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1 (Jeudi 29 novembre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Borislav Martinovic, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.
6 Mme Philpott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
7 Il s'agit de l'affaire IT-98-32-PT, le Procureur contre Mitar Vasiljevic.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demande de
9 prononcer la déclaration solennelle que M. l'huissier est en train de vous
10 tendre.
11 M. Martinovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir, Monsieur.
14 M. Martinovic (interprétation): Merci.
15 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, c'est à vous.
16 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 (Interrogatoire principal du témoin, M. Borislav Martinovic, par Me
18 Domazet.)
19 M. Domazet (interprétation): Monsieur Martinovic, bonjour.
20 M. Martinovic (interprétation): Bonjour.
21 Question: Monsieur Martinovic, au nom de la défense de M. Mitar Vasiljevic
22 je me propose de vous poser aujourd'hui des questions. Et dès le départ,
23 je vous demande de patienter une fois que j'aurai prononcé ma question
24 avant que de commencer à répondre, chose que je me propose de faire
25 également, et ce aux fins de faciliter la tâche des interprètes, notamment
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1 parce que j'ai ouï dire que l'interprétation vers le français demandait un
2 peu plus de temps.
3 Je vous demanderai donc de vous servir du compte rendu d'audience que vous
4 avez devant vous sur le moniteur, et vous pouvez voir défiler les lettres.
5 Une fois que celles-ci cesseront de défiler, cela voudra dire que
6 l'interprétation est terminée.
7 Aussi vous demanderai-je d'abord de décliner votre identité, votre nom,
8 prénom, date et lieu de naissance.
9 Réponse: Je suis professeur en médecine, agrégé neuropsychiatre, et je
10 m'appelle Borislav Martinovic. Je suis né à Zajecar, en Serbie, en 1934.
11 J'ai terminé mes études de médecine à Belgrade en 1962. J'ai fait ensuite
12 une spécialisation en 1970 et depuis lors, je suis spécialiste et j'exerce
13 ce métier de nos jours encore, depuis 40 ans presque. Je suis agrégé
14 depuis 15 ans. Je crois que je vous en ai donné assez long.
15 J'avais été aussi chef de ce département de psychiatrie pendant la période
16 où les événements se sont passés, événements pour lesquels nous nous
17 trouvons aujourd'hui à l'intérieur de ce Tribunal. En ai-je dit assez?
18 Question: Oui, en effet. Mais j'attends, je fais une petite pause et
19 j'attends que l'interprétation soit terminée. Donc, une fois de plus, je
20 vous demande de parler lentement, posément, afin que rien ne soit omis.
21 Je vois que les renseignements relatifs à votre carrière ont été repris.
22 Voulez-vous bien nous dire maintenant où vous travaillez actuellement?
23 Réponse: Je dispose actuellement d'un cabinet médical privé. J'ai
24 également omis de dire que, depuis 30 ans, je suis expert en médecine pour
25 le compte des tribunaux. Voilà.
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1 Question: Merci. Veuillez nous dire, pour ce qui est de l'année 1992, ce
2 que vous avez fait et où vous avez exercé.
3 Réponse: A l'époque, j'étais responsable du département de psychiatrie.
4 Nous venions de séparer, de dissocier le département de neurologie et de
5 psychiatrie et nous avons créé un département qui était un département de
6 psychiatrie seulement, qui s'était spécialisé en matière de psychiatrie
7 sociale; psychiatrie sociale qui avait été l'une des doctrines directrices
8 dans l'exercice de notre profession, à l'époque.
9 Dois-je vous parler également de ce que comportaient mes fonctions de
10 responsable de chef de département?
11 Question: Merci. Je pense qu'il serait bon de nous dire quelle avait été
12 votre fonction à l'époque et de nous relater, au meilleur de votre
13 souvenir, lequel des autres médecins avait travaillé au même département
14 avec vous, si vous vous en souvenez.
15 Réponse: Eh bien, cela s'était passé il y a quand même pas mal de temps
16 mais ce que je puis vous dire tout de suite, ce sont les fonctions du
17 responsable du chef du département. En premier lieu, c'est la personne
18 responsable de tout ce qui se passe au département. Puis, il s'agit
19 d'organiser le fonctionnement du département à tous les niveaux, depuis
20 les femmes de ménage jusqu'au chef du département lui-même.
21 Ensuite, il est une fonction qui est très importante, celle de
22 l'éducation, de la formation des cadres. Et M. Simic, mon collègue, avait
23 été également l'un de ceux qui avaient suivi cette formation et
24 spécialisation.
25 J'ai toujours insisté sur le contrôle médical des documents parce que
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1 j'avais dit, et j'avais insisté toujours en disant que cela pouvait être
2 un jour sollicité par des tribunaux. Donc, j'avais essayé de convaincre
3 mes jeunes collègues du fait que tout ce qui était porté dans une
4 documentation médicale pouvait faire l'objet d'expertises légales et être
5 produit en tant que document à charge ou à preuve devant les tribunaux.
6 Un responsable du département doit appliquer la doctrine qui est celle de
7 ce département. Comme nous nous trouvions en une phase de démarrage de la
8 psychiatrie, et de la psychiatrie européenne notamment, nous avions
9 insisté sur la chose. Nous avions tenu des séminaires et je dois dire que
10 j'ai tenu pratiquement 50 séminaires, à l'époque.
11 Voilà, ce serait en bref ce que j'aurais pu vous dire. Mais je pense en
12 avoir dit suffisamment long, quand même.
13 Question: Merci. Je vous demanderai de bien vouloir répondre à la deuxième
14 partie de ma question, à savoir: au meilleur de votre souvenir, lequel des
15 médecins se trouvait encore au département et combien de médecins comptait
16 le département?
17 Réponse: Le département comportait une cinquantaine de lits. Je ne me
18 souviens plus combien d'infirmières il y avait, mais une bonne quinzaine,
19 une infirmière en chef. Il y avait, parmi les médecins, le Dr Simic, la Dr
20 Slavica Jevtovic. Il y avait un certain Zoran Dimitrijevic, il y avait moi
21 et je ne sais plus… Ah oui, il y Rada Lukic, une femme qui se trouve de
22 nos jours encore là-bas. Il y avait bien sûr un employé chargé des
23 questions sociales, il y avait un psychologue, mais c'étaient des gens qui
24 n'étaient pas directement en contact avec les patients, à moins qu'ils
25 n'aient été sollicités à titre occasionnel pour des diagnostics et une
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1 thérapeutique. Il y avait aussi quelqu'un de spécialisé en thérapeutique
2 du travail.
3 Question: Merci. Vous nous avez dit que le Dr Simic était alors jeune
4 médecin et que la doctoresse Slavica Jevtovic avait été son tuteur?
5 Réponse: Elle avait été un tuteur.
6 Question: Docteur, étant donné que vous étiez responsable de ce
7 département, aviez-vous des patients à vous, ou était-ce la tâche des
8 autres médecins?
9 Réponse: J'avais également des patients à moi parce que le service était
10 relativement petit, ce qui fait que j'avais suffisamment de temps pour
11 traiter mes patients. Je ne voulais pas renoncer à ce segment-là de ma
12 profession, étant donné que c'est un segment fort important pour ces
13 derniers. Mais en ma qualité de médecin, j'étais tenu de connaître tous
14 les patients. On était tenu de me faire des rapports lors des visites et
15 des autres contacts, et le tuteur qui avait été chargé de la tutelle d'un
16 médecin en spécialisation devait également me dire ce qui se passait. Ce
17 qui fait que, en ma qualité de chef de département, je devais connaître
18 tous les patients.
19 Question: Si j'ai bien compris, Docteur, vers 1991 votre département a été
20 créé en se dissociant du département de neurologie et est devenu un
21 département tout à fait à part, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Etant donné que cette année de 1992 avait été également une
24 année de conflits variés, je voudrais savoir si la chose s'était reflétée
25 sur le fonctionnement de votre département et sur celui des autres
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1 départements, toujours pendant cette même année.
2 Réponse: Laissez-moi vous dire: en psychiatrie, il y a un phénomène qui
3 est bien connu, à savoir que pendant le stress immédiat, il n'y a pas de
4 troubles psychiatriques. Ces troubles psychiatriques se manifestent
5 lorsque le stress est passé, ce qui fait qu'à l'époque, pendant les
6 activités, les actions de combats en Bosnie, nous n'avons pas eu d'afflux
7 particulier de patients originaires de cette région-là. Mais il y avait eu
8 des patients individuels, des cas isolés comme l'avait été M. Mitar qui,
9 pour des raisons diverses, avaient souffert de troubles psychotiques. Et
10 comme bon nombre de patients de ce type, il est venu au département de
11 psychiatrie après avoir été soigné en orthopédie. Mais nous n'avons pas eu
12 d'afflux de patients particulier.
13 Question: Si j'ai bien compris la réponse que vous avez donnée à ma
14 question, vous nous avez dit que le stress ne se manifestait que bien plus
15 tard, ce qui fait que ce qui s'était passé en 1992 pouvait ne se refléter
16 chez vous que bien plus tard. Ai-je bien compris?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Docteur Martinovic, vous venez de mentionner vous-même tout à
19 l'heure une chose et je voudrais que vous nous disiez si vous vous
20 rappelez un patient, M. Mitar Vasiljevic, qui avait été votre patient en
21 1992 et, si vous vous en souvenez, de nous dire de quoi vous vous
22 souvenez, et ce avant que nous ne vous montrions une documentation au
23 sujet de laquelle nous vous demanderons par la suite de vous prononcer.
24 Mais, dans l'immédiat, je voudrais que vous nous disiez de quoi vous vous
25 souvenez au sujet du patient.
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1 Réponse: Eh bien, laissez-moi vous dire que je ne me souviens pas du tout
2 de ce patient. Nous avons eu
3 beaucoup de gens, en grand afflux. Et, partant de la documentation
4 médicale disponible, je puis vaguement me souvenir. Mais pour ce qui est
5 du reste, non.
6 Question: Est-ce que cela signifie qu'il n'avait pas été l'un de vos
7 patients dont vous avez pris soin?
8 Réponse: Personnellement, à moi? Non.
9 Question: Patientez avant de répondre, je vous prie.
10 Réponse: Ah! Oui, c'est vrai.
11 Question: Patient dont vous aviez pris soin vous-même?
12 Réponse: C'est cela; il n'avait pas été mon patient à moi.
13 Question: Je vous demanderai maintenant de vous pencher sur l'anamnèse de
14 M. Mitar Vasiljevic et une fois que vous aurez étudié celle-ci, de nous
15 dire ce que vous pouvez nous dire.
16 Je voudrais donc que M. l'huissier présente au témoin la pièce à
17 conviction P38.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 (Le témoin prend connaissance du document.)
20 Docteur Martinovic, je vous demanderai d'abord de vous pencher sur la
21 première page, là où il y a les renseignements d'ordre général.
22 Réponse: Oui, je vois.
23 Question: Et en votre qualité de médecin qui avez été chef du département
24 à l'époque et qui avez certainement eu contact avec ce type d'anamnèse, je
25 voudrais que vous nous disiez ce qui vous semble apparent depuis
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1 l'anamnèse de M. Mitar Vasiljevic.
2 Réponse: Ce que je vois d'abord -la date d'admission, je n'ai pas à parler
3 de cette date, vous devez tous la connaître-, il a été soigné à des deux
4 départements: à l'orthopédie et à la psychiatrie. Le diagnostic final est
5 298.9, et on voit en signature deux médecins, le docteur en psychiatrie D
6 Jovicevic –non, lui, il est en orthopédie- et le Dr Simic. Les choses sont
7 claires. On voit ce qui a été fait à l'intervention chirurgicale en
8 orthopédie et soins au département psychiatrique.
9 M. Domazet (interprétation): Je vous demande maintenant de passer à la
10 suite et de nous dire ce qui a été noté par les médecins de votre
11 département à vous.
12 M. Martinovic (interprétation): Il est arrivé à notre département le 8
13 juillet 1992. Ici, et à la page d'après, on dit qu'il avait été examiné
14 par l'orthopédiste, il avait été envoyé par l'orthopédiste en
15 neuropsychiatrie parce qu'il se comportait de façon très particulière.
16 Mais nous, psychiatres et neurologues, nous étions de permanence aux
17 départements qui étaient les nôtres, respectivement les nôtres. Et pour ce
18 qui est du Dr Simic, nous pouvons dire qu'il avait inscrit qu'il
19 s'agissait d'un état agité, d'un patient qui chantait, qui criait, qui se
20 débattait, et qu'il s'agissait d'un cas de patient sérieusement troublé
21 suite à la psychose dont il souffrait.
22 Je ne sais pas si vous avez ici la fiche de la température du patient et
23 des médicaments administrés. Une fois que j'aurais vu la thérapeutique
24 administrée, je saurai si la thérapeutique neuroleptique avait été forte
25 ou pas. Mais j'imagine que oui parce que, d'après ce qui est inscrit ici,
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1 c'est à peu près le traitement que l'on administre.
2 Le patient s'est calmé, s'est apaisé après la thérapeutique,
3 l'administration de la thérapeutique prescrite. Dès le 15 juillet, il se
4 trouve apaisé, son comportement est approprié et ainsi de suite. Voilà.
5 Puis on a pris des renseignements d'une anamnèse de la part de sa femme
6 qui, elle, avait présenté ses observations à elle concernant son mari,
7 pour ce qui est de la phase préalable à son hospitalisation.
8 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, merci.
9 Maître Domazet, je ne suis pas certain que nous ayons besoin de tout cela.
10 M. Domazet (interprétation): Certainement.
11 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons cette feuille de
12 température du patient et des médicaments qui lui avaient été administrés
13 à l'une quelconque des pièces à conviction?
14 M. Domazet (interprétation): Certainement. Ce sera notre pièce à
15 conviction suivante.
16 Docteur Martinovic, si j'ai bien compris, il avait été examiné par un
17 neuropsychiatre qui n'a pas travaillé à votre département, mais en
18 neurologie?
19 M. Martinovic (interprétation): Absolument: Bora Bogdanovic, que je
20 connais depuis plus de 20 ou 30 ans et dont je connais la signature, que
21 je connais depuis plus de trente ans. Il était là-bas le 7 juillet.
22 Question: Est-ce que vous reconnaissez la note du Dr Bogdanovic?
23 Réponse: Absolument, et je reconnais son écriture. C'est un excellent
24 médecin.
25 Question: Donc le 7 juillet, le Dr Bogdanovic a fait cette note.
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1 Je vous demanderai de lire ce qui a été inscrit en date du 8 juillet,
2 parce qu'il me semble que vous avez mal interprété la date du transfert de
3 M. Mitar Vasiljevic vers votre département.
4 Réponse: Il était inscrit ici qu'il a été examiné en date du 7 juillet par
5 le neuropsychiatre de permanence et il a inscrit: "transférer le patient
6 vers le département de psychiatrie". Le renseignement suivant que je puis
7 voir, c'est que le 8 juillet il y a une première note relative au constat
8 du psychiatre. J'imagine que celui-ci, en arrivant au travail, avait déjà
9 son patient.
10 Je ne vois pas où est la différence, il s'agit d'une journée. S'il a été
11 transféré -et j'imagine que cela s'est fait l'après-midi, parce que le
12 médecin de permanence travail l'après-midi et la nuit-, donc s'il a été
13 transféré le 7 juillet avec une prescription de médicaments de la part du
14 médecin de permanence, et lorsque le lendemain le Dr Simic est arrivé, il
15 a pris en charge le patient et il a inscrit le 8 juillet.
16 Question: Merci. Est-ce que vous vous souvenez si, à l'époque, le 7
17 juillet avait été une fête nationale, une fête officielle?
18 Réponse: Oui. Le 7 juillet, à l'époque, était une fête officielle.
19 Question: Merci. Je vous demanderai maintenant de vous pencher sur cette
20 fiche ou feuille de thérapie administrée, et je voudrais que l'on montre
21 au témoin maintenant la pièce à conviction 165.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Réponse: Puis-je faire des commentaires?
24 Question: Je vous demande de le faire, mais je vous demande d'aller
25 lentement parce que, pour des raisons de termes médicaux éventuels, nous
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1 voudrions que vous alliez quand même plus lentement et que vous nous
2 donniez les commentaires que vous pouvez faire partant de ce carton, de
3 cette feuille de thérapie.
4 Réponse: On voit que l'on a prescrit un médicament très puissant, un
5 neuroleptique qui est administré aux patients les plus troublés; il s'agit
6 du Topral, c'est un neuroleptique très puissant. On voit qu'on lui a donné
7 cela quatre fois, un comprimé dans une journée, jusqu'au 12.
