Page 28
1 Le mercredi 12 novembre 2014
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 52.
6 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
8 de l'affaire IT-05-88/2-A, le Procureur contre Zdravko
9 Tolimir.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tolimir, entendez-vous la
11 procédure dans une langue que vous comprenez ? Monsieur Tolimir ?
12 L'APPELANT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous
13 entends.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
15 Pardon ?
16 M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quelqu'un peut-il aider M. le Juge
18 Guney, s'il vous plaît.
19 Je vais maintenant demander la présentation des parties, s'il vous plaît.
20 S'agissant de M. Tolimir. Nous avons noté que vous assurez votre propre
21 défense, Monsieur Tolimir. Vous vous souviendrez que le 20 juin 2014, la
22 Chambre d'appel a fait droit à votre demande permettant à votre conseiller
23 juridique d'assister à l'audience en appel, M. Aleksandar Gajic, et a
24 autorisé M. Gajic à présenter des arguments oraux lors de l'audience en
25 appel.
26 Monsieur Gajic [comme interprété], je suppose que vous pouvez
27 confirmer cela. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? Bien. Tout va bien.
28 L'APPELANT : [interprétation] Merci. Je tiens à saluer toutes les personnes
Page 29
1 présentes et j'espère que ce procès se terminera selon la volonté de Dieu
2 et non pas selon la mienne. Merci.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
4 Du côté de l'Accusation, s'il vous plaît.
5 M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
6 Juges. Je m'appelle Peter Kremer. Je représente l'Accusation ce matin et je
7 suis aidé de Lada Soljan, Todd Schneider, M. Wood et Mme Milaninia. Et
8 notre commise à l'affaire aujourd'hui est Janet Stewart. Merci.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kremer.
10 C'est agréable de vous revoir dans le prétoire.
11 M. KREMER : [interprétation] Ça sera la dernière fois pour moi.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vais maintenant résumer l'appel et
13 la manière dont nous allons procéder aujourd'hui.
14 Cette affaire porte sur la responsabilité de M. Tolimir pour des crimes
15 commis dans les enclaves de Srebrenica et Zepa en Bosnie orientale en 1995.
16 A l'époque, M. Tolimir était commandant adjoint chargé du renseignement et
17 de la sécurité au sein de l'état-major principal de l'armée de la Republika
18 Srpska, ou VRS.
19 La Chambre de première instance, Mme la Juge Nyambe étant en
20 désaccord, a constaté que Tolimir a participé à deux entreprises
21 criminelles communes alléguées dans l'acte d'accusation : une entreprise
22 criminelle commune aux fins de tuer les hommes valides de l'enclave de
23 Srebrenica et une entreprise criminelle commune visant à chasser par la
24 force la population musulmane de Bosnie des enclaves de Srebrenica et de
25 Zepa.
26 La Chambre de première instance à la majorité, Mme la Juge Nyambe
27 étant en désaccord, a conclu que Tolimir était coupable -- la Chambre de
28 première instance à la majorité, Mme la Juge Nyambe étant en désaccord, a
Page 30
1 déclaré Tolimir coupable en vertu de l'article 7(1) du Statut du Tribunal
2 de génocide et entente en vue de commettre le génocide, extermination,
3 meurtre, persécution et actes inhumains par le biais de transfert forcé.
4 La Chambre de première instance, Mme la Juge Nyambe étant en
5 désaccord, a condamné M. Tolimir à une peine de réclusion à perpétuité. M.
6 Tolimir fait valoir 25 moyens d'appels qui contestent ses condamnations et
7 sa peine et demande à la Chambre d'appel d'annuler ses condamnations dans
8 leur totalité ou, à titre subsidiaire, de diminuer de façon considérable sa
9 peine.
10 Aux moyens d'appel 1 à 4 de son appel, M. Tolimir conteste la
11 décision de la Chambre de première instance aux fins de préparer un constat
12 judiciaire des faits jugés lorsqu'elle évalue un certain nombre d'éléments
13 de preuve. Aux chefs 6 à 13, il conteste certaines des constatations
14 factuelles et juridiques de la Chambre de première instance portant sur
15 l'extermination et le transfert forcé en tant que crimes contre l'humanité.
16 En outre, il conteste les conclusions de la Chambre de première instance à
17 l'égard du crime de génocide.
18 Aux chefs 5 [comme interprété], 14 à 20, M. Tolimir conteste les
19 constatations factuelles et juridiques de la majorité à propos de sa
20 responsabilité pour sa participation aux deux entreprises criminelles
21 communes, à savoir l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre
22 et l'entreprise criminelle commune sous la forme de transfert forcé.
23 Aux chefs 21 à 23, il conteste les constatations de la Chambre de première
24 instance concernant sa responsabilité à l'égard de chefs d'accusation
25 particuliers.
26 Et, pour finir, au moyen d'appel 24, M. Tolimir conteste les conclusions de
27 la majorité de la Chambre concernant le cumul de ses déclarations de
28 culpabilité, et au chef 25, il conteste les conclusions de la Chambre eu
Page 31
1 égard au prononcé de sa peine.
2 L'Accusation répond en précisant que tous les moyens d'appel avancés par M.
3 Tolimir lors de l'appel doivent être rejetés.
4 Je souhaite attirer l'attention des parties sur les questions que la
5 Chambre d'appel a présentées aux parties dans l'addendum à l'ordonnance
6 portant calendrier pour que ces parties se penchent dessus. Cet addendum a
7 été déposé le 31 octobre 2014.
8 Pendant toute la durée de cette audience en appel, les avocats peuvent
9 faire valoir les moyens d'appel dans l'ordre qui leur convient. Les avocats
10 peuvent présenter leurs moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugent convenir.
11 Cependant, j'inviterais les avocats de ne pas répéter ou résumer les
12 arguments déjà présentés dans leurs mémoires en appel. La Chambre d'appel
13 connaît ces arguments.
14 En outre, les parties doivent préciser des références précises aux
15 documents qu'ils utilisent pour étayer leurs arguments oraux. Les Juges,
16 bien évidemment, peuvent interrompre les parties à tout moment pour poser
17 des questions ou peuvent poser des questions suite aux arguments présentés
18 par les parties ou à la fin de l'audience.
19 Je souhaite également rappeler les parties qu'elles doivent prêter une
20 attention toute particulière au fait de ne pas révéler des informations qui
21 seraient susceptibles d'identifier un témoin protégé ou d'autres
22 informations protégées.
23 Pour finir, je souhaite insister sur le fait qu'un appel n'est pas un
24 procès de novo et que les parties doivent s'abstenir de répéter les
25 arguments présentés lors du procès. Les arguments doivent être limités à
26 des erreurs alléguées de droit qui invalident le jugement de première
27 instance ou erreurs alléguées de fait qui donnent lieu à une erreur
28 judiciaire.
Page 32
1 Tel qu'indiqué dans l'ordonnance portant calendrier, cette audience se
2 poursuivra comme suit. Nous allons tout d'abord entendre les arguments du
3 conseiller juridique de M. Tolimir pendant deux heures. Après la pause du
4 déjeuner, l'Accusation répondra pendant deux heures. Après une pause de 20
5 minutes, le conseiller juridique de M. Tolimir aura 30 minutes pour
6 répliquer. Et, pour finir, M. Tolimir aura dix minutes pour s'adresser aux
7 Juges de la Chambre personnellement s'il le souhaite.
8 Ayant maintenant précisé la manière dont nous allons procéder aujourd'hui,
9 je vais demander au conseiller juridique de M. Tolimir de présenter ses
10 arguments.
11 Monsieur Gajic, c'est à vous.
12 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Membres de
13 la Chambre d'appel, c'est un grand honneur et une grande responsabilité
14 pour moi que de me présenter devant cette Chambre, en particulier
15 s'agissant d'une affaire qui fait partie des procès très lourds de
16 Srebrenica où il y a bien des questions de droit et de fait qui sont
17 contestés.
18 Etant que le débat en appel, conformément à la révision et à ses
19 normes en appel, se trouve limité et ne constitue pas un réexamen de
20 l'affaire toute entière, on se limitera à débattre les erreurs dans le
21 jugement de la Chambre de première instance qui sont susceptibles d'influer
22 sur le résultat de cette affaire et le prononcé de la peine au final.
23 Etant donné que je n'ai que deux heures pour ce qui est de présenter mes
24 arguments, mon argumentation sera résumée dans son ensemble aux réponses
25 aux questions posées par les Juges de la Chambre d'appel qui se trouvent
26 dans l'avenant à l'ordonnance portant calendrier pour le débat
27 d'aujourd'hui.
28 Avant que de commencer à répondre aux questions posées par les Juges de la
Page 33
1 Chambre, je voudrais dire que la gravité particulière de cette affaire en
2 appel se trouve être résumée par les positions diamétralement opposées
3 prises par les Juges de la Chambre. Il ne s'agit pas seulement d'un ou deux
4 critères ou de désaccord sur un ou deux faits entre eux, mais il y a un
5 Juge, le Juge Nyambe, qui a présenté une opinion diamétralement opposée par
6 rapport par rapport aux opinions formulées par les autres Juges de la
7 Chambre de première instance.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vouliez dire la Chambre de
9 première instance, non pas la Chambre d'appel.
10 M. GAJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
11 Je vais commencer par répondre aux questions posées par les Juges de la
12 Chambre. Je vais commencer suivant l'ordre qui a présenté pour le débat à
13 venir.
14 La première des questions posée par les Juges de la Chambre d'appel se lit
15 comme suit, et cela se rapporte aux motifs d'appel 7 et 10, pour savoir si
16 les opérations des Serbes de Bosnie à Zepa avaient constitué des actes
17 génocidaires, si cela est pris en considération de façon dissociée par
18 rapport aux exécutions de Srebrenica.
19 L'opinion de l'appelant consiste à dire que si l'on considère les choses de
20 façon dissociée ou de concert avec les motifs liés à Srebrenica, les
21 opérations des Serbes de Bosnie à Zepa ne peuvent pas être considérées
22 comme des actes génocidaires, et il n'y a pas de fondement qui pourrait
23 constituer un justificatif adéquat pour conclure qu'il y avait une
24 intention génocidaire pour ce qui est de la population de Zepa. Il n'y a
25 pas un seul agissement qui constituerait un acte de génocide, à savoir
26 meurtre, atteinte corporelle ou mentale qui conduirait un groupe vers des
27 conditions qui se solderaient par son anéantissement.
28 Le motif d'appel numéro 7, au sujet duquel je me propose de formuler
Page 34
1 quelques observations, se rapporte à des erreurs de droit pour ce qui est
2 des circonstances dans lesquelles un déplacement forcé peut être considéré
3 comme un acte génocidaire en application de l'article 4(2) du Statut et
4 pour savoir si la Chambre de première instance a fait une erreur pour ce
5 qui est des atteintes mentales.
6 Les déplacements forcés de la population en tant que tels ne peuvent
7 être considérés comme un actus reus d'un génocide. Il y a eu des
8 propositions au cours des débats liés à la convention relative au génocide
9 de qualifier comme génocide tout déplacement forcé de la population. Le Pr
10 Bartos, qui avait représenté la Yougoslavie à l'époque, a fait référence à
11 la pratique du déplacement de la population slave pendant la Deuxième
12 Guerre mondiale qui a été effectué par les Nazis et a qualifié ce
13 déplacement de la population comme étant une destruction intentionnelle
14 d'un groupe donné. Et il a conclu en disant que le génocide pouvait être
15 effectué lorsque l'on contraint certains membres d'un groupe à quitter
16 leurs domiciles.
17 La proposition avait été faite pour ce qui est de la considérer comme
18 étant un génocide par les soins de la Syrie, ça a été appuyé par la
19 Yougoslavie, mais cela a été rejeté par une grande majorité, 22 voix contre
20 cinq pour et huit abstention, parce qu'on a considéré que cela s'éloignait
21 par trop du concept du génocide.
22 L'INTERPRÈTE : La cabine française fait savoir au conseil de la Défense
23 qu'il lit trop vite.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez dit avoir conclu que le
25 génocide pouvait être considéré comme le fait de forcer des membres d'un
26 groupe à abandonner. Que voulez-vous dire ? Vous parlez des "auteurs" ou
27 des "victimes" ? Ils abandonnent le génocide ? Vous voulez dire qu'ils
28 souhaitent abandonner le lieu où ils vivent ?
Page 35
1 M. GAJIC : [interprétation] J'ai parlé de déplacement de la population par
2 la force depuis un endroit où cette population résidait. J'étais en train
3 de parler --
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez parler non pas de génocide
5 mais de l'abandon de leur lieu de résidence. D'accord. Merci. C'est clair.
6 Vous pouvez continuer.
7 M. GAJIC : [interprétation] Bien entendu, je pense que je vais devoir
8 ralentir un peu parce qu'il me faut attendre quand même un certain laps de
9 temps pour voir apparaître sur l'écran les propos que je prononce.
10 Les Juges de la Chambre de première instance, lorsqu'elle a considéré que
11 le déplacement forcé de la population comme étant une atteinte mentale
12 grave en vertu de l'article 4 du Statut, se sont fondés sur le projet de
13 convention relative au génocide, comme on peut le voir à la note de bas de
14 page 3 107, du projet de cette convention où cette conception du génocide a
15 été abordée de façon tout à fait autre que dans le Statut du Tribunal et
16 dans la convention relative à la punition du crime du génocide. Ce qui l'a
17 probablement conduite dans l'analyse à une dissociation du concept de
18 génocide tel que défini par le droit international et une définition tout à
19 fait autre de la notion d'atteinte mentale.
20 Cette notion d'atteinte mentale grave, je vous le rappelle, a été
21 définie comme étant une atteinte plus grave qu'une offense temporaire ou
22 une humiliation provisoire. Ça ne peut pas, donc, avoir des conséquences
23 durables et ça ne peut pas être inguérissable, mais ça peut conduire à des
24 détériorations à long terme de l'aptitude d'un individu à avoir une vie
25 normale et constructive. Une telle définition de l'atteinte mentale grave
26 se trouve être conforme à la définition qui a été contenue dans le projet
27 de convention et qui a ensuite été biffée pour ce qui est de la définition
28 du génocide présente pour ce qui est des actes criminels dirigés contre un
Page 36
1 groupe protégé pour l'anéantir à part entière ou en partie, et on a ajouté
2 : Empêcher son maintien et son développement -- d'après le droit
3 international en vigueur, empêcher le maintien et le développement d'un
4 groupe ne saurait constituer un élément de génocide. Cela ne pourrait donc
5 pas être considéré comme étant un génocide.
6 Les travaux préparatoires de la convention relative au génocide
7 montrent que la notion de l'atteinte mentale a trouvé sa place dans la
8 convention suite à une proposition formulée par la Chine qui a expliqué sa
9 proposition en parlant des agissements des forces d'occupation japonaises
10 contre la population chinoise par l'utilisation de drogues et a souligné
11 que même si cela n'est pas aussi spectaculaire que les meurtres en masse ou
12 les chambres à gaz dans l'Allemagne nazie, le résultat n'en est pas moins
13 mortel.
14 Je fais référence aux notes officielles de l'assemblée générale,
15 troisième session, partie 1, comité 6, session 69, pages 59 à 60. La notion
16 de l'atteinte grave à l'intégrité mentale, du point de vue de la convention
17 relative au génocide, ne peut pas être considérée comme un élément qui
18 empêche un individu d'avoir une vie normale et constructive, mais il faut
19 que ce soit suffisamment grave pour menacer une destruction totale ou
20 partielle d'un groupe entier, et ceci doit être entendu du point de vue de
21 la survie biologique ou physique de ce groupe. Une telle interprétation,
22 comme cela figure dans notre mémoire en clôture, se trouve être étayée par
23 une déclaration proposée par les Etats-Unis d'Amérique pour ce qui est des
24 instruments de ratification de la convention relative au génocide,
25 considérant que cette atteinte à l'intégrité mentale doit être "une
26 atteinte permanente aux capacités mentales d'un groupe au travers de
27 stupéfiants, torture ou techniques semblables."
28 Le génocide, étant le plus grave des délits au pénal connus par le
Page 37
1 droit international, se rapporte au droit d'un groupe national, racial,
2 ethnique ou religieux à la survie. Et si on se penche sur la convention
3 dans son intégralité, si nous l'interprétons dans le contexte des éléments
4 préparatoires à l'adoption de la convention, ce qui se trouve être
5 mentionné au côté du meurtre - ou atteinte grave à l'intégrité mentale ou
6 placement d'un groupe dans des conditions menant à son anéantissement
7 physique - cela ne peut pas être interprété comme la réalisation d'un effet
8 final, mais il s'agit seulement de modalités différentes par lesquelles on
9 aboutit à l'objectif du génocide, à savoir destruction partielle ou totale
10 d'un groupe donné.
11 La Défense est d'avis que l'on peut considérer comme acte de génocide
12 un déplacement forcé seulement si cela a été fait de façon à pouvoir être
13 qualifié comme étant une atteinte grave à l'intégrité mentale ou placement
14 d'un groupe dans des conditions qui conduisent forcément à sa destruction,
15 comme cela a été le cas pour ce qui est de placement d'individus dans des
16 camps de concentration, dans des ghettos et dans des secteurs où il y a des
17 conditions de dégradation, où les êtres humains sont dépossédés de leurs
18 droits élémentaires et où on les placerait dans des conditions qui sont
19 susceptibles d'aboutir par la destruction dudit groupe et non pas de se
20 solder par des entraves à son développement.
21 Alors, quelle que soit la façon dont on comprendrait les atteintes
22 graves à l'intégrité mentale ou le placement d'un groupe protégé dans des
23 conditions menant à sa destruction, selon les modalités que je viens de
24 décrire, ou selon les modalités qui ont été celles de la Chambre de
25 première instance, aucun des agissements de l'armée de la Republika Srpska
26 à Zepa ne peut être placé ou rangé dans la notion de génocide. La majorité
27 des membres de la Chambre de première instance, au paragraphe 758 du
28 jugement, a formulé une conclusion qu'aucune Chambre de première instance
Page 38
1 raisonnable ne saurait adopter, à savoir qu'il y a eu des atteintes graves
2 à l'intégrité mentale de la population musulmane, et ce, du fait de leur
3 déplacement forcé de Zepa pendant la période allant du 25 au 27 juillet
4 1995.
5 D'abord, il n'y a pas d'élément de preuve qui pourrait prouver
6 l'existence d'une intention génocidaire par rapport aux Musulmans de Bosnie
7 de Zepa. Et, deuxièmement, les agissements que la Chambre de première
8 instance a pris en considération lors de l'adoption de ses conclusions ne
9 sauraient être qualifiés comme étant des actes génocidaires.
10 Je tiens à vous rappeler ici une chose qui va être examinée dans les
11 réponses apportées à d'autres questions posées par la Chambre d'appel, le
12 fait que l'intention génocidaire dans le jugement rendu par la Chambre de
13 première instance se fonde en premier lieu sur l'opération des exécutions.
14 Pendant l'opération de Zepa, il n'y a pas eu d'exécution de
15 prisonniers de guerre en provenance de Zepa. La population civile n'a pas
16 été exposée à des exécutions.
17 Du reste, le troisième acte d'accusation modifié ne comporte pas
18 d'allégations relatives à des meurtres à Zepa. Et alors qu'il s'agit ici
19 des meurtres de Palic, Hajric et Imamovic, je vais en parler un peu plus
20 tard en répondant à la question numéro 2 de la Chambre d'appel.
21 La chute de Zepa n'a eu lieu que suite à trois tours de négociations
22 où la population s'est toujours vue proposée la possibilité de rester à
23 Zepa.
24 Comme expliqué au motif d'appel numéro 15, aux paragraphes 303 à 328
25 du motif d'appel modifié, je tiens à vous rappeler certains des faits qui
26 confirment la soumission disant que l'attaque contre Zepa et les modalités
27 de la conduite des opérations militaires à Zepa n'avaient pas été
28 contraires au droit international. Lorsqu'il s'agit de l'ordre donné pour
Page 39
1 attaquer Zepa, le général Krstic dit clairement que la population civile
2 musulmane et la FORPRONU ne sont pas la cible de notre opération. Il s'agit
3 du P1225, page 4. Dans le jugement, il s'agit du paragraphe 1 028, note de
4 bas de page 4 061.
5 L'attaque contre Zepa a constitué une réaction pour ce qui est des efforts
6 investis par les Musulmans visant à conduire des opérations militaires aux
7 fins de rattacher les enclaves avec la partie centrale du territoire placé
8 sous le contrôle de la Bosnie-Herzégovine, et ce, en lançant des attaques
9 fréquentes depuis le territoire des enclaves. Les éléments de preuve qui le
10 confirment se trouvent être énoncés au paragraphe 306 du mémoire en appel.
11 Ces attaques se sont soldées par beaucoup de victimes au niveau de l'armée
12 serbe et de la population serbe, chose qui a été constatée par la Chambre
13 de première instance également.
14 Pour ce qui est de l'inexistence de l'intention génocidaire, on peut en
15 conclure partant des documents des Nations Unies. En premier lieu, je tiens
16 à mentionner un rapport de la FORPRONU qui porte la référence P596,
17 paragraphe 9, où on dit que :
18 "Les Serbes entendent s'emparer de la poche," on parle de la poche de Zepa,
19 "sans combat, si cela est possible."
20 Et lorsque l'on décrit la réunion qui s'est tenue le 13 juillet, où il y a
21 eu participation de Zdravko Tolimir, on dit : "Les Serbes ont demandé aux
22 Bosniens à Zepa de déposer leurs armes, suite à quoi la population civile
23 pourra s'en aller ou rester." Ça se trouve au paragraphe 8 de ce document.
24 En d'autres termes, du fait du lancement de l'attaque contre Zepa --
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi.
26 La première question soulevée dans l'addendum de l'ordonnance portant
27 calendrier évoquait la question du lien entre les opérations de Zepa et les
28 opérations de Srebrenica ou le fait qu'il n'y ait pas de lien. Dans votre
Page 40
1 mémoire en appel, au paragraphe 164, vous faites valoir que la Chambre de
2 première instance avait l'obligation d'analyser séparément les opérations
3 de l'armée serbe de Bosnie à Srebrenica et à Zepa. Ceci porte, évidemment,
4 sur l'acte d'accusation utilisé au procès qui dans ce cas a défini le
5 groupe étant pris pour cible qui fait l'objet des accusations contre M.
6 Tolimir, et je cite, "comme la population musulmane de la Bosnie
7 orientale." Et d'après l'acte d'accusation, ceci représentait la population
8 musulmane en tant que telle.
9 Pourquoi, pouvez-vous nous expliquer, la Chambre de première instance vous
10 a demandé, comme vous l'alléguez, d'analyser séparément les opérations de
11 Srebrenica et de Zepa ?
12 M. GAJIC : [interprétation] Tout d'abord, l'opération de Zepa a été
13 conduite dans des circonstances tout à fait différentes que celles qui ont
14 été celles de l'opération Srebrenica. Ces différences sont évidentes, à
15 commencer par le début de l'opération, son évolution, les modalités selon
16 lesquelles il y a eu des négociations, et tout le reste.
17 Pour ce qui est de l'attaque lancée contre Zepa, cette attaque ne comporte
18 absolument pas les caractéristiques qui existaient pour ce qui est de
19 l'attaque lancée contre Srebrenica, bien que la Défense considère que l'une
20 et l'autre de ces opérations étaient tout à fait légales.
21 Deuxièmement, la Défense affirme que la population musulmane de toute la
22 Bosnie de l'Est n'avait pas été ciblée par l'attaque, pas à Srebrenica et
23 pas non plus à Zepa. Mais il y a deux opérations différentes qui se
24 déroulent et qui peuvent être qualifiées de façon différente d'un point de
25 vue juridique. La Chambre, en déterminant qu'il y avait eu intention de
26 commettre un génocide, a dit que l'on avait englobé la population totale,
27 je dis bien totale, de la Bosnie de l'Est. La Défense affirme que non, ni à
28 Srebrenica ni à Zepa. Pour aboutir à ce type de conclusion, du reste, il
Page 41
1 convient de constater en particulier si la population civile de Srebrenica
2 avait été exposée à des agissements qui auraient constitué un génocide, et
3 en particulier savoir si cela a été le cas pour la population de Zepa. Pour
4 la population de Zepa, ce génocide n'est pas.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
6 M. GAJIC : [interprétation] La Défense est d'opinion que non seulement il
7 n'y a pas d'élément de preuve disant que la population civile a fait
8 l'objet d'une attaque, mais il n'y avait pas eu intention de la part de la
9 VRS de faire partir la population civile de Zepa. Cela est montré par les
10 réunions du 13 juillet, du 19 juillet, du 24 juillet, et également par les
11 accords auxquels on a abouti et que les Musulmans de Bosnie n'ont pas
12 respectés. A chaque fois qu'il y avait eu un accord, ils voulaient se jouer
13 des termes ou des dispositions dudit accord.
14 La Chambre de première instance, dans son raisonnement permettant de
15 conclure que le déplacement forcé de la population de Zepa constituait un
16 acte de génocide, s'est fondée sur plusieurs constatations contestables.
17 D'abord, au paragraphe 758 du jugement rendu, il a été souligné que le
18 transfert de la population de Zepa s'est déroulé dans des circonstances
19 autres que le transport des Musulmans à Srebrenica, bien qu'il y ait eu des
20 ressemblances substantielles, mais il n'y a pas d'autre qualificatif.
21 D'abord, la population de Zepa a été transférée vers le territoire où il y
22 a le même groupe national, racial, religieux et ethnique qui se trouvait
23 être placé sous le contrôle du gouvernement que eux considéraient être un
24 gouvernement à l'égard duquel ils devaient être loyaux. Et ils n'ont pas
25 été, donc, exposés à des conditions conduisant à leur anéantissement. Le
26 transport a été effectué, chose constatée par la Chambre de première
27 instance, avec l'escorte de la FORPRONU et recensement des noms de ceux qui
28 sont transportés, chose qui a été faite par les Musulmans locaux et les
Page 42
1 représentants de la FORPRONU. Et il y avait aussi eu un ordre du général
2 Ratko Mladic disant que les Musulmans qui étaient transférés et transportés
3 ne devaient pas être malmenés et qu'ils ne devaient être dépossédés de rien
4 du tout. Je vous renvoie ici vers la pièce à conviction P2427.
5 Deuxièmement, la Chambre de première instance, pour ce qui est de
6 raisonnement qui lui a permis de constater qu'il y a eu atteinte grave à
7 l'intégrité mentale, a convié le 20 juillet la population par porte-voix à
8 revenir dans l'enclave. Je vous rappelle que ce porte-voix a été commandé
9 par Tolimir lui-même. Cela a été constaté de façon inéquivoque [phon] au
10 paragraphe 621 du jugement rendu. La Chambre de première instance s'est
11 trompée, a erré, lorsqu'elle s'est fondée sur cet élément pour conclure du
12 fait qu'il y a eu des atteintes graves corporelles à l'égard de la
13 population de Zepa.
14 Conviant la population à la date du 20 juillet à revenir vers l'enclave,
15 cela a suivi l'accord du 19 juillet qui a été atteint entre Mladic, le
16 représentant de la présidence de Guerre, c'est-à-dire les parlementaires,
17 Torlak et Kulovac, où les représentants de ladite présidence de Guerre de
18 Zepa se sont dit prêts à restituer leurs armes, ils sont tombés d'accord
19 sur les modalités d'évacuation de la population civile.
20 Et, en plus, il y a des éléments de preuve montrant que dix familles
21 entières avaient souhaité rester dans l'enclave. Je parle de la pièce D58,
22 notamment.
23 En conviant la population à revenir vers Zepa après les accords auxquels on
24 a abouti avec les parlementaires de Zepa, bien que pour certains civils
25 cela aurait pu être désagréable, mais ça n'a certainement pas le caractère
26 d'une atteinte à l'intégrité mentale.
27 Ensuite, la Chambre de première instance, lorsqu'elle a exposé ses
28 qualificatifs pour ce qui est des déplacements forcés en tant qu'atteinte
Page 43
1 grave à l'intégrité mentale, mentionne le fait que Tolimir a été présent à
2 Zepa lors de l'évacuation. En effet, la Chambre de première instance s'est
3 fondée sur le témoignage d'un témoin, David Wood, qui ne saurait être
4 considéré comme étant un témoin fiable en aucun cas - chose qui est
5 expliquée au mémoire en appel modifié, paragraphe 153, dans la réplique
6 modifiée au paragraphe 53 - qui a affirmé que Tolimir avait contribué à la
7 création d'une ambiance menaçante parce qu'il a traversé la foule avec un
8 pistolet levé en l'air.
9 D'autres témoins, Edward Joseph et Zoran Carkic, ont témoigné au
10 sujet des modalités suivant lesquelles il y a eu évacuation de la
11 population civile de Zepa, chose dont Wood n'avait pas eu à savoir pour ce
12 qui est de la façon dont ça a été organisé, et notamment concernant le
13 comportement de Tolimir à l'époque.
14 Deux témoins de l'Accusation, Edward Joseph et Zoran Carkic, ont
15 confirmé le fait que Tolimir, pendant qu'il était à Zepa, n'avait pas eu
16 d'arme. Et on ne l'a jamais vu là-bas une arme à la main. Carkic, dans
17 l'entretien qu'il a eu avec le bureau du Procureur, a dit :
18 "Il est venu sans arme et parmi des milliers d'habitants de la
19 population civile, et ce, avant que je n'y aille."
