Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Jeudi 29 novembre 2001.)

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

  3   (Audience publique.)

  4   (Le témoin, M. Borislav Martinovic, est déjà dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.

  6   Mme Philpott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  7   Il s'agit de l'affaire IT-98-32-PT, le Procureur contre Mitar Vasiljevic.

  8   M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demande de

  9   prononcer la déclaration solennelle que M. l'huissier est en train de vous

 10   tendre.

 11   M. Martinovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir, Monsieur.

 14   M. Martinovic (interprétation): Merci.

 15   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, c'est à vous.

 16   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 17   (Interrogatoire principal du témoin, M. Borislav Martinovic, par Me

 18   Domazet.)

 19   M. Domazet (interprétation): Monsieur Martinovic, bonjour.

 20   M. Martinovic (interprétation): Bonjour.

 21   Question: Monsieur Martinovic, au nom de la défense de M. Mitar Vasiljevic

 22   je me propose de vous poser aujourd'hui des questions. Et dès le départ,

 23   je vous demande de patienter une fois que j'aurai prononcé ma question

 24   avant que de commencer à répondre, chose que je me propose de faire

 25   également, et ce aux fins de faciliter la tâche des interprètes, notamment


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  1   parce que j'ai ouï dire que l'interprétation vers le français demandait un

  2   peu plus de temps.

  3   Je vous demanderai donc de vous servir du compte rendu d'audience que vous

  4   avez devant vous sur le moniteur, et vous pouvez voir défiler les lettres.

  5   Une fois que celles-ci cesseront de défiler, cela voudra dire que

  6   l'interprétation est terminée.

  7   Aussi vous demanderai-je d'abord de décliner votre identité, votre nom,

  8   prénom, date et lieu de naissance.

  9   Réponse: Je suis professeur en médecine, agrégé neuropsychiatre, et je

 10   m'appelle Borislav Martinovic. Je suis né à Zajecar, en Serbie, en 1934.

 11   J'ai terminé mes études de médecine à Belgrade en 1962. J'ai fait ensuite

 12   une spécialisation en 1970 et depuis lors, je suis spécialiste et j'exerce

 13   ce métier de nos jours encore, depuis 40 ans presque. Je suis agrégé

 14   depuis 15 ans. Je crois que je vous en ai donné assez long.

 15   J'avais été aussi chef de ce département de psychiatrie pendant la période

 16   où les événements se sont passés, événements pour lesquels nous nous

 17   trouvons aujourd'hui à l'intérieur de ce Tribunal. En ai-je dit assez?

 18   Question: Oui, en effet. Mais j'attends, je fais une petite pause et

 19   j'attends que l'interprétation soit terminée. Donc, une fois de plus, je

 20   vous demande de parler lentement, posément, afin que rien ne soit omis.

 21   Je vois que les renseignements relatifs à votre carrière ont été repris.

 22   Voulez-vous bien nous dire maintenant où vous travaillez actuellement?

 23   Réponse: Je dispose actuellement d'un cabinet médical privé. J'ai

 24   également omis de dire que, depuis 30 ans, je suis expert en médecine pour

 25   le compte des tribunaux. Voilà.


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  1   Question: Merci. Veuillez nous dire, pour ce qui est de l'année 1992, ce

  2   que vous avez fait et où vous avez exercé.

  3   Réponse: A l'époque, j'étais responsable du département de psychiatrie.

  4   Nous venions de séparer, de dissocier le département de neurologie et de

  5   psychiatrie et nous avons créé un département qui était un département de

  6   psychiatrie seulement, qui s'était spécialisé en matière de psychiatrie

  7   sociale; psychiatrie sociale qui avait été l'une des doctrines directrices

  8   dans l'exercice de notre profession, à l'époque.

  9   Dois-je vous parler également de ce que comportaient mes fonctions de

 10   responsable de chef de département?

 11   Question: Merci. Je pense qu'il serait bon de nous dire quelle avait été

 12   votre fonction à l'époque et de nous relater, au meilleur de votre

 13   souvenir, lequel des autres médecins avait travaillé au même département

 14   avec vous, si vous vous en souvenez.

 15   Réponse: Eh bien, cela s'était passé il y a quand même pas mal de temps

 16   mais ce que je puis vous dire tout de suite, ce sont les fonctions du

 17   responsable du chef du département. En premier lieu, c'est la personne

 18   responsable de tout ce qui se passe au département. Puis, il s'agit

 19   d'organiser le fonctionnement du département à tous les niveaux, depuis

 20   les femmes de ménage jusqu'au chef du département lui-même.

 21   Ensuite, il est une fonction qui est très importante, celle de

 22   l'éducation, de la formation des cadres. Et M. Simic, mon collègue, avait

 23   été également l'un de ceux qui avaient suivi cette formation et

 24   spécialisation.

 25   J'ai toujours insisté sur le contrôle médical des documents parce que


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  1   j'avais dit, et j'avais insisté toujours en disant que cela pouvait être

  2   un jour sollicité par des tribunaux. Donc, j'avais essayé de convaincre

  3   mes jeunes collègues du fait que tout ce qui était porté dans une

  4   documentation médicale pouvait faire l'objet d'expertises légales et être

  5   produit en tant que document à charge ou à preuve devant les tribunaux.

  6   Un responsable du département doit appliquer la doctrine qui est celle de

  7   ce département. Comme nous nous trouvions en une phase de démarrage de la

  8   psychiatrie, et de la psychiatrie européenne notamment, nous avions

  9   insisté sur la chose. Nous avions tenu des séminaires et je dois dire que

 10   j'ai tenu pratiquement 50 séminaires, à l'époque.

 11   Voilà, ce serait en bref ce que j'aurais pu vous dire. Mais je pense en

 12   avoir dit suffisamment long, quand même.

 13   Question: Merci. Je vous demanderai de bien vouloir répondre à la deuxième

 14   partie de ma question, à savoir: au meilleur de votre souvenir, lequel des

 15   médecins se trouvait encore au département et combien de médecins comptait

 16   le département?

 17   Réponse: Le département comportait une cinquantaine de lits. Je ne me

 18   souviens plus combien d'infirmières il y avait, mais une bonne quinzaine,

 19   une infirmière en chef. Il y avait, parmi les médecins, le Dr Simic, la Dr

 20   Slavica Jevtovic. Il y avait un certain Zoran Dimitrijevic, il y avait moi

 21   et je ne sais plus… Ah oui, il y Rada Lukic, une femme qui se trouve de

 22   nos jours encore là-bas. Il y avait bien sûr un employé chargé des

 23   questions sociales, il y avait un psychologue, mais c'étaient des gens qui

 24   n'étaient pas directement en contact avec les patients, à moins qu'ils

 25   n'aient été sollicités à titre occasionnel pour des diagnostics et une


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  1   thérapeutique. Il y avait aussi quelqu'un de spécialisé en thérapeutique

  2   du travail.

  3   Question: Merci. Vous nous avez dit que le Dr Simic était alors jeune

  4   médecin et que la doctoresse Slavica Jevtovic avait été son tuteur?

  5   Réponse: Elle avait été un tuteur.

  6   Question: Docteur, étant donné que vous étiez responsable de ce

  7   département, aviez-vous des patients à vous, ou était-ce la tâche des

  8   autres médecins?

  9   Réponse: J'avais également des patients à moi parce que le service était

 10   relativement petit, ce qui fait que j'avais suffisamment de temps pour

 11   traiter mes patients. Je ne voulais pas renoncer à ce segment-là de ma

 12   profession, étant donné que c'est un segment fort important pour ces

 13   derniers. Mais en ma qualité de médecin, j'étais tenu de connaître tous

 14   les patients. On était tenu de me faire des rapports lors des visites et

 15   des autres contacts, et le tuteur qui avait été chargé de la tutelle d'un

 16   médecin en spécialisation devait également me dire ce qui se passait. Ce

 17   qui fait que, en ma qualité de chef de département, je devais connaître

 18   tous les patients.

 19   Question: Si j'ai bien compris, Docteur, vers 1991 votre département a été

 20   créé en se dissociant du département de neurologie et est devenu un

 21   département tout à fait à part, n'est-ce pas?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Etant donné que cette année de 1992 avait été également une

 24   année de conflits variés, je voudrais savoir si la chose s'était reflétée

 25   sur le fonctionnement de votre département et sur celui des autres


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  1   départements, toujours pendant cette même année.

  2   Réponse: Laissez-moi vous dire: en psychiatrie, il y a un phénomène qui

  3   est bien connu, à savoir que pendant le stress immédiat, il n'y a pas de

  4   troubles psychiatriques. Ces troubles psychiatriques se manifestent

  5   lorsque le stress est passé, ce qui fait qu'à l'époque, pendant les

  6   activités, les actions de combats en Bosnie, nous n'avons pas eu d'afflux

  7   particulier de patients originaires de cette région-là. Mais il y avait eu

  8   des patients individuels, des cas isolés comme l'avait été M. Mitar qui,

  9   pour des raisons diverses, avaient souffert de troubles psychotiques. Et

 10   comme bon nombre de patients de ce type, il est venu au département de

 11   psychiatrie après avoir été soigné en orthopédie. Mais nous n'avons pas eu

 12   d'afflux de patients particulier.

 13   Question: Si j'ai bien compris la réponse que vous avez donnée à ma

 14   question, vous nous avez dit que le stress ne se manifestait que bien plus

 15   tard, ce qui fait que ce qui s'était passé en 1992 pouvait ne se refléter

 16   chez vous que bien plus tard. Ai-je bien compris?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Docteur Martinovic, vous venez de mentionner vous-même tout à

 19   l'heure une chose et je voudrais que vous nous disiez si vous vous

 20   rappelez un patient, M. Mitar Vasiljevic, qui avait été votre patient en

 21   1992 et, si vous vous en souvenez, de nous dire de quoi vous vous

 22   souvenez, et ce avant que nous ne vous montrions une documentation au

 23   sujet de laquelle nous vous demanderons par la suite de vous prononcer.

 24   Mais, dans l'immédiat, je voudrais que vous nous disiez de quoi vous vous

 25   souvenez au sujet du patient.


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  1   Réponse: Eh bien, laissez-moi vous dire que je ne me souviens pas du tout

  2   de ce patient. Nous avons eu

  3   beaucoup de gens, en grand afflux. Et, partant de la documentation

  4   médicale disponible, je puis vaguement me souvenir. Mais pour ce qui est

  5   du reste, non.

  6   Question: Est-ce que cela signifie qu'il n'avait pas été l'un de vos

  7   patients dont vous avez pris soin?

  8   Réponse: Personnellement, à moi? Non.

  9   Question: Patientez avant de répondre, je vous prie.

 10   Réponse: Ah! Oui, c'est vrai.

 11   Question: Patient dont vous aviez pris soin vous-même?

 12   Réponse: C'est cela; il n'avait pas été mon patient à moi.

 13   Question: Je vous demanderai maintenant de vous pencher sur l'anamnèse de

 14   M. Mitar Vasiljevic et une fois que vous aurez étudié celle-ci, de nous

 15   dire ce que vous pouvez nous dire.

 16   Je voudrais donc que M. l'huissier présente au témoin la pièce à

 17   conviction P38.

 18   (Intervention de l'huissier.)

 19   (Le témoin prend connaissance du document.)

 20   Docteur Martinovic, je vous demanderai d'abord de vous pencher sur la

 21   première page, là où il y a les renseignements d'ordre général.

 22   Réponse: Oui, je vois.

 23   Question: Et en votre qualité de médecin qui avez été chef du département

 24   à l'époque et qui avez certainement eu contact avec ce type d'anamnèse, je

 25   voudrais que vous nous disiez ce qui vous semble apparent depuis


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  1   l'anamnèse de M. Mitar Vasiljevic.

  2   Réponse: Ce que je vois d'abord -la date d'admission, je n'ai pas à parler

  3   de cette date, vous devez tous la connaître-, il a été soigné à des deux

  4   départements: à l'orthopédie et à la psychiatrie. Le diagnostic final est

  5   298.9, et on voit en signature deux médecins, le docteur en psychiatrie D

  6   Jovicevic –non, lui, il est en orthopédie- et le Dr Simic. Les choses sont

  7   claires. On voit ce qui a été fait à l'intervention chirurgicale en

  8   orthopédie et soins au département psychiatrique.

  9   M. Domazet (interprétation): Je vous demande maintenant de passer à la

 10   suite et de nous dire ce qui a été noté par les médecins de votre

 11   département à vous.

 12   M. Martinovic (interprétation): Il est arrivé à notre département le 8

 13   juillet 1992. Ici, et à la page d'après, on dit qu'il avait été examiné

 14   par l'orthopédiste, il avait été envoyé par l'orthopédiste en

 15   neuropsychiatrie parce qu'il se comportait de façon très particulière.

 16   Mais nous, psychiatres et neurologues, nous étions de permanence aux

 17   départements qui étaient les nôtres, respectivement les nôtres. Et pour ce

 18   qui est du Dr Simic, nous pouvons dire qu'il avait inscrit qu'il

 19   s'agissait d'un état agité, d'un patient qui chantait, qui criait, qui se

 20   débattait, et qu'il s'agissait d'un cas de patient sérieusement troublé

 21   suite à la psychose dont il souffrait.

 22   Je ne sais pas si vous avez ici la fiche de la température du patient et

 23   des médicaments administrés. Une fois que j'aurais vu la thérapeutique

 24   administrée, je saurai si la thérapeutique neuroleptique avait été forte

 25   ou pas. Mais j'imagine que oui parce que, d'après ce qui est inscrit ici,


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  1   c'est à peu près le traitement que l'on administre.

  2   Le patient s'est calmé, s'est apaisé après la thérapeutique,

  3   l'administration de la thérapeutique prescrite. Dès le 15 juillet, il se

  4   trouve apaisé, son comportement est approprié et ainsi de suite. Voilà.

  5   Puis on a pris des renseignements d'une anamnèse de la part de sa femme

  6   qui, elle, avait présenté ses observations à elle concernant son mari,

  7   pour ce qui est de la phase préalable à son hospitalisation.

  8   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, merci.

  9   Maître Domazet, je ne suis pas certain que nous ayons besoin de tout cela.

 10   M. Domazet (interprétation): Certainement.

 11   M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons cette feuille de

 12   température du patient et des médicaments qui lui avaient été administrés

 13   à l'une quelconque des pièces à conviction?

 14   M. Domazet (interprétation): Certainement. Ce sera notre pièce à

 15   conviction suivante.

 16   Docteur Martinovic, si j'ai bien compris, il avait été examiné par un

 17   neuropsychiatre qui n'a pas travaillé à votre département, mais en

 18   neurologie?

 19   M. Martinovic (interprétation): Absolument: Bora Bogdanovic, que je

 20   connais depuis plus de 20 ou 30 ans et dont je connais la signature, que

 21   je connais depuis plus de trente ans. Il était là-bas le 7 juillet.

 22   Question: Est-ce que vous reconnaissez la note du Dr Bogdanovic?

 23   Réponse: Absolument, et je reconnais son écriture. C'est un excellent

 24   médecin.

 25   Question: Donc le 7 juillet, le Dr Bogdanovic a fait cette note.


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  1   Je vous demanderai de lire ce qui a été inscrit en date du 8 juillet,

  2   parce qu'il me semble que vous avez mal interprété la date du transfert de

  3   M. Mitar Vasiljevic vers votre département.

  4   Réponse: Il était inscrit ici qu'il a été examiné en date du 7 juillet par

  5   le neuropsychiatre de permanence et il a inscrit: "transférer le patient

  6   vers le département de psychiatrie". Le renseignement suivant que je puis

  7   voir, c'est que le 8 juillet il y a une première note relative au constat

  8   du psychiatre. J'imagine que celui-ci, en arrivant au travail, avait déjà

  9   son patient.

 10   Je ne vois pas où est la différence, il s'agit d'une journée. S'il a été

 11   transféré -et j'imagine que cela s'est fait l'après-midi, parce que le

 12   médecin de permanence travail l'après-midi et la nuit-, donc s'il a été

 13   transféré le 7 juillet avec une prescription de médicaments de la part du

 14   médecin de permanence, et lorsque le lendemain le Dr Simic est arrivé, il

 15   a pris en charge le patient et il a inscrit le 8 juillet.

 16   Question: Merci. Est-ce que vous vous souvenez si, à l'époque, le 7

 17   juillet avait été une fête nationale, une fête officielle?

 18   Réponse: Oui. Le 7 juillet, à l'époque, était une fête officielle.

 19   Question: Merci. Je vous demanderai maintenant de vous pencher sur cette

 20   fiche ou feuille de thérapie administrée, et je voudrais que l'on montre

 21   au témoin maintenant la pièce à conviction 165.

 22   (Intervention de l'huissier.)

 23   Réponse: Puis-je faire des commentaires?

 24   Question: Je vous demande de le faire, mais je vous demande d'aller

 25   lentement parce que, pour des raisons de termes médicaux éventuels, nous


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  1   voudrions que vous alliez quand même plus lentement et que vous nous

  2   donniez les commentaires que vous pouvez faire partant de ce carton, de

  3   cette feuille de thérapie.

  4   Réponse: On voit que l'on a prescrit un médicament très puissant, un

  5   neuroleptique qui est administré aux patients les plus troublés; il s'agit

  6   du Topral, c'est un neuroleptique très puissant. On voit qu'on lui a donné

  7   cela quatre fois, un comprimé dans une journée, jusqu'au 12.

  8   Qu'est-ce que c'était, déjà, comme mois? Juillet.

  9   Et le Nozinan -qui est un neuroleptique-, et à compter du 9 on voit que la

 10   dose a été augmentée à trois fois 100 milligrammes. Je tiens à mentionner

 11   que cela se faisait de façon intramusculaire. Donc il s'agit d'une

 12   thérapeutique sérieuse, le premier médicament étant intramusculaire, le

 13   Nozinan était des comprimés.

 14   On voit donc, partant de la thérapeutique, qu'il était extrêmement

 15   troublé, qu'il était agité. Et dans des cas pareils, l'on procède à une

 16   fixation, on leur pose des attaches, des liens. En général, ils ne sont

 17   pas dangereux, mais ce que l'on redoute, c'est qu'ils ne se blessent eux-

 18   mêmes. En tout état de cause, il s'agissait d'un état psychotique grave

 19   qui s'est calmé en quelques journées seulement. On aurait

 20   intraveineusement pu lui administrer des médicaments particuliers, mais

 21   c'est assez risqué. Je crois que les médicaments administrés avaient suffi

 22   pour apaiser le patient, et cela semble s'être effectivement passé ainsi.

 23   Question: Est-ce que vous avez jeté un oeil sur les autres feuilles

 24   jusqu'à la fin des soins administrés? Et est-ce que cela vous dit quelque

 25   chose au niveau d'une détérioration quelconque à un moment donné, ou d'un


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  1   renforcement des doses de médicaments administrés, éventuellement?

  2   Réponse: On voit ici, le 19, qu'il y a eu probablement une aggravation

  3   parce que le Largactil a été augmenté à 3 fois 200 milligrammes, ce qui

  4   est une dose extrêmement forte. Cela a duré, par la suite, jusqu'au 27 où

  5   l'on a diminué une fois de plus à 3 fois 100. Il a donc eu un épisode

  6   d'aggravation de la situation qui a duré, si j'en juge d'après cette

  7   feuille-là, 6 ou 7 … Oh, ma foi, bien 10 jours. S'agissant des états, des

  8   psychoses, cela est très possible. Il arrive qu'en cours de thérapeutique

  9   le processus recommence. Alors dans des cas pareils, ce que nous

 10   pratiquons, ce sont des augmentations de doses de médicaments administrés.

 11   Question: Docteur Martinovic, d'après ce que vous avez pu voir dans cette

 12   feuille de thérapie administrée, vous avez dit que des doses assez fortes

 13   étaient administrées dès le début et que cela témoignait du sérieux des

 14   troubles qu'avait M. Vasiljevic à l'époque. Est-ce que j'ai bien compris

 15   votre réponse?

 16   Réponse: Oui, absolument. C'est une preuve certaine d'un état psychotique

 17   très grave.

 18   Question: En outre, à un moment donné, il a été procédé à une augmentation

 19   de la dose, probablement due à une détérioration de son état chemin

 20   faisant.

 21   Docteur Martinovic, je voudrais maintenant que vous consultiez un élément

 22   de preuve qui est le D30.1 et qui est une fiche de sortie.

 23   (Intervention de l'huissier.)

 24   Réponse: Est-ce qu'il y a une question ou...?

 25   Question: Oui. Mais j'avais voulu que vous regardiez d'abord, étant donné


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  1   qu'il s'agit d'un document qui, si je ne me trompe, porte votre signature

  2   en qualité de chef du département. Et je voudrais ensuite que vous nous

  3   fassiez un commentaire.

  4   Réponse: Eh bien, on donne là la durée du séjour à l'hôpital, le

  5   diagnostic "psychosis 298.9". Dans la nomenclature de l'époque, dans la

  6   nomenclature psychiatrique c'est un diagnostic qui concerne une maladie

  7   psychotique, sans pour autant préciser de quelle entité de maladie il

  8   s'agit. Je dois vous dire que, dans la doctrine psychiatrique, il est

  9   prévu de ne pas faire de diagnostic de la maladie véritable.

 10   Ou plutôt, si vous me permettez, je vais vous expliquer la chose: si un

 11   patient vient pour une première fois, présentant une image

 12   schizophrénique, nous comprenons qu'il s'agit d'une manifestation première

 13   de schizophrénie. Nous ne faisons pas de diagnostic immédiat parce qu'il

 14   se peut que ce malade-là n'ait plus jamais de manifestation de ce type et

 15   nous ne voudrions pas que dans son carton figure un tel diagnostic pour le

 16   grever pour le reste de sa vie.

 17   Dans le cas concret, nous n'avons pas tout de suite pu fixer de diagnostic

 18   véritable pour dire de quel groupe cela faisait partie. Donc on a pris une

 19   désignation du groupe général des états psychotiques. Et pour que vous

 20   compreniez mieux les choses, la caractéristique la plus importante des

 21   états psychotiques, c'est la perte de contact avec la réalité, et cela

 22   avait été le cas de l'intéressé Vasiljevic.

 23   Je dois encore dire une chose, à savoir que les diagnostics en psychiatrie

 24   sont établis pour des périodes données. Le diagnostic n'est jamais quelque

 25   chose de statique, c'est plutôt un diagnostic dynamique parce que si les


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  1   manifestations de la maladie se réitèrent, après on fait un diagnostic.

  2   Mais il y a des manifestations de schizophrénie qui évoluent.

  3   Donc on dit qu'il s'agit d'un patient qui a été traité à l'hôpital, qui a

  4   été transféré depuis l'orthopédie. On donne ensuite une description de son

  5   comportement. On dit que, suite à la thérapeutique prescrite, sa situation

  6   s'était améliorée, sa condition s'était améliorée puis qu'il a été, qu'il

  7   est sorti de l'hôpital à la demande de son épouse.

  8   Cela signifie que le médecin n'avait pas estimé que le patient devait

  9   rentrer chez lui, qu'il aurait été préférable qu'il reste à l'hôpital

 10   parce que, d'habitude, les patients de ce type sont gardés pendant un mois

 11   ou deux. Mais avec la signature de l'épouse, il a été relâché.

 12   On lui a prescrit une thérapeutique tout de même parce que la maladie

 13   n'était pas assainie ou tout à fait résorbée. Et on voit que la

 14   thérapeutique proposée consistait en l'administration de Largactil -une

 15   tablette de 100 milligrammes trois fois par jour-, ce qui indique que son

 16   état était encore, devait encore être soigné. Et on dit qu'il devait

 17   procéder à des contrôles chez le psychiatre compétent dans un délai de 14

 18   jours, et jusque-là il ne devait pas travailler. Contrôle chez

 19   l'orthopédiste également.

 20   Question: Docteur Martinovic, en présentant vos propres coordonnées

 21   personnelles, vous avez dit que vous étiez expert qui travaillez pour le

 22   compte des tribunaux, en Yougoslavie évidemment?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Vous avez consulté, parcouru ce diagnostic, ces différentes

 25   feuilles puisque vous n'avez pas participé directement au traitement de


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  1   Mitar Vasiljevic. Est-ce que vous pourriez nous dire quel a été son état,

  2   sa condition psychique à l'époque où il était admis dans votre

  3   département? Quelle a été sa condition mentale? Est-ce qu'il y avait

  4   défaut, peut-être total ou partiel, de responsabilité mentale au moment de

  5   son admission?