8 Qu'est-ce que c'était, déjà, comme mois? Juillet.
9 Et le Nozinan -qui est un neuroleptique-, et à compter du 9 on voit que la
10 dose a été augmentée à trois fois 100 milligrammes. Je tiens à mentionner
11 que cela se faisait de façon intramusculaire. Donc il s'agit d'une
12 thérapeutique sérieuse, le premier médicament étant intramusculaire, le
13 Nozinan était des comprimés.
14 On voit donc, partant de la thérapeutique, qu'il était extrêmement
15 troublé, qu'il était agité. Et dans des cas pareils, l'on procède à une
16 fixation, on leur pose des attaches, des liens. En général, ils ne sont
17 pas dangereux, mais ce que l'on redoute, c'est qu'ils ne se blessent eux-
18 mêmes. En tout état de cause, il s'agissait d'un état psychotique grave
19 qui s'est calmé en quelques journées seulement. On aurait
20 intraveineusement pu lui administrer des médicaments particuliers, mais
21 c'est assez risqué. Je crois que les médicaments administrés avaient suffi
22 pour apaiser le patient, et cela semble s'être effectivement passé ainsi.
23 Question: Est-ce que vous avez jeté un oeil sur les autres feuilles
24 jusqu'à la fin des soins administrés? Et est-ce que cela vous dit quelque
25 chose au niveau d'une détérioration quelconque à un moment donné, ou d'un
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1 renforcement des doses de médicaments administrés, éventuellement?
2 Réponse: On voit ici, le 19, qu'il y a eu probablement une aggravation
3 parce que le Largactil a été augmenté à 3 fois 200 milligrammes, ce qui
4 est une dose extrêmement forte. Cela a duré, par la suite, jusqu'au 27 où
5 l'on a diminué une fois de plus à 3 fois 100. Il a donc eu un épisode
6 d'aggravation de la situation qui a duré, si j'en juge d'après cette
7 feuille-là, 6 ou 7 … Oh, ma foi, bien 10 jours. S'agissant des états, des
8 psychoses, cela est très possible. Il arrive qu'en cours de thérapeutique
9 le processus recommence. Alors dans des cas pareils, ce que nous
10 pratiquons, ce sont des augmentations de doses de médicaments administrés.
11 Question: Docteur Martinovic, d'après ce que vous avez pu voir dans cette
12 feuille de thérapie administrée, vous avez dit que des doses assez fortes
13 étaient administrées dès le début et que cela témoignait du sérieux des
14 troubles qu'avait M. Vasiljevic à l'époque. Est-ce que j'ai bien compris
15 votre réponse?
16 Réponse: Oui, absolument. C'est une preuve certaine d'un état psychotique
17 très grave.
18 Question: En outre, à un moment donné, il a été procédé à une augmentation
19 de la dose, probablement due à une détérioration de son état chemin
20 faisant.
21 Docteur Martinovic, je voudrais maintenant que vous consultiez un élément
22 de preuve qui est le D30.1 et qui est une fiche de sortie.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Réponse: Est-ce qu'il y a une question ou...?
25 Question: Oui. Mais j'avais voulu que vous regardiez d'abord, étant donné
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1 qu'il s'agit d'un document qui, si je ne me trompe, porte votre signature
2 en qualité de chef du département. Et je voudrais ensuite que vous nous
3 fassiez un commentaire.
4 Réponse: Eh bien, on donne là la durée du séjour à l'hôpital, le
5 diagnostic "psychosis 298.9". Dans la nomenclature de l'époque, dans la
6 nomenclature psychiatrique c'est un diagnostic qui concerne une maladie
7 psychotique, sans pour autant préciser de quelle entité de maladie il
8 s'agit. Je dois vous dire que, dans la doctrine psychiatrique, il est
9 prévu de ne pas faire de diagnostic de la maladie véritable.
10 Ou plutôt, si vous me permettez, je vais vous expliquer la chose: si un
11 patient vient pour une première fois, présentant une image
12 schizophrénique, nous comprenons qu'il s'agit d'une manifestation première
13 de schizophrénie. Nous ne faisons pas de diagnostic immédiat parce qu'il
14 se peut que ce malade-là n'ait plus jamais de manifestation de ce type et
15 nous ne voudrions pas que dans son carton figure un tel diagnostic pour le
16 grever pour le reste de sa vie.
17 Dans le cas concret, nous n'avons pas tout de suite pu fixer de diagnostic
18 véritable pour dire de quel groupe cela faisait partie. Donc on a pris une
19 désignation du groupe général des états psychotiques. Et pour que vous
20 compreniez mieux les choses, la caractéristique la plus importante des
21 états psychotiques, c'est la perte de contact avec la réalité, et cela
22 avait été le cas de l'intéressé Vasiljevic.
23 Je dois encore dire une chose, à savoir que les diagnostics en psychiatrie
24 sont établis pour des périodes données. Le diagnostic n'est jamais quelque
25 chose de statique, c'est plutôt un diagnostic dynamique parce que si les
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1 manifestations de la maladie se réitèrent, après on fait un diagnostic.
2 Mais il y a des manifestations de schizophrénie qui évoluent.
3 Donc on dit qu'il s'agit d'un patient qui a été traité à l'hôpital, qui a
4 été transféré depuis l'orthopédie. On donne ensuite une description de son
5 comportement. On dit que, suite à la thérapeutique prescrite, sa situation
6 s'était améliorée, sa condition s'était améliorée puis qu'il a été, qu'il
7 est sorti de l'hôpital à la demande de son épouse.
8 Cela signifie que le médecin n'avait pas estimé que le patient devait
9 rentrer chez lui, qu'il aurait été préférable qu'il reste à l'hôpital
10 parce que, d'habitude, les patients de ce type sont gardés pendant un mois
11 ou deux. Mais avec la signature de l'épouse, il a été relâché.
12 On lui a prescrit une thérapeutique tout de même parce que la maladie
13 n'était pas assainie ou tout à fait résorbée. Et on voit que la
14 thérapeutique proposée consistait en l'administration de Largactil -une
15 tablette de 100 milligrammes trois fois par jour-, ce qui indique que son
16 état était encore, devait encore être soigné. Et on dit qu'il devait
17 procéder à des contrôles chez le psychiatre compétent dans un délai de 14
18 jours, et jusque-là il ne devait pas travailler. Contrôle chez
19 l'orthopédiste également.
20 Question: Docteur Martinovic, en présentant vos propres coordonnées
21 personnelles, vous avez dit que vous étiez expert qui travaillez pour le
22 compte des tribunaux, en Yougoslavie évidemment?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous avez consulté, parcouru ce diagnostic, ces différentes
25 feuilles puisque vous n'avez pas participé directement au traitement de
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1 Mitar Vasiljevic. Est-ce que vous pourriez nous dire quel a été son état,
2 sa condition psychique à l'époque où il était admis dans votre
3 département? Quelle a été sa condition mentale? Est-ce qu'il y avait
4 défaut, peut-être total ou partiel, de responsabilité mentale au moment de
5 son admission?
6 Réponse: Etant donné que je suis expert depuis des années, cette
7 responsabilité mentale est toujours établie pour un délit pénal. Enfin, il
8 n'y a pas une irresponsabilité mentale indéterminée mais, pour ce qui est
9 de Mitar Vasiljevic, son état le qualifie comme ayant été un homme qui
10 était hors de la réalité. Il avait tout simplement eu une rupture, une
11 coupure avec la réalité. C'était peut-être quelque chose qui s'était
12 produit dans le département d'orthopédie; les orthopédistes n'ont pas pu
13 le reconnaître, l'identifier. Il était vraiment hors de la réalité, hors
14 de soi. Et puis, s'il devait commettre un délit pénal quelconque, on
15 prendrait en considération cette responsabilité mentale, existence ou non-
16 existence de cette responsabilité mentale, mais c'est quelque chose qui
17 est considéré, dans les normes internationales, comme étant cela.
18 Question: Docteur Martinovic, je vous prie de parcourir un autre élément
19 de preuve qui se trouve versé au dossier de la Chambre. Il s'agit du
20 document 161.1, version BCS.
21 Je vous prie donc de le soumettre à cet expert, au Dr Martinovic.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Je voudrais vous prier de relire cette lettre qui a été écrite. Il s'agit
24 donc d'une lettre.
25 (Le témoin prend connaissance de la lettre.)
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1 Réponse: S'il vous plaît…
2 Question: Est-ce que vous avez réussi à lire cette lettre manuscrite? Vous
3 pouvez donc constater que c'est une lettre que Mitar Vasiljevic a écrite
4 le 13 juillet 1992, lorsqu'il était dans votre département; il s'adressait
5 à la doctoresse Slavica Jevtovic.
6 Etant donné la teneur de cette lettre, est-ce que vous pourriez donner
7 quelques commentaires de nature générale? Enfin, dans quel contexte vous
8 pourriez situer cette lettre, en votre qualité de psychiatre?
9 Réponse: Le 13 juillet, il était déjà dans un état calmé. Cela ressort de
10 la liste des thérapies -liste de températures, entre guillemets, comme on
11 l'appelait dans notre département-, et c'est quelque chose qui se passe
12 fréquemment lorsqu'il s'agit de nos patients.
13 C'est une lettre très correcte. Il parle de bonbons qu'il n'a pas payés,
14 qu'il n'a pas pu rembourser. Il a dit qu'il se portait garant pour ce
15 crédit, et puis il fait un vœu indiquant qu'il n'avait pas l'intention de
16 les enlever.
17 Mais il y a tout de même une sorte de diversion, de distance par rapport à
18 un comportement normal: on ne peut pas dire à une vendeuse inconnue que
19 l'on allait prendre quelque chose à crédit, et promettre que ce sera payé
20 plus tard.
21 Pour ce qui est de la deuxième partie, il y a également un signe de
22 comportement inadéquat. Il aurait pu évaluer, enfin indiquer s'il avait
23 des maladies, vraiment, qui l'affligeaient; il aurait pu demander un
24 examen. Mais dire qu'il allait commencer une grève de la faim, c'est
25 quelque chose qui est complètement inadéquat par rapport à ce qu'il aurait
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1 pu demander et obtenir. Et cette dernière phrase est très pathognomonique,
2 enfin est indicative d'une perturbation.
3 Dernière phrase qui se lit: "… et je vous prierai de me lier les pieds et
4 les jambes". C'est un signe d'agitation lorsqu'il s'agit de patients qui
5 reçoivent certains médicaments. Lorsque ces patients nous demandent de
6 leur attacher les pieds et les jambes et les mains, et s'ils sont déjà
7 fixés, il y a peut-être indication d'une possibilité d'accalmie, de
8 calmement dans cette condition-là. Donc, conditions de fixation.
9 Question: Première page, Docteur: ce crédit qu'il prenait sur son honneur
10 et sur ses promesses, mais il avait dû tâter le pouls du commerçant, du
11 vendeur, enfin il avait peut-être de l'argent sur lui mais il voulait
12 tâter le pouls du vendeur. Est-ce que ce serait une réaction normale de
13 quelqu'un qui fait ce métier-là, qui fait cette chose-là?
14 Réponse: Tâter le pouls du commerçant, c'est un comportement inadéquat.
15 Comment lui tâter le pouls? Cela n'a absolument aucun rapport avec le
16 pouls ou la possibilité de tâter le pouls de quelqu'un. C'était vraiment
17 un trouble psychotique, un trouble de comportement mental déraisonnable.
18 Question: Merci.
19 Docteur Martinovic, vous avez pu consulter une partie de cette
20 documentation. Vous avez pu constater comment Mitar Vasiljevic a été
21 transféré et admis dans votre département et, étant donné qu'il s'agissait
22 d'une année de guerre, que vous avez eu beaucoup de réservistes, est-ce
23 qu'il serait possible qu'il s'agissait à l'époque d'un patient qui
24 pourrait simuler ce genre de troubles pour éviter de se faire renvoyer au
25 front, pour éviter de se trouver sur le champ de bataille? Parce que
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1 c'était un soupçon, une hypothèse qui a été émise. Est-ce que vous
2 pourriez le conclure, d'après la documentation dont vous disposez en ce
3 qui concerne sa maladie?
4 Réponse: La psychiatrie, faisant partie des sciences médicales, est un
5 secteur de précision. Depuis 40 ans que j'exerce ce métier, je n'ai jamais
6 vu quelqu'un qui simulerait. Oui, on parle de simulation et puis si cela
7 arrive, c'est quelqu'un qui est d'un niveau mental très bas qui pourrait
8 le faire, qui pourrait l'exécuter; c'est quelqu'un qui a un quotient
9 intellectuel très bas qui pourrait le tenter.
10 Mais dans le cas de Mitar Vasiljevic, je ne pense pas qu'il s'agissait
11 d'une simulation d'une maladie mentale. C'est quelque chose de très rare,
12 et puis on le reconnaîtrait très vite. Il ne s'agissait pas seulement du
13 Dr Simic qui était en quelque sorte débutant dans le métier, mais il y
14 avait la Dr Jevtovic. Moi aussi, j'ai dû faire partie de ces différentes
15 sessions de diagnostic, de ces différentes sessions au cours desquelles on
16 décidait de la thérapeutique.
17 Je suis très catégorique: Mitar ne pouvait pas simuler sa maladie, et nous
18 ne pouvions pas accepter cette simulation comme quelque chose qui était un
19 trouble psychotique. Et c'était effectivement un trouble psychotique.
20 Question: Merci, Docteur Martinovic, pour ce commentaire.
21 Encore une question: il y a des données, données personnelles, données
22 écrites prouvant que Mitar Vasiljevic a été traité pour sa maladie
23 d'alcoolisme, qu'il était un alcoolique. Dans quelle mesure cela a pu
24 exercer une influence sur cette perturbation mentale, ce trouble
25 psychotique qu'il avait? Dans quelle mesure cela peut-il avoir un effet ou
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1 non sur son état de santé, sa condition mentale, à l'époque?
2 Réponse: L'alcoolisme est un état dans lequel on se trouve après une
3 exagération ou abus d'alcool, et peut être un bon fondement pour
4 l'évolution d'un trouble mental postérieur. Mais dans ce cas-ci,
5 l'alcoolisme n'aurait peut-être pas été le cas exclusif ou la cause
6 exclusive de cette psychose. Peut-être qu'il n'y aurait pas eu de
7 psychose, s'il ne s'agissait pas ou s'il n'était pas un alcoolique.
8 Les psychoses alcooliques sont assez nettes du point de vue du diagnostic
9 et du pronostic ultérieur. C'est quelque chose que l'on dépiste très
10 facilement lorsqu'il s'agit de personnes individuelles, mais dans votre
11 dans cas concret l'alcool n'est pas la cause unique de cet état mental, de
12 ce trouble mental. Mais l'alcoolisme a pu être un facteur contribuant à
13 cet état psychotique qui s'était manifesté. Mais je ne sais pas dans
14 quelle mesure l'alcoolisme y avait sa part.
15 M. Domazet (interprétation): Ces troubles mentaux pouvaient-il reposer sur
16 quelque facteur, élément héréditaire, donc héréditaire compte tenu des
17 parents, parce que nous avons dépisté certaines données? Est-ce que ce
18 genre de données, soit la mère de Mitar a été un malade mental
19 psychotique, qu'elle a tenté un suicide, son suicide, et qu'elle a donc
20 été victime de cela pendant que Mitar été très jeune, est-ce que cela
21 aurait pu exercer une influence?
22 M. le Président (interprétation): Mais où est-ce qu'il y a des éléments de
23 preuve à cet égard?
24 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous basez sur les mémoires,
25 les souvenirs de votre client?
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1 M. Groome (interprétation): Je pense que M. Domazet est en train de
2 déposer.
3 M. Domazet (interprétation): Je vous le dirais, Monsieur le Président.
4 Mitar Vasiljevic ne l'a pas dit, mais en répondant à mes questions il a
5 dit que sa mère est décédée lorsqu'il était enfant, et ce sont des donnés
6 que j'ai obtenues de la psychiatre, la Dr Lopicic qui a eu l'occasion de
7 s'entretenir avec lui dans l'unité de détention. Et puis il a indiqué à la
8 doctoresse Lopicic que c'était quelque chose que la famille cachait parce
9 que ce fut un déshonneur pour la famille. A moi-même, Mitar Vasiljevic ne
10 m'a jamais confié ces données et en ce moment précis, Monsieur le
11 Président, je n'ai d'autres sources d'information à ce propos, mais je
12 pense que je pourrais en venir à cette source originelle. En effet, ce
13 sont des données qu'ils cachaient dans les lieux, dans les milieux où ils
14 vivaient. C'est quelque chose qui est considéré être une honte.
