Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 août 2012

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous, à toutes

  7   les personnes présentes dans le prétoire. Soyez les bienvenus après les

  8   vacances judiciaires de l'été.

  9   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 11   Monsieur les Juges. Affaire IT-05-88/2-T, le Procureur contre Zdravko

 12   Tolimir.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Je demande aux parties de se présenter puisque nous abordons une journée ou

 15   une semaine particulière. L'Accusation, pour commencer.

 16   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Peter

 17   McCloskey et Janet Stewart pour l'Accusation.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 19   La Défense. Je vois que M. Tolimir est là.

 20   L’ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Bonjour à toutes les personnes présentes. Je vous souhaite beaucoup de

 22   succès dans les travaux qui sont devant nous et je souhaite que ce soit la

 23   volonté de Dieu qui décide de l'issue de cette affaire. Je suis présent

 24   ici, moi-même, ainsi que M. Aleksandar Gajic qui est ici avec moi. Encore

 25   une fois merci.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   C'est notre première audience depuis le 21 février dernier. Nous nous

 28   sommes réunis pour entendre les réquisitoires et les plaidoiries en


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  1   l'espèce. L'Accusation et l'accusé ont déposé leurs mémoires en clôture le

  2   11 juin 2012. Et je voudrais très brièvement passer à huis clos partiel,

  3   s'il vous plaît.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel. Merci.

  5   [Audience à huis clos partiel]

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 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 23   Les deux mémoires en clôture des parties ont été traduits de manière

 24   urgente vendredi, le 20 juillet, comme cela avait été demandé par la

 25   Chambre. Je tiens à remercier à cet égard la section traduction, le CLSS,

 26   d'avoir déployé des efforts tout à fait particuliers afin de faire en sorte

 27   que les traductions soient terminées avant les vacances judiciaires. Je

 28   rappelle que l'Accusation s'exprimera aujourd'hui dans le cadre de son


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  1   réquisitoire et que la Défense prendra la parole pour sa plaidoirie demain.

  2   Jeudi, les deux parties auront la possibilité de répliquer pendant les 30

  3   minutes qui leur seront imparties à chacune. Ce matin nous avons informé

  4   les parties de l'état de 15 pièces à conviction qui, pour l'instant, ont

  5   été marquées pour identification. Je demanderais aux parties, donc, d'être

  6   prêtes à résoudre les questions administratives qui restent en suspens

  7   jeudi, après que nous ayons entendu leurs propos en clôture.

  8   Monsieur McCloskey, je tiens à préciser, avant que vous n'ayez pris la

  9   parole, que vous avez besoin de terminer d'ici à la fin de l'audience

 10   d'aujourd'hui. N'oubliez pas cela, s'il vous plaît. Vous avez la parole.

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Pour commencer, je tiens à dire que cela a été un honneur pour moi de

 13   pouvoir intervenir ici devant cette Chambre. J'ai été très impressionné par

 14   votre professionnalisme. Je dois vous dire que, dans la mesure où cela peut

 15   s'exprimer dans ces termes, que cela a été un plaisir de travailler devant

 16   cette Chambre. Ce procès a été un long procès, mais vous nous avez donné la

 17   possibilité, tant à l'Accusation qu'à la Défense, de présenter l'ensemble

 18   de nos moyens. Vous ne nous avez pas précipités, et je dois vous dire à

 19   quel point nous vous en savons gré. Et je tiens à remercier l'équipe de la

 20   Défense, M. Gajic et son équipe; le personnel de cette Chambre, en

 21   particulier les interprètes; ainsi que mon équipe, Nelson Thayer, qui n'est

 22   pas présent ici, Rupert Elderkin, Abeer Hasan, Kweku Vanderpuye et Janet

 23   Stewart.

 24   Alors aujourd'hui, pendant un tiers de mon temps, je me focaliserai sur la

 25   contribution significative du général Tolimir à l'entreprise criminelle

 26   commune meurtrière, à l'opération meurtrière comme nous l'appelons. M.

 27   Vanderpuye prendra un tiers du temps qui nous est imparti pour évoquer la

 28   responsabilité du général Tolimir par rapport à ce qui lui est imputé eu


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  1   égard au transfert forcé. Et puis, enfin, ce sont M. Rupert Elderkin et

  2   Abeer Hasan qui se partageront le dernier tiers. M. Elderkin vous parlera

  3   de meurtres opportunistes, et M. [comme interprété] Hasan, de l'impact sur

  4   les victimes et sur le lien qu'il y a entre cela et le génocide.

  5   Donc je vais essayer de ne pas répéter ce que nous avons exposé dans notre

  6   mémoire. Je souhaite réagir face à certains arguments de la Défense, mais

  7   j'espère pouvoir m'exprimer de manière bien ciblée en l'espace d'une heure,

  8   une heure et demie, et essayer d'évoquer les contributions les plus

  9   importantes du général Tolimir.

 10   Alors, à partir du 13 juillet jusqu'au 16 juillet et même au-delà de ces

 11   dates, la VRS a exécuté de manière sommaire plus de 7 000 hommes et garçons

 12   de Srebrenica. Ce crime horrible a été ordonné Ratko Mladic et Radovan

 13   Karadzic et a été exécuté par des éléments faisant partie de l'état-major

 14   principal, les forces du Corps de la Drina et les forces de plusieurs

 15   brigades du Corps de la Drina. Vous connaissez les noms de l'ensemble de

 16   ces forces et je ne vais pas reprendre leur libellé ici.

 17   L'opération meurtrière, l'entreprise criminelle commune afin de tuer les

 18   hommes et les garçons de Srebrenica, a été organisée et supervisée et elle

 19   a été mise en œuvre par l'administration du renseignement et de sécurité de

 20   l'état-major principal dirigée par le général Tolimir en personne; qui a

 21   été organisée, supervisée et mise en œuvre sur le terrain par son chef de

 22   sécurité, le colonel Beara. Sur le terrain, Beara s'est fait aider par le

 23   chef du renseignement, le colonel Salapura, et par l'officier colonel

 24   Jankovic. La sécurité de l'état-major a travaillé de manière très étroite

 25   avec la branche chargée de la sécurité du Corps de la Drina, en particulier

 26   avec le colonel Vujadin Popovic, de concert avec les unités de sécurité des

 27   Brigades de Bratunac et Zvornik, Drago Nikolic et Milorad Trbic de Zvornik.

 28   L'opération meurtrière a été conduite et mise en œuvre avec une discipline


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  1   exceptionnelle, organisation et efficacité exceptionnelles. En quatre

  2   jours, la VRS a tué une partie énorme de la population serbe, à savoir ses

  3   hommes et ses garçons. Et cela a été en grande partie due à l'expérience, à

  4   l'efficacité et à la brutalité de la branche de sécurité ainsi qu'à leur

  5   travail de concert avec les commandants qui ont exécuté cela. Le général

  6   Tolimir doit être tenu responsable puisqu'il était à la tête de ce groupe

  7   meurtrier.

  8   L'opération a été menée dans la tradition du commandement militaire

  9   conformément aux principes de la VRS et la chaîne de commandement a été

 10   strictement respectée. Sans qu'il y ait eu ces organisations militaires

 11   travaillant de concert comme ils l'ont fait pendant toute la guerre, sans

 12   qu'il y ait eu cette discipline et cette chaîne de commandement solide, la

 13   VRS n'aurait pas pu tuer plus de 7 000 hommes et garçons musulmans en

 14   quatre jours seulement. Il y a eu respect de la chaîne de commandement et

 15   de la discipline militaire, et c'est ce qui a permis la commission de ce

 16   crime terrible d'une manière aussi rapide et efficace. Le fait que la VRS

 17   est restée disciplinée et organisée et qu'elle a respecté les procédures de

 18   la chaîne de commandement est le fondement essentiel à la lumière duquel

 19   les éléments doivent être examinés. Cela ne remet pas en cause l'obligation

 20   qui est celle de l'Accusation de démontrer au-delà de tout doute

 21   raisonnable les contributions du général Tolimir. Mais à partir du moment

 22   où nous aurons vu comment cela a fonctionné, comment les gens ont exécuté

 23   leurs tâches, cela vous montrera que les fondements sont très solides, qui

 24   vous permettront d'examiner l'ensemble des éléments de preuve.

 25   Bien entendu, la Défense sait parfaitement que cette chaîne de

 26   commandement qui fonctionnait bien, en fait, mine leur argument --

 27   l'argument de la Défense, et il montre bien qu'ils doivent attaquer cela.

 28   Donc, premièrement, et c'est ce qu'ils font lorsqu'il cite M. Butler, qui


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  1   précise la position de manière très claire. Le 8 juillet, il dit :

  2   "Le fait que les militaires ont reçu un ordre d'exécuter une

  3   opération illégale ne signifie pas qu'ils vont le faire de manière qui ne

  4   soit pas militaire. Une organisation militaire est exactement cela, c'est

  5   une organisation. Elle respecte une structure et une hiérarchie bien

  6   définie."

  7   Et puis, il continue :

  8   "Indépendamment de leur participation à des actes illégaux, ceux dont

  9   le commandant a besoin sont en fait des professionnels militaires, des

 10   militaires de carrière, qui sont capables de déployer certaines activités

 11   dans le cadre d'une organisation militaire."

 12   Et puis, dans la suite, M. Butler a expliqué la responsabilité du

 13   général Tolimir et celle de l'état-major dans l'exécution de leurs tâches

 14   et a établi un lien entre cela et les crimes, comme nous l'avons fait dans

 15   notre mémoire. La Défense conteste la déposition de M. Butler et dit que

 16   cela ne s'est pas produit.

 17   Dans leur mémoire, ils disent que pour que la VRS ait commis un

 18   meurtre en masse, eh bien, normalement il y aurait eu normalement un écart

 19   par rapport à leur pratique au niveau de la chaîne de commandement. Eh

 20   bien, ils disent qu'aucun écart n'a été démontré; et honnêtement, je dois

 21   dire que nous non plus, nous ne constatons pas l'existence d'écart. Ce

 22   n'est pas ce que prouvent les éléments de preuve. Et c'est la raison pour

 23   laquelle nous avons passé autant de temps à nous pencher sur la procédure,

 24   le règlement, les documents, pour que vous voyiez que cela a fonctionné

 25   comme cela devait fonctionner.

 26   Le seul écart que nous voyons, c'est qu'au lieu de s'occuper des

 27   prisonniers qui ont été placés entre leurs mains comme ils auraient dû, en

 28   garantissant la sécurité en les transportant au camp de prisonniers de


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  1   Batkovic, ils les ont livrés aux sites d'exécution d'Orahovac et Petkovic

  2   ainsi qu'à d'autres endroits où ils ont été sommairement exécutés par les

  3   pelotons d'exécution, de manière systématique et organisée.

  4   Alors, la seule chose que la Défense nous dit là-dessus, c'est que le

  5   général Tolimir s'est trouvé à Zepa à ce moment-là. Mais cela ne constitue

  6   absolument pas un écart. Peut-être est-ce que cela devrait nous permettre

  7   d'en déduire que puisqu'il était à Zepa, d'une certaine manière il n'a pas

  8   participé à l'événement. Mais bien sûr, vous savez que Zepa se situe sur le

  9   territoire de la zone de responsabilité du Corps de la Drina, très près et

 10   très lié aux événements de Srebrenica. Le général Tolimir, pendant toute la

 11   durée de son séjour là-bas, était autant en charge qu'il pouvait l'être.

 12   Donc, de toute évidence, il était responsable des événements qui étaient en

 13   train de se dérouler an sein de l'état-major, et sa responsabilité est tout

 14   à fait claire pendant qu'il est à Zepa. Donc, dire simplement qu'il se

 15   trouve à Zepa ne constitue pas une véritable défense. Et dire qu'il ne

 16   participe pas aux événements de Srebrenica représente de manière erronée,

 17   tout simplement, les faits. Bien entendu, et nous allons le voir, il écrit

 18   constamment, il formule des propositions au sujet des événements de

 19   Srebrenica et des prisonniers et il reçoit des informations là-dessus

 20   pendant qu'il est là.

 21   Peut-être qu'il y a une autre défense que nous n'avons pas

 22   véritablement entendue, à savoir que, d'une certaine manière, Tolimir

 23   aurait été écarté par Mladic pour une raison ou une autre. Mais nous ne

 24   savons pas pourquoi. Tout ce que nous savons, c'est que c'était un stratège

 25   brillant, quelqu'un qui était très appliqué, qui connaissait son travail

 26   mieux que tout autre. Et l'opération meurtrière de Srebrenica était un des

 27   aspects les plus importants de cette guerre, donc quelque chose qui pouvait

 28   modifier la nature de cette guerre. Donc Mladic avait besoin de son


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  1   meilleur élément pour prendre part à cela. Pourquoi est-ce qu'il aurait

  2   écarté Tolimir ? D'ailleurs, ils ne le disent pas. C'est ce que je propose

  3   comme une défense possible. Mais il n'y a pas de raison qu'il ait fait

  4   cela.

  5   Et puis, il serait un homme intègre, un croyant; est-ce que c'est

  6   cela qui l'empêcherait de prendre part à des meurtres en masse et est-ce

  7   que c'est pour cela qu'il aurait été écarté ? Cela n'est dit nulle part.

  8   Mais nous avons un document qui réfute cette défense éventuelle et il porte

  9   sur la responsabilité criminelle. C'est un document qui a été rédigé par le

 10   général Tolimir et qui nous montre jusqu'où il est prêt à s'engager. P488

 11   est la cote de cette pièce à conviction. C'est un des rares documents que

 12   je vais vous inviter à examiner.

 13   C'est le document qui porte la date du 21 juillet 1995. Nous sommes

 14   au milieu de l'attaque contre Zepa, quelques jours avant que la population

 15   de Zepa ne soit forcée à partir. Les forces de Zepa se défendent, résistent

 16   dans ce terrain assez phénoménal - vous l'avez vu - très accidenté. Il est

 17   très difficile d'accès pour la VRS. Il est stationné près de Rogatica à ce

 18   moment, près de la Brigade de Rogatica, et c'est de là que Tolimir envoie

 19   cette proposition en personne au général Miletic, qui est le chef des

 20   opérations et qui, de toute évidence, est capable de communiquer avec

 21   Mladic et les autres.

 22   Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, vous pencher sur les trois

 23   premiers paragraphes, où nous n'avons que l'information. Et puis, Tolimir

 24   continue en disant :

 25   "Nous pensons que ça nous serait plus favorable d'engager des

 26   négociations directes après avoir infligé des pertes aux militaires dans

 27   les rangs ennemis. Nous exigeons de disposer de moyens pour écraser la

 28   défense de l'ennemi dans les secteurs de Brezova, Ravna et Purtici."


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  1   Des négociations d'un point de vue de la puissance militaire, c'est

  2   tout à fait correct. Et puis, dans la suite, il dit :

  3   "La meilleure façon de les détruire serait de se servir d'armes

  4   chimiques ou de grenades et de bombes air-sol." Et puis ça continue :

  5   "Jusqu'à la chute de Zepa et la reddition des Musulmans."

  6   Alors, nous avons beaucoup parlé de ces armes chimiques. Nous savons qu'il

  7   s'agit de gaz lacrymogène qui peut être utilisé contre les forces. Mais ce

  8   n'est pas véritablement de cela que je voudrais parler et qui me préoccupe.

  9   Il est prêt à utiliser des explosifs qui explosent dans l'air et qui

 10   peuvent forcer les gens à quitter ces zones, si vous vous rappelez la

 11   déposition de M. Butler. Et il dit que ce serait la meilleure façon, en

 12   fait, de battre cette armée.

 13   Et puis, nous arrivons à cette partie qui m'intéresse : 

 14   "Nous pensons que nous pourrions forcer les Musulmans à se rendre plus

 15   rapidement si on détruisait des groupes de réfugiés musulmans qui

 16   s'enfuient depuis Stublic, Radava et Brloska Planina."

 17   Donc ce qu'il fait valoir ici, c'est que les réfugiés, des civils,

 18   devraient être détruits afin que l'armée se rende plus rapidement. Donc

 19   c'est une proposition criminelle froidement calculée et mal intentionnée,

 20   vicieuse. Et là, nous n'avons pas de problème de traduction. J'ai demandé

 21   au général Obradovic ce qu'il en est, et il a dit qu'il a été question de

 22   cela, d'attaques contre des civils, donc. Et pour la première fois, à ce

 23   moment-là, il a dit que c'était peut-être une désinformation. Que ça

 24   pouvait faire partie d'une campagne de désinformation afin de faire peur à

 25   l'ennemi. Et que cela n'a pas pu se faire parce qu'il a été question, donc,

 26   de ces armes chimiques et que le général Krstic en a été informé

 27   directement. Donc c'est un document réel. Le général Tolimir n'a pas adopté

 28   cette idée comme quoi il s'agissait d'une désinformation. Donc il n'y a


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  1   rien qui nous permet de penser qu'il s'agit d'une désinformation.

  2   Simplement, le général Tolimir fait ce qu'il pense être nécessaire afin

  3   d'atteindre l'objectif, donc battre les Musulmans et faire sortir la

  4   population de Zepa. Donc il est prêt à faire ce que Mladic lui demande de

  5   faire et il est prêt à déployer les moyens qu'il faut pour le faire.

  6   Une des raisons que nous soyons ici, c'est qu'il s'agit du XXe

  7   siècle, de civils qui sont pris pour cible à une grande échelle et que

  8   c'était une pratique généralement répandue qui a été déployée pour

  9   assujettir des pays entiers. Et le général Tolimir a essayé de faire cela.

 10   Je ne sais pas si cela a eu lieu. Je ne sais pas s'il y a eu des obus qui

 11   sont tombés sur des civils là-bas, mais le fait est qu'il est capable de

 12   prendre pour cible les civils, des femmes, des enfants, et que cela nous

 13   montre clairement qu'il est capable de se mettre à la tête d'une opération

 14   meurtrière cherchant à tuer des hommes valides de Srebrenica. Il n'y a rien

 15   qui nous permet de penser que Tolimir a agi en dehors de la chaîne de

 16   commandement. C'est l'homme qui va se charger que le travail soit fait. Il

 17   va adopter des moyens lui permettant d'arriver à cela.

 18   Alors, voyons maintenant les détails de sa participation. Donc nous

 19   avons des moyens militaires, diplomatiques, académiques, juridiques ou tout

 20   autres qui doivent être mis en action dans des situations de crise où la

 21   planification et la prise de décision peuvent être très importantes, des

 22   moments très intenses de ces activités-là; et c'est là que la communication

 23   s'avère vitale, à des moments comme ça. Et c'est aussi ce que nous voyons,

 24   à savoir des moments critiques où la VRS pourrait connaître des moments de

 25   faiblesse. Alors, j'ai partagé l'espèce en dix phases de manière un peu

 26   approximative de manière chronologique, et je vais aborder chacune de ces

 27   phases sous l'angle de la participation du général Tolimir, respectivement.

 28   Donc la première phase est celle du 11 et 12 juillet, lorsque nous


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  1   avons la possibilité de la VRS de capturer un très grand nombre de

  2   Musulmans, hommes et garçons, de Potocari, et puis cette même situation le

  3   12 juillet, donc, de capturer les Musulmans qui prennent la fuite dans les

  4   bois. Alors, est-ce que le général Tolimir participe à cette phase

  5   importante avant la décision de tuer les hommes de Potocari ? Donc,

  6   premièrement, voyons quelles sont les responsabilités qu'entraîne son

  7   poste. Capturer de grandes quantités de prisonniers, les interroger,

  8   s'occuper d'eux, les transporter en toute sécurité, est-ce que c'est

  9   quelque chose qui correspond à la description de ses fonctions ? Bien sûr

 10   que si. Et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes occupés autant de

 11   la police militaire, les questions de sécurité, la responsabilité de la

 12   police militaire. Nous avons vu des documents de Popovic, de Beara, même

 13   Tolimir sur la police militaire.

 14   Et puis, aussi, nous avons passé beaucoup de temps avec M. Butler là-

 15   dessus. Donc, non seulement cela fait partie de son poste jusqu'au 11

 16   juillet 1995, en fait, il ne fait que ça pour un très grand nombre de

 17   prisonniers potentiels. Donc c'est tout à fait normal qu'il y participe.

 18   Donc, que fait-il ?

 19   En réalité, dans la soirée du 11 juillet, c'est ce que nous savons de

 20   la bouche de Momir Nikolic et de la réalité de la situation, nous savons

 21   que des milliers de Musulmans valides pouvaient être vus depuis les

 22   positions de la VRS. Et le long du renseignement, c'est quelque chose dont

 23   on informe. Alors, ce sont des hommes qui, par la suite, deux jours après,

 24   ont été séparés. Est-ce que Tolimir en a été informé ? Tout à fait. Comment

 25   est-ce que nous le savons ? Nous le savons parce que le 12 juillet, donc le

 26   lendemain, il s'est rendu en voiture jusqu'à Bijeljina où il y a rencontré

 27   Todorovic, l'officier de sécurité du Corps de la Bosnie orientale, et il a

 28   organisé l'accueil de quelque 1 000 à 1 200 prisonniers à Batkovic. Et


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  1   cela, nous l'avons pris de la bouche de Todorovic. Nous le savons également

  2   car le chauffeur de Tolimir nous l'a dit. Donc il est absolument

  3   indubitable qu'à ce moment-là Tolimir était conscient de l'existence de ces

  4   1 000 personnes avant qu'elles ne soient arrêtées et séparées.

  5   Et puis, le 12 toujours, nous savons que l'armée et les civils se

  6   sont enfuis en passant par les bois et nous savons que la VRS était

  7   particulièrement bien informée que la plupart d'entre eux se dirigeaient

  8   vers Cerska pour ensuite se rendre vers Tuzla. Est-ce que le général

  9   Tolimir le savait ? Eh bien, tout à fait. Nous le savions, absolument. Nous

 10   le savons parce qu'il revient. Il revient de Bijeljina pendant la soirée du

 11   12, il s'arrête à Vlasenica, le QG du Corps de la Drina, c'est ce que nous

 12   a dit son chauffeur. Et nous avons vu deux documents rédigés par Tolimir

 13   qui émanent du QG. Dans ces deux documents, il est question de ces groupes

 14   qui ont pris la fuite. Et il dit, et je cite, dans le premier qui fait

 15   l'objet de la pièce P02203, voilà ce qui est écrit :

 16   "Empêcher les Musulmans armés d'atteindre Tuzla de façon illicite et

 17   donner l'ordre de les arrêter."

 18   Bien entendu qu'il fallait qu'ils prennent des prisonniers.

 19   Dans l'autre document qu'il envoie, qui fait l'objet de la pièce D64,

 20   il parle du même sujet, et voilà ce qu'il dit, je cite :

 21   "Empêcher le retrait des soldats ennemis," et puis ensuite, à la

 22   ligne suivante, "les capturer."

 23   Donc il est absolument et parfaitement informé de la présence de ces

 24   hommes à Potocari, de la présence des hommes dans les bois. Il sait qui a

 25   été capturé et qui ne l'a pas été à ce moment-là, donc. Et c'est à ce

 26   moment-là que Popovic envoie un rapport au Corps de la Drina pour indiquer

 27   qu'ils les ont détenus, qu'ils ont séparé les hommes, et Tolimir a dû voir

 28   ce document. Et puis, dans le même document que je viens de mentionner,


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  1   nous pouvons voir en fait qu'il est parfaitement informé du fait que les

  2   hommes ont été séparés et gardés ou détendus, parce qu'il est question --

  3   en fait, il parle de la capture d'hommes dans une colonne, et voilà ce qui

  4   est écrit :

  5   "Prenez le nom de tous ces hommes, des hommes en âge de porter les

  6   armes, qui sont évacués à partir de la base de la FORPRONU à Potocari."

