Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 16 février 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans cette

  6   salle d'audience et à l'extérieur.

  7   Je voudrais d'abord soulever deux questions avant que le témoin n'entre

  8   dans le prétoire. Nous avons de nouveau hier parlé des pièces concernant le

  9   témoin Haglund et nous avons reçu l'information qu'il y avait encore quatre

 10   documents qui n'ont pas été traduits. Les autres documents seront versés au

 11   dossier. Et la Chambre a cru comprendre que les parties étaient d'accord

 12   sur les documents qui n'avaient pas besoin de recevoir de traduction. Le

 13   Greffier va faire circuler un mémorandum avec les numéros P pour chacun de

 14   ces documents, donc avec les cotes pour chacun de ces documents qui sont

 15   versés au dossier. Donc, ces documents seront distribués aux parties.

 16   Et, l'autre question, c'est qu'hier nous nous sommes laissés à huis clos

 17   partiel. Je voudrais indiquer pour le compte rendu d'audience que nous

 18   avons tenu notre audience jusqu'à 19 heures exactement et que j'ai fait

 19   moi-même l'erreur de ne pas demander que l'on revienne en audience publique

 20   avant que la séance ne soit levée.

 21   Donc, publiquement, il nous reste encore deux jours d'audience avant la fin

 22   de la semaine, donc aujourd'hui et demain, et il nous faut absolument

 23   terminer le témoin qui est ici. J'espère que nous allons pouvoir le

 24   terminer avant la fin du premier volet d'audience, et par la suite il y a

 25   deux autres témoins qui seront également au programme. Il y a le Dr

 26   Brunborg qui doit aussi revenir pour terminer son témoignage qu'il a entamé

 27   la semaine dernière. Je voudrais donc inviter les parties de se concentrer

 28   lorsqu'ils poseront des questions aux témoins sur les questions pour


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  1   lesquelles ces témoins sont appelés, ne pas perdre du temps avec d'autres

  2   questions superflues. Je crois que je dois le mentionner, surtout après

  3   l'expérience que nous avons vécue cette semaine avec notre témoin actuel;

  4   je crois que les deux parties ont pris beaucoup de temps, ont abordé un

  5   très grand nombre de questions portant sur les années 1992 et 1993 alors

  6   que le témoin est initialement appelé pour parler des événements qui se

  7   sont déroulés en 1995.

  8   J'inviterais donc les parties de bien se concentrer, de tenir compte du

  9   temps et de terminer le plus rapidement possible.

 10   Maintenant, s'agissant de M. Haglund, est-il encore prévu comme témoin de

 11   l'Accusation pour cette semaine, est-il au programme, Monsieur Thayer ?

 12   M. THAYER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 13   Monsieur les Juges. Oui, il est au programme, et c'est M. Brunborg.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ah, désolé, encore une fois je me

 15   suis trompé, excusez-moi. Non, non, ce n'est pas M. Haglund, mais bien M.

 16   Brunborg. C'est donc une raison de plus pour essayer de faire le plus

 17   rapidement possible.

 18   Alors très bien, je voudrais maintenant que l'on passe à huis clos

 19   partiel [comme interprété] et que l'on fasse entrer le témoin.

 20   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 21   [Audience à huis clos]

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   [Audience publique]

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'espère que nous allons pouvoir

  2   terminer votre audition très, très rapidement. Je voudrais vous rappeler

  3   que l'affirmation que vous avez prononcée, à savoir que vous allez dire la

  4   vérité et toute la vérité, est encore en vigueur.

  5   LE TÉMOIN : PW-013 [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Permettez-moi maintenant de vous dire

  8   ceci. Je sais que vous êtes dans une situation très difficile, votre

  9   position n'est pas facile. Si je vous interromps pour vous demander de

 10   ménager une pause entre les questions et les réponses, cela n'a rien à voir

 11   avec vous. Je ne veux pas que vous vous sentiez particulièrement pointé du

 12   doigt. Vous savez, ceci arrive très souvent avec un très grand nombre

 13   d'intervenants dans cette salle d'audience. Des fois c'est l'Accusation,

 14   des fois c'est M. Tolimir. Mais quand je vous arrête, ce n'est pas quelque

 15   chose qui est dirigé contre vous personnellement. Alors je vous prierais de

 16   ne pas le voir de cette façon.

 17   Alors, Monsieur Tolimir, vous allez continuer votre contre-interrogatoire.

 18   Je vous écoute, Monsieur Tolimir, c'est à vous.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 20   Messieurs les Juges. Que la paix règne en cette maison. Je souhaite saluer

 21   toutes les personnes présentes ainsi que le témoin, et j'espère que ce

 22   procès et cette journée se dérouleront selon la volonté de Dieu et non pas

 23   selon la mienne.

 24   Hier avant de terminer nous étions en train de regarder le document 1D584.

 25   Je demanderais donc que ce document soit affiché dans le prétoire

 26   électronique.

 27   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : [Suite]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste avant que la séance soit levée, j'étais


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  1   en train de citer ce qui était écrit dans le document. Alors nous voyons

  2   ici le document. Je demanderais que l'on agrandisse le passage, alors je

  3   vais en prendre connaissance.

  4   M. TOLIMIR : [interprétation]

  5   Q.  C'est un document de l'ABiH de la Brigade légère de Zepa envoyé le 17

  6   janvier 1995 à l'état-major principal à Kakanj en mains propres à Enver

  7   Hadzihasanovic, signé par le colonel Avdo Palic.

  8   La dernière fois, on a demandé comment se fait-il que le document n'a pas

  9   été signé. Eh bien, je vous réponds c'est un document qui nous a été remis

 10   par l'Accusation qui l'a reçu de l'ABiH. Ce sont des documents qui ne

 11   comportaient pas de signatures puisque c'étaient des documents qui étaient

 12   envoyés par voie électronique.

 13   Je cite le premier paragraphe :

 14   "Je souhaite profiter de cette occasion pour vous saluer et vous rappeler

 15   que le 27 janvier 1995, la 1ère Brigade de Zepa célèbrera son deuxième

 16   anniversaire. Elle a été formée par la Ligue patriotique, par les unités de

 17   la Défense territoriale et la commune locale de Zepa, Godjenje, et Luke, et

 18   elle est née du Détachement du 4e et du 1er Détachement de Zepa."

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, ralentissez, je

 20   vous prie, votre débit lorsque vous lisez. Si vous voulez que vos propos

 21   soient consignés au compte rendu d'audience, vous devriez ralentir votre

 22   débit.

 23   Poursuivez, je vous prie.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. TOLIMIR : [interprétation]

 26   Q.  Alors je vais répéter.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire de

 28   répéter. Je vous demande seulement de ralentir. Et poursuivez.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. TOLIMIR : [interprétation]

  3   Q.  "…et le 4e du 4e Détachement ainsi que le 1er Détachement de Zepa ainsi

  4   que la Brigade de Zepa ont été créés le 27 janvier 1993."

  5   Alors voici ma question : ce document rédigé par Avdo Palic envoyé au

  6   commandement de l'état-major principal de l'ABiH, donc s'agissant de ce

  7   document, est-ce que l'on peut voir que la 1ère Brigade de Zepa a été créée

  8   le 1er janvier -- ou le 27 janvier 1993 ?

  9   R.  Oui.

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Bien. Pourrait-on expurger le nom de l'endroit du compte rendu

 16   d'audience afin que je puisse poser ma question suivante au témoin.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant prendre la pièce 1D364,

 18   s'il vous plaît.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant de passer au prochain document,

 20   le document portait la date du 17 janvier 1995, si je ne m'abuse, et non

 21   pas 1993.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, on peut lire le 27 janvier

 23   1993.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il ne faudrait pas diffuser cette

 25   partie-ci du compte rendu d'audience, et il faudrait expurger le compte

 26   rendu.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puisque nous sommes déjà en train de

 28   parler de ce document, j'aimerais demander le versement au dossier de ce


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  1   document, et par la suite je vais demander l'affichage du prochain

  2   document.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un commentaire à faire sur ce document,

  4   Monsieur le Président. Les dates qui figurent ici, à savoir le 27 janvier

  5   1995 que l'on voit à l'en-tête, on voit 1995, et au premier paragraphe on

  6   voit qu'il s'agit du 27 janvier 1993, donc je ne sais pas quelle est la

  7   bonne date. Il n'y a pas de signature non plus d'Avdo Palic ici.

  8   M. TOLIMIR : [interprétation]

  9   Q.  Témoin, merci. Je vais vous donner lecture de la première phrase.

 10   "Je profite de cette occasion pour vous envoyer mes salutations et pour

 11   vous rappeler que le 27 janvier 1995, la 1ère Brigade de Zepa célèbrera son

 12   deuxième anniversaire."

 13   Donc ce document a été rédigé à l'occasion du deuxième anniversaire de

 14   cette brigade, et c'est la raison pour laquelle les dates ne correspondent

 15   pas, si vous voulez le dire ainsi, mais elles correspondent puisque c'est

 16   deux ans plus tard.

 17   R.  Très bien, merci. Je comprends très bien. Les dates sont les mêmes.

 18   Non, mais je ne sais pas, que voulez-vous que je confirme ? Je n'ai pas

 19   très bien saisi.

 20   Q.  Avdo Palic a-t-il rédigé ce document, et cette unité de Zepa a-t-elle

 21   bel et bien été formée le 27 janvier 1993; a-t-il réellement écrit ce

 22   document en date du 17 janvier 1995 ?

 23   L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'il est impossible de suivre, car

 24   il y a beaucoup trop de chevauchement.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Tolimir,

 26   car nous nous trouvons exactement dans la même situation où vous et le

 27   témoin vous devez ménager une pause. Le témoin n'est peut-être pas familier

 28   avec la procédure dans cette salle d'audience, mais vous le savez.


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  1   En fait, j'ai fait une erreur. C'est moi qui me suis trompé en parlant des

  2   dates, et lorsque j'ai mentionné 1993 et l'année 1995. Mais maintenant, le

  3   compte rendu d'audience est tout à fait limpide.

  4    Alors, vous voyez que les interprètes vous ont dit qu'ils avaient un

  5   problème à vous interpréter, et ils n'ont pas pu interpréter les quelques

  6   dernières phrases que vous avez prononcées. Alors pourriez-vous, je vous

  7   prie, poser une question courte au témoin, s'il vous plaît.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. TOLIMIR : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous savez si le courrier du commandement de la Brigade de

 11   Zepa, destiné à cette adresse de Sarajevo à Kakanj, où le courrier a été

 12   envoyé par une estafette, est-ce que vous savez si le courrier a été envoyé

 13   de façon électronique ou a-t-il été envoyé par une estafette ?

 14   R.  Je ne le sais pas.

 15   Q.  Si quelque chose est envoyé en tant que télégramme par téléimprimante,

 16   est-ce que vous êtes d'accord avec moi que le document ne peut pas être

 17   signé par la personne qui l'envoie ? Donc, j'aimerais savoir si vous savez

 18   si le télégramme qui est envoyé de cette façon-ci peut comporter une

 19   signature, et est-ce que cette signature peut être transmise à l'endroit où

 20   le document est envoyé ?

 21   R.  Je ne comprends pas. Je ne sais pas comment ces télégrammes et

 22   télégraphes fonctionnent. Je ne connais pas très bien la procédure.

 23   Q.  Très bien. Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander le versement au dossier de

 25   cette pièce qui était envoyée par Avdo Palic. Je voudrais que l'on passe

 26   par la suite à une autre question pour ne pas perdre plus de temps.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Chambre voudrait demander au

  2   témoin si le témoin est au courant de cette célébration du deuxième

  3   anniversaire de la Brigade de Zepa ? Vous souvenez-vous de cela, êtes-vous

  4   familier avec cette fête, cette célébration ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une fête, effectivement, une

  6   célébration, mais ce n'était pas une fête militaire. Si vous voulez,

  7   c'était une fête traditionnelle. C'est un anniversaire qui se déroulait une

  8   fois par an, et c'était normalement en septembre. Il y avait une course de

  9   chevaux, des jeux sportifs, on jouait au foot, on jetait le disque, donc

 10   toutes sortes de célébrations de ce type.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous demande de nous faire un

 12   commentaire sur la première phrase. Ici, on peut lire que le 27 janvier

 13   1995, la 1ère Brigade de Zepa célébrera son deuxième anniversaire; est-ce

 14   que vous avez quelque connaissance que ce soit de ceci, parce que vous

 15   faites référence à une célébration qui a eu lieu en septembre ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais justement je ne peux pas vous parler

 17   de cette date en question. Je ne sais pas si une fête a eu lieu en cette

 18   date-là.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous pouvez poser

 20   des questions supplémentaires concernant la teneur du document, mais pour

 21   l'instant nous ne voyons pas de lien entre ce document et le témoin. Nous

 22   ne savons pas si effectivement nous avons le bon témoin pour nous faire les

 23   commentaires judicieux sur ce document. Je ne sais pas si vous voulez

 24   établir un lien concernant la teneur de ce document et le témoin en posant

 25   des questions supplémentaires. Si vous le souhaitez, vous pouvez le faire.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. TOLIMIR : [interprétation]

 28   Q.  Un peu plus tôt vous avez mentionné que le lieu de votre naissance, qui


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  1   est mentionné ici et qui est expurgé du compte rendu d'audience, j'aimerais

  2   savoir si l'unité de votre endroit où vous habitiez, qui est décrite dans

  3   ce télégraphe, est-ce que c'est cette unité qui a servi de base pour la

  4   création de la brigade, comme le dit M. Avdo Palic dans ce télégramme ?

  5   R.  A l'époque, je n'étais pas membre de l'armée, donc je ne peux pas vous

  6   donner de détails concernant tout ceci.

  7   Q.  Je sais que vous ne le savez pas, mais j'aimerais savoir si la Brigade

  8   de Zepa a été bel et bien formée le 27 janvier 1993, comme l'a dit Avdo

  9   Palic ?

 10   R.  Je vous ai dit que je ne le sais pas.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, je vous remercie. Je ne souhaite pas perdre plus de

 12   temps sur ce sujet, puisque vous n'avez aucune connaissance sur ceci.

 13   Alors, nous allons passer à autre chose.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous poser d'autres questions

 15   concernant le document 1D364.

 16   M. TOLIMIR : [interprétation]

 17   Q.  Il s'agit d'un document émanant de Sead Delic, qui porte sur les

 18   activités d'unités de sabotage qui ont eu un succès dans le cadre des

 19   activités contre l'armée de la Republika Srpska. Nous pouvons voir ici que

 20   le commandant de la brigade, Sead Delic, était le commandant du Corps de

 21   Tuzla, et par la suite il est devenu le commandant de la 28e Division à

 22   Srebrenica, et par la suite il est devenu le commandant de la 28e Brigade

 23   légère d'infanterie. Je vais vous donner lecture :

 24   "Je vous félicite des activités de combat que vous avez menées avec succès

 25   dans le cadre desquelles vous avez contribué de façon importante à

 26   l'exécution encore plus réussie des opérations visant à débloquer Sarajevo,

 27   et avez infligé des pertes lourdes sur les forces de l'agresseur dans la

 28   lutte pour une libération définitive de la République de Bosnie-Herzégovine


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  1   et dans l'objectif d'éliminer le fascisme serbo-monténégrin."

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on se penche maintenant sur

  3   le troisième paragraphe.

  4   M. TOLIMIR : [interprétation]

  5   Q.  Qui se lit comme suit :

  6   "A cause des problèmes rencontrés avec l'entrée du convoi à Zepa et

  7   Srebrenica, il est important de souligner qu'il est important de développer

  8   des plans de combat et d'attendre des moments plus propices à cause de la

  9   situation difficile concernant la nourriture pour les habitants et les

 10   membres de l'ABiH et le MUP pour d'autres activités de combat à l'extérieur

 11   des zones de Srebrenica et de Zepa."

 12   Ma question est la suivante : est-ce que le commandant du corps d'armée,

 13   Sead Delic, félicite dans ce document les effectifs pour leurs opérations

 14   bien réussies et pour avoir éliminer le fascisme serbo-monténégrin ?

 15   R.  Je ne le sais pas.

 16   Q.  Est-ce que vous savez si les convois d'aide humanitaire ont-ils jamais

 17   été arrêtés pendant que l'armée musulmane et serbe avait des conflits dans

 18   l'enclave ?

 19   R.  Oui, effectivement, avant la chute de Zepa, il y a eu un arrêt

 20   d'approvisionnement en matière d'aide humanitaire.

 21   Q.  Est-ce que vous savez si chaque fois qu'il y avait des activités de

 22   combat, si l'on ne faisait pas venir l'aide humanitaire ?

 23   R.  Il y avait des opérations de combat menées seulement par les forces

 24   serbes, non pas de l'intérieur. Mais il arrivait très souvent d'avoir des

 25   arrêts d'approvisionnement en aide humanitaire, plus particulièrement avant

 26   l'automne.

 27   Q.  Est-ce que le commandant Delic avait dit qu'il avait suspendu les

 28   opérations de combat puisque le peuple avait besoin d'aide humanitaire,


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  1   tout comme les membres du MUP de Bosnie avaient besoin de cette aide

  2   humanitaire ? C'est ce qu'on peut trouver à la ligne 3 du paragraphe 3.

  3   Très bien. Merci. Si vous ne le savez, ne répondez pas. Je vais maintenant

  4   vous poser une autre question, puisque nous n'avons pas de temps.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, donnez au témoin

  6   l'occasion de répondre. Il était justement sur le point de commencer à

  7   répondre. Il n'a pas donné de signe vous permettant de croire qu'il n'a pas

  8   voulu ou ne pouvait pas répondre. J'aimerais recevoir la réponse, s'il vous

  9   plaît.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas comment

 11   vous l'expliquer. Je viens de lire ce paragraphe et il n'y a rien avec tout

 12   ceci. C'est quelque chose que je vois pour la première fois, et je ne sais

 13   pas comment commenter tout ceci. Je peux seulement, si vous voulez, prendre

 14   connaissance de ces propos, et c'est tout.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.

 16   Monsieur Thayer.

 17   M. THAYER : [interprétation] La question était de savoir si :

 18   "Est-ce que le commandant Delic a entendu dire que les opérations de

 19   combat étaient suspendues ?

 20   Comment voulez-vous que le témoin puisse nous dire : Voilà, c'est ce que

 21   j'ai vu. Encore une fois, si le général Tolimir souhaite poser des

 22   questions concernant les questions qui figurent dans le document, mais

 23   demander au témoin de confirmer les propos qui sont très clairs dans le

 24   document ne nous mène nulle part.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 26   Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre, je vous prie, mais concentrez-

 27   vous sur les questions sur lesquelles le témoin peut déposer.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   M. TOLIMIR : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez distribué l'aide humanitaire

  3   au village où vous viviez dans l'enclave de Zepa ? Merci.

  4   R.  Au village de mes parents, oui, j'ai distribué l'aide humanitaire dans

  5   ce village.

  6   Q.  Est-ce que l'aide humanitaire arrivait pendant la période des activités

  7   de combat autour de l'enclave ?

  8   R.  Non. Ça été coupé un mois avant le commencement des activités de combat

  9   contre l'enclave. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si la Chambre de première instance considère

 12   que ce document doit être versé au dossier, que cela soit fait; sinon, je

 13   voudrais continuer, parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Merci.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Chambre de première instance ne

 16   peut pas admettre ce document au dossier parce que le témoin a déclaré

 17   clairement qu'il n'était pas en mesure de donner ses commentaires pour ce

 18   qui est de la teneur du document.