15 Tout simplement, il a dit que sa mère était décédée dans sa première
16 jeunesse et évidemment, ce sont des données que j'ai pu recueillir après
17 l'entretien de la doctoresse Lopicic avec mon client.
18 M. le Président (interprétation): C'est très intéressant, mais essayez de
19 ne pas étayer ce genre d'élément de preuve. Vous allez appeler, citer Mme
20 la doctoresse Lopicic.
21 M. Domazet (interprétation): Enfin, j'ai posé cela comme une question
22 hypothétique: est-ce qu'il y aurait pu y avoir influence de facteurs
23 héréditaires dans ce cas de trouble mentaux lorsqu'il s'agit de mon
24 client?
25 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore vu son rapport.
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1 Et supposons que cela serait un élément de preuve, un ouï-dire; si vous la
2 citez, vous aurez la possibilité de le dire et ensuite, vous pourriez
3 poser la question au docteur, cette question que vous venez de poser.
4 Mais toutes les explications que vous venez de donner, toutes ces
5 réflexions que vous venez de nous relater, de nous confier… Soyons clairs:
6 toutes ces explications, nous devons les écarter. Elles devront se baser,
7 une fois que la doctoresse Lopicic nous présentera ses éléments de preuve
8 et son rapport.
9 Je me demande si M. Groome s'en tient encore à son objection?
10 M. Groome (interprétation): Oui. Cela doit avoir un certain poids, mais le
11 Dr Martinovic a été un des responsables. Mais il y a une question
12 juridique.
13 M. le Président (interprétation): Mais s'il y a ouï-dire -et la doctoresse
14 le dira-, on pourrait peut-être prendre ceci comme étant quelque chose
15 d'acceptable? Mais le poids qu'on lui attribuera, vous l'indiquerez vous-
16 même.
17 Donc, vous pensez qu'il ne pourrait pas poser cette question?
18 M. Groome (interprétation): Le Dr Martinovic n'est pas un expert. C'est
19 quelqu'un qui était médecin traitant, en quelque sorte.
20 M. le Président (interprétation): Oui, enfin il y a une documentation,
21 mais il est un expert en déposition. Est-ce que vous en avez été prévenu?
22 Je me demande si vous avez des bases juridiques sur lesquelles vous pouvez
23 fonder ce ouï-dire et cette déposition?
24 M. Groome (interprétation): Il ne s'agit pas de la déposition de M.
25 Martinovic. Tout simplement, il s'agit de l'Article 65. Il allait déposer,
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1 le Dr Martinovic, à propos du traitement et de la condition mentale,
2 responsabilité mentale de Mitar Vasiljevic . Donc, pas de questions
3 hypothétiques.
4 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il y a certaines choses qui
5 pourront être obtenues du docteur.
6 Maître Domazet, il y a des problèmes pratiques, cela doit être admis sur
7 le plan juridique. C'est vraiment déplorable que l'accusation n'ait pas
8 été prévenue de cela.
9 Quand est-ce que vous allez obtenir ce rapport?
10 M. Domazet (interprétation): Le rapport est en cours de rédaction. Elle
11 travaille sur ce rapport et ce qui sera le résultat, l'exposé des motifs,
12 les explications -d'après ce que la doctoresse m'a dit-, la conclusion
13 sera que Mitar Vasiljevic, au moment où il était hospitalisé, donc traité
14 à l'hôpital, qu'il était une personne de responsabilité mentale diminuée.
15 Et d'après les chefs d'accusation, je pense que sur la base de ce rapport
16 nous allons pouvoir constater qu'il s'agissait d'une responsabilité
17 mentale diminuée et que cela concerne en bonne partie les différents chefs
18 d'accusation figurant dans l'Acte d'accusation.
19 M. le Président (interprétation): Peut-être que je me répète, mais c'est
20 vraiment une manière déplorable par laquelle vous traitez cette affaire.
21 Il y a eu pas mal de temps qui s'est écoulé et je pense qu'il y a eu des
22 choses qui ont pu être traitées devant la Chambre avec le Bureau du
23 Procureur. Mais ce n'est pas quelque chose qui laisse une bonne image
24 d'efficacité.
25 Enfin, continuez à poser vos questions au docteur. On s'occupera de
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1 certaines questions lorsque le rapport nous aura été présenté.
2 M. Domazet (interprétation): Ma question était la suivante: est-ce que cet
3 état mental de patient pouvait émaner d'une situation héréditaire, d'une
4 maladie analogue chez un des parents?
5 M. Martinovic (interprétation): La psychiatrie accorde une attention
6 grandissante aux facteurs héréditaires. Les états psychotiques peuvent
7 exister pendant plusieurs générations. S'il est vrai que sa mère s'est
8 suicidée et qu'elle l'avait tenté à plusieurs reprises avant son décès, sa
9 mort, eh bien, il s'agissait vraiment d'une personne qui avait des
10 troubles mentaux qui, dans les espaces de la Bosnie, n'avait peut-être pas
11 eu la possibilité ou l'occasion de se traiter. Donc si cette donnée était
12 exacte, et si je l'avais eue en tant que psychiatre, j'aurais pu me baser
13 sur cette donnée pour ce qui est du diagnostic et du pronostic de
14 l'évolution de la maladie.
15 Oui, parler de suicide, mais plusieurs tentatives de suicide comme vous
16 venez de le dire, et suicide en fin de compte, eh bien, cela veut dire
17 qu'il s'agissait de quelqu'un qui avait des troubles mentaux.
18 Question: Merci, Docteur Martinovic.
19 Je n'ai plus de questions pour ce témoin, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?
21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Borislav Martinovic, par M. Groome.)
22 M. Groome (interprétation): Bonjour, Monsieur Martinovic.
23 Je vais vous poser quelques questions au nom de l'accusation.
24 M. Martinovic (interprétation): Oui.
25 Question: J'aimerais d'abord vous interroger au sujet de cet aspect
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1 héréditaire dont vous venez de parler.
2 D'après ce que vous avez dit, il semble que cet élément peut avoir une
3 importance assez grande dans le diagnostic, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Compte tenu de l'importance éventuelle de cet aspect des choses,
6 ne devrions-nous pas avoir trouvé quelque part, dans les dossiers médicaux
7 ou dans les entretiens avec Mme Vasiljevic, des questions ou des
8 tentatives faites par le Dr Simic ou les autres médecins pour explorer
9 l'aspect mental de l'historique de la famille?
10 Réponse: Absolument. Vous savez, c'est une des questions que le médecin
11 pose toujours à la personne qui l'examine. Il demande toujours s'il y a eu
12 dans la famille des maladies mentales, s'il y a eu des suicides. Ces deux
13 questions sont pratiquement obligatoires. Maintenant, pourquoi ces deux
14 questions ne figurent-elles pas dans le cas précis? A ce sujet, je ne peux
15 qu'émettre des suppositions.
16 Ce qu'a dit l'accusé, c'est quelque chose qui, dans nos régions, se cache
17 vraiment, même dans une situation où le mari est en cours de traitement
18 médical. Et je répète que je ne propose que des hypothèses, c'est-à-dire
19 ce qu'un responsable politique appellerait des spéculations. Bien sûr,
20 cela ne suffit pas. Bien sûr, le Dr Simic n'a pas dit, je l'ai interrogé
21 au sujet des cas de suicides éventuels existant dans la famille ou de cas
22 de psychoses dans la famille, et elle ne m'a pas répondu cela, ne m'a pas
23 dit cela.
24 Nous ne l'avons pas écrit, nous avons simplement dit que le patient n'a
25 pas apporté de réponse positive. Mais, comme je l'ai dit, c'est une
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1 question obligatoire et je ne pense pas qu'il ne l'ait pas posée du tout.
2 Je ne crois pas qu'il n'est pas interrogé Mme Vasiljevic à ce sujet. Ce
3 qu'elle a répondu, c'est autre chose, quelque chose de complètement
4 différent.
5 Question: Je vais essayer de voir si je vous ai bien compris. Il semble,
6 d'après ce que vous dites, que vous êtes tout à fait sûr que les médecins
7 ont effectivement posé ces questions au sujet de la situation mentale dans
8 la famille, mais que le fait que cela n'ait pas été enregistré dans les
9 dossiers est un élément différent. Donc il semblerait que les médecins
10 aient appris quelque chose et qu'ils aient considéré que cela n'était pas
11 important pour le diagnostic de l'état mental du patient? C'est bien cela?
12 Réponse: Absolument. C'est tout à fait cela.
13 Question: Il semble que la première indication que nous ayons d'une
14 situation particulière dans l'histoire de la famille du point de vue
15 mental, qui pourrait donc avoir une conséquence sur la détermination de la
16 compétence de M. Vasiljevic à faire tel ou tel acte, soit apparue le week-
17 end dernier au cours d'un entretien avec un psychiatre qui s'appelle Dr
18 Lopicic, n'est-ce pas?
19 J'aimerais que vous répondiez, oui ou non, pour le compte rendu
20 d'audience, à cette question.
21 Réponse: Absolument. Un entretien avec un psychiatre est un entretien au
22 cours duquel les gens qui parlent au psychiatre ouvrent leur âme
23 complètement, si le lien affectif établi entre le patient et le psychiatre
24 est de bonne qualité. Donc le médecin peut avoir appris de l'accusé
25 davantage de choses que son conseil de la défense, car il avait avec lui
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1 un lien qui se situait dans un climat plus intime, un climat dans lequel
2 la personne se découvre totalement pour la première fois et dit ce qu'elle
3 n'a pas éventuellement dit auparavant, y compris au conseil de la défense.
4 Question: Eh bien, cette ouverture de l'âme dont vous venez de parler,
5 conviendriez-vous avec moi qu'au cours d'une thérapie, un patient dit la
6 vérité à son psychiatre et que dans le temps il lui révèle de plus en plus
7 de choses au sujet de ce qui le perturbe et de l'histoire de son vécu
8 antérieur, n'est-ce pas?
9 Réponse: Bien sûr. Il n'est pas possible que cela se passe dans les
10 premiers stades de la relation alors qu'il est agité, ou qu'il est encore
11 sous médicaments en grande quantité. Mais au bout de dix ou quinze jours,
12 oui, il aurait pu fournir davantage d'informations si on lui avait posé la
13 question, et nous aurions plus en apprendre davantage que ce que nous
14 avions à notre disposition pour fonder nos conclusions objectives.
15 Question: Ne serait-il pas raisonnable pour nous de supposer que M.
16 Vasiljevic était plus enclin à faire confiance et à s'ouvrir à son
17 psychiatre dans une période de trois semaines de traitement à Uzice, qu'au
18 cours d'une simple rencontre unique avec un psychiatre qu'il voit pour la
19 première fois?
20 Réponse: Je pense que c'est possible parce que cette femme médecin lui a
21 parlé sans doute assez longuement. Elle a utilisé toutes les méthodes
22 disponibles. La période est assez courte, mais elle a pu établir sans
23 doute ce que nous appelons dans notre profession un rapport de transfert,
24 c'est-à-dire une relation affective très étroite entre patient et médecin;
25 je pense que c'est effectivement une possibilité.
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1 Elle a réussi à obtenir des renseignements en retour que le médecin
2 d'Uzice n'a pas obtenus. Peut-être ne lui a t-il pas non plus posé la
3 question comme elle l'a fait elle-même. Il aurait dû, je dirais même, il
4 aurait absolument dû le faire, mais le médecin d'Uzice avait devant lui un
5 patient extrêmement agité. Il ne pouvait pas lui parler, il n'a pas pu le
6 faire pendant sept à huit jours, compte tenu de son état avant que le
7 patient ne se calme. Et ceci était important pour le médecin car il
8 fallait, pour que la relation s'établisse, que la psychose soit un petit
9 peu diminuée. Donc, il n'a pas pu effectuer les explorations nécessaires.
10 Ce qui est important, c'est que le pire soit passé pour que la relation
11 s'établisse. Il a pu s'occuper de l'étape la plus grave de la psychose,
12 qui était certainement présente au début. Et après cela, le patient était
13 plus calme.
14 Question: Cette lettre a été écrite, la pièce à conviction P161 qui a été
15 écrite et envoyée au Dr Slavica -je ne me rappelle pas son nom de
16 famille-, mais vous avez cette lettre sous les yeux. Conviendrez-vous avec
17 moi que d'après le ton de cette lettre, nous pourrions conclure qu'une
18 relation de confiance était établie avec cette psychiatre femme?
19 Réponse: Bien sûr. C'est la raison pour laquelle il l'a lui a envoyée,
20 parce qu'elle était le directeur de thèse du Dr Simic qui était un médecin
21 en spécialisation en psychiatrie, et c'est elle qui s'occupait de la suite
22 de ses études.
23 Question: Je pense que vous étiez tout à fait franc au début de votre
24 témoignage lorsque vous aviez dit ne pas avoir de souvenir particulier de
25 Mitar Vasiljevic. Tout ce que vous nous avez dit se fondait sur votre
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1 examen de documents écrits, n'est-ce pas?
2 Réponse: Absolument exact, oui.
3 Question: Et vous nous avez dit qu'il était important de conserver des
4 documents très détaillés, notamment lorsque vous travaillez avec quelqu'un
5 qui est votre subordonné sur le plan professionnel, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui, c'est absolument exact, parce que je suis aussi expert en
7 médecine légale.
8 M. Groome (interprétation): Maintenant, on vous a demandé de formuler des
9 conclusions s'agissant de votre expérience ou de vos connaissance en
10 psychologie légale, et vous avez dit que vous ne croyiez pas que M.
11 Vasiljevic avait une compétence mentale totale sur le plan juridique
12 pendant la période où il était alité dans votre hôpital.
13 Ce que je souhaite vous demander, c'est la chose suivante: considérez-vous
14 que toute personne correspondant à un diagnostic de 298.9 devrait être
15 considérée comme irresponsable sur le plan juridique, d'après votre
16 expérience?
17 M. Martinovic (interprétation): Je vous prie de… Je prie cet auguste
18 Tribunal de m'excuser, mais je dois dire que je n'ai parlé que des bases
19 de la médecine légale en psychiatrie. La responsabilité est déterminée par
20 rapport à un crime pratique au moment où un crime est commis, c'est-à-dire
21 où un acte particulier est commis, la responsabilité, la capacité mentale
22 doit être évaluée. Donc ce n'est pas d'une capacité ou d'une
23 responsabilité générale que je parlais, pas plus que d'une
24 irresponsabilité ou d'une incompétence générale.
25 Mais j'aimerais vous donner un exemple: si quelqu'un souffre de
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1 schizophrénie, par exemple, et commet un crime dans le cadre de cette
2 maladie -il pense, par exemple, que son chef lui a nui et il tue son
3 chef-, ceci est un acte totalement irresponsable. Mais si le même patient
4 schizophrène va faire un cambriolage à la banque et prend de l'argent,
5 alors il est responsable. Le même patient peut faire, peut commettre deux
6 actes différents.
7 Donc lorsque vous me demandez s'il était responsable lorsqu'il était à
8 l'hôpital, puisque nous parlons de cela, nous devons dire ce qu'il a fait
9 pendant le temps de son traitement et rien d'autre. Il n'est pas poursuivi
10 par le Tribunal pour cette raison ou pour cette période. Donc la seule
11 chose que je peux dire –et c'est une hypothèse, donc je le dis sur le mode
12 conditionnel-, c'est qu'il était agité, par exemple, et que s'il avait
13 frappé quelqu'un et qu'il l'avait tué dans cet état d'agitation, il aurait
14 été irresponsable sur le plan juridique. C'est de cette façon que nous
15 parlons de responsabilité et de compétence à agir.
16 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je vous propose de
17 demander, de poser des questions au médecin sur des faits plutôt que sur
18 des hypothèses, c'est-à-dire sur les faits survenus le 14 du mois dont
19 nous parlons; je pense que c'était donc dix jours avant son entrée à
20 l'hôpital.
21 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président. En ce moment,
22 j'essaie d'explorer les bases des conclusions tirées par le médecin.
23 M. le Président (interprétation): Le médecin a parlé de responsabilité
24 dans le cadre du fait que nous savons que certains actes ont été commis et
25 que ces actes sont retenus par le Tribunal contre M. Vasiljevic, mais ce
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1 sont deux sujets tout à fait différents. Il n'a pas parlé de détermination
2 de la responsabilité par rapport à des actes particuliers, et notamment
3 par rapport à ceux qui sont allégués contre M. Vasiljevic dans l'Acte
4 d'accusation.