20 Donc, il a témoigné concernant le fait que Tolimir avait insisté sur
21 "la nécessité de voir ne rien arriver à cette population." Je vous parle
22 ici de la pièce D217, pages 13 et 14.
23 Aucun juge raisonnable des faits ne saurait tirer la conclusion au
24 terme de laquelle le comportement de Tolimir à Zepa constituerait des
25 atteintes graves à l'intégrité mentale ou contribuerait à des atteintes à
26 l'intégrité mentale.
27 Ensuite, la Chambre a conclu des atteintes à l'intégrité mentale
28 graves du fait d'une situation où Mladic serait entré dans chacun des
Page 44
1 autocars pour s'adresser à la population qui était en train d'être évacuée
2 de Zepa.
3 Ceci peut être vu de l'enregistrement vidéo et des enregistrements à
4 ce sujet, pièce à conviction de l'Accusation P740, mais on a arraché à leur
5 contexte le fait d'avoir entendu Mladic dire qu'on leur faisait grâce de
6 leur vie. Or, Mladic a dit :
7 "Nos enfants ont été également tués en 1992 dans le canyon de Zepa.
8 Vous avez entendu parler de moi. Maintenant vous êtes en train de me voir.
9 Je suis le général Mladic. Il y a parmi vous des gens qui sont encore aptes
10 au combat. Vous êtes tous en sécurité. Vous serez transportés vers Kladanj.
11 Je vous souhaite bon voyage et je vous dis au revoir."
12 Dans un autre autocar, il a dit la même chose, ce que je viens de
13 citer tout à l'heure, en ajoutant :
14 "Je vous fais grâce de votre vie. Je vous pardonne à tous. Ne venez
15 plus face à moi sur un front de combat. La prochaine fois, il n'y aura plus
16 de pardon. J'ai eu merci de vous. Vous n'en avez pas eu pour nos enfants en
17 1992 dans le canyon de Zepa. Je vous souhaite bon voyage et au revoir."
18 P740, page 2 631.
19 Ce type de déclarations, aucun juge raisonnable des faits ne pourrait
20 les considérer comme étant des éléments à l'appui d'une thèse qui
21 consisterait à affirmer qu'il y a eu atteinte grave à l'intégrité mentale.
22 Ces raisons sont jugées comme suffisantes pour indiquer qu'il y a erreur
23 des Juges de la Chambre pour ce qui est des déplacements de la population
24 de Zepa qui ne comportent aucun caractère d'acte de génocide et il n'y a
25 pas eu d'intention génocidaire pour ce qui est des opérations de la VRS à
26 Zepa. Dans ce cas de figure, cette intention n'existe tout simplement pas.
27 La question numéro 2 de la Chambre d'appel se rapporte au motif
28 d'appel numéro 12; on demande s'il y a eu erreur de la part de la Chambre
Page 45
1 de première instance lorsqu'elle a conclu du fait que les forces des Serbes
2 de Bosnie ont abattu Mehmet Hajric, Amir Imamovic et Avdo Palic dans
3 l'intention particulière d'anéantir une partie de la population musulmane
4 bosnienne en tant que telle.
5 Je souhaiterais rappeler d'abord le fait que dans le jugement rendu
6 par la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic, il a été souligné de façon
7 claire que l'intention doit être établie de façon non ambiguë pour ce qui
8 est des circonstances factuelles de l'acte pénal qui est reproché à
9 l'accusé à l'acte d'accusation Krstic, J34, et il faut qu'il y ait des
10 éléments indiquant que le groupe entier ou une partie importante de ce
11 groupe avait été désigné pour un anéantissement.
12 Il ne s'agit pas de prononcer un jugement de génocide à la légère.
13 Krstic, paragraphe 37. L'acte pénal de génocide, de par sa nature,
14 nécessite une intention qui consisterait à l'anéantissement d'une partie
15 importante d'un groupe donné. Le meurtre de trois Musulmans de Zepa,
16 quelles que soient les positions qu'ils aient eues en leur qualité de
17 membres de la présidence de Guerre à Zepa, ne répond pas aux conditions
18 requises. Le génocide, ce n'est pas un crime contre un certain nombre de
19 particuliers, mais contre un groupe national, ethnique, racial ou
20 religieux.
21 Lors de la détermination du fait de savoir si le meurtre de ces trois
22 Musulmans constituait un génocide ou pas, la Chambre a cité un jugement
23 rendu dans l'affaire Jelisic où l'on a fait référence à l'opinion d'une
24 commission d'experts, où on a dit : Dans la situation où l'on cible la
25 direction entière d'un groupe, y compris les chefs politiques,
26 administratifs, religieux, les académiciens, les intellectuels, des hommes
27 d'affaires en vue et autres, cela peut également constituer un acte de
28 génocide, et cette entité en tant que telle peut indiquer la présence d'un
Page 46
1 génocide indépendamment du nombre réel de personnes tuées.
2 La Chambre d'appel dans l'affaire Krstic a critiqué les conclusions
3 adoptées dans l'affaire Jelisic et Sikirica pour prendre position et dire
4 qu'une partie d'un groupe, si cette partie représente d'une façon ou d'une
5 autre un groupe entier qui est important pour sa survie, ça peut contribuer
6 à la constitution pour qualifier cette partie-là comme étant importante du
7 point de vue des dispositions de l'article 4 du Statut. Paragraphe 12 du
8 jugement rendu.
9 Mais ce facteur n'est pas un facteur autonome. C'est l'un des
10 éléments qui indiquent si, oui ou non, il y a la condition préalable de
11 nombre important.
12 Dans l'affaire Krstic, la Chambre d'appel ne s'est pas penchée plus en
13 détail sur ce critère-là. Cependant, nous estimons que ce critère peut
14 constituer un indice de génocide rien que s'il fait partie d'une politique
15 mise en œuvre de façon systématique pour constituer rien qu'une phase dans
16 la réalisation d'un plan génocidaire global.
17 Mais le fait d'introduire la notion de groupe protégé en partant de
18 certains individus, même si ce sont les "leaders" du groupe, cela s'écarte
19 de la notion du génocide et de l'intention et de l'objectif poursuivi par
20 la convention en tant que telle. Ceci parle de la notion de leadership par
21 la petite porte pour faire parler de notion de génocide.
22 Cela serait anachronique. Il y aurait une connotation discriminatoire
23 d'introduite et cela se trouverait contraire aux idées du fondement des
24 droits et libertés tant des individus que des groupes.
25 Dans ce cas concret pour déterminer si, oui ou non, ces trois leaders ont
26 été abattus dans une intention génocidaire ou pas, il est indispensable de
27 mentionner le moment ou l'élément temporel, quand est-ce que cela s'est
28 passé. Les Juges de la Chambre n'ont pas constaté cet élément-là de façon
Page 47
1 précise. Pour ce qui est de Palic, cela se passe après le 4 ou 5 septembre
2 pour sûr. Alors qu'Imamovic et Hajric, au mois d'août, étaient encore
3 vivants.
4 La Chambre de première instance a pris le fait pour dire que le
5 déplacement forcé allégué de la population de Zepa aurait été effectué
6 avant leur meurtre. Ça constitue un facteur qui étaie, qui sous-tend la
7 constatation relative à l'intention génocidaire, paragraphe 781. Ça, c'est
8 une conclusion qui ne serait adoptée par aucune Chambre raisonnable; parce
9 que le fait qu'ils aient été tués une fois que la population était partie
10 de Zepa, ça montre que leur importance pour cette communauté-là n'est plus
11 la même, quand bien même ils auraient eu une importance vitale ou cruciale
12 pour ce qui est de la survie de cette petite communauté. Mais cette petite
13 communauté, en 1995, n'était pas si petite que cela, comme la majorité des
14 membres de la Chambre de première instance semble vouloir l'entendre. Elle
15 compose de plusieurs milliers de personnes.
16 Et l'ABiH a été battue. Il n'y a plus nécessité d'organiser une
17 protection civile. Il n'y a plus nécessité de voir fonctionner une
18 présidence de Guerre à Zepa. Et, en tout état de cause, ces individus-là ne
19 revêtaient plus une apparence cruciale pour ce qui est de la survie des
20 Musulmans de Zepa. A l'époque où l'on peut imaginer que ces meurtres se
21 sont produits, la population musulmane se trouve sur le territoire de la
22 Bosnie-Herzégovine ou encore en Serbie.
23 Par ailleurs, il est question ici du meurtre de trois personnes qui
24 ont été faites prisonniers de guerre après la chute de Zepa de façon
25 régulière. Et compte tenu du fait qu'ils étaient prisonniers, ils ne
26 pouvaient de toute façon pas jouer un rôle quelconque dans la survie de la
27 population civile de Zepa, qui a été, d'ailleurs, éparpillée. Donc, leur
28 meurtre ne peut pas se considérer comme une norme de "l'intention de
Page 48
1 détruire un certain nombre de personnes au sein d'une population," et leur
2 meurtre ne peut donc pas avoir une influence importante sur la survie du
3 reste de la communauté.
4 Leur meurtre n'a pas eu -- et d'ailleurs, il n'aurait pas été
5 raisonnable de considérer que cela aurait été possible, il n'a donc pas eu
6 la moindre influence sur la survie du groupe dans son ensemble. Pourtant,
7 la Chambre de première instance, dans le cadre des arguments développés au
8 sujet --
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi. Mais que voulez-vous
10 dire quand vous dites ils ont été tués de façon légale ?
11 M. GAJIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
12 n'ai pas du tout dit qu'ils ont été tués de façon légale. Ils ont été faits
13 prisonniers de façon légale.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'était peut-être un problème de
15 traduction.
16 M. GAJIC : [interprétation] Ils ont été faits prisonniers de façon légale.
17 Et puisqu'ils ont été faits prisonniers, ils ne pouvaient pas avoir aucune
18 influence sur la vie au sein de l'enclave. C'est la raison pour laquelle
19 leur meurtre ne satisfait pas au critère formulé par la Chambre de première
20 instance quant à l'intention de destruction d'un nombre déterminé de
21 personnes choisies en raison de l'influence que ces personnes exerçaient et
22 qu'elles auraient pu exercer sur un groupe en tant que tel. Leur meurtre
23 n'a eu aucune influence sur la survie du groupe, et aucun juge du fait
24 raisonnable n'aurait pu en arriver à cette conclusion.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie de cette précision.
26 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que
27 l'interprétation est très lente, mais je ne peux vraiment pas parler moins
28 vite en serbe. Mais enfin, je vais ralentir un peu, je vais également
Page 49
1 laisser de côté quelques arguments. Je me contenterai de rappeler ici que
2 dans le mémoire en appel, nous avons montré que sur la base de l'accord
3 conclu au sujet de la démilitarisation à laquelle a présidé la Brigade de
4 Zepa, avec Avdo Palic en tant que commandant, eh bien, cette brigade
5 n'aurait dû être à cet endroit pour commencer. Et Imamovic, lui-même, a
6 participé au combat lancé à partir des enclaves, comme expliqué dans un
7 certain nombre de paragraphes du mémoire en appel.
8 Mais j'aimerais également souligner le fait que le rapport de Viktor
9 Bezruchenko, qui constitue la pièce D21, dans son paragraphe 12, évoque une
10 situation -- je rappelle que Viktor Bezruchenko était enquêteur du bureau
11 du Procureur, donc évoque une situation dans laquelle il n'y avait pas de
12 caractère crucial pour la survie d'une petite communauté qui était en
13 cause. Il souligne le fait que ces personnes qui se trouvaient à Zepa, qui
14 étaient des intellectuels ou auraient pu organiser la vie à Zepa, ont
15 essayé de quitter Zepa plutôt que d'y rester.
16 Delic a souligné en appel, selon Bezruchenko, que l'une des causes du
17 départ de la population était la méfiance qu'elle éprouvait à l'égard des
18 structures dirigeantes qui étaient dans le plus grand chaos. Et nous en
19 arrivons là à un autre point de raisonnement de la Chambre de première
20 instance où nous voyons que celle-ci, tentant de prouver l'intention
21 génocidaire, souligne également que Hajric et Imamovic auraient été
22 maintenus en détention en un autre lieu que les autres prisonniers.
23 Alors que dans un autre endroit du jugement, où nous retrouvons une
24 instruction donnée par Tolimir quant à la façon dont il convient placer le
25 prisonnier de guerre dans diverses catégories, eh bien, à cet endroit du
26 jugement, un exemple est cité qui tendrait à démontrer que Tolimir était au
27 courant de dispositions du droit international relatives au traitement des
28 prisonniers de guerre. Nous trouvons cela au paragraphe 1 122 du jugement.
Page 50
1 La pièce P1344, qui est une pièce à conviction de l'Accusation, atteste du
2 fait que Tolimir a donné des instructions relatives au traitement de
3 prisonniers de guerre en temps de guerre. En page 5 de ce document, son
4 auteur, Carkic, déclare ce qui suit :
5 "Conformément à l'ordre émanant du général Tolimir et à ses instructions,
6 toutes les mesures nécessaires ont été prises en fonction des
7 possibilités."
8 Il souligne, entre autres, le fait que les prisonniers de guerre
9 étaient répartis en plusieurs catégories : que dans une pièce se trouvaient
10 les prisonniers de guerre en bonne santé, que dans une autre pièce se
11 trouvaient les blessés et les malades, et dans une troisième pièce, les
12 membres de l'ancienne direction. Et on lit dans ce document -- c'est une
13 référence à Avdo Palic, qui, donc, a été placé dans un autre lieu dans des
14 conditions d'hébergement un peu meilleures. Et parlant de Hajric, qui a
15 obtenu l'autorisation de faire ses prières cinq fois par jour dans la pièce
16 dans laquelle il se trouvait. Il est également fait référence à
17 l'alimentation, aux traitements médicaux, et en particulier au fait que
18 Tolimir a donné des instructions pour que les prisonniers soient
19 enregistrés auprès de la Croix-Rouge internationale, le CICR.
20 Le fait que les prisonniers aient été maintenus dans des pièces différentes
21 ne peut pas servir à corroborer l'argument selon lequel leur meurtre aurait
22 été précédé d'une intention génocidaire.
23 Et enfin, s'agissant des raisons et des intentions qui ont présidé au
24 meurtre de Hajric, Imamovic et Palic, il y a très peu d'éléments connus sur
25 ce point. Donc, pas suffisamment d'éléments de preuve. Toutefois, ce qui a
26 été dit par un membre de la VRS, Zoran Carkic, qui était officier au sein
27 de la Brigade de Rogatica à l'époque, c'est que Palic, Hajric et Imamovic
28 avaient participé au combat armé de Zepa et qu'ils avaient en particulier
Page 51
1 participé au massacre de soldats faits prisonniers, des Serbes, en 1992.
2 Ici, j'aimerais renvoyer la Chambre d'appel à la page 128 787 du compte
3 rendu d'audience. En l'absence d'une preuve quelconque quant aux
4 circonstances du décès de ces trois hommes, et également quant au moment ou
5 aux raisons pour lesquelles ils ont été tués, on ne peut parvenir à aucune
6 autre conclusion fiable, et en particulier pas à celle qui consisterait à
7 dire qu'ils ont été tués avec une intention génocidaire. La thèse suivant
8 laquelle il est possible qu'ils aient été tués parce qu'ils avaient
9 participé à des opérations de combat, par exemple, dans les meurtres qui
10 ont concerné les blessés et les malades du canyon de Zepa en 1992, peut
11 être considérée comme un élément fiable ou comme une thèse fondée.
12 Toutefois, il est plus raisonnable de conclure, et c'est ce qu'aurait dû
13 faire la Chambre de première instance, qu'ils ont été tués en raison de
14 leur position dirigeante et en raison de l'influence qu'ils exerçaient sur
15 l'intégralité du groupe de Musulmans bosniaques de Zepa.
16 Je pense que je peux maintenant passer à la question numéro 3 posée par la
17 Chambre d'appel, qui porte sur les motifs d'appel 14 et 16. Cette question
18 est la suivante :
19 "La Chambre de première instance a-t-elle commis une erreur en s'appuyant,
20 entre autres, sur la position qu'occupait Tolimir, à savoir chef du secteur
21 du renseignement et de la sécurité, ainsi que sur le fait que
22 professionnellement il contrôlait les autres organes chargés du
23 renseignement et de la sécurité, lorsque la Chambre de première instance a
24 conclu que, premièrement, Tolimir savait que ses subordonnés avaient
25 participé à une entreprise criminelle commune destinée à tuer des personnes
26 et que, deuxièmement, il avait l'intention de participer à cette entreprise
27 criminelle commune aux fins de meurtre ?"
28 La question doit donc recevoir réponse. Je vous prie de m'excuser,
Page 52
1 mais je vois le temps qu'il me reste. J'aimerais que l'on me le confirme de
2 façon à savoir comment organiser le reste de mon exposé, je vous prie.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien sûr, tout ceci figure dans
4 l'ordonnance portant calendrier et est en rapport avec la situation
5 actuelle de votre exposé qui devrait donc se terminer à 11 heures 15, après
6 quoi nous aurons une pause de 20 minutes, et vous disposerez encore du
7 temps qui va de 11 heures 35 à 12 heures 20. Donc, je vous prie de bien
8 vouloir organiser votre exposé de façon à ce que, dans le temps qui vous
9 est imparti, vous puissiez aborder des points principaux en tenant compte
10 également du fait que mes collègues peuvent souhaiter vous poser quelques
11 questions.
12 Je vous remercie.
13 M. GAJIC : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président. Je me
14 demandais simplement si, en raison du propos liminaire qu'il y a eu au
15 début, il convenait de tenir compte d'un certain nombre de retard ou pas.
16 Donc la Chambre de première instance n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a
17 déclaré que Tolimir savait que certaines personnes avaient participé à
18 l'entreprise criminelle commune et pas davantage d'erreur quant à ce
19 qu'elle a conclu au sujet de l'intention de participer à une entreprise
20 criminelle commune. Un élément déterminant important à ce sujet réside dans
21 la prise en compte du poste qu'occupait Tolimir au sein de la VRS, et en
22 particulier des rapports qu'il entretenait avec le général Mladic, qui
23 était commandant de l'état-major principal de la VRS.
24 Dans quelle mesure est-ce que ces conclusions influent sur les conclusions
25 de la Chambre de première instance, ça peut être constaté à la lecture de
26 l'opinion dissidente du Juge Nyambe au paragraphe 4. Je ne vais pas citer
27 l'intégralité de ce paragraphe, mais la Chambre de première instance
28 déclare également que dans un certain nombre de paragraphes au début du
Page 53
1 jugement, par exemple, au paragraphe 115 de celui-ci, une majorité des
2 membres de la Chambre de première instance a souligné que le fait de
3 conclure que l'accusé était un participant des deux entreprises criminelles
4 communes était justifié. Une majorité des membres de la Chambre de première
5 instance, avant de conclure à cela, a pris en compte les fonctions et
6 l'autorité exercées par l'accusé, et elle s'est trompée en concluant que
7 l'accusé avait des canaux de communication fiables avec ses subordonnés et
8 qu'il était donc régulièrement informé de ce qui se passait dans les
9 enclaves de Srebrenica et de Zepa. Ou quand elle a conclu au fait que
10 l'accusé était un des associés les plus proches de Mladic, sur lequel
11 Mladic comptait et s'appuyait, qu'il était son second et son bras droit,
12 ceci sur la base de la description faite par le général Smith et de la
13 conclusion faite par ce témoin quant au fait que le deuxième était
14 pratiquement sur un pied d'égalité, et également sur la base des propos
15 souvent évoqués selon lesquels Tolimir aurait été les yeux et les oreilles
16 de Mladic.
17 La première chose sur laquelle j'aimerais appeler votre attention dans mon
18 exposé, c'est le fait que la Chambre de première instance a fait la
19 confusion entre plusieurs catégories distinctes directement liées aux
20 fonctions de contrôle, de commandement et de supervision de l'armée. Comme
21 indiqué dans le mémoire en appel, sur lequel je ne vais pas revenir dans le
22 détail, lorsqu'on parle de leadership exercé ou de direction exercée sur un
23 certain nombre d'organes, on implique en général un contrôle plein et
24 entier du travail de ces organes, y compris le fait de donner un certain
25 nombre d'ordres portant sur ce qu'il importe de faire. Popovic, Momir
26 Nikolic et d'autres membres du secteur du renseignement sont mentionnés à
27 tort dans le jugement comme étant des subordonnés de Tolimir répondant à
28 cette définition.
Page 54
1 Toutefois, cette situation, de toute façon, n'est pas tenable et
2 n'est pas conforme à ce qu'indiquent les pièces à conviction soumises à la
3 Chambre de première instance. Et ce que j'aimerais pour ma part souligner
4 en cet instant devant vous, c'est que, certes, il n'y a aucun élément de
5 preuve démontrant que dans la période pertinente, c'est-à-dire dans la
6 période pendant laquelle les crimes dont nous parlons ont été commis dans
7 la zone de responsabilité des Brigades de Bratunac et de Zvornik, aucun
8 élément de preuve ne permet de conclure que Tolimir aurait reçu quelque
9 rapport que ce soit au sujet de tuerie ou d'une quelconque intention
10 criminelle ou d'un quelconque plan criminel.
11 En termes concrets, les conclusions de la Chambre de première
12 instance se réduisent à ce qui suit : si l'un de ceux que nous considérons
13 comme étant subordonnés à Tolimir dans cette période a participé aux
14 meurtres en question, Tolimir aurait dû en être informé. S'il en a parlé à
15 qui que ce soit, nous sommes certains qu'un message concernant ces meurtres
16 a dû lui parvenir. Toutefois, cette façon d'évaluer les éléments de preuve,
17 que je vous ai simplifiée intentionnellement faute de temps, est contraire
18 à ce qui aurait dû être fait eu égard à l'évaluation des éléments de preuve
19 comme démontrée par la Chambre de première instance au paragraphe 98 du
20 jugement Krstic, où nous lisons :
21 "En dépit de l'affirmation selon laquelle la Chambre de première instance a
22 conclu que si le général Mladic était au courant des crimes, Krstic aurait
23 dû également être au courant de ces crimes."
24 La Chambre de première instance n'a pas établi qu'en fonction des contacts
25 entre Krstic et le général Mladic dans la période pertinente, c'est-à-dire
26 celle où Radislav Krstic a effectivement été informé du contexte de
27 l'intention du général Mladic, aucune Chambre de première instance n'aurait
28 pu raisonnablement conclure qu'il partageait cette intention.
Page 55
1 Mais contrairement à ce qui s'est passé dans l'affaire Krstic, et je vais
2 m'expliquer sur ce point plus en détail un peu plus loin, une majorité des
3 membres de la Chambre de première instance a accordé le poids le plus
4 important au fait que le rapport entre Tolimir et Mladic était bon, que
5 Mladic avait confiance en Tolimir et qu'en l'absence de quelque preuve que
6 ce soit des communications entre Tolimir et les membres des organes de
7 renseignement et de sécurité dans la période pertinente, il aurait été
8 inconcevable que Tolimir n'ait pas été informé de l'opération visant à tuer
9 les personnes dont nous parlons.
10 Sur quoi s'est donc appuyée concrètement la Chambre de première instance
11 lorsqu'elle a évalué les éléments de preuve susceptibles de démontrer que
12 Tolimir était au courant de l'opération destinée à tuer des personnes et
13 lorsque la Chambre a évalué les éléments de preuve susceptibles de
14 démontrer que Tolimir avait l'intention de participer et de contribuer à
15 cette opération ? Eh bien, à cet égard, je citerai d'abord le paragraphe 1
16 096, dans lequel nous lisons que le 13 juillet Tolimir se trouvait dans la
17 zone de Zepa et que dans les jours qui ont suivi il a participé activement
18 aux actions menées dans le secteur, et en particulier aux négociations
19 relatives à l'évacuation des Musulmans de Bosnie.
20 L'opération de meurtre alléguée concerne la période qui s'étend entre le 12
21 et le 13 juillet et va jusqu'au 19 juillet. Nous estimons que c'est donc la
22 période pertinente qu'il convient de prendre en compte dans laquelle il a
23 été établi que Tolimir était au courant de l'opération consistant à tuer
24 des personnes.
25 La Chambre de première instance, s'appuyant sur la pièce D64, que Tolimir a
26 envoyée après 22 heures le 12 juillet, a conclu qu'au moment où ce document
27 a été émis, Tolimir n'était pas au courant du plan visant à tuer les
28 Musulmans de Srebrenica. Toutefois, la Chambre, lorsqu'elle a pris en
Page 56
1 compte les rapports de Tolimir et de Mladic - or, il n'y a pas le moindre
2 élément de preuve prouvant que Tolimir se trouvait effectivement à l'hôtel
3 Fontana pendant les négociations, pas plus que le moindre élément
4 démontrant sa présence à Srebrenica à quelque moment que ce soit - donc,
5 lorsque Tolimir déclare que tous les hommes en âge de porter les armes ont
6 été évacués de Potocari et qu'ils devraient être enregistrés et voir leurs
7 noms figurer sur des listes, la Chambre de première instance déclare que
8 ceci coïncide avec ce que Mladic a déclaré au sujet des vérifications
9 d'identité concernant les prisonniers de guerre ou ceux qui étaient
10 susceptibles d'avoir commis tels ou tels crimes.
11 Ce document, la pièce D64, se lit comme suit dans le passage pertinent :
12 "Si l'on tient compte du fait qu'il est très important d'arrêter le plus
13 grand nombre possible de formations musulmanes, ou de les exécuter si elles
14 opposent une résistance, il est également nécessaire d'enregistrer tous les
15 hommes en âge de porter les armes qui sont évacués de la base de Potocari,"
16 ce qui donc signifie la nécessité d'inscrire tous leurs noms sur des
17 listes.
18 Mais il n'est pas question de fouille de prisonniers de guerre.
19 Tolimir estime et pense que les prisonniers de guerre n'auraient pas dû
20 être séparés du tout. Mais afin de comprendre cette proposition, il est
21 nécessaire de se pencher sur l'ensemble du document. Tolimir déclare que
22 les Musulmans souhaitent donner l'image d'une Srebrenica démilitarisée dans
23 laquelle ne restent plus que des civils. C'est la raison pour laquelle il a
24 été ordonné que tous les hommes en âge de porter les armes sortent
25 illégalement du territoire de la Republika Srpska vers le territoire sous
26 contrôle musulman, afin d'accuser la VRS d'une attaque lancée contre la
27 population civile dans une zone protégée sans la moindre cause valable en
28 particulier.
Page 57
1 La seule conclusion raisonnable qui aurait pu être tirée de la lecture de
2 ce document, c'est que Tolimir souhaitait apporter des éléments de preuve
3 démontrant qu'il y avait des forces militaires stationnées à Srebrenica et
4 destinés à réfuter toutes les accusations selon lesquelles une attaque
5 aurait été lancée alors qu'une population civile se trouvait encore dans la
6 zone.
7 Toutefois, sur la base de ce document, la pièce D64, la Chambre a conclu
8 que même si -- que Tolimir n'était pas au courant de l'opération destinée à
9 tuer des Musulmans, mais qu'il était en contact avec toutes les personnes
10 et tous les organes pertinents sur ce point et qu'il était donc tenu
11 informer des évolutions survenant à Srebrenica. Toutefois, il n'existe
12 aucun élément de preuve à partir de la soirée du 12 juillet, aucun élément
13 de preuve, donc, démontrant que Tolimir aurait été informé de l'évolution à
14 Srebrenica. En fonction de tel ou tel ordre donné par Mladic, ou même que
15 Tolimir se trouvait à Zepa dans cette période.
16 Le 13 juillet, un document que nous considérons comme très contestable est
17 émis. Il s'agit de la pièce P125, dont l'auteur est censé être le général
18 Savcic, qui se trouvait à Zepa le 13 juillet. La Défense affirme que ce
19 document n'est pas authentique. Elle a d'ailleurs porté plainte à ce sujet
20 dans son mémoire en appel. Toutefois, ce qui est contestable ici s'agissant
21 de la façon dont les éléments de preuve ont été appréciés et selon laquelle
22 leur authenticité a été déterminée, c'est que la Chambre de première
23 instance ne s'est pas appuyée sur le témoignage du général Savcic qui se
24 trouvait à Zepa à l'époque, accompagné d'un nombre réduit de soldats, mais
25 bien sur le témoignage de M. Blaszczyk, qui était un enquêteur de
26 l'Accusation.
27 Et, entre autres choses, le témoignage de cet enquêteur du Procureur nie
28 l'existence d'un poste de commandement avancé du 65e Régiment de Protection
Page 58
1 dans la région à ce moment-là. Pourtant, M. Blaszczyk n'a pas la moindre
2 expertise dans le domaine militaire et ne connaît rien à ces questions. En
3 analysant ce document, la Chambre de première instance a également omis de
4 remarquer un certain nombre de choses, et en particulier elle a omis de
5 remarquer que ce document ne contient rien qui pourrait indiquer que
6 quelque chose a été fait sur le terrain qu'aucune armée du monde n'aurait
7 fait.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître, vous avez déclaré que M.
9 Tolimir n'était pas au courant du plan visant à tuer les Musulmans de
10 Bosnie, les hommes musulmans de Bosnie de la région. Pourriez-vous nous
11 expliquer dans ces conditions pourquoi il a proposé que ces hommes soient
12 maintenus dans un hangar fermé pour éviter d'être vus ? Ceci ressort en
13 particulier de la lecture de la pièce de la Défense numéro 49. Est-ce que
14 c'était un ordre destiné à les dissimuler ou à couvrir leur meurtre ?