  7   Donc cela signifie qu'il était parfaitement conscient du fait que les

  8   hommes étaient séparés et qu'ils avaient été détenus. Il n'y a aucune

  9   raison de consigner les noms de ces hommes s'il s'agit d'hommes qui vont

 10   tout simplement être envoyés à Kladanj. Ca ne sert à rien. Cela n'aurait

 11   servi à rien de consigner leurs noms. Les hommes, donc, s'ils vont à

 12   Kladanj, ils rentrent en Bosnie-Herzégovine, et les noms n'ont plus aucune

 13   signification. Ce n'est que si vous souhaitez garder ces hommes et opérer

 14   un tri pour déterminer leur sort par rapport aux sources de renseignement,

 15   pour déterminer s'il s'agit de criminels de guerre, pour déterminer s'il

 16   s'agit de militaires qui pourront peut-être faire l'objet d'échange. Ce

 17   n'est que dans ce cas-là qu'il faut consigner les noms de ces hommes. Ce

 18   qui m'amène, d'ailleurs, à vous parler de la phase suivante, à savoir ce

 19   qu'il savait des opérations de meurtre, ce qui est une phase critique, en

 20   fait, de mon intervention, car il s'agit de la décision de tuer environ

 21   1 000 hommes musulmans qui se trouvaient à Potocari.

 22   Il n'y a absolument aucun élément de preuve qui a été présenté suivant

 23   lequel le général Tolimir aurait été consulté avant que la décision ne soit

 24   prise. En fait, il a suggéré ou laissé entrevoir qu'il avait demandé que

 25   des listes soient dressées, et cela d'ailleurs ne correspond absolument pas

 26   à l'opération de meurtre, parce que, ainsi, ce qui est créé, c'est les

 27   éléments de preuve relatifs à ce crime, et nous n'avons jamais vu les

 28   listes qui ont été dressées à propos de cette opération de meurtre, à


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  1   l'exception de ce qui s'est passé à Nova Kasaba lorsque Mladic est arrivé

  2   et a mis un terme à cette liste, si vous vous en souvenez. Mais à Potocari,

  3   en présence de Mladic, en présence de Popovic, aucune liste n'a été

  4   établie. Donc c'est une indication que le 12 juillet, Tolimir, en fait, ne

  5   participait pas à cela. Lui, il était en route vers Bijeljina. Et la seule

  6   chose que nous avons apprise de l'expert Ratko Skrbic, qui n'est pas tout à

  7   fait absolument saugrenue, est que pour toute opération il était absolument

  8   essentiel de garder la confidentialité autant que faire se peut pour que

  9   l'opération puisse être couronnée de succès. Donc Mladic et ses hommes se

 10   trouvent à Bratunac. Et ils n'ont pas été en mesure d'arrêter les personnes

 11   qui viennent de Potocari. Je ne pense pas qu'ils aient contacté Tolimir.

 12   Donc nous voyons en fait qu'à ce moment-là il n'y a pas de participation ou

 13   implication de la part de Tolimir. Mais cela est important pour vos

 14   délibérations, il va falloir que vous déterminiez, que vous établissiez si

 15   la décision de tuer ces hommes à Potocari a bel et bien été prise.

 16   Et vous vous souviendrez, en fait, que l'Accusation a toujours indiqué que

 17   cela s'était passé pendant la nuit, tard dans la nuit du 11 juillet, au

 18   moment où Mladic, Krstic, Zivanovic et Popovic se trouvaient ensemble à

 19   l'hôtel Fontana, c'est là qu'ils ont appris la présence de ces hommes. Et

 20   avant la réunion de 10 heures, Mladic a annoncé qu'un tri serait opéré pour

 21   ce qui était des hommes dont l'âge était compris entre 16 et 70 ans qui se

 22   trouvaient à Potocari. Donc, lors de la réunion à 10 heures du matin,

 23   lorsque Mladic indique que les hommes dont l'âge est compris entre 16 et 70

 24   ans doivent faire l'objet d'un tri, Mladic a pris une décision à propos du

 25   sort de ces hommes.

 26   Et quelle était cette décision ? Eh bien, si nous nous rappelons la

 27   déposition de Momir Nikolic, elle est très, très claire. Popovic, après la

 28   réunion, lui dit de commencer le processus de séparation, d'identifier les


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  1   zones où ces hommes pourront être tués. Nikolic donne le nom de Ciglane, la

  2   briquerie [phon], et il y a également la mine de Sase. Momir Nikolic, il y

  3   a eu donc un accord de plaidoyer à propos de ces événements. Il faut savoir

  4   en fait que cela est important, car il faut que cela soit corroboré pour

  5   que vous puissiez, vous, utiliser ces éléments pour vos délibérations. Mais

  6   pour corroborer ces éléments de preuve, vous pouvez prendre en

  7   considération tous les éléments de preuve. Il y a une chose qu'il ne faut

  8   pas oublier de prendre en considération, c'est la briquerie de Ciglane.

  9   Regardez et prenez en considération le témoignage de Deronjic, car d'après

 10   ce qu'il nous a dit, c'est là où Beara a essayé de tuer des personnes. Donc

 11   il n'est pas fortuit que Beara ait utilisé la briquerie et que Momir

 12   Nikolic a entendu dire qu'il a fallu qu'il utilise la briquerie.

 13   Puis, quatrièmement, il y a un autre facteur qui va vous permettre de

 14   déterminer quand l'opération de meurtre a eu lieu, c'est le moment où

 15   Mladic indique qu'il va opérer un tri pour faire un choix entre les

 16   criminels de guerre et les hommes. Mais, en fait, Mladic a tout simplement

 17   menti. Il n'y a pas de tri qui est opéré, en tout cas pas de tri important.

 18   Ils n'ont même pas essayé de conserver les cartes d'identité. Les cartes

 19   d'identité ont été amoncelées puis ensuite brûlées. Si vous voulez opérer

 20   un tri, vous devez obtenir les cartes d'identité des hommes en question

 21   pour pouvoir identifier les hommes qui vous intéressent et ceux qui vont

 22   être libérés. Une fois qu'ils se rendent à Batkovic, leur nom va être pris

 23   par le CICR, et ensuite vous allez perdre la trace de ces hommes. Donc, si

 24   vous voulez véritablement opérer un tri et utiliser cela -- c'est

 25   probablement la même chose, d'ailleurs, qui s'est passé à Palic. Mais

 26   encore faut-il dresser des listes, interroger les personnes. Rien de tout

 27   cela ne s'est passé, ou en tout cas pas de façon importante. C'est un

 28   facteur qu'il va falloir que vous utilisiez et qui prouve en fait qu'il y


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  1   ait eu opération de meurtre et que cela a été décidé lors de l'après-midi

  2   du 12 juillet parce que nous n'avons pas vu de tri. Et qui plus est, ces

  3   hommes ont été traités moins bien que des animaux. Ils avaient à peine à

  4   boire, juste les quantités suffisantes pour ne pas mourir. Aucune

  5   nourriture, pas de premiers soins. Ils ont été détenus dans des conditions

  6   absolument atroces. Leur sort a été pire que celui d'animaux, car personne

  7   ne traiterait un animal de cette façon. Très, très visiblement, ils avaient

  8   déterminé que le sort qui leur était réservé était la mort.

  9   Alors, ce qui nous amène à la phase critique suivante. Le 13 juillet, des

 10   milliers de prisonniers, au moins 1 000, se trouvent sur la route qui va

 11   vers Kasaba le matin. Il y a des hommes qui se sont rendus, cela nous le

 12   savons. Est-ce que Tolimir le savait ? Est-ce qu'il le savait comme il le

 13   savait pour tous les groupes de prisonniers ou pour tous les prisonniers

 14   potentiels ? Tout à fait. Et nous le savons, en fait, parce qu'il se trouve

 15   à Zepa le matin du 13, et nous avons un document, un document qui est

 16   maintenant devenu assez célèbre, il s'agit du document P125. C'est le

 17   document qui a été rédigé par Savcic, où il est question d'une proposition

 18   faite par le général Tolimir --

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey, je pense que ce

 20   document est un document confidentiel, et je ne pense pas qu'il faille

 21   diffuser -- ah non, non, excusez-moi, c'est une erreur de ma part. Non,

 22   non, non. Je vous ai induit en erreur. Poursuivez.

 23   M. McCLOSKEY : [interprétation] Mais je vous remercie d'être aussi prudent.

 24   Je disais donc, au sujet de ce document, que depuis le début la Défense a

 25   contesté l'authenticité de ce document. La Défense a avancé qu'il

 26   s'agissait d'un faux. Ils l'ont dit dans leur mémoire préalable au procès,

 27   ils l'ont répété pendant le procès. Ils l'ont répété et réitéré dans leur

 28   mémoire en clôture. Ils avancent qu'il s'agit d'un faux. Mais voyons ce


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  1   dont il s'agit. Nous savons d'après le témoignage du général Savcic que lui

  2   ainsi que M. Tolimir se trouvaient à Borike ce matin-là et qu'ils ont parlé

  3   avec Malinic à propos de qui se trouvait à Kasaba. Nous avons des

  4   conversations interceptées à ce sujet, et il y a eu une discussion entre

  5   Tolimir et Savcic. En dépit du fait que pour Zepa ils vont commencer le 14,

  6   et Tolimir est absolument informé, nous avons reçu des informations

  7   détaillées à ce sujet. Nous en sommes conscients de cela, nous en sommes

  8   informés. Alors, lorsque vous voyez un document de M. Tolimir, n'oublions

  9   pas qu'il s'agit d'informations de base qu'il a reçues. Il ne s'agit pas de

 10   documents qui sont envoyés seulement dans un seul sens. Mais les

 11   informations dont il dispose. Regardons la proposition. Elle est destinée

 12   au commandant de l'état-major principal, M. Mladic, et à titre

 13   d'information, elle est également destinée au général Gvero et au

 14   commandant de la Police militaire qui était Malinic. Il est intitulé

 15   "ordre". Donc il s'agit d'un ordre. Et il s'agit en fait d'éléments

 16   factuels à propos des milliers de membres de l'ancienne 28e Division qui se

 17   trouve dans la zone de Kasaba et qui sont placés sous le contrôle du

 18   bataillon de la Police militaire du 65e Bataillon de l'état-major

 19   principal. Et voilà ce que Savcic dit, et je cite :

 20   "Le commandant assistant chargé de la sécurité et du renseignement de la

 21   VRS propose les mesures suivantes…"

 22   Vous avez ensuite quatre propositions, qui sont toutes considérées comme

 23   extrêmement confidentielles, donc il est tout à fait normal d'ailleurs de

 24   dissimuler une opération qui est en cours. Mais ce qui est considéré comme

 25   anormal, c'est justement la quatrième proposition, je cite :

 26   "A partir du moment où le commandant du Bataillon de la Police militaire

 27   reçoit cet ordre, il contactera le général Miletic et il recevra de sa part

 28   des ordres supplémentaires et vérifiera si la proposition a été approuvée


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  1   par le commandant de l'état-major" -- ah non, excusez-moi, je voulais vous

  2   citer la troisième proposition. Je cite à nouveau :

  3   "Le commandant du Bataillon de la Police militaire prendra les mesures

  4   nécessaires pour ôter de la route qui relie Milici à Zvornik les

  5   prisonniers de guerre pour les placer à l'intérieur des bâtiments dans une

  6   zone protégée de toute observation à partir du sol ou de l'air."

  7   Alors, ce que nous dit Savcic, c'est qu'en fait les seules personnes qui

  8   avaient accès par voie aérienne à ce moment-là pendant la journée c'était

  9   l'OTAN. Donc il s'agit d'une tentative absolument délibérée pour dissimuler

 10   ces grands nombres de prisonniers à l'OTAN. Et pourquoi est-ce qu'ils

 11   souhaitaient le faire ? Mladic a indiqué à Nesib Mandzic un peu plus tôt

 12   qu'il avait le choix : qu'ils avaient le choix de se rendre s'ils voulaient

 13   survivre; sinon, ils allaient être exterminés ou disparaître. Et cela est

 14   tout à fait conforme à l'ordre de Mladic de les faire disparaître. Nous

 15   avons demandé à Savcic de nous fournir une interprétation de ce document.

 16   Il n'a pas dit qu'il s'agissait d'un document authentique, il n'a pas dit

 17   qu'il ne l'était pas non plus. Mais dans un premier temps, il a fourni

 18   cette explication : Eh bien, nous étions préoccupés parce que nous nous

 19   demandions ce que l'OTAN aurait pensé de ce grand groupe de personnes,

 20   qu'ils auraient pensé en fait qu'il s'agissait de Serbes et les aurait

 21   bombardés. C'est tout à fait absurde parce que le général Savcic savait

 22   pertinemment qu'il s'agissait d'un document à charge, et lorsqu'on lui pose

 23   des questions, il essaie de dissimuler la vérité. C'est exactement ce que

 24   le général Tolimir a essayé de faire lorsqu'il indique qu'il s'agit d'un

 25   faux. Car s'il s'agit tout simplement d'un document dans lequel il est

 26   question de garder des secrets militaires, pourquoi est-ce que cela n'a pas

 27   été dit plus tôt et fréquemment par Savcic, par Tolimir, par toute autre

 28   personne ? Mais ce n'est pas le cas. La seule chose que nous avons dans


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  1   leur mémoire de clôture, c'est : si vous ne pensez pas qu'il s'agit d'un

  2   faux, de toute façon ce document n'a aucun sens et n'a aucune

  3   signification. Il n'y a absolument rien à reprocher à ce document. Vous ne

  4   pouvez pas réitérer à maintes reprises qu'un document est un faux pour

  5   ensuite faire fi d'un élément de preuve capital du soldat Danko Gojkovic,

  6   qui a reconnu son écriture et qui a bien dit que c'était le type de

  7   document qu'il envoyait. Nous avons trouvé un autre document dans ce jeu de

  8   documents qui avait été dactylographié par la même machine à écrire. Donc

  9   il se trouve que quelqu'un a fabriqué deux faux documents et les a placés

 10   dans les [imperceptible] des documents du Corps de la Drina pour que,

 11   finalement, nous nous rendions compte qu'il s'agit bel et bien de faux.

 12   C'est tout à fait absurde, et cela est tout à fait conforme aux théories du

 13   complot et d'allégations erronées avancées à maintes reprises par la

 14   Défense.

 15   Ce document, donc, est une proposition, il est une contribution importante

 16   à l'opération de meurtre, il s'agit de garder le secret, et tous les

 17   facteurs, en fait, convergent vers cette conclusion.

 18   Alors, vous vous souviendrez peut-être de ce que Butler a indiqué à propos

 19   de l'ordre émanant de Savcic. Alors, vous avez maintenant les quatre

 20   propositions de M. Tolimir. Je viens de vous donner lecture de la troisième

 21   proposition. De toute façon, comme nous l'a dit M. Butler, ce document

 22   correspond à un effort conjoint de M. Tolimir et de M. Savcic dont le but

 23   était de cacher ces prisonniers dans le cadre de l'opération de meurtre.

 24   Fort bien. Nous avons la deuxième contribution connue du général Tolimir.

 25   Le 13, ou peut-être le 14, car en fait c'est le moment où Tolimir se rend à

 26   Bijeljina pour les préparer à recevoir quelque 1 000 à 1 200 prisonniers,

 27   et Todorovic appelle Tolimir et lui dit : Mais où sont ces personnes ? Dans

 28   un premier temps, il nous dit cela 24 heures après que Tolimir ait pris des


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  1   dispositions. Etant donné que Tolimir a pris ces dispositions le 12, ou

  2   peut-être le 13, donc cela nous donne la date du 13 ou du 14. Mais il est

  3   aussi clair que de l'eau de roche que Tolimir était informé. Il appelle

  4   Tolimir parce que les familles de ces personnes, il y a des membres de

  5   familles serbes qui sont en détention et qui veulent absolument qu'il y ait

  6   un échange de prisonniers. Vous vous souvenez que le commandant Todorovic

  7   est très préoccupé par cela. Mais vous ne prenez pas des mesures pour 1 000

  8   personnes pour ensuite passer quatre jours à vous demander quand est-ce

  9   qu'elles vont arriver. Donc il appelle Tolimir, il parle à Tolimir, et

 10   Tolimir lui dit :

 11   "Mais cela ne va pas se passer. Abandonnez tous les autres préparatifs.

 12   Nous avons abandonné cette idée."

 13   Ce que signifie que le général Tolimir sait que ces prisonniers ne vont

 14   plus se rendre au camp du CICR à Batkovic. Il doit être au courant de

 15   l'opération de meurtre. A ce moment-là, il est au courant de leur sort. Et

 16   souvenez-vous que Todorovic appelle le 13, peut-être le 14, donc - bon, il

 17   a essayé de nous dire que c'est peut-être le 15 - mais Tolimir,

 18   manifestement, savait cela avant que Todorovic ne l'appelle, parce que

 19   Tolimir était la personne qui devait s'occuper de les faire venir à

 20   Batkovic, donc on lui a dit, on l'a informé, il a participé à la prise de

 21   décision qui consistait à ne pas les envoyer à Batkovic. Et si vous vous

 22   souvenez, la décision d'envoyer ces personnes à Zvornik a été prise pendant

 23   l'après-midi ou la soirée du 13 juillet. En fait, le premier groupe s'est

 24   rendu le 13 juillet à Zvornik. Donc, au début de la soirée du 13 juillet,

 25   au moment où la VRS a décidé d'envoyer ces personnes à Zvornik pour

 26   qu'elles y soient exécutées, il est absolument hors de question de penser

 27   qu'ils n'en ont pas parlé au général Tolimir, car cela faisait partie de

 28   ses prérogatives, de sa fonction, de faire en sorte qu'ils arrivent à


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  1   Batkovic. Alors là, nous sommes -- et il sait, on lui a dit qu'ils allaient

  2   être tués à Zvornik. Nous sommes maintenant pendant la soirée du 13

  3   juillet. Il est absolument évident, il n'y aucun doute, que le général

  4   Tolimir était informé, il était toujours en communication avec les uns et

  5   les autres et c'était toujours lui le responsable principal de la sécurité

  6   et du renseignement. Il se trouve à Borike.

  7   Donc, ensuite, vous avez la phase critique suivante. Et cela s'est passé un

  8   peu plus tard ce même soir. D'abord, nous avons donc l'après-midi où ce

  9   millier de personnes arrive. Ensuite, pendant la soirée, d'après les

 10   conversations interceptées de la VRS, il y a quelque 5 000 à 6 000

 11   personnes dans cette zone. Vous vous souvenez qu'ils ont commencé à tuer le

 12   13 juillet dans la rivière Jadar où il y a eu un peloton d'exécution et un

 13   bus rempli de personnes qui est arrivé, les personnes ayant été tuées

 14   d'ailleurs le long de la route. Ce ne sont pas des événements qui se

 15   produisent sans que le commandant soit informé et participe. Plus tard,

 16   vers 5 ou 5 heures et demie, ils tuent quelque 1 000 personnes dans

 17   l'entrepôt de Kravica. Pendant cette soirée-là, il y a quelque 6 000, 5 000

 18   à 6 000, disons, personnes qui doivent être placées à l'intérieur des

 19   bâtiments. Les gens sont morts près de la rivière de Jadar, ils gisent dans

 20   l'entrepôt de Kravica. Est-ce que Tolimir le sait ? Est-ce qu'il sait qu'il

 21   y a des milliers de personnes qui vont arriver ? Mais bien entendu qu'il le

 22   sait. Absolument. Nous le savons nous aussi qu'il le savait.

 23   Et souvenez-vous qu'ils ont essayé de tuer des gens à Jadar, ils ont essayé

 24   -- ou ils ont, plutôt, tué des personnes à Kravica, mais nous avons encore

 25   quelque 6 000 personnes qui se trouvent en chemin. Il y a présence du

 26   Bataillon néerlandais qui essaie toujours d'arriver à Kladanj, et vous avez

 27   Médecins sans frontières, les observateurs militaires des Nations Unies, le

 28   CICR. Ces personnes se trouvent à Bratunac, à Potocari, et là l'attention


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  1   du monde est concentrée sur cette zone. Bon, ils ont 5 000 personnes. Ils

  2   doivent les faire sortir. Cela, nous le voyons. Et Deronjic a essayé, en

  3   fait, de les arrêter. Beara -- souvenez-vous, par exemple, de la

  4   conversation interceptée entre Deronjic et Karadzic, où Karadzic lui dit :

  5   Mais il faut faire sortir ces personnes qui se trouvent dans les entrepôts.

  6   Il est évident et manifeste qu'ils parlent de milliers de personnes. Et

  7   puis, finalement, ils décident, au moment où Beara envoie Momir à Zvornik,

  8   de les faire aller à Zvornik. Et là, Tolimir également est partie prenante

  9   de cette décision critique sur le sort à accorder à ces quelque 6 000

 10   personnes qui sont en vie, qui sont encore en vie parce qu'ils ne peuvent

 11   pas tous les tuer à Bratunac ? Et bien sûr qu'il est informé, bien sûr

 12   qu'il est au courant. Il est absolument informé du moindre déplacement de

 13   ces prisonniers, et nous le savons. D'ailleurs, la Défense l'a accepté,

 14   cela. J'en veux pour preuve le document que je vous montre maintenant.

 15   Il s'agit d'un document que je ne pense pas que vous ayez déjà vu.

 16   C'est un document du 13 juillet, en fin de soirée. C'est un document --

 17   vous vous souviendrez peut-être de l'officier de sécurité de Rogatica,

 18   Carkic, qui dit en fait que Tolimir lui a dicté certaines consignes. Et

 19   cela, ils ne peuvent pas l'appeler un faux. Il s'agit de la proposition de

 20   Tolimir de déplacer quelque 800 personnes de la zone de Kasaba vers Sjemec

 21   pour que ces personnes puissent se livrer à des travaux agricoles. Vous

 22   avez entendu l'officier chargé de la logistique, M. Radzulac [phon], qui

 23   disait qu'il n'y avait pas de travaux agricoles dans cette zone, en tout

 24   cas il n'y avait pas à faire à ce moment-là. C'était tout simplement une

 25   tentative de la part de Tolimir qui essaie de dissimuler, ce qu'il a fait

 26   très fréquemment. Vous avez vu de nombreux documents. Je reviendrai sur le

 27   fameux document du mois de septembre où il critique la VRS qui n'a pas fait

 28   suffisamment de prisonniers, alors qu'il sait pertinemment que tous les


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  1   prisonniers ont déjà été détenus par le Corps de la Drina. Il fait fi des

  2   conventions de Genève. En fait, il utilise sa fonction de sécurité interne

  3   pour essayer de dissimuler ses véritables intentions qui consistaient à

  4   déplacer dans le plus grand secret ces gens vers Rogatica pour essayer de

  5   faire en sorte qu'il y ait moins de personnes qui se rendent à Bratunac et

  6   à Zvornik. En fait, ce document, il est adressé personnellement à Gvero. Et

  7   souvenez-vous qu'à ce moment-là, près de la rivière Jadar, il y a beaucoup

  8   de morts, et à Kravica, il y a déjà beaucoup de morts. Il y a probablement

  9   une centaine de personnes qui sont mortes autour de l'école Vuk Karadzic.

 10   Et qui exécute tout cela ? Beara, Salapura, Jankovic, Popovic, tous les

 11   responsables de la sécurité.

 12   Donc nous sommes toujours le 13 juillet, en fin de soirée, moment où

 13   Tolimir a envoyé ce document, et là il est tout à fait partie prenante. Et

 14   je ne serais pas surpris, d'ailleurs, si un de ces jours nous trouvions un

 15   charnier dans cet endroit, mais nous n'avons pas, en fait, d'éléments de

 16   preuve que cette proposition a été exécutée. Mais cela fait partie du plan.

 17   Cela a fait partie du plan avec des officiers supérieurs qui font des

 18   propositions de faire certaines choses, cela s'inscrit tout à fait dans le

 19   cadre de leur plan et de l'opération de meurtre. Alors, que ces 800

 20   personnes aient été tuées ou non, je suppose qu'il sait en fait que les

 21   autres vont être tuées. Et toutes les 800 personnes vont être exécutées.

 22   Alors, bien entendu qu'il est informé, bien entendu qu'il est partie

 23   prenante, et il écrit à ce sujet et il reçoit des informations.