5 J'aimerais entendre ce que le médecin a à dire au sujet des actes allégués
6 dans l'Acte d'accusation.
7 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il remonte aussi loin
9 que l'incident des tirs mais c'est une autre question, et je suppose que
10 nous aurons à l'explorer à un autre moment.
11 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Docteur, compte tenu du fait que vous avez eu les dossiers médicaux sous
13 les yeux, pouvez-vous nous donner votre idée ou votre avis au sujet d'un
14 événement qui peut être survenu le 14 juin?
15 M. Martinovic (interprétation): Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là?
16 Je n'ai aucune information au sujet de ce qui s'est passé le 14 juin.
17 C'était un mois avant les troubles médicaux dont le patient souffrait,
18 avant l'hospitalisation.
19 Question: Ma question était: pouvez-vous, grâce à votre évaluation des
20 dossiers médicaux que vous avez examinés, nous donner un avis au sujet
21 d'un événement qui se serait produit un mois avant, c'est-à-dire le 14
22 juin?
23 Réponse: L'information fournie par l'épouse dans l'anamnèse indique que
24 c'était un homme qui souffrait d'un comportement un peu perturbé. Si je me
25 souviens bien, elle a dit qu'il était nerveux, qu'il restait au travail
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1 plus longtemps que nécessaire, qu'il ne pouvait pas rester en place. Il
2 était agité, il ne cessait d'aller et de venir, de sortir pour aller
3 quelque part. Il était hyperactif, et d'après notre jargon psychiatrique
4 il ne pouvait pas rester en place.
5 Mais reconstruire sa situation psychologique et son état pendant un
6 événement particulier -et je suppose qu'il s'agit d'un crime qui se serait
7 produit à l'époque dont vous parlez- serait quelque chose de tout à fait
8 hypothétique. Je ne pense pas que je pourrais le faire, et je ne pense pas
9 d'ailleurs qu'un quelconque expert pourrait supposer ce qui s'est passé à
10 un moment particulier dans le passé. C'est seulement s'il y avait des
11 témoins qui pouvaient parler de son comportement à l'époque que cela
12 pourrait être significatif. A ce moment-là, nous pourrions reconstituer.
13 Mais dans une situation différente, il serait difficile de parler de cela
14 puisque cela s'est passé un mois avant.
15 Mais je vais vous dire quelque chose d'assez général: les psychoses
16 -comment est-ce que je pourrais dire ça?- ne sont pas comparables à un
17 coup de tonnerre ou à un éclair dans le ciel; ce ne sont pas des choses
18 qui surviennent de façon complètement subite. Il y a toujours quelque
19 chose dans le passé du patient -donc qui remonte à un mois, deux mois ou
20 avant-, qui explique la survenue de la psychose. C'est quelque chose qui,
21 peut-être, n'a pas été remarqué par les membres de sa famille ou même par
22 les médecins qui l'ont vu en orthopédie alors qu'il avait un comportement
23 tout à fait étonnant et bruyant. Les médecins ne se sont pas rendu compte
24 immédiatement que cela pouvait un trouble psychiatrique. Ils ont
25 simplement appelé le psychiatre en consultation lorsque cette agitation a
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1 atteint un summum.
2 Il est donc difficile pour moi de supposer, de faire des suppositions,
3 donc de parler dans le domaine des hypothèses si je ne sais pas ce qui
4 vous intéresse en particulier. Je ne peux pas parler simplement en termes
5 généraux sur la base de tels signes pour déterminer ce qui s'est passé un
6 mois ou deux avant. Mais les psychoses, la psychose s'est manifestée
7 effectivement lorsque le patient a été hospitalisé, ce qui peut être
8 intéressant.
9 Question: Vous dites qu'il a dû y avoir des signes préliminaires. C'est
10 quelque chose de tout à fait différent que le fait de dire que quelqu'un
11 est perturbé et qu'il était responsable, n'est-ce pas?
12 Réponse: Absolument.
13 Question: Ce serait peut-être plus, cela correspondrait peut-être
14 davantage à quelqu'un qui aurait une maladie physique? Dans le cas d'une
15 maladie physique, la maladie n'est pas complètement encore présente un
16 mois ou deux mois avant, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui, oui. La responsabilité est tout à fait différente au moment
18 des prémisses de la maladie et au moment de la crise psychotique. Donc il
19 faut bien tenir compte du moment et du lieu où le crime s'est produit.
20 Question: Ce que je souhaite vous demander maintenant concerne le
21 diagnostic 298.9. D'après ce que j'ai compris, vous nous avez dit que
22 c'était un groupe de diagnostics assez vaste comprenant un certain nombre
23 de psychoses indéterminées, n'est-ce pas?
24 Réponse: Absolument, en effet.
25 Question: Et le simple fait que quelqu'un ait été considéré comme entrant
Page 3520
1 dans ce type de cas ne signifie pas que toutes ces personnes sont
2 irresponsables sur le plan juridique, n'est-ce pas?
3 Réponse: Absolument, c'est exact. L'irresponsabilité légale est liée à la
4 réalité du crime commis, directement lié au crime.
5 Question: Vous avez lu la feuille de médicaments et vous avez donc vu
6 quels sont les médicaments qui ont été administrés à M. Vasiljevic. Ce
7 genre de médicaments n'indique pas qu'il avait une irresponsabilité
8 légale, n'est-ce pas?
9 Réponse: Non.
10 Question: J'aimerais maintenant vous poser plusieurs questions au sujet de
11 la lettre que vous avez lue: tout ce récit au sujet des bonbons et s'il
12 était bien ou mal de faire ceci ou cela, de prendre ces bonbons, sur la
13 base de la confiance, sans les payer. Conviendriez-vous avec moi que cette
14 lettre écrite le 13 juillet indique encore que M. Vasiljevic, malgré le
15 trouble psychique dont il souffrait, était capable de distinguer entre le
16 bien et le mal? Conviendriez-vous que c'était bien le cas?
17 Réponse: Vous savez, si vous m'interrogez au sujet de son comportement
18 moral, nous, les psychiatres, ne jugeons pas de ce genre de choses. Nous
19 ne déterminons pas si les gens connaissent la différence entre le bien et
20 le mal.
21 Mais si vous m'interrogez au sujet du fait qu'il savait que quelque chose
22 ne se fait pas, que l'on ne prend pas quelque chose dans un magasin sans
23 payer, il est certain qu'il le savait, même dans son état psychotique et
24 il le dit, d'ailleurs. Mais sa façon de communiquer avec le vendeur et son
25 comportement indiquent qu'il souffrait de certains troubles.
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1 Tout le monde sait qu'il ne faut pas voler, qu'il ne faut pas prendre
2 quelque chose sans le payer. Donc il dit: "Je ne dois pas voler. Il ne
3 faut pas prendre quelque chose à quelqu'un." Il dit: "Je ne vais pas
4 prendre ceci sans vous donner de l'argent en retour et vous devez me faire
5 confiance. Je paierai plus tard." Il souhaite que le vendeur croie en son
6 honnêteté.
7 Question: Mais sur le plan cognitif, il savait que prendre des bonbons
8 sans les payer était un acte fautif, n'est-ce pas?
9 Réponse: Absolument exact. Il sait qu'il ne doit pas agir de cette façon.
10 Et pourquoi il commence à se justifier? C'est ce besoin de justification
11 qui le pousse à parler d'argent, de confiance et de manifestation de la
12 confiance. Mais c'est un comportement tout à fait inadapté, indépendamment
13 du fait qu'il savait que la chose ne devait pas être faite.
14 Question: Et il y a un autre aspect dans cette lettre, c'est-à-dire la
15 discussion au sujet des troubles physiques, de ses sensations. Il présente
16 une demande de traitement. Conviendriez-vous avec moi que ceci montre que
17 le 13 juillet, il était encore capable d'avoir des intentions et d'agir
18 délibérément? Il était capable d'avoir l'intention de faire quelque chose
19 et d'agir conformément à cette intention?
20 Réponse: Absolument, mais son intention ne se justifiait pas de façon
21 générale puisqu'il disait que si elle n'était pas acceptée, il ferait une
22 grève de la faim. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui est hospitalisé pour
23 subir un traitement et qui dit à son médecin: "Eh bien, si vous ne voulez
24 pas me traiter, je fais une grève de la faim"? C'est absolument inadapté,
25 comme comportement; cela indique l'existence d'un trouble.
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1 Question: Je crois que lorsque vous avez décrit cette lettre, vous avez
2 utilisé le mot, les termes: "il était tout à fait réaliste. Qu'il ait
3 écrit cette lettre a indiqué qu'il était conscient de la réalité". C'est
4 bien cela?
5 Réponse: Eh bien, vous savez, dans l'état dans lequel il était à l'époque
6 où il a écrit cette lettre, il revenait peu à peu à la réalité. Mais je
7 suis certain que dans les six ou sept premiers jours de traitement, alors
8 qu'il recevait de très nombreux médicaments, il était totalement hors de
9 la réalité. Maintenant, si vous voulez que j'explique ce que cela signifie
10 d'être en-dehors de la réalité, je peux le faire.
11 Mais au fur et à mesure que son état s'est amélioré, il est allé chercher
12 ses bonbons, par exemple. Mais très manifestement, il revenait peu à peu à
13 la réalité mais n'était pas encore suffisamment dans la réalité. Son
14 explication de ses motivations n'est pas réaliste. Il dit d'abord qu'il
15 voulait que le vendeur lui fasse confiance, qu'il rapporterait l'argent.
16 La vendeuse ou le vendeur a probablement répondu: "Eh bien, il faut que
17 vous payiez". Il s'est donc fâché. Et dans la deuxième partie de sa
18 lettre, il formule des menaces en disant qu'il fera une grève de la faim
19 si son avis n'est pas respecté. Donc il est partiellement dans la réalité,
20 partiellement en-dehors de la réalité.
21 Si nous voulons illustrer ceci, je pense qu'il montrait encore des signes
22 de perturbation du comportement et que ceci se voit au contenu de la
23 lettre.
24 Question: Docteur, conviendriez-vous avec moi que dans les dossiers que
25 vous avez examinés et que nous avons vus également, aucun des médecins n'a
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1 dit qu'il était en-dehors de la réalité? Ils le décrivent comme agité,
2 chantant, parlant de façon incohérente, mais aucune des conclusions des
3 médecins ne consiste à dire qu'il était en-dehors de la réalité, dans ces
4 documents écrits, n'est-ce pas?
5 Réponse: Absolument. Nous ne l'avons pas écrit dans l'anamnèse. J'ai
6 utilisé les termes "en-dehors de la réalité" pour aider le Tribunal à
7 comprendre ce qu'est un état de psychose. C'est mon explication et c'est
8 une explication générale, de tout psychiatre, pour expliquer la psychose,
9 la perte de contact avec la réalité.
10 Vous constaterez dans tous les documents et textes psychiatriques que
11 c'est ce que l'on peut lire. On ne le voit pas simplement dans les
12 anamnèses, ce n'est pas écrit dans les anamnèses parce que cela ne fait
13 pas partie des conclusions objectives d'un psychiatre. C'est simplement un
14 aspect général de la description, disons, pratique de la psychose, cette
15 perte de lien avec la réalité.
16 Question: Docteur, je souhaiterais vous demander si les psychoses
17 indéterminées sont liées à une hospitalisation. Par exemple, une personne
18 qui n'est pas habituée à se trouver enfermée dans un lieu ne peut-elle pas
19 développer une telle psychose? Si une personne se trouve longtemps dans un
20 endroit de ce genre, par exemple?
21 Réponse: Bien entendu, c'est un phénomène très connu des prisons, par
22 exemple, les psychoses des prisons qui sont des crises psychotiques. Mais
23 si vous m'interrogez au sujet de Mitar, il n'était pas en prison. Le
24 département d'un hôpital n'est pas un lieu fermé, ce n'est pas une prison.
25 Il y a d'autres patients qui communiquent et qui ont confiance dans les
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1 hôpitaux. Il savait qu'il était à l'hôpital; peut-être ne le savait-il pas
2 pendant les cinq ou six premiers jours mais ensuite, oui. Mais si vous
3 m'interrogez au sujet de Mitar, le fait de savoir s'il est tombé dans la
4 psychose parce qu'il était à l'hôpital, je pense que c'est absolument
5 impossible. Nous n'avons rien dans l'anamnèse qui le dise, ou qui dise
6 qu'il est tenu psychotique à partir de son entrée à l'hôpital.
7 Un hôpital et une prison, ce n'est pas la même chose, donc je ne crois pas
8 être en accord avec vous. En prison, nous avons ce que l'on appelle les
9 psychoses pénales qui sont un type de maladie bien connue, mais dans ce
10 cas-ci il ne s'agit pas d'une prison. La psychose ne peut pas se déclarer
11 à l'hôpital ou dans un département orthopédique de l'hôpital. Il était en
12 orthopédie et il pouvait aller et venir librement. Il avait simplement une
13 jambe fracturée qui l'immobilisait pendant un certain temps. Dans notre
14 département, il ne pouvait pas sortir mais pouvait rentrer chez lui, tout
15 de même, quand il le souhaitait.
16 Question: Eh bien, Docteur, changeriez-vous votre opinion si je devais
17 vous dire que sa jambe était en extension, qu'il ne pouvait pas quitter
18 son lit pendant plusieurs semaines? Est-ce que cela modifierait votre
19 opinion quant au confinement, le fait qu'il était immobilisé dans son lit?
20 Serait-ce un facteur qui aurait pu contribuer quant à l'apparition de la
21 psychose qui a été constatée lorsqu'il était dans votre département? Et
22 j'associerai cela également au fait que nous avons entendu des témoins qui
23 ont dit que d'autres patients se moquaient régulièrement de lui, y compris
24 d'ailleurs des membres du personnel éventuellement, quant à la nature de
25 sa blessure. Est-ce que cela aurait pu contribuer à l'apparition de cette
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1 psychose?
2 Réponse: Je dois revenir à votre première question.
3 J'ai compris que vous nous disiez que cette psychose aurait pu apparaître
4 parce qu'il était dans un espace confiné avec une certaine restriction de
5 sa mobilité. J'ai comparé cela à la psychose pénale, mais vous me demandez
6 si cela aurait pu entraîner ou activer la psychose.
7 Dans ce cas c'est possible, et je vais vous expliquer pourquoi. Je pars
8 d'informations très réduites fournies par sa femme quant à son état
9 d'hyperactivité et au fait qu'il présentait des signes de ce qu'on aurait
10 pu appeler une situation maniaque, comme cela s'est vu au moment où sa
11 jambe était en extension, où il était obligé d'être immobilisé.
12 Psychologiquement et psychiatriquement, il était perturbé et physiquement
13 il était, malgré son hyperactivité antérieure, son accélération de débit
14 de paroles, etc., obligé d'être immobilisé, alors que chez lui tous les
15 signes étaient hyper activés. L'insomnie s'est déclarée également, et le
16 fait qu'il ait été attaché a peut-être contribué à l'apparition de cette
17 psychose, c'est absolument possible. C'est extrêmement possible, même.
18 Question: Quand vous dites qu'il a été transféré en psychiatrie, bien sûr,
19 à son arrivée en psychiatrie il a subi un examen, n'est-ce pas, un examen
20 médical?
21 Réponse: Absolument.
22 Question: Pouvez-vous nous dire quelle était la batterie de tests
23 psychologiques standard qui était administrés aux patients admis dans
24 votre département en 1992?
25 Réponse: Eh bien, les tests standard n'existent pas dans un examen
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1 psychiatrique objectif. Si la nécessité de tels tests se présente, nous
2 envoyons le patient chez un psychologue qui les réalise. Pour nous, pour
3 obtenir un diagnostic initial et déclarer l'hospitalisation et la
4 nécessité d'un traitement dans un département de psychiatrie, un examen
5 psychiatrique suffit. Les tests psychologiques ne sont pas nécessaires.
6 Ils sont réalisés si le médecin les estime, les juge nécessaires par la
7 suite.
8 Mais le personnel du département d'orthopédie nous a informé qu'il
9 estimait que ce patient souffrait d'une maladie psychiatrique parce qu'il
10 criait, jurait, était très agité, refusait de prendre ses médicaments. Il
11 présentait donc des signes significatifs, et ensuite il créait un chaos
12 total dans le département d'orthopédie. C'étaient les premières
13 informations reçues.
