technique, en ce qui concerne le SDB, il est
16 vrai que parfois ils pouvaient entendre les deux locuteurs et parfois ils
17 n'entendaient qu'un seul locuteur. Mais ça je ne leur ai pas posé la
18 question. Je ne sais pas techniquement pourquoi parfois ils pouvaient
19 entendre les deux côtés de la conversation et pourquoi parfois ils ne
20 pouvaient pas.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame le Juge Nyambe a une question.
22 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] A la page 57, ligne 23, --
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]
24 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Il s'agit de la page 55, en fait,
25 page 55, ligne 23.
26 Général Tolimir vous parle de la conversation et voici ce qu'il dit :
27 "La conversation que nous avons vue à l'intercalaire 4 a été présentée à un
28 autre témoin pour illustrer que tout était de ma faute," et cetera, et
Page 5210
1 cetera.
2 Bon, j'ai quelques clarifications, on parle toujours de cette intercalaire
3 4 qui est au dossier dont nous disposons; c'est bien cela ?
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Vous me posez la question à moi ?
5 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je la pose à quelqu'un en tout cas.
6 M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien. Je vais donc répondre.
7 Je pense, en effet, que nous faisons référence à cette intercalaire 4 du
8 classeur que vous avez sous les yeux.
9 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Oui. Vous avez répondu en disant :
10 "Je ne veux pas me lancer dans des commentaires à propos de la déposition
11 de quelqu'un d'autre," et cetera, et cetera, mais dans l'intercalaire
12 numéro 4 ici, on a un document qui nous a été présenté hier et qui fait
13 référence au rapport 521; vous ne pouvez pas faire de commentaire là-dessus
14 ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas quelle a été la déposition d'un
16 autre témoin à propos de ces pièces.
17 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Bien. Bien.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur
19 Tolimir.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 M. TOLIMIR : [interprétation]
22 Q. J'ai une question pour terminer ce point. Avez-vous essayé de savoir si
23 le SDB n'aurait pas opéré des coupes délibérées dans ces documents qu'ils
24 souhaitaient présenter au Tribunal et aux enquêteurs, et avez-vous essayé
25 de savoir si le SDB avait ensuite restitué ces documents à l'armée qui
26 avait au départ donné les documents au SDB ?
27 R. Je vais répondre à la première partie de votre question, à savoir si
28 nous avons essayé de savoir si le SDB opérait des sélections dans les
Page 5211
1 éléments qu'il souhaitait présenter au Tribunal. Eh bien, oui, nous nous
2 sommes penchés là-dessus.
3 Nous avons demandé que tous les enregistrements de la SDB soient
4 donnés au Tribunal. Nous leur avons bien fait savoir cela en juillet 1999
5 lorsque nous avons obtenu le premier lot de documents. Vous verrez qu'il y
6 a des documents qui manquent parce que c'est une numérotation séquentielle
7 et il manque des numéros.
8 Nous avons bien fait savoir au SDB que nous voulions recevoir la
9 totalité des documents et non pas une sélection de documents.
10 Ce que nous avions reçu au départ était en effet une sélection de
11 documents.
12 Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, je dois dire que je
13 ne la comprends pas.
14 Q. Bien. La deuxième partie de la question était la suivante : j'aimerais
15 savoir si après avoir sélectionné, donc opéré des coupes, si le SDB après
16 avoir sélectionné ce qu'ils voulaient donner au Tribunal, s'ils avaient
17 restitué à l'armée tous les documents, le reste des documents donc et
18 ensuite c'est l'armée qui vous a donné les documents qui n'avaient pas été
19 sélectionnés par le SDB ?
20 R. Mais ce n'est pas comme ça que cela s'est passé.
21 Q. Je vous ai demandé si la Sûreté de l'Etat avait fait une sélection
22 parmi les éléments. Et ensuite après la sélection, ont-ils rendu la
23 totalité des éléments à l'armée et c'est ensuite l'armée qui vous a tout
24 donné en 1998 ? Vous pouvez répondre à la question.
25 R. Je crois qu'il faut faire une différence entre les trois documents dont
26 vous avez parlé, le P788, P789, et peut-être le P787, faire une différence
27 entre ce qui a été demandé et ce qui est véritablement arrivé. Je
28 m'explique, nous étions en contact direct avec les militaires. Nous avons
Page 5212
1 conservé tout ce que les militaires nous avaient donné. Nous leur avons
2 restitué des photocopies, enfin des copies des bandes audio qu'ils nous
3 avaient données, mais nous avons conservé tout ce que les militaires nous
4 ont donné. En ce qui concerne ce que nous a donné le SDB, nous avons aussi
5 tout conservé.
