Page 3273
1 (Mardi 27 novembre 2001)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
4 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, s'il vous
5 plaît.
6 Mme Philpott (interprétation:) Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre
7 Mitar Vasiljevic.
8 M. le Président (interprétation): Que se passe-t-il?
9 M. Groome (interprétation): Je voulais Monsieur le Président présenter une
10 requête avant que le témoin n'arrive.
11 M. le Président (interprétation): Allez-y.
12 (Questions relatives à la procédure.)
13 M. Groome (interprétation): Je voudrais, s'agissant des aptitudes mentales
14 de l'accusé, partant du Règlement de procédure et de preuve, et je parle
15 là de l'Article 67, je voudrais qu'il soit fait une requête et ce avant le
16 début du procès proprement dit.
17 (Les interprètes ont demandé de ralentir.)
18 M. Groome (interprétation): Oui.
19 S'agissant de l'accusé, j'ai vu qu'il avait été traité en psychiatrie
20 pendant la période qui est pertinente pour la perpétration des crimes.
21 J'avais ouï-dire qu'il y avait intention de la défense de se défendre dans
22 ce sens.
23 S'agissant de la procédure préalable en conférence de mise en état, il en
24 avait déjà été vaguement question.
25 M. le Président (interprétation): De quelle page êtes-vous en train de
Page 3274
1 parler pour ce qui est de votre demande et de cette conférence préalable
2 au procès?
3 M. Groome (interprétation): Vous parlez de la conférence préalable au
4 procès?
5 M. le Président (interprétation): Oui, je parle de cela. C'est bien ce
6 dont vous êtes en train de parler?
7 M. Groome (interprétation): Oui, c'est cela. Il s'agissait de cette
8 conférence de mise en état-là.
9 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous me donner la page?
10 M. Groome (interprétation): Eh bien, je vais consulter mes documents et je
11 vous le dirai après la pause.
12 Il avait été question de ces problèmes, de ces problèmes psychiatriques de
13 l'accusé et je m'étais fondé sur l'Article 67.
14 M. le Président (interprétation): Mais si mes souvenirs sont bons, il
15 s'agissait d'une responsabilité diminuée. C'est la raison pour laquelle je
16 voudrais savoir exactement ce dont il a été question.
17 M. Groome (interprétation): Bien.
18 M. le Président (interprétation): Donc, vous êtes en train de remettre en
19 question ce que j'avais compris à l'époque.
20 M. Groome (interprétation): J'imagine, Monsieur le Président, que ce qui
21 est préoccupant en ce moment-ci, du moins pour ce qui me regarde, c'est le
22 moment de la perpétration du crime et le moment où l'accusé avait dit
23 qu'il s'était entretenu avec le diable et le bon Dieu. Et nous avons ouï
24 dire de la part du Dr Vasiljevic qu'à partir du 2 juin l'accusé avait
25 souffert d'un état psychotique. Ce que je ne comprends pas est si l'on
Page 3275
1 fait venir ces témoins de ces perturbations, de ces troubles
2 psychologiques au moment de la perpétration des crimes.
3 M. le Président (interprétation): Mais nous n'avons pas encore été
4 informés de la chose. C'est à la défense qu'il appartient de déterminer si
5 elle pourra se fonder sur ce type de défense.
6 Ce qui me préoccupe c'est que ce ne sera peut-être pas une défense qui se
7 fonderait sur une situation ou une condition de responsabilité diminuée.
8 D'après ma propre expérience, il s'agirait de prendre en considération
9 l'état psychologique, l'état mental de l'accusé, pour savoir si l'accusé a
10 commis quelque chose qu'il n'aurait autrement pas commis, et il s'agirait
11 de le savoir avant la prononciation de la peine.
12 M. Groome (interprétation): Ce qui me préoccupe, c'est de savoir si Me
13 Domazet va parler de mens rea et procéder à une défense particulière.
14 M. le Président (interprétation): Mais cela ne réfute pas la mens rea,
15 alors qu'un défaut total ou partiel de responsabilité mentale,
16 effectivement pourrait donner lieu à cela, et nous allons voir un peu ce
17 qui est dit dans ce rapport. Nous n'allons donc pas nous aventurer dans
18 des spéculations, nous allons d'abord entendre les rapports des
19 psychiatres et, partant de là, nous allons savoir et déterminer quelle est
20 la direction que va prendre la défense.
21 M. Groome (interprétation): La difficulté pour le Procureur, c'est de
22 devoir contre-interroger ces témoins sans pour autant encore disposer du
23 rapport. Je voudrais savoir si Me Domazet serait en mesure de nous
24 présenter des documents préalables ou de nous faire savoir où on en est au
25 niveau des rapports d'expert.
Page 3276
1 M. le Président (interprétation): C'est ce que je lui ai demandé vendredi,
2 mais étant donné qu'aucun des témoins comparu à ce jour n'a suggéré qu'un
3 tel état de psychose pouvait influer sur sa façon de comprendre ou sur
4 l'intention de commettre quelque acte répréhensible, donc, le fait que ces
5 médecins n'aient pas fait cela va à l'encontre de l'hypothèse au terme de
6 laquelle la défense se référerait à cette possibilité-là.
7 Nous avons eu deux docteurs ici, chacun d'entre eux aurait pu ou avait pu
8 donner une opinion de ce type; ce qui fait que nous n'allons pas,
9 probablement pas, nous diriger dans cette direction-là. Je crois toutefois
10 que ce sont là des choses dont la défense et le Procureur, le Bureau du
11 Procureur, au sujet de quoi ils auraient pu se mettre d'accord.
12 Est-ce que vous vous êtes entretenu avec Me Domazet?
13 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 M. le Président (interprétation): Quand?
15 M. Groome (interprétation): Eh bien, je lui ai demandé de me faire savoir.
16 M. le Président (interprétation): oui, mais quand, le premier week-end?
17 M. Groome (interprétation): On en a parlé hier.
18 M. le Président (interprétation): Fort bien. Et qu'est-ce qu'il vous a
19 dit?
20 M. Groome (interprétation): Il a dit qu'il allait s'entretenir avec un
21 expert.
22 (Interprète: Mon Dieu, ralentissez!)
23 M. le Président (interprétation): Et qu'avez-vous encore à nous dire?
24 M. Groome (interprétation): Par le biais du gouvernement de la Republika
25 Srpska, j'ai demandé... Je me suis adressé aux archives et on m'a dit que
Page 3277
1 je ne pouvais rien obtenir d'autre, si ce n'est ce qui a été, ce dont on a
2 parlé ici. Hier et avant-hier, on a montré des documents qui vont être
3 versés au dossier; il a été question des archives d'Uzice.
4 Je vais demander maintenant que l'on nous remette tous les documents dont
5 dispose la défense, qui vont servir de fondement pour une défense
6 parallèle, alibi ou pour une défense spéciale, afin que nous puissions
7 disposer du temps nécessaire pour les traductions.
8 J'ai reçu les documents hier après-midi, les traducteurs ont travaillé
9 toute la nuit, mais il est très difficile de se préparer si nous n'avons
10 pas à l'avance des traductions.
11 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, vous êtes ici depuis
12 plus d'un an et tout ceci se répète à plusieurs reprises et je dois vous
13 dire que cela ne nous aide guère, au contraire.
14 La présentation de documents dans cette phase nous nuit, à savoir que ces
15 documents n'ont pas encore été traduits. Le Règlement prévoit la
16 traduction de ces documents, et ces documents auraient dû être traduits il
17 y a un an.
18 Avez-vous d'autres protocoles ou d'autres registres de ce genre?
19 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai dit
20 hier, les registres que nous avons apportés aujourd'hui sont les derniers
21 que nous avons. Et s'agissant de ces registres-là, il n'y a que quatre
22 pages qui sont, à notre avis, pertinentes pour le cas Vasiljevic; il n'y a
23 que quatre simples pages que j'ai transmises hier en photocopies à M.
24 Groome, et c'est peut-être… C'est probablement les quatre pages qu'il
25 vient de mentionner en parlant de traductions qui ont été faites. C'est
Page 3278
1 tout ce que nous avons comme éléments de preuve.
2 Mais s'agissant des éléments de preuve en provenance d'Uzice, je devrais
3 dire ce qui suit: la requête présentée par M. Groome via le biais du
4 gouvernement de la Republika Srpska est une chose dont je ne suis pas au
5 courant, mais le gouvernement de la Republika Srpska n'a aucune compétence
6 pour des archives qui se trouvent à Uzice, en République fédérale de
7 Yougoslavie. Donc la requête aurait pu être adressée seulement à la
8 République fédérale de Yougoslavie, et non pas à la Republika Srpska, donc
9 il faudrait passer par Uzice.
10 Je tiens aussi à vous dire que nous avons également eu un grand problème.
11 En effet, le 1er novembre de l'an passé, le Dr Moljevic s'est fait
12 confisquer la documentation qu'il avait apportée en original de Visegrad.
13 Il avait été convenu que cette documentation serait montrée et
14 éventuellement photocopiée. Après ce qu'il s'est passé, je crois qu'il va
15 certainement en parler en sa qualité de témoin. Mais depuis lors, nous
16 n'avons plus été en mesure de nous procurer quoi que ce soit en provenance
17 d'Uzice.
18 La situation a changé il y fort peu de temps de cela, et nous avons réussi
19 à faire en sorte que certains témoins apportent avec eux une certaine
20 documentation. Je regrette que les choses se soient produites ainsi mais
21 je n'ai plus rien d'autre à présenter, exception faite de ce que j'ai
22 donné à M. Groome hier sous forme de photocopies.
23 M. le Président (interprétation): Je comprends. Je comprends que l'hôpital
24 serbe n'est pas disposé, après la confiscation de certains documents, à
25 faire parvenir d'autres documents. Toutefois, c'est un risque auquel s'est
Page 3279
1 exposé le Bureau du Procureur en demandant une ordonnance en ce sens qui
2 lui avait été accordée.
3 S'agissant maintenant de la Republika Srpska, outre le fait que celle-ci
4 n'est pas disposée à fournir une aide, elle n'est pas en mesure de le
5 faire dans ce cas-là. Vous nous avez dit hier que ce sont les seuls
6 documents, mais pensez-vous qu'il puisse y avoir d'autres documents
7 susceptibles d'atterrir dans votre équipe?
8 M. Domazet (interprétation): Non, Monsieur, à moins que l'on demande
9 encore quelque chose à l'hôpital d'Uzice, chose que je demanderai donc de
10 vous transmettre aussitôt. Mais nous n'avons, nous-mêmes, pas demandé
11 d'autres documents.
12 M. le Président (interprétation): Bien. C'est une première question, un
13 premier volet que nous avons résolu.
14 Deuxièmement, je voudrais savoir ce qu'il est advenu de votre psychiatre
15 et ce qu'il y a de nouveau dans ce segment-là.
16 M. Domazet (interprétation): Je me suis entretenu hier avec Mme Lopicic
17 qui a examiné samedi et dimanche l'accusé et s'est entretenue avec lui.
18 Elle a fait les entretiens, les tests et tout le nécessaire, et elle a
19 rassemblé la documentation recueillie. Je lui ai demandé de faire au plus
20 tôt un constat par écrit afin que cela puisse être traduit en anglais, et
21 j'espère que cela pourra être fait d'ici la fin de la semaine. Elle est
22 partie ce matin pour Belgrade; elle m'a promis qu'elle travaillerait
23 aujourd'hui et demain sur son rapport et qu'elle le ferait parvenir
24 aussitôt. Dès que je l'aurais obtenu, je le ferai parvenir à M. Groome
25 ainsi qu'à la Chambre.
Page 3280
1 M. le Président (interprétation): Mais vous a-t-elle dit quelle est la
2 nature générale des constatations qu'elle a faites? Et je crois que nous
3 avons, qu'il y a des fondements, pour ce qui nous concerne, quant à la
4 question qui vous est posée.
5 Nous touchons à la fin, et je pense que nous serions en droit de savoir ce
6 qui serait, selon vous, susceptible de faire son apparition, comme point.
7 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je regrette mais elle
8 ne m'a pas dit, à moi non plus, ce que va comporter son rapport, ce qui
9 fait que je ne sais pas vous dire, en ce moment-ci, quel va être son
10 constat. Elle m'a dit que la maladie que l'on traite d'état de psychose,
11 ici, n'est pas seulement due à l'alcool, mais qu'il s'agit d'une maladie
12 de nature mentale, et de là à savoir dans quelle mesure cela influerait
13 sur son constat pour ce qui est de la détermination ou le fait de savoir
14 si son degré de responsabilité mentale était partiellement diminué ou
15 totalement diminué, chose qui pourrait influer sur la diminution de la
16 peine prononcée à l'encontre de M. Vasiljevic, ou alors sur son absence
17 totale de responsabilité, chose qui nous ferait aller dans un sens tout à
18 fait autre.
19 Mais avant que d'obtenir ces constatations ou ce rapport, je ne saurais
20 vraiment rien vous dire de plus.
21 M. le Président (interprétation): Nous ne saurions permettre que la chose
22 demeure sous un point d'interrogation. Sans pour autant entrevoir, ne
23 serait-ce qu'entrevoir la solution, l'issue. Cela pourrait donc signifier
24 que pendant les débats concernant la détermination de la peine, les
25 médecins l'ayant examiné pourraient être rappelés à témoigner, et cela
Page 3281
1 témoigne du fait que vous n'avez pas organisé cela il y a deux mois de
2 cela, en temps utile donc. Le Bureau du Procureur n'a pas eu le temps de
3 se préparer pour interroger les médecins qui l'avaient examiné, donc il
4 nous faudra prélever du temps sur le temps des débats destinés à la
5 détermination de la peine.
6 M. Domazet (interprétation): Je comprends, Monsieur le Président, mais si
7 cela découle du rapport qui aura été établi… Mais je m'efforcerai, je
8 ferai de mon mieux pour que le rapport en question nous parvienne et vous
9 parvienne d'ici la fin de la semaine.
10 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Domazet.
11 M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, je me suis
12 trompé.
13 Nous avons envoyé cette requête à l'intention de l'hôpital d'Uzice par le
14 biais de la République fédérale de Yougoslavie, et la page du compte rendu
15 d'audience dont il a été question, s'agissant de la conférence de mise en
16 état préalable à la présentation des éléments de preuve… Il s'agirait de
17 la page 1820.
18 M. le Président (interprétation): Je ne vois pas ce qu'il y a de pertinent
19 en page 1820. Il y est question de problèmes que M. Domazet avait pour ce
20 qui était de continuer à travailler pendant quatre semaines sans
21 interruption... Ah oui, je vois. Il s'agit de la page 1821, et c'est une
22 question que vous aviez soulevée vous-même.
23 (Le Président consulte le document.)
24 Oui, il a été clairement dit que si tant est qu'au rapport il y avait
25 quelque chose de nécessaire à obtenir de la part du psychiatre concernant
Page 3282
1 une défense spéciale, que cela vous donnerait le droit de rappeler
2 certains témoins.
3 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, et je suis
4 simplement en train de demander, étant donné que nous avons toute une
5 série de psychiatres et d'infirmières qui l'avaient soigné à l'époque… Et
6 j'entends là, compte tenu de la réponse donnée par Me Domazet tout à
7 l'heure.
8 M. le Président (interprétation): La réponse de Me Domazet nous rappelle
9 le feuilleton de télévision si connu où il avait été dit: "Je ne sais
10 rien, je viens d'arriver de Barcelone, je ne suis au courant de rien".
11 C'est une chose qui aurait dû être faite il y a 12 mois, comme je l'ai
12 déjà dit, et je regrette que nous soyons placés dans la position dans
13 laquelle nous nous trouvons, comme je l'ai déjà mentionné.
14 Toutefois, dans la phase actuelle, c'est une chose qui ne peut se
15 répercuter sur le prononcé de la peine et si cela s'avère nécessaire,
16 compte tenu des limites de temps que nous avons, une fois ce rapport
17 présenté, si cela peut se répercuter sur le prononcé de la peine, nous
18 allons tenir des débats à part et nous allons avoir des débats à part,
19 complètement à part; il me semble que c'est la façon la plus pratique de
20 procéder.
21 Mais si le cas est pire, si le rapport vient à dire que cet homme est un
22 malade mental et qu'il est complètement irresponsable de ses actes, il va
23 falloir en traiter l'an prochain, et cela nous sera plutôt difficile parce
24 que nous allons passer à un fonctionnement sur six procès en parallèle.
25 Donc, dès que nous aurons le temps de le faire en début de l'année, nous
Page 3283
1 allons nous pencher sur la question.
2 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 M. le Président (interprétation): Bon. S'il n'y a plus rien d'autre, je
4 crois que nous pouvons faire entrer le témoin.
5 Veuillez faire entrer le Dr Simic, je vous prie.
6 (Le témoin, M. Slobodan Simic, est introduit dans le prétoire.)
7 Monsieur Groome, dans vos propos liminaires, aux pages que je vais vous
8 citer -1836 à 1837-, il y a une chose qui a laissé ouverte la question de
9 l'état mental et de son défaut total ou partiel de responsabilité, et je
10 crois que vous pouvez vous référer à cela.
11 M. Groome (interprétation): Merci.
12 M. le Président (interprétation): Veuillez-vous asseoir, Monsieur le
13 Témoin.
14 (Le témoin s'assoit.)
15 Excusez-moi de vous avoir fait attendre, mais il nous avait fallu résoudre
16 un problème qui surgit sans cesse dans l'affaire.
17 Je vous prie de continuer, Maître Domazet.
18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Slobodan Simic, par Me Domazet.)
19 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 Bonjour, Monsieur Simic.
21 M. Simic (interprétation): Bonjour.
22 Question: Nous allons reprendre l'entretien que nous avons dû interrompre
23 hier après-midi et, si vous vous en souvenez, c'est à peu près au niveau
24 de la question que je vous avais posée sur ce qui vous était resté en
25 mémoire concernant Mitar Vasiljevic en sa qualité de patient à votre
Page 3284
1 département au mois de juillet 1992.
2 Pourriez-vous, à présent, me dire de quoi vous vous souvenez au juste
3 s'agissant de ce patient-là?
4 Réponse: Je pense vous avoir dit l'essentiel. Il convient de ne pas perdre
5 de vue le fait qu'il s'est passé entre-temps dix années, et que
6 pratiquement tous les patients au département psychiatrique présentaient
7 une image clinique très semblable les unes aux autres. Ce qui m'avait
8 semblé le distinguer pour que je puisse m'en souvenir, c'est le fait qu'il
9 avait été amené depuis un autre département de notre hôpital, chose qui
10 n'est pas si habituelle ou usuelle.
11 Question: Je vous demanderai de vous pencher sur l'anamnèse et de nous
12 dire quelques mots au sujet du diagnostic qui a été porté. Et je voudrais
13 qu'à cette fin, l'on présente au témoin la pièce à conviction P136.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 S'agit-il de l'anamnèse?
16 Réponse: Non. Ceci est une sorte d'extrait du registre.
17 Question: Oh, excusez-moi, ça doit être P138. Je m'excuse, je suis
18 vraiment navré, il s'agissait du P138.
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Vous avez eu le temps de regarder Docteur Simic?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Pouvez-vous nous dire si cela vous a aidé à vous en rappeler, ou
23 nous dire quelque chose au sujet du diagnostic qui figure dans l'anamnèse?
24 Réponse: Il s'agit d'un diagnostic disant "psychose" 298.9, selon la
25 classification n°9, classification internationale des maladies qui a été
Page 3285
1 entre-temps modifiée.
2 Le 298.9, ce sont les psychoses que l'on dit non caractérisées. Ce
3 diagnostic a notamment, avait notamment été prononcé dans des cas où il y
4 avait une sorte de substrat psychopathologique spécifique qui se
5 manifestait. Ce diagnostic nous parle d'un trouble psychique plutôt grave
6 qui, dans le cas présent, s'était manifesté par un bouleversement du
7 comportement, par de l'agitation, par un trouble, par une perturbation du
8 cheminement de la pensée, et c'est ce qui avait été la prédominante du
9 trouble en question.
10 Pour ce qui est de l'historique, on voit dans l'hétero-anamnèse, et ce
11 partant des déclarations faites par l'épouse du patient, qu'il avait pas
12 mal bu et qu'il avait été soigné trois fois au département pour
13 alcoolisme.
14 En outre, on parle de la mort d'un parent proche. Ce sont des facteurs qui
15 avaient pu influer sur l'apparition de ce trouble mental grave.
16 Question: Docteur Simic, d'après vous, ce diagnostic c'est un trouble
17 mental grave, est-ce que cela est relié à l'alcoolisme, s'il s'agit d'un
18 alcoolique? Est-ce qu'il y a un lien indéniable avec l'alcoolisme ou non?
19 Réponse: Pour que nous puissions être sûrs qu'il s'agit vraiment d'une
20 psychose alcoolique, on devrait établir et recevoir des données sur les
21 traitements préalables, ce qui ne figure pas dans cette anamnèse, pour
22 pouvoir constater de quelle manière cette maladie d'alcoolisme a existé, a
23 évolué, et quels ont été les dommages, quel était le degré des dommages et
24 comment on a abouti à ce niveau de lésion.
25 Il faudrait avoir une suite, un suivi de cette anamnèse dans les étapes
Page 3286
1 postérieures, à savoir comment sa maladie a évolué plus tard. Est-ce qu'il
2 y a eu d'autres bouleversements, perturbations? Est-ce qu'il y a eu
3 traitement postérieur? Est-ce qu'il s'était présenté à des centres
4 médicaux pour le traitement des maladies postérieures.