 19   Continuez, Monsieur Tolimir.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais qu'on

 21   affiche D103. Et en attendant que ce document soit affiché à l'écran,

 22   j'aimerais rappeler le témoin ses propos à la page 9 866, ligne 13.

 23   M. TOLIMIR : [interprétation]

 24   Q.  Vous avez dit comme suit, vous avez dit que vous aviez participé aux

 25   activités de l'armée juste avant la chute de Zepa, et que pendant cette

 26   période-là, tout le monde a été mis à la disposition de l'armée et à la

 27   défense de l'enclave.

 28   R.  Tout le monde est parti sur les lignes. Personne n'a convoqué personne.


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  1   Q.  Et maintenant, on voit le document D103. Nous voyons que c'est la

  2   présidence de Guerre qui a rédigé ce document à Zepa à la date du 15

  3   juillet 1995. A la tête de la présidence se trouvait M. Hajric Mehmed,

  4   Hajric Mehmed qui a signé ce document. C'est une dépêche que lui, il a

  5   envoyée, et il dit, je cite; c'est à la onzième ligne, où il a dit :

  6   "Toutes les ressources matérielles ainsi que humaines ont été mises à la

  7   disposition en fonction de la défense, et l'obligation de travail a été

  8   introduite, et la protection des civils a été mise à la disposition de la

  9   285e Brigade légère d'infanterie de Zepa.

 10   "Une action d'envergure a été organisée pour collecter de la

 11   nourriture de qualité pour les combattants, ainsi que des couvertures, des

 12   matelas, et cetera. Le moral des combattants est à un très haut niveau."

 13   C'est le rapport qui est envoyé à la présidence de Bosnie-Herzégovine à

 14   Sarajevo, à l'attention du président Alija Izetbegovic de l'époque.

 15   Voilà ma question pour vous : est-ce que cette description des événements

 16   donnée par M. Hajric, qu'il a envoyée à M. Izetbegovic, correspond à la

 17   situation qui régnait sur le terrain ?

 18   R.  Il n'a pas bien décrit cela, puisque les personnes qui ont survécu à

 19   des événements à Kravica, à Cerska, et la percée vers Tuzla, Srebrenica,

 20   sont arrivées à Luka et à Zepa et ils ont raconté tout cela. Ils ont décrit

 21   la situation qui prévalait à l'époque. Donc, la situation était plus

 22   compliquée et dangereuse que décrite dans cette lettre. Parce qu'au

 23   village, il n'y avait personne, puisque les pilonnages étaient très

 24   intenses. Moi, je suis allé au village pour chercher un peu de nourriture

 25   et j'ai vu du bétail carbonisé, des chiens carbonisés autour de la maison.

 26   Je n'ai fait que prendre un peu de farine, puisque j'ai eu très peur. Le

 27   silence qui régnait au village était effrayant et je n'ai voulu que

 28   retourner sur les lignes parce que le peuple était paniqué.


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  1   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire qui était votre commandant, le commandant

  2   des lignes où vous êtes retourné du village ?

  3   R.  Croyez-moi, je ne sais pas qui était le commandant sur ces lignes.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si la Chambre de première instance veut que ce

  5   document soit versé au dossier, que cela soit fait; sinon, j'aimerais

  6   continuer.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce document a été déjà versé au

  8   dossier en tant qu'une pièce à conviction.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   J'aimerais qu'on affiche maintenant la pièce à conviction D54.

 11   M. TOLIMIR : [interprétation]

 12   Q.  Et en attendant que cela soit affiché, je veux dire qu'il s'agit de la

 13   lettre d'Alija Izetbegovic à Hajric Mehmed du 19 juillet 1995, où Alija

 14   Izetbegovic dit ceci, et il s'agit du paragraphe 3 de la lettre qu'Alija

 15   Izetbegovic a envoyée à Hajric, et j'aimerais que vous regardiez cela. Je

 16   lis, Alija dit :

 17   "Voilà ce qui est mon plan. Il faut faire déplacer le plus possible de

 18   civils, si possible tous les civils. Les soldats doivent rester et

 19   continuer à présenter une résistance. Nous allons faire de notre mieux pour

 20   vous aider et pour vous faire parvenir des moyens techniques et matériels

 21   en vous envoyant des volontaires et en opérant des activités d'offensive

 22   dans votre direction (je pense que c'est aujourd'hui que ça va partir). Si

 23   on ne réussit pas à le faire, vous devez continuer à faire la percée en

 24   empruntant des routes (vous les connaissez), mais maintenant sans fardeau

 25   de femmes et d'enfants qui devraient partir entre-temps."

 26   Est-ce que les soldats ont agi de cette façon-là selon ce qu'Alija

 27   Izetbegovic a voulu qu'ils fassent ?

 28   R.  Il n'a rien demandé à personne, mais je crois qu'ils ont essayé


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  1   d'atteindre le territoire libre. Moi je suis allé en Serbie puisque mon

  2   objectif était d'aller en Macédoine.

  3   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire si votre famille a été évacuée et quand ?

  4   R.  Je crois que c'était le 25.

  5   Q.  Pouvez-vous nous dire quand vous avez traversé la Drina pour vous

  6   sauver ?

  7   R.  Deux ou trois jours après. Je ne suis pas tout à fait certain. Mais peu

  8   de temps après cela, j'ai rencontré mon camarade de classe le deuxième ou

  9   troisième jour après. Je pense que j'ai été capturé le 2 août. Je n'en suis

 10   pas certain, je ne me souviens pas de la date exacte, puisque la situation

 11   était chaotique. Je ne peux pas me souvenir de la date exacte.

 12   Q.  Merci. Ici, est-ce que vous avez décidé de faire partir votre épouse et

 13   vos enfants et de rendre votre épouse et vos enfants à l'armée serbe et que

 14   vous continuiez dans la direction du territoire libre ?

 15   R.  Non, il ne s'agissait pas de l'armée serbe. J'espérais qu'il s'agirait

 16   des représentants du comité international de la Croix-Rouge ou du UNHCR,

 17   mais ils n'ont pas eu de chance puisqu'ils ont vécu de la torture et ils

 18   ont eu beaucoup de peur. Ils ont été transportés par les Chetniks. Et moi,

 19   j'espérais arriver en Macédoine en passant par la Serbie.

 20   Q.  Est-ce que les soldats de la Brigade de Zepa ont fait ce qu'Alija leur

 21   a demandé, à savoir est-ce qu'ils ont envoyé leurs épouses et leurs enfants

 22   à la Fédération et est-ce qu'ils sont restés pour combattre et/ou est-ce

 23   qu'ils ont essayé d'arriver sur le territoire libre ?

 24   R.  Un garde en Serbie m'a dit qu'à Zepa il y avait 15 000 soldats qui

 25   attaquaient Zepa. C'est ce qu'il a dit en Serbie. Lui, il ne cherchait que

 26   de fuir cet enfer.

 27   Q.  Pour la deuxième fois, vous dites ce que vous avez entendu dire. Est-ce

 28   qu'il est vrai que vous avez vu un soldat de la Serbie, est-ce que vous


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  1   l'avez tué ou capturé lors des activités de combat à Zepa ? Merci.

  2   R.  Oui, à Stublic. Eux ils arrivaient -- en fait, ils étaient tout près,

  3   et moi je venais d'arriver pour relayer une autre personne, et j'ai

  4   demandé, Qui est là-bas ? Il a dit, Krusevac, et il a commencé à monter

  5   puisqu'il a pensé qu'ils étaient de Krusevac de Serbie, puisqu'il y a un

  6   endroit qui s'appelle Krusev Do dans la communauté commune locale de Luka.

  7   Soudainement, j'ai vu l'uniforme chetnik, l'uniforme de la JNA, et j'ai fui

  8   en toute vitesse. Il n'a pas tiré sur moi, moi non plus je n'ai pas tiré

  9   sur lui. Peut-être que j'ai été maladroit ou j'ai eu peur, mais c'est ce

 10   qui s'est passé.

 11   Q.  Est-ce que vos positions étaient tournées vers la Serbie ou vers la

 12   Bosnie ?

 13   R.  Nos positions étaient tournées vers la Bosnie, vers les Chetniks.

 14   Q.  Merci. Est-ce qu'à l'arrière vers la Drina, vers les rochers, vous

 15   étiez sur les positions de défense vers les positions de la VRS ou vers la

 16   Serbie ?

 17   R.  Nous défendions nos positions vers la Serbie. Un jour, j'étais de garde

 18   dans la ville, mais sans fusil, pour qu'ils n'entrent pas, comme c'était le

 19   cas au village de Tegare où une femme a été brûlée vive, une femme qui

 20   était aveugle. Mais s'ils avaient eu des unités spéciales, ils auraient

 21   peut-être pu passer. Mais un jour, j'y étais pour monter la garde, mais je

 22   n'avais pas d'arme.

 23   Q.  Est-ce que vous étiez armé à vos positions ?

 24   R.  A Stublic, oui. J'ai pris le fusil à l'homme que j'ai relayé, et

 25   lorsque j'étais en ville, c'était un jour que j'étais en ville, nous étions

 26   deux et sans arme, sans fusil.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher P735, point 8.

 28   M. TOLIMIR : [interprétation]


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  1   Q.  Il s'agit de l'accord, et j'ai soumis cela, l'accord conclu entre les

  2   représentants de l'armée et des autorités de Zepa, le commandant de la

  3   Brigade de Rogatica, le commandant de la FORPRONU pour Zepa et le général

  4   Ratko Mladic. Vous voyez le point 8 que je vais lire :

  5   "La population apte à porter les armes de Zepa souhaite être enregistrée et

  6   hébergée au centre d'accueil qui sera sous le contrôle du comité

  7   international de la Croix-Rouge jusqu'à ce que tous les membres capturés de

  8   la VRS ne soient libérés ainsi que tous les Serbes qui se trouvent dans les

  9   prisons sur le territoire contrôlé l'armée commandée par Rasim Delic."

 10   Cette partie de l'accord, signé le 24 juillet 1995, est passée entre les

 11   représentants de l'armée de la Republika Srpska et le président du Conseil

 12   exécutif de la municipalité de Zepa, Hamdija Torlak. J'aimerais savoir si

 13   tous les hommes aptes à porter les armes selon les dispositions de cet

 14   accord devaient être enregistrés par le comité international de la Croix-

 15   Rouge, et est-ce que ces personnes devaient être échangées contre tous les

 16   membres de l'armée capturés sur le territoire de la Fédération ?

 17   R.  Monsieur, vous avez défendu aux membres de la FORPRONU d'opérer,

 18   puisque leur point se trouvait à Stublic. Ils sont partis pour Zepa et ils

 19   ont laissé le peuple. Je crois que l'accord a été signé, mais cet accord,

 20   s'il avait été appliqué, beaucoup plus de vies humaines auraient été

 21   perdues puisque 14 personnes ont été au centre ou au camp à Rogatica.

 22   Q.  Est-ce que vous étiez parmi les hommes aptes à porter les armes à Zepa

 23   au moment ou Hamdija Torlak a signé cet accord ?

 24   R.  Pour vous, oui, puisque pour vous, un jeune homme de 14 ans ou plus

 25   âgé, pour vous, il aurait été apte à porter les armes.

 26   Q.  Est-ce qu'à Stublic, vous pouviez utiliser votre fusil, ou vous portiez

 27   votre fusil juste comme cela ?

 28   R.  Je portais mon fusil juste comme cela.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que l'armée musulmane à Zepa a violé les dispositions de

  2   l'accord signé le 24 juillet ? Est-ce qu'elle a violé cet accord

  3   puisqu'elle a fait déplacer tous les civils sur le territoire de la

  4   Fédération de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'il a trahi, en fait, l'accord

  5   passé avec les Serbes ?

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi. J'ai dû éteindre votre

  7   microphone. Ne vous inquiétez pas, votre réponse sera consignée au compte

  8   rendu, votre réponse toute entière. Répétez votre réponse, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, 14 personnes ont été emmenées au camp, et

 10   ces personnes savent quelles étaient les conditions dans lesquelles elles

 11   se trouvaient dans ce centre d'accueil.

 12   M. TOLIMIR : [interprétation]

 13   Q.  Vous n'avez pas répondu à ma question. Voilà ma question suivante :

 14   est-ce que vous avez violé les dispositions de cet accord et est-ce que

 15   vous vous êtes tiré de Zepa après que votre famille était partie sur le

 16   territoire de la Fédération ?

 17   R.  Oui, je m'en suis sorti, mais avec beaucoup de difficulté. Mais cet

 18   accord était un accord bien rédigé, mais il n'a pas été appliqué de façon

 19   appropriée. Beaucoup de personnes étaient arrivées de Srebrenica, un accord

 20   similaire a été passé à Potocari, mais les femmes et les enfants ont été

 21   tués. A Bratunac, ils ont signé les déclarations de loyauté mais ils ont

 22   été amenés pour être tués et capturés. Je pense que c'est une lettre morte,

 23   cet accord. Ce qui compte, ce sont les actes.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maintenant, il faut que je vous

 25   interrompe, Monsieur Tolimir, puisque vous vous chevauchez encore une fois.

 26   Ménagez une pause entre vos questions et les réponses du témoin.

 27   Oui, Monsieur Thayer.

 28   M. THAYER : [interprétation] J'aimerais revenir brièvement à la question à


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  1   la page 18, ligne 5, et la réponse a été consignée à la ligne 6 et moi, la

  2   question que j'ai entendue était comme suit :

  3   "Est-ce que vous portiez un fusil à Stublic ? Est-ce que vous étiez en

  4   mesure de tirer, ou est-ce que vous portiez ce fusil comme cela ?"

  5   Et la réponse que j'ai entendue était :

  6   "Oui, je portais cette arme avec moi juste comme cela, sans avoir

  7   l'intention de l'utiliser."

  8   J'ai compris que c'était l'interprétation d'un idiome et une expression

  9   idiomatique, mais je ne suis pas certain que cela soit consigné au compte

 10   rendu, à savoir ce que j'ai entendu et ce qui a été consigné au compte

 11   rendu divergent, et j'aimerais qu'on tire ce point au clair parce que je

 12   pense que cela serait utile.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, vous savez que tout

 14   ce qui est dit dans le prétoire est enregistré et le compte rendu vérifié

 15   par la suite sur la base de ces enregistrements audio. Parfois, dans le

 16   compte rendu, il manque certaines parties, puisque les locuteurs se

 17   chevauchent, donc ces problèmes sont résolus ultérieurement. Ce que vous

 18   venez de dire, à savoir que vous avez entendu une chose et qu'une autre

 19   chose a été consignée au compte rendu, c'est un problème qu'on va résoudre

 20   plus tard.

 21   M. THAYER : [interprétation] Oui, mais la réponse qui a été consignée au

 22   compte rendu peut avoir une incidence sur l'acception de cette expression,

 23   et je n'aimerais pas que cela soit laissé comme cela. J'insiste, puisque

 24   cela pourrait avoir une incidence sur le sens de la réponse donnée par le

 25   témoin.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que votre position est

 27   claire et a été consignée au compte rendu.

 28   Oui, Maître Gajic.


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  1   M. GAJIC : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  2   Je pense que les interprètes ont interprété de façon appropriée cette

  3   expression parce qu'en serbe, "onako" veut dire "faire quelque chose sans

  4   avoir l'intention d'accomplir un objectif précis".

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous avons demandé au personnel qui

  6   s'occupe de l'enregistrement audio de réécouter l'enregistrement de cette

  7   partie de l'audience dans toutes les langues pour voir ce qui a été

  8   interprété et ce qui a été consigné au compte rendu.

  9   Monsieur Tolimir, poursuivez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Maître Gajic et

 11   Monsieur Thayer.

 12   J'aimerais maintenant qu'on affiche la pièce P736.

 13   M. TOLIMIR : [interprétation]

 14   Q.  Il s'agit de la décision de la présidence de Guerre de Zepa rédigée le

 15   27 juillet 1995, et signée par Rajko Kosic [phon], le général Ratko Mladic,

 16   Hamdija Torlak, Hajric Mehmed, et Imamovic Amir, en tant que membres de la

 17   présidence de Guerre.

 18   Savez-vous que les membres de la présidence ont pris ces décisions le 27 ?

 19   Je cite le premier paragraphe de la décision :

 20   "Tous les hommes aptes à porter les armes de 18 à 55 ans doivent rendre les

 21   armes aux représentants de l'armée de la Republika Srpska en présence des

 22   membres de la FORPRONU dans la base de la FORPRONU à Zepa. Tous les hommes

 23   aptes à porter les armes seront enregistrés par le comité international de

 24   la Croix-Rouge, et les mêmes hommes seront gardés par les forces de l'armée

 25   de la Republika Srpska en présence des membres de la FORPRONU à Zepa

 26   jusqu'à ce que l'accord portant sur l'échange ne soit passé."

 27   Saviez-vous que la présidence de Guerre a pris cette décision le 27 juillet

 28   1995 ?


Page 9987

  1   R.  Non, je ne le savais pas. Et pour ce qui est de l'armée de la Republika

  2   Srpska et le fait que l'armée les a gardés, c'est Avdo Palic qui en sait

  3   davantage, puisqu'il a fini ses jours dans les bois.

  4   Q.  J'aimerais vous poser la question suivante : à plusieurs reprises, vous

  5   avez dit qu'ils ont été arrêtés à la destination finale où ils ont été

  6   arrêtés --

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, cela n'est pas

  8   vrai. Le témoin ne vous a rien demandé. Il a dit qu'il n'en savait rien

  9   mais que peut-être une autre personne pourrait en savoir davantage. C'est

 10   une réponse, et pas une question.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. TOLIMIR : [interprétation]

 13   Q.  Vous avez dit à plusieurs reprises lors de votre déposition que

 14   certains hommes ont été arrêtés à la ligne de séparation au moment où ils

 15   ont été emmenés pour passer sur le territoire de la Fédération, et vous

 16   avez même dit le nombre de ces hommes. Vous vous souvenez de cela ?

 17   R.  J'ai entendu dire qu'ils devaient sortir. C'est ce que j'ai entendu

 18   dire lorsque j'étais au camp. Un groupe de 70 personnes aux alentours

 19   d'Olovo. Personne n'y a survécu. J'ai entendu dire que quatre hommes qui se

 20   déplaçaient vers Gorazde avaient disparu, cela veut dire qu'ils ont été

 21   tués. Et ces quatre hommes étaient originaires de mon village, je les

 22   connaissais. Je les ai rencontrés. L'un d'entre eux avait un fils de 16 ou

 23   17 ans qui était malade, et il l'a transporté à cheval.

 24   Q.  Merci. Est-ce que vous parlez de la percée de Srebrenica ou de

 25   l'évacuation ?

 26   R.  Quelle percée ? C'était le passage. Je ne sais pas en quoi consiste

 27   votre question.

 28   Q.  Je vais vous répéter ma question. Est-ce que vous savez que le 27


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  1   juillet 1995, la présidence de Guerre a pris la décision que je viens de

  2   citer ? Pouvez-vous répondre à cette question ?

  3   R.  Je ne le sais pas.

  4   Q.  Est-ce que vous savez que la présidence de Guerre a demandé à l'armée

  5   de la Republika Srpska de signer cette décision et de la lire aux soldats

  6   qui se trouvaient à la montagne de Zepa, à Zepska Planina [phon] ?