15 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans cette période qui
16 commence le 12 juillet, nous parlons de quelque chose qui a été vu par le
17 tout le monde, et en particulier par la FORPRONU. Il y a des témoignages
18 qui indiquent que des équipes de télévision se sont rendues sur les lieux
19 pour filmer ces hommes. Rien n'a été fait pour tenter de dissimuler
20 l'existence de ces prisonniers de guerre. Je crois que ce dont il s'agit
21 ici, c'est d'une pratique tout à fait courante destinée à placer des
22 prisonniers à l'intérieur de certaines installations afin de mieux les
23 protéger et de mieux empêcher que ces prisonniers de guerre soient vus par
24 d'autres aussi.
25 Toutefois, il y a un point qu'il convient d'ajouter. Dans la période en
26 question, la VRS était sous la menace de bombardement de l'OTAN. Je crois
27 que ce n'était donc pas dans l'intention de dissimuler des prisonniers que
28 ce que vous venez de rappeler a été fait, mais plutôt dans le but de
Page 59
1 prendre des mesures usuelles de précaution. Le but n'était pas de tuer ces
2 hommes. Il y avait d'autres officiers, tels que Tolimir, qui ont témoigné à
3 ce sujet. Tolimir était un officier très formé et très compétent. Alors,
4 est-ce que nous pourrions imaginer qu'un officier, sachant que la FORPRONU
5 circulait dans la zone et que tout le monde était au courant de l'existence
6 de prisonniers, est-ce que nous pouvons imaginer que quelqu'un donnerait
7 l'ordre de les tuer ? Aucun élément de preuve n'existe qui est susceptible
8 de prouver que Tolimir était au courant de l'existence d'un quelconque plan
9 portant sur l'assassinat ou le meurtre des autres généraux. Personne ne
10 peut affirmer que ce document représente quelque chose d'illégal.
11 Excusez-moi. Je jette un coup d'œil au compte rendu d'audience. Peut-être
12 n'ai-je pas bien entendu ce que vous m'avez dit au sujet de la pièce D49,
13 qui est un document dans lequel Tolimir informe de l'existence d'un lieu où
14 800 prisonniers de guerre ont été installés dans le secteur de la Brigade
15 de Rogatica. A notre avis, par conséquent, cette pièce D49 démontre que
16 Tolimir n'avait aucune connaissance au sujet de l'opération de meurtre et
17 n'avait pas davantage l'intention de tuer ces Musulmans. Dans ce document,
18 la pièce D49, Tolimir déclare : "Si vous n'êtes pas capables de fournir un
19 hébergement approprié pour tous les prisonniers de guerre…," et
20 l'utilisation de ces termes précis révèle que Tolimir n'était pas chargé de
21 fournir cet hébergement. Il parle simplement d'hébergement. Et puis, un peu
22 plus loin, il dit "des conditions de logement appropriées," et nous
23 comprenons que de telles conditions ne pouvaient être que des conditions
24 satisfaisant à toutes les exigences citées dans les conventions de Genève,
25 et en particulier dans la convention numéro trois.
26 Ce document nie également que Tolimir était au courant d'une opération
27 visant au meurtre à l'époque et qu'il aurait eu l'intention de contribuer à
28 cette opération et, en particulier, affirme qu'il était impossible
Page 60
1 d'interpréter ce document comme représentant une quelconque contribution à
2 l'entreprise criminelle commune visant au meurtre des Musulmans de Bosnie.
3 Tolimir se trouvait à Zepa à l'époque. Nous avons des éléments de preuve
4 fournis par Zoran Carkic qui décrivent les conditions dans lesquelles ce
5 document a été rédigé et à qui il a été envoyé. Mais nous n'avons aucun
6 élément de preuve quant à ce qui a été fait par la suite de ce document.
7 Probablement rien. Il n'y a eu aucun préparatif parce que, manifestement,
8 ces informations au sujet de l'existence de cette installation
9 d'hébergement ont simplement été prises en note mais n'ont pas été
10 davantage prises en considération.
11 Autre élément que j'aimerais vous souligner eu égard au raisonnement de la
12 Chambre de première instance, il s'agit d'un document que Tolimir a reçu de
13 l'état-major principal et qu'il a ensuite fait suivre au Corps de la Drina.
14 Dans ce document, il est indiqué qu'un aéronef survole la zone et que
15 certaines mesures doivent être prises à cet égard. La Chambre de première
16 instance a conclu qu'en raison des fonctions qui étaient les siennes, à
17 savoir empêcher la moindre fuite liée à des éléments de renseignement, de
18 façon à dissimuler les meurtres qui étaient déjà en train de se produire
19 dans le secteur de Zvornik. Eh bien, nous considérons que ce genre de
20 raisonnement de la part de la Chambre est totalement erroné. Absolument
21 rien n'indique que ceci aurait été fait dans le but de dissimuler les
22 meurtres, qu'il y ait eu le moindre préparatif pour une attaque de Zepa ou
23 que la Brigade de Zvornik aurait été engagée dans des opérations militaires
24 à ce moment-là.
25 Pas un juge raisonnable des faits n'aurait pu conclure que ce document a
26 été émis pour contribuer à l'entreprise criminelle commune visant au
27 meurtre.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que l'heure
Page 61
1 est venue de faire une pause de 20 minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 11 heures 16.
3 --- L'audience est reprise à 11 heures 37.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant que de commencer ou de continuer,
5 je voudrais féliciter les interprètes pour ce qui est de la performance
6 héroïque de leur part et nous vous prions de ne pas continuer trop vite
7 bien que vous ayez à intervenir dans des limites de temps strictes.
8 Vous allez maintenant reprendre pour ce qui est de la présentation des
9 arguments Tolimir pendant 45 minutes. Mais d'habitude, plus c'est court,
10 plus c'est efficace comme présentation.
11 M. GAJIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous,
12 Monsieur le Président.
13 Je me propose maintenant, s'agissant des questions qui ont été abordées
14 tout à l'heure, d'indiquer certaines erreurs commises par les Juges de la
15 Chambre de première instance pour ce qui est des modalités d'appréciation
16 des éléments de preuve. Prenons, par exemple, une communication que Tolimir
17 aurait eue avec Popovic à la date du 22 juillet 1995.
18 Si je ne m'abuse, c'est la seule communication que Tolimir a eue à l'époque
19 avec Popovic. Popovic s'est renseigné au sujet d'un parent à lui, Tolimir
20 dit qu'il ne peut rien faire à ce sujet, puis il demande ce qui se passe et
21 ce qu'il fait, et Tolimir lui dit : "Il fait son travail." Alors, "il fait
22 son travail" indique à l'Accusation et aux Juges de la Chambre de première
23 instance qu'il y a lieu de conclure que cela a à voir avec des exécutions à
24 Bisina.
25 Ces exécutions de Bisina, et à la date du 16 juillet à Branjevo, d'après
26 les constatations faites par les Juges de la Chambre de première instance,
27 ça a été l'œuvre du 10e Détachement de Sabotage. Mais ce 10e Détachement de
28 Sabotage n'était pas commandé par Tolimir. Il n'était pas commandé ni par
Page 62
1 Salapura même. C'était directement subordonné au commandant de l'état-major
2 principal. Et conformément au témoignage de Salapura, ce détachement
3 pouvait être utilisé sans que Tolimir ou Salapura en aient été informés du
4 tout. C'était une unité autonome de la VRS.
5 Tolimir et Salapura avaient certaines ingérences ou attributions du point
6 de vue de la formation et ils pouvaient proposer certaines personnes pour
7 en faire partie, mais le fait que Tolimir se soit entretenu avec Popovic le
8 22 et la supposition disant qu'il s'était entretenu le 16 avec Salapura par
9 voie de télégramme ou autre modalité, ça, on ne le sait pas encore, on ne
10 peut pas tout de même conclure que Tolimir avait été informé de l'opération
11 des exécutions.
12 Ça, c'est un pas de trop qui a été fait et cela indique, comme je l'ai
13 indiqué précédemment, quelle a été la façon dont les Juges de la Chambre de
14 première instance ont évalué les éléments de preuve qui découlent de
15 l'affaire Krstic.
16 Je voudrais maintenant parler du fait de savoir si Tolimir avait été au
17 courant des exécutions et s'il avait eu l'intention de s'y impliquer et
18 est-ce qu'il a contribué à ces exécutions. Conformément, donc, à ce que les
19 Juges de la Chambre de première instance ont constaté, il aurait été
20 déterminé que Tolimir a omis d'accomplir sa mission de protection des
21 prisonniers de guerre et des gens à Srebrenica.
22 Alors, à partir de quoi la Chambre de première instance commence à
23 raisonner ? On commence à raisonner en parlant du rôle qui aurait été le
24 sien pour ce qui est des échanges de prisonniers de guerre. Paragraphe 1
25 122 du jugement. Et il y aurait eu obligation de sa part de protéger les
26 prisonniers de guerre. Mais les échanges de prisonniers de guerre, c'est de
27 la paperasserie. Ça ne sous-entend pas la sécurisation d'un "traitement
28 approprié à l'intention des prisonniers de guerre." Alors, il est
Page 63
1 indubitable le fait de dire que les prisonniers de guerre doivent être
2 traités de façon appropriée. Cette obligation n'est pas contestée du tout.
3 Mais les compétences et les obligations de se conformer au traitement
4 approprié pour ce qui est des prisonniers de guerre, c'est l'unité qui les
5 a fait prisonniers ou l'unité à qui on a confié les prisonniers de guerre
6 qui doit s'en charger.
7 Or, Tolimir, lui, à ce moment-là, se trouve à Zepa. Ni Mladic ni
8 quelqu'un d'autre ne lui a confié des compétences ni des obligations pour
9 ce qui était de veiller aux prisonniers de guerre de Srebrenica. Les
10 éléments de preuve, si on se penche dessus de façon correcte et si on les
11 jauge de façon appropriée, conformément aux normes au-delà de tout doute
12 raisonnable, montrent que Tolimir ne savait absolument rien au sujet des
13 prisonniers de guerre à ce moment-là.
14 Les Juges de la Chambre de première instance concluent du fait que
15 Tolimir, lorsqu'il a eu vent de la chose, parce que nous estimons que
16 Tolimir ne savait absolument rien des prisonniers de guerre, aurait pu
17 prendre des mesures appropriées. Il aurait pu donner des instructions
18 adéquates aux unités subordonnées. Mais il y a eu une instruction de
19 donnée; le D49, comme pièce, le montre. Tolimir transmet un ordre de
20 Karadzic au sujet des attaques lancées contre Srebrenica, où il est dit que
21 :
22 "A l'égard de la population civile et des prisonniers de guerre, il
23 convient de se conformer aux conventions de Genève du 12 juillet 1949."
24 Est-ce que Tolimir, maintenant, pouvait se fier au respect des obligations
25 de la part des officiers et au respect des ordres donnés par le commandant
26 suprême ? Nous pensons que oui. Pour ce qui est de cette question-là,
27 question de savoir s'il y a eu information à l'intention de quelqu'un qui
28 est notoirement connu pour son insistance sur la nécessité de protéger les
Page 64
1 prisonniers de guerre, et alors, maintenant, donnait des instructions
2 particulières pour ce qui est de la façon de se comporter à l'égard des
3 prisonniers de guerre et rappeler les règles du droit international pour
4 véhiculer les informations disant qu'il convenait de protéger les
5 prisonniers de guerre, pièce à conviction D49, et quelqu'un qui, le 12
6 juillet, dit que tous ceux qui sont aptes à combattre dans Potocari doivent
7 être recensés sur des listes ? Est-ce que cette personnalité-là est
8 informée du fait que des crimes sont en train d'être commis ?
9 Les Juges de la Chambre de première instance sont, semble-t-il, partis d'un
10 point, à savoir que lorsqu'une armée donne un ordre contraire au droit,
11 cela est exécuté militairement parlant suivant la filière hiérarchique et
12 les réglementations en place dans l'armée. L'armée de la Republika Srpska
13 n'était pas une armée qui se fondait sur l'obéissance mais sur le devoir.
14 Or, le devoir d'un officier était de refuser d'exécuter un ordre qui était
15 contraire à la loi.
16 Etant donné qu'il y a des crimes de commis ou des délits au pénal de
17 commis, est-ce qu'on aurait voulu protéger les prisonniers de guerre et
18 est-ce qu'on aurait informé qui que ce soit des préparatifs qui sont en
19 cours pour ce qui est de faire quelque chose de mal pour porter du tort à
20 ces prisonniers de guerre ?
21 Ce faisant, nous maintenons tous les motifs d'appels que nous avons déjà
22 cités dans notre mémoire. Je crois que dans mes réponses dans mon exposé
23 que j'ai présenté, j'ai répondu à la question numéro 4 pour ce qui est du
24 motif numéro 16, qui consiste à dire que Tolimir aurait eu l'intention de
25 participer à cette entreprise criminelle commune de meurtre. Nous pensons
26 qu'il n'y a pas de preuve pour ce qui est de ces exécutions et d'affirmer
27 que Tolimir en aurait eu vent à l'époque. Donc il n'en avait pas eu vent,
28 il ne pouvait donc pas y participer et il ne pouvait, par conséquent, pas
Page 65
1 contribuer à l'entreprise criminelle commune d'exécution des prisonniers de
2 guerre de Srebrenica.
3 Pour ce qui est de la question numéro 5 posée par la Chambre d'appel, au
4 sujet du motif d'appel 16, est-ce que l'on pouvait considérer Tolimir
5 responsable du fait de son rôle dans les meurtres de Srebrenica partant
6 d'une autre forme de responsabilité, si ce n'est participation à une
7 entreprise criminelle commune ?
8 Il est vrai qu'on dit que Tolimir a des responsabilités en application de
9 l'article 7(1) du Statut. Nous estimons que la Chambre d'appel a l'autorité
10 nécessaire pour ce qui est de savoir s'il y a lieu de condamner quelqu'un
11 pour ce qui est d'une autre forme de responsabilité conformément à ce qui
12 est reproché à l'accusé à l'acte d'accusation. Je voudrais indiquer ici
13 qu'il y a un fait, la présentation des éléments de preuve au niveau de
14 l'appel et au niveau de la première instance. L'acte d'accusation est conçu
15 suivant un modèle qui sous-entend le cadre juridique de l'entreprise
16 criminelle commune. Et la question est difficile à débattre parce que la
17 Défense défend une thèse qui est celle d'affirmer que Tolimir n'avait
18 absolument pas connaissance à l'époque pertinente qu'il y avait eu
19 l'organisation de ces exécutions et il n'y a pas contribué et il n'avait
20 pas du tout l'intention d'y prendre part non plus. Par conséquent, nous
21 estimons qu'il n'y a aucune raison valable de considérer que Tolimir est
22 responsable de quelque autre cas de figure que ce soit comme forme de
23 responsabilité de sa part.
24 Bien entendu, les Juges de la Chambre d'appel avaient estimé
25 nécessaire de présenter des argumentations de formes de responsabilité
26 alternatives par écrit dans un délai qui sera défini par la Chambre
27 d'appel, et il serait peut-être approprié de le faire à la fin de ce débat
28 en à appel.
Page 66
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Gajic, c'est peut-être une
2 question d'interprétation, mais j'aimerais que les choses soient vraiment
3 précises. Nous voyons au compte rendu :
4 "J'aimerais insister sur le fait que l'acte d'accusation a été conçu en
5 fonction d'un mode de responsabilité qui se fondait sur l'entreprise
6 criminelle commune et qu'il est difficile de réexaminer les choses à
7 présent."
8 Alors, comme vous l'avez fait savoir à juste titre, l'acte d'accusation
9 reproche des modes de responsabilité au titre de l'article 7(1) du Statut,
10 notamment aider et encourager, donc il n'y a pas qu'une seule accusation
11 qui est reprochée. Et donc, il n'y a pas que l'entreprise criminelle
12 commune.
13 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas eu le temps
14 de relire le compte rendu entier, mais c'est ce que j'ai souligné. J'ai
15 souligné que Tolimir avait été mis en accusation partant de toutes les
16 formes de responsabilité sous-entendues par l'article 7(1) du Statut, mais
17 l'acte d'accusation a été conçu et modelé et rédigé de façon à ne traiter
18 que de ces questions-là à titre exclusif.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Gajic.
20 M. GAJIC : [interprétation] Il serait peut-être plus approprié pour la
21 Défense de faire en sorte de répondre dans la réplique, et ce, de façon
22 plus détaillée, si elle vient à estimer que les arguments présentés par
23 l'Accusation méritent d'initier un débat au sujet des autres formes
24 alternatives de responsabilité du type aider et encourager.
25 Alors, pour répondre à la question numéro 6 de la Chambre d'appel,
26 pour ce qui est du motif d'appel 21, est-ce que Tolimir peut être reconnu
27 coupable de génocide pour sa participation à l'entreprise criminelle
28 commune relative au déplacement forcé si la Chambre d'appel vient à
Page 67
1 accueillir le moyen d'appel numéro 16 ?
2 Alors, si la Chambre d'appel accepte ce motif d'appel numéro 16 - et
3 vient à conclure du fait que la majorité des Juges de la Chambre de
4 première instance a fait une erreur pour ce qui est de sa participation aux
5 exécutions, d'y avoir contribué de façon considérable - ce motif doit
6 tomber à l'eau lui aussi. La Défense, et je tiens à leur rappeler, pour ce
7 qui est du motif d'appel numéro 15, a présenté des arguments pour étayer
8 ses affirmations disant que Tolimir n'a pas participé à l'entreprise
9 criminelle commune de déplacement forcé et il n'a pas contribué de façon
10 substantielle à ces déplacements forcés de la population de Srebrenica et
11 Zepa. Et, pour finir, la Défense défend la thèse qui est celle de dire que
12 Tolimir devrait être acquitté au niveau de tous les chefs d'accusation.
13 Mais si les Juges de la Chambre d'appel en viennent à conclure des
14 choses différemment, il y a cette entreprise criminelle commune de
15 déplacement forcé qui ne peut pas être un fondement suffisant pour ce qui
16 est d'une condamnation pour génocide étant donné que les meurtres des
17 Musulmans bosniens de Srebrenica constituaient quelque chose de pertinent
18 pour ce qui est de la détermination ou de l'intention génocidaire et pour
19 ce qui est d'un déplacement forcé en tant qu'acte génocidaire en soit.
20 Alors, je voudrais rappeler les conclusions qui ont été celles de la
21 Chambre d'appel dans l'affaire Blagojevic et Jokic et le Procureur contre
22 Krstic, où les Chambres de première instance ont formulé des argumentations
23 presque identiques à celle de la Chambre dans l'affaire Tolimir.
24 En effet, dans l'affaire Blagojevic et Jokic, paragraphe 123, la
25 Chambre d'appel a tiré la conclusion suivante : le raisonnement de la
26 Chambre de première instance n'a pas convaincu la Chambre d'appel du fait
27 que cette opération de déplacement forcé en soi ou de concert avec les
28 meurtres et mauvais traitements à Bratunac suffirait pour démontrer
Page 68
1 l'intention des accusés d'anéantir un groupe protégé.
2 Dans l'arrêt en appel de Krstic, il est constaté que les déplacements
3 forcés en soi ne constituent pas un acte génocidaire et que cela, en tant
4 que fait pertinent, ne fait que partie d'une évaluation factuelle générale.
5 Les conclusions de la Chambre de première instance des actes
6 génocidaires ne se fondent que sur les conséquences de l'opération
7 d'exécution des Musulmans de Bosnie à Potocari ou ceux qui ont été séparés
8 de la colonne qui essayait d'opérer une percée vers Tuzla, chose que l'on
9 peut voir dans les paragraphes 753 à 757 du jugement rendu.
10 Par conséquent, dans le cas où la Chambre d'appel accepterait le
11 seizième motif d'appel, il n'y aura aucun justificatif pour ce qui est de
12 condamner Tolimir pour génocide, et Tolimir devrait être acquitté pour ce
13 qui est des chefs d'accusation 1 et 2 de l'acte d'accusation.
14 Pour finir, je dirais que nous en arrivons à un document très
15 problématique. Il s'agit de la pièce à conviction P488. Et à ce sujet, la
16 Défense a identifié un grand nombre d'erreurs, pour ce qui est d'abord
17 d'erreurs de traduction de ce document, étant donné que ce document
18 comporte dans sa traduction ce que l'original ne comporte pas.
19 Alors, je vous demande de me donner un petit instant.
20 D'abord, la majorité des membres de la Chambre de première instance
21 ont conclu du fait que cette pièce 488 est pertinente pour ce qui est de
22 l'état d'esprit de l'accusé pendant les opérations de Zepa, et il
23 semblerait qu'il aurait été complètement conscient de la situation
24 difficile dans laquelle se trouvait une population vulnérable. Je parle du
25 paragraphe 1 171, et cela constituerait une preuve de l'intention qui
26 consisterait à éliminer une population de Zepa dans le cadre de sa
27 contribution à l'entreprise criminelle commune de l'éloignement forcé.
28 Compte tenu du contexte dans lequel se trouvait l'accusé lorsque ce
Page 69
1 rapport a été envoyé, il a été attribué une signification erronée dans le
2 paragraphe 1 091 qui aurait démontré la volonté de Tolimir de détruire la
3 population de Zepa. Il n'y a pas eu lieu de tirer ce type de conclusion, à
4 notre avis.
5 Ici, je me dois d'abord de prononcer une argumentation alternative.
6 Alors, si l'on comprend le document de façon correcte, une deuxième
7 alternative ce serait de voir la Chambre d'appel ne pas prendre en
8 considération les motifs de la Défense pour ce qui est de la teneur
9 véritable de ce document.
10 Je vais partir de cette deuxième situation. Si la Chambre d'appel ne
11 tient pas compte de ce qui a été dit au sujet de ce document dans l'appel,
12 dans la jurisprudence de ce Tribunal il y a une position unifiée qui dit
13 que pour ce qui est de prouver un état d'esprit de façon indirecte, la
14 seule façon de tirer une conclusion raisonnable c'est de se fonder sur les
15 éléments de preuve présentés.
16 S'agissant du P488, la Chambre de première instance a commis toute
17 une série d'erreurs qui sont toutes citées aux motifs de l'appel numéro 15.
18 Mais en sus de ces erreurs, pour répondre à la question de savoir s'il y
19 avait eu une intention génocidaire, le document en tant que tel et le
20 contexte pertinent nous montrent que cela a été présenté pour accomplir un
21 objectif militaire, c'est-à-dire accélérer la reddition de la Brigade de
22 Zepa. L'objectif n'a pas été de détruire la population musulmane bosnienne
23 de Zepa ou une partie de cette population en tant que telle.
24 La majorité de la Chambre de première instance a tiré la conclusion
25 qui consiste à dire que cette proposition est une mesure extrême et que
26 ceci devrait être pris en considération dans un contexte de l'objectif qui
27 a été celui d'accélérer la reddition des Musulmans. Ce document, si on le
28 comprend tel qu'interprété par les Juges de la Chambre de première
Page 70
1 instance, reste sous le seuil de l'intention génocidaire étant donné que
2 l'intention génocidaire sous-entend la destruction d'un groupe en tant que
3 tel, c'est-à-dire en tant qu'entité à part.
4 Ce document ne montre pas qu'il y a une opinion de formulée pour
5 détruire une population et ne montre pas que la population avait été
6 l'objectif premier des activités déployées. Il ne démontre pas qu'il y a eu
7 décision et détermination de la part de Tolimir de détruire la population
8 de Zepa en tant que telle.
9 La Chambre de première instance s'est basée sur la traduction de ce
10 document. Or, dans ce document, le mot le plus contesté est le mot de
11 "zbeg", qui signifie "population en fuite". La Chambre de première instance
12 s'est penchée sur les arguments présentés par l'accusé pendant le procès et
13 dans son mémoire en clôture, mais la Chambre n'a pas renoncé à ce qui
14 figure dans la traduction. "Zbeg", ça ne veut pas dire "réfugiés". Ce n'est
15 pas ce qui est sous-entendu.
16 C'est le mot "fleeing" en anglais, qui n'existe pas dans le texte
17 original. Tolimir n'a pas proposé la destruction ou l'anéantissement des
18 réfugiés qui fuyaient quelque chose. Il proposait l'anéantissement des
19 sites vides où on avait déterminé que c'était potentiellement des endroits
20 où pourrait venir une population musulmane. Je fais référence ici au
21 paragraphe 79 de l'opinion dissidente de la Juge Nyambe.
22 Compte tenu de la totalité des événements à Zepa, il est évident
23 qu'il y a absence de toute intention de destruction d'une population
24 civile. En sus, la Chambre de première instance n'a pas pris en
25 considération les circonstances qui disent que ce type de proposition
26 n'était pas réalisable. Le Témoin Savcic, qui était à Zepa au moment
27 opportun, montre que c'était hors de portée des armes de la VRS. Et il a
28 décrit dans le moindre détail le terrain et les circonstances telles
Page 71
1 qu'elles se présentaient dans ce secteur. Je vous indique ici qu'il s'agit
2 du témoignage Savcic aux pages du compte rendu d'audience 15 196 à 15 197.
3 Cette interprétation-là telle que fournie, celle que je viens de vous
4 présenter, à savoir que Tolimir n'avait pas proposé l'anéantissement d'une
5 population musulmane, ressort de façon évidente du contexte même. Dans ce
6 document, il est dit que les Musulmans sont en train de tirer sur la base
7 de la FORPRONU pour faire réagir l'OTAN. Ils procèdent à des déplacements
8 de la population. Et il parle du fait que l'on pouvait s'attendre à une
9 réunion du Groupe de contact le 21.
10 Dans une telle situation, il aurait été complètement déraisonnable de
11 proposer l'anéantissement d'une population civile. La mesure rationnelle et
12 raisonnable du point de vue militaire, c'est de faire en sorte que soient
13 détruits certains emplacements afin que l'on empêche cette population
14 civile de s'installer là afin de faire en sorte que l'ABiH se rende le plus
15 vite possible.
16 Du point de vue de la Défense, donc --
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] M. le Juge Antonetti a une
18 question. Je vais vous interrompre.
19 Allez-y, Monsieur le Juge.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Gajic, sur cette question de la traduction.
21 J'ai travaillé, hier, sur le document P488. C'est pas le seul document où
22 il y a des problèmes de traduction qui peuvent donner lieu à des
23 interprétations à charge. Le document P488 est constitué de quatre
24 paragraphes, et dans le premier paragraphe - car il faut lire les
25 paragraphes les uns par rapport aux autres - dans le premier paragraphe, il
26 est indiqué qu'il vaut mieux négocier directement après avoir infligé des
27 pertes humaines aux forces ennemies. Donc ce document fait référence aux
28 forces ennemies. A juste titre, vous avez soulevé le problème de traduction
Page 72
1 du mot "zbegova", où, dans le document P488, version anglaise, il est
2 indiqué "réfugiés"; alors que dans la version française, car j'ai demandé
3 la traduction B/C/S-français, c'est "en fuite". Simplement, dans la version
4 qu'on me donne, on me dit groupe d'habitants musulmans en fuite. Or,
5 habitants, on peut penser aux civils. Or, il se trouve que dans le texte
6 anglais, il n'y a pas habitants. Il y a "Muslims", avec un M majuscule.
7 La réponse nous vient -- pourrait-elle venir du fait que c'étaient
8 des Musulmans qui venaient de trois localités : Stublik [phon], Radava et
9 Brloska Planina ? Selon la connaissance que vous avez du dossier, ces
10 fuyards, étaient-ce des civils ou des forces militaires ?
11 M. GAJIC : [interprétation] Il s'agit ici d'avenants qui indiquent qu'il y
12 a des erreurs de traduction. La chose est évidente. Les traductions
13 n'arrivent pas à être rendues conformes. Je vais essayer, donc, de
14 paraphraser ce document. Et je vais essayer d'inverser un petit peu les
15 choses. Il n'est pas question ici de ceux qui sont en train de fuir
16 Stublici, Radava et Brloska Planina. Il est question ici de destruction de
17 "lieux de fuite" sur ces axes-là. Si dans la version en serbe nous laissons
18 pour l'instant les mots "'zbegovi' de la population musulmane," on dit
19 aussi ceci :
20 "Nous sommes d'avis que les destructions sur les axes de Stublici…," et
21 cetera, "feraient en sorte que les Musulmans soient contraints plus vite à
22 la reddition."
23 Le mot "fleeing", "fuite", dans le document original n'existe pas du
24 tout. Il est de trop dans la version anglaise.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
26 M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
27 Juges, la Défense est tout à fait ouverte pour ce qui est de la possibilité
28 d'entendre des questions complémentaires de la part des Juges de la Chambre
Page 73
1 d'appel étant donné que nous avons quelques minutes encore avant la fin du
2 temps qui m'est imparti. Et je ne voudrais pas entamer à présent un sujet
3 autre.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je demande à mes collègues s'ils ont
5 des questions avant cela. Apparemment, non. Nous avons encore une dizaine
6 de minutes.
7 Monsieur Kremer, pour rendre votre pause déjeuner un petit plus
8 intéressante aujourd'hui, je vous suggère de réfléchir sur la question
9 suivante pour votre argumentation de cet après-midi. Alors, je voudrais
10 faire référence, et cela ne vous surprendra pas, je voudrais faire
11 référence à l'affaire Popovic.
12 Dans l'affaire Popovic -- je ne parle pas de l'appel, mais de la première
13 instance. La Chambre de première instance a rejeté les accusations selon
14 lesquelles le transfert forcé des femmes et des enfants de Srebrenica et
15 celui des Musulmans de Bosnie de Zepa entrait dans le champ d'application
16 de l'article 42(2)(C) du Statut. Je cite ici le jugement Popovic,
17 paragraphes 849 et 854.