5 Dans ce cas précis, oui. Il y a un haut degré de possibilité pour que
6 cette psychose mentale puisse avoir une étiologie alcoolique. Elle aurait
7 pu être provoquée par l'alcool, par l'alcoolisme du patient.
8 Question: En ce qui concerne l'état, la condition du patient qui a été
9 amené dans vos services, à l'époque donnée, est-ce que vous pourriez nous
10 indiquer, d'après ce que vous aviez pu recueillir à l'époque, est-ce que
11 vous pourriez nous indiquer quelles étaient ces possibilités de
12 compréhension en ce qui concerne les actions, les actes, au moment où il a
13 été admis dans votre hôpital, à l'époque donnée?
14 Réponse: Il ressort nettement dans la description de l'état psychique,
15 qu'il s'agit d'une personne exceptionnellement agitée, que son courant de
16 pensée est bouleversé, que du côté affectif il y a agitation. Il ne peut
17 pas se concentrer, il ne peut pas concentrer son attention sur quelque
18 chose, à peine à pouvoir répondre à quelque question, contact très
19 difficile. Il crie, il hurle, et puis toutes les autres fonctions, y
20 compris celle de la résistance à une réception, sont manifestes.
21 Donc, à ce moment-là, le malade a été fixé et nous avons décrit cette
22 fixation, nous avons décrit comment ces malades sont fixés à leur lit.
23 Cela voulant dire qu'à ce moment-là, il n'était pas en mesure de gérer ses
24 mouvements, de gérer son comportement à proprement parler.
25 Question: Merci.
Page 3287
1 Je vous prie de continuer à parcourir ce même élément de preuve. Je pense,
2 et je vous renvoie à la page 3… Oui, je pense que c'est la page 3. Il
3 s'agit de la fiche de sortie de ce malade.
4 Je voudrais bien vous prier de donner lecture de cette page n°3 et de nous
5 dire de quoi il s'agit.
6 Réponse: "Le malade est en ordre, BO, calme, un peu agité". Et la date qui
7 figure sur cette fiche est le 28/07/92.
8 "C'est sur la demande de l'épouse qu'il" –sous-entendu le patient- "
9 pourra sortir et se soigner à la maison pour revenir ensuite pour des
10 consultations au dispensaire. Signature: Vasiljevic Milojka".
11 Question: Est-ce que cela veut dire, Monsieur le Docteur Simic, qu'à ce
12 moment-là, il était en quelque sorte mi-guéri, enfin mi-guéri puisqu'on
13 l'a laissé partir sur la demande de l'épouse et pas sur la décision du
14 médecin?
15 Réponse: Oui, on pourrait le qualifier de "mi-guéri" parce qu'il aurait pu
16 rester sur place dans notre service. Mais selon la loi en vigueur, les
17 parents les plus proches, les parents à proprement parler, les époux, donc
18 les deux époux, ont droit de demander qu'un patient soit relâché d'un
19 service, et puis c'est ce que nous avons fait dans ce cas précis.
20 Question: Mais d'après vous, est-ce que son état s'était amélioré par
21 rapport à ce qui s'était passé auparavant? Et puis, est-ce que vous
22 pourriez peut-être vous opposer à ce que ses parents le ramènent à la
23 maison, enfin si cela était contraire à sa santé et à son état de santé?
24 Réponse: Sur cette page 3, on peut lire que le malade est rangé, qu'il est
25 calme, bien qu'un peu agité. C'était donc une constatation, un diagnostic
Page 3288
1 satisfaisant. Oui, un peu agité, comme je le disais, et dans notre
2 terminologie cela veut dire une certaine augmentation d'affectivité, dans
3 le sens de la réaction psychomotrice.
4 Mais à mon avis, je pense que cet état-là était satisfaisant pour son
5 épouse qui avait donc décidé de le faire sortir de l'hôpital.
6 Enfin, il arrive rarement que quelqu'un fasse sortir un patient de
7 l'hôpital, un patient qui se sent mal. D'habitude, on fait sortir de
8 l'hôpital les patients qui ont marqué des progrès visibles et qui, donc,
9 ne devraient pas attendre sur place la fin de leur traitement médical.
10 Question: Je voudrais vous renvoyer à la première page de cette pièce 138,
11 et je vous prie de nous indiquer comment évolue cette anamnèse.
12 Est-ce que dans chaque département on inscrit ce qui concerne le
13 département concerné, par exemple, partant du département orthopédique?
14 Réponse: Oui. On voit que l'anamnèse commence au département orthopédique,
15 et on y indique que le patient a été transféré au département service de
16 psychiatrie. Et puis, si le patient avait été transféré à un troisième
17 département, troisième service, eh bien, cela figurerait sur cette même
18 liste d'anamnèse, dans ce même dossier.
19 Question: Monsieur Simic, veuillez bien parcourir les rubriques, la
20 rubrique 12. Est-ce qu'elle a été, donc, remplie dans votre département?
21 Est-ce que vous pourriez me l'indiquer?
22 M. Simic (interprétation): La rubrique 12 où l'on voit "psychosis", je
23 pense que cela a été fait dans le cadre de notre service, de notre
24 département, et je pense que c'est moi-même qui l'avais tapé à la machine.
25 Puis on trouve également ma signature tapée à la machine. J'ai aussi
Page 3289
1 inscrit la date de sortie. Oui, il faudrait qu'il y ait également une
2 fiche de sortie qui devrait accompagner ce document et que j'ai signé moi
3 aussi.
4 M. Domazet (interprétation): J'ai ici une fiche de sortie qui provient de
5 votre département, et je vous la soumettrai pour examen afin que vous
6 puissiez nous indiquer s'il s'agit vraiment de cette liste.
7 Je prie l'huissier de vous montrer s'il s'agit de l'original ou d'une
8 photocopie.
9 (Intervention de l'huissier.)
10 (Le témoin consulte les documents.)
11 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a une version en anglais
12 de ce document?
13 M. Domazet (interprétation): Je crois que non.
14 M. Groome (interprétation): Nous avons un projet de traduction qui a été
15 fait hier, hier soir. Nous avons fait des copies, mais tout simplement
16 c'est une traduction.
17 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, vraiment cela est du
18 mauvais travail!
19 M. Domazet (interprétation): C'est une photocopie du document que j'ai
20 donné hier à M. Groome, à son bureau. Il n'y a plus d'autres éléments de
21 preuve et je ne l'ai pas mentionné ce matin; c'est une photocopie que j'ai
22 remise au bureau de Monsieur Groome hier.
23 M. le Président (interprétation): Oui. Vous l'avez fait, mais vous n'avez
24 pas assuré une version, une traduction en anglais. Oui, vous lui avez
25 peut-être traduit pour M. Groome, mais vous ne nous avez pas fourni une
Page 3290
1 traduction en anglais, pour nous-mêmes et sans parler des interprètes. Ils
2 auront des difficultés à lire ce document.
3 M. Domazet (interprétation): Avez-vous parcouru ce document, cette fiche
4 de sortie? S'agit-il de cette fiche de sortie d'hôpital que vous avez
5 mentionnée?
6 M.Simic (interprétation): Oui.
7 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous pourriez nous donner lecture
8 de ce qui est noté sur cette liste, comme diagnostic et comme description
9 pour que l'on puisse le traduire?
10 M. Simic (interprétation): "Diagnostic au moment de la sortie du patient
11 Vasiljevic Mitar: psychosis, 2989, épicrise. Il y a eu d'abord une
12 première hospitalisation, transfert du département orthopédique au moment
13 de l'admission, exceptionnellement agité, anxieux, chante, crie, repousse
14 la possibilité d'admission à l'hôpital. Pensées perturbées; parler,
15 langage incohérent. Après la thérapeutique administrée et décidée, l'état
16 s'est amélioré, et puis sur la demande de son épouse, il est
17 deshospitalisé. Traitement d'ambulance ultérieure. Résultats de
18 laboratoire dans les limites du normal. Proposition thérapeutique:
19 comprimés de largactil, 100 milligrammes, 3 fois par jour 1 comprimé.
20 Contrôle: consultation auprès du psychiatre compétent dans un délai de 14
21 jours. Congé de maladie entre temps contrôle, consultation chez le médecin
22 d'orthopédie"
23 Document signé "Médecins du département service, Dr Slobodan Simic, chef
24 du département; le "primarius" Dr Borislav Martinovic, neuropsychiatre".
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, un instant, s'il vous
Page 3291
1 plaît.
2 Est-ce que vous pourriez nous aider avec ce terme "épicrise"? Cela dépend
3 de la prononciation.
4 Je voudrais bien que vous nous disiez qu'il s'agit donc, d'après le
5 dictionnaire, d'un résumé critique d'une analyse des enregistrements de ce
6 qui a été enregistré dans l'anamnèse du malade.
7 M. Simic (interprétation): Oui, ce serait à peu près le cas.
8 M. le Président (interprétation): Merci.
9 M. Domazet (interprétation): Docteur Simic, en ce qui concerne le
10 traitement prescrit, le médicament dont il s'agit, est-ce que vous
11 pourriez nous dire de quel médicament il s'agit? Est-ce que cette dose
12 prescrite était suffisante?
13 M. Simic (interprétation): L'origine génétique, dans les livres
14 pharmaceutiques, était le médicament de Promazine chlorique(?), mais le
15 nom d'appellation, le nom sous lequel le médicament est vendu, donc marque
16 déposée, est le Largactil; donc une dose de 100 milligrammes trois fois
17 par jour. C'était le médicament sous cette marque déposée qu'on appliquait
18 aux patients qui présentaient cette image clinique, donc là où il y a
19 anxiété, agitation de haut niveau.
20 Question: Docteur Simic, vous avez constaté vous-même qu'il est venu dans
21 votre service, dans votre département, depuis le département orthopédique.
22 Est-ce que vous vous souvenez, vous-même ou peut-être par des ouï-dire
23 d'autres, comment il a été blessé?
24 Réponse: Oui. Nous avons entendu cette histoire de ce patient qui avait
25 fait une chute de cheval. Il a été admis au département orthopédique; il
Page 3292
1 était agité, manifestait un comportement très agité. Et suite à ce
2 comportement, il a été transféré au service, département de psychiatrie.
3 Question: Je vous prie, et je vous renvoie à la première page du P138,
4 cette anamnèse, celle qui a été donc remplie, tapée à la machine… Vous
5 l'avez devant vous.
6 Tout à fait en haut, où on dit "anamnèse, historia bolesti", et puis il y
7 a quelque chose qui a été tapé à la machine: "blessure au champ de
8 bataille à Visegrad".
9 Donc cela fait partie, c'est quelque chose, une entrée qui se trouve au-
10 dessous de "anamnèse, historia bolesti".
11 Est-ce que vous pourriez nous expliquer cela, la signification de cela?
12 Réponse: Ce n'est pas une question pour un expert. Champ de bataille,
13 théâtre de combat, c'était n'importe quel territoire sur lequel il y a eu
14 des combats, et puis plus particulièrement pour nous en Serbie. A
15 l'époque, ce champ de bataille était la Bosnie. Le patient en question a
16 été transféré, transporté de Bosnie et nous, nous étions en Serbie.
17 Question: Est-ce que cela veut dire que cette désignation "champ de
18 bataille" est, pour vous qui travailliez au-delà de ces champs de
19 bataille, est-ce que cela signifie automatiquement pour vous qu'il
20 s'agissait de la Bosnie-Herzégovine?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que ces mêmes entrées étaient inscrites pour tous les
23 patients venant de ce territoire, ou pour ceux qui étaient atteints dans
24 les combats directs?
25 Réponse: Je ne pourrais pas répondre à cette question, puisque je n'étais
Page 3293
1 pas celui qui faisait le travail administratif lors de l'admission des
2 patients.
3 M. Domazet (interprétation): Et dans votre terminologie à vous qui
4 travailliez… Enfin, le "Ratiste", c'était une terminologie qui avait la
5 connotation, la signification que vous impliquiez?
6 Merci, Docteur Simic, je n'ai plus d'autres questions.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?
8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Slobodan Simic, par M. Groome.)
9 M. Groome (interprétation): Bonjour, Monsieur Simic.
10 M. Simic (interprétation): Bonjour.
11 Question: Je suis du Bureau du Procureur et j'ai quelques questions à vous
12 poser.
13 En ce qui concerne la première admission de M. Vasiljevic à l'hôpital
14 d'Uzice, vous n'avez pas d'idée quand est-ce que cela s'est produit? Vous
15 connaissez donc son admission au département de psychiatrie?
16 Réponse: Oui.
17 Question: En 1992, vous étiez médecin, praticien général. A l'époque, est-
18 ce que vous traitiez vos patients uniquement pour des maladies mentales ou
19 d'autres maladies également, donc psychiatriques entre autres?
20 Réponse: J'étais un secondaire, un médecin qui est en train de se préparer
21 pour sa spécialisation –donc, le domaine de la psychiatrie- mais qui n'a
22 pas encore obtenu, ou a pu obtenir un stage de spécialisation pour la
23 psychiatrie. Je traitais donc des patients; je coopérais avec tous les
24 médecins, y compris le médecin qui devait assurer mon suivi en activités
25 de psychiatrie.
Page 3294
1 Je dois dire aussi que l'on n'était pas très nombreux, à l'époque. J'étais
2 pratiquement le seul secondaire, assistant, jeune médecin qui travaillait
3 à l'époque dans le cadre de ce département, un département qui comptait
4 une cinquantaine de lits. C'est à l'époque qu'il n'y avait que quatre
5 spécialistes qui travaillaient dans ce département.
6 Question: Donc, suis-je en droit de dire que vous traitiez ces patient
7 pour leur maladie psychiatrique, mais vous le faisiez sous la supervision
8 du responsable de votre spécialisation, de votre tuteur?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Ce tuteur devait-il approuver les médicaments ou les autres
11 produits thérapeutiques que vous pensiez administrer aux patients?
12 Réponse: Oui, oui.
13 Question: Qui, à votre avis, avait le contact le plus direct avec M.
14 Vasiljevic? Ou plutôt, je reformule: quel est le médecin qui, à votre
15 avis, avait le contact le plus direct avec M. Vasiljevic pendant la
16 période qu'il a passée au département de psychiatrie?
17 Réponse: Le plus direct, c'était moi et, par mon biais, la personne
18 chargée de ma spécialisation, mon tuteur, le docteur Slavica Jevtovic.
19 Question: Donc est-il permis de dire que, s'agissant de tous les aspects
20 du traitement administré à M. Vasiljevic, c'est vous qui étiez la personne
21 la mieux placée pour savoir ce qui arrivait à M. Vasiljevic à ce moment-
22 là?
23 Réponse: Oui.
24 Question: J'aimerais vous interroger au sujet de ce numéro 298.9, numéro
25 de classement. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un numéro de l'ancienne
Page 3295
1 classification internationale des maladies correspondant à la psychose.
2 Alors je vous demande, si vous deviez classer les symptômes en question
3 aujourd'hui, quel serait le classement que vous utiliseriez, le chiffre
4 que vous utiliseriez?
5 Réponse: Aujourd'hui, dans le cadre du 10e classement international, cette
6 même maladie correspond au code F23, trouble psychotique temporaire aigu.
7 Ce serait très vraisemblablement le diagnostic qui serait prononcé au
8 sujet d'un tel patient.
9 Question: Vous venez d'utiliser "temporaire", transitoire. Cela signifie
10 t-il qu'il s'agit d'une psychose qui passe?
11 Réponse: Le code F23 de ce classement international est expliqué comme
12 correspondant à une psychose aiguë et transitoire, selon les cas. Mais en
13 tout état de cause, un trouble psychotique aigu, lorsqu'il est aigu, est
14 effectivement transitoire. Simplement, dans certains cas, on constate
15 qu'il s'agit de la manifestation d'une maladie psychique plus sérieuse,
16 plus grave. Et dans d'autres cas, c'est une réaction à certaines
17 circonstances, à certaines conditions.
18 Question: Y a-t-il des sous-catégories de ce code F23 qui pourraient
19 d'écrire l'état psychique de M. Vasiljevic, ou bien ce code F23 ne
20 correspond t-il qu'à une seule et unique pathologie?
21 Réponse: Il existe des sous catégories mais, sur le fond, le diagnostic
22 général est celui que je viens de dire. Quant aux sous catégories, si
23 elles vous intéressent, je peux vous les donner.
24 Question: Simplement, les sous catégories qui, à votre avis, décrivent de
25 façon précise l'état de santé de M. Vasiljevic, au moment où vous l'avez
Page 3296
1 soigné.
2 Réponse: Il correspondrait, il aurait correspondu sans doute au diagnostic
3 F23.0.
4 Question: Pouvez-vous nous dire quelle est la dénomination de cette sous
5 catégorie?
6 Réponse: Les dénominations sont toutes les mêmes, simplement réparties en
7 diverses sous catégories. Donc, la dénomination est "trouble psychotique
8 aigu transitoire".
9 Question: Vous venez de nous dire que dans certains cas, ces psychoses
10 transitoires étaient une réaction à certaines conditions ou à certaines
11 circonstances. Puis-je en déduire que ce trouble peut être dû à un
12 événement particulier qui se produit soudain dans la vie d'un patient?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-il possible, dans ces conditions, qu'une personne qui a vécu
15 le décès d'une personne très proche puisse réagir de cette façon?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Peut-il advenir également qu'une personne, qui éventuellement a
18 fait quelque chose de terrible, en raison du fait qu'elle se rend compte
19 de ce qu'elle a fait et qu'elle ressent un sentiment de culpabilité,
20 réagisse par un trouble de ce genre? Par exemple, un homme qui tue son
21 épouse; ce genre d'événement pourrait-il produire chez cet homme ce genre
22 de psychose?
23 Réponse: Il existe différentes catégories des événements provoquant le
24 stress mais, dans ces catégories, un cas de ce genre ne figure pas. Il est
25 vraisemblable qu'un cas de ce genre ne s'est pas manifesté dans la
Page 3297
1 pratique psychiatrique jusqu'à présent.
2 Question: Donc, si quelqu'un vit un trouble psychotique parce qu'il s'est
3 rendu compte qu'il a fait quelque chose de particulier, classeriez-vous ce
4 trouble dans une autre catégorie que la catégorie F23.0?
5 Réponse: Si le patient en question présente une psychose, il serait classé
6 dans la catégorie F23.0 et sous-catégorie suivante. Mais dans ce cas, il
7 faudrait examiner les facteurs étiologiques qui ont débouché sur ce
8 trouble psychotique.
9 Le plus souvent, dans la pratique psychiatrique -et je vous rappelle que
10 j'ai travaillé dans un hôpital de prison auprès de patients psychotiques
11 qui s'étaient rendus coupables d'actes criminels-, dans un très grand
12 nombre de cas ces patients vivaient d'abord un trouble psychotique, et
13 ensuite commettaient un acte criminel.
14 Question: Dans votre expérience professionnelle, avez-vous rencontré des
15 cas dans lesquels une personne avait commis un crime avant de développer
16 un trouble psychotique?
17 Réponse: Dans l'hôpital de la prison où j'ai travaillé, je n'ai pas eu
18 l'occasion de rencontrer un patient qui aurait d'abord commis un acte
19 criminel avant de tomber dans la psychose.
20 Tous les patients que j'ai rencontrés avaient, soit d'abord développé une
21 psychose et ensuite commis un acte criminel, soit commis un acte criminel
22 sans tomber dans la psychose, mais en présentant d'autres troubles.
23 Question: En Serbie, existe-t-il des dispositions qui permettent d'isoler
24 des personnes qui sont considérées par le médecin comme une menace pour
25 elles-mêmes ou pour autrui? En d'autres termes, des personnes qui sont
Page 3298
1 suffisamment perturbées mentalement pour qu'un médecin puisse appliquer à
2 ces personnes un traitement contraignant. Existe-t-il une telle
3 disposition dans le droit serbe?
4 Réponse: Nous pouvons envisager cela à deux niveaux différents. Si un
5 patient souffre de troubles psychotiques et si ce trouble se manifeste
6 chez lui sous la forme d'une agressivité et d'un comportement agressif, il
7 est hospitalisé et subit un traitement médical. Suite à ce traitement
8 médical, on le renvoie chez lui.
9 Mais dans certains cas, un patient qui souffre de psychose commet un acte
10 criminel, un crime de sang ou une tentative de meurtre ou encore il peut
11 menacer son environnement, les personnes qui l'entourent, son entourage.
12 Donc dans ce cas, on lui impose ce que l'on appelle des mesures de
13 sécurité, c'est-à-dire qu'on lui impose un traitement thérapeutique dans
14 un endroit où il est sous bonne garde, donc en prison. Et ceci est une
15 proposition qui émane d'un tribunal sur proposition d'un médecin, à moins
16 que ce ne soit à la demande de la famille ou d'autres personnes lésées.
17 Question: Aux termes du droit serbe, si vous aviez pensé que le trouble
18 psychique de M. Vasiljevic était suffisamment grave, vous auriez eu le
19 droit d'engager cette procédure avec l'accord de votre tuteur, et donc
20 d'imposer un traitement sous contrainte à M. Vasiljevic, n'est-ce pas?
21 Réponse: Il n'a pas été hospitalisé dans notre département suite à la
22 commission d'un quelconque acte criminel, mais parce qu'il était agité,
23 perturbé, et cette perturbation ainsi que cette agitation ont guéri au
24 cours du traitement, ont disparu. Donc au moment où il a été renvoyé chez
25 lui, il ne présentait aucun danger pour son entourage.