 24   Alors, quelle fut l'explication de la Défense à ce sujet : En fait,

 25   il faisait tout simplement des efforts pour essayer de les loger. Vous avez

 26   vu ce qui s'est passé à Kravica alors que ces gens ont vécu dans des

 27   conditions qui n'étaient même pas dignes d'animaux. C'est justement

 28   l'endroit où ils ont été entassés et massacrés. Tolimir obtient des


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  1   renseignements de Carkic ou du commandant. Et voilà ce qu'il dit dans son

  2   mémoire : Mais non, il y a des maisons le long de cette route. Est-ce que

  3   800 personnes vont pouvoir être logées dans ces maisons ? Mais c'est tout à

  4   fait absurde. Je suis même surpris qu'ils aient tenté de présenter cette

  5   suggestion.

  6   Il y a une autre -- ou plutôt, la phase critique suivante, donc. Il y

  7   avait donc la soirée du 13 avec la décision qui a été prise, tout le monde

  8   va se rendre à Zvornik. Et puis, le lendemain. Le lendemain, nous avons

  9   l'attaque de Zepa. C'est la première journée de l'attaque contre Zepa. Et

 10   Tolimir est présent. Il était à Borike, il a tout supervisé. Tolimir n'est

 11   pas un commandant de combat, personne n'a jamais d'ailleurs avancé cela,

 12   mais il est présent. Quelle est la première mesure qu'il prend ? Est-ce que

 13   cela a quoi que ce soit à voir avec Zepa ? Absolument pas, mais plutôt avec

 14   Srebrenica. Il s'agit de la pièce P124. C'est un document qu'il a envoyé au

 15   Corps de la Drina, dans lequel il dit : Nous avons reçu des informations

 16   suivant lesquelles des avions sont en train de survoler les enclaves de

 17   Srebrenica, Zepa et Gorazde. Ensuite, je voudrais vous présenter la pièce

 18   P128, qu'il envoie à la Brigade de Bratunac et de Zvornik, à toutes les

 19   brigades du Corps de la Drina. Il s'agit d'un ordre pour tirer sur cet

 20   avion dont il était question auparavant.

 21   Que se passe-t-il autour de Srebrenica le matin du 14, que savait Tolimir ?

 22   Du point de vue militaire, nous savons que la Brigade de Bratunac est dans

 23   les bois, qu'elle essaie d'assainir le terrain, de nettoyer, d'y trouver

 24   les Musulmans qui trouvent encore. Mais est-ce que cela peut vu à partir

 25   des airs ? Non, absolument pas. Les hommes sont en fuite et courent dans

 26   les bois. Mais ce qui se passe -- il y a autre chose qui se passe, il y a

 27   un énorme convoi de 5 à 6 000 hommes qui se prépare à partir vers Bratunac

 28   le matin du 14. Et le matin du 14, ils ont achevé les personnes qui se


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  1   trouvaient dans l'entrepôt de Kravica, ils y ont emmené des bulldozers, ils

  2   ont écrasé les restes de ces personnes et ils en ont fait un gras tas à

  3   Glogova. Vous l'avez vu vous-même, vous avez vu en tout cas, plutôt, que

  4   cela pouvait être vu à partir des airs. Et, bien entendu, nous savons que

  5   cela se passe à Zvornik ce jour-là à Orahovac. C'est l'ordre de Tolimir que

  6   de tirer sur cet avion, parce qu'il sait qu'il y a eu ces meurtres. Et en

  7   dépit du fait qu'il s'agit de la première journée de l'attaque contre Zepa,

  8   il est encore complètement concentré sur Srebrenica, car, en fait, cela

  9   n'est que la pointe de l'iceberg. Quels sont les autres renseignements

 10   qu'il arrive à obtenir ?

 11   Alors, au cours de cette période qui -- je dois simplement vous rappeler

 12   qu'il s'agit d'une période cruciale puisqu'il s'agissait en fait d'exécuter

 13   et d'enterrer des milliers de prisonniers le plus rapidement possible entre

 14   le 14 et le 16 juillet. Il donne un ordre, mais on n'entend pas grand-chose

 15   de lui après cela. Mais nous savons que Beara et Popovic, toute l'antenne

 16   chargée de la sécurité ainsi que Salapura, organisent et mettent en œuvre

 17   les opérations de meurtre à Zvornik, Orahovac et Petkovci au cours de cette

 18   période. Il existe un document que je ne vais pas à présent vous présenter.

 19   C'est une pièce à conviction en l'espèce qui montre tout le personnel qui

 20   travaillait pour les différentes antennes chargées de la sécurité qui ont

 21   commis des crimes, et Beara dirige ces opérations depuis la Brigade de

 22   Zvornik au QG de Zvornik. Il y a Nikolic, il y a Trbic et Popovic, et il y

 23   a Tolimir qui est à la tête de tout ceci à Zepa.

 24   L'autre élément auquel je ne vais pas consacrer beaucoup de temps, le 14

 25   Tolimir est aux transmissions, et nous savons d'après les éléments de

 26   preuve que dès le 14 juillet, Salapura a rappelé l'officier de permanence

 27   et a laissé un message que Drago et Beara devaient rendre compte à Golic.

 28   Nous savons qui est Drago et nous savons qui est Beara. Pavle Golic était


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  1   chargé des transmissions de l'opération de Vlasenica. Et Salapura ne

  2   pouvait pas transmettre des messages à Beara sans que Salapura n'ait été

  3   impliqué dans les opérations de meurtre. Beara et Drago, nous savons pour

  4   sûr qui ils sont. Et les renseignements se focalisent sur Golic à la

  5   Brigade du Corps de Drina, qui est envoyé par la suite à l'état-major

  6   général, et Tolimir a accès aux informations ou aux renseignements fournis

  7   à l'état-major général tout le temps. Ceci est tout à fait clair. Il y a

  8   beaucoup de ces éléments qui ont été envoyés.

  9   Salapura dit ne pas se souvenir de cet appel, mais il ne le conteste pas.

 10   Il laisse entendre qu'il a reçu les renseignements de Mladic mais que ceci

 11   aurait dû être transmis par l'état-major, à savoir Tolimir.

 12   Le soir du 14 juillet, la Brigade de Zvornik reçoit un appel téléphonique

 13   et un message indiquant que Beara doit appeler le 155. Donc le soir où

 14   toutes ces exécutions en masse se sont déroulées à Petkovci et à Orahovac,

 15   on demande à quelqu'un d'appeler le 155. Vous vous souviendrez certainement

 16   du fait que le 155 est le numéro qui est repris par le centre des

 17   opérations au centre des transmissions. On peut avoir accès à Borike, à

 18   Rogatica, au poste de commandement avancé à Krivace. Il y a également des

 19   radios portables qui sont utilisées. Et c'est là que se trouve le centre

 20   des transmissions, et ici Beara doit rendre compte, bien évidemment. Beara

 21   est le subordonné de Tolimir. Tolimir laisse entendre qu'il ne supervise

 22   pas et qu'il ne commande pas Beara sans rien pour l'étayer. Et il fait fi

 23   des dépositions d'Obradovic et de Milovanovic, qui établit clairement,

 24   puisque c'est le numéro un chargé de la sécurité, que Tolimir est le

 25   commandant de l'état-major et que Beara, Salapura et Jankovic sont les

 26   commandants et les assistants commandants. Ils ne sont pas des commandants

 27   militaires qui combattent, mais il s'agit de commandants qui doivent

 28   répondre aux ordres et qui sont responsables des hommes placés sous leurs


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  1   ordres. Ils ne s'occupent absolument pas de cela. Peut-être que nous allons

  2   entendre parler de cela. Ils font cette conclusion assez téméraire mais qui

  3   est complètement contredite par tous les autres éléments de preuve.

  4   Bien. Alors, au point 6, les événements cruciaux qui se déroulent

  5   maintenant pendant la période qui va du 14 et 15 juillet. L'exécution de

  6   1 500 prisonniers à Pilica a été retardée. Ils ont dû passer les nuits du

  7   14 et du 15 à Pilica sans pouvoir exécuter ces hommes. Souvenez-vous du

  8   fait que Beara est à la Brigade de Zvornik, il appelle Zivanovic et ensuite

  9   il appelle Krstic, il demande à ce que des hommes soient envoyés aux sites

 10   des exécutions. C'est parce qu'ils souhaitaient tuer les gens à Orahovac le

 11   14. Et le soir du 15, ils ont tué les personnes à Petkovci. Dans la journée

 12   du 15, ils ont tué les gens à Rocevic et Kozluk. Mais pendant le 15, aucun

 13   de ces 1 500 hommes qui se trouvaient dans l'école de Pilica et dans le dom

 14   de Pilica n'a été exécuté. Il s'agit du deuxième jour, et les exécutions

 15   n'ont pas eu lieu, et Beara est épuisé comme on peut le constater. Pourquoi

 16   Beara n'appelle-t-il pas son commandant, 

 17   Tolimir ? Tolimir n'est pas un commandant militaire, il ne contrôle par des

 18   troupes. Tolimir peut téléphoner à Krstic et Mladic et dire : Voilà, le

 19   commandant a donné l'ordre et l'ordre doit être transmis, mais c'est plus

 20   facile pour Beara qui se trouve dans la Brigade de Zvornik de se rendre

 21   directement au Corps de la Drina et demander à Zivanovic et Krstic qui sont

 22   des commandants et qui ont le droit de commander des troupes. Mais bien sûr

 23   que Tolimir est tenu au courant de tout cela. Mladic est à Belgrade. Et

 24   ceci a dû se passer ainsi. Et que 1 500 personnes qui passent sans que ces

 25   hommes soient exécutés est quelque chose qui est connu. Et donc, il s'agit

 26   d'une situation fort difficile. Souvenez-vous qu'à Pilica un représentant

 27   officiel vient se plaindre et dire que la Brigade de Zvornik est chaotique.

 28   Et qui doit trouver une solution à ce problème ? C'est le 10e Détachement


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  1   de Sabotage, contrôlé par les services des renseignements, Salapura,

  2   contrôlé par Tolimir. Et bien sûr que Tolimir a donné son accord pour que

  3   le 10e Détachement de Sabotage fasse ce qu'il avait à faire. C'est l'unité

  4   de Mladic, mais qui est contrôlée ou qui est gérée par Tolimir. Mladic n'a

  5   pas le temps de gérer toutes ces unités. Mladic est à Belgrade. Bien sûr

  6   que Tolimir a été informé de tout ceci. Quelque chose d'aussi important

  7   devait certainement être porté à sa connaissance, et le 10e Détachement de

  8   Sabotage représentait ses hommes, et c'est eux qui ont été envoyés, c'est

  9   eux qui accomplissent cette tâche le 16.

 10   Bien sûr, évidemment, le 16, l'état-major général donne l'ordre au Corps de

 11   la Drina de poursuivre les exécutions à Pilica. Souvenez-vous du fait que

 12   nous avons une conversation téléphonique interceptée de Cerovic, qui est

 13   sans doute l'officier de permanence du Corps de la Drina, qui dit à Beara

 14   que Trkulja, l'officier de l'état-major général chargé de l'artillerie,

 15   Trkulja était là simplement et souhaitait qu'il y ait un tri, et le tri

 16   doit être opéré, le tri des prisonniers, et ceci émane d'en haut. Et nous

 17   avons l'écoute téléphonique où Beara et Cerovic s'appellent, et Cerovic le

 18   dit à Beara. Et Beara lui dit : Il ne faut pas en parler au téléphone. Et

 19   donc, il y a Trkulja qui vient de l'état-major général le 16 et qui vient

 20   dire au Corps de la Drina d'aller s'assurer que ces prisonniers soient

 21   tués.

 22   Et Tolimir a accès à l'état-major général et à tous les renseignements. Je

 23   suis sûr même qu'il y coordonne tous ces renseignements pour ses

 24   subordonnés pour le 16. Plus tard dans la soirée, Tolimir va à Crna Rijeka.

 25   Nous savons ceci du témoin Keserovic, qui a donné une déclaration un peu

 26   plus tôt avant que de comprendre comment les choses allaient vraiment se

 27   dérouler. Tolimir était là, Mladic est là, et d'après Keserovic, Tolimir

 28   lui conseille et il s'entretient avec Mladic de cela, de réduire les tâches


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  1   de Keserovic et d'aller commander ces troupes pour une opération de

  2   balayage à Bratunac le lendemain. Qu'est-ce que cela signifie ?

  3   Que dans la soirée du 16 juillet, 7 000 Musulmans sont quasiment morts, et

  4   je suis sûr que des centaines sont en train encore de mourir suite à leurs

  5   blessures sur les champs de bataille et après le massacre dans le dom de

  6   Pilica, mais Mladic et Tolimir sont là, à Crna Rijeka, et Tolimir - sans

  7   l'ombre d'un doute - fournissait le renseignement à Mladic. Il devait être

  8   au courant parce qu'il avait obtenu le renseignement de l'état-major

  9   principal, du centre des opérations, du Corps de la Drina. Et il briefe

 10   Mladic, qui est une contribution significative à l'opération de meurtre. Il

 11   renseigne Keserovic sur comment traiter Jankovic, qu'il sait être à

 12   Bratunac. Mais ce qui est encore plus important, Keserovic nous a 

 13   dit : Ah, Tolimir m'a dit que Beara était dans la zone du Corps de la

 14   Drina. Dans l'entretien qui a été versé au dossier : Tolimir nous a dit que

 15   Beara se trouvait au QG du Corps de la Drina. Donc Tolimir non seulement

 16   briefe Keserovic sur ce qu'a fait Jankovic, mais il le briefe sur Beara

 17   également. L'homme dont ils ne veulent même pas parler, en fait, qui est un

 18   point scandaleux du mémoire en appel. Nous n'allons absolument pas parler

 19   de Beara et le fait que c'est un capitaine de la marine. Et pour ce qui est

 20   des éléments de preuve directs, Tolimir sait que dans l'obscurité et dans

 21   la nuit le 16, les gens sont en train de mourir à Pilica. Donc nous pensons

 22   à cela et à ces pauvres travailleurs de Médecins sans frontières.

 23   Nous allons en parler, cela se trouve au paragraphe 7, ce qui a été

 24   fait après le 16 juillet, que faire des hommes musulmans de Bratunac, qui

 25   doit être exécuté, qui ne doit pas être exécuté. Je souhaite simplement

 26   vous rappeler des documents rédigés par Jankovic qui abordent ce problème,

 27   que faire des hommes de MSF, et une écoute scandaleuse au cours de laquelle

 28   Djurdjic est en contact avec les représentants de la communauté


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  1   internationale, et on dit : Est-ce qu'il s'agissait d'hommes valides ? Mais

  2   oui. Parce que vous connaissiez la procédure, vous saviez comment c'était,

  3   puisque vous étiez à Bratunac la veille, et il y a un différend entre eux.

  4   Et ensuite, ça se termine et ils disent : Attends que Toso vienne. Et

  5   ensuite : Le commandant va arriver. Et cela, la troisième référence à

  6   Tolimir qui va arriver, et ce, en relation avec les hommes de MSF. Donc ils

  7   parlent de Toso, de Toso qui va venir incessamment sous peu.

  8   Encore une fois, ceci fait partie du plan, et heureusement que ces hommes

  9   de MSF n'ont pas été tués. Tolimir a été impliqué dans le plan et a été

 10   dans la conversation sur leur sort : Il ne faut pas les tuer parce que ceci

 11   doit rester confidentiel. Si vous tuez 15 hommes de MSF qui sont avec le

 12   Bataillon néerlandais et le CICR, je crois que cela devient tout à fait

 13   évident dans ce cas. Et Tolimir a dit : Il faut mettre le couvercle là-

 14   dessus.

 15   Bien. Au point 8, il s'agissait de recevoir, transporter, de tuer 30 autres

 16   Musulmans qui ont été capturés en Serbie et les renvoyer à Popovic le 22

 17   juillet. Vous vous souviendrez certainement des documents, les gens ont

 18   tenté de s'enfuir en Serbie, ils ont été repris et ils sont revenus. Ils

 19   ont essayé de rester. Ils ont été transférés par la Brigade de Bratunac et

 20   remis à Popovic, et le 23 juillet Popovic a fait venir le 10e Détachement

 21   de Sabotage et les a tués. Le 22 juillet, Popovic a dit quelque chose

 22   d'assez inhabituel et de bête, et il appelle Tolimir directement sur une

 23   ligne non sécurisée. C'est parce qu'il y avait un cousin qui avait été fait

 24   prisonnier et il souhaitait s'adresser directement à Tolimir pour obtenir

 25   des informations là-dessus. Au cours de cette conversation, il dit : Moi,

 26   je fais mon boulot. Et ça, c'est le boulot qu'il est en train de faire. Il

 27   est sur le point de massacrer 30 personnes et il s'est rendu à la Brigade

 28   de Zvornik ce jour-là, et c'est à ce moment-là qu'il va chercher les


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  1   patients de Milici. Et donc, Popovic est un homme très occupé, et la seule

  2   chose qu'il fait, eh bien, il tue des gens. Et Tolimir lui dit : Eh bien,

  3   continue ton boulot, ou quelque chose de cet ordre, et Tolimir est

  4   entièrement engagé là-dedans. Il est tout à fait au courant de cette

  5   opération. Il sait précisément ce que Popovic fait, et il fait ce

  6   commentaire : Continue à faire ton boulot. Une contribution manifeste

  7   encore une fois de sa part.

  8   Au point 9, il faut continuer à cacher et à dissimuler les opérations de

  9   meurtre et poursuivre les meurtres. Ces meurtres tels qu'ils sont reprochés

 10   dans l'acte d'accusation, Snagovo et Nezuk. Ces personnes qui sont faites

 11   prisonnières, qui sont tuées par les soldats qui se trouvent sur place.

 12   Aucune vraie raison pour croire que Tolimir est au courant de ces meurtres

 13   à un petit niveau, mais c'est une indication claire que l'opération de

 14   meurtre, eh bien, si elle peut se faire sans être poursuivie, eh bien, cela

 15   peut être fait ainsi. On atteste le meurtre de ces deux personnes.

 16   Les patients de Milici, dix personnes qui ont été grièvement blessées. Si

 17   vous regardez les documents et voir comment ces personnes ont été

 18   transférées de Milici à l'hôpital de Zvornik, et ensuite à la Brigade de

 19   Zvornik, et ensuite à Popovic le 23, l'officier médical de l'état-major a

 20   été impliqué dans l'autorisation du transfert de ces personnes. Déplacer

 21   des personnes qui étaient grièvement blessées et qui avaient été auscultées

 22   dans deux hôpitaux et qui étaient encore en vie le 23, il ne s'agit là que

 23   d'une décision scandaleuse. Il devait certainement être au courant, ainsi

 24   que Mladic.

 25   Les survivants de la ferme de Branjevo, ces quatre personnes qui ont dit

 26   qu'elles avaient été aidées par les soldats serbes, on leur a donné une

 27   pomme et un soldat [comme interprété] pour dire où était le front. Et

 28   ensuite, ils ont avoué avoir été aidés par ces deux Serbes. Et Nikolic et


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  1   Pandurevic [comme interprété] ont dit que ces deux Serbes avaient été

  2   poursuivis pour avoir aidé l'ennemi et ils utilisent les déclarations de

  3   ces quatre types pour les poursuivre et les punir. Et ces quatre gars, nous

  4   disposons de leurs noms, ces hommes n'ont jamais été revus. Ils ont été

  5   tués. Et pour ce qui est du registre de cette affaire-là, ceci n'y est pas.

  6   En réalité, le feu vert a été donné au plus haut niveau. Je ne sais pas

  7   s'il était au courant de cet incident-là. Mais c'est le genre de chose

  8   auquel s'est livrée son armée au cours de cette période.

  9   Alors, les Skorpions était une unité qui travaillait main dans la main avec

 10   le MUP à Trnovo. Le MUP était placé sous le commandement de l'armée. Le MUP

 11   travaillait -- ils travaillaient avec le MUP. Les Skorpions travaillaient

 12   avec Borovcanin, en réalité. Et les victimes de Srebrenica ont été envoyées

 13   sur l'ensemble du territoire de la Bosnie et ensuite massacrées par le MUP

 14   serbe qui travaillait avec les forces de la VRS et de la RS. Impossible

 15   d'envoyer un nombre aussi important de gens à travers ce territoire pour

 16   qu'ils soient massacrés sur le territoire de la Republika de Krajina, de la

 17   Republika Srpska, sans que Tolimir n'ait été au courant. Ils ont été

 18   massacrés par une unité étrangère. M. Elderkin va parler de Palic. Les gens

 19   ont été tués dans les bois.

 20   Il existe un document à cet effet qui est particulièrement troublant, le

 21   P00755, qui est un rapport de combat régulier de Kusic, qui dit en somme

 22   que : Aujourd'hui, nous avons liquidé plusieurs Musulmans et nous avons

 23   appris de ce qui suit, et il indique l'endroit où ils se trouvaient et ce

 24   qu'ils faisaient. Ils ont clairement capturés ces personnes, obtenu les

 25   informations, et ensuite les ont massacrées et ont rapporté ceci le long de

 26   la chaîne de commandement jusqu'au Corps de la Drina. Alors, pour parler

 27   d'impunité. C'est tout à fait ce genre de chose qui se produisait, et

 28   c'était un processus permanent, et cela allait du Corps de la Drina à


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  1   l'état-major général.

  2   Donc, ce qui m'amène à la fin de mes dix points cruciaux. Je pourrais

  3   parler encore d'autres questions et d'autres facteurs qui entrent en jeu,

  4   mais je souhaitais vous faire une présentation de la manière la plus

  5   condensée possible, car ce sont des choses auxquelles j'ai réfléchi ces

  6   dernières années. Et en y réfléchissant, n'oubliez pas, s'il vous plaît,

  7   que cette armée travaille et travaille conformément à la chaîne de

  8   commandement à la tête duquel se trouve Tolimir, qui est entièrement

  9   engagé. Même depuis Zepa, il est impliqué.

 10   Je pense qu'il est bien de faire une pause maintenant. M. Vanderpuye va

 11   venir. J'espère que j'aurai encore quelques minutes à la fin pour pouvoir

 12   conclure ou peut-être que nous pourrions attendre le moment de la réplique

 13   que vous nous avez aimablement proposée, mais je propose que nous fassions

 14   une pause, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur McCloskey.

 16   Nous allons faire notre première pause maintenant, et nous reprendrons avec

 17   les arguments qui seront présentés par M. Vanderpuye après la pause, à 16

 18   heures 05. Nous levons l'audience.

 19   --- L'audience est suspendue à 15 heures 34.

 20   --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vanderpuye. Soyez

 22   le bienvenu dans ce prétoire. Comme M. McCloskey nous l'a annoncé, c'est à

 23   vous maintenant de prendre la parole pour nous présenter les arguments de

 24   l'Accusation. Vous avez la parole.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 26   Bonjour, Madame, Messieurs les Juges, Me Gajic, Général Tolimir. Bonjour à

 27   toutes et à tous.

 28   L'occasion m'est offerte de prendre la parole pour présenter une partie du


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  1   réquisitoire de l'Accusation dans cette affaire qui est, sans aucun doute,

  2   très grave et d'une importance historique. Comme la Chambre le sait,

  3   l'accusé se voit reproché la responsabilité pour des crimes visés à

  4   l'article 7(1) du Statut du Tribunal et sous tous les modes de

  5   responsabilité pénale, y compris l'entreprise criminelle commune.

  6   Dans son mémoire en clôture, mis à part la simple reconnaissance du

  7   fait qu'il a effectivement occupé ce poste de commandant adjoint chargé de

  8   la sécurité et du renseignement au sein de l'état-major de la VRS pendant

  9   la guerre, le général Tolimir a reconnu peu d'autres choses. Au fond, il

 10   conteste tous les aspects matériels de l'espèce, y compris les faits

 11   incriminés s'agissant du nombre de morts à Srebrenica, le nombre de portés

 12   disparus, jusqu'à la nature même du départ forcé de la population musulmane

 13   de Srebrenica et de Zepa.