  6   Réponse: Etant donné que je suis expert depuis des années, cette

  7   responsabilité mentale est toujours établie pour un délit pénal. Enfin, il

  8   n'y a pas une irresponsabilité mentale indéterminée mais, pour ce qui est

  9   de Mitar Vasiljevic, son état le qualifie comme ayant été un homme qui

 10   était hors de la réalité. Il avait tout simplement eu une rupture, une

 11   coupure avec la réalité. C'était peut-être quelque chose qui s'était

 12   produit dans le département d'orthopédie; les orthopédistes n'ont pas pu

 13   le reconnaître, l'identifier. Il était vraiment hors de la réalité, hors

 14   de soi. Et puis, s'il devait commettre un délit pénal quelconque, on

 15   prendrait en considération cette responsabilité mentale, existence ou non-

 16   existence de cette responsabilité mentale, mais c'est quelque chose qui

 17   est considéré, dans les normes internationales, comme étant cela.

 18   Question: Docteur Martinovic, je vous prie de parcourir un autre élément

 19   de preuve qui se trouve versé au dossier de la Chambre. Il s'agit du

 20   document 161.1, version BCS.

 21   Je vous prie donc de le soumettre à cet expert, au Dr Martinovic.

 22   (Intervention de l'huissier.)

 23   Je voudrais vous prier de relire cette lettre qui a été écrite. Il s'agit

 24   donc d'une lettre.

 25   (Le témoin prend connaissance de la lettre.)


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  1   Réponse: S'il vous plaît…

  2   Question: Est-ce que vous avez réussi à lire cette lettre manuscrite? Vous

  3   pouvez donc constater que c'est une lettre que Mitar Vasiljevic a écrite

  4   le 13 juillet 1992, lorsqu'il était dans votre département; il s'adressait

  5   à la doctoresse Slavica Jevtovic.

  6   Etant donné la teneur de cette lettre, est-ce que vous pourriez donner

  7   quelques commentaires de nature générale? Enfin, dans quel contexte vous

  8   pourriez situer cette lettre, en votre qualité de psychiatre?

  9   Réponse: Le 13 juillet, il était déjà dans un état calmé. Cela ressort de

 10   la liste des thérapies -liste de températures, entre guillemets, comme on

 11   l'appelait dans notre département-, et c'est quelque chose qui se passe

 12   fréquemment lorsqu'il s'agit de nos patients.

 13   C'est une lettre très correcte. Il parle de bonbons qu'il n'a pas payés,

 14   qu'il n'a pas pu rembourser. Il a dit qu'il se portait garant pour ce

 15   crédit, et puis il fait un vœu indiquant qu'il n'avait pas l'intention de

 16   les enlever.

 17   Mais il y a tout de même une sorte de diversion, de distance par rapport à

 18   un comportement normal: on ne peut pas dire à une vendeuse inconnue que

 19   l'on allait prendre quelque chose à crédit, et promettre que ce sera payé

 20   plus tard.

 21   Pour ce qui est de la deuxième partie, il y a également un signe de

 22   comportement inadéquat. Il aurait pu évaluer, enfin indiquer s'il avait

 23   des maladies, vraiment, qui l'affligeaient; il aurait pu demander un

 24   examen. Mais dire qu'il allait commencer une grève de la faim, c'est

 25   quelque chose qui est complètement inadéquat par rapport à ce qu'il aurait


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  1   pu demander et obtenir. Et cette dernière phrase est très pathognomonique,

  2   enfin est indicative d'une perturbation.

  3   Dernière phrase qui se lit: "… et je vous prierai de me lier les pieds et

  4   les jambes". C'est un signe d'agitation lorsqu'il s'agit de patients qui

  5   reçoivent certains médicaments. Lorsque ces patients nous demandent de

  6   leur attacher les pieds et les jambes et les mains, et s'ils sont déjà

  7   fixés, il y a peut-être indication d'une possibilité d'accalmie, de

  8   calmement dans cette condition-là. Donc, conditions de fixation.

  9   Question: Première page, Docteur: ce crédit qu'il prenait sur son honneur

 10   et sur ses promesses, mais il avait dû tâter le pouls du commerçant, du

 11   vendeur, enfin il avait peut-être de l'argent sur lui mais il voulait

 12   tâter le pouls du vendeur. Est-ce que ce serait une réaction normale de

 13   quelqu'un qui fait ce métier-là, qui fait cette chose-là?

 14   Réponse: Tâter le pouls du commerçant, c'est un comportement inadéquat.

 15   Comment lui tâter le pouls? Cela n'a absolument aucun rapport avec le

 16   pouls ou la possibilité de tâter le pouls de quelqu'un. C'était vraiment

 17   un trouble psychotique, un trouble de comportement mental déraisonnable.

 18   Question: Merci.

 19   Docteur Martinovic, vous avez pu consulter une partie de cette

 20   documentation. Vous avez pu constater comment Mitar Vasiljevic a été

 21   transféré et admis dans votre département et, étant donné qu'il s'agissait

 22   d'une année de guerre, que vous avez eu beaucoup de réservistes, est-ce

 23   qu'il serait possible qu'il s'agissait à l'époque d'un patient qui

 24   pourrait simuler ce genre de troubles pour éviter de se faire renvoyer au

 25   front, pour éviter de se trouver sur le champ de bataille? Parce que


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  1   c'était un soupçon, une hypothèse qui a été émise. Est-ce que vous

  2   pourriez le conclure, d'après la documentation dont vous disposez en ce

  3   qui concerne sa maladie?

  4   Réponse: La psychiatrie, faisant partie des sciences médicales, est un

  5   secteur de précision. Depuis 40 ans que j'exerce ce métier, je n'ai jamais

  6   vu quelqu'un qui simulerait. Oui, on parle de simulation et puis si cela

  7   arrive, c'est quelqu'un qui est d'un niveau mental très bas qui pourrait

  8   le faire, qui pourrait l'exécuter; c'est quelqu'un qui a un quotient

  9   intellectuel très bas qui pourrait le tenter.

 10   Mais dans le cas de Mitar Vasiljevic, je ne pense pas qu'il s'agissait

 11   d'une simulation d'une maladie mentale. C'est quelque chose de très rare,

 12   et puis on le reconnaîtrait très vite. Il ne s'agissait pas seulement du

 13   Dr Simic qui était en quelque sorte débutant dans le métier, mais il y

 14   avait la Dr Jevtovic. Moi aussi, j'ai dû faire partie de ces différentes

 15   sessions de diagnostic, de ces différentes sessions au cours desquelles on

 16   décidait de la thérapeutique.

 17   Je suis très catégorique: Mitar ne pouvait pas simuler sa maladie, et nous

 18   ne pouvions pas accepter cette simulation comme quelque chose qui était un

 19   trouble psychotique. Et c'était effectivement un trouble psychotique.

 20   Question: Merci, Docteur Martinovic, pour ce commentaire.

 21   Encore une question: il y a des données, données personnelles, données

 22   écrites prouvant que Mitar Vasiljevic a été traité pour sa maladie

 23   d'alcoolisme, qu'il était un alcoolique. Dans quelle mesure cela a pu

 24   exercer une influence sur cette perturbation mentale, ce trouble

 25   psychotique qu'il avait? Dans quelle mesure cela peut-il avoir un effet ou


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  1   non sur son état de santé, sa condition mentale, à l'époque?

  2   Réponse: L'alcoolisme est un état dans lequel on se trouve après une

  3   exagération ou abus d'alcool, et peut être un bon fondement pour

  4   l'évolution d'un trouble mental postérieur. Mais dans ce cas-ci,

  5   l'alcoolisme n'aurait peut-être pas été le cas exclusif ou la cause

  6   exclusive de cette psychose. Peut-être qu'il n'y aurait pas eu de

  7   psychose, s'il ne s'agissait pas ou s'il n'était pas un alcoolique.

  8   Les psychoses alcooliques sont assez nettes du point de vue du diagnostic

  9   et du pronostic ultérieur. C'est quelque chose que l'on dépiste très

 10   facilement lorsqu'il s'agit de personnes individuelles, mais dans votre

 11   dans cas concret l'alcool n'est pas la cause unique de cet état mental, de

 12   ce trouble mental. Mais l'alcoolisme a pu être un facteur contribuant à

 13   cet état psychotique qui s'était manifesté. Mais je ne sais pas dans

 14   quelle mesure l'alcoolisme y avait sa part.

 15   M. Domazet (interprétation): Ces troubles mentaux pouvaient-il reposer sur

 16   quelque facteur, élément héréditaire, donc héréditaire compte tenu des

 17   parents, parce que nous avons dépisté certaines données? Est-ce que ce

 18   genre de données, soit la mère de Mitar a été un malade mental

 19   psychotique, qu'elle a tenté un suicide, son suicide, et qu'elle a donc

 20   été victime de cela pendant que Mitar été très jeune, est-ce que cela

 21   aurait pu exercer une influence?

 22   M. le Président (interprétation): Mais où est-ce qu'il y a des éléments de

 23   preuve à cet égard?

 24   M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous basez sur les mémoires,

 25   les souvenirs de votre client?


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  1   M. Groome (interprétation): Je pense que M. Domazet est en train de

  2   déposer.

  3   M. Domazet (interprétation): Je vous le dirais, Monsieur le Président.

  4   Mitar Vasiljevic ne l'a pas dit, mais en répondant à mes questions il a

  5   dit que sa mère est décédée lorsqu'il était enfant, et ce sont des donnés

  6   que j'ai obtenues de la psychiatre, la Dr Lopicic qui a eu l'occasion de

  7   s'entretenir avec lui dans l'unité de détention. Et puis il a indiqué à la

  8   doctoresse Lopicic que c'était quelque chose que la famille cachait parce

  9   que ce fut un déshonneur pour la famille. A moi-même, Mitar Vasiljevic ne

 10   m'a jamais confié ces données et en ce moment précis, Monsieur le

 11   Président, je n'ai d'autres sources d'information à ce propos, mais je

 12   pense que je pourrais en venir à cette source originelle. En effet, ce

 13   sont des données qu'ils cachaient dans les lieux, dans les milieux où ils

 14   vivaient. C'est quelque chose qui est considéré être une honte.

 15   Tout simplement, il a dit que sa mère était décédée dans sa première

 16   jeunesse et évidemment, ce sont des données que j'ai pu recueillir après

 17   l'entretien de la doctoresse Lopicic avec mon client.

 18   M. le Président (interprétation): C'est très intéressant, mais essayez de

 19   ne pas étayer ce genre d'élément de preuve. Vous allez appeler, citer Mme

 20   la doctoresse Lopicic.

 21   M. Domazet (interprétation): Enfin, j'ai posé cela comme une question

 22   hypothétique: est-ce qu'il y aurait pu y avoir influence de facteurs

 23   héréditaires dans ce cas de trouble mentaux lorsqu'il s'agit de mon

 24   client?

 25   M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore vu son rapport.


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  1   Et supposons que cela serait un élément de preuve, un ouï-dire; si vous la

  2   citez, vous aurez la possibilité de le dire et ensuite, vous pourriez

  3   poser la question au docteur, cette question que vous venez de poser.

  4   Mais toutes les explications que vous venez de donner, toutes ces

  5   réflexions que vous venez de nous relater, de nous confier… Soyons clairs:

  6   toutes ces explications, nous devons les écarter. Elles devront se baser,

  7   une fois que la doctoresse Lopicic nous présentera ses éléments de preuve

  8   et son rapport.

  9   Je me demande si M. Groome s'en tient encore à son objection?

 10   M. Groome (interprétation): Oui. Cela doit avoir un certain poids, mais le

 11   Dr Martinovic a été un des responsables. Mais il y a une question

 12   juridique.

 13   M. le Président (interprétation): Mais s'il y a ouï-dire -et la doctoresse

 14   le dira-, on pourrait peut-être prendre ceci comme étant quelque chose

 15   d'acceptable? Mais le poids qu'on lui attribuera, vous l'indiquerez vous-

 16   même.

 17   Donc, vous pensez qu'il ne pourrait pas poser cette question?

 18   M. Groome (interprétation): Le Dr Martinovic n'est pas un expert. C'est

 19   quelqu'un qui était médecin traitant, en quelque sorte.

 20   M. le Président (interprétation): Oui, enfin il y a une documentation,

 21   mais il est un expert en déposition. Est-ce que vous en avez été prévenu?

 22   Je me demande si vous avez des bases juridiques sur lesquelles vous pouvez

 23   fonder ce ouï-dire et cette déposition?

 24   M. Groome (interprétation): Il ne s'agit pas de la déposition de M.

 25   Martinovic. Tout simplement, il s'agit de l'Article 65. Il allait déposer,


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  1   le Dr Martinovic, à propos du traitement et de la condition mentale,

  2   responsabilité mentale de Mitar Vasiljevic . Donc, pas de questions

  3   hypothétiques.

  4   M. le Président (interprétation): Je pense qu'il y a certaines choses qui

  5   pourront être obtenues du docteur.

  6   Maître Domazet, il y a des problèmes pratiques, cela doit être admis sur

  7   le plan juridique. C'est vraiment déplorable que l'accusation n'ait pas

  8   été prévenue de cela.

  9   Quand est-ce que vous allez obtenir ce rapport?

 10   M. Domazet (interprétation): Le rapport est en cours de rédaction. Elle

 11   travaille sur ce rapport et ce qui sera le résultat, l'exposé des motifs,

 12   les explications -d'après ce que la doctoresse m'a dit-, la conclusion

 13   sera que Mitar Vasiljevic, au moment où il était hospitalisé, donc traité

 14   à l'hôpital, qu'il était une personne de responsabilité mentale diminuée.

 15   Et d'après les chefs d'accusation, je pense que sur la base de ce rapport

 16   nous allons pouvoir constater qu'il s'agissait d'une responsabilité

 17   mentale diminuée et que cela concerne en bonne partie les différents chefs

 18   d'accusation figurant dans l'Acte d'accusation.

 19   M. le Président (interprétation): Peut-être que je me répète, mais c'est

 20   vraiment une manière déplorable par laquelle vous traitez cette affaire.

 21   Il y a eu pas mal de temps qui s'est écoulé et je pense qu'il y a eu des

 22   choses qui ont pu être traitées devant la Chambre avec le Bureau du

 23   Procureur. Mais ce n'est pas quelque chose qui laisse une bonne image

 24   d'efficacité.

 25   Enfin, continuez à poser vos questions au docteur. On s'occupera de


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  1   certaines questions lorsque le rapport nous aura été présenté.

  2   M. Domazet (interprétation): Ma question était la suivante: est-ce que cet

  3   état mental de patient pouvait émaner d'une situation héréditaire, d'une

  4   maladie analogue chez un des parents?

  5   M. Martinovic (interprétation): La psychiatrie accorde une attention

  6   grandissante aux facteurs héréditaires. Les états psychotiques peuvent

  7   exister pendant plusieurs générations. S'il est vrai que sa mère s'est

  8   suicidée et qu'elle l'avait tenté à plusieurs reprises avant son décès, sa

  9   mort, eh bien, il s'agissait vraiment d'une personne qui avait des

 10   troubles mentaux qui, dans les espaces de la Bosnie, n'avait peut-être pas

 11   eu la possibilité ou l'occasion de se traiter. Donc si cette donnée était

 12   exacte, et si je l'avais eue en tant que psychiatre, j'aurais pu me baser

 13   sur cette donnée pour ce qui est du diagnostic et du pronostic de

 14   l'évolution de la maladie.

 15   Oui, parler de suicide, mais plusieurs tentatives de suicide comme vous

 16   venez de le dire, et suicide en fin de compte, eh bien, cela veut dire

 17   qu'il s'agissait de quelqu'un qui avait des troubles mentaux.

 18   Question: Merci, Docteur Martinovic.

 19   Je n'ai plus de questions pour ce témoin, Monsieur le Président.

 20   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

 21   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Borislav Martinovic, par M. Groome.)

 22   M. Groome (interprétation): Bonjour, Monsieur Martinovic.

 23   Je vais vous poser quelques questions au nom de l'accusation.

 24   M. Martinovic (interprétation): Oui.

 25   Question: J'aimerais d'abord vous interroger au sujet de cet aspect


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  1   héréditaire dont vous venez de parler.

  2   D'après ce que vous avez dit, il semble que cet élément peut avoir une

  3   importance assez grande dans le diagnostic, n'est-ce pas?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Compte tenu de l'importance éventuelle de cet aspect des choses,

  6   ne devrions-nous pas avoir trouvé quelque part, dans les dossiers médicaux

  7   ou dans les entretiens avec Mme Vasiljevic, des questions ou des

  8   tentatives faites par le Dr Simic ou les autres médecins pour explorer

  9   l'aspect mental de l'historique de la famille?

 10   Réponse: Absolument. Vous savez, c'est une des questions que le médecin

 11   pose toujours à la personne qui l'examine. Il demande toujours s'il y a eu

 12   dans la famille des maladies mentales, s'il y a eu des suicides. Ces deux

 13   questions sont pratiquement obligatoires. Maintenant, pourquoi ces deux

 14   questions ne figurent-elles pas dans le cas précis? A ce sujet, je ne peux

 15   qu'émettre des suppositions.

 16   Ce qu'a dit l'accusé, c'est quelque chose qui, dans nos régions, se cache

 17   vraiment, même dans une situation où le mari est en cours de traitement

 18   médical. Et je répète que je ne propose que des hypothèses, c'est-à-dire

 19   ce qu'un responsable politique appellerait des spéculations. Bien sûr,

 20   cela ne suffit pas. Bien sûr, le Dr Simic n'a pas dit, je l'ai interrogé

 21   au sujet des cas de suicides éventuels existant dans la famille ou de cas

 22   de psychoses dans la famille, et elle ne m'a pas répondu cela, ne m'a pas

 23   dit cela.

 24   Nous ne l'avons pas écrit, nous avons simplement dit que le patient n'a

 25   pas apporté de réponse positive. Mais, comme je l'ai dit, c'est une


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  1   question obligatoire et je ne pense pas qu'il ne l'ait pas posée du tout.

  2   Je ne crois pas qu'il n'est pas interrogé Mme Vasiljevic à ce sujet. Ce

  3   qu'elle a répondu, c'est autre chose, quelque chose de complètement

  4   différent.

  5   Question: Je vais essayer de voir si je vous ai bien compris. Il semble,

  6   d'après ce que vous dites, que vous êtes tout à fait sûr que les médecins

  7   ont effectivement posé ces questions au sujet de la situation mentale dans

  8   la famille, mais que le fait que cela n'ait pas été enregistré dans les

  9   dossiers est un élément différent. Donc il semblerait que les médecins

 10   aient appris quelque chose et qu'ils aient considéré que cela n'était pas

 11   important pour le diagnostic de l'état mental du patient? C'est bien cela?

 12   Réponse: Absolument. C'est tout à fait cela.

 13   Question: Il semble que la première indication que nous ayons d'une

 14   situation particulière dans l'histoire de la famille du point de vue

 15   mental, qui pourrait donc avoir une conséquence sur la détermination de la

 16   compétence de M. Vasiljevic à faire tel ou tel acte, soit apparue le week-

 17   end dernier au cours d'un entretien avec un psychiatre qui s'appelle Dr

 18   Lopicic, n'est-ce pas?

 19   J'aimerais que vous répondiez, oui ou non, pour le compte rendu

 20   d'audience, à cette question.

 21   Réponse: Absolument. Un entretien avec un psychiatre est un entretien au

 22   cours duquel les gens qui parlent au psychiatre ouvrent leur âme

 23   complètement, si le lien affectif établi entre le patient et le psychiatre

 24   est de bonne qualité. Donc le médecin peut avoir appris de l'accusé

 25   davantage de choses que son conseil de la défense, car il avait avec lui


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  1   un lien qui se situait dans un climat plus intime, un climat dans lequel

  2   la personne se découvre totalement pour la première fois et dit ce qu'elle

  3   n'a pas éventuellement dit auparavant, y compris au conseil de la défense.

  4   Question: Eh bien, cette ouverture de l'âme dont vous venez de parler,

  5   conviendriez-vous avec moi qu'au cours d'une thérapie, un patient dit la

  6   vérité à son psychiatre et que dans le temps il lui révèle de plus en plus

  7   de choses au sujet de ce qui le perturbe et de l'histoire de son vécu

  8   antérieur, n'est-ce pas?

  9   Réponse: Bien sûr. Il n'est pas possible que cela se passe dans les

 10   premiers stades de la relation alors qu'il est agité, ou qu'il est encore

 11   sous médicaments en grande quantité. Mais au bout de dix ou quinze jours,

 12   oui, il aurait pu fournir davantage d'informations si on lui avait posé la

 13   question, et nous aurions plus en apprendre davantage que ce que nous

 14   avions à notre disposition pour fonder nos conclusions objectives.

 15   Question: Ne serait-il pas raisonnable pour nous de supposer que M.

 16   Vasiljevic était plus enclin à faire confiance et à s'ouvrir à son

 17   psychiatre dans une période de trois semaines de traitement à Uzice, qu'au

 18   cours d'une simple rencontre unique avec un psychiatre qu'il voit pour la

 19   première fois?

 20   Réponse: Je pense que c'est possible parce que cette femme médecin lui a

 21   parlé sans doute assez longuement. Elle a utilisé toutes les méthodes

 22   disponibles. La période est assez courte, mais elle a pu établir sans

 23   doute ce que nous appelons dans notre profession un rapport de transfert,

 24   c'est-à-dire une relation affective très étroite entre patient et médecin;

 25   je pense que c'est effectivement une possibilité.


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  1   Elle a réussi à obtenir des renseignements en retour que le médecin

  2   d'Uzice n'a pas obtenus. Peut-être ne lui a t-il pas non plus posé la

  3   question comme elle l'a fait elle-même. Il aurait dû, je dirais même, il

  4   aurait absolument dû le faire, mais le médecin d'Uzice avait devant lui un

  5   patient extrêmement agité. Il ne pouvait pas lui parler, il n'a pas pu le

  6   faire pendant sept à huit jours, compte tenu de son état avant que le

  7   patient ne se calme. Et ceci était important pour le médecin car il

  8   fallait, pour que la relation s'établisse, que la psychose soit un petit

  9   peu diminuée. Donc, il n'a pas pu effectuer les explorations nécessaires.

 10   Ce qui est important, c'est que le pire soit passé pour que la relation

 11   s'établisse. Il a pu s'occuper de l'étape la plus grave de la psychose,

 12   qui était certainement présente au début. Et après cela, le patient était

 13   plus calme.

 14   Question: Cette lettre a été écrite, la pièce à conviction P161 qui a été

 15   écrite et envoyée au Dr Slavica -je ne me rappelle pas son nom de

 16   famille-, mais vous avez cette lettre sous les yeux. Conviendrez-vous avec

 17   moi que d'après le ton de cette lettre, nous pourrions conclure qu'une

 18   relation de confiance était établie avec cette psychiatre femme?

 19   Réponse: Bien sûr. C'est la raison pour laquelle il l'a lui a envoyée,

 20   parce qu'elle était le directeur de thèse du Dr Simic qui était un médecin

 21   en spécialisation en psychiatrie, et c'est elle qui s'occupait de la suite

 22   de ses études.

 23   Question: Je pense que vous étiez tout à fait franc au début de votre

 24   témoignage lorsque vous aviez dit ne pas avoir de souvenir particulier de

 25   Mitar Vasiljevic. Tout ce que vous nous avez dit se fondait sur votre


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  1   examen de documents écrits, n'est-ce pas?

  2   Réponse: Absolument exact, oui.

  3   Question: Et vous nous avez dit qu'il était important de conserver des

  4   documents très détaillés, notamment lorsque vous travaillez avec quelqu'un

  5   qui est votre subordonné sur le plan professionnel, n'est-ce pas?

  6   Réponse: Oui, c'est absolument exact, parce que je suis aussi expert en

  7   médecine légale.

  8   M. Groome (interprétation): Maintenant, on vous a demandé de formuler des

  9   conclusions s'agissant de votre expérience ou de vos connaissance en

 10   psychologie légale, et vous avez dit que vous ne croyiez pas que M.

 11   Vasiljevic avait une compétence mentale totale sur le plan juridique

 12   pendant la période où il était alité dans votre hôpital.

 13   Ce que je souhaite vous demander, c'est la chose suivante: considérez-vous

 14   que toute personne correspondant à un diagnostic de 298.9 devrait être

 15   considérée comme irresponsable sur le plan juridique, d'après votre

 16   expérience?

 17   M. Martinovic (interprétation): Je vous prie de… Je prie cet auguste

 18   Tribunal de m'excuser, mais je dois dire que je n'ai parlé que des bases

 19   de la médecine légale en psychiatrie. La responsabilité est déterminée par

 20   rapport à un crime pratique au moment où un crime est commis, c'est-à-dire

 21   où un acte particulier est commis, la responsabilité, la capacité mentale

 22   doit être évaluée. Donc ce n'est pas d'une capacité ou d'une

 23   responsabilité générale que je parlais, pas plus que d'une

 24   irresponsabilité ou d'une incompétence générale.