Page 3299
1 S'il avait présenté un danger pour son entourage, j'aurais absolument
2 informé de cela mon tuteur et nous aurions engagé une procédure judiciaire
3 pour empêcher toute possibilité que ce patient dangereux rentre chez lui.
4 Question: Maître Domazet vous a demandé si le trouble psychique dont
5 souffrait M. Vasiljevic à l'époque avait pu être provoqué par l'alcool, et
6 vous avez répondu en disant: "l'alcool provoque la psychose". Vous avez
7 d'ailleurs ajouté que vous auriez eu besoin d'autres documents pour
8 prononcer un tel diagnostic.
9 Mais s'agissant de la personne qui s'occupait, sur le plan thérapeutique,
10 de M. Vasiljevic et en l'absence de tels documents supplémentaires, je
11 vous demande donc de vous appuyer uniquement sur vos souvenirs, et de
12 répondre à la question suivante: est-il possible que le trouble que vous
13 avez constaté chez M. Vasiljevic ait été le résultat de son alcoolisme?
14 Réponse: Sur la base des documents décrivant les traitements déjà
15 administrés à M. Vasiljevic, il est permis de conclure que la pathologie
16 alcoolique, lorsqu'il y a consommation ininterrompue d'alcool et qu'il
17 existe des conditions extraordinaires, ainsi qu'un niveau élevé de stress
18 et lorsque la vie est en danger, ou lorsque quelqu'un a perdu une personne
19 ou plusieurs personnes chères, eh bien, tous ces éléments peuvent
20 déboucher sur l'apparition d'un trouble psychotique aigu.
21 Mais dans le cas qui nous intéresse, je n'ai pas pu me prononcer de façon
22 plus précise, s'agissant de tous ces éléments, car nous n'avons pas
23 disposé des documents décrivant les thérapeutiques déjà administrées à M.
24 Vasiljevic, puisque le patient venait d'un autre état dans lequel
25 prévalait une situation hors du commun, et que l'épouse du patient n'a pas
Page 3300
1 apporté avec elle une documentation suffisante.
2 De sorte qu'à ce moment-là, nous n'avions pas une image complète de sa
3 maladie. D'ailleurs, c'est ce qui est écrit dans la lettre, dans le
4 document, que j'ai rédigé au moment de la sortie du patient de l'hôpital.
5 J'ai dit qu'il s'agissait d'une première hospitalisation, alors qu'en
6 fait, il y en avait eu d'autres, mais je ne disposais pas des documents
7 précédents.
8 Donc le seul diagnostic que j'ai pu prononcer était celui de psychoses
9 indéterminées, avec image de troubles psychotiques aigus et transitoires,
10 car je ne disposais pas des documents décrivant suffisamment en détail le
11 passé de ce patient.
12 Question: Conviendrez-vous avec moi qu'au cours du traitement de M.
13 Vasiljevic, il aurait été utile de disposer de ces documents pour mieux
14 l'aider, ces documents décrivant les traitements antérieurs?
15 Réponse: Ces documents auraient pu aider à déterminer l'étiologie de la
16 maladie avec une plus grande précision, c'est-à-dire de déterminer
17 exactement la cause du développement de ce trouble psychotique, ce qui
18 signifie que le trouble psychotique dont souffrait ce patient aurait pu
19 être recouvert également par l'expression "psychose alcoolique" dans ce
20 cas.
21 Question: Si vous aviez su à ce moment-là qu'il avait déjà été traité à
22 plusieurs reprises pour alcoolisme, cela aurait-il modifié le diagnostic
23 que vous avez prononcé, correspondant à l'époque à la classification
24 298.9? Si vous aviez connu l'historique de la pathologie de ce patient,
25 cela aurait-il changé votre diagnostic?
Page 3301
1 Réponse: Selon la neuvième classification internationale des pathologies,
2 les psychoses alcooliques de ce genre entrent dans ce que l'on appelle les
3 psychoses indéterminées qui correspondaient à l'époque au code 298.9.
4 Question: Aujourd'hui, vous rappelez-vous, si au moment où vous l'avez
5 considéré comme entrant dans la catégorie 298.9, vous avez pensé qu'il
6 souffrait d'une psychose alcoolique ou s'il souffrait d'une psychose
7 indéterminée liée à l'alcool. Avez-vous un souvenir précis à ce sujet
8 aujourd'hui?
9 Réponse: Oui, le diagnostic correspondant au code 298.9 est un diagnostic
10 qui recouvre tous les troubles psychotiques, correspondant ou produisant
11 une image clinique similaire, indépendamment de l'étiologie.
12 Question: Dans le cadre de la 10e classification internationale, c'est-à-
13 dire celle qui s'applique aujourd'hui, tout cela correspondrait-il au code
14 F23.0? Enfin, je me reprends: la psychose alcoolique serait-elle couverte
15 par le code F23.0?
16 Réponse: Dans le cadre de la nouvelle classification internationale,
17 c'est-à-dire la 10e, lorsqu'on a une image complète des différents
18 traitements subis par le patient, très vraisemblablement un tel patient
19 correspondrait au code F10.5 qui recouvre les psychoses alcooliques,
20 aujourd'hui. F10.5.
21 Question: Docteur, j'ai pris quelques notes au moment où vous décriviez
22 les symptômes et j'aimerais les revoir avec vous, si vous voulez bien,
23 pour vérifier si je n'en ai pas oublié un.
24 Si je ne m'abuse, vous avez parlé des symptômes suivants: agitation,
25 perturbation du processus de pensée et extrême nervosité. Sont-ce là les
Page 3302
1 seuls symptômes que vous avez constatés?
2 Réponse: On a pu constater quel était l'état du patient à son admission,
3 d'ailleurs on l'a entendu, mais les autres fonctions ne pouvaient pas être
4 jugées.
5 Question: Pourriez-vous préciser votre pensée? Voulez-vous dire qu'il y
6 avait d'autres symptômes éventuels que vous ne pouviez pas juger à ce
7 moment-là?
8 Réponse: Les fonctions psychiques peuvent être examinées en détails
9 uniquement si le patient est en état de contrôler son comportement et s'il
10 ne souffre pas de troubles psychomoteurs. Ultérieurement, au moment où il
11 a été renvoyé chez lui, on a pu constater qu'il était tranquille, calme et
12 que la seule chose que l'on pouvait remarquer était la présence d'une
13 certaine rapidité de mouvements et de parole.
14 Question: Vous avez utilisé l'expression "contrôler son comportement".
15 Pourriez-vous, à notre intention, décrire la différence qui peut exister
16 entre quelqu'un qui est fâché -et qui, donc, est agressif de façon
17 délibérée-, et quelqu'un qui est incapable de contrôler son comportement?
18 Pourriez-vous nous dire quels éléments vous preniez en compte pour établir
19 cette différence?
20 Réponse: Quelqu'un qui fait quelque chose de façon délibérée doit
21 s'arrêter à un certain moment; il ne peut pas simuler un comportement
22 anormal pendant des périodes prolongées et d'une façon identique en
23 permanence alors qu'un homme malade, un patient présente un comportement
24 perturbé de façon continue et présente une agitation prononcée qui ne peut
25 être guérie que par un traitement approprié.
Page 3303
1 Question: Dans le cas de M. Vasiljevic, pourriez-vous nous dire si,
2 s'agissant du symptôme dont vous venez de parler à l'instant, il était
3 continu ou pas?
4 Réponse: A en juger par tous les éléments constatables, il était permis de
5 dire que ce symptôme était continu.
6 Question: Ceci figure-t-il où que ce soit, au niveau du diagnostic, dans
7 le document que vous avez actuellement sous les yeux?
8 Réponse: 298.9, au niveau de l'anamnèse. Dans le document d'anamnèse, au
9 niveau du diagnostic prononcé au moment où le patient est rentré chez lui,
10 ainsi que dans le document délivré au patient pour rentrer chez lui.
11 Question: Vous venez de nous dire que le code 298.9 pouvait correspondre à
12 une psychose alcoolique. Ceci signifie-t-il que ce comportement s'est
13 poursuivi de façon continue également?
14 Réponse: Je ne vous ai pas très bien compris.
15 M. Groome (interprétation): Apparemment, à l'époque, le code 298.9 pouvait
16 recouvrir toute une série de psychoses diverses.
17 La question que je vous pose est la suivante: l'incapacité à contrôler son
18 comportement de façon continue aurait-elle également constitué un symptôme
19 caractéristique de la psychose alcoolique?
20 M. Simic (interprétation): Le code 298.9 était effectivement ce que l'on
21 appelait à l'époque un diagnostic utile, c'est-à-dire que c'était un code
22 qui recouvrait un spectre très large de troubles psychotiques, et que
23 c'était également un code que l'on utilisait très fréquemment dans la
24 classification.
25 Quant à sa psychose alcoolique, elle relevait de cette catégorie à une
Page 3304
1 nuance près, à savoir que toutes les psychoses sont traitées au départ par
2 le même médicament, indépendamment de l'étiologie. La psychose alcoolique,
3 donc, est traitée grâce au même produit thérapeutique que les autres
4 psychoses et elle présente une durée qui est similaire à celle des autres
5 psychoses.
6 M. le Président (interprétation): Avant de suspendre l'audience je vous
7 demande, Maître Domazet, ce que vous souhaitez que nous fassions des
8 documents que vous aviez produits. Je parle du document en BCS que vous
9 avez produit, ainsi que de la traduction anglaise que l'accusation a
10 produite.
11 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais que ces
12 documents soient versés au dossier en tant que pièce à conviction de la
13 défense D30, si je ne m'abuse.
14 M. le Président (interprétation): Des objections, du côté de l'accusation?
15 M. Groome (interprétation): Non, Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation): Merci. L'original BCS sera la pièce D30
17 et la traduction anglaise sera la pièce D30.1.
18 Suspension jusqu'à 11 heures 30.
19 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
20 M. le Président (interprétation): C'est à vous, Monsieur Groome.
21 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
22 Docteur Simic, je voudrais que nous revenions au diagnostic 298.9 dont
23 vous avez parlé.
24 Est-ce que tout état de psychose qui est classé sous le code 298.9 sous-
25 entend forcément ce que vous avez décrit comme par impossibilité de
Page 3305
1 contrôler son comportement sur une période indéterminée? Est-ce que tout
2 diagnostic faisant partie de cette catégorie-là devrait forcément avoir
3 ces caractéristiques?
4 M. Simic (interprétation): Oui.
5 Question: Les symptômes autres dont vous avez parlé sont ceux relatifs à
6 l'agitation. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que vous sous-
7 entendez par là au juste, et la façon dont cette façon agitée de se
8 comporter se manifestait chez M. Vasiljevic?
9 Réponse: Quand on dit "agitation", cela signifie un comportement
10 incontrôlé. Et cet état d'agitation est une espèce de comportement où le
11 manque de contrôle se trouve être très prononcé.
12 Question: Mais ces symptômes-là correspondraient-ils au comportement de
13 celui qui fait une crise d'abstention ou de privation d'alcool?
14 Réponse: Cette image clinique de la psychose aiguë, de ces troubles, se
15 trouve être très semblable voire identique à ce que je viens de décrire,
16 quelle que soit l'étiologie.
17 Question: Mais ces symptômes d'agitation, pouvez-vous nous dire, pendant
18 qu'il avait été au département psychiatrique, pendant combien de temps il
19 avait souffert de ces symptômes-là?
20 Réponse: Ce qui est certain, c'est que cela avait été remarqué ou constaté
21 lors de son admission; le reste n'a pas été enregistré avec précision dans
22 son anamnèse.
23 Toutefois, la période habituelle au long de laquelle une telle image se
24 perpétue, lorsque cela s'accompagne d'une thérapeutique appropriée,
25 n'excède pas deux jours.
Page 3306
1 Question: Quand vous nous dites "thérapeutique", est-ce vous parlez de
2 thérapie moyennant médicaments?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Bien.
5 Vous vous êtes servi des termes "manifestation de symptômes visibles,
6 remarquables". Est-ce que cela était visible pour vous qui êtes un
7 spécialiste en la matière, ou est-ce que d'autres médecins, d'autres
8 infirmières dans l'hôpital, seraient en mesure de reconnaître les mêmes
9 symptômes? Est-ce que cela serait tout aussi visible pour le reste du
10 personnel médical?
11 Réponse: Eh bien, ces symptômes sont visibles pour toute personne parce
12 que l'image, la manifestation est très marquée. C'est un comportement qui
13 ne peut être, ne peut pas passer inaperçu; c'est un comportement où l'on
14 voit un grand bouleversement, une grande agitation.
15 Sans avoir de connaissances médicales, on peut donc s'en rendre compte
16 sans savoir qu'il s'agit d'une perturbation, d'un trouble psychotique. Les
17 gens ont l'habitude de dire: "Il est fou".
18 Question: D'après votre expérience, la manifestation de ces symptômes est-
19 elle une chose qui s'active rapidement, ou est-ce que c'est une chose qui
20 s'active au fur et à mesure que le temps s'écoule?
21 Réponse: Ces troubles psychotiques, dans l'intensité dont nous parlons,
22 dans laquelle l'intéressé se trouvait, étaient certainement au niveau le
23 plus élevé. C'est la raison pour laquelle il a été transféré au
24 département de psychiatrie.
25 Mais il peut arriver, dans un certain nombre de troubles dont font partie
Page 3307
1 les troubles liés à l'alcoolisme, qu'il y ait eu des manifestations de
2 comportement visibles de ce type. Chose qui pourrait être, pourrait
3 dériver de son environnement, de sa famille. Et ici, dans l'historique de
4 sa maladie, d'après les déclarations de son épouse, ce comportement était
5 visible.
6 Ce comportement, ces manifestations de trouble étaient visibles. Il
7 restait plus longtemps au travail que nécessaire et sa façon de se
8 comporter dénotait du comportement habituel qu'il avait eu jusque-là,
9 avant donc son admission à l'hôpital.
10 M. Groome (interprétation): Docteur, vous nous dites que selon les
11 observations faites par sa femme, il restait plus longtemps que d'habitude
12 ou que nécessaire au travail, et son comportement s'était mué, transformé.
13 Est-ce que, partant de là, vous pourriez également dire qu'il souffrait de
14 psychose avant que d'arriver au département psychiatrique?
15 M. Simic (interprétation): Je n'ai jamais dit qu'il avait souffert de
16 psychose avant son arrivée à l'hôpital. J'ai dit que selon les
17 déclarations de son épouse, son comportement dénotait du comportement des
18 autres, et il se faisait remarquer pour ces raisons-là. Il n'avait pas été
19 hospitalisé pendant cette période-là. Il a été hospitalisé lorsqu'il est
20 arrivé à notre département. Nous pouvons donc parler de l'image clinique
21 qu'il présentait lors de son admission parce qu'avant cela nous ne
22 l'avions pas vu.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je ne voudrais pas
24 qu'il y ait des problèmes par la suite pour cette raison-là, mais votre
25 question avait été de savoir si l'accusé avait souffert de psychose avant
Page 3308
1 que d'arriver au département psychiatrique. Le médecin a répondu, pour
2 autant que j'ai pu le comprendre, en parlant de la période avant son
3 arrivée à l'hôpital. Cela peut être important.
4 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Je voudrais… Il se peut que la réponse
6 englobe votre question, mais je ne voudrais pas qu'il y ait des problèmes
7 par la suite.
8 M. Groome (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation): Et soit dit en passant, rappelez-moi… Je
10 n'ai pas le document ici, mais il avait été admis le 14 juin. Mais quand
11 est-ce qu'il avait été transféré au département de psychiatrie?
12 M. Groome (interprétation): Je crois qu'il s'agissait du 7, il avait été
13 admis le 7 et l'admission a eu lieu le 8.
14 M. le Président (interprétation): Donc le 7 juillet.
15 M. Groome (interprétation): Oui.
16 M. le Président (interprétation): Donc trois semaines après l'admission à
17 l'hôpital.
18 M. Groome (interprétation): C'est cela.
19 Docteur, s'agissant de symptômes que vous avez décrits, cela avait été
20 quelque chose qui était apparent, évident, à toute personne, personnel
21 médical et non médical, n'est-ce pas?
22 M. Simic (interprétation): Oui.
23 Question: Pouvez-vous nous parler maintenant de la procédure hospitalière,
24 lorsqu'il y a un patient qui vient avec des troubles psychologiques et
25 psychiques graves. Que fait-on d'habitude à l'hôpital d'Uzice dans des cas
Page 3309
1 pareils?
2 Réponse: Dans le cas où le patient serait psychotique et manifestement
3 bouleversé, il est hospitalisé au département psychiatrique. Maintenant,
4 s'il y a des perturbations psychosomatiques, on s'adresse à des services
5 spécialisés, compétents.
6 Question: Pouvons-nous déduire de l'historique de la maladie, de
7 l'anamnèse de M. Vasiljevic, qu'à l'époque où il avait été amené
8 initialement à l'hôpital d'Uzice, il n'y a pas tout de suite eu de
9 symptômes apparents de troubles psychologiques?
10 Réponse: Nous pouvons constater seulement qu'il a été admis à un autre
11 département pour un autre problème, mais il n'avait pas, à l'occasion de
12 cette admission-là, été examiné par un psychiatre. Il avait été examiné
13 par un spécialiste dans la matière, dans la spécialité pour laquelle il y
14 avait une prescription médicale.
15 Lorsqu'un patient vient avec une prescription médicale dans un service
16 spécialisé, il est examiné par le spécialiste en question. Le spécialiste
17 en question adopte des conclusions qui sont les siennes. Il n'est pas
18 examiné par tous les spécialistes, il est examiné par le spécialiste vers
19 lequel il avait été dirigé moyennant une prescription médicale.
20 Question: N'aurions-nous pas raison de conclure que, lors de son admission
21 initiale à l'hôpital d'Uzice, le médecin qui l'a admis n'avait constaté
22 aucune nécessité de l'envoyer vers le service de psychiatrie? Donc,
23 personne n'avait jugé utile de faire évaluer son état psychique? Est-ce
24 que c'est bien ce que nous pouvons tirer comme conclusion depuis les
25 registres?
Page 3310
1 Réponse: Nous pouvons constater qu'à l'admission, il n'a pas été consulté
2 de psychiatre.
3 Question: Pouvons-nous également conclure qu'il avait manifesté de façon
4 apparente les symptômes que vous avez décrits, que s'il avait manifesté
5 ces symptômes l'évolution du traitement aurait été autre?
6 On l'aurait probablement envoyé vers le département psychiatrique, et le
7 spécialiste en orthopédie pourrait par la suite prendre soin des mesures
8 orthopédiques à mettre en oeuvre à son égard. Est-ce que c'est ce qu'on
9 peut conclure?
10 Réponse: Ce qu'on peut conclure, c'est qu'il a été admis à l'orthopédie et
11 que, d'après ce qu'on a pu voir, il avait souffert d'une blessure grave.
12 Avec une telle blessure, même étant psychotique, il ne pouvait manifester
13 son état psychotique parce qu'il devait certainement être sous l'effet de
14 douleurs et de cette immobilisation, de la peur de la blessure subie; ce
15 qui fait que son état bouleversé pouvait également d'écouler de la
16 blessure subie.
17 Quand il s'agit de blessures, ce sont des cas de ce type, il s'agit de cas
18 d'urgence. Il a tout de suite été opéré. De ce fait, l'on a consulté un
19 psychiatre que, ultérieurement, au moment où il avait commencé à
20 manifester un comportement psychotique dans le courant même de son
21 hospitalisation.
22 Question: Docteur, vous êtes en train d'émettre des hypothèses sur ce qui
23 aurait pu ou n'aurait pas pu faire, concernant les soins à lui
24 administrer, mais vous ne le savez pas partant de vos connaissances ou
25 partant d'une certaine documentation?
Page 3311
1 Réponse: Il n'a pas été examiné par quelque psychiatre que ce soit au
2 moment de l'admission. Je ne dirai tout de même pas que je spécule, mais
3 je fonde mes dires plutôt sur ce qui figure dans son anamnèse, où l'on
4 voit qu'il s'agissait d'une fracture grave qui avait nécessité une
5 opération. Donc il s'agissait d'une blessure grave; je n'ai en aucune
6 façon spéculé concernant son état psychique ou somatique.
7 Question: Etes-vous en train de suggérer qu'au fil des trois semaines, il
8 avait pu recevoir des analgésiques qui avaient pu supprimer ou comprimer
9 la manifestation de symptômes psychotiques, comme vous l'avez décrit? Est-
10 ce que c'est bien ce que vous nous dites?
11 Réponse: Les analgésiques? Sûrement pas.
12 Question: Mais savez-vous qu'il y avait eu un médicament quelconque qui
13 lui était administré à l'époque et qui aurait, à votre avis, pu comprimer
14 les symptômes de psychose?
15 Réponse: Je n'ai pas ici d'aperçu de la liste de la thérapeutique
16 administrée à son égard.
17 Question: Docteur, l'une des choses que nous avons entendu dire ici, c'est
18 qu'il y avait eu des extensions, une extension de sa jambe, et au moment
19 où il est arrivé en psychiatrie il a fallu l'attacher.
20 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il était si agité, si nerveux,
21 qu'il manifestait de façon aussi forte les symptômes, qu'il avait pu
22 blesser, se blesser lui-même la jambe qui était immobilisée? Seriez-vous
23 d'accord avec moi pour dire cela?