 14   De toute évidence, le général Tolimir a le droit de mettre au défi

 15   l'Accusation de démontrer sa cause, et, bien sûr, nous reconnaissons que

 16   nous sommes tenus à cela. Il n'empêche que nous sommes tout à fait

 17   confiants qu'au vu des éléments de l'espèce, la participation et la

 18   culpabilité du général Tolimir à ces crimes indescriptibles et horribles

 19   qui lui sont reprochés à l'acte d'accusation, eh bien, que cette

 20   responsabilité aura été démontrée au-delà de tout doute raisonnable.

 21   Je vais me pencher juste sur quelques éléments-clés qui nous

 22   permettent d'établir la responsabilité pénale individuelle du général

 23   Tolimir et je vais répondre à quelques affirmations spécifiques de la

 24   Défense qui figurent dans leur mémoire en clôture. Mais mis à part cela,

 25   dans toute la mesure du possible, je vais éviter de répéter ce que nous

 26   avons abordé en détail dans notre mémoire en clôture. En fait, je vais

 27   m'attacher plutôt à deux aspects-clés de la responsabilité du général

 28   Tolimir. Premièrement, je vais m'attacher à des faits et des circonstances


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  1   qui nous permettent de démontrer la contribution significative du général

  2   Tolimir à l'entreprise criminelle commune meurtrière par voie d'omission.

  3   Et deuxièmement, je vais parler de faits-clés qui démontrent l'existence de

  4   cette entreprise criminelle commune visant à transférer de force les

  5   populations musulmanes de Srebrenica et de Zepa et la pleine participation

  6   du général Tolimir à cela.

  7   Son manquement à empêcher -- les prisonniers musulmans entre les

  8   mains de la VRS suite à la chute de Srebrenica constitue une violation

  9   grave du droit international, et il ne peut y avoir aucune contestation de

 10   cela. Il n'est pas difficile ni particulièrement sophistiqué de démontrer

 11   son manquement à faire cela, donc à protéger ces prisonniers musulmans; il

 12   s'agit plutôt d'une omission qui saute aux yeux, qui est flagrante, qui est

 13   incontestable. Son omission constitue également une contribution

 14   significative à l'entreprise criminelle commune meurtrière lors de laquelle

 15   ont péri les hommes et les garçons de Srebrenica. Tout comme ses

 16   agissements, ces omissions constituent un produit d'un choix délibéré et

 17   nous démontrent son engagement à atteindre les objectifs de l'entreprise

 18   criminelle commune au titre de l'article 7(1) du Statut de ce Tribunal.

 19   Pour que ce soit tout à fait clair, au paragraphe 29(D) de l'acte

 20   d'accusation, il est reproché au général Tolimir de devoir assumer la

 21   responsabilité d'avoir manqué à protéger les prisonniers musulmans et il

 22   est prévu spécifiquement qu'il avait la responsabilité de la gestion de ces

 23   prisonniers musulmans qui ont été capturés après la chute de Srebrenica. Il

 24   était chargé d'assurer leur sécurité et il a omis de le faire. Il a manqué

 25   à le faire.

 26   Premièrement, le général Tolimir était tenu au titre du droit

 27   international coutumier de faire en sorte que ces prisonniers soient

 28   traités de manière humaine et qu'ils soient protégés, ces Musulmans pris


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  1   entre les mains de la VRS, et en particulier ceux qui s'y sont trouvés

  2   entre les mains des organes, des unités, des officiers qui étaient

  3   commandés par le général Tolimir. Comme cela est expliqué dans le mémoire

  4   en clôture de l'Accusation, au titre de la IIIe convention de Genève, tous

  5   les agents d'une puissance détentrice, en l'espèce la Republika Srpska,

  6   entre les mains desquels se trouvent les prisonniers ont l'obligation de

  7   s'assurer de leur traitement humain, et cette obligation s'applique à tout

  8   individu, y compris ceux qui ont entre les mains directement ces

  9   prisonniers ainsi que ceux qui les supervisent.

 10   Donc il est hors de question que le général Tolimir n'ait pas été un

 11   agent de la puissance détentrice.

 12   Deuxièmement, ce qui est tout aussi clair, c'est le général Tolimir

 13   qui a supervisé nombre d'officiers qui ont eu la charge de ces hommes et

 14   ces garçons musulmans qui ont été capturés suite à la chute de l'enclave.

 15   Ces officiers sont Ljubisa Beara, chef de l'administration en charge de la

 16   sécurité de l'état-major principal; Dragomir Pecanac, vous vous

 17   souviendrez, c'est un officier du renseignement au sein du secteur du

 18   général Tolimir; Vujadin Popovic, mon collègue s'est référé à lui, qui

 19   était chef de la sécurité du Corps de la Drina; Momir Nikolic, chef du

 20   renseignement et de la sécurité de la Brigade de Bratunac; Drago Nikolic,

 21   chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik; Milorad Trbic, un autre

 22   officier chargé de la sécurité qui était l'adjoint de Drago Nikolic dans la

 23   Brigade de Zvornik; Zoran Carkic; Mirko Jankovic; la police militaire de la

 24   Brigade de Bratunac; Milomir Jasikovac et d'autres policiers militaires de

 25   la Brigade de Zvornik, et ce ne sont que quelques noms que j'ai cités là.

 26   Donc le général Tolimir "commandait" Ljubisa Beara, et je mets ça

 27   entre guillemets. Donc c'était son subordonné immédiat au sein du secteur

 28   chargé de la sécurité et du renseignement. C'était l'homme-clé dans la


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  1   planification et la mise en œuvre de l'opération meurtrière, et cela a été

  2   établi par les éléments de preuve de l'espèce. Il ne fait aucun doute que

  3   le général Tolimir a exercé le contrôle technique sur la police militaire

  4   de la VRS et les organes de sécurité subordonnés, y compris donc les

  5   officiers entre les mains desquels se sont trouvés les prisonniers

  6   musulmans.

  7   C'était le secteur du général Tolimir qui était responsable de la

  8   formation, de l'équipement et de la direction donnée aux organes de

  9   sécurité qui leur étaient subordonnés, unités de sabotage, y compris la 10e

 10   Unité de Sabotage, et la police militaire au sein de la VRS. C'était son

 11   secteur qui était responsable de se charger des prisonniers, des questions

 12   relatives aux prisonniers telles que leur interrogatoire et la sécurité de

 13   ces prisonniers.

 14   La légalité de l'activité des officiers subordonnés chargés de la

 15   sécurité et les organes chargés de la sécurité relevait de la

 16   responsabilité exclusive du général Tolimir. Pièce P1112, page 3, point 7.

 17   Nous avons un grand nombre de documents qui ont été versés au dossier

 18   qui démontrent l'exercice actif de l'autorité par le général Tolimir, de

 19   son autorité sur les organes chargés de la sécurité, le personnel et la

 20   police militaire chargée de la sécurité. Donc ces documents nous montrent,

 21   par exemple, qu'il a donné des ordres. A titre d'exemple, la pièce P2430,

 22   document de l'état-major principal où il fait un rapport sur l'aptitude au

 23   combat et les questions qui concernent l'affectation de la police militaire

 24   du 65e Régiment de Protection. Un autre document, P2141, où il fait suite à

 25   un ordre précédent destiné aux unités subordonnés pour qu'elles fournissent

 26   les noms pour que l'état-major principal puisse former ce détachement, ce

 27   10e Détachement de Sabotage. Et d'autres documents, le fait de faire

 28   connaître les règles et les lignes directrices, en particulier ce qui


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  1   concerne la prise en charge des prisonniers. P1970.

  2   Les subordonnés de Tolimir au niveau de la sécurité et du

  3   renseignement et la police militaire ont directement participé aux

  4   événements de Potocari, de Bratunac, de Zvornik, et, en fait, ils ont pris

  5   part à toutes les phases de l'opération meurtrière. Donc il ne fait aucun

  6   doute que ce sont eux qui contrôlaient les prisonniers et qu'ils les ont

  7   contrôlés à tout stade.

  8   L'INTERPRETE : Les interprètes demandent que l'avocat de l'Accusation

  9   ralentisse.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, vous avez

 11   entendu le commentaire.

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui.

 13   On ne peut pas réellement contester si le général Tolimir avait

 14   l'obligation de protéger les prisonniers musulmans, en particulier compte

 15   tenu de sa position de supérieur sur les officiers et les unités de la VRS

 16   entre les mains desquels se sont trouvés ces prisonniers.

 17   Et de manière comparable, le fait qui est de savoir si le général

 18   Tolimir était informé de l'existence de ces prisonniers. Vous vous

 19   rappellerez, je pense que la Chambre vient d'entendre mon confrère là-

 20   dessus, vous vous rappellerez le document du 12 juillet où le général

 21   Tolimir demande que les Musulmans qui prennent la fuite soient arrêtés et

 22   placés en détention. Et puis, vous vous rappellerez un autre document

 23   auquel s'est référé mon confrère, pièce P122, document du 13 juillet, il

 24   s'agit d'un millier de prisonniers de Nova Kasaba.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre encore une

 26   fois. Il est très difficile de vous écouter parce que nous entendons le

 27   bruit de la frappe en même temps, de la même table. Est-ce que vous pouvez

 28   continuer maintenant, s'il vous plaît.


Page 19409

  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci.

  2   Alors, mis à part ce document qui a été contesté par la Défense dans le

  3   mémoire en clôture de la Défense, la déposition du général Savcic, qui

  4   s'est trouvé avec le général Tolimir dans la matinée du 13 juillet, nous

  5   montre que le général Tolimir a été informé de l'existence du nombre de

  6   prisonniers qui étaient en train de se rendre à Dusan Nova Kasaba. Grâce à

  7   un appel téléphonique, il en a été informé, ou toute une série d'appels

  8   téléphoniques reçus par Savcic de Zoran Malinic, qui était le chef de ce

  9   65e Bataillon de Police militaire.

 10   Et puis, d'autres éléments de preuve qui nous prouvent la connaissance

 11   qu'avait le général Tolimir du nombre de prisonniers dans le document du 13

 12   juillet, ou qu'il émet dans la soirée du 13 juillet, où il demande ou

 13   propose que 800 prisonniers soient envoyés à Sjemec, à la ferme de Sjemec

 14   de Rogatica.

 15   Puis, il est en contact avec Milenko Todorovic, qui est le chef de la

 16   sécurité du Corps de Bosnie orientale, et il lui dit qu'il faut se

 17   préparer, prendre des mesures au camp de Batkovic pour recevoir plus d'un

 18   millier de prisonniers. Il savait qu'il y avait des milliers de prisonniers

 19   le 13 juillet entre les mains de la VRS et il savait qu'on allait les tuer.

 20   Alors, laissons de côté d'amples éléments de preuve qui nous démontrent sa

 21   participation directe à la planification et à la mise en œuvre de ces

 22   exécutions comme mon confrère vient de le dire. Les éléments de preuve

 23   reçus en l'espèce ne nous permettent pas d'accepter l'affirmation

 24   fantaisiste avancée par la Défense disant que le général Tolimir n'aurait

 25   pas pu raisonnablement prévoir le fait que les prisonniers allaient

 26   effectivement courir un grave risque entre les mains de la VRS, qu'on

 27   allait leur faire du mal à un moment quelconque sur cette période de dix

 28   jours où on les a massacrés. Et je répète, il s'agit d'une "période de dix


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  1   jours" parce que cela commence le 3 juillet [comme interprété] à la rivière

  2   Jadar et ça se termine le 13 juillet [comme interprété]. Et pendant cette

  3   période, environ 7 000 personnes ont été exécutées avec la participation du

  4   secteur de la sécurité et du renseignement. Compte tenu de la participation

  5   généralisée de l'administration chargée de la sécurité à la commission de

  6   ces crimes, eh bien, seul une complicité ou un complot généralisé cherchant

  7   à cacher ces informations des yeux du général Tolimir aurait pu étayer

  8   cette méconnaissance de la chose qu'il invoque, donc des actes criminels et

  9   des lignes de conduite que déploient ses subordonnés techniques pendant ce

 10   bain de sang.

 11   Donc le mauvais traitement réservé aux prisonniers musulmans entre les

 12   mains de la VRS est quelque chose qui sévit pendant toute cette période et

 13   c'est quelque chose de connu. La Chambre se rappellera les éléments de

 14   preuve portant sur les meurtres opportunistes de Bratunac et de Potocari.

 15   Vous avez vu la vidéo de l'entrepôt de Kravica du 13 juillet avec les corps

 16   empilés.

 17   Les exécutions qui se sont produites en quelques heures d'espace, donc à

 18   quelques heures de la proposition que formule le général Tolimir d'envoyer

 19   800 prisonniers à Rogatica. Le 14 juillet, des corps ont été enterrés à

 20   Glogova et des dispositions ont été prises par le subordonné direct de

 21   Tolimir, Ljubisa Beara. Et ce jour-là, Beara, Popovic, Nikolic, tous les

 22   trois sont des officiers de sécurité à la police militaire, organisent et

 23   transportent des milliers de prisonniers musulmans à la zone de Zvornik, et

 24   donc ils mettent en application le plan de les exterminer.

 25   Vous avez entendu Tanacko Tanic, qui était membre du commandement à la

 26   Brigade de Zvornik, il vous a dit que des meurtres de Kozluk le 15

 27   pouvaient se voir depuis l'autre rive de la Drina. Et il a également parlé

 28   très franchement. Il dit :


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  1   "Mais ces meurtres se sont produits dans des zones peuplées. Les gens

  2   voyaient cela, ils avaient des téléphones."

  3   La VRS avait également des téléphones, des radios, des téléscripteurs, des

  4   estafettes. Cela ne s'est pas passé à l'Age de la pierre; cela s'est

  5   produit en 1995. Donc, disons que l'officier du plus haut rang dans le

  6   renseignement de l'état-major de la VRS et l'organe le plus haut placé de

  7   la VRS ne savait pas ce qui se passait parce que physiquement il n'était

  8   pas là où les crimes ont été commis pendant que ses camarades commettaient

  9   ces crimes, eh bien, c'est complètement inacceptable, les crimes commis à

 10   une échelle sans précédent et que l'organe le plus élevé du renseignement

 11   n'était pas au courant. Mais ces crimes, ce sont des crimes auxquels ont

 12   participé ses subordonnées au niveau du bataillon jusqu'au niveau de la

 13   brigade, jusqu'au niveau du corps d'armée, niveau de l'état-major

 14   principal, quasiment à tous les niveaux de la structure de la hiérarchie de

 15   la VRS qui étaient placés sous sa direction. Ce sont des crimes qui

 16   auraient pu compromettre l'effort de guerre des Serbes de Bosnie, et, en

 17   fait, il s'agit de crimes d'une telle échelle qu'ils sont sans pareil tout

 18   au long de cette guerre.

 19   Et ce que démontrent les éléments de preuve de l'espèce au-delà de tout

 20   doute raisonnable, c'est que ces hommes et ces garçons musulmans ont été

 21   tués alors que ses propres subordonnés et d'autres ont directement

 22   participé à cela, ont directement planifié, organisé et causé leur mort de

 23   la manière la plus brutale, systématique et impitoyable, et que Tolimir a

 24   manqué de protéger ces gens-là.

 25   Donc ces omissions ont de manière directe et significative contribué au

 26   succès de l'opération meurtrière, ont permis que sa planification soit

 27   réussie, que son organisation soit réussie et que c'est sans entrave que

 28   cette action sera menée à bien de manière technique, exécutée par des


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  1   membres du secteur chargé de la sécurité et du renseignement dont avait la

  2   responsabilité le général Tolimir.

  3   Donc il avait la capacité matérielle d'agir et de protéger ces prisonniers.

  4   C'était un des commandants adjoints qui bénéficiait le plus de la confiance

  5   du général Mladic. Il faisait partie du cercle restreint du général Mladic,

  6   comme il l'a dit. Non seulement comme officier de haut rang, mais en tant

  7   que général, en tant que responsable de la sécurité, le général Tolimir

  8   avait l'obligation, au titre du règlement de la VRS, avait l'obligation de

  9   respecter l'ordre constitutionnel de la Republika Srpska. Je ne vais pas

 10   rentrer dans trop de détails puisque nous en avons beaucoup parlé dans le

 11   mémoire en clôture, mais au fond le règlement de service qui s'applique aux

 12   officiers chargés de la sécurité au sein de la VRS s'appliquait aux membres

 13   de la VRS et exigeait du général Tolimir de repérer et d'empêcher que des

 14   crimes ne soient commis au sein de la VRS ainsi qu'à l'extérieur des rangs

 15   de la VRS. Et je souligne cela puisque c'est de cela que parle l'espèce --

 16   qu'il s'agit dans l'espèce. Il était tenu d'agir de cette manière-là pour

 17   empêcher tout acte commis au sein de la VRS qui portait atteinte à l'ordre

 18   constitutionnel. C'est de cela que parle l'article 5. Il s'agit de protéger

 19   l'égalité au niveau des nationalités, des groupes ethniques et d'autres

 20   minorités. Donc l'inviolabilité de la vie et la protection de la vie vis-à-

 21   vis des traitements cruels et inhumains est prévue par les dispositions de

 22   cet article.

 23   Donc il relevait de ses attributions, il faisait partie de son poste

 24   d'empêcher ce type de violation. Donc il ne s'agit pas de règles

 25   internationales; il s'agit de règlements de la VRS qui exigent de sa part

 26   de prévenir, de repérer, de faire rapport, d'arrêter, d'enquêter sur les

 27   auteurs et les complices de crimes contre l'humanité au titre du droit

 28   international, y compris ceux qui sont commis dans les rangs de la VRS, et


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  1   il s'agit précisément des types de crimes dans l'espèce.

  2   Donc la question est de savoir : Que ce serait-il passer si le

  3   général Tolimir avait fait cela avant ou pendant l'opération meurtrière ?

  4   S'il avait décidé d'effectivement protéger les prisonniers ? S'il avait

  5   fait quelque chose pour arrêter les auteurs de ces crimes, les

  6   organisateurs de ces crimes, ceux qui ont exécutés ces crimes, les auteurs

  7   de ces crimes ? S'il avait enquêté sur ces questions ? S'il avait fait

  8   rapport là-dessus ? Et s'il avait relevé de leurs fonctions, écarter les

  9   membres de son secteur et ses subordonnés de la participation à ce plan ?

 10   Eh bien, je pense que la réponse est tout à fait claire : Eh bien, ces

 11   meurtres n'auraient pas pu se produire, et certainement pas à l'échelle où

 12   ils se sont produits.

 13   Le général Tolimir, cependant, a décidé de ne pas agir ainsi pour une

 14   seule raison. Pourquoi ? Parce qu'il a été partie intégrante de cela et

 15   parce qu'il avait l'intention de faire en sorte que les objectifs de

 16   l'entreprise criminelle commune meurtrière visant donc à tuer les hommes et

 17   les garçons musulmans de Srebrenica soient menés à bien. Donc c'était son

 18   intention par la voie de son omission, il voulait la réussite de cette

 19   opération meurtrière. Il avait bel et bien l'intention que cela se

 20   produise. Il voulait, en fait, mettre en œuvre et exécuter les ordres du

 21   commandant, tel qu'il était censé le faire en tant que commandant

 22   assistant, et c'est ce qu'il a fait.

 23   En tant qu'officier de la JNA, officier de carrière, le général

 24   Tolimir savait pertinemment qu'il avait une obligation, l'obligation de

 25   garantir le traitement humain des prisonniers, et cela non pas seulement

 26   compte tenu de sa formation et de son apprentissage des lois

 27   internationales de la guerre, mais parce que c'est un devoir qui est

 28   codifié dans de nombreuses réglementations de l'armée valables pour la JNA


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  1   et adoptées, d'ailleurs, après par la VRS. Je vais citer le document P2482,

  2   l'article 210 de la convention qui indique, et je cite :

  3   "Les prisonniers de guerre seront traités de façon humaine.

  4   Notamment, ils doivent être protégés contre toute violence, insulte et

  5   intimidation."

  6   Voilà les réglementations de la RSFY quant à l'application du droit

  7   international.

  8   D'après les éléments de preuve présentés en l'espèce, le fait que les

  9   meurtres de milliers de prisonniers détenus par la VRS avaient pu être

 10   planifiés, organisés, exécutés par des membres de l'état-major de la VRS et

 11   des officiers de la VRS qui étaient très proches du général Tolimir, qu'il

 12   s'agisse de ses supérieurs ou de ses subordonnés, et que le général Tolimir

 13   ait choisi de ne prendre aucune mesure pour protéger ces prisonniers

 14   conformément à ses responsabilités en vertu du règlement de service de la

 15   VRS, ou conformément à son devoir, conformément aux conventions

 16   internationales, vous sont amplement suffisants pour déterminer ce qu'il

 17   avait l'intention de faire.

 18   Et n'oublions pas que le général Tolimir avait pendant très longtemps

 19   été partie prenante dans les échanges de prisonniers et il n'a pas agi. Or,

 20   le général Tolimir avait tout intérêt à protéger les prisonniers en

 21   question, ne serait-ce que pour les échanger contre des soldats serbes

 22   détenus par la Bosnie-Herzégovine ou pour les utiliser à des fins de

 23   renseignement. Or, il n'a pas jugé bon de le faire. Les éléments de preuve

 24   en l'espèce sont clairs comme le jour et prouvent que les omissions du

 25   général Tolimir ont été délibérées, intentionnelles, et ont été calculées

 26   afin de promouvoir les objectifs criminels de l'entreprise criminelle

 27   commune et du meurtre. C'est ce qu'ils ont fait, et il devrait être

 28   considéré responsable de ce fait.


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  1   J'aimerais maintenant vous demander de vous intéresser au transfert

  2   forcé.

  3   Car, en dépit du refus de la Défense à admettre qu'il existait une

  4   entreprise criminelle commune dont l'un des objectifs était de chasser par

  5   la force les populations musulmanes de Srebrenica et de Zepa, le fait que

  6   cela a existé a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable. La preuve,

  7   par exemple, est la participation importante et continuelle du général

  8   Tolimir et sa contribution à cette entreprise criminelle commune, et cela

  9   est très, très clair. Alors que l'acte d'accusation allègue que le

 10   transfert forcé dans le cadre de l'entreprise criminelle commune a commencé

 11   en mars 1995, la politique des dirigeants de la RS et de la VRS pour

 12   chasser de la partie orientale de la Bosnie tous les habitants musulmans a

 13   été mise en place bien auparavant et a commencé par la mise en œuvre des

 14   six objectifs stratégiques. Il faut savoir que d'autres éléments de preuve

 15   irréfutables ont été présentés et permettent de déterminer les objectifs

 16   criminels des dirigeants de la RS et de la VRS qui souhaitaient nettoyer ou

 17   procéder à un nettoyage ethnique des territoires revendiqués par les Serbes

 18   en Bosnie, notamment les enclaves de l'est.

 19   Il est d'ailleurs remarquable de constater que la Défense indique que

 20   les objectifs stratégiques ont été présentés comme un "genre de plan

 21   d'action". Paragraphe 371 de leur mémoire de clôture.

 22   Or, les éléments de preuve en l'espèce prouvent que lors de la 16e

 23   séance de l'assemblée nationale de la RS, qui s'est tenue le 12 mai 1992,

 24   ces objectifs ont été énoncés et présentés, ils ont fait l'objet de

 25   discussions et ont été adoptés. Bien que leur publication dans le bulletin

 26   officiel de la RS en 1993 soit un tant soit peu anormal, il est absolument

 27   évident d'après la cote qui lui a été attribuée lors de la publication, à

 28   savoir 02-130/92, que ces objectifs ont fait l'objet d'une décision en


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  1   1992, correspondant à la déclaration qui indique que cette décision a été

  2   prise lors de la séance de l'assemblée du 12 mai 1992.