 25   Mais j'aimerais vous donner un exemple: si quelqu'un souffre de


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  1   schizophrénie, par exemple, et commet un crime dans le cadre de cette

  2   maladie -il pense, par exemple, que son chef lui a nui et il tue son

  3   chef-, ceci est un acte totalement irresponsable. Mais si le même patient

  4   schizophrène va faire un cambriolage à la banque et prend de l'argent,

  5   alors il est responsable. Le même patient peut faire, peut commettre deux

  6   actes différents.

  7   Donc lorsque vous me demandez s'il était responsable lorsqu'il était à

  8   l'hôpital, puisque nous parlons de cela, nous devons dire ce qu'il a fait

  9   pendant le temps de son traitement et rien d'autre. Il n'est pas poursuivi

 10   par le Tribunal pour cette raison ou pour cette période. Donc la seule

 11   chose que je peux dire –et c'est une hypothèse, donc je le dis sur le mode

 12   conditionnel-, c'est qu'il était agité, par exemple, et que s'il avait

 13   frappé quelqu'un et qu'il l'avait tué dans cet état d'agitation, il aurait

 14   été irresponsable sur le plan juridique. C'est de cette façon que nous

 15   parlons de responsabilité et de compétence à agir.

 16   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je vous propose de

 17   demander, de poser des questions au médecin sur des faits plutôt que sur

 18   des hypothèses, c'est-à-dire sur les faits survenus le 14 du mois dont

 19   nous parlons; je pense que c'était donc dix jours avant son entrée à

 20   l'hôpital.

 21   M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président. En ce moment,

 22   j'essaie d'explorer les bases des conclusions tirées par le médecin.

 23   M. le Président (interprétation): Le médecin a parlé de responsabilité

 24   dans le cadre du fait que nous savons que certains actes ont été commis et

 25   que ces actes sont retenus par le Tribunal contre M. Vasiljevic, mais ce


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  1   sont deux sujets tout à fait différents. Il n'a pas parlé de détermination

  2   de la responsabilité par rapport à des actes particuliers, et notamment

  3   par rapport à ceux qui sont allégués contre M. Vasiljevic dans l'Acte

  4   d'accusation.

  5   J'aimerais entendre ce que le médecin a à dire au sujet des actes allégués

  6   dans l'Acte d'accusation.

  7   M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  8   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il remonte aussi loin

  9   que l'incident des tirs mais c'est une autre question, et je suppose que

 10   nous aurons à l'explorer à un autre moment.

 11   M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 12   Docteur, compte tenu du fait que vous avez eu les dossiers médicaux sous

 13   les yeux, pouvez-vous nous donner votre idée ou votre avis au sujet d'un

 14   événement qui peut être survenu le 14 juin?

 15   M. Martinovic (interprétation): Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là?

 16   Je n'ai aucune information au sujet de ce qui s'est passé le 14 juin.

 17   C'était un mois avant les troubles médicaux dont le patient souffrait,

 18   avant l'hospitalisation.

 19   Question: Ma question était: pouvez-vous, grâce à votre évaluation des

 20   dossiers médicaux que vous avez examinés, nous donner un avis au sujet

 21   d'un événement qui se serait produit un mois avant, c'est-à-dire le 14

 22   juin?

 23   Réponse: L'information fournie par l'épouse dans l'anamnèse indique que

 24   c'était un homme qui souffrait d'un comportement un peu perturbé. Si je me

 25   souviens bien, elle a dit qu'il était nerveux, qu'il restait au travail


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  1   plus longtemps que nécessaire, qu'il ne pouvait pas rester en place. Il

  2   était agité, il ne cessait d'aller et de venir, de sortir pour aller

  3   quelque part. Il était hyperactif, et d'après notre jargon psychiatrique

  4   il ne pouvait pas rester en place.

  5   Mais reconstruire sa situation psychologique et son état pendant un

  6   événement particulier -et je suppose qu'il s'agit d'un crime qui se serait

  7   produit à l'époque dont vous parlez- serait quelque chose de tout à fait

  8   hypothétique. Je ne pense pas que je pourrais le faire, et je ne pense pas

  9   d'ailleurs qu'un quelconque expert pourrait supposer ce qui s'est passé à

 10   un moment particulier dans le passé. C'est seulement s'il y avait des

 11   témoins qui pouvaient parler de son comportement à l'époque que cela

 12   pourrait être significatif. A ce moment-là, nous pourrions reconstituer.

 13   Mais dans une situation différente, il serait difficile de parler de cela

 14   puisque cela s'est passé un mois avant.

 15   Mais je vais vous dire quelque chose d'assez général: les psychoses

 16   -comment est-ce que je pourrais dire ça?- ne sont pas comparables à un

 17   coup de tonnerre ou à un éclair dans le ciel; ce ne sont pas des choses

 18   qui surviennent de façon complètement subite. Il y a toujours quelque

 19   chose dans le passé du patient -donc qui remonte à un mois, deux mois ou

 20   avant-, qui explique la survenue de la psychose. C'est quelque chose qui,

 21   peut-être, n'a pas été remarqué par les membres de sa famille ou même par

 22   les médecins qui l'ont vu en orthopédie alors qu'il avait un comportement

 23   tout à fait étonnant et bruyant. Les médecins ne se sont pas rendu compte

 24   immédiatement que cela pouvait un trouble psychiatrique. Ils ont

 25   simplement appelé le psychiatre en consultation lorsque cette agitation a


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  1   atteint un summum.

  2   Il est donc difficile pour moi de supposer, de faire des suppositions,

  3   donc de parler dans le domaine des hypothèses si je ne sais pas ce qui

  4   vous intéresse en particulier. Je ne peux pas parler simplement en termes

  5   généraux sur la base de tels signes pour déterminer ce qui s'est passé un

  6   mois ou deux avant. Mais les psychoses, la psychose s'est manifestée

  7   effectivement lorsque le patient a été hospitalisé, ce qui peut être

  8   intéressant.

  9   Question: Vous dites qu'il a dû y avoir des signes préliminaires. C'est

 10   quelque chose de tout à fait différent que le fait de dire que quelqu'un

 11   est perturbé et qu'il était responsable, n'est-ce pas?

 12   Réponse: Absolument.

 13   Question: Ce serait peut-être plus, cela correspondrait peut-être

 14   davantage à quelqu'un qui aurait une maladie physique? Dans le cas d'une

 15   maladie physique, la maladie n'est pas complètement encore présente un

 16   mois ou deux mois avant, n'est-ce pas?

 17   Réponse: Oui, oui. La responsabilité est tout à fait différente au moment

 18   des prémisses de la maladie et au moment de la crise psychotique. Donc il

 19   faut bien tenir compte du moment et du lieu où le crime s'est produit.

 20   Question: Ce que je souhaite vous demander maintenant concerne le

 21   diagnostic 298.9. D'après ce que j'ai compris, vous nous avez dit que

 22   c'était un groupe de diagnostics assez vaste comprenant un certain nombre

 23   de psychoses indéterminées, n'est-ce pas?

 24   Réponse: Absolument, en effet.

 25   Question: Et le simple fait que quelqu'un ait été considéré comme entrant


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  1   dans ce type de cas ne signifie pas que toutes ces personnes sont

  2   irresponsables sur le plan juridique, n'est-ce pas?

  3   Réponse: Absolument, c'est exact. L'irresponsabilité légale est liée à la

  4   réalité du crime commis, directement lié au crime.

  5   Question: Vous avez lu la feuille de médicaments et vous avez donc vu

  6   quels sont les médicaments qui ont été administrés à M. Vasiljevic. Ce

  7   genre de médicaments n'indique pas qu'il avait une irresponsabilité

  8   légale, n'est-ce pas?

  9   Réponse: Non.

 10   Question: J'aimerais maintenant vous poser plusieurs questions au sujet de

 11   la lettre que vous avez lue: tout ce récit au sujet des bonbons et s'il

 12   était bien ou mal de faire ceci ou cela, de prendre ces bonbons, sur la

 13   base de la confiance, sans les payer. Conviendriez-vous avec moi que cette

 14   lettre écrite le 13 juillet indique encore que M. Vasiljevic, malgré le

 15   trouble psychique dont il souffrait, était capable de distinguer entre le

 16   bien et le mal? Conviendriez-vous que c'était bien le cas?

 17   Réponse: Vous savez, si vous m'interrogez au sujet de son comportement

 18   moral, nous, les psychiatres, ne jugeons pas de ce genre de choses. Nous

 19   ne déterminons pas si les gens connaissent la différence entre le bien et

 20   le mal.

 21   Mais si vous m'interrogez au sujet du fait qu'il savait que quelque chose

 22   ne se fait pas, que l'on ne prend pas quelque chose dans un magasin sans

 23   payer, il est certain qu'il le savait, même dans son état psychotique et

 24   il le dit, d'ailleurs. Mais sa façon de communiquer avec le vendeur et son

 25   comportement indiquent qu'il souffrait de certains troubles.


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  1   Tout le monde sait qu'il ne faut pas voler, qu'il ne faut pas prendre

  2   quelque chose sans le payer. Donc il dit: "Je ne dois pas voler. Il ne

  3   faut pas prendre quelque chose à quelqu'un." Il dit: "Je ne vais pas

  4   prendre ceci sans vous donner de l'argent en retour et vous devez me faire

  5   confiance. Je paierai plus tard." Il souhaite que le vendeur croie en son

  6   honnêteté.

  7   Question: Mais sur le plan cognitif, il savait que prendre des bonbons

  8   sans les payer était un acte fautif, n'est-ce pas?

  9   Réponse: Absolument exact. Il sait qu'il ne doit pas agir de cette façon.

 10   Et pourquoi il commence à se justifier? C'est ce besoin de justification

 11   qui le pousse à parler d'argent, de confiance et de manifestation de la

 12   confiance. Mais c'est un comportement tout à fait inadapté, indépendamment

 13   du fait qu'il savait que la chose ne devait pas être faite.

 14   Question: Et il y a un autre aspect dans cette lettre, c'est-à-dire la

 15   discussion au sujet des troubles physiques, de ses sensations. Il présente

 16   une demande de traitement. Conviendriez-vous avec moi que ceci montre que

 17   le 13 juillet, il était encore capable d'avoir des intentions et d'agir

 18   délibérément? Il était capable d'avoir l'intention de faire quelque chose

 19   et d'agir conformément à cette intention?

 20   Réponse: Absolument, mais son intention ne se justifiait pas de façon

 21   générale puisqu'il disait que si elle n'était pas acceptée, il ferait une

 22   grève de la faim. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui est hospitalisé pour

 23   subir un traitement et qui dit à son médecin: "Eh bien, si vous ne voulez

 24   pas me traiter, je fais une grève de la faim"? C'est absolument inadapté,

 25   comme comportement; cela indique l'existence d'un trouble.


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  1   Question: Je crois que lorsque vous avez décrit cette lettre, vous avez

  2   utilisé le mot, les termes: "il était tout à fait réaliste. Qu'il ait

  3   écrit cette lettre a indiqué qu'il était conscient de la réalité". C'est

  4   bien cela?

  5   Réponse: Eh bien, vous savez, dans l'état dans lequel il était à l'époque

  6   où il a écrit cette lettre, il revenait peu à peu à la réalité. Mais je

  7   suis certain que dans les six ou sept premiers jours de traitement, alors

  8   qu'il recevait de très nombreux médicaments, il était totalement hors de

  9   la réalité. Maintenant, si vous voulez que j'explique ce que cela signifie

 10   d'être en-dehors de la réalité, je peux le faire.

 11   Mais au fur et à mesure que son état s'est amélioré, il est allé chercher

 12   ses bonbons, par exemple. Mais très manifestement, il revenait peu à peu à

 13   la réalité mais n'était pas encore suffisamment dans la réalité. Son

 14   explication de ses motivations n'est pas réaliste. Il dit d'abord qu'il

 15   voulait que le vendeur lui fasse confiance, qu'il rapporterait l'argent.

 16   La vendeuse ou le vendeur a probablement répondu: "Eh bien, il faut que

 17   vous payiez". Il s'est donc fâché. Et dans la deuxième partie de sa

 18   lettre, il formule des menaces en disant qu'il fera une grève de la faim

 19   si son avis n'est pas respecté. Donc il est partiellement dans la réalité,

 20   partiellement en-dehors de la réalité.

 21   Si nous voulons illustrer ceci, je pense qu'il montrait encore des signes

 22   de perturbation du comportement et que ceci se voit au contenu de la

 23   lettre.

 24   Question: Docteur, conviendriez-vous avec moi que dans les dossiers que

 25   vous avez examinés et que nous avons vus également, aucun des médecins n'a


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  1   dit qu'il était en-dehors de la réalité? Ils le décrivent comme agité,

  2   chantant, parlant de façon incohérente, mais aucune des conclusions des

  3   médecins ne consiste à dire qu'il était en-dehors de la réalité, dans ces

  4   documents écrits, n'est-ce pas?

  5   Réponse: Absolument. Nous ne l'avons pas écrit dans l'anamnèse. J'ai

  6   utilisé les termes "en-dehors de la réalité" pour aider le Tribunal à

  7   comprendre ce qu'est un état de psychose. C'est mon explication et c'est

  8   une explication générale, de tout psychiatre, pour expliquer la psychose,

  9   la perte de contact avec la réalité.

 10   Vous constaterez dans tous les documents et textes psychiatriques que

 11   c'est ce que l'on peut lire. On ne le voit pas simplement dans les

 12   anamnèses, ce n'est pas écrit dans les anamnèses parce que cela ne fait

 13   pas partie des conclusions objectives d'un psychiatre. C'est simplement un

 14   aspect général de la description, disons, pratique de la psychose, cette

 15   perte de lien avec la réalité.

 16   Question: Docteur, je souhaiterais vous demander si les psychoses

 17   indéterminées sont liées à une hospitalisation. Par exemple, une personne

 18   qui n'est pas habituée à se trouver enfermée dans un lieu ne peut-elle pas

 19   développer une telle psychose? Si une personne se trouve longtemps dans un

 20   endroit de ce genre, par exemple?

 21   Réponse: Bien entendu, c'est un phénomène très connu des prisons, par

 22   exemple, les psychoses des prisons qui sont des crises psychotiques. Mais

 23   si vous m'interrogez au sujet de Mitar, il n'était pas en prison. Le

 24   département d'un hôpital n'est pas un lieu fermé, ce n'est pas une prison.

 25   Il y a d'autres patients qui communiquent et qui ont confiance dans les


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  1   hôpitaux. Il savait qu'il était à l'hôpital; peut-être ne le savait-il pas

  2   pendant les cinq ou six premiers jours mais ensuite, oui. Mais si vous

  3   m'interrogez au sujet de Mitar, le fait de savoir s'il est tombé dans la

  4   psychose parce qu'il était à l'hôpital, je pense que c'est absolument

  5   impossible. Nous n'avons rien dans l'anamnèse qui le dise, ou qui dise

  6   qu'il est tenu psychotique à partir de son entrée à l'hôpital.

  7   Un hôpital et une prison, ce n'est pas la même chose, donc je ne crois pas

  8   être en accord avec vous. En prison, nous avons ce que l'on appelle les

  9   psychoses pénales qui sont un type de maladie bien connue, mais dans ce

 10   cas-ci il ne s'agit pas d'une prison. La psychose ne peut pas se déclarer

 11   à l'hôpital ou dans un département orthopédique de l'hôpital. Il était en

 12   orthopédie et il pouvait aller et venir librement. Il avait simplement une

 13   jambe fracturée qui l'immobilisait pendant un certain temps. Dans notre

 14   département, il ne pouvait pas sortir mais pouvait rentrer chez lui, tout

 15   de même, quand il le souhaitait.

 16   Question: Eh bien, Docteur, changeriez-vous votre opinion si je devais

 17   vous dire que sa jambe était en extension, qu'il ne pouvait pas quitter

 18   son lit pendant plusieurs semaines? Est-ce que cela modifierait votre

 19   opinion quant au confinement, le fait qu'il était immobilisé dans son lit?

 20   Serait-ce un facteur qui aurait pu contribuer quant à l'apparition de la

 21   psychose qui a été constatée lorsqu'il était dans votre département? Et

 22   j'associerai cela également au fait que nous avons entendu des témoins qui

 23   ont dit que d'autres patients se moquaient régulièrement de lui, y compris

 24   d'ailleurs des membres du personnel éventuellement, quant à la nature de

 25   sa blessure. Est-ce que cela aurait pu contribuer à l'apparition de cette


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  1   psychose?

  2   Réponse: Je dois revenir à votre première question.

  3   J'ai compris que vous nous disiez que cette psychose aurait pu apparaître

  4   parce qu'il était dans un espace confiné avec une certaine restriction de

  5   sa mobilité. J'ai comparé cela à la psychose pénale, mais vous me demandez

  6   si cela aurait pu entraîner ou activer la psychose.

  7   Dans ce cas c'est possible, et je vais vous expliquer pourquoi. Je pars

  8   d'informations très réduites fournies par sa femme quant à son état

  9   d'hyperactivité et au fait qu'il présentait des signes de ce qu'on aurait

 10   pu appeler une situation maniaque, comme cela s'est vu au moment où sa

 11   jambe était en extension, où il était obligé d'être immobilisé.

 12   Psychologiquement et psychiatriquement, il était perturbé et physiquement

 13   il était, malgré son hyperactivité antérieure, son accélération de débit

 14   de paroles, etc., obligé d'être immobilisé, alors que chez lui tous les

 15   signes étaient hyper activés. L'insomnie s'est déclarée également, et le

 16   fait qu'il ait été attaché a peut-être contribué à l'apparition de cette

 17   psychose, c'est absolument possible. C'est extrêmement possible, même.

 18   Question: Quand vous dites qu'il a été transféré en psychiatrie, bien sûr,

 19   à son arrivée en psychiatrie il a subi un examen, n'est-ce pas, un examen

 20   médical?

 21   Réponse: Absolument.

 22   Question: Pouvez-vous nous dire quelle était la batterie de tests

 23   psychologiques standard qui était administrés aux patients admis dans

 24   votre département en 1992?

 25   Réponse: Eh bien, les tests standard n'existent pas dans un examen


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  1   psychiatrique objectif. Si la nécessité de tels tests se présente, nous

  2   envoyons le patient chez un psychologue qui les réalise. Pour nous, pour

  3   obtenir un diagnostic initial et déclarer l'hospitalisation et la

  4   nécessité d'un traitement dans un département de psychiatrie, un examen

  5   psychiatrique suffit. Les tests psychologiques ne sont pas nécessaires.

  6   Ils sont réalisés si le médecin les estime, les juge nécessaires par la

  7   suite.

  8   Mais le personnel du département d'orthopédie nous a informé qu'il

  9   estimait que ce patient souffrait d'une maladie psychiatrique parce qu'il

 10   criait, jurait, était très agité, refusait de prendre ses médicaments. Il

 11   présentait donc des signes significatifs, et ensuite il créait un chaos

 12   total dans le département d'orthopédie. C'étaient les premières

 13   informations reçues.

 14   Ensuite, s'agissant de l'aspect psychiatrique, le psychiatre a vu le

 15   patient. Il l'a considéré comme agité, comme ne répondant pas correctement

 16   à certaines questions. Ce genre de questions sont assez peu nombreuses. Je

 17   ne vais pas vous ennuyer en vous les citant toutes mais nous apprécions la

 18   voix, la façon de répondre, nous posons un certain nombre de questions et

 19   c'est sur la base des réponses fournies que nous établissons un

 20   diagnostic. Le médecin donc réalise un examen psychiatrique, prononce son

 21   diagnostic et décide si l'hospitalisation dans le département de

 22   psychiatrie est nécessaire.

 23   J'ai toujours pensé que, dans le cas de certains problèmes physiques,

 24   comme par exemple une fracture et le fait d'être attaché, si le patient

 25   présente des signes psychotiques, je dis en général: "Envoyez-le nous" et


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  1   nous lui donnons une thérapie psychiatrique. J'insiste toujours là-dessus.

  2   Si un patient présente des symptômes psychotiques, il doit être transféré

  3   en psychiatrie car il a moins de chances, à cet endroit, de blesser, de se

  4   blesser ou de faire du mal à qui que ce soit ou de se jeter par la

  5   fenêtre. Je connais des cas qui se sont produits, des cas de ce genre, des

  6   gens qui ont sauté par la fenêtre, et ce sont des cas tout à fait

  7   dramatiques.

  8   Question: Mais ce diagnostic initial fondé sur ces questions est-il

  9   enregistré quelque part dans l'anamnèse ou quelque part d'autre?

 10   Réponse: Vous voulez dire: le médecin qui l'a déclaré malade avant son

 11   hospitalisation en psychiatrie?

 12   Question: Eh bien...

 13   M. le Président (interprétation): Suspension jusqu'à 11 heures 30.

 14   (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

 15   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, à vous.

 16   M. Groome (interprétation): Docteur, nous pouvons maintenant reprendre là

 17   où nous nous étions arrêtés. Nous étions en train de parler du diagnostic

 18   initial et je voudrais savoir ce qui suit: ne faudrait-il pas disposer

 19   d'un diagnostic provisoire, s'agissant d'un patient, avant de décider des

 20   médicaments ou de la thérapeutique à administrer à ce patient?

 21   M. Martinovic (interprétation): La pratique en matière de traitement

 22   psychiatrique consiste notamment en la nécessité de tenir compte du

 23   diagnostic mais ce qui importe le plus, c'est l'approche liée au syndrome,

 24   à savoir: si le patient est dans un état agité, on lui donne un

 25   médicament, s'il s'agit de la schizophrénie, de la dépression maniaque ou


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  1   d'une autre maladie.

  2   Ce que je veux donc dire, c'est que c'est des symptômes que dépend le

  3   médicament qu'on va lui prescrire. Mais l'essentiel est d'éliminer le

  4   symptôme. Si quelqu'un a des hallucinations, il reçoit un médicament

  5   approprié. Si quelqu'un est agité, il reçoit un médicament pour

  6   l'agitation. Donc le diagnostic est important, évidemment, pour la

  7   vérification de ce qu'est la maladie et du cours suivi par la

  8   thérapeutique par la suite. J'espère que les choses sont claires.

  9   Mais au début, ce qui importe, ce n'est pas le diagnostic, ce sont les

 10   symptômes relevés.

 11   Question: Est-il usuel... Au fait, nous savons que le diagnostic de sortie

 12   était 298.9, et nous savons qu'il s'agit d'un ensemble de psychoses non

 13   déterminées. Mais je voudrais savoir s'il est habituel de laisser sortir

 14   des patients du département alors qu'ils appartiennent à cette

 15   classification des psychoses non habituelles?

 16   Réponse: Oui, cela arrive très souvent. J'ai dit, dès le début de mon

 17   témoignage, qu'en matière de psychiatrie le diagnostic est établi dans une

 18   espèce d'intervalle temporel en continuité. Cela peut donc à l'hôpital

 19   être du 298.9, mais un mois après cela peut être 295.0, ce qui est une

 20   schizophrénie ou un état de psychose maniaque. Donc, en psychiatrie, ce

 21   n'est pas comme dans le cas des maladies somatiques où il est difficile de

 22   déterminer un diagnostic.

 23   C'est dans la continuité temporelle, c'est-à-dire dans le cours horizontal

 24   de l'évolution des troubles, que sont déterminés des diagnostics, et cela

 25   peut se faire au bout de quelques mois seulement. Il n'est pas obligatoire


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  1   de le déterminer dès le départ. C'est la raison pour laquelle il y a une

  2   espèce de panier général où l'on place toutes les psychoses, sans pour

  3   autant savoir exactement de laquelle il s'agit au juste.

  4   Et comme je l'ai dit, chez nous, la pratique est de ne pas déterminer le

  5   diagnostic dès le départ; ce serait un vice de la profession, de ma part,

  6   un défaut de la profession. Mais c'est au bout d'un temps déterminé qui

  7   s'est écoulé que l'on est en mesure de préciser le diagnostic et le

  8   traitement.

  9   Question: Maintenant, Docteur, après le premier examen de ce patient par

 10   l'un quelconque des médecins de votre département, est-ce qu'il y a un

 11   protocole des examens, des visites et des appréciations à faire dans la

 12   continuité, par la suite?

 13   Réponse: Dans ce cas-ci, c'est un médecin en cours de spécialisation qui a

 14   admis le patient, qui l'a examiné, qui a fixé un diagnostic initial et qui

 15   a prévu une thérapeutique donnée. Mais étant donné qu'il était en train

 16   d'apprendre, c'est-à-dire de se spécialiser, il devait consulter son

 17   tuteur, son directeur de thèse -la doctoresse Slavica Jevtovic- afin que,

 18   ensemble, ils explorent la maladie et qu'ensemble ils déterminent un

 19   diagnostic de départ qui n'est peut-être pas à 100 % exact.