  7   R.  Je ne le sais pas.

  8   Q.  Savez-vous que cette déclaration a été lue aux soldats et que les

  9   soldats ont refusé d'être désarmés conformément à cette décision ?

 10   R.  Je ne le sais pas non plus.

 11   Q.  Savez-vous qu'ici a témoigné M. Torlak, qu'il a témoigné à ce sujet et

 12   il a dit que M. Hajric Mehmed, en personne, a pris cette décision et que

 13   cette décision a été lue aux soldats ?

 14   R.  Je ne sais pas si cette décision a été lue à qui que ce soit et si on

 15   disait quoi que ce soit de cette décision. Mais je ne crois pas que qui que

 16   ce soit aurait eu le courage de se rendre aux Chetniks. C'est ce qui est

 17   vrai. Et je dis cela à mon propre nom. Si j'avais appris que cette décision

 18   a été prise, je ne me serais aucunement rendu aux Chetniks. En tout cas,

 19   pas vivant.

 20   Q.  Merci. Le 27 juillet, lorsque M. Hajric est venu de Zepska Planina, le

 21   commandant de l'opération a arrêté l'évacuation et les personnes que vous

 22   avez évoquées ont été mises en détention le 27. Le saviez-vous ?

 23   R.  Non. Croyez-moi, je n'en savais rien. Je ne me trouvais pas du tout à

 24   Zepa à l'époque. A l'intérieur de Zepa, c'étaient les Chetniks qui s'y

 25   trouvaient. Ils avaient mis en détention les membres de la FORPRONU, qui

 26   n'osaient plus sortir de leur base.

 27   Q.  Merci. Au cours de votre déposition hier, vous avez évoqué un certain

 28   nombre d'hommes qui ont été ramenés à la prison de Rogatica. Vous en


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  1   souvenez-vous ?

  2   R.  Oui, je m'en souviens. Il y avait 14 personnes originaires de Luke qui

  3   ont été transférées vers le camp de Rogatica.

  4   Q.  Merci. Et savez-vous d'où ces personnes avaient été transférées ?

  5   R.  Je pense qu'on les avait prises au moment où ils suivaient le convoi.

  6   Q.  Merci. Avaient-ils atteint la frontière avec le territoire de la

  7   Fédération au moment où ils ont été pris de ce convoi ?

  8   R.  Je n'en sais rien.

  9   Q.  Merci. Savez-vous qu'on avait décidé de les empêcher de poursuivre leur

 10   marche avec le convoi parce que le commandant de l'opération tout entière

 11   avait mis fin à l'évacuation puisque les Musulmans n'avaient pas respecté

 12   les termes de l'accord ?

 13   R.  Je ne sais pas pour quelle raison ces personnes ont été capturées au

 14   moment de suivre le convoi, mais ceci a été le cas.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer.

 16   M. THAYER : [interprétation] Je veux préciser un point. C'est la deuxième

 17   question dans laquelle on se réfère à un certain commandant, mais on ne

 18   sait pas à qui précisément pense le général Tolimir.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ceci se rapporte à la question que

 20   vous avez posée, Monsieur Tolimir, à la page du compte rendu d'audience 23,

 21   ligne 22. Peut-être que dans la question que vous posiez au témoin, vous

 22   pourriez citer le nom du commandant. Ceci nous faciliterait la

 23   compréhension de votre propos.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. TOLIMIR : [interprétation]

 26   Q.  Le commandant de l'opération, le général Krstic, avait décidé de mettre

 27   fin à l'évacuation parce que les Musulmans avaient refusé de respecter les

 28   termes de l'accord. Le saviez-vous ?


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  1   R.  Non, je ne le savais pas.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche à l'écran la pièce

  4   D111, page 25. Merci.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci est une pièce à conviction

  6   confidentielle qui ne devrait pas être diffusée en public.

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 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il va falloir expurger cette partie

 19   du compte rendu d'audience et passer à huis clos partiel.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci --

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 23   le Président, Messieurs les Juges.

 24   [Audience à huis clos partiel] 

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 13  Pages 9991-10003 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, ceci met fin à votre

 28   déposition dans ce procès. La Chambre souhaite vous remercier de vous être


Page 10005

  1   déplacé et d'être venu dans cette salle, d'être venu témoigner devant nous.

  2   Nous vous remercions d'avoir passé plusieurs jours ici et nous vous

  3   souhaitons un bon retour à la maison. Nous vous souhaitons un bon voyage.

  4   Et je suis vraiment désolé d'avoir dû intervenir, mais vous savez, très

  5   souvent, cela est indispensable pour avoir un compte rendu d'audience

  6   clair. Alors, je vous souhaite un bon retour chez vous. Merci.

  7   Et nous allons reprendre nos travaux à 16 heures 15.

  8   [Le témoin se retire]

  9   --- L'audience est suspendue à 15 heures 52.

 10   --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur McCloskey.

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame le

 13   Juge, Monsieur le Juge. Bonjour à tous et à toutes. Une question très

 14   brève. La dernière pièce qu'a mentionnée M. Thayer portant la cote P00167,

 15   il s'agissait d'une liste de l'ICMP. En fait, nous n'avions pas voulu le

 16   mentionner devant le témoin, mais je me suis entretenu avec Me Gajic, et

 17   nous nous sommes mis d'accord simplement pour vous dire qu'il s'agissait de

 18   personnes dont les restes ont été trouvées en surface. Le reste n'était pas

 19   retrouvé dans une fosse commune. Mais nous n'avions pas voulu le mentionner

 20   devant le témoin.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation] Notre prochain témoin est prêt, et je pense

 23   pouvoir terminer l'audition de ce témoin en deux heures. Je voulais

 24   terminer son audition à la fin de la journée d'aujourd'hui, et comme vous

 25   le savez, c'est un témoin qui a beaucoup souffert. C'est très difficile,

 26   mais c'est un très bon témoin, donc je vais vraiment essayer de faire en

 27   sorte que l'on puisse terminer son audition avant la fin de la journée

 28   d'aujourd'hui.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est un témoin viva voce; est-ce que

  2   c'est exact ?

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai une pièce,

  4   c'est une photo de son mari, mais je ne vois pas l'utilité de montrer cette

  5   pièce. Donc elle va nous raconter son récit. Je lui ai dit que même si nous

  6   commençons par 1992, d'essayer d'aller rapidement à l'année 1995. Donc nous

  7   allons parler un peu des événements qui se sont déroulés en 1992 la

  8   concernant, mais nous allons essayer d'avancer assez rapidement vers 1995.

  9   Et j'espère pouvoir terminer son audition en une heure, mais je pense que

 10   tout ceci sera possible.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai lu le résumé du témoin,

 12   c'est très court. Donc nous sommes au courant pour quelle partie de son

 13   témoignage elle a été appelée en tant que témoin de vive voix.

 14   Oui, Monsieur Tolimir, vous avez le micro. Je vous écoute.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite

 16   saluer M. McCloskey de nouveau, ainsi que toutes les autres personnes

 17   présentes dans ce prétoire. Mais je voudrais que l'on dise, pour le compte

 18   rendu d'audience, où ces personnes ont-elles été trouvées, s'agissant des

 19   deux personnes qu'a mentionnées M. McCloskey ? Est-ce que leurs restes ont

 20   été trouvées dans la zone de Zepa ou ailleurs ?

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ce n'est pas le moment propice

 22   de parler de ce problème, de cette question. Je comprends très bien votre

 23   question, mais nous allons l'aborder en temps utile.

 24   Pourrait-on faire entrer le témoin, je vous prie.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Madame Malagic. Bienvenue au

 27   Tribunal pénal international. Je vous souhaite la bienvenue dans cette

 28   salle d'audience.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez, je vous prie, lire à haute

  3   voix l'affirmation solennelle qui vous est remise.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   LE TÉMOIN : MIRSADA MALAGIC [Assermenté]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Veuillez

  9   vous asseoir, je vous prie. Madame l'Huissière, veuillez, je vous prie,

 10   installer le témoin et l'aider avec les écouteurs. Si vous avez quelque

 11   préoccupation que ce soit, faites-le-nous savoir.

 12   Monsieur McCloskey, c'est à vous. Je vous écoute.

 13   Interrogatoire principal par M. McCloskey : 

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Malagic.

 15   R.  Bonjour, Monsieur.

 16   Q.  Bienvenue de nouveau au Tribunal. Je crois que c'est la première fois

 17   que vous êtes revenue depuis l'affaire Krstic en 2000, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, quand êtes-vous née, en quelle

 20   année ?

 21   R.  Je suis née en 1959.

 22   Q.  Où êtes-vous née ?

 23   R.  Peciste, municipalité de Srebrenica.

 24   Q.  Où avez-vous grandi ?

 25   R.  A Peciste, dans la municipalité de Srebrenica aussi, jusqu'à ce que

 26   j'aille à l'école. Mais j'ai passé quatre années à Zvornik. Pour le reste,

 27   c'est là que j'ai passé ma vie. Et en 1978 ou 1979, nous sommes déménagés

 28   dans la municipalité de Voljavica, Bratunac, et c'est là que nous avons


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  1   construit notre foyer familial avec mon mari.

  2   Q.  Et Peciste, est-ce un village qui est situé tout près du village qui

  3   est maintenant bien connu, et c'est le village de Potocari ?

  4   R.  Oui. Le village en question se trouve à 1 kilomètre de Potocari.

  5   Q.  Votre maison familiale était la maison dans laquelle vous viviez, vous

  6   et votre mari, juste avant que la guerre n'éclate en 1992. Viviez-vous dans

  7   cette maison-là ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous nous avez dit que vous habitiez la municipalité de Bratunac.

 10   Pourriez-vous nous dire où exactement ?

 11   R.  C'est une localité qui se trouve à 3 kilomètres de Bratunac. Le village

 12   s'appelle Voljavica, dans la municipalité de Bratunac. C'est dans la vallée

 13   de la Drina, le village juste à côté de la rivière Drina.

 14   Q.  A quelle distance se trouvait votre maison comparativement à la

 15   merveilleuse rivière Drina ?

 16   R.  Je ne peux pas vous le dire en mètres, mais il n'y avait qu'un pré qui

 17   nous séparait. Lorsqu'on descendait en bas du pré, la Drina s'y trouvait

 18   exactement, elle y était. Donc c'était vraiment très proche de la maison.

 19   Q.  Et que faisait votre mari avant la guerre ?

 20   R.  Il travaillait dans les mines de zinc et de cuivre. Il était comptable.

 21   Q.  Qui habitait dans votre maison avant la guerre ? Vous y étiez,

 22   j'imagine, accompagnée de votre mari et de vos enfants ? Vous y habitiez

 23   tous ensemble ?

 24   R.  Oui. C'était une maison familiale dans laquelle, avant la guerre,

 25   j'habitais avec mon mari et nos trois fils, Adnan, Almir --

 26   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi le nom du troisième enfant.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est là que nous avons vécu jusqu'à 1992.

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation]


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  1   Q.  Pourriez-vous répéter le nom de vos trois enfants, s'il vous plaît. Les

  2   interprètes n'ont pas saisi leurs noms.

  3   R.  Oui. Elvir Malagic, né en 1973; Admir, né en 1979; et Adnan, né en

  4   1984.

  5   Q.  Vous avez dit avoir été contrainte -- vous avez dit avoir quitté votre

  6   maison familiale. Quand avez-vous quitté votre maison familiale qui se

  7   trouvait tout près de la rivière Drina ?

  8   R.  A 19 heures 30, le 12 mai 1992, nous sommes sortis officiellement de

  9   notre maison. Nous l'avons quittée ce jour-là et nous n'y sommes plus

 10   jamais revenus.

 11   Q.  Et pourquoi avez-vous quitté votre demeure ?

 12   R.  Nous avons quitté notre maison familiale parce qu'on nous a donné un

 13   ultimatum. Le village de Voljavica appartenait à la même commune locale que

 14   Pobardje, de Bratunac. Nous avions des présidents de la commune locale qui

 15   nous informaient des activités et de la situation qui prévalait ce jour-là.

 16   Vers la fin du mois d'avril et en début du mois de mai, nous

 17   n'allions plus travailler et on parlait de devoir partir, des activités de

 18   combat. Les villages autour de Bratunac étaient incendiés les uns après les

 19   autres autour de nous et les soldats serbes avaient pris Bratunac. Le Corps

 20   de Novi Sad est arrivé avec leurs blindés de transport de troupes. La mine

 21   de Sasa, où nous travaillions avant le conflit, était déjà occupée. Les

 22   soldats serbes s'y trouvaient. Je ne sais pas à qui ils appartenaient

 23   exactement. De sorte que nous sommes restés dans le village et nous ne

 24   pouvions pas sortir.

 25   Nous avions donc Bratunac, où il y avait déjà des soldats serbes. Il

 26   y avait la mine Rudnik, où il y avait encore des soldats serbes. Et nous

 27   avions la Drina, qui constituait la frontière avec la Serbie, mais nous ne

 28   pouvions pas la traverser. Et donc, nous avions reçu un ultimatum par le


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  1   truchement de nos chefs des communes locales qu'il ne fallait plus rester

  2   là, qu'il fallait partir sur un autre territoire. Les gens étaient

  3   effrayés. Tout ce que nous avions vu jusqu'à ce jour-là leur avait fait

  4   peur. D'autres personnes avaient décidé de se rendre et ils se sont rendus.

  5   D'autres, par contre, se sont enfuis dans les forêts avoisinantes. Parmi

  6   ces derniers, je m'y suis trouvée, moi et ma famille. Nous n'avions pas

  7   voulu nous rendre.

  8   Q.  Les dirigeants de la commune locale, étaient-ce des dirigeants serbes

  9   ou des dirigeants musulmans, ceux qui vous ont donné cet ultimatum,

 10   j'entends ?

 11   R.  C'étaient des Serbes.

 12   Q.  Vous avez évoqué le Corps de Novi Sad. Est-ce un corps d'armée qui est

 13   originaire de la Serbie et qui est originaire de l'autre côté de la rivière

 14   ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  D'accord. Alors, est-il juste de dire que vous et votre famille, comme

 17   vous nous l'avez dit, vous êtes allés dans la forêt et vous avez finalement

 18   pu trouver votre chemin vers Srebrenica; est-ce que c'est exact ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  D'accord. Etiez-vous en mesure de trouver un toit pour vous abriter à

 21   Srebrenica en 1992 ou au début de cette année ?

 22   R.  Oui. A l'époque, après avoir quitté notre maison, et 18 jours plus tard

 23   lorsque nous sommes arrivés à Srebrenica par la forêt, Srebrenica était

 24   complètement vide. Les maisons de particuliers étaient incendiées, pillées.

 25   Il n'y avait pas de personnes. La ville était vide. Tous les appartements

 26   étaient ouverts, fouillés. Je ne sais pas qui avait procédé à ces fouilles,

 27   mais tous les appartements étaient déverrouillés de sorte que vous puissiez

 28   entrer dans n'importe quel appartement ne sachant même pas à qui il


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  1   appartenait. Donc nous avons trouvé un appartement où nous nous étions

  2   abrités pendant quelques jours puisqu'en fait, l'un de nos fils est tombé

  3   malade, il a fait de la fièvre, et c'est là que nous nous sommes abrités.

  4   Nous avons trouvé cet abri.

  5   Et par la suite, lorsque je suis entrée en contact avec mes frères et

  6   j'ai compris qu'ils étaient vivants, nous sommes allés à Potocari.

  7   Q.  Et est-ce qu'à un moment donné vous êtes repartis de Potocari pour

  8   retourner à Srebrenica ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pourriez-vous nous l'expliquer brièvement ? Que s'est-il passé

 11   exactement ?

 12   R.  Au cours de l'année 1992, nous étions à Potocari. Pendant toute cette

 13   année, il y avait un très grand nombre d'obus qui tombaient, et nous étions

 14   là jusqu'à ce que la maison dans laquelle nous nous trouvions nous

 15   permettent d'y habiter. Mais par la suite elle a été complètement détruite,

 16   ensuite nous sommes allés à Srebrenica. Ensuite, nous avons été hébergés

 17   dans une maison et c'est là qu'on nous a accordé une pièce, une chambre, et

 18   c'est là que je me suis installée avec mon mari et mes enfants.

 19   Q.  Que s'est-il passé concernant la maison de Potocari, pourquoi est-elle

 20   devenue inhabitable ?

 21   R.  Il y a eu un obus de gros calibre, comme on le disait à l'époque. Elle

 22   a été complètement détruite. Elle a été touchée par cet obus, elle a été

 23   complètement détruite, et eux non plus ne pouvaient plus rester dans cette

 24   maison, les gens chez qui nous séjournions et donc, eux aussi, ils sont

 25   allé vivre à Srebrenica.

 26   Q.  Pour les fins de ce procès et de votre déposition, je vais passer

 27   directement au mois juillet de 1995. Je vais passer directement à cette

 28   année-là, et j'aimerais vous demander si en juillet 1995 vous viviez avec


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  1   votre famille à Srebrenica, car les années 1992, 1993 et 1994 étaient très

  2   difficiles pour vous, nous le savons.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire qui vivait dans cette maison, afin que

  5   nous sachions quel âge avaient vos enfants en juillet 1995 ? Du meilleur de

  6   votre souvenir, bien sûr.

  7   R.  Oui. J'habitais avec ma famille, que j'ai mentionnée un peu plus tôt.

  8   Et dans le même appartement, j'avais encore deux frères, Salik Salihovic,

  9   qui est né en 1952, alors que Mirsad Salihovic est né en 1961. Nous vivions

 10   tous ensemble.

 11   Q.  Quel âge avait votre mari à l'époque ?

 12   R.  Mon mari était âgé de 45 ans.

 13   Q.  Vos trois fils étaient âgés de quel âge en juillet 1995 ?

 14   R.  Mon fils aîné, Elvir Malagic, était âgé de 19 ans; Admir Malagic avait

 15   15 ans et cinq mois; et Adnan était âgé de 11 ans.

 16   Q.  Et en juillet, étiez-vous enceinte ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce qu'une fille est née ? Avez-vous eu, en fait, une fille en bonne

 19   santé ?

 20   R.  Oui. Elle est née le 21 janvier 1996 à Tuzla.

 21   Q.  D'accord. En début juillet 1995, avez-vous senti le besoin de devoir

 22   quitter votre demeure de nouveau ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous expliquer pourquoi ?

 25   R.  Oui. Fin juin, début juillet, et plus particulièrement au début du mois

 26   de juillet, un chaos régnait le plus total dans Srebrenica. Certains

 27   avaient essayé de passer sur le territoire libre en s'auto-organisant dans

 28   des groupes. Ils se mettaient d'accord les uns avec les autres pour


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  1   constituer des groupes. On entendait toutes sortes de dires. On disait que

  2   Srebrenica allait tomber, qu'il fallait quitter immédiatement, et d'autres

  3   personnes étaient évacuées par hélicoptère, supposément pour être formés.

  4   C'est ce qu'on disait. C'était des ouï-dire.

  5   Les personnes ordinaires comme moi, ma famille et mes frères, nous

  6   avions compris que quelque chose était en train de se passer et qu'il nous

  7   fallait absolument quitter Srebrenica, et qu'il nous faudrait aller quelque

  8   part. Mais nous ne savions pas et nous ne pensions pas, ne pouvions jamais

  9   imaginer que les choses allaient se dérouler de la façon dont elles se sont

 10   déroulées. Nous n'avions jamais pu penser que les choses allaient se passer

 11   de la façon dont elles se sont passées et qu'on a tué un si grand nombre de

 12   personnes. Nous avons pensé que l'évacuation serait faite de façon plus

 13   civilisée, peut-être un échange, je ne sais pas. Je ne sais pas quel était

 14   leur plan, mais de toute façon, nous, peuple ordinaire, nous n'avions

 15   aucune connaissance de ce qui allait se passer.