18 La Chambre Popovic a rejeté plus particulièrement la notion selon laquelle
19 la destruction de la seule structure de la communauté et l'incapacité de
20 cette dernière qui a été déplacée de force, l'impossibilité à reconstruire
21 sa vie - je saute quelques mots - représentent le genres de conditions qui
22 semblent être interdites au titre de l'article 4(2)(C) du Statut. Je cite
23 là le paragraphe 854 du jugement.
24 Cette conclusion dans l'affaire Popovic n'a pas été contestée en appel par
25 le bureau du Procureur. Ma question est la suivante : d'après vous,
26 l'interprétation de l'article 4 du Statut dans l'affaire Popovic était-elle
27 correcte ? Si la Chambre d'appel estime que le raisonnement est concluant,
28 même s'il n'est pas contraignant d'un point de vue technique en l'espèce,
Page 74
1 donc dans l'affaire Tolimir, et, bien sûr, l'article 4(2)(C), comme vous le
2 savez, porte sur le génocide, et l'article (2)(C) stipule :
3 "Qui entre directement en conflit avec le mode de vie de la population et
4 qui vise à le détruire en tout ou en partie."
5 Alors, lors de votre argumentation de cet après-midi, j'aimerais que vous
6 vous penchiez sur la pertinence ou non et l'influence de cette conclusion
7 dans l'affaire Popovic.
8 Je crois qu'il ne serait pas logique de vous demander de commencer vu qu'il
9 nous reste cinq minutes. Nous allons prendre la pause dès à présent. Alors,
10 voyons voir le programme. Nous avions 90 minutes de pause prévue pour la
11 pause déjeuner. Donc nous reprendrons dans 90 minutes à partir de
12 maintenant, c'est-à-dire 12 heures 15.
13 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 13.
14 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] La Chambre d'appel va maintenant
16 entendre la réponse de l'Accusation pendant deux heures. J'invite donc le
17 représentant de l'Accusation à présenter les arguments de l'Accusation.
18 Monsieur Kremer.
19 M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Messieurs les Juges, je souhaiterais d'abord répondre à la question qui a
21 été posée par le Président de la Chambre d'appel, le Juge Meron,
22 immédiatement avant la pause qui concernait la conclusion prononcée dans le
23 cadre du jugement de la Chambre de première instance dans l'affaire Popovic
24 au paragraphe 854, selon laquelle l'opération de transfert forcé n'a pas
25 été définie comme une condition délibérément imposée pour entraîner la
26 destruction physique du groupe.
27 En préliminaire à ma réponse, permettez-moi de faire remarquer que le
28 fait que l'Accusation n'ait pas fait appel sur ce point ne devrait pas être
Page 75
1 considéré comme l'acceptation de cette conclusion. L'Accusation n'a pas
2 fait appel de cette conclusion dans l'affaire Popovic parce que cela
3 n'aurait eu aucune incidence sur l'affaire puisque la Chambre de première
4 instance de Popovic avait conclu que d'autres actes sous-jacents au
5 génocide, aux exécutions et au fait d'infliger des atteintes graves à la
6 santé physique ou mentale avaient été commis et qu'il a été décidé que
7 l'accusé avait agi avec une intention génocidaire.
8 Mais pour en arriver au cœur de votre question, la différence entre
9 les conclusions de l'affaire Popovic et de l'affaire Tolimir par les
10 Chambres de première instance respectives est expliquée par le fait que les
11 deux affaires ont présenté des accusations différentes. Dans l'affaire
12 Popovic, l'Accusation, au paragraphe 33 de l'acte d'accusation, a soutenu
13 les charges de transfert forcé comme une condition pertinente de la vie
14 uniquement. Dans la présente affaire, toutefois, l'Accusation a soutenu des
15 charges signifiant qu'il s'agissait d'un effet combiné d'une opération de
16 transfert forcé et d'une opération d'exécution qui a constitué la condition
17 pertinente au titre de l'article 4(2)(C). Ceci figure dans notre acte
18 d'accusation amendé au paragraphe 24. En conséquence, dans le jugement de
19 première instance de l'affaire Popovic, la Chambre de première instance
20 s'est uniquement concentrée sur l'opération de transfert forcé - et vous
21 voyez cela au paragraphe 854 de son jugement - où la Chambre de première
22 instance souligne que :
23 "La Chambre de première instance fait remarquer que l'allégation de
24 l'Accusation ne recouvre pas l'effet des exécutions sur la structure
25 sociale des Musulmans de Bosnie."
26 En l'espèce, la Chambre de première instance s'est penchée sur
27 "l'effet combiné de ces opérations" et la façon dont ces effets ont eu "un
28 effet dévastateur sur la survie physique de la population musulmane de
Page 76
1 Bosnie de l'est de la Bosnie." Ceci figure au jugement, au paragraphe 766.
2 Cette conclusion était entièrement raisonnable pour les raisons avancées
3 par la Chambre de première instance dans son jugement.
4 Je vous remercie de votre attention et espère que mes propos ont bien
5 répondu à votre question.
6 J'aimerais maintenant commencer par définir une feuille de route pour
7 notre exposé, et notre exposé répondra fondamentalement à sept questions.
8 Je ne suis pas très optimiste quand au temps dont nous disposerons pour
9 entrer dans les détails sur ces questions car Me Gajic, lui aussi, ne s'est
10 penché que sur ces sept questions.
11 De point de vue du déroulement de ma présentation, je répondrai aux
12 questions 1 à 4 et 6 à 7, et c'est M. Wood qui répondra à la question 5.
13 Les questions posées dans votre addendum du 31 octobre concernent
14 fondamentalement trois questions : premièrement, la responsabilité de
15 Tolimir vis-à-vis des crimes faisant partie de l'entreprise criminelle
16 commune liée au meurtre; deuxièmement, l'intention génocidaire de Tolimir;
17 et troisièmement, les crimes commis à Zepa. Je commencerai par traiter de
18 la participation de Tolimir à l'entreprise criminelle commune visant au
19 meurtre et expliquerai pourquoi il était entièrement raisonnable de la part
20 de la Chambre de première instance de conclure au fait que Tolimir avait
21 l'intention de participer et avait contribué d'une façon significative à
22 cette ECC en vue de meurtre.
23 Dans le cadre de cette partie de mon exposé, j'expliquerai également
24 pour quelle raison il était approprié et nécessaire pour la Chambre de
25 première instance de considérer les actes de Tolimir, son comportement et
26 la connaissance qu'il avait en les comparant à sa position et à son rôle de
27 chef du secteur du renseignement et de la sécurité de l'armée de la
28 Republika Srpska, la VRS. Ceci répondra aux questions 3 et 4, je l'espère,
Page 77
1 de manière complète.
2 Ensuite, j'aborderai la question de savoir pourquoi la conclusion de
3 la Chambre de première instance selon laquelle Tolimir avait une intention
4 génocidaire était raisonnable. Ce faisant, j'expliquerai que la Chambre
5 s'est probablement penchée sur la pièce à conviction P488, qui est l'une
6 des pièces à conviction permettant d'évaluer les intentions de Tolimir. Ce
7 faisant, je répondrai aux questions 6 et 7.
8 Et, enfin, je me pencherai sur les questions 1 et 2 concernant la
9 façon dont les exécutions et les atteintes graves à l'intégrité physique ou
10 mentale ont été commises dans les opérations de Zepa et le fait qu'elles
11 ont bien été catégorisées comme des actes sous-jacents à un génocide. Je
12 répondrai également à la question de savoir comment, lorsque les forces
13 serbes de Bosnie ont exécuté les dirigeants de Zepa, il a été déterminé à
14 juste titre qu'il s'agissait d'une intention génocidaire.
15 Mon collègue, M. Wood, va ensuite prendre la parole pour traiter de
16 la question numéro 5, à savoir pourquoi, au vu de l'ensemble des
17 contributions à l'ECC visant au meurtre, Tolimir pouvait être tenu
18 responsable des tueries de Srebrenica au titre de modes de responsabilité
19 autres que la commission de crimes dans le cadre d'une participation à
20 l'ECC.
21 Comme la jurisprudence du Tribunal le reconnaît, la mission d'entendre,
22 d'apprécier et d'attribuer un poids aux éléments de preuve présentés au
23 cours du procès en première instance repose principalement sur la Chambre
24 de première instance. Je vous renvoie à l'arrêt Sainovic, paragraphe 23, et
25 à l'arrêt Kupreskic, paragraphe 30.
26 Et parce que cette affectation de cette fonction judiciaire très importante
27 aux Chambres de première instance a eu lieu, les Chambres d'appel ont une
28 marge de déférence vis-à-vis des conclusions sur les faits des Chambres de
Page 78
1 première instance. C'est seulement lorsque les éléments de preuve sur
2 lesquels s'appuient les Chambres de première instance ne peuvent pas être
3 acceptés ou qu'il y a une erreur complète que la Chambre d'appel peut se
4 substituer à la Chambre de première instance à cet égard. Ceci ressort de
5 l'arrêt Kupreskic, paragraphe 30.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] [hors micro] J'aimerais vous
7 demander quelle est la signification --
8 Je demandais en quoi l'utilisation du mot "significant" en anglais,
9 "significatif", que vous avez utilisé pour décrire la marge de différence
10 selon la description que vous en faites, en quoi est-ce qu'elle a un lien
11 avec la jurisprudence ?
12 M. KREMER : [interprétation] Il faudrait que je revienne à la jurisprudence
13 pour voir si le mot est utilisé, mais si l'on tient compte de l'historique
14 judiciaire en appel des Chambres d'appel, je soutiens que selon
15 l'historique ou la pratique, le fait d'accorder une déférence significative
16 à des conclusions sur le fait provenant des Chambres de première instance,
17 en particulier si l'on tient compte de la longue durée des procès en
18 première instance, du grand nombre de témoins entendus, du grand nombre de
19 questions qui sont traitées de façon significative dans les documents et de
20 l'ensemble du contexte, c'est-à-dire un conflit global avec des allégations
21 spécifiques de la part de l'Accusation, c'est dans ce sens que l'on entend
22 ce terme.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Je suis plus que
24 satisfait.
25 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, c'est cela la marge de
27 déférence.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais appeler l'attention de la
Page 79
1 Chambre ainsi que des autres personnes présentes dans la salle sur le fait
2 que mon collègue, le Juge Robinson, a posé une question qui au début a été
3 attribuée à un autre Juge, donc il ne faudrait pas que les lauriers aillent
4 à un Juge qui n'est pas celui qui s'est exprimé.
5 M. LE JUGE SEKULE : [interprétation] En effet.
6 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.
7 Sur ce point en l'espèce, la Chambre de première instance a entendu
8 400 témoins [comme interprété] pendant 242 jours de procès, a écouté le
9 témoignage de 183 témoins de l'Accusation, 4 témoins de la Défense, et a
10 reçu 2 962 pièces à conviction de l'Accusation et 533 de la Défense.
11 Le jugement de la Chambre de première instance, d'après mon propos,
12 fournit un excellent exemple de la façon d'évaluer comme il convient les
13 éléments de preuve et d'appliquer comme il convient la norme du doute
14 raisonnable. Le jugement établit pour commencer les principes généraux
15 appliqués par une Chambre de première instance aux paragraphes 30 à 35,
16 avant de passer à la façon dont ces normes sont appliquées. Le jugement
17 articule de très bonne façon les raisons en question et, donc, n'autorise
18 aucune intervention judiciaire.
19 J'aimerais maintenant passer aux questions concernant la
20 participation de Tolimir à l'ECC en vue de meurtre, en commençant par
21 répondre à la question numéro 3. Cette question est importante car elle
22 rend compte également, puisqu'elle revient de façon répétitive dans les
23 motifs d'appel de Tolimir, de cette importance, à savoir que la proposition
24 de Tolimir selon laquelle il aurait été déclaré coupable sur la base du
25 poste qu'il occupait et pas de ce qu'il avait fait doit être prise en
26 compte. En fait, il a été déclaré coupable sur la base de ce qu'il a fait
27 en fonction du poste qu'il occupait. En bref, notre réponse à votre
28 question est non. La question consistait à savoir si la Chambre de première
Page 80
1 instance avait commis une erreur en s'appuyant, entre autres, sur la
2 position qu'occupait Tolimir en tant que chef du secteur du renseignement
3 et de la sécurité, ainsi qu'en fonction du contrôle professionnel qu'il
4 exerçait sur ses subordonnés responsables de la sécurité et du
5 renseignement dans les divers organes de la VRS. Et la Chambre a déclaré
6 que Tolimir était responsable à cet égard : d'abord, il était au courant de
7 la participation de ses subordonnés à l'ECC en vue de meurtre; et
8 deuxièmement, il avait l'intention de participer à l'ECC en vue de meurtre.
9 La Chambre de première instance a raisonnablement utilisé la position
10 du général Tolimir et le rôle qu'il remplissait en tant que commandant
11 adjoint de Mladic au sein de l'état-major de la VRS et de chef du secteur
12 du renseignement et de la sécurité et a également raisonnablement tenu
13 compte du contrôle professionnel qu'il exerçait sur les organes subordonnés
14 de la VRS en appréciant son degré de connaissance de la participation de
15 ses subordonnés, son intention de participer à l'ECC en vue de meurtre, et
16 en vue d'interpréter comme il convient les actes de Tolimir et ses
17 omissions dans l'accomplissement de ses fonctions qui ont favorisé
18 l'opération de meurtre.
19 En tant que question initiale, la Chambre de première instance a eu
20 raison de prendre en compte la position de Tolimir en appréciant sa
21 participation à l'ECC en vue de meurtre. La Chambre d'appel, au paragraphe
22 192 de l'arrêt Kvocka, a soutenu que si un poste d'autorité n'est pas une
23 condition matérielle requise dans le cadre de la théorie concernant l'ECC,
24 c'est un facteur pertinent pour déterminer l'importance, l'envergure, de la
25 participation de l'accusé à un objectif commun.
26 Par conséquent, sur le plan juridique, la Chambre de première
27 instance a correctement et à bon escient tenu compte de la position de
28 Tolimir au moment d'apprécier les autres éléments de preuve montrant sa
Page 81
1 participation à l'ECC. En fait, cela aurait été une erreur de ne pas
2 s'appuyer sur ces éléments de preuve.
3 Maintenant, la signification de la position du général Tolimir est
4 évidente quand on comprend qui il était, quelles étaient ses fonctions, ses
5 pouvoirs, l'autorité dont il disposait, comment la chaîne de commandement
6 fonctionnait au sein de la VRS, et pourquoi tous ces aspects étaient
7 importants pour apprécier le comportement de Tolimir. Assassiner plus de 5
8 700 hommes musulmans de Bosnie et jeunes gens musulmans de Bosnie au cours
9 d'une durée aussi courte que quatre jours, tout en ayant procédé au
10 déplacement forcé de plus de 30 000 civils musulmans de Bosnie de
11 Srebrenica et d'environ 4 400 civils de Zepa, exigeait une planification et
12 une coordination au sein de la VRS qui devait commencer au niveau de
13 l'état-major principal. Il fallait pour cela également et très clairement
14 des responsabilités de commandement et un système de communication
15 opérationnel, ainsi qu'un système de compte rendu fonctionnant de façon
16 efficace à partir du terrain et à destination de l'état-major principal de
17 la VRS.
18 Ce qui est encore plus important, c'est que chacun des membres de l'ECC
19 ainsi que divers instruments qu'ils ont utilisés au sein de la VRS
20 concordent pour démontrer une hiérarchie de subordination et un principe de
21 commandement unifié. Et je vous renvoie au jugement, paragraphes 95, 1 125
22 et 1 165 à cet égard.
23 Nous savons que Tolimir était le commandant adjoint de Mladic au sein de
24 l'état-major principal de la VRS et qu'il était le chef du secteur du
25 renseignement et de la sécurité depuis déjà la mi-décembre 1992. Ceci
26 figure au jugement, paragraphe 913.
27 Grâce à sa position, Tolimir exerçait un commandement sur ses subordonnés
28 immédiats, Ljubisa Beara, chef de la sécurité, et Petar Salapura, chef du
Page 82
1 renseignement. Il contrôlait le travail des organes de sécurité et de
2 renseignement subordonnés également. Ceci figure aux paragraphes 103 à 104
3 du jugement.
4 Et, Messieurs les Juges, aux paragraphes 103 à 122 du jugement, vous
5 trouvez une description détaillée du fonctionnement du secteur du
6 renseignement et de la sécurité reposant sur les éléments de preuve dont la
7 Chambre de première instance a pu disposer.
8 Le contrôle professionnel exercé par Tolimir sur les organes de
9 sécurité et de renseignement subordonnés et leur travail est d'une
10 pertinence extrême, car un nombre aussi important de subordonnés dans la
11 hiérarchie du commandement ont participé à l'opération de meurtre et joué
12 un rôle significatif dans son succès. Au nombre de ces très nombreux
13 participants, on trouve Beara, Salapura, Radoslav Jankovic, Popovic, Golic,
14 Momir Nikolic, Drago Nikolic, Trbic, Carkic, et les membres de la police
15 militaire, entre autres. Ceci figure au jugement, paragraphe 1 098.
16 Alors que le général Skrbic a déclaré à la Chambre de première
17 instance que les commandants adjoints de l'état-major principal de la VRS
18 étaient "des experts pour la mise en œuvre des ordres du commandement et
19 des décisions de la meilleure façon possible." C'est une citation que l'on
20 trouve au paragraphe 916 du jugement de première instance.
21 Et en tant que commandant adjoint de l'état-major principal de la
22 VRS, le général Tolimir était directement subordonné à Mladic. Ceci figure
23 aux paragraphes 92 et 914 du jugement de première instance. Il était
24 responsable de la mise en œuvre et de la supervision de tous les ordres
25 liés à la sécurité et au renseignement provenant de Mladic et était tenu ex
26 officio de vérifier que ces ordres étaient exécutés. Tolimir était
27 l'applicateur des ordres de Mladic. Paragraphe 916 du jugement de première
28 instance. Le général Tolimir était également l'officier le plus haut gradé
Page 83
1 de la VRS, ayant l'expertise qui était la sienne eu égard à toutes les
2 questions portant sur les prisonniers, et notamment la gestion de la
3 détention, de la sécurité, du transport, des interrogatoires et des
4 échanges de prisonniers. Ceci figure au jugement de première instance,
5 paragraphes 106, 110 à 111, 914, 916 et 920.
6 Etant donné la fonction qui était la sienne eu égard à la gestion des
7 prisonniers, et nous reviendrons sur ce point plus tard et plus en détail,
8 il a échoué dans son devoir de remplir l'une de ses missions primordiales,
9 à savoir protéger les prisonniers.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Dites-moi, Monsieur Kremer, si un
11 instant nous supposons que vous n'ayez disposé d'aucun élément de preuve
12 concernant M. Tolimir et ce qu'il pouvait avoir à faire avec les
13 prisonniers de guerre, que se serait-il passé ?
14 M. KREMER : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous n'auriez disposé que du rôle que
16 vous venez d'expliquer s'agissant de Tolimir. Sur la base de son rôle et de
17 sa responsabilité de commandement, est-ce que vous auriez pu avancer les
18 mêmes arguments que ceux que vous avez avancés ?
19 M. KREMER : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Même en l'absence d'autres éléments de
21 preuve spécifiques concernant sa participation auprès des prisonniers de
22 guerre ? Simplement parce que nous avons entendu qu'il était le numéro deux
23 de l'état-major principal et que l'un de ses rôles consistait à s'assurer
24 des renseignements et de la sécurité --
25 M. KREMER : [interprétation] Ceci m'amène à mon point suivant. Vous avez
26 peut-être défini --
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc il faudrait que j'attende.
28 M. KREMER : [interprétation] Ce que je suis sur le point de vous dire. Une
Page 84
1 autre fonction importante de M. Tolimir est celle-ci, je pense répondre à
2 votre question, Monsieur le Président, elle consistait à empêcher les
3 fuites d'informations classifiées comme extrêmement confidentielles et de
4 couvrir les actions et les intentions de la VRS, ce qu'il a fait pendant
5 les opérations de meurtre. Il était le gardien des secrets de la VRS et
6 celui qui recueillait les renseignements. Ceci figure aux paragraphes 914
7 et 915 du jugement.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous êtes en train de dire qu'il
9 existe de façon certaine des éléments de preuve qui concernent cette
10 question de connexion.
11 M. KREMER : [interprétation] Oui --
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ma question consistait à vous demander
13 : si vous n'aviez pas eu ces éléments de preuve, ceux que vous venez
14 d'évoquer, donc simplement si vous vous étiez appuyé sur l'autorité exercée
15 par Tolimir, est-ce que vous auriez pu dire qu'il était inconcevable qu'en
16 tant que numéro deux de Mladic, il n'ait pas su, et cetera, et cetera ?
17 M. KREMER : [interprétation] Le seul élément de preuve que vous avez, c'est
18 qu'il était le numéro deux --
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Correct.
20 M. KREMER : [interprétation] -- et rien d'autre --
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'était l'objet de ma question.
22 M. KREMER : [interprétation] -- pas d'ordres, pas d'autre élément de
23 preuve, pas d'activité. Donc, manifestement, nous ne serions pas là où nous
24 sommes maintenant.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] D'accord.
26 M. KREMER : [interprétation] Mais nous avons toute une pile d'éléments de
27 preuve que la Chambre de première instance a passé en revue avec le plus
28 grand soin et très exhaustivement provenant de représentants militaires,
Page 85
1 ainsi que de personnes extérieures et de victimes.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce n'est pas simplement la
3 fonction qu'il occupait.
4 M. KREMER : [interprétation] Non, pas simplement la fonction, pas du tout.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. KREMER : [interprétation] En fait, c'est sa fonction qui donne un sens à
7 ce qui s'est passé. Et si l'on cumule les éléments de preuve, qui peut-être
8 n'ont pas de signification indépendamment, mais lorsque vous déterminez qui
9 est l'expéditeur d'un document, qui est son bénéficiaire, son destinataire
10 et que vous tenez compte de ce qui se passe sur le terrain, alors tout ceci
11 prend un sens beaucoup plus précis. Sa fonction nous donne le contexte et
12 donne un sens supplémentaire aux événements.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Kremer.
14 M. KREMER : [interprétation] En outre, s'ajoutant à ces responsabilités
15 très importantes, Tolimir avait une relation très proche avec Mladic et a
16 été décrit, comme M. Gajic l'a rappelé précédemment, comme son bras droit,
17 comme ses yeux et ses oreilles, et l'homme en qui Mladic avait le plus
18 confiance. Mladic le consultait régulièrement avant de prendre une
19 décision. Les deux hommes travaillaient dans une relation très étroite l'un
20 avec l'autre, ils l'ont fait pendant toute l'opération de meurtre. Et lors
21 d'une fête de nouvel an en janvier 1996, Mladic en personne a parlé de
22 Tolimir en disant qu'il faisait partie du noyau central des personnes de
23 son entourage et que c'est lui qui avait pris les décisions les plus
24 importantes pendant la guerre. Ceci figure aux paragraphes 915 et 921 du
25 jugement de première instance.
26 La proposition de M. Gajic selon laquelle Krstic, qui venait d'être nommé
27 commandant du Corps de la Drina à cette époque ou à l'époque où les
28 exécutions ont commencé, était comparable à Tolimir n'est pas fondée dans
Page 86
1 la réalité. Krstic n'était pas membre du cercle le plus étroit de
2 l'environnement de Mladic. Krstic n'était pas un commandement adjoint de
3 l'état-major principal de la VRS, responsable de la mise en œuvre des
4 décisions de Mladic et ne disposait pas de l'expertise spécifique de
5 Tolimir. Il n'était pas non plus l'officier le plus haut gradé pour la
6 conservation des secrets et la gestion des prisonniers.
7 Je passerai maintenant à l'ECC en vue de meurtre, qui recouvre la question
8 numéro 4. Celle-ci posant la question de savoir si la Chambre de première
9 instance a commis une erreur en concluant que les seules déductions
10 raisonnables tirées des éléments de preuve figurant au dossier consistaient
11 à dire que Tolimir avait eu l'intention de participer à et avait contribué
12 de façon significative à l'ECC en vue de meurtre. Notre réponse à cette
13 question est non.
14 La question, d'après ce que j'avance, telle que formulée, constitue
15 une mauvaise lecture du jugement. En se prononçant sur les éléments
16 fondamentaux liés à la responsabilité criminelle en raison d'une ECC en vue
17 de meurtre, la Chambre de première instance a appliqué le droit aux faits
18 de façon correcte. Elle a conclu que la contribution significative de
19 Tolimir et sa participation à l'ECC en vue de meurtre avaient été prouvées
20 au-delà de tout doute raisonnable. Et je renvoie les Juges de la Chambre
21 d'appel au jugement de première instance, paragraphes 1 115 et 1 129, qui
22 fournissent les conclusions par rapport à la contribution significative et
23 à l'intention partagée.
24 Lorsque la Chambre de première instance a pris ses décisions sur les
25 faits dans les paragraphes 1 099 et 1 088 du jugement, où il est question
26 des éléments de preuve à l'appui de ou des éléments de preuve qui
27 soutiennent les conclusions relatives à cette conclusion centrale, elle
28 s'est prononcée sur des éléments de preuve indirects. Et ce faisant, elle a
Page 87
1 appliqué la seule déduction raisonnable, à savoir que des éléments de
2 preuve directs ou une combinaison d'éléments de preuve directs et indirects
3 peuvent être pris en compte, et la Chambre de première instance a rendu ses
4 conclusions en s'appuyant sur la norme du doute raisonnable. C'est ce qu'on
5 peut constater à plusieurs endroits aux paragraphes 1 099 à 1 028 du
6 jugement. Notre position très simple consiste à dire que la question bien
7 formulée aurait consisté à se demander si la Chambre de première instance
8 avait commis une erreur en concluant qu'il avait été établi au-delà de tout
9 doute raisonnable à partir des éléments de preuve figurant au dossier que
10 Tolimir avait eu une intention autre que celle qui a été déduite à partir
11 de l'analyse du dossier.
12 Notre position consiste à dire que la seule déduction raisonnable ne
13 réside pas dans le test consistant à déterminer la culpabilité ou
14 l'innocence sur la base d'éléments essentiels du crime.
15 Comme je l'ai déjà dit, la Chambre a pris en compte de façon globale
16 le contexte lorsqu'elle a jugé de la participation de Tolimir et de sa
17 contribution au meurtre. Aujourd'hui, Me Gajic a poursuivi l'approche de la
18 Défense qui consiste à s'appuyer sur des éléments de preuve pris isolément.
19 En revanche, les conclusions de la Chambre de première instance reposaient
20 sur les différents fils interconnectés et mutuellement corroboratifs des
21 éléments de preuve considérés dans leur contexte comme un tout, à savoir
22 comme un ensemble d'éléments de preuve pertinents au nombre desquels, comme
23 nous l'avons dit, on trouve les éléments de preuve relatifs à la position
24 occupée par Tolimir et à ses responsabilités, ainsi qu'au contrôle
25 professionnel qu'il exerçait sur les organes subordonnés.
26 Me Gajic a passé en revue la chronologie des événements et contesté
27 de petits éléments reposant sur son interprétation, qui est comparable à ce
28 que l'on peut lire dans le mémoire en appel. Pour ma part, je me
Page 88
1 contenterais de mettre en exergue un nombre limité d'événements-clés sur
2 lesquels s'est appuyée la Chambre de première instance en prenant sa
3 décision au sujet de la responsabilité criminelle individuelle du général
4 Tolimir dans l'ECC visant au meurtre.
5 Le matin de la journée du 12 juillet, la Chambre a conclu qu'il existait un
6 plan commun établi par les divers membres des forces serbes de Bosnie en
7 vue d'assassiner les hommes en âge de porter les armes des Musulmans de
8 Bosnie de Srebrenica. Et au cours de la matinée du 12, les subordonnés de
9 Tolimir, à savoir Popovic, Momir Nikolic et Kosoric, ont discuté de cette
10 opération visant au meurtre devant l'hôtel Fontana. Mladic a répercuté
11 leurs discussions, faisant remarquer ce matin-là à l'hôtel Fontana durant
12 la réunion qui s'y est tenue que ses forces détecteraient les hommes
13 musulmans de Bosnie afin d'identifier les criminels de guerre et que les
14 Musulmans de Bosnie pouvaient "survivre ou disparaître".
15 Nous savons à partir de ce qui s'est passé par la suite qu'aucun
16 enregistrement effectif, aucune détection effective n'a eu lieu suite à la
17 capture des hommes et des jeunes gens musulmans de Srebrenica. Au
18 contraire, comme prévisible d'après les propos de Mladic, les hommes et
19 jeunes gens, on les a fait disparaître au cours des exécutions massives qui
20 ont eu lieu par la suite pendant que 30 000 femmes, hommes et vieillards
21 étaient expulsés de Srebrenica et qu'on les a effectivement fait
22 disparaître de l'est de la Bosnie. Paragraphes 1 045 à 1 047 du jugement de
23 première instance.
24 Dans la matinée du 12, Tolimir se trouvait à Bijeljina et il donnait
25 des instructions à Todorovic, chef de la sécurité du Corps de Bosnie
26 orientale, afin de préparer le centre de collecte de Batkovic pour
27 l'arrivée de 1 000 à 1 300 prisonniers de guerre. Ceci figure au paragraphe
28 931 du jugement. Les prisonniers de guerre en question étaient des hommes
Page 89
1 et des jeunes hommes musulmans de Bosnie qui avaient été regroupés à
2 Potocari suite à l'attaque de Srebrenica et à la prise de Srebrenica, puis
3 avaient été séparés et détenus par les forces serbes de Bosnie. Paragraphe
4 293 du jugement de première instance.