 20   Dans ce cas-là, le patient a été lié, attaché, il avait reçu une énorme

 21   quantité de médicaments et, au cours des six à sept premiers jours, il

 22   n'était pas, il ne se prêtait pas à ces explorations-là. Il n'y a pas de

 23   communication verbale. Elle existe, certes, mais elle est plutôt

 24   restreinte. Et je crois qu'au cours de ces six à sept premiers jours, il

 25   n'a pas été possible d'explorer la maladie, si ce n'est les manifestations


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  1   extérieures de celle-ci, à savoir l'agitation, le trouble, etc..

  2   On voit que le premier cursus, le premier examen de contrôle qui s'est

  3   fait au bout de cinq à six jours, et on voit dans l'historique de la

  4   maladie que l'on dit que le patient s'est calmé, s'est apaisé. Cela ne

  5   signifie pas que la psychose ait disparu; il se peut même qu'il y ait même

  6   des aggravations survenues entre-temps.

  7   Par la suite, la procédure exige que, avec son directeur de thèse, ce

  8   médecin en cours de spécialisation établisse un diagnostic définitif -à

  9   savoir, ici, 298.9-, et qu'il consulte son tuteur pour la thérapeutique.

 10   Mais je pense que ce patient-ci venait d'une zone d'opérations de combats,

 11   donc opérations de guerre. Je ne sais pas exactement ce qu'il faisait au

 12   juste là-bas. Donc il s'agit de déterminer tout cela avec le tuteur, le

 13   directeur de thèse et le directeur du département, le chef du département.

 14   Ce n'est pas si usuel mais quand cela est indispensable, on fait

 15   participer toute une équipe, toute l'équipe en place d'un département

 16   quand il y a des cas, par exemple, de nature plutôt compliquée.

 17   Mais pour ce qui est de la routine, je pense qu'il suffit de consulter le

 18   médecin traitant et le médecin qui est le directeur de thèse de celui-ci.

 19   Par la suite, le malade est dirigé vers des soins de nature occasionnelle

 20   en infirmerie.

 21   Question: Docteur, ce que je voudrais vous poser, c'est la question

 22   suivante: y a-t-il des consultations où l'on discute de chaque patient en

 23   particulier et, si c'est le cas, combien de fois cela se passe-t-il,

 24   disons, par semaine? Une fois par semaine? A quelle fréquence?

 25   Réponse: Eh bien, les consultations, dans le cas où les choses ne sont pas


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  1   claires, ces consultations sont fixées pour chaque patient selon la

  2   nécessité. En pratique, je crois que cela se réduisait à une fois ou deux

  3   fois par semaine pour la cinquantaine de patients que nous avions. Parce

  4   que la plupart de ces patients étaient des cas tout à fait clairs: il

  5   s'agissait plutôt de récidivistes, des patients que nous traitions depuis

  6   des années, pour lesquels nous savions dès leur accès au seuil de la porte

  7   de quoi il s'agissait, pourquoi ils étaient venus. Il y a des cas limites

  8   entre les psychoses, les neuroses où le diagnostic n'est pas tout à fait

  9   très clair.

 10   Et dans le cas concret, pour ce qui est de ce Mitar, le diagnostic avait

 11   été aisé. Il n'avait pas été nécessaire de consulter l'équipe tout

 12   entière. Donc le médecin traitant et son directeur de thèse s'en étaient

 13   occupés. Il a probablement été vu par le chef du département et d'autres

 14   médecins qui effectuent les visites quotidiennement, pour lui et pour

 15   d'autres.

 16   Question: Docteur, dites-nous, je vous prie, quels sont les symptômes du

 17   delirium tremens?

 18   Réponse: Je crois que j'ai résolu au moins un millier de cas de delirium

 19   tremens. Chez nous, c'est un des cas fréquents. Ce sont des régions où

 20   l'on boit beaucoup de "Slivovits", d'eau-de-vie, et notamment dans la

 21   période où l'on fait l'eau-de-vie, où l'on fabrique l'eau-de-vie. Et je

 22   suis très au courant des symptômes. Si vous le voulez, je peux vous en

 23   parler.

 24   Question: Oui, s'il vous plaît, parlez-nous un peu de ces symptômes du

 25   delirium tremens.


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  1   Réponse: Le delirium tremens est une maladie mentale de courte durée qui

  2   est due exclusivement à l'alcoolisme. Cela consiste en ce qui suit:

  3   d'abord, le plus souvent chez les patients, apparaissaient l'insomnie, la

  4   peur et des hallucinations. Les hallucinations sont très caractéristiques,

  5   très typiques et cela fait partie des hallucinations optiques, visuelles.

  6   On voit par exemple, ils voient très souvent des fourmis, des vers, des

  7   mouches dont ils essaient de se défendre en battant des mains, des bras.

  8   Ils demandent l'aide pour que l'on vienne les aider à se débarrasser de

  9   ces petites bêtes. Il y a eu une sorte de désorientation dans le temps et

 10   dans l'espace.

 11   Ils ne savent ni où ils sont ni l'heure qu'il est, mais à l'égard des

 12   autres personnes ils sont également souvent désorientés. Ils ne savent

 13   pas, par exemple, qu'ils se trouvent à l'hôpital et ils ne savent pas

 14   pourquoi ils sont là, ils ne savent pas ce qui leur est arrivé. Donc ils

 15   ont une perte de contact absolue avec la réalité. Si cela vous intéresse,

 16   vous pouvez leur donner des suggestions de façon inimaginable. Par

 17   exemple, vous leur donnez une feuille de papier vierge et vous leur

 18   demander de lire. Eh bien, ils vont lire à partir de cette feuille de

 19   papier vierge. Ils sont très agités, et très souvent il faut leur

 20   administrer des médicaments de manière intraveineuse. Et Dieu merci, à

 21   présent il y a un médicament –l'Heminervin- qui, en un jour ou deux,

 22   élimine la psychose. Aujourd'hui ce n'est donc plus un problème. Mais

 23   c'est une psychose très spécifique. Et il y a ce que l'on appelle le

 24   Tremor, c'est-à-dire un tremblement généralisé, notamment au niveau des

 25   mains, et là la situation risque d'être très dangereuse; dans un certain


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  1   pourcentage des cas, il y a même possibilité de décès.

  2   Avec les nouveaux médicaments qui ont été inventés, une journée ou deux

  3   suffisent pour que le patient se remette et que l'on évite une issue

  4   fatale.

  5   Question: Partant de votre description du delirium tremens, il semblerait

  6   qu'à un degré déterminé, ces symptômes-là coïncident avec les symptômes

  7   des psychose que vous avez décrits pour ce qui est de M. Vasiljevic,

  8   n'est-ce pas?

  9   Réponse: Absolument. Mais la différence est tout de même grande.

 10   Question: Et comment caractériseriez-vous la différence?

 11   Réponse: S'agissant de Vasiljevic, il n'y avait pas eu le Tremor, à savoir

 12   il n'y a pas eu de tremblements au niveau du corps, il n'y a pas eu de

 13   sudation. Il n'y a pas eu d'hallucinations qui sont typiques pour le

 14   delirium tremens. Voilà, ce serait suffisant pour moi, et je me

 15   permettrais de dire qu'il ne s'agit pas du delirium tremens. C'est une

 16   psychose aiguë mais ce qui est commun, c'est une perte d'orientation.

 17   Vasiljevic ne savait pas où il se trouvait, il ne savait pas qui se

 18   trouvait autour de lui. Il ne savait même pas où il était. La

 19   communication verbale...

 20   Question: Docteur, votre opinion ou les conclusions que vous venez

 21   d'énoncer seraient-elles modifiées si vous saviez qu'avant cette

 22   hospitalisation-là M. Vasiljevic, à plusieurs autres reprises, avait été

 23   soigné en neuropsychiatrie pour des cas de delirium tremens? Et justement,

 24   avant cette hospitalisation il avait précisément consommé une grande

 25   quantité d'alcool. Est-ce que cela modifierait vos conclusions? Et est-ce


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  1   que, en partie au moins, les symptômes pourraient être attribués au

  2   delirium tremens?

  3   Réponse: Cela est si différent qu'il n'y a aucune possibilité d'erreur,

  4   pour que l'on mette par exemple au lieu de delirium tremens une psychose

  5   aiguë. Une preuve à l'appui, la liste des températures: par exemple, pour

  6   le delirium tremens on administre l'Heminervin de façon intraveineuse.

  7   Mais maintenant, pour Vasiljevic, au contraire, on a administré des

  8   neuroleptiques très puissants pour des neuro-psychoses et non pas pour le

  9   delirium tremens.

 10   Ce serait une erreur terrible si le médecin se trompait. Lui ou trois ou

 11   quatre, si nous avions dit que c'était un delirium tremens, ce serait

 12   impossible. Le delirium tremens est tellement typique, comme trouble.

 13   C'est une chose qu'il est impossible de rater, de louper, pour ce qui est

 14   du diagnostic. On peut se tromper sur pas mal de choses mais sur le

 15   delirium tremens, absolument pas.

 16   M. Groome (interprétation): Docteur, je vous remercie. Je n'ai plus de

 17   questions.

 18   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, avez-vous d'autres

 19   questions complémentaires?

 20   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 21   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Borislav

 22   Martinovic, par Me Domazet.)

 23   S'agissant de la dernière question qui vient de vous être posée par M.

 24   Groome, et où vous aviez complètement rejeté la possibilité d'avoir eu un

 25   delirium tremens, mais à votre avis, il s'agissait d'un cas classique de


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  1   psychose, comme vous l'avez décrit. Est-ce que cela ne modifie pas la

  2   partie de la réponse que vous aviez apportée, s'agissant de l'influence de

  3   l'alcoolisme pour ce qui est de la survenue de psychoses, afin que nous

  4   puissions tirer cet élément-là ou ce volet, ce segment au clair?

  5   M. Martinovic (interprétation): S'agissant du premier volet, je l'ai déjà

  6   dit. Maintenant, pour ce qui est de ce deuxième segment, j'ai déjà dit que

  7   l'alcoolisme pouvait influer d'une certaine façon, qu'il pouvait

  8   constituer le fondement de la création d'une psychose. Il y a une forte

  9   possibilité qu'il ait été en phase positive, peut-être un mois avant

 10   l'hospitalisation ou dans des cas extrêmes, et il vient se faire soigner

 11   pour une fracture, c'est peut-être l'élément qui a déclenché des

 12   psychoses, cette fracture. Donc, une blessure physique, une maladie

 13   physique peut activer le delirium tremens ou des psychoses alcooliques.

 14   Donc je maintiens ce que j'ai dit, à savoir que l'alcool a pu dans une

 15   certaine mesure influer sur la survenue de la maladie, sur l'image qu'à

 16   présentée la maladie.

 17   Mais je réitère une fois de plus qu'une fois arrivé chez nous, il est tout

 18   à fait exclu qu'il se soit agi du delirium tremens. Cela ne pouvait pas

 19   l'être.

 20   Question: Merci, Docteur Martinovic.

 21   En répondant à l'une des questions de M. Groome concernant ce que le

 22   médecin du département devait faire et avait probablement fait, à savoir

 23   se renseigner entre autres sur la possibilité ou l'éventualité de

 24   l'existence de maladies mentales dans la famille, de cas de suicide dans

 25   la famille dans une phase antérieure, vous avez répondu que les questions


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  1   portaient sur le fait de savoir si ces renseignements-là étaient fournis

  2   par le patient lui-même ou par son épouse, et pour le médecin traitant

  3   c'étaient deux possibilités de se procurer ce type-là d'informations,

  4   n'est-ce pas?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Pour ce qui est du patient, dans notre cas, dans sa situation,

  7   pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ses réponses, dans ce segment-là,

  8   pouvaient être pertinentes à ce moment-là et en une phase ultérieure?

  9   Réponse: Au cours des six ou sept premiers jours, il ne pouvait rien dire.

 10   Je vous ai décrit sa situation: il était hors de la réalité, il ne savait

 11   pas ce qu'il racontait, il ne savait pas ce que vous lui demandiez. Par la

 12   suite, il avait pu le dire.

 13   Mais je suis à 100% certain que le Dr Simic lui a posé la question parce

 14   que, quand on leur apprend quelque chose, quand ils viennent se

 15   spécialiser en la matière, ils posent la question à la famille et à

 16   l'intéressé: s'il y a des maladies mentales dans la famille et s'il y a eu

 17   des cas de suicide. Donc je suis à 100% sûr qu'il a dû lui poser la

 18   question.

 19   Maintenant, de là à savoir pourquoi il n'a pas inscrit cela, c'est que

 20   probablement la réponse a été négative lors de l'entretien, soit au niveau

 21   du patient, soit au niveau de sa femme. Mais il est peu probable, et je

 22   l'ai dit tout à l'heure, dans notre région, le suicide est un fait, un

 23   acte terrible, anathémisé par la religion… Vous n'ignorez pas la position

 24   prise par la religion qui est la nôtre vis-à-vis de cet acte. Et vous

 25   n'ignorez pas non plus que les désordres mentaux existent, et la religion


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  1   les voit d'une certaine façon. Sa mère avait vécu en Bosnie et n'avait

  2   jamais probablement eu l'opportunité de consulter un psychiatre, et on

  3   sait comment elle a terminé sa vie.

  4   Question: J'avais donc dit qu'il y avait également peut-être possibilité

  5   de dissimuler ce fait-là de la part du patient. Cela aurait-il peut-être

  6   influé sur la thérapeutique administrée, ou peut-être cela aurait-il fait

  7   que son séjour à l'hôpital eût été plus long?

  8   Mais il est évident que son épouse et lui-même avaient souhaité que ce

  9   séjour soit le plus bref possible, raison pour laquelle elle a

 10   probablement dû demander l'accord du médecin pour ce qui est de le laisser

 11   sortir. Il m'était difficile d'en parler et je ne vais pas m'aventurer

 12   davantage.

 13   Maintenant, pour ce qui est de l'épouse, la seule question que nous

 14   n'avons pas étudiée, c'est le fait de savoir si elle le savait parce que

 15   ce suicide avait eu lieu beaucoup de temps avant qu'ils ne se soient

 16   mariés eux-mêmes et, dans ce segment-là, je ne sais pas si elle avait pu

 17   nous dire quoi que ce soit de concret.

 18   Ce renseignement-là, vous n'en avez pas pris note et vous n'avez aucun

 19   souvenir de l'avoir obtenu, éventuellement?

 20   Réponse: Non.

 21   Question: Si j'ai bien compris vos réponses aux questions qui vous ont été

 22   posées, Docteur Martinovic, quand vous avez parlé de son degré de

 23   responsabilité mentale pour la période dont il vous avait été possible de

 24   parler, à savoir pour ce qui est de la période où il avait été traité,

 25   vous avez parlé des délits éventuels et vous avez même donné un exemple:


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  1   vous avez dit que si au cours de ce séjour il avait blessé quelqu'un ou

  2   tué quelqu'un pendant son séjour là-bas, il n'aurait pas été tenu

  3   responsable. Mais s'il avait cambriolé une caisse et s'il avait volé

  4   l'argent, il aurait été tenu responsable. Mais d'une manière générale,

  5   vous avez dit: "Je pense qu'il avait un degré de responsabilité mentale

  6   diminuée". Est-ce que vous persistez à l'affirmer?

  7   Réponse: Oui, absolument.

  8   M. Domazet (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à

  9   vous poser.

 10   M. le Président (interprétation): Merci, Docteur, d'être venu témoigner

 11   devant le Tribunal international. Vous pouvez disposer.

 12   M. Martinovic (interprétation): Je vous remercie également.

 13   (Le témoin, M. Borislav Martinovic, est reconduit hors du prétoire.)

 14   (Le témoin, Mme Slavica Jevtovic, est introduit dans le prétoire.)

 15   M. le Président (interprétation): Madame, je vous prie de lire la

 16   déclaration solennelle qui vous est tendue par M. l'huissier.

 17   Mme Jevtovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir.

 20   Mme Jevtovic (interprétation): Merci.

 21   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous.

 22   (Interrogatoire principal du témoin, Mme Slavica Jevtovic, par Me

 23   Domazet.)

 24   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 25   Madame Jevtovic, bonjour.


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  1   Mme Jevtovic (interprétation): Bonjour.

  2   Question: Madame Jevtovic, je vous interrogerai au nom de la défense et je

  3   vous prierai, une fois que vous aurez entendu ma question, de patienter

  4   quelque secondes avant que de commencer à répondre. Cela est dû au fait

  5   que nous parlons la même langue et à la nécessité de faciliter la tâche

  6   des interprètes qui traduisent mes questions et vos réponses. Vous avez

  7   devant vous un moniteur sur lequel défile un compte rendu d'audience en

  8   langue anglaise, et vous pouvez voir à quel moment la traduction de la

  9   question et de la réponse sont terminées. C'est donc ce que je vous

 10   demanderai de faire pendant tout notre entretien.

 11   Donc pour commencer, je vous demanderai de décliner votre identité, votre

 12   nom, prénom, votre date de naissance, votre lieu de naissance et votre

 13   lieu de résidence.

 14   Réponse: Je m'appelle Slavica Jevtovic. Je suis spécialiste

 15   neuropsychiatre. Je vie à Uzice, je travaille à Uzice depuis 35 ans.

 16   Je suis née à Osijek, en Croatie.

 17   Question: Madame Jevtovic, vous travaillez à l'hôpital général d'Uzice?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Depuis quand travaillez-vous à Uzice même, dans cet hôpital?

 20   Réponse: Je travaille à Uzice depuis juin 1966 sans interruption aucune,

 21   et c'est depuis cette date-là que je réside à Uzice également.

 22   Question: Vous nous avez dit quelle est votre profession: vous êtes

 23   médecin neuropsychiatre. J'aimerais savoir dans quel département de

 24   l'hôpital vous êtes employée et si, pendant tout ce temps-là, vous avez

 25   travaillé au même département.


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  1   Réponse: Exception faite d'une période de quelques mois de stage médical

  2   que les jeunes médecins sont tenus de passer à divers départements, dans

  3   divers départements, j'ai pratiquement passé 35 ans de service au service

  4   de neuropsychiatrie. Et depuis une dizaine d'années, date à laquelle ces

  5   deux services se sont scindés en deux, comme les chaires de neurologie et

  6   la chaire de psychiatrie se sont scindées en deux, j'ai commencé il y a

  7   une dizaine d'années à travailler au niveau de ce service, ou département

  8   de psychiatrie.

  9   Question: Etant donné que c'est l'année pertinente pour nous ici, je

 10   voudrais savoir où vous travailliez en 1992.

 11   Réponse: J'ai travaillé au service psychiatrique sans cesse à ce jour-là,

 12   et ce depuis 1991, parce que c'est en 1991 que c'est devenu un département

 13   de psychiatrie distinct.

 14   Question: Pouvez-vous me dire si en cette année-là, en l'année 1992, vous

 15   aviez des fonctions et quelles étaient-elles, quels étaient vos supérieurs

 16   et quels étaient les médecins qui travaillaient avec vous?

 17   Réponse: En 1992, j'étais médecin spécialiste, j'occupais le poste de

 18   médecin spécialiste. Notre chef de secteur ou de département était

 19   Borislav Martinovic. La collègue Radoslava Bukic était également

 20   spécialiste neuropsychiatre et nous avions des médecins jeunes qui

 21   n'avaient pas encore commencé leur formation spécialisée de façon

 22   officielle. Ils étaient des médecins comme nous, disons, auxiliaires.

 23   Il s'agit des docteurs Simic et de la doctoresse Perunicic.

 24   Question: Docteur, est-ce que cela était suffisant pour ce qui est de

 25   l'accomplissement des tâches nécessaires, compte tenu de l'organisation du


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  1   département qui était le vôtre à l'époque?

  2   Réponse: Eh bien, il est certain que cela n'était pas suffisant mais comme

  3   je vous l'ai dit tout à l'heure, les services étaient scindés en deux et

  4   les cadres spécialisés devaient eux aussi être répartis entre deux

  5   services, entre deux départements. C'est la raison pour laquelle nous

  6   avions embauché des jeunes médecins qui devaient, qui étaient censés

  7   commencer, entamer une formation de spécialisation qu'ils ont accomplie

  8   par la suite, mais en tout état de cause cela n'avait pas suffit pour, si

  9   je puis m'exprimer ainsi, les maux qui nous sont tombés dessus par la

 10   suite.

 11   Nous avons eu un afflux très grand, très important de gens en provenance

 12   de Bosnie pendant quelques années, et cela en sus du travail régulier et

 13   normal. Nous avions une partie hospitalière de notre département qui

 14   comportait 50 lits et nous avions des patients qui venaient nous voir tous

 15   les jours. Nous avions en sus des services de permanence qu'il fallait

 16   assumer 24 heures sur 24 au département.

 17   Et c'est pour cette raison que nous avons dû, nous, médecins qui avions

 18   terminé la neurologie et la psychiatrie, nous avons eu l'obligation et

 19   jusqu'à il y a trois ans d'assurer la deuxième et la troisième relève pour

 20   la psychiatrie et pour le service de neurologie, enfin pour les deux

 21   services. Et puis ceci, en quelque sorte, multipliait nos devoirs, nos

 22   obligations. Il était plus facile de suivre un patient que vous avez admis

 23   plutôt qu'un autre patient que vous avez reçu en transfert en quelque

 24   sorte, c'est-à-dire quelqu'un d'autre qui l'avait admis et nous autres

 25   nous devions le suivre dans l'évolution de sa maladie.


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  1   Question: Madame Jevtovic, vous venez de nous expliquer la situation de

  2   ces jeunes médecins, Dr Simic, la doctoresse Prunicic. Ils étaient les

  3   secondaires, les auxiliaires comme vous les appelés dans votre service.

  4   Est-ce que ces docteurs-là avaient des patients dans le cadre du

  5   département? Etaient-ils des médecins traitants dans le cadre du

  6   département en question?

  7   Réponse: Le département n'était pas encore divisé. Les jeunes médecins

  8   admettaient régulièrement des patients mais ils étaient supervisés par

  9   nous, plus anciens. Dans cette catégorie de médecins auxiliaires, tout

 10   médecin supérieur, d'une ancienneté plus grande dans le service, reçoit

 11   l'obligation de s'occuper donc de ces médecins auxiliaires, de les

 12   seconder, les appuyer en ce qui concerne le diagnostic, la thérapeutique

 13   ou par exemple le remplissage d'une fiche de sortie. Et puis, une fois

 14   l'éducation obligatoire terminée, spécialisation terminée, chaque médecin

 15   reçoit un tuteur, et un directeur de thèse qui est chargé de suivre

 16   l'évolution de ce médecin, et puis il y a spécialisation, et à l'époque on

 17   allait à Belgrade pour passer, pour faire ce stage de spécialisation, et

 18   pour passer cet examen de spécialisation dans un secteur donné.

 19   Question: Madame Jevtovic, qui était le tuteur ou le directeur de thèse de

 20   M. Simic, à l'époque?

 21   Réponse: C'était moi. Avant sa spécialisation et au cours de sa

 22   spécialisation, j'étais son tuteur officiel ou son directeur de thèse

 23   officiel.

 24   Question: Vous venez de l'expliquer, en quelque sorte, dans votre réponse

 25   précédente mais essayez de vous expliquer un peu plus en détail. Quels


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  1   sont ces détails à propos desquels le Dr Simic a dû se consulter avec

  2   vous? Comment se passait cette communication entre vous deux, lui médecin

  3   auxiliaire et vous, directeur de thèse de ce jeune médecin?

  4   Réponse: Il était tenu de m'informer de toutes les informations

  5   pertinentes au sujet du patient, de s'entretenir avec le patient, de voir

  6   cette documentation, de donner mon consentement en ce qui concerne la

  7   thérapeutique, de comparer nos diagnostics, ce qu'il est convenu d'appeler

  8   diagnostic différentiel, afin que cela soit conforme au patient mais aussi

  9   à l'éducation, à sa spécialisation poursuivie.

 10   Puis cela se faisait en quelque sorte sur une base quotidienne et puis,

 11   lorsque cela se présente, nous nous consultons avec le chef du département

 12   et nous présentons le cas en question au chef du département et nous

 13   travaillons en équipe.

 14   Question: En ce qui concerne ces visites, vous parlez de visites

 15   quotidiennes. Est-ce que vous pourriez nous décrire à quel moment ces

 16   visites sont effectuées, qui participe à ces tours, à ces visites

 17   -"grandes visites", comme on les appelle dans les hôpitaux-, qui est celui

 18   qui vient à côté voir, visiter le patient?

 19   Réponse: Pas de problème. Ces visites sont obligatoires pour tous les

 20   médecins du département, à l'exception du chef du département. Il y a donc

 21   l'infirmière en chef, le thérapeute, le médecin traitant et, allant d'un

 22   lit à l'autre, cette visite commence comme quelque chose qui se fait le

 23   plus tôt le matin.