24 Réponse: Est-ce que vous me posez la question pour ce qui concerne la
25 période dans laquelle sa jambe était immobilisée? Je n'ai pas très bien
Page 3312
1 compris votre question.
2 Question: Il me semble que vous ne sauriez nous dire avec précision quand;
3 mais peu de temps après son arrivée au département de psychiatrie, il a
4 été lié à son lit, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Seriez-vous donc d'accord avec moi pour dire qu'indépendamment
7 du comportement qu'il avait manifesté, que vous aviez dû dire au personnel
8 de l'attacher à son lit? S'il avait manifesté ces mêmes symptômes pendant
9 que l'on plaçait des extensions sur sa jambe, cela aurait-il mis en danger
10 la reconvalescence, sa reconvalescence pour ce qui est de la jambe cassée?
11 Réponse: Eh bien, c'est une chose à laquelle il est difficile de répondre
12 étant donné qu'il n'avait pas, à ce moment-là, été examiné par l'un
13 quelconque des psychiatres. Et si l'on spéculait, on pourrait dire que le
14 personnel du département orthopédique n'avait pas reconnu ou identifié un
15 comportement psychotique, et eux ne sont pas tenus d'identifier une
16 psychose. Ils ont probablement réagi lorsque la chose avait pris des
17 formes très marquées de comportement psychotique, et c'est à ce moment-là
18 seulement qu'ils ont consulté un psychiatre.
19 Question: Je voudrais que nous nous entretenions quelque peu de cette
20 psychose alcoolique dont vous avez parlé.
21 La question est la suivante: ne serait-il pas exact de dire que cette
22 psychose concrète est initiée lorsqu'il y a abstention de cette personne,
23 lorsque cette personne ne reçoit pas sa dose quotidienne d'alcool? Est-ce
24 que c'est là une chose qui est susceptible d'initier, d'amorcer la
25 psychose en question?
Page 3313
1 Réponse: Parlant des fondements de comportement psychotique, de quelque
2 sorte qu'il s'agisse, il pourrait être question d'une perturbation du
3 système nerveux central, perturbation du système nerveux central qui se
4 manifeste par les symptômes décrits, avec prédominance de comportements où
5 l'on avait perdu le contrôle, agressivité, agitation et autres symptômes.
6 Selon les cas, en cas d'abstention d'un alcoolique, on peut dire que
7 l'alcool est l'élément qui a causé la détérioration du système nerveux
8 central. Donc, si le patient est dépendant de cette dose d'alcool, il y a
9 ce syndrome d'abstention, donc la manifestation de certains symptômes de
10 manque, de besoin d'une certaine substance, la substance dont on est
11 dépendant. Et il se peut qu'une diminution de la quantité de cette
12 substance se traduise par une manifestation d'abstinence, d'abstention.
13 Mais les causes de cette psychose résident dans la détérioration du
14 cerveau, et non pas dans le syndrome d'abstinence.
15 Question: Aurais-je raison de dire que l'un des symptômes d'abstinence
16 chez les personnes qui sont de graves alcooliques est celui de
17 l'agitation? Ne serait-ce pas là le symptôme auquel on s'attendrait chez
18 une personne qui ne consomme plus d'alcool? Oui ou non?
19 Réponse: Je n'ai pas très bien compris votre question.
20 Question: Est-ce que ce symptôme d'agitation serait également le symptôme
21 que l'on constaterait chez une personne qui est dépendante de l'alcool et
22 qui ne consomme plus d'alcool? Est-ce que cette agitation pourrait être
23 l'un des symptômes de l'agitation?
24 Réponse: Il n'y a pas de règle; c'est assez individuel et cela dépend en
25 grande mesure de l'état du système nerveux central. En premier lieu, du
Page 3314
1 temps pendant lequel, de la période pendant laquelle on avait consommé de
2 l'alcool, de l'intensité de cette consommation, de la situation générale
3 de l'organisme et de bon nombre de facteurs extérieurs et de facteurs
4 intrinsèques. Ce qui fait qu'il est difficile de fixer des règles
5 générales nettes parce que chaque patient est un cas à part, un cas tout à
6 fait distinct.
7 Question: Je ne vous ai pas posé de question concernant les règles
8 générales. Je voulais savoir si seulement les symptômes d'agitation
9 étaient des symptômes possibles quand il s'agit d'abstinence.
10 Réponse: S'agissant de ce… C'est possible. Quand il y a abstinence, il
11 peut y avoir manifestation de troubles, de tensions. Mais ce syndrome
12 d'abstinence ne sous-entend absolument pas un comportement psychotique; ce
13 sont deux entités, deux ensembles distincts. L'abstinence a une
14 manifestation: tension, nervosité, besoin d'une substance, besoin ressenti
15 de prendre une substance. Et quand il s'agit d'un désordre psychotique
16 c'est plus drastique. Cela se manifeste de façon plus drastique, à un
17 niveau plus élevé, plus puissant. C'est classifié de façon autre. Il ne
18 s'agissait pas d'un syndrome ici d'abstinence.
19 Question: Mais ce que vous avez remarqué, s'agissant de M. Vasiljevic,
20 vous a t-il permis de conclure qu'il ne souffrait pas de cette abstinence?
21 Réponse: S'il avait souffert ou s'il avait présenté des symptômes
22 d'abstinence, ils n'ont pas été enregistrés. Remarquez, parce qu'il
23 s'était passé quelque trois semaines depuis son admission à l'hôpital. Ce
24 syndrome d'abstinence devait se manifester dès la cessation de la prise de
25 sa substance et non pas au bout de trois semaines de séjour à l'hôpital.
Page 3315
1 Question: Docteur, imaginons un instant autre chose: s'il n'avait pas
2 passé à l'hôpital une semaine ou trois semaines, s'il n'avait passé que
3 quelques jours et s'il n'avait cessé de prendre de l'alcool que quelques
4 jours avant que vous ne le voyiez, est-ce que les symptômes que vous avez
5 remarqués chez vous coïncideraient avec les symptômes auxquels on
6 s'attendrait chez une personne qui a cessé de boire, de prendre de
7 l'alcool?
8 Réponse: Il s'agissait ici, dans le cas concret, d'une perturbation
9 psychotique et non pas d'un syndrome d'abstinence.
10 Question: Donc, vous êtes en mesure de nous dire avec certitude qu'aucun
11 des symptômes que vous avez remarqués, relevés chez M. Vasiljevic
12 n'avaient rien à voir avec le fait d'avoir cessé de prendre de l'alcool?
13 Réponse: Personne ne pourrait vous l'affirmer. Ce qui est apparent dans
14 une perturbation psychotique, c'est un niveau dramatique de perturbation;
15 ce qui fait que personne ne saurait dissocier chez un patient psychotique
16 des éléments d'abstinence, étant donné que la psychose est un trouble, un
17 bouleversement très important et de très grande envergure.
18 Ce que nous avons ici, c'est qu'un patient a été amené au département
19 psychiatrique au bout de trois semaines, ce qui fait que les syndromes de
20 l'abstinence ont dû se manifester bien plus tôt.
21 Question: Pouvez-vous nous dire autre chose: quand quelqu'un cesse de
22 consommer de l'alcool, combien de temps il se passe avant que nous ne
23 remarquions l'apparition de ces symptômes d'abstinence?
24 Réponse: Il faudrait d'abord qu'il ait une maladie, qu'il souffre d'une
25 dépendance quelconque par rapport à une substance donnée, pour qu'il y ait
Page 3316
1 manifestation de ce syndrome d'abstinence qui est en même temps l'un des
2 critères diagnostiqués pour ce qui est des maladies de dépendance de
3 certaines substances.
4 S'agissant de patients consommant de l'alcool, il n'y a pas de
5 développement de cette maladie de dépendance, mais là où cela est le cas,
6 l'abstinence se manifeste très vite, dans un délai de 24 à 48 heures après
7 la cessation de la consommation d'une substance donnée. S'agissant de cas
8 drastiques, aigus, il y a un syndrome de prédélire, avec les mains qui
9 tremblent, avec une sudation renforcée, manifestation de peur.
10 Question: Avez-vous vu l'une quelconque de ces manifestations chez M.
11 Vasiljevic?
12 M. Simic (interprétation): Ces symptômes-là n'ont pas été remarqués chez
13 M. Vasiljevic.
14 M. Groome (interprétation): Je voudrais vous montrer un document, et je
15 voudrais qu'il porte une annotation à celle du document de l'accusation
16 165.
17 Je demanderai que l'on montre au docteur l'original, et j'ai ici des
18 copies pour toutes les parties et la Chambre.
19 (Intervention de l'huissier.)
20 En fin du document en question, nous avons une traduction en anglais. Je
21 m'excuse qu'il n'y ait pas de cote encore, mais je voudrais que
22 l'annotation portée soit celle du document de l'accusation 165.1.
23 Docteur, est-ce que vous reconnaissez ...
24 M. le Président (interprétation): Juste un moment, je vous prie.
25 Est-ce que ce document 165 est un document de trois pages avec un document
Page 3317
1 joint qui devrait être le 165.1? Eh bien, assurez-vous que le docteur
2 reçoive une traduction anglaise, mais il n'a pas besoin de toutes les
3 pages jaunes, et je crois qu'il n'a pas besoin de la traduction, en fin de
4 compte?
5 M. Groome (interprétation): Oui, je crois que c'est bien le document qu'il
6 a.
7 Docteur, est-ce que vous reconnaissez ce document 165? Pouvez-vous nous
8 dire de quoi il s'agit?
9 M. Simic (interprétation): Il s'agit d'une feuille de thérapie
10 administrée.
11 Question: Et cette feuille montre-t-elle tous les médicaments administrés
12 à M. Vasiljevic pendant qu'il avait été au département de psychiatrie?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Ai-je raison de dire qu'en début, ou plutôt en dernière page le
15 document, en fin de compte, est placé dans un ordre qui est l'inverse de
16 l'ordre normal.
17 Réponse: C'est juste agrafé de cette façon-là. Ici on suit par exemple, on
18 va de l'arrière vers l'avant. Donc c'est bien le document en question,
19 mais on l'a rangé dans un ordre inverse.
20 Question: Je voudrais que vous vous penchiez sur la page 3, elle porte la
21 date du 8 juillet. Je vous prie de nous dire si c'est la première fois que
22 l'on a administré des médicaments à M. Vasiljevic au département de
23 psychiatrie.
24 Réponse: Dès l'admission d'un patient, il est procédé à l'établissement de
25 cette feuille de thérapie administrée, et tous les médicaments administrés
Page 3318
1 sont obligatoirement notés dessus.
2 On voit ici que la liste, la feuille en question a été mise en place ou
3 établie en date du 7 juillet et on voit que le patient s'est fait
4 administrer des ampoules, plutôt des piqûres; dans le cas concret, il
5 s'agissait de Topral. Le Topral est un antipsychotique extrêmement
6 puissant qui était administré toutes les 8 heures, ce qui abonde dans le
7 sens de ce bouleversement, de cette agitation extrême chez lui parce que
8 c'est une thérapeutique pratiquée pour des patients très agités,
9 extrêmement agités. On voit aussi que ces piqûres lui avaient été
10 administrées pendant six jours encore.
11 Question: Docteur, avant que de passer à une question concrète à ce sujet,
12 je voudrais d'abord que vous nous disiez s'il s'agit bien de la feuille de
13 soins médicaux qui ont été administrés à M. Vasiljevic?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Voyez-vous quoi que ce soit d'inhabituel, des marques
16 inhabituelles qui, à votre avis, ne se trouvaient pas sur le document
17 original?
18 Réponse: Non. Ceci est le document original. Et le médicament Largactil
19 c'est quelque chose que l'on a… qui a été porté là, et c'est mon écriture,
20 par mes soins. C'est moi qui lui ai prescrit ce Largactil et des ampoules
21 de Novalgetol, probablement en raison de douleurs qu'il avait. Je l'ai
22 prescrit le 21.
23 Ici, on voit l'écriture...
24 M. Groome (interprétation): En ce moment, je voudrais me limiter à
25 quelques questions sur le premier volet. Mais auparavant, je voudrais que
Page 3319
1 ces documents soient versés au dossier: 165 et 165.1.
2 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections?
3 M. Domazet (interprétation): Non.
4 M. le Président (interprétation): Ces documents sont donc versés au
5 dossier sous les cotes 165, 165.1.
6 M. Groome (interprétation): Docteur, je voudrais que nous revenions
7 maintenant sur ce médicament que l'on appelle Topral. Est-ce que c'est un
8 sédatif?
9 M. Simic (interprétation): C'est un antipsychotique.
10 Question: Est-ce que vous pourriez nous décrire les effets que ce
11 médicament a sur les patients?
12 Réponse: Il s'agit d'un antipsychotique des plus puissants qui agit sur le
13 calmement de l'agitation psychomotrice, et ensuite…
14 Question: Est-ce qu'on l'utilise pour le traitement d'autres maladies, à
15 part les psychoses?
16 Réponse: Non.
17 Question: Le prochain médicament sur cette liste, est-ce que vous pourriez
18 nous dire de quoi il s'agit?
19 Réponse: Il s'agit du médicament Nozinan. Génériquement, c'est du
20 Metromazin.
21 Question: Est-ce que vous pourriez nous épeler le nom correct du premier
22 médicament, du Topral?
23 Réponse: T-O-P-R-A-L.
24 Question: Est-ce que vous pourriez épeler le deuxième médicament?
25 Réponse: N-O-Z-I-N-A-N.
Page 3320
1 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner, épeler l'équivalent
2 générique de ce médicament?
3 Réponse: L-E-V-O-M-E-P-R-O-M-A-Z-I-N-E.
4 Question: Est-ce que vous voudriez reprendre?
5 Réponse: L-E-V-O-M-E-P-R-O-M-A-Z-I-N. La première lettre est L.
6 Question: Docteur, est-ce que vous pouvez lire l'anglais?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce que le médicament a été correctement épelé, transcrit sur
9 le moniteur?
10 Réponse: La première lettre du médicament est "L", "LEVOMEPROMAZIN".
11 Question: Excusez-moi...
12 Réponse: Donc, Levomepromazin.
13 M. le Président (interprétation): Essayez encore une fois. Est-ce que vous
14 voudriez bien l'épeler encore une fois, Monsieur le Témoin?
15 M. Simic (interprétation): L-E-V-O-M-E-P-R-O-M-A-Z-I-N-E. Okay.
16 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on pourrait revenir à la ligne
17 11? Est-ce que c'est enfin le nom correct du médicament en question?
18 M. Simic (interprétation): Oui.
19 M. le Président (interprétation): Félicitation aux deux!
20 M. Groome (interprétation): Le Topral, quel est l'équivalent générique de
21 ce médicament?
22 Réponse: Je ne pourrais pas vous le dire parce que nous l'avons obtenu
23 dans le cadre d'une assistance, d'une aide humanitaire. C'est le
24 médicament que nous utilisions à l'époque. Aujourd'hui nous ne l'utilisons
25 pas dans nos cliniques. Pendant les dix dernières années dans ma pratique
Page 3321
1 je n'ai pas rencontré ce médicament.
2 Question: Et le dernier médicament sur cette liste, est-ce que vous
3 pourriez nous dire le nom? Est-ce que vous pourriez nous épeler le nom de
4 ce dernier médicament?
5 Réponse: H-L-O-R-P-R-O-M-A-Z-I-N.
6 Question: Est-ce que c'est le médicament qui figure dans la ligne 3 de la
7 page précédente de cette liste de médicaments administrés?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Est-ce que c'est un médicament qui a eu son appellation ou
10 auquel vous vous référer à Uzice, ou est-ce qu'il s'agissait d'un nom
11 générique?
12 Réponse: C'était le nom générique.
13 Question: Et le médicament figurant dans la ligne 3, quel était le
14 médicament, quel était son nom?
15 Réponse: C'était le Largactil qu'il utilisait, donc le patient, et il
16 s'agissait du Chlorpromazin.
17 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous voudriez bien épeler le nom de
18 ce médicament?
19 M. le Président (interprétation): C'est une marque déposée, une
20 appellation très connue en ce qui concerne ce genre de médicaments. Eh
21 bien, du moins dans les milieux dans lesquels moi j'ai évolué dans le
22 temps.
23 M. Groome (interprétation): Est-ce qu'il y a eu d'autres médicaments qui
24 figuraient et qui ne se trouvent pas sur… dont vous n'avez pas parlé
25 jusqu'à présent?
Page 3322
1 M. Simic (interprétation): Oui, il s'agit du Flormidal, F-L-O-R-M-I-D-A-L.
2 Question: Vous nous avez dit ce que le Topral et quels sont ses effets, ce
3 qu'il représente et quels sont ces effets. Je suis un peu confus avec les
4 autres noms, mais dites-moi pourquoi, à quelle fin est utilisé le Nozinan?
5 Réponse: Il s'agit d'un sédatif antipsychotique extrêmement fort.
6 Question: Et pendant combien de temps M. Vasiljevic recevait-il, prenait-
7 il ce médicament?
8 Réponse: Eh bien, c'est inscrit, 5 jours, ensemble avec les ampoules de
9 Topral.
10 Question: Le Largactil, quel est l'effet de ce médicament?
11 Réponse: Un effet presque identique comme le Noziman, mais un peu moins
12 sédatif comme effet.
13 M. le Président (interprétation): L'épellation de ce troisième médicament
14 dans le compte rendu d'audience apparaît avec un circonflexe, il va donc
15 falloir le vérifier. Je pense qu'il faudrait corriger le transcript parce
16 qu'il y aura des différences en ce qui concerne les formules.
17 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous voudriez bien épeler, le
18 Largactil à l'intention du compte rendu de séance?
19 M. Simic (interprétation): L-A-R-G-A-C-T-I-L.
20 Question: Et pendant combien de temps M. Vasiljevic recevait, prenait ce
21 médicament?
22 Réponse: Sur cette feuille, les dates vont du 13 jusqu'à sa sortie, du 13
23 juillet jusqu'à sa sortie, soit le 28 juillet.
24 Question: Et le Flormidal quel est l'effet de ce médicament Monsieur le
25 Docteur?
Page 3323
1 Réponse: Le Flormidal appartient au groupe d'hypnotiques. Il s'agit de
2 médicaments pour les insomniaques, pour les troubles et les insomnies.
3 Question: Quel est l'effet de ce médicament sur le patient auquel il est
4 administré?
5 Réponse: Le patient s'endort, et dans ce cas précis on peut constater que
6 ce médicament n'a été administré que le 18 et 19, le soir. Autrement dit,
7 le patient ne pouvait pas dormir avec les médicaments administrés
8 régulièrement selon cette feuille de thérapie. Et puis on lui a ajouté ce
9 médicament et ensuite le médicament a été exclu.
10 Question: Ligne 3 de la deuxième page, quel est ce médicament-là?
11 Réponse: Novalgetol, ampoules.
12 Question: Vous n'avez pas parlé de ce médicament au cours de votre
13 déposition?
14 Réponse: Les ampoules de Novalgetol, il les a reçues le 21 juillet. Donc
15 il s'agit d'un analgésique, un médicament contre les douleurs.
16 Question: Est-ce que vous voudriez bien nous épeler ce médicament?
17 Réponse: N-O-V-A-L-G-E-T-O-L.
18 Question: Monsieur le Docteur, est-ce que vous pourriez nous dire quels
19 ont été les progrès de M. Vasiljevic au cours de ces quelques semaines, de
20 ces trois semaines qu'il a passées dans votre service?
21 Réponse: Mitar Vasiljevic était dans notre département du 7 juillet au 28
22 juillet. Donc à cette époque-là, cela ressort de la fiche des
23 thérapeutiques administrées, soit que du 7 au 12 il a été extrêmement
24 agité parce qu'il s'agit d'une thérapie maximum, le maximum que l'on n'ait
25 jamais administré dans ce genre de cas.
Page 3324
1 Du 13 juillet jusqu'au 19 juillet, on lui administrait une thérapie et des
2 médicaments qui dépassent le niveau standard, le niveau normal et le 19
3 juillet, on enregistre une aggravation de sa condition et il reçoit donc
4 une thérapie double, puis un médicament hypnotique pour qu'il puisse
5 dormir.
6 Question: Si nous revenons à cette 10e classification, catégorisation
7 internationale des maladies, le F23, et lorsque vous parliez des
8 désordres, des bouleversements psychotiques, est-ce qu'il serait correct
9 de dire que ces troubles psychotiques transitoires seraient ces troubles
10 qui étaient notés entre le 7 et le 12 juillet? Enfin, est-ce que ce serait
11 une analyse correcte de votre déposition?
12 Réponse: Non, pas tout à fait parce que le patient se trouvait sous une
13 très forte médication et puis il y a eu aggravation; nous le relevons sur
14 cette liste. Et on l'a laissé sortir presque guéri; pas totalement, mais
15 presque guéri.
16 Autrement dit, cet état psychotique se manifeste en épisodes, mais ces
17 épisodes ont des intervalles de temps et il faut six semaines pour que ces
18 épisodes soient assainis définitivement.
19 Ici, on remarque qu'il a été dans notre département trois semaines, et
20 puis il y a eu régression des symptômes les plus manifestes. Cette
21 thérapie a dû être poursuivie et un traitement en dispensaire a été
22 recommandé à cet égard.
23 Question: Lorsque vous disiez que son traitement devrait être poursuivi,
24 est-ce que ce serait un traitement qui serait plus modéré avec le
25 Largactil et le reste? Est-ce qu'il y aurait d'autres mesures
Page 3325
1 thérapeutiques qui auraient pu être appliquées, enfin, ces traitements qui
2 auraient dû être suivis et surveillés par un psychiatre?