6 Donc nous avions deux relations bien précises, bien distinctes, une avec
7 les militaires et une avec la Sûreté de l'Etat, le SDB. Ils ont partagé des
8 informations en 1995, informations qui ont été entrées dans leurs rapports,
9 dans les rapports que faisaient les militaires d'un côté et le SDB de
10 l'autre. Donc on a obtenu des informations redondantes, on obtenait la même
11 information des militaires et de la police.
12 Q. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir --
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. J'ai une question à vous poser pour le compte rendu.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous avez dit que
17 vous aviez une dernière question pour conclure, et votre conclusion n'est
18 toujours en vue. Il va falloir que nous fassions la pause, et nous
19 reprendrons donc à 6 heures 20.
20 --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.
21 --- L'audience est reprise à 18 heures 21.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, veuillez
23 poursuivre.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 M. TOLIMIR : [interprétation]
26 Q. Pour ne pas reposer ma question, même si je pourrais le faire, puisque
27 vous n'y avez pas encore répondu, je vous redemande en quelle année vous
28 avez reçu ces documents. Vous avez dit que vous avez commencé par les
Page 5213
1 recevoir de l'armée et ensuite de la Sûreté de l'Etat, mais il est
2 important de préciser aux fins du compte rendu, de préciser donc l'année au
3 cours de laquelle vous les avez reçus.
4 R. Nous avons reçu les documents de l'armée à partir de mars 1998, et nous
5 avons reçu les documents du service de la Sûreté de l'Etat en juillet 1999.
6 Q. Merci. Ma question est la suivante : vous êtes-vous demandée pourquoi
7 ces documents vous ont été remis à un stade aussi tardif ?
8 R. Je crois que le mémo de Jean-René Ruez serait la meilleure source pour
9 trouver réponse à cette question. Il avait demandé à plusieurs reprises que
10 ces documents soient remis au fil des années, et à la fin de l'année 1997
11 il a renouvelé sa demande. Elle a été accueillie favorablement, et une
12 mission a été prévue pour mars 1998, mission au cours de laquelle les
13 premiers documents ont été remis par le 2e Corps de l'armée de Tuzla,
14 l'ABiH.
15 Q. Merci. Bien entendu, nous allons l'examiner puisque vous l'avez
16 demandé, je parle du mémo de M. Ruez, mais nous pourrons le faire plus
17 tard. Nous n'avons pas le temps pour l'instant. Nous avons examiné ces
18 trois autres documents il y a quelques instants, dans lesquels on a vu que
19 tous les enregistrements audio étaient censés être remis au service de
20 Sûreté de l'Etat. Pourquoi, donc, toutes les décisions des instances
21 compétentes n'ont-elles pas été respectées ? Pourquoi les documents ont-ils
22 été ensuite remis à l'armée et l'armée vous a-t-elle remis les documents en
23 question en 1998, et ensuite d'autres documents vous ont été remis par la
24 Sûreté de l'Etat en 1999, plus tard donc ?
25 R. Non, je crois que votre description est erronée. J'ai également établi
26 une forte distinction entre les trois documents que vous avez montrés et la
27 chronologie de la réception par le bureau du Procureur des conversations
28 interceptées.
Page 5214
1 Je ne parviens pas à établir un lien entre votre déclaration, ces
2 lettres, et l'évolution des liens établis entre le bureau du Procureur et
3 l'armée et la Sûreté de l'Etat eu égard à la remise des conversations
4 interceptées. Je pense que j'ai déjà passé en revue avec vous la
5 chronologie des événements, la chronologie des différentes réceptions des
6 documents, j'ai dit de qui nous les avions reçus, ce que nous avions reçu
7 et à quel moment nous les avions reçus. Je peux bien sûr recommencer, mais
8 je ne peux tracer ce lien entre les trois documents de 1995, juillet et
9 août 1995, et la réalité des choses, la situation que nous avons vécue au
10 printemps 1998.
11 Q. Merci. Je ne vous demande pas votre avis sur la question. Je vous
12 demande simplement si vous vous êtes penchée sur la question ou pas. Le
13 premier document, je vous ai lu la dernière phrase où il est dit la Sûreté
14 de l'Etat dit à l'armée le 24 septembre :
15 "Nous avons besoin des enregistrements audio afin de constituer un
16 dossier, qui sera ensuite remis au Tribunal international de La Haye."