  3   Quoi qu'il en soit, ces objectifs de guerre ont été très clairement

  4   présentés et mis en œuvre par la VRS. Lors de sa déposition, le général

  5   Novica Simic, qui était commandant du Corps de la Bosnie orientale, a

  6   relaté comment le 2 septembre 1992, il a eu une réunion avec les généraux

  7   Mladic, Gvero et les présidents Krajisnik et Karadzic, et qu'au cours de

  8   cette réunion les fameux objectifs stratégiques ont fait l'objet de

  9   discussions. Pièce P2756. Il les a rédigés ou écrits dans son journal de

 10   guerre, qui fait l'objet de la pièce P2752, page 35 en version B/C/S.

 11   L'état-major de la VRS mène à bien une analyse de l'état de

 12   préparation au combat et il y est fait référence de la mise en œuvre de ces

 13   objectifs stratégiques. Il dévoile, en fait, ainsi pour ce qu'ils sont les

 14   arguments particulièrement spécieux de la Défense. Le rapport relatif à

 15   l'état de préparation au combat en 1992 indique en partie, et je cite :

 16   "Les objectifs stratégiques de notre guerre qui ont été rapidement

 17   définis et présentés à l'état-major de l'armée de la Republika Srpska, aux

 18   commandements et aux unités feront office de ligne directrice à partir de

 19   laquelle nous planifierons les opérations véritables et les batailles

 20   envisagées."

 21   Pièce P2880, page 159 dans le système e-court.

 22   Les affirmations de la Défense relatives aux circonstances dans

 23   lesquelles ces objectifs stratégiques ont été décidés ne sont ni plus ni

 24   moins qu'une tentative assez maladroite, je dois dire, de nous écarter des

 25   véritables problèmes en l'espèce, et cela indique de façon absolument

 26   péremptoire quelle est la responsabilité pénale du général Tolimir pour le

 27   transfert forcé de dizaines de milliers de Musulmans de Bosnie en juillet

 28   1995.


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  1   Comme cela a été indiqué dans le mémoire de l'Accusation, les

  2   objectifs stratégiques numéro 1 et numéro 3 ont abouti à l'expulsion forcée

  3   de la population musulmane de Srebrenica et de Zepa. L'objectif stratégique

  4   numéro 1 demandait ou réclamait que "soient établies des frontières

  5   séparant la population serbe des deux autres communautés ethniques."

  6   Comme l'a dit Simic, il s'agissait de :

  7   "Séparation par rapport aux Musulmans."

  8   Nous avons l'objectif stratégique numéro 3 qui vise :

  9   "L'élimination en tant que frontière de la Drina, frontière entre les

 10   états serbes."

 11   L'objectif qui était mis en œuvre afin d'expulser la population

 12   musulmane de la partie orientale de la Bosnie. Comme l'a dit le général

 13   Simic :

 14   "La vallée de la Drina doit revenir aux Serbes."

 15   Le procès-verbal de la 16e séance de l'assemblée confirme que, et je cite :

 16   "Cette ceinture qui entoure la Drina appartient fondamentalement aux

 17   Serbes."

 18   Outre les objectifs stratégiques, la Chambre, bien entendu, se rappellera

 19   que des directives opérationnelles ont été émises au niveau de l'état-major

 20   principal. Elles ont également été exécutées et mises en œuvre, notamment

 21   la directive numéro 4 du 19 novembre 1992, il s'agissait en fait d'une

 22   phase importante dans la réalisation ou l'exécution de l'objectif

 23   stratégique numéro 3. La directive numéro 4 exprimait la politique des

 24   dirigeants de la Republika Srpska, politique de nettoyage ethnique qui a

 25   été adoptée par la VRS dans la partie orientale de la Bosnie, et ce,

 26   pendant toute l'année 1995 ou jusqu'en 1995.

 27   Le général Tolimir et son secteur chargé de la sécurité et du renseignement

 28   qui était placé sous son commandement ont dû donc participer à la mise au


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  1   point de cette directive qui exigeait de la part de tous les commandants

  2   assistants compétence et participation. La directive numéro 4 donnait un

  3   ordre au Corps de la Drina, et je cite :

  4   "Les forcer," il s'agissait de l'armée de Bosnie. "Les forcer à quitter les

  5   zones de Birac, Zepa et Gorazde avec… la population musulmane de Bosnie."

  6   Birac, bien entendu, incluant Srebrenica. Au vu de la gravité des

  7   répercussions manifestes de ce libellé, il ne sera pas surprenant de

  8   constater que des officiers de la VRS ont essayé de trouver une explication

  9   convaincante. Toutefois, la déposition fort honnête du colonel Milenko

 10   Lazic, qui a travaillé dans l'état-major principal et dans le département

 11   des opérations de l'état-major principal de 1992 à 1993, nous permet de

 12   replacer les choses dans leur juste perspective. Lorsqu'une question lui a

 13   été posée à propos de l'objectif de la VRS, il a été demandé si l'objectif

 14   était de séparer les populations de Bosnie-Herzégovine en fonction de leur

 15   appartenance ethnique. Voilà ce qu'il a dit dans le document P2733, lignes

 16   21 833 à 21 835. Voilà ce qu'il dit, et je cite :

 17   "Je pense que l'objectif principal de la VRS consistait à défendre la

 18   population serbe des attaques provenant de l'autre camp. Et s'il n'y avait

 19   pas d'autre solution disponible, il s'agissait alors d'opérer une

 20   séparation… en fonction de principe d'appartenance ethnique. Et je crois

 21   que c'est ce qui a été compris par tous les membres de la VRS."

 22   Alors, s'il subsistait une once d'ambiguïté dans la directive numéro

 23   4, il faut savoir que le général Milenko Zivanovic, qui était le commandant

 24   du Corps de la Drina responsable de la mise en œuvre des tâches dans le

 25   cadre de la directive 4, nous permet de comprendre les choses très, très

 26   clairement. Lorsqu'il donne l'ordre 2-126 le 24 novembre 1992, voilà ce

 27   qu'il donne comme ordre, et je cite :

 28   "Infligez à l'ennemi les pertes les plus importantes, épuisez les


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  1   ennemis, essayez de les anéantir ou forcez-les à se rendre."

  2   Et de façon importante et sans qu'il ne subsiste aucune ambiguïté :

  3   "Forcez la population musulmane locale à abandonner les zones de

  4   Cerska, Zepa, Srebrenica et Gorazde."

  5   Vous vous souviendrez que lorsque cela était présenté au soi-disant

  6   expert militaire de la Défense, voilà ce qu'il a indiqué :

  7   "Très honnêtement, je ne sais pas pourquoi Zivanovic a écrit cette

  8   phrase dans cet ordre de cette façon."

  9   Je souhaiterais indiquer à la Chambre qu'il y a une explication assez

 10   évidente, à savoir cet ordre, par son libellé, indique exactement ce que

 11   voulait entendre le commandant Zivanovic et l'ordre qu'il voulait donner;

 12   et deuxièmement, cet ordre reprend ce que souhaitait la directive numéro 4,

 13   ce qu'elle appelait, à savoir une séparation en fonction de l'appartenance

 14   ethnique.

 15   Le 4 juillet 1994, nous voyons que le commandant de l'époque de la

 16   Brigade de Bratunac, le commandant Slavko Ognjenovic, donne des

 17   explications à propos de l'état de préparation du corps au combat. Voilà ce

 18   qu'Ognjenovic indique, je cite :

 19   "Nous devons parvenir à notre objectif définitif, à savoir une

 20   Podrinje absolument serbe. Les enclaves de Srebrenica, Zepa et Gorazde

 21   doivent être battues militairement. Nous devons continuer à nous armer, à

 22   nous former, à nous discipliner. Nous devons préparer l'armée de la

 23   Republika Srpska pour qu'elle puisse exécuter cette tâche cruciale, à

 24   savoir l'expulsion des Musulmans de l'enclave de Srebrenica. Il n'y aura

 25   pas de retraite lorsque nous arriverons dans l'enclave de Srebrenica. Nous

 26   devons poursuivre notre avancée. La vie des ennemis doit être rendue

 27   insupportable et leur séjour dans cette enclave doit être rendu impossible

 28   pour qu'ils quittent l'enclave en masse aussi rapidement que possible en se


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  1   rendant compte qu'ils ne pourront pas y survivre là-bas."

  2   Alors, il est question de rendre la vie insupportable, de ne pas

  3   survivre. Cela vous semblera peut-être familier et connu, c'est parce qu'en

  4   fait vous l'avez entendu à plusieurs reprises dans cette affaire et que

  5   cela est un peu comme un mantra. Par exemple, en août 1994, nous voyons le

  6   général Mladic filmé lors d'une conversation avec Milan Lesic. Vous vous

  7   souviendrez certainement qu'il s'agissait d'un sympathisant canadien,

  8   sympathisant de la VRS et bailleur de fonds. Pièce P2228. Alors, nous

  9   voyons Mladic et Lesic qui conduisent vers l'enclave de Zepa, et voilà ce

 10   que lui dit de but en blanc Mladic :

 11   "Voilà, tu vois, les Turcs avaient tout bloqué là. Voilà la route qui

 12   mène à leur village de Godjenje. Voilà le village de Plane. Tout cela était

 13   turc. Là où nous nous rendons, cela était turc. Filme tout cela sans aucun

 14   problème. Il faut que nos Serbes sachent ce que nous leur avons fait, ce

 15   que nous avons pu faire aux Turcs. A Podrinje nous avons anéanti les Turcs.

 16   Si les Américains, les Anglais, les Ukrainiens, les Canadiens à Srebrenica

 17   - et maintenant ce sont les Néerlandais - n'avaient pas été présents pour

 18   les protéger, ils auraient disparu de cette partie du territoire, et cela

 19   depuis fort longtemps."

 20   D'ailleurs, en mars 1995, quelque sept mois plus tard, le commandant

 21   suprême de l'entreprise criminelle commune, l'un des membres de

 22   l'entreprise criminelle commune, Radovan Karadzic, énonce la directive

 23   numéro 7, et là encore nous entendons ce mantra qui revient : Rendre la vie

 24   des Musulmans insupportable. Les chasser. Voilà quelles sont les tâches qui

 25   sont attribuées au Corps de la Drina :

 26   "Il s'agit d'exécuter des opérations de combat planifiées et bien

 27   réfléchies pour qu'il y ait une insécurité totale avec aucun espoir de

 28   survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica et de Zepa."


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  1   Il ne s'agit pas d'armée musulmane ici. Nous parlons bel et bien de

  2   l'ensemble de la population musulmane. La directive 7 se poursuit ainsi :

  3   L'Etat et les organes militaires responsables des contacts et travail avec

  4   la FORPRONU et les organisations humanitaires devront, de façon planifiée

  5   et discrète, émettre des permis, limiter et diminuer l'appui logistique de

  6   la FORPRONU aux enclaves ainsi que l'approvisionnement de ressources

  7   matérielles à la population musulmane. Il faudra qu'ils soient entièrement

  8   tributaires de notre bonne volonté, tout en parallèle évitant la

  9   condamnation de la communauté internationale et de l'opinion publique

 10   internationale.

 11   D'ailleurs, il est assez surprenant, ou peut-être qu'il n'est pas si

 12   surprenant que cela, de voir la Défense avancer que la directive 7 n'a

 13   jamais été exécutée. Ils citent un fait, le fait que les convois d'aide

 14   humanitaire ont continué à arriver dans les enclaves. Mais c'était

 15   justement ce qu'ils recherchaient. Ce qu'ils recherchaient, c'était de

 16   resserrer petit à petit l'étau autour des enclaves en autorisant seulement

 17   quelques approvisionnements pour éviter la condamnation de la communauté

 18   internationale tout en amenant les populations dans les enclaves jusqu'au

 19   point de rupture. Manifestement, si l'aide avait cessé du jour au

 20   lendemain, la communauté internationale aurait réagi, il y aurait eu

 21   condamnation de la part de la communauté internationale, et il y aurait eu

 22   des mesures qui auraient été prises et qui auraient battu en brèche

 23   l'objectif de la directive et qui auraient d'ailleurs exposé le plan

 24   insidieux qui la sous-tendait.

 25   Mais finalement, je suppose que la Défense n'a qu'un seul choix, à savoir

 26   nier la mise en œuvre de la directive 7, parce qu'en fait ses conséquences

 27   sinistres sont inéluctables. Il faut savoir également que la participation

 28   directe et entière de l'état-major principal dans sa mise au point et dans


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  1   sa mise en œuvre, et Tolimir y a participé, ne fait en fait que

  2   cristalliser en quelque sorte cette participation dans le cadre des

  3   objectifs criminels.

  4   Une fois de plus, le commandant Zivanovic, commandant du Corps de la Drina,

  5   a permis de dissiper les affirmations vides de sens de la Défense suivant

  6   lesquelles la directive 7 avait été remplacée par la directive 7/1.

  7   Lors de l'attaque Krivaja 95, et d'ailleurs j'ai un document à présenter,

  8   le document P1202, Zivanovic remarque ce qui suit :

  9   "Conformément aux opérations de la directive numéro 7 et 7/1 de l'état-

 10   major principal de la VRS."

 11   La division des enclaves de Srebrenica et de Zepa a été exécutée pour les

 12   limiter à leurs zones urbaines. La réduction de ces enclaves permettait en

 13   fait de garantir un désastre ou une catastrophe humanitaire en forçant et

 14   en contraignant la population civile qui se trouvait autour des centres

 15   urbains à venir dans ces centres urbains de Srebrenica et de Zepa, ce qui

 16   rendait la vie de la population musulmane civile absolument insupportable.

 17   Et je vous dirais que cet ordre était connu de tous; ce n'était pas un

 18   secret. Il a été envoyé en copie à l'état-major principal, et vous verrez

 19   cela à la dernière page du document P1202, à la page 10, et le général

 20   Mladic a montré la carte de l'attaque. Au vu de l'importance du général

 21   Tolimir dans la prise de décision du général Mladic et de l'état-major

 22   principal, compte tenu de sa participation à la mise au point de la

 23   directive numéro 7, le général Tolimir était parfaitement informé de

 24   Krivaja 95, notamment de ces opérations.

 25   Il faut savoir qu'il n'y a pas de débat plausible à propos de la mise

 26   en œuvre de la directive numéro 7, car les éléments de preuve en l'espèce

 27   prouvent que cette directive a bel et bien été exécutée, que tout cela

 28   avait été calculé pour créer des conditions permettant de chasser la


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  1   population musulmane de Srebrenica et de Zepa, et contrairement à ce qu'a

  2   indiqué la Défense dans son paragraphe 411, les dirigeants des Serbes de

  3   Bosnie ont indiqué que cela était absolument stratégique.

  4   Regardez ce que dit le président Karadzic lors du discours qu'il

  5   prononce le 28 août 1995 lors de la 53e séance de l'assemblée nationale de

  6   la RS :

  7   "Nous ne pouvons absolument pas nous écarter de l'idée de nos territoires

  8   traditionnels, nos territoires traditionnels ne peuvent pas nous être

  9   enlevés. Pour vous dire la vérité, il y a des villes que nous avons

 10   investies, et dans ces villes nous ne sommes que 30 %. Je peux vous donner

 11   le nom de ces villes si vous le souhaitez, mais nous ne pouvons pas

 12   abandonner les villes où notre population représente 70 % de la population.

 13   Ne l'ébruitez pas, mais souvenez-vous combien de notre population se trouve

 14   à Bratunac, à Srebrenica, à Visegrad, à Rogatica, à Vlasenica, à Zvornik,

 15   et cetera, et cetera. Du fait de leur importance stratégique, ces zones

 16   doivent nous appartenir et plus personne ne remet cela en question."

 17   Tolimir était présent ce jour-là lors de cette assemblée. Donc il y a eu

 18   une entreprise criminelle commune dont l'objectif était de chasser par la

 19   force les populations musulmanes de Srebrenica et de Zepa. La Défense

 20   indique que les populations de Zepa et de Srebrenica n'ont pas été chassées

 21   par la force mais qu'elles ont choisi de leur propre gré de quitter les

 22   enclaves.

 23   Les éléments présentés en l'espèce prouvent exactement le contraire de

 24   cette affirmation. Alors je ne vais pas entrer dans les détails, Madame,

 25   Messieurs les Juges, car je pense que le mémoire de clôture de l'Accusation

 26   regorge de ces détails. Mais nous avons en l'espèce le dossier qui est

 27   truffé d'éléments de preuve indiquant et déterminant comment la population

 28   a été chassée par la force, comment elle a été expulsée, il y a des crimes


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  1   qui se sont déroulés et qui étaient tout à fait prévisibles. Je suis sûr

  2   que la Chambre se souviendra des éléments de preuve importants apportés à

  3   propos des bombardements de la VRS, bombardements des cibles civiles qui

  4   ont précédé l'attaque de Srebrenica. Les attaques de terreur exécutées par

  5   le 10e Détachement de Sabotage le 23 juin 1995, vous avez entendu les

  6   observateurs militaires des Nations Unies, vous avez entendu les victimes,

  7   les survivants, d'autres membres de la communauté internationale tels que

  8   les membres du Bataillon néerlandais. Vous avez entendu également des

  9   éléments de preuve relatifs à la restriction permanente et continuelle des

 10   convois d'aide humanitaire qui avaient du mal à pénétrer dans les enclaves,

 11   des éléments de preuve montrant la famine et le désespoir de la population

 12   de Srebrenica avant la chute de l'enclave, montrant également la terreur et

 13   le désespoir de la population musulmane qui fuyait Srebrenica et qui

 14   arrivait à Potocari, ayant quitté leurs foyers et leurs villages, qui était

 15   absolument terrorisée par les forces serbes de Bosnie. Vous avez pu

 16   constater vous-mêmes les conditions déplorables à Potocari avec cette foule

 17   de plus de 20 000 réfugiés musulmans qui se retrouvent là-bas avant d'être

 18   expulsés et qui sont victimes d'attaques de tireurs embusqués des unités de

 19   la VRS. Pièce P598, déposition de M. Franken, compte rendu d'audience 2 440

 20   à 2 441 et 

 21   2 486. Et je suis absolument sûr et certain que la Chambre n'a pas oublié

 22   la vidéo qu'elle a vue qui montre le désespoir, la confusion, la terreur

 23   sur les visages des femmes, enfants et des hommes, et qui montre comment

 24   des maris, frères, fils et pères ont été systématiquement arrachés à leurs

 25   familles, ont été placés à bord de véhicules qui les attendaient et ont été

 26   chassés.

 27   La Chambre se souviendra également des vidéos qu'elle a vues, des vidéos de

 28   Zepa où nous assistons à une répétition de ces événements, avec la


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  1   population qui est bombardée, qui est chassée de ses foyers, qui est placée

  2   dans des bus et dans des camions et envoyée vers d'autres zones tenues par

  3   les Musulmans en Bosnie-Herzégovine ou qui est forcée de fuir à pied vers

  4   la Serbie alors que les forces de la VRS leur tirent dessus. Ou ils ont été

  5   contraints à partir à pied en Serbie où les forces de la VRS leur ont tiré

  6   dessus sur les ordres du MUP serbe alors que le colonel Beara avait

  7   organisé la chose suivante, qu'on leur tire dessus de l'autre côté de la

  8   Drina. C'est quelque chose que l'on peut voir au vu des éléments de preuve

  9   en l'espèce et des écoutes téléphoniques.

 10   La Défense a laissé entendre dans ce procès que les populations de

 11   Srebrenica et Zepa ont quitté les enclaves de leur propre chef, et ceci va

 12   à l'encontre des éléments historiques, de la raison et de tous les éléments

 13   de preuve, qui sont fort importants et très crédibles en l'espèce.

 14   Souvenez-vous du monologue du général Mladic à l'hôtel Fontana lorsqu'il a

 15   dit à Nesib Mandzic, qui était un professeur qui avait été choisi pour

 16   rencontrer Mladic pour parler du statut des réfugiés musulmans à Potocari,

 17   il s'agit de la pièce P1008, qui constitue la vidéo de l'Accusation en

 18   l'espèce, il dit à Nesib Mandzic :

 19   "Ai-je bien été clair ? Nesib, l'avenir de ton peuple est entre tes mains,

 20   pas seulement sur ce territoire-ci," et "j'en ai terminé."

 21   "Faites venir les personnes qui peuvent garantir la remise des armes

 22   et sauver votre peuple de la destruction."

 23   Il dit :

 24   "J'ai besoin que la position des représentants de votre peuple soit claire,

 25   à savoir si vous voulez survivre, demeurer ou disparaître."

 26   Vous trouverez ceci dans la pièce P1008, pages 47 à 48 du prétoire

 27   électronique.

 28   Avant que Mladic n'ait entendu sa réponse, parce que cette réunion a été


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  1   reportée à 10 heures le lendemain, avant même d'entendre sa réponse, à

  2   savoir si la population souhaitait rester, survivre ou de disparaître, les

  3   autocars étaient déjà en route. Avant la réunion du 12 à 10 heures,

  4   lorsqu'il a répété ce même mantra, et il dit :

  5   "Comme je l'ai dit à ce monsieur hier soir, vous pouvez soit survivre, soit

  6   disparaître," ces autocars étaient déjà en route pour emmener ces

  7   Musulmans, les faire sortir de leurs enclaves.

  8   A midi 50 le 12 juillet, le général Mladic a été entendu disant la chose

  9   suivante :

 10   "Ils ont tous capitulé et se sont tous rendus. Nous allons tous les

 11   évacuer, ceux qui le souhaitent et ceux qui ne le souhaitent pas."

 12   Le général Tolimir est un des conseillers le plus proche de Mladic. Il

 13   faisait partie du premier cercle de l'état-major général, comme l'a dit le

 14   général Mladic. Il faisait partie de la prise de décision au sein de

 15   l'état-major général et il y était impliqué de façon active. Y a-t-il un

 16   quelconque doute sur le fait qu'il ait eu connaissance du plan ?

 17   Voici ce qu'il dit à la date du 13 juillet, c'est le général Tolimir qui

 18   parle. Nous savons qu'il a été nommé pour superviser la situation à Zepa,

 19   c'est un des généraux, il a fait part de l'ultimatum qu'il a lancé aux

 20   Musulmans. Il dit :

 21   "Nous avons fait en sorte qu'il y ait une condition, à savoir que toutes

 22   les conditions nécessaires soient réunies avant 15 heures et c'est à ce

 23   moment-là que 'l'évacuation' devait commencer. Nous avons posé cette

 24   condition, et l'alternative -- ou la solution alternative dans ce cas,

 25   c'est la force militaire."

 26   Hamdija Torlak, vous vous en souvenez, a dit ceci à la page 

 27   4 292 :

 28   "Le général Tolimir nous a dit quelque chose de la sorte : Srebrenica est


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  1   tombée et maintenant c'est au tour de Zepa. On peut procéder de deux

  2   façons. Ce que je vous propose s'adresse à vous tous," je veux parler de

  3   l'ensemble de la population musulmane, "de quitter Zepa, d'être

  4   'évacucués', montez à bord des autocars et partez."

  5   Et ensuite, il a dit qu'il n'y avait plus rien à discuter. Il n'y a pas eu

  6   de négociation. Il n'y a pas eu d'accord. Quand bien même il y aurait eu un

  7   tel accord, la jurisprudence du Tribunal est tout à fait claire, ceci ne

  8   constitue aucunement une défense, car savoir si quelqu'un est transporté

  9   par la force est quelque chose qui doit être apprécié sur une base

 10   individuelle. Si un représentant du gouvernement arrive et dit qu'il peut

 11   être d'accord pour que quelqu'un d'autre soit transféré. Et notre

 12   jurisprudence est tout à fait claire sur ce point.

 13   Il n'y a pas eu d'évacuation légitime de la population où que ce soit, de

 14   Srebrenica ou de Zepa. Il n'y avait pas de combat et il était inutile que

 15   ces personnes soient évacuées. En réalité, la loi est tout à fait claire,

 16   on ne peut pas créer des conditions comme cela pour ensuite se retourner et

 17   se fonder là-dessus pour agir. On ne peut créer une crise et ensuite

 18   prétendre que la crise constitue le prétexte permettant d'évacuer la

 19   population. Vous avez déjà entendu parler de la déclaration du 17 juillet

 20   qui porte sur le déplacement de la population musulmane, en ce que ceci a

 21   été signé par Franken, Mladic [comme interprété] et Jankovic, dont vous

 22   avez entendu parler, bien sûr, c'était le subordonné du général Tolimir.