3 Réponse: C'est justement ce qui a été dit dans la fiche de feuilles de
4 sortie. Une proposition, une recommandation thérapeutique a été: le
5 médicament Largactil en comprimés, 100 milligrammes trois fois par jour,
6 et ensuite contrôle, surveillance et poursuite du traitement.
7 Question: Dans cette fiche de sortie, est-ce que vous n'aviez pas
8 considéré nécessaire de lui recommander un contact, un examen avec un
9 autre psychiatre, un entretien avec un autre psychiatre à cet effet?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous avez parlé de ces comprimés, vous avez parlé du nombre de
12 comprimés par jour?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Dans votre déposition, vous avez dit qu'il était encore dans cet
15 état psychotique transitoire à cette époque-là?
16 Réponse: Il avait des troubles légers qui se manifestaient par un débit de
17 parole assez rapide et par une mobilité un peu plus rapide; puis un
18 trouble psychotique qui en quelque sorte régressait bien que lentement. Il
19 suffisait donc d'observer, de respecter la thérapie pour la période
20 prévue, contrôle, surveillance, afin d'établir son état de santé, sa
21 condition, et pour ordonner une autre thérapie.
22 Personnellement, je n'ai pas d'information sur son état de santé, sa
23 condition sanitaire à l'époque, et je ne sais pas si ce patient s'était
24 soumis à un autre contrôle de ce genre.
25 Question: Vous disiez qu'il parlait, qu'il se déplaçait très rapidement.
Page 3326
1 Est-ce que cela ressort de votre mémoire, de ce que vous vous remémorez?
2 Ou est-ce que vous avez des documents qui pourraient l'étayer?
3 Réponse: Je pense que je pourrais me baser sur des documents. C'est ma
4 phrase que j'ai notée. Donc je peux supposer ce qui est le fondement,
5 l'arrière de cette phrase.
6 M. Groome (interprétation): Cette phrase dont vous parliez, à savoir qu'il
7 parlait, était d'une mobilité rapide, est-ce que vous pourriez le trouver
8 dans ce document au moment de la sortie de l'hôpital?
9 M. Simic (interprétation): Oui, "plutôt mobilité et accélération de la
10 parole et des mouvements".
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je m'excuse de vous
12 interrompre, mais d'après le compte rendu et d'après cette liste
13 thérapeutique, le docteur a parlé de ces dates du 7 juillet au 28 juillet,
14 parlé d'une personne qui était très agitée. Mais le 7 juillet n'a été ni
15 admis, ni rejeté par le docteur.
16 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 Est-ce qu'on pourrait revenir à cette date du 12 juillet où le patient a
18 été impliqué dans ce trouble psychotique transitoire, et au-delà de cette
19 date? Est-ce qu'il y a eu régression progressive?
20 M. le Président (interprétation): On entend beaucoup les micros de la
21 cabine.
22 M.Simic (interprétation): Oui, oui, c'est exactement ce que vous avez dit.
23 Cela signifie que l'épisode psychotique a été extrêmement fort et donc
24 très intense jusqu'au 12 avec diminution progressive par la suite. Une
25 légère aggravation les 19 et 20, et ensuite à partir du 21, légère
Page 3327
1 diminution des symptômes jusqu'aux 28 sans aggravation, et le 28 le
2 patient est rentré chez lui, renvoyé chez lui à la demande de son épouse.
3 M. Groome (interprétation): Docteur, si on vous demandait de déterminer un
4 moment où le patient souffrait très nettement de cette psychose
5 transitoire, serait-ce un moment où le personnel médical d'Uzice a
6 contacté le département de psychiatrie et constaté des symptômes
7 particuliers chez M. Vasiljevic, qui ont été communiqués au département de
8 psychiatrie? Serait-ce ce moment qui serait le moment frontière, le moment
9 de démarrage de la psychose?
10 Réponse: Un moment où il a été observé par un psychiatre. Or j'ai déjà dit
11 que l'hétéro-anamnèse fournie par l'épouse permet de constater qu'il avait
12 eu un comportement extrêmement modifié déjà avant son transfert à
13 l'hôpital. Ceci n'a pas été consigné dans un document médical à l'époque.
14 Question: J'aimerais que nous revenions sur ce que vous avez appelé un
15 trouble du comportement. Son épouse, nous le répétons, a déclaré qu'il
16 restait tard au travail et qu'elle avait constaté des changements dans son
17 attitude. C'est bien cela?
18 Réponse: Oui, elle a dit quelque chose de ce genre.
19 Question: La plupart d'entre nous qui sommes ici dans ce prétoire restons
20 de temps en temps très tard au travail, mais conservons le même
21 comportement et, même si nos épouses peuvent dans ce cas penser que nous
22 sommes complètement fous, cela ne serait pas une base suffisante pour
23 déclarer que nous souffrons de psychose, n'est-ce pas?
24 Réponse: Mais chez vous la situation ne serait pas la même.
25 Votre femme ne déclarerait sûrement pas que vous faites cela tout le temps
Page 3328
1 et que c'est donc tout à fait notable, alors que chez Mitar Vasiljevic, la
2 situation était totalement différente. Elle se caractérisait par un
3 certain nombre de choses qui étaient tout à fait manifestes, et notamment
4 par son agitation.
5 Je ne me souviens pas de tout, donc je ne peux pas tout vous dire, mais je
6 vous parle sur la base de mes souvenirs. Son épouse a répondu aux
7 questions que nous posons de façon générale à la famille, et l'une de ces
8 questions consiste à demander si le patient se comporte d'une façon
9 remarquable par rapport à ce qui était son attitude précédente. Elle a
10 répondu en disant qu'elle avait remarqué quelque chose de tout à fait
11 différent.
12 A l'époque j'étais médecin généraliste, je ne faisais qu'étudier la
13 psychiatrie, donc je ne pouvais pas vraiment me prononcer. Mais
14 aujourd'hui que je peux me prononcer, je dirai que ceci rappelle beaucoup
15 ce que nous appellerions un épisode hypomaniaque, c'est-à-dire d'un
16 trouble de l'affectivité, trouble dans l'intensité de l'affectivité,
17 notamment dans les domaines de la mobilité de l'énergie et de l'humeur. A
18 cette époque-là, j'ai enregistré tout cela simplement comme une partie de
19 l'anamnèse.
20 M. le Président (interprétation): Docteur, trouble affectif, trouble de
21 l'affectivité, c'est un terme technique.
22 Pourriez-vous nous l'expliquer, d'ailleurs je constate qu'il ne figure pas
23 au compte rendu d'audience en anglais. Il n'a pas été consigné.
24 M. Simic (interprétation): Si nous parlons de l'image clinique de ce
25 patient, je rappelle que son épouse avait observé une mobilité très
Page 3329
1 importante, il ne pouvait pas rester en place une seconde, il bougeait
2 sans arrêt. Il était agité, il ne pouvait pas rester longtemps à son
3 travail; ce qui indique une hypertimie et une hypermanie. C'est comme cela
4 qu'on l'appelle en terme technique.
5 Dans la pratique cela signifie que l'énergie est considérablement
6 augmentée et atteint un tel niveau que le patient ne peut plus la
7 contrôler, qu'il n'arrête pas de bouger et qu'il faut aussi qu'il parle
8 tout le temps. Il est très communicatif, il a un besoin de dépenser sans
9 arrêt cette énergie dans toute sorte d'activités très diverses.
10 Plus tard, lorsqu'il a été admis au département de psychiatrie, un élément
11 s'est ajouté aux éléments qui composaient déjà cette image clinique, à
12 savoir qu'il a chanté, il s'est mis à chanter. Et là encore on voit une
13 humeur qui est intensifiée. Donc au moment où il a été hospitalisé, nous
14 avons constaté une intensification de ces symptômes, et donc un
15 déplacement vers l'hypermanie; c'était notable chez ce patient.
16 Question: Donc, Docteur, êtes-vous en en train de dire dans votre
17 témoignage qu'à la lecture de l'anamnèse, ou en tout cas à la lecture de
18 la description faite par son épouse du comportement de son mari, vous
19 pourriez déterminer un moment, avant l'hospitalisation, où ce patient a
20 commencé à souffrir de psychose transitoire? C'est ce que vous nous dites?
21 Réponse: Non. Je souhaite simplement dire que ce patient présentait
22 certains symptômes qui pourraient faire penser à un rapprochement de cet
23 épisode psychotique.
24 Question: Docteur, la description de Mme Vasiljevic est consignée en cinq
25 lignes. Alors, j'ai l'intention de vous lire chacun de ces éléments et de
Page 3330
1 vous interroger ensuite pour savoir quelles sont vos conclusions au sujet
2 de l'état psychique de M. Vasiljevic.
3 -Je cite: "Il buvait beaucoup d'alcool mais n'était jamais agressif". Fin
4 de citation.
5 Pouvez-vous tirer une conclusion quelconque à la lecture de ces mots?
6 Réponse: Il a été hospitalisé entre autres pour signes d'agressivité au
7 département de psychiatrie. Autrement dit, il s'agit d'un patient qui a
8 l'habitude de boire, qui boit en général mais qui, selon l'épouse -et
9 l'épouse devrait être un témoin fiable dans cette situation-, donc selon
10 son épouse il ne présentait aucune agressivité lorsqu'il était sous
11 l'influence de l'alcool. Or, au moment où nous l'avons vu, nous l'avons vu
12 extrêmement perturbé et agité, et agressif.
13 Question: Quels étaient les signes d'agressivité que vous avez constatés
14 au moment où vous avez traité M. Mitar Vasiljevic?
15 Réponse: Il a été transféré du département d'orthopédie, entre autres,
16 parce qu'il avait maltraité un patient et le personnel au département
17 orthopédique. Je veux dire qu'il présentait une attitude agressive à leur
18 égard.
19 Question: La deuxième phrase de la déclaration de l'épouse se lit comme
20 suit, -je cite: "Depuis le début des combats, il s'est toujours senti
21 engagé, a toujours été agité et impatient". Fin de citation.
22 Quelle est la conclusion que vous tirez de ces mots? En concluez-vous
23 qu'il souffrait d'un début de psychose avant son hospitalisation?
24 Réponse: De psychose, certainement pas. Mais d'impatience, d'agitation, de
25 perturbation, c'est possible de le dire.
Page 3331
1 Question: Mais, Docteur, compte tenu des circonstances, même les personnes
2 normales n'auraient-elles pas démontré un niveau d'excitation,
3 d'irritation, de nervosité, d'énergie élevée dans une situation où la
4 guerre a commencé?
5 Réponse: Tout dépend de la structure de la personnalité. Certaines
6 personnes peuvent réagir à cela par la dépression et d'autres par
7 l'agressivité; d'autres encore peuvent réagir comme ce patient, peut-être,
8 par le développement d'une hypomanie, c'est-à-dire augmentation du niveau
9 d'énergie. Certains prendront la fuite, certains tomberont dans la
10 paranoïa et d'autres réussiront à supporter, c'est-à-dire à s'adapter.
11 Tout dépend de la structure de la personnalité. Il n'y a pas de règle pour
12 parler du comportement des gens dans ce genre de situation extraordinaire.
13 Question: En raison de cela, il nous est impossible de conclure, ou en
14 tout cas aucun médecin ne peut conclure qu'il souffrait de psychose à ce
15 moment-là, en raison simplement d'une élévation de son niveau d'énergie et
16 d'une certaine agitation, n'est-ce pas? Il ne serait pas permis de
17 prononcer un diagnostic de psychose au vu de ces seuls éléments?
18 Réponse: Nous ne pouvons pas affirmer qu'il souffrait de psychose, car il
19 n'a été examiné par aucun psychiatre à ce moment-là. Mais nous pouvons
20 affirmer qu'il manifestait un changement du comportement; nous le savons à
21 partir des dires de son épouse. Et nous pouvons constater que la situation
22 était exceptionnelle, extraordinaire; une situation dans laquelle les
23 contrôles, les visites chez le médecin ne correspondaient pas aux
24 circonstances normales.
25 Question: Je vais maintenant vous lire les deux dernières phrases des
Page 3332
1 propos de l'épouse et vous poser une question.
2 -Je cite: "Il part toujours quelque part et reste au travail, même quand
3 son horaire de travail est terminé. Il a été particulièrement ému par la
4 mort d'un proche parent." Fin de citation.
5 N'y a-t-il rien, dans ces deux phrases, qui pourrait amener un psychiatre
6 à conclure qu'il souffrait de psychose à l'époque où ces comportements ont
7 été observés?
8 Réponse: Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de psychose, d'ailleurs; j'ai
9 dit simplement que c'était un comportement un peu agité. Et ceci pouvait
10 être constaté comme un comportement agité par son épouse si, jusqu'à ce
11 moment-là, il ne sortait pas toujours pour aller quelque part.
12 Dans les circonstances normales, on a tendance à partir du travail dès que
13 l'horaire du travail est terminé; or, là, nous voyons qu'il restait plus
14 tard. Donc il pourrait s'agir d'une extrême augmentation de son niveau
15 d'énergie, ce fait qu'il restait au travail plus tard que les horaires
16 normaux. C'est possible, mais nous ne pouvons que le supposer.
17 Officiellement, sur le plan médical, il n'a pas été examiné et il ne
18 serait donc pas réaliste de penser que dans des situations extraordinaires
19 comme celles qui prévalaient à l'époque, quelqu'un aurait pu être examiné
20 par un médecin simplement parce qu'il avait un niveau d'énergie augmenté.
21 S'il était tombé dans une agitation extrême, il aurait été emmené au
22 département de psychiatrie directement. Mais de même, il aurait pu
23 présenter un certain niveau de trouble, une forme plus légère qui n'est
24 pas manifeste d'un niveau de trouble psychotique, et présenter donc le
25 comportement qu'il présentait qui, tout de même, n'était pas tout à fait
Page 3333
1 normal.
2 Question: Docteur Simic, est-ce vous qui avez parlé à Mme Vasiljevic
3 s'agissant des observations qu'elle avait faites de son mari?
4 Réponse: Je suis certain que je lui ai parlé et que j'ai pris des notes
5 par écrit, mais je ne me rappelle pas les détails aujourd'hui.
6 Question: J'aimerais à présent vous poser une question particulière par
7 rapport à un mot qui est utilisé dans la description de l'épouse. Elle dit
8 qu'il reste dans "l'unité" après ses horaires de travail. Dans ce
9 contexte, qu'entendez-vous par le mot "unité"?
10 Réponse: Unité? Eh bien, les gens qui avaient été mobilisés, je suppose,
11 étaient affectés à certaines unités et nous sommes tous dans des unités;
12 c'est l'habitude, chez nous. Donc chacun avait son affectation, était
13 réparti quelque part. Moi, j'appartiens moi-même à une unité, nous en
14 avons tous une. C'était un terme très courant dans mon pays. C'est très
15 utilisé.
16 Question: Mais qu'entendez-vous par le fait que Mme Vasiljevic vous ait
17 dit la phrase suivante: Mitar Vasiljevic restait dans son "unité", donc
18 une espèce d'unité dans laquelle il était versé dans le cadre de la
19 mobilisation, à moins qu'il ne s'agisse d'une unité de combat?
20 Qu'entendez-vous exactement par ce mot "unité"?
21 Réponse: Moi, j'ai compris qu'il était assez remarquable à ses yeux par
22 son comportement, et que ce comportement était caractérisé entre autres
23 par le fait qu'il restait plus tard qu'il ne le fallait. Mais tout cela
24 dans le cadre de ce comportement remarquablement différent.
25 Question: Vous a-t-elle donné un exemple du type d'unité dans laquelle il
Page 3334
1 travaillait, ou bien vous a-t-elle dit dans quelle région de Bosnie son
2 unité était affectée? Vous a-t-elle donné la moindre indication à ce
3 sujet?
4 M. Simic (interprétation): Eh bien, d'abord je ne me rappelle pas. Et
5 ensuite, si ce n'est pas écrit dans l'anamnèse, ce n'était pas capital
6 pour le diagnostic psychiatrique. Sur le plan médical et psychiatrique, ce
7 n'est vraiment pas quelque chose d'important, l'unité à laquelle il était
8 affecté.
9 M. Groome (interprétation): Docteur, j'aimerais vous montrer un autre
10 élément du dossier médical de M. Vasiljevic.
11 Je demanderai que ce document soit enregistré sous la cote 161 pour la
12 lettre écrite par l'accusé, et 161.2 pour la traduction en anglais de
13 cette lettre.
14 J'aimerais que l'on remette au docteur l'original.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 M. le Président (interprétation): 161.1 ou 160.1? Je n'ai pas bien
17 compris.
18 M. Groome (interprétation): 161.1, Monsieur le Président, pour l'original
19 en BCS.
20 M. le Président (interprétation): Cela ressemble un peu aux requêtes que
21 l'on nous distribue.
22 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, il est fort possible
23 que l'écriture soit illisible.
24 M. le Président (interprétation): Non, non, nous allons voir ce que cela
25 signifie. Moi, je dirais que cette écriture est incompréhensible mais pas
Page 3335
1 illisible. C'est peut-être parce que l'original est incompréhensible que
2 l'anglais l'est aussi!
3 M. Groome (interprétation): Docteur, cette lettre fait partie du dossier
4 médical de l'accusé. Et dans la déclaration qu'il a faite, l'accusé
5 déclare qu'il a écrit cette lettre à ses médecins. Reconnaissez-vous cette
6 lettre?
7 M. Simic (interprétation): Non, je ne dirais pas que j'ai déjà vu ça. Non,
8 je n'ai pas vu ça. Je ne sais pas.
9 Question: Je vais vous demander à présent de lire le recto de cette
10 lettre, et je vous interrogerai ensuite à ce sujet.
11 Dites-moi quand vous avez fini votre lecture.
12 Réponse: Lire la lettre?
13 M. Groome (interprétation): Je vous demande d'en prendre connaissance,
14 d'en faire la lecture pour vous-même, après quoi je vous interrogerai, je
15 vous poserai des questions.
16 Cette lettre sera versée au dossier.
17 (Le témoin lit la lettre.)
18 M. le Président (interprétation): Je parle de la version anglaise. Je suis
19 d'accord avec les interprètes en ce qui concerne l'orthographe de certains
20 de ces mots, mais nous verrons ce qu'ils signifient plus tard, sans doute.
21 M. Groome (interprétation): Docteur, je vous interrogerai au sujet du
22 verso plus tard. Je vous demande pour l'instant de ne lire que le recto.
23 Conviendrez-vous avec moi que dans cette lettre provenant de M.
24 Vasiljevic, il apparaît qu'on l'aurait accusé de faire quelque chose de
25 mal et il propose une explication à l'appui de son comportement,
Page 3336
1 s'agissant de cet acte? Il semblerait qu'il s'agisse d'avoir pris quelque
2 chose à quelqu'un. Conviendriez-vous que ceci décrit bien l'objet de la
3 lettre que vous venez de lire?
4 M. Simic (interprétation): Eh bien, rien de particulier n'est dit dans
5 cette lettre. J'ai l'impression qu'il souhaite expliquer au Dr Slavica
6 pourquoi il est venu. Parce qu'il a sans doute eu des conflits là-bas et
7 des disputes en cours de route, et même peut-être partout où il s'est
8 trouvé. Alors il explique cela, mais je ne vois pas ce que cette lettre
9 pourrait signifier en dehors de cela; je ne vois pas quelle raison
10 concrète pourrait faire que cette lettre présente le moindre intérêt.
11 Question: Docteur, je vais vous poser la question suivante: n'apparaît-il
12 pas clairement, à la lecture de cette lettre écrite le 13 juillet, que M.
13 Vasiljevic se rend un petit peu compte qu'il a été accusé d'avoir fait
14 quelque chose de mal et qu'il s'efforce, qu'il essaie d'expliquer ou de
15 justifier sa conduite? N'y a-t-il pas, dans cette lettre, une certaine
16 conscience du fait qu'il a été accusé de faire quelque chose de mal?
17 Réponse: Ce que l'on peut constater à la lecture de cette lettre, c'est
18 qu'il est allé acheter quelque chose, et que sans doute il n'y avait pas
19 de monnaie pour lui rendre la monnaie. Et puis il est allé acheter des
20 bonbons pour des petites filles et il a demandé qu'on lui donne ces
21 bonbons sans payer, à crédit comme c'est écrit ici.
22 Donc il est permis de conclure qu'il est venu à cet endroit, dans un
23 magasin tout à fait classique, et qu'il a demandé qu'on lui donne ces
24 bonbons pour rien, gratuitement.
25 Question: Si vous lisez la dernière ligne de cette phrase, où il dit qu'il
Page 3337
1 a promis de rapporter l'argent du prix de ces bonbons, n'y trouve-t-on pas
2 une certaine conscience que ce serait mal de ne pas le faire? Et dans la
3 dernière phrase nous lisons, -je cite: "Si je ne le fais pas, que Dieu me
4 donne la possibilité d'être comme un Turc, bien sûr si je suis encore en
5 vie." Fin de citation.
6 N'est-ce pas un signe d'une certaine conscience du fait qu'il agirait mal
7 s'il ne payait pas?
8 Réponse: Il me semble qu'il dit qu'il y a eu perturbation autour de tout
9 cela, parce qu'il voulait prendre ses chocolats, il a promis de payer,
10 mais c'est assez confus, et dans la dernière phrase il dit que: "que Dieu
11 me donne de prier, de prier comme un Turc".