 24   D'abord, nos patients doivent recevoir leur thérapie, mettons s'il s'agit

 25   de médicaments qu'il faut prendre dans un cycle de 8 heures, enfin il faut


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  1   anticiper cela et puis aussi, en ce qui concerne le petit déjeuner, donc

  2   pour que ces patients puissent avoir leur petit déjeuner à temps. Les

  3   repas viennent d'une cuisine centrale et nous souhaitions que nos patients

  4   reçoivent leur petit déjeuner à temps. Nos malades ne sont pas des

  5   malades, mettons, physiques mais nous voulions que nos patients reçoivent

  6   le petit déjeuner à temps. Le repas du soir est administré, est distribué

  7   à 18 heures. Et les neuroleptiques que nos patients reçoivent augmentent

  8   leur appétit. Et puis , nous traitons des patients venant de toute la

  9   région. Il n'y a pas de visiteurs, de visite de parents, de famille qui

 10   pourraient leur apporter des repas en supplément. Oui, nous avons ces

 11   heures de visite prévues pour le public, mais évidemment ce sont des

 12   heures fixes. Evidemment, ceux qui venaient, les patients d'Uzice

 13   pouvaient recevoir fréquemment les visites de leurs parents ou de leur

 14   famille, mais peut-être pas les autres.

 15   Avez-vous d'autres questions?

 16   M. Domazet (interprétation): Vous-même et d'autres médecins, exception

 17   faite du chef du département, vous visitiez donc quotidiennement chacun

 18   des patients, y compris le médecin traitant? Est-ce que j'ai bien compris

 19   votre réponse?

 20   Mme Jevtovic (interprétation): Tout à fait. Lorsqu'il s'agit de ces

 21   visites médicales on se met d'accord, on se consulte sur les examens

 22   éventuels à faire. Par exemple, ces consultations, ces examens de

 23   consultation sont inscrits par l'infirmière dans un livre de

 24   consultations, un livre thérapeutique. Ces consultations seraient en fait

 25   des entretiens très brefs, et puis il s'agit aussi de faire des


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  1   observations du comportement du patient, possibilité de communication avec

  2   nous.

  3   Mais pour ce qui est des conversations sérieuses, on le fait à part, dans

  4   la chambre dite "des médecins". Là, on échange des propos très

  5   intéressants, des choses qui relèvent de notre discrétion médicale, qui ne

  6   sont pas communiquées aux patients.

  7   Je ne sais pas comment les laïcs s'imaginent un département de psychiatrie

  8   neurologique. Nous, on a notre espace à part. Les patients se trouvent

  9   dans cet espace, et là je parle de l'année 1992; il s'agissait d'une

 10   baraque. Les chambres étaient très longues, un espace très long, très

 11   étendu, et il y avait des chambres l'une à côté de l'autre. Et puis, là,

 12   rien ne pouvait se passer sans être entendu par quelqu'un d'autre.

 13   Par exemple, nos patients sont libres de se déplacer, donc la circulation

 14   est libre. Et puis, même lorsqu'il s'agit de cette chambre de médecins,

 15   est-ce que les patients y resteront plus ou moins longtemps? Cela dépend

 16   du médecin lui-même, cela dépend de la longueur de son entretien anticipé.

 17   Le problème principal, le symptôme principal de ces gens étaient la peur,

 18   l'anxiété. Et puis, il y a des patients qui viennent et qui nous disent

 19   tout simplement: "Nous avons besoin de vous parler". Là, on était sur

 20   place pour les accueillir.

 21   Et puis, l'équipe de thérapeutique est un principe qui est suivi en

 22   psychiatrie. Et, évidemment, chaque patient, en fonction du niveau de sa

 23   maladie, participe à différentes réunions, différentes sessions. Il y a

 24   des jours où l'on se réunit tous ensemble, ainsi de suite.

 25   M. le Président (interprétation): Je m'excuse, mais vous posez des


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  1   problèmes aux interprètes. Essayez de parler un peu plus lentement.

  2   Mme Jevtovic (interprétation): Je m'en excuse, vraiment.

  3   M. Domazet (interprétation): Madame Jevtovic, vous venez d'entendre cette

  4   objection, cette remarque faite par le Président de la Chambre.

  5   Essayez, Madame, de vous concentrer un peu plus sur les questions que je

  6   voudrais vous poser. Et je voudrais vous prier, par la suite, d'élucider

  7   certaines choses très brièvement pour qu'il n'y ait pas ce genre de longue

  8   réponse. Et je pense que nous allons pouvoir tirer au clair certains

  9   points qui restent en suspens.

 10   Si j'ai pu conclure, vous étiez, vous et les autres médecins, en contact

 11   permanent avec les patients? Et puis, vous nous avez parlé de la

 12   disposition des chambres qui faisaient partie, donc, de votre département

 13   de neuropsychiatrie ou psychiatrie. Est-ce que je vous ai bien comprise?

 14   Mme Jevtovic (interprétation): Je m'excuse d'avoir été un peu trop longue,

 15   mais j'ai voulu vous communiquer une idée de ces contacts quotidiens qui

 16   s'établissaient entre patients et personnel médical, pas seulement une

 17   fois par jour mais plusieurs fois par jour, aussi brefs que ces contacts

 18   aient pu être.

 19   Question: A part la visite obligatoire avec les patients individuels,

 20   pendant toute votre journée de travail, vous avez été tenus de vous

 21   trouver sur place, personnel médical? Est-ce que c'est la conclusion que

 22   l'on pourrait tirer de votre réponse?

 23   Réponse: Oui. Tout à fait.

 24   Question: Lorsque vous parlez de cette organisation -chambres pour les

 25   malades, puis chambre des médecins, puis encore chambres pour les


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  1   patients, pour les malades-, est-ce que cela veut dire que tout patient, à

  2   tout moment, pouvait vous contacter, entrer en contact avec vous ou vice

  3   et versa, que vous avez pu à tout moment contacter un patient donné?

  4   Réponse: Tout à fait correct.

  5   Question: Vous avez dit que vous, médecin, vous avez eu des entretiens

  6   séparés avec les patients, donc sans la présence d'autres personnes,

  7   lorsque vous l'estimiez nécessaire. Et lorsqu'il s'agit de ces jeunes

  8   médecins, à l'instar du Dr Simic, est-ce que lui aussi menait ces

  9   entretiens séparés ou est-ce que vous les meniez ensemble? Est-ce qu'il

 10   les menait de son côté, vous de votre côté, notamment lorsqu'il s'agit de

 11   votre qualité de tuteur ou de directeur de thèse en ce qui concerne ce

 12   jeune médecin, en l'occurrence?

 13   Réponse: En ce qui concerne les entretiens officiels, et puis nous en

 14   prenons note et nous notons nos remarques et observations, enfin c'était…

 15   ces entretiens avaient lieu dans ces chambres de médecins où… Enfin, ce ne

 16   sont pas des pièces spéciales; on y mène donc des entretiens avec des

 17   patients individuels, on y reçoit les membres de la famille des malades

 18   afin d'obtenir les données, informations nécessaires, voulues, et puis

 19   pour pouvoir continuer notre travail avec la famille. Vous ne pouvez pas

 20   vous imaginer à quel point la famille, les conjoints, les enfants

 21   sollicitent le médecin pour pouvoir poursuivre le traitement du malade, du

 22   patient par la suite, et tout cela. Par la suite, tout cela se passe dans

 23   ces chambres de médecins: toutes ces notes prises, le cursus qui y est

 24   établi, ces consultations, examens supplémentaires…

 25   A présent, par exemple, nous avons la possibilité de faire des


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  1   encéphalographies. Et puis nous avons maintenant des ordinateurs, donc

  2   nous sommes informatisés. Puis on a un scanner, et là on prend les

  3   décisions sur la modification des thérapies, procédures et protocoles à

  4   suivre dans le traitement et la guérison du malade en question.

  5   Question: Madame Jevtovic, lorsqu'un patient est admis dans votre

  6   département et lorsqu'il s'agit d'un patient que vous ne connaissiez pas

  7   auparavant, donc qui vient être traité dans votre département, est-ce que

  8   le médecin est tenu de noter, d'annoter tous les détails familiaux,

  9   coordonnées familiales, anciennes maladies connues au sein de la famille,

 10   enfin ce qui serait une anticipation pour le traitement à administrer au

 11   malade en question?

 12   Réponse: La procédure protocolaire veut que l'on rassemble le plus grand

 13   nombre possible de données et, comme vous venez de le dire, s'il s'agit

 14   surtout d'un nouveau patient, donc nouvellement admis dans le département,

 15   et tout cela dans la mesure du possible. Si on peut recueillir ces

 16   informations, s'il y a un membre de la famille présent ou accompagnant le

 17   patient en question -ce qui arrive souvent-, eh bien, nous procédons à une

 18   anamnèse qui débute sur l'enfance du patient. Les éléments clés de cette

 19   anamnèse seraient la difficulté de comportement au cours de l'enfance,

 20   puberté, ou par exemple pendant le service militaire régulier et, tout à

 21   fait normal, changement de comportement qui est à l'origine de la venue,

 22   de l'admission du patient dans notre département, notamment en ce qui

 23   concerne la catégorie de ces changements, la période de temps que durent

 24   ces changements, et puis traitement éventuel du patient avant son arrivée,

 25   son admission dans notre institution, dans notre département.


Page 3549

  1   Une donnée essentielle c'est la recherche de l'anamnèse familiale,

  2   présence, existence de maladies corporelles, physiques et surtout de

  3   maladies psychiatriques. Ce sont des questions presque impératives que

  4   l'on pose, à savoir: est-ce que quelqu'un a été traité d'une quelconque

  5   maladie psychiatrique au sein de la famille? Est-ce que quelqu'un avait

  6   commis un suicide, toujours dans le contexte de la famille? Est-ce que

  7   quelqu'un de la famille avait commis un homicide ou un acte pénal? Est-ce

  8   que quelqu'un, au sein de la famille, avait été jugé et rendu coupable? Et

  9   si dans la famille, d'une manière générale, il y avait des personnes qui,

 10   par leur comportement, se dénotaient ou étaient en opposition avec les

 11   normes de comportement habituellement connues, respectées?

 12   Question: Madame Jevtovic, cette procédure de collectes d'informations, de

 13   la procédure d'informations ou de collectes de données, est-ce que c'était

 14   une procédure protocolaire pour chaque médecin?

 15   Réponse: Oui. Cela est prévu par le protocole, la procédure; c'est

 16   obligatoire. Et puis, si on avait la chance d'avoir une personne qui

 17   pouvait nous fournir ces données, on restait en contact. Puis, souvent il

 18   y a des malades qui sont amenés de force, accompagnés par la police, donc

 19   sans membre de leur famille directe, soit qu'ils sont escortés depuis leur

 20   propre foyer, ou s'ils sont escortés ayant été ramassés dans un lieu

 21   public, lieu public où leur comportement sortait de l'ordinaire.

 22   Question: Lorsque vous dites cela, Madame Jevtovic, est-ce que dans ces

 23   circonstances-là, est-ce que vous avez la possibilité de trouver, de

 24   recueillir des données pertinentes? Vous parliez de situations où cela ne

 25   vous a pas été possible? Comment les obtenez-vous, ces données


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  1   pertinentes?

  2   Réponse: Nous avons, dans le département, un travailleur social dont le

  3   devoir consiste -et nous parlons de cette partie-là de notre travail-,

  4   donc ces tâches consistent à trouver un moyen pour entrer en contact avec

  5   la famille aux fins que ces données pertinentes indispensables puissent

  6   être recueillies. Je m'excuse, mais cela ne veut pas dire que ce

  7   travailleur social est celui qui rassemble ces données, mais il est chargé

  8   d'inviter la famille en question, les membres de la famille en question à

  9   se rendre dans le service en vue d'un contact, d'un entretien avec le

 10   médecin responsable.

 11   Question: Oui, cela explique ce volet donné, que l'on doit obtenir auprès

 12   de la famille. Mais en ce qui concerne le patient, le malade lui-même,

 13   est-ce que ce sont également des questions que l'on pose au patient? Est-

 14   ce qu'on le faisait toujours? Est-ce que c'est possible de le faire, de

 15   lui poser donc différentes questions?

 16   Mme Jevtovic (interprétation): L'hétéro-anamnèse est une partie de notre

 17   travail dont le but est d'établir le diagnostic.

 18   M. le Président (interprétation): Madame, ne parlez pas si lentement, mais

 19   essayez de commencer vos réponses une fois que vous verrez sur le compte

 20   rendu d'audience que la phrase est terminée. Si vous êtes trop lente, là

 21   aussi les interprètes peuvent... problème. Ne parlez pas selon une allure

 22   de dictée, mais essayez de faire une pause après les questions que Me

 23   Domazet vous pose.

 24   Mme Jevtovic (interprétation): La deuxième partie de ce travail est

 25   l'interview, l'entretien avec le patient où nous essayons de recueillir,


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  1   de rassembler un certain nombre de données et d'assurer un examen

  2   clinique.

  3   Pour ce qui est des données obtenues par le patient, c'est quelque chose

  4   que nous ne considérons pas toujours comme étant quelque chose de très

  5   valide, notamment lorsqu'il s'agit d'un patient psychotique, et c'est tout

  6   à fait normal.

  7   M. Domazet (interprétation): J'ai encore une seule question en rapport

  8   avec ceci. Cette procédure est-elle bien celle que vous avez conseillé

  9   d'appliquer au jeune médecin dont vous suiviez la spécialisation?

 10   Réponse: Tout à fait.

 11   Question: J'aimerais à présent que vous examiniez l'un des éléments de

 12   preuve qui intervient dans la présente affaire, à savoir l'anamnèse de

 13   Mitar Vasiljevic.

 14   Je prie M. l'huissier de remettre au témoin la pièce à conviction P138.

 15   (Intervention de l'huissier.)

 16   (Le témoin prend connaissance du document.)

 17   Vous avez lu ce texte, Docteur Jevtovic?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Pouvez-vous nous dire, en tant que médecin du département de

 20   neuropsychiatrie, ce que vous voyez, ce que vous constatez à la lecture de

 21   cette anamnèse?

 22   Réponse: Si nous suivons un ordre chronologique...

 23   Question: Excusez-moi, je vous prie, mais je vous demanderai de nous dire

 24   ce qui concerne la psychiatrie et pas ce qui concerne l'orthopédie, car

 25   nous entendrons des orthopédistes. Je vous demande donc de vous limiter à


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  1   l'aspect psychiatrique.

  2   Réponse: J'ai compris. Donc, si nous suivons l'ordre chronologique en

  3   partant du 5 juillet, nous voyons qu'en raison d'un comportement bruyant,

  4   ostentatoire, un psychiatre a été appelé; donc quelque chose se passait

  5   avec ce patient. Cette consultation n'a pas eu lieu.

  6   Nous voyons que le 7 juillet, il est écrit: "transférez le patient en

  7   psychiatrie".

  8   Nous voyons sur ce document la signature du Dr Bogdanovic qui, à l'époque,

  9   se trouvait dans la situation que j'expliquais tout à l'heure, à savoir

 10   qu'il travaillait au département neuropsychiatrique et qu'il était de

 11   permanence dans notre département puisqu'il est question du 7 juillet qui,

 12   chez nous, est un jour de fête.

 13   Le patient a donc été transféré chez nous ce jour-là. Le Dr Simic l'a vu

 14   le 8, à savoir un jour de travail. Il a constaté ce qui est écrit ici, à

 15   savoir l'existence d'un état d'agitation. On voit que l'état du patient

 16   était en cours de modification, qu'il était en cours d'amélioration. On

 17   réalise une hétéro-anamnèse et dans cette hétéro-anamnèse, on constate que

 18   les modifications du comportement ont été constatées avant l'arrivée du

 19   patient à l'hôpital: selon ce que dit l'épouse, depuis le début des

 20   opérations de guerre, à partir de ce moment-là, selon ses dires, son mari

 21   buvait beaucoup, il était très agité et difficile à calmer.

 22   Donc, par la suite, on constate une amélioration avec toujours quelques

 23   petits troubles du comportement mais, à la demande de l'épouse, le patient

 24   est renvoyé chez lui.

 25   Et puis, nous arrivons au diagnostic définitif qui est consigné dans le


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  1   document par les chiffres 298.9, ce qui signifie un trouble psychotique

  2   aigu au cours duquel on constate la présence de symptômes généraux qui

  3   désignent un trouble psychotique. Mais en l'absence de ce que l'on appelle

  4   des symptômes spécifiques, c'est-à-dire des phénomènes psychopathologiques

  5   spécifiques qui auraient pu permettre de préciser plus en détail le type

  6   de ce trouble, de l'état mental.

  7   Ici, il est possible de prononcer un diagnostic temporaire, un diagnostic

  8   utile, bien que dans la classification un diagnostic existe.

  9   Il est possible, donc, de penser à une psychose alcoolique indéterminée

 10   également, car il existe des psychoses alcooliques qui sont aussi très

 11   spécifiques. On peut aussi penser, à la lecture de ce chiffre, à une

 12   psychose réactive.

 13   Toutes ces maladies rentraient dans le cadre de ce code qui est un code de

 14   l'ancienne classification internationale. Aujourd'hui, on utilise des

 15   codes différents dans le cadre d'une nouvelle classification

 16   internationale. D'ailleurs, ce ne sont pas que les codes qui ont changé;

 17   parfois la catégorisation, la définition des troubles psychiques a été

 18   modifiée dans la classification internationale actuelle.

 19   Question: Eh bien, merci beaucoup. Nous parlerons peut-être plus en détail

 20   du diagnostic car vous n'en avez pas encore tout dit, bien que vous ayez

 21   bien parlé de ce qui figure dans cette anamnèse.

 22   Mais pouvez-vous nous dire, je vous prie, puisque vous avez parlé des

 23   éléments qui sont recueillis auprès de la famille, vous avez dit quels

 24   étaient, parmi ces éléments, ceux qui étaient considérés comme

 25   particulièrement pertinents, et vous avez dit qu'une dizaine de ces


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  1   éléments étaient consignés par écrit. Donc si parmi ces dix éléments

  2   importants, à savoir par exemple l'existence de maladies particulières

  3   dans sa famille ou des choses de ce genre, donc si ces éléments avaient

  4   existé, vous dites bien que ces éléments auraient été consignés par écrit

  5   dans l'anamnèse?

  6   Réponse: Exclusivement dans l'anamnèse, mais cela ne veut pas dire que

  7   tous les médecins pouvaient recueillir des renseignements exacts auprès du

  8   patient sur ces points, car dans notre région, dans les familles, on cache

  9   avec le plus grand soin tout ce qui a trait à un suicide éventuel ou à une

 10   maladie mentale éventuelle dans la famille. Je pense donc qu'il est

 11   possible que ces éléments aient été cachés par le patient, mais je ne

 12   crois pas que cela veuille dire que le médecin n'a pas posé la question à

 13   ce sujet au patient.

 14   Question: Donc s'il était question d'éléments aussi importants, comme par

 15   exemple la présence de maladies mentales dans la famille, vous dites bien

 16   que dans ce cas-là ces éléments auraient nécessairement été consignés dans

 17   un document comme l'anamnèse, en tout cas cela aurait dû être le cas?

 18   Réponse: Cela aurait dû être le cas.

 19   Question: Je vous prierai à présent d'examiner la pièce à conviction

 20   suivante, que l'on va vous soumettre, à savoir la liste des thérapeutiques

 21   administrées. Je demande à M. l'huissier de vous remettre la pièce à

 22   conviction P165 qui est la feuille sur laquelle ont été consignés les noms

 23   des médicaments administrés au patient, M. Mitar Vasiljevic.

 24   (Intervention de l'huissier.)

 25   (Le témoin prend connaissance du document.)


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  1   Question: Vous avez eu le temps de regarder un peu ce document?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Pouvez-vous nous dire quelles sont les conclusions que vous

  4   pouvez tirer à la lecture de cette liste des thérapies administrées à

  5   l'époque et si, à la lecture de ces noms de médicaments, il est permis de

  6   tirer une conclusion quelconque au sujet du trouble précis dont souffrait

  7   M. Mitar Vasiljevic?

  8   Réponse: Depuis le début du traitement, depuis le 7, le 8, le 9, le

  9   patient s'est vu administrer un protocole thérapeutique intensif composé

 10   d'antipsychotiques et de neuroleptiques. Nous n'avions pas de

 11   neuroleptiques plus forts à l'époque que le Topral. Le Nozinan est

 12   également un médicament très puissant et le Largactil est un hypnotique

 13   très puissant également. Ce sont en fait les deux médicaments les plus

 14   puissants que nous ayons utilisés dans notre département de psychiatrie,

 15   mais malheureusement nous ne l'avons plus aujourd'hui, nous n'en disposons

 16   plus. Nous en avons disposé pendant un ou deux ans.

 17   Et puis on constate par ailleurs que des piqûres ont été faites au

 18   patient, ce qui signifie qu'il était très agité et qu'il rejetait la

 19   thérapie. Les alcooliques n'aiment pas beaucoup prendre des neuroleptiques

 20   par la bouche, car ce sont des médicaments qui sont très désagréables et

 21   qui ont des effets secondaires très désagréables. Donc compte tenu du très

 22   haut dosage qui a été appliqué dans ce cas particulier, il aurait été

 23   erroné et même criminel de donner à ce patient de tels médicaments s'ils

 24   n'avaient pas été indispensables.

 25   Après un certain temps le patient se calme, il est traité au Largactil en


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  1   cachet à des doses un peu inférieures, 400 milligrammes par jour est en

  2   effet un dosage très important. Et puis la dose est accrue à 600

  3   milligrammes de sorte que, le 19, cela signifie qu'il y a eu des

  4   problèmes. Je ne me souviens pas exactement de ce qui s'est passé, c'est

  5   mon écriture. Je devais être de permanence et puisque la dose a été

  6   accrue, cela doit signifier qu'il y a eu une aggravation.

  7   Ce qui a pu se passer, c'est qu'à ce moment-là on administrait les

  8   médicaments par la bouche au patient en cachet, il a peut-être trompé le

  9   personnel et il a peut-être caché un certain nombre de ces cachets. Cela

 10   arrive très souvent, vous savez. Il est très difficile de déjouer les

 11   tours et les ruses des patients, et c'est la raison pour laquelle

 12   d'ailleurs, parfois, il nous arrive de réduire les cachets en poudre de

 13   façon à ce que le patient ne puisse pas en mettre de côté une certaine

 14   quantité.

 15   Ensuite on voit que le patient s'est vu administrer une dose assez

 16   importante de 300 milligrammes de Largactil et de Chlorpromazin et

 17   renvoyer chez lui. C'est une dose assez importante quand le patient est à

 18   la maison et, à la lecture de la dose, on doit penser que les troubles du

 19   patient n'étaient pas complètement guéris. Or, nous voyons que c'est à la

 20   demande de l'épouse que ce patient est rentré chez lui, et que donc il est

 21   rentré à un moment où la dose qui lui était administrée à la maison ne

 22   correspondait pas à un règlement complet du problème.

 23   Question: Madame Jevtovic, vous parlez de ces dosages et notamment de la

 24   dose qui était administrée au patient alors qu'il était de retour chez

 25   lui, vous avez dit qu'elle a été assez importante. Pourriez-vous être un


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  1   peu plus précise parce que "assez importante" peut signifier "tout à fait

  2   suffisante" ou autre chose? Donc à votre avis, est-ce une dose supérieure

  3   à ce qu'il est coutumier d'administrer à un patient chez lui? Est-ce bien

  4   cela que vous avez voulu dire en parlant du fait qu'il est rentré chez lui

  5   avant la date à laquelle les médecins l'auraient décidé?

  6   Réponse: Peut-être ne me suis-je pas bien exprimée en utilisant ces

  7   termes.

  8   J'ai dit que l'importance de la dose indique que le patient est rentré

  9   chez lui à la demande de l'épouse à une période antérieure à la date

 10   normale. Si un trouble psychotique est traité dans ces premiers stades, le

 11   dosage est trop important pour que le patient puisse recevoir de telles

 12   doses chez lui. Mais lorsque la psychose est déjà ancienne, le patient

 13   peut rentrer chez lui et prendre ses médicaments pendant longtemps à la

 14   maison.

 15   Question: Vous parliez du début de la thérapie il y a quelques instants.

 16   Vous avez dit que le Topral était l'un des médicaments les plus puissants

 17   qui vous était disponible à l'époque. Cela signifie-t-il que c'était l'un

 18   des médicaments les plus efficaces pour le type de maladie dont souffrait

 19   Mitar Vasiljevic?

 20   Réponse: Le Topral s'administrait à des patients extrêmement agités sur le

 21   plan neuro-moteur. C'était le médicament le plus puissant, le

 22   neuroleptique le plus puissant utilisé à l'époque, ce qui signifie que ce

 23   patient, à l'époque, était extrêmement, exceptionnellement agité.

 24   Question: Très bien pour le Topral. Mais de façon générale, si vous

 25   regardez les médicaments qui ont été administrés à l'époque à ce patient,


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  1   pouvez-vous déterminer l'intensité du trouble dont souffrait le patient?