14 Ensuite, s'agissant de l'aspect psychiatrique, le psychiatre a vu le
15 patient. Il l'a considéré comme agité, comme ne répondant pas correctement
16 à certaines questions. Ce genre de questions sont assez peu nombreuses. Je
17 ne vais pas vous ennuyer en vous les citant toutes mais nous apprécions la
18 voix, la façon de répondre, nous posons un certain nombre de questions et
19 c'est sur la base des réponses fournies que nous établissons un
20 diagnostic. Le médecin donc réalise un examen psychiatrique, prononce son
21 diagnostic et décide si l'hospitalisation dans le département de
22 psychiatrie est nécessaire.
23 J'ai toujours pensé que, dans le cas de certains problèmes physiques,
24 comme par exemple une fracture et le fait d'être attaché, si le patient
25 présente des signes psychotiques, je dis en général: "Envoyez-le nous" et
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1 nous lui donnons une thérapie psychiatrique. J'insiste toujours là-dessus.
2 Si un patient présente des symptômes psychotiques, il doit être transféré
3 en psychiatrie car il a moins de chances, à cet endroit, de blesser, de se
4 blesser ou de faire du mal à qui que ce soit ou de se jeter par la
5 fenêtre. Je connais des cas qui se sont produits, des cas de ce genre, des
6 gens qui ont sauté par la fenêtre, et ce sont des cas tout à fait
7 dramatiques.
8 Question: Mais ce diagnostic initial fondé sur ces questions est-il
9 enregistré quelque part dans l'anamnèse ou quelque part d'autre?
10 Réponse: Vous voulez dire: le médecin qui l'a déclaré malade avant son
11 hospitalisation en psychiatrie?
12 Question: Eh bien...
13 M. le Président (interprétation): Suspension jusqu'à 11 heures 30.
14 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, à vous.
16 M. Groome (interprétation): Docteur, nous pouvons maintenant reprendre là
17 où nous nous étions arrêtés. Nous étions en train de parler du diagnostic
18 initial et je voudrais savoir ce qui suit: ne faudrait-il pas disposer
19 d'un diagnostic provisoire, s'agissant d'un patient, avant de décider des
20 médicaments ou de la thérapeutique à administrer à ce patient?
21 M. Martinovic (interprétation): La pratique en matière de traitement
22 psychiatrique consiste notamment en la nécessité de tenir compte du
23 diagnostic mais ce qui importe le plus, c'est l'approche liée au syndrome,
24 à savoir: si le patient est dans un état agité, on lui donne un
25 médicament, s'il s'agit de la schizophrénie, de la dépression maniaque ou
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1 d'une autre maladie.
2 Ce que je veux donc dire, c'est que c'est des symptômes que dépend le
3 médicament qu'on va lui prescrire. Mais l'essentiel est d'éliminer le
4 symptôme. Si quelqu'un a des hallucinations, il reçoit un médicament
5 approprié. Si quelqu'un est agité, il reçoit un médicament pour
6 l'agitation. Donc le diagnostic est important, évidemment, pour la
7 vérification de ce qu'est la maladie et du cours suivi par la
8 thérapeutique par la suite. J'espère que les choses sont claires.
9 Mais au début, ce qui importe, ce n'est pas le diagnostic, ce sont les
10 symptômes relevés.
11 Question: Est-il usuel... Au fait, nous savons que le diagnostic de sortie
12 était 298.9, et nous savons qu'il s'agit d'un ensemble de psychoses non
13 déterminées. Mais je voudrais savoir s'il est habituel de laisser sortir
14 des patients du département alors qu'ils appartiennent à cette
15 classification des psychoses non habituelles?
16 Réponse: Oui, cela arrive très souvent. J'ai dit, dès le début de mon
17 témoignage, qu'en matière de psychiatrie le diagnostic est établi dans une
18 espèce d'intervalle temporel en continuité. Cela peut donc à l'hôpital
19 être du 298.9, mais un mois après cela peut être 295.0, ce qui est une
20 schizophrénie ou un état de psychose maniaque. Donc, en psychiatrie, ce
21 n'est pas comme dans le cas des maladies somatiques où il est difficile de
22 déterminer un diagnostic.
23 C'est dans la continuité temporelle, c'est-à-dire dans le cours horizontal
24 de l'évolution des troubles, que sont déterminés des diagnostics, et cela
25 peut se faire au bout de quelques mois seulement. Il n'est pas obligatoire
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1 de le déterminer dès le départ. C'est la raison pour laquelle il y a une
2 espèce de panier général où l'on place toutes les psychoses, sans pour
3 autant savoir exactement de laquelle il s'agit au juste.
4 Et comme je l'ai dit, chez nous, la pratique est de ne pas déterminer le
5 diagnostic dès le départ; ce serait un vice de la profession, de ma part,
6 un défaut de la profession. Mais c'est au bout d'un temps déterminé qui
7 s'est écoulé que l'on est en mesure de préciser le diagnostic et le
8 traitement.
9 Question: Maintenant, Docteur, après le premier examen de ce patient par
10 l'un quelconque des médecins de votre département, est-ce qu'il y a un
11 protocole des examens, des visites et des appréciations à faire dans la
12 continuité, par la suite?
13 Réponse: Dans ce cas-ci, c'est un médecin en cours de spécialisation qui a
14 admis le patient, qui l'a examiné, qui a fixé un diagnostic initial et qui
15 a prévu une thérapeutique donnée. Mais étant donné qu'il était en train
16 d'apprendre, c'est-à-dire de se spécialiser, il devait consulter son
17 tuteur, son directeur de thèse -la doctoresse Slavica Jevtovic- afin que,
18 ensemble, ils explorent la maladie et qu'ensemble ils déterminent un
19 diagnostic de départ qui n'est peut-être pas à 100 % exact.
20 Dans ce cas-là, le patient a été lié, attaché, il avait reçu une énorme
21 quantité de médicaments et, au cours des six à sept premiers jours, il
22 n'était pas, il ne se prêtait pas à ces explorations-là. Il n'y a pas de
23 communication verbale. Elle existe, certes, mais elle est plutôt
24 restreinte. Et je crois qu'au cours de ces six à sept premiers jours, il
25 n'a pas été possible d'explorer la maladie, si ce n'est les manifestations
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1 extérieures de celle-ci, à savoir l'agitation, le trouble, etc..
2 On voit que le premier cursus, le premier examen de contrôle qui s'est
3 fait au bout de cinq à six jours, et on voit dans l'historique de la
4 maladie que l'on dit que le patient s'est calmé, s'est apaisé. Cela ne
5 signifie pas que la psychose ait disparu; il se peut même qu'il y ait même
6 des aggravations survenues entre-temps.
7 Par la suite, la procédure exige que, avec son directeur de thèse, ce
8 médecin en cours de spécialisation établisse un diagnostic définitif -à
9 savoir, ici, 298.9-, et qu'il consulte son tuteur pour la thérapeutique.
10 Mais je pense que ce patient-ci venait d'une zone d'opérations de combats,
11 donc opérations de guerre. Je ne sais pas exactement ce qu'il faisait au
12 juste là-bas. Donc il s'agit de déterminer tout cela avec le tuteur, le
13 directeur de thèse et le directeur du département, le chef du département.
14 Ce n'est pas si usuel mais quand cela est indispensable, on fait
15 participer toute une équipe, toute l'équipe en place d'un département
16 quand il y a des cas, par exemple, de nature plutôt compliquée.
17 Mais pour ce qui est de la routine, je pense qu'il suffit de consulter le
18 médecin traitant et le médecin qui est le directeur de thèse de celui-ci.
19 Par la suite, le malade est dirigé vers des soins de nature occasionnelle
20 en infirmerie.
21 Question: Docteur, ce que je voudrais vous poser, c'est la question
22 suivante: y a-t-il des consultations où l'on discute de chaque patient en
23 particulier et, si c'est le cas, combien de fois cela se passe-t-il,
24 disons, par semaine? Une fois par semaine? A quelle fréquence?
25 Réponse: Eh bien, les consultations, dans le cas où les choses ne sont pas
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1 claires, ces consultations sont fixées pour chaque patient selon la
2 nécessité. En pratique, je crois que cela se réduisait à une fois ou deux
3 fois par semaine pour la cinquantaine de patients que nous avions. Parce
4 que la plupart de ces patients étaient des cas tout à fait clairs: il
5 s'agissait plutôt de récidivistes, des patients que nous traitions depuis
6 des années, pour lesquels nous savions dès leur accès au seuil de la porte
7 de quoi il s'agissait, pourquoi ils étaient venus. Il y a des cas limites
8 entre les psychoses, les neuroses où le diagnostic n'est pas tout à fait
9 très clair.
10 Et dans le cas concret, pour ce qui est de ce Mitar, le diagnostic avait
11 été aisé. Il n'avait pas été nécessaire de consulter l'équipe tout
12 entière. Donc le médecin traitant et son directeur de thèse s'en étaient
13 occupés. Il a probablement été vu par le chef du département et d'autres
14 médecins qui effectuent les visites quotidiennement, pour lui et pour
15 d'autres.
16 Question: Docteur, dites-nous, je vous prie, quels sont les symptômes du
17 delirium tremens?
18 Réponse: Je crois que j'ai résolu au moins un millier de cas de delirium
19 tremens. Chez nous, c'est un des cas fréquents. Ce sont des régions où
20 l'on boit beaucoup de "Slivovits", d'eau-de-vie, et notamment dans la
21 période où l'on fait l'eau-de-vie, où l'on fabrique l'eau-de-vie. Et je
22 suis très au courant des symptômes. Si vous le voulez, je peux vous en
23 parler.
24 Question: Oui, s'il vous plaît, parlez-nous un peu de ces symptômes du
25 delirium tremens.
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1 Réponse: Le delirium tremens est une maladie mentale de courte durée qui
2 est due exclusivement à l'alcoolisme. Cela consiste en ce qui suit:
3 d'abord, le plus souvent chez les patients, apparaissaient l'insomnie, la
4 peur et des hallucinations. Les hallucinations sont très caractéristiques,
5 très typiques et cela fait partie des hallucinations optiques, visuelles.
6 On voit par exemple, ils voient très souvent des fourmis, des vers, des
7 mouches dont ils essaient de se défendre en battant des mains, des bras.
8 Ils demandent l'aide pour que l'on vienne les aider à se débarrasser de
9 ces petites bêtes. Il y a eu une sorte de désorientation dans le temps et
10 dans l'espace.
11 Ils ne savent ni où ils sont ni l'heure qu'il est, mais à l'égard des
12 autres personnes ils sont également souvent désorientés. Ils ne savent
13 pas, par exemple, qu'ils se trouvent à l'hôpital et ils ne savent pas
14 pourquoi ils sont là, ils ne savent pas ce qui leur est arrivé. Donc ils
15 ont une perte de contact absolue avec la réalité. Si cela vous intéresse,
16 vous pouvez leur donner des suggestions de façon inimaginable. Par
17 exemple, vous leur donnez une feuille de papier vierge et vous leur
18 demander de lire. Eh bien, ils vont lire à partir de cette feuille de
19 papier vierge. Ils sont très agités, et très souvent il faut leur
20 administrer des médicaments de manière intraveineuse. Et Dieu merci, à
21 présent il y a un médicament –l'Heminervin- qui, en un jour ou deux,
22 élimine la psychose. Aujourd'hui ce n'est donc plus un problème. Mais
23 c'est une psychose très spécifique. Et il y a ce que l'on appelle le
24 Tremor, c'est-à-dire un tremblement généralisé, notamment au niveau des
25 mains, et là la situation risque d'être très dangereuse; dans un certain
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1 pourcentage des cas, il y a même possibilité de décès.
2 Avec les nouveaux médicaments qui ont été inventés, une journée ou deux
3 suffisent pour que le patient se remette et que l'on évite une issue
4 fatale.
5 Question: Partant de votre description du delirium tremens, il semblerait
6 qu'à un degré déterminé, ces symptômes-là coïncident avec les symptômes
7 des psychose que vous avez décrits pour ce qui est de M. Vasiljevic,
8 n'est-ce pas?
9 Réponse: Absolument. Mais la différence est tout de même grande.
10 Question: Et comment caractériseriez-vous la différence?
11 Réponse: S'agissant de Vasiljevic, il n'y avait pas eu le Tremor, à savoir
12 il n'y a pas eu de tremblements au niveau du corps, il n'y a pas eu de
13 sudation. Il n'y a pas eu d'hallucinations qui sont typiques pour le
14 delirium tremens. Voilà, ce serait suffisant pour moi, et je me
15 permettrais de dire qu'il ne s'agit pas du delirium tremens. C'est une
16 psychose aiguë mais ce qui est commun, c'est une perte d'orientation.
17 Vasiljevic ne savait pas où il se trouvait, il ne savait pas qui se
18 trouvait autour de lui. Il ne savait même pas où il était. La
19 communication verbale...
20 Question: Docteur, votre opinion ou les conclusions que vous venez
21 d'énoncer seraient-elles modifiées si vous saviez qu'avant cette
22 hospitalisation-là M. Vasiljevic, à plusieurs autres reprises, avait été
23 soigné en neuropsychiatrie pour des cas de delirium tremens? Et justement,
24 avant cette hospitalisation il avait précisément consommé une grande
25 quantité d'alcool. Est-ce que cela modifierait vos conclusions? Et est-ce
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1 que, en partie au moins, les symptômes pourraient être attribués au
2 delirium tremens?
3 Réponse: Cela est si différent qu'il n'y a aucune possibilité d'erreur,
4 pour que l'on mette par exemple au lieu de delirium tremens une psychose
5 aiguë. Une preuve à l'appui, la liste des températures: par exemple, pour
6 le delirium tremens on administre l'Heminervin de façon intraveineuse.
7 Mais maintenant, pour Vasiljevic, au contraire, on a administré des
8 neuroleptiques très puissants pour des neuro-psychoses et non pas pour le
9 delirium tremens.
10 Ce serait une erreur terrible si le médecin se trompait. Lui ou trois ou
11 quatre, si nous avions dit que c'était un delirium tremens, ce serait
12 impossible. Le delirium tremens est tellement typique, comme trouble.
13 C'est une chose qu'il est impossible de rater, de louper, pour ce qui est
14 du diagnostic. On peut se tromper sur pas mal de choses mais sur le
15 delirium tremens, absolument pas.
16 M. Groome (interprétation): Docteur, je vous remercie. Je n'ai plus de
17 questions.
18 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, avez-vous d'autres
19 questions complémentaires?
20 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
21 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Borislav
22 Martinovic, par Me Domazet.)
23 S'agissant de la dernière question qui vient de vous être posée par M.
24 Groome, et où vous aviez complètement rejeté la possibilité d'avoir eu un
25 delirium tremens, mais à votre avis, il s'agissait d'un cas classique de
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1 psychose, comme vous l'avez décrit. Est-ce que cela ne modifie pas la
2 partie de la réponse que vous aviez apportée, s'agissant de l'influence de
3 l'alcoolisme pour ce qui est de la survenue de psychoses, afin que nous
4 puissions tirer cet élément-là ou ce volet, ce segment au clair?
5 M. Martinovic (interprétation): S'agissant du premier volet, je l'ai déjà
6 dit. Maintenant, pour ce qui est de ce deuxième segment, j'ai déjà dit que
7 l'alcoolisme pouvait influer d'une certaine façon, qu'il pouvait
8 constituer le fondement de la création d'une psychose. Il y a une forte
9 possibilité qu'il ait été en phase positive, peut-être un mois avant
10 l'hospitalisation ou dans des cas extrêmes, et il vient se faire soigner
11 pour une fracture, c'est peut-être l'élément qui a déclenché des
12 psychoses, cette fracture. Donc, une blessure physique, une maladie
13 physique peut activer le delirium tremens ou des psychoses alcooliques.
14 Donc je maintiens ce que j'ai dit, à savoir que l'alcool a pu dans une
15 certaine mesure influer sur la survenue de la maladie, sur l'image qu'à
16 présentée la maladie.
17 Mais je réitère une fois de plus qu'une fois arrivé chez nous, il est tout
18 à fait exclu qu'il se soit agi du delirium tremens. Cela ne pouvait pas
19 l'être.
20 Question: Merci, Docteur Martinovic.
21 En répondant à l'une des questions de M. Groome concernant ce que le
22 médecin du département devait faire et avait probablement fait, à savoir
23 se renseigner entre autres sur la possibilité ou l'éventualité de
24 l'existence de maladies mentales dans la famille, de cas de suicide dans
25 la famille dans une phase antérieure, vous avez répondu que les questions
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1 portaient sur le fait de savoir si ces renseignements-là étaient fournis
2 par le patient lui-même ou par son épouse, et pour le médecin traitant
3 c'étaient deux possibilités de se procurer ce type-là d'informations,
4 n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Pour ce qui est du patient, dans notre cas, dans sa situation,
7 pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ses réponses, dans ce segment-là,
8 pouvaient être pertinentes à ce moment-là et en une phase ultérieure?