12 Mais ça c'est une question culturelle, cela veut dire que quelque chose
13 devrait ou qu'il faudrait que quelque chose lui arrive. Il n'y a pas de
14 lien avec un quelconque Turc de façon concrète. Cela signifie simplement,
15 que s'il ne fait pas ce qu'il a promis de faire, il se passera quelque
16 chose.
17 Il explique cela au docteur. Il se justifie, et sa lettre me dit qu'il ne
18 se sent pas bien, que ce n'est pas un homme en bon état de santé. Un
19 patient en psychiatrie peut écrire ce genre de lettre, mais s'il le fait,
20 il a besoin de prendre des médicaments. Oui, le 13 juillet, c'est exact,
21 il n'était pas bien du tout à ce moment-là, il était sous médicaments. Il
22 prenait les médicaments qu'on lui administrait.
23 Question: Mais cette lettre ne montre-t-elle pas à la fin que M.
24 Vasiljevic avait la capacité de comprendre la différence entre le bien et
25 le mal?
Page 3338
1 Réponse: Cela me rappelle une plaisanterie que je ne vais pas vous dire
2 ici dans ce prétoire, mais qui met en scène deux malades psychiatriques
3 qui parlent ensemble, et à un certain moment l'un dit à l'autre: Eh bien,
4 je suis fou, mais je ne suis pas stupide. Donc le fait qu'il était
5 psychotique ne signifie pas qu'il ne connaissait pas les bases du
6 comportement.
7 Quand vous allez acheter quelque chose dans un magasin, vous payez
8 toujours le produit que vous achetez. Donc un trouble psychotique aigu
9 peut entraver cette fonction, c'est vrai, mais le 13 il était proche de la
10 fin de l'épisode aigu et il était tout à fait capable de parler de
11 certaines choses élémentaires, comme l'achat d'un produit et le fait de
12 payer pour cet achat. Cela ne signifie pas qu'il n'avait pas conscience
13 des réalités élémentaires de la vie.
14 Question: Quel qu'ait été son état psychiatrique à l'époque, il avait la
15 capacité de reconnaître les éléments fondamentaux que sont le bien et le
16 mal, n'est-ce pas?
17 Réponse: Dans cet exemple concret, il promet de rendre l'argent, de payer
18 ces chocolats, ces bonbons. Donc il était capable de distinguer entre le
19 bien et le mal, oui.
20 Question: Pendant une quelconque période dans le traitement de ce patient,
21 vous est-il jamais arrivé de constater qu'il avait perdu la capacité de
22 distinguer entre le bien et le mal, c'est-à-dire entre ces éléments
23 fondamentaux?
24 Réponse: C'est discutable. Personne ne peut dire cela avec une certitude
25 absolue. En psychiatrie nous ne nous occupons pas de déterminer ce qu'est
Page 3339
1 le bien ou le mal, nous nous occupons des troubles psychiques.
2 Donc si le patient a un comportement adéquat, s'il parvient à contrôler
3 ses pulsions, si les phénomènes psychopathologiques ont disparu, dans le
4 cadre de notre profession il se porte bien. Quant au fait de savoir s'il
5 distingue entre le bien et le mal, ce sont des éléments qui ne relèvent
6 pas de la compétence du psychiatre.
7 Question: Je vais reformuler dans un langage juridique.
8 Avez-vous, à quelque moment que ce soit, constaté chez Mitar Vasiljevic un
9 signe indiquant qu'il avait perdu la capacité de distinguer entre ce qui
10 était légal et ce qui était illégal, si nous parlons d'un crime grave.
11 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas que ce soit le test
12 classique. Le test classique c'est le bien et le mal. Il n'est pas
13 question de quelqu'un qui est capable de reconnaître si ce qu'il fait est
14 légal, mais si ce qu'il fait est mal.
15 M. Groome (interprétation): Je vous repose donc la question Monsieur le
16 Témoin: avez-vous à quelque moment que ce soit constaté, personnellement,
17 un signe montrant que M. Vasiljevic avait perdu la capacité de distinguer
18 entre ce qui est acceptable, c'est-à-dire un comportement correct dans
19 notre société, et ce qui est mal, c'est-à-dire un comportement mauvais aux
20 yeux de notre société? Avez-vous jamais constaté ceci au cours du
21 traitement que vous avez fait de M. Vasiljevic?
22 M. Simic (interprétation): Je ne l'ai pas constaté, mais je dois dire que
23 le trouble psychotique est un trouble psychique particulièrement grave, en
24 raison du fait effectivement que le patient n'est pas totalement capable
25 d'apprécier son propre comportement ou de le contrôler, et ce dans la
Page 3340
1 phase aiguë de la maladie.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je ne suis pas sûr que
3 ce sujet aie jamais été discuté dans le domaine du droit international.
4 Donc peut-être qu'à la reprise de l'audience vous pourrez l'interroger sur
5 les actes légaux et illégaux, car je ne voudrais pas que des problèmes
6 surgissent plus tard, au cas où les tests que l'on peut appliquer en droit
7 international s'écartent un petit peu du droit général. Je ne voudrais pas
8 qu'il y ait de problème.
9 M. Groome (interprétation): Avant la suspension, Monsieur le Président, je
10 voudrais demander le versement au dossier de ce document en tant que pièce
11 à conviction 161.1 pour l'original en BCS, et 161.2 pour la traduction en
12 anglais.
13 M. le Président (interprétation): Des objections, Maître Domazet?
14 M. Domazet (interprétation): Non, Monsieur le Président.
15 M. le Président (interprétation): Eh bien, admission des pièces 161.1 et
16 161.2.
17 Suspension de l'audience jusqu'à 14 heures 30.
18 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, à vous.
20 M. Groome (interprétation): Merci. Bonjour Docteur Simic.
21 M. Simic (interprétation): Bonjour.
22 M. Groome (interprétation): Docteur, je voudrais revenir à la blague que
23 vous nous avez racontée, et je voudrais maintenant vous demander la chose
24 suivante: quand un malade mental disait à l'autre qu'il était peut-être
25 fou, mais pas bête, je crois que vous deviez vouloir dire que M.
Page 3341
1 Vasiljevic, indépendamment de ces problèmes psychologiques qu'il semblait
2 avoir à l'époque, était conscient du fait qu'il serait erroné de prendre
3 des bonbons par exemple et de ne pas les payer. C'est bien ce que vous
4 voulez dire, n'est-ce pas?
5 Réponse: Ce que je voulais dire, c'est que quand il y a des troubles
6 psychotiques, il n'y a pas de détérioration de l'intelligence de
7 quelqu'un, de l'intelligence dans sa qualité de fonction psychique.
8 Question: Dans la plupart des cas, il n'y a pas perturbation de l'aptitude
9 à la distinction du bien et du mal, enfin, c'est-à-dire des normes qui
10 sont installées dans nos sociétés respectives.
11 Réponse: Les troubles psychotiques, eux-mêmes, sont des maladies graves,
12 des maladies psychiques graves qui se traduisent par des perturbations du
13 comportement, c'est-à-dire perte de possibilité de contrôler son
14 comportement. Les actes du patient peuvent être en désaccord avec les
15 normes de comportement adoptées par la société. C'est dans la plupart des
16 cas pour ces raisons-là que les patients sont amenés à se soumettre à des
17 soins.
18 Question: Mais ce que vous êtes en train de nous dire, cela a davantage
19 trait à l'aptitude d'un particulier à contrôler ses impulsions, c'est bien
20 ce que vous nous dites? Dans un état de psychose grave, un particulier
21 perd la possibilité de contrôler ses impulsions?
22 Réponse: Oui, c'est une perturbation, un trouble du comportement.
23 Question: Mais même dans les cas ou un particulier n'est pas en mesure de
24 contrôler son comportement, il a toujours l'aptitude de distinguer le bien
25 du mal. Il peut toujours avoir cette aptitude-là, n'est-ce pas?
Page 3342
1 Réponse: Oui. Il a la possibilité de distinguer le bien du mal, mais il ne
2 peut peut-être, il est peut-être incapable de se retenir de faire quelque
3 chose.
4 Réponse: La question de la distinction du bien et du mal est un problème
5 concret, éthique. Nous avons ici un cas spécifique. Nous avons ici un
6 problème de comportement dû à un trouble du système nerveux, central, et
7 cela n'a rien à voir avec l'état de psychose. Donc ceux qui avaient eu une
8 perturbation des normes psychiques vont les avoir, même après un état de
9 psychose; et ceux qui avaient des normes éthiques qui étaient bien
10 établies avant de sombrer dans les difficultés de ce genre les
11 conserveront même par la suite.
12 Question: Parlons concrètement de M. Mitar Vasiljevic, ne seriez-vous pas
13 d'accord avec moi pour dire que cette lettre prouve que M. Vasiljevic,
14 lorsqu'il avait écrit cette lettre, distinguait le bien du mal?
15 Réponse: Partant de la lettre au sujet de laquelle j'avais pu déterminer
16 qu'elle avait été écrite par un patient, par quelqu'un de malade donc, ce
17 que l'on pouvait conclure seulement c'est que la maladie persistait; et
18 cela n'a pas une signification autre pour un médecin, si ce n'est celle de
19 la nécessité de poursuivre la thérapeutique administrée.
20 M. Groome (interprétation): Mais, est-ce que vous êtes en train de nous
21 dire à présent, en témoignant, que s'agissant de M. Vasiljevic, son
22 opinion au terme de laquelle les bonbons devaient être payés, faute de
23 quoi il mériterait une sanction, donc le fait qu'il comprenne, ne signifie
24 pas que M. Vasiljevic est conscient du fait que le vol des bonbons est
25 quelque chose d'incorrect.
Page 3343
1 M. Simic (interprétation): Cette lettre a été rédigée par un patient, au
2 département psychiatrique, à l'intention d'un médecin qu'il a vu effectuer
3 une visite, à savoir la doctoresse Slavica. Il s'adresse à cette
4 doctoresse en pensant que c'était l'un des docteurs en chef; pour une
5 raison quelconque il l'avait remarquée.
6 Il se peut que la Doctoresse Jevtovic a été mon tuteur, c'est peut-être la
7 raison pour laquelle elle s'était entretenue un peu plus avec lui. Dans
8 cette lettre, je disais donc, il y a pas mal de bêtises. Il s'adresse là à
9 un médecin qu'il ne connaît pas. Alors, en sus du fait de mentionner le
10 comportement inapproprié, cela ne prouve rien d'autre, et la rédaction
11 d'une lettre de la part d'un patient est une chose assez usuelle,
12 notamment lorsqu'il s'agit d'une détérioration psychiatrique de l'état
13 d'un patient.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je pense que nous nous
15 aventurons là vers des problèmes sérieux qui surviennent dans chacune de
16 ces affaires ou dans la profession médicale, dans la profession juridique,
17 etc.
18 En effet, la terminologie utilisée dans chacun de ces métiers est tout à
19 fait différente. Maintenant, si nous allons parler du problème de la
20 responsabilité diminuée de qui que ce soit, il faudra que nous nous
21 penchions sur le problème. Si un médecin lit la lettre, il l'interprète
22 d'une façon, et je crois qu'il faut lui poser la question de savoir:
23 comment il conçoit le concept? Il ne doit pas forcément le voir de la même
24 façon que nous.
25 M. Groome (interprétation): Je pourrais peut-être essayer une fois de
Page 3344
1 plus, Monsieur le Président.
2 M. le Président (interprétation): Essayez, si vous le voulez, mais un
3 médecin peut tout le temps vous donner son point de vue, c'est-à-dire vous
4 indiquer de quelle façon, lui, voit la pertinence de cette lettre. Il se
5 peut que l'accusé n'ait pas distingué le bien du mal, aussi bien.
6 Allez-y.
7 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
8 Docteur, je sais qu'un professionnel est en mesure de voir beaucoup de
9 choses dans une lettre comme celle-ci. Je voudrais que nous déterminions
10 l'une, une seule de ces choses. Et je voudrais que dans votre réponse,
11 vous vous limitiez à ce point.
12 Dans sa lettre, M. Vasiljevic dit: "Même si je devais faire des courbettes
13 à la turque, cela signifie-t-il que si je ne faisais pas que ceci, que je
14 sois puni de telle ou telle façon?" Fin de citation.
15 Alors je voudrais savoir si, dans cette partie-là de la lettre, il y a
16 quelque chose vous permettant de constater qu'il n'était pas en mesure de
17 distinguer le bien du mal? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit qui puisse
18 vous indiquer son incapacité de faire cette différence-là, cette
19 distinction-là?
20 M. Simic (interprétation): Je vais répéter, une fois de plus: c'est une
21 lettre écrite par un patient psychotique.
22 M. le Président (interprétation): Docteur… Docteur, excusez-moi.
23 Nous comprenons la façon dont vous interprétez cette lettre, mais si vous
24 n'êtes pas en mesure de répondre à cette question, dites-le, dites que
25 vous n'êtes pas en mesure d'apporter une réponse. Et ne reprenez pas la
Page 3345
1 réponse de tout à l'heure parce que ce n'est pas la réponse à la question
2 qui est posée.
3 La question qui est posée consiste à savoir si M. Vasiljevic était
4 incapable de distinguer le bien du mal. Dites-nous, maintenant.
5 M. Simic (interprétation): Je m'excuse si je me répète. Il apparaît avec
6 évidence dans cette lettre qu'il était parfaitement conscient du fait que
7 les bonbons devaient être payés; c'est ce que l'on peut en déduire, de
8 cette lettre. Mais au-delà de là, de ce fait-là, je ne saurais vous en
9 dire plus concernant cette situation concrète.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je crois que vous
11 devriez passer à autre chose.
12 M. Groome (interprétation): Oui, c'est cela. Merci.
13 Je voudrais maintenant que l'on soumette au témoin la pièce à conviction
14 de l'accusation 161.1, et je voudrais que vous vous penchiez sur le verso
15 de la lettre.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Docteur, je vous demanderai maintenant de nous donner lecture, de prendre
18 connaissance de la deuxième partie de cette lettre. Une fois que vous
19 aurez fini, je me proposerai de vous poser une question à ce sujet.
20 (Le témoin prend connaissance de la lettre.)
21 M. Simic (interprétation): J'ai lu.
22 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'auteur de cette
23 lettre -en d'autres termes, M. Vasiljevic-, lorsqu'il écrivait cette
24 lettre-là, était en mesure d'avoir conscience de soi, conscience de
25 l'existence de certaines choses qui constituaient une difficulté pour lui,
Page 3346
1 de choses qui le faisaient souffrir?
2 Réponse: Oui, il en était conscient.
3 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le fait de s'en
4 rendre compte l'incitait à s'adresser au médecin pour demander de l'aide
5 afin de se débarrasser de ses maladies, de surmonter ses maladies?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Il s'adresse donc au médecin et demande deux sortes d'aide. La
8 première des façons dont il s'est adressé, c'était de rédiger cette lettre
9 et de la donner au docteur, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et la deuxième façon de demander de l'aide dans la lettre c'est
12 la menace, la menace d'entamer une grève de la faim si on ne faisait pas
13 comme il le souhaitait?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Serez-vous d'accord avec moi pour dire que cette partie-là de la
16 lettre montre qu'à un moment donné, M. Vasiljevic a la possibilité,
17 l'aptitude de formuler une intention et de se comporter conformément à
18 cette intention-là? Donc seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le 13
19 juillet, il a cette aptitude-là?
20 Réponse: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'un patient qui demande
21 à ce que l'on se penche sur ses symptômes, qui demande de lui lier les
22 poignets et les pieds si on ne faisait pas quelque chose pour l'aider, est
23 un patient qui est conscient de ses actes?
24 M. Groome (interprétation): Ce n'était pas la question que je vous avais
25 adressée, Docteur.
Page 3347
1 Ma question est la suivante: pouvons-nous déduire de ce qui est écrit ici…
2 Vous m'avez dit vous-même qu'il était capable de formuler une intention,
3 et vous avez été d'accord pour dire qu'il était capable de se comporter
4 conformément à cette intention.
5 Maintenant, je fais la jonction: est-ce que vous êtes d'accord pour dire
6 qu'il était tant capable de formuler une intention et d'agir conformément
7 à cette intention, quels que soient les moyens à utiliser, que ce soient
8 des moyens appropriés ou inappropriés, peu importe? Avait-il la capacité
9 de formuler cette intention et de se comporter en conséquence?
10 M. Simic (interprétation): Il était, de façon évidente, conscient de ses
11 difficultés, de ses problèmes de santé. Mais il n'était pas conscient de
12 la façon dont il pourrait surmonter le problème, car il s'adresse à un
13 médecin, un médecin qui n'est pas… à qui il n'est pas directement
14 attribué. Il menace d'entamer une grève de la faim, chose qui est tout à
15 fait inadaptée avec l'habitude des patients qui sont envoyés pour telle ou
16 telle analyse ou examen.
17 Et la dernière phrase indique quel est l'état de trouble psychique parce
18 qu'il supplie pour qu'on lui lie les pieds et les mains, ce qui indique
19 bien qu'il se trouve dans une situation inappropriée à un moment donné.
20 M. le Président (interprétation): Nous en arrivons une fois de plus au
21 même problème linguistique.
22 Docteur, les questions qui vous sont adressées n'ont pas pour objectif de
23 vous faire permettre la possibilité d'affirmer que cet homme ne souffre
24 d'aucune psychose. L'objectif de ces questions, c'est d'obtenir votre
25 position, votre opinion concernant certaines opinions juridiques
Page 3348
1 susceptibles de survenir.
2 L'une de ces questions, c'est de savoir s'il était capable de discerner le
3 bien du mal. Une personne souffrant de psychose, et je crois que vous
4 pourriez nous le dire, du moins je pense que vous pourriez nous le dire,
5 est capable de discerner le bien du mal. Une personne souffrant de
6 psychose peut également savoir ce qu'elle fait. Mais ses activités peuvent
7 être inappropriées, cette personne pourrait frapper quelqu'un et ce n'est
8 pas par intention de frapper.
9 Ce qui nous intéresse, ce que nous voudrions savoir, c'est s'il était en
10 mesure de raisonner et s'il était en mesure d'être conscient de la
11 possibilité pour lui de frapper quelqu'un de façon délibérée.
12 Maintenant ce que nous voudrions savoir, c'est quelle est votre opinion
13 concernant cet état de psychose. Est-ce que cet état le rendait capable de
14 formuler une intention et de réaliser cette intention? C'est la raison
15 pour laquelle ces questions-là vous sont posées.
16 Maintenant, je crois que nous irions beaucoup plus vite de l'avant, si
17 vous vouliez bien comprendre que nous ne contestons pas du tout le fait
18 que cet homme-là souffrait d'une psychose; cela n'est pas remis en
19 question du tout.
20 M. Simic (interprétation): Bien.
21 M. le Président (interprétation): Reprenez, Monsieur Groome.
22 M. Groome (interprétation): A la lumière de tout ce qui vient d'être dit
23 par Monsieur le Président de la Chambre, je voudrais vous redemander si M.
24 Vasiljevic était capable d'agir, d'intervenir de façon délibérée
25 indépendamment de tous les problèmes qu'il avait?
Page 3349
1 M. Simic (interprétation): Selon notre législation, ces troubles
2 psychotiques actifs font partie de l'incapacité de discerner, c'est-à-dire
3 de l'incapacité d'un individu de contrôler ses actes et d'en assumer la
4 responsabilité.
5 Question: Docteur, en d'autres termes vous témoignez ici et vous dites que
6 M. Vasiljevic souffrait d'un trouble psychotique aigu et que, partant de
7 cela, en Serbie il serait jugé comme étant une personne tout à fait
8 irresponsable de ses actes?
9 Réponse: Oui, dans ses accès de ces périodes, de son désordre ou de sa
10 perturbation psychotique aiguë, trouble psychotique aigu.
11 Question: Donc vous êtes en train de nous dire que M. Vasiljevic était en
12 train de souffrir de ces troubles-là dans ces périodes aiguës de juillet
13 1992?
14 Réponse: Oui.
15 M. le Président (interprétation): Je crois que nous devons nous éloigner
16 de ce qui est prévu par la législation serbe et, si le médecin ici présent
17 peut nous aider là-dessus, nous voudrions savoir, indépendamment des
18 dispositions législatives du pays, si M. Vasiljevic était véritablement
19 incapable de contrôler ses actes? C'est ce qui nous intéresse ici.
20 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
21 Je me propose justement de vous poser la question qui vient d'être
22 soulevée par le Président.
23 M. Simic (interprétation): Un patient.
24 Question: Non, non, pas n'importe quel patient, M. Vasiljevic.
25 Réponse: Monsieur Vasiljevic dans sa situation de troubles psychotiques
Page 3350
1 aigus n'était pas capable de maîtriser ses actes.
2 Question: Et pendant que vous soigniez M. Vasiljevic, pourriez-vous nous
3 formuler de votre mieux, ou nous situer de votre mieux, le début et la fin
4 de ses crises de troubles psychotiques aigus?
5 Réponse: Eh bien, du 7 au 28 juillet, pendant qu'il était dans notre
6 département.
7 Question: Donc, nous pouvons déduire de votre témoignage que, en date du
8 28 juillet, la personne qui à votre avis, selon la législation serbe,
9 était censée sortir de l'hôpital, pouvait tuer quelqu'un et ne pas être
10 considérée responsable. Et vous nous dites que vous avez autorisé cette
11 personne à sortir de l'hôpital. C'est bien ce que vous nous dites ici?