  2   Pouvez-vous la classer en trouble très important, important, pas trop

  3   important, d'après les dosages et les produits qui lui ont été

  4   administrés?

  5   Réponse: D'après les produits qui lui ont été administrés, on constate

  6   qu'il s'agissait d'un patient extrêmement agité et on constate également

  7   qu'il s'agissait d'une psychose indéterminée car on ne voit pas sur cette

  8   liste les noms d'autres neuroleptiques qui ont un effet ciblé, destiné à

  9   soigner des psychoses plus précisément déterminées. Et on ne voit pas,

 10   notamment, le nom d'autres antidépresseurs ou d'autres psychotiques qui

 11   sont utilisés dans ces cas de psychoses plus déterminées.

 12   C'est d'ailleurs ce que j'ai dit tout à l'heure en parlant du code que

 13   l'on voit dans l'anamnèse 298.9 qui, j'ajouterai, aurait pu nous faire

 14   penser qu'il s'agissait d'une forme maniaque de psychose. Et dans ce cas-

 15   là, on se demande pourquoi cela n'a pas été indiqué parce que la manie est

 16   une psychose assez particulière qui se manifeste par un changement très

 17   important de l'humeur et du comportement, et ce n'est pas le seul

 18   symptôme. En général, il est accompagné d'un symptôme de dépression,

 19   auquel cas on parle de troubles affectifs bipolaires ou de troubles

 20   maniaco-dépressifs de l'affectivité. En général, dans notre profession, on

 21   attend d'être en présence d'au moins deux symptômes de ce genre pour

 22   prononcer le diagnostic précis de manie.

 23   Sur la base d'un seul symptôme, il n'est pas de rigueur, dans la pratique

 24   professionnelle, de prononcer ce genre de diagnostic de dépression, de

 25   trouble maniaco-dépressif. Ce sont des pathologies qui affectent des


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  1   personnes assez jeunes, et le prononcé d'un tel diagnostic risque de leur

  2   poser beaucoup de tort dans la suite de leur vie.

  3   D'ailleurs, pour prononcer un diagnostic précis de psychose spécifique, il

  4   faut tout de même que l'on permette à un certain laps de temps de

  5   s'écouler. On ne peut pas prendre le risque de prononcer un tel diagnostic

  6   dès la première entrevue avec un patient ou au cours des premiers jours du

  7   traitement, car c'est une maladie qui est longue et qui peut, une fois

  8   diagnostiquée, faire beaucoup de tort au patient dans le reste de sa vie.

  9   Question: Si je vous ai bien comprise, Docteur Jevtovic, dans le cas qui

 10   nous intéresse ce diagnostic précis n'a pas été consigné par écrit dans le

 11   cas de Mitar Vasiljevic, c'est bien cela?

 12   Réponse: Eh bien, je vais vous dire. Nous n'avions pas pour habitude

 13   d'ajouter le diagnostic complémentaire au diagnostic initial, d'autant

 14   plus que les chiffres utilisés, les codes utilisés dans l'ancienne

 15   classification ne le permettaient pas. En effet, nous ne pouvions pas

 16   désigner une crise de schizophrénie aiguë grâce à un code précis dans

 17   cette classification internationale.

 18   Aujourd'hui, nous avons un code distinct pour désigner la schizophrénie

 19   aiguë dans la nouvelle classification. Mais ce n'était pas le cas à

 20   l'époque, donc il nous était difficile de préciser davantage les choses.

 21   Question: Madame Jevtovic, vous parlez de premier et de deuxième épisode

 22   de la maladie, de premier et de deuxième stade. Qu'entendez-vous par le

 23   "premier épisode" ou le "premier stade"?

 24   Voulez-vous dire qu'il s'agit d'un premier traitement appliqué au patient

 25   qui permet ensuite de prononcer un diagnostic différent? Je ne vous ai pas


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  1   tout à fait bien comprise. Pourriez-vous vous expliquer plus en détail?

  2   Réponse: Il s'agit d'un trouble, d'une crise aiguë. Ce n'est pas toujours

  3   le résultat d'une psychose chronique. Un tel phénomène peut survenir une

  4   fois et ne plus jamais revenir. Mais il est possible qu'une

  5   différenciation s'établisse dans le temps, et c'est la raison pour

  6   laquelle j'ai dit que le diagnostic des maladies mentales chroniques doit

  7   être prononcé dans un certain laps de temps, indépendamment du fait qu'ici

  8   on voit des signes de manie, de maladie maniaque.

  9   De toute façon, en l'absence de deux symptômes réunis ensemble, nous

 10   n'avons pas le droit de prononcer le diagnostic d'un trouble maniaco-

 11   dépressif.

 12   Question: Madame Jevtovic, vous avez dit que cette pathologie ressemblait

 13   à un trouble maniaco-dépressif mais, si j'ai bien compris, il faut qu'il y

 14   ait présence de deux symptômes ensemble pour qu'il soit permis de

 15   confirmer ce diagnostic; ça, j'ai compris.

 16   Mais maintenant, je vous demande en quoi les symptômes présentés par ce

 17   patient permettaient de penser à une maladie maniaco-dépressive. Qu'est-ce

 18   qui rendait possible l'idée qu'une telle maladie était présente?

 19   Réponse: L'extrême agitation du patient, l'extrême changement de son

 20   comportement sur le plan moteur, et son attitude bruyante et ostentatoire.

 21   Et puis ensuite, on voit que des renseignements sont consignés ici: il est

 22   question de discours incohérent, ce qui signifie qu'il parlait beaucoup

 23   plus vite que d'habitude.

 24   Mais on ne parle que d'accélération. On ne parle pas d'autres éléments

 25   comme, par exemple, l'existence d'un esprit suspicieux ou des troubles de


Page 3561

  1   l'attention. L'attention a été un peu modifiée, mais on ne parle pas ici

  2   d'hallucinations, par exemple, ce qui nous permettrait de penser à un

  3   autre diagnostic.

  4   D'autre part, dans les renseignements fournis par l'épouse, il est

  5   question de consommation importante d'alcool, et l'alcool peut être

  6   considéré comme un facteur étiologique qui perturbe un peu le diagnostic.

  7   Et c'est sans doute la raison pour laquelle nous nous sommes prononcés en

  8   faveur d'un trouble psychotique transitoire aigu car, à ce moment-là, le

  9   code 298.9 recouvrait également les psychoses indéterminées, comme je l'ai

 10   déjà dit au début, et ceci est une psychose indéterminée.

 11   Réponse: Madame Jevtovic, suis-je en droit de comprendre que, dans les

 12   éléments que vous avez constatés chez ce patient, vous avez constaté la

 13   présence d'un certain nombre d'éléments qui pouvaient faire penser à une

 14   maladie maniaco-dépressive mais qu'en raison d'autres facteurs, et

 15   notamment de facteurs liés à la situation concrète de ce patient, vous

 16   avez décidé de ne pas inscrire ce genre de diagnostic?

 17   Réponse: Il n'est pas question de volonté ou de non-volonté, de désir ou

 18   de non-désir de notre part; ce n'était tout simplement pas la pratique en

 19   vigueur.

 20   Question: Vous avez parlé de facteurs étiologiques, en parlant de l'alcool

 21   dans ce cas précis. De quelle façon l'alcool ou l'alcoolisme influe t-il

 22   sur tout ce que vous venez de nous dire?

 23   Réponse: Un comportement comme celui-ci pourrait nous amener à penser que

 24   nous étions en présence de ce qu'on appelle en général une psychose

 25   alcoolique indéterminée. Dans la classification, il existe cette catégorie


Page 3562

  1   de psychose alcoolique indéterminée qui est recouverte toujours par ce

  2   chiffre de 298.9, et elle se manifeste également par l'agitation, la peur,

  3   comportement bruyant et ostentatoire. Mais il n'est pas question de parler

  4   de psychoses alcooliques spécifiques car ce sont des psychoses tout à fait

  5   particulières, tout à fait reconnaissables, qu'il est impossible de ne pas

  6   constater.

  7   Question: Quelles sont les psychoses qu'il est impossible de ne pas

  8   constater? Vous pensez aux psychoses alcooliques spécifiques, c'est bien

  9   cela?

 10   Réponse: Oui, oui. Il s'agit d'une psychose alcoolique tout à fait

 11   caractéristique, reconnaissable, signifiée par toute sorte de détails, et

 12   je veux parler du delirium tremens qui est un trouble du système

 13   neurovégétatif et qui se manifeste de façon toute à fait particulière, par

 14   des troubles de la vision par exemple, des hallucinations visuelles. On

 15   voit des animaux circuler un peu partout, ce sont des éléments tout à fait

 16   spécifiques que l'on ne trouve pas dans les autres maladies mentales. Et

 17   puis il y a d'autres éléments caractéristiques du delirium tremens, un

 18   tremblement du corps tout entier, une peur très intense, la perte du

 19   sentiment d'orientation, la perte du sens de la gauche et de la droite, du

 20   haut et du bas. C'est quelque chose de tout à fait caractéristique, on ne

 21   peut pas passer à côté.

 22   Il y a aussi un autre trouble, une autre maladie mentale liée à l'alcool,

 23   il s'agit des hallucinations auditives liées à l'alcoolisme qui se

 24   manifestent donc par le fait que le patient entend en permanence des voix

 25   très désagréables qui n'arrêtent pas de lui dire des choses tout à fait


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  1   désagréables, de le menacer, et qui créent chez lui un état de peur. Il ne

  2   peut plus dormir, il n'est pas tranquille un instant et bien entendu, il

  3   perd le sens des réalités car à un certain moment, en raison de tout ce

  4   stress, il n'est plus capable de faire la différence entre ce qu'il vit,

  5   lui, à l'intérieur de lui et la réalité extérieure.

  6   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je crains, si vous posez

  7   encore une question, que nous dépassions l'heure prévue pour le déjeuner.

  8   Donc je suspends jusqu'à 14 heures 30.

  9   (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)

 10   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?

 11   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 12   Madame Jevtovic, on reprend là où on s'était arrêté avant la pause.

 13   Si vous vous souvenez, on parlait de certaines circonstances

 14   symptomatiques, la psychose alcoolique, le delirium tremens. Et tant donné

 15   les documents que vous avez dans votre documentation, et ceux que vous

 16   connaissez, cas concret de Mitar Vasiljevic, est-ce qu'il pouvait s'agir

 17   d'un delirium tremens?

 18   Mme Jevtovic (interprétation): Absolument pas.

 19   Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une explication pour nous

 20   expliquer pourquoi il ne s'agissait pas d'un delirium tremens mais

 21   d'autres causes éventuelles?

 22   Réponse: Avant la pause, j'ai brossé un tableau assez exhaustif du

 23   delirium tremens, donc d'une psychose assez significative, assez

 24   déterminée lorsqu'il s'agit du système végétatif nerveux, sudation, pré-

 25   délire, une peur extrême, anxiété, tremblement de l'ensemble du corps,


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  1   hallucination visuelle, mais pas générale. Il s'agit d'hallucinations

  2   présentant de tout petits animaux, et puis le patient essaie de secouer

  3   tout ce qu'il a sur lui comme vêtements, et puis il y a aussi des

  4   hallucinations qui proviennent du corps lui-même, petits poils qui sortent

  5   de la bouche par exemple, et puis ces patients crachotent tout le temps,

  6   essaient de se débarrasser de quelque chose qui se trouverait

  7   éventuellement dans leur bouche. Donc cela ne peut pas être rattaché à ce

  8   qui a été diagnostiqué dans le département.

  9   Question: D'après ce que vous venez de dire, dans le cas de Mitar

 10   Vasiljevic, il n'y avait pas eu de delirium tremens?

 11   Réponse: Absolument pas.

 12   Question: A part ce que vous avez pu constater d'après les documents sous

 13   les yeux, est-ce que vous, personnellement, vous vous souvenez de Mitar

 14   Vasiljevic personnellement en tant qu'individu, en tant qu'un de vos

 15   patients?

 16   Réponse: Non, je ne me souviens pas. Il n'était pas mon patient, il était

 17   le patient d'un jeune médecin. J'avais mes patients, j'avais aussi mes

 18   obligations dans le cadre du dispensaire de l'hôpital et finalement on

 19   travaillait en équipe, mais je ne pourrais pas me souvenir très exactement

 20   de ce patient spécifiquement parlant.

 21   Question: Au moment où vous avez parlé des personnes qui travaillaient

 22   avec vous à l'époque, tous les médecins, est-ce qu'il y aurait eu peut-

 23   être une autre doctoresse du prénom de Slavica?

 24   Réponse: Pas dans le département de psychiatrie. Mais dans le département

 25   de neurologie, il y avait la doctoresse Slavica Ivkovic, elle travaillait


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  1   dans le département de neurologie. Mais en 1992, elle ne faisait pas

  2   partie de notre équipe qui travaillait dans le cadre de notre département.

  3   Question: Dans le cadre de votre département, il n'y a pas eu d'autre

  4   doctoresse du prénom de Slavica à part vous?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Je voudrais que l'on soumette au témoin la pièce P161. Je vous

  7   prie de vous pencher sur cette pièce 161 qui figurait avec tous les autres

  8   documents et qui ont été récupérés par le Bureau du Procureur, par le

  9   Tribunal devant lequel vous faites votre déposition. Je vous prie donc de

 10   prendre ce document et de lire les deux pages afin que je puisse vous

 11   poser quelques questions à propos de ce document.

 12   (Intervention de l'huissier.)

 13   (Le témoin prend connaissance du document.)

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Est-ce que vous avez lu les deux côtés de ce document, les deux

 16   volets de ce document?

 17   Madame Jevtovic, est-ce que vous pouvez reconnaître, identifier cette

 18   lettre? Est-ce qu'il s'agit d'une lettre qui vous a été adressée dans le

 19   temps? Est-ce que vous vous souvenez d'une telle lettre?

 20   Réponse: Non, je ne me souviens pas de cela.

 21   Question: Est-ce que dans vos bons usages, est-ce qu'il vous arrivait que

 22   des patients vous écrivent ce genre de lettres, de billets?

 23   Réponse: Oui. Les patients s'adressent à nous très souvent à l'aide de ce

 24   genre de lettres pour nous remercier pour quelque chose, pour nous envoyer

 25   un petit poème, donc un vers pour nous indiquer aussi qu'ils sont guéris


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  1   et qu'ils devraient rentrer chez eux.

  2   Ce n'est pas étonnant, si je ne me souviens pas de cette lettre; ce n'est

  3   pas un geste qui n'arrive pas fréquemment dans nos services. Et puis,

  4   d'après cette lettre, à la lecture de cette lettre, nous pouvons constater

  5   que le malade a toujours un problème d'association de courant de la

  6   pensée. Il est très étendu, diffus. Et puis, pourquoi il s'est adressé à

  7   moi? Peut-être qu'il avait évalué, d'après sa liste, que j'étais quelqu'un

  8   qui était un peu plus important que les autres et qu'il pourrait peut-être

  9   obtenir davantage en ce qui concerne ses revendications, et puis ces

 10   revendications sont absolument non nécessaires.

 11   On n'a pas besoin, pour ce genre-là de traitement, de s'adresser à

 12   quelqu'un par une lettre. Parce que nous autres, médecins, nous insistons

 13   sur des questions, à savoir: est-ce que vous avez encore mal? Est-ce que

 14   vous avez encore peur? Nous veillons à ce qu'aucune maladie somatique à

 15   proprement parler ne nous échappe, et surtout lorsqu'il s'agit d'un malade

 16   sous un traitement neuroleptique fortifié.

 17   Donc je pense que ce genre de communication ne s'avère pas nécessaire. Et

 18   puis c'est un langage un peu exagéré, ce qui témoigne d'une certaine

 19   habileté, même menace de passer à une grève de la faim. Enfin, on pourrait

 20   ne pas répondre à ces demandes, à ces exigences. Si quelqu'un a mal

 21   quelque part, on l'envoie dans les différents services, ophtalmologie,

 22   ORL, et ainsi de suite.

 23   Mais ceci témoigne d'une étape initiale de sa maladie et de son

 24   traitement, donc témoignant que le patient ne se sentait pas bien. Et puis

 25   même, c'est un signe, ce symbole serbe qui fait partie des armoiries


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  1   serbes, enfin, c'est une chose que l'on n'appose pas dans une lettre de ce

  2   genre. Je pense qu'il s'agissait d'un comportement maniaco-dépressif en ce

  3   qui concerne cette partie de la lettre.

  4   Pour ce qui est de ces achats de boîtes de bonbons dans un magasin, cela

  5   indique tout simplement qu'il était un peu actif, hyperactif. Il voulait

  6   acheter quelque chose et le magasin se trouve dans le hall de l'hôpital.

  7   Enfin, c'était peut-être quand il était dans le département d'orthopédie

  8   de notre département, il ne pouvait pas sortir. Peut-être qu'il avait fait

  9   une dette dans ce cas-là, donc dans le cas du magasin qui se trouvait dans

 10   le hall de l'hôpital.

 11   Question: En ce qui concerne la date qui figure sur ce document et sur la

 12   liste thérapeutique, liste des médicaments, eh bien c'était déjà au début

 13   de cette deuxième étape de son traitement dans votre département. Est-ce

 14   que vous pourriez nous donner quelques indices en ce qui concerne ces deux

 15   documents?

 16   Réponse: Oui, j'ai déjà relevé cette date et j'ai déjà pu constater que

 17   c'était encore une première étape, une mauvaise étape. Et si la date

 18   coïncide avec celle de la liste des médicaments -il s'agissait donc du

 19   13-, il était dans un état de rupture. Son état n'aurait pas pu

 20   s'améliorer grandement, considérablement, entre-temps.

 21   Question: Je voudrais bien que vous nous donniez lecture de cette dernière

 22   phrase de cette lettre: "Je vous prierai encore aussi que vous me fixiez,

 23   que vous me rattachiez les pieds et les mains".

 24   Réponse: Cette perturbation, ce trouble, cette agitation, c'est quelque

 25   chose qui vous fatigue beaucoup. C'est quelque chose qui dure 24 heures


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  1   sur 24. Vous avez en quelque sorte l'obligation, vous êtes incité à vous

  2   trouver partout pendant tout le temps. Il y a aussi les médicaments qui

  3   sont des sédatifs et si quelqu'un a envie de dormir, cela ne veut pas dire

  4   que ces malades sont calmés. Les neuroleptiques ont également un effet

  5   hypnotique à travers le cerveau et le cortex du cerveau. Il y a des

  6   patients qui nous demandent de les attacher pour qu'ils puissent dormir

  7   calmement.

  8   C'est donc de cette manière-là que je peux comprendre, saisir la

  9   signification de la dernière phrase de cette lettre.

 10   Question: Est-ce que vous remplissez, vous répondez à ces désirs des

 11   patients?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Quand est-ce que vous estimez nécessaire de le faire?

 14   Réponse: Oui, nous le faisons, et puis nous avons des manchons

 15   spécialement préparés qui sont parfois en cuir ou qui sont parfois doublés

 16   d'une sorte de tissu épais pour pouvoir calmer les patients. Cela peut

 17   paraître terrible à première vue, mais c'est ce que nous utilisons. Et

 18   puis, cela ne provoque pas de dommage en ce qui concerne les patients eux-

 19   mêmes.

 20   Question: Madame Jevtovic, je vous prie de prendre le document, de

 21   consulter le document D30.1

 22   (Le témoin prend connaissance du document.)

 23   Réponse: Oui, j'ai ce document sous les yeux.

 24   Question: Dans cette feuille, fiche de sortie, il y a ce même code

 25   diagnostic que vous avez déjà mentionné et il y a une description. Est-ce


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  1   que vous pourriez relever quelque chose qui serait spécifique, qui ne

  2   figure pas dans les autres documents? Et quand j'aurai votre réponse,

  3   j'aurai quelques questions à vous poser.

  4   Réponse: Fiche de sortie: tout est dit au niveau de la pratique

  5   correctement, mais d'une manière un peu plus condensée en ce qui concerne

  6   l'état psychiatrique.

  7   Question: L'état, la condition du patient, de Mitar Vasiljevic en

  8   l'occurrence lorsqu'il a été admis dans votre service, est-ce que vous

  9   avez relevé des caractéristiques qui vous ont amenée à établir le

 10   diagnostic de trouble psychotique aigu? Et est-ce que vous pourriez nous

 11   dire, dans une période qui précède la manifestation de cet état de santé,

 12   quelles seraient ces caractéristiques qui accompagneraient le comportement

 13   d'un patient qui, éventuellement, serait affecté par ce genre de trouble?

 14   Est-ce que c'est quelque chose qui a été établi au niveau de la science?

 15   Et là, je pense au comportement, à la suggestibilité de ces personnes.

 16   Réponse: En ce qui concerne son comportement antérieur à l'hospitalisation

 17   du département de psychiatrie, et d'après les données qui sont

 18   disponibles, qui sont annotées et surlignées, et dès son engagement dans

 19   la Défense territoriale, et puis question d'alcoolisme, eh bien, il y a

 20   des changements qui sont manifestes.

 21   En ce qui concerne le département orthopédique, le cursus établi par le

 22   département orthopédique, il y a eu les premiers soins qui ont été

 23   demandés; première consultation, le 5.

 24   En ce qui concerne ce déclenchement du trouble psychotique, ce

 25   déclenchement peut-être très subit, des psychoses de réaction, des


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  1   psychoses qui se manifestent après exposition à des stress très forts, le

  2   même jour ou quelques jours après. Et puis, il y a les psychoses, par

  3   exemple, qui peuvent affecter une femme après un accouchement. Et puis une

  4   autre psychose très aiguë, c'est le delirium tremens, mais ces psychoses

  5   indéterminées aiguës ne peuvent pas se manifester si brutalement. Leur

  6   évolution peut être suivie pendant même quelques semaines, et puis même

  7   trois ou quatre mois. Et là, je parle de psychoses aiguës.

  8   En effet, je m'explique: le malade n'est pas toujours modifié d'une

  9   manière draconienne et c'est pour cela que la famille ne l'amène pas dans

 10   un département de psychiatrie, et puis lorsqu'il y a des compensations,

 11   lorsqu'il n'y a plus contrôle, lorsque le patient ne peut plus se

 12   contrôler, sort de la réalité, eh bien, c'est une des compensations

 13   psychotiques. Là, nous avons besoin d'hospitaliser un patient, et ce sont

 14   les patients, pour la plupart du temps, que l'on admet dans notre

 15   département.

 16   Enfin, je ne sais pas si c'est la piste que vous voulez que je suive dans

 17   ma réponse.

 18   Question: Est-ce que dans la période précédente il y a eu des hauts et des

 19   bas qui pouvaient être suivis, remarqués? Que l'on pouvait constater que

 20   la personne en question semblait être parfaitement normale, suivre un

 21   comportement normal comme tout autre personne moyenne? Est-ce que c'est

 22   l'interprétation que j'oserais faire de ce que vous venez de dire?

 23   Réponse: Exactement.

 24   Question: Madame Jevtovic, si j'ai bien retenu, vous avez parlé de

 25   psychose réactive, psychose de réaction. De quoi s'agit-il?


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  1   Réponse: Il s'agit de situations sub-psychotiques qui se produisent

  2   aussitôt après l'exposition à une situation de stress. Le même jour,

  3   quelques jours après. Pour ne pas me répéter, je m'arrête là.

  4   Question: Pour ce vécu du malade, faut-il qu'il y ait un stress?

  5   Réponse: Oui, une situation de stress très accentué.

  6   Question: Est-ce que ce stress accentué pourrait être le décès d'un parent

  7   très proche?

  8   Réponse: Oui, exactement.

  9   Question: Et est-ce que l'élément déclencheur de ce stress pourrait être

 10   le fait d'avoir participé à une exécution? Est-ce que cela pourrait

 11   représenter un stress d'une telle envergure pour une personne qui n'a

 12   jamais assisté à un tel événement?

 13   Réponse: Les états psychotiques de réaction se produisent dans des laps de

 14   temps très brefs après l'exposition à un stress et cela peut être

 15   déclenché, comme nous le disons dans notre terminologie médicale, par une

 16   situation antérieure, et cela aurait pu être une préparation pour une

 17   telle situation, une telle condition. Par exemple, chez les alcooliques,

 18   génétiquement ces gens-là pourraient réagir d'une manière psychotique.

 19   Donc il y a eu ce déclencheur qui aurait pu mettre en marche un processus,

 20   des réactions psychotiques où il y avait eu déjà une préparation au niveau

 21   du cerveau, un stress génétique, un stress héréditaire, par exemple chez

 22   les jeunes, maladies héréditaires, pas purement héréditaires mais

 23   psychosomatiques aussi. Eh bien, en psychiatrie on en tient compte comme

 24   étant des signes importants et facteurs étiologiques importants.

 25   Question: Vous avez mentionné comme l'une des caractéristiques


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  1   l'incohérence de son parler qui le situait en dehors de tout contexte.