17 Vous vous souvenez de cela, j'en suis sûr. C'est le premier document.
18 Puis dans le deuxième document, le document du général chargé de la
19 sécurité de l'ABiH, en tout cas l'état-major principal de l'ABiH, Jusuf
20 Jasarevic, où il dit que les enregistrements audio doivent être remis au
21 MUP de façon à ce que le dossier puisse être constitué pour le Tribunal
22 international. Donc, il sait, lui aussi, qu'on est en train de constituer
23 un dossier.
24 Puis le troisième document --
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que le témoin est tout à
26 fait au fait de la teneur de ces trois documents. Nous les avons examinés.
27 Chacun a eu le loisir d'en prendre connaissance, et vous avez déjà posé de
28 nombreuses questions au témoin sur ce point. Alors, pour gagner du temps,
Page 5215
1 je vous invite véritablement à adresser une question au témoin, qui connaît
2 tout à fait ces documents maintenant.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais je n'ai pas
4 obtenu de réponse à la question de savoir si le témoin a cherché à savoir -
5 -
6 M. TOLIMIR : [interprétation]
7 Q. Qui a véritablement constitué le dossier censé être remis à ce
8 Tribunal, et pourquoi les instructions de Jasarevic n'ont pas été suivies ?
9 R. Je pense avoir déjà dit plusieurs fois que la première fois que j'ai vu
10 ces documents c'était en mars 2007 au cours de mon contre-interrogatoire
11 dans le procès Popovic. J'achevais à ce moment-là mon travail au sein de
12 l'équipe de Srebrenica, et je n'ai plus travaillé sur ces documents sur
13 cette affaire après la fin de mon contre-interrogatoire dans cette affaire.
14 Par conséquent, ma réponse est la suivante : non, je n'ai pas cherché à le
15 savoir, et ma réponse est donc, je ne sais pas.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, passez à votre
17 question suivante, s'il vous plaît.
18 M. TOLIMIR : [interprétation]
19 Q. Merci. Voilà, vous venez de dire ce que j'attendais de vous.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on examiner, s'il vous plaît, par
21 l'intermédiaire du prétoire électronique, le document D48, page 251 de
22 l'étude des services du Renseignement sur la guerre en Bosnie-Herzégovine.
23 Troisième paragraphe. Merci.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.
25 M. TOLIMIR : [interprétation]
26 Q. Merci. Alors, on voit la page à droite, page 251, celle que j'ai
27 demandée, et on y lit ce qui suit, paragraphe 3 :
28 "D'après des officiers canadiens, la NSA a été en mesure d'intercepter, de
Page 5216
1 décoder et de lire les transmissions militaires encodées des Musulmans de
2 Bosnie, des Serbes, et des Serbes de Bosnie.
3 "A partir de 1994, un groupe spécial de Bosnie intervenait à la NSA.
4 Après interception, un signal a été traduit, traité et analysé, et en
5 l'espace de quatre heures, se trouvaient sur le bureau du chargé du
6 renseignement ou de l'organe du renseignement équivalent à la CIA ou au
7 département d'Etat. D'après un officier du renseignement américain, au
8 cours de cette période, cette équipe de la NSA a mené à bien l'une des
9 meilleures opérations de son histoire."
10 Ma question est la suivante : n'avez-vous jamais entendu parler de cela, et
11 si oui, pouvez-vous nous faire part de vos commentaires ?
12 R. Non, je n'en ai jamais entendu parler.
13 Q. Merci. En tant qu'enquêtrice, n'avez-vous jamais cherché à savoir ce
14 que pensaient ces services du renseignement étrangers qui avaient bien sûr
15 les plus grandes capacités, ce que ces services du renseignement étrangers
16 pensaient de l'objet de vos enquêtes ?
17 R. Mais c'était totalement dénué de pertinence vis-à-vis de notre enquête.
18 Nous tâchions d'obtenir des informations, comme je l'ai dit plus tôt. Nous
19 ne l'avons pas obtenue, cette information, et on avait l'impression d'être
20 dans l'impasse.
21 Q. Merci. Et c'est précisément pour cela que je vous pose la question,
22 puisque vous ne saviez pas si la Bosnie allait vous remettre ce que vous
23 demandiez, même si la promesse vous avait été faite que ce serait fait,
24 avez-vous, en tout cas le bureau du Procureur ou votre équipe d'enquête,
25 avez-vous demandé des informations de la part de ces grands pays qui
26 étaient signataires des accords de paix de Dayton et qui avaient leurs
27 propres hommes, leurs propres forces, et l'on voit bien d'ailleurs ce que
28 faisaient les Américains ici. Merci.