12 Réponse: Non.
13 Question: Mais vous avez autorisé M. Vasiljevic a quitté l'hôpital,
14 indépendamment du fait que vous nous avez dit auparavant qu'il y avait des
15 mécanismes légaux de le mettre en détention, en isolement, dans le cas où
16 il présenterait un danger pour lui-même ou pour d'autres personnes?
17 Réponse: Dans le cas où il représenterait un péril pour lui-même ou pour
18 les autres. Il a été relâché, autorisé à sortir lorsqu'il ne constituait
19 plus de danger ni pour lui-même, ni pour les autres.
20 Question: Donc, vous nous affirmez qu'en date du 28 juillet, date à
21 laquelle M. Vasiljevic sort, il y a une amélioration fantastique de son
22 état de santé et on l'autorise à sortir?
23 Réponse: Ce n'était pas fantastique. Il y a eu une certaine amélioration.
24 Et comme nous l'avons déjà dit, cela s'est fait sur la demande et sous la
25 responsabilité de son épouse.
Page 3351
1 Il était en phase de rémission partielle, et à ce moment-là il avait été
2 jugé non-dangereux pour son environnement. Il ne mettait pas en péril la
3 sécurité de qui que ce soit; raison pour laquelle il a été relâché par nos
4 soins, partant de ces raisons-là.
5 Question: Le considériez-vous encore en date du 28 juillet suffisamment
6 irresponsable sur le plan pénal pour qu'il ne soit pas poursuivi sur un
7 plan pénal?
8 Réponse: S'il avait manifesté un comportement agressif mettant en péril
9 qui que ce soit, il n'aurait certainement pas été relâché; il n'aurait
10 certainement pas obtenu l'autorisation de quitter notre département.
11 Question: Vous nous avez dit que vous estimiez qu'en fonction, qu'en vertu
12 de la législation serbe, il aurait été considéré comme étant une personne
13 irresponsable de ses actes.
14 A quel moment avez-vous estimé qu'en fonction, qu'en vertu de votre
15 législation, de vos dispositions légales, il avait fait preuve d'une
16 amélioration suffisante de son état de santé pour pouvoir être considéré
17 responsable de ses actes?
18 Réponse: A partir du moment où il a été relâché, il est jugé responsable
19 de ses actes, donc en sortant du département psychiatrique. Et ce sous
20 réserve, bien sûr, de poursuivre des contrôles et des traitements
21 appropriés.
22 Question: Laissez-moi vous demander la chose suivante: si sa femme n'était
23 pas venue pour signer en sa faveur et si M. Vasiljevic était venu vous
24 voir et dire: "Docteur Simic, je voudrais sortir de l'hôpital", est-ce que
25 vous lui auriez donné la possibilité de sortir seul?
Page 3352
1 Réponse: Chez nous, un patient ne sort jamais seul; il est toujours emmené
2 vers l'extérieur par quelqu'un de sa famille: son époux, son conjoint ou
3 quelqu'un d'autre. Donc, un patient ne sort jamais seul de l'hôpital.
4 Et dans le cas ici présent, comme dans tout autre cas analogue, l'épouse
5 de M. Vasiljevic -ou tout autre épouse- est mise au courant de façon
6 détaillée de la nature de la maladie, de la nécessité des traitements, de
7 la longueur des traitements préconisés. Suite à la présentation de ces
8 informations-là, elle a décidé de le faire sortir, de prendre soin de lui,
9 de lui administrer la thérapie préconisée et de le faire venir au
10 contrôle, tel que prévu.
11 Dans ce cas-là, dans des cas pareils… Et à ce moment-là, il se trouvait
12 être dans un état psychique satisfaisant. Il se trouvait être capable de
13 diriger, de contrôler ses actes et de répondre de son comportement.
14 Question: Et c'est ce qui est arrivé en date du 28? C'est ce que vous nous
15 dites ici?
16 Réponse: Oui, le 28.
17 Question: Docteur, avant que d'en finir avec la pièce à conviction 161.1
18 de l'accusation, pour ceux d'entre nous qui ne savent pas ce que c'est,
19 dites-nous ce que veulent dire, au bas de la page de cette lettre, cette
20 croix et ces quatre C?
21 Réponse: C'est un symbole serbe.
22 Question: Serait-il exact d'affirmer qu'à l'époque, les Serbes font preuve
23 d'un comportement ultra-nationaliste, et ce symbole-là était l'un des
24 symboles les plus populaires utilisés par eux à cette époque?
25 Réponse: Eh bien, il se peut qu'un patient psychiatrique juif viendrait
Page 3353
1 dessiner au bas de cette lettre une étoile de David. Donc cela n'a rien de
2 si particulier et cela n'a pas la signification que l'on veut bien lui
3 prêter.
4 M. Groome (interprétation): Mais ce symbole n'est pas utilisé par les
5 malades psychiatriques; c'est un symbole qui est très populaire parmi les
6 nationalistes et par les courants nationalistes d'une manière générale?
7 M. Simic (interprétation): Ce symbole se trouve sur nos armoiries aussi.
8 M. le Président (interprétation): Il s'agit du symbole serbe, n'est-ce
9 pas?
10 M. Simic (interprétation): Oui.
11 M. Groome (interprétation): Je voudrais vous demander de répondre à ma
12 question. Est-ce que c'est le symbole qui, à l'époque, avait été utilisé
13 par les nationalistes serbes et le mouvement Chetnik?
14 M. Simic (interprétation): Ça n'a rien de spécial. C'est un symbole serbe
15 à signification universelle.
16 Question: Et si, personnellement, vous écriviez vous-même une lettre à
17 quelqu'un, est-ce que vous placeriez ce symbole au bas de la page?
18 Réponse: Je ne mets jamais de symbole au bas de l'une quelconque de mes
19 lettres.
20 Question: Votre diagnostic, le 298.9, m'intéresse et je voudrais vous
21 poser quelques questions hypothétiques à ce sujet.
22 Si nous avons quelqu'un souffrant de ce trouble psychotique aigu et
23 transitoire, est-il en mesure de conduire des débats avec des groupes de
24 personnes, ou un groupe de personnes sans que ce groupe ne se rende compte
25 de signes, de troubles psychotiques chez cette personne? Se peut-il que
Page 3354
1 ses interlocuteurs, ces gens-là ne voient pas que leur interlocuteur
2 montre, fait preuve de troubles psychotiques?
3 Réponse: Dans le cas concret, ce niveau d'état psychotique est très
4 remarquable et très apparent. C'est une chose qui ne peut pas ne pas être
5 vue. Mais il y a, et nous l'avons déjà dit, la possibilité qu'il y ait des
6 symptômes avant le début de la psychose, des symptômes de moindre
7 intensité, de moindre niveau ou de moindre envergure, c'est-à-dire des
8 symptômes qui n'ont pas atteint ce niveau psychotique, mais qui sont
9 susceptibles d'être remarqués, remarqués notamment parce qu'ils ne peuvent
10 pas être remarqués par quelqu'un qui n'est pas expert en la matière,
11 évidemment.
12 Question: Une personne avec ce diagnostic, est-ce que cette personne
13 pourrait discuter avec quelqu'un à propos d'un cheval, obtenir ce cheval,
14 l'amener là où il serait sûr? Est-ce que c'est un comportement auquel vous
15 pourriez-vous attendre de quelqu'un qui était vraiment malade et atteint
16 d'une maladie aiguë, à l'époque?
17 Réponse: Un patient, même un patient psychotique, peut faire n'importe
18 quoi d'une manière organisée, assez raisonnée, mais ses actes ne sont pas
19 nécessairement des actes non raisonnés. Même un psychotique pourrait
20 s'emparer d'un cheval et l'amener quelque part.
21 Question: Pendant ce temps de guerre, est-ce qu'il serait exact de dire
22 que certains des patients qui étaient dans ce département de psychiatrie,
23 et c'est un mot difficile à traduire, mais est-ce que ces gens qui se
24 trouveraient dans un département où on essaierait d'éviter le service
25 militaire, de
Page 3355
1 se trouver sur les premières lignes du front, est-ce que ce serait peut-
2 être, en quelque sorte, une sorte d'abri, de refuge pour ce genre de
3 personne?
4 Réponse: A ma connaissance, non. Au cours de mon travail dans ce
5 département, je n'ai pas eu de cas de ce genre.
6 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire combien de patients avez-vous
7 eu à traiter pendant cette étape de guerre, mettons pendant toute la
8 guerre 1992/1995?
9 Réponse: Difficile à dire. Nous disposions de cinquante lits. 1992/1993,
10 j'avais beaucoup de patients et puis la moitié de ces patients-là, je m'en
11 occupais. Le passage de ces différents patients se situe, ce chiffre, à
12 600 ou 700 par an.
13 Par conséquent, je n'ai pas fait de statistique, même à titre
14 d'orientation, mais d'après mes évaluations c'était 600 ou 700. Et je
15 m'occupais peut-être d'un quart de ces patients, de ce nombre de patients.
16 Question: Est-ce que vous pourriez dire avec certitude que ces patients
17 n'étaient pas des gens qui prétendaient avoir des troubles, des maladies?
18 Est-ce que vous pourriez le dire avec certitude, et pour être exonérés de
19 leur obligation?
20 Réponse: Oui, je pourrais le dire.
21 Question: Avant l'hospitalisation d'un patient, lorsqu'il s'agit d'une
22 personne et lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui a été incarcéré parce que ne
23 voulant pas se rendre aux premières lignes de front, et après
24 hospitalisation initiale et lorsqu'on leur redemandait de rejoindre le
25 champ de bataille, le théâtre de bataille, eh bien, est-ce que ces gens
Page 3356
1 pourraient évoquer des maladies, prétendument maladies, pour éviter cela?
2 Est-ce que vous avez des informations à cet égard? Est-ce que vous avez eu
3 des patients, des personnes qui, à dessein, essayaient d'éviter le service
4 militaire sur le front?
5 Réponse: S'il était quelqu'un de blessé, eh bien, cette personne blessée
6 ne serait pas dans mon département de psychiatrie mais serait dans le
7 département orthopédique.
8 Question: Mais entre ces deux événements, et lorsqu'il s'agissait de ces
9 symptômes que vous avez décrits: hospitalisation, événement au début,
10 événement à la fin, est-ce que vous auriez changé d'opinion en ce qui
11 concerne cette personne? Notamment dire que quelqu'un essaierait d'éviter
12 son service militaire, et tout simplement de manifester, de faire
13 démonstration de maladie et troubles mentaux, psychotiques, et ainsi de
14 suite?
15 Réponse: Les patients dont je m'occupais, eh bien, je peux dire avec
16 certitude qu'il ne s'agissait pas de quelqu'un qui simulait ces syndromes
17 de maladie parce que finalement on n'aurait pas produit un document
18 médical définitif à son sujet.
19 Question: Dans le cas de M. Vasiljevic, vous nous avez dit que le 28
20 juillet, vous aviez décidé qu'il était suffisamment en bon état pour
21 sortir de l'hôpital, mais vous avez également indiqué qu'il n'était pas
22 apte à poursuivre son service militaire. Est-ce que vous êtes d'accord
23 avec ma constatation?
24 Réponse: Un patient avec un diagnostic de psychose est libéré de son
25 service militaire en période de réhabilitation, de rééducation, et ensuite
Page 3357
1 le psychiatre est celui qui doit établir son état, état dans lequel il
2 était exempté de faire son service militaire. Ceci est tout à fait normal.
3 Il n'y a pas une armée quelconque à l'échelle internationale qui pourrait
4 envoyer des gens atteints de psychose, de troubles psychotiques sur le
5 champs de bataille.
6 Question: Vous avez donc signé un document qui l'exemptait de son service
7 militaire dans le temps?
8 Réponse: Mais c'est ce qui est consigné dans sa fiche de sortie de
9 l'hôpital. Donc, on y indique qu'il a été exempté de son service
10 militaire.
11 Question: A part les examens, avez-vous eu des entretiens avec lui pour
12 connaître ses problèmes?
13 Réponse: Vraisemblablement que oui. On s'entretient, et je m'entretiens
14 avec tous mes patients. Mais là, je ne saurais pas dire exactement ce que
15 j'ai fait à propos de ce cas.
16 Question: Vous preniez des notes au cours de ces entretiens?
17 Réponse: Non.
18 Question: Il y a un témoin, un ancien patient qui a partagé la même pièce
19 avec M. Vasiljevic dans le département d'orthopédie et qui a indiqué que
20 M. Vasiljevic avait tué un grand nombre de Musulmans sur le vieux pont de
21 Visegrad.
22 Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose en ce rapport avec cela?
23 C'est-à-dire, est-ce qu'au cours de ces entretiens il vous a parlé de ces
24 tueries de Musulmans sur le vieux pont de Visegrad?
25 Réponse: Je ne me souviens pas.
Page 3358
1 Question: Je pense que ce témoin déposera aussi au sujet du fait que M.
2 Vasiljevic aurait dit qu'il avait tué un Hodja et avait pris son cheval,
3 et que c'est de ce cheval qu'il a chuté. Est-ce que vous vous souvenez de
4 ce récit?
5 Réponse: Non, je ne m'en souviens pas. Oui, ce sont des événements
6 importants, mais il y a aussi des régressions de mégalomanie. Dans les
7 conditions de guerre, ces trous de mémoire mégalomaniaques peuvent devenir
8 très importants en conditions de guerre.
9 Un patient pourrait avoir la manie des grandeurs et pourrait dire des
10 choses qui seraient ou qui pourraient être qualifiables de délit criminel.
11 Question: Vous parlez de mégalomaniaque?
12 Réponse: Un mégalomaniaque. Et s'il avait raconté quelque chose dans ce
13 sens-là, cela pourrait se situer dans le contexte de ce trouble
14 psychotique aigu dont il souffrait.
15 Question: Vous n'avez pas été informé de ce genre de comportement, de ce
16 genre de comportement déviant?
17 Réponse: Non.
18 Question: Vous nous avez dit que vous étiez le seul, à côté d'un autre
19 médecin, que vous étiez les deux seuls à travailler dans ce département,
20 vous et Slavica Jevtovic?
21 Réponse: Mme Martinovic, et puis il y avait la doctoresse Bukvic, et il y
22 avait le Dr Dimitrijevic. Eh bien, ils étaient tous les quatre
23 neuropsychiatres. Enfin, moi j'étais leur assistant, en quelque sorte,
24 praticien général se préparant pour une spécialisation en
25 neuropsychiatrie.
Page 3359
1 Question: Vous venez de parler de 700 patients qui passaient par votre
2 département. Quel était le temps que vous avez passé avec M. Vasiljevic?
3 Pendant une journée, pendant une semaine? Quels étaient vos contacts
4 directs avec M. Vasiljevic pendant le temps qu'il était dans votre
5 département?
6 Réponse: Département de psychiatrie; les visites se faisaient
7 quotidiennement. Donc tous les matins, je le rencontrais, moi-même et mon
8 tuteur, la doctoresse Jevtovic. Et une fois par semaine, au moins, j'avais
9 la possibilité de m'entretenir avec lui. Enfin, dirais-je, ce serait une
10 moyenne.
11 Question: Et combien duraient ces entretiens hebdomadaires?
12 Réponse: Je ne pourrais pas le dire. C'était une situation exceptionnelle.
13 Nous avions beaucoup de patients, une pression vraiment qui était très
14 grande dans l'entourage, donc on avait moins de temps à consacrer à nos
15 patients. En revanche, aujourd'hui nous en avons beaucoup plus. Nous
16 vivons actuellement dans des temps normaux et à l'époque, c'étaient des
17 temps exceptionnels.
18 Question: Pourrait-on dire que vos entretiens hebdomadaires avec M.
19 Vasiljevic étaient à peu près d'une heure, ou un peu moins?
20 Réponse: Oui, à peu près une heure. Pas au-delà d'une heure.
21 Question: Et les visites du matin, les visites quotidiennes que vous aviez
22 avec M. Vasiljevic, c'étaient quelques minutes?
23 Réponse: Ça dépendait de la condition dans laquelle il se trouvait.
24 Question: Et pendant les cinq autres jours, à quoi cela pourrait rimer,
25 comme longueur d'entretien?
Page 3360
1 Réponse: Essayez de vous expliquer.
2 Question: Du lundi au vendredi, vos entretiens n'auraient pas duré plus
3 d'une heure?
4 Réponse: Peut-être, mais je ne vois pas dans quel sens cela serait
5 important.
6 Question: Au cours de vos contacts… Tout compte fait, ces contacts n'ont
7 pas duré plus de deux heures?
8 Réponse: A peu près.
9 Question: Vous avez remarqué que le comportement de M. Vasiljevic était
10 des comportements continus, est-ce correct?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Et ces 168 heures pendant lesquelles vous n'avez pas vu M.
13 Vasiljevic, est-ce que vous pourriez peut-être dire si les comportements
14 que vous avez relevés dans le cas de M. Vasiljevic auraient pu se
15 perpétuer quand vous ne le voyiez pas? Est-ce que ce serait une
16 possibilité?
17 Réponse: Il y a le livre des permanences, et puis c'est dans ce livre des
18 permanences du service de permanence où on note toute modification de
19 comportement d'un patient ou des patients. Puis c'est en conformité avec
20 ce livre que l'on adapte la thérapie, et que s'enchaînent les différents
21 entretiens et conversations avec le patient.
22 Question: Est-ce que vous seriez d'accord que, pendant les 166 heures
23 pendant lesquelles vous ne voyiez pas M. Vasiljevic, est-ce que son
24 comportement aurait pu changer, aurait pu être différent de ce que vous
25 êtes en train d'écrire?
Page 3361
1 Réponse: Non.
2 Question: Et ces protocoles, registres qui sont devant la Chambre et
3 auxquels vous n'avez pas eu accès avant votre déposition aujourd'hui, est-
4 ce que vous les avez vus?
5 Réponse: Non.
6 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus de questions.
7 M. le Président (interprétation): Quelques questions en supplément, Maître
8 Domazet?
9 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Slobodan Simic, par
10 Me Domazet.)
11 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Je vais procéder de ces dernières questions dont vous vous souviendrez le
13 mieux.
14 Lorsque M. Groome a parlé de ces heures que vous avez passées avec le
15 patient, il y a eu un certain nombre d'heures que vous avez passées avec
16 votre patient. Il s'agit donc de ces heures d'entretiens avec M.
17 Vasiljevic?
18 M. Simic (interprétation): Oui.
19 M. Domazet (interprétation): Et puis après votre réponse, une question qui
20 vous a été posée a été indicative, à savoir que vous ne voyiez pas M.
21 Vasiljevic. Est-ce que visiter un patient et s'entretenir avec un patient,
22 c'est la même chose? Donc, visite et entretien?
23 M. Simic (interprétation): Oui, je le voyais pendant le temps, mes
24 horaires de travail. Et cet entretien, cette interview avec mon patient
25 avait lieu une fois par semaine.
Page 3362
1 M. le Président (interprétation): Je vous prie de faire une pause entre
2 les questions et les réponses.
3 M. Domazet (interprétation): Est-ce que cela veut dire, Docteur Simic, que
4 ce que vous avez dit, et parlant de ces heures quotidiennes,
5 hebdomadaires, enfin, ce n'est pas le temps qui vous a été réservé pour
6 voir Vasiljevic mais que vous le voyiez en dehors de ces heures-là. Est-ce
7 vrai?
8 M. Simic (interprétation): Oui.
9 Question: Est-ce que cela veut dire que vous avez pu détecter un
10 comportement personnel caractéristique de M. Vasiljevic, d'un patient,
11 sans parler directement avec lui?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Docteur Simic, vous avez parlé des infirmières de votre
14 département qui avaient un registre de comportement où elles inscrivaient
15 le comportement des patients dans votre département.
16 Est-ce que ces infirmières inscrivaient dans ce registre les réactions, le
17 comportement des patients qui seraient en décalage vis-à-vis d'un
18 quelconque comportement –enfin, genre excès-, quelque chose qui serait
19 incompatible avec un comportement normal?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que vos patients pouvaient recevoir des visites d'autres
22 personnes, et dans quelles circonstances?
23 Réponse: Oui. Avec l'approbation du docteur et en fonction de leur état de
24 santé, de leur condition, et les circonstances dans le département.
25 Question: Est-ce que ces visites étaient, en quelque sorte, surveillées
Page 3363
1 par le personnel de votre département?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Donc si, pendant ces visites, il y avait quelque incident que ce
4 soit, est-ce que les infirmières seraient tenues de le noter dans le
5 registre de comportement que vous aviez dans le cadre de votre
6 département, au moment où le patient était soit alité ou dans sa chambre?
7 Réponse: Oui.
8 Question: On a parlé du fait que certains patients -et cela a été dit au
9 cours d'une déposition-, on avait parlé de la possibilité pour les
10 patients de sortir de l'hôpital pendant le week-end. Est-ce qu'il y avait
11 cette possibilité?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Est-ce que Mitar Vasiljevic pouvait en profiter, en bénéficier,
14 étant donné son état de santé?
15 Réponse: Non, il ne sortait pas pendant le week-end.
16 M. Domazet (interprétation): Docteur Simic, répondant à une question de M.
17 Groome, vous avez expliqué et vous avez parlé de la manie de grandeur,
18 mégalomanie.
19 Eh bien, est-ce que vous avez remarqué, au cours de vos entretiens avec
20 votre patient, cette aspiration, cette mégalomanie, et notamment lorsqu'il
21 s'agissait de cet entretien avec un patient de ces musulmans tués, de ce
22 hodza qui a été tué?