  2   Dans cette période précédente, dans les étapes précédentes, est-ce que

  3   quelque chose d'analogue aurait pu se passer? Autrement dit, ce que le

  4   patient dit ne correspond pas à un comportement normal, à une capacité de

  5   conclusion normale?

  6   Réponse: Oui, mais intensité variable, durée plus brève. Et puis, tout

  7   simplement, on laissait cela de côté et on ne comprenait pas de quoi il

  8   s'agissait, en vérité, en réalité.

  9   Question: Si dans ces situations-là il y avait encore et en plus un impact

 10   de l'alcool, de la consommation d'alcool, est-ce que cela serait un

 11   élément qui pourrait contribuer à l'aggravation de la situation?

 12   Réponse: Tous ces facteurs étiologiques se superposent, en quelque sorte,

 13   et contribuent, augmentent l'intensité, surtout lorsqu'il s'agit d'un

 14   alcoolisme exagéré.

 15   Question: Imagination, libre cours d'imagination, invention,

 16   hallucination, est-ce que ce seraient des caractéristiques accompagnantes

 17   de ce genre d'état psychotique, surestimation de certaines choses, ainsi

 18   de suite, exagération?

 19   Réponse: En ce qui concerne ces questions, deux choses sont possibles, ou

 20   deux choses qui pourraient être combinées.

 21   Etat pré-morbide dans le cas d'une personne. Nous savons très bien qu'il y

 22   a des personnes qui sont des personnes histrioniques, qui se donnent une

 23   certaine importance, qui exagèrent, qui demandent qu'on les remarque. Et

 24   dans ce comportement, ce trouble maniforme, lorsqu'il s'agit du

 25   comportement de ce patient, je pense que les maniaques, les maniformes en


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  1   tant que malades sont sujets à des hauts et des bas très accentués dans

  2   leur comportement: engagement, action intensifiée; ils voudraient se faire

  3   connaître, faire démonstration de leur personnalité.

  4   Question: Merci. Je pense avoir compris ce que vous venez de dire.

  5   Est-ce que ces personnes sont plus ouvertes aux suggestions, donc plus

  6   suggestibles que les autres au niveau de la suggestion?

  7   Réponse: Suggestion dans le sens littéral? Non. Mais pris dans l'ensemble

  8   du contexte, si le malade se trouve dans un entourage d'un engagement,

  9   d'événements extraordinaires, exceptionnels, rassemblement, réunion,

 10   conférence, il serait enclin de s'y associer même sans y être invité. Il

 11   n'a pas de frein, il ne peut pas se freiner lui-même. Il peut le

 12   comprendre, mais il manque de contrôle. Il est débloqué. Il ne peut pas

 13   situer les limites de certaines choses. Il est ouvert à la suggestion, aux

 14   suggestions des uns et des autres.

 15   Question: Et s'il y avait lieu de parler d'une action qui serait

 16   interdite, est-ce que cela aurait pu avoir une incidence sur la maladie,

 17   sur sa compétence mentale, responsabilité mentale diminuée?

 18   Réponse: On ne peut pas trancher les choses comme cela. Il y a événement.

 19   Il y a évaluation. Il y a le type des actes commis. Il y a déclaration

 20   faite. Il y a interview et entretien avec le patient. Je pense que le

 21   niveau de responsabilité mentale au niveau clinique, c'est quelque chose

 22   qui n'est pas traité de la même manière au niveau de la science médicale

 23   comme dans le droit.

 24   Donc, ce genre de question ne pourrait pas être vraiment posée de cette

 25   manière-là.


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  1   Question: Merci. Permettez-moi de revenir à quelque chose que j'ai omis de

  2   vous demander lorsque vous avez évoqué ces différents points: données que

  3   l'on demande à propos de tout patient, tout malade. Est-ce qu'on sollicite

  4   des données en ce qui concerne une hospitalisation antérieure, maladie qui

  5   pourrait être afférente directement au malade lui-même, ou trouble qu'il

  6   avait antérieurement, qu'il avait connu antérieurement?

  7   Réponse: Mais on en a parlé. Oui, c'est essentiel. On a parlé, je vous

  8   l'ai dit.

  9   Premier point, première donnée que l'on demande, c'est de savoir si le

 10   patient en question avait été traité auparavant, mettons, dans le cas de

 11   ce patient, d'alcoolisme.

 12   Question: Est-ce que vous annotiez, vous consigniez quelque part,

 13   notamment dans le cadre du dossier du malade, est-ce que vous le notez

 14   quelque part?

 15   Réponse: Oui. Nous demandons ces fiches de sortie et les familles, la

 16   famille doit nous l'apporter. Et puis on demande la fiche du patient et si

 17   cette fiche n'existe plus, alors on demande la feuille du médecin

 18   praticien général qui doit noter toutes les dates d'hospitalisation d'un

 19   patient.

 20   Mais dans le cas de ce patient, cela n'a pas été, cela n'a pas abouti. Il

 21   s'agissait de la guerre, de temps de guerre. Les communications et les

 22   déplacements ont été difficiles entre Uzice et Visegrad. On avait besoin

 23   d'avoir des laissez-passer bien précis pour pouvoir se déplacer d'un lieu

 24   à l'autre.

 25   Question: Cela, j'ai bien compris. Mais si l'on vous avait dit qu'en 1984


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  1   ce patient avait été hospitalisé deux fois dans votre hôpital, celui

  2   d'Uzice, pour alcoolisme, est-ce que cela aurait été écrit quelque part et

  3   est-ce que l'anamnèse aurait été faite lors de ces deux hospitalisations

  4   précédentes dans votre hôpital? Ces anamnèses vous auraient-elles été

  5   remises?

  6   Réponse: Ces informations au sujet des hospitalisations précédentes, le

  7   patient en a parlé à son médecin lors de sa première rencontre avec lui.

  8   Mais il a dit qu'il avait été hospitalisé trois fois. Je vous ai déjà dit

  9   que dans les cas aigus, tous les éléments fournis par le patient et qui

 10   relèvent de sa mémoire ne sont pas forcément tout à fait exacts, et dans

 11   ce cas le médecin sans doute demande à recevoir l'anamnèse écrite. Mais

 12   pour ce patient, le lendemain, son épouse est arrivée et l'a remmené chez

 13   lui, donc nous n'avons pas eu le temps de le faire.

 14   Mais j'ai déjà dit un certain nombre de fois que pour prononcer le

 15   diagnostic nous avons tenu compte du facteur de l'alcoolisme et que

 16   c'était l'une des raisons d'ailleurs qui nous avaient poussés à prononcer

 17   un diagnostic de psychose aiguë indéterminée qui inclut aussi, bien

 18   entendu, comme je l'ai déjà dit, la psychose alcoolique indéterminée.

 19   M. Domazet (interprétation): Merci, Docteur. Je n'ai plus de question pour

 20   ce témoin.

 21   M. le Président (interprétation): Contre-interrogatoire, Monsieur Groome?

 22   (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Slavica Jevtovic, par M. Groome.)

 23   M. Groome (interprétation): Bonjour, Madame Jevtovic. Mon nom est Groome

 24   et je vais vous poser quelques questions au nom de l'accusation.

 25   Je voudrais d'abord que nous revenions sur un certain nombre de points que


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  1   vous avez abordés dans votre témoignage.

  2   Vous dites que vous ne vous souvenez pas particulièrement de M.

  3   Vasiljevic, n'est-ce pas?

  4   Mme Jevtovic (interprétation): C'est exact.

  5   Question: Puis-je en déduire que vous ne vous souvenez pas précisément du

  6   nombre de contacts quel que soit ce nombre que vous avez pu avoir avec M.

  7   Vasiljevic?

  8   Réponse: Je ne me le rappelle pas exactement, mais les principes de notre

  9   travail sont appliqués toujours de la même façon. Il n'y a pas de raison

 10   pour que ces modalités de travail aient été différentes avec lui. Le

 11   nombre de contacts avec le patient est déterminé uniquement par le type de

 12   la maladie. Les patients qui souffrent d'autres troubles mentaux et qui,

 13   notamment, ont des esprits suspicieux pour lesquels il faut solliciter

 14   davantage qu'ils rendent compte du contenu de leurs pensées, nous les

 15   rencontrons plus souvent, ce qui n'a pas été le cas avec M. Vasiljevic,

 16   parce que son état ne l'exigeait pas. Il fallait simplement le suivre de

 17   près et voir quelle était l'évolution de son état au fil du temps.

 18   Question: Dans votre témoignage, vous avez utilisé l'expression

 19   "diagnostic différentiel". Pouvez-vous nous expliquer ce que signifiait

 20   exactement ce terme?

 21   Réponse: Quand on examine un malade sur le plan clinique, on obtient, on

 22   tire une conclusion sur la base de l'hétéro-anamnèse et sur la base de

 23   l'examen du patient avec éventuellement aussi des tests psychologiques qui

 24   sont demandés en plus. Donc tous les examens, tous les tests dont j'ai

 25   parlé en général sont pris en compte par les médecins, ensemble, pour


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  1   déterminer quelle est la symptomatologie générale et quels sont les

  2   médicaments qui pourraient être adaptés.

  3   Il n'y a pas de forme unique de la maladie, vous savez. Ceci est vrai sur

  4   tout ce que je viens de dire, et surtout vrai des jeunes. Chez la plupart

  5   des malades, il y a une modification du comportement extérieur, mais est-

  6   ce que ce qui domine chez tel ou tel patient est la dégradation du sens de

  7   l'identification de la personnalité, ou est-ce que ce qui se dégrade le

  8   plus c'est le mouvement? Cela varie.

  9   C'est très notable, notamment dans la schizophrénie. C'est une psychose

 10   particulière, la psychose de schizophrénie, qui peut nous faire penser

 11   dans certains cas à l'existence d'une schizophrénie paranoïaque, par

 12   exemple. Et ceci exige un diagnostic tout à fait particulier. Donc les cas

 13   sont très différents les uns des autres.

 14   Question: Vous venez de parler en quelques mots de l'examen clinique dans

 15   votre dernière réponse, et j'aimerais vous poser encore quelques questions

 16   à ce sujet.

 17   Compte tenu du fait que vous suiviez les travaux de spécialisation de

 18   jeunes médecins à l'époque, je vous demande s'il existait une batterie de

 19   tests ou de mesures particulières que vous vous seriez attendu à voir

 20   appliquer par des médecins travaillant sous votre ordre lorsque vous

 21   saviez qu'ils suivaient un nouveau patient, un patient nouvellement arrivé

 22   dans votre service.

 23   Réponse: La pratique de l'examen clinique est standardisée. Il existe un

 24   certain nombre de modalités pour solliciter chacune des fonctions

 25   psychiques, et chacune doit donner lieu à une annotation. L'examen


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  1   commence par l'observation de l'aspect physique du patient. On apprend au

  2   jeune médecin que le patient peut être examiné cliniquement, parfois avant

  3   même son entrée dans le service. S'il crie, par exemple, quand il est à

  4   l'extérieur, encore, s'il arrive avec des menottes, avec des liens qui

  5   attachent ses membres ou s'il est arrivé pieds nus, ou s'il est arrivé

  6   très mal habillé, ou très sale, tout cela ce sont des signes que l'on

  7   examine et qui entrent dans le cadre de l'examen clinique. Il faut donc

  8   que toutes les fonctions psychiques soient sollicitées, interrogées,

  9   examinées, analysés, que tout cela soit mis par écrit. Et ensuite il

 10   existe un petit test pour l'intelligence, et le médecin est tenu

 11   d'appliquer ce petit test d'intelligence car c'est un examen individuel

 12   dans le cadre de la psychose.

 13   Donc nous faisons ce test qui fait l'objet d'un manuel international qui

 14   nous aide dans notre travail, et ensuite on étudie les éléments qui

 15   interviennent dans la maladie, la dépression par exemple, ou bien une

 16   augmentation du niveau de dépressivité parce que l'échelle d'Hamilton pour

 17   la dépression existe et on voit que si les chiffres augmentent sur cette

 18   échelle et si l'augmentation sur cette échelle correspond à une

 19   augmentation de la dépressivité du patient, cela signifie que le malade a

 20   tendance à la dépression.

 21   Ensuite, pour évaluer la peur, il y a de très nombreuses échelles, de

 22   nombreux barèmes, de sorte qu'il y a possibilité d'objectiviser le

 23   travail. Les jeunes médecins ont la possibilité de le faire, je ne suis

 24   pas sans arrêt sur leur dos et ensuite ils m'apportent les résultats

 25   écrits, ou bien nous en parlons ensemble, parce que vous avez bien vu quel


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  1   était le nombre de patients.

  2   Je connais l'importance de ces maladies. Il m'arrive d'aller dans les

  3   tribunaux, je sais bien quelle est la responsabilité de mon travail mais,

  4   dans certains cas, il était tout simplement impossible de faire tout ce

  5   qu'il y avait à faire, ce qui ne signifiait pas que nous n'en parlions pas

  6   ensemble, les jeunes médecins et moi.

  7   Question: Vous avez évoqué au moins quatre tests: l'aspect physique, le

  8   test d'intelligence, l'échelle d'Hamilton et des questions portant sur le

  9   niveau d'anxiété ou de peur. Y a-t-il d'autres tests que vous vous seriez

 10   attendue à appliquer par les jeunes médecins travaillant sous vos ordres

 11   lorsqu'un patient était admis dans votre service ?

 12   Je vous demanderai une liste, en fait, après quoi je vous demanderai des

 13   questions plus précises.

 14   Réponse: J'ai dit qu'il existait un ordre dans l'examen des différentes

 15   fonctions psychiques, c'est donc ce que l'on fait dans le cadre d'un

 16   examen psychiatrique appris à l'école, appris à la faculté. L'aspect

 17   extérieur, l'attention, le contact verbal, la pensée, l'affectivité,

 18   l'intelligence, l'esprit critique et l'éveil:: voilà les différents

 19   éléments qu'il faut examiner si l'on veut, quand on est un jeune médecin,

 20   examiner le patient et si l'on veut ensuite pouvoir rendre compte au

 21   médecin qui vous supervise.

 22   Toutes ces fonctions ne sont pas nécessairement affectées, mais on les

 23   examine dans l'ordre. Et ensuite, quand on constate quelle est la fonction

 24   qui est la plus affectée, on insiste plus particulièrement sur cette

 25   fonction.


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  1   Question: Conviendriez-vous avec moi que pour superviser, pour suivre un

  2   patient comme il convient de le faire, notamment en veillant à ce que les

  3   médicaments qui lui sont administrés soient les médicaments les plus

  4   adaptés, il faut que toutes ces appréciations soient faites et qu'elles

  5   vous soient soumises?

  6   Réponse: Absolument. Moi, j'ai mon intervention au niveau des doses de

  7   médicaments, de l'efficacité des médicaments et de la détermination de ces

  8   médicaments. Mais cela se fait de façon externe. On ne peut pas déterminer

  9   quel est le niveau de neuroleptique dans le sang. Ça, ça se pratique dans

 10   certains pays mais ce sont des expériences qui se font en laboratoire;

 11   cela ne se fait pas tous les jours à l'hôpital.

 12   Il y a un neuroleptique que l'on utilise régulièrement, que l'on prescrit

 13   régulièrement, c'est le lithium. Nous le prescrivons régulièrement au

 14   dosage requis en fonction du temps que le patient a utilisé ce produit.

 15   Mais les impressions, nous nous les faisons d'une façon externe pour voir

 16   quelle est l'amélioration, quel est l'aspect sédatisant des médicaments

 17   sur lui, combien il dort ou ne dort pas.

 18   J'ai déjà dit tout à l'heure que les neuroleptiques sont très désagréables

 19   pour les patients, qu'ils ont des aspects négatifs, qu'ils ont un effet

 20   négatif sur certaines parties du cerveau où ils provoquent ce que l'on

 21   appelle un syndrome neuroleptique qui est visible. En effet, ils

 22   entraînent une salivation exagérée pour le patient. Il a les traits du

 23   visage contractés, il peut arriver qu'il ait des crampes tout à fait

 24   désagréables au niveau de la colonne vertébrale, et il peut même avoir des

 25   douleurs et des crispations de certaines parties du corps qui se voient


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  1   tout à fait bien.

  2   Question: Vous dites que tout cela se voit au quotidien et vous avez dit

  3   que trois personnes visitaient le patient: le thérapeute, le psychologue

  4   et l'infirmière. Alors, le Dr Simic était-il thérapeute ou psychologue, à

  5   l'époque, dans le cas qui nous intéresse?

  6   Réponse: Le Dr Simic était un jeune médecin en cours de spécialisation,

  7   donc en stage, depuis le début. Nos jeunes médecins sont admis dans

  8   certains services afin de se spécialiser dans un certain domaine. Mais le

  9   ministère accepte la spécialisation, un certain temps se passe en général,

 10   et pendant ce temps-là le médecin trouve un emploi comme auxiliaire dans

 11   tel ou tel service.

 12   Nous savions depuis le début qu'il allait être médecin chez nous, et donc

 13   nous n'avons pas attendu d'obtenir l'agrément officiel pour l'engager.

 14   Question: Docteur, je vous demande qui était le psychologue qui voyait M.

 15   Vasiljevic au quotidien? Qui était-ce?

 16   Réponse: Dans notre service, nous avons deux psychologues qui ont terminé

 17   leurs études de psychologie, qui donc effectuent les tests psychologiques,

 18   qui prononcent un diagnostic, qui fournissent une aide psychosociale aux

 19   familles des malades. Ils ont donc des rapports au quotidien avec les

 20   malades, ils sont dans le service.

 21   Question: Quel est le nom du psychologue qui voyait M. Vasiljevic au

 22   quotidien, sur la base des documents que vous avez sous les yeux?

 23   Réponse: Le psychologue n'a rien à faire avec les malades qui souffrent de

 24   psychose transitoire aiguë parce que le psychologue utilise la partie

 25   saine de la personnalité pour permettre au patient de sortir de son


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  1   problème, alors que dans les cas de psychose aiguë, étant donné que le

  2   processus est aigu, le patient est exclu de la réalité. Donc, le

  3   psychologue n'a rien à faire avec ce genre de pathologie. Il ne peut pas

  4   être utile.

  5   C'est seulement lorsque l'état du malade s'améliore, lorsque les tests

  6   psychologiques peuvent lui être appliqués et peuvent permettre d'apprécier

  7   sa personnalité que le psychologue peut intervenir au niveau clinique.

  8   M. Groome (interprétation) : Le thérapeute qui travaillait chez vous, qui

  9   était-il? Quel est le nom de ce thérapeute qui voyait M. Vasiljevic tous

 10   les jours?

 11   Mme Jevtovic (interprétation): Le thérapeute rend visite au patient pour

 12   faire la connaissance du patient et pour que le patient fasse connaissance

 13   de lui, et qu'il ne soit pas un étranger pour le patient quand il commence

 14   sa thérapie active. Bien entendu, une thérapie active ne peut pas

 15   commencer avec le patient dès le début, en phase aiguë notamment. C'est

 16   seulement quand il peut avoir la patience d'être là qu'il peut la suivre.

 17   M. le Président (interprétation): Docteur, je vous en prie, vous ne

 18   répondez pas à la question. Répondez, je vous prie, si vous connaissez ce

 19   nom: quel était le nom du thérapeute?

 20   M. Groome (interprétation): Savez-vous quel était le nom du thérapeute qui

 21   voyait M. Vasiljevic, oui ou non?

 22   Mme Jevtovic (interprétation): Non.

 23   M. Groome (interprétation): En dehors des visites journalières, vous avez

 24   parlé, si je ne m'abuse, et vous avez utilisé les termes "d'entretiens

 25   officiels dans le bureau du médecin", vous avez dit que lors de ces


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  1   entretiens des sujets assez sensibles étaient discutés avec le patient,

  2   n'est-ce pas?

  3   Mme Jevtovic (interprétation): Oui.

  4   Question: Ces entretiens dans le bureau du médecin étaient-ils enregistrés

  5   quelque part dans l'anamnèse, mis par écrit, consignés?

  6   Réponse: Si ces entretiens étaient significatifs, on en prenait note. Mais

  7   ils sont significatifs chez d'autres malades, nous en avons parlé: chez

  8   les malades qui ont des idées noires, qui ont des hallucinations. Alors

  9   que nous avons dit que, dans le cas présent, il s'agissait de psychose qui

 10   se manifestait uniquement par l'agitation. Il n'avait rien de très

 11   intéressant ou de très important à dire au médecin. Il manifestait

 12   simplement une humeur un peu excitée, une accélération de la parole et une

 13   grande agitation. Il suffisait de le suivre.

 14   Question: Le fait qu'il n'y ait aucune note ici quant à des entretiens

 15   entre le patient et le médecin dans un bureau de médecin permet-il de

 16   conclure que M. Vasiljevic n'a pas eu de tels entretiens avec le médecin

 17   ou bien, comme vous venez de le dire, que rien de significatif n'est

 18   apparu au cours d'un éventuel entretien de ce genre entre lui et le

 19   médecin?

 20   Réponse: Le 8 juillet, le 15 juillet, et le 28 juillet on voit une note

 21   concernant un tel entretien.

 22   Question: Cela indique-t-il que ces deux jours-là une visite du patient a

 23   eu lieu dans le bureau du médecin, les visites correspondant à ce que vous

 24   avez décrit dans votre déposition?

 25   Réponse: Je peux vous lire ce qui est écrit pour le 15 juillet, si vous


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  1   voulez.

  2   Question: Le document est versé au dossier, Docteur, et nous en avons déjà

  3   parlé à plusieurs reprises. Mais pourriez-vous répondre à ma question?

  4   Ceci vous indique-t-il que ce genre de visite, cette discussion avec M.

  5   Vasiljevic dans le bureau d'un médecin a effectivement eu lieu?

  6   Réponse: L'annotation sur l'anamnèse l'indique, parce que le médecin

  7   décrit son comportement et sa façon de parler, le 15 déjà.

  8   Question: Docteur, j'aimerais que vous apportiez quelque éclaircissement

  9   suite à la réponse que vous avez fournie sur ce point à Me Domazet.

 10   Je crois me rappeler que vous avez dit que la dernière ligne de la pièce à

 11   conviction P161, la lettre que M. Vasiljevic vous a envoyée, cette

 12   dernière phrase dans laquelle M. Vasiljevic demande à être attaché, vous

 13   avez dit, si je ne m'abuse, qu'une telle requête pouvait être le résultat

 14   des médicaments que le patient se voyait administrer?

 15   Réponse: Pas des médicaments, mais de la maladie elle-même. Cela signifie

 16   que les médicaments ne sont pas encore parvenus à créer une amélioration

 17   de l'état pathologique.

 18   Question: Mais je crois vous avoir entendu dire que ces neuroleptiques

 19   présentaient un certain nombre d'effets secondaires dont l'un, si je ne

 20   m'abuse, était l'hyperactivité?

 21   Réponse: Non, pas l'hyperactivité. L'hyperactivité est un signe, un

 22   symptôme de la maladie alors que le syndrome dû aux neuroleptiques se

 23   manifeste par une crispation des muscles et de la colonne vertébrale

 24   notamment. Donc le patient prend des positions un peu inhabituelles, et

 25   quelquefois son corps est complètement tordu, c'est-à-dire que sa colonne


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  1   vertébrale se tort en sens inverse et cela produit des douleurs que nous

  2   soignons avec des médicaments.

  3   Mais M. Vasiljevic ne souffrait pas de problèmes dus au neuroleptiques

  4   parce que l'on aurait administré, dans ce cas, du Procipar ou un autre

  5   médicament qui soigne ce genre de problème. Ces médicaments existent;

  6   lorsque le patient est en situation particulièrement difficile, on fait

  7   une pause dans les neuroleptiques, on administre des perfusions, etc.

  8   Question: Docteur, j'aimerais maintenant vous interroger au sujet du

  9   delirium tremens. Je crois vous avoir entendu dire que les symptômes du

 10   delirium tremens étaient des symptômes très clairs, très nets, n'est-ce

 11   pas? Vous n'avez pas besoin de les répéter mais répondez simplement: est-

 12   il exact qu'ils sont très nets, très clairs?

 13   Réponse: Tout à fait.

 14   Question: Serais-je en droit de penser que tout médecin dûment formé, et

 15   qui ne serait pas nécessairement un neuropsychiatre, mais que tout médecin

 16   compétent est capable de reconnaître les symptômes du delirium tremens,

 17   n'est-ce pas?

 18   Réponse: Pas, tout de même, tous les médecins qualifiés. Les médecins,

 19   certains médecins appellent le syndrome de sevrage "delirium", le simple

 20   sevrage et tout signe d'agitation. Ils ont facilement tendance à dire: "Ce

 21   patient est sur le point d'entrer dans une crise de delirium", mais nous

 22   arrivons et nous voyons que ce n'est pas du tout du delirium, et nous

 23   cherchons une autre explication.