Page 5217
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. Je vous demanderais, Monsieur
2 Vanderpuye, à ce que la réponse soit entendue, et ensuite votre objection
3 seulement.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons demandé et nous n'avons rien reçu.
5 Comme je l'ai déjà dit plus tôt dans l'après-midi, nous avons reçu une très
6 petite quantité d'information des Etats-Unis, des noms de code surtout.
7 Alors, peut-être une toute petite chose d'autres pays, mais c'est tout. La
8 porte nous était fermée, et il nous fut impossible d'obtenir des
9 informations utiles de la part de ces instances.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais
12 simplement vous rappeler la préoccupation déjà évoquée par le bureau du
13 Procureur s'agissant de ces aspects liés à l'article 70 du Règlement. Je
14 sais que vous en avez déjà parlé, mais il me semble que cette question
15 pourrait amener à l'évocation d'information répondant à cette description.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais je crois que le témoin est tout
17 à fait conscient de cette ligne rouge à ne pas franchir, et on le constate
18 tout à fait, d'ailleurs, à la réponse que nous venons d'entendre. Merci
19 beaucoup.
20 Monsieur Tolimir.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci beaucoup.
22 M. TOLIMIR : [interprétation]
23 Q. J'aimerais que vous examiniez ce dernier paragraphe, encore une fois,
24 où il est dit qu'en 1994, un groupe spécial de Bosnie existait de l'organe
25 de la Sûreté de l'Etat. Et j'ai lu pourquoi dans le paragraphe précédent.
26 Ma question est donc la suivante : cette période où ils auraient été
27 présents en Bosnie et leurs activités consistant donc à recueillir des
28 données électroniques, ceci coïncide-t-il avec la période couverte par ces
Page 5218
1 conversations interceptées que vous avez analysées en votre qualité
2 d'enquêtrice pour le bureau du Procureur ? Merci.
3 R. Je n'ai absolument pas connaissance de l'existence de ce groupe spécial
4 de Bosnie, et je ne connais pas non plus le document dont nous parlons.
5 Q. Merci. Eh bien, j'ai cité le document et vous demandais simplement si
6 en 1994 ou en 1995, l'activité de ce groupe a coïncidé -- enfin c'est une
7 pièce à conviction, n'est-ce pas. Je me demandais donc si ce travail qu'il
8 semble réaliser coïncidait avec la période à propos de laquelle vous avez
9 analysé des documents. Mais enfin, j'ai pris en compte votre réponse.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on examine maintenant la page 47
11 dans le prétoire électronique de cette même pièce D48. C'est une étude sur
12 la Bosnie-Herzégovine et les activités de renseignement dans le cadre de
13 cette guerre.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Nous aimerions examiner le premier paragraphe à droite. Vous le voyez à
16 l'écran ? On lit :
17 "Néanmoins, un général de l'ABiH a prétendu que les messages avaient
18 été effectivement interceptés et analysés en temps réel. Cette affirmation
19 doit toutefois être prise avec des pincettes. Si les Musulmans de Bosnie,
20 effectivement, ont procédé à des interceptions de communication en temps
21 réel, pourquoi ne pas les avoir utilisées. D'après un officier du
22 renseignement américain, ça aurait été 'la meilleure campagne de relations
23 publiques jamais réalisée', et les Musulmans de Bosnie auraient pu crier au
24 meurtre, s'ils avaient eu la moindre influence sur les mesures prises dans
25 le domaine militaire ou politique, ils auraient dû être disponibles le soir
26 du 10 juillet au plus tard."
27 C'est donc l'avis de cette instance qui enquête ici et qui est à l'origine
28 de cette étude sur la guerre du renseignement menée à l'époque en Bosnie-
Page 5219
1 Herzégovine. Merci.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,
3 Monsieur Tolimir.
4 Monsieur Vanderpuye, y a-t-il un problème posé par la présentation au
5 public de ce document ?
6 On m'a fait savoir que ce document n'apparaîtrait pas hors du prétoire
7 puisque c'est un document confidentiel.
8 Maître Gajic.
9 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une étude de
10 Cees Wiebes. Et je vois document public, je ne comprends donc pas pourquoi
11 ce document n'est pas montré au public. C'est un document qui est public et
12 qui forme partie intégrante de l'enquête menée par l'Institut néerlandais
13 sur les documents de guerre.
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais
17 que nous passions à huis clos partiel un instant.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience à
19 huis clos partiel.