23 Enfin, est-ce compatible avec le diagnostic qui lui a été donné? Est-ce
24 compatible qu'il ait pu le dire, le raconter à un patient pour lequel il
25 savait qu'il était de nationalité musulmane, et que personne d'autre
Page 3364
1 n'avait mentionné cet événement, ce fait? Est-ce que c'est peut-être vrai
2 de dire qu'il racontait quelque chose qui n'était pas une vérité, alors
3 que personne d'autre ne l'avait mentionné?
4 Est-ce que cela pourrait être placé sous ce que vous appelez mégalomanie,
5 manie de grandeur?
6 M. Simic (interprétation): Pas tout à fait. Je ne pourrais pas dire qu'il
7 était dément, à l'époque.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, c'était quelque chose
9 de très recherché sur des plans les plus vastes. Je pense, et personne n'a
10 soulevé cela devant la Chambre, je pense que cela n'a pas été même posé
11 comme problème dans cette affaire.
12 Et puis surtout, lorsqu'il s'agit de décider si la réponse que vous
13 souhaitez obtenir pourrait avoir une valeur, essayez de lui donner une
14 bonne valeur. Pour le moment, je ne vois pas comment elle pourrait avoir
15 une valeur quelconque.
16 M. Domazet (interprétation): J'ai enchaîné une question qui a été posée
17 par M. Groome qui a parlé de dépositions, et puis de dépositions
18 éventuelles de témoins éventuels.
19 M. le Président (interprétation): Maître Domazet… Oui, M. Groome a parlé
20 du futur conditionnel, que des témoins viendront éventuellement, ainsi de
21 suite. Mais vous, vous demandez au docteur de donner un élément de preuve
22 sur quelque chose qui n'a pas été dit nettement et en toute valeur.
23 Enfin, vous avez des présomptions assez larges. Essayez de vous garder à
24 ce qui aurait une valeur.
25 M. Domazet (interprétation): Je voudrais vous désoler, en quelque sorte,
Page 3365
1 mais ce témoin ne viendra pas comme un témoin de la défense, bien que cela
2 ait fait partie de mes projets. Et puis, j'ai l'intention… Donc, je laisse
3 ça de côté.
4 J'ail l'intention de reformuler ma question. Ma question serait la
5 suivante: Docteur Simic, vous avez expliqué certaines choses comme "manie
6 de grandeur", "mégalomanie" et puis "démence mégalomaniaque".
7 Est-ce que votre patient pourrait vous raconter, vous relater des choses
8 horribles à vous ou à des personnes vis-à-vis desquelles il aurait
9 prétendument commis un crime? D'après vous, est-ce que ce serait un
10 comportement normal, ou est-ce que cela pourrait être catégorisé dans la
11 catégorie de comportement démentiel?
12 Réponse: Je n'ai pas d'information à vous donner à ce sujet, et cela ne
13 figure pas dans l'anamnèse et sur la fiche de l'anamnèse de sa maladie.
14 Question: Est-ce que vous voulez dire, et vous disiez cela, parce qu'il
15 n'a pas été examiné par un psychiatre et que vous ne pouvez pas répondre,
16 enfin, est-ce que c'est le message que vous essayez de nous faire passer?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Docteur Simic, à une question de M. Groome qui était relative à
19 des symptômes de comportement démonstratif, est-ce que j'ai bien compris
20 cette partie de votre déposition?
21 Réponse: Je ne vous ai pas très bien compris.
22 Question: Lorsque vous parliez d'une activation, d'un engagement, du
23 déclenchement de symptômes d'une maladie, qu'est-ce que représenteraient
24 ces comportements du patient qui précéderaient à cela?
25 Réponse: Il y a des épisodes, des épisodes qui pourraient être soupçonnés
Page 3366
1 d'épisodes psychotiques.
2 Question: Manifestation d'un tel comportement, est-ce qu'on pourrait citer
3 le cas d'un excès, refus d'obéir à un ordre, remise d'armes, refus de
4 transporter la nourriture pendant la nuit vers les lignes de front?
5 Réponse: L'anxiété, la peur est déjà un symptôme accompagnant d'une
6 psychose, et cette peur est quelque chose qui est un élément présent
7 potentiellement.
8 Question: Monsieur le Docteur, si par la suite on lui confiait une
9 campagne de nettoyage de la ville, des détritus qui se trouvaient dans
10 cette ville, est-ce que le fait de porter un insigne, de porter un insigne
11 indiquant ce qu'il fait, est-ce que cela lui ajouterait de l'importance au
12 niveau personnel, par rapport à une manifestation psychique du genre
13 évoqué?
14 Réponse: Présentation, mégalomaniaque et, si c'était évident et drastique,
15 cela pourrait être pris en considération comme une manifestation de
16 bouleversement de cette personne.
17 Question: Manifestation, articulation de quelque chose, de ce qui a
18 précédé son entrée, son hospitalisation, son admission à l'hôpital, le
19 fait de monter à cheval à travers tout Visegrad sous la pluie sans
20 équipement, sans selle, sans rênes, et puis monter à une cadence assez
21 rapide, démonstration qui surpasserait un comportement quotidien normal?
22 Réponse: Oui. Ce serait un comportement inhabituel ni le sien ni celui du
23 milieu dans lequel il vit.
24 Question: Vous avez insisté à plusieurs reprises qu'au moment où le
25 psychiatre a fait son premier examen du patient. Est-ce que dans ce cas
Page 3367
1 concret, dans le cas concret de Mitar Vasiljevic, est-ce que c'est le jour
2 où le psychiatre l'avait examiné pour la première fois et vous n'avez pas
3 cette fiche de sortie de l'hôpital? Enfin, vous ne pouvez pas constater
4 quand est-ce que cet examen a eu lieu ou peut-être que vous vous souvenez
5 de cette date-là?
6 Réponse: Une fois transféré dans le département de psychiatrie, il a dû
7 être examiné par un psychiatre; c'est le protocole et la procédure qui le
8 veulent ainsi.
9 Question: Au plus tard cela c'est donc produit le 7 juillet 1992?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Docteur Simic, j'ai parlé de ces quelques cas qui ont précédé le
12 cas de l'accusé, et il s'agit d'une période de 15 jours avant son entrée à
13 l'hôpital. Donc à l'entrée à l'hôpital et avant son admission dans votre
14 service, et si l'on arrive à prouver que votre patient, donc, postérieur,
15 offensait d'autres patients, chantait, se comportait d'une manière qui
16 était absolument incompatible avec le comportement des autres patients,
17 est-ce que cela pourrait être indicatif de certains symptômes qui
18 pourraient être à l'origine des troubles qui se sont produits au plus tard
19 le 7 juillet?
20 Réponse: Ce sont des comportements qui auraient pu se produire au niveau
21 de l'évolution de sa psychose.
22 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez identifié ces troubles-
23 là comme étant des troubles psychotiques aigus susceptibles d'être
24 survenus d'un coup, un jour donné, qu'il s'agisse du 7 juillet ou d'un
25 autre jour, sans qu'il y ait des journées précédentes qui nous mèneraient
Page 3368
1 à ce type de comportement, donc indépendamment des événements ou du
2 comportement précédent?
3 Réponse: Le niveau psychotique, à savoir… La perturbation aiguë a été
4 présente le jour de son admission, mais ce comportement particulier,
5 démonstratif, fait partie de la perturbation fondamentale de son type de
6 comportement avec ces manifestations sous forme de cris, de "gueulades" et
7 ainsi de suite. Et le 7, la chose est arrivée à sa culmination.
8 Question: Docteur Simic, quand vous avez répondu à des questions avant que
9 l'on ne vous ait montré la pièce à conviction relative à la thérapie que
10 vous avez examinée et expliquée, donc avant que l'on ne vous ait présenté
11 quelque document écrit que ce soit, donc lorsque vous vous fondiez sur vos
12 souvenirs, vous nous aviez dit que, s'agissant de ces états-là,
13 s'accompagnant de soins appropriés, un patient est habituellement remis en
14 un jour ou deux, c'est-à-dire: c'est au bout de cette période-là qu'il
15 n'avait plus à être attaché, à porter des liens.
16 Donc une fois que vous êtes penché sur cette documentation et que vous
17 avez apporté les explications relatives à M. Mitar Vasiljevic, est-ce que
18 vous seriez en mesure de nous dire si votre explication est la même que
19 pour les autres patients, ou si vous estimez que M. Mitar Vasiljevic
20 nécessitait une thérapeutique plus forte, plus puissante?
21 Réponse: Eh bien, d'après la fiche thérapeutique, pendant six jours il
22 avait été extrêmement agité. C'est une période, en effet, quelque peu plus
23 longue que la période habituelle.
24 Question: Par conséquent, ce que vous nous aviez dit auparavant était une
25 moyenne, ou alors la chose usuelle pour des patients ordinaires? Et par la
Page 3369
1 suite, vous nous avez parlé de ce patient concret suite à l'examen de la
2 documentation médicale que l'on vous a soumise, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 M. Domazet (interprétation): Je vous remercie, Docteur Simic. Je n'ai plus
5 de questions à vous poser.
6 (Questions au témoin, M. Slobodan Simic, par Mme la Juge Taya)
7 Mme Taya (interprétation): Docteur, j'ai plusieurs questions à vous poser.
8 Ces questions sont afférentes à la pièce à conviction 138; je vous
9 demanderai donc de vous pencher sur cette pièce à conviction, page 1.
10 M. le Président (interprétation): De quoi s'agissait-il?
11 Mme Taya (interprétation): La pièce à conviction 138.
12 M. le Président (interprétation): Avez-vous, Monsieur le Témoin, cette
13 pièce à conviction?
14 M. Simic (interprétation): Oui. Non, je ne l'ai pas.
15 M. le Président (interprétation): Vous allez la recevoir immédiatement.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Mme Taya (interprétation): Je vous demande maintenant de vous pencher sur
18 la première page, la page 1.
19 Vous nous avez dit que sous la rubrique 12, c'était vous qui avez tapé à
20 la machine l'inscription "psychosis" et le code 298.9; est-ce exact?
21 M. Simic (interprétation): Oui.
22 Question: Est-ce que cela signifie que ce qui a été inscrit dans les
23 autres rubriques n'est pas quelque chose d'inscrit par vos soins, mais par
24 d'autres médecins ou d'autres infirmières?
25 Réponse: J'ai inscrit dans cette colonne 12 "psychosis". J'ai inscrit la
Page 3370
1 date de sortie, rubrique 13, et en rubrique 17 vous avez ma signature, à
2 savoir celle du médecin traitant.
3 Question: Je voudrais que vous vous penchiez maintenant sur la rubrique
4 n°3. Quel type de docteur ou d'infirmière a le droit de porter des
5 renseignements dans la rubrique 3?
6 Réponse: Tout le reste est inscrit par les services d'admission, à savoir
7 l'infirmière chargée de l'admission.
8 Les diagnostics sont, eux, rédigés par les médecins. Les fiches de sortie
9 sont rédigées par des médecins. La date et le type d'opération sont portés
10 par le médecin, et c'est le médecin qui signe.
11 Question: Quand on se penche sur cette pièce à conviction P138, peut-on
12 dire dans ce cas concret, qui a mis les renseignements qui figurent à la
13 rubrique 3?
14 Réponse: Je ne saurais pas le dire. J'imagine que ce devait être
15 l'infirmière au service d'admissions.
16 Question: Les renseignements qui sont portés dans les rubriques, autre que
17 la rubrique 12 semblent être tapés sur une machine à écrire identique à la
18 vôtre. Est-ce que les autres médecins et infirmières dans cet hôpital en
19 l'an 1992 utilisaient les mêmes machines à écrire?
20 Réponse: Ca je ne le sais vraiment pas. Je trouve par contre, moi-même
21 qu'il y a des différences. Si l'on se penche un peu sur ce qui figure sur
22 cette feuille, je ne pourrais pas dire que c'est la même machine.
23 Question: Mais de nos jours encore, vous vous servez, je suppose, de la
24 même machine à écrire?
25 Réponse: Chez nous les machines à écrire sont âgées de 20 à 30 ans, ce qui
Page 3371
1 fait que c'est probablement les mêmes. Je ne suis plus dans ce même
2 hôpital, mais il est fort possible qu'à l'hôpital, la même machine à
3 écrire soit encore présente.
4 Mme Taya (interprétation): Je vous remercie.
5 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des questions suite aux
6 questions du Juge, de la part de la défense ou de l'accusation?
7 M. Groome (interprétation): Non.
8 M. Domazet (interprétation): Non.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur le témoin, je vous remercie
10 d'être venu témoigner. Excusez-nous d'avoir fait durer votre témoignage
11 aussi longtemps. Mais vous avez témoigné de façon très importante, et nous
12 tenons à vous remercier d'être venu témoigner, vous êtes libre maintenant
13 de vous en aller.
14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
15 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, en attendant l'entrée
16 du témoin suivant, je voudrais vous informer de ce qui suit.
17 Nous avons à présent ces protocoles. Malheureusement pour des problèmes
18 personnels, je n'ai pas eu le temps pendant la pause déjeuner de me
19 pencher dessus. Je me propose de le faire ce soir.
20 Je crois devoir vous informer que nous avons tenté de contacter un expert
21 en médecine légale. Nous avons essayé pendant les trois journées écoulées
22 de le faire, et nous n'avons pas réussi à établir ce contact, mais dès que
23 ce contact sera établi, nous allons procéder à une évaluation de la durée
24 nécessaire et nous en informerons la Chambre.
25 En outre, j'estime que nous n'aurons pas à nous pencher sur des documents
Page 3372
1 supplémentaires.
2 M. le Président (interprétation): Bien. Pour autant que j'aie pu le
3 comprendre, nous allons avoir une infirmière du département orthopédique
4 qui sera le témoin suivant.
5 Je ne sais pas si nous allons traverser tous ces documents avec elle, mais
6 j'espère que cela ne sera pas le cas.
7 M. Groome (interprétation): Nous avons le registre psychiatrique et je
8 vais envoyer quelqu'un nous envoyer les autres registres, afin qu'ils
9 soient apportés demain.
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 (Le témoin, Mme Slavica Pavlovic, est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président (interprétation): Madame, je vous demanderai maintenant de
13 lire la déclaration solennelle qui vous est tendue par M. l'huissier.
14 Mme Pavlovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir Madame.
17 (Le témoin s'assoit.)
18 Maître Domazet, à vous.
19 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Slavica Pavlovic, par Me
20 Domazet.).
21 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
22 Madame, bonjour.
23 Mme Pavlovic (interprétation): Bonjour.
24 Question: Je vais vous poser des questions au nom de la défense de M.
25 Vasiljevic, et je vous prierai une fois que vous aurez entendu ma
Page 3373
1 question, avant que de me répondre, de faire une pause de quelques
2 secondes pour des raisons d'interprétation, et ce pour la simple raison
3 qui est la suivante, nous parlons la même langue vous et moi.
4 Je vous demanderai de décliner votre identité devant la Chambre, de nous
5 donner donc votre Nom, prénom, votre date et lieu de naissance.
6 Réponse: Je m'appelle Slavica Pavlovic, je suis née à Uzice, le 18 août
7 1957.
8 Question: Madame Pavlovic, pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait
9 comme classes?
10 Réponse: J'ai fait des études primaires d'abord, puis des études médicales
11 secondaires.
12 Question: Où travaillez-vous à présent Madame Pavlovic?
13 Réponse: Je travaille à l'hôpital général d'Uzice.
14 Question: Depuis quand êtes-vous employée par cet hôpital général d'Uzice,
15 Madame Pavlovic?
16 Réponse: J'y travaille depuis le premier décembre 1986.
17 Question: Cela signifie t-il que vous êtes en relation de travail
18 ininterrompu depuis 1986 à ce jour, dans ce même hôpital général d'Uzice?
19 Réponse: C'est cela.
20 Question: Pendant l'année 1992, à quel département avez-vous travaillé
21 dans cet hôpital général d'Uzice, Madame Pavlovic?
22 Réponse: J'ai travaillé au département de chirurgie orthopédique et de
23 traumatologie.
24 Question: Et depuis lors travaillez-vous au même département, de nos jours
25 encore?
Page 3374
1 Réponse: Oui.
2 Question: Pouvez-vous nous donner une description de ce département pour
3 l'année 1992, je vous prie? Je voudrais savoir quelle était l'ampleur de
4 ces départements, quels étaient les médecins qui y travaillaient, combien
5 de chambres vous aviez à votre disposition et, dans le cadre de l'hôpital,
6 où est-ce que vous vous trouviez?
7 Réponse: En 1992, nous nous trouvions à l'hôpital, au quatrième étage de
8 cet hôpital, tout comme aujourd'hui. Nous avions 18 chambres, numérotées
9 de 401 à 418. De nos jours encore, la numérotation est la même, exception
10 faite du fait que deux de ces pièces ne sont plus des chambres destinées
11 aux malades.
12 Nous avions deux médecins, le Dr Milosavljevic, le Dr Jovicevic, ce
13 dernier étant le directeur de l'hôpital en même temps. Puis il y avait le
14 Dr Vojkan Krnjic et le Dr Djordje Stojkovic. Il s'agissait là
15 d'orthopédistes.
16 De plus, nous avions des docteurs qui se préparaient à faire des
17 spécialisations ou qui se trouvaient en cours de spécialisation en
18 orthopédie. Il y avait le docteur Ivan Jovanovic parmi eux, et Vladimir,
19 le Dr Vladimir Gordic.
20 Question: Vous êtes-vous souvenu de tous les médecins, ou avez-vous peut-
21 être omis l'un quelconque d'entre eux?
22 Réponse: Ecoutez, je vous ai certainement énuméré tous les orthopédistes
23 qu'il y avait. Si vous le désirez, je peux reprendre une fois de plus.
24 Question: Non. Je vais vous poser une question concrète afférente à l'un
25 d'entre eux, pour savoir s'il avait travaillé à votre département ou à un
Page 3375
1 autre département.
2 Réponse: Je m'excuse, il y avait le Dr Moljevic; c'est un docteur que j'ai
3 omis de mentionner. Il avait travaillé, à l'époque, dans notre
4 département.
5 Question: Oui, merci. Donc lui aussi avait travaillé dans votre
6 département?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos fonctions, en votre
9 qualité d'infirmière, pour ce qui était de la tenue à jour des registres
10 de patients?
11 Réponse: Nous recevions des patients avec une anamnèse déjà ouverte, et
12 c'est le cas de nos jours encore. Donc cela se passe au niveau du service
13 d'admission de l'hôpital.
14 Suite à leur arrivée à notre département, nous sommes tenus de les porter
15 dans notre registre, notre cahier des résultats, et ce dans le cas où ils
16 arriveraient, le jour même dans le cas où ils arriveraient avant 13
17 heures.
18 Nous tenons à jour une fiche, un carton avec la température du patient et
19 après 13 heures, c'est la relève suivante qui inscrit son arrivée dans ce
20 registre des relèves. Ensuite...
21 Question: Attendez un petit peu, je vous prie.
22 Avant de continuer, je voudrais que vous nous expliquiez de quel type de
23 relève il s'agissait, combien de relèves il y avait et s'il y avait
24 également un registre de ces relèves.
25 Réponse: Bien sûr, il y avait des registres afférents. Les infirmières se
Page 3376
1 relayaient et il y avait trois équipes qui se relayaient à tour de rôle.
2 Question: Comment se faisaient ces équipes?
3 Réponse: La première équipe commençait à 6 heures du matin et durait
4 jusqu'à 13 heures. La deuxième équipe commençait à 13 heures et se
5 terminait à 20 heures. Et la troisième commençait à 20 heures et prenait
6 fin à 6 heures du matin. C'est le travail par équipe qui était en vigueur
7 pour le personnel médical à formation secondaire.
8 Question: Les horaires que vous venez de nous donner pour la première
9 équipe coïncidaient-ils avec les horaires réguliers, ordinaires, des
10 médecins, des infirmières, du reste de l'hôpital?
11 Réponse: Je vous parlais du travail, des horaires de travail de ceux qui
12 travaillaient par équipe. Ceux qui ne travaillaient qu'en première équipe,
13 eux, travaillaient jusqu'à 14 heures. Les médecins travaillaient de 7
14 heures à 14 heures.
15 Question: Les horaires normaux des médecins et des infirmières, sans
16 compter ceux qui étaient par équipe, étaient de 7 heures à 14 heures?
17 Réponse: Oui. Les médecins, oui. Mais les infirmières travaillaient de 6
18 heures du matin à 13 heures.
19 Question: Y avait-il un registre à part pour ce qui est des relèves, ou
20 est-ce que l'on tenait à jour un cahier distinct à ce sujet?
21 Réponse: Oui. Ce cahier était tenu par les deuxième et troisième équipes.
22 Et ces annotations étaient portées dans un registre ou un cahier à part,
23 que nous appelions le cahier de la remise des fonctions.
24 Question: Mais pouvez-vous nous dire pourquoi cela n'était pas tenu à
25 jour, pour ce qui est de la première équipe ?
Page 3377
1 Mme Pavlovic (interprétation): Dans la première équipe, nous avions un
2 registre ou un cahier des résultats où l'on portait donc les noms des
3 patients dont il avait été pris soin dans la matinée.
4 M. Domazet (interprétation): Merci.
5 Monsieur le Président, seriez-vous peut-être d'avis que l'heure serait
6 venue de lever la séance?
7 M. le Président (interprétation): Oui, en effet. Nous allons le faire.
8 Nous allons reprendre nos travaux demain matin à 9 heures 30.
9 (L'audience est levée à 16 heures.)
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25