 16   Tout le monde était en panique. Tout le monde était paniqué. Les gens

 17   ne savaient plus où aller, que faire. Certaines personnes partaient et par

 18   la suite, on a perdu toute trace d'eux. Les gens se débrouillaient comme

 19   ils le pouvaient. Moi, ma famille, mes frères, mon mari, mes enfants, nous

 20   étions restés jusqu'à ce qu'il ne faille absolument que l'on parte.

 21   Un jour, j'étais à Potocari, je ne me souviens plus de la date exacte.

 22   C'était en début juillet, juste avant le 11. Nous nous trouvions tout près

 23   du terrain de tirs, et nous avons entendu des obus, et j'avais très peur

 24   que les obus ne soient tombés dans Srebrenica. Il y avait une accalmie et

 25   je pensais que la FORPRONU était entrée dans Srebrenica. Nous nous

 26   rappelions de l'année de 1992 et nous avions peur des activités de combat,

 27   qu'elles ne recommencent.

 28   Le 10 juillet - je crois que c'était soit le 9 ou le 10 juillet - il y


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  1   avait un très grand nombre d'obus qui tombaient. Il y avait un pilonnage

  2   assez intense. Je ne sais pas combien d'obus on pouvait lancer au cours

  3   d'une journée. Vous savez, il y avait un très grand nombre de personnes,

  4   c'était très densément peuplé, Srebrenica était densément peuplée, donc

  5   même si on lançait un obus quelque part, il était certain que l'obus allait

  6   tuer un très grand nombre de personnes.

  7   Les hôpitaux étaient bondés de personnes blessées. C'était le chaos

  8   total qui régnait. On ne savait plus où aller et on ne savait pas du tout

  9   ce qui se passait exactement. Et le 10, c'était la première fois que nous

 10   nous étions rendus dans la base de la FORPRONU, parce que les gens

 11   essayaient de voir ce qui se passait, et quand le point de contrôle avait

 12   été abandonné à Zeleni Jadar, les membres de la FORPRONU nous ont dit qu'il

 13   ne se passerait rien et que nous pouvions retourner dans nos appartements à

 14   Srebrenica, et c'est ce que nous avions fait. Nous y avions de nouveau

 15   passé la nuit, mais il faut dire que personne ne dormait. On parlait entre

 16   nous. On essayait de voir ce qu'on allait faire.

 17   Le lendemain matin, donc le 11 juillet, nous étions dans la maison. Nous

 18   avons pris un peu de pain. Il est vrai que nous ne pouvions pas dormir.

 19   Nous avions préparé quelque chose à manger pour que les enfants puissent

 20   manger quelque chose. Mon plus jeune frère est allé à Potocari puisque nous

 21   avions un jardin, et donc, il y était allé pour aller chercher un peu de

 22   pommes de terre et d'autres petites denrées de ce type. Nous n'avions même

 23   pas réussi à le saluer.

 24   Nous sommes sortis de la ville et lorsque mon frère est sorti, il est

 25   revenu pour dire : sortez, les soldats serbes se trouvent déjà à côté du

 26   poste de l'ancien poste de police de Srebrenica. Il nous a dit qu'il

 27   fallait absolument quitter la ville. Et donc, nous sommes partis tous

 28   ensemble. Mon beau-père était là également. Nous sommes tous partis en


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  1   direction de la base de la FORPRONU. C'était la base de la FORPRONU. Nous

  2   sommes passés à côté de l'hôpital --

  3   Q.  Excusez-moi, mais il faut que je vous interrompe. Je pense que ça va de

  4   soi, mais il faut que je vous pose la question suivante : pourquoi la

  5   présence des soldats Serbes vous a amenés à quitter votre maison ?

  6   R.  C'est parce que nous ne nous attendions pas à voir d'autre chose. Nous

  7   savons ce qui s'était passé en 1992 à Voljavica. Il y a eu des meurtres

  8   près de ma maison. Les gens ont été emmenés. Les gens ont souffert à

  9   Bratunac, nous avons vu cela. Mes cousins ont souffert au stade de

 10   Bratunac.

 11   Et pour ne pas vivre la même chose, nous avons demandé que la

 12   FORPRONU nous protège, puisque nous ne croyions pas que les soldats serbes

 13   n'allaient pas nous arrêter ou capturer.

 14   Donc c'étaient les soldats hollandais de la FORPRONU qui, pour nous,

 15   constituaient un seul espoir. C'est pour cela que nous sommes allés là-bas

 16   pour trouver refuge dans la base de la FORPRONU.

 17   Q.  Vous avez dit à Bratunac les gens ont été séparés de leurs familles.

 18   Pouvez-vous nous dire ce que vous en savez, et je pense que cela a eu lieu

 19   en 1992 à Bratunac ? Qu'est-ce que vous avez appris pour ce qui est de cet

 20   incident, et pourquoi avez-vous eu peur en 1995 ?

 21   R.  Oui. Au début du mois de mai 1992, mon époux avait deux sœurs. L'une

 22   vivait à Bratunac, et l'autre à 2 kilomètres de Bratunac, vers Kravica, où

 23   elle avait sa maison familiale. Nous avons vu que sa maison a été

 24   incendiée, ainsi que tout le village de Hrnici. Des soldats serbes sont

 25   venus à bord de véhicules et sont descendus de ces véhicules. Ils n'ont pas

 26   arrêté les gens. Ils ont lancé des engins explosifs, des Zolja peut-être,

 27   mais je ne connais pas. En tout cas, les maisons ont été incendiées. De

 28   notre village, on ne peut pas voir ce village, mais on a vu le soir le ciel


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  1   embrasé puisque les maisons ont été incendiées à Hrnici. 

  2   Ensuite, les jours qui ont suivi, à Mihajlevici également, il y avait

  3   des maisons incendiées. De la colline vers la route, ils ont incendié

  4   toutes les maisons. Vers la Drina, les maisons étaient en flammes. Ensuite,

  5   Suha, un autre village qu'on pouvait voir de nos maisons, a été incendié

  6   également, était en flammes. Ils passaient à côté de nos maisons à bord de

  7   leurs véhicules. Ils ont arrêté les jeunes hommes qui ont été tués sur un

  8   pré à côté de ma maison et de la maison de ma tante. Deux jeunes hommes qui

  9   ont essayé de se sauver de leurs véhicules, on leur a tiré dessus. Et ces

 10   deux jeunes hommes ont été tués près de nos maisons. Tout cela s'est passé

 11   en 1992 avant le 12 mai, pendant que nous étions dans notre maison.

 12   Q.  Est-ce que quoi que ce soit se serait passé à Bratunac, puisque

 13   vous avez dit que les gens ont été emmenés, est-ce que quoi que ce soit se

 14   serait passé à Bratunac près du stade de Bratunac en 1995 et dont vous

 15   étiez au courant ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pouvez-vous nous parler de cela brièvement, ce que vous en savez ?

 18   R.  Les gens de Suha, de Mihajlevici, de Bratunac ont été emmenés,

 19   donc toutes les familles ont été emmenées au stade de Bratunac. Parmi ces

 20   personnes, il y avait ma belle-sœur, son beau-frère, une autre belle-sœur

 21   et leurs enfants. Ils ont survécu à cela et m'ont raconté tout cela. Un

 22   autre cousin y était, ainsi que sa famille, au stade de Bratunac. Et au

 23   stade de Bratunac, ils ont séparé les femmes des hommes. Les femmes ont été

 24   transportées vers Tuzla, et les hommes ont été emmenés à l'école Vuk

 25   Karadzic, où ils ont été torturés et malmenés.

 26   Entre autres, l'un des fils de ma tante et son fils étaient à l'école

 27   Vuk Karadzic. Cela est certain. Lorsque nous avons quitté notre maison, une

 28   télévision, ça s'appelait UTEL [phon], en Serbie, au village de Brezovica,


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  1   il y avait toujours de l'électricité. Puisque nous sommes arrêtés à ce

  2   village après avoir quitté notre maison, j'ai vu mon cousin à cette

  3   télévision. Il a été frappé partout. Je ne sais pas qui l'a filmé à

  4   l'époque. Et j'ai vu Amer [phon], son fils aîné, et lui, il a raconté ce

  5   qui s'était passé à l'école à Bratunac. Il est resté vivant. En tout cas,

  6   il peut toujours témoigner là-dessus. Son fils est mort à Tuzla par la

  7   suite. Et ils ont été échangés à Vlasenica à un moment donné après cela.

  8   Q.  Revenons à Srebrenica au moment où vous êtes partie. C'était le 11

  9   juillet. Vous avez décidé de partir, n'est-ce pas ?

 10   R.  Tout le monde est sorti de Srebrenica à ce moment-là. Tout le monde de

 11   la ville de Srebrenica, nous sommes partis de la ville de Srebrenica et

 12   nous sommes dirigés vers la base de la FORPRONU à la broderie. Mais les

 13   soldats de la FORPRONU ne nous ont pas permis de continuer vers Potocari au

 14   début. Tout le monde y était. Il s'agissait de beaucoup de personnes, d'une

 15   foule qui s'y trouvait et qui ne savait pas où partir.

 16   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Nous savons tous qu'il y avait

 17   plusieurs bases de la FORPRONU. Où se sont rassemblés ces gens, cette foule

 18   dont vous venez de parler ?

 19   R.  A 1 kilomètre du centre-ville vers Potocari, à l'ancienne broderie.

 20   C'est là où se trouvait la première base de la FORPRONU. Et même

 21   aujourd'hui, on peut voir sur la toiture l'inscription FORPRONU, ou Nations

 22   Unies plutôt. C'est là où nous nous sommes arrêtés en premier.

 23   Q.  Décrivez-nous ce qui s'était passé là-bas, pour autant que vous vous

 24   souveniez.

 25   R.  Mon frère aîné ainsi que mon époux et mes fils ont décidé, avec

 26   d'autres et ainsi que les hommes valides, parce qu'ils ont considéré qu'ils

 27   étaient capables de se rendre à Tuzla à pied, donc de se diriger vers le

 28   territoire libre pour se sauver. Puisqu'ils ne croyaient pas qu'ils


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  1   devaient aller à Potocari, ils n'osaient pas y aller. Mais nous, les femmes

  2   et les enfants, devions y aller, puisqu'ils pensaient que la FORPRONU

  3   allait nous protéger puisque nous n'étions pas en mesure d'entreprendre

  4   cette route.

  5   Mon fils cadet, il était jeune, mais il était assez grand, et c'était

  6   la raison pour laquelle il est parti avec eux. Et ils sont partis dans la

  7   direction du village de Susnjari, où ils se sont séparés à la station-

  8   service de Srebrenica. Non seulement eux, mais beaucoup d'autres personnes.

  9   Et là, le pilonnage a commencé.

 10   Q.  Bien. Pouvez-vous nous dire, pour autant que vous sachiez, pourquoi

 11   votre mari n'a pas voulu aller à Potocari pour demander que la FORPRONU les

 12   protège ? Pourquoi il a choisi de se rendre dans les bois ?

 13   R.  Je pense qu'à l'époque, et c'était la même chose en 1992, il pensait

 14   qu'il ne fallait pas croire aux soldats serbes, aux autorités serbes, et

 15   c'est pour cela qu'on est partis dans les bois. C'étaient les mêmes raisons

 16   de prendre la même décision au moment où nous nous sommes séparés. Beaucoup

 17   de personnes ont emprunté ce chemin par les bois, puisqu'elles ne croyaient

 18   pas que la protection allait être adéquate. Puisque les soldats serbes ont

 19   passé par ce premier point de la FORPRONU et ont pénétré dans la ville de

 20   Srebrenica. Je ne dis pas que la FORPRONU leur a permis de passer, mais ils

 21   n'avaient pas de moyens pour les empêcher. Mais le territoire qui devait

 22   être passé était un territoire assez étendu qu'il fallait passer pour aller

 23   au territoire libre. C'est pour cela que nous sommes partis vers la base de

 24   la FORPRONU. Donc c'était la seule raison pour laquelle les autres se sont

 25   rendus dans les bois.

 26   Q.  Donc vous êtes partis, et vous étiez à la proximité de la base de la

 27   FORPRONU en Srebrenica au moment où le pilonnage a commencé. Est-ce que

 28   vous vous souvenez approximativement du moment de la journée où le


Page 10020

  1   pilonnage a commencé dans la base de la FORPRONU à Srebrenica ?

  2   R.  Je n'avais pas de montre. C'était le 11 juillet, la matinée du 11

  3   juillet. C'était dans la matinée, mais je ne peux pas vous dire l'heure

  4   exacte où le pilonnage a commencé. En tout cas, c'était pendant la matinée.

  5   C'est parce que plus tard, nous sommes restés longtemps, pendant deux ou

  6   trois heures, dans l'enceinte de la base de la FORPRONU, après quoi nous

  7   avons continué dans la direction de Potocari au moment où ils nous ont dit

  8   que nous pouvions continuer notre chemin vers Potocari. C'était peut-être

  9   vers 9 heures ou 10 heures. Je ne sais pas, je n'avais pas de montre à

 10   l'époque.

 11   Q.  Pouvez-vous décrire ce pilonnage, pouvez-vous nous dire quels étaient

 12   les points d'impact ?

 13   R.  Les obus tombaient. Le chaos régnait. On entendait des cris. Les

 14   enfants et les femmes trouvaient refuge dans des bâtiments aux alentours.

 15   Il y avait des morts, des blessés. L'un de ces obus m'a touchée. Tout le

 16   monde était fauché autour de moi. J'ai pensé que mon fils cadet était mort

 17   puisqu'il était avec moi. Mon beau-père était à côté de moi et il est tombé

 18   lui aussi. Peu de temps après, lorsque nous nous sommes relevés, j'ai vu

 19   que j'étais blessée. Tout le monde était effrayé.

 20   Les gens essayaient de trouver refuge aux alentours, mais c'était

 21   chaotique. Il y avait des morts, des blessés, des gens en sang, puisque les

 22   obus trouvaient toujours leur cible puisqu'il y avait une foule de

 23   personnes. Des obus tombaient toujours au sein des groupes de personnes qui

 24   se trouvaient sur le territoire, sur les rues et autour des bâtiments,

 25   c'est un espace qui n'est pas très étendu, et autour de la station-service,

 26   vers Kutlici [phon] également où les hommes valides se sont rendus.

 27   Ceux qui ont décidé de se rendre dans les bois pour aller vers Tuzla

 28   pour se sauver, je pense que même là-bas les obus tombaient. Il y en a eu


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  1   beaucoup qui sont morts là-bas, qui n'ont jamais réussi à partir, en fait,

  2   de Srebrenica.

  3   Q.  Pour ce qui est de votre famille, vous-même et votre fils -- votre fils

  4   Adnan, qui avait 11 ans, et votre beau-père, vous êtes restés dans la base

  5   de la FORPRONU à Srebrenica, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire le nom de votre beau-père et quel âge il avait à

  8   l'époque ?

  9   R.  Il s'appelait Malagic, Omer. Il avait 80 ans à peu près. Il est né en

 10   1926.

 11   Q.  Où avez-vous été touchée par l'obus ?

 12   R.  A l'omoplate droite. Sur la tête, j'avais un pull, et beaucoup d'éclats

 13   d'obus sont restés dans ce pull. Mon fichu avait également beaucoup

 14   d'éclats d'obus. Heureusement, je n'ai été touchée que dans l'omoplate

 15   droite superficiellement.

 16   Q.  Vous avez dit qu'à Srebrenica, vous êtes restés deux ou trois heures.

 17   Dites-nous où êtes-vous allés après cela et pourquoi ?

 18   R.  Les soldats de la FORPRONU nous ont --

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 20   [Problème technique]

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous sommes désolés, mais il faut

 22   qu'on attende un peu puisque le compte rendu a été gelé.

 23   Maintenant ça fonctionne à nouveau.

 24   Monsieur McCloskey, poursuivez.

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez quitté la base de Srebrenica

 27   après le pilonnage que vous venez de décrire ?

 28   R.  Oui. C'est là où les soldats de la FORPRONU, puisque nous ne


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  1   comprenions pas leur langue, ils nous ont montré la direction de Potocari.

  2   A ce moment-là, on a entendu le bruit du moteur d'avion. Ils nous ont

  3   montré que nous ne devions pas avoir peur, que tout allait bien se passer

  4   et que nous devions aller dans la base de Potocari. Et c'est comme cela que

  5   les gens sont sortis de cette base de la FORPRONU. Il s'agissait de

  6   beaucoup de personnes qui ont commencé à marcher vers Potocari en

  7   empruntant la route goudronnée.

  8   Q.  Et vous étiez avec votre fils Adnan et avec votre beau-père lorsque

  9   vous marchiez sur cette route goudronnée jusqu'à Potocari ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Pouvez-vous nous décrire brièvement ce trajet.

 12   R.  C'était effrayant, puisqu'il y avait des obus tout le long de ce chemin

 13   qui tombaient des deux côtés de la route goudronnée. C'étaient des

 14   pilonnages incessants. Les éclats d'obus blessaient les gens. Les blessés

 15   restaient là où ils ont été blessés, puisque les autres ne pouvaient pas

 16   les porter. Les personnes âgées restaient sur la route également. Personne

 17   n'avait suffisamment de force pour les amener avec eux. C'est comme ça

 18   qu'on marchait vers Potocari.

 19   Et à 1 kilomètre et demi à peu près avant Potocari, deux camions de

 20   la FORPRONU sont arrivés, nous ont rattrapés. Sur l'un de ces camions, la

 21   bâche était déchirée, et à bord de ces camions, il y avait beaucoup de

 22   personnes. Et j'ai reconnu mon fils à bord de l'un de ces camions. Je l'ai

 23   vu, il m'a vue et il m'a saluée. Avec lui, il y avait l'un de ses amis de

 24   Srebrenica. Je l'ai vu là la dernière fois, et je ne l'ai pas retrouvé à

 25   Potocari.

 26   Q.  Lequel de vos fils avez-vous vu la dernière fois à bord de ce camion ?

 27   R.  Mon fils aîné, Malagic, Elvir.

 28   Q.  Quand et où avez-vous vu la dernière fois votre époux et votre autre


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  1   fils avant qu'ils ne soient partis dans les bois ?

  2   R.  Devant le portail de la FORPRONU à Srebrenica, ou plutôt, près de

  3   l'ancienne station-service. C'est où nous nous sommes séparés. Nous n'avons

  4   pas eu le temps pour nous dire au revoir comme il le fallait. On s'est

  5   séparés. Et je ne peux que supposer comment mon fils aîné s'est trouvé à

  6   bord de ce camion. Les deux autres, je ne les ai jamais revus.

  7   Q.  Avez-vous jamais vu votre mari et votre fils qui est parti avec votre

  8   époux, est-ce que vous les avez revus par la suite vivants ?

  9   R.  Non, jamais.

 10   Q.  Et quand êtes-vous arrivés à Potocari le 11 juillet ?

 11   R.  Dans l'après-midi, nous sommes arrivés à Potocari et nous nous sommes

 12   dirigés jusqu'à la base de la FORPRONU, jusqu'à l'ancienne usine de groupes

 13   électrogènes. Devant le portail de l'usine, on a vu un ruban jaune et rouge

 14   pour indiquer que les soldats de la FORPRONU s'y trouvaient. Ils nous ont

 15   expliqué que nous ne pouvions pas passer puisqu'il n'y avait plus de place

 16   dans la base. Nous avons compris que l'enceinte de leur base était pleine à

 17   craquer et que les autres ne pouvaient pas y pénétrer. Nous devions rester

 18   dans la rue devant le portait de la base de la FORPRONU, devant ces rubans

 19   pendus autour de la base.

 20   Plus tard, nous sommes rentrés dans des usines aux alentours ou dans les

 21   enceintes d'anciennes usines, puisque toutes ces personnes devaient se

 22   loger quelque part. Nous étions à la belle étoile dans l'enceinte de

 23   l'usine 11 mars, l'entreprise de transport de Srebrenica et l'usine de

 24   zinc. Nous étions donc au sein des enceintes de ces usines, et les autres

 25   aussi. Ils étaient avec nous.

 26   Q.  Peut-on dire que vous et des milliers d'autres, vous avez passé la nuit

 27   dans les enceintes de ces usines et autour de ces usines et que cette nuit-

 28   là était une nuit relativement calme ? Et vous avez dit que certaines


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  1   personnes se sentaient en sécurité pendant cette nuit-là, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et le lendemain matin, donc nous parlons de la matinée du 12, pouvez-

  4   vous nous dire ce qui s'est passé ? Et pouvez-vous nous décrire les

  5   événements les plus importants dont vous vous souvenez et dont vous avez

  6   parlé.

  7   R.  Dans la soirée du 11, il y a eu des pilonnages, des lignes de

  8   séparation, pas sur le peuple, mais sur les lignes de séparation. Je

  9   connaissais cet endroit, puisque j'y suis née. On a pu entendre dans les

 10   collines le bruit des balles à fragmentation, des tirs de tireurs

 11   embusqués. Nous ne dormions pas. Nous étions assis pendant toute la nuit,

 12   juste comme les autres.

 13   Et des collines aux alentours -- ou plutôt, du village de Zogaze

 14   [phon], qui se trouvait au-dessus de l'usine de groupes électrogènes, de

 15   Peciste, où je suis née, de Likari et d'autres villages, donc de ces

 16   villages, les maisons ont commencé à être incendiées. Ou plutôt, pas les

 17   maisons au début, mais des étables, des granges, et cetera. On a pu voir

 18   les flammes s'élever de ces bâtiments, et les gens ont commencé à descendre

 19   vers la base de la FORPRONU.

 20   Q.  Vous dites que "ils ont incendié ces endroits". A qui avez-vous pensé ?

 21   R.  J'ai pensé aux soldats serbes qui, après avoir incendié ces bâtiments,

 22   ont commencé à descendre et on a pu les voir à un moment donné. Donc ils

 23   sont descendus jusqu'à l'entreprise de transport de Srebrenica, où se

 24   trouvait la maison de mon frère qui a été détruite.

 25   Et ils sont arrivés dans un pré, et avant de pénétrer dans la foule,

 26   ils avaient quelques chevaux - je ne sais pas à qui appartenaient ces

 27   chevaux - ils les ont attachés à un grand arbre et ils ont commencé à tirer

 28   en l'air. Ils ont chanté. Ils se sont déchaînés. Ils ont intimidé les


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  1   chevaux. Les chevaux étaient probablement attachés puisqu'ils ne pouvaient

  2   qu'aller autour de cet arbre, parce qu'on a pu voir cela à l'œil nu de

  3   l'endroit où nous étions.

  4   Nous ne quittions pas cette enceinte. Et les étaux se resserraient,

  5   puisque les gens -- d'autres gens devaient quitter leurs maisons. On leur a

  6   dit de quitter leurs maisons, et ils ont commencé à descendre vers la route

  7   goudronnée puisqu'ils pensaient qu'ils allaient être évacués. Et les femmes

  8   de ces maisons aux alentours ont commencé à nous joindre.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey, excusez-moi de

 10   vous avoir interrompu, mais j'aimerais tirer un point au clair.

 11   Concernant la dernière question de M. McCloskey, puisqu'il vous a

 12   demandé : A qui vous avez pensé en disant que les maisons ont été

 13   incendiées ? Et vous avez répondu qu'il s'agissait des soldats serbes.

 14   Est-ce que vous avez parlé des soldats serbes ou des soldats serbes

 15   de Bosnie ? Puisque vous avez dit les soldats serbes, et vous avez utilisé

 16   cela à plusieurs reprises dans votre déposition.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si je me suis bien exprimée.

 18   Même aujourd'hui, je ne sais pas s'il s'agissait des soldats serbes de la

 19   Serbie ou des soldats qui étaient les Serbes de Bosnie. Ils portaient des

 20   uniformes de camouflage, c'étaient les soldats, les Serbes. Mais je ne sais

 21   pas s'il s'agissait des soldats de la Serbie ou les soldats serbes. Je ne

 22   les connaissais pas.

 23   Lorsqu'ils sont descendus et lorsqu'ils sont entrés dans l'enceinte

 24   parmi nous, j'ai vu beaucoup de jeunes hommes et j'ai pensé qu'il pouvait

 25   s'agir de l'armée régulière, puisqu'il y avait beaucoup de jeunes hommes.

 26   C'est la conclusion à laquelle j'ai pu arriver. Mais je ne sais pas si

 27   c'étaient les soldats qui ont incendié ces maisons. Il s'agissait peut-être

 28   des réservistes ou des soldats serbes de Bosnie. Mais en tout cas, ils


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  1   portaient des uniformes de camouflage, ceux qui sont descendus et qui sont

  2   entrés dans l'enceinte de l'usine parmi nous.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  4   Monsieur McCloskey, poursuivez.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation]

  6   Q.  Bien. Pouvez-vous nous parler d'autres événements importants qui se

  7   sont passés le 12 juillet après que les soldats serbes étaient arrivés dans

  8   cette région ? C'est ce que vous avez déjà décrit.

  9   R.  Oui. Dans cet endroit, il y avait d'autres femmes. Moi, je me trouvais

 10   dans une pièce de l'usine de produits de zinc et mon beau-père se trouvait

 11   devant le bâtiment. Donc il y était avec moi, devant moi. Il n'y avait ni

 12   portes ni fenêtres dans ce bâtiment. Ils arrivaient pour interroger les

 13   gens. Des groupes entraient pour nous demander où se trouvaient nos époux,

 14   nos fils, nos frères. Où sont les hommes valides ? Où sont-ils partis ?

 15   Cela a duré jusqu'en après-midi. Ils nous posaient des questions en se

 16   déplaçant entre nous et nous observaient. Il y en a eu qui étaient, pour

 17   ainsi dire, impolis, ils proféraient des jurons.

 18   Ils nous disaient que : C'est Alija qui vous a fait subir tout cela.

 19   Nous, de notre côté, nous nous taisions. Nous n'engagions pas de discussion

 20   ou de conversation. Une fois, le fils de l'une de mes amies, qui était un

 21   peu espiègle, est arrivé et l'un d'entre eux est arrivé pour lui demander

 22   où était son époux. Elle a répondu qu'avec les blessés, il a été transporté

 23   à Tuzla et par la suite en Allemagne, puisqu'il a été handicapé à 100 %. Et

 24   c'est à ce moment qu'ils nous ont laissés.

 25   Et ce jour-là, jusqu'à l'après-midi, ils ont fait sortir des groupes

 26   d'hommes pour les interroger pas très loin de nous, mais nous ne pouvions

 27   pas entendre de quoi ils parlaient. A ce moment-là, personne ne m'a rien

 28   demandé.


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  1   Q.  Encore une fois, lorsque vous dites "ils emmenaient les hommes", à qui

  2   avez-vous exactement pensé ?

  3   R.  C'étaient les personnes en uniforme de camouflage qui se déplaçaient

  4   parmi les gens, parmi le peuple avec des armes. Nous ne pouvions pas

  5   vraiment déterminer leur âge. Il y en avait qui étaient jeunes, il y en

  6   avait également qui étaient plus âgés. Je ne sais pas s'il s'agissait des

  7   Serbes de Bosnie. Mais les jeunes hommes qui y étaient ne pouvaient être

  8   que des soldats de l'armée régulière qu'on avait pu voir avant la guerre.

  9   Mais pour ce qui est des uniformes, nous savions qu'il s'agissait de ces

 10   personnes puisqu'ils portaient tous les mêmes uniformes. Ils arrivaient

 11   dans l'après-midi pour poser des questions. Plus tard, ils ont commencé à

 12   faire sortir des groupes d'hommes à l'extérieur pour les interroger. Par

 13   exemple, ils leur demandaient s'il y avait des personnes de Zepa parmi eux.

 14   Ils nous ont dit que Zepa était tombée, que nous ne pouvions pas y aller.

 15   Donc on pouvait entendre leur discussion.

 16   Nous pouvions également conclure qu'il pouvait s'agir des hommes de

 17   la Serbie selon leur accent, parce qu'ils parlaient ékavien. C'était un

 18   élément qui nous a amené à arriver à cette conclusion. Et donc, tout cela a

 19   duré jusqu'à l'après-midi du 12 juillet.

 20   Q.  Parmi les hommes serbes que vous avez vus ce jour-là, le 12, et même le

 21   13, parmi eux, avez-vous pu reconnaître d'anciens voisins ou collègues qui

 22   étaient originaires de la région de Bratunac, de Potocari ? Vous n'avez pas

 23   besoin de me donner leurs noms, mais pouvez-vous me dire si vous avez

 24   reconnu parmi eux certains de vos collègues ou voisins ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Par exemple, vous avez dit Milisav Gavric. Est-ce qu'il était là-bas ?

 27   Parce que vous avez mentionné son nom.

 28   R.  Oui. J'allais dire que le 12 juillet dans l'après-midi, je suis partie


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  1   aller chercher de l'eau avec une autre femme puisqu'il n'y avait pas

  2   suffisamment d'eau, et il faisait très chaud. Devant une maison, il y avait

  3   une pompe à eau, et nous sommes parties, nous allions passer le portail de

  4   cette usine 11 mars, et Milisav Gavric y était debout avec un groupe de nos

  5   hommes.

  6   Il y avait parmi eux un oncle de mon époux, trois frères, par

  7   exemple, de Potocari, un homme de Stegari [phon] qui était chauffeur de

  8   taxi et que je connaissais. Et je pouvais conclure qu'il s'agissait d'une

  9   conversation qui n'était pas désagréable, qui était cordiale. Gavric était

 10   de bonne humeur apparemment. Donc je suis partie pour aller chercher de

 11   l'eau pour mes enfants, pour mon fils cadet.

 12   Et là, deux personnes nous ont arrêtées pour nous demander s'il y

 13   avait des personnes de Luke, pour nous demander qui nous étions, et cetera.

 14   Lorsque nous sommes rentrées, ils ont commencé à faire sortir des groupes

 15   d'hommes, et le fils de Sabahata, qui travaillait avec moi, a été

 16   interrogé. Donc son fils, il est arrivé avec elle et il était avec nous

 17   dans cette usine. Trois hommes l'ont fait sortir pour l'interroger et il

 18   retournait à chaque fois auprès de sa mère. Et la troisième fois, ils l'ont

 19   emmené et il n'est plus revenu.

 20   C'était déjà l'après-midi lorsqu'ils ont commencé à emmener les

 21   hommes. Et les hommes qui ont été amenés à ce moment-là n'ont plus retourné

 22   cette nuit-là, le lendemain matin non plus.

 23   J'ai vu l'un de mes voisins, Salihovic Ahmo, qui est parti et n'est

 24   plus retourné. Fejzic Rijad également, donc il n'a pas survécu. Ensuite,

 25   lorsque Efendic Hamid a été interrogé, j'ai vu cela puisque c'était près de

 26   l'endroit où je me trouvais dans l'enceinte. Et j'ai vu l'interrogatoire

 27   d'autres hommes que je ne connaissais pas. En tout cas, ceux qui sont

 28   partis ne sont plus retournés. Ils ont été emmenés dans la maison derrière


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  1   l'enceinte de l'usine et ces hommes ne sont jamais plus revenus près de

  2   leurs familles.

  3   Q.  Vous souvenez-vous d'avoir vu des véhicules débarquer ce jour-là dans

  4   l'après-midi ou plus tard, je parle du 12 juillet ?

  5   R.  Les seuls véhicules qui se présentaient venaient depuis Srebrenica et

  6   se dirigeaient vers Bratunac. Pour la plupart, ces véhicules emportaient

  7   des effets personnels, différents objets qui, à mon avis, avaient été

  8   pillés. Donc on était déjà en train de piller des maisons qui appartenaient

  9   à la population. Un certain nombre de camions étaient recouverts d'une

 10   bâche, donc on ne pouvait pas voir ce que les véhicules transportaient.

 11   Mais dans d'autres camions, on voyait bien toutes sortes de meubles,

 12   d'appareils ménagers, toutes sortes d'objets qui avaient été pillés et

 13   récupérés dans les maisons. Mais on n'a pas vu d'autres véhicules passer.

 14   Q.  Ce jour-là, dans l'après-midi, avez-vous remarqué que les membres de la

 15   population musulmane étaient embarqués dans les véhicules et emmenés ?

 16   R.  Dès le 12 juillet, nous avons été informés que l'évacuation devait être

 17   entamée. Mais d'après ce qu'ils avaient dit, la priorité revenait aux

 18   femmes avec des enfants en bas âge. Puis, une fois les femmes évacuées, des

 19   personnes âgées devaient suivre. C'est ce qu'on nous a dit. Donc il fallait

 20   d'abord évacuer les femmes qui avaient des bébés avec elles. Mais il nous

 21   était impossible de voir les véhicules à bord desquels ces personnes

 22   devaient être emmenées parce qu'ils se trouvaient en contrebas et nous

 23   étions trop loin. Donc il nous était impossible de distinguer les véhicules

 24   qui étaient venus sur place pour assurer l'évacuation.

 25   Q.  Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre où vous avez passé la

 26   nuit du 12 juillet, expliquez-nous quelles circonstances prévalaient à

 27   l'époque où vous trouviez-vous avec votre famille, votre petit fils et

 28   votre beau-père.


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  1   R.  Eh bien, au cours de cette nuit du 12 juillet, c'était un mercredi,

  2   moi, je suis restée sur place. Mais avant la tombée de la nuit -- ah, j'ai

  3   oublié tout à l'heure de vous le dire. Je suis allée mener mon fils, parce

  4   que je vous signale qu'il n'y avait pas de toilettes dans les bâtiments,

  5   donc il fallait sortir pour pouvoir répondre à l'appel de la nature. Donc

  6   j'avais fait sortir mon fils, et nous nous sommes approchés de la clôture.

  7   J'étais très inquiète, je regardais autour de moi pour voir ce qui s'y

  8   passait. Donc je me suis approchée de la clôture et je me suis aperçu que

  9   deux soldats s'y tenaient, ils étaient armés tous les deux. L'un se tenait

 10   d'un côté, et l'autre, de l'autre. Moi, je me suis arrêtée, et ils ne m'ont

 11   rien dit. Ils ont juste fait un geste de la main pour me montrer que je

 12   devais revenir en arrière.

 13   Près d'une autre maison, j'ai vu plusieurs soldats qui étaient tous

 14   armés, et ils ne permettaient à plus personne d'entrer, de passer par la

 15   grande porte d'entrée.

 16   Q.  Très bien. A quoi ressemblaient ces soldats, pourriez-vous nous le dire

 17   ?

 18   R.  Non. Je ne sais pas. C'étaient des soldats en uniforme. Ils étaient

 19   armés pour la plupart, ils portaient des fusils, et ils se tenaient le long

 20   de cette ligne de séparation qui séparait donc la zone de l'usine de zinc

 21   des maisons privées. Ils nous ont interdit de nous diriger vers ces maisons

 22   privées qui s'y trouvaient.

 23   Q.  Pouvaient-ils être des Néerlandais, par hasard ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Et j'imagine qu'il ne s'agissait pas non plus de soldats musulmans ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Très bien. Vous avez déjà décrit cette nuit du 12 comme la pire nuit

 28   que vous avez vécue. Je sais que cette nuit a dû être terrible pour vous.


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  1   Pourriez-vous nous expliquer, dans la mesure où vous le pouvez, ce qui

  2   s'est passé au cours de cette nuit ?

  3   R.  Oui. Cette nuit, comme vous venez de le dire, a été une des nuits les

  4   plus terribles de ma vie. Vous savez, quand vous vous trouvez comme ça dans

  5   une situation sans issue, sans savoir ce qui peut vous arriver d'une heure

  6   à l'autre, c'est une expérience effrayante. Une fois la nuit tombée, la

  7   population était éparpillée partout, devant les camions qui ne

  8   fonctionnaient plus, par terre sur l'asphalte. Les gens venaient équipés de

  9   batteries et ils dévisageaient les gens qui étaient éparpillés dans la

 10   cour, j'imagine pour retrouver les hommes qu'ils avaient déjà précédemment

 11   isolés, pour les séparer et les amener. Et c'était surtout les hommes qui

 12   étaient sélectionnés.

 13   Quoi faire ? Personne n'osait dire quoi que ce soit. On n'entendait

 14   que des cris. Des femmes qui se lamentaient parce qu'on emportait les

 15   garçons qui étaient souvent très jeunes. C'étaient surtout des adolescents

 16   qui étaient amenés, et on ne les a plus jamais revus. Cette nuit-là, nous

 17   n'avons pas entendu de tirs. Si ces personnes ont été exécutées, et elles

 18   l'ont été, on n'a pu que les égorger ou les tuer d'une autre façon toute

 19   aussi cruelle. Par ailleurs, de nombreuses personnes ont été des témoins

 20   oculaires de ces assassinats.

 21   Six enfants ont été trouvés égorgés dans un pré de maïs. C'est ma

 22   sœur qui les a trouvés. Et ces enfants prouvaient être très jeunes, ils

 23   devaient avoir moins de 12 ans. Donc, on n'entendait pas de tirs. Tout ce

 24   qu'on entendait, c'étaient les pleurs, les cris, on entendait aussi des

 25   sons que je ne saurais vous décrire. Ils me faisaient penser à des films

 26   d'horreur. Est-ce qu'on torturait des gens, est-ce qu'on jouait de la

 27   musique pour dissimuler le son des sévices qu'on leur infligeait, je n'en

 28   sais rien, mais cette nuit a été bien triste, une des plus tristes de ma


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  1   vie.

  2   Q.  Avez-vous vu qui que ce soit qui aurait commis suicide au cours de

  3   cette nuit ? Avez-vous vu des Musulmans qui l'auraient fait ?

  4   R.  Oui. Un de mes parents, qui avant la guerre avait travaillé à l'usine

  5   dans cette même salle, le lendemain son frère l'a trouvé mort. Il s'était

  6   pendu. Quand il a vu ce qui se passait, quand il a vu qu'on amenait des

  7   gens et qu'ils ne revenaient plus, quand il a vu tout ça, il s'est suicidé.

  8   Q.  Comment s'appelait-il ?

  9   R.  Hamdija Smajlovic.

 10   Q.  Très bien. Passons maintenant à la matinée du 13 au moment où le soleil

 11   s'est levé. Qu'avez-vous fait à ce moment-là ? Quels sont vos souvenirs de

 12   cette matinée, de cette journée ?

 13   R.  Ce matin-là, lorsque le soleil s'est levé, le chaos est devenu encore

 14   plus prononcé que le jour d'avant. Toutes les femmes, tous les enfants,

 15   tous les hommes qui étaient toujours en vie ne pensaient qu'à une seule

 16   chose : quitter le village de Potocari dès que possible. Donc, tout le

 17   monde est sorti des locaux de l'usine et s'est approché de ce qu'on

 18   désignait par le terme de barricades.

 19   Donc, c'étaient les barricades qui avaient été dressées par les

 20   membres de la FORPRONU devant les camions au biais desquels nous devions

 21   être transportés. Alors moi, je ne distinguais ces barrières que très loin

 22   de moi, et les gens disaient avoir entendu les représentants de la Croix-

 23   Rouge dire que nous serions tous évacués, qu'il ne fallait pas avoir peur,

 24   mais personne n'y croyait plus. Tout le monde se pressait de monter à bord

 25   de camions dès que possible, et même si la population ne savait pas ce à

 26   quoi elle devait s'attendre dans l'avenir, elle voulait partir de cette

 27   usine dès que possible, parce qu'elle savait bien que rien de bon ne

 28   pouvait lui arriver là. Donc, tout le monde se pressait, sans même savoir


Page 10034

  1   pourquoi, pour atteindre dès que possible les barricades érigées par la

  2   FORPRONU. Mais la masse, la foule, était immense. La chaleur était

  3   insupportable. Et moi, je n'ai pas pu les rejoindre. J'étais obligée de me

  4   mettre de côté, de sortir de la foule, parce que j'avais mal à mon bras qui

  5   avait été blessé. Donc, j'ai pris mon enfant et mon beau-père

  6   m'accompagnait, lui aussi; il ne me quittait d'un instant. Et nous nous

  7   sommes mis de côté pour pouvoir souffler un petit peu. Nous attendions que

  8   la foule se disperse.

  9   Puis à un moment donné au cours de la matinée, nous avons entendu

 10   dire que Ratko Mladic avait fait un discours, ainsi que d'autres soldats

 11   qui distribuaient des chocolats, des bonbons aux enfants. Ils disaient,

 12   nous pouvions l'entendre, qu'il ne nous arrivera rien, que tout ira bien,

 13   que nous serons tous évacués. Mais franchement je n'y ai pas cru. Même

 14   aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé, je ne fais plus confiance à

 15   personne.

 16   Donc, j'attendais tout simplement pour voir ce qui allait arriver.

 17   Les enfants étouffaient dans cette foule qui était immense. Les petits

 18   enfants ne pouvaient plus respirer, tellement, ils étaient écrasés par la

 19   foule. Et pendant que j'attendais assise, j'ai vu plusieurs personnages

 20   célèbres que vous venez de citer. J'ai vu un policier d'active de Bratunac.

 21   J'avais cru, en temps de paix, que nous étions amis; nous nous comportions

 22   comme si nous l'étions. Son épouse me saluait toujours et me traitait très

 23   bien. Puis je l'ai vu, il se tenait là en son uniforme de police, en

 24   pantalon bleu et à une chemise bleue avec une ceinture, et il se comportait

 25   comme s'il ne me connaissait ni d'Adam ni d'Eve.

 26   Q.  Comment s'appelait-il ?

 27   R.  Miladin Jokic.

 28   Q.  Et avez-vous entendu le général Mladic faire son discours et prononcer


Page 10035

  1   ses propos que vous venez de citer ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ses propos auxquels vous dites que vous ne faisiez pas confiance ?

  4   R.  Oui. Quand il nous disait : N'ayez pas peur, rien ne vous arrivera,

  5   demain vous serez évacués. On vous transportera là où vous le souhaitiez.

  6   Tout ira bien. C'est ce qu'il disait.

  7   Q.  Et alors, que vous est-il arrivé, à vous, à votre beau-père et à votre

  8   jeune fils ?

  9   R.  Au moment où l'évacuation a commencé, et on a commencé à pouvoir

 10   souffler puisqu'un groupe de personnes avait déjà dépassé les barricades,

 11   nous nous sommes levés et nous avons suivi la foule. Il nous a fallu une

 12   heure, voire deux, pour atteindre les barricades dressées par la FORPRONU.

 13   Il était difficile d'y accéder, parce qu'il était impossible de marcher sur

 14   l'asphalte qui était recouvert de couettes, de sacs à dos. Je ne savais pas

 15   pourquoi les gens avaient laissé tout ça derrière. Est-ce qu'ils étaient

 16   obligés de le faire, est-ce qu'ils l'ont fait pour une autre raison, je ne

 17   le savais pas. Puis quand je suis arrivée près des barricades, les soldats

 18   nous disaient qu'il fallait nous débarrasser de nos affaires, et nous

 19   disaient : Laissez tous ces effets sur place. Vous n'aurez pas besoin de

 20   couettes là où vous allez. C'est votre Alija qui vous y attendra. Il vous

 21   donnera des lits bien confortables. Donc, ils nous insultaient.

 22   Q.  S'agissait-il de soldats serbes ou néerlandais; le savez-vous ?

 23   R.  Je crois qu'il s'agissait de soldats serbes. C'est ce que je crois,

 24   parce que les Néerlandais auraient été incapables de s'exprimer en serbo-

 25   croate d'une façon si courante. Si un Néerlandais s'adresse à vous, même

 26   s'il est capable de parler la langue, vous pouvez le distinguer grâce à son

 27   accent. Au moment où j'ai vu un soldat attaché à un transporteur, au moment

 28   où je les ai vu forcer à se déshabiller, je me suis rendu compte qu'eux-


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  1   mêmes ne savaient plus ce qu'ils faisaient et ne contrôlaient plus leurs

  2   mouvements. Lorsque la population leur posait des questions pour savoir ce

  3   qui allait nous arriver, ils répondaient : Ne craignez rien. Il ne se

  4   passera rien.

  5   Mais ces soldats-là, ils s'exprimaient en serbo-croate. Ils parlaient

  6   couramment serbo-croate. Aucun Néerlandais n'a jamais pu faire ça.

  7   Q.  Non, je vous demande pardon, je vous ai interrompue tout à l'heure.

  8   Alors, au moment où vous avez atteint les barricades, accompagnée de votre

  9   beau-père et de votre jeune fils, que s'est-il passé ?

 10   R.  Oui. Ils nous ont laissés sortir. En fait, cette barricade, c'était une

 11   simple bande qu'ils ont enlevée pour que nous puissions passer. Et ils nous

 12   ont dit de nous diriger vers les véhicules. Il y avait un long convoi

 13   d'autobus et de camions à bord duquel nous devions être transportés. Au

 14   moment où nous nous sommes approchés des autobus, nous avons vu d'autres

 15   hommes, d'autres soldats en uniforme de camouflage qui s'y tenaient, et ils

 16   procédaient à la séparation des femmes et des enfants. Ils nous disaient :

 17   Non, non, non, vous ne pouvez pas aller par là. Vous devez monter à bord

 18   d'un autre autobus. Donc nous, nous avons été dirigés vers la droite, en

 19   direction de Bratunac, alors que les hommes, on les dirigeait vers la

 20   gauche. Parmi les hommes, j'ai vu mon beau-frère et plusieurs hommes de ma

 21   connaissance, mes voisins. Ils ont tous été séparés. Le temps de me rendre

 22   jusqu'à l'autobus, ils étaient déjà partis vers la gauche, vers une maison

 23   qui se trouvait au-delà d'un pont, alors que nous, nous montions à bord

 24   d'autobus. Mais aucun homme n'est monté à bord d'autobus à ce moment-là.

 25   Q.  Mis à part votre beau-père, qui a été séparé, pourriez-vous nous citer

 26   les noms des autres hommes qui ont été séparés à ce moment-là ?

 27   R.  Oui. Il y avait mon beau-frère, Ramiz Cakar; puis un parent, le frère

 28   de l'homme qui s'est suicidé, Ismet Smajlovic. Mes voisins, Alija


Page 10037

  1   Hasanovic, Hijro Huseinovic, Hamid Ibrahimovic, Sevko Salihovic, Sale

  2   Rizvanovic, Behaja Rizvanovic, et de nombreux autres hommes. Sakib

  3   Suljagic, par exemple, Sadik Hasanovic. C'était le fils de ma tante. Il a

  4   été séparé à ce moment-là, lui aussi. Et de nombreux autres hommes dont les

  5   noms m'échappent en ce moment. Ils ont tous été séparés, et aucun n'est

  6   monté à bord d'autobus.

  7   Q.  Avez-vous revu ces hommes un jour ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Pourriez-vous nous dire s'il y a eu des bébés qui auraient été

 10   embarqués dans les autobus ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pourriez-vous nous décrire brièvement comment ceci s'est produit, à

 13   quoi cela ressemblait ?

 14   R.  Au moment où je suis arrivée près de l'autobus, la porte arrière de

 15   l'autobus était ouverte, aussi bien que la porte d'avant. Donc moi, je me

 16   tenais près de la porte d'avant alors que d'autres entraient par la porte

 17   arrière. Un soldat qui nous faisait passer par la porte d'avant était l'un

 18   de nos voisins, et il avait un petit bébé dans ses bras qui ne devait pas

 19   avoir plus de six mois. Il a été arrêté par le soldat. Et à ce moment-là

 20   précis, comme par hasard, il y avait une tante à moi avec sa fille et avec

 21   un petit bébé de son frère qui était en train d'entrer par la porte

 22   d'arrière. Le soldat qui s'y tenait lui a demandé pourquoi ils montaient à

 23   bord d'autobus, qui leur a donné la permission de le faire. Elles ont eu

 24   peur parce qu'elles avaient peur qu'on sépare la jeune fille, parce que

 25   c'est ce qu'on faisait à ce moment-là. Mais en fait, le soldat a dit qu'il

 26   allait prendre le bébé pour essayer de retrouver sa famille.

 27   Donc ma tante a pris le bébé des bras de cet homme qu'on avait

 28   séparé, et on le voyait pleurer au moment où il est parti. Puis il y avait


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  1   un autre homme qui était là, accompagné de sa famille tout entière, puis au

  2   moment où il a été séparé il a donné son bébé à sa mère et c'est elle qui

  3   l'a fait monter à bord d'autobus. Moi, je l'ai aidée, je l'ai accompagnée

  4   jusqu'à la ville de Kladanj. Grâce à des haut-parleurs qui s'y trouvaient,

  5   elle a essayé de retrouver la mère du bébé, et elle a bien réussi à le

  6   faire dans la ville de Kladanj.

  7   Q.  D'accord. Est-il juste de dire que vous et votre fils cadet, qui était

  8   avec vous, avez été transportés par la ville de Bratunac et par la suite

  9   vous vous êtes arrêtés quelque part à Sandici ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Avez-vous vu des Musulmans autour de cet endroit ?

 12   R.  Oui. A un endroit plus près de Sandici, entre Sandici et Kravica,

 13   j'étais debout dans l'autobus, l'autobus était bondé de gens, et j'étais

 14   donc debout et je pouvais voir ce qui se passait le long de la route. Les

 15   autobus arrivaient très lentement et je pouvais voir ce qui se passait à

 16   l'extérieur. Il y avait une très grande colonne d'hommes. Certains étaient

 17   torse nu, d'autres portaient des tee-shirts, et les premiers quatre

 18   transportaient quelqu'un, probablement un blessé, sur une couverture. Donc

 19   alors que l'autobus passait à un moment donné, passait à côté de la

 20   colonne, j'ai donc vu des personnes que je connaissais, des visages que je

 21   connaissais, des gens pour lesquels je savais qu'ils s'étaient séparés de

 22   nous et qu'ils avaient pris le chemin de la forêt. J'ai vu ces jeunes

 23   hommes et j'étais pétrifiée parce que je me suis rendu compte que ces

 24   derniers avaient également été arrêtés. Donc je me suis dit peut-être que

 25   mes enfants, mon mari et ses frères partageaient peut-être le même sort. Je

 26   ne les ai pas vus dans cette colonne, mais j'ai vu un très grand nombre de

 27   connaissances, de voisins.

 28   Q.  Est-il juste de dire que vous avez continué votre chemin, vous avez


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  1   passé Vlasenica, et par la suite on vous a déposés sur une route goudronnée

  2   tout près de la zone de confrontations et vous avez donc marché le long de

  3   cette route goudronnée, vous avez passé un tunnel, et par la suite il y a

  4   eu des représentants des organisations internationales qui vous ont prise

  5   en charge ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  J'aimerais vous poser encore un certain nombre de questions, mais il

  8   est l'heure de la pause dans cinq minutes. J'espère qu'on pourra en

  9   terminer assez rapidement.

 10   Dans quelle ville habitez-vous maintenant ?

 11   R.  Maintenant ?

 12   Q.  Oui.

 13   R.  A Vogosca. C'est à Sarajevo. C'est une municipalité de Sarajevo qui

 14   s'appelle Vogosca.

 15   Q.  Est-ce que vous avez encore votre maison sur les berges de la Drina,

 16   près de Bratunac ?

 17   R.  Ma maison a été détruite. Mais j'ai réussi tant bien que mal à la

 18   renouveler avec une petite donation, un don, et avec quelques moyens. Donc

 19   maintenant, je peux passer la nuit. La maison n'est pas complètement

 20   reconstruite. Elle ne ressemble pas à celle que j'avais avant, mais

 21   effectivement, j'ai une toute petite maison maintenant. Mais dans ces

 22   conditions-ci, elle me convient.

 23   Q.  Et pourquoi n'habitez-vous pas dans cette maison ? C'était la maison

 24   que vous aviez construite avec votre mari ?

 25   R.  C'est très long pour vous expliquer pourquoi je n'y vis pas. Vous

 26   savez, c'est impossible d'y vivre. Ceux qui ont survécu Srebrenica, les

 27   gens qui ont survécu la guerre et tout ce que j'ai survécu, croyez-moi, il

 28   est impossible d'y revivre. Dès que vous mettez les pieds à cet endroit-là,


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  1   le film revient, rejoue, repasse. Vous n'avez plus les êtres chers dans

  2   votre maison. Pour celles -- enfin, vous savez certainement que ces

  3   personnes qui vous sont chères, vous ne les reverrez plus jamais. Mon fils

  4   ainsi que mon mari ont été identifiés et enterrés tout près de Potocari

  5   après 15 ans. Donc il y a une maison, une vieille maison, une autre maison

  6   avec une autre femme, et chaque fois que l'une de ces femmes meurt, les

  7   maisons sont fermées. Il n'y a plus de vie là-bas. C'est douloureux d'y

  8   vivre.

  9   Q.  Y a-t-il une communauté, y a-t-il une communauté musulmane encore qui

 10   est restée dans votre village ?

 11   R.  Oui. La plupart des personnes dans mon village sont des personnes âgées

 12   qui sont les plus heureuses lorsqu'elles sont dans leurs propres demeures,

 13   malgré ce qui s'est passé là-bas. Mais ceux qui ont des enfants, qui sont

 14   plus vieux maintenant, si leurs enfants ou des membres de la famille se

 15   trouvent à Sarajevo ou ailleurs en Europe, aux Etats-Unis, en Australie,

 16   ils vivent avec eux. Et donc, tous les jours, la communauté devient de plus

 17   en plus petite.

 18   Q.  Pourriez-vous nous dire, s'agissant des membres de votre famille les

 19   plus proches, quels sont ceux qui ont été retrouvés et qui ont été enterrés

 20   ?

 21   R.  Oui, bien sûr. Mon beau-père a été enterré il y a trois ans. Mon mari a

 22   été identifié et enterré, et mon fils Admir a également été enterré. Le 15,

 23   on a fêté les 15 ans de Srebrenica, et donc ils ont été enterrés. Il y a

 24   également mon beau-frère qui est enterré à Bratunac parce qu'il a été tué à

 25   Srebrenica avant la chute de Srebrenica. Et le beau-frère le plus vieux a

 26   également été enterré à Voljavica, dans notre village, parce qu'il a

 27   également été tué au début de la guerre. Il a été enterré à Voljavica sans

 28   cérémonie, sans funérailles. Donc il est simplement enterré.


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  1   Q.  Y a-t-il encore un fils que vous n'avez pas trouvé, qui est porté

  2   disparu ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Qui est-il et quel âge avait-il ?

  5   R.  C'est Elvir Malagic. Il était resté à Potocari. Il était à la base de

  6   la FORPRONU, comme je vous ai expliqué, et on ne l'a plus jamais retrouvé.

  7   Et à l'époque il avait 19 ans, il allait avoir 20 ans.

  8   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Madame Malagic.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci bien.

 10   Nous allons devoir faire une pause maintenant, et nous allons

 11   reprendre nos travaux dans une demi-heure, à 18 heures 15. Par la suite, ce

 12   sera au tour de M. Tolimir, qui vous posera des questions dans le cadre du

 13   contre-interrogatoire.

 14   Mme l'Huissière va vous escorter à l'extérieur de la salle

 15   d'audience.

 16   --- L'audience est suspendue à 17 heures 46.

 17   --- L'audience est reprise à 18 heures 17.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez commencer votre contre-

 19   interrogatoire, Monsieur Tolimir.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite la

 21   paix dans cette maison et à toutes les personnes présentes dans ce

 22   prétoire, à Mme le Témoin Mirsada, et j'espère que ce témoignage et ce

 23   procès en cette journée d'aujourd'hui se terminera selon la volonté de

 24   Dieu, et non pas selon la mienne.

 25   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : 

 26   Q.  [interprétation] Madame, afin que les interprètes puissent interpréter

 27   nos propos, donc je demanderais à Mme le Témoin de bien ménager des pauses

 28   entre mes questions et avant de répondre pour que les interprètes puissent


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  1   nous interpréter. Et, Madame, lorsque vous verrez la course du curseur

  2   s'arrêter, vous pouvez répondre à ce moment-là. Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, pour pouvoir passer au vif du sujet, je

  4   demanderais que l'on affiche dans le prétoire électronique la pièce 1D580 -

  5   - 1D516 --

  6   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la cote.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- il s'agit de la déclaration du témoin.

  8   Merci.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pouvez-vous vérifier la cote, s'il

 10   vous plaît.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Voilà, mon

 12   assistant juridique m'apprend que je viens de faire une erreur. J'ai fait

 13   une permutation du dernier chiffre. Donc il faudrait que l'on voie affichée

 14   à l'écran la pièce 1D589. Merci.

 15   Nous voyons maintenant cette déclaration. Pourrait-on afficher la première

 16   page, s'il vous plaît.

 17   M. TOLIMIR : [interprétation]

 18   Q.  Voici une déclaration qui a été faite auprès de la commission d'Etat de

 19   la République de Bosnie-Herzégovine le 20 juillet 1995. Elle porte le titre

 20   "Déclaration". Regardons d'abord le premier paragraphe, et prenons les

 21   quatre premières lignes. Je vais vous en donner lecture, je cite :

 22   "Tout ceci a commencé au mois d'avril à la date du Bajram, du

 23   Ramadan. Je vivais dans le village de Voljavica, municipalité de Bratunac,

 24   avec mes enfants et mon mari. Ce jour-là, comme tous les ans, une fête

 25   était tenue à l'occasion du Bajram. C'était le 5 avril 1992."

 26   Merci. Je suis vraiment désolé, je n'ai pas cité le nom du mari lors de ma

 27   citation. Je crois que le nom est Salko, puisqu'on ne le voit pas très bien

 28   ici dans la déclaration. Ce n'est pas très lisible, et donc je ne voulais


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  1   pas faire d'erreur.

  2   Alors, j'aimerais savoir, Madame : la Bosnie faisait-elle partie de

  3   la République fédérative de Bosnie en cette date-là ? Et j'aimerais savoir

  4   si à l'époque, en date du 5 avril 1992, la République fédérale de

  5   Yougoslavie était unie et si elle comprenait également la Bosnie-

  6   Herzégovine, si elle faisait partie du pays qui s'appelait Yougoslavie à

  7   l'époque ?

  8   R.  Je n'ai pas connaissance de cela.

  9   Q.  Merci. J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire, si vous le savez, si

 10   la Bosnie-Herzégovine a, en date du 6 avril 1992, proclamé son indépendance

 11   et si elle a réussi de se séparer sans l'aval de la République fédérale de

 12   Yougoslavie ? Merci.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Bien. Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Prenons la page 2 de la déclaration. Premier

 16   paragraphe.

 17   Je crains que la réponse du témoin n'ait pas été consignée au compte

 18   rendu d'audience, donc je demanderais au témoin de me dire si elle sait si

 19   en date du 6 avril 1992, la Bosnie a proclamé son indépendance sans l'aval

 20   de la RSFY ?

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Mirsada, j'aimerais vous

 22   demander d'attendre quelques instants avant de répondre parce qu'avant que

 23   les interprètes interprètent votre réponse, ils doivent d'abord terminer la

 24   question qui est posée. Je vous demanderais de bien vouloir attendre avant

 25   de répondre. Vous pouvez voir à l'écran, si la course du curseur ne s'est

 26   pas terminée, cela veut dire que le compte rendu est encore en train d'être

 27   rédigé.

 28   Mais peut-être, si vous vous souvenez de la question de M. Tolimir,


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  1   est-ce que vous pourriez répondre comme vous l'avez fait tout à l'heure ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Monsieur McCloskey.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je voudrais simplement vous rappeler,

  6   Monsieur le Président, que le nom du témoin est Mme Malagic.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis désolé. Je me suis trompé

  8   entre le prénom et le nom.

  9   Monsieur Tolimir.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demanderais que l'on affiche dans le

 11   prétoire électronique la page 2 de la déclaration et de nous montrer la

 12   huitième ligne du premier paragraphe, puisque le premier paragraphe est

 13   assez long. Indiquez, je vous prie, à l'aide du curseur, l'endroit.

 14   M. TOLIMIR : [interprétation]

 15   Q.  Je vais vous en donner lecture. Je cite :

 16   "Un soldat est arrivé à Bratunac, un certain soldat. Ils se sont présentés

 17   à nous et nous ont dit qu'ils faisaient partie du Corps de Novi Sad. Ils

 18   sont arrivés supposément pour assurer notre protection pour que rien ne

 19   nous arrive."

 20   Sur la base de cette citation que je viens de lire -- est-ce que vous

 21   l'avez vue ? Est-ce que vous avez pris connaissance de la ligne 8 et 9 et

 22   en partie, avez-vous pris connaissance de la ligne 10 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que ce Corps de Novi Sad est venu à l'époque dans la république

 25   fédérale dans laquelle il y avait une armée fédérale ? Puisqu'en date du

 26   mois d'avril de cette année, Srebrenica appartenait encore à la Fédération,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne peux pas répondre à cette question.


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  1   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire si au niveau fédéral à l'époque les

  2   représentants des républiques ont-ils pris des décisions sur l'emploi de

  3   l'armée relatives à la séparation des parties belligérantes et de

  4   différentes nationalités en Bosnie, en Croatie et dans d'autres parties du

  5   pays ?

  6   Est-ce que vous le savez ? Est-ce que vous avez pu voir ce type de

  7   rapport ? Avez-vous regardé des émissions à la télévision portant sur cela

  8   ?

  9   R.  Non, Monsieur. Ce type de rapport, ce type d'émission, je n'avais pas

 10   le temps de les regarder, et donc, je n'ai pas connaissance de ce type de

 11   programme ou de rapport. Je sais seulement ce que je faisais, mais quelles

 12   étaient les décisions qui étaient prises, je ne le sais pas.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, comme je vous ai

 14   dit un peu plus tôt, attendez la fin de la réponse. Vous devez faire une

 15   pause. Vous ne pouvez pas commencer immédiatement à poser la question

 16   suivante.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   M. TOLIMIR : [interprétation]

 19   Q.  Madame Malagic, vous avez répondu un peu plus tôt en disant que la

 20   Bosnie a proclamé son indépendance le 6 avril sans l'aval de l'Etat

 21   fédéral, alors que dans votre déclaration, vous dites qu'avant ceci -- nous

 22   avons cité le passage dans lequel vous dites que c'était en date du 5 avril

 23   1992 et que c'est en cette date-là que les unités du Corps de Novi Sad sont

 24   arrivées dans la région de la Bosnie orientale à Srebrenica.

 25   Ma question est la suivante : est-ce que vous pourriez me dire si à

 26   l'époque l'armée du Corps de Novi Sad était arrivée en tant qu'armée d'un

 27   Etat fédéral sur le territoire d'un Etat fédéral en tant que membre de cet

 28   Etat fédéral, puisque la Bosnie faisait partie de l'Etat fédéral en


Page 10047

  1   question, n'est-ce pas ?

  2   R.  Dans le cadre de cette semaine, nous avions obtenu une obligation de

  3   travail. Nous ne savions pas pourquoi et de qui ce Corps de Novi Sad devait

  4   nous défendre alors que ce dernier n'avait jamais mis les pieds à Bratunac.

  5   Et puisque, comme vous le savez très bien, il n'y avait pas d'armée à

  6   Bratunac, qui étaient-ils censés protéger ? Pourquoi ils étaient venus là ?

  7   Nous, les habitants, nous ne savions absolument pas pourquoi ils étaient

  8   venus.

  9   Q.  Merci. Regardez le deuxième paragraphe de votre déclaration, également

 10   à la page 2, qui commence par ceci :

 11   "Du 17 au 18 avril 1992, le village de Potocari a été attaqué."

 12   Est-ce que cela s'est passé avant la proclamation de l'indépendance de la

 13   Bosnie-Herzégovine et la sécession de la Serbie ? Merci.

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons pas pu entendre la

 16   réponse. Pouvez-vous la répéter, s'il vous plaît ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est pas clair comment je puisse répondre

 18   aux questions posées par M. Tolimir pour ce qui est des dates. Et pour ce

 19   qui est de ce qui s'était passé entre les Etats, je n'en sais rien. Je ne

 20   pouvais rien en savoir et je ne pouvais rien savoir pour ce qui est de tout

 21   cela. Je vous ai dit ce que j'ai vécu. Je vous ai dit ce que j'ai vécu et

 22   je maintiens ce que j'ai dit dans ma déclaration.

 23   Mais quant aux dates et à ce qui s'est passé entre les Etats et au niveau

 24   des Etats, je ne suis pas en mesure d'en parler.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, j'aimerais vous

 26   donner quelques lignes directrices pour ce qui est de ce sujet. Nous avons

 27   entendu la déposition du témoin pendant l'interrogatoire principal. Tout ce

 28   qu'elle a vécu à l'époque, elle en a parlé dans la déclaration qu'on voit


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  1   ici et elle peut en déposer. Je pense que vous devriez poser ces questions

  2   à d'autres témoins, des questions concernant les affaires des Etats, parce

  3   qu'ici, il n'est pas question de l'indépendance d'un Etat ou de différents

  4   Etats de la Yougoslavie, de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ou de la

  5   Republika Srpska. Je pense que ces questions ne devraient pas être posées à

  6   ce témoin. Concentrez-vous sur des sujets dont elle est capable de parler

  7   et de témoigner.

  8   Monsieur McCloskey.

  9   M. McCLOSKEY : [interprétation] Il est absolument crucial que le témoin

 10   parte ce soir. Je sais que vous nous avez invités à procéder conformément à

 11   l'article 95, et je suis sûr que cela s'applique à l'accusé également.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons que 25 minutes qu'il

 13   nous reste pour aujourd'hui, donc posez vos questions de façon appropriée.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page 2, le témoin a dit au deuxième

 15   paragraphe que le 17 et le 18 avril 1992, le village de Potocari a été

 16   attaqué. Tout à l'heure, elle a dit : De qui le Corps de Novi Sad devait-il

 17   nous défendre ? C'est ce qu'elle a dit dans l'une de ses réponses.

 18   M. TOLIMIR : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais qu'elle nous dise si le conflit entre les Musulmans et les

 20   Serbes a eu lieu au village de Potocari le 17 et le 18 avril 1992, comme

 21   vous l'avez dit dans cette déclaration ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce qu'une unité fédérale était censée venir, si c'était comme cela,

 24   était censée venir pour séparer les Musulmans et les Serbes qui étaient en

 25   conflit ?

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous interromps

 27   encore une fois puisque nous parlons de 1992, encore une fois. L'Accusation

 28   a posé des questions à ce témoin pour ce qui est de son expérience de 1995,


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  1   et vous continuez à poser des questions concernant le conflit qui a eu lieu

  2   entre les Musulmans et les Serbes, le conflit en général. Posez des

  3   questions à ce témoin qui émanent des questions posées par l'Accusation. Ne

  4   perdez pas votre temps.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, je vais me concentrer à des réponses de

  6   Mme Malagic lorsqu'elle répondait à des questions de l'Accusation et

  7   lorsqu'elle a mentionné le Corps de Novi Sad. Si l'Accusation admet que

  8   c'était le conflit multiethnique, là je ne poserai pas de questions

  9   concernant 1992 et 1993 à Mme Malagic. Je vais passer à l'année 1995. Mais

 10   il faut que cela soit consigné.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur McCloskey.

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 13   Est-ce que je peux rappeler au général qu'il y a des faits déjà admis

 14   par rapport au conflit, et cela concerne presque toute la déposition du

 15   dernier témoin. Donc il n'y a pas de contestation. Le démantèlement de

 16   l'ancienne Yougoslavie et les niveaux auxquels cela s'est passé n'a rien à

 17   voir avec ce témoin. Je suis sûr que le général et moi, nous pouvons nous

 18   mettre d'accord pour ce qui est de beaucoup de sujets dont il veut parler,

 19   mais cela n'a rien à voir avec ce témoin.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, Mme le Témoin a dit

 21   clairement qu'elle ne pouvait pas répondre à des questions concernant le

 22   conflit dans le sens général de ce terme.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je ne parle que de sujets qui ont été

 24   abordés dans l'interrogatoire principal. Mais j'ai compris votre message.

 25   Je ne poserai plus de questions concernant 1995. Mais il faut que cela soit

 26   noté.

 27   Je demande que cette déclaration ne soit pas consignée au compte rendu

 28   puisque cette déclaration couvre principalement les événements survenus en


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  1   1992 et 1993.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela n'a pas été versé au dossier,

  3   pas encore. Aucune des parties n'a demandé le versement de cette

  4   déclaration.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Maintenant je

  6   vais passer à la page 5 de la déclaration. C'est l'année 1992. A la page 6,

  7   c'est l'année 1993. A la page 8, il est question de 1994, mais je ne veux

  8   pas en parler. Et à la page 9 de la déclaration de Mme Malagic, au

  9   paragraphe 3, elle commence à parler du 6 juillet 1995. C'est à la page 10

 10   dans le prétoire électronique. Merci.

 11   M. TOLIMIR : [interprétation]

 12   Q.  Pendant l'interrogatoire principal, vous avez déclaré que le 9 juillet,

 13   vous avez essayé de vous rendre dans la base de la FORPRONU à Srebrenica et

 14   que vous avez dû rebrousser chemin et retourner dans vos appartements.

 15   Savez-vous où se trouvait l'armée à l'époque, l'armée musulmane de

 16   Srebrenica ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Merci. Voilà ma question suivante : savez-vous s'il y a eu l'armée

 19   musulmane à Srebrenica ? Et pouvez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet

 20   de l'armée musulmane à Srebrenica ?

 21   R.  A Srebrenica, si vous voulez que je vous dise, je vais vous dire qu'il

 22   y avait des soldats, des hommes aptes à porter les armes. Il s'agissait

 23   d'une sorte d'armée, mais on ne peut pas la comparer à des armées

 24   régulières qui étaient armées, d'autres armées. Vous le savez que notre

 25   armée n'était pas armée. Srebrenica était la zone démilitarisée. Les armes

 26   ont été rendues aux membres de la FORPRONU et aux soldats hollandais qui

 27   étaient là-bas. Tout le monde peut le confirmer, il y avait des hommes

 28   aptes à porter les armes, on peut les appeler soldats, mais ils n'avaient


Page 10051

  1   pas d'armes.

  2   Q.  Merci, Madame Malagic. Savez-vous que Naser Oric a déclaré que l'armée

  3   de Srebrenica avait pris 4 000 fusils de Srebrenica au moment où ils se

  4   sont rendus de Susnjari à Baljkovica pour essayer de faire une percée, et

  5   vers Nezuk également, ainsi que vers d'autres endroits dans la Fédération,

  6   et que Rasim Delic a également dit que la plupart des soldats ont réussi à

  7   faire une percée par Baljkovica pour arriver sur le territoire de la

  8   Fédération et pour joindre l'ABiH ? Mais je ne veux pas maintenant

  9   présenter de documents concernant cela puisque vous êtes pressée. Merci.

 10   R.  D'abord, vous m'avez posé plusieurs questions en une seule question.

 11   Pour ce qui est de ce que Naser Oric a dit, je n'en sais rien. Deuxième

 12   chose, c'est que la plupart des gens, je ne dirais pas toutes les personnes

 13   qui étaient parties dans les bois, mon époux, mes enfants, mes frères, ils

 14   n'avaient pas d'armes. Ils avaient faim. Ils cherchaient à sauver leurs

 15   vies et à arriver sur le territoire libre. Et ils ont tous péri. C'est ce

 16   que je sais. Il n'est pas vrai qu'il y a eu un tel nombre de personnes qui

 17   ont essayé de faire cette percée.

 18   Q.  Il ne me reste que 20 minutes. Je ne vais pas citer mes sources, mais

 19   la Chambre est au courant de cela.

 20   Vous dites que le 11, vous êtes arrivés dans la base de Potocari, dans la

 21   base de la FORPRONU, et que de la base vous avez marché à pied, que vous

 22   étiez dans la colonne et que dans la colonne, il y avait des blessés. Vous

 23   avez dit cela à la page 53 du compte rendu. Est-ce vrai ?

 24   R.  Oui, c'est vrai.

 25   Q.  Merci. Savez-vous qu'ici les soldats de la FORPRONU ont témoigné, les

 26   soldats qui marchaient dans cette colonne et qui ont dit que les obus

 27   tombaient à gauche et à droite de la route et que les civils n'ont pas été

 28   touchés, les civils qui partaient de leur base de Srebrenica vers la base


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  1   de Potocari ? Merci.

  2   R.  Je ne sais pas qui a dit quoi dans ces témoignages, mais ce que vous

  3   venez de dire n'est pas vrai. Il y avait des morts et des personnes

  4   exténuées qui sont restées à côté de la route. C'est ce que j'ai vu de mes

  5   propres yeux. Je ne sais pas ce que les autres ont dit à propos de cela. Il

  6   y avait des pilonnages, mais à ma proximité, je n'ai vu aucun soldat de la

  7   FORPRONU qui aurait été avec nous.

  8   Q.  Aujourd'hui vous avez dit que vous aviez vu votre fils à bord d'un

  9   camion de la FORPRONU. Je m'excuse, mais c'est ce que vous avez dit dans

 10   votre déclaration. Est-ce que vous avez vu sur cette route que vous avez

 11   empruntée à pied les soldats de la FORPRONU, les camions de la FORPRONU ?

 12   R.  Ceci est vrai, c'est bien ce que j'ai déclaré, c'est la vérité. Nous

 13   avons vu passer près de nous deux camions de la FORPRONU. C'était à une

 14   distance de 2 kilomètres par rapport à la base, et il y avait beaucoup de

 15   monde à bord de ces camions. Ce n'était pas des soldats, mais des civils.

 16   Alors, ce que ces civils faisaient, je n'en sais rien. Je ne peux que me

 17   livrer à des conjectures. Mon fils s'y trouvait au-dessous d'une bâche

 18   déchirée, ainsi que l'un de ses voisins, un autre garçon, et ils nous ont

 19   fait un signe de la main, et puis le camion est passé. Et moi, je ne les ai

 20   revus plus jamais. Mais je ne sais pas ce qu'ils faisaient à bord de ce

 21   camion de la FORPRONU.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je présente mes excuses aux interprètes, mais

 24   il nous reste très peu de temps.

 25   M. TOLIMIR : [interprétation]

 26   Q.  Une question vous a été posée par M. McCloskey à la page 18 du compte

 27   rendu d'audience, il vous a demandé qui procédait à la séparation des

 28   hommes.


Page 10053

  1   Et à la page 19, ligne 7, vous avez répondu :

  2   Je ne sais pas. Si j'essayais de donner une réponse tranchée, je

  3   risque de me tromper. Ils me paraissaient tous pareils. C'étaient des

  4   soldats qui portaient des uniformes de camouflage. Mais à en juger par le

  5   dialecte ékavien dans lequel ils s'exprimaient, certains ont conclu qu'il

  6   s'agissait de soldats de Serbie.

  7   C'est bien ce que vous avez dit à la ligne 17 ? Merci.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci. Ma question suivante : est-ce qu'il est possible de décider si

 10   quelqu'un vient de Serbie en se basant sur son dialecte, alors qu'on sait

 11   que l'un des dialectes qui étaient officiellement acceptés en Bosnie à

 12   l'époque était le dialecte serbe, l'ékavien, ainsi que l'usage de

 13   l'écriture cyrillique ? Merci.

 14   R.  Monsieur, je ne sais pas s'il est vraiment indispensable d'expliquer

 15   ceci, mais je ne saurais pas me prononcer avec certitude si ces hommes

 16   étaient de Serbie ou de Republika Srpska. Mais à Potocari, à ces

 17   barricades, il y avait des personnes que nous connaissions. Et pour ce qui

 18   est du fait que les gens de la Republika Srpska se servent du dialecte

 19   ékavien, vous avez tort. Il y a très peu de gens qui parlent ainsi dans la

 20   région. Je m'y connais. J'y habitais. Or, ces personnes qui se tenaient à

 21   ces barrières, elles nous injuriaient et nous insultaient. Alors, comment

 22   voulez-vous que je sache avec certitude d'où ces personnes provenaient ?

 23   Nous étions complètement hors de nous. Nous étions paniqués. On nous

 24   traitait comme si nous étions du bétail.

 25   Q.  Merci. Madame Malagic, avez-vous conclu que ces gens étaient venus de

 26   Serbie uniquement en vous basant sur leur façon de parler et sur leur

 27   accent ?

 28   R.  Il n'y a pas que moi qui ai tiré cette conclusion, Monsieur. Monsieur,


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  1   ils étaient venus nous évacuer de Potocari à bord d'autobus, et je l'avais

  2   déjà souligné dans ma déposition, il s'agissait de grands camions

  3   appartenant à l'armée régulière. Et on sait très bien où cette armée avait

  4   son siège. Le siège de l'armée était régulièrement en Serbie. Et la même

  5   chose valait pour les compagnies de transport qui avaient envoyé les

  6   autobus, elles avaient leur siège à Belgrade, à Sabac, à Valjevo. Donc je

  7   savais pertinemment que ces bus étaient venus de Serbie. Et on ne les avait

  8   jamais vus au cours des trois années précédentes.

  9   Q.  Très bien. Nous n'allons pas perdre de temps en nous penchant sur cette

 10   question. Nous avons des enregistrements vidéo qui montrent comment s'est

 11   déroulée l'évacuation.

 12   Mais pourriez-vous nous dire si aujourd'hui en Bosnie, on peut se

 13   prononcer sur l'appartenance ethnique de quelqu'un sur la base de leur

 14   accent ?

 15   R.  Maintenant, en Bosnie, Monsieur, tout le monde peut faire ce qu'ils ont

 16   envie de faire, et c'est la raison pour laquelle nous avons tous ces

 17   dialectes différents. Tout le monde peut s'exprimer comme on le souhaite.

 18   La Bosnie ressemble maintenant à l'ancienne Yougoslavie. Tout le monde

 19   revendique les droits qui leur reviennent, les libertés qui leur

 20   reviennent. Mais ces droits, on ne les revendique qu'à la ville de

 21   Sarajevo. Est-ce qu'on adresse les mêmes exigences dans la ville de Banja

 22   Luka ou dans la ville de Mostar ? Mais vous savez pertinemment, Monsieur

 23   Tolimir, à quoi ressemble la situation aujourd'hui.

 24   Q.  Merci de cette réponse, Madame Malagic. Maintenant, j'aimerais vous

 25   poser la question suivante : puisque vous habitez à Vogosca, pourriez-vous

 26   nous dire qui habitait autrefois ces maisons de Vogosca où maintenant

 27   habitent les Musulmans venus de Srebrenica ? Merci.

 28   R.  Oui.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez qui habitait dans ces

  3   appartements avant ? C'étaient les Serbes, mais ils ont tous vendu leurs

  4   appartements à un moment donné et ils en ont tiré profit.

  5   M. TOLIMIR : [interprétation] 

  6   Q.  Merci. Est-ce qu'ils ont pu vivre dans leurs appartements jusqu'au

  7   moment de la vente ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Etes-vous venus habiter dans ces appartements en 1995 après avoir parti

 10   de l'enclave de Srebrenica ? Donc la population de Srebrenica est-elle

 11   venue habiter dans ces appartements ?

 12   R.  Non. Moi, je suis venue habiter dans mon appartement en 1996.

 13   Q.  Merci. Puisque vous venez de Srebrenica et connaissez mieux la région

 14   que moi, les Serbes et les Musulmans vivaient-ils ensemble en 1992 au

 15   moment où la guerre a éclaté ? Je ne veux pas revenir sur l'année 1992.

 16   Tout simplement, j'aimerais savoir si tout le monde vivait ensemble à

 17   l'époque ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Ma question serait la suivante : pour qu'il existe une communauté,

 20   qu'il s'agisse d'une communauté de deux personnes, telle que le mariage, ou

 21   d'une communauté de plusieurs municipalités ou d'un Etat tout entier,

 22   n'est-il pas nécessaire que tout le monde soit bien d'accord de vivre

 23   ensemble ?

 24   R.  Oui, il faut que les deux parties soient bien d'accord. Mais il est

 25   impossible à l'une partie de forcer l'autre de vivre ensemble si elle ne le

 26   souhaite pas.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il nous reste très peu de temps, alors


Page 10056

  1   j'aimerais que l'on affiche dans le système du prétoire électronique la

  2   pièce D74, s'il vous plaît. Merci.

  3   Ce que nous avons sous les yeux -- en fait, il nous faut la page 31, s'il

  4   vous plaît, dans le système du prétoire électronique.

  5   M. TOLIMIR : [interprétation]

  6   Q.  Mais entre-temps, vous verrez le livre intitulé "Chroniques de notre

  7   cimetière". Dans ce livre, on fournit une description de l'attaque lancée

  8   contre le village de Bjelovac, habité par des Serbes, et la même chose vaut

  9   pour le village de Sikivici, dans la municipalité de Bratunac, et cetera.

 10   Maintenant, je ne vais me concentrer que sur l'attaque lancée contre le

 11   village de Kravica, parce que je n'ai plus beaucoup de temps. Il est

 12   indiqué :

 13   Dans ce cas de figure particulier, il est question d'une région purement

 14   serbe composée de plusieurs villages : celui de Kravica, de Brana Bacici,

 15   de Popovici, de Mandici, d'Opravici, et de quelques autres. Plus de 2 300

 16   habitants d'appartenance ethnique serbe au total. Il s'agit là d'un village

 17   qui a l'école serbe la plus ancienne de la région dressée par les habitants

 18   en 1878, et cetera.

 19   Alors, sur la base du texte que je viens de vous lire, je vous pose la

 20   question suivante : les Musulmans et les Serbes ont fait la guerre les uns

 21   contre les autres dans l'enclave de Srebrenica et la population serbe a dû

 22   faire face à de grands problèmes et à de grands malheurs comparables à ceux

 23   vécus par la population musulmane et que vous venez de décrire. Le saviez-

 24   vous ?

 25   R.  Oui, je le sais. La seule différence c'est que nous ne nous trouvions

 26   pas dans la même situation. Lorsque l'attaque a été lancée contre Kravica,

 27   les vieilles femmes âgées de 80 ans, ce sont elles qui se sont lancées

 28   contre Kravica parce qu'elles mourraient de faim. Nous souffrions de


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  1   famine. Et c'était vous qui l'aviez provoquée, parce que nous étions

  2   encerclés. L'aide humanitaire n'arrivait plus. Et les gens étaient forcés

  3   de lancer cette attaque parce qu'ils mourraient de faim, littéralement. Je

  4   me souviens d'être restée couchée pendant des jours parce que j'avais trop

  5   faim, j'étais trop affaiblie. Donc la seule raison pour laquelle la

  6   population s'est attaquée à Kravica, c'était pour aller chercher des

  7   vivres. Et tout le monde ne savait plus quoi faire. On ne savait pas si on

  8   pourrait survivre jusqu'au lendemain.

  9   Q.  Merci. Savez-vous que 38 Serbes ont été tués lors de cette attaque

 10   contre Kravica, tandis que plus de 40 ont été blessés ?

 11   R.  Non, je ne le savais pas.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey.

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je me demande si le général peut parler un

 14   peu plus bas. Je sais qu'il se fait tard, mais il est en train de crier en

 15   ce moment.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, votre dernière

 17   question, s'il vous plaît.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne crie pas.

 19   C'est tout simplement ma façon de parler. Je présente mes excuses à madame

 20   si elle a eu le sentiment que je lui criais dessus.

 21   Je n'ai plus de question à lui poser puisqu'on a limité le type de

 22   questions que je suis en droit de poser. J'espère que Mme Malagic n'est pas

 23   fâchée parce que je lui ai posé des questions pour établir la situation

 24   réelle telle qu'elle était.

 25   Je vous remercie, Madame. Mais s'il vous plaît, ne vous fâchez pas parce

 26   que je souhaite démontrer ce qui s'est passé des deux côtés, du côté serbe

 27   aussi bien que du côté musulman.

 28   Mes questions viennent de toucher à leur fin, Monsieur le Président.


Page 10058

  1   Je n'ai plus de question à poser à Mme le Témoin. Je lui souhaite un bon

  2   voyage, et que la grâce de Dieu l'accompagne lorsqu'elle fera le chemin de

  3   retour.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  5   Monsieur McCloskey, souhaitez-vous poser des questions supplémentaires ?

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Malagic, je souhaite, pour

  8   commencer, vous présenter mes excuses de m'avoir trompé tout à l'heure en

  9   prononçant votre nom de famille. Je vous remercie d'être venue à La Haye

 10   pour déposer et de nous avoir communiqué ce que vous saviez de la

 11   situation. Je vous remercie encore une fois. Maintenant, vous pouvez

 12   disposer, revenir chez vous et reprendre votre vie quotidienne. L'huissière

 13   va vous aider. Encore une fois, merci. Et veuillez accepter nos meilleurs

 14   vœux pour votre avenir.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci à vous.

 16   [Le témoin se retire]

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je souhaite souligner encore une fois

 18   que parfois nous subissons tous des pressions. Evidemment, les deux parties

 19   au procès ont bien le droit d'interroger le témoin, mais nous avons

 20   vraiment dû relever cette fois-ci -- mais je suis en train de parler,

 21   Monsieur Tolimir. Je m'adresse aux deux parties au procès. Il faut que nous

 22   nous efforcions tous de bénéficier d'un procès efficace et rapide. C'est

 23   pourquoi il est nécessaire de se focaliser sur les sujets abordés par le

 24   témoin. Evidemment, il est toujours malheureux lorsque nous avons des

 25   limitations de temps qui s'imposent à nous, et ceci est particulièrement

 26   regrettable lorsqu'on pose de longues séries de questions qui ne sont pas

 27   indispensables. Nous avons un grand nombre de témoins qui sont prévus

 28   chaque fois pour une seule semaine, et il faut que nous fassions de notre


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  1   mieux pour en venir à bout.

  2   Alors, nous avons un autre témoin demain, et finalement nous allons en

  3   terminer avec l'audition de M. Brunborg.

  4   Monsieur Tolimir, vous vouliez dire quelque chose ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais dire ceci :

  6   si le Procureur savait très bien que le témoin devait partir ce soir,

  7   j'aimerais savoir pourquoi a-t-il eu plus de temps que moi pour poser des

  8   questions alors que c'est son témoin à lui ? Alors que moi, je n'ai eu que

  9   45 minutes ou moins, alors que le Procureur pouvait bénéficier de toute une

 10   session, qui dure une heure et demie. Alors, je ne sais pas pourquoi les

 11   choses sont ainsi. Si nous sommes pressés, je suis prêt à aller en prison

 12   pour cela, mais je crois qu'il faut avoir un procès juste et équitable.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que vous avez raison,

 14   Monsieur Tolimir. C'était une situation malheureuse. Mais vous devriez

 15   tenir compte du fait qu'il s'agissait d'un témoin viva voce, et non pas

 16   d'un témoin 92 bis. Voici la différence. Il n'y a rien d'autre en tant

 17   qu'élément de preuve que son témoignage, donc c'est la raison pour laquelle

 18   on a procédé de la sorte.

 19   Mais j'aimerais effectivement demander à l'Accusation de se

 20   concentrer sur le temps. Nous avons demandé à l'Accusation d'avoir un

 21   témoin de réserve disponible si un interrogatoire est plus court

 22   qu'habituellement, mais cette semaine est effectivement plus difficile à

 23   cause du programme.

 24   Oui, Monsieur McCloskey.

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, je me sens

 26   plus à l'aise cette semaine justement parce que nous n'avons pas de risque

 27   d'avoir moins de témoins, et nous l'avons fait de façon délibérée puisque

 28   la semaine dernière nous étions tellement préoccupés d'avoir des moments


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  1   creux, et nous devions les occuper. Donc, je sais que le Dr Brunborg sera

  2   peut-être en désaccord avec moi. Je pense que nous avons fait un bon

  3   travail, j'essaie toujours de m'en tenir au temps qui m'est imparti. Mais

  4   il est effectivement vrai que nous allons nous efforcer de travailler le

  5   mieux nous pouvons avec les évaluations que nous avons, et je crois qu'à ce

  6   jour nous l'avons bien fait.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Juge Mindua.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Oui. Monsieur le Procureur, le Président a tout dit,

  9   mais je m'allais quand même clairement m'associer --

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Procureur, je disais que le Président

 12   a tout dit, et je suis d'accord avec lui, mais je comprends que cette

 13   semaine a été très difficile. Mais j'aimerais  mettre sur le procès-verbal

 14   que je suis particulièrement mécontent avec le témoignage de Mme Malagic,

 15   parce qu'évidemment c'était un témoin viva voce, mais je me rends compte

 16   qu'il n'y a pas eu assez de temps -- en tout cas l'équivalent pour la

 17   Défense. Et même moi, je voulais poser des questions, mais je me suis

 18   abstenu parce qu'on était arrivé à la fin. Bon. J'ai compris que cela ne va

 19   pas se répéter dans l'avenir et ça me suffit.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation] Le témoin peut revenir demain. Si vous

 22   estimez que ce type de questions sont réellement nécessaires concernant la

 23   communauté internationale et le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et pour

 24   essayer de perturber le témoin de façon délibérée --

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous prie, calmez-vous, Monsieur

 26   McCloskey.

 27   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous aussi, vous pensez que M. Tolimir a le

 28   droit d'harceler le témoin de façon délibérée, comme il l'a fait avec le


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  1   témoin précédent et comme ce témoin-ci, c'est très difficile pour les

  2   témoins d'origine bosnienne. Elle est ici, la dame. On n'a jamais dit

  3   qu'elle ne pouvait pas être là demain; je voulais simplement que l'on

  4   puisse terminer aujourd'hui. Et si vous pensez que les questions sont

  5   réellement nécessaires et appropriées, le témoin est là et prête à répondre

  6   à toute question. Je suis vraiment désolé, Monsieur le Juge, si vous aviez

  7   l'impression que vous n'aviez pas pu poser les questions que vous auriez

  8   voulu poser. Le témoin est ici et nous n'essayons pas de presser qui que ce

  9   soit.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Alors, Monsieur McCloskey, nous avons

 11   reçu un message différent un peu plus tôt. Nous avions l'impression que le

 12   témoin devait absolument partir aujourd'hui. Vous aviez dit un peu plus tôt

 13   cela dans le contre-interrogatoire. C'est donc la raison pour laquelle j'ai

 14   mis une telle pression sur l'accusé.

 15   M. McCLOSKEY : [interprétation] Le témoin peut toujours rester, si cela est

 16   nécessaire. Effectivement, c'est très difficile pour cette femme de venir,

 17   se déplacer. C'est très difficile pour elle de venir et déposer. Ce n'est

 18   pas moi qui fais les règlements concernant le témoin. Nous sommes là pour

 19   vous informer de la situation. Nous ne pourrons jamais dire qu'un témoin ne

 20   peut pas rester plus longtemps. Et comme vous le savez, nous avons toujours

 21   fait du meilleur que nous avions pu, même pour faire revenir certains

 22   témoins lorsque c'était nécessaire. J'aimerais que le général Tolimir nous

 23   dise quelles sont les questions qu'il souhaite poser, effectivement.

 24   J'aurais moi-même voulu entrer plus en détail et parler un petit peu

 25   plus de ce qui s'est passé, mais j'ai fait exactement ce que vous m'avez

 26   demandé de faire et je me suis concentré sur l'événement, et je pense que

 27   vous aviez une bonne image. Après 40 minutes de contre-interrogatoire,

 28   lorsqu'on a vu où M. Tolimir allait, je crois que cela suffisait. Je suis


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  1   vraiment désolé de me porter ainsi, et de l'émotion. Je ne suis pas un

  2   maître de l'univers qui ne permet pas au Tribunal ou aux Juges de la

  3   Chambre de voir certaines choses. Nous sommes ici pour les Juges de la

  4   Chambre, et le témoin est disponible et peut être ici s'il est nécessaire.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey, à certains

  6   moments on nous a dit que le témoin devait partir à un certain moment à un

  7   certain jour. C'est déjà arrivé par le passé. Je suis très heureux de vous

  8   entendre dire ce que vous nous dites maintenant, mais il faut maintenir un

  9   équilibre entre le temps imparti et le temps que l'on passe ici, et il faut

 10   nous concentrer, bien sûr, sur les parties pertinentes du témoignage.

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous obtenez peut-être l'information

 12   du VWS, qui a des questions de logistique, telles les vols d'avion, les

 13   billets d'avion, et cetera, ou des témoins qui ont des événements

 14   familiaux, ou des réunions, et cetera.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, Monsieur McCloskey, je ne

 16   fais que référence à l'information que nous avions reçue par le bureau du

 17   Procureur.

 18   M. McCLOSKEY : [interprétation] Si c'est nous qui vous informions de

 19   cette façon-ci, je ne pensais pas que -- enfin, ce n'est jamais dans cette

 20   optique, même si je dis qu'il est très important que le témoin revienne,

 21   ceci veut simplement dire que je souhaite que le témoin n'aura pas à rester

 22   plus longtemps. Mais tout témoin peut venir et tout témoin vous est

 23   disponible, est là pour vous. Donc, je suis vraiment désolé si j'ai exercé

 24   une certaine pression envers vous à cet égard. Lorsque les témoins se

 25   déplacent jusqu'ici, ces témoins sont prêts, ils sont disponibles et ils

 26   sont prêts à assurer leurs dépositions.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Merci. Alors, pour

 28   raccourcir le débat, j'aimerais demander à M. Tolimir s'il a encore des


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  1   questions en guise du contre-interrogatoire qui portent directement sur le

  2   témoignage que nous avons entendu de ce témoin dans le cadre de son

  3   interrogatoire principal.

  4   Dans ce cas-là, je demanderais à l'Accusation de faire en sorte que

  5   le témoin puisse revenir demain, si vous avez ce type de questions-là.

  6   Avez-vous ce type de questions ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je remercie

  8   également à M. McCloskey. La Défense ne souhaite pas faire de différence.

  9   Elle souhaite simplement l'équité avec l'Accusation, et ne souhaite surtout

 10   pas que des pressions soient exercées sur la Défense. Je ne souhaite pas

 11   que ce témoin revienne en aucun cas. Je ne souhaite absolument pas qu'elle

 12   revienne ici, puisque vous l'avez déjà libérée. Vous lui avez dit qu'elle

 13   pouvait rentrer à la maison. Donc, je vous remercie. Je pense que pour ce

 14   qui me concerne, je n'ai plus d'autres questions. Merci.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons être

 16   plus prudents à l'avenir, pour ce qui nous concerne.

 17   Oui, Monsieur McCloskey.

 18   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je suis tout à fait certain que Me Gajic

 19   sera d'accord avec moi. Avant que le témoin ne vienne déposer, je lui ai

 20   dit : J'espère que nous allons pouvoir terminer aujourd'hui. Je n'ai jamais

 21   dit : Il faut absolument qu'on termine ce soir. Je ne suis pas en mesure

 22   d'imposer ce type de condition. Lui aussi, m'a dit, Me Gajic, qu'il

 23   espérait pouvoir terminer ce soir, mais ce n'est pas le conseil dans cette

 24   affaire, en réalité. Donc, personne n'essaie de limiter qui que ce soit

 25   lorsqu'il s'agit d'un procès juste et équitable.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que nous sommes parvenus à

 27   un accord. Nous avons dépassé le temps régulier, donc il nous faut lever la

 28   séance. Nous allons reprendre nos travaux demain à 14 heures 15. Et


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  1   j'espère que les deux parties feront de leur mieux pour permettre au

  2   prochain témoin et au Dr Brunborg de terminer leur déposition demain;

  3   sinon, l'un d'eux devra rester pendant le week-end.

  4   M. McCLOSKEY : [interprétation] Juge Mindua, je m'excuse. Toutes mes

  5   excuses auprès de vous de m'être emporté. Je m'excuse des émotions qui

  6   m'ont emporté. Je sais très bien que c'est un témoin qui a eu une vie

  7   difficile, donc je vous remercie de ce que vous m'avez dit.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Alors, je vous remercie de vos bons

  9   mots.

 10   Nous allons reprendre l'audience demain.

 11   --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le jeudi 17

 12   février 2011, à 14 heures 15.

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