20 [Audience à huis clos partiel]
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4 (expurgé)
5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, poursuivez.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 M. TOLIMIR : [interprétation]
9 Q. Saviez-vous que ce livre qui vient de l'Institut néerlandais a été
10 publié dès 2003, avant votre témoignage dans les affaires auxquelles nous
11 avons fait référence, en tout cas avant votre déposition dans l'affaire
12 Popovic. Avez-vous pu relire les passages pertinents de cette étude qui ont
13 trait aux analyses que vous avez menées ?
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Ce document n'a pas été publié par l'Institut néerlandais. L'année de
16 publication est correcte, c'est bien 2003, mais ça n'a pas été publié par
17 cet institut. Il faudrait donc que M. Tolimir reformule sa question, parce
18 que s'il déclare que ce document provient de l'Institut néerlandais de la
19 documentation de guerre, cela pourrait induire le témoin en erreur dans sa
20 réponse.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic, avez-vous la source
22 exacte de ce document ?
23 M. GAJIC : [interprétation] Pour clarifier les choses, pourrions-nous tout
24 simplement avoir la page 5 de ce document à l'écran. La page 5, s'il vous
25 plaît. Ce qui nous intéresse, c'est la page de droite.
26 Dernier paragraphe, s'il vous plaît : "Cette étude est une annexe au
27 rapport de Srebrenica."
28 Le témoin pourrait-il prendre connaissance de ce paragraphe ainsi que tout
Page 5223
1 le monde dans le prétoire, d'ailleurs, et je pense qu'ainsi nous pourrions
2 savoir d'où provient exactement ce document.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourrions-nous avoir le bas de la
4 page à l'écran, y compris les notes de bas de page.
5 Madame le Témoin, vous souvenez-vous de la question ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens juste de la réponse à la
7 question. J'avais dit "Non," mais je ne m'en souviens plus très bien. Je
8 vais la relire.
9 M. Tolimir s'est corrigé lorsqu'il a dit que c'était avant que je ne
10 témoigne dans l'affaire Popovic, donc après ma déposition dans l'affaire
11 Krstic. Donc 2003, c'était avant que je témoigne dans l'affaire Popovic,
12 mais après que j'ai témoigné dans l'affaire Krstic, et ma réponse est, non,
13 je ne connais pas ce document.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. Monsieur Tolimir, c'est à vous.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je m'excuse si je me suis trompé, mais
16 je pense que c'est avant 2006 et 2007, lorsqu'elle a témoigné dans
17 l'affaire Popovic et consorts. Enfin, peut-être que je me trompe. Je ne
18 peux pas vérifier les choses en temps réel, malheureusement. Il me semble
19 que j'avais posé la question uniquement à propos de Popovic et consorts, et
20 cette affaire n'a pas été jugée avant 2003.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, le témoin vient justement de
22 dire ce que vous dites. Vous répétez ses propos. Elle a confirmé cela.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Il est
24 presque 19 heures.
25 M. TOLIMIR : [interprétation]
26 Q. Voici ma question : à quel moment êtes-vous arrivée à une conclusion à
27 propos du fait que ce matériel aurait été transmis en 1998, et non pas bien
28 avant lorsque vous étiez déjà en contact avec tous ces gens dès 1995,
Page 5224
1 puisque vous l'avez dit lors de votre interrogatoire et de votre contre-
2 interrogatoire, que vous étiez en contact avec ces personnes 1995. Pourquoi
3 n'ont-ils donné ces documents qu'en 1998 ? A quel moment êtes-vous arrivée
4 à une conclusion à propos de cela ?
5 R. Je ne peux pas dire que je sois arrivée à la moindre conclusion à
6 propos de la raison qui expliquerait pourquoi nous n'avons obtenu ces
7 documents qu'en 1998. J'ai donné mon avis sur une des raisons éventuelles,
8 et au vu de l'enquête et de l'avancement de l'enquête, je n'ai pas été
9 étonnée par le fait que ces documents nous arrivent avec un peu de retard.