5 Pendant toute la journée, Tolimir a reçu des rapports provenant de ses
6 chefs du renseignement et de la sécurité du Corps de la Drina, de Popovic
7 et de Golic, et d'autres, au sujet de la situation à Potocari. Par exemple,
8 Tolimir a reçu tard dans l'après-midi un rapport de Popovic dans lequel on
9 pouvait lire :
10 "Nous sommes en train de séparer les hommes âgés de 17 à 60 ans et
11 nous ne les transportons pas. Les organes de sécurité et de la sécurité de
12 l'Etat travaillent à leur sujet."
13 Paragraphe 1 100 du jugement, pièce à conviction P2069.
14 Radoslav Jankovic, le subordonné de Tolimir à l'état-major principal
15 en matière de renseignement, a assisté aux réunions de l'hôtel Fontana des
16 11 et 12 juillet. La Chambre de première instance n'avait aucun doute quant
17 au fait que Tolimir était informé des discussions qui ont eu lieu lors de
18 ces réunions. Paragraphe 1 087 du jugement. La Chambre a conclu que Tolimir
19 avait été mis au courant de la situation qui se déroulait sur le terrain à
20 Srebrenica. Et dans le jugement, paragraphes 1 100 à 1 101, ceci figure. Et
21 Tolimir, en émettant deux rapports au sujet de la séparation des hommes en
22 âge de porter les armes musulmans de Potocari ainsi que des arrestations
23 dans la colonne elle-même, a démontré qu'il était au courant de ce qui se
24 passait à Potocari. Paragraphe 1 101 du jugement, et les deux rapports
25 P2203 et D64.
26 Alors, ce qui se passe le lendemain, le 13 juillet, a une importance
27 critique pour bien comprendre les raisons pour lesquelles le général
28 Tolimir a été déclaré coupable à juste titre. Le 13 juillet, les
Page 90
1 communications de Tolimir ont complètement changé, et ce changement prend
2 une pertinence tout à fait particulière lorsqu'on se penche sur le fait de
3 savoir ce qu'a dit Tolimir par rapport à ce qui se passait sur terrain. Au
4 début de l'après-midi du 13 juillet, près de 5 000 hommes musulmans de
5 Bosnie tirés de la colonne qui avait fui Srebrenica ont été capturés par ou
6 se sont rendus aux forces serbes de Bosnie. Paragraphes 315 à 321, ainsi
7 que les paragraphes 323, 330, 336 et 820 du jugement de première instance.
8 Entre 14 heures et 15 heures, en notant que plus de 1 000 musulmans
9 de Bosnie ont été détenus dans la région de Nova Kasaba, Tolimir a proposé
10 des mesures au commandant de bataillon de la police militaire Malinic "de
11 prendre des mesures pour déplacer les prisonniers de guerre qui se
12 trouvaient sur la route principale entre Milici et Zvornik. Il faut les
13 placer quelque part à l'intérieur ou dans une zone où ils ne pouvaient pas
14 être observés, que ce soit à terre ou en l'air." Jugement de première
15 instance, paragraphes 936 et 1 103 et pièce P125.
16 Alors, pour préciser, c'était le long de ces routes qui reliaient
17 Milici à Zvornik et Konjevic Polje à Bratunac que les hommes musulmans de
18 Bosnie de la colonne ont été capturés ou se rendaient. Les seules forces
19 qui pouvaient observer les prisonniers depuis des aéronefs, les seules
20 forces qui avaient accès à l'espace aérien au-dessus de cette région,
21 étaient les représentants de la communauté internationale.
22 La proposition de Tolimir a été intégrée à l'ordre de Mladic qu'il a
23 donné cette même nuit et qui concernait le contrôle des informations au
24 sujet des prisonniers et l'interdiction de la circulation. Pièce 2420. Les
25 deux éléments illustraient le fait que des efforts avaient été faits pour
26 dissimuler l'opération meurtrière, et il y a eu des réactions au niveau de
27 ces deux éléments. Jugement en première instance 946, 1 055 et 1 103.
28 Entre la proposition de Tolimir et l'ordre donné par la suite de
Page 91
1 Mladic, il y a eu plus de 1 000 prisonniers dans cette région qui ont été
2 emmenés de l'entrepôt de Kravica et qui ont été exécutés. Paragraphe 1 054
3 du jugement. Des milliers d'autres prisonniers ont été placés à bord
4 d'autocars, d'écoles et de hangars à Bratunac. Ils ont passé la nuit ici,
5 dissimulés, pour qu'on ne puisse pas les voir, avant d'être déplacés vers
6 des sites où il y a eu lieu des exécutions massives dans la zone de
7 responsabilité de la Brigade de Zvornik dans les jours qui ont suivi.
8 Jugement, paragraphes 946, 1 053, note en bas de page 4 148 [comme
9 interprété], et 1 054.
10 La Chambre a conclu raisonnablement que les mesures proposées par le
11 général Tolimir étaient "l'illustration des efforts conjoints qui visaient
12 à dissimuler le plan odieux qui avait été envisagé par les membres de
13 l'entreprise criminelle commune visant à conduire des opérations de
14 meurtre." Jugement, paragraphe 1 103. Mais ce ne sont pas ces simples
15 actions menées par Tolimir --
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mon collègue, M. le Juge Guney,
17 souhaite poser une question.
18 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps.
19 Mais j'ai compris que l'opération menée à Zepa et Srebrenica avait des
20 caractéristiques distinctes, même si je comprends que ces deux opérations
21 visaient à chasser la population musulmane de Bosnie de ces secteurs, de
22 ces enclaves, en les déplaçant par la force ou en les tuant, ou les deux à
23 la fois. Quelle est l'appréciation raisonnable de cela ?
24 M. KREMER : [interprétation] La réponse à votre question est oui. La
25 Chambre de première instance, alors, a analysé l'opération une à une, parce
26 que l'opération à l'origine, qui avait commencé avec la directive numéro 7
27 et Krivaja 95, avait donné des ordres, et si on se penche sur les forces en
28 présence et le caractère même des attaques, il y avait des similitudes. La
Page 92
1 seule différence entre Srebrenica et Zepa, c'était le fait que les hommes
2 de Zepa, les soldats, ont pu s'enfuir dans la forêt avant d'être capturés.
3 Alors que les hommes valides et les garçons valides ont été capturés à
4 Srebrenica et ont été capturés lorsqu'ils fuyaient au sein de cette colonne
5 puisqu'ils tentaient de s'enfuir. Nous allons l'aborder par la suite. Mais
6 notre position, et les Juges de la Chambre de première instance l'ont
7 également constatée, il s'agissait d'une seule et même opération qui était
8 dirigée contre les trois enclaves, Gorazde, Srebrenica et Zepa. Srebrenica
9 et Zepa ont été analysées ici. Et l'enclave de Srebrenica était l'enclave
10 la plus importante, elle a été attaquée en premier. Zepa était à côté et a
11 été attaquée par la suite par les mêmes forces. Et nous sommes d'accord
12 avec votre question, même s'il y a des différences sensibles, le transfert
13 forcé s'est appliqué aux deux, ainsi que l'attaque militaire qui visait à
14 chasser la population. Et cela a mené à cette entreprise criminelle commune
15 sous la forme de meurtre. Et donc, la situation à Zepa n'a pas évolué dans
16 le même sens que Srebrenica au niveau de l'ampleur des crimes parce que les
17 hommes militaires valides s'étaient enfuis à travers la forêt.
18 M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez développer votre dernier
20 point. Comment expliquez-vous le fait qu'il n'y ait pas de meurtres massifs
21 à Zepa ?
22 M. KREMER : [interprétation] Au moment où ils ont pris le contrôle de la
23 ville, il n'y a plus d'hommes militaires valides qui étaient là.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'il n'y avait plus personne à tuer ?
25 M. KREMER : [interprétation] C'est comme ça que je l'ai compris.
26 Finalement, ils se sont enfuis en direction de la Serbie et d'autres
27 régions, mais les gens qui ont quitté Zepa étaient essentiellement des
28 femmes et des enfants.
Page 93
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. KREMER : [interprétation] La Chambre de première instance --
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si vous me le permettez.
4 M. KREMER : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si je puis encore pendant quelques
6 instants poser une question. S'agissant de la participation du général
7 Tolimir que vous avez évoquée, l'entreprise criminelle commune sous la
8 forme de meurtre était le seul mode de responsabilité qui correspond à ces
9 descriptions factuelles ? Ou y aurait-il d'autres modes de responsabilité
10 qui correspondraient, par exemple, au fait d'aider et encourager ?
11 M. KREMER : [interprétation] M. Wood va répondre à cette question.
12 Effectivement, nous pensons que l'entreprise criminelle commune sous la
13 forme de meurtre, dans les circonstances de l'espèce, est le plus
14 importante.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais par opposition à Krstic ?
16 M. KREMER : [interprétation] Oui, par opposition à Krstic. C'est exact.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
18 M. KREMER : [interprétation] Alors, je vais revenir maintenant à la
19 question suivante. Il y a deux actions qui ont été menées par Tolimir le 13
20 qui corroborent les conclusions à savoir qu'il était impliqué dans
21 l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre. Il a envoyé ce
22 soir-là un télégramme à l'état-major principal de la VRS et à Gvero
23 personnellement proposant le transfert de 800 prisonniers à la ferme de
24 Sjemec pour que cela soit "effectué la nuit", à un moment où toutes les
25 installations de Bratunac étaient déjà surchargées de prisonniers.
26 Jugement, aux paragraphes 1 105 à 1 106. Cette proposition correspondait à
27 sa proposition initiale qui visait à détenir les prisonniers musulmans de
28 Bosnie à l'intérieur pour qu'on ne puisse pas les voir, que ce soit à terre
Page 94
1 ou depuis le ciel.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez par là,
3 "doit être effectué la nuit" ?
4 M. KREMER : [interprétation] Alors, sous couvert de l'obscurité, lorsqu'on
5 ne pouvait pas être vu, que ce soit par le système de surveillance aérien
6 par les représentants de la communauté internationale ou que d'autres
7 personnes ne puissent pas les voir non plus. Autrement dit, d'autres
8 personnes, sources ou personnes, qui fournissaient des renseignements à la
9 communauté internationale. Il fallait que cette opération soit secrète pour
10 qu'elle puisse être menée à bien. Il fallait enterrer les corps et les
11 recouvrir, et donc il y aurait davantage d'éléments dans ce cas, et il y a
12 eu des réensevelissements par la suite. Il fallait que cette opération soit
13 dissimulée coûte que coûte. Il fallait dissimuler ces crimes odieux.
14 Outre le fait de mener à bien ses missions secrètes, autrement dit,
15 le fait de dissimuler l'opération meurtrière, il a participé de façon
16 active également à ses fonctions qui l'obligeaient à gérer les prisonniers.
17 Il savait fort bien que Sjemec n'était pas une installation qui convenait
18 aux prisonniers. Il savait qu'il n'y avait pas de travaux agricoles à
19 effectuer à cet endroit-là et que, comme à l'entrepôt de Kravica, le sort
20 des prisonniers qui étaient emmenés là était une mort certaine aux mains de
21 la VRS.
22 Le télégramme de Tolimir portant sur Sjemec a été envoyé à peu près
23 au moment où les subordonnés de Tolimir, Beara, Momir Nikolic et Drago
24 Nikolic, étaient train d'élaborer les détails pratiques de l'opération
25 meurtrière, notamment le fait d'organiser l'enterrement de centaines
26 d'hommes musulmans tués à l'entrepôt de Kravica cet après-midi-là et dans
27 la soirée, ainsi que l'organisation du transfert des prisonniers musulmans
28 de Bosnie de Bratunac à Zvornik où ces derniers allaient être tués.
Page 95
1 Jugement de première instance, paragraphes 364 à 366, 402 à 404, 1055 à
2 1057.
3 Deuxièmement, ou autre point. Dès le 13 juillet, Tolimir a annulé son
4 ordre précédent à l'intention de Todorovic qui visait à préparer Batkovic
5 pour la venue de 1 000 à 1 300 prisonniers. Il a dit à Todorovic : "Laisse
6 tomber tous les préparatifs. Cette tâche a été abandonnée." Todorovic a
7 expliqué cela ne voulait rien dire parce que "cela n'allait rien donner.
8 Les prisonniers n'allaient pas venir." Paragraphes 951, 1 103 du jugement
9 de première instance, et page du compte rendu d'audience 12 942 de la
10 déposition de Todorovic.
11 Messieurs les Juges, lorsque Tolimir a donné ses instructions pour
12 que les préparatifs cessent, lui était l'officier le plus haut gradé qui
13 s'occupait de la gestion des prisonniers. Il savait que les prisonniers
14 allaient être tués. Et fait important, le 13 juillet, le subordonné direct
15 de Tolimir, Beara, était déjà à Bratunac en train d'organiser le meurtre
16 des prisonniers. Jugement de première instance, paragraphes 364 à 366 et 1
17 055.
18 Compte tenu du commandement et du contrôle professionnel de Tolimir
19 sur Beara, il savait exactement où se trouvait Beara et il connaissait les
20 missions particulières de Beara. Ce qui devient manifeste au vu des propos
21 de Tolimir et de ses agissements dans les jours qui ont suivi. Si nous
22 tenons compte de ces éléments ensemble, la Chambre de première instance a
23 conclu que Tolimir était au courant du plan meurtrier dans l'après-midi du
24 13 juillet et que cette conclusion était tout à fait raisonnable. Au
25 paragraphe 1 104 du jugement.
26 Je vais maintenant passer à la date du 14 juillet, Tolimir n'a cessé de
27 prendre des mesures pour dissimuler l'opération meurtrière et ses
28 subordonnés directs ont continué à jouer un rôle actif dans ce sens. Le
Page 96
1 général Tolimir a envoyé un avertissement à Mladic, au commandement du
2 Corps de la Drina et aux unités subordonnées, notamment la Brigade de
3 Zvornik, qui portait sur la présence d'aéronef sans pilote, de drone. Pièce
4 124 [comme interprété], pièce 128 [comme interprété]. A ce moment-là, le
5 transport des prisonniers restants de Bratunac dans le secteur de Zvornik
6 et les meurtres de quelque 2 500 hommes et garçons musulmans de Bosnie
7 étaient en train de se dérouler à Orahovac dans la zone de responsabilité
8 de la Brigade de Zvornik. Egalement, avaient lieu en même temps les
9 dernières exécutions à Kravica ainsi que le transport au site de Glogova,
10 où plus de 1 000 corps d'hommes musulmans de Bosnie ont été enterrés, ces
11 derniers ayant été tués à Kravica la veille. Paragraphes 353 à 371, 376,
12 405 à 439 du jugement en première instance.
13 Les avertissements de Tolimir étayent sa connaissance de ce qu'il advenait
14 de ces milliers d'hommes qui avaient été faits prisonniers les 12 et 13
15 juillet. Comme la Chambre de première instance a raisonnablement conclu à
16 la dernière phrase au paragraphe 1 108 :
17 "Compte tenu du fait que ce jour-là les meurtres de Zvornik ont commencé à
18 Orahovac, la seule déduction raisonnable consiste à dire que l'accusé a
19 envoyé cet avertissement pour que l'opération meurtrière puise être menée à
20 bien sans être décelée."
21 La proposition de Tolimir visant à abattre l'aéronef était le reflet des
22 mesures qu'il était disposé à prendre, cela faisait partie de ses
23 fonctions, il fallait à tout prix garder le secret.
24 Le lendemain, le 15 juillet, les meurtres se sont poursuivis au barrage de
25 Petkovci, l'école Rocevic et à Kozluk. Ces meurtres, comme les meurtres des
26 jours précédents à Orahovac et à l'école Petkovci, ont été menés par la
27 police militaire de la Brigade de Zvornik sous la surveillance des organes
28 de sécurité subordonnés de Tolimir, notamment Popovic et Drago Nikolic.
Page 97
1 Paragraphe 1 109 du jugement, ainsi que paragraphes 417 à 418, 442, 460 à
2 471, 481 à 482, 1 059 à 1 060.
3 Au cours de cette période, Beara n'était pas simplement en train de
4 surveiller les sites de détention mais participait de façon étroite au
5 renfort des troupes pour assurer la poursuite des exécutions en masse
6 implacables des hommes musulmans de Bosnie et des garçons, et donc il est
7 resté en contact étroit avec Popovic. Paragraphes 1 059 [comme interprété]
8 à 1 060 du jugement de première instance.
9 Le 16 juillet, Tolimir a donné des instructions à ses subordonnés au sein
10 du bureau du renseignement, notamment Salapura, qui portaient sur les
11 façons plus sûres de communiquer pour empêcher qu'on ne les entende. Le
12 même jour, le 10e Détachement de Sabotage, une unité contrôlée par
13 Salapura, exécutait les prisonniers à la ferme militaire de Branjevo.
14 Jugement, paragraphes 490 à 500, 508, 957 et 1 109.
15 En outre, Popovic était présent dans le secteur, il avait demandé 500
16 litres de carburant pour pouvoir transporter les prisonniers de l'école de
17 Kula à la ferme de Branjevo. Jugement de première instance, paragraphe 1
18 061, note en bas de page 2 156, pièce à conviction P1846 [comme
19 interprété].
20 La Chambre de première instance a raisonnablement conclu que l'accusé, qui
21 était le supérieur hiérarchique direct de Salapura, était tenu au courant
22 de toutes les actions menées par le 10e Détachement de Sabotage et a conclu
23 raisonnablement que "il est inconcevable que l'accusé n'ait pas été informé
24 des meurtres dans les sites pertinents à l'époque. Au lieu et place de
25 cela, il a approuvé cela de façon tacite pour que ces meurtres puissent se
26 dérouler." Jugement, paragraphes 120 à 122 et 1 112.
27 Le même soir, le 16 juillet, Tolimir a assisté à une réunion de l'état-
28 major principal avec Mladic et d'autres personnes pour planifier ce qu'ils
Page 98
1 appelaient les opérations de ratissage dans le secteur de Bratunac qui
2 avaient été conçues pour éliminer tout homme musulman de Bosnie qui était
3 encore dans le secteur, qui s'enfuyait et qui ne s'était pas encore rendu
4 et qui n'avait pas encore été tué. Tolimir a déclaré que Beara se trouvait
5 dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, illustrant ainsi le
6 fait qu'il était au courant des activités de Beara, et il savait où il
7 était. A l'époque, l'opération meurtrière qui était en cours à Zvornik se
8 terminait. Paragraphe 1 109 du jugement, et 958 à 959.
9 Les éléments de preuve montrent qu'à la date du 18 juillet, des rumeurs
10 concernant le sort des hommes musulmans de Bosnie commençaient à être
11 répandues au sein de la communauté internationale. Paragraphe 1 062 du
12 jugement de première instance. Ce jour-là, par l'intermédiaire de son
13 subordonné Jankovic, on a consulté Tolimir sur le sort de l'évacuation des
14 personnes qui travaillaient pour Médecins sans frontières ainsi que leur
15 personnel local qui était très présent et très visible dans la presse et
16 connu de la communauté internationale. Son but était de divertir
17 l'attention et la pression de la communauté internationale sur l'endroit où
18 se trouvaient les hommes de Srebrenica. Paragraphe 1 110 du jugement.
19 Ceci montre que cela faisait partie de son rôle et il s'agissait de bien
20 garder ce secret. Tolimir a tenté de dissimuler les meurtres, même après la
21 fin de ces derniers, et il avait l'autorité et le pouvoir de libérer les
22 prisonniers. Le 22 juillet, on constate que Tolimir était au courant de
23 cette opération meurtrière et qu'il était en contact permanent avec ses
24 subordonnés qui participaient aux exécutions.
25 Tolimir s'est entretenu avec son subordonné Popovic et il lui a donné les
26 consignes suivantes. Il a dit à Popovic : "Tu dois faire ton travail." Nous
27 savons que le lendemain, Popovic a surveillé le 10e Détachement de Sabotage
28 dans le cadre des meurtres de Bisina. Et la Chambre a raisonnablement
Page 99
1 conclu qu'il était au courant de ces meurtres ainsi que des meurtres commis
2 à la ferme de Branjevo qui étaient menés par le 10e Détachement six jours
3 plus tôt. Il a tacitement été d'accord avec ces derniers, a permis que ces
4 meurtres puissent être commis et, sans aucun doute, était animé de
5 l'intention de commettre ces meurtres. Paragraphe 1 112 du jugement.
6 Même après la fin de l'opération meurtrière, Tolimir a continué à
7 exercer ses fonctions, il s'agissait de bien garder ce secret et de gérer
8 les prisonniers s'agissant de l'entreprise criminelle commune sous la forme
9 de meurtre. Alors, concernant le traitement des prisonniers, à la fin du
10 mois de juillet et au début du mois d'août 1995, Tolimir a donné des
11 instructions qui étaient contraires aux règlements militaires et au droit
12 international, à savoir que des détenus ne devaient pas être enregistrés et
13 qu'on ne devait pas donner leurs noms aux organisations internationales.
14 Pièces à conviction P1122 [comme interprété] et P2875.
15 Si on associe cela avec ses ordres pendant toute la durée de
16 l'opération meurtrière qui consistaient à dissimuler l'endroit où se
17 trouvaient les hommes musulmans de Bosnie que l'on transportait et que l'on
18 exécutait, ces instructions confirment qu'il était animé de l'intention de
19 mener cette opération meurtrière dans le secret. Paragraphes 671, 997 et 1
20 123.
21 Au mois d'août et au mois de septembre 1994 [comme interprété],
22 lorsque des membres de la famille des hommes musulmans et garçons de Bosnie
23 qui venaient d'être exécutés en masse - pourquoi l'échange des prisonniers
24 de guerre ne se déroulait pas, on lui a posé la question - Tolimir a
25 délibérément menti en expliquant qu'il n'y avait qu'un petit nombre de
26 soldats ennemis qui pouvaient être échangés et qui avaient été capturés.
27 Jugement, 1 003 à 1 004. Pièces P2751 et P2250.
28 Il savait que des milliers et des milliers d'hommes avaient été capturés et
Page 100
1 exécutés à la mi-juillet et que, à partir du mois de septembre et au mois
2 d'octobre, ses subordonnés participaient à des opérations de
3 réensevelissement qui avaient pour but de dissimuler ce génocide. Jugement,
4 paragraphes 558 à 565, 1 064 à 1 068 [comme interprété] et 1 114.
5 Messieurs les Juges, outre les contributions actives de Tolimir à ces
6 opérations meurtrières, son intention, sa connaissance et sa responsabilité
7 est renforcée par ce qu'il a omis de faire. La Chambre de première instance
8 a été tout à fait raisonnable lorsqu'elle a conclu que malgré "sa
9 connaissance de la situation sur le terrain et de ses obligations envers
10 les prisonniers de guerre, il n'y a aucun élément de preuve qui précise que
11 Tolimir a tenté de prendre ses distances par rapport aux crimes et n'a
12 entrepris aucune mesure pour remplir ses obligations à l'égard des
13 prisonniers de guerre." Paragraphe 1 128 du jugement de première instance.
14 Son manquement à protéger les prisonniers musulmans de Bosnie de Srebrenica
15 a contribué de façon significative à l'entreprise criminelle commune sous
16 la forme de meurtre. Encore 1 128, jugement de première instance. Ainsi que
17 la citation suivante : Tolimir a dissimulé l'objectif commun de
18 l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre et a décidé de ne
19 pas agir, ce qui a conduit à la commission des crimes.
20 Pour conclure, et pour répondre à votre question numéro 4, compte tenu de
21 tous les éléments de preuve qui peuvent être corroborés mutuellement, tous
22 les éléments de preuve au dossier portant sur le poste et les
23 responsabilités de Tolimir, le contrôle professionnel de ses subordonnés,
24 ses actes et omissions au moment pertinent qui se sont déroulés sur le
25 terrain suite à la chute de Srebrenica et le fait qu'un nombre très
26 important de ses subordonnés placés sous son commandement et contrôle
27 professionnel étaient des participants actifs à ces meurtres, il était
28 raisonnable que la Chambre de première instance conclue que Tolimir avait
Page 101
1 l'intention de participer à et a contribué de façon significative à
2 l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Y a-t-il une autre interprétation
4 possible à ces ordres qui visaient à ne pas enregistrer les prisonniers ?
5 M. KREMER : [interprétation] Alors, si vous vous penchez sur les ordres
6 isolément, peut-être. Si vous l'abordez dans le contexte de ce qui s'était
7 passé -- de ce qui se passait à l'époque, la réponse est non.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, l'obligation en vertu de la
9 troisième convention de Genève est d'enregistrer les prisonniers de guerre;
10 c'est cela ?
11 M. KREMER : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. KREMER : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite vous rappeler
14 que mes remarques parlent des actes essentiels et omissions de Tolimir à
15 partir desquels la Chambre de première instance a déduit que Tolimir était
16 un membre de l'entreprise criminelle commune et a contribué à ces meurtres.
17 Je souhaite vous dire que les éléments n'ont pas été abordés isolément mais
18 dans le contexte général, et que la Chambre a donné ses conclusions en se
19 fondant sur l'ensemble des éléments de preuve et non pas sur une seule
20 pièce.
21 L'analyse exhaustive et détaillée de la Chambre de première instance
22 sur ces questions se trouve aux paragraphes 1 099 à 1 129 du jugement.
23 Comme je l'ai dit, la conclusion portant sur la responsabilité pénale de
24 Tolimir est une conclusion qui était raisonnable et qu'il ne faut pas
25 modifier.
26 Et comme vous avez posé la question, je pense que M. Wood va aborder
27 la question des Juges de la Chambre qui porte sur les autres modes de
28 responsabilité.
Page 102
1 Je vais maintenant passer à l'intention génocidaire de Tolimir.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Un instant.
3 Je regarde les paragraphes 650 et suivants du jugement sur l'évacuation de
4 Zepa. Vous avez dit que vous avez répondu à ma question il y a quelques
5 instants en affirmant qu'il n'y avait pas d'opérations meurtrières de
6 grande échelle à Zepa parce que il n'y avait pas d'hommes en âge de porter
7 les armes qui y étaient. Mais le paragraphe 651 du jugement nous dit que :
8 "Le départ de Zepa des hommes en âge de porter les armes et celle connexe
9 de l'échange de prisonniers de guerre envisagé ont également été discutés
10 et Zdravko Tolimir [comme interprété] a déclaré que le départ des hommes en
11 âge de porter les armes était le plus gros problème…"
12 Donc ces hommes n'ont pas été tués. Comment concilier cela avec
13 l'intention génocidaire de Tolimir que vous venez d'aborder ?
14 M. KREMER : [interprétation] Je vais l'aborder dans quelques instants.
15 Mais, en fait, cette intention peut être envisagée comme étant une question
16 séparée. Nous devons déterminer s'il y avait des actes sous-jacents de
17 génocide et si Zdravko Tolimir avait cette intention génocidaire. Le fait
18 que ces hommes en âge de porter les armes aient eu la possibilité de fuir
19 par la forêt et de se cacher et que la VRS n'avait pas la capacité de les
20 poursuivre, et d'ailleurs la Chambre de première instance a également
21 discuté du fait que très vite il est ressorti que la situation à Srebrenica
22 était une situation grave et que, en fait, la population qui s'était
23 échappée de Srebrenica arrivait à Zepa et donnait des informations aux
24 habitants sur ce qu'il se passait --
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais je me souviens très bien qu'il y a
26 eu une évacuation. Je m'en souviens très bien. Elle a été organisée pour
27 les hommes en âge de porter les armes de Zepa.
28 M. KREMER : [interprétation] Il y a eu un ordre, et je pense que Me Gajic a
Page 103
1 fait référence à un rapport serbe qui suggérait que l'ABiH leur avait
2 ordonné d'évacuer, je pense, si je ne m'abuse.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, en résumé, il y avait des hommes
4 en âge de porter les armes --
5 M. KREMER : [interprétation] Oui --
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] -- donc il n'y avait évidemment pas
7 d'intention de les tuer. Ce n'est pas la même chose que ce que vous nous
8 avez répondu tout à l'heure.
9 M. KREMER : [interprétation] Il n'y avait pas d'hommes en âge de porter les
10 armes qui ont été capturés et qui auraient pu être tués. Maintenant, à
11 savoir si l'intention de les tuer s'ils avaient été capturés, c'est une
12 question factuelle un petit peu compliquée. J'essaierai de l'aborder dans
13 la partie sur le génocide et je vous donnerai un petit peu de contexte.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.
15 M. KREMER : [interprétation] Et j'essaierai de dissiper cette incertitude.
16 Et je répondrai aux questions que vous aurez à cet égard.
17 Bien, je vous disais que je voulais passer à la condamnation de Zdravko
18 Tolimir pour génocide et aux questions 6 et 7. La Chambre de première
19 instance a eu raison de conclure que Zdravko Tolimir avait une intention
20 génocidaire et avait commis un génocide. Cette conclusion se fondait sur
21 plusieurs faits que la Chambre de première instance a résumés au paragraphe
22 1 172 du jugement.