9 Réponse: Au cours des six ou sept premiers jours, il ne pouvait rien dire.
10 Je vous ai décrit sa situation: il était hors de la réalité, il ne savait
11 pas ce qu'il racontait, il ne savait pas ce que vous lui demandiez. Par la
12 suite, il avait pu le dire.
13 Mais je suis à 100% certain que le Dr Simic lui a posé la question parce
14 que, quand on leur apprend quelque chose, quand ils viennent se
15 spécialiser en la matière, ils posent la question à la famille et à
16 l'intéressé: s'il y a des maladies mentales dans la famille et s'il y a eu
17 des cas de suicide. Donc je suis à 100% sûr qu'il a dû lui poser la
18 question.
19 Maintenant, de là à savoir pourquoi il n'a pas inscrit cela, c'est que
20 probablement la réponse a été négative lors de l'entretien, soit au niveau
21 du patient, soit au niveau de sa femme. Mais il est peu probable, et je
22 l'ai dit tout à l'heure, dans notre région, le suicide est un fait, un
23 acte terrible, anathémisé par la religion… Vous n'ignorez pas la position
24 prise par la religion qui est la nôtre vis-à-vis de cet acte. Et vous
25 n'ignorez pas non plus que les désordres mentaux existent, et la religion
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1 les voit d'une certaine façon. Sa mère avait vécu en Bosnie et n'avait
2 jamais probablement eu l'opportunité de consulter un psychiatre, et on
3 sait comment elle a terminé sa vie.
4 Question: J'avais donc dit qu'il y avait également peut-être possibilité
5 de dissimuler ce fait-là de la part du patient. Cela aurait-il peut-être
6 influé sur la thérapeutique administrée, ou peut-être cela aurait-il fait
7 que son séjour à l'hôpital eût été plus long?
8 Mais il est évident que son épouse et lui-même avaient souhaité que ce
9 séjour soit le plus bref possible, raison pour laquelle elle a
10 probablement dû demander l'accord du médecin pour ce qui est de le laisser
11 sortir. Il m'était difficile d'en parler et je ne vais pas m'aventurer
12 davantage.
13 Maintenant, pour ce qui est de l'épouse, la seule question que nous
14 n'avons pas étudiée, c'est le fait de savoir si elle le savait parce que
15 ce suicide avait eu lieu beaucoup de temps avant qu'ils ne se soient
16 mariés eux-mêmes et, dans ce segment-là, je ne sais pas si elle avait pu
17 nous dire quoi que ce soit de concret.
18 Ce renseignement-là, vous n'en avez pas pris note et vous n'avez aucun
19 souvenir de l'avoir obtenu, éventuellement?
20 Réponse: Non.
21 Question: Si j'ai bien compris vos réponses aux questions qui vous ont été
22 posées, Docteur Martinovic, quand vous avez parlé de son degré de
23 responsabilité mentale pour la période dont il vous avait été possible de
24 parler, à savoir pour ce qui est de la période où il avait été traité,
25 vous avez parlé des délits éventuels et vous avez même donné un exemple:
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1 vous avez dit que si au cours de ce séjour il avait blessé quelqu'un ou
2 tué quelqu'un pendant son séjour là-bas, il n'aurait pas été tenu
3 responsable. Mais s'il avait cambriolé une caisse et s'il avait volé
4 l'argent, il aurait été tenu responsable. Mais d'une manière générale,
5 vous avez dit: "Je pense qu'il avait un degré de responsabilité mentale
6 diminuée". Est-ce que vous persistez à l'affirmer?
7 Réponse: Oui, absolument.
8 M. Domazet (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à
9 vous poser.
10 M. le Président (interprétation): Merci, Docteur, d'être venu témoigner
11 devant le Tribunal international. Vous pouvez disposer.
12 M. Martinovic (interprétation): Je vous remercie également.
13 (Le témoin, M. Borislav Martinovic, est reconduit hors du prétoire.)
14 (Le témoin, Mme Slavica Jevtovic, est introduit dans le prétoire.)
15 M. le Président (interprétation): Madame, je vous prie de lire la
16 déclaration solennelle qui vous est tendue par M. l'huissier.
17 Mme Jevtovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir.
20 Mme Jevtovic (interprétation): Merci.
21 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous.
22 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Slavica Jevtovic, par Me
23 Domazet.)
24 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
25 Madame Jevtovic, bonjour.
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1 Mme Jevtovic (interprétation): Bonjour.
2 Question: Madame Jevtovic, je vous interrogerai au nom de la défense et je
3 vous prierai, une fois que vous aurez entendu ma question, de patienter
4 quelque secondes avant que de commencer à répondre. Cela est dû au fait
5 que nous parlons la même langue et à la nécessité de faciliter la tâche
6 des interprètes qui traduisent mes questions et vos réponses. Vous avez
7 devant vous un moniteur sur lequel défile un compte rendu d'audience en
8 langue anglaise, et vous pouvez voir à quel moment la traduction de la
9 question et de la réponse sont terminées. C'est donc ce que je vous
10 demanderai de faire pendant tout notre entretien.
11 Donc pour commencer, je vous demanderai de décliner votre identité, votre
12 nom, prénom, votre date de naissance, votre lieu de naissance et votre
13 lieu de résidence.
14 Réponse: Je m'appelle Slavica Jevtovic. Je suis spécialiste
15 neuropsychiatre. Je vie à Uzice, je travaille à Uzice depuis 35 ans.
16 Je suis née à Osijek, en Croatie.
17 Question: Madame Jevtovic, vous travaillez à l'hôpital général d'Uzice?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Depuis quand travaillez-vous à Uzice même, dans cet hôpital?
20 Réponse: Je travaille à Uzice depuis juin 1966 sans interruption aucune,
21 et c'est depuis cette date-là que je réside à Uzice également.
22 Question: Vous nous avez dit quelle est votre profession: vous êtes
23 médecin neuropsychiatre. J'aimerais savoir dans quel département de
24 l'hôpital vous êtes employée et si, pendant tout ce temps-là, vous avez
25 travaillé au même département.
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1 Réponse: Exception faite d'une période de quelques mois de stage médical
2 que les jeunes médecins sont tenus de passer à divers départements, dans
3 divers départements, j'ai pratiquement passé 35 ans de service au service
4 de neuropsychiatrie. Et depuis une dizaine d'années, date à laquelle ces
5 deux services se sont scindés en deux, comme les chaires de neurologie et
6 la chaire de psychiatrie se sont scindées en deux, j'ai commencé il y a
7 une dizaine d'années à travailler au niveau de ce service, ou département
8 de psychiatrie.
9 Question: Etant donné que c'est l'année pertinente pour nous ici, je
10 voudrais savoir où vous travailliez en 1992.
11 Réponse: J'ai travaillé au service psychiatrique sans cesse à ce jour-là,
12 et ce depuis 1991, parce que c'est en 1991 que c'est devenu un département
13 de psychiatrie distinct.
14 Question: Pouvez-vous me dire si en cette année-là, en l'année 1992, vous
15 aviez des fonctions et quelles étaient-elles, quels étaient vos supérieurs
16 et quels étaient les médecins qui travaillaient avec vous?
17 Réponse: En 1992, j'étais médecin spécialiste, j'occupais le poste de
18 médecin spécialiste. Notre chef de secteur ou de département était
19 Borislav Martinovic. La collègue Radoslava Bukic était également
20 spécialiste neuropsychiatre et nous avions des médecins jeunes qui
21 n'avaient pas encore commencé leur formation spécialisée de façon
22 officielle. Ils étaient des médecins comme nous, disons, auxiliaires.
23 Il s'agit des docteurs Simic et de la doctoresse Perunicic.
24 Question: Docteur, est-ce que cela était suffisant pour ce qui est de
25 l'accomplissement des tâches nécessaires, compte tenu de l'organisation du
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1 département qui était le vôtre à l'époque?
2 Réponse: Eh bien, il est certain que cela n'était pas suffisant mais comme
3 je vous l'ai dit tout à l'heure, les services étaient scindés en deux et
4 les cadres spécialisés devaient eux aussi être répartis entre deux
5 services, entre deux départements. C'est la raison pour laquelle nous
6 avions embauché des jeunes médecins qui devaient, qui étaient censés
7 commencer, entamer une formation de spécialisation qu'ils ont accomplie
8 par la suite, mais en tout état de cause cela n'avait pas suffit pour, si
9 je puis m'exprimer ainsi, les maux qui nous sont tombés dessus par la
10 suite.
11 Nous avons eu un afflux très grand, très important de gens en provenance
12 de Bosnie pendant quelques années, et cela en sus du travail régulier et
13 normal. Nous avions une partie hospitalière de notre département qui
14 comportait 50 lits et nous avions des patients qui venaient nous voir tous
15 les jours. Nous avions en sus des services de permanence qu'il fallait
16 assumer 24 heures sur 24 au département.
17 Et c'est pour cette raison que nous avons dû, nous, médecins qui avions
18 terminé la neurologie et la psychiatrie, nous avons eu l'obligation et
19 jusqu'à il y a trois ans d'assurer la deuxième et la troisième relève pour
20 la psychiatrie et pour le service de neurologie, enfin pour les deux
21 services. Et puis ceci, en quelque sorte, multipliait nos devoirs, nos
22 obligations. Il était plus facile de suivre un patient que vous avez admis
23 plutôt qu'un autre patient que vous avez reçu en transfert en quelque
24 sorte, c'est-à-dire quelqu'un d'autre qui l'avait admis et nous autres
25 nous devions le suivre dans l'évolution de sa maladie.
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1 Question: Madame Jevtovic, vous venez de nous expliquer la situation de
2 ces jeunes médecins, Dr Simic, la doctoresse Prunicic. Ils étaient les
3 secondaires, les auxiliaires comme vous les appelés dans votre service.
4 Est-ce que ces docteurs-là avaient des patients dans le cadre du
5 département? Etaient-ils des médecins traitants dans le cadre du
6 département en question?
7 Réponse: Le département n'était pas encore divisé. Les jeunes médecins
8 admettaient régulièrement des patients mais ils étaient supervisés par
9 nous, plus anciens. Dans cette catégorie de médecins auxiliaires, tout
10 médecin supérieur, d'une ancienneté plus grande dans le service, reçoit
11 l'obligation de s'occuper donc de ces médecins auxiliaires, de les
12 seconder, les appuyer en ce qui concerne le diagnostic, la thérapeutique
13 ou par exemple le remplissage d'une fiche de sortie. Et puis, une fois
14 l'éducation obligatoire terminée, spécialisation terminée, chaque médecin
15 reçoit un tuteur, et un directeur de thèse qui est chargé de suivre
16 l'évolution de ce médecin, et puis il y a spécialisation, et à l'époque on
17 allait à Belgrade pour passer, pour faire ce stage de spécialisation, et
18 pour passer cet examen de spécialisation dans un secteur donné.
19 Question: Madame Jevtovic, qui était le tuteur ou le directeur de thèse de
20 M. Simic, à l'époque?
21 Réponse: C'était moi. Avant sa spécialisation et au cours de sa
22 spécialisation, j'étais son tuteur officiel ou son directeur de thèse
23 officiel.
24 Question: Vous venez de l'expliquer, en quelque sorte, dans votre réponse
25 précédente mais essayez de vous expliquer un peu plus en détail. Quels
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1 sont ces détails à propos desquels le Dr Simic a dû se consulter avec
2 vous? Comment se passait cette communication entre vous deux, lui médecin
3 auxiliaire et vous, directeur de thèse de ce jeune médecin?
4 Réponse: Il était tenu de m'informer de toutes les informations
5 pertinentes au sujet du patient, de s'entretenir avec le patient, de voir
6 cette documentation, de donner mon consentement en ce qui concerne la
7 thérapeutique, de comparer nos diagnostics, ce qu'il est convenu d'appeler
8 diagnostic différentiel, afin que cela soit conforme au patient mais aussi
9 à l'éducation, à sa spécialisation poursuivie.
10 Puis cela se faisait en quelque sorte sur une base quotidienne et puis,
11 lorsque cela se présente, nous nous consultons avec le chef du département
12 et nous présentons le cas en question au chef du département et nous
13 travaillons en équipe.
14 Question: En ce qui concerne ces visites, vous parlez de visites
15 quotidiennes. Est-ce que vous pourriez nous décrire à quel moment ces
16 visites sont effectuées, qui participe à ces tours, à ces visites
17 -"grandes visites", comme on les appelle dans les hôpitaux-, qui est celui
18 qui vient à côté voir, visiter le patient?
19 Réponse: Pas de problème. Ces visites sont obligatoires pour tous les
20 médecins du département, à l'exception du chef du département. Il y a donc
21 l'infirmière en chef, le thérapeute, le médecin traitant et, allant d'un
22 lit à l'autre, cette visite commence comme quelque chose qui se fait le
23 plus tôt le matin.
24 D'abord, nos patients doivent recevoir leur thérapie, mettons s'il s'agit
25 de médicaments qu'il faut prendre dans un cycle de 8 heures, enfin il faut
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1 anticiper cela et puis aussi, en ce qui concerne le petit déjeuner, donc
2 pour que ces patients puissent avoir leur petit déjeuner à temps. Les
3 repas viennent d'une cuisine centrale et nous souhaitions que nos patients
4 reçoivent leur petit déjeuner à temps. Nos malades ne sont pas des
5 malades, mettons, physiques mais nous voulions que nos patients reçoivent
6 le petit déjeuner à temps. Le repas du soir est administré, est distribué
7 à 18 heures. Et les neuroleptiques que nos patients reçoivent augmentent
8 leur appétit. Et puis , nous traitons des patients venant de toute la
9 région. Il n'y a pas de visiteurs, de visite de parents, de famille qui
10 pourraient leur apporter des repas en supplément. Oui, nous avons ces
11 heures de visite prévues pour le public, mais évidemment ce sont des
12 heures fixes. Evidemment, ceux qui venaient, les patients d'Uzice
13 pouvaient recevoir fréquemment les visites de leurs parents ou de leur
14 famille, mais peut-être pas les autres.
15 Avez-vous d'autres questions?
16 M. Domazet (interprétation): Vous-même et d'autres médecins, exception
17 faite du chef du département, vous visitiez donc quotidiennement chacun
18 des patients, y compris le médecin traitant? Est-ce que j'ai bien compris
19 votre réponse?
20 Mme Jevtovic (interprétation): Tout à fait. Lorsqu'il s'agit de ces
21 visites médicales on se met d'accord, on se consulte sur les examens
22 éventuels à faire. Par exemple, ces consultations, ces examens de
23 consultation sont inscrits par l'infirmière dans un livre de
24 consultations, un livre thérapeutique. Ces consultations seraient en fait
25 des entretiens très brefs, et puis il s'agit aussi de faire des
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1 observations du comportement du patient, possibilité de communication avec
2 nous.
3 Mais pour ce qui est des conversations sérieuses, on le fait à part, dans
4 la chambre dite "des médecins". Là, on échange des propos très
5 intéressants, des choses qui relèvent de notre discrétion médicale, qui ne
6 sont pas communiquées aux patients.
7 Je ne sais pas comment les laïcs s'imaginent un département de psychiatrie
8 neurologique. Nous, on a notre espace à part. Les patients se trouvent
9 dans cet espace, et là je parle de l'année 1992; il s'agissait d'une
10 baraque. Les chambres étaient très longues, un espace très long, très
11 étendu, et il y avait des chambres l'une à côté de l'autre. Et puis, là,
12 rien ne pouvait se passer sans être entendu par quelqu'un d'autre.
13 Par exemple, nos patients sont libres de se déplacer, donc la circulation
14 est libre. Et puis, même lorsqu'il s'agit de cette chambre de médecins,
15 est-ce que les patients y resteront plus ou moins longtemps? Cela dépend
16 du médecin lui-même, cela dépend de la longueur de son entretien anticipé.
17 Le problème principal, le symptôme principal de ces gens étaient la peur,
18 l'anxiété. Et puis, il y a des patients qui viennent et qui nous disent
19 tout simplement: "Nous avons besoin de vous parler". Là, on était sur
20 place pour les accueillir.
21 Et puis, l'équipe de thérapeutique est un principe qui est suivi en
22 psychiatrie. Et, évidemment, chaque patient, en fonction du niveau de sa
23 maladie, participe à différentes réunions, différentes sessions. Il y a
24 des jours où l'on se réunit tous ensemble, ainsi de suite.
25 M. le Président (interprétation): Je m'excuse, mais vous posez des
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1 problèmes aux interprètes. Essayez de parler un peu plus lentement.