 23   Dans cette déclaration, il fait valoir, je cite :

 24   "Aucun incident n'a été provoqué par aucune des parties pendant

 25   l'évacuation et la partie serbe a observé tous les règlements des

 26   conventions de Genève ainsi que du droit international de la guerre."

 27   Vous vous souviendrez de la déposition de l'officier du Bataillon

 28   néerlandais Franken qui a indiqué qu'il ne s'agissait que de "balivernes".


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  1   Il dit avoir signé la déclaration en émettant la réserve suivante pour ce

  2   qui était des convois escortés des Nations Unies, les véhicules ou les

  3   personnes de l'enclave. Il dit avoir signé cela parce que Jankovic, le

  4   subordonné de Tolimir, lui avait laissé entendre qu'il s'agissait d'une

  5   condition et qu'il fallait signer cela pour pouvoir évacuer les blessés.

  6   Vous vous souviendrez également de la déposition de PW-71 eu égard à la

  7   déclaration susmentionnée. Les éléments concernant l'accord du 24 juillet

  8   sur le désarmement de la population valide de Zepa n'étaient pas

  9   différents. Vous avez entendu Hamdija Torlak qui a dit sans équivoque, je

 10   cite :

 11   "Pour ce qui est de nos choix, eh bien, nous n'en avions pas."

 12   Le commandant de la FORPRONU, le général Smith, a apprécié la situation de

 13   la façon suivante :

 14   "Je souhaite que ce soit tout à fait clair," a-t-il dit, "la situation à

 15   savoir que les personnes souhaitaient être évacuées est due à

 16   l'effondrement de la défense de l'enclave et de la présence de l'armée

 17   serbe de Bosnie parmi eux.

 18   "Il m'a été rapporté que vous, entre autres, étiez à Zepa, que vous et

 19   d'autres étaient armés et que vous demandiez à la population de partir."

 20   Page du compte rendu d'audience 11 670.

 21   Edward Joseph a témoigné en l'espèce et il s'est entretenu avec les

 22   victimes au cours de ces événements, et voici ce qu'on lui a dit, c'est la

 23   pièce P1949, page 14 184 du compte rendu d'audience. On lui a demandé

 24   pourquoi les personnes partaient, et il a répondu :

 25   "Non, je ne pars pas de mon plein gré. Je souhaite rester mais qui va me

 26   protéger ?"

 27   Quelqu'un d'autre lui a dit :

 28   "Il y a suffisamment" -- ou plutôt, il a dit dans sa 


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  1   déposition :

  2   "Il était tout à fait clair à nos yeux que ces femmes partaient de chez

  3   elles et quittaient leurs maisons sous la contrainte."

  4   Le général Tolimir était un participant-clé dans le cadre du transfert

  5   forcé au terme de l'entreprise criminelle commune, et les éléments de

  6   preuve montrent très clairement qu'il a contribué de façon substantielle à

  7   cela.

  8   Tolimir a contribué personnellement, et par le biais de son secteur et de

  9   son personnel de la VRS, à la mise en œuvre sans relâche de la directive

 10   numéro 7 pour mettre à genoux les enclaves, pour faire en sorte que la vie

 11   devienne intolérable pour les habitants, ces habitants musulmans, et pour

 12   finir, pour les chasser. La VRS s'est engagée dans des attaques terroristes

 13   contre Srebrenica dans lesquelles le secteur de Tolimir a pris une part

 14   importante. J'ai parlé plus tôt des éléments de preuve qui concernent

 15   l'attaque de l'enclave datée du 23 juin 1995. Les subordonnés de Tolimir

 16   avaient préparé cette opération. Et comme l'a dit mon confrère, le colonel

 17   Salapura a participé à cette planification, Pavle Golic également, ainsi

 18   que Vujadin Popovic, et ainsi que le commandant du 10e Détachement de

 19   Sabotage, Milorad Pelemis.

 20   Le colonel Salapura a dit dans sa déposition qu'il ne pensait pas que le

 21   général Tolimir était là à ce moment-là parce que s'il avait été là à ce

 22   moment-là, l'ordre de Mladic aux fins d'engager la 10e Unité de Sabotage

 23   dans cette opération aurait été transmis par Mladic via Tolimir au colonel

 24   Salapura. Malheureusement, cette déposition n'est pas très en faveur du

 25   général Tolimir, comme l'espérait sans doute le général Salapura, car il

 26   s'avère que le général Tolimir était là à la date du 23 juin 1995. Dans le

 27   journal du président Karadzic, son carnet de rendez-vous, il était là avec

 28   Mladic, Petar Skrbic et Karadzic. Ils étaient à Pale, à une quarantaine de


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  1   kilomètres de Crna Rijeka, entre 13 heures 45 et 15 heures à la date du 23

  2   juillet. Vous trouverez ceci aux pièces P01408 et P2198, numéro de

  3   référence ERN se terminant par 5399.

  4   On l'entend également dans une écoute téléphonique où il est avec le

  5   général Mladic. Et cette écoute, contrairement au fait que la Défense

  6   conteste la fiabilité, l'exactitude et l'authenticité de l'ensemble des

  7   écoutes téléphoniques, ceci a été enregistré, et vous l'avez. C'est la

  8   pièce P779.

  9   Il est vrai que c'était au général Tolimir de donner son accord au colonel

 10   Salapura pour qu'il utilise cette 10e Unité de Sabotage pour cette attaque,

 11   et c'est le général Tolimir qui aurait transmis l'ordre au général Mladic,

 12   qui aurait donné l'ordre que ceci soit mis en œuvre.

 13   Le général Tolimir a joué un rôle essentiel sur la restriction

 14   imposée aux convois militaires dans les enclaves ainsi que l'armée. Et sur

 15   toutes les demandes d'envoi de convoi figurent ses initiales et sa

 16   signature. Le général Mladic consultait le général Tolimir ainsi que le

 17   général Gvero sur ces questions importantes. Vous vous souviendrez des

 18   témoins à charge importants qui ont parlé des conditions au plan

 19   humanitaire à l'intérieur de Srebrenica et de Zepa et de l'incidence de la

 20   restriction sur ces convois d'aide pour les survivants et les membres de la

 21   communauté internationale. Je ne vais pas aborder ceci dans le détail. Tout

 22   ceci est clairement indiqué dans le mémoire en clôture de l'Accusation.

 23   Vous vous souviendrez certainement de la déposition de Slavko Kralj, qui

 24   souhaitait minimiser le rôle de Tolimir pour ce qui est de la gestion des

 25   convois. Il a dû admettre, lorsqu'il a été confronté à sa déposition

 26   antérieure, que le général Tolimir disposait en effet de cette autorité et

 27   pouvait donner son accord pour l'envoi des convois puisqu'il était le

 28   second du général Milovanovic.


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  1   Le colonel Kralj a dit dans sa déposition que Tolimir était "le plus au

  2   fait" de tous les généraux de l'état-major général en ce qui concerne les

  3   procédures qui devaient être mises en œuvre à propos des convois. Et même

  4   si Kralj a essayé de minimiser le rôle de Tolimir, le rôle qu'il a

  5   véritablement joué, il y a des éléments de preuve qui en disent long sur sa

  6   participation qui était essentielle et qui soulignent l'importance de sa

  7   contribution.

  8   Le département chargé des affaires civiles de l'état-major général agissait

  9   en fonction des informations reçues des "services de renseignements"

 10   lorsqu'il s'agissait de traiter les demandes d'aide de convois. Lorsque le

 11   général Kralj a été confronté à cette référence émanant des services de

 12   renseignements, on lui a dit : Qu'est-ce que vous entendez par là ? Et il

 13   essayait d'expliquer pour dire que ceci n'avait rien à voir avec le général

 14   Tolimir et il tournait en rond.

 15   Et comment ceci n'aurait-il pas pu avoir un quelconque lien ? Parce que le

 16   général Tolimir était à la tête des services de renseignements et de

 17   sécurité au sein de la VRS. Donc toute question relevant du renseignement

 18   relevait de lui. Toute question liée à la sécurité relevait de sa

 19   compétence. Cet élément d'information sur lequel s'est fondé le département

 20   des affaires civiles de la VRS est quelque chose qui a également été remis

 21   ou fourni de façon régulière. Il s'agissait de surveiller l'aide qui

 22   arrivait dans les enclaves.

 23   Donc le système de décision de l'état-major général savait exactement ce

 24   qui entrait et ce qui sortait. Ils savaient exactement dans quelle mesure

 25   ils coupaient les vivres à la population musulmane à l'intérieur de ces

 26   enclaves, et il s'agit là de la population civile. Et ils le savaient et

 27   ils étaient en train de surveiller cela.

 28   Si vous regardez la pièce D209, vous savez exactement de quoi je veux


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  1   parler. Vous verrez que dans ce document-là il est clair qu'ils disposaient

  2   d'informations sur la quantité de farine, d'huile ainsi que de sel qui

  3   entrait dans les enclaves. Ils étaient au courant de tout, ils savaient

  4   exactement ce qui se passait. Alors le résultat de ces restrictions sur le

  5   Bataillon néerlandais, vous avez beaucoup entendu parler de cela, comment

  6   ceci rendait leur vie extrêmement difficile, ils étaient incapables de

  7   remplir leur mandat et de défendre les enclaves. Et Tolimir faisait partie

  8   de tout cela.

  9   Le général Tolimir a également joué un rôle significatif dans la période

 10   qui a précédé l'attaque contre Srebrenica. Il n'a cessé d'induire en erreur

 11   et de mentir aux commandants de la FORPRONU sur les intentions de la VRS et

 12   des objectifs de l'attaque. Dans la transmission du 9 juillet, Tolimir dit

 13   au général Krstic :

 14   "J'ai répondu au commandant de la FORPRONU, je lui ai dit que j'étais en

 15   train de vérifier les informations sur la situation à Srebrenica et que

 16   leurs forces étaient en sécurité. Je pense que je vais leur parler dans 40

 17   minutes. Envoyez un rapport de situation sur le champ de bataille toutes

 18   les heures de façon à ce que je puisse communiquer avec la FORPRONU, ce qui

 19   vous permettra de poursuivre le travail conformément à notre plan."

 20   Vous vous souviendrez des éléments de preuve du général Nicolai et d'autres

 21   personnes qui ont parlé de ce plan en rapport avec le général Tolimir et

 22   comment ceci a été exécuté.

 23   Souvenez-vous du fait que c'était le général Tolimir qui a transmis

 24   l'autorisation du président Karadzic le 9 juillet 1995 pour qu'il puisse

 25   entrer à Srebrenica et prendre le contrôle de la ville, ce qui a précipité

 26   sa chute à la date du 11 juillet 1995 et le déplacement de milliers de

 27   Musulmans par la suite.

 28   Je souhaite rappeler aux Juges de la Chambre que pendant toute la durée des


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  1   réunions qui se sont tenues à l'hôtel Fontana, l'expulsion de la population

  2   musulmane de Potocari les 12 et 13 juillet, les subordonnés de Tolimir

  3   étaient sur le terrain et ils étaient engagés dans les combats. Ses

  4   subordonnés directs étaient là, ses subordonnés professionnels étaient là

  5   et ont participé au transfert forcé de la population civile.

  6   Radoslav Jankovic était là aussi, Vujadin Popovic était là, Momir Nikolic

  7   était là, Svetozar Kosoric était là, en outre il y avait le personnel

  8   militaire du Corps de la Drina et de la Brigade de Bratunac qui étaient là

  9   également.

 10   Et Tolimir les dirigeait et les contrôlait comme il l'a toujours fait.

 11   Souvenez-vous du fait que Tolimir était "responsable exclusivement" pour ce

 12   qui est de l'aspect correct et la légalité de leur travail, à savoir des

 13   organes subordonnés chargés de la sécurité, qui lui étaient subordonnés.

 14   Il devait l'être, bien sûr, il était bien informé de leurs agissements. A

 15   partir du 13 juillet, Tolimir a supervisé le déplacement de la population

 16   de Zepa. Comme je l'ai dit, c'est lui qui a lancé l'ultimatum aux Musulmans

 17   de Zepa et les a menacés d'avoir recours à la force, ce que la VRS a

 18   soutenu en indiquant que les Musulmans n'étaient pas disposés à capituler.

 19   Il a été directement impliqué dans les efforts de la VRS aux fins de

 20   neutraliser la FORPRONU pour faciliter la prise de l'enclave. Et la Chambre

 21   se souvient certainement du rapport du 14 juillet de l'état-major général

 22   au cours duquel le général Krstic, en se fondant sur les rapports du

 23   général Tolimir de la VRS, a dit qu'ils avaient pris le contrôle, et ils

 24   ont dit que :

 25   "Ils avaient l'intention de prendre le contrôle de ce que faisait la

 26   FORPRONU au niveau de ces postes de contrôle."

 27   Il a dit que :

 28   "Tous les postes de contrôle ont reçu pour tâche de rester à leur


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  1   emplacement actuel, même après que les unités de la VRS soient passées

  2   devant elle, et de nous faire un rapport sur les activités des Musulmans."

  3   Tolimir a personnellement dirigé cette opération jusqu'à ce que le dernier

  4   individu de la population musulmane soit chassé. Il était en charge de

  5   l'opération et devait chasser la population de Zepa. Il a même

  6   personnellement fait descendre des hommes d'un convoi qui étaient

  7   transférés à la prison de Rogatica, et il a personnellement escorté le

  8   dernier convoi ce jour-là, qui a quitté Zepa le 25 juillet. La contribution

  9   de Tolimir pour ce qui est du transfert forcé de l'opération et du rôle

 10   qu'il a joué dans cette opération est tout à fait claire, c'est palpable et

 11   tout à fait essentiel. L'intensité de cette contribution ne trouve son

 12   corollaire que, dans une certaine mesure, dans son intention d'avoir en

 13   recours à la force qui était nécessaire pour qu'il réalise ses objectifs.

 14   Le 21 juillet, il fait une proposition qui souligne son engagement à

 15   l'expulsion de la population de Zepa par tous les moyens nécessaires, comme

 16   l'a indiqué M. McCloskey.

 17   Ce que ceci montre, c'est que Tolimir était disposé à utiliser quel que

 18   soit le moyen nécessaire ou la force nécessaire pour réaliser l'objectif

 19   qui lui avait été fixé, à savoir le déplacement de la population musulmane

 20   de Zepa. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute que l'intention de ce document

 21   consistait à utiliser cette force contre la population civile, ce qui a

 22   fait l'objet de dépositions de la part du colonel Obradovic et du général

 23   Savcic.

 24   Au paragraphe 358 du mémoire en clôture du général Tolimir, il dit, et je

 25   cite :

 26   "Son rôle ne peut pas être perçu dans le contexte des événements qui se

 27   sont déroulés à deux endroits pas très importants."

 28   Il a raison. Son rôle doit être perçu à la lumière de qui il était au sein


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  1   de l'état-major général, à la lumière de son implication à Srebrenica à un

  2   niveau stratégique, au niveau de la conception, au niveau de la

  3   planification, de l'organisation et de l'exécution, et ceci doit être perçu

  4   à la lumière de sa position influente. Il s'agissait d'un homme qui avait

  5   la confiance du général Mladic et qui faisait partie de son premier cercle

  6   dans le contexte de la reconnaissance et de l'influence qu'il exerçait par

  7   les membres dirigeants ou des dirigeants de la Republika Srpska. Dans ce

  8   contexte, cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il savait aussi bien que

  9   quiconque quels étaient les objectifs à long terme. Il savait aussi bien

 10   que quiconque quelles étaient les politiques. Il savait aussi bien que

 11   quiconque comment les dirigeants de la RS et la VRS avaient l'intention de

 12   réaliser ces objectifs-là. Il devait certainement savoir pour pouvoir

 13   remplir ses fonctions et il devait le savoir pour pouvoir conseiller le

 14   général Mladic et il devait être au courant pour garantir la sécurité des

 15   opérations de la VRS.

 16   Mais les éléments de preuve en l'espèce portent moins sur ce qu'il

 17   savait que sur ce qu'il a fait. Et ce qu'il a omis de faire et ce qu'il

 18   avait l'intention de faire. Les éléments de preuve en l'espèce prouvent

 19   tout ceci. Tolimir était aussi investi que le général Mladic, Radovan

 20   Karadzic, Vujadin Popovic, Ljubisa Beara, Radislav Krstic et d'autres que

 21   les autres impliqués dans la réalisation des objectifs de guerre des Serbes

 22   de Bosnie. C'était un homme-clé dans la réalisation par le biais de ses

 23   moyens manifestement criminels. Le général Tolimir était clé dans le

 24   processus de prise de décision au sein du commandement de l'état-major

 25   général. Il a participé personnellement à cela et a contribué au transfert

 26   forcé. Il a supervisé et contrôlé l'implication de son secteur et la

 27   participation de ses subordonnés directs et professionnels dans ces

 28   opérations, la planification ainsi que la mise en œuvre des conditions qui


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  1   ont occasionné la misère et la souffrance de milliers de Musulmans de

  2   Bosnie.

  3   Messieurs, Madame les Juges, le général Tolimir maintenant doit être

  4   tenu responsable de ce qu'il a fait. Je vous remercie de votre patience.

  5   Ceci met un terme à mes arguments.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,

  7   Monsieur Vanderpuye. Il reste 15 minutes. Je vois que M. Elderkin est déjà

  8   entré dans le prétoire. Est-ce qu'il serait sage d'avoir la deuxième pause

  9   maintenant ? C'est à vous, Monsieur Elderkin, que je me tourne, puisque

 10   c'est vous qui allez parler pendant le dernier volet d'audience

 11   d'aujourd'hui.

 12   M. ELDERKIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je

 13   crois que ce serait préférable. Il me faut environ une demi-heure, ainsi

 14   que M. [comme interprété] Hasan, et je crois que ma présentation serait

 15   interrompue si nous ne faisons pas la pause tout de suite.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous allons donc faire la pause

 17   maintenant, la deuxième pause, et je crois que vous et M. [comme

 18   interprété] Hasan, vous vous rendriez compte du souhait de M. McCloskey,

 19   qui souhaite avoir dix minutes à la fin de l'audience d'aujourd'hui.

 20   Nous levons l'audience et nous reprendrons à 17 heures 50.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 22.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Elderkin, oui.

 24   M. ELDERKIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 25   Monsieur les Juges.

 26   Je parlerai de meurtres opportunistes dans cette partie de notre

 27   réquisitoire et je parlerai de meurtres ciblés prévisibles qui sont

 28   reprochés à l'accusé aux paragraphes 22 et 23.1 de l'acte d'accusation.


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  1   Aujourd'hui, il s'agira avant tout pour moi de parler de la responsabilité

  2   de Tolimir de ces meurtres parce qu'ils ont constitué les conséquences

  3   naturelles et prévisibles de l'entreprise criminelle commune visant à

  4   transférer de force et à expulser la population musulmane de Srebrenica et

  5   de Zepa; autrement dit, de ce qu'on a appelé les crimes au titre de la

  6   troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune.

  7   Toutefois, Tolimir se voit reprocher toutes les formes de responsabilité

  8   pour ces crimes au titre de l'article 7(1) sous les chefs 1, 3, 4, 5 et 6

  9   de l'acte d'accusation. Et comme cela est expliqué en détail dans notre

 10   mémoire en clôture, les éléments de preuve démontreront la participation de

 11   Tolimir et de ses subordonnés du secteur de la sécurité et du renseignement

 12   à la capture, la détention et la disparition des chefs de file de Zepa, et

 13   d'Avdo Palic en particulier, sont d'une très grande force. Et il devrait

 14   être déclaré coupable de ces meurtres non seulement parce qu'il s'est agi

 15   de conséquences prévisibles du transfert forcé, mais parce que c'est

 16   Tolimir qui a autorisé, qui a approuvé la commission de ces crimes et aussi

 17   parce qu'il a manqué à protéger ces hommes qui ont été capturés par lui et

 18   par ses subordonnés.

 19   Alors, en parlant tout d'abord des meurtres opportunistes reliés à

 20   Srebrenica, je ne vais pas répéter tous les éléments de preuve démontrant

 21   que ces meurtres ont eu lieu, puisque cela figure dans notre mémoire en

 22   clôture. Mais je ferai quelques observations au sujet de ces incidents.

 23   Premièrement, le paragraphe 22.1(a) qui concerne le meurtre de neuf

 24   Musulmans dont les corps ont été trouvés par les soldats du Bataillon

 25   néerlandais à proximité de la "maison blanche" de Potocari, derrière cette

 26   maison blanche. Il en est question au paragraphe 381 du mémoire en clôture

 27   de l'Accusation. Les témoins oculaires néerlandais ont identifié ces

 28   victimes qui ont été trouvés alignés près du cours d'eau et leurs corps


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  1   portaient des blessures par balle dans le dos. Ils les ont identifiés en

  2   tant que Musulmans de Bosnie. En 2006 et 2007, des restes humains ont été

  3   exhumés d'une prairie où des corps avaient été trouvés et vus, et ces

  4   restes ont été identifiés comme appartenant à des Musulmans de Bosnie

  5   portés disparus surtout de Potocari ou des endroits se situant à proximité.

  6   Ces éléments de preuve se trouvent à la pièce à conviction P167, pages 348

  7   à 351 de cette pièce dans le prétoire électronique. Et les victimes, eh

  8   bien, on peut établir un recoupement pour ce qui est des victimes avec la

  9   liste de personnes portées disparues et décédées après la prise de

 10   l'enclave de Srebrenica, et je vous renvoie à la pièce P1777.

 11   Deuxièmement, le sous-paragraphe 22.2 de l'acte d'accusation où M. Tolimir

 12   se voit reprocher des meurtres opportunistes qui se sont produits à

 13   Bratunac et dans les parages lorsque des Musulmans capturés de Srebrenica

 14   ont été emmenés là-bas pour être placés en détention temporaire avant

 15   d'être déplacés vers la zone de Zvornik. Des éléments de preuve relatifs à

 16   ces meurtres figurent aux paragraphes 383 à 396 du mémoire de l'Accusation.

 17   Et, en particulier, nous avons au moins une déposition d'un témoin serbe de

 18   Bosnie, PW-64, étayant cela, ainsi que les dépositions des survivants

 19   musulmans qui étayent les éléments sur les meurtres de Bratunac. Ces

 20   meurtres se sont produits, bien sûr, pendant la période où l'adjoint de

 21   Tolimir, chef de sécurité de l'état-major, le colonel Beara, était à

 22   Bratunac. Il était très pris -- il était très occupé à faire en sorte que

 23   ces Musulmans soient transportés au nord vers les lieux d'exécution en

 24   masse.

 25   Pour ce qui est du reste des meurtres opportunistes qui sont

 26   reprochés à l'acte d'accusation, les éléments de preuve sont abordés à

 27   différents endroits de notre mémoire en clôture, sauf que les meurtres de

 28   l'école de Petkovci sont décrits aux paragraphes 650, 651 et 656 de notre


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  1   mémoire.

  2   Dans leur ensemble, les meurtres opportunistes se sont produits dans les

  3   jours qui ont suivi la prise de l'enclave de Srebrenica par la VRS. La

  4   raison pour laquelle ils sont reprochés en tant que crimes prévisibles dans

  5   le cadre de l'entreprise criminelle commune, à la différence de milliers

  6   d'autres meurtres de Musulmans qui se sont produits après l'attaque de

  7   Srebrenica, est qu'ils n'ont pas été aussi organisés et aussi massifs. Ils

  8   n'ont pas fait partie d'une opération aussi complexe supervisée en

  9   particulier par Beara et d'autres officiers subordonnés à Tolimir faisant

 10   partie de la sécurité et du renseignement. Plutôt, il s'agit de meurtres

 11   comme celui qui s'est produit au centre de Srebrenica; vous vous

 12   rappellerez la vidéo où l'on voit le corps d'un homme gisant dans une

 13   flaque de sang. Cela correspond à la déposition de Drazen Erdemovic. Il a

 14   dit qu'il a vu un de ses collègues du 10e Détachement de Sabotage trancher

 15   la gorge d'un homme près de la mosquée centrale. Pièce P2799, page 43 du

 16   prétoire électronique.

 17   Si les meurtres opportunistes n'étaient pas organisés et dirigés avec la

 18   même attention que les autres meurtres massifs dans le cadre de cette

 19   opération meurtrière, vous pourriez vous demander comment est-ce qu'on

 20   pourrait les reprocher à Tolimir. Bien entendu, c'est la question qui est

 21   soulevée par le mémoire en clôture de Tolimir, où il dit que la troisième

 22   catégorie de l'entreprise criminelle commune reviendrait tout simplement à

 23   "condamner tout le monde."

 24   Bien entendu, l'entreprise criminelle commune comme forme de responsabilité

 25   ne revient pas du tout à "tout simplement condamner tout le monde," mais il

 26   m'appartient peut-être de rappeler aujourd'hui quel est l'élément

 27   permettant de déclarer coupable un membre de l'entreprise criminelle

 28   commune de crimes qui vont au-delà des objectifs partagés par tous les


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  1   membres de l'entreprise. Tout simplement, ce qui est demandé, c'est que le

  2   membre de l'entreprise criminelle commune doit être déclaré coupable de ce

  3   type de crime lorsqu'il a décidé de prendre part à une activité criminelle

  4   grave en sachant que ses camarades risquent de commettre des crimes

  5   supplémentaires dans le cadre de l'exécution de l'entreprise criminelle

  6   commune. Si Tolimir a pris ce risque en connaissance de cause, comme il l'a

  7   fait sans aucun doute, eh bien, cela doit être démontré par sa

  8   participation continue au transfert de forces dans le cadre de l'entreprise

  9   criminelle commune. Si cela était démontré, il doit être déclaré coupable

 10   de ces crimes supplémentaires. Les crimes de la catégorie 3 de l'entreprise

 11   criminelle commune doivent constituer des conséquences naturelles et

 12   prévisibles de l'exécution de l'entreprise criminelle commune, et je nous

 13   renvoie à l'arrêt de la Chambre d'appel :

 14   "La possibilité qu'un crime soit commis doit être suffisamment

 15   substantielle et prévisible."

 16   Je vous ai renvoyés à la décision de l'affaire Karadzic du 25 juin 2009.

 17   Donc, quel est le seuil ? Le seuil est de savoir si l'accusé pouvait

 18   prévoir que ces crimes étaient, non pas probables, mais au moins possibles.

 19   Donc, si nous appliquons cette analyse à l'espèce, quels sont les éléments

 20   de preuve de l'espèce ? Ils nous montrent que Tolimir et, bien entendu,

 21   tous les autres se situant à ce niveau-là, au niveau où ils recevaient

 22   toutes les informations, eh bien, qu'ils étaient en mesure de prévoir la

 23   possibilité de ces crimes meurtriers. Comme cela a été entendu tout au long

 24   de cette affaire, des actes de violence en représailles entre les parties

 25   belligérantes se sont produits à Srebrenica depuis 1992; qui plus est, des

 26   actes de violence contre les Musulmans étaient de toute évidence

 27   prévisibles en tant que partie intégrante de la politique de nettoyage

 28   ethnique des terres devant appartenir aux Serbes de Bosnie, y compris la


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  1   vallée de la Drina, donc cela était tout à fait prévisible à la lumière de

  2   l'histoire brutale de la guerre. On ne peut pas avancer que Tolimir ne

  3   savait pas quelle était la chronologie de la haine, la politique de

  4   nettoyage ethnique qui a existé avant juillet 1995. Qui plus est, les

  5   éléments de preuve démontrent que Tolimir était au courant de ces actes de

  6   violence meurtrière qui allaient de pair avec les opérations de nettoyage

  7   ethnique.

  8   Et je vais maintenant parler de meurtres opportunistes de Zepa de

  9   dirigeants militaires et politiques, d'Amir Imamovic, Avdo Palic et de ces

 10   hommes qui ont été capturés par la VRS pendant que Tolimir a supervisé les

 11   étapes finales du transfert forcé de la population civile de Zepa en

 12   juillet 1995 --

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que, comme les

 14   orateurs qui vous ont précédé, vous devriez ralentir pour les interprètes

 15   et pour la sténotypiste. Poursuivez.

 16   M. ELDERKIN : [interprétation] Alors, pour insister sur la façon dont

 17   Tolimir a véritablement participé à cette opération de retrait contraint,

 18   l'officier de la FORPRONU Tom Dibb nous a dit qu'il a vu Tolimir faire en

 19   sorte que Mehmed Hajric soit appréhendé alors que les derniers bus

 20   quittaient Boksanica le 27 juillet 1995. Paragraphe 457 du mémoire de

 21   clôture de l'Accusation. Entre-temps, Avdo Palic avait accompagné Tolimir

 22   alors qu'il dirigeait les convois des Musulmans, qu'il les chassait de

 23   leurs maisons pour les emmener vers la ligne de confrontation à Kladanj.

 24   Palic a été vu avec Tolimir au centre de Zepa le 25 juillet 1995.

 25   Voici une image qui est extraite du recueil de clichés. On voit Tolimir

 26   serrer la main de Palic dans la ville de Zepa ce même jour, pièce P2799,

 27   page 163 du système e-court. Et, en fait, c'est la dernière image que nous

 28   avons de Palic en vie. Il est en train de serrer la main d'un homme qui


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  1   pouvait disposer de sa vie ou de sa mort.

  2   Pour ce qui est de la responsabilité dans le sort de Palic notamment,

  3   il n'est pas exagéré de dire que Tolimir a pratiquement enchaîner lui-même

  4   Palic. Peu de temps après que Palic a été détenu, Tolimir a envoyé des

  5   rapports compte tenu des informations qu'il avait obtenues de Palic. Par la

  6   suite, Palic, que la VRS avait considéré comme un criminel de guerre du

  7   fait de sa participation au début de la guerre à une attaque contre un

  8   convoi de la JNA, convoi de la JNA qui se dirigeait vers le mont de Zlovrh,

  9   bon, Palic manifestement n'a jamais pu espérer bénéficier d'un traitement

 10   juste, humain, ou n'avait pas le moindre espoir de revoir sa femme et ses

 11   filles. D'ailleurs, les derniers moments de la vie d'Avdo Palic avec sa

 12   famille ont été relatés de façon particulièrement émouvante à la Chambre de

 13   première instance lorsque Esma Palic elle-même est venue témoigner. Avdo

 14   Palic a par la suite été emprisonné à Rogatica, dans l'appartement de Zoran

 15   Carkic, qui était officier de sécurité de la brigade. Et Carkic lui-même a

 16   consulté Beara, et à la mi-août Palic fût déplacé à la faveur de la

 17   pénombre de la nuit dans le plus grand secret vers la prison militaire de

 18   Vaneko Mlin à Bijeljina, avant d'être déplacé une fois de plus pendant la

 19   nuit dans le plus grand secret au début du mois de septembre 1995, et ce,

 20   par Dragomir Pecanac, qui était officier chargé du renseignement pour

 21   l'état-major principal, et là il a été envoyé vers une destination

 22   inconnue. Donc vous vous souviendrez de la façon dont Pecanac a relaté

 23   comment il avait remis Palic dans un parking à Han Pijesak en pleine nuit,

 24   qu'il l'avait confié à Jovo Maric, général des forces aériennes, qui

 25   d'ailleurs, d'après ce qu'a relaté Pecanac, est décédé peu de temps après

 26   la guerre.

 27   Et ce n'est qu'après que les gardes du Corps de Bosnie orientale qui

 28   se trouvaient dans cette prison secrète ont appelé l'officier de permanence


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  1   de la VRS et ont reçu la confirmation que Pecanac agissait bien au nom du

  2   secteur chargé du renseignement et de la sécurité pour l'état-major

  3   principal.

  4   Pendant toutes ces semaines de détention par l'administration de la

  5   sécurité de la VRS, on ne retrouve jamais le nom de Palic. Il n'est jamais

  6   fait référence à Palic par son nom, mais par son nom de code, Atlantide. Ce

  7   nom apparaît pour la première fois le 30 juillet 1995 dans un document

  8   envoyé par Carkic sur autorisation de Tolimir, document dans lequel il est

  9   indiqué comment Atlantide est détenu de façon sûre dans un endroit éloigné

 10   des autres détenus musulmans de Zepa. Document P1434.

 11   Donc tous ces éléments de preuve soulignent une conclusion qui est

 12   absolument minimaliste mais qui peut être tirée, à savoir que Tolimir

 13   pouvait envisager, pouvait prévoir la possibilité que Palic allait être

 14   tué. Le général Tolimir était au courant de l'incarcération de Palic. Il

 15   savait qu'il avait été incarcéré par des hommes placés sous son

 16   commandement, et ce, quelques jours seulement avant l'exécution de la plus

 17   grande opération meurtrière en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.

 18   Etant donné que Tolimir a commandé et supervisé ceux qui ont capturé,

 19   détenu et fait disparaître Palic, il apparaît quasiment banal de le dire,

 20   mais il est absolument indubitable que Tolimir pouvait prévoir et a prévu

 21   que Palic ne pouvait pas et ne resterait pas vivant.

 22   Au vu des éléments de preuve, toutefois, la Chambre de première instance ne

 23   devrait pas seulement condamner Tolimir pour les meurtres des dirigeants de

 24   Zepa au vu de sa responsabilité dans l'entreprise criminelle commune numéro

 25   3, mais devrait également se fonder sur ses actes, agissements et omissions

 26   tels qu'ils ont été relatés ici ainsi que dans le mémoire de clôture de

 27   l'Accusation conformément aux autres modes de responsabilité au titre de

 28   l'article 7(1).


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  1   Si nous faisons abstraction de ces autres modes de responsabilité, je

  2   souhaiterais indiquer que Tolimir pouvait tout à fait entrevoir le sort

  3   néfaste qui allait être celui non seulement de Palic mais également de

  4   Hajric et d'Imamovic. J'aimerais vous demander de vous souvenir des mots

  5   prononcés par le général Mladic que nous avons pu voir, et que nous voyons

  6   maintenant, alors que des bus transportent la population musulmane de Zepa.

  7   Vous vous souviendrez peut-être que Mladic dit à un des groupes, et

  8   d'ailleurs ses propos s'adressent plutôt à la caméra qu'aux pauvres

  9   Musulmans qui étaient chassés de leurs foyers. Mais vous vous souviendrez

 10   peut-être que Mladic dit à un de ses groupes :

 11   "Plus de clémence. Je vous offre votre vie comme cadeau."

 12   Pièce P2798, numéro ERN V0009017, arrêt sur image 5408.

 13   Les dirigeants de l'état-major de la VRS, notamment le général Mladic, bien

 14   entendu, mais également le général Tolimir, étaient responsables de toutes

 15   les décisions concernant le sort de la population de Zepa. Notamment, ils

 16   avaient le pouvoir -- ils pouvaient décider de la vie et de la mort des

 17   Musulmans qui leur sont passés entre les mains. Le général Tolimir, au vu

 18   de ce qu'il avait fait pour échanger les prisonniers pendant la guerre,

 19   était informé de tous les événements militaires importants. Il était

 20   informé, par exemple, de l'opération de Zepa et il savait, par exemple, que

 21   les Musulmans de Zepa, notamment les dirigeants musulmans de Zepa,

 22   couraient un danger très, très grave au cas où ils seraient détenus par les

 23   militaires et placés en détention militaire pendant cette opération

 24   d'expulsion forcée. Pour Hajric, Imamovic et Palic, il faut savoir qu'ils

 25   n'ont pas été épargnés. Leur vie ne a pas été offerte comme cadeau, ils ont

 26   plutôt été capturés, détenus et assassinés brutalement, tués brutalement,

 27   avant que leurs dépouilles ne soient jetées dans une fosse éloignée à

 28   Vragolovi, où leurs restes ont été récupérés seulement de nombreuses années


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  1   après.

  2   J'ai fait référence au fait que Hajric, Imamovic et Palic n'ont pas été les

  3   seuls Musulmans de Zepa détenus par la VRS sous la supervision de Tolimir

  4   et de ses subordonnés. Plus de 40 autres hommes, notamment Hamdija Torlak,

  5   un autre membre des dirigeants de Zepa, ont été placés en détention et

  6   détenus à Rogatica, et ce, au même endroit que Hajric et Imamovic. Tous ces

  7   hommes ont été chassés de Zepa avec le reste de la population en juillet

  8   1995, mais ils ont quitté cette détention organisée par la VRS dans le

  9   cadre d'un échange de prisonniers en janvier 1996, à savoir après les

 10   accords de Dayton. Pendant la période où Hajric, Imamovic et Palic étaient

 11   détenus et ont par la suite disparu, il faut savoir qu'il y avait d'autres

 12   victimes de l'opération d'expulsion forcée de Zepa qui étaient détenues à

 13   Rogatica mais que la VRS déployait des efforts pour faire revenir les

 14   Musulmans de Zepa qui s'étaient enfuis vers la Serbie en franchissant la

 15   Drina. De plus, ils oeuvraient constamment pour détruire les édifices

 16   publics et les maisons de particuliers à Zepa pour empêcher aux Musulmans

 17   toute possibilité de retour à Zepa. Cela figure aux paragraphes 470 et 473

 18   du mémoire de clôture de l'Accusation. Cela prouve quels furent les efforts

 19   déployés par la VRS pour achever et terminer le nettoyage ethnique de Zepa

 20   même après le départ des derniers bus de la ville de Zepa à la fin du mois

 21   de juillet 1995. Cela prouve que ces efforts étaient encore en cours au

 22   moment où ces trois dirigeants ont été détenus et ont par la suite été

 23   portés disparus. Leur meurtre s'est très certainement, sans aucune doute,

 24   déroulé alors que les membres de l'entreprise criminelle commune essayaient

 25   de terminer leur travail de nettoyage de Zepa de sa population musulmane.

 26   J'aimerais maintenant faire référence à certains éléments relevés par M.

 27   Tolimir à propos des meurtres de Zepa. Au paragraphe 478 de son mémoire de

 28   clôture, M. Tolimir écrit, et je cite :


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  1   "Les questions fondamentales relatives à ces meurtres allégués sont les

  2   suivantes : Qui a exécuté ces meurtres et dans quelles circonstances, et

  3   est-ce que M. Tolimir aurait pu raisonnablement les prévoir ? Car Tolimir

  4   n'est pas accusé d'avoir participé à ces meurtres."

  5   En réponse au premier point, il n'est pas nécessaire d'établir les

  6   identités particulières des meurtriers, pourvu qu'il existe des éléments de

  7   preuve au-delà de tout doute raisonnable pour confirmer que les dirigeants

  8   musulmans de Zepa ont été tués, ce qui est démontré par les circonstances

  9   entourant leur disparition et les résultats de l'exhumation du site

 10   Vragolovi. Les éléments de preuve médicolégaux pertinents sont cités au

 11   paragraphe 475 du mémoire en clôture de l'Accusation. Pour ce qui est des

 12   circonstances de leur disparition, ceci figure au paragraphe 478 du mémoire

 13   en clôture.

 14   En réponse au deuxième point, à savoir que "Tolimir n'est pas accusé

 15   d'avoir participé à ces meurtres," comme je l'ai dit au début de ma

 16   présentation, Tolimir est absolument accusé de toutes les formes de

 17   responsabilité relevant de l'article 7(1) de sa responsabilité pour ces

 18   crimes; il ne s'agit pas simplement de ses crimes dans le cadre de

 19   l'entreprise criminelle commune. Encore une fois, je souhaite vous

 20   rappeler, Madame, Messieurs les Juges, comme vous avez entendu de la bouche

 21   de M. Vanderpuye, que Tolimir avait le devoir de protéger les détenus, et

 22   ceci s'appliquait aux dirigeants de Zepa tout autant qu'aux hommes et aux

 23   garçons qui avaient été faits prisonniers après la chute de Srebrenica.

 24   Tolimir n'a pas seulement manqué à son obligation dans ce sens, mais ses

 25   actes par le biais de ses subordonnés, notamment Beara, Pecanac et Carkic,

 26   ont contribué directement à la mort de Hajric, Imamovic et Palic.

 27   Pour en revenir au mémoire en clôture de Tolimir, il poursuit en donnant un

 28   récit de la détention de Hajric, Imamovic et Palic, et aux paragraphes 482


Page 19447

  1   à 486 il décrit le traitement soi-disant correct infligé à ces prisonniers

  2   avant de conclure comme suit, et je cite :

  3   "Compte tenu du fait que Mehmed Hajric et Amir Imamovic avaient été

  4   hébergés dans un centre de détention adéquat, traités comme des prisonniers

  5   de guerre, immatriculés par le comité international de la Croix-Rouge et

  6   autorisés à envoyer des lettres à leurs familles, leur prétendu meurtre ne

  7   peut pas être raisonnablement considéré comme prévisible. Les instructions

  8   de Tolimir qui figurent dans ce document," pièce à conviction P1434,

  9   "fournissent des éléments de confirmation supplémentaires, à savoir que

 10   Tolimir s'est intéressé au traitement correct des prisonniers de guerre de

 11   Zepa."

 12   En outre, au paragraphe 495 de son mémoire en clôture, Tolimir note, et je

 13   cite :

 14   "Tolimir était déjà parti pour les fronts de Grahovo et Glamoc le 30

 15   juillet 1995."

 16   Comme je l'ai dit, en insistant dessus en parlant des meurtres

 17   opportunistes, la question de la prévisibilité est centrale lorsqu'il

 18   s'agit d'analyser la responsabilité de Tolimir pour ces meurtres en vertu

 19   du mode de responsabilité numéro 3 dans le cadre de l'entreprise criminelle

 20   commune. Par conséquent, il est important de voir ce que Tolimir a fait, ce

 21   qui est une des conditions essentielles, de savoir comment Hadzic [comme

 22   interprété] et Imamovic ont été détenus, le fait qu'ils aient été

 23   immatriculés par la Croix-Rouge internationale et qu'ils aient pu envoyer

 24   des messages à leurs familles ne signifiait pas que l'éventualité de leur

 25   meurtre ne soit pas prévisible. Tolimir dit s'être rendu dans une autre

 26   partie du pays à la fin du mois de juillet 1995. En fait, compte tenu des

 27   éléments de preuve reçus par la Chambre de première instance, ceci indique

 28   le contraire, que Tolimir savait que les prisonniers semblaient avoir été


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  1   bien traités mais qu'ils étaient, en réalité, à risque et que son départ en

  2   direction de Grahovo et Glamoc n'entraînait pas qu'il ne savait plus ce qui

  3   se passait en Bosnie orientale.

  4   Comme j'en ai déjà parlé, j'ai dit dans quelle mesure le meurtre

  5   d'Avdo Palic était prévisible par Tolimir. Pour ce qui est de Hajric et

  6   Imamovic, en général la prévisibilité de leur meurtre se trouve abordée

  7   dans le mémoire en clôture de l'Accusation, en clôture. Plus

  8   particulièrement pour ce qui est des commentaires de Tolimir à propos de

  9   Hajric, Imamovic et de leurs meurtres, qui n'étaient pas prévisibles parce

 10   que c'étaient des victimes, et à sa connaissance ils avaient été traités

 11   correctement et immatriculés par le CICR, que cette immatriculation est

 12   comme une feuille de vigne qui permet à Tolimir et la VRS de prétendre

 13   qu'ils traitaient les prisonniers conformément à leurs obligations en vertu

 14   du droit international. En réalité, comme nous l'avons entendu par le biais

 15   des éléments de preuve, par exemple, Meho Dzebo et Hamdija Torlak, les

 16   conditions dans la prison de Rogatica étaient scandaleuses. Non seulement

 17   ces conditions ont été scandaleuses, mais les éléments de preuve montrent

 18   clairement que les subordonnés de Tolimir chargés de la sécurité et du

 19   renseignement, y compris le chef chargé de la sécurité du Corps de la Drina

 20   au sein de la VRS, Vujadin Popovic, que ces subordonnés agissaient par le

 21   truchement d'un système qui permettait de faciliter le mauvais traitement

 22   d'un nombre de prisonniers au mépris des efforts du CICR pour les

 23   immatriculer. Je souhaite vous demander, Madame, Messieurs les Juges, de

 24   vous reporter aux instructions du 20 septembre 1995 données par Popovic

 25   pour dissimuler les incidents au cours desquels des prisonniers détenus par

 26   la VRS ont été tués sous leur garde, pièce P2257, ce qui est également

 27   abordé dans les paragraphes 481 à 448 [comme interprété] du mémoire en

 28   clôture de l'Accusation. Très clairement, conformément à ces instructions


Page 19449

  1   données par Popovic, les visiteurs du CICR à la prison de Rogatica ont

  2   appris, puisqu'on leur a dit qu'à la fin du mois d'octobre 1995, ces trois

  3   hommes qui avaient été immatriculés à la prison en juillet "s'étaient

  4   évadés depuis la dernière visite des représentants du CICR." Deux de ces

  5   trois présumés "évadés" étaient Hajric et Imamovic. Ce rapport du CICR se

  6   trouve à la pièce P2253.

  7   En tant qu'autre élément de preuve indique que l'immatriculation ou

  8   les rapports de ces personnes capturées n'empêchaient pas l'éventualité

  9   qu'ils soient tués, je souhaite vous rappeler, Madame, Messieurs les Juges,

 10   du sort des patients de Milici. Des fichiers ont été conservés à propos de

 11   ces hommes dans le cadre des soins qui leur ont été prodigués à l'hôpital.

 12   Néanmoins, ils ont été remis à Vujadin Popovic et par la suite tués.

 13   Effectivement, la remise des patients de Milici à Popovic s'est déroulée

 14   peu de temps après que Tolimir ne se soit entretenu avec lui le 22 juillet,

 15   lorsqu'il a dit à Popovic, je cite : "Fais ton travail, ton boulot."

 16   Le récit des patients de Milici ne fait que renforcer la seule

 17   conclusion raisonnable, à savoir que compte tenu des circonstances qui ont

 18   suivi l'opération de meurtre à Srebrenica, Tolimir pouvait prévoir cette

 19   possibilité, à savoir que même les Musulmans qui avaient été immatriculés,

 20   que ce soit par le CICR ou par tout autre organe, pouvaient être tués.

 21   Pour ce qui est du départ de Tolimir en direction de Grahovo et

 22   Glamoc à la date du 30 juillet, étant donné qu'il s'agissait du front

 23   occidental, cela n'empêchait pas Tolimir, l'assistant du commandant chargé

 24   des questions de renseignement et de sécurité, d'être entièrement informé

 25   de tout ce qui se passait à l'est du pays. Juste un exemple : la

 26   transmission de Tolimir qui est datée du 3 septembre 1995 à différents

 27   subordonnés dans les services de renseignements et de la sécurité de la

 28   VRS, pièce à conviction P2250, qui traite plus particulièrement des


Page 19450

  1   questions liées aux prisonniers, notamment la situation concernant les

  2   prisonniers en Bosnie orientale.

  3   Je souhaite terminer ma présentation en vous rappelant, Madame,

  4   Messieurs les Juges, ce que nous savons du sort qui a été réservé, pour

  5   finir, à Hajric, Imamovic et Palic. Pour ce qui est de Hajric et Imamovic,

  6   ils ont été détenus dans une cellule de prison qui était connue des autres

  7   détenus à Rogatica comme étant la cellule tristement célèbre. Ils

  8   appelaient cela la pièce tristement célèbre, et je cite :

  9   "Car, dans 90 % des cas, les personnes qui se trouvaient là étaient

 10   torturées. On entendait des cris, on entendait des hurlements, des appels à

 11   l'aide."

 12   Des survivants de cette pièce tristement célèbre ont confirmé que

 13   Dzebo, Imamovic et un autre homme, Hodzic, dont les restes humains ont

 14   également été retrouvés dans la fosse de Vragolovi, s'étaient trouvés dans

 15   cette pièce. A un moment donné au mois d'août 1995, Hajric et Imamovic ont

 16   été emmenés la nuit.

 17   Nous savons également que Palic avait été détenu à cet endroit-là

 18   secrètement. Et pour finir, il a également été emmené pendant la nuit au

 19   mois de septembre 1995 par un homme qui était Dragomir Pecanac, qui

 20   travaillait pour Tolimir et qui vous avez entendu, Madame, Messieurs les

 21   Juges, ici, dans ce prétoire. Nous n'avons pas d'éléments de preuve sur le

 22   traitement de Palic au cours de sa détention, mais nous disposons

 23   d'éléments de preuve qui émanent de sa tombe, ainsi que des tombes de

 24   Hajric et Imamovic. On a tiré sur ces trois hommes. Le rapport d'autopsie

 25   sur Avdo Palic, le rapport dit, entre autres, ce qui suit :

 26   "La mort était une mort violente qui a été provoquée directement par

 27   une blessure à la tête. Les fractures des os de la tempe d'un côté et de la

 28   mâchoire supérieure, des côtes 5, 6 et 7 du côté droit, et 2, 3, 4, 5, 6 et


Page 19451

  1   9 du côté gauche ont été provoquées par des projectiles tirés à partir

  2   d'armes à feu."

  3   Pièce P186.

  4   Madame, Messieurs les Juges, ces trois malheureux hommes n'ont pas eu

  5   une mort facile, ni ces hommes se sont livrés à des meurtres opportunistes

  6   après la chute de Srebrenica. On doit leur rendre justice, comme il doit

  7   rendre justice à des milliers d'autres victimes de ces crimes reprochés en

  8   l'espèce.

  9   J'en ai terminé avec ma présentation, et c'est Mme Hasan qui va

 10   poursuivre avec sa présentation.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Elderkin.

 12   Soyez la bienvenue dans ce prétoire, Madame Hasan. Je vous prierais de ne

 13   pas oublier que M. McCloskey souhaitait avoir quelques minutes à sa

 14   disposition à la fin de cette audience. Vous avez la parole.

 15   Mme HASAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 16   Monsieur le Juge, Madame le Juge. Bonjour à toutes et à tous.

 17   Il est difficile de parler de l'impact de ce qui s'est produit dans les

 18   enclaves de Srebrenica et de Zepa en 1995. Il est difficile de parler des

 19   incidents qu'ont eus les événements qui ont déshonoré l'humanité. Je vais

 20   néanmoins essayer d'en parler. L'expulsion des populations de Srebrenica et

 21   de Zepa, ainsi que le fait de séparer et de tuer des milliers d'hommes et

 22   de garçons de Srebrenica a détruit à tout jamais les Musulmans de Bosnie de

 23   Bosnie de l'Est. Ce qui en reste sont des restes carbonisés des populations

 24   de Srebrenica et de Zepa, des populations qui encore aujourd'hui ont dû mal

 25   à se maintenir. Il s'agit d'une société qui est au désespoir après les

 26   événements qu'on leur a fait subir en juillet 1995 dans le cadre d'une

 27   entreprise criminelle meurtrière. C'est une société qui est enlisée dans le

 28   passé, mais qui est en même temps épouvantée et qui a du mal à s'y


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  1   confronter, une société qui a perdu sa direction et son identité.

  2   L'incidence sur les victimes, en particulier sur les femmes et les enfants,

  3   se trouve dans le fait que ces victimes ne savent pas ce qu'il est advenu

  4   de leurs proches. Elles ne savent pas ce que leurs capteurs leur

  5   réservaient. Et leur incertitude est devenue la peur pendant quand on les a

  6   forcés à abandonner leurs pièces d'identité, leurs effets personnels, que

  7   ce soit à Potocari, à Sandici ou à d'autres sites de détention. Leurs

  8   capteurs ont choisi de les placer en détention dans des conditions les plus

  9   déshumanisantes. Ils les ont privées de leurs droits en tant qu'êtres

 10   humains, ils ont décidé de transformer en fait leur peur en pure terreur.

 11   Des hommes ont vécu des moments épouvantables pendant qu'on les emmenait à

 12   bord d'autocars et de camions. Parfois, ils avaient les yeux bandés et les

 13   mains attachées lorsqu'on les emmenait à ces sites d'exécution qui avaient

 14   été sélectionnés auparavant. Plus de 

 15   7 000 hommes et garçons ont été soumis à cette horreur et à ces souffrances

 16   avant d'être tués sans merci, dans des conditions impitoyables.

 17   Quelques-uns d'entre eux ont survécu à ces massacres épouvantables. Ils ont

 18   eu le courage de venir devant vous pour vous parler de leur sort

 19   épouvantable, dont PW-21, un garçon qui a survécu malgré et contre tout. Il

 20   a survécu à l'exécution en masse d'Orahovac. Il a parlé de ces meurtres

 21   insondables, des centaines d'hommes qui faisaient partie du même groupe que

 22   lui, y compris son propre père. Et d'autres survivants vous ont dit comment

 23   ils ont failli être tués eux-mêmes, ils y ont échappé de peu. Par exemple,

 24   PW-18 qui a été roué de coups très gravement, on lui a tiré dessus. Il a

 25   été témoin d'exécutions de ses proches, et il a trouvé la force, néanmoins,

 26   de se faire porter pour mort sur une colline de Nezuk pendant que le sang

 27   giclait de sa bouche. Et c'est dans cet état-là qu'il a évité la mort. Et

 28   rappelez-vous PW-15, qui s'est caché sous une pile de morts, exécutés sous


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  1   ses yeux à Petkovci. Ces hommes ont été victimes de blessures physiques et

  2   de terribles angoisses et peurs mentales. Ceux qui ont été tués et ceux qui

  3   ont pu échapper à la mort ont été confrontés à l'horreur entre les mains

  4   des membres de l'entreprise criminelle commune.

  5   Ils ont été arrachés à leurs foyers, leurs terres, leurs milieux,

  6   tout ce qu'il leur était connu et proche. Ces femmes musulmanes de Bosnie

  7   de l'Est ont dû aussi supporter terribles chagrins pendant qu'on les

  8   arrachait à leurs proches de Potocari avant de les expulser vers Kladanj.

  9   Et ces séparations ont causé une telle anxiété ou stress parmi ces femmes

 10   qu'elles sont encore traumatisées 16 ans plus tard. Vous avez entendu le

 11   récit d'un certain nombre de veuves de Srebrenica et de proches des

 12   victimes, mais je voudrais que leurs voix soient entendues dans ce

 13   prétoire. L'impact de ces séparations a été décrit par Razija Pasagic, qui

 14   a dit, je la cite :

 15   "L'expérience d'être séparée de mon mari, de mon frère et de mes amis

 16   a été très difficile. Certes, je vis, mais en fait ma vie n'est plus, ou

 17   plutôt, on pourrait dire que ma vie se poursuit mais que c'est moi qui

 18   n'existe plus."

 19   Le meurtre de ces hommes a constitué un pas monumental vers la

 20   destruction des femmes et des enfants. Pendant des années, les femmes

 21   musulmanes de l'est de Bosnie ont vécu dans l'incertitude et l'agitation,

 22   se demandant ce qui était advenu de leurs proches, tourmentées par la

 23   pensée des circonstances dans lesquelles ont péri leurs proches, où ils

 24   sont morts, est-ce qu'ils ont été torturés, avaient-ils faim. Vous avez

 25   entendu des éléments de preuve d'une très grande puissance sur le syndrome

 26   de Srebrenica et les traumatismes psychologiques subis par ces femmes.

 27   Teufika Ibrahimefendic, de l'organisation Vive Zene, a décrit les symptômes

 28   que présentent ces femmes, dont des cauchemars terribles, la peur, la


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  1   nervosité, l'agressivité. Leur envie de vivre a été étouffée. Ces femmes

  2   souffrent de culpabilité caractérisée, et nombre d'entre elles auraient

  3   préféré avoir été mortes. Hanifa Hafizovic, vous avez sa déclaration, pièce

  4   P01522, qui a déclaré :

  5   "On ne peut pas s'opposer à Dieu, mais si Dieu me montrait la grâce

  6   aujourd'hui, si je pouvais mourir aujourd'hui, j'en serais heureuse."

  7   Et d'autres développent des comportements autodestructeurs. En plus

  8   de leurs souffrances mentales, elles souffrent physiquement.

  9   Grâce au couplage par l'ADN, des femmes et des enfants de Srebrenica et de

 10   Zepa ont commencé à connaître le sort des hommes, leurs proches, et ce,

 11   après des années d'incertitude. Elles ne peuvent pas s'arracher à leur

 12   misère, à partir du moment où elles ont reçu une confirmation de la mort de

 13   leurs proches, à savoir donc beaucoup de corps, des parties de corps de

 14   leurs proches ont été trouvées dispersées dans des fosses et à des endroits

 15   qui leur sont inconnus. Leur détresse a été rendue plus grande en tant que

 16   résultat de cette opération de ré-ensevelissement, opération criminelle qui

 17   prive ces femmes d'un enterrement décent, conforme à leurs coutumes

 18   religieuses et ethniques.

 19   Madame, Messieurs les Juges, il est difficile de parler de perspective de

 20   rétablissement à long terme pour ces femmes, même pour celles qui

 21   bénéficient de soins. Leur état est encore extrêmement grave, et à l'heure

 22   actuelle l'état de nombreuses de ces femmes s'est en fait aggravé. Le

 23   syndrome de Srebrenica hante encore de nombreuses femmes et de nombreuses

 24   familles, car il y a encore de nombreux hommes qui sont toujours portés

 25   disparus et ils n'ont pas tous été identifiés. Il y a de nombreuses femmes

 26   et familles qui continuent à vivre sans savoir ce qui s'est passé.

 27   Certaines ne connaîtront jamais la vérité, ne pourront jamais véritablement

 28   commencer à faire leur deuil. Rappelez-vous de Mirsada Malagic, son beau-


Page 19455

  1   père, Omer Malagic, n'a été enterré et inhumé qu'il y a trois ans. Quinze

  2   ans plus tard, elle a reçu une confirmation que son mari et son fils qui

  3   avaient été tués et avaient été inhumés en 2010. Nous savons que les restes

  4   mortels de son fils, Admir Malagic, ont été trouvés dans la fosse commune

  5   secondaire de la route de Cancari numéro 6, qui est essentiellement

  6   associée aux exécutions de la ferme de Branjevo et de Pilica. Les restes de

  7   son mari, Salko, ont été trouvés dans la fosse de Cancari 10, également

  8   associée aux exécutions de la ferme de Branjevo. Les restes de son beau-

  9   père ont été retrouvés dans la fosse secondaire de Cancari numéro 3,

 10   associée aux exécutions de Kozluk. Son fils aîné, Elvir Malagic, qui avait

 11   19 ans en juillet 1995, est toujours porté disparu. Il aurait eu 36 ans

 12   aujourd'hui.

 13   Le temps s'est arrêté pour Mirsada Malagic. Elle attend, comme de

 14   nombreuses autres femmes, et souffre du syndrome de Srebrenica car elle ne

 15   sait toujours pas quel fut le sort de son fils. Elles sont nombreuses à

 16   espérer contre tout espoir, comme Samila Salcinovic, qui ne veut pas se

 17   remarier parce qu'elle continue à espérer que son mari reviendra. Vous

 18   trouverez sa déposition dans la pièce P1524, à la page 5. L'histoire de

 19   Mirsada Malagic, de Samila Salcinovic et d'autres femmes veuves de

 20   Srebrenica présentées par l'Accusation ne sont qu'un tout petit exemple des

 21   milliers de tragédies vécues par les autres familles des enclaves de Bosnie

 22   orientale qui ont été dépossédées de tout et qui ont perdu leurs proches.

 23   Nous avons entendu des éléments de preuve indiquant que la cohésion des

 24   unités familiales n'existe plus. Nous avons entendu comment ces personnes

 25   qui avant avaient une vie sociale sont complètement isolées, s'isolent et

 26   sont en proie à la peur et à la méfiance. Nous avons entendu et appris

 27   comment ces survivantes ne sont pas consolées parce qu'elles ne sont pas

 28   seules. Comme l'a indiqué Nura Efendic, une veuve de Srebrenica qui a perdu


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  1   son mari et ses deux fils, elle a indiqué qu'elle savait pertinemment

  2   qu'elle n'était pas la seule dans cette situation. Mais le fait de savoir

  3   que "nous sommes des milliers" ne m'offre absolument aucun réconfort et

  4   n'est pas une source de consolation.

  5   Le général Tolimir était un des membres essentiel, fondamental, un gradé

  6   supérieur de la VRS, qui vivait et travaillait dans cette région et savait

  7   à quel point les hommes sont importants dans cette société traditionnelle

  8   et patriarcale qu'était la société des Musulmans de Bosnie de Bosnie

  9   orientale. En tuant deux ou trois générations d'hommes de Srebrenica, les

 10   forces serbes de Bosnie ainsi que Tolimir savaient quelles allaient être

 11   les conséquences catastrophiques de ces meurtres, et telle était bien leur

 12   intention, ils savaient quelles seraient les conséquences pour tout le

 13   groupe. En éliminant les piliers de cette société, les hommes et les

 14   dirigeants, ils garantissaient ainsi l'effondrement des survivants de la

 15   communauté et s'assuraient qu'ils ne reviendraient jamais.

 16   A la suite de cela, certains noms patronymiques vont disparaître et ont

 17   déjà disparu. Le nom de famille de Hanifa Hafizovic, par exemple, autre

 18   témoin dont vous avez entendu les éléments de preuve, va disparaître car 18

 19   hommes de sa famille ont été portés disparus après la chute de Srebrenica.

 20   Aucun homme ne reste pour transmettre ce nom.

 21   La détresse, le chagrin et le traumatisme de ces femmes à la suite du

 22   meurtre de ces hommes sont aggravés par leur statut de réfugié, car bon

 23   nombre de ces familles avaient des existences plutôt prospères avant la

 24   guerre sous la protection de leurs maris et de leurs pères. Le Témoin

 25   Rahima Malkic a expliqué comment elle avait "une vie plutôt agréable." Elle

 26   vivait avec ses enfants et son mari, travaillait la terre, ils avaient des

 27   ovins, des vaches, un cheval ainsi que des poules. Ils étaient

 28   propriétaires d'une maison et étaient en train d'en construire une


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  1   deuxième. Mais après avoir été déracinés et chassés de leurs foyers en

  2   juillet 1995 et après avoir perdu les hommes de leur famille, leur vie a

  3   changé. Et maintenant elles essaient péniblement de joindre les deux bouts.

  4   La grande majorité de ces femmes n'a pas réussi à reprendre le dessus, à

  5   vivre à nouveau, à trouver des emplois pour faire vivre leurs familles, et

  6   ont été contraintes à vivre dans des logements de fortune, et ce, depuis de

  7   nombreuses années. Samila Salcinovic, qui venait juste de se marier au

  8   moment de la chute de Srebrenica, a perdu neuf hommes dans sa famille et a

  9   également perdu son mari. Elle s'est retrouvée réfugiée. Elle n'a pas été à

 10   même de trouver un travail. Elle cultive des légumes sur un tout petit

 11   lopin de terre et n'a pas d'eau courante dans sa maison. Sa seule source

 12   d'eau est un puit, mais un puit qui s'assèche pendant l'été.

 13   Les femmes musulmanes de Bosnie en Bosnie orientale ont énormément souffert

 14   des difficultés auxquelles elles étaient confrontées par le fait qu'elles

 15   ont dû assumer les responsabilités qui étaient autrefois celles des hommes

 16   dans leurs foyers. Ces femmes avaient l'habitude de se reposer davantage

 17   sur les hommes, qui étaient plus instruits et qui s'occupaient des affaires

 18   familiales officielles. Les membres de l'entreprise criminelle savaient

 19   pertinemment qu'en tuant les hommes ils allaient ébranler très profondément

 20   les fondements de ce groupe dans sa totalité.

 21   La destruction physique des maisons et des lieux de culte à Srebrenica et à

 22   Zepa décrit par l'Accusation dans son mémoire en clôture, aux paragraphes

 23   470 à 473 pour ce qui est de Zepa et le paragraphe 377 pour ce qui est de

 24   Srebrenica, ainsi que le meurtre des hommes et la souffrance physique et

 25   mentale qui découlait du meurtre de ces hommes et de leur expulsion ont

 26   empêché à ces personnes qui ont survécu de rentrer chez elles. Vous vous

 27   souviendrez peut-être de la réponse de Mirsada Malagic quand on lui a

 28   demandé pourquoi elle ne souhaitait pas rentrer chez elle, et elle a dit,


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  1   je cite :

  2   "C'est impossible d'y vivre." Elle a expliqué, et je cite :

  3   "Quiconque qui survit à Srebrenica, qui a survécu à la guerre, qui a

  4   traversé tout ce que j'ai traversé, croyez-moi, ne peut pas vivre à cet

  5   endroit-là."

  6   Rahima Malkic, dont vous n'avez pas entendu la déposition mais dont la

  7   déclaration a été versée au dossier, a demandé :

  8   "Comment puis-je retourner là-bas quand la moitié de ma famille ne s'y

  9   trouve pas ?"

 10   Son mari, ainsi que deux de ses fils ont été portés disparus après la chute

 11   de Srebrenica, et donc elle demande :

 12   "Comment puis-je reconstruire ma maison ? Je n'ai pas d'hommes pour m'aider

 13   en cela."

 14   Les femmes estiment qu'elles ne peuvent pas rentrer chez elles seules, et

 15   dans la plupart des cas elles n'ont plus de maison où revenir. Rien n'est

 16   resté à Zepa non plus. Leurs maisons ont été brûlées jusqu'au sol. Il n'y a

 17   plus d'usines ni d'emplois auxquels elles pourraient retourner. De nombreux

 18   habitants de Zepa se sont installés dans d'autres régions du monde étant

 19   donné que les conditions à Zepa, comme l'a dit Esma Palic dans sa

 20   déposition, "n'étaient pas vivables."

 21   La jeunesse musulmane de Bosnie ne souhaite pas y retourner non plus,

 22   retourner en Bosnie orientale. Elle souhaite quitter la Bosnie une fois

 23   pour toutes. N'oublions pas ces jeunes Musulmans de Bosnie en Bosnie

 24   orientale. Ceux qui ont survécu ont dû affronter des obstacles très

 25   importants, ont eu des problèmes d'adaptation comme des niveaux faibles de

 26   concentration, des cauchemars, des retours en arrière, des peurs ainsi que

 27   des problèmes comportementaux. Ceux qui ont perdu leurs pères, leurs

 28   oncles, leurs grands-pères manquent de modèles masculins, ce qui a eu une


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  1   incidence sur leur passage à l'âge adulte, leurs familles et leur sentiment

  2   d'identité. Ce qui est sûr, c'est que l'effet de cette opération meurtrière

  3   sera très important pour eux et pour elles dans les années à venir.

  4   L'effet du nettoyage ethnique sur la population de Srebrenica et de Zepa

  5   ainsi que la séparation et les meurtres à froid de ces hommes ont provoqué

  6   des souffrances incalculables et de la douleur incalculable à des milliers

  7   de personnes qui ont survécu et qui ont été condamnées pour le reste de

  8   leurs jours en raison de leurs souffrances physiques et mentales. Cet effet

  9   sur ce groupe a été catastrophique. Et ce résultat avait été prévu. Il

 10   avait été prévu qu'il n'y ait plus d'espoir pour les survivants ou plus

 11   d'espoir de vie pour les habitants de Srebrenica et de Zepa.

 12   J'ai essayé, Madame et Messieurs les Juges, de vous faire part de cet effet

 13   étouffant que ceci a eu sur les individus et sur les Musulmans de Bosnie en

 14   Bosnie orientale. Il est peut-être préférable d'en terminer avec les propos

 15   d'Amer Malagic, un parent d'une des victimes de Srebrenica, qui a dit :

 16   "Essayez d'imaginer ce que ceci a fait à notre famille, et c'est encore

 17   pire."

 18   Ceci, Madame, Messieurs les Juges, est l'effet que la mort a produit sur

 19   nous, la mort de ces 7 000 hommes musulmans de Bosnie en Bosnie orientale

 20   et l'expulsion d'une population qui était restée sur place. Il s'agit d'une

 21   douleur indescriptible de milliers de familles. Il s'agit, Madame,

 22   Messieurs les Juges, de cet effet durable et profond qu'ont eu ces

 23   décisions coupables et des actions menées par les dirigeants de la RS et de

 24   la VRS et du général Tolimir.

 25   Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame

 27   Hasan.

 28   Monsieur McCloskey, vous avez la parole à nouveau pour dix minutes très


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  1   exactement, comme vous l'avez demandé.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas grand-

  3   chose de plus à dire. J'avais quelque chose sur papier, quelque chose que

  4   j'avais l'intention de dire. D'une manière ou d'une autre, après que mes

  5   amis et confrères et consoeurs aient présenté leurs arguments, je pensais

  6   que c'était valable.

  7   Je souhaite vous rappeler quelque chose : si vous vous penchez sur

  8   l'intention de M. Tolimir, est-ce que ces crimes épouvantables ont été les

  9   siens ou était-ce simplement quelqu'un qui a apporté son aide en cours de

 10   route ? Nous savons que le général Tolimir est un homme très intelligent,

 11   très impressionnant, un des premiers hommes parmi les quatre au sein de cet

 12   état-major général et de son nettoyage ethnique. C'est un exemple -- il

 13   sert d'exemple comme soldat à la tête de la VRS et ses actes sont des actes

 14   qui seront analysés et jugés par l'histoire. C'est un homme qui agit de son

 15   plein gré. C'était un homme qui a choisi délibérément d'emprunter la voie

 16   qu'il a empruntée. Et lorsqu'on lui a demandé de mener cette opération

 17   meurtrière, c'est Mladic qui lui a demandé, il avait différentes options

 18   possibles. Il a délibérément, intentionnellement et volontairement décidé

 19   d'être loyal envers Mladic, d'être loyal envers cette cause à l'encontre de

 20   son obligation en tant que soldat, en tant qu'homme, de se retirer de son

 21   devoir envers Dieu, de dire non, de son devoir en terme de la loi,

 22   d'empêcher et d'arrêter ceci et de protéger ces hommes. Il a jamais dit un

 23   seul mot à propos du CICR à la presse et à quiconque pour dire qu'il

 24   souhaitait empêcher ceci. Il l'a adopté, et ce, pour les besoins de la VRS

 25   et pour les besoins de Mladic.

 26   Nous n'avons jamais entendu une seule parole de sa bouche critiquer ses

 27   dirigeants et son commandant envers lequel il est resté loyal. En

 28   choisissant Mladic contre la loi, il a perdu ce qu'il avait d'humain. Il a


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  1   fait quelque chose par lui-même, de son plein gré. Ce n'est pas quelqu'un

  2   qui a simplement apporté son aide et qui a aidé et encouragé ces

  3   opérations. Il est l'incarnation même de cette destruction, de cette

  4   expulsion, de ce génocide tout à fait unique qui a été commis à Srebrenica,

  5   et c'est quelque chose qu'il porte en lui pour le restant de ses jours.

  6   Il n'y a qu'une seule phrase que je pourrais dire pour qualifier ce crime,

  7   à savoir l'emprisonnement à vie. Merci beaucoup.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur

  9   McCloskey. Je suppose que ceci met un terme aux arguments oraux de

 10   l'Accusation. Nous arrivons -- nous sommes parvenus à la fin de l'audience

 11   d'aujourd'hui.

 12   Demain M. Tolimir va nous présenter ses arguments, son point de vue, lors

 13   de ses arguments oraux. Il n'y a aucune question à aborder aujourd'hui.

 14   Nous allons donc lever l'audience et reprendre demain après-midi dans ce

 15   même prétoire numéro III. Nous levons l'audience.

 16   --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le mercredi 22 août

 17   2012, à 14 heures 15.

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