23 La Chambre s'est fondée sur le fait que Zdravko Tolimir était un
24 participant actif à la fois à l'entreprise criminelle commune relative au
25 transfert forcé et à celle relative aux exécutions. Ces éléments de preuve
26 étaient fortement pertinents pour déterminer l'intention génocidaire de
27 Zdravko Tolimir parce que les Juges de la Chambre ont conclu que l'objectif
28 de ces deux opérations allait au-delà d'une simple dissolution des
Page 104
1 Musulmans de Bosnie en Bosnie orientale et elle a conclu que "ces
2 opérations avaient pour objectif de détruire cette communauté musulmane de
3 Bosnie et d'empêcher la reconstitution de ce groupe dans cette région."
4 Paragraphe 766 du jugement.
5 Elle a donc conclu que les transferts forcés et les exécutions ont eu lieu
6 dans une intention génocidaire et que Zdravko Tolimir était au courant de
7 cela. Je vous renvoie au paragraphe 1 166 du jugement.
8 Les Juges de la Chambre se sont en outre fondés sur la pièce P448 [comme
9 interprété], la proposition du 21 juillet de Zdravko Tolimir de détruire
10 les groupes de réfugiés musulmans qui s'enfuyaient. Les Juges de la Chambre
11 ont conclu qu'il s'agissait là d'un exemple patent des propres termes de
12 Zdravko Tolimir démontrant son intention génocidaire.
13 Je vais tout d'abord aborder la question 7. Pièce P488, vous avez demandé
14 si la Chambre de première instance s'était fourvoyée lorsqu'elle s'était
15 fondée sur la pièce P488 pour déduire l'intention génocidaire de Zdravko
16 Tolimir. En fait, la Chambre de première instance se serait fourvoyée si
17 elle ne s'était pas fondée sur cette pièce lorsqu'elle a conclu son
18 intention génocidaire.
19 Regardons brièvement le document et voyons pourquoi. Alors, je vous cite le
20 document, c'est le même passage que celui auquel M. le Juge Antonetti a
21 fait référence ce matin, et je fais référence à la traduction anglaise, et
22 non à la traduction française, parce que je ne l'ai pas :
23 "Nous pensons que nous pouvons forcer les Musulmans à se rendre plus tôt si
24 nous détruisons des groupes de réfugiés musulmans qui s'enfuient à partir
25 de Stublic, Radava, Brloska Planina."
26 La question fondamentale pour l'intention génocidaire est de savoir si
27 Zdravko Tolimir a eu l'intention de détruire une partie de ce groupe en
28 tant que tel. Il est difficile d'imaginer des éléments de preuve plus
Page 105
1 pertinents pour prouver l'intention génocidaire que les propres termes de
2 Zdravko Tolimir ici. La Chambre de première instance a conclu
3 raisonnablement, au paragraphe 1 171 du jugement, que le document "montre
4 de façon patente que l'accusé était déterminé à détruire la population
5 musulmane de Bosnie." Elle a remarqué dans ce paragraphe que la pièce a
6 montré l'état d'esprit de Zdravko Tolimir pendant l'opération de
7 déplacement forcé et a montré qu'il avait pleinement connaissance de la
8 situation difficile de la population civile vulnérable à Zepa. En outre, le
9 document a prouvé "son intention tactique et fervente de chasser la
10 population musulmane de Bosnie de l'enclave de Zepa."
11 Les Juges de la Chambre se sont également fondés sur ce paragraphe pour la
12 date du document. Il a été délivré le 21 juillet 1995, après avoir chassé
13 de force la population musulmane de Bosnie de Potocari, ce qui a donné lieu
14 à une atteinte grave à l'intégrité physique et mentale, pendant la période
15 où l'accusé a participé activement à la dissimulation des opérations
16 meurtrières qui avaient lieu dans une intention génocidaire et à la
17 préparation de déplacement forcé de la population musulmane de Bosnie de
18 Zepa.
19 Des éléments de preuve directs de cette intention génocidaire sont rares,
20 comme la Chambre d'appel l'a remarqué récemment dans l'arrêt 98 bis
21 Karadzic, paragraphe 80.
22 J'aimerais à présent passer aux arguments de Me Gajic sur la pièce P488. Me
23 Gajic, aujourd'hui, s'est à tort concentré sur le terme "reddition" au
24 début du paragraphe pertinent et affirme que la pièce P488 ne participe
25 qu'à un objectif militaire. Cependant, les Juges de la Chambre ont conclu
26 raisonnablement que la référence à Zdravko Tolimir au paragraphe 488, "à la
27 reddition de l'ABiH", faisait partie de son objectif général d'expulser la
28 population musulmane de Bosnie de Zepa. Et je vous renvoie ici au
Page 106
1 paragraphe 1 171 du jugement.
2 Et cela concorde avec la conclusion de la Chambre selon laquelle l'attaque
3 sur les deux enclaves se concentrait sur les populations civiles dans les
4 enclaves même si des soldats y étaient présents. Paragraphe 706 du
5 jugement.
6 Alors, pour la question de la traduction, Me Gajic en a parlé ce matin et a
7 discuté également de cela avec M. le Juge Antonetti, il réitère, en fait,
8 ses arguments qu'il a avancés pendant le procès sur la traduction et la
9 pièce P488, particulièrement pour le mot "zbeg". La Chambre de première
10 instance a particulièrement abordé cela et a rejeté raisonnablement cela
11 pour deux raisons. D'une part, les Juges de la Chambre se sont fondés à
12 juste titre sur la version officielle du département CLSS du document et
13 cette version a traduit la phrase comme étant "un groupe de réfugiés".
14 Mais peut-être plus important encore, les Juges de la Chambre ont conclu
15 raisonnablement que même si la traduction de Tolimir, c'est-à-dire "un
16 endroit de refuge", aurait été accepté, elle aurait quand même conclu que
17 les cibles étaient les civils musulmans de Bosnie. Et ce, parce que deux
18 témoins, Ljubomir Obradovic, chef des opérations à l'état-major principal
19 de la VRS, et Milomir Savcic, commandant du 65e Régiment de Protection, ont
20 confirmé que la proposition de Tolimir contenue dans la pièce P488 avait
21 pour objectif de faire fuir les civils. Je fais référence au paragraphe 1
22 091 et à la note de bas de page 4 290 du jugement.
23 Mme le Juge Nyambe, dans son opinion dissidente citée aujourd'hui par Me
24 Gajic, n'a pas abordé les éléments de preuve apportés par ces deux témoins
25 qui ont déposé sur la pièce P488. Elle s'est fondée en lieu et place de
26 cela sur un autre témoin qui aurait pu parler du mot "zbeg", mais il l'a
27 fait dans le contexte d'un autre document. Pages du compte rendu 8 624 à 8
28 626.
Page 107
1 Et enfin, Me Gajic, aujourd'hui, a avancé que la proposition de
2 détruire les réfugiés ne pouvait pas être mise en œuvre. Eh bien, je
3 suggèrerais -- cela suggère que cela dissimule l'importance que Tolimir
4 donnait à une proposition radicale. Voilà pourquoi cela est important.
5 Alors, je vois qu'il est l'heure de faire la pause. Je m'en remets à
6 vous, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE MERON : [hors micro]
8 L'INTERPRÈTE : Il n'y a pas de micro pour le Juge Meron.
9 M. KREMER : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
11 --- L'audience est suspendue à 14 heures 57.
12 --- L'audience est reprise à 15 heures 21.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
14 Nous allons continuer à entendre l'Accusation.
15 Monsieur Kremer, c'est vous qui continuez ?
16 M. KREMER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
17 Alors, je vais reprendre là où je m'étais arrêté. Etant donné que la
18 pièce P488 a une valeur probante en tant que telle, elle est d'autant plus
19 probante de par les autres éléments de preuve montrant l'intention
20 génocidaire de Zdravko Tolimir. Premier exemple de ces autres éléments de
21 preuve est l'utilisation de termes dénigrants et déshumanisants. Les Juges
22 de la Chambre ont conclu qu'il avait utilisé personnellement des termes
23 dénigrants, tels que "Turcs" et "balija", lorsqu'il a parlé des échanges de
24 prisonniers de guerre et des négociations avec l'ABiH. Voir paragraphe 1
25 168 du jugement. En sa qualité de commandant adjoint, il a également
26 accepté l'utilisation de ces termes de la part de ses subordonnés.
27 Paragraphe 1 168.
28 Les Juges de la Chambre ont conclu que Zdravko Tolimir a utilisé et a
Page 108
1 encouragé l'utilisation de ces termes pour promouvoir "l'idée que les
2 Musulmans de Bosnie étaient des êtres humains de moindre valeur afin
3 d'éradiquer ce groupe particulier de la population de la Bosnie-Herzégovine
4 orientale." Confer paragraphe 1 169 du jugement.
5 Autre exemple, Tolimir était au courant du génocide; les Juges de la
6 Chambre de première instance ont conclu qu'il était au courant du fait que
7 les transferts forcés et les opérations meurtrières avaient lieu dans une
8 intention génocidaire. Confer paragraphes 1 166 et 1 172 du jugement. Plus
9 particulièrement, il était au courant de l'ampleur de ces atrocités et du
10 contact général qui pour la jurisprudence peuvent aider à prouver
11 l'intention génocidaire. Je me réfère à l'arrêt 98 bis dans l'affaire
12 Karadzic, paragraphe 80.
13 Je voudrais également faire référence à l'analyse des Juges de la Chambre -
14 et, en fait, je suis en train d'essayer de raccourcir mes argumentations
15 pour donner à M. Wood l'occasion d'aborder les autres modes de
16 responsabilité - donc, paragraphes 1 038, 1 093 et 1 094 du jugement.
17 Mais même si l'on suppose que la pièce P488 n'est pas claire à elle seule,
18 le 21 juillet 1995, lorsqu'il a proposé de détruire les réfugiés musulmans
19 de Bosnie, il était au courant du fait que le génocide tournait à plein
20 régime et il a participé activement à dissimuler l'opération meurtrière.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je regarde le compte rendu. S'agissant
22 du point que vous avez soulevé sur le transfert forcé --
23 M. KREMER : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] -- et les opérations meurtrières
25 dans une intention génocidaire, j'aimerais, Monsieur Kremer, que vous me
26 donniez l'élément de preuve le plus fort montrant l'intention génocidaire
27 pour le transfert forcé. Laissons de côté Srebrenica. Aidez-moi, s'il vous
28 plaît.
Page 109
1 M. KREMER : [interprétation] Je dirais que la pièce P488, prise en tout cas
2 dans le contexte des événements à l'époque où il a été rédigé.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce serait l'élément de preuve que
4 vous estimeriez être le plus convaincant ?
5 M. KREMER : [interprétation] Je pense que c'est la citation dont nous avons
6 parlé et à laquelle M. le Juge Antonetti a fait référence, confirmée par
7 les deux témoins, Obradovic et Savcic, lorsqu'ils parlaient de la
8 destruction des civils en fuite.
9 Excusez-moi un instant.
10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
11 M. KREMER : [interprétation] Oui, toutes mes excuses. Mon confrère vient de
12 me dire que le contexte et également l'élément de preuve se retrouvent dans
13 le fait que l'opération de transfert forcé avait eu lieu à Potocari ou a eu
14 lieu à Potocari de façon concomitante avec l'opération meurtrière, et moi,
15 j'avais interprété votre question dans le cadre de Zepa uniquement. Mais
16 s'il s'agit d'un transfert forcé en général, alors l'opération de transfert
17 forcé incluait Srebrenica, incluait Zepa. Elle a eu lieu dans le contexte
18 de l'opération meurtrière elle-même, et ce document nous le confirme et
19 confirme cette intention génocidaire.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et si vous deviez juste pour cet
21 exercice analytique séparer les deux, laissons Zepa de côté, l'intention
22 génocidaire pour ce transfert, quel est l'élément de preuve le plus
23 convaincant ?
24 M. KREMER : [interprétation] Moi, je dirais qu'il est trop artificiel
25 d'établir un distinguo entre les deux, Monsieur le Président. Je ne pense
26 pas que nous soyons aussi sages que Salomon pour résoudre ce problème.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais dans d'autres affaires qui ont
28 abordé ces questions complexes, les affaires Krstic, Popovic, il y a eu un
Page 110
1 distinguo, n'est-ce pas ?
2 M. KREMER : [interprétation] Oui, on les a traitées séparément, pour des
3 questions d'argumentation. Mais en l'espèce, l'acte d'accusation a combiné
4 les deux opérations.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, quel serait votre argument le
6 plus convaincant pour cette intention génocidaire pour Zepa ?
7 M. KREMER : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qui est ressorti de la
9 jurisprudence de ce Tribunal.
10 M. KREMER : [interprétation] Je n'en suis pas sûr, Monsieur le Président.
11 C'est le premier procès où les éléments de preuve portant sur Zepa ont été
12 complètement inclus dans une conclusion de génocide, et au lieu de regarder
13 les choses en prenant le contexte dans sa globalité, on me demande
14 malheureusement de faire fi de tout ce qui s'est passé auparavant. Mais, en
15 fait, il faut tenir compte du contexte de toute l'opération. Donc Zepa,
16 prise comme un transfert forcé, pour ce cas-là, je dirais qu'il n'y a que
17 deux actes sous-jacents de génocide : nous avons le meurtre de trois
18 dirigeants et nous avons l'atteinte à l'intégralité mentale des personnes
19 qui ont été expulsées. Donc il s'agit là de deux actes génocidaires pour
20 moi.
21 L'intention de Zdravko Tolimir de commettre le génocide découle de ses
22 connaissances et de tout ce qui s'est passé auparavant. Il a participé --
23 il était sur le terrain, il a participé au retrait forcé lors des
24 négociations, il connaît la situation. Il sait ce qui s'est passé à
25 Srebrenica, que plus de 30 000 personnes ont été chassées, que plus de 5
26 700 hommes et garçons ont été tués, et ce document nous montre que des
27 termes injurieux ont également été utilisés, outre tout ce que les Juges de
28 la Chambre de première instance ont utilisé pour étayer leurs conclusions
Page 111
1 sur le génocide.
2 Alors, pour moi, ça a l'air d'un génocide, ça sent le génocide, ça a
3 le goût du génocide. Il ne fait aucun doute. Mais bon, si vous voulez
4 entamer une discussion académique, nous avons les actes sous-jacents de
5 génocide, nous avons l'intention génocidaire et nous avons les
6 connaissances de contexte appuyant que Zdravko Tolimir avait cette
7 intention génocidaire. En tout cas, on peut déduire cela de tous ces
8 éléments. Je ne pense pas qu'il faille distinguer les deux choses. Je pense
9 que dans cette affaire il faut regarder les choses par la lorgnette des
10 opérations de transfert forcé et des opérations meurtrières et évaluer ou
11 apprécier le tout, ainsi que son intention génocidaire, dans ce contexte-
12 là.
13 [La Chambre d'appel se concerte]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kremer, je suppose que les
15 Juges de la Chambre estiment qu'ils ne doivent pas examiner Zepa et
16 Srebrenica dans leur intégralité. Alors, est-ce que vous ouvrez la porte
17 ici pour que les Juges de la Chambre examinent cette affaire séparément ?
18 M. KREMER : [interprétation] Est-ce que nous parlons de génocide --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De génocide, de génocide. En fait,
20 j'essaye de vous donner des éléments pour répondre à la question du
21 Président.
22 M. KREMER : [interprétation] Non, je vous comprends bien, Monsieur le Juge.
23 En fait, tout cela dépend du fondement utilisé pour déterminer tout cela.
24 Si le fondement pour conclure que l'opération meurtrière, qui ne semble pas
25 entrer dans la question de la Chambre, consiste à dire qu'il y a des
26 preuves au-delà de tout doute raisonnable, alors la question serait de
27 savoir si toutes les conclusions que la Chambre de première instance a
28 faites sont toujours pertinentes. Alors, si elles sont toujours d'actualité
Page 112
1 mais que le critère juridique n'a pas été rempli, notre argumentation
2 consisterait à dire que si vous prenez toutes ces conclusions factuelles
3 par rapport au contexte, vous pouvez toujours étayer une condamnation pour
4 génocide en utilisant les contributions qu'il a apportées à l'entreprise
5 criminelle commune relative au transfert forcé à la lumière de l'intention
6 génocidaire de laquelle il était au courant ainsi que les forces des Serbes
7 de Bosnie lorsque les opérations meurtrières et autres ont eu lieu. Il ne
8 faut pas être membre ni pénalement responsable des autres actions pour
9 arriver à cette intention génocidaire et contribuer au génocide. Tant que
10 la contribution est pertinente et a lieu dans l'intention spécifique de
11 détruire le groupe en tout ou en partie, cela suffit.
12 Pour répondre en termes simples, nous nous sommes penchés sur sa
13 contribution à l'entreprise criminelle commune relative au transfert forcé,
14 sur ce qu'il savait, et les Juges de la Chambre ont conclu que lorsqu'il
15 contribuait au transfert forcé, il était au courant du fait que les
16 opérations avaient lieu dans une intention génocidaire. Ensuite, la
17 question est de savoir s'il avait une intention génocidaire personnelle, et
18 les Juges de la Chambre ont conclu que oui pour les raisons expliquées dans
19 le jugement sur la base de ce document et d'autres éléments de preuve.
20 Donc, votre question numéro 6 nous donne un petit peu de mal, en tout
21 cas pour y répondre, parce qu'elle n'identifie pas pleinement le fondement
22 théorique pour écarter l'entreprise criminelle commune relative aux
23 exécutions. Si elle se fonde sur tout ce que reprend le moyen d'appel
24 numéro 16, chacun des 23 moyens spécifiques, c'est-à-dire alors que
25 Srebrenica n'aurait pas eu lieu et le général Tolimir n'a joué aucun rôle
26 là-dedans, dans ce cas-là peut-être qu'il n'y a pas eu de génocide à Zepa
27 sur la base du transfert forcé. Mais comme moi je l'avance, la preuve ne va
28 pas au-delà de tout doute raisonnable. Qu'elle soit ou non basée sur
Page 113
1 l'intention ou sur l'importance de ses contributions, c'est une autre
2 question à mes yeux, parce que les Juges de la Chambre ont apporté
3 plusieurs conclusions de fait sur les opérations meurtrières, sur ce qu'il
4 savait, sur l'intention génocidaire des membres de la VRS qui menaient ces
5 opérations. Et pour toutes les raisons que les Juges de la Chambre ont
6 explicitées, ils ont conclu qu'il avait une intention génocidaire et qu'il
7 était au courant du fait que des gens étaient en train de commettre ces
8 crimes, qu'il y avait des opérations meurtrières, même s'il n'y avait pas
9 participé, mais que tout cela se faisait dans une intention génocidaire.
10 Donc nous avançons que dans les circonstances, il faudrait maintenir
11 cette condamnation pour génocide. Mais j'ai du mal à répondre à la question
12 sans davantage de détails. Il faudrait rédiger un livre pour répondre à
13 cela.
14 Donc ma réponse, version courte, serait de dire oui, c'est possible.
15 Mais vous voulez que je vous avance un seul élément de preuve, et je dirais
16 que cette question est presque injuste. Il y a eu énormément d'éléments de
17 preuve. Dites-moi quels sont les éléments de preuve que les Juges de la
18 Chambre acceptent, qui ne posent pas de problème, et alors je pourrais vous
19 donner une explication bien fondée étayant pourquoi il faudrait maintenir
20 cette condamnation de génocide. Mais de façon hypothétique, comme cela, ce
21 serait des conjectures, et je ne pense pas, avec tout le respect que je
22 vous dois, que cela soit juste.
23 [La Chambre d'appel se concerte]
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, nous avons été assez durs avec
25 vous, Monsieur Kremer, je m'en rends compte. Nous faisons notre travail
26 parce que nous souhaitons entendre les meilleurs arguments possibles.
27 M. KREMER : [interprétation] J'entends bien. J'entends bien, mais j'espère
28 que je vous ai démontré comment nous réagissons. Ça a été difficile pour
Page 114
1 nous, mais nous sommes finalement parvenus à la réponse que je viens de
2 vous donner.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je --
4 M. KREMER : [interprétation] Nous espérons pouvoir vous aider --
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne pense pas que l'on puisse
6 élucider davantage. Je me tourne vers mes collègues. Nous allons nous
7 pencher très attentivement sur cette question lorsque nous allons nous
8 retirer pour délibérer.
9 Veuillez poursuivre.
10 M. KREMER : [interprétation] Merci. Je ne sais pas maintenant par quel bout
11 je dois le prendre.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous nous avez demandé de nous
13 présenter l'élément de preuve le plus convainquant qui permet d'étayer ou,
14 en tout cas, d'argumenter la séparation des deux enclaves. Je ne pense pas
15 que la question soit injuste. Dans les affaires pénales, les juges sont
16 tout à fait en droit de vous poser ce genre de question.
17 M. KREMER : [interprétation] Dans une affaire pénale, bon, c'est
18 raisonnablement et assez simple. En fait, nous nous sommes fondés sur une
19 analyse de deux entreprises criminelles communes et nous avons essayé de
20 présenter une partie théorique que d'une partie de cela. Et s'agissant de
21 l'entreprise criminelle commune sous la forme du transfert forcé, dans quel
22 contexte devons-nous analyser cela ? Je dois avoir un élément de réponse
23 pour pouvoir analyser la question pour que cela puisse vous aider. Et quel
24 élément de preuve reste-t-il dans ce cas et sur quoi se penchent les Juges
25 de la Chambre ? Est-ce qu'à ce moment-là vous allez tenir compte de tous
26 les éléments de preuve portant sur les meurtres, et si tel n'est pas le
27 cas, si Srebrenica n'a jamais eu lieu et cela ne s'est pas passé --
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais nous ne sommes pas en train de
Page 115
1 suggérer cela aujourd'hui ?
2 M. KREMER : [interprétation] Non. Mais, en fait, c'est la prémisse que l'on
3 peut déduire entre les lignes.
4 Alors, je veux maintenant -- je vais maintenant passer à la réponse à la
5 question numéro 1. Vous nous avez demandé si l'opération de Zepa a donné
6 lieu à un crime par les actes génocidaires. Nous comprenons que vous posez
7 la question de savoir si ces actes ont été commis et qu'ils constituent
8 l'actus reus de génocide, et non pas de savoir s'il y avait une intention
9 génocidaire.
10 En bref, notre réponse consiste à dire oui, la Chambre de première
11 instance a raisonnablement conclu qu'il y avait deux catégories d'actes
12 sous-jacents de génocide commis par les forces serbes de Bosnie concernant
13 les meurtres et l'atteinte grave à l'intégrité physique et mentale.
14 Alors, pour ce qui est des meurtres, aux paragraphes 751 à 752 du jugement,
15 la Chambre de première instance a conclu que les forces bosno-serbes ont
16 tué trois des dirigeants les plus en vue de Zepa, Mehmed Hajric, Amir
17 Imamovic et Avdo Palic, et que ces meurtres constituent les actes
18 génocidaires sous-jacents de meurtre du groupe protégé en vertu de
19 l'article 4(2)(A) du Statut. Après la prise de Zepa, ces trois dirigeants
20 ont été arrêtés, détenus, Imamovic a été battu, et ces trois dirigeants ont
21 été violemment assassinés et enterré dans une fosse commune à côté de la
22 prison où Hajric et Imamovic ont été vus par la dernière fois. Paragraphes
23 1 152 et 1 153, note en bas de page 2 867.
24 Et nous faisons valoir que cette question est une conclusion
25 raisonnable en nous fondant sur les éléments de preuve.
26 Alors, pour ce qui est des atteintes graves mentales et physiques aux
27 personnes déplacées, les Juges de la Chambre ont constaté que les Musulmans
28 de Bosnie qui ont été déplacés par la force de Zepa ont subi des
Page 116
1 souffrances morales importantes, et il s'agit des actes sous-jacents de
2 génocide, 4(2)(B). Aux paragraphes 758 à 759 du jugement. Et des
3 conclusions analogues ont été apportées par les Juges concernant des
4 meurtres qui ont donné lieu à une souffrance morale importante de la
5 population de Zepa et de Potocari.
6 Alors -- de Srebrenica et Potocari, pardon. Et alors, s'agissant de
7 Zepa, la Chambre de première instance a analysé de façon détaillée et
8 attentive l'effet combiné de l'ensemble des opérations de Zepa sur la
9 population musulmane et a fourni une analyse exhaustive qui se trouve dans
10 différents paragraphes, aux paragraphes 600 à 653, 758 à 759 et 1 028 à 1
11 030. Dans le temps qu'il nous reste, il nous serait impossible de vous
12 donner l'élément dans le détail de tous ces faits. Je vais simplement
13 mettre en exergue certains de ces éléments. Je veux m'assurer que nous
14 aurons suffisamment de temps pour la présentation de M. Wood.
15 Au début du mois de juillet, et ce, jusqu'au 23, les centres civils
16 de Zepa et des villages voisins ont fait l'objet d'incursions armées de la
17 VRS, des attaques de l'artillerie, des obus de mortier ainsi que des tirs
18 de mitrailleuses. De nombreux civils et enfants ont été blessés, et 30
19 foyers ont été détruits dans les premiers jours de l'attaque. Paragraphes
20 600 à 1 029.
21 Le traumatisme psychologique dû au fait que ces personnes ont fait
22 l'objet de bombardement incessant et la possibilité d'être tués a été
23 décuplé par différents facteurs. Un étant que la population de Zepa a
24 commencé à apprendre le sort qui était réservé aux Musulmans de Bosnie et
25 de Srebrenica, créant ainsi un état de panique, ce qui avait été
26 l'intention de la VRS. On craignait que les forces serbes de Bosnie entrent
27 dans Zepa et tuent tout le monde, y compris les femmes et les enfants.
28 Paragraphes 603 et 1 031, et note en bas de page 2 613.
Page 117
1 Tolimir a utilisé et joué sur cette peur pour avoir une -- parce
2 qu'il savait que ceci aurait une incidence sur le sort réservé à la
3 population de Zepa. Le 13 juillet, pendant la première réunion entre les
4 Serbes de Bosnie et les dirigeants musulmans, Tolimir a tiré des parallèles
5 et fait des comparaisons avec Srebrenica en informant les dirigeants de
6 Srebrenica de ce qui s'était passé et que ce serait maintenant le tour de
7 Zepa. Paragraphe 607 du jugement.
8 Durant les attaques qui ont suivi, Tolimir a pris des mesures pour
9 exercer davantage de pression psychologique sur la population de Zepa. Il a
10 pris ces dispositions pour installer des haut-parleurs, et ces haut-
11 parleurs ont été utilisés pour se faire l'écho de la voix de Mladic sur
12 l'ensemble de la ville de Zepa. Je vous renvoie ici au paragraphe 643 du
13 jugement et page du compte rendu d'audience 4 821. Et ceci porte sur le
14 fait de rapporter les propos de Mladic, les propos de Mladic qui ont été
15 diffusés ainsi.
16 Le 25 juillet, épuisée et dans un état de stress psychologique, la
17 population musulmane, pour l'essentiel des femmes, des enfants et les
18 personnes âgées, est montée à bord des autocars. Et comme je l'ai dit un
19 peu plus tôt, les hommes valides de Zepa ont fui pour avoir la vie sauve,
20 d'autant plus qu'il devenait de plus en plus manifeste aux yeux des
21 Musulmans de Bosnie que les hommes disparus de Srebrenica avaient été tués
22 et ils craignaient d'être tués eux-mêmes à leur tour, donc ils ont fui.
23 Paragraphe 674, note en bas de page 2 903.
24 Il s'agit là simplement de quelques-unes des constatations factuelles
25 qu'ont utilisées les Juges de la Chambre pour examiner les actes sous-
26 jacents de génocide en vertu de l'article 4(2)(B), et nous faisons valoir
27 que la Chambre de première instance a été raisonnable lorsqu'elle a conclu
28 cela.
Page 118
1 Je vais maintenant passer rapidement à la question numéro 2. La
2 Chambre de première instance -- la question est de savoir si la Chambre de
3 première instance a commis une erreur en constatant que les forces serbes
4 de Bosnie ont tué les trois dirigeants musulmans de Zepa avec l'intention
5 spécifique de détruire tout ou une partie de la population musulmane en
6 tant que telle. Nous faisons valoir que les Juges de la Chambre ne se sont
7 pas trompés, n'ont pas commis d'erreur.
8 La Chambre de première instance a noté à juste titre qu'il s'agit
9 d'une question d'ordre général. Lorsque des groupes de dirigeants ou
10 lorsque des dirigeants sont pris pour cible pour être détruits et que les
11 membres restants font l'objet de crimes odieux, comme leur déplacement
12 forcé, l'ensemble de ces actes est le signe de l'intention génocidaire des
13 auteurs. Confer le jugement, aux paragraphes 777 et 781, et note en bas de
14 page 3 138.
15 Et lorsque les auteurs ont pris pour cible l'essentiel du groupe pour
16 que celui-ci soit détruit et ont déplacé les membres restants, ces actes
17 pris ensemble démontrent l'intention qui consistent à détruire le groupe en
18 l'empêchant de -- de même pouvoir se reconstruire. Le jugement de première
19 instance dans l'affaire Jelisic ainsi que dans l'arrêt Krstic, paragraphe
20 82 et paragraphe 31.
21 Les Juges de la Chambre en l'occurrence ont analysé ce qui s'est
22 passé à Zepa. Les dirigeants de Zepa ont fait l'objet de cible pour être
23 détruits parce que ces hommes étaient importants pour la communauté, et les
24 Musulmans de Bosnie restants ont fait l'objet de crimes odieux comme leur
25 déplacement forcé. L'effet combiné de ces actes avait pour but de s'assurer
26 que la population de Zepa ne pourrait pas se reconstituer en démontrant que
27 les forces bosno-serbes étaient animées de l'intention génocidaire. Les
28 Juges de la Chambre, par leur analyse aux paragraphes 774 à 782. Je crois
Page 119
1 que je vais m'arrêter là.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites en somme, Monsieur Kremer,
3 que le meurtre de ces trois personnes constitue un élément essentiel et n'a
4 pas permis au groupe de se reconstituer ?