2 Mme Jevtovic (interprétation): Je m'en excuse, vraiment.
3 M. Domazet (interprétation): Madame Jevtovic, vous venez d'entendre cette
4 objection, cette remarque faite par le Président de la Chambre.
5 Essayez, Madame, de vous concentrer un peu plus sur les questions que je
6 voudrais vous poser. Et je voudrais vous prier, par la suite, d'élucider
7 certaines choses très brièvement pour qu'il n'y ait pas ce genre de longue
8 réponse. Et je pense que nous allons pouvoir tirer au clair certains
9 points qui restent en suspens.
10 Si j'ai pu conclure, vous étiez, vous et les autres médecins, en contact
11 permanent avec les patients? Et puis, vous nous avez parlé de la
12 disposition des chambres qui faisaient partie, donc, de votre département
13 de neuropsychiatrie ou psychiatrie. Est-ce que je vous ai bien comprise?
14 Mme Jevtovic (interprétation): Je m'excuse d'avoir été un peu trop longue,
15 mais j'ai voulu vous communiquer une idée de ces contacts quotidiens qui
16 s'établissaient entre patients et personnel médical, pas seulement une
17 fois par jour mais plusieurs fois par jour, aussi brefs que ces contacts
18 aient pu être.
19 Question: A part la visite obligatoire avec les patients individuels,
20 pendant toute votre journée de travail, vous avez été tenus de vous
21 trouver sur place, personnel médical? Est-ce que c'est la conclusion que
22 l'on pourrait tirer de votre réponse?
23 Réponse: Oui. Tout à fait.
24 Question: Lorsque vous parlez de cette organisation -chambres pour les
25 malades, puis chambre des médecins, puis encore chambres pour les
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1 patients, pour les malades-, est-ce que cela veut dire que tout patient, à
2 tout moment, pouvait vous contacter, entrer en contact avec vous ou vice
3 et versa, que vous avez pu à tout moment contacter un patient donné?
4 Réponse: Tout à fait correct.
5 Question: Vous avez dit que vous, médecin, vous avez eu des entretiens
6 séparés avec les patients, donc sans la présence d'autres personnes,
7 lorsque vous l'estimiez nécessaire. Et lorsqu'il s'agit de ces jeunes
8 médecins, à l'instar du Dr Simic, est-ce que lui aussi menait ces
9 entretiens séparés ou est-ce que vous les meniez ensemble? Est-ce qu'il
10 les menait de son côté, vous de votre côté, notamment lorsqu'il s'agit de
11 votre qualité de tuteur ou de directeur de thèse en ce qui concerne ce
12 jeune médecin, en l'occurrence?
13 Réponse: En ce qui concerne les entretiens officiels, et puis nous en
14 prenons note et nous notons nos remarques et observations, enfin c'était…
15 ces entretiens avaient lieu dans ces chambres de médecins où… Enfin, ce ne
16 sont pas des pièces spéciales; on y mène donc des entretiens avec des
17 patients individuels, on y reçoit les membres de la famille des malades
18 afin d'obtenir les données, informations nécessaires, voulues, et puis
19 pour pouvoir continuer notre travail avec la famille. Vous ne pouvez pas
20 vous imaginer à quel point la famille, les conjoints, les enfants
21 sollicitent le médecin pour pouvoir poursuivre le traitement du malade, du
22 patient par la suite, et tout cela. Par la suite, tout cela se passe dans
23 ces chambres de médecins: toutes ces notes prises, le cursus qui y est
24 établi, ces consultations, examens supplémentaires…
25 A présent, par exemple, nous avons la possibilité de faire des
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1 encéphalographies. Et puis nous avons maintenant des ordinateurs, donc
2 nous sommes informatisés. Puis on a un scanner, et là on prend les
3 décisions sur la modification des thérapies, procédures et protocoles à
4 suivre dans le traitement et la guérison du malade en question.
5 Question: Madame Jevtovic, lorsqu'un patient est admis dans votre
6 département et lorsqu'il s'agit d'un patient que vous ne connaissiez pas
7 auparavant, donc qui vient être traité dans votre département, est-ce que
8 le médecin est tenu de noter, d'annoter tous les détails familiaux,
9 coordonnées familiales, anciennes maladies connues au sein de la famille,
10 enfin ce qui serait une anticipation pour le traitement à administrer au
11 malade en question?
12 Réponse: La procédure protocolaire veut que l'on rassemble le plus grand
13 nombre possible de données et, comme vous venez de le dire, s'il s'agit
14 surtout d'un nouveau patient, donc nouvellement admis dans le département,
15 et tout cela dans la mesure du possible. Si on peut recueillir ces
16 informations, s'il y a un membre de la famille présent ou accompagnant le
17 patient en question -ce qui arrive souvent-, eh bien, nous procédons à une
18 anamnèse qui débute sur l'enfance du patient. Les éléments clés de cette
19 anamnèse seraient la difficulté de comportement au cours de l'enfance,
20 puberté, ou par exemple pendant le service militaire régulier et, tout à
21 fait normal, changement de comportement qui est à l'origine de la venue,
22 de l'admission du patient dans notre département, notamment en ce qui
23 concerne la catégorie de ces changements, la période de temps que durent
24 ces changements, et puis traitement éventuel du patient avant son arrivée,
25 son admission dans notre institution, dans notre département.
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1 Une donnée essentielle c'est la recherche de l'anamnèse familiale,
2 présence, existence de maladies corporelles, physiques et surtout de
3 maladies psychiatriques. Ce sont des questions presque impératives que
4 l'on pose, à savoir: est-ce que quelqu'un a été traité d'une quelconque
5 maladie psychiatrique au sein de la famille? Est-ce que quelqu'un avait
6 commis un suicide, toujours dans le contexte de la famille? Est-ce que
7 quelqu'un de la famille avait commis un homicide ou un acte pénal? Est-ce
8 que quelqu'un, au sein de la famille, avait été jugé et rendu coupable? Et
9 si dans la famille, d'une manière générale, il y avait des personnes qui,
10 par leur comportement, se dénotaient ou étaient en opposition avec les
11 normes de comportement habituellement connues, respectées?
12 Question: Madame Jevtovic, cette procédure de collectes d'informations, de
13 la procédure d'informations ou de collectes de données, est-ce que c'était
14 une procédure protocolaire pour chaque médecin?
15 Réponse: Oui. Cela est prévu par le protocole, la procédure; c'est
16 obligatoire. Et puis, si on avait la chance d'avoir une personne qui
17 pouvait nous fournir ces données, on restait en contact. Puis, souvent il
18 y a des malades qui sont amenés de force, accompagnés par la police, donc
19 sans membre de leur famille directe, soit qu'ils sont escortés depuis leur
20 propre foyer, ou s'ils sont escortés ayant été ramassés dans un lieu
21 public, lieu public où leur comportement sortait de l'ordinaire.
22 Question: Lorsque vous dites cela, Madame Jevtovic, est-ce que dans ces
23 circonstances-là, est-ce que vous avez la possibilité de trouver, de
24 recueillir des données pertinentes? Vous parliez de situations où cela ne
25 vous a pas été possible? Comment les obtenez-vous, ces données
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1 pertinentes?
2 Réponse: Nous avons, dans le département, un travailleur social dont le
3 devoir consiste -et nous parlons de cette partie-là de notre travail-,
4 donc ces tâches consistent à trouver un moyen pour entrer en contact avec
5 la famille aux fins que ces données pertinentes indispensables puissent
6 être recueillies. Je m'excuse, mais cela ne veut pas dire que ce
7 travailleur social est celui qui rassemble ces données, mais il est chargé
8 d'inviter la famille en question, les membres de la famille en question à
9 se rendre dans le service en vue d'un contact, d'un entretien avec le
10 médecin responsable.
11 Question: Oui, cela explique ce volet donné, que l'on doit obtenir auprès
12 de la famille. Mais en ce qui concerne le patient, le malade lui-même,
13 est-ce que ce sont également des questions que l'on pose au patient? Est-
14 ce qu'on le faisait toujours? Est-ce que c'est possible de le faire, de
15 lui poser donc différentes questions?
16 Mme Jevtovic (interprétation): L'hétéro-anamnèse est une partie de notre
17 travail dont le but est d'établir le diagnostic.
18 M. le Président (interprétation): Madame, ne parlez pas si lentement, mais
19 essayez de commencer vos réponses une fois que vous verrez sur le compte
20 rendu d'audience que la phrase est terminée. Si vous êtes trop lente, là
21 aussi les interprètes peuvent... problème. Ne parlez pas selon une allure
22 de dictée, mais essayez de faire une pause après les questions que Me
23 Domazet vous pose.
24 Mme Jevtovic (interprétation): La deuxième partie de ce travail est
25 l'interview, l'entretien avec le patient où nous essayons de recueillir,
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1 de rassembler un certain nombre de données et d'assurer un examen
2 clinique.
3 Pour ce qui est des données obtenues par le patient, c'est quelque chose
4 que nous ne considérons pas toujours comme étant quelque chose de très
5 valide, notamment lorsqu'il s'agit d'un patient psychotique, et c'est tout
6 à fait normal.
7 M. Domazet (interprétation): J'ai encore une seule question en rapport
8 avec ceci. Cette procédure est-elle bien celle que vous avez conseillé
9 d'appliquer au jeune médecin dont vous suiviez la spécialisation?
10 Réponse: Tout à fait.
11 Question: J'aimerais à présent que vous examiniez l'un des éléments de
12 preuve qui intervient dans la présente affaire, à savoir l'anamnèse de
13 Mitar Vasiljevic.
14 Je prie M. l'huissier de remettre au témoin la pièce à conviction P138.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 (Le témoin prend connaissance du document.)
17 Vous avez lu ce texte, Docteur Jevtovic?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Pouvez-vous nous dire, en tant que médecin du département de
20 neuropsychiatrie, ce que vous voyez, ce que vous constatez à la lecture de
21 cette anamnèse?
22 Réponse: Si nous suivons un ordre chronologique...
23 Question: Excusez-moi, je vous prie, mais je vous demanderai de nous dire
24 ce qui concerne la psychiatrie et pas ce qui concerne l'orthopédie, car
25 nous entendrons des orthopédistes. Je vous demande donc de vous limiter à
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1 l'aspect psychiatrique.
2 Réponse: J'ai compris. Donc, si nous suivons l'ordre chronologique en
3 partant du 5 juillet, nous voyons qu'en raison d'un comportement bruyant,
4 ostentatoire, un psychiatre a été appelé; donc quelque chose se passait
5 avec ce patient. Cette consultation n'a pas eu lieu.
6 Nous voyons que le 7 juillet, il est écrit: "transférez le patient en
7 psychiatrie".
8 Nous voyons sur ce document la signature du Dr Bogdanovic qui, à l'époque,
9 se trouvait dans la situation que j'expliquais tout à l'heure, à savoir
10 qu'il travaillait au département neuropsychiatrique et qu'il était de
11 permanence dans notre département puisqu'il est question du 7 juillet qui,
12 chez nous, est un jour de fête.
13 Le patient a donc été transféré chez nous ce jour-là. Le Dr Simic l'a vu
14 le 8, à savoir un jour de travail. Il a constaté ce qui est écrit ici, à
15 savoir l'existence d'un état d'agitation. On voit que l'état du patient
16 était en cours de modification, qu'il était en cours d'amélioration. On
17 réalise une hétéro-anamnèse et dans cette hétéro-anamnèse, on constate que
18 les modifications du comportement ont été constatées avant l'arrivée du
19 patient à l'hôpital: selon ce que dit l'épouse, depuis le début des
20 opérations de guerre, à partir de ce moment-là, selon ses dires, son mari
21 buvait beaucoup, il était très agité et difficile à calmer.
22 Donc, par la suite, on constate une amélioration avec toujours quelques
23 petits troubles du comportement mais, à la demande de l'épouse, le patient
24 est renvoyé chez lui.
25 Et puis, nous arrivons au diagnostic définitif qui est consigné dans le
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1 document par les chiffres 298.9, ce qui signifie un trouble psychotique
2 aigu au cours duquel on constate la présence de symptômes généraux qui
3 désignent un trouble psychotique. Mais en l'absence de ce que l'on appelle
4 des symptômes spécifiques, c'est-à-dire des phénomènes psychopathologiques
5 spécifiques qui auraient pu permettre de préciser plus en détail le type
6 de ce trouble, de l'état mental.
7 Ici, il est possible de prononcer un diagnostic temporaire, un diagnostic
8 utile, bien que dans la classification un diagnostic existe.
9 Il est possible, donc, de penser à une psychose alcoolique indéterminée
10 également, car il existe des psychoses alcooliques qui sont aussi très
11 spécifiques. On peut aussi penser, à la lecture de ce chiffre, à une
12 psychose réactive.
13 Toutes ces maladies rentraient dans le cadre de ce code qui est un code de
14 l'ancienne classification internationale. Aujourd'hui, on utilise des
15 codes différents dans le cadre d'une nouvelle classification
16 internationale. D'ailleurs, ce ne sont pas que les codes qui ont changé;
17 parfois la catégorisation, la définition des troubles psychiques a été
18 modifiée dans la classification internationale actuelle.
19 Question: Eh bien, merci beaucoup. Nous parlerons peut-être plus en détail
20 du diagnostic car vous n'en avez pas encore tout dit, bien que vous ayez
21 bien parlé de ce qui figure dans cette anamnèse.
22 Mais pouvez-vous nous dire, je vous prie, puisque vous avez parlé des
23 éléments qui sont recueillis auprès de la famille, vous avez dit quels
24 étaient, parmi ces éléments, ceux qui étaient considérés comme
25 particulièrement pertinents, et vous avez dit qu'une dizaine de ces
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1 éléments étaient consignés par écrit. Donc si parmi ces dix éléments
2 importants, à savoir par exemple l'existence de maladies particulières
3 dans sa famille ou des choses de ce genre, donc si ces éléments avaient
4 existé, vous dites bien que ces éléments auraient été consignés par écrit
5 dans l'anamnèse?
6 Réponse: Exclusivement dans l'anamnèse, mais cela ne veut pas dire que
7 tous les médecins pouvaient recueillir des renseignements exacts auprès du
8 patient sur ces points, car dans notre région, dans les familles, on cache
9 avec le plus grand soin tout ce qui a trait à un suicide éventuel ou à une
10 maladie mentale éventuelle dans la famille. Je pense donc qu'il est
11 possible que ces éléments aient été cachés par le patient, mais je ne
12 crois pas que cela veuille dire que le médecin n'a pas posé la question à
13 ce sujet au patient.
14 Question: Donc s'il était question d'éléments aussi importants, comme par
15 exemple la présence de maladies mentales dans la famille, vous dites bien
16 que dans ce cas-là ces éléments auraient nécessairement été consignés dans
17 un document comme l'anamnèse, en tout cas cela aurait dû être le cas?
18 Réponse: Cela aurait dû être le cas.
19 Question: Je vous prierai à présent d'examiner la pièce à conviction
20 suivante, que l'on va vous soumettre, à savoir la liste des thérapeutiques
21 administrées. Je demande à M. l'huissier de vous remettre la pièce à
22 conviction P165 qui est la feuille sur laquelle ont été consignés les noms
23 des médicaments administrés au patient, M. Mitar Vasiljevic.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 (Le témoin prend connaissance du document.)
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1 Question: Vous avez eu le temps de regarder un peu ce document?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Pouvez-vous nous dire quelles sont les conclusions que vous
4 pouvez tirer à la lecture de cette liste des thérapies administrées à
5 l'époque et si, à la lecture de ces noms de médicaments, il est permis de
6 tirer une conclusion quelconque au sujet du trouble précis dont souffrait
7 M. Mitar Vasiljevic?
8 Réponse: Depuis le début du traitement, depuis le 7, le 8, le 9, le
9 patient s'est vu administrer un protocole thérapeutique intensif composé
10 d'antipsychotiques et de neuroleptiques. Nous n'avions pas de
11 neuroleptiques plus forts à l'époque que le Topral. Le Nozinan est
12 également un médicament très puissant et le Largactil est un hypnotique
13 très puissant également. Ce sont en fait les deux médicaments les plus
14 puissants que nous ayons utilisés dans notre département de psychiatrie,
15 mais malheureusement nous ne l'avons plus aujourd'hui, nous n'en disposons
16 plus. Nous en avons disposé pendant un ou deux ans.
17 Et puis on constate par ailleurs que des piqûres ont été faites au
18 patient, ce qui signifie qu'il était très agité et qu'il rejetait la
19 thérapie. Les alcooliques n'aiment pas beaucoup prendre des neuroleptiques
20 par la bouche, car ce sont des médicaments qui sont très désagréables et
21 qui ont des effets secondaires très désagréables. Donc compte tenu du très
22 haut dosage qui a été appliqué dans ce cas particulier, il aurait été
23 erroné et même criminel de donner à ce patient de tels médicaments s'ils
24 n'avaient pas été indispensables.
25 Après un certain temps le patient se calme, il est traité au Largactil en
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1 cachet à des doses un peu inférieures, 400 milligrammes par jour est en
2 effet un dosage très important. Et puis la dose est accrue à 600
3 milligrammes de sorte que, le 19, cela signifie qu'il y a eu des
4 problèmes. Je ne me souviens pas exactement de ce qui s'est passé, c'est
5 mon écriture. Je devais être de permanence et puisque la dose a été
6 accrue, cela doit signifier qu'il y a eu une aggravation.
7 Ce qui a pu se passer, c'est qu'à ce moment-là on administrait les
8 médicaments par la bouche au patient en cachet, il a peut-être trompé le
9 personnel et il a peut-être caché un certain nombre de ces cachets. Cela
10 arrive très souvent, vous savez. Il est très difficile de déjouer les
11 tours et les ruses des patients, et c'est la raison pour laquelle
12 d'ailleurs, parfois, il nous arrive de réduire les cachets en poudre de
13 façon à ce que le patient ne puisse pas en mettre de côté une certaine
14 quantité.
15 Ensuite on voit que le patient s'est vu administrer une dose assez
16 importante de 300 milligrammes de Largactil et de Chlorpromazin et
17 renvoyer chez lui. C'est une dose assez importante quand le patient est à
18 la maison et, à la lecture de la dose, on doit penser que les troubles du
19 patient n'étaient pas complètement guéris. Or, nous voyons que c'est à la
20 demande de l'épouse que ce patient est rentré chez lui, et que donc il est
21 rentré à un moment où la dose qui lui était administrée à la maison ne
22 correspondait pas à un règlement complet du problème.
23 Question: Madame Jevtovic, vous parlez de ces dosages et notamment de la
24 dose qui était administrée au patient alors qu'il était de retour chez
25 lui, vous avez dit qu'elle a été assez importante. Pourriez-vous être un
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1 peu plus précise parce que "assez importante" peut signifier "tout à fait
2 suffisante" ou autre chose? Donc à votre avis, est-ce une dose supérieure
3 à ce qu'il est coutumier d'administrer à un patient chez lui? Est-ce bien
4 cela que vous avez voulu dire en parlant du fait qu'il est rentré chez lui
5 avant la date à laquelle les médecins l'auraient décidé?
6 Réponse: Peut-être ne me suis-je pas bien exprimée en utilisant ces
7 termes.
8 J'ai dit que l'importance de la dose indique que le patient est rentré
9 chez lui à la demande de l'épouse à une période antérieure à la date
10 normale. Si un trouble psychotique est traité dans ces premiers stades, le
11 dosage est trop important pour que le patient puisse recevoir de telles
12 doses chez lui. Mais lorsque la psychose est déjà ancienne, le patient
13 peut rentrer chez lui et prendre ses médicaments pendant longtemps à la
14 maison.
15 Question: Vous parliez du début de la thérapie il y a quelques instants.
16 Vous avez dit que le Topral était l'un des médicaments les plus puissants
17 qui vous était disponible à l'époque. Cela signifie-t-il que c'était l'un
18 des médicaments les plus efficaces pour le type de maladie dont souffrait
19 Mitar Vasiljevic?
20 Réponse: Le Topral s'administrait à des patients extrêmement agités sur le
21 plan neuro-moteur. C'était le médicament le plus puissant, le
22 neuroleptique le plus puissant utilisé à l'époque, ce qui signifie que ce
23 patient, à l'époque, était extrêmement, exceptionnellement agité.
24 Question: Très bien pour le Topral. Mais de façon générale, si vous
25 regardez les médicaments qui ont été administrés à l'époque à ce patient,
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1 pouvez-vous déterminer l'intensité du trouble dont souffrait le patient?
2 Pouvez-vous la classer en trouble très important, important, pas trop
3 important, d'après les dosages et les produits qui lui ont été
4 administrés?
5 Réponse: D'après les produits qui lui ont été administrés, on constate
6 qu'il s'agissait d'un patient extrêmement agité et on constate également
7 qu'il s'agissait d'une psychose indéterminée car on ne voit pas sur cette
8 liste les noms d'autres neuroleptiques qui ont un effet ciblé, destiné à
9 soigner des psychoses plus précisément déterminées. Et on ne voit pas,
10 notamment, le nom d'autres antidépresseurs ou d'autres psychotiques qui
11 sont utilisés dans ces cas de psychoses plus déterminées.
12 C'est d'ailleurs ce que j'ai dit tout à l'heure en parlant du code que
13 l'on voit dans l'anamnèse 298.9 qui, j'ajouterai, aurait pu nous faire
14 penser qu'il s'agissait d'une forme maniaque de psychose. Et dans ce cas-
15 là, on se demande pourquoi cela n'a pas été indiqué parce que la manie est
16 une psychose assez particulière qui se manifeste par un changement très
17 important de l'humeur et du comportement, et ce n'est pas le seul
18 symptôme. En général, il est accompagné d'un symptôme de dépression,
19 auquel cas on parle de troubles affectifs bipolaires ou de troubles
20 maniaco-dépressifs de l'affectivité. En général, dans notre profession, on
21 attend d'être en présence d'au moins deux symptômes de ce genre pour
22 prononcer le diagnostic précis de manie.
23 Sur la base d'un seul symptôme, il n'est pas de rigueur, dans la pratique
24 professionnelle, de prononcer ce genre de diagnostic de dépression, de
25 trouble maniaco-dépressif. Ce sont des pathologies qui affectent des
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1 personnes assez jeunes, et le prononcé d'un tel diagnostic risque de leur
2 poser beaucoup de tort dans la suite de leur vie.
3 D'ailleurs, pour prononcer un diagnostic précis de psychose spécifique, il
4 faut tout de même que l'on permette à un certain laps de temps de
5 s'écouler. On ne peut pas prendre le risque de prononcer un tel diagnostic
6 dès la première entrevue avec un patient ou au cours des premiers jours du
7 traitement, car c'est une maladie qui est longue et qui peut, une fois
8 diagnostiquée, faire beaucoup de tort au patient dans le reste de sa vie.
9 Question: Si je vous ai bien comprise, Docteur Jevtovic, dans le cas qui
10 nous intéresse ce diagnostic précis n'a pas été consigné par écrit dans le
11 cas de Mitar Vasiljevic, c'est bien cela?
12 Réponse: Eh bien, je vais vous dire. Nous n'avions pas pour habitude
13 d'ajouter le diagnostic complémentaire au diagnostic initial, d'autant
14 plus que les chiffres utilisés, les codes utilisés dans l'ancienne
15 classification ne le permettaient pas. En effet, nous ne pouvions pas
16 désigner une crise de schizophrénie aiguë grâce à un code précis dans
17 cette classification internationale.
18 Aujourd'hui, nous avons un code distinct pour désigner la schizophrénie
19 aiguë dans la nouvelle classification. Mais ce n'était pas le cas à
20 l'époque, donc il nous était difficile de préciser davantage les choses.
21 Question: Madame Jevtovic, vous parlez de premier et de deuxième épisode
22 de la maladie, de premier et de deuxième stade. Qu'entendez-vous par le
23 "premier épisode" ou le "premier stade"?
24 Voulez-vous dire qu'il s'agit d'un premier traitement appliqué au patient
25 qui permet ensuite de prononcer un diagnostic différent? Je ne vous ai pas
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1 tout à fait bien comprise. Pourriez-vous vous expliquer plus en détail?
2 Réponse: Il s'agit d'un trouble, d'une crise aiguë. Ce n'est pas toujours
3 le résultat d'une psychose chronique. Un tel phénomène peut survenir une
4 fois et ne plus jamais revenir. Mais il est possible qu'une
5 différenciation s'établisse dans le temps, et c'est la raison pour
6 laquelle j'ai dit que le diagnostic des maladies mentales chroniques doit
7 être prononcé dans un certain laps de temps, indépendamment du fait qu'ici
8 on voit des signes de manie, de maladie maniaque.
9 De toute façon, en l'absence de deux symptômes réunis ensemble, nous
10 n'avons pas le droit de prononcer le diagnostic d'un trouble maniaco-
11 dépressif.
12 Question: Madame Jevtovic, vous avez dit que cette pathologie ressemblait
13 à un trouble maniaco-dépressif mais, si j'ai bien compris, il faut qu'il y
14 ait présence de deux symptômes ensemble pour qu'il soit permis de
15 confirmer ce diagnostic; ça, j'ai compris.
16 Mais maintenant, je vous demande en quoi les symptômes présentés par ce
17 patient permettaient de penser à une maladie maniaco-dépressive. Qu'est-ce
18 qui rendait possible l'idée qu'une telle maladie était présente?
19 Réponse: L'extrême agitation du patient, l'extrême changement de son
20 comportement sur le plan moteur, et son attitude bruyante et ostentatoire.
21 Et puis ensuite, on voit que des renseignements sont consignés ici: il est
22 question de discours incohérent, ce qui signifie qu'il parlait beaucoup
23 plus vite que d'habitude.
24 Mais on ne parle que d'accélération. On ne parle pas d'autres éléments
25 comme, par exemple, l'existence d'un esprit suspicieux ou des troubles de
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1 l'attention. L'attention a été un peu modifiée, mais on ne parle pas ici
2 d'hallucinations, par exemple, ce qui nous permettrait de penser à un
3 autre diagnostic.
4 D'autre part, dans les renseignements fournis par l'épouse, il est
5 question de consommation importante d'alcool, et l'alcool peut être
6 considéré comme un facteur étiologique qui perturbe un peu le diagnostic.
7 Et c'est sans doute la raison pour laquelle nous nous sommes prononcés en
8 faveur d'un trouble psychotique transitoire aigu car, à ce moment-là, le
9 code 298.9 recouvrait également les psychoses indéterminées, comme je l'ai
10 déjà dit au début, et ceci est une psychose indéterminée.
11 Réponse: Madame Jevtovic, suis-je en droit de comprendre que, dans les
12 éléments que vous avez constatés chez ce patient, vous avez constaté la
13 présence d'un certain nombre d'éléments qui pouvaient faire penser à une
14 maladie maniaco-dépressive mais qu'en raison d'autres facteurs, et
15 notamment de facteurs liés à la situation concrète de ce patient, vous
16 avez décidé de ne pas inscrire ce genre de diagnostic?
17 Réponse: Il n'est pas question de volonté ou de non-volonté, de désir ou
18 de non-désir de notre part; ce n'était tout simplement pas la pratique en
19 vigueur.
20 Question: Vous avez parlé de facteurs étiologiques, en parlant de l'alcool
21 dans ce cas précis. De quelle façon l'alcool ou l'alcoolisme influe t-il
22 sur tout ce que vous venez de nous dire?
23 Réponse: Un comportement comme celui-ci pourrait nous amener à penser que
24 nous étions en présence de ce qu'on appelle en général une psychose
25 alcoolique indéterminée. Dans la classification, il existe cette catégorie
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1 de psychose alcoolique indéterminée qui est recouverte toujours par ce
2 chiffre de 298.9, et elle se manifeste également par l'agitation, la peur,
3 comportement bruyant et ostentatoire. Mais il n'est pas question de parler
4 de psychoses alcooliques spécifiques car ce sont des psychoses tout à fait
5 particulières, tout à fait reconnaissables, qu'il est impossible de ne pas
6 constater.
7 Question: Quelles sont les psychoses qu'il est impossible de ne pas
8 constater? Vous pensez aux psychoses alcooliques spécifiques, c'est bien
9 cela?
10 Réponse: Oui, oui. Il s'agit d'une psychose alcoolique tout à fait
11 caractéristique, reconnaissable, signifiée par toute sorte de détails, et
12 je veux parler du delirium tremens qui est un trouble du système
13 neurovégétatif et qui se manifeste de façon toute à fait particulière, par
14 des troubles de la vision par exemple, des hallucinations visuelles. On
15 voit des animaux circuler un peu partout, ce sont des éléments tout à fait
16 spécifiques que l'on ne trouve pas dans les autres maladies mentales. Et
17 puis il y a d'autres éléments caractéristiques du delirium tremens, un
18 tremblement du corps tout entier, une peur très intense, la perte du
19 sentiment d'orientation, la perte du sens de la gauche et de la droite, du
20 haut et du bas. C'est quelque chose de tout à fait caractéristique, on ne
21 peut pas passer à côté.
22 Il y a aussi un autre trouble, une autre maladie mentale liée à l'alcool,
23 il s'agit des hallucinations auditives liées à l'alcoolisme qui se
24 manifestent donc par le fait que le patient entend en permanence des voix
25 très désagréables qui n'arrêtent pas de lui dire des choses tout à fait
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1 désagréables, de le menacer, et qui créent chez lui un état de peur. Il ne
2 peut plus dormir, il n'est pas tranquille un instant et bien entendu, il
3 perd le sens des réalités car à un certain moment, en raison de tout ce
4 stress, il n'est plus capable de faire la différence entre ce qu'il vit,
5 lui, à l'intérieur de lui et la réalité extérieure.
6 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je crains, si vous posez
7 encore une question, que nous dépassions l'heure prévue pour le déjeuner.
8 Donc je suspends jusqu'à 14 heures 30.
9 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?
11 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Madame Jevtovic, on reprend là où on s'était arrêté avant la pause.
13 Si vous vous souvenez, on parlait de certaines circonstances
14 symptomatiques, la psychose alcoolique, le delirium tremens. Et tant donné
15 les documents que vous avez dans votre documentation, et ceux que vous
16 connaissez, cas concret de Mitar Vasiljevic, est-ce qu'il pouvait s'agir
17 d'un delirium tremens?
18 Mme Jevtovic (interprétation): Absolument pas.
19 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une explication pour nous
20 expliquer pourquoi il ne s'agissait pas d'un delirium tremens mais
21 d'autres causes éventuelles?
22 Réponse: Avant la pause, j'ai brossé un tableau assez exhaustif du
23 delirium tremens, donc d'une psychose assez significative, assez
24 déterminée lorsqu'il s'agit du système végétatif nerveux, sudation, pré-
25 délire, une peur extrême, anxiété, tremblement de l'ensemble du corps,
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1 hallucination visuelle, mais pas générale. Il s'agit d'hallucinations
2 présentant de tout petits animaux, et puis le patient essaie de secouer
3 tout ce qu'il a sur lui comme vêtements, et puis il y a aussi des
4 hallucinations qui proviennent du corps lui-même, petits poils qui sortent
5 de la bouche par exemple, et puis ces patients crachotent tout le temps,
6 essaient de se débarrasser de quelque chose qui se trouverait
7 éventuellement dans leur bouche. Donc cela ne peut pas être rattaché à ce
8 qui a été diagnostiqué dans le département.
9 Question: D'après ce que vous venez de dire, dans le cas de Mitar
10 Vasiljevic, il n'y avait pas eu de delirium tremens?
11 Réponse: Absolument pas.
12 Question: A part ce que vous avez pu constater d'après les documents sous
13 les yeux, est-ce que vous, personnellement, vous vous souvenez de Mitar
14 Vasiljevic personnellement en tant qu'individu, en tant qu'un de vos
15 patients?
16 Réponse: Non, je ne me souviens pas. Il n'était pas mon patient, il était
17 le patient d'un jeune médecin. J'avais mes patients, j'avais aussi mes
18 obligations dans le cadre du dispensaire de l'hôpital et finalement on
19 travaillait en équipe, mais je ne pourrais pas me souvenir très exactement
20 de ce patient spécifiquement parlant.
21 Question: Au moment où vous avez parlé des personnes qui travaillaient
22 avec vous à l'époque, tous les médecins, est-ce qu'il y aurait eu peut-
23 être une autre doctoresse du prénom de Slavica?
24 Réponse: Pas dans le département de psychiatrie. Mais dans le département
25 de neurologie, il y avait la doctoresse Slavica Ivkovic, elle travaillait
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1 dans le département de neurologie. Mais en 1992, elle ne faisait pas
2 partie de notre équipe qui travaillait dans le cadre de notre département.
3 Question: Dans le cadre de votre département, il n'y a pas eu d'autre
4 doctoresse du prénom de Slavica à part vous?
5 Réponse: Non.
6 Question: Je voudrais que l'on soumette au témoin la pièce P161. Je vous
7 prie de vous pencher sur cette pièce 161 qui figