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1 Le jeudi 17 février 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 27.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans le
6 prétoire et à l'extérieur du prétoire. Je suis vraiment désolé pour ce
7 retard. Nous avions des questions à débattre, enfin, nous avions des
8 questions qu'il nous fallait régler.
9 Alors, notre prochain témoin qui est appelé, je voudrais faire
10 quelques commentaires au nom de la Chambre concernant l'audience d'hier
11 pour le compte rendu d'audience.
12 La Chambre souhaiterait faire un commentaire concernant la discussion
13 qui a eu lieu hier soir. La Chambre est préoccupée quant à la position du
14 bureau du Procureur. A la page 26, ligne 18 du compte rendu d'audience
15 d'hier, l'Accusation a dit, je cite, que : "Il est absolument essentiel que
16 le témoin soit en mesure de quitter ce soir."
17 La Chambre était donc guidée par ceci au cours de la session. Et plus tard,
18 après que le témoin ait quitté le prétoire, le bureau du Procureur a
19 informé la Défense que le témoin était disponible aujourd'hui pour un
20 contre-interrogatoire supplémentaire, et c'est une contradiction très
21 sérieuse. La Chambre devrait s'appuyer sur l'information qui lui est donnée
22 par le bureau du Procureur concernant la disponibilité des témoins en
23 général.
24 De plus, la Chambre souhaiterait insister sur le fait que
25 conformément à l'article 20 du Statut, ce procès doit être un procès juste
26 et équitable et qu'il faut absolument respecter les droits de l'accusé et
27 faire attention également à la protection des témoins. La Chambre fera de
28 son mieux pour s'assurer que tout ceci soit respecté et également, les
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1 parties devraient tenir compte de ceci pour ce qui est des témoins au cours
2 de cette procédure.
3 Et la Chambre ne peut pas accepter la position du Procureur, à savoir
4 que l'accusé doit montrer d'abord les questions qu'il souhaite poser au
5 témoin. Et ceci, encore une fois, est tiré du compte rendu d'audience hier
6 et, bien sûr, les Juges de cette Chambre, nous ne comprenons pas très bien
7 ce à quoi faisait référence M. McCloskey hier, mais le message est très
8 clair et nous l'avons au compte rendu d'audience. Donc, j'aimerais apporter
9 ce dernier commentaire. La Chambre est d'avis qu'il n'est pas acceptable ou
10 n'accepte plutôt pas l'attitude à laquelle le Procureur a adressé la
11 Chambre après le commentaire du Juge Mindua. Même si M. McCloskey a offert
12 ses excuses, la Chambre est préoccupée par cette façon. Il faut voir quelle
13 mesure doit être prise pour nous assurer que ceci ne se passe pas de
14 nouveau. J'espère que le message est clair et que le message est lancé au
15 bureau du Procureur.
16 Je vous écoute.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Procureur.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne voulons pas débattre de cette
19 question aujourd'hui.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, mais
21 je voulais simplement ajouter pour le compte rendu d'audience, comme vous
22 pouvez le voir, M. McCloskey n'est pas présent aujourd'hui. Il n'est donc
23 pas en mesure de répondre à la Chambre de première instance. Je me suis
24 toutefois entretenu avoir lui hier soir et je dois vous dire, en fait,
25 qu'il a exprimé ses regrets. Il s'est excusé, certainement, de la façon
26 dont il s'est adressé à l'Honorable Juge Mindua à la suite de ses
27 commentaires. Il ne pouvait pas être ici aujourd'hui à cause d'une mission,
28 qui à déjà été planifiée il y a bien longtemps avant les procédures d'hier,
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1 et donc il est absent aujourd'hui pour ces raisons-là. Mais, je vais
2 certainement me plier et respecter votre instruction à savoir de ne pas
3 parler de cette question, de ne pas nous appesantir sur ce point, mais je
4 voudrais absolument insister sur le fait que dans aucun cas l'Accusation
5 n'essaierait pas de ne pas respecter la procédure. Ceci ne correspond pas
6 au droit de l'accusé et ceci n'est pas conformément à la directive de ce
7 Tribunal. Et je ne crois pas que M. McCloskey a essayé de dire ceci à la
8 Chambre de première instance et je ne crois pas que l'Accusation et son
9 comportement ait pu faire preuve de ceci. Donc, je voulais simplement
10 m'assurer que ceci ne soit mentionné.
11 Je crois que le Juge Nyambe voudrait dire quelque chose.
12 M. LE JUGE MINDUA :
13 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous
14 pouvons certainement comprendre vos commentaires, donc nous vous avons
15 écouté, Monsieur Vanderpuye, nous apprécions votre intervention, mais eu
16 égard au fait que vous n'étiez pas présent hier lorsque ceci a eu lieu, je
17 ne crois pas que vous puissiez être en mesure de nous dire ce que M.
18 McCloskey voulait dire ou ne voulait pas dire. Nous avons vu son
19 comportement, nous étions là hier. Donc, j'apprécie et nous apprécions
20 votre intervention d'un point de vue d'esprit d'équipe, je vous remercie.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Voici la position de la Chambre.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
23 Madame, Messieurs les Juges. Je me suis entretenu avec M. McCloskey, je
24 voulais simplement vous le dire, et ceci après la fin de la session d'hier,
25 et j'ai également lu le compte rendu d'audience et donc, je vous ai parlé
26 d'un point de vue de ce que j'ai cru comprendre de ce qui s'était passé.
27 Mais il est tout à fait certain que je n'étais pas ici, et donc je ne peux
28 pas voir quels étaient vos impressions.
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1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, arrêtons-nous
2 ici. Je ne veux pas utiliser d'autre temps de la Chambre, donc il faudrait
3 faire entrer le prochain témoin.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Madame Ibrahimefendic, je
6 vous souhaite la bienvenue au Tribunal. Veuillez, je vous prie, lire la
7 déclaration solennelle qui vous est remise.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN : TEUFIKA IBRAHIMEFENDIC [Assermentée]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, veuillez vous
13 asseoir.
14 Je voudrais d'abord m'excuser auprès de vous pour ce retard. Nous devions
15 nous occuper d'une autre question. Mme Hasan vous posera des questions au
16 nom du bureau du Procureur.
17 Madame Hasan, je vous écoute.
18 Mme HASAN : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président, Madame,
19 Messieurs les Juges. Je souhaite également bien le bonjour à toutes les
20 personnes présentes dans ce prétoire et à l'extérieur du prétoire.
21 Interrogatoire principal par Mme Hasan :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.
23 R. Bonjour.
24 Q. Avant que je ne vous pose mes premières questions, veuillez je vous
25 prie décliner votre identité pour le compte rendu d'audience.
26 R. Je suis Teufika Ibrahimefendic. Je suis psychothérapeute du centre
27 chargé de la thérapie et de la réhabilitation des femmes Vive Zene Tuzla.
28 Q. Madame Ibrahimefendic, avez-vous eu l'occasion de réécouter votre
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1 déposition que vous avez faites dans l'affaire Krstic ?
2 R. C'était avant-hier, j'ai réécouté mon témoignage, le témoignage que
3 j'ai donné en l'an 2000 dans l'affaire Krstic.
4 Q. Lorsque vous avez déposé dans l'affaire Krstic, est-ce que vous avez
5 déposé de façon véridique et précise ?
6 R. Etant donné que ce témoignage a eu lieu il y a dix ans et demi, le
7 témoignage reflétait la situation à l'époque, à savoir que cette déposition
8 reflétait l'état des personnes traumatisées à l'époque, les personnes ayant
9 subi un traumatisme, et j'ai également parlé de leur douleur et du travail
10 que je faisais avec ces personnes à ce moment-là. Ce que j'ai pu dire, ce
11 que j'ai dit ici devant le Tribunal, j'ai raconté, en fait, mes expériences
12 dans le cadre de mon travail.
13 Q. Donc, dans ce cadre-ci dans le cadre de votre travail, vos expériences,
14 votre connaissance à l'époque, est-ce que les réponses que vous avez
15 données étaient précises et véridiques ?
16 R. Bien sûr que oui, elles sont précises et véridiques. Mais, d'un point
17 de vue du traumatisme, au cours de ces dix dernières années, je peux dire
18 que je peux ajouter aux symptômes déjà démontrés à l'époque, je peux
19 ajouter à cette souffrance et tous ces états, d'autres éléments, alors
20 souffrance, je peux décrire également leurs besoins individuels et leur
21 chagrin individuel. Je peux également décrire la dimension sociale de ce
22 traumatisme, et je pourrais vous décrire le contexte dans lequel elles
23 vivent et nous vivons tous, puisque j'habite là-bas, moi aussi.
24 Q. D'accord. Je vais maintenant vous poser un certain nombre de questions
25 concernant, justement, ceci.
26 Mme HASAN : [interprétation] Mais à cette étape-ci, Monsieur le Président,
27 si je puis demander le versement au dossier le compte rendu d'audience de
28 Mme Ibrahimefendic, de son témoignage dans l'affaire Krstic, il s'agit de
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1 la pièce 65 ter 1574, au compte rendu d'audience.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, alors ces pièces seront
3 versées.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P1817. Merci.
5 Mme HASAN : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,
6 je voudrais lire un résumé de ce témoignage.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, faites.
8 Mme HASAN : [interprétation] Mme Teufika Ibrahimefendic est une femme
9 musulmane de Bosnie née en 1948. Elle est psychothérapeute qui a suivi des
10 études en matières médicales et de travail social. Elle a fait des études
11 en psychologie et en pédagogie à l'Université de Sarajevo. Mme
12 Ibrahimefendic a par la suite étudié les traumatismes de guerre et a étudié
13 la thérapie psychosociale pour donner l'assistance aux femmes et aux
14 enfants traumatisés.
15 Après avoir travaillé en tant qu'infirmière pédiatrique et travailleur
16 social à l'hôpital Tuzla, Mme Ibrahimefendic a pris la position de
17 coordonnateur de l'organisation Vive Zene, qui est une organisation
18 multidisciplinaire qui s'occupe du traitement des femmes qui ont été
19 victimes de la guerre.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez ralentir votre débit.
21 Mme HASAN : [interprétation] En plus de coordonner le programme Vive Zene,
22 Mme Ibrahimefendic a assisté les femmes et les enfants, elle a prodigué les
23 soins aux femmes et aux enfants qui étaient des victimes des événements de
24 1995 à Potocari alors qu'il y a eu la séparation des femmes et des enfants,
25 des hommes et des enfants.
26 Les femmes auxquelles elle a prodigué des soins ont démontré un niveau de
27 traumatisme exceptionnellement élevé. A l'époque de son témoignage dans
28 l'affaire Krstic en l'an 2000, Mme Ibrahimefendic a dit que les femmes et
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1 les enfants de Srebrenica étaient encore en train de souffrir de ce
2 traumatisme, de sentir les effets du traumatisme, et ceci se manifestait en
3 des souvenirs vifs, cauchemars, irritabilité, crainte, nervosité,
4 agressivité, perte de concentration, déni de la réalité, et dans quelques
5 cas, ces femmes souffrent également de dépression, d'apathie, de passivité,
6 ainsi que de douleur, d'une perte de motivation et du désir de vivre.
7 Elle a traité également d'autres victimes ayant vécu des
8 traumatismes, et Mme Ibrahimefendic vous a expliqué que les traumatismes
9 vécus par les femmes de Srebrenica étaient uniques. Le syndrome de
10 Srebrenica, le nom que l'on attribue à leur traumatisme, est une
11 conséquence de la disparition des hommes de leurs familles, tels les pères,
12 fils, frères, maris ou oncles. Ne sachant pas la vérité, à savoir ce qui
13 s'est passé avec eux, il est très difficile pour ces femmes, parce qu'il
14 faut chercher l'explication quant à ce qui s'est passé, et ceci les rend
15 particulièrement fatiguées. Ne sachant pas ce qui s'est passé avec eux,
16 elles souffrent de sentiment de culpabilité.
17 Les enfants de Srebrenica, qui ont également pu voir la séparation de
18 leurs frères et de leurs pères, ont également été particulièrement
19 traumatisés. En plus de tous ces symptômes, Mme Ibrahimefendic a pu
20 observer également que l'absence de modèles masculins dans leur vie leur a
21 enlevé un sens d'identité.
22 Les événements de Srebrenica ont eu un impact très présent sur la vie
23 sociale des femmes et des enfants ayant survécu à Srebrenica. Mme
24 Ibrahimefendic a parlé sur les difficultés que les femmes et les enfants
25 rencontrent lorsqu'ils essaient d'établir des liens dans le cadre de la
26 communauté ou de la famille. La culpabilité que les femmes de Srebrenica
27 ressentent les empêche de déclarer la mort de leurs maris; en fait, c'est
28 une déclaration qui est un prérequis pour pouvoir se remarier. Les
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1 difficultés qu'elles ont à rétablir les liens et se remarier se font voir
2 encore plus puisqu'il n'y a pas suffisamment d'hommes dans cette région.
3 Mme Ibrahimefendic a également dit qu'il y a également un changement très
4 important quant au rôle de ces femmes après les événements de 1995.
5 Les victimes qui ont poursuivi une thérapie montrent quand même une
6 amélioration dans leur état. Toutefois, Mme Ibrahimefendic a dit que leur
7 condition oscille et qu'il y a certaines régressions dans certains cas qui
8 sont également présentes. Même si on peut être optimiste, Mme
9 Ibrahimefendic anticipait que les enfants de Srebrenica vont probablement
10 continuer de faire face aux problèmes de développement. Elle a dit que la
11 route vers la guérison pour ces femmes et ses enfants qui ont reçu le
12 traitement, donc que la route est longue. Et dans quelques cas, malgré la
13 thérapie, il est très difficile de se remettre. Elle a également fait
14 remarquer qu'il y avait des femmes et des enfants qui n'ont pas reçu de
15 thérapie du tout et certains qui n'ont pas voulu d'aide non plus.
16 Lorsque l'honorable Juge Rodrigues dans l'affaire Krstic lui a posé
17 la question, à savoir combien de générations il faudra pour que la vie
18 normale reprenne pour ces victimes, Mme Ibrahimefendic n'a pas pu donner de
19 réponse.
20 Q. Madame Ibrahimefendic, depuis votre dernière déposition en 2000,
21 pourriez-vous nous dire brièvement quel type de travail est-ce que vous
22 avez fait ?
23 R. Au cours des dix dernières années, l'organisation Vive Zene est devenue
24 une organisation plus professionnelle et elle a commencé à travailler non
25 pas seulement sur les blessures individuelles, sur les femmes et les
26 patients de façon individuelle, mais on s'occupe également des personnes au
27 niveau de la communauté, au niveau des groupes et au niveau des familles.
28 Mais nous travaillons également sur l'éducation à l'intérieur de la
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1 communauté, car il y a eu destruction sociale au niveau de la communauté,
2 et les traumatismes en soi séparent les gens. De sorte qu'il y a, en fait,
3 une équipe multidisciplinaire qui s'occupe des femmes dans le cadre de
4 l'organisation Vive Zene, et nous avons essayé d'établir un programme
5 spécial pour que ces femmes puissent se rétablir de leur traumatisme au
6 niveau du travail, non pas seulement pour ce qui est de l'individu, mais au
7 niveau de la communauté.
8 Personnellement, je peux vous dire que j'ai assisté à un très grand nombre
9 de conférences, de réunions, j'ai suivi des cours, et j'ai discuté
10 également avec un très grand nombre de spécialistes qui s'occupent des
11 traumatismes. Et je dois vous dire que surtout au cours de ces dix
12 dernières années, dix ans et demi, si vous voulez, dans le monde on a un
13 autre regard sur les personnes traumatisées, car au cours des dernières
14 guerres, il y a eu un très grand nombre de civils ayant péri, donc leur
15 douleur n'a pas pu être marginalisée. Cette douleur n'est plus une douleur
16 secondaire.
17 Mais au niveau international, cette douleur est devenue très
18 importante pour qu'une communauté ayant subi la guerre puisse se rétablir
19 et se remettre sur pied. Je voudrais également ajouter que la science a
20 particulièrement bien avancé pour ce qui est de l'observation des personnes
21 victimes de traumatisme. Je peux vous dire que de nouveaux diagnostics sont
22 maintenant faits. On ne parle plus seulement du syndrome post-traumatique,
23 puisque c'était lié aux personnes traumatisées, des personnes traumatisées
24 qui ont vécu la guerre, donc le syndrome post-traumatique n'est plus
25 seulement un traumatisme de guerre, mais on a commencé à se pencher sur le
26 traumatisme comme processus. Le regard que la communauté scientifique a
27 maintenant sur les traumatismes est un processus qui est un processus
28 continu. A savoir que même si la guerre s'est arrêtée, même si elle est
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1 finie, le traumatisme se poursuit chez certaines personnes, le traumatisme
2 continue à se développer.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Ibrahimefendic.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame, je comprends que vous avez
6 beaucoup à nous dire sur le développement de cette science, mais je dois
7 vous dire que Mme Hasan vous a posé une question très précise. Et la
8 Chambre vous serait grée si vous pourriez répondre à cette question.
9 Alors, la question était : pourriez-vous brièvement nous raconter quel type
10 de travail est-ce que vous avez fait ? Quel était le travail sur lequel
11 vous vous êtes penchée au cours des dix dernières années ? Alors, ceci
12 serait fort utile. Pourriez-vous vous concentrer seulement sur cette
13 question.
14 Mme HASAN : [interprétation] Je pourrais, si vous le souhaitez, Monsieur le
15 Président, reformuler ma question.
16 Q. A savoir, Madame, est-ce que vous avez encore le poste de coordonnateur
17 du programme Vive Zene depuis l'an 2000 ?
18 R. Oui, je suis encore la coordinatrice de tout ce programme social. Je
19 travaille encore avec les clients, je travaille encore avec les personnes
20 dont les membres de la famille sont portés disparus, des femmes qui ont
21 subi le viol ou des personnes qui ont fait l'objet de torture. Je suis
22 membre d'une équipe multidisciplinaire au sein du programme Vive Zene. Mais
23 entre-temps, je me suis spécialisée, j'ai suivi des cours de spécialisation
24 dans le domaine du traumatisme. Depuis les dix dernières années, je suis
25 devenue également enseignante pour d'autres professionnels en Bosnie-
26 Herzégovine. Je travaille également sur des programmes d'éducation aux
27 victimes et j'enseigne également aux professionnels. Je travaille également
28 avec les enquêteurs de la police, qui doivent prendre des déclarations des
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1 victimes qui pourraient devenir de témoins potentiels, car l'OSCE, une
2 organisation en Bosnie-Herzégovine, a demandé à notre organisation, et je
3 suis la coordinatrice de ce programme, d'éduquer les procureurs, les
4 enquêteurs et de travailler auprès des victimes potentielles afin de
5 motiver les personnes pour que ces dernières deviennent témoigner.
6 Donc je n'ai pas seulement travaillé au niveau de la Fédération, mais
7 également dans la Republika Srpska. J'ai également travaillé au sein de
8 l'accusation de Bijeljina, "Brcko district", également avec les victimes,
9 avec les enquêteurs, et je dois vous dire que mon but personnel était de
10 les éduquer sur le traumatisme afin que ces personnes puissent savoir ce
11 que représente réellement un traumatisme, ce que cette douleur représente
12 et de quelle façon est-ce qu'on peut travailler avec les personnes ayant
13 souffert d'un traumatisme.
14 Voilà, c'est un résumé assez court du travail que j'ai fait au cours des
15 dernières années.
16 Q. Bien. Merci. Au cours de votre travail, avez-vous prodigué des soins
17 aux femmes et aux enfants qui ont été victimes de guerre ou qui ont été
18 affectés d'une certaine façon par la guerre pour ce qui est de l'ensemble
19 de la Bosnie-Herzégovine ?
20 R. Oui, bien sûr. J'ai travaillé avec des femmes et des enfants, et j'ai
21 aussi travaillé avec des hommes, ces personnes venaient de l'ensemble de la
22 Bosnie-Herzégovine, et toutes ces personnes avaient des traumatismes
23 différents, puisque ces personnes vivaient dans différentes parties de
24 Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Est-ce que vous avez poursuivi de prodiguer des soins aux femmes et aux
26 enfants de Srebrenica, les femmes et les enfants bosniens de Srebrenica ?
27 R. Pour ce qui est des femmes de Srebrenica, elles étaient nos clients
28 depuis 1994, donc déjà avant la chute de Srebrenica. Nous nous occupions
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1 d'un groupe de femmes qui séjournaient dans notre centre social. Elles
2 étaient hébergées là alors que leurs maris se trouvaient à Srebrenica, et
3 j'ai été témoin de leur espoir, de l'espoir, comme elles le disaient, que
4 Srebrenica ne tombe pas. Moi aussi, j'ai travaillé avec ces personnes, j'ai
5 eu des interventions de crise, si vous voulez, parce que ces femmes, très
6 souvent, étaient en panique, elles avaient peur. Par exemple, lorsque le
7 reste de leurs familles avait été transféré à Tuzla ou lorsque des membres
8 de leurs familles se trouvaient à l'aéroport de Tuzla, des membres de notre
9 équipe les ont transportées jusqu'à l'aéroport afin qu'elles puissent
10 rencontrer les membres de leurs familles, et nous les avons suivies. Nous
11 avons donc donné un suivi à ces personnes pour savoir si elles ont réussi à
12 retrouver leurs maris, leurs pères, leurs frères, et cetera.
13 Donc nous suivons le processus. Nous les suivons dans leur démarche
14 et dans cette démarche de rétablissement.
15 Q. Je voudrais maintenant me concentrer justement sur ces femmes et sur
16 les enfants de Srebrenica. Je vais vous poser une question, mais avant
17 cela, je voudrais d'abord vous demander si vous vous rappelez d'avoir
18 déposé dans l'affaire Krstic de la souffrance de ces femmes concernant les
19 événements de juillet 1995, et je parle particulièrement de la souffrance
20 et des événements qui ont fait en sorte que ces femmes et ces enfants aient
21 souffert de façon différente, ont eu d'autres souffrances ? Leur souffrance
22 était particulière, et il s'agissait plutôt de ce traumatisme que l'on
23 appelle le traumatisme de Srebrenica.
24 R. Oui, bien sûr que je m'en souviens. Même aujourd'hui, 15 ans, 16 ans
25 plus tard, les femmes parlent encore de Potocari. Les femmes parlent encore
26 des instants lorsqu'elles ont dû se séparer de leurs maris. Elles parlent
27 des moments où elles étaient détenues à Potocari, lorsqu'elles sont parties
28 vers Tuzla. Donc, dans le cadre de leur vie quotidienne, elles se
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1 souviennent constamment de tous ces éléments, puisqu'on exhume encore des
2 fosses communes, on procède encore à l'identification des victimes. Elles
3 sont encore dans un processus de stress puisqu'elles n'ont pas encore
4 entamé le processus de deuil. Elles recherchent encore leurs personnes
5 chères disparues. Les femmes à Tuzla manifestent tous les 11 de chaque
6 mois. Elles manifestent. J'appellerais ça une manifestation. De toute
7 façon, elles sont là, elles attirent l'attention sur elles aux hommes
8 politiques et aux autres personnes et toutes les personnes qui ont déjà
9 oublié leur souffrance, leur douleur et la disparition de leurs êtres
10 chers. Elles mentionnent que les victimes ne peuvent pas être oubliées.
11 Donc les images de Potocari sont encore actuelles, elles sont encore
12 présentes dans la vie quotidienne de ces femmes.
13 Q. Merci. Cette Chambre de première instance a entendu des éléments de
14 preuve selon lesquels on a pu constater que certaines personnes avaient été
15 exhumées et, grâce à l'ADN, on a pu identifier des corps ou des parties de
16 corps. J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire si vous êtes au courant
17 de ce processus d'identification ?
18 R. Ce processus d'identification est toujours un processus public. Tout ce
19 qui se passe est toujours publié dans les médias, bien sûr. On dit où les
20 fosses ont été trouvées, où les endroits d'exhumation ont été trouvés, qui
21 a été identifié, combien de personnes, et cetera. Donc, d'une part, c'est
22 ce que j'entends. Mais nous participons à un très grand nombre de
23 conférences où l'on parle des souffrances des personnes. Il y a très
24 souvent des organisations internationales, mais il y a également des
25 organisations nationales qui organisent des conférences, des conseils,
26 justement, sur ce sujet, on parle des résultats, on discute des éléments,
27 des événements. Donc je suis toujours, bien sûr, toujours au courant,
28 justement, de ce processus d'identification et d'exhumation.
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1 Dans ces moments très difficiles, un très grand nombre de nos
2 clientes, qui sont nos clientes depuis 15 ans, nous demandent de l'aide. Et
3 des fois, elles nous demandent même de les accompagner lorsqu'elles vont
4 quelque part pour identifier ces personnes ou lorsqu'elles doivent
5 identifier des objets qui ont été trouvés, parce qu'elles ont peur, bien
6 sûr, de faire face à tout ceci. Elles ne savent pas si elles vont pouvoir
7 tenir bon. Donc c'est la raison pour laquelle, très souvent, elles
8 demandent une assistance, soit d'un médecin ou d'une travailleuse sociale
9 ou d'une psychologue, de les accompagner afin que ces dernières puissent
10 faire face aux ossements et aux restes humains, puisque c'est, en fait,
11 d'une certaine façon, un moment final où l'on se rend compte de la
12 situation.
13 Et justement, je me souviens d'avoir vu un film dans lequel une femme
14 qui découvre les ossements de son fils dit : Je crois à la science, mais je
15 ne crois pas à mes propres yeux, en examinant les ossements qui étaient
16 éparpillés sur un papier journal sur lequel ces ossements étaient placés.
17 Donc, vous savez, ce sont des événements particulièrement stressants. Ce
18 sont des moments qui font revivre toutes les émotions, et les personnes
19 deviennent agitées, bien sûr. Il est très difficile pour ces personnes de
20 surmonter tout ceci, de faire face à tout ceci, et c'est la raison pour
21 laquelle notre équipe est toujours présente.
22 Q. A en juger par les observations auxquelles vous vous êtes livrée et aux
23 traitements que vous avez prodigués aux femmes et aux enfants de
24 Srebrenica, une fois que la mort de leurs parents a été confirmée, les
25 femmes ont-elles été à même de faire face à cette réalité au fait de leur
26 décès ? Leurs vies quotidiennes ont-elles pu reprendre leur cours normal ?
27 R. Avec les situations normales, lorsqu'on perd un être cher, il faut
28 passer par une période de deuil. Et cette période de deuil comprend un
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1 certain nombre d'étapes nécessaires. La période commence par le choc et
2 l'impossibilité de croire ce qui s'est produit. Elle est suivie par une
3 autre étape où on commence progressivement à accepter la perte qu'on a
4 subie. Et après une période donnée, la personne se remet à fonctionner
5 normalement. Toutefois, lorsque la perte survient dans des circonstances
6 traumatiques, ce processus est beaucoup plus complexe. Ceci vaut surtout
7 pour les personnes portées disparues au sujet desquelles on ne sait rien,
8 et la question qui se pose est de savoir dans quelles circonstances ces
9 personnes ont trouvé la mort, ont-elles été assassinées, fusillées, ont-
10 elles subi des sévices, ont-elles été violées, ont-elles souffert la famine
11 ou la faim.
12 Donc, on ne peut commencer de faire face à la réalité qu'au moment où
13 les restes de ces personnes ont été retrouvés. Ce n'est qu'à ce moment-là
14 que la période de deuil peut être entamée. Et chaque fois qu'on procède à
15 une identification de personnes portées disparues, chaque fois il faut
16 absolument mettre en œuvre et respecter un certain nombre de procédures
17 pour communiquer cette information à la famille. Le jour de l'enterrement
18 est fixé et alors, les personnes affectées, en fait, repassent tout le
19 processus dès le début, comme si seulement elles venaient d'apprendre que
20 leurs êtres chers venaient de trouver la mort. Et il y a toute une
21 réflexion qui s'ensuit, d'une part on accepte le fait que les ossements ont
22 été retrouvés, on accepte la réalité de la mort de l'être cher, mais
23 d'autre part, on continue à espérer que tout ceci n'est pas la vérité, et
24 les ossements sont accueillis comme s'il s'agissait à la fois de quelque
25 chose de sacré et d'effrayant. Les ossements ont cet aspect sacré parce
26 qu'ils appartiennent à leurs êtres chers, mais en même temps, le fait
27 qu'ils aient été retrouvés a quelque chose d'effrayant puisque cela veut
28 dire qu'il n'y a plus d'espoir, qu'il n'y a plus rien à attendre, que la
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1 mort est définitive.
2 Si bien que les femmes peuvent se dire : D'une façon, c'est bien,
3 maintenant au moins je sais où ses restes seront enterrés, je pourrai me
4 rendre à sa tombe, je pourrai organiser tous les rites qu'on organise
5 normalement lorsqu'une personne est décédée; et puis, une fois qu'on fait
6 l'enterrement, on procède à des rites, de façon générale, plus souvent des
7 rites religieux.
8 Et tout ceci permet de faire face à la mort, et ce n'est qu'alors que
9 le processus de deuil commence, mais c'est un processus fort complexe qui
10 ne se déroule pas très simplement. De nombreuses femmes portent en elles ce
11 qu'on désigne par le terme de double psychologique, elles ne parviennent
12 pas à laisser partir l'être cher qu'elles ont perdu. Elles rêvent de cet
13 être cher. Elles gardent les effets personnels qui lui appartenaient et qui
14 les relient à ces personnes disparues. Il peut s'agir de photographies ou
15 d'effets personnels, ou même les enfants peuvent devenir un objet, en
16 quelque sorte, qui assure le lien avec l'être perdu, notamment s'il s'agit
17 de l'enfant d'un mari ou d'un frère décédé. Donc, tout ce processus de
18 deuil ne se déroule pas en fonction des étapes qu'on rencontre normalement
19 dans la vie quotidienne lorsque nous devons faire face à la perte d'un être
20 cher.
21 Q. Et qu'en est-il de l'impact psychologique de tout ceci sur les femmes ?
22 Vous avez déjà déposé sur les symptômes qu'on pouvait relever chez ces
23 femmes et ces enfants, dont, par exemple, des cauchemars, le sentiment
24 d'irritabilité, la dépression, et cetera. Alors, ces symptômes sont-ils
25 toujours présents auprès des femmes et des enfants avec qui vous travaillez
26 ?
27 R. Les symptômes qui se manifestent tout au début, c'est surtout le fait
28 de revivre tout ce qui s'est passé dans le passé. Donc, on fait des
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1 cauchemars au cours desquels on revit tous les événements traumatiques.
2 Mais il peut arriver aussi qu'on souffre s'insomnie ou d'un sentiment
3 d'irritabilité, ou de rage vis-à-vis des autres. Et même après de
4 nombreuses années, il peut rester impossible, pour les professionnels aussi
5 bien que pour les victimes, d'établir un lien entre les symptômes qui se
6 présentent et les événements traumatiques subis il y a plusieurs années.
7 Aujourd'hui, par exemple, les femmes restent dans l'isolement. Elles sont
8 beaucoup plus solitaires. La société les dérange. Elles n'aiment pas sortir
9 en compagnie. Elles ne font pas confiance en elles-mêmes. Elles ne se font
10 pas confiance pour fonctionner dans la vie de tous les jours, mais elles se
11 méfient également des autres. Elles ont le sentiment que personne d'autre
12 ne comprend ce qu'elles ont dû vivre, qu'elles ont été abandonnées par tout
13 le monde. Donc, elles souffrent d'un sentiment d'isolement général.
14 Parfois, elles se sentent complètement vidées de tout sentiment. Elles ont
15 l'impression de ne pas pouvoir ressentir de l'amour, de la joie ou de la
16 tristesse non plus.
17 D'autres, en revanche, sont hypersensibles, alors qu'il y en a qui
18 son hyposensibles. La plupart de celles qui font preuve d'hypersensibilité
19 souffrent également d'affections somatiques telles que, par exemple, la
20 haute tension artérielle, donc elles vont souvent voir le médecin, et le
21 personnel médical, les assistants sociaux, ne sont parfois pas sensibles à
22 leurs affections particulières et les traitent en simples malades. Mais
23 parfois, il suffit de leur poser la question de savoir d'où elles viennent,
24 ce qu'elles ont vécu, pour comprendre qu'une simple conversation peut avoir
25 plus d'effet que toute une foule de médicaments qui leur sont administrés.
26 Et par ailleurs, il y a un grand nombre de femmes qui se sentent
27 apathiques ou dépressives. Ce n'est pas qu'elles ressentent un sentiment de
28 tristesse, parce que la tristesse ne peut pas être soignée par des
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1 médicaments. Plutôt, il faut chercher le remède dans la rencontre avec les
2 autres. Alors, souvent, il s'agit des femmes qui ont des enfants. Ces
3 enfants, maintenant, sont déjà grands. Il s'agit des adolescents. La
4 culture dans laquelle ils sont immergés dicte qu'on ne parle pas des
5 personnes disparues. Donc, un grand nombre d'enfants ne savent pas grand-
6 chose sur leurs pères. Ces enfants ne savent pas où leurs pères ont été
7 portés disparus et dans quelles circonstances.
8 Il y a trois jours, il y a une femme qui est venue me voir. Sa fille
9 venait de se marier. Elle avait 16 ans et demi. Mais au moment où elle
10 était venue de Srebrenica, elle avait dix mois et demi, donc la fille était
11 un bébé, et elle n'avait absolument aucun objet qui la relierait à son
12 père. Elle n'avait même pas une photographie. Or, la mère, à cause de la
13 souffrance qu'elle ressentait elle-même, n'a jamais pu réunir la force
14 nécessaire pour lui parler de son père, pour lui raconter les circonstances
15 dans lesquelles il a trouvé la mort, et c'est pourquoi cette jeune fille
16 est partie toute seule, dans le village de Srebrenica, elle s'est rendue
17 dans les bureaux de la municipalité et elle a apporté la carte d'identité
18 de son père, et elle a demandé aux autorités municipales de lui montrer sa
19 photo. Et après avoir vu cette photo, elle s'est fâchée contre sa mère et
20 elle a quitté sa maison maternelle. Elle a dit à sa mère : Tout compte
21 davantage à tes yeux que moi.
22 Donc, les problèmes auxquels nous faisons face en ce moment sont très
23 souvent des problèmes qui sont reliés aux enfants, parce que les enfants
24 sont devenus rationnels sans avoir absorbé sur le plan émotionnel la perte
25 qu'ils ont subie. Donc, les émotions qu'ils ont ressenties alors qu'ils
26 étaient en bas âge, ils n'ont pas pu les traiter de façon rationnelle et
27 raisonnable et faire face ainsi à la perte de leur père.
28 Q. Madame Ibrahimefendic, vous avez parlé quelque peu des problèmes qui
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1 existent au niveau des relations au centre de la famille. Alors, j'aimerais
2 que vous nous disiez quelques mots également sur les problèmes qui existent
3 dans les relations mutuelles au niveau de la communauté. J'aimerais que
4 vous partagiez avec nous vos observations et ce que vous avez tiré de vos
5 interactions avec ces femmes et ces enfants. Donc, il s'agit de parler
6 maintenant seulement de la période qui va de l'année 2000
7 jusqu'aujourd'hui, parce que la déposition que vous avez faite dans
8 l'affaire Krstic témoigne suffisamment de ce qui s'était passé auparavant.
9 R. Donc, si j'ai bien compris votre question, on me demandait quelles sont
10 les modifications que nous avons vues apparaître au niveau de la société
11 tout entière ?
12 Q. Tout à fait. Les événements qui se sont produits au mois de juillet
13 1995, quels impacts ont-ils eu sur les liens que ces femmes et ces enfants
14 établissent au niveau de la communauté ?
15 R. La disparition d'un nombre de personnes aussi important dans un délai
16 de deux ou trois jours a un impact immense sur la communauté tout entière,
17 bien évidemment. Il faut savoir que toutes ces femmes qui ont survécu ont
18 été accueillies dans la ville de Tuzla. Evidemment, par la suite, il
19 arrivait qu'elles décident de déménager dans une autre ville ou même dans
20 un autre pays, en dehors de la Bosnie-Herzégovine. Donc, la destruction n'a
21 pas touché uniquement des vies individuelles et personnelles, mais la
22 société tout entière a été dévastée, tant sur le plan social que sur le
23 plan politique, financier, juridique. La société n'était pas capable de
24 faire face à tous les malheurs qui l'avaient frappée. Donc, par conséquent,
25 la société n'a pas su fournir l'assistance et le soutien nécessaire à
26 l'époque où ces événements traumatisants se sont déroulés.
27 De nombreuses familles de Srebrenica, de nombreux survivants ont
28 commencé à contempler la possibilité d'immigrer vers un autre pays. Un
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1 grand nombre de clientes que nous avons soignées en 1995 et 1996 ont quitté
2 le territoire de la Bosnie-Herzégovine et habitent aujourd'hui à travers le
3 monde tout entier. Celles qui ont décidé de rester ont préféré de ne pas
4 revenir à Srebrenica. Les événements qui se sont déroulés étaient de nature
5 extrême et extrêmement traumatisante. Ils sortaient complètement du cadre
6 de la vie quotidienne et des expériences qu'elle comporte. C'est pourquoi
7 ces femmes n'osaient plus revenir chez elles. Elles ressentaient trop de
8 peur.Il y a évidemment des exceptions à cette règle générale. Un certain
9 nombre est revenu à Srebrenica. Mais d'autres ont décidé de rester à Tuzla
10 ou de déménager dans quelques autres villes.
11 Mais quelle que soit la décision qu'elles ont prise, elles font face
12 à une crise d'identité. Elles ne savent pas qui elles sont. Vous avez des
13 enfants qui habitent à Tuzla depuis plus de 15 ans et lorsque vous leur
14 demandez "D'où êtes-vous ?" ils répondent "Je suis de Srebrenica." Cela
15 veut dire qu'ils n'ont pas su s'assimiler à la population de la ville dans
16 laquelle ils habitent maintenant. Ils n'arrivent toujours pas à oublier
17 leur village d'origine. Ils ressentent de la nostalgie par rapport à
18 Srebrenica et par rapport à la vie qu'ils menaient avant le début de la
19 guerre.
20 Et lorsqu'on suit les débats menés entre les femmes qui ont perdu leurs
21 maris, ils sont très particuliers. En 2008 et en 2009, j'ai travaillé avec
22 un groupe de femmes dont les maris avaient été portés disparus. Et parmi
23 ces femmes, plusieurs avaient perdu plusieurs membres de leur famille qui
24 avaient été portés disparus. Et au début, elles disaient, par exemple, Bon,
25 j'ai trouvé la tête de mon mari ou, J'ai trouvé la cuisse de mon mari, ou
26 alors, Ce qu'on m'a montré, ce n'était pas, en fait, les dents de mon mari.
27 Donc, la teneur de la conversation qu'elles menaient entre elles était
28 toujours terrifiante. Et à les écouter débattre entre elles, on ne peut
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1 qu'imaginer quelles sont les pensées de leurs enfants et ce qui se passe
2 dans leurs têtes.
3 Q. J'aimerais justement vous poser quelques questions relatives aux
4 enfants de Srebrenica. Il s'agit d'un sujet que vous avez déjà abordé dans
5 votre déposition précédente. Donc, j'aimerais que maintenant vous ne nous
6 communiquiez que vos observations depuis l'an 2000.
7 Alors, ces enfants qui ont survécu aux événements de Srebrenica et qui
8 représentent, si je puis m'exprimer ainsi, l'avenir de tout ce groupe de
9 personnes, quelle a été leur expérience, quel a été l'impact de la
10 disparition de toute la population mâle de leur milieu, qu'il s'agisse de
11 leur père, de leur frère, de leur oncle, de leurs parents, de tous ces
12 hommes qui, traditionnellement, étaient ceux qui assuraient la survie dans
13 une société patriarcale ? Ces hommes étaient censés être leurs leaders,
14 leurs modèles, alors quel est l'impact de leur absence sur la vie que les
15 enfants mènent aujourd'hui ?
16 R. Si les enfants n'avaient personne avec qui ils pouvaient s'identifier
17 pendant qu'ils grandissaient, qu'il s'agisse d'un père, d'un frère, d'un
18 parent, d'un oncle, si les enfants n'ont jamais eu l'occasion de partager
19 leurs expériences avec des hommes, les enfants se sentent plutôt perdus,
20 pris dans un chaos. Les adolescents se comportaient comme si rien n'était
21 arrivé. Et c'est la raison pour laquelle les membres de leur famille
22 arrivaient à la conclusion qu'ils ne ressentaient rien. Mais cette
23 conclusion est complètement fausse. En fait, ces adolescents n'avaient pas
24 la force de faire face à la réalité et essayaient de la fuir en prétendant
25 que rien ne s'était passé. Quant aux enfants en plus bas âge, ils
26 absorbaient tout simplement les émotions ressenties par les adultes. Je
27 leur posais, par exemple, la question de savoir s'ils avaient entendu
28 parler de leur père et les enfants me répondaient, Les miens pensent que la
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1 nuit, je dors et je n'entends rien, mais moi, j'entends tout. Je sais très
2 bien que mon père a été retrouvé, qu'on est allé identifier son corps, et
3 cetera.
4 C'est pourquoi il est très important de parler à ces enfants. Mais
5 les enfants qui sont âgés de 5 à 10 ans ne comprennent pas le concept de la
6 mort comme un concept définitif. En cet âge, les enfants pensent que la
7 mort n'est pas irréversible, que les personnes considérées comme mortes
8 reviendront un jour. Les enfants ont beaucoup d'imagination, et alors ils
9 se livrent aux fantaisies. Lorsqu'on ne leur fourni pas des explications
10 réelles, elles se forgent l'image de leur père dans leur imagination.
11 Quelle était son apparence, quel était son caractère et ceci, parfois,
12 peut-être extrêmement dangereux.
13 J'ai connu plusieurs cas de figure, soit directement soit par le
14 truchement de mes collègues, où les enfants, en l'absence de tout élément
15 d'information réelle, et ceci était dû au fait que les mères les
16 protégeaient beaucoup trop et ne souhaitaient pas leur communiquer des
17 informations qui risquaient de leur faire mal, donc en l'absence de toute
18 information importante, ces enfants, en grandissant, commençaient à
19 accorder une attention excessive à leur apparence physique, à leur force
20 physique, par exemple, et lorsqu'on leur demande pourquoi le corps est si
21 important à leur yeux, pourquoi ils souhaitent devenir aussi corpulents,
22 aussi forts, le plus souvent ils répondent qu'ils n'en savent rien. Mais en
23 réalité, ce qui est derrière, c'est la peur qu'ils ressentent. Ces enfants
24 se ressentent menacés, même si aucune menace ne règne, n'existe. Mais pour
25 eux, tout est ressenti comme menaçant, même les choses qui n'ont pas un
26 caractère menaçant aux yeux des personnes qui n'ont pas subi de telles
27 souffrances.
28 Q. Cet impact des événements vécus sur les enfants, repose-il à la base de
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1 traitements que vous prodiguez ?
2 R. Oui. Le traitement est basé sur le principe de la conversation. Tout ce
3 que je viens de vous dire fait partie de mon expérience professionnelle que
4 je tire de ma pratique professionnelle. Alors, je vais vous citer un
5 exemple. Nous avons parlé à un garçon en 1997, à l'époque il avait cinq
6 ans. Sa mère l'a ramené l'année dernière parce qu'il avait de mauvaises
7 notes à l'école, sa concentration était beaucoup trop faible, il n'arrivait
8 pas à étudier, il restait enfermé dans sa chambre à regarder son ordinateur
9 tout le temps, il ne sortait pas, il n'avait pas d'amis, et lorsqu'il est
10 venu suivre le traitement, il lui a fallu énormément de temps pour qu'il me
11 fasse confiance et me révèle quoi que ce soit sur lui. Et c'est la raison
12 pour laquelle je lui ai demandé de me faire un dessin qui me dirait quelque
13 chose de lui.
14 Nous parlons maintenant d'un garçon qui est déjà adolescent, qui va
15 au lycée. Et lorsqu'il a dessiné cette image, je dois avouer que l'image
16 m'a fait peur. Ce qu'il avait dessiné, c'était un fantôme. Et cet
17 adolescent m'a dit que ce fantôme est toujours présent dans sa chambre, il
18 se tient toujours dans un coin de la chambre et parfois, il discute avec
19 lui et cetera. Mais lorsque j'ai essayé d'expliquer tout ceci à la mère,
20 elle a tout rejeté parce qu'elle le regardait de façon superficielle, il
21 s'agissait d'un jeune garçon très beau, très bien développé physiquement.
22 Or, il était clair qu'il s'agissait d'un cas psychiatrique, que ce
23 garçon avait besoin de l'aide de professionnels parce qu'en fait, il
24 fonctionnait parallèlement à deux niveaux différents. Il y avait un niveau
25 extériorisé, la surface qu'il présentait à ses amis, à ses collègues, à
26 l'école, et puis il y avait un monde intérieur au sein duquel il était
27 enfermé et où une terreur était présente au quotidien, une terreur et une
28 souffrance intenses, un malaise intense. Donc, on peut conclure finalement
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1 que ce garçon vivait parallèlement dans deux réalités différentes. Une
2 réalité interne, que lui seul connaissait, et une réalité externe que les
3 autres voyaient. Et ce qu'il faut faire, c'est d'arriver à faire
4 réconcilier ces deux réalités différentes, mais on ne peut y arriver que si
5 toutes ces terreurs, toutes ces images effrayantes, sont exprimées,
6 partagées avec les autres. Mais dans le cas de ce garçon, il a été renfermé
7 en lui-même dès le début, il gardait le silence.
8 Et puis un autre point intéressant, lorsqu'il est venu nous voir pour la
9 première fois en 1997, il était hyperactif, c'était l'un des enfants les
10 plus hyperactifs, le plus agité que nous avions à l'époque. Or,
11 aujourd'hui, c'est quelqu'un de très renfermé sur lui-même, qui ne
12 communique avec personne, qui ne sait pas comment entrer en contact avec
13 les autres, qui a peur de sortir, qui a peur de se retrouver en compagnie,
14 et cetera.
15 Q. Merci. Madame Ibrahimefendic, les conséquences subies par ces femmes et
16 ces enfants sont-elles devenues moins prononcées depuis le moment où vous
17 avez déposé la dernière fois en juillet 2000 ?
18 R. Les conséquences sont-elles devenues moins prononcées pour ce qui est
19 des femmes et des enfants, eh bien, vous me posez là une question bien
20 complexe. Si on prend pour le point de départ la théorie suivant laquelle
21 le traumatisme est né, non seulement au moment où l'événement se produit
22 mais aussi par la suite, alors il faut conclure que le traumatisme se
23 manifestera de la même façon, en suivant toute une série d'étapes
24 différentes. Il est donc difficile de dire s'il y a eu amélioration ou non
25 dans la condition de ces femmes.
26 Ce qui m'intéresse moi, tout particulièrement, est de constater ce
27 qui a pu aider aux femmes de se remettre. Donc, quels sont les mécanismes
28 qui ont donné la force à un certain nombre de femmes, la force nécessaire
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1 pour reprendre la vie quotidienne, d'assumer les rôles qui leur ont été
2 allouées de façon tout à fait inattendue. Et en étudiant un grand nombre de
3 femmes, j'ai pu constater que le rétablissement était basé sur des
4 objectifs qu'elles s'étaient fixées. Donc, ces femmes s'étaient fixées des
5 objectifs à réaliser et elles se sont servies de différents mécanismes
6 psychologiques pour se protéger de la douleur qu'elles ressentaient. Donc,
7 au début, elles niaient tout ce qui s'était passé, elles refusaient de
8 réfléchir sur les événements. Et même s'il s'agit là d'un mécanisme
9 purement négatif, il leur permettait néanmoins de poursuivre la vie, de
10 reprendre la vie quotidienne, donc il était utile à un moment donné.
11 Mais mis à part le progrès individuel réalisé par des femmes, il est tout
12 aussi important de suivre le progrès général réalisé sur le plan social,
13 économique, juridique, par exemple. Il est très important, par exemple, de
14 savoir où on en est avec les poursuites pénales des auteurs de crime.
15 Enfin, pour m'exprimer brièvement, le processus traumatique est toujours en
16 cours, mais il adopte aujourd'hui des formes différentes et ces nouvelles
17 formes permettent aux victimes de faire face aux réalités d'aujourd'hui.
18 Un autre point que je souhaite ajouter. Chez les personnes qui n'ont pas pu
19 retrouver leurs êtres les plus proches, le temps semble arrêté. On
20 distingue un processus traumatique tout particulier chez ces personnes, et
21 notamment chez leurs enfants. Les enfants dans de telles familles semblent
22 revivre la vie de leurs parents. Les enfants voient que leurs mères sont
23 sans ressources et les enfants sentent que c'est leur responsabilité de
24 donner la force à leur mère nécessaire pour survivre. Et puis, une fois
25 l'identification faite, on se sépare du passé, mais on n'arrive toujours
26 pas à envisager l'avenir. L'avenir n'existe pas. Par exemple, je pose la
27 question à une femme : Peux-tu t'imaginer où tu seras dans cinq ans d'ici ?
28 Et elles me répondent généralement : Je ne sais pas. Elles n'ont pas de
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1 projets; elles n'osent pas forger des projets. Elles n'osent pas s'imaginer
2 leur vie dans cinq ans. Elles n'osent pas se dire : Voilà, dans cinq ans,
3 j'aurai peut-être terminé mes études. Non, pas du tout. De s'imaginer de
4 telles perspectives, c'est quelque chose qui leur est étranger.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Hasan, je suis désolé mais il
6 faut que je vous interrompe maintenant puisqu'on doit faire la première
7 pause plus tôt que d'habitude, puisque j'ai une chose urgente à régler dans
8 le cadre d'une autre Chambre.
9 Maintenant, nous allons faire la pause, et nous allons continuer nos débats
10 à 16 heures 05.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.
12 --- L'audience est reprise à 16 heures 07.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Hasan, vous avez la parole.
14 Mme HASAN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
15 questions pour ce témoin.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
17 Madame Ibrahimefendic, M. Tolimir commencera son contre-interrogatoire
18 maintenant.
19 Monsieur Tolimir, vous avez la parole.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Contre-interrogatoire par M. Tolimir :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Ibrahimefendic. Je vous souhaite bon
23 séjour parmi nous, et je souhaite que ce jour se finisse selon la volonté
24 de Dieu et non pas selon ma volonté.
25 J'ai quelques questions à vous poser. D'abord, je dois vous dire que j'ai
26 lu votre déclaration, la déclaration que vous avez faite le 20 juin 2000,
27 et dans cette déclaration il n'y a pas autant de détails que vous avez
28 présentés lors de votre témoignage aujourd'hui. Deuxièmement, j'aimerais
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1 savoir si le bureau du Procureur vous a jamais demandé d'écrire un rapport
2 d'expert, et est-ce que vous avez fait cela ? Puisque pour la Chambre et
3 pour moi-même, en tant qu'accusé, cela serait utile de savoir s'il y a de
4 telles informations d'expert.
5 R. Non, jamais on ne m'a demandé de faire cette expertise. Le Tribunal ne
6 m'a jamais demandé de faire cette expertise, ni à moi ni à l'organisation
7 dans laquelle je travaille.
8 Q. Merci. Maintenant, j'aborderais les sujets qui ont été abordés avec
9 vous lors de l'interrogatoire principal. A la page 7, ligne 24, vous avez
10 dit : Les enfants des Srebrenica, après avoir vu la séparation de leurs
11 pères, ont été traumatisés. Ils ont perdu le sens de leur identité, et
12 cetera.
13 Voilà ma question pour vous : est-ce que vous savez si à Potocari, les
14 enfants ont été séparés de leurs familles, ou bien c'était avant que leurs
15 parents se sont séparés d'eux lorsqu'il a été décidé que leurs familles
16 continuent pour Potocari et que les hommes continuent à emprunter le chemin
17 menant à Tuzla ?
18 R. La plupart des enfants, pour ce qui est de leurs parents ou de leurs
19 pères, ils se sont séparés de leurs pères chez eux ou pas du tout, puisque
20 les hommes étaient déjà partis avant. Un petit nombre d'enfants se sont
21 séparés de leurs pères à Potocari. Il y a eu plusieurs cas où la mère et le
22 père étaient arrivés à Potocari avec l'enfant et que c'est à Potocari que
23 le père et la mère ont été séparés de l'enfant.
24 Q. Merci. Puisque habituellement les jeunes enfants sont les enfants des
25 couples plus jeunes, de 20 à 30 ans, donc les combattants ne sont pas
26 partis à Potocari, ils ont décidé de ne pas partir à Potocari. J'aimerais
27 savoir si vous connaissez cette donnée, ce nombre d'enfants ?
28 R. Je ne le connais pas. Nous n'avons pas fait d'enquête là-dessus. A
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1 plusieurs occasions, certaines femmes m'ont dit que leur mari, qui était,
2 par exemple, professeur dans une école ou qui n'était pas en bonne santé,
3 qu'il pensait que s'il allait ensemble avec son épouse, que cela aurait été
4 une meilleure solution, mais nous ne connaissons pas le nombre exact de
5 tels cas.
6 Q. Madame Ibrahimefendic, à la page 10 du compte rendu de votre témoignage
7 aujourd'hui, à partir de la ligne 15, ensuite jusqu'à la ligne 21, et
8 jusqu'à la page 11, vous avez parlé de cela. Vous avez dit : Je travaille
9 avec les femmes qui ont été violées. Donc c'était à la ligne 21. Après,
10 vous avez dit : Je travaille pour ce qui est de la formation du personnel
11 qui s'occupe du recueil des déclarations des victimes.
12 Est-ce que vous avez parlé avec des femmes qui ont été violées à Srebrenica
13 ou est-ce que vous travaillez avec les femmes violées, indépendamment de la
14 période et d'événements de Srebrenica ?
15 R. J'ai cinq femmes de Srebrenica qui suivent la thérapie et qui ont été
16 violées. Pour ce qui est de leur viol, elles n'ont pas parlé de cela au
17 moment où elles sont arrivées pour suivre leur thérapie. Cela veut dire
18 jusqu'en 2000. Mais c'est il y a peu de temps que du département de la
19 psychiatrie, ces femmes sont renvoyées dans notre centre parce que ces
20 femmes ont des problèmes d'identité, de personnalité. Elles sont déjà des
21 malades psychiatriques, et ces femmes sont renvoyées dans notre centre pour
22 suivre une thérapie. C'est parce que notre centre est un centre de thérapie
23 et de réadaptation pour des personnes traumatisées, et dans notre ville,
24 c'est le seul endroit où peuvent venir les personnes qui ont eu de telles
25 expériences.
26 Mais nous savons beaucoup de choses pour ce qui est des traumatismes.
27 Notre personnel est engagé par les tribunaux, par exemple, pour former du
28 personnel, des professionnels, pour qu'ils aient plus de connaissances pour
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1 ce qui est des traumatismes et pour qu'ils puissent contribuer, quand il
2 s'agit du travail avec les victimes, à ce qu'ils établissent de meilleurs
3 rapports avec les victimes, rapports de confiance.
4 Par exemple, le 19 octobre l'année dernière, à Banja Luka j'ai eu 34
5 enquêteurs parmi lesquels se trouvaient de jeunes policiers qui ont suivi
6 la formation concernant les affaires par rapport aux crimes de guerre, mais
7 ils n'en savaient pas beaucoup pour ce qui est des traumatismes. Ils ne
8 savaient pas comment approcher les victimes de traumatismes, et eux-mêmes
9 ils ont exprimé le désir d'apprendre le plus possible pour ce qui est de la
10 préparation psychologique des personnes qui doivent témoigner, c'est-à-dire
11 comment approcher une femme ou quelqu'un qui était dans le camp, et cetera.
12 Q. Pour ce qui est de ces cinq cas de viol, pouvez-vous dire à la Chambre
13 si vous savez si ces femmes ont été violées à Srebrenica pendant la guerre,
14 et est-ce que vous savez quand ces viols ont été commis et dans quelles
15 circonstances ?
16 R. Ces cinq femmes ont dit qu'elles avaient été violées à Potocari.
17 Q. Merci. Pouvez-vous dire à la Chambre comment cela s'est passé et
18 comment elles ont été violées pendant qu'elles étaient dans la base de la
19 FORPRONU ? Sans mentionner de noms.
20 R. Elles nous ont dit que cela s'est passé lorsqu'elles partaient pour
21 aller chercher de l'eau, puisque les enfants avaient soif, et elles
22 partaient vers une petite rivière, vers un ruisseau, derrière les bâtiments
23 de la base de la FORPRONU. C'est là où elles ont été arrêtées et elles ont
24 été emmenées. Elles ont dit -- par exemple, deux femmes ont dit qu'il y
25 avait des tentes dans lesquelles elles ont été emmenées et violées. Elles
26 ont même mentionné des témoins.
27 Q. Est-ce que vous savez que les tentes de la FORPRONU ont été utilisées
28 pour de telles activités ?
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1 R. Je ne sais pas quel air avait la base pendant la guerre. Plus tard, je
2 me suis rendue à Potocari et j'ai vu ces bâtiments. Mais je ne sais pas
3 comment tout cela était organisé. Je ne sais pas s'il y avait des tentes,
4 et s'il y en avait, où ces tentes étaient. Je n'en sais rien.
5 Q. Pouvez-vous nous présenter des documents qui en parlent, pouvez-vous
6 les montrer à cette Chambre de première instance ? Merci.
7 R. Moi, non. Mais il y a une association qui s'appelle Femmes victimes de
8 la guerre, et cette organisation dispose d'une base de données pour ce qui
9 est de toutes les femmes qui ont été violées pendant la guerre, les femmes
10 qui se sont présentées à ce centre, qui ont fait les déclarations et parlé
11 en détail de ces viols en mentionnant les noms de témoins. Donc cette
12 organisation dispose de telles informations, mais l'organisation dans
13 laquelle je travaille, non. Moi non plus.
14 Q. Pouvez-vous nous citer un cas où une personne aurait témoigné après
15 avoir suivi une thérapie avec vous, puisque vous avez dit que vous avez
16 travaillé avec les professionnels pour les former pour qu'ils puissent
17 travailler avec les victimes ? Pouvez-vous citer un exemple, ou pouvez-vous
18 fournir le nombre de tels cas ?
19 R. Même les professionnels hésitent à venir devant les tribunaux pour
20 témoigner. Les victimes aussi. D'un côté, ils ont peur, puisque ces femmes
21 ne savent pas comment elles vont raconter leur expérience et comment venir
22 devant un tribunal pour témoigner. En fait, elles n'ont pas peur de menaces
23 éventuelles. C'est plutôt une peur profondément ancrée en elles, puisque
24 témoigner devant le tribunal, c'est quelque chose qui est stressant. Et
25 j'en sais quelque chose puisque la procédure qui est appliquée devant tout
26 tribunal doit être connue à la victime.
27 La victime doit être familière avec cette procédure et raconter leur
28 expérience devant le tribunal, dans une salle d'audience. Il faut arranger
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1 tout pour que cela soit avec moins de stress possible. Pour ce qui est de
2 la préparation des victimes, des témoins, cela ne consiste pas à préparer
3 le témoin ou la victime pour ce qui est de sa façon de parler.
4 Q. Merci.
5 R. Il faut que la victime se débarrasse de cette crainte, de cette peur,
6 pour qu'elle puisse venir témoigner au tribunal. Mais comment une victime
7 racontera ce qu'elle avait vécu, c'est quelque chose qu'il faut que le
8 Procureur s'occupe.
9 Q. Merci, Madame Ibrahimefendic. J'aimerais que vous répondiez à ma
10 question de façon concise, en quelques phrases.
11 Est-ce que le bureau du Procureur vous a demandé de parler avec un
12 témoin potentiel qui a refusé de venir pour témoigner parce qu'il avait
13 peur ?
14 R. Si vous pensez au bureau du Procureur du Tribunal, ma réponse est non.
15 A Tuzla, le parquet de Tuzla a eu des problèmes pour ce qui est des
16 témoins, parce qu'il y avait des témoins qui ont refusé de déposer. Et
17 pendant quelques séminaires de deux ou trois heures qui ont été organisés à
18 l'époque et où les victimes ont pu parler des problèmes liés à leurs
19 témoignages, ainsi que les Procureurs, et lors de ces séminaires, ils
20 pouvaient échanger leurs opinions par rapport à cela. Et à Tuzla, un témoin
21 a dit au Procureur la chose suivante : Vous avez parlé avec moi, et pendant
22 que vous parliez à moi, vous répondiez à des appels reçus sur votre
23 portable.
24 Q. Ce n'est pas quelque chose qui est lié à Srebrenica.
25 R. Non. Cela concernait la formation concernant les traumatismes.
26 Puisqu'en Bosnie, on est arrivés à des discussions dont l'objectif était
27 d'expliquer aux gens que l'on a toujours des séquelles liées à des
28 traumatismes et qu'il faut que les procédures devant les tribunaux doivent
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1 se terminer et que la vie sociale prenne une autre direction.
2 Q. Merci.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je voudrais
4 simplement vous venir en aide.
5 Vous expliquiez très bien au cours du contre-interrogatoire le fait
6 que -- Madame, lorsque M. Tolimir vous dit certaines choses ou vous pose
7 des questions, il n'est pas nécessaire de répéter votre travail et de nous
8 expliquer votre travail. Donc la question était réellement très claire.
9 Vous avez répondu par la négative, vous avez dit : Non, le bureau du
10 Procureur ne m'a pas posé la question. Mais ce n'est pas ce que M. Tolimir
11 voulait savoir. Donc veuillez, je vous prie, vous concentrer sur la
12 question très précise que vous pose M. Tolimir.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Madame Ibrahimefendic, dites-nous, s'il vous plaît, à la page 16 de
16 votre déposition d'aujourd'hui au compte rendu d'audience, vous avez
17 déclaré sur cette même page que les personnes ne font pas confiance en
18 d'autres personnes, qu'elles vivent ces syndromes de façon très difficile
19 et qu'elles ne peuvent plus ressentir ni le bonheur ni le malheur. Donc ce
20 qui m'intéresse, c'est de savoir si vous aviez parlé avec des personnes
21 ayant fondé un nouveau foyer à Srebrenica et si, dans le cadre de ce
22 nouveau foyer, dans cette nouvelle situation, ces personnes ne peuvent
23 toujours pas ressentir ni le bonheur ni le malheur ?
24 R. Il y a des cas comme ça, mais il s'agit toujours de relations
25 importantes. D'un côté, la personne, la femme, peut être joyeuse et
26 heureuse, mais d'autre part, elle se sent coupable parce qu'elle est encore
27 en vie, parce qu'elle peut partager un sourire avec quelqu'un d'autre. Donc
28 il y a toujours un sentiment de culpabilité dans le fin fond de son être.
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1 Q. Très bien. A la page 17, ligne 9, et ce, jusqu'à la ligne 21 du compte
2 rendu d'audience d'aujourd'hui, vous avez déclaré : Il y a trois jours, une
3 femme est venue avec sa fille de 16 ans, ainsi de suite, sa mère ne lui a
4 jamais parlé de son père, elle est donc allée toute seule à Srebrenica et
5 elle a vu une photo de son père. Vous souvenez-vous de ceci ?
6 R. Oui.
7 Q. Répondez à ma question alors, qui est la suivante : est-ce qu'un enfant
8 de six mois, si cet enfant avait six mois au moment des événements, lorsque
9 cette fille a perdu son père, comme vous nous l'avez dit, est-il possible
10 que cette personne peut sentir une perte intensément ? Peut-elle donc
11 sentir la perte de son père de façon intense, alors qu'à six mois, il est
12 impossible qu'elle se souvienne de son père ? Ou s'agit-il de personnes
13 exceptionnelles qui aient pu se souvenir de leurs pères, par exemple ?
14 R. Lorsqu'un enfant n'a pas de père, l'enfant crée son père dans son
15 esprit. La plupart des filles avec lesquelles elle allait à l'école avaient
16 des pères. Elle, elle n'en avait pas. Donc, si on peut nier et on ne lui
17 donne pas des informations concernant son père, si sa mère ne lui dit pas
18 que son père est porté disparu, si pendant cinq ans sa mère lui disait :
19 Ton père est en vie, ton père va venir, et le père ne venait jamais - parce
20 que j'ai oublié de vous dire ce petit détail - cette fille a perdu
21 confiance en sa propre mère et elle avait même cessé de lui parler. Donc
22 c'est la responsabilité de la mère. En fait, il s'agit d'un traitement
23 qu'il faut prodiguer à ces mères. Les mères ont l'obligation d'expliquer à
24 l'enfant ou aux enfants ce qui s'est passé, parce que les mères sont les
25 seuls parents qui restent à ce moment-là et qui doivent vraiment faire tout
26 ce qu'elles peuvent pour trouver une photo pour montrer à son enfant, vous
27 savez. Parce que ce n'est pas à l'enfant d'aller chercher ces informations.
28 Mais dans ce cas-ci, l'enfant, donc la fille en question, a dû aller
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1 chercher ces informations elle-même.
2 Q. Très bien. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, puisqu'ils
3 ne connaissent pas la situation en Bosnie, comment cela se fait-il que
4 cette fille ait pu aller à Srebrenica et trouver une photo de son père
5 alors qu'il ne restait plus rien à Srebrenica, et comment cela se fait-il
6 qu'il n'y avait plus de photos dans sa propre maison ?
7 R. Elle a appris que dans la communauté de Srebrenica, au registre de
8 l'état civil, il y avait une documentation d'avant la guerre. Elle a appris
9 également que son père avait une carte d'identité. Elle est donc allée au
10 bureau de l'état civil, elle a demandé à la dame en question de lui donner
11 une carte d'identité ou de lui montrer la carte d'identité, parce qu'elle a
12 dit : Voilà, pourriez-vous nous donner un exemplaire d'une carte
13 d'identité; mon père avait une carte d'identité auprès de cette
14 municipalité avant la guerre. Et cette femme a été très aimable avec elle,
15 elle lui a donné ce petit carton sur lequel il y avait une photo de son
16 père. Cette dame lui a donc remis ce carton, la jeune fille a photocopié le
17 carton et elle l'a remis à la dame au bureau de l'état civil.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Madame Hasan.
19 Mme HASAN : [interprétation] Petite correction. Page 17, ligne 13, le
20 témoin a dit que l'enfant avait dix mois à l'époque de la perte de son
21 père, et non pas six mois.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, la petite fille avait dix
23 mois.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
25 Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 M. TOLIMIR : [interprétation]
28 Q. Madame Ibrahimefendic, vous avez dit, si je ne m'abuse, à la ligne 23,
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1 qu'un très grand nombre de femmes souffrent d'un déni de la réalité, le
2 refoulent, en quelque sorte, parce qu'elles ne veulent plus penser aux
3 événements. Alors, s'il s'agit d'une méthode négative en psychologie
4 lorsqu'on dit que notre vie reflète nos pensées, est-ce que ceci veut dire
5 que c'est négatif ou positif ? Donc, qu'il ne faut pas penser aux choses
6 négatives pour pouvoir surmonter quelque chose ? C'est peut-être une raison
7 de faire face à la réalité ?
8 R. J'ai dit ceci dans un autre contexte, lié plutôt aux mécanismes
9 psychologiques de défense. Si nous estimons que quelque chose est très
10 difficile pour nous, nous n'arrivons pas à l'accepter, on le refoule dans
11 notre esprit. Alors, si on ne veut pas faire face à la réalité, il s'agit
12 d'un mécanisme de déni. C'est ce déni, justement, qui leur a permis de
13 survivre.
14 Parce que vous pouvez imaginer une situation dans laquelle ces femmes
15 se trouvaient à bord de moyens de transport en direction de Tuzla, et si
16 une femme pensait que son mari était mort, à ce moment-là, cette femme
17 refoulait, niait la réalité. Elle pensait à ce moment-là que son mari était
18 en vie. Donc c'est ce mécanisme de défense qui permet aux personnes de
19 survivre. Des fois, il nous arrive de ne pas pouvoir accepter la réalité
20 parce que la réalité nous fait mal, et donc on se comporte comme si les
21 choses ne se sont même pas passées telles qu'elles se sont passées.
22 Même aujourd'hui, vous avez un très grand nombre de personnes, même
23 des femmes un peu plus âgées, puisque maintenant elles sont plus âgées, qui
24 essaient d'ailleurs de reprendre leurs vies comme avant la guerre. Donc
25 elles pensent que la personne est en vie. Elles pensent à la personne qui
26 est disparue, elles parlent avec cette personne. Donc il y a double
27 psychologie. C'est une façon de nier la réalité. Alors qu'il y a d'autres
28 personnes qui leur disent : Non, ton mari est mort. Et la femme répond :
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1 Non, mon mari n'est pas mort. Et c'est dans ce sens-là que je veux dire que
2 ce n'est pas un mécanisme de défense qui n'est pas propice pour le
3 rétablissement. Cela n'aide pas.
4 Il n'est pas question de savoir pendant combien de temps elles vont
5 souffrir de ce refoulement, mais il est important de savoir quand est-ce
6 que ces femmes vont faire le deuil. Alors, moi, je dois les aider à trouver
7 une façon de faire face à cette perte et de faire un deuil.
8 Q. Très bien. Merci, Madame Ibrahimenfendic. J'aimerais vous demander la
9 chose suivante : vous avez beaucoup parlé de la situation sociale dans
10 laquelle les familles se sont trouvées après leur départ de Srebrenica, et
11 vous avez également parlé de la perte des personnes chères. Dites-nous,
12 s'il vous plaît, si ce problème social est quelque chose qui est vécu par
13 tous les réfugiés ayant fui la guerre en Bosnie, de partout en Bosnie, et
14 est-ce que c'est ainsi que ces personnes souffrent toujours de la perte,
15 même les personnes qui ont subi la perte d'êtres chers sur les lignes de
16 front à Tuzla, ainsi de suite ?
17 R. Cette douleur est universelle. Et toutes les personnes en Bosnie-
18 Herzégovine et dans d'autres parties du monde, quand on perd un être cher,
19 indépendamment des circonstances dans lesquelles ont perd l'être cher,
20 toute personne sent la douleur. Mais lorsqu'il est question de personnes
21 portées disparues, et il y en a énormément sur tout l'ensemble du
22 territoire de Bosnie-Herzégovine, une incertitude persiste. Parce que d'un
23 certain côté, il y a toujours une ambivalence. D'une part, ces femmes
24 espèrent que ces personnes vont pouvoir revenir, donc elles pensent que la
25 personne est vivante, mais elles n'ont pas de certificat de décès pour
26 attester de la mort d'une personne. Donc c'est une attente lorsqu'on n'a
27 pas de certificat de décès. Mais la douleur est universelle. Tout le monde
28 souffre de la même façon.
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1 Q. Bien. Merci, Madame. Dites-nous, s'il vous plaît, si ces questions
2 sociales se manifestent chez tous les réfugiés, chez tous les réfugiés
3 ayant subi des traumatismes particuliers, telle la perte des personnes et
4 des êtres chers, et qui sont partis vivre ailleurs. Est-ce que c'est
5 quelque chose qui est senti chez tous ou est-ce que c'est surtout chez les
6 personnes qui ont quitté des lieux ruraux et qui sont venues vivre dans des
7 villes ? Est-ce que le problème est plutôt là parce qu'il est une question
8 d'autorité qui est là maintenant ? Quelle est l'autorité qui dirige la
9 ville ? Ce n'est pas ça la question. Mais la question c'est que ce sont des
10 personnes qui ont quitté leur milieu rural pour aller en ville. Est-ce que
11 vous avez pensé à cette question-là ?
12 R. Lorsque je songe à ce problème, je l'aborde plus d'un point de vue
13 psychologique, à savoir que les choses n'allaient plus jamais se répéter
14 comme elles étaient avant. Les personnes se disent que la vie doit se
15 poursuivre comme elle était avant la guerre. Mais lorsque ces personnes
16 reviennent là où elles ont été chassées ou de l'endroit où elles sont
17 parties, elles se rendent compte que ce n'est plus la même chose. Et dans
18 un très grand nombre d'endroits, par exemple dans des villes, vous pouvez
19 voir que les personnes ont déjà recommencé une autre vie. Les enfants sont
20 déjà plus vieux. Et il y a des fois les problèmes qui sont nés à
21 l'intérieur d'une famille. Certaines personnes veulent revenir de l'endroit
22 où ils sont, d'autres personnes non.
23 Certaines personnes souhaitent retourner, d'autres personnes non.
24 Donc, même à l'intérieur d'une même famille, on peut voir des conflits liés
25 au retour de l'endroit d'origine. Tout ceci, bien sûr, est exacerbé par la
26 situation économique. Le chômage est très important; soit parce que dans la
27 ville où ils sont, il y a beaucoup de chômage, ou parce que de l'endroit où
28 ils sont chassés, d'où ils sont partis, il n'y a plus de possibilité de
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1 vivre. Le chômage est très important, ainsi de suite. Mais les problèmes
2 sociaux sont vraiment très similaires pour ce qui est de l'ensemble de
3 Bosnie-Herzégovine, surtout lorsque vous parlez du retour de l'endroit
4 d'origine.
5 Q. Oui, je sais. Mais je vous ai posé des questions puisque vous êtes
6 psychothérapeute, et j'aimerais savoir si ces problèmes sont plus
7 complexes, se compliquent parce que, justement, la situation maintenant est
8 une nouvelle situation ? Est-ce que ces problèmes s'avèrent plus --
9 maintenant qu'à l'époque des conflits ?
10 R. Eh bien, il est certain que cette dimension sociale du traumatisme, il
11 ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas la mettre de côté, bien sûr. On ne
12 peut pas l'ignorer. Outre les problèmes psychologiques que j'ai mentionnés
13 tout à l'heure, et puisque les choses ne peuvent plus jamais revenir comme
14 elles étaient, tout ceci est exacerbé, bien sûr, par des problèmes
15 économiques, des problèmes politiques, des problèmes juridiques également,
16 des problèmes psychologiques ou des problèmes de foi. Donc ce sont des
17 choses qui compliquent les choses encore plus, puisque la société est
18 démantelée, elle n'existe plus. Il y a un très grand nombre de mécanismes
19 qui gardaient le tout ensemble et qui formaient un cadre pour que l'on
20 puisse continuer pour fonctionner.
21 Q. Merci bien, Madame.
22 Dans votre déclaration, vous avez déclaré que de 1995 à l'an 2000,
23 vous aviez prodigué des soins à environ 60 femmes. J'aimerais savoir si
24 vous avez des registres ou des documents qui existent qui permettraient aux
25 Juges de la Chambre de voir qui sont ces personnes à qui vous avez prodigué
26 des soins ?
27 R. Il n'y a absolument pas de problème pour que les Juges de ce Tribunal
28 examinent nos bases de données. Nous avons des bases de données très
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1 élaborées. Nous parlons du protocole, nous parlons des raisons pour
2 lesquelles ces personnes sont venues nous voir, à combien de reprises ces
3 personnes sont-elles venues séjourner dans notre centre, combien de fois
4 ces personnes sont venues suivre des thérapies. Donc tout ceci existe et
5 tout ceci peut être consulté, si le besoin est.
6 Q. Merci bien, Madame Ibrahimefendic. Je n'ai plus de temps pour vous
7 poser des questions. Nous avons été particulièrement heureux de nous
8 entretenir avec vous et d'apprendre certaines choses. En tant que témoin
9 expert, nous aurions également préféré, en plus de cela, avoir un rapport
10 d'expert, mais ceci est notre problème, et non pas le vôtre, bien sûr. Donc
11 nous vous remercions d'être venue déposer, et nous vous souhaitons un bon
12 retour à la maison.
13 R. Merci.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
15 Mais vous avez encore du temps, si vous le souhaitez. Vous avez demandé une
16 heure 30 pour le contre-interrogatoire de ce témoin et vous avez employé un
17 peu moins d'une heure. Je voulais simplement m'assurer que vous ayez bien
18 compris : vous avez encore du temps pour ce témoin, si vous le souhaitez.
19 Mais bien sûr, c'est à vous de choisir.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président. Je me
21 comporte ainsi à cause du témoin suivant, puisque nous avons dit que le
22 témoin suivant doit absolument rentrer chez lui ce soir, et nous avons
23 perdu beaucoup de temps sur le témoin précédent. Donc je n'ai plus de
24 questions.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
26 Madame Hasan, est-ce que vous avez des questions en guise de questions
27 supplémentaires ?
28 Mme HASAN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je n'ai pas de
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1 questions supplémentaires.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. le Juge Mindua a une question.
4 Questions de la Cour :
5 M. LE JUGE MINDUA : Oui, bonjour, Madame le Témoin. J'ai une question pour
6 vous. Au transcript d'aujourd'hui, à la page 23, lignes 19 à 25, vous avez
7 bien expliqué que c'est très compliqué et très difficile d'évaluer l'impact
8 de la guerre sur les femmes et les enfants et de savoir si le mal a pu
9 s'atténuer. Et plus loin, à la page 24, lignes 17 à 18, vous dites que le
10 processus du traumatisme continue, mais un peu différemment. Je suis en
11 train de lire en anglais et je traduis en français, c'est pour cela que ça
12 prend un peu de temps. Donc le processus du traumatisme continue, mais
13 change de forme. La question que je voudrais vous poser, Madame le Témoin,
14 c'est de savoir : dans ces conditions, le mal, la souffrance et le
15 traumatisme que tout cela entraîne, cela est-il inguérissable ? Vos
16 patients, ou les personnes traumatisées, en d'autres termes, doivent-elles
17 être suivies et soignées toute leur vie ? En un mot, le traitement est-il
18 limité dans le temps ou pas ?
19 R. Lorsque j'ai mentionné le processus est que le traumatisme dure encore
20 mais que les symptômes se manifestent de façon différente. Je vais
21 simplement vous dire -- je vais essayer de simplifier, en fait. Il y a une
22 théorie qui nous permet d'aider nos patientes dans le processus de
23 rétablissement. D'abord, nous abordons avec elle le début de leur
24 traumatisme. Le traumatisme passe par plusieurs séquences. Alors, d'abord,
25 c'est l'expulsion de la demeure, l'arrivée à destination au centre de
26 réfugiés. Alors, de nouveau, c'est un choc. Même si ces personnes pensaient
27 qu'une fois au centre de réfugiés elles seraient en sécurité, eh bien, de
28 nouveau, elles sont encore préoccupées avec des questions de survie, de
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1 quelle façon se nourrir et ainsi de suite. Ensuite, elles s'adaptent, elles
2 essaient de s'adapter, mais elles ne sont pas encore tout à fait
3 conscientes des blessures psychologiques. Mais la situation devient
4 chronique, puisque la guerre a duré assez longtemps en Bosnie-Herzégovine.
5 Donc certaines personnes sont parties dans d'autres pays et, de nouveau,
6 elles se retrouvent sur un territoire complètement nouveau où on parle une
7 autre langue. Elles doivent s'adapter. Elles ont d'autres symptômes,
8 puisqu'elles souffrent de la demeure qu'elles ont quittée, de leur foyer,
9 mais la vie continue, les enfants grandissent. Ces personnes ont de
10 nouvelles obligations et elles deviennent soit épuisées, ou bien il arrive
11 également que les personnes reviennent, ou d'autres traumatismes
12 surviennent. Par exemple, Srebrenica en 1995, il arrivait à ces femmes de
13 retourner à la maison, de retourner chez elles, mais de trouver également
14 des morts.
15 Donc, ceci veut dire que chacune de ces séquences comporte en elle
16 ses symptômes propres et ses éléments déclencheurs traumatiques qui sont
17 très réels pour ces personnes. Et donc, en passant par ce processus de
18 traumatisme, la personne gère tout ceci en développant certaines façons de
19 faire face à tout ceci, mais il y a également un affaiblissement de la
20 santé physique et également un affaiblissement de la santé psychologique.
21 Certaines personnes réussissent à passer à travers toutes ces séquences
22 mais elles restent tristes. Il y a une tristesse qui reste en elles,
23 puisque le traumatisme ne fait plus partie de l'histoire de leur vie. C'est
24 le traumatisme qui les mène, qui les guide et qui détermine leur vie.
25 C'est l'élément traumatique qui change leur vie. Au lieu d'avoir une
26 vision en soi et de pouvoir gérer sa propre vie et d'avoir ses propres
27 plans et de dire de quelle façon ces personnes -- de se dire : je vais me
28 développer de cette façon-ci ou non, eh bien, il arrive quelque chose, et
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1 donc tout est changé tout d'un coup. Donc, il faut laisser la vie passer
2 derrière mais il est impossible de l'oublier, et il faut gérer avec ce
3 qu'on a. Et je leur dis toujours : Il faut que tu prennes ce qui a été bon
4 dans ta vie passée et il faut que tu passes dans la nouvelle vie, il faut
5 que tu entames une nouvelle vie.
6 Donc, il est vrai que certaines personnes vont pouvoir fonctionner de
7 façon normale, mais il y aura toujours quelque chose qu'elles regretteront,
8 il y aura toujours quelque chose qui les fera souffrir.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, je vois que vous
10 êtes debout. Est-ce que nous pouvons laisser partir le témoin ?
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Justement, Monsieur le Président, je
12 voulais aborder cette question. La raison pour laquelle je me suis levé,
13 c'est parce que concernant votre question à savoir si le général Tolimir a
14 d'autres questions, je voulais simplement être tout à fait clair. Je veux
15 que le compte rendu d'audience soit tout à fait clair, puisqu'il a dit
16 qu'il terminait son contre-interrogatoire eu égard au témoin qui suivra. Je
17 ne sais pas ce qu'il voulait dire concernant le prochain témoin, plus
18 particulièrement eu égard ou à la lumière des événements qui se sont
19 déroulés hier. Je veux m'assurer que le général Tolimir ait bel et bien
20 terminé son contre-interrogatoire de façon appropriée, donc qu'il n'a pas
21 terminé son contre-interrogatoire sur la base d'une compréhension des
22 choses et sur la base du fait qu'il pensait que le témoin prochain devait
23 absolument commencer très rapidement. Ce n'est absolument pas ça le
24 problème. Je voulais absolument m'assurer de tout ceci avant que l'on ne
25 laisse partir ce témoin.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Vanderpuye.
27 Vous avez entendu les arguments du Procureur. Qu'est-ce que vous avez
28 à dire là-dessus ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je remercie Mme
2 Ibrahimefendic. Je l'ai déjà remerciée et je lui ai même dit que je
3 souhaitais que Dieu l'aide, et lorsqu'on dit ceci, on ne peut plus revenir
4 en arrière. Moi, je peux simplement lui souhaiter un bon voyage et
5 souhaiter que Dieu soit avec elle, mais je ne peux plus faire autre chose.
6 Ce n'est que Dieu qui puisse l'accompagner. Alors, j'ai terminé, Monsieur
7 le Président, et j'ai terminé mon contre-interrogatoire. Merci.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie de cette
9 compréhension commune qui est la vôtre.
10 Madame Ibrahimefendic, je vous remercie d'être venue à La Haye, et ce, bien
11 sûr, 11 ans plus tard, d'être venue donc de nouveau parmi nous. Je vous
12 remercie des informations que vous nous avez données et je vous souhaite
13 bon voyage, bon retour, et vous pouvez maintenant reprendre vos activités
14 régulières. M. l'Huissier vous viendra en aide pour vous escorter à
15 l'extérieur du prétoire.
16 [Le témoin se retire]
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il faudrait faire rentrer le témoin
18 suivant dans la salle d'audience. C'est M. Tolimir qui va reprendre le
19 contre-interrogatoire du Dr Brunborg.
20 [Le témoin vient à la barre]
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez vous
22 asseoir. Bienvenue de nouveau au Tribunal, Docteur Brunborg.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous sommes contents que vous ayez
25 été en mesure de revenir. Je vous rappelle que la déclaration solennelle
26 que vous avez faite au début de votre déposition est toujours en vigueur.
27 M. Tolimir souhaite vous poser quelques autres questions.
28 Monsieur Tolimir, à vous.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
2 LE TÉMOIN : HELGE BRUNBORG [Reprise]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 Contre-interrogatoire par M. Tolimir : [Suite]
5 Q. [interprétation] Monsieur Brunborg, je vous salue. Je vous souhaite de
6 vous sentir à l'aide parmi nous. Merci d'être revenu au Tribunal. Je vous
7 présente mes excuses si vous avez été obligé de refaire votre chemin à
8 cause de nous. Je suis désolé si je vous ai forcé de vous séparer
9 provisoirement de vos activités quotidiennes et de votre travail, et
10 j'espère que l'audience d'aujourd'hui se terminera en fonction de la
11 volonté de Dieu et non pas selon mes propres désirs.
12 Alors, je souhaite vous rappeler des sujets que nous avons discutés la
13 dernière fois que vous avez déposé ici, le 10 février dernier, nous avons
14 parlé des divergences qui existaient entre les données fournies par l'armée
15 de la BiH et les données fournies par la Commission internationale pour les
16 personnes portées disparues dont vous vous êtes servi pour élaborer votre
17 analyse. La commission nationale ou le comité international avait sa propre
18 base de données qui a été mise en doute par l'armée de la BiH. Ceci est
19 quelque chose que nous avons pu déduire de toute la documentation qui nous
20 a été présentée au cours de votre déposition.
21 Alors, j'aimerais savoir comment se fait-il que toutes les personnes
22 tuées au cours des années 1992, 1993 ou 1994 ont pu être trouvées dans des
23 fosses communes ?
24 R. Les éléments d'information dont je me suis servi proviennent des
25 exhumations et des enquêtes faites par le TPIY et le bureau du Procureur,
26 en partie, et en partie les données sont basées sur les exhumations
27 effectuées par le Comité international pour les personnes portées
28 disparues, l'ICMP. Comme je l'ai dit la semaine dernière, je ne suis pas un
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1 expert en matière d'exhumations, mais je pense qu'un certain nombre de
2 fosses communes qu'on trouvait, par exemple, à Srebrenica étaient
3 considérés comme étant reliées de façon générale à un événement, donc que
4 toutes ces personnes auraient trouvé la mort lors de la chute de
5 Srebrenica.
6 Il existe quelques cas de figure où plusieurs personnes décédées en
7 plusieurs années différentes, en 1992 et 1995, par exemple, ont été
8 retrouvées. Mais de tels cas de figure sont très peu nombreux. Je pense par
9 ailleurs qu'il en existe une seule. Je n'ai entendu parler que de Bratunac
10 dans ce contexte.
11 Q. Merci. Mais à examiner votre analyse, et par ailleurs à étudier la
12 réponse que vous venez de fournir, il est clair que vous vous êtes appuyé
13 sur les données fournies par l'CICR, malgré le fait que, par exemple, une
14 personne portée disparue pouvait toucher de l'aide humanitaire pendant de
15 longues années. Et pourtant, nous avons pu constater que l'armée de la BiH
16 n'a pas toujours été d'accord --
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, les interprètes
18 n'ont pas saisi le sens de votre question. Alors, veuillez reprendre votre
19 question, s'il vous plaît. Donc, j'ai interrompu l'accusé pour l'avertir de
20 ce qu'il est en train de faire.
21 Veuillez reprendre votre question.
22 M. TOLIMIR : [interprétation]
23 Q. Nous avons déjà vu, d'après une liste qui a été affichée, que l'armée
24 de la BiH n'a pas accepté l'existence de plusieurs cadavres qui, allègue-t-
25 on, ont été retrouvés dans des fosses communes, malgré le fait que la
26 Croix-Rouge disait le contraire.
27 Ma question serait la suivante : pourquoi une enquête particulière
28 n'a pas été déclenchée pour établir de quoi il s'agit dans ces cas de
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1 figure qui sont au nombre de 10, voire davantage. Pourquoi n'a-t-on pas
2 diligenté une enquête pour établir la cause de ces divergences entre les
3 différentes données enregistrées ?
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, à vous.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il peut
6 s'agir ici d'une question d'interprétation ou d'un problème de traduction,
7 mais il serait utile que l'accusé présente les documents auxquels il se
8 réfère au témoin. Et je le dis parce que le témoin vient d'affirmer ou
9 vient de se référer aux allégations avancées par la Croix-Rouge quant à
10 l'ADN des corps retrouvés dans les fosses communes. Alors, je pense qu'il
11 est tout à fait clair, d'après le compte rendu d'audience, que la Croix-
12 Rouge n'a jamais avancé de telles allégations. C'est généralement l'ICMP
13 qui s'occupait de ce type de questions, c'est-à-dire des personnes portées
14 disparues. Donc, si M. Tolimir pense à un document particulier, il serait
15 bon qu'il le présente à l'écran.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
17 Monsieur Tolimir, veuillez aider le témoin à répondre à vos questions.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pensais, en
19 fait, au Comité chargé des personnes portées disparues qui s'occupaient des
20 analyses ADN, je ne pensais pas, en fait, à la Croix-Rouge internationale.
21 M. TOLIMIR : [interprétation]
22 Q. Donc, ce qui m'intéresse est de savoir pourquoi il existe de telles
23 divergences entre les différentes sources de données, et pourquoi l'armée
24 de la BiH ne reconnaît toujours pas les données de l'ICMP, malgré toutes
25 les pressions qui sont exercées sur cette armée pour accepter les données ?
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous référez-vous à
27 un quelque document concret pour formuler cette question ?
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, j'ai à
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1 l'esprit un document particulier qui porte la cote 1776. J'aimerais qu'il
2 soit affiché dans le système du prétoire électronique. Mais j'avais cru
3 qu'il était superflu de représenter le même document à l'écran, puisque
4 nous l'avons déjà vu la dernière fois. Donc, ce qu'il nous faut, c'est la
5 pièce P1776, à savoir le rapport du présent expert.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et il sera peut-être utile au témoin
7 que vous citiez une page en particulier de ce rapport.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que l'accusé se réfère à la page 95
9 de notre rapport du mois d'avril 2009; ai-je raison de l'affirmer ? Je
10 parle de la version anglaise.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, c'est bien de ce rapport-là
12 qu'il s'agit. C'est votre rapport le plus volumineux.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, moi j'avais à l'esprit la page 220.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agit-il de la page 220 du compte rendu
15 d'audience ?
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, de votre rapport.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais mon rapport ne compte que 105 pages.
18 M. TOLIMIR : [interprétation]
19 Q. Oui, merci, mais je n'avais pas terminé ma phrase. Je voulais parler de
20 220 personnes qui font objet de différentes évaluations, avancées d'une
21 part par l'armée de la BiH, et d'autre part par l'ICMP. Merci.
22 R. Merci. Je pense qu'il serait bon que je vous présente un résumé. Plus
23 de 5 000 cadavres ont été exhumés, plus de 5 000 personnes ont été
24 retrouvées mortes par l'ICMP, et quelques autres cadavres ont été retrouvés
25 par des méthodes différentes. Le couplage avec les listes élaborées par
26 l'armée de la BiH a montré que 70 % des personnes identifiées comme mortes
27 figuraient également sur la liste dressée par l'armée de la BiH. Lorsque
28 nous avons vérifié les dates et les lieux où ces personnes avaient disparu,
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1 nous avons constaté que sur 3 ou 4 000 de cadavres exhumés, 220 avaient été
2 portés disparus avant -- enfin, non, je vous demande pardon, avaient été
3 enregistrés sur les listes de l'armée comme ayant trouvé la mort avant
4 l'année 1995, à savoir en 1992 et en d'autres années, et ceci malgré le
5 fait que leurs familles les avaient portés déclarés au moment où la chute
6 de Srebrenica a eu lieu.
7 Donc, pour commencer, ce qui pose question ici est moins de 5 % de
8 cadavres au total. Donc, il s'agit de 220 personnes sur 5 371 personnes
9 exhumées. Donc, le pourcentage est très bas, 3 à 4 %. Deuxièmement,
10 lorsqu'on examine ces 220 dossiers de près, on constate que toutes les
11 confirmations et toutes les identifications ont été faites par l'ICMP pour
12 140 personnes retrouvées bien à Srebrenica. Alors, si vous souhaitez savoir
13 quelles méthodes ont été utilisées pour ce faire, je pense qu'il serait
14 meilleur de poser la question au personnel de l'ICMP ou à ma collègue, Mme
15 Ewa Tabeau, qui a coopéré étroitement avec cette organisation.
16 Par ailleurs, il est indiqué ici qu'une fois ces 220 dossiers envoyés
17 au ministère de la Défense de Bosnie pour préciser le point, le ministère a
18 apporté des corrections à 127 dossiers en réponse à la requête envoyée par
19 le bureau du Procureur. Donc je ne sais pas les raisons pour lesquelles ces
20 modifications ont été apportées, mais il arrive aussi que le ministère se
21 trompe au niveau des dates, qu'il s'agisse de la date du décès ou de la
22 date où une personne a été portée disparue. Il se peut qu'il s'agisse tout
23 simplement de coquilles qui ont été corrigées par le ministère. Mais
24 toujours est-il que seulement 127 dossiers ont été corrigés par le
25 ministère, alors que 38 dossiers sur 220 n'ont pas été modifiés, n'ont donc
26 pas été corrigés. Il est difficile de dire que le ministère a corrigé de
27 façon systématique toutes les données relatives à Srebrenica.
28 Je ne sais pas pour quelles raisons ils ont apporté un certain nombre
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1 de corrections dans les dossiers qu'ils ont corrigés, mais je pense qu'ils
2 ont eu des bonnes raisons pour le faire. Donc tout ceci nous laisse
3 seulement 38 cas de figure - 38 dossiers sur 220 - au sujet desquels la
4 situation n'est pas encore claire. Alors, c'est ma collègue, Ewa Tabeau,
5 qui peut éventuellement répondre aux autres questions que vous pouvez
6 souhaiter poser à cet égard. Merci. Et je suis désolée d'avoir fourni cette
7 réponse assez longue. Parce que je me rappelle que ce rapport a été rédigé
8 en avril 2009, donc il y a presque deux ans.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous demander précision, s'il
10 vous plaît. A la page 47 du compte rendu d'audience, ligne 9, il est
11 enregistré dans le compte rendu d'audience que vous auriez dit que :
12 "Moins de 5 % des dossiers présentent l'approche qui concorde avec le
13 jour de la mort. Donc 220 sur 5 371."
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vouliez-vous vraiment dire que
16 c'était "cohérent" ? Ou plutôt que c'était "divergent" ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je voulais dire qu'il y avait une
18 "divergence". Voilà, ça figure à la page 95 du rapport.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. C'est ce que j'avais cru.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic, à vous.
22 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il nous
23 serait utile de montrer la page 97 dans le système du prétoire électronique
24 en version anglaise, et je pense que présenter cette page suffira amplement
25 pour faire disparaître des doutes éventuels.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. Merci.
27 M. GAJIC : [interprétation] Et je signale aux fins du compte rendu
28 d'audience que ceci correspond à la page 104 dans la version serbe.
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1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous pouvez
2 poursuivre.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 M. TOLIMIR : [interprétation]
5 Q. Alors, je vais me pencher immédiatement sur la troisième personne qui
6 figure dans cette liste. Je ne vais pas lire à haute voix son nom et son
7 prénom, mais en tout cas, il s'agit donc de la troisième personne sur cette
8 liste, disparue en 1994, bien qu'il soit indiqué ici qu'il a été retrouvé
9 plus tard. Ou alors examinons la personne précédente, portée disparue en
10 1992. Or, l'ICMP fait figurer les deux hommes sur les listes de personnes
11 retrouvées dans les fosses communes de Srebrenica.
12 Alors, M. Brunborg a déclaré que nous avions à peu près cinq cas de
13 figures de ce type par rapport au nombre total d'environ 5 000 exhumations,
14 et moi, j'aimerais savoir si ce pourcentage de 5 % n'atteint pas le seuil
15 d'une erreur statistique, parce que sinon, les données qui figurent ici ne
16 seraient pas valides ? En fait, je présente mes excuses, j'ai fait un
17 lapsus tout à l'heure, je voulais parler de l'ICMP et j'ai parlé plutôt de
18 la Croix-Rouge internationale. Par ailleurs, ce qui m'intéresse est de
19 savoir si d'abord il existe une marge statistique de 5 % et si cette marge
20 statistique est suffisante pour faire diligenter une enquête, pour élucider
21 la question ? Et par ailleurs, je me demande si un ministère peut tout
22 simplement décider du destin de 128 dossiers différents ? Comment a-t-on
23 décidé que les données qui concernaient ces 127 personnes concordaient dans
24 toutes les bases de données, celles de l'ICMP aussi bien que celles de
25 l'armée de la BiH ?
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, veuillez vous
27 pencher sur le compte rendu d'audience à la page 49, lignes 5 à 20, votre
28 question compte 15 lignes. En fait, vous posez toute une série de questions
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1 au lieu d'une seule. Il est très difficile pour le témoin de fournir la
2 réponse à des questions aussi complexes.
3 Docteur Brunborg, voulez-vous essayer de fournir une réponse à cette
4 question ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour commencer,
6 le général Tolimir a entamé sa question par une déclaration erronée. Il a
7 dit que la deuxième et la troisième personnes avaient été portées disparues
8 en 1995. Or, tel n'est pas le cas. Ces personnes avaient été portées
9 disparues par les membres de leurs familles auprès de la Croix-Rouge
10 internationale à peu près au moment où il y a eu la chute de l'enclave de
11 Srebrenica. Sinon, ces personnes n'auraient pas figuré dans nos listes de
12 personnes portées disparues.
13 Pour ce qui est des dates, le ministère de la Défense indique les dates où
14 ces personnes ont été considérées comme ayant trouvé la mort par les
15 représentants de l'armée de la BiH. Alors, je ne sais pas en fonction de
16 quels critères ces dates de mort ont été établies, peut-être en fonction de
17 leur âge. Mais en tout cas, lorsque nous avons demandé que toutes ces dates
18 soient vérifiées parce qu'elles ne concordaient pas avec les dates données
19 par les familles, nous avons compris qu'il y avait des divergences entre
20 les dates données par les familles et les dates signalées dans les
21 registres de l'armée.
22 Par ailleurs, pour ce qui est des personnes retrouvées dans des fosses
23 communes de Srebrenica, toutes les victimes sont mortes au moment de la
24 chute de Srebrenica. Je pense que j'ai répondu à toutes les questions qui
25 m'ont été posées désormais.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Brunborg, vous avez dit que
27 vous aviez demandé que toutes les dates soient vérifiées par le ministère
28 parce que vous aviez relevé des divergences. Alors, de quelle façon l'armée
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1 de la BiH a-t-elle réagi ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, la réponse figure à la page 95 de mon
3 rapport. Sur 220 dossiers, 127, à savoir plus que la moitié, ont été
4 corrigés par le ministère en 2003. Ces corrections ont été apportées une
5 fois déposée la requête du bureau du Procureur où l'on demandait que toutes
6 les divergences par rapport aux registres de l'armée de la BiH soient
7 précisées et tirées au clair.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mme Nyambe souhaite vous poser une
9 autre question.
10 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je souhaite juste préciser un point.
11 De quelle armée est-il question là ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons de l'armée de la Fédération de
13 Bosnie.
14 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, à vous.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que nous nous
17 penchions sur les entrées qui concernent les dates où les personnes numéros
18 1 et 2 ont été portées disparues. Ces personnes figurent-elles dans les
19 registres de l'armée au cours de l'année 1992 ? Merci.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais le témoin vient d'expliquer que
21 ce figure ici n'est pas la date où ces personnes ont été portées disparues,
22 mais plutôt la date où l'armée de la BiH les a fait figurer sur sa liste
23 comme ayant trouvé la mort. Le témoin vient justement de l'expliquer.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demande pardon, Monsieur le Président,
25 Messieurs les Juges, mais dans l'intitulé du tableau, nous lisons les 22
26 dossiers où "la date du décès ou la date où les personnes ont été portées
27 disparues présente des divergences." Parfois il peut s'agir de personnes
28 portées disparues, et parfois de personnes qui ont trouvé la mort. Alors,
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1 je ne sais pas quels étaient exactement les critères utilisés par l'armée,
2 mais si j'ai bien compris, il s'agit peut-être uniquement ici des dates de
3 décès enregistrées dans les archives de l'armée.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci de cette précision.
5 Monsieur Tolimir, à vous.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
7 M. TOLIMIR : [interprétation]
8 Q. [aucune interprétation]
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande pardon.
10 M. TOLIMIR : [interprétation]
11 Q. Mais les statistiques, on peut tout se permettre dans ce domaine. Le
12 papier s'offre à tout. Mais Srebrenica c'est un petit village. Il était
13 impossible d'en sortir au cours de la guerre; le saviez-vous ? Croyez-vous
14 qu'il soit possible que quelqu'un ait pu dissimuler sa présence à l'armée
15 pendant toute la durée de la guerre ? Merci.
16 R. Merci à vous. Je ne comprends pas le sens de votre question. Qu'est-ce
17 que vous voulez dire lorsque vous parlez de personnes qui "se dissimulaient
18 aux yeux de l'armée" ? Nous savons que 70 % des personnes portées disparues
19 étaient des membres de l'armée, donc pourquoi essaieraient-ils de fuir
20 l'armée ou de se soustraire à ses yeux ?
21 Evidemment, peut-être que vous voulez dire que ces personnes
22 portaient des vêtements civils, qu'elles soient armées ou non, mais sur ce
23 point, je ne saurais me prononcer. Je ne suis pas au courant de ces faits.
24 Q. Merci. Croyez-vous que les conclusions tirées par moi-même et par les
25 Juges de la Chambre seront fiables si nous les appuyons sur ce type de
26 données ? Ne serait-il pas nécessaire de disposer des documents qui
27 seraient à la base de tous les chiffres cités pour pouvoir procéder à des
28 comparaisons ?
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1 R. Merci. Mais quelle est votre question au juste ? Et merci de me
2 présenter vos questions une par une, étape par étape.
3 Q. Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Aleksandar, soit gentil, lis-moi à haute voix
5 ce que je viens de dire.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] En fait, c'est à moi que revient
7 cette tâche. Monsieur Tolimir, cette question me pose problème. Vous dites
8 :
9 "Nous-mêmes et les Juges de la Chambre peuvent-ils tirer des
10 conclusions fiables sur la base de ces données", et cetera.
11 Mais c'est aux Juges de la Chambre de voir ce qu'ils souhaitent faire
12 et la manière en fonction de laquelle ils souhaitent interpréter les
13 chiffres. Vous pouvez peut-être demander : est-ce que les Juges de la
14 Chambre sont en position de tirer des conclusions dans de telles
15 circonstances ? Cela aurait été une question tout autre. Et alors, il
16 faudrait la formuler ainsi :
17 Est-ce que vous, Monsieur Tolimir, vous êtes en position de tirer des
18 conclusions fiables sur la base de ces chiffres ? Ou ne serait-il pas
19 préférable de s'appuyer également sur d'autres éléments, des données et sur
20 d'autres documents ?
21 Comprenez-vous la question, Monsieur Brunborg ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs les
23 Juges. Moi et mes collègues, nous nous sommes vus confier la tâche de
24 fournir une liste de personnes portées disparues ou décédées en relation
25 avec la chute de Srebrenica. Donc nous avons fourni les noms de ces
26 personnes et leur nombre total. Je signale en passant que ce nombre est
27 constamment en hausse. Mais cela ne veut pas dire que je prétends
28 comprendre tout ce qui s'est passé à Srebrenica ou d'en savoir tout avec
Page 10119
1 exactitude. C'est justement la raison pour laquelle il y a un tribunal qui
2 travaille, qui étudie toute une série de rapports d'experts qui sont
3 présentés et écoute toute une série de dépositions faites par les témoins
4 au sujet des événements qui se sont produits à Srebrenica.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
6 Monsieur Tolimir, vous pouvez poursuivre.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne souhaite
8 plus perdre de temps. Donc j'ai tout simplement demandé au témoin si les
9 Juges de la Chambre peuvent tirer des conclusions sur la base des
10 déclarations du type les choses étaient peut-être ainsi ou alors elles se
11 sont déroulées comme ça. Mais revenons maintenant au rapport, puisque je ne
12 souhaite pas m'appesantir sur ce point.
13 Donc il nous faut la page 2 du rapport. Page 46 en version serbe, qui
14 correspond à la page 42 en version anglaise. Pièce P1776. Merci. Voilà,
15 nous avons le rapport sous les yeux.
16 M. TOLIMIR : [interprétation]
17 Q. Et au deuxième paragraphe, vous dites :
18 "Il n'existe pas d'aperçu concis et précis en matière d'exhumations et
19 d'identifications effectuées sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et plus
20 particulièrement, de tels aperçus n'existent pas pour les exhumations et
21 identifications faites à Srebrenica. Une seule organisation est à même de
22 les fournir."
23 Puis, à la fin du paragraphe, vous ajoutez :
24 "L'Institut chargé des personnes disparues ainsi que l'institut bosniaque
25 qui s'occupe de la même question sont en train d'élaborer une base de
26 données centralisée qui concernerait des exhumations et des
27 identifications. Malheureusement, une telle base de données n'existe
28 toujours pas dans une forme électronique utilisable."
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1 Donc vous dites qu'aucune base de données n'existe soit au sein de
2 l'Institut ou du Comité gouvernemental chargé des personnes disparues. Vous
3 dites qu'il n'y a pas de base de données utilisable.
4 Alors, qu'est-ce que vous entendez par là ? Est-ce que vous êtes en
5 train de nous dire qu'une telle base de données devrait être mise sur pied
6 ? Et, à votre avis, à quel moment ce sera chose faite ? Avant ou après la
7 fin du présent procès ?
8 R. Au moment où ce rapport a été rédigé au mois d'avril 2009, d'après mes
9 connaissances, il n'y avait pas de base de données centralisée qui
10 concernerait les exhumations et les identifications effectuées. Le projet
11 était toujours en voie de développement. Mais d'après ce que j'en sais,
12 aucune base de données centralisée, unifiée, compréhensive n'a été élaborée
13 jusqu'au jour d'aujourd'hui. Mais les choses évoluent très vite et des
14 choses ont été faites sur ce point. Puis, vous savez, il existe d'autres
15 sources qui concernent les personnes décédées ou portées disparues, y
16 compris le "Livre bosniaque des morts". Mais bon, ce n'est pas vraiment une
17 base de données qui concerne les exhumations.
18 Alors, d'après ce que j'en ai compris, l'ICMP s'occupe de l'essentiel
19 des identifications et des exhumations effectuées. Merci.
20 Q. Merci. Vu ce que vous venez de dire et par rapport à ce que vous avez
21 dit des divergences qui sont assez importantes, si l'Institut pour les
22 personnes disparues ne reconnaît pas les listes de l'armée, les listes du
23 bureau du Procureur, on peut se poser la question suivante si cette
24 commission reconnaît le travail d'autres organes et d'autres commissions,
25 cette Commission pour les personnes portées disparues n'accepte que le
26 critère qui est le sien ou qui est le critère de la commission d'Etat pour
27 ce qui est des personnes disparues par rapport aux listes de cette
28 commission ?
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1 R. Merci. Je n'ai pas dit que l'Institut pour les personnes portées
2 disparues ne reconnaît pas la liste de l'armée ou la liste du bureau du
3 Procureur ou d'autres commissions ou d'autres organes. Donc j'aimerais que
4 vous répétiez votre question.
5 Q. Merci. Je vais répéter ma question. On a eu l'occasion d'entendre le
6 témoignage portant sur de diverses listes, nous avons eu l'occasion
7 d'entendre votre témoignage portant sur diverses listes pour ce qui des
8 personnes disparues du comité international de la Croix-Rouge, du bureau du
9 Procureur, et c'est pour cela qu'on pose cette question, pour savoir si le
10 comité international de la Croix-Rouge reconnaît les résultats du travail
11 du bureau du Procureur concernant les personnes et les personnes portées
12 disparues de Srebrenica ? Merci.
13 R. Pour autant que je sache, le comité international de la Croix-Rouge
14 reçoit les informations de la Commission pour les personnes portées
15 disparues par rapport à des personnes qui ont été identifiées comme mortes.
16 Je ne sais pas ce que vous voulez dire lorsque vous dites "que le comité
17 international de la Croix-Rouge reconnaît ou ne reconnaît pas le travail du
18 bureau du Procureur". Je n'ai pas compris cela. Je pense qu'ils considèrent
19 ce travail comme étant un travail important, mais ils s'appuient également
20 sur les résultats de leur propre travail et sur d'autres sources.
21 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement s'il y a une discordance entre les
22 listes du comité international de la Croix-Rouge et les listes du bureau du
23 Procureur ?
24 R. Comme j'ai déjà expliqué la semaine dernière, nous avons commencé à
25 travailler sur l'établissement de la liste des personnes portées disparues
26 en s'appuyant sur les listes du comité international de la Croix-Rouge. De
27 plus, nous avons utilisé les données provenant d'autres organisations
28 humanitaires, de l'organisation des Médecins pour les droits de l'homme. Et
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1 je pense que cela concernait moins de 100 personnes portées disparues. En
2 d'autres termes, pour ce qui est du travail du bureau du Procureur là-
3 dessus, le bureau du Procureur s'est basé presque exclusivement sur les
4 listes du comité international.
5 Nous avons reçu les informations de la Commission pour les personnes
6 portées disparues concernant les personnes mortes identifiées et également
7 les personnes qui ont été identifiées plus tard et qui ont été ajoutées à
8 cette liste qui ne figuraient pas sur la liste du comité international de
9 la Croix-Rouge des personnes portées disparues. Mais nous n'avons pas
10 inclus les personnes portées disparues d'autres sources, des personnes
11 portées disparues ou des personnes mortes. Nous n'appuyons que sur les
12 listes du comité international de la Croix-Rouge, des Médecins pour les
13 droits de l'homme et de la Commission pour les personnes portées disparues.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche la page 52 en serbe et
16 la page 48 en anglais. Et il faut afficher la dernière phrase du paragraphe
17 où il est dit…
18 M. TOLIMIR : [interprétation]
19 Q. Maintenant, nous pouvons voir ce paragraphe à l'écran. L'avant-dernier
20 paragraphe, la dernière phrase de l'avant-dernier paragraphe dans les deux
21 versions, merci.
22 "Nous soulignons que le nombre de cas complétés ne correspond pas
23 nécessairement au nombre de cas que les organes aux instances judiciaires
24 ont obtenu par rapport au nombre de personnes portées disparues."
25 Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'une personne est considérée morte
26 lorsqu'un jugement définitif est rendu par un tribunal compétent ou un
27 organe, un autre organe compétent ? Et quelle est la pratique norvégienne
28 dans ce sens-là; est-ce qu'on peut considérer une personne comme étant
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1 morte s'il n'y a pas de décision judiciaire d'un organe judiciaire
2 compétent ?
3 R. Je ne vois pas où est la pertinence de cette question, puisque chez
4 nous, nous n'avons pas de liste de personnes portées disparues. Parfois, il
5 arrive qu'une personne soit disparue et que cette personne ne se trouve
6 plus dans son lieu de domicile et on peut la déclarer disparue par la suite
7 et morte par la suite par une décision judiciaire. Mais, en tout cas, il
8 s'agit de très rares cas où cela arrive. Par exemple, si un bateau de pêche
9 disparaît, après une certaine période de temps, l'équipage de ce bateau
10 peut être déclaré comme disparu et mort.
11 Q. Merci. Est-ce que vous avez procédé à des vérifications pour savoir
12 quel était le degré de divergence ou de discordance des listes de la
13 Commission pour les personnes portées disparues concernant les listes des
14 personnes mortes et identifiées en tant que tel et les listes des organes
15 judiciaires locaux qui ont rendu des décisions judiciaires définitives
16 déclarant une personne comme étant morte ?
17 R. Pour autant que je sache, nous n'avons reçu aucune information dans ce
18 sens-là pour ce qui est des organes judiciaires locaux ou nationaux.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je pense qu'il faut
20 qu'on fasse la deuxième pause maintenant, puisqu'il faut changer des
21 cassettes.
22 Nous allons faire une pause d'une demi-heure, et nous continuons nos
23 débats à 18 heures.
24 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.
25 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous pouvez
27 poursuivre votre contre-interrogatoire.
28 M. TOLIMIR : [interprétation]
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1 Q. Puisque le document est toujours affiché à l'écran, Monsieur Brunborg,
2 j'aimerais que vous regardiez le paragraphe que nous avons déjà vu où vous
3 parlez des différences entre les informations publiées par la Commission
4 pour les personnes portées disparues qui ne contiennent pas les rapports
5 pour ce qui est des analyses d'ADN qui étaient en train d'être vérifiées.
6 Est-ce que les identifications basées sur l'analyse d'ADN ont été incluses
7 à la liste du bureau du Procureur de 2002 ?
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, l'interprète n'a
9 pas saisi la dernière partie de votre question, où vous avez parlé des
10 divergences entre les informations publiées par la Commission pour les
11 personnes portées disparues et ensuite, vous faites référence à des
12 analyses d'ADN qui étaient en train d'être vérifiées, et ensuite, vous avez
13 dit quelque chose que les interprètes n'ont pas pu interpréter.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Est-ce que ces identifications qui étaient en train d'être vérifiées,
16 d'être confirmées, étaient incluses à la liste du bureau du Procureur de
17 2009 ?
18 R. Je pense que nous avons inclus les identifications qui étaient en
19 cours. Si nous avons reçu de telles informations concernant ces cas, cela
20 comprenait les nombres provenant de la liste de la Commission pour les
21 personnes portées disparues.
22 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire si la liste du bureau du Procureur est une
23 liste publique ?
24 R. En principe, oui, mais il faut que je répète que puisque sur cette
25 liste il y a des noms des personnes mortes ou des personnes par rapport
26 auxquelles toutes les informations ne sont pas rassemblées, les
27 informations provenant de leurs familles, donc ces listes comportent les
28 parties qui sont sous pli scellé.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher la page
2 12 en B/C/S et la page 11 en anglais de la pièce à conviction qui porte la
3 cote P1176.
4 M. TOLIMIR : [interprétation]
5 Q. Avant de répondre à cette question, j'aimerais savoir si les experts
6 peuvent vérifier vos listes ?
7 R. Je ne pense pas qu'il existe une différence ou une distinction entre
8 les experts qui sont les experts et le public en général, puisque si
9 certaines parties de ces listes sont sous pli scellé, cela ne peut pas être
10 disponible pour les experts.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1776 aux fins du
12 compte rendu.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. Monsieur Brunborg, pouvez-vous regarder le point numéro 3 dans ce
16 paragraphe 2.3, et je vais le citer :
17 "De plus, toutes les informations concernant les survivants de Srebrenica
18 et qui ont attiré notre attention sur un document en tant que source
19 d'information, sur un rapport des médias ou sur les souvenirs de témoins,
20 les déclarations ou les dépositions d'autres personnes, et si le bureau du
21 Procureur ou la Défense, on attirait notre attention sur ces sources, ces
22 informations étaient exclues de notre base de données s'il a été constaté
23 et confirmé que la personne en question a survécu à ces événements."
24 Les sources que vous avez utilisées lors des vérifications dont vous avez
25 parlé, est-ce que vous avez compilé une liste des informations, des sources
26 que vous avez utilisées pendant ces vérifications que vous avez mentionnées
27 ?
28 R. Non. Pour autant que je sache, nous avons consulté de nombreux
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1 documents, des articles de presse, des ouvrages, mais ici, il a été dit que
2 nous n'avions pas trouvé de nouveaux noms de survivants potentiels, donc
3 ces recherches n'ont pas donné de résultat, aucun résultat. Nous avons
4 consulté les listes contenant plusieurs noms des personnes déplacées, des
5 réfugiés, des soldats, des électeurs. On a eu des discussions détaillées,
6 et cela figure dans des annexes à ce rapport.
7 Et j'aimerais également ajouter que dans le premier rapport du mois de
8 février 2000, il est dit que nous avons examiné certains ouvrages et
9 listes, et cela figure dans le chapitre où il y a des tentatives de
10 minimiser certaines listes. Il y a des références, des ouvrages et des
11 articles qui ont été examinés pour ce qui est du rapport de 2000 et ont été
12 versés au dossier dans cette affaire.
13 Q. Donc, vous n'avez pas retrouvé ces personnes survécues, aucune de ces
14 personnes survécues. C'était votre réponse.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche 1D574. Il s'agit d'un
16 extrait du livre "Srebrenica juillet 1995 à la recherche de la vérité, de
17 Milivoje" --
18 L'INTERPRÈTE : Et l'interprète n'a pas saisi le nom de l'auteur.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous voyons le titre -- c'est Milivoje
20 Ivanisevic qui est l'auteur de l'ouvrage "Srebrenica, juillet 1995, à la
21 recherche de la vérité."
22 M. TOLIMIR : [interprétation]
23 Q. Maintenant, est-ce qu'on peut afficher la page numéro 2 de ce livre, où
24 on peut lire comme suit :
25 "Les personnes qui ont été déclarées personnes mortes par une décision
26 judiciaire à un autre endroit et pendant une autre période, la liste a été
27 dressée sur la base des informations des registres de personnes décédées."
28 Et dans l'introduction, on peut lire, je cite :
Page 10127
1 "Par l'inspection incomplète de certains registres de personnes décédées
2 auprès des autorités musulmanes, nous avons constaté que même les personnes
3 dont les noms vont être énumérés dans la suite de cette revue n'ont pas été
4 les victimes du massacre en juillet 1995 à Srebrenica, mais que ces
5 personnes sont mortes de mort naturelle à d'autres endroits et à d'autres
6 moments.
7 "Malheureusement, nous ne pouvons pas avoir un accès, même partiel, à la
8 plupart des registres de personnes décédées à Srebrenica, ni à d'autres
9 municipalités avoisinantes. Nous croyons que si cela peut être effectué,
10 cette liste pourrait être plus complète. Mais il n'est pas contestable que
11 de cette façon il a été essayé d'augmenter le nombre de victimes musulmanes
12 présumées de Srebrenica ayant péri lors du massacre à l'occasion du retour
13 des Serbes en juillet 1995 et qui ont été par la suite enterrées au centre
14 commémoratif et au cimetière de Potocari, cet abus est confirmé par les
15 conclusions suivantes :"
16 Avant de parler de ces constatations, pouvez-vous me dire si vous avez pu
17 examiner cette liste avant, puisque le livre d'Ivanisevic a été publié en
18 2007, avant que vous n'ayez fait publier ce rapport, le rapport que vous
19 avez écrit en 2009, puisque vous avez dit que vous avez dit aussi avoir
20 consulter certaines sources, certains médias ? Merci.
21 R. Je vous remercie. J'ai vu plusieurs listes analogues à celles-ci, et à
22 savoir si cette liste a également été prise en considération, je ne le sais
23 pas, mais je pense que ma collègue, Ewa Tabeau, a également étudié cette
24 liste. Ce que nous avons trouvé lorsque nous avons examiné ce type de
25 listes, c'est que les personnes dans ces listes ne faisaient pas partie de
26 notre liste de personnes portées disparues. Nous serions, bien sûr, heureux
27 de vérifier si les noms figurant sur cette liste figurent effectivement sur
28 la liste qui est la nôtre des personnes portées disparues.
Page 10128
1 Q. Bien. Merci. Pourriez-vous nous dire si vous vous êtes servi de
2 registres de décès de personnes décédées, registres tenus par les autorités
3 musulmanes en Bosnie-Herzégovine pour effectuer le nombre de personnes
4 portées disparues ou de personnes qui ont été identifiées grâce à l'analyse
5 ADN et qui sont mortes de mort naturelle soit avant ou après les événements
6 de Srebrenica ? Merci.
7 R. Eh bien, encore une fois, vous me posez plusieurs questions en une.
8 Nous nous sommes assurés que lorsqu'une personne a été rapportée comme
9 personne décédée, que d'abord cette personne a été portée sur une liste de
10 personnes disparues. Et si les données sont des données de mort naturelle,
11 à ce moment-là ces personnes ne seraient pas sur une liste de personnes
12 portées disparues.
13 Je ne me rappelle pas, toutefois, de ces instances, et il est tout à fait
14 possible que le CICR ait examiné ceci, vu cela, et qu'ils aient pu enlever
15 les personnes de leurs listes. Mais les raisons sont très minimes pour que
16 ceci soit fait de cette façon-là, je veux dire le fait que le nombre de
17 personnes qui ont été biffées ou enlevées de leurs listes, ces raisons-ci
18 sont effectivement bien minces.
19 Q. Merci. Veuillez, je vous prie, consulter cette liste-ci. Voilà, nous
20 l'avons à la page 2. Il s'agit de la pièce 1D580. Vous trouverez sur cette
21 liste des données tirées du livre dont je parle, ouvrage de M. Milivoje
22 Ivanisevic. La Défense l'a comparée avec les listes de l'Accusation de
23 2000, 2007 et 2009, et nous avons trouvé 58 noms mentionnés sur ces listes
24 pour lesquels il a été confirmé qu'ils sont mortes ailleurs et à d'autres
25 moments, et non pas à la suite des événements de Srebrenica. Est-ce que
26 vous avez tenu compte de ceci lorsque vous avez élaboré votre rapport ?
27 Merci.
28 R. Comme j'ai dit un peu plus tôt, je ne me souviens pas d'avoir vu cette
Page 10129
1 liste, puisque je ne travaillais pas ici en 2007. Ma collègue, Mme Ewa
2 Tabeau, a pu voir cette liste. Mais pour vous donner une réponse précise,
3 je voudrais vous demander de me donner une précision, est-ce que vous avez
4 mentionné huit noms ou 28 noms ? Je ne suis pas tout à fait certain.
5 Q. Merci de m'avoir pose cette question. Alors, nous avons compté un total
6 de 58 noms.
7 R. Il nous faudrait vérifier ces noms et comparer avec nos listes pour
8 voir si vos conclusions sont valides, effectivement.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche la page 1.
11 M. TOLIMIR : [interprétation]
12 Q. Et avant que l'on attende l'affichage de cette page, je voudrais vous
13 dire que six noms apparaissant sur cette liste ne figurent pas sur les
14 listes des années précédentes, et ce, s'agissant de la liste de 2009 pour
15 ce qui est de six noms, mais ces noms figurent toutefois sur les listes de
16 2000 et 2007. Donc, par moments, ces noms apparaissent dans vos listes, et
17 à d'autres moments, ces noms n'y sont pas.
18 Donc, voici ma question : sur la base de quoi avez-vous biffé ces six noms
19 tirés de ces 58 noms ? Est-ce que vous avez des documents, est-ce que vous
20 avez des explications dans lesquelles vous donnez des raisons pour
21 lesquelles ces noms ont été biffés en 2009 et éliminés de vos listes ?
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour une meilleure compréhension,
23 pouvez-vous nous expliquer, je vous prie, de quel type de liste il s'agit ?
24 Vous avez dit : "Veuillez consulter cette liste, elle est affichée à
25 l'écran, elle figure à la page 2." Par la suite, vous avez changé, et vous
26 avez demandé l'affichage d'un autre document. Est-ce que ceci est tiré du
27 livre de l'ouvrage que nous avons vu un peu plus tôt ou bien s'agit-il
28 d'une autre liste ? J'aurais besoin d'explication, s'il vous plaît.
Page 10130
1 Maître Gajic.
2 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je vais
3 pouvoir vous l'expliquer assez facilement. Voici : la liste que nous avons
4 maintenant à l'écran est une liste qui a été compilée par la Défense. Cette
5 liste a été compilée par la Défense en comparant les noms qui figurent dans
6 une liste du livre de Milivoje Ivanisevic et en la comparant avec le bureau
7 du Procureur. Nous voyons dans la première colonne le nom, le prénom et le
8 nom du père de chacune de ces personnes. Ensuite, dans la deuxième colonne,
9 il y a l'endroit de disparition, d'après les listes du Procureur, bien sûr.
10 Et dans la troisième colonne, nous pouvons voir le lieu de décès qui est
11 dit dans le livre d'Ivanisevic et pour lequel on dit que ces données ont
12 été prises des registres des tribunaux.
13 On a également la mort -- du décès dans la colonne qui suit, comme il a été
14 tiré les registres concernés, et tout ceci a été comparé avec les listes du
15 Procureur. Les trois dernières colonnes nous donnent également des numéros
16 65 ter qui nous renvoient aux listes de l'Accusation. Par exemple, le
17 numéro 65 ter 00536 est une liste de l'Accusation de 2000. OTP 65 numéro
18 2197, c'est une liste de l'Accusation de 2007. Et dans la dernière colonne,
19 effectivement, nous voyons également la liste du bureau du Procureur de
20 2009. Vous verrez, de plus, dans le tableau, dans les parties où on fait
21 référence aux listes de l'Accusation qu'il est indiqué "Da", c'est qui veut
22 dire qu'on peut trouver les données sur la liste de l'Accusation et on peut
23 également voir sur quelle page du prétoire électronique le nom et le prénom
24 figurent; les noms et les prénoms qui sont comparés aux données tirées du
25 livre d'Ivanisevic.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie de cette précision,
27 Maître Gajic. Ceci est fort utile, effectivement. Cela nous permet de mieux
28 comprendre. Donc, si je ne m'abuse, cette liste a été élaborée par la
Page 10131
1 Défense dans ce cas-ci, n'est-ce pas ? Maître Gajic, est-ce que c'est
2 exact, cette liste a été compilée par la Défense de cette affaire-ci,
3 n'est-ce pas, si je ne m'abuse ?
4 M. GAJIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Ce sont mes associés ou mes
5 collaborateurs qui ont compilé cette liste et j'ai eu l'occasion de
6 vérifier la majorité de ces données, de ces entrées. Je n'ai vu aucune
7 erreur nulle part.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais simplement ajouter
9 quelque chose.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais non, je ne parle pas d'erreurs.
11 Ce n'est pas de ceci que je parle. Je voulais simplement savoir l'origine
12 de cette liste pour mieux comprendre comment elle a vu jour.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement dire quelque chose.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement dire ceci, voilà. Alors,
16 je voulais vous dire que les données sont les données qui figurent dans le
17 livre d'Ivanisevic tiré des registres des tribunaux, pour ce qui est de ces
18 58 personnes. Alors, je voulais le dire pour que l'on comprenne le tout tel
19 que décrit par Me Gajic.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
21 Monsieur Vanderpuye.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que le général Tolimir a en
23 partie répondu à la question que je voulais poser. Mais dans la mesure où
24 on fait référence aux dates de décès et de lieux de décès, dans la mesure
25 où ceci était tiré dans le registre des tribunaux, je crois qu'il serait
26 fort utile de savoir de quels registres de quels tribunaux il s'agit, et si
27 ces registres sont identifiés, il serait utile de pouvoir les examiner.
28 Je remarque ceci, car certaines entrées qui figurent sur ce tableau
Page 10132
1 tel que dit, et de toute façon, ces noms correspondent sur la liste du
2 bureau du Procureur de personnes qui ont été identifiées à l'aide de
3 l'analyse par l'ADN de l'ICMP provenant des fosses telles que Glogova et
4 Cancari, donc, fosses de Cerska. Donc, je crois qu'il est important de
5 savoir de quels registres on parle exactement, quels sont les registres sur
6 lesquels la Défense s'est appuyée pour produire ces tableaux, puisque nous
7 ne les avons pas sous les yeux, afin de pouvoir d'abord déterminer
8 l'origine ou la provenance de l'information et de pouvoir évaluer également
9 la fiabilité de ces données.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je remarque que les noms des
11 personnes énumérés de 1 à 6 sont énumérés comme ayant la même date de
12 naissance, 15 décembre 1996. Effectivement, il serait fort utile --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Date de décès, excusez-moi.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et qu'est-ce que j'ai dit ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit "date de naissance" et c'est la
16 date de décès.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Effectivement. Donc, date de décès.
18 Voilà, merci de votre correction.
19 Monsieur Tolimir, il serait vraiment utile si vous pouvez nous donner cette
20 information. Si vous souhaitez faire un commentaire et obtenir de ce témoin
21 concernant cette liste qui figure à l'écran.
22 Alors, d'abord, correction du Greffier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge,
24 avec votre permission, je voudrais simplement vérifier pour le compte rendu
25 d'audience que le document 65 ter dont la Défense a fait référence tout à
26 l'heure au numéro 00536 a déjà été versé au dossier en tant que pièce de
27 l'Accusation P1782, contrairement aux autres documents 65 ter 02197 et
28 qu'il ne fait pas encore partie du dossier, qu'il n'a pas encore été versé
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1 au dossier.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
3 Maître Gajic.
4 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans le livre dont on
5 s'est basés pour compiler cette liste, nous avons obtenu les informations
6 complètes du livre d'Ivanisevic. Il est tout à fait clairement élaboré dans
7 ce livre sur la base de quoi il donne ses données. Il s'agit de données des
8 registres de décès des personnes décédées et les données ont été entrées
9 sur ce tableau à la suite de décisions prises par les tribunaux.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. Vanderpuye voulait savoir si vous
11 pouviez nous donner une référence d'un dossier ou de quels tribunaux il
12 s'agit. Je crois que c'est ceci qu'a demandé M. Vanderpuye.
13 Alors, mais pour ne pas perdre plus de temps sur ceci, j'apprécierais,
14 effectivement, si le témoin, en fait, se souvient de la question. On a posé
15 au témoin la question concernant ce document qui figure à l'écran pour ce
16 qui est des six noms qui sont tirés de la liste. On vous a demandé,
17 Monsieur le Témoin :
18 "Donc, sur la base de quoi avez-vous biffé ces six noms, éliminé ces six
19 noms du total des 58 noms ? Et y a-t-il des documents ou une explication
20 pour laquelle vous avez éliminé ces six noms en 2009" ?
21 Est-ce que vous avez une réponse ? Pouvez-vous répondre à cette question ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien évidemment, je ne suis pas capable de me
23 souvenir de tous les détails, cela vaut pour tout le monde, mais je pense
24 que la raison principale pour laquelle ces noms ont été effacés étaient les
25 nouveaux éléments qui nous ont été remis par la Croix-Rouge internationale.
26 Donc, nous avons reçu des listes de personnes portées disparues mises à
27 jour. Et chaque fois que nous recevions une nouvelle version de cette
28 liste, le nombre total de personnes montait en hausse. Mais aussi, on
Page 10134
1 enlevait un certain nombre de noms, parce qu'on avait constaté que des
2 personnes avaient survécu, ou encore parce qu'on avait relevé des erreurs
3 techniques. Il arrivait par exemple qu'on constate qu'une personne était
4 morte de causes naturelles ou que la date de son décès n'était pas en
5 concordance avec la date de la chute de Srebrenica.
6 Mais permettez-moi, Messieurs les Juges, de relever un point. Vous
7 remarquez pour les sept premiers noms, on indique la même date de décès, le
8 15 décembre 1996. Et je trouve ça un peu douteux, si je puis m'exprimer
9 ainsi. Est-il certain qu'il ne s'agit pas plutôt de la date où le tribunal
10 a délivré sa décision. Ou c'est peut-être la date de l'exhumation qui est
11 citée ici. C'est quelque chose qu'il faudrait tirer au clair, parce que
12 pour autant que je le sache, il n'y a pas eu de bataille en 1996. Donc, il
13 est étrange que sept personnes soient mortes sur le coup, le même jour.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, à vous.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Si nous examinons toutes les sources que nous avons énumérées, y compris le
17 livre d'Ivanisevic, de même que tous les éléments de données recueillis par
18 le bureau du Procureur entre 2007 et 2009, et nous avons l'intention de
19 soumettre aux Juges de la Chambre tous ces documents, vous verrez bien pour
20 quelle raison la Défense a tiré ces conclusions. Vous pourrez étudier tous
21 les éléments de preuve qui figurent dans ces quatre documents. Donc, nous
22 nous appuyons sur les causes de morts ou les modes de décès énumérés dans
23 ces documents. Mais il faut signaler que toutes ces données ont été
24 fournies par la partie musulmane et non pas par la partie serbe. Parce que
25 le document qui servait de base, c'étaient les certificats de mort fournis
26 par les Musulmans pour les personnes en question. Merci.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre votre contre-
28 interrogatoire.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que ces deux documents soient versés
2 au dossier pour qu'ils puissent être à la disposition des Juges par la
3 suite.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] S'agit-il du document 1D580, qui est
5 affiché à l'écran ? Ce document a-t-il déjà été admis au dossier ? Non,
6 apparemment, non.
7 Monsieur Vanderpuye.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Compte tenu
9 de l'argumentation que j'ai déjà présentée tout à l'heure quant à l'origine
10 de ces éléments d'information, et notamment pour ce qui est des décisions
11 adoptées par les Tribunaux quant à la date de décès enregistrée, et compte
12 tenu du fait que le témoin a indiqué qu'à la seule première page, on relève
13 plusieurs personnes qui auraient trouvé la mort le 15 décembre 1996, et je
14 vous signale qu'il y en a plus, une vingtaine peut-être, dans le document
15 dans sa totalité, voire 30. Donc compte tenu de toutes ces informations et
16 du fait que la source précise de ces éléments n'a pas été identifiée, je me
17 demande si les Juges de la Chambre ne préféreraient pas enregistrer ce
18 document aux fins d'identification, tant que nous n'aurons pas reçu des
19 renseignements supplémentaires quant à l'origine de la documentation de
20 base. Donc, pour le moment, je soulève une objection quant à l'admission du
21 document au dossier.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic, à vous.
23 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il serait
24 utile d'afficher brièvement à l'écran le document 1D574. Je comprends
25 parfaitement que M. le Procureur ne maîtrise pas la langue serbe, et c'est
26 peut-être là que réside le problème. Ce document, en effet, n'a pas encore
27 été traduit.Est-il possible d'afficher la page 2, s'il vous plaît. Alors,
28 dans cette liste qui figure dans le document, nous voyons la source qui a
Page 10136
1 été utilisée, à savoir le registre de naissances, et nous voyons également
2 sur la base de quels dossiers judiciaires les décès ont été répertoriés, et
3 nous avons été très précis quant à nos sources. Nous avons précisé que nous
4 nous sommes servis exclusivement de ce livre rédigé par Milivoje
5 Ivanisevic. Alors, nous n'avions pas les moyens nécessaires pour vérifier
6 tous les registres judiciaires et tous les registres de décès. Le Procureur
7 a beaucoup plus de moyens à sa disposition pour procéder à des
8 vérifications nécessaires, s'il le souhaite. Mais voilà, ceci est la source
9 des données sur laquelle nous nous appuyons. Tout est cité dans le livre.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux vous donner lecture, si vous le voulez.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous n'avez pas la
12 parole en ce moment. Nous avons écouté très attentivement le propos de Me
13 Gajic, mais je souhaite lui poser une question supplémentaire, puis je vous
14 donnerai la parole.
15 Maître Gajic, vous avez dit que vous avez relevé tous les éléments
16 d'information dont vous vous servez dans ce livre-ci, qui est affiché à
17 l'écran en ce moment, mais vous dites que ce livre se réfère aux sources
18 que vous avez évoquées dans la liste que vous avez dressée; ai-je bien
19 compris votre propos ?
20 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons réuni les
21 éléments d'information qui se trouvent dans ce livre et les éléments
22 d'information qui figurent dans les listes du Procureur. Donc, nous avons
23 assemblé et comparé toutes les données disponibles. Le Procureur procède de
24 la même façon lorsqu'il compare ses listes avec celles de l'ABiH. Donc,
25 nous avons procédé à des comparaisons. Mais nous n'avons tenu compte que
26 des éléments d'information qui figurent dans toutes les sources que nous
27 avons consultées, parce que si vous consultez la liste du Procureur, vous
28 verrez que le nombre de noms est beaucoup plus long que celui qui figure
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1 dans notre liste. Donc, la liste du Procureur est de nature confidentielle.
2 Elle n'est accessible qu'aux personnes qui sont partie prenante au procès
3 qui se déroule ici, et c'est pourquoi dans le livre, on ne s'est servi que
4 des noms qui sont cités dans les cimetières.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est très utile. Les informations
6 que vous venez de nous fournir, Maître Gajic, j'imagine que vous n'avez
7 rien de particulier à ajouter. Vous n'avez pas de dossier judiciaire à
8 citer ou de registre à citer, vous avez tout pris dans ce livre; ai-je
9 raison de l'affirmer ?
10 M. GAJIC : [interprétation] Oui. La seule source dont nous nous sommes
11 servis, c'était ce livre-là.
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, à vous.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que
14 cela résout la question de la source d'où provient le tableau, et ceci ne
15 pose plus problème à l'Accusation puisque nous avons identifié la source
16 sur laquelle est basé le tableau, mais je ne suis pas sûr si ce livre a
17 déjà été versé au dossier.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que non. Je pense que M.
19 Tolimir a tout simplement annoncé qu'il allait demander le versement au
20 dossier du livre.
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais avant de rendre une décision sur
23 le sujet, j'aimerais savoir combien de pages nous devrions verser au
24 dossier ? Ici, ce qui est affiché à l'écran, ce sont les pages 156 et 157,
25 mais tout à l'heure vous avez évoqué la page 2. Alors, combien de pages
26 faut-il verser au dossier ? Combien de pages ce document compte-t-il, pour
27 commencer ?
28 Nous pourrions peut-être demander cette information au Greffier
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1 d'audience.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il y a cinq pages au total. Merci.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, il y a cinq pages qui ont été
4 téléchargées par la Défense dans le système du prétoire électronique; ai-je
5 raison de l'affirmer ?
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, tout à fait.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vois que vous êtes debout, Maître
8 Gajic.
9 M. GAJIC : [interprétation] Oui, vous avez parfaitement raison, Monsieur le
10 Président. Cinq pages de ce livre sont pertinentes pour ce qui nous
11 intéresse, et n'ont pas encore été versées au dossier, et nous souhaitons
12 demander le versement maintenant. Il s'agit du document 1D574.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
15 toujours debout simplement pour dire que nous ne soulevons pas d'objection
16 quant au versement du livre au dossier ou des pages qui sont pertinentes,
17 mais je souhaitais préciser que les sources d'information citées par M.
18 Gajic, à savoir les registres de décès publics qui figurent dans son
19 tableau, j'aimerais m'assurer que ces sources figurent bien dans ces cinq
20 pages qui nous concernent ici. Et si ces informations figurent dans ces
21 pages, alors je n'ai pas d'objection à soulever. Mais si, par contre, elles
22 n'y figurent pas, alors je demande que le document soit enregistré aux fins
23 d'identification.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. C'est ce que j'ai compris,
25 moi aussi.
26 Maître Gajic.
27 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, le document 1D574
28 comprend cinq pages du livre. Le document 1D580 est une liste dressée par
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1 la Défense qui a procédé à une comparaison des données qui figurent dans ce
2 livre-ci et dans la liste dressée par le Procureur. Donc, la Défense a
3 rédigé sa liste en se servant précisément des données qui sont citées dans
4 les cinq pages du livre que nous souhaitons verser au dossier. Je pense que
5 tout est parfaitement clair en ce moment.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis bien d'accord.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] Mais moi, je ne suis pas d'accord, si vous
8 le permettez.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Ce qui manque, c'est peut-être tout
11 simplement une question de traduction et du fait que je ne suis pas à même
12 de déchiffrer l'écriture cyrillique, donc ce qui n'est pas clair, c'est le
13 point suivant : ces cinq pages du livre citent-elles les sources
14 d'information pour les dates de décès citées dans votre liste ? Est-ce que
15 dans ce livre nous pouvons lire cet élément d'information est tiré d'un tel
16 registre tenu dans une telle municipalité ? Si ces éléments d'information
17 figurent dans les pages du livre, alors il n'y a pas de problème.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai compris le sens de votre
19 demande.
20 Maître Gajic, qu'en dites-vous ?
21 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout est indiqué très
22 clairement dans ce livre. M. Tolimir a donné lecture tout à l'heure de la
23 partie introductoire. Il est indiqué dans cette partie que toutes les
24 données qui figurent dans le livre ont été tirées des registres officiels.
25 Donc, permettez-moi, pour éclaircir la situation, de vous donner lecture du
26 premier point :
27 "Huso Dzafic, mort le 21 mai 1992, né en 1960, mort dans la
28 municipalité de Nova Kasaba, il a été répertorié sur la base du registre de
Page 10140
1 décès, conformément à une décision rendue par le tribunal de base de
2 Banovici, numéro IR 43/96, du 9 décembre 1996. La date a été enregistrée
3 dans le registre de décès le 19 décembre 1996."
4 Donc, toutes les informations qui figurent dans notre tableau ont été
5 tirées de ce livre, qui indique clairement ses sources.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci infiniment. Je pense que la
7 situation est claire maintenant. Malheureusement, personne d'entre nous
8 n'est capable de déchiffrer l'écriture cyrillique, du moins pas pour le
9 moment, mais je pense que si nous admettons au dossier la liste dressée par
10 la Défense, on pourrait commencer par là. 1D580, s'il vous plaît.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, le document 1D580
12 obtiendra la cote D164. Merci.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et les cinq pages du livre affichées
14 à l'écran, donc c'est le document 1D574, seront enregistrées aux fins
15 d'identification en attendant que la traduction soit préparée.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D165. Merci, Messieurs
17 les Juges.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Voilà, nous sommes arrivés à bout
19 d'un débat plutôt compliqué, mais voilà, vous m'en voyez heureux.
20 Monsieur Tolimir, à vous, vous pouvez poursuivre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans le rapport
22 de monsieur l'expert, il est indiqué qu'on s'est servi de toutes sortes
23 d'enregistrement, y compris tout ce qui a été télédiffusé, donc je pense
24 qu'il n'y a pas de problème quant aux sources que la Défense se sert de son
25 côté, puisqu'elle s'est servie de ces mêmes sources. Alors, étudions en
26 préparant les documents D165 et D164, la Défense a repéré un certain nombre
27 de divergences entre la liste du Centre mémorial de Potocari et la liste
28 dressée par ce M. Ivanisevic dans son livre.
Page 10141
1 M. TOLIMIR : [interprétation]
2 Q. Après avoir étudié un certain nombre de registres officiels, je
3 souhaite vous poser la question suivante : quelle est la cause de la
4 divergence des données qui figure sur le monument qui se trouve au Centre
5 mémorial de Potocari et qui figure sur la liste du Procureur ?
6 R. Merci. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai jamais vu cette liste
7 auparavant, mais il est possible que Mme Eva Tabeau, le co-auteur du
8 rapport, l'aurait vue. Comme on en a déjà discuté la semaine dernière avant
9 que je n'aie commencé ma déposition, elle aurait pu dire que ces personnes
10 ne figuraient pas sur la liste des personnes portées disparues, j'ai déjà
11 dit qu'il était nécessaire de le vérifier sur les listes précédentes et les
12 listes similaires.
13 Et par rapport à des affirmations similaires selon lesquelles ce sont
14 les cas de décès qui ne peuvent pas être en rapport avec Srebrenica, c'est
15 quelque chose qu'il faut vérifier, puisque si vous dites que ces personnes
16 ne figurent pas sur notre liste de personnes portées disparues, oui, il
17 faut vérifier toutes ces données.
18 Q. A la page 27 de votre rapport, vous dites que le nombre de la
19 population à Srebrenica était 40 000, d'après les sources que vous avez
20 examinées. Est-ce que lors de vos recherches vous avez rencontré des
21 documents comportant des informations plus précises pour ce qui est du
22 nombre d'habitants de l'enclave de Srebrenica ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est à la page 26 en serbe, et à la page 22 en
24 anglais. Il s'agit de la pièce à conviction P1776. Merci.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Dans cette phrase, on peut lire, je
26 cite :
27 "Il est présumé qu'à peu près 40 000 personnes se trouvaient dans la ville
28 de Srebrenica avant sa chute." Mais le nombre exact d'habitants n'est pas
Page 10142
1 connu."
2 Avant, j'ai fait référence au chiffre de 42 000, qui représente
3 l'estimation des organisations humanitaires, le nombre approximatif
4 d'habitants. J'ai déjà dit que nous avions demandé les listes des personnes
5 qui vivaient à Srebrenica avant sa chute, mais nous n'avons pas eu cette
6 liste. Donc, personne ne sait quel était le nombre exact d'habitants de
7 Srebrenica avant sa chute.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher maintenant la pièce
9 D117.
10 M. TOLIMIR : [interprétation]
11 Q. C'est le document du bureau du Procureur qui porte le numéro 0092-6462.
12 Donc, vous avez pu l'avoir lors de la rédaction de votre rapport. Et dans
13 ce document, on peut voir le nombre exact d'habitants de Srebrenica et dans
14 les municipalités avoisinantes.
15 Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce document qui est affiché
16 maintenant à l'écran ?
17 R. Merci. Je l'ai probablement vu avant, mais je vois en haut du document
18 mentionné, je cite "Srebrenica, le 11 janvier 1995." A savoir, six ou sept
19 mois avant la chute de Srebrenica, ce document n'est pas vraiment
20 pertinent, c'est-à-dire le nombre de personnes qui s'y trouvaient en
21 janvier n'est pas pertinent par rapport au nombre en juillet, après la
22 chute, puisque nous n'avons pas les noms de toutes ces personnes. Cela
23 serait utile pour notre analyse si on avait les noms et les dates de
24 naissance de ces personnes, mais ici on ne voit que des nombres.
25 Q. Je vous ai posé la question pour savoir si vous avez utilisé ce
26 document ou pas ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher maintenant la pièce
28 D116 pour que le témoin puisse le voir ?
Page 10143
1 M. TOLIMIR : [interprétation]
2 Q. Dans cette pièce à conviction affichée à l'écran, il faut que je vous
3 lise cela puisque la traduction n'existe pas. Bon, il y a la traduction. Il
4 y est dit que l'organe municipal de Srebrenica a signé ce document, c'est
5 M. Fahrudin Salihovic, le président de l'assemblée générale de Srebrenica,
6 c'était le 11 janvier 1994. Il est dit au premier point le nombre de la
7 population locale; deuxièmement, le nombre de la population locale qui est
8 arrivée sur le territoire de la municipalité; et troisièmement, le nombre
9 de personnes expulsées de d'autres municipalités. L'on marque :
10 "Les informations sont envoyées pour vos besoins statistiques et vous
11 ne devriez pas mettre cela à la disposition d'organisations humanitaires
12 puisque nous disposons du nombre de 45 000 habitants."
13 Puisque vous avez dit que ces informations sont de 1995 et ces
14 informations sont de 1994, pouvez-vous nous dire si le nombre d'habitants
15 dans l'enclave a rapidement augmenté ou a diminué ?
16 R. Si on suppose que ces chiffres sont exacts, que ces estimations sont
17 assez précises, on peut voir que pour le mois de janvier 1994 l'estimation
18 est 45 000 personnes. Pour le mois de janvier 1995, c'était 40 000. Je ne
19 sais pas quelle est la qualité de ces informations et comment ces
20 informations ont été collectées. Donc, la différence est de 5 000. Il y a
21 donc des informations qui sont là pour corroborer d'autres choses, c'est-à-
22 dire pour que la communauté internationale puisse estimer tout ce qu'il a
23 été besoin pour la population, la nourriture, et cetera.
24 Q. Merci. Est-ce que vous avez demandé aux autorités de la Bosnie-
25 Herzégovine de tels documents et d'autres documents similaires, puisque ce
26 document provient des autorités de la Bosnie-Herzégovine, de Srebrenica ?
27 R. Nous avons demandé aux autorités de Bosnie-Herzégovine plusieurs fois
28 les listes des personnes qui vivaient à Srebrenica avant la chute de
Page 10144
1 Srebrenica en juillet 1995. Donc nous avons vu des documents similaires,
2 nous avons entendu parler des estimations que vous avez mentionnées, mais
3 selon notre approche, nous devions travailler sur les informations
4 concernant les personnes en tant qu'individus. Donc ce document ne pouvait
5 pas nous être utile pour ce qui est de ces nombres de personnes.
6 Q. Merci. Tout à l'heure, on a vu le document où il est dit qu'en janvier
7 1994 il y avait 37 000 habitants. Et nous avons vu le document tout à
8 l'heure où il est dit que dans l'enclave il y avait 36 057 habitants. Est-
9 ce qu'on peut en conclure qu'en une année, 1 204 personnes ont quitté
10 l'enclave, seulement en une année ?
11 R. Il est intéressant de lire la note de bas de page du document, où il
12 est dit, je cite :
13 "Les information demandées qui sont fournies en tant qu'informations
14 statistiques ne devraient pas être mises à la dispositions des
15 organisations internationales, puisque nos calculs se basent sur le nombre
16 d'habitants, qui est de 45 000."
17 Donc le maire a fourni le nombre total de 37 000 habitants, mais cela
18 n'a pas été communiqué aux organisations nationales. Cela veut dire que
19 cela n'est pas très fiable. C'était probablement parce qu'ils ont voulu
20 obtenir plus d'approvisionnement en nourriture.
21 Q. Vous avez dit qu'ils n'ont pas communiqué ces informations aux
22 organisations nationales. Pouvez-vous nous dire de quelles organisations il
23 s'agit ?
24 R. Dans cette note de bas de page, il est écrit que "ces informations ne
25 doivent pas être mises à la disposition des organisations internationales."
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le témoin a dit que :
27 "…le maire a communiqué l'information concernant le nombre total de 37 000
28 habitants, et ici, il a été consigné de façon erronée qu'il s'agissait des
Page 10145
1 "organisations nationales". C'était à la page 77, à la ligne 16.
2 Ou peut-être que c'était le témoin qui s'est trompé. En tout cas, il faut
3 corriger cela, et il faut consigner au compte rendu qu'il s'agissait des
4 organisations internationales qui ne devaient pas avoir ce document.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher P176 dans
6 le prétoire électronique.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le document D166 a été déjà versé au
8 dossier.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le document 1776.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce document -- vous avez déjà demandé
11 que ce document soit versé au dossier, mais j'ai dit que ce document a été
12 déjà versé au dossier en tant que pièce à conviction.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 M. TOLIMIR : [interprétation]
15 Q. A la page 26, au deuxième paragraphe, au milieu, il y a une phrase, en
16 anglais c'est à la page 22, l'avant-dernier paragraphe. On peut lire dans
17 cette phrase comme suit :
18 "Les autorités locales et les organisations internationales humanitaires
19 auraient rédigé les listes de personnes se trouvant dans l'enclave, mais
20 nous n'avons pas pu retrouver ces listes, et nous avons des doutes pour ce
21 qui est de l'existence de ces listes."
22 C'est ce qui est écrit dans votre rapport. J'aimerais savoir pourquoi vous
23 avez dit qu'il y a des doutes pour ce qui est de l'existence de ces listes
24 et sur quoi vous vous êtes appuyé pour dire cela alors que ces listes ont
25 été montrées ici, et ce sont les listes du bureau du Procureur ?
26 R. Comme je l'ai déjà dit, nous avons formulé beaucoup de demandes lors
27 des réunions avec les représentants des organisations nationales et les
28 organisations non gouvernementales, et personne n'a jamais pu nous
Page 10146
1 communiquer de telles listes. Nous n'avons pas non plus obtenu de réponse
2 positive pour ce qui est de l'existence de telles listes. Donc on est
3 arrivés à la conclusion que ces listes n'existaient pas ou que ces listes
4 n'étaient pas disponibles. Que peut-être ces listes existaient, mais
5 n'étaient pas disponibles. Et ce que vous avez cité, à savoir le chiffre de
6 37 000 personnes évoqué par le maire, cela veut dire qu'il y avait de
7 telles listes, mais ils sont arrivés à ce chiffre en calculant les
8 personnes dont le nom figurait sur cette liste.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, nous sommes arrivés
10 à la fin de l'audience. Vous nous aviez dit que vous alliez avoir besoin
11 pour votre contre-interrogatoire d'une heure et 30 minutes ou deux heures.
12 Donc vous avez déjà utilisé une heure 35 minutes. Voulez-vous procéder ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Les questions qui
14 ne sont pas posées ici pour ce qui est de ce que le témoin a dit de
15 demander à Mme Ewa, de toute façon, nous allons pouvoir poser ces questions
16 à Mme Ewa, puisqu'elle est co-signataire de ce rapport.
17 Mais j'aimerais néanmoins poser une dernière question : si vous vous
18 souvenez, même les Nations Unies disposaient de documents, et je voudrais
19 que ces documents soient montrés au témoin. Donc l'Accusation détenait les
20 données; nous avons vu cela, et nous voyons maintenant que les Nations
21 Unies disposaient des mêmes données. Merci.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Eh bien, je voudrais souligner que nous
24 avons également des questions supplémentaires pour le Dr Brunborg. Dans la
25 mesure où le général Tolimir n'a pas terminé son contre-interrogatoire, qui
26 n'est pas terminé si j'ai bien compris, nous allons nous efforcer pour que
27 le Dr Brunborg puisse revenir et soit disponible pour la continuation de
28 son contre-interrogatoire et pour les questions supplémentaires. Nous
Page 10147
1 n'avons pas encore la date en question, la date pour faire revenir le Dr
2 Brunborg, mais nous allons essayer de nous mettre d'accord également avec
3 le Dr Brunborg et avec les autres participants afin de pouvoir le faire
4 revenir. Et donc, nous verrons quelle est la date la plus appropriée afin
5 qu'il puisse terminer son témoignage. Je crois, si je ne m'abuse, que M.
6 Tolimir avait estimé six heures pour le contre-interrogatoire du Dr
7 Brunborg. Il n'a pas encore usé de tout le temps qui lui est imparti. Cela
8 dit, je pense que ce serait une bonne façon de procéder.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On m'a informé que des six heures
10 indiquées un peu plus tôt, il ne reste que sept minutes. Mais bien sûr,
11 c'est différent pour ce qui est de l'évaluation d'aujourd'hui.
12 Donc je voudrais faire la proposition suivante aux parties présentes
13 : nous pourrions continuer demain. Nous ne siégeons pas demain. Il n'y a
14 rien de prévu pour demain dans cette affaire en l'espèce, et il serait très
15 malheureux que le témoin doive revenir une troisième fois à La Haye.
16 D'abord, j'aimerais demander au témoin quelle est sa position là-
17 dessus, et deuxièmement, j'aimerais également consulter les parties.
18 Alors, Docteur Brunborg, êtes-vous disponible demain ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il est nécessaire, je peux passer une autre
20 nuit à La Haye, bien sûr. A ce moment-là, je préférerais que l'audience se
21 tienne le matin, s'il est possible, afin que je puisse rentrer chez moi à
22 une heure raisonnable, car si l'audience est tenue dans l'après-midi, je ne
23 pourrai pas revenir chez moi vendredi soir.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic.
26 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, voilà, je viens de
27 consulter M. Tolimir. Pour ce qui est de la Défense, nous avons terminé
28 avec le contre-interrogatoire de M. Brunborg. S'il reste encore des
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1 questions, et il y en aura sans doute, nous allons les poser au témoin qui
2 se trouve, de toute façon, sur la liste, c'est Mme Ewa Tabeau. Et M.
3 Brunborg l'a d'ailleurs mentionnée à plusieurs reprises aujourd'hui. Pour
4 ce qui est de la Défense, nous n'aurons plus de questions pour ce témoin et
5 nous sommes prêts, néanmoins, à revenir demain. Ce n'est pas un problème,
6 bien sûr, si c'est, bien sûr, dans l'intérêt de l'Accusation.
7 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Comme il n'y a pas d'autre contre-
9 interrogatoire, nous sommes en train de réfléchir à la question suivante,
10 si vous n'avez pas trop de questions dans le cadre de vos questions
11 supplémentaires, pensez-vous que nous pourrions rester encore dix minutes,
12 par exemple, et à ce moment-là cela résoudrait peut-être ce problème ? Est-
13 ce que cela vous suffirait pour vos questions supplémentaires ?
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Pour être bien
15 franc, je ne crois pas que cela suffirait. J'aurais plus besoin d'une demi-
16 heure que de dix minutes. Mais je voudrais aussi ajouter ceci : dans la
17 mesure où le général Tolimir a terminé son contre-interrogatoire, tel
18 qu'annoncé par Me Gajic, je voudrais néanmoins informer les Juges de la
19 Chambre que je crois qu'un peu plus tôt dans la procédure, nous avions déjà
20 annoncé que nous n'appellerions peut-être pas nécessairement le Dr Tabeau
21 comme témoin. Donc, si M. Tolimir souhaite poser des questions au Dr
22 Tabeau, il serait peut-être plus utile de poser ces questions-là à ce
23 témoin car il est possible que l'Accusation puisse prendre la décision de
24 ne pas faire appeler le Dr Tabeau, et à ce moment-là il pourrait faire
25 valoir le fait qu'il n'a pas pu poser ses questions.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Effectivement, la Chambre a déjà reçu
27 ces informations du bureau du Procureur, à savoir que Mme Tabeau ne sera
28 peut-être pas appelée en tant que témoin ou, de toute façon, elle pourrait
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1 être retirée de la liste de témoins par l'Accusation, donc il nous faudra
2 arriver à une décision définitive bientôt.
3 Oui, Maître Gajic.
4 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, étant donné les
5 déclarations de ce témoin qui a mentionné Mme Tabeau à plusieurs reprises
6 comme étant une personne compétente pour répondre à un certain nombre de
7 questions auxquelles le témoin lui-même n'a pas pu répondre, et étant donné
8 que Mme Ewa Tabeau dépose conformément à l'article 92 ter, je crois qu'il
9 serait dans l'intérêt de la justice que Mme Ewa Tabeau, étant donné qu'elle
10 figure déjà sur la liste de l'Accusation, vienne néanmoins témoigner à un
11 moment donné, puisque je ne sais pas si j'ai bien compris, si je ne
12 m'abuse, et M. Vanderpuye me corrigera si ce n'est pas le cas, je crois
13 qu'elle est employée ici au bureau du Procureur, et je ne crois pas que
14 c'est très difficile pour elle de venir déposer quand et si cela s'avère
15 nécessaire.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Alors, nous avons maintenant deux
17 options. L'une de reprendre nos travaux demain pour terminer
18 l'interrogatoire du témoin. Il me semblerait que ceci serait plutôt dans
19 l'intérêt de notre témoin de revenir demain matin. Nous ne pouvons pas
20 reprendre à 9 heures parce qu'il faudrait réorganiser plusieurs choses. Les
21 interprètes, la sécurité, les sténotypistes et tout ça doit être organisé
22 puisque l'audience n'était pas prévue. Je crois que nous pourrions
23 reprendre nos travaux le plus tôt possible à 11 heures, mais je ne suis pas
24 en mesure de vous le dire immédiatement. Il faudra vérifier un certain
25 nombre de choses avec l'administration.
26 L'autre possibilité qui existe est de vous entendre dire, Monsieur
27 Vanderpuye, si vous êtes prêt à rappeler le témoin une troisième fois, ou
28 peut-être vous devriez peut-être nous dire si le Témoin Tabeau sera appelé
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1 ou pas, puisque ceci a un certain impact sur la décision de M. Tolimir, à
2 savoir s'il souhaite poser d'autres questions au témoin actuel. Je pense
3 que ceci est une décision sage, mais j'aimerais d'abord vous entendre là-
4 dessus.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Aimeriez-vous que je vous informe de ceci
6 maintenant ou est-ce que vous aimeriez que je m'entretienne avec Me Gajic
7 après l'audience et que je vous informe des résultats de notre discussion ?
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois qu'il faut donner à M.
9 Brunborg une indication. Vous devez lui dire si vous avez besoin de lui
10 demain ou pas.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense qu'il serait peut-être plus utile
12 d'avoir une session demain. Toutefois, je ne pense pas d'être en mesure à
13 ce moment-ci de vous dire de façon définitive si l'Accusation appellera le
14 Dr Tabeau à la lumière des questions posées au Dr Brunborg, et puisque je
15 ne peux pas vous le dire ce soir, je pense qu'il serait peut-être plus sage
16 de faire revenir le Dr Brunborg. Peut-être pas immédiatement, afin qu'il ne
17 soit pas complètement épuisé par tous ces voyages, mais de lui donner un
18 peu de temps pour reprendre ses activités régulières chez lui et le faire
19 revenir par la suite.
20 Et puisque le général Tolimir a terminé son contre-interrogatoire
21 dans tous les cas, il ne devrait pas y avoir de préjudice causé à la
22 Défense à la suite du retard des questions supplémentaires, et en réalité,
23 cela leur donne un peu plus de temps pour digérer le compte rendu
24 d'audience et de voir s'ils ont d'autres questions à poser à la suite de
25 nos questions supplémentaires.
26 Je pense qu'eu égard aux circonstances et compte tenu de tout ceci,
27 on pourrait se réorganiser de cette façon-ci. Je crois qu'il faudrait peut-
28 être nous coordonner avec le Dr Brunborg, peut-être par le truchement du
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1 VWS, et à ce moment-là nous pourrions informer Me Gajic. Je ne pense pas
2 qu'en réalité tout ceci serait très compliqué, puisque j'aurai besoin d'une
3 demi-heure, peut-être une demi-heure à une heure, pas plus.
4 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite revenir sur
5 une question qui concerne la déposition éventuelle de Mme Tabeau. Elle
6 figure sur la liste des témoins prévus, donc la question ne se pose plus de
7 savoir si l'Accusation souhaite la citer à la barre ou non. Pour le moment,
8 ce sont les Juges de la Chambre qui doivent en décider. Si entre-temps
9 l'Accusation dépose une requête demandant de dispenser Mme Tabeau de sa
10 déposition ici, nous allons soulever une objection, et j'annonce dès
11 maintenant que nous citerons quelques propos de M. Brunborg dans
12 l'objection que nous soulèverons vis-à-vis de cette requête.
13 Pour ce qui est de la possibilité de citer à la barre le témoin à une
14 date postérieure dans un mois ou deux, la Défense ne s'y oppose pas.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais la situation devient
17 encore plus complexe. Donc, je pense que dans les circonstances données, il
18 est impossible de siéger demain parce que, de toute façon, cela susciterait
19 tant de problèmes administratifs. Il est fort possible qu'il n'y aurait pas
20 suffisamment d'interprètes ou de sténographes. Et je pense que le fait de
21 ne pas citer à la barre Mme Tabeau pourrait poser des problèmes. Nous avons
22 déjà entendu la position adoptée par la Défense. Il est vrai que le Dr
23 Brunborg a évoqué le nom de Mme Tabeau à plusieurs reprises. Nous aimerions
24 que les parties au procès nous remettent leurs argumentations par écrit à
25 ce sujet de manière à ce que nous puissions l'étudier de façon correcte et
26 adopter la décision appropriée.
27 Donc, je pense qu'il sera nécessaire de remettre à plus tard la fin
28 de votre audition.
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1 Docteur, je suis désolé, mais cela arrive de temps en temps. Nous
2 avons fait tout ce que nous avons pu pour vous retenir ici et vous laisser
3 partir une fois votre déposition terminée, mais d'autre part, évidemment
4 nous serons contents de vous revoir à une autre reprise pour que vous
5 puissez terminer votre audition.
6 Monsieur Vanderpuye, je vois que vous êtes toujours debout.
7 Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous m'en voyez soulagé. Très bien.
10 Alors, nous levons la séance et reprendrons nos travaux la semaine
11 prochaine, mardi. Je ne sais plus si nous sommes censés siéger dans la
12 matinée ou dans l'après-midi -- non, non, nous ne siégeons pas lundi. Nous
13 siégeons mardi, dans la matinée, à partir de 9 heures, dans la même salle
14 d'audience.
15 Merci.
16 [Le témoin quitte la barre]
17 --- L'audience est levée à 19 heures 13 et reprendra le mardi 22
18 février 2011, à 9 heures 00.
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