5 M. KREMER : [interprétation] Il s'agissait d'éléments de preuve à partir
6 desquels la Chambre de première instance pouvait déduire -- et il
7 s'agissait en tout cas de preuves d'actes sous-jacents de génocide et des
8 preuves à partir desquelles les Juges de la Chambre pouvaient déduire, au
9 vu de tous les éléments de preuve et des circonstances, que ceci avait été
10 fait avec une intention génocidaire. La Chambre, dans son analyse, a tenté
11 d'exprimer cela le plus clairement possible et a clairement indiqué sur
12 quoi elle s'était fondée pour parvenir à cette décision.
13 [La Chambre d'appel se concerte]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il ne faut pas être
15 convaincu que c'est la seule déduction possible dans ce cas ? Est-ce que
16 vous pouvez raisonnablement dire que c'est la seule déduction possible ?
17 M. KREMER : [interprétation] Je dis que la seule -- ou la conclusion, la
18 conclusion juridique, si cela a été prouvé au-delà de tout doute
19 raisonnable que Tolimir était animé d'une intention génocidaire, est une
20 question qui va au-delà du doute raisonnable et qui ne repose pas sur ce
21 critère-là. S'il s'agit d'une affaire qui présente des éléments de preuve
22 indirects dans sa totalité, à ce moment-là cela doit être la seule
23 conclusion raisonnable. La déduction raisonnable -- je crois qu'en fait, il
24 y a une confusion ici pour les avocats et les Juges de ce Tribunal, la
25 seule déduction possible. Ce concept, en fait, porte sur les faits. Et s'il
26 y a des constatations factuelles qui se fondent uniquement sur des preuves
27 indirectes, à ce moment-là cela doit être la seule déduction possible.
28 Mais la conclusion pour finir, à savoir si, oui ou non, l'accusé est
Page 120
1 coupable, repose sur le doute raisonnable, et si c'est une affaire qui
2 repose sur les preuves indirectes dans sa totalité, dans ce cas ça doit
3 être la seule conclusion possible. Et le critère appliqué en appel était la
4 décision, à savoir si la décision ou la conclusion portait sur le fait que
5 la culpabilité était raisonnable.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je crois qu'il y a une
7 confusion ici, effectivement. Mais dans l'affaire qui nous intéresse, je
8 suis d'accord avec vous pour dire que la question porte sur le doute
9 raisonnable, la vraie question, la question ultime. Mais avant d'arriver à
10 cette question-là, n'y a-t-il pas une série de questions que vous devriez
11 évoquer et qui portent sur les éléments de preuve sur lesquels l'Accusation
12 se reposer pour prouver l'intention ? C'est ce qui se passe dans tous les
13 cas lorsque vous devez prouver l'intention, et en général ceci se fait sur
14 le fondement de déductions.
15 M. KREMER : [interprétation] Alors, lorsque vous regardez le jugement,
16 lorsque vous le lisez, la Chambre de première instance s'est penchée en
17 particulier dans les paragraphes concernant le génocide. Les Juges de la
18 Chambre ont tiré énormément de déductions. Et lorsque la Chambre propose
19 des constatations factuelles qui portent sur différents éléments liés à ces
20 paragraphes-là, les Juges de la Chambre disent, en réalité, que la seule
21 déduction possible consistait à dire que telle et telle chose, ensuite vous
22 avez les conclusions factuelles suivantes, et la plupart se fondent sur la
23 déduction raisonnable. Et les autres éléments se fondent sur le doute
24 raisonnable. C'est ainsi.
25 Mais pour finir, en fait, cela diffère de l'entreprise criminelle commune
26 sous forme de meurtre, et les Juges de la Chambre constatent qu'il s'agit
27 là de la seule conclusion raisonnable. C'est ce qui est dit. Mais peut-être
28 que j'ai dit à tort, j'ai parlé de "déduction", mais nous faisons valoir
Page 121
1 que pour finir, la conclusion définitive n'est pas quelque chose qui repose
2 sur une déduction, c'est quelque chose qui se fonde sur toutes les
3 conclusions, toutes les conclusions auxquelles on doit parvenir de façon
4 correcte. Les Juges de la Chambre sont-ils convaincus au-delà de tout doute
5 raisonnable que l'accusé a commis le crime de meurtre et que l'Accusation a
6 prouvé les éléments constitutifs du crime en question de façon à ce qu'on
7 puisse le déclarer coupable ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, convaincu au-delà de tout
9 doute raisonnable si la Chambre a commis une erreur en appréciant la
10 question de déduction.
11 M. KREMER : [interprétation] Je suis d'accord avec vous là-dessus aussi.
12 Mais la seule chose que l'on délaisse à ce moment-là, ce sont les
13 déductions. Et vous dites toujours que sans cela, sans cet élément de
14 déduction, et sans cette constatation factuelle, que reste-t-il ? Et tous
15 les autres éléments qui restent peuvent peut-être nous faire parvenir à la
16 même conclusion. Cela ne signifie pas tout à coup que le globe, en fait,
17 tombe de son piédestal. Cela ne signifie pas qu'il y a tous les éléments
18 que l'on délaisse.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
20 M. KREMER : [interprétation] Cela dépend évidemment du nombre de
21 conclusions qu'il y a et de leur importance. Il y a énormément d'éléments
22 de preuve qui ont été présentés, qui ont été analysés dans le détail, et je
23 crois que cela mérite une attention particulière de la part des Juges de
24 cette Chambre d'appel, car si quelque chose ne vous convient pas, s'il
25 s'agit d'une constatation factuelle qui ne vous convient pas, à ce moment-
26 là il faut regarder ce qui reste et décider si, oui ou non, cela permet
27 d'étayer la conclusion définitive. La conclusion définitive ne doit pas
28 simplement ne pas être retenue à cause d'un simple petit fait.
Page 122
1 A moins que vous n'ayez d'autres questions, Monsieur le Président, je
2 vais conclure et passer à la parole à M. Wood qui va aborder la question
3 des autres modes de responsabilité. Et en son nom, parce que j'ai consacré
4 beaucoup de temps à la réponse de vos questions, peut-être que j'ai été un
5 peu loquace, j'apprécierais beaucoup que vous lui accordiez cinq minutes
6 supplémentaires. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez dix minutes.
8 M. WOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 La réponse à votre question numéro 5 est oui, le général Tolimir peut être
10 tenu responsable pour le rôle qu'il a joué dans les meurtres de Srebrenica
11 sous les autres modes de responsabilité, à savoir qui ont été reprochés à
12 l'acte d'accusation au paragraphe 66.
13 J'ai préparé ma présentation de façon à pouvoir aborder les différents
14 modes de responsabilité qui aux yeux de l'Accusation sont les plus
15 pertinents. Vous avez beaucoup entendu parler des contributions,
16 aujourd'hui, à l'entreprise criminelle commune sur la forme de meurtre. Ces
17 contributions, je peux vous les expliquer, étayent également une conclusion
18 qui consiste à dire que celui qui a ordonné les crimes, qu'il peut être
19 tenu responsable en tant que personne qui a ordonné ces crimes, quelqu'un
20 qui les a incités, qui les a planifiés, et qu'il peut également être tenu
21 responsable de commission par omission, et également d'aide et
22 d'encouragement.
23 L'Accusation pense, en tout cas comme nous montrent les éléments de preuve,
24 que le fait d'ordonner, de planifier, d'inciter sont les modes essentiels
25 si, Messieurs les Juges, vous avez l'intention de vous écarter de
26 l'entreprise criminelle commune. Voici les modes de responsabilité sur
27 lesquels vous devez vous pencher car il était tellement impliqué dans les
28 opérations meurtrières que c'est la conclusion à laquelle vous devez
Page 123
1 parvenir.
2 Cependant, étant donné que, Monsieur le Juge Meron, vous avez posé une
3 question au sujet de la complicité par aide et encouragement, et compte
4 tenu du temps qu'il nous reste, je vais commencer par l'aide et
5 l'encouragement, si cela vous agrée, Messieurs les Juges.
6 Maintenant, la Chambre définit les éléments constitutifs de la complicité
7 par aide et encouragement aux paragraphes 907 à 911 du jugement. Donc,
8 compte tenu de tout ce que vous avez entendu parler aujourd'hui, et
9 s'agissant de ses contributions à l'entreprise criminelle commune, pour le
10 moins, le général Tolimir a également aidé et encouragé les crimes de
11 meurtre et il a fourni une aide pratique, un encouragement, un soutien
12 moral qui a eu un effet important sur la commission des meurtres. Et, bien
13 évidemment, il y avait également d'autres crimes qu'on lui a reprochés.
14 Il savait que ces crimes seraient sans doute commis et il savait que ses
15 actes permettaient sans doute d'aider à la commission de ces crimes.
16 L'Accusation a énuméré une liste des contributions qui ont fait l'objet de
17 constatation des Juges de la Chambre, à savoir ses contributions à
18 l'entreprise criminelle commune sous forme de meurtre, au paragraphe 234 de
19 son mémoire en appel. En fait, je vais les mettre en exergue, et ce sont
20 des choses que vous savez sans doute puisque vous avez déjà entendu parler.
21 Les Juges de la Chambre ont constaté que Tolimir "a participé de façon
22 active à la réalisation du plan meurtrier" à partir du moment où il a été
23 mis au courant, au plus tard dans l'après-midi du 13 juillet. Il s'agit là
24 de la constatation des Juges de la Chambre au paragraphe 1 104. Les Juges
25 de la Chambre ont constaté que, de par sa participation continue dans la
26 dissimulation de l'opération meurtrière alors qu'elle se déroulait et son
27 manquement à protéger les prisonniers musulmans de Bosnie, Tolimir a fait
28 en sorte que l'opération meurtrière se déroule sans accrocs, dans le secret
Page 124
1 et de façon ininterrompue. Au paragraphe 1 164 du jugement en première
2 instance.
3 La Chambre a également conclu que Tolimir "a dirigé, contrôlé et surveillé
4 les organes subordonnés et son personnel subordonné" pendant toute la durée
5 de l'opération meurtrière, notamment des hommes comme Popovic, Salapura,
6 Jankovic et son subordonné direct, Beara, comme Salapura et Keserovic. Les
7 Juges de la Chambre ont constaté, comme vous l'avez entendu aujourd'hui,
8 que chacun de ces hommes était très impliqué dans ces opérations
9 meurtrières.
10 Et tous ces efforts, Messieurs les Juges, ont permis de s'assurer que
11 l'opération allait être couronnée de succès. Il y a d'autres modes de
12 responsabilité qui peuvent être avancés. Mais pour le moins, Messieurs les
13 Juges, ceux-là étaient constitutifs d'une contribution substantielle aux
14 crimes qui en ont résulté.
15 Pour ce qui est de la mens rea, de l'élément moral de Tolimir,
16 l'Accusation fait valoir que les Juges de la Chambre avaient raison
17 lorsqu'ils ont conclu qu'il était animé de l'intention génocidaire
18 nécessaire et qu'il avait l'intention de commettre tous les crimes qui lui
19 ont été reprochés par les Juges de la Chambre de première instance. Si nous
20 mettons ça de côté, pour ce qui est de la mens rea s'agissant de la
21 complicité par aide et encouragement, les Juges de la Chambre ont conclu
22 qu'il a continué à ne pas agir, et ce délibérément, malgré la connaissance
23 qu'il avait du fait que ses subordonnés étaient étroitement impliqués dans
24 une opération meurtrière, opération meurtrière qui était menée avec une
25 intention génocidaire, opération meurtrière qui était menée avec une
26 intention de persécution, et c'était une opération à très grande échelle.
27 Ceci montre que Tolimir savait que ces crimes allaient être sans doute
28 commis par les auteurs directs pour le moins et que ses actes allaient les
Page 125
1 aider dans la commission desdits crimes.
2 Je vais maintenant vous signaler une dernière chose concernant la
3 complicité par aide et encouragement, Messieurs les Juges. La Chambre a
4 également constaté qu'un accusé peut être tenu responsable -- peut aider et
5 encourager un crime en fournissant un encouragement et un accord tacite.
6 Paragraphe 909. Si vous vous en souvenez, Messieurs les Juges, la Chambre a
7 conclu que Tolimir a approuvé de façon tacite les meurtres commis à la
8 ferme militaire de Branjevo et à Bisina. Les deux ont été commis par des
9 unités placées sous son commandement et sa surveillance, le 10e Détachement
10 de Sabotage.
11 En se fondant sur toutes ces conclusions, Messieurs les Juges,
12 Tolimir peut être déclaré coupable de complicité par aide et encouragement,
13 la planification, la préparation et les exécutions planifiées des crimes
14 qu'on lui reproche dans l'acte d'accusation.
15 Avec le temps qu'il me reste, je vais me concentrer sur le fait
16 d'ordonner. L'Accusation va vous résumer ces différentes questions, si cela
17 vous paraît utile.
18 Et donc, pour ce qui est d'ordonner, la Chambre de première instance
19 a défini les éléments constitutifs du fait d'ordonner aux paragraphes 904,
20 906 du jugement. Ils ont également conclu que Tolimir "fournissait des
21 orientations, des instructions et des ordres à ses subordonnés lorsqu'ils
22 fournissaient des informations à jour." Au paragraphe 1 125.
23 Ceci comprenait Beara et Popovic. Beara était son subordonné direct.
24 Popovic était un homme qu'il contrôlait par le biais de la chaîne de
25 commandement professionnelle. Comme les Juges de la Chambre l'ont constaté,
26 ces hommes ont permis de mettre en œuvre, coordonner et surveiller les
27 opérations meurtrières dans le secteur de Zvornik. Ils ont permis également
28 de surveiller les opérations d'ensevelissement et de réensevelissement. Aux
Page 126
1 paragraphes 1 064 et 1 066.
2 Il y a deux ordres qui prouvent que Zdravko Tolimir était toujours en
3 contact avec eux. Comme vous l'avez entendu de la part de M. Kremer, le 14,
4 Zdravko Tolimir a délivré un télégramme alertant le Corps de la Drina de la
5 présence d'un drone et il leur a ordonné de l'abattre. Comme vous l'avez
6 entendu également lors de l'audience d'aujourd'hui, le 22 juillet, le
7 général Tolimir a eu une conversation avec Popovic dans laquelle il lui a
8 dit : "Contente-toi de faire ton travail."
9 Alors, ce qui est important à ce sujet, Messieurs les Juges, est la
10 date. Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu que cela
11 avait eu lieu le 22 juillet. A ce moment-là, le général Tolimir était au
12 courant, en tout cas pour les conclusions des Juges de la Chambre, que
13 Popadic avait participé à l'opération meurtrière qui s'est déroulée pendant
14 au moins dix jours. Et, bien sûr, les Juges de la Chambre ont conclu que le
15 lendemain, Popovic a supervisé le 10e Détachement de Sabotage pour
16 l'assassinat d'au moins 35 Musulmans de Bosnie à Bisina. Paragraphe 976.
17 Il y a d'autres éléments de preuve similaires pour -- non, pardon,
18 d'autres conclusions des Juges de la Chambre - excusez-moi, Messieurs les
19 Juges - dans le jugement qui étayent le fait que Zdravko Tolimir peut être
20 tenu responsable pour avoir planifié, incité ou pour avoir commis par
21 omission. Et comme je l'ai dit, je n'ai pas le temps d'entrer dans les
22 détails, mais je serais heureux de vous donner davantage d'information, si
23 vous le désirez.
24 Alors, je voudrais résumer les choses, Messieurs les Juges, en vous disant
25 que l'Accusation maintient son argumentation, comme vous l'avez entendu
26 aujourd'hui de la bouche de M. Kremer, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une
27 affaire d'entreprise criminelle commune. Les Juges de la Chambre ont conclu
28 que l'opération meurtrière a donné lieu à l'assassinat systématique d'au
Page 127
1 moins 5 749 Musulmans de Bosnie, la plupart d'entre eux dans un délai de 72
2 heures allant du 13 juillet au 16 juillet 1995.
3 Comme toute opération militaire compliquée réussie, tout cela
4 nécessitait une intention partagée, une contribution significative de
5 personnes dévouées, notamment Zdravko Tolimir et les hommes sur lesquels il
6 exerçait un commandement et un contrôle. Mais il s'agissait également d'une
7 opération militaire de grande envergure, Messieurs les Juges. Des
8 opérations militaires se déroulent en fonction de plans et en fonction
9 d'ordres.
10 Dès lors, Zdravko Tolimir peut être également tenu responsable de
11 meurtre pour chaque mode de responsabilité repris dans l'acte d'accusation
12 au paragraphe 66.
13 [La Chambre d'appel se concerte]
14 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je me demandais si vous pourriez
16 nous donner davantage d'information sur la commission par omission.
17 M. WOOD : [interprétation] J'en serais heureux, Monsieur le Président. Mais
18 peut-être que je me trompe, je ne sais pas si nous avons du temps
19 supplémentaire --
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez deux minutes pour la
21 commission par omission.
22 M. WOOD : [interprétation] Deux minutes. Très bien. Alors je voudrais vous
23 renvoyer aux éléments de commission par omission, très brièvement, dans le
24 jugement.
25 Alors, en l'essence, les Juges de la Chambre ont conclu que Zdravko
26 Tolimir avait le devoir de protéger les prisonniers, qu'il était obligé de
27 respecter les lois, notamment les conventions de Genève. Paragraphe 1 121.
28 Il avait également l'obligation de protéger les prisonniers au terme
Page 128
1 du droit pénal national et au terme des propres règlements et règles de la
2 VRS. Paragraphes 1 118 à 1 121 du jugement.
3 Deuxièmement, le général Tolimir avait la capacité de remplir ses
4 obligations. Alors, il y a moult conclusions pour étayer cela, Messieurs
5 les Juges. En fait, les Juges de la Chambre ont conclu que "les éléments de
6 preuve ne laissent aucun doute quant à la capacité matérielle" du général
7 Tolimir de protéger les prisonniers musulmans de Bosnie et de Srebrenica.
8 Paragraphe 1 126 du jugement.
9 Alors, comme vous l'avez entendu, le général Tolimir a joué un rôle central
10 pour les questions concernant les échanges de prisonniers de guerre.
11 Conclusion de la Chambre au paragraphe 1 122. Et tout cela est étayé par
12 d'autres éléments de preuve également, Messieurs les Juges.
13 Rappelez-vous également que c'était Zdravko Tolimir qui a dit à Milenko
14 Todorovic de préparer le centre de détention de Batkovic pour accueillir
15 les prisonniers. Paragraphe 931. Et c'est Tolimir qui lui a dit que les
16 prisonniers ne viendraient pas. Paragraphe 951.
17 Alors, tout cela montre, Messieurs les Juges, le pouvoir du général
18 Tolimir, en tout cas au titre de chef du bureau de la sécurité et du
19 renseignement, le pouvoir exercé lors du traitement des prisonniers de
20 guerre et des prisonniers.
21 Et enfin, Zdravko Tolimir n'a pas exercé son devoir de protéger les
22 prisonniers, et ces conclusions sont reprises au paragraphe 1 126 du
23 jugement. Ce paragraphe énumère les choses que le général Tolimir aurait pu
24 faire mais n'a pas faites, telles qu'ordonner à ses subordonnés de
25 respecter les règles gouvernant le traitement des prisonniers. Il aurait pu
26 également confronter le général Mladic, un homme sur lequel il avait
27 énormément d'influence sur ce qui se déroulait. Il aurait pu également
28 faire rapport des crimes qui avaient eu lieu au parquet militaire. Et les
Page 129
1 Juges de la Chambre concluent qu'il n'a rien entrepris et qu'il n'a pas
2 protégé les prisonniers.
3 De la sorte, Messieurs les Juges, nous estimons qu'il peut être tenu
4 responsable de commission par omission. Mais l'Accusation estime que c'est
5 l'entreprise criminelle commune qui est le principal moyen pour lequel il
6 est responsable.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Nous nous retrouverons à 16
8 heures 35.
9 --- L'audience est suspendue à 16 heures 12.
10 --- L'audience est reprise à 16 heures 35.
11 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
12 M. KREMER : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
14 M. GAJIC : [interprétation] Sur le canal B/C/S, j'entends le français.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous sommes "économiques" [comme
16 interprété], ici, vous voyez. Est-ce qu'on peut résoudre le problème
17 technique de M. Gajic ?
18 M. GAJIC : [interprétation] J'ai l'impression qu'entre-temps, le
19 problème technique a été résolu. Je suis dans mes écouteurs la version en
20 serbe, et sur l'écran je suis le compte rendu en anglais.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, j'ai dit "œcuméniques", alors
22 qu'on a consigné "économiques". Ce n'est pas tout à fait la même chose. Je
23 vois maintenant que mon rectificatif vient d'être consigné au compte rendu
24 d'audience. Donc, il y a peut-être encore un mot qui manque, mais j'ai dit
25 "œcuménique".
26 M. KREMER : [interprétation] En page 56, je me suis trompé à deux reprises.
27 Je voulais dire "paragraphes 1 099 à 1 000" -- non, non, une fois de plus,
28 je me trompe. 1 128.
Page 130
1 Page 64, je voulais dire "page du compte rendu d'audience 12 942" et
2 non pas "12 492". En page 65, je voulais dire "zone de responsabilité de la
3 Brigade de Zvornik" et non pas "zone de responsabilité de Zvornik." En page
4 74, ligne 22, je voulais dire "P488" et non pas "paragraphe 488". En page
5 94, ligne 4, M. Wood voulait dire "a continué à agir délibérément et à
6 omettre d'agir" et non pas seulement "omettre d'agir". Et en page 95, ligne
7 21, M. Wood a omis une citation, on aurait dû consigner "jugement,
8 paragraphe 1 165.
9 Et, pour finir, en page 68, ligne 18, j'ai dit "les hommes musulmans
10 de Bosnie, les hommes et les garçons qui avaient été exécutés en masse,"
11 alors qu'on aurait dû entendre "soldats serbes capturés".
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
13 Maintenant nous allons entendre Me Gajic pour M. Tolimir. Vous étiez censé
14 prendre la parole pendant 30 minutes, mais étant donné que nous avons donné
15 cinq minutes de plus à l'Accusation, vous aurez cinq minutes de plus vous
16 aussi. Donc, au total 35.
17 A vous, Maître Gajic. C'est-à-dire, jusqu'à 5 heures et quart.
18 M. GAJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Pour ce qui est des rectificatifs à apporter au compte rendu d'audience, je
20 vais malheureusement devoir faire des corrections. Mais je ne suis pas en
21 mesure de le faire. Je le ferai lorsque j'aurai réécouté l'enregistrement
22 audio de ce débat en appel. Et j'espère que cela se fera très, très
23 prochainement.
24 Mais toujours est-il que dans la réplique faite par l'Accusation, il y a eu
25 présentation de bon nombre de répétitions de ce qui s'est dit dans le
26 jugement et il y a un exposé de motifs qui ont été avancés sans que la
27 Défense puisse les accepter. Nous estimons que les Juges de la Chambre
28 n'ont pas déterminé les choses de façon correcte.
Page 131
1 L'une des premières questions à évoquer et cruciale peut-être, c'est
2 la place occupée par M. Tolimir dans l'état-major de la VRS et concernant
3 le système de commandement et de contrôle. Est-ce que Nikolic et les autres
4 personnes qui ont été mentionnées par l'Accusation, à savoir Carkic,
5 Trbojevic et autres, est-ce que eux ont été subordonnés à Tolimir ? La
6 Défense estime que non, ils n'ont pas été subordonnés à Tolimir. Tolimir
7 n'était pas leur commandant à eux. Tolimir était le commandant adjoint et
8 eux intervenaient dans le cadre de leurs propres unités et étaient
9 subordonnées à leurs commandants à eux; au niveau du corps, au commandant
10 du corps; au niveau de la brigade, au commandant de la brigade. Ceci
11 montre, entre autres, de façon claire les choses qui sont avancées à la
12 pièce à conviction P2609, pièce signée par le général Ratko Mladic et où on
13 dit -- je précise qu'il s'agit d'un document du 13 janvier 1995 :
14 "Les départements chargés de la sécurité doivent être organisés et
15 sainement subordonnés au commandant, et sur la filière professionnelle, à
16 l'état-major principal de la Republika Srpska. Les départements du
17 renseignement sont subordonnés au chef d'état-major sur le plan
18 organisationnel, mais les activités du commandement restreint doivent
19 prendre part au processus de prise de décision pour activité à déployer.
20 Sur un plan professionnel, ils sont liés à l'administration du
21 renseignement de l'état-major principal de la Republika Srpska."
22 Qu'est-ce que cela sous-entend, la filière professionnelle ? Ça ne sous-
23 entend pas un commandement. Ça sous-entend une formation professionnelle
24 adéquate, des orientations professionnelles, pour ce qui est de savoir
25 comment certaines missions doivent être accomplies afin que cela se face
26 d'une façon uniformisée dans les rangs de la totalité de l'armée de la
27 Republika Srpska.
28 Je vais donner lecture ici de une partie du même document qui a été
Page 132
1 mentionné tout à l'heure, à savoir le 2609, pour voir quel a été le rôle de
2 Tolimir dans tout ceci. Tolimir ne commande pas ces gens-là. Qu'est-ce
3 qu'il fait ? Dans ce document, on voit qu'il est dit, entre autres, que
4 tous ceux qui sont censés communiquer avec la FORPRONU ou avec quelqu'un à
5 l'extérieur de la VRS, c'est-à-dire les forces armées étrangères, et ainsi
6 de suite, doivent passer par des entretiens appropriés, par une procédure
7 appropriée auprès des directions du renseignement et de la sécurité, pour
8 se voir confirmer des missions appropriées, c'est-à-dire collecte
9 d'informations ou autre chose. Et le chef du secteur chargé des affaires
10 liées au renseignement et à la sécurité de l'état-major principal de la
11 VRS, dans ce cas concret Tolimir, "réglementera par des instructions
12 particulières les compétences, la teneur et les modalités des préparatifs à
13 faire suivre par ces individus-là."
14 C'est là son rôle.
15 Dans notre mémoire en appel, nous avons indiqué les propos du Témoin
16 Colic, qui pendant la guerre était commandant d'une brigade. Il l'a été
17 pendant toute la durée de la guerre, d'ailleurs. Qu'a-t-il dit ? Qu'ont été
18 les instances chargées de la sécurité au niveau du commandement supérieur
19 par rapport aux commandements subordonnés ? Je cite :
20 "Ils étaient leurs supérieurs en termes seulement de l'éducation
21 professionnelle."
22 Alors, il n'y a pas de relationnel de commandement entre ces
23 instances à différents niveaux, et c'est indiqué par le même témoin, et
24 c'est conforme aux autres éléments de preuve qui ont été présentés dans
25 cette affaire. On dit que tous les ordres suivent le système de la filière
26 de commandement, et les instances chargées de la sécurité à des niveaux
27 subalternes ne reçoivent pas des ordres de la part du commandement
28 supérieur. Ça se trouve en page du compte rendu 19 278 à 12 979 [comme
Page 133
1 interprété].
2 Le même témoin a aussi parlé du comportement à Tolimir. Il a dit que
3 Tolimir ne voulait jamais s'imposer comme étant quelqu'un venant de l'état-
4 major principal. Il a toujours voulu entendre les autres et proposer les
5 meilleures solutions possibles. Mais pour ne pas humilier les gens autour
6 de lui, il n'a jamais donné d'ordres à l'instance chargée de la sécurité au
7 niveau d'une unité à lui ou à quelqu'un d'autre.
8 Donc Tolimir n'est pas le genre d'homme à commander les structures de
9 la sécurité. Il ne donne pas d'ordres non plus aux structures du
10 renseignement. C'est un professionnel qui fournit des instructions
11 appropriées.
12 Et pour enchaîner, je dirais qu'il y a une pièce à conviction de
13 l'Accusation, P1112, qui montre quelles sont les tâches des instances
14 chargées de la sécurité aux commandements supérieurs par rapport aux
15 instances chargées de la sécurité à des niveaux subalternes. Ils sont
16 chargés de contrôler le professionnalisme, la légalité et la correction
17 dans le travail; mais le contrôle de la légalité, du professionnalisme et
18 de la rectitude de travail, ce n'est pas un contrôle qui se fait sur le
19 coup même. Les instances chargées de la sécurité sont autonomes. Le
20 contrôle vient après. Il y a un contrôle périodique ou annuel ou des
21 inspections. Ça, c'est un autre volet de question.
22 Alors, l'Accusation prend le dossier entier pour le placer sous le
23 prisme des exécutions de Srebrenica. Il ne convient pas d'oublier que ça
24 n'a pas été une opération systématique qui a duré un an, deux ans ou trois.
25 Ça a duré quelques jours à peine. Nous comprenons les efforts déployés par
26 l'Accusation visant à tout placer sous le point de vue des exécutions. Mais
27 tout ce qui a été organisé a été organisé au fil de ces quelques journées-
28 là.
Page 134
1 Les plannings d'exécution n'ont pas existé, comme constaté par la
2 Chambre, avant qu'il n'y ait existence d'une enclave à Srebrenica et avant
3 sa chute.
4 Ensuite, le bureau du Procureur a mentionné le relationnel très
5 proche entre Mladic et Tolimir. Ça n'a jamais été contesté. Nous n'allons
6 pas le contester maintenant. Tous ceux qui étaient à l'état-major principal
7 étaient ses proches. Mais dire qu'il convient de prendre en considération
8 les éléments de preuve sous cet aspect-là et dire que Tolimir était les
9 yeux et les oreilles de Mladic, c'est une explication symbolique pour ce
10 qui est des fonctions du renseignement et quelles sont les fonctions des
11 autres organes chargés de la sécurité. Mais c'est sans plus. Cela sans
12 plus.
13 Le témoin qui a déclaré cela était l'homme numéro deux, il était chef
14 d'état-major dans les rangs de l'armée de la Republika Srpska, il était le
15 commandant adjoint. Ensuite, quand on parle au niveau de l'Accusation du
16 témoignage de Milenko Todorovic et des faits établis au terme desquels
17 prétendument Tolimir aurait fait savoir à Milenko Todorovic que des
18 prisonniers de guerre allaient venir et qu'il fallait préparer la prison de
19 Batkovic pour l'arrivée de ces prisonniers de guerre.
20 Je dirais d'abord que Milenko Todorovic, comme le montre le compte
21 rendu, et je vous renvoie vers la référence qui se trouve dans le mémoire
22 en appel, paragraphe 356, Milenko Todorovic dit qu'il n'arrive pas à se
23 souvenir qui lui a fourni le renseignement au terme duquel il fallait
24 préparer le camp de Batkovic pour l'installation des prisonniers de guerre.
25 Dans le prétoire même, pour démontrer qui avait mission de le faire, nous
26 lui avons montré un document datant de 1993. Et Milenko Todorovic, chose
27 que les Juges de la Chambre ont omis de prendre en considération, notamment
28 de prendre en considération le comportement du témoin dans le prétoire,
Page 135
1 s'est vu soulager et il s'est dit : "Dieu merci, voilà le document dont on
2 a si souvent parlé et que je n'ai pas vu jusqu'à présent et que je vois
3 enfin."
4 Et en signature, ce n'était pas Tolimir. C'était le chef d'état-major
5 de l'époque -- à savoir, l'état-major principal de la Republika Srpska à
6 l'époque. Ensuite, quand il a été question d'affirmer que Tolimir aurait
7 dit à Todorovic que les prisonniers ne viendraient plus, on prend la date
8 du 13, on dit que Tolimir l'a appris au plus tard le 13 pour étayer la
9 thèse au terme de laquelle Tolimir, le 13 déjà, avait eu vent des
10 exécutions. Mais Todorovic n'arrive pas à se souvenir de la date, était-ce
11 le 14, était-ce le 15, était-ce le 16.
12 Et la thèse de la Défense est celle-ci : Todorovic n'a pas dit la
13 vérité là, chose qui est confirmée par le témoignage de Novica Simic, que
14 nous avons indiqué au paragraphe 358 du mémoire en appel.
15 Parce que Novica Simic, dans l'affaire Popovic et autres, a dit qui
16 il avait contacté, il l'a dit de façon sincère, il a dit avec qui il s'est
17 entretenu et quelles sont les informations obtenues par les uns et les
18 autres. Et pour ce qui est de l'entretien de l'organe chargé de la sécurité
19 et Tolimir, il ne le mentionne pas du tout. Alors, je regrette ici que nous
20 n'ayons pas eu la possibilité de tester le témoignage de Todorovic par
21 l'audition ou une confrontation avec Novica Simic, parce que Novica Simic
22 est tombé malade entre-temps et est décédé après.
23 Des renseignements à ce sujet se trouvent être donnés au mémoire en
24 appel, paragraphe 358, et 359 aussi.
25 Ensuite, lorsqu'il est question de la pièce P2069, est-ce que
26 Tolimir avait eu connaissance de la séparation ? Et c'est un document où, à
27 vrai dire, il est dit qu'à Potocari il y a séparation de ceux qui étaient
28 aptes à combattre, qui étaient au nombre de 70 environ. C'est un document
Page 136
1 qui est daté du 12. Dans la partie supérieure de ce document, on voit les
2 paraphes de tous ceux qui ont lu le document en question. Il n'y a pas de
3 paraphe appartenant à Tolimir. Ensuite, Tolimir n'a pas vu ce document, et
4 c'est prouvé par la pièce D64, où Tolimir insiste sur la nécessité de
5 recenser la totalité de ceux qui étaient aptes au combat et qui sont
6 évacués depuis la base de Potocari.
7 Donc Tolimir croit bien qu'ils doivent connaître le sort de la
8 totalité des civils évacués depuis Potocari. Il ne convient pas selon lui
9 de les garder là-bas, les retenir.
10 Plus loin encore dans l'exposé du Procureur, on a posé pas mal
11 d'éléments liés à la situation à Zepa. Est-ce qu'il y a eu perpétration
12 d'un génocide à Zepa ? Est-ce que l'opération a été conduite avec une
13 intention génocidaire ? Est-ce qu'on a délibérément exposé à des
14 souffrances des civils ? Il n'y a pas un seul élément de preuve qui
15 démontrerait qu'il y a eu génocide à Zepa ou que l'opération de Zepa avait
16 été conduite avec une intention génocidaire quelle qu'elle soit. Ce type de
17 conclusion ne serait être adoptée que si l'on vient à spéculer pour ce qui
18 est de la corrélation à établir avec l'opération des exécutions. Mais quand
19 bien même on prendrait en compte les exécutions des hommes capables de
20 combattre à Srebrenica, on peut croire que tout le monde a agi de façon
21 unifiée dans le cadre d'une seule structure de commandement unifié, comme
22 cela serait le cas dans la gestion des affaires militaires conformes aux
23 règlements.
24 Mais dans les descriptifs qui figurent au jugement rendu, on voit si
25 Beara s'entretient avec Tolimir ou pas alors qu'il rencontre des problèmes
26 dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée, ou est-ce qu'il
27 s'adresse à Krstic et à Zivanovic ? Il communique avec ceux qui sont dans
28 la zone de responsabilité du Corps de la Drina. Tolimir, lui, se trouve à
Page 137
1 Zepa. Pourquoi informerait-on Tolimir ?
2 Oui, l'organe chargé de la sécurité a pour mission de tenir compte du
3 fait de savoir s'il y a eu délits au pénal de commis à tel ou tel autre
4 endroit et de déposer des plaintes; mais ça, c'est l'administration chargée
5 de la sécurité qui en a le devoir. Ce n'est pas à Tolimir d'aller courir
6 après ceux qui ont commis des délits au pénal sur le terrain. Il y a une
7 filière à suivre. La chaîne de commandement fonctionne-t-elle ? Je dirais
8 qu'il est évident que non. Parce que compte tenu de la position de Tolimir
9 à titre régulier, ce n'est pas une position qui implique qu'il connaît des
10 activités criminelles à titre régulier.
11 La question se pose aussi de savoir si ceux qui se trouvaient à Zepa,
12 qui étaient capables donc d'aller au combat, aptes à combattre,
13 l'Accusation a expliqué pourquoi ils n'ont pas été tués et ils ont dit
14 qu'ils ont fui vers la Serbie. Mais voyons un peu les événements de Zepa
15 depuis le début. A partir du moment où Tolimir arrive à Zepa, il propose
16 comme option : Déposez les armes, ceux qui veulent rester à Zepa peuvent
17 rester; ceux qui veulent quitter Zepa peuvent s'en aller. Il y a des
18 négociations qui se déroulent le 13, le 19, le 24 et le 27 juillet. Il y a
19 la FORPRONU de présente. On propose qu'ils soient placés sous surveillance
20 du CICR et qu'ils soient placés sous surveillance de la FORPRONU pendant la
21 période avant les échanges de prisonniers de guerre.
22 Y a-t-il là intention génocidaire, y a-t-il là intention de les
23 abattre ? Pour ce qui est des événements de Zepa, il y a déjà un enquêteur
24 de l'Accusation même, Viktor Bezruchenko, qui fournit des éléments. C'est
25 la pièce P55. La Défense, dès qu'elle a eu à connaître de cet élément de
26 preuve, a demandé un versement au dossier. C'est un excellent document qui
27 montre de façon excellente l'évolution des événements. Il parle des
28 malversations qui se produisent au niveau de la reddition de l'ABiH à Zepa.
Page 138
1 Avdo Palic a demandé depuis Sarajevo à ce que ce soit fait. Il y a eu des
2 informations contradictoires arrivant pour ce qui est d'un accord conclu ou
3 pas conclu, puis on a eu des éléments de preuve disant qu'ils sont passés
4 en Serbie. Et le commandant de la FORPRONU à l'époque, le commandant Smith,
5 le savait, cela.
6 Il n'y a aucun élément de preuve qui montrerait qu'ils étaient censés
7 être tués et que quiconque aurait planifié leur exécution. Ce type de thèse
8 ne peut être qu'une spéculation absolue, et rien d'autre.
9 Qui plus est, l'Accusation fait référence à deux éléments de preuve,
10 le P2875 et 1222. Il est question de pièces à conviction qui parlent d'une
11 proposition de Tolimir ou d'une instruction émanant de Tolimir. Comment
12 cela est-il interprété ? Ne pas les enregistrer pour qu'ils puissent être
13 abattus. Mais dans ces documents, il est dit clairement qu'on n'avait pas à
14 les lister ou les enregistrer si les Musulmans venaient à enfreindre
15 l'accord atteint. Il est explicitement dit : On les gardera à des fins
16 d'échange. Donc, il n'est question nulle part du fait que l'un ou l'autre
17 d'entre eux aurait dû ou aurait pu être tué.
18 Je vous rappelle que l'accord consistait à placer ces personnes sous
19 la surveillance de la FORPRONU, donc la FORPRONU surveille la poursuite de
20 leur séjour à Zepa tant que les échanges n'avaient pas été effectués.
21 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
22 M. GAJIC : [interprétation] L'Accusation --
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, si les Musulmans commettaient une
24 violation de l'accord, ils n'auraient pas été enregistrés, ces prisonniers
25 ?
26 M. GAJIC : [interprétation] C'est ce qui est écrit dans le document : Au
27 cas où il y aurait violation de l'accord, alors il convenait de ne pas les
28 enregistrer mais de les conserver par-devers soi pour des échanges à venir.
Page 139
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais si ces prisonniers restaient dans
2 les limbes en n'étant pas enregistrés, en dépit de l'obligation prévue aux
3 conventions de Genève de les enregistrer, est-ce qu'il n'est pas équitable
4 de la part de l'Accusation de dire que cela peut avoir également des
5 conséquences très redoutables, une telle absence d'enregistrement ?
6 M. GAJIC : [interprétation] Non. Pas si on lit tout le document, parce que
7 dans le document, il est écrit clairement qu'ils devraient être gardés à
8 des fins d'échange. Et je tiens à vous rappeler également que
9 l'enregistrement des prisonniers de guerre est une obligation au terme de
10 la troisième convention de Genève. Mais le fait que des prisonniers de
11 guerre ne soient pas enregistrés ne pouvait pas représenter une infraction
12 grave aux conventions de Genève. C'est un fait qui, en tout état de cause,
13 ne peut pas être considéré comme une violation grave.
14 Si ces personnes étaient gardées en toute sécurité, mais sans être
15 enregistrées, cela ne signifie pas qu'elles allaient être tuées. Nous avons
16 déjà constaté qu'il y avait eu de très nombreux problèmes quant aux
17 modalités d'échange des prisonniers de guerre, quels seraient les principes
18 à respecter et est-ce qu'il y aurait des prisonniers de guerre échangés
19 contre des Serbes. Les négociations ont duré très longtemps, se sont
20 étirées dans le temps et ont beaucoup tardé à aboutir à des résultats. Ces
21 deux documents, c'est certain, ne peuvent pas être utilisés en tant que
22 preuve d'une intention génocidaire de quelque nature que ce soit.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais il me semble que si quelqu'un
24 souhaite procéder à un échange de prisonniers de guerre, l'enregistrement
25 de ces prisonniers est une étape préliminaire qui concorde tout à fait avec
26 la volonté de les échanger, n'est-ce pas ?
27 M. GAJIC : [interprétation] Dans des situations normales, il est certain
28 que c'est bien le cas. Mais la situation qui existait à Zepa et les
Page 140
1 problèmes qui ont marqué le déroulement des négociations, d'abord à la date
2 du 20, puis entre le 24 et le 27, et ensuite le 27, ont marqué une
3 situation un peu différente. La VRS subissait à l'époque des pressions très
4 importantes de la part de la FORPRONU en rapport avec la situation à Zepa.
5 Et en dépit de cela, un accord a été conclu. La question est est-ce que les
6 prisonniers de guerre ont été enregistrés ? Malheureusement, nous ne
7 disposons pas des éléments de preuve susceptibles de démontrer que les
8 prisonniers de guerre serbes, eux non plus, n'ont pas été enregistrés.
9 Et puis, il y a un autre point. Ce statut de prisonnier non enregistré, si
10 je ne me trompe, on peut le vérifier dans le document, ce statut ne peut
11 durer que pendant la durée des opérations de combat, pas plus longtemps que
12 cela. Peut-être un jour de plus, mais pas davantage. Donc ce statut
13 d'absence d'enregistrement devait être, selon Tolimir, un statut qui ne
14 devait être que de nature particulièrement temporaire, uniquement dans le
15 but d'éviter des abus de la part de la partie musulmane.
16 N'oublions pas qu'à cette époque-là, ils étaient déjà en train d'essayer
17 d'entrer en Serbie ou d'effectuer des percées dans d'autres directions.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais revenir une seconde sur le
19 premier point que vous avez développé - à savoir, les conséquences et la
20 nature de la position de commandant adjoint - est-ce que vous conviendriez
21 qu'un commandant adjoint est quelqu'un qui sait tout ce qui est pertinent
22 aux yeux du commandant parce que son devoir est d'aider le commandant à
23 accomplir sa tâche et qu'il est donc complètement informé au sujet de ce
24 qui se passe ?
25 M. GAJIC : [interprétation] Dans des situations régulières, oui. Cependant,
26 dans les éléments de preuve, nous avons vu une description de situation
27 montrant que ce n'était pas Tolimir qui décidait quel était l'organe de
28 sécurité qui devait faire quoi aux niveaux les moins élevés de la
Page 141
1 hiérarchie. A la lecture du document que j'ai déjà évoqué devant vous -- je
2 vais trouver le numéro, si vous m'accordez une seconde.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ma question portait sur la connaissance
4 des faits, pas sur le fait de donner des ordres. Mais maintenant j'aimerais
5 en arriver à la question des ordres. Vous considériez, et je pense que vous
6 serez d'accord là-dessus, qu'un commandant adjoint, fondamentalement, sait
7 tout ce que sait le commandant.
8 Eu égard maintenant à la capacité de donner des ordres, parce que -
9 imaginez que Tolimir en tant que commandant adjoint ait à traiter des
10 questions dont nous avons déjà parlé précédemment, à savoir l'hébergement,
11 les hangars, et cetera - il est permis de partir du principe que lorsqu'il
12 parle à des commandants haut gradés, il dit clairement qu'il agit au nom de
13 son supérieur, n'est-ce pas, et que ces haut gradés, à ce moment-là, ne lui
14 posent pas de questions au sujet de ses compétences ? N'est-ce pas exact ?
15 M. GAJIC : [interprétation] J'ai besoin d'apporter une légère correction à
16 la première question que vous avez évoquée, à savoir la question de la
17 connaissance. Un commandant adjoint n'a pas nécessité de savoir tout ce que
18 sait le commandant. Dans l'armée, il existe une règle selon laquelle les
19 gens sont informés au cas par cas. Un commandant adjoint n'a pas
20 nécessairement besoin de tout savoir. Un commandant peut contourner son
21 adjoint pour telle et telle raison. Par exemple, il peut avoir été envoyé
22 en mission et le commandant ne souhaite pas le déranger.
23 Et puis, s'agissant d'émettre des instructions et des ordres, nous devons
24 établir une distinction entre deux choses différentes : une chose, c'est
25 d'agir dans une situation courante normale; et une autre situation, c'est
26 celle dans laquelle on se trouve face à des éléments extraordinaires, une
27 situation tout à fait différente de celle qui existe pendant une opération
28 destinée à tuer, une opération de meurtre.
Page 142
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Maintenant, un détail. Ce n'est
2 pas un détail, n'est-ce pas ? C'était la chose la plus importante qui était
3 en train de se passer. Est-il concevable que le commandant adjoint n'ait
4 pas su ce qui était en train de se passer dans ces conditions ? C'était
5 quelque chose qui ne pouvait pas ne pas frapper l'imagination, n'est-ce
6 pas, qu'il ne sache rien qui était en train de se passer par rapport au
7 meurtre de plusieurs milliers de personnes ?
8 M. GAJIC : [interprétation] D'abord, lorsque nous parlons de cette
9 situation très précise, Tolimir a été envoyé à Zepa sur l'ordre de Mladic.
10 Beara, le chef de la direction de la sécurité, se trouvait à Srebrenica au
11 même moment. Le commandant Mladic a envoyé d'autres responsables de la
12 sécurité et du renseignement en missions diverses sur le terrain dans la
13 zone de responsabilité de la Brigade de Bratunac ou de la Brigade de
14 Zvornik, et il n'a jamais demandé l'accord de Tolimir pour ce faire.
15 Il est tout à fait possible de constater que le commandant adjoint à la
16 sécurité et au renseignement n'était, effectivement, pas informé de
17 certaines choses. A cette époque-là, comme le montrent un certain nombre de
18 documents, Tolimir était engagé à Zepa avant toute chose, et l'évolution de
19 la situation à Zepa ne présentait aucun signe de simplicité. Il y avait
20 toutes sortes de négociations en cours. Il fallait traverser des terrains
21 très dangereux pour passer quelque temps à Zepa, sans aucune communication
22 d'ailleurs. Alors, pourquoi est-ce que quelqu'un aurait informé Tolimir,
23 pour commencer, si Tolimir ne participait pas à l'intégralité de cette
24 opération ?
25 Et je vais traiter d'un certain nombre d'autres points en ce moment;
26 par exemple, si un membre de l'état-major participait à cela ou pas, je ne
27 vais pas rentrer dans le détail à ce sujet. Notre position a toujours
28 consisté à dire que les membres de l'état-major étaient chacun un cas
Page 143
1 distinct et que ces cas distincts devaient être entendus séparément. Pour
2 dire les choses simplement, Tolimir n'était tout simplement pas sur place,
3 pas dans ces situations.
4 J'aimerais maintenant rappeler un autre point à la Chambre de première
5 instance - je vois qu'il me reste deux minutes - j'aimerais rappeler la
6 décision du Juge Badawi Pasha qui a eu une opinion dissidente dans
7 l'affaire qu'il a eu à juger. Il a pris en compte des éléments de preuve de
8 deuxième main et a souligné le danger qu'il y avait à interpréter ces
9 éléments de preuve alors que des lacunes devaient encore être comblées et
10 qu'elles ne l'étaient, par conséquent, qu'à base d'hypothèses,
11 d'association d'idées, et que la certitude ne pouvait pas être obtenue de
12 cette façon. La norme de la preuve qui doit être respectée devant ce
13 Tribunal n'est pas la probabilité ou le caractère vraisemblable ou
14 raisonnable d'une décision, mais bien un degré élevé de certitude
15 atteignant un endroit qui se trouve au-delà de tout doute raisonnable.
16 En l'espèce, le Procureur n'a pas réussi à prouver au-delà de toute
17 doute raisonnable que Tolimir était au courant de l'opération meurtrière ou
18 qu'il a participé à cette opération ou qu'il avait l'intention de
19 participer à cette opération meurtrière. Par conséquent, nous estimons
20 qu'il devrait être acquitté de tous les chefs d'accusation.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître, pour les arguments que
22 vous avez développés devant la Chambre. Ceci nous amène au point final de
23 la présentation des arguments par les parties. Le moment est donc venu de
24 vous demander, Monsieur Tolimir, puisque tel est votre droit, si vous
25 souhaitez exercer ce droit en vous exprimant dans le cadre d'une
26 déclaration personnelle de dix minutes.
27 L'APPELANT : [interprétation] Effectivement, si vous m'y autorisez,
28 j'aimerais m'adresser à la Chambre d'appel brièvement.
Page 144
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] A la Chambre d'appel.
2 L'APPELANT : [interprétation] Oui, la Chambre d'appel, effectivement.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.
4 L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Je tiens à saluer tous les membres de la Chambre d'appel, tous les
6 interprètes, tout le personnel de l'Accusation et de la Défense ainsi que
7 tout le personnel qui assiste au déroulement de cette procédure et qui a
8 fait en sorte que cette procédure se déroule en l'absence de quelque
9 problème techniques que ce soit.
10 L'Accusation, en tant que partie intégrante du Tribunal, propose
11 aujourd'hui que Tolimir soit puni en raison d'un certain nombre de
12 conclusions qui n'ont pas de rapport avec les éléments de preuve ainsi que
13 sur la base de traductions erronées d'un certain nombre de documents où il
14 n'a jamais été question de l'anéantissement d'un quelconque groupe ou d'un
15 quelconque individu, que ce soit à Zepa ou dans d'autres parties du
16 territoire de la Republika Srpska.
17 Dans ces documents, il n'est pas question non plus de ce qui a été évoqué
18 ici sous le terme de "zbeg", de "fuite afin de trouver un refuge." Il n'y a
19 eu mention de cela nulle part. Je ne sais pas pour quelle raison pendant ce
20 procès ce terme "zbeg" a été mal traduit aussi bien en serbe qu'en français
21 ou en anglais. L'interprétation du terme a été erronée, même si c'est un
22 terme qui est utilisé couramment dans les trois langues. Pourquoi est-ce
23 que la traduction écrite a été la même dans les trois langues ? Est-ce que
24 la traduction s'est faite de l'anglais vers le français ? Ça, je ne sais
25 pas. Mais il conviendrait que la Chambre d'appel vérifie pour quelles
26 raisons des différences de ce genre peuvent survenir dans les traductions,
27 comme l'a à juste titre fait remarquer M. le Juge Antonetti.
28 Je serais très honoré d'être déclaré coupable sur la base d'interprétations
Page 145
1 et de descriptions faites par le Procureur ici aujourd'hui ou sur la base
2 d'erreurs de traduction de documents traitant de la destruction d'un
3 certain nombre de parties du paysage naturel en dehors des villages ou en
4 dehors de la zone d'activité de l'armée de la Republika Srpska. Et
5 contrairement aux dispositions relatives à qui exerçait l'autorité dans le
6 cadre des combats, grâce à une application différente de certains éléments
7 de preuve de l'Accusation pendant mon procès et pendant l'audience
8 d'aujourd'hui, ceci pourrait arriver.
9 Donc, je répète une nouvelle fois qu'il y a des interprétations très
10 différentes qui sont faites par l'Accusation et par la Chambre de première
11 instance sur le rôle des diverses parties au conflit, c'est-à-dire la VRS
12 d'une part, l'ABiH de l'autre. Dans une zone démilitarisée sous le contrôle
13 de la FORPRONU -- et également des interprétations de ces diverses attaques
14 qui ont été lancées à partir de cette zone située sur le territoire de la
15 Republika Srpska contre la population, les militaire et même le poste de
16 commandement, attaques qui doivent être qualifiées d'attaques de sabotage
17 de la part de l'ABiH contre la VRS. Nous avons soumis des éléments de
18 preuve démontrant ce fait pendant le procès.
19 Il y a eu de nombreuses actions de ce genre. Avdo Palic, lui-même, a
20 évoqué le 10e Groupe de Sabotage qui a attaqué le poste de commandement
21 avancé de Han Pijesak, ce qui a été le point de départ de la résistance à
22 l'attaque à partir de Srebrenica et de Zepa au cours de laquelle 50
23 personnes ont été tuées. C'est la raison pour laquelle ces attaques ont été
24 repoussées à partir de Zepa, des attaques lancées sur des cotes et des
25 installations de l'armée de la Republika Srpska en dehors de Srebrenica et
26 de Zepa.
27 Je trouve surprenant que nous soyons mis en accusation en raison de
28 ce qui était notre devoir d'accomplir et en raison de notre volonté de
Page 146
1 défendre par la loi notre action. Nous avions le devoir de défendre la
2 Republika Srpska. C'était une action légitime. C'était notre action
3 militaire. C'était l'action militaire légitime qui nous était dévolue
4 pendant les combats. Mais un mois après les activités de combat de
5 Srebrenica et de Zepa, il y a eu représailles militaires contre l'armée de
6 la Republika Srpska et tout le territoire de la Republika Srpska, y compris
7 contre la population et l'armée, sur l'ordre de l'OTAN et de la FORPRONU.
8 Et ces deux instances étaient également censées protéger les Serbes et les
9 non-Serbes, à savoir toutes les parties au conflit.
10 C'était un acte de représailles qui a été décrit par le général
11 Rupert Smith, commandant de la FORPRONU à l'époque, et voilà ce qu'il a dit
12 en réponse à mes questions pendant son témoignage. Il a déclaré que Zlovrh,
13 le pic le plus élevé au voisinage de Zepa, avait été bombardé en
14 représailles 30 jours après le départ de la population de Zepa. Mais ce qui
15 était au centre de l'action à ce moment-là, c'était une dizaine de soldats
16 qui ont été tués au moment où les communications, les moyens technique de
17 transmission avaient été détruits avant le bombardement de l'OTAN au sein
18 de l'armée de la Republika Srpska. Avant l'agression de l'OTAN, le centre
19 de transmission de l'armée de la Republika Srpska avait déjà été détruit.
20 L'OTAN, l'ABiH et l'armée de la Republika Srpska ont attaqué. A
21 partir de transmission de messages qui étaient envoyées à toutes les unités
22 situées sur le territoire de la Republika Srpska, de la Krajina serbe et de
23 la République fédérale yougoslave.
24 Je fais référence uniquement à des faits bien connus de la Chambre de
25 première instance, de la Chambre d'appel et de tous les habitants de la
26 Republika Srpska, de la République fédérale de Yougoslavie et de toutes les
27 anciennes républiques de la Yougoslavie.
28 Voilà ce qui s'est passé effectivement sur le territoire de la
Page 147
1 Bosnie-Herzégovine. L'agression de l'OTAN contre la Serbie a été dirigée et
2 commandée par la même personne qui a dirigé et commandé l'agression de
3 l'OTAN contre la Republika Srpska. Cette attaque de la République fédérale
4 de Yougoslavie a été faite sous les ordres du commandement Suprême de
5 l'OTAN à Bruxelles qui pendant la guerre en Bosnie se trouvait être le
6 commandant de la FORPRONU, et je parle du général Rupert Smith.
7 C'est alors qu'il y a eu destruction dans cette partie des
8 préparatifs pour l'agression contre la République fédérale de Yougoslavie,
9 destruction de la totalité des centres de transmission dans la République
10 de la Krajina serbe, dans la République serbe et dans la République
11 fédérale de Yougoslavie. Et on a même détruit les studios de télévision qui
12 diffusaient les images de ce qui se passait sur le territoire de la
13 Republika Srpska, de la Krajina serbe et de la République fédérale de
14 Yougoslavie lorsqu'il s'agit de l'agression de l'OTAN.
15 Malheureusement, du fait de l'agression de l'OTAN sur le studio de
16 télévision qui diffusait tout ce qui avait été fait par l'OTAN pendant
17 l'agression, on a jugé le directeur de cette chaîne de télévision et on l'a
18 condamné à dix ans de prison, et on a tué 22 employés au centre même qui se
19 chargeaient de diffuser. On a bombardé partant du signal d'émission et de
20 diffusion du centre de diffusion.
21 Ces images ont été présentes pour toutes les personnes qui étaient
22 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et il y a des bombardements qui ont
23 été présentés à la fin du procès dans cette affaire-ci --
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tolimir, je m'excuse, mais
25 vous avez dépassé les dix minutes qui vous ont été accordées. Je vous
26 accorde une minute de plus pour résumer ce que vous aviez à dire.
27 L'APPELANT : [interprétation] Merci. L'agression de l'OTAN contre la
28 Republika Srpska, la Krajina serbe et la République fédérale de
Page 148
1 Yougoslavie, c'est une chose pour laquelle j'ai présenté des éléments de
2 preuve pendant le procès. Mais pour ce qui est de cette Chambre d'appel,
3 pour ce qui est de la totalité de la population de ces territoires-là, ce
4 sont des choses qui sont notoirement connues. Ces éléments de preuve vont
5 rester comme preuve, et vous verrez bien que les choses se sont produites
6 comme je vous le dis. S'il y a des éléments contraires à ce que je dis, je
7 suis disposé à vous répondre et je suis disposé à répondre à tout acte
8 d'accusation dressé à mon encontre. Mais je me dois de dire que les
9 critères diffèrent pour ce qui est des parties au conflit du fait de
10 l'attitude partiale du commandement de la FORPRONU, du commandement de
11 l'OTAN et de toutes les structures pertinentes au niveau international qui
12 sont intervenus sur ce territoire au niveau de la République fédérale de
13 Yougoslavie.
14 Et je m'excuse d'avoir dépassé le temps imparti. Je vous remercie de
15 m'avoir autorisé à terminer de la façon dont j'entendais terminer mon
16 exposé ici. Merci.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Tolimir.
18 Ceci met un terme à l'audience en appel. Avant que de lever l'audience, je
19 voudrais remercier les parties en présence du travail investi dans cette
20 affaire et des arguments présentés aujourd'hui. Je tiens également à
21 exprimer notre reconnaissance au personnel du Greffe qui nous a aidés à
22 organiser ce débat et je tiens à remercier les interprètes de leur
23 excellente prestation. Les Juges de la Chambre d'appel vont rendre un arrêt
24 ultérieurement. L'audience est levée.
25 --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 26.
26
27
28