10 Comme je l'ai dit, en 1995, la guerre était encore en cours et les
11 communications téléphoniques interceptées par radio sont des informations
12 extrêmement sensibles. Les agences de renseignement nous en rendaient bien
13 compte. Ils ne voulaient absolument pas révéler leurs sources et leurs
14 méthodes de travail. En 1996, au cours de l'enquête, nous avons eu accès à
15 la Republika Srpska et nous avons pu commencer à identifier les endroits où
16 les personnes avaient été détenues et exécutées. En 1997, ces travaux se
17 sont poursuivis, et en 1998, nous étions en mesure de procéder à des
18 perquisitions. Et aux alentours de 1998, nous avons enfin eu accès aux
19 conversations téléphoniques interceptées par radio. En 1998, les travaux se
20 sont poursuivis avec les exhumations, de nouvelles enquêtes,
21 l'identification d'éventuels participants aux crimes commis, et j'avais
22 l'impression que le déroulement des événements était parfaitement normal.
23 Lorsque j'ai commencé à travailler sur les documents reçus, nous avions des
24 doutes importants sur leur fiabilité et leur authenticité. Nous ne savions
25 pas si nous pouvions nous servir de ces documents pour poursuivre l'enquête
26 ou si cela pourrait servir à autre chose. Donc, j'ai continué à travailler
27 sur ces documents avec les équipes, non seulement avec les traducteurs mais
28 aussi en croisant cela avec des informations qui venaient d'autres parties
Page 5225
1 de l'enquête, et nous avons réussi à corroborer les conversations de façon
2 indépendante avec des documents saisis auprès de la VRS, aussi avec des
3 notes que nous ont transmis les officiels des Nations Unies, au travers
4 d'annuaires obtenus en Republika Srpska, nous avons aussi croisé cela avec
5 les images aériennes obtenues depuis différents services de différents
6 gouvernements et en combinant tous ces éléments, nous avons vu qu'ils se
7 corroboraient les uns les autres.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que l'heure
9 tourne, et je pense donc qu'il serait bon de poursuivre ce contre-
10 interrogatoire la semaine prochaine. J'ai un grand nombre de questions à
11 poser au témoin suite à sa réponse. Mais je tiens à vous remercier, et je
12 pense que nous devrons reprendre nos travaux ultérieurement. Je vous
13 remercie.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
15 Avant la pause, je tiens à soulever le problème des documents utilisés par
16 l'Accusation. Il y avait une longue liste - on en a déjà parlé mercredi
17 dernier, d'ailleurs - il y avait une longue liste divisée en quatre
18 catégories. Donc, nous avons admis les documents qui se trouvent dans les
19 chapitres 2 et 3, mais nous n'avons pas encore pris de décision en ce qui
20 concerne les documents qui sont aux chapitres 1 et 4, mais je tiens à dire
21 que si j'ai bien compris, la Défense a des doutes à propos d'une source, la
22 pièce P774. Cela dit, M. Vanderpuye nous a dit qu'il n'a aucune intention
23 de demander le versement de ce document, mais il veut demander le versement
24 de tous les autres. Donc, je demanderais à la Défense si elle a des
25 objections au versement au dossier de ces documents par l'Accusation.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense ne soulève
27 aucune objection quant au versement de quelque document que ce soit qui
28 porterait sur ma culpabilité. Nous ne soulevons aucune objection, quelle
Page 5226
1 que soit la nature du document, qu'il soit incriminatoire ou exonératoire,
2 mais nous voulons en revanche que l'on nous communique absolument tous les
3 documents qui existent.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. Tous les documents sur la liste
5 seront versés au dossier, mis à part le P774, et ils recevront les cotes
6 données. Certains de ces documents sont sous pli scellé et cela se trouve
7 sur la liste, d'ailleurs, c'est mentionné. D'autres n'ont pas encore de
8 traduction anglaise. Cela est aussi inscrit sur la liste. Et ces pièces
9 recevront une cote MFI en attendant qu'elles soient traduites.
10 J'espère que tout est clair en ce qui concerne le compte rendu.
11 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour le compte rendu, nous avons
13 besoin d'une petite clarification, qui nous sera apportée par notre
14 greffière.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce P773A et la pièce P773C
16 recevront une cote MFI en attendant une traduction, et je rajoute que la
17 pièce P773C sera versée au dossier sous pli scellé, donc MFI
18 scellé.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'était utile car ce n'était pas au
20 compte rendu.
21 Je vous remercie pour votre patience, Madame Frease. Malheureusement,
22 nous n'avons pas encore terminé avec votre contre-interrogatoire. Nous
23 allons lever la séance, et nous reprendrons dès lundi matin, dans ce même
24 prétoire. Et je tiens à vous rappeler que vous ne devez parler à quiconque
25 de la déposition que vous avez faite et vous allez faire.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc je vous souhaite un bon week-
28 end, et nous levons la séance.
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1 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le lundi 13 septembre
2 2010, à 9 heures 00.
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