 24   Question: Le terme "delirium" est-il utilisé, dans certains cas, comme

 25   raccourci pour "delirium tremens"? C'est ce que vous venez de faire, je


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  1   crois, dans votre dernière réponse. Le terme "delirium" est-il parfois un

  2   raccourci pour l'expression "delirium tremens"?

  3   Réponse: Non. Le delirium tremens est une catégorie spécifique et le

  4   delirium, c'est-à-dire le délire, est un symptôme de trouble de la

  5   conscience. Nous avons parlé de troubles de l'orientation, du sens de

  6   l'orientation, ce qui signifie qu'il y a trouble de la conscience.

  7   Question: Est-il possible que parfois, les sédatifs masquent les symptômes

  8   du delirium tremens?

  9   Réponse: C'est possible s'ils sont pris à doses importantes, parce que les

 10   hallucinations et les délires sont traités avec des doses de

 11   neuroleptiques assez élevées: le benzodiazepine(?), l'Heminervin, à des

 12   doses très importantes. Mais il y a des médicaments qui suppriment

 13   spécifiquement les hallucinations, et c'est seulement dans le cas de

 14   délire que ces médicaments sont prescrits.

 15   Question: Docteur, puis-je appeler votre attention sur l'anamnèse, la

 16   pièce P138, la note du 5 juillet du Dr Stojkovic? Et la partie du texte

 17   dont nous allons parler est la partie du texte où le Dr Stojkovic déclare:

 18   "Le patient manifeste les signes de l'étape précédant le délire. Il n'a

 19   pas pris les sédatifs prescrits depuis plusieurs jours". Fin de citation.

 20   Dans ce contexte, est-il possible que ce que le Dr Stojkovic décrit ici,

 21   au cours de son observation de M. Vasiljevic, c'est le fait que M.

 22   Vasiljevic était en train d'entrer dans une phase de delirium tremens?

 23   Réponse: C'est là qu'intervient la qualification dont j'ai parlé tout à

 24   l'heure, le stade pré-délirant. Il n'est pas parlé de délire ici, mais de

 25   pré-délirant, et c'est une étape qui signifie qu'il est difficile de


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  1   déterminer exactement le trouble dont souffre le patient, à savoir cette

  2   fameuse psychose. Agitation, impossibilité d'écouter l'autre, hyper-

  3   mobilité, comportement non contrôlé, voilà quels étaient les symptômes.

  4   C'est le terme "pré-délirant" qui a été utilisé.

  5   Question: Vous avez parlé assez longuement de la psychose aiguë en la

  6   décrivant dans le détail. Vous avez dit qu'une telle psychose pouvait

  7   démarrer certainement dans le temps qui suit immédiatement un stress

  8   important, n'est-ce pas?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Et l'un des exemples qui a été fourni était celui de quelqu'un

 11   qui avait été témoin de l'assassinat d'un grand nombre de personnes.

 12   Serait-ce là quelque chose qui pourrait provoquer une psychose aiguë?

 13   Réponse: Oui. Cela pourrait provoquer une psychose aiguë, tout à fait.

 14   Question: N'est-il pas également possible qu'une psychose réactive de ce

 15   genre puisse être précipitée dans le cas, par exemple, d'un homme qui

 16   s'enivre à un degré très important, qui est tout à fait fâché, qui se met

 17   en colère et qui tue, dans cette colère, qui tue un membre de sa famille?

 18   Ne serait-il pas possible, dans ce genre de situation, lorsque la personne

 19   est confrontée à son acte, que cela produise chez elle une psychose

 20   réactive?

 21   Réponse: Nous avons dit que les effets de l'alcool sur le cerveau, et

 22   notamment chez ceux qui ont un système nerveux central un peu préparé à

 23   cela, qu'une telle psychose se déclare. Mais chez la plupart des

 24   individus, cela ne produirait aucune psychose.

 25   Maintenant, vous parlez de réaction à une situation de stress, et je


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  1   crains de ne pas avoir tout à fait bien compris la dernière partie de

  2   votre question, à l'instant.

  3   Question: Je vous prie de m'expliquer. Mais vous disiez que cela pouvait

  4   être compliqué par l'alcool. Imaginons quelqu'un qui devient enragé, qui

  5   tue sa femme, qui se réveille tout d'un coup et qui se rend compte de la

  6   terrible chose qu'il a faite, il se sent coupable. Cela ne pourrait-il pas

  7   pousser cet homme à tomber dans une psychose réactive?

  8   Réponse: Les journaux abondent de cas de ce genre. Savez-vous combien il y

  9   a de maris en état d'ébriété qui tuent leur épouse ou d'autres parents, la

 10   belle-mère ou d'autres, chez nous? Et ensuite, quelquefois, ils sont

 11   condamnés par les tribunaux. L'alcool n'augmente que ce qu'il y a de pire

 12   chez une personne. S'il y a un problème au niveau de la structure de la

 13   personnalité ou si une personne a un problème psychique qu'elle traîne

 14   avec elle depuis pas mal de temps, l'alcool ne fait qu'augmenter tout

 15   cela. Et si s'ajoute à cela une structure personnelle, la structure d'une

 16   personnalité un peu explosive qui s'emballe facilement, cela ne fait

 17   qu'aggraver les choses.

 18   Question: Donc un sentiment de culpabilité très important, le sentiment

 19   d'avoir fait quelque chose de terrible peut-il, à votre avis, précipiter

 20   l'apparition de la psychose chez quelqu'un qui serait déjà enclin à

 21   développer une psychose?

 22   Réponse: Une telle personne tomberait dans une psychose dépressive. Le

 23   sentiment de culpabilité et la dépression sont très liés, vous savez. Le

 24   sentiment de culpabilité est un symptôme de l'état dépressif, l'un des

 25   symptômes.


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  1   Question: Si, par le passé, un patient avait vécu des problèmes

  2   psychiatriques, chaque fois par exemple qu'il décidait d'arrêter de boire,

  3   est-il possible qu'il décide un jour d'arrêter de boire sans passer par

  4   ces problèmes psychiatriques?

  5   Réponse: Le risque que les troubles psychiatriques réapparaissent est

  6   inférieur, mais cela arrive. S'il arrête de boire, il y a moins de risques

  7   qu'il souffre d'un problème psychiatrique.

  8   Question: Maître Domazet vous a posé un certain nombre de questions au

  9   sujet de la responsabilité. Alors ce que je vous demande, c'est la chose

 10   suivante: vous avez dit qu'afin de vous prononcer sur la responsabilité de

 11   quelqu'un, il vous faudrait avoir un entretien très approfondi avec

 12   quelqu'un qui est accusé d'un crime, et il vous faudrait connaître

 13   également en détail les circonstances qui ont entouré la commission de ce

 14   crime, n'est-ce pas?

 15   Réponse: Oui, et il me faudrait encore d'autres choses.

 16   Question: L'une des questions que vous poseriez, ou plutôt je reformule:

 17   exploreriez-vous l'état d'esprit, l'intention de la personne au moment du

 18   crime? Serait-ce là l'un des éléments sur lequel vous interrogeriez cet

 19   personne?

 20   Réponse: La différence réside dans la validité des propos, des réponses

 21   apportées par l'auteur de l'acte, selon la durée qui a séparé la

 22   commission de l'acte de la fourniture des éléments qu'il fournit. Donc il

 23   faut qu'un certain temps s'écoule pour que l'on puisse considérer que ce

 24   qu'il dit au sujet de l'acte commis est exact, ainsi qu'au sujet de ce qui

 25   a provoqué l'acte, parce que ce sont deux choses différentes, si quelqu'un


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  1   parle de quelque chose immédiatement après la commission de l'acte.

  2   Je peux vous donner un exemple tout à fait intéressant que j'ai vu moi-

  3   même, un jeune homme a coupé… a lacéré sa petite amie parce qu'elle

  4   l'avait empoisonné, elle avait empoisonné sa nourriture. Plusieurs années

  5   plus tard, il a été traité régulièrement et il présentait une pathologie

  6   qui se manifestait par une dissociation, c'est-à-dire qu'il se rendait

  7   compte qu'il était malade et il présentait des symptômes paranoïaques

  8   qu'il ne pouvait pas exprimer à l'époque. Il y avait eu détérioration

  9   intellectuelle, la personnalité était pratiquement désintégrée comme chez

 10   un schizophrène mais après une thérapie assez longue, il a pu revenir sur

 11   son acte et l'interpréter en exprimant des sentiments par rapport à tout

 12   ce qui s'était passé.

 13   Question: J'aimerais maintenant vous poser une question et obtenir une

 14   réponse assez brève, une question qui a été faite à M. Vasiljevic. Je vais

 15   vous dire quelle réponse il a donné, qui montre tout de même qu'il

 16   comprenait à peu près ce qui lui était demandé, et puis je vous

 17   interrogerai par la suite à ce sujet. Voici quelle est la question; je

 18   cite une partie du compte rendu d'audience:

 19   "-Question: D'accord. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est le moment de

 20   l'incident auprès de la rivière. Quel était votre état mental? Quelle

 21   était votre intention? Ou aviez-vous des problèmes mentaux psychiatriques,

 22   à cette époque?"

 23   Réponse fournie par M. Vasiljevic: "Non, j'ai eu des problèmes après cet

 24   incident, notamment depuis qu'un de mes camarade a été tué à cet endroit".

 25   Fin de citation.


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  1   Alors, quelle est la validité que l'on peut accorder aux propos de M.

  2   Vasiljevic quant au fait qu'il ne souffrait d'aucun trouble psychiatrique

  3   ou psychologique à l'époque de l'incident, près de la rivière, mais que

  4   c'était simplement le lieu d'un crime? Quelle est la validité que vous

  5   apporteriez à ces propos, quand il dit qu'il ne souffrait d'aucun

  6   problème, d'aucun trouble psychologique?

  7   Réponse: Je pourrais vous répondre correctement seulement s'il avait été

  8   examiné par un psychiatre à l'époque de cette déclaration, un psychiatre

  9   qui aurait pu apprécier son état mental à l'époque et la validité de ses

 10   propos à l'époque.

 11   Question: Malheureusement, nous ne disposons pas de ces renseignements.

 12   Tout ce que je peux vous fournir, c'est vous dire qu'il ne souffrait

 13   d'aucun trouble psychiatrique, à l'époque. Alors je vous demande, pouvez-

 14   vous nous dire quelle est la validité que l'on peut accorder à de telles

 15   déclarations si l'on part du principe qu'il n'avait aucune manifestation.

 16   Réponse: Cela dépend de qui dit qu'il ne manifestait aucune maladie

 17   psychiatrique. Je dois savoir beaucoup de choses pour pouvoir juger de

 18   l'habilité à quelqu'un de répondre à cette question, ou de l'habilité de

 19   quelqu'un à évaluer sa propre responsabilité.

 20   Question: Docteur, je vais vous poser cette question, vous dire dans quel

 21   but je vous la pose et je vais vous demander si vraiment nous pouvons

 22   accorder une quelconque validité à ses propos lorsqu'il dit qu'à l'époque

 23   des faits il ne souffrait d'aucune maladie psychiatrique.

 24   Réponse: Tout cela, ce sont des constatations très hypothétiques. Il est

 25   impossible de tirer des conclusions sur la base de cela; des constatations


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  1   ou des conclusions sur l'état mental ou sur l'état de responsabilité,

  2   encore moins. Je regrette beaucoup, mais c'est impossible.

  3   M. Groome (interprétation): Merci. Plus de questions.

  4   Merci, Madame le Docteur.

  5   M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires de la part

  6   de la défense?

  7   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Slavica Jevtovic,

  8   par Me Domazet.)

  9   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 10   Si j'ai bien compris les questions de M. Groome et ce qui est inscrit sur

 11   la ligne 14, page 90, ligne 14, on dirait que Mitar Vasiljevic avait dit

 12   qu'à l'époque il n'avait pas de problème de santé mentale mais que ses

 13   problèmes ne se sont manifestés que plus tard, après l'incident avec son

 14   collègue. Donc serait-il possible que, si quelqu'un assiste à un tel

 15   événement où sous ses yeux on tue un de ses collègues et un de ses bons

 16   amis, est-ce que ce serait une situation qui pourrait déclencher cette

 17   psychose réactive?

 18   Mme Jevtovic (interprétation): J'ai dit à plusieurs reprises quels sont

 19   les faits qui peuvent provoquer une psychose réactive: des situations de

 20   stress, des situations qui agissent sur le système névrotique - notamment

 21   lorsqu'il s'agit de l'alcoolisme-, et puis instabilité et exposition aux

 22   situations de stress.

 23   Question: Répondant à une question de M. Groome en ce qui concerne les

 24   visites, les visites effectuées quotidiennement dans le cas de tous les

 25   patients, il me semble que l'on n'a pas tout à fait saisi, dans votre


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  1   déposition, qui étaient les personnes qui formaient ces équipes. Il y

  2   avait donc le travailleur social, l'infirmière en chef et le psychologue?

  3   Eh bien, c'est ce que vous avez à peu près dit. Pour que nous comprenions

  4   tous très bien les choses, qui étaient ceux qui composaient ces équipes,

  5   qui rendaient visite aux patients?

  6   Réponse: Les docteurs spécialistes, les jeunes docteurs, l'infirmière en

  7   chef et le thérapeute de travail opérant, donc lorsqu'on l'a obtenu dans

  8   le cadre de notre département.

  9   Question: Donc à côté du psychologue, à côté de ce thérapeute de travail,

 10   de l'infirmière en chef, eh bien, il y a eu aussi parfois le chef du

 11   département qui faisait partie de ces équipes qui visitaient les patients?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Et vous visitiez chaque patient?

 14   Réponse: Littéralement, oui.

 15   Question: Est-ce que ce patient a besoin sur-le-champ d'un psychologue,

 16   d'un travailleur social, d'un thérapeute de travail et ainsi de suite?

 17   Réponse: Non. Je vous parlais de cette composition des équipes pour ces

 18   grandes visites selon les besoins. Et puis, nous avons ces listes

 19   thérapeutiques; nous les apportons, nous les amenons avec nous. Elles ne

 20   sont pas, elles ne figurent pas, elles ne pendent pas sur les lits, enfin,

 21   pour éviter que les patients ou quiconque d'autre y inscrive quelque chose

 22   qui ne serait pas approprié. Donc on les avait avec nous.

 23   Question: Et pendant ces visites, est-ce que vous vous consultiez sur les

 24   thérapies à administrer?

 25   Réponse: Oui. On inscrit ces médicaments qu'on doit prescrire, les


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  1   thérapies qu'on doit prescrire, mais en tenant compte de toutes les

  2   relèves, des relèves du jour précédent, du médecin spécialiste. On se

  3   consulte sur les thérapies du jour précédent, mais le jour même on se

  4   consulte et on se met d'accord sur la thérapie à appliquer. Et puis, on

  5   n'en discute pas devant le patient. Tout simplement, nous annotons nos

  6   listes, nous consignons nos notes dans les listes différentes et puis nous

  7   les remettons à l'infirmière en chef ou aux infirmières, et ce sont elles

  8   qui exécutent nos consignes.

  9   Question: Répondant à une question de M. Groome, "est-ce qu'un thérapeute

 10   de travail travaillait avec M. Vasiljevic?", votre réponse a été "non".

 11   Comment le saviez-vous, et pourquoi ce thérapeute n'a pas travaillé avec

 12   lui? Est-ce que c'était une nécessité? Quelle a été la raison de cela?

 13   Mme Jevtovic (interprétation): Je n'ai pas réussi à compléter ma réponse

 14   donnée au Bureau de l'accusation. A l'époque, on n'avait pas de thérapeute

 15   de travail. Nous avons un thérapeute dans notre département depuis 1994,

 16   1995, et l'époque, l'époque dont nous parlons est celle de 1992.

 17   Et puis, même si on en avait, Mitar Vasiljevic n'était pas en position de

 18   participer à ce genre de thérapie, de travail thérapeutique pendant son

 19   hospitalisation.

 20   M. Domazet (interprétation): Je n'ai plus de questions. Merci, Madame.

 21   M. le Président (interprétation): Merci, Madame. Merci d'être venue, merci

 22   d'avoir déposé devant ce Tribunal. Vous pouvez disposer, à présent.

 23   (Le témoin, Mme Slavica Jevtovic, est reconduit hors du prétoire.)

 24   M. Groome (interprétation): Pendant que nous attendons le témoin suivant,

 25   j'annonce que l'accusation demande seulement que les premières pages du


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  1   document D26 soient analysées par un expert, par un analyste.

  2   M. le Président (interprétation): Et les autres registres?

  3   M. Groome (interprétation): Pour les autres registres, nous ne demandons

  4   pas qu'un tel examen soit lu. Et s'agissant du rapport d'expert déposé

  5   hier au sujet de l'expertise légale, le Procureur ne procédera pas, ne

  6   demandera pas un contre-interrogatoire de ce témoin.

  7   M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Nous n'aurons pas besoin

  8   de... En ce qui concerne le D26, je pense qu'il y a certains livres que

  9   l'on doit remettre à l'hôpital d'Uzice. Vous avez déjà fait des

 10   photocopies pour le D26.

 11   M. Groome (interprétation): En attendant l'examen de ces registres, de ces

 12   protocoles, eh bien, je voudrais bien demander que ces livres registres

 13   restent dans le Tribunal et que certains, qui pourront être remis, soient

 14   renvoyés à l'hôpital.

 15   M. le Président (interprétation): D'accord. Maintenant, on est tout à fait

 16   clairs à ce sujet. Donc il y a photocopies, et puis on pourra retourner

 17   ces livres à l'hôpital concerné.

 18   (Le nouveau témoin, M. Ivan Jovanovic, est introduit dans le prétoire.)

 19   M. le Président (interprétation): Docteur, est-ce que vous voulez bien

 20   nous donner lecture de la déclaration solennelle que l'huissier vous

 21   présentera?

 22   M. Jovanovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, s'il vous

 25   plaît, Monsieur le Témoin.


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  1   (Interrogatoire principal du témoin, M. Ivan Jovanovic, par Me Domazet.)

  2   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?

  3   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, merci.

  4   Monsieur Jovanovic, bonjour.

  5   M. Jovanovic (interprétation): Bonjour.

  6   Question: Je vous poserai des questions au nom de la défense de l'accusé.

  7   Je vous prie de répondre à ces questions en faisant une pause après chaque

  8   question, et puis vous pourrez voir sur le transcript à l'écran, attendre

  9   la fin de la phrase pour que les interprètes puissent nous suivre plus

 10   efficacement.

 11   Monsieur Jovanovic, je vous prierai de vous présenter, de nous donner,

 12   décliner vos coordonnées, votre date de naissance et votre lieu

 13   d'habitation.

 14   Réponse: Je suis Ivan Jovanovic, j'ai 40 ans. Je suis né à Arilje où je

 15   vis encore, et je travaille dans l'hôpital général à Uzice. Je travaille

 16   dans cet hôpital depuis 1989.

 17   Question: Vous travaillez dans quel département de l'hôpital général

 18   d'Uzice?

 19   Réponse: Depuis le 28 janvier 1989, je travaille dans le département

 20   d'orthopédie et de traumatologie de l'hôpital général à Uzice. C'est en

 21   1990 que j'ai pu obtenir un stage de spécialisation auprès du même

 22   hôpital, spécialisation que j'ai terminée au bout d'un stage de quatre

 23   ans, soit depuis le 12 avril au 12 octobre 1994. Et je suis, depuis,

 24   médecin chirurgien spécialisé pour l'orthopédie et la traumatologie.

 25   Question: Monsieur Jovanovic, ce temps que vous venez de mentionner, vous


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  1   l'avez donc passé au département orthopédique à Uzice, si je vous ai bien

  2   compris?

  3   Réponse: Oui. Il y a une pause entre 1992, le mois de septembre, jusqu'en

  4   1994, donc temps que j'ai passé à Belgrade en stage de spécialisation.

  5   Depuis juin 1995, j'ai passé six mois en stage de spécialisation aux

  6   Etats-Unis d'Amérique.

  7   Question: Monsieur Jovanovic, ce qui m'intéresse, c'est surtout l'année

  8   1992 où, jusqu'au mois de septembre 1992, vous étiez dans le département

  9   orthopédique de l'hôpital d'Uzice.

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Je vous prie de vous remémorer cette période-là et peut-être

 12   d'une période postérieure. Donc vers le milieu de l'année 1992, qui était

 13   avec vous en poste dans le cadre du département dans lequel vous

 14   travailliez?

 15   Réponse: A l'époque, j'étais stagiaire spécialisé, docteur spécialiste.

 16   Dans le même département, il y avait le Dr Vlada Gordic qui suivait

 17   également un stage de spécialisation, le Dr Jevtic Miroslav et puis le Dr

 18   Stanislavjevic, le Dr Jovicevic, le Dr Stojkovic, le Dr Moljevic et le Dr

 19   Stojkovic. A l'époque, il avait peut-être déjà quitté l'hôpital, mais je

 20   ne suis pas tout à fait sûr en ce qui concerne ce dernier point, s'il

 21   était là sur place ou non.

 22   Question: Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose qui caractérisait

 23   tout spécifiquement cette période par rapport à une quelconque autre

 24   période? Est-ce que, dans cette période-là, certaines choses étaient

 25   différentes que d'autres?


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  1   Réponse: C'était une période qui a été vraiment surchargée. Il y a eu

  2   beaucoup de cas traumatisés, beaucoup de travail à faire, des traumatismes

  3   de guerre. Il y a eu un grand afflux de patients, de malades. Enfin,

  4   grosso modo, ce seraient les caractéristiques essentielles pour cet

  5   intervalle de temps à cette époque-là.

  6   Question: Ayant dit qu'une des caractéristiques de cette période était, à

  7   côté d'un grand nombre de patients, l'état de guerre, à quel état de

  8   guerre pensez-vous? Où cet état de guerre sévissait?

  9   Réponse: Je pense tout d'abord et surtout aux événements de l'autre côté

 10   de la Drina, du côté gauche de la Drina, d'où nous venaient ces blessés

 11   que nous appelions dans notre jargon quotidien "les blessés du champ de

 12   bataille", et je ne voudrais pas entrer dans une analyse des détails de

 13   toutes les blessures que ces gens-là présentaient à leur admission dans

 14   nos services.

 15   Question: Docteur Jovanovic, est-ce que vous vous souvenez avoir

 16   accueilli, à l'époque, des blessés ou des malades de cette partie-là de la

 17   Bosnie-Herzégovine, des patients malades qui appartenaient aux deux

 18   groupes ethniques serbe et musulman? Est-ce que vous pouvez vous souvenir

 19   de l'origine ethnique de ces patients malades que vous admettiez dans vos

 20   services?

 21   Réponse: Je me souviens surtout du climat qui régnait à cette époque-là,

 22   au sein du département notamment. Je me souviens plutôt du climat que de

 23   leurs noms, de leur apparence physique, mais il y a des choses que je

 24   n'oublierai jamais de ces blessures de guerre. C'est une expérience que

 25   l'on ne pouvait obtenir ailleurs que là où je travaillais. Je me souviens


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  1   très bien qu'il s'agissait au début de patients relevant, appartenant à

  2   toutes origines ethniques, à toutes les confessions, musulmane ou

  3   chrétienne.

  4   M. Domazet (interprétation): Etant donné que vous aviez déjà une certaine

  5   ancienneté de quelques années dans votre département, vous souvenez-vous

  6   que, dans cette période qui avait précédé cet état de guerre comme vous le

  7   qualifiez vous-même, vous souvenez-vous avoir eu des patients de cette

  8   partie de la Bosnie orientale qui venaient à Uzice pour être hospitalisés

  9   ou pour consultation dans les différents dispensaires? Est-ce que c'était

 10   une pratique précédente, des temps précédents?

 11   M. Jovanovic (interprétation): L'hôpital régional d'Uzice est un des plus

 12   important, ou est catégorisé parmi l'un des plus importants en

 13   Yougoslavie. Il s'agit d'un hôpital qui couvre quelques 500.000 patients,

 14   se trouve donc dans une région frontalière avec la Bosnie. Et même avant

 15   les événements en Bosnie, il était de coutume que beaucoup, même autant

 16   que 150.000 personnes venaient de Bosnie, et puis j'ai opéré pas mal de

 17   Musulmans, de gens appartenant à la confession musulmane, et j'attends le

 18   retour de La Haye de trois personnes qui seront opérées. Il s'agit de

 19   hanches artificielles, de prothèses de la hanche artificielle. Ces gens-là

 20   attendent que ces prothèses leur soient appliquées par intervention

 21   chirurgicale.

 22   M. le Président (interprétation): Le moment est venu de suspendre la

 23   séance.

 24   M. Domazet (interprétation): Oui.

 25   M. le Président (interprétation): Monsieur le Docteur, excusez-nous mais


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  1   nous devons interrompre et suspendre la séance jusqu'à demain matin.

  2   (L'audience est levée à 16 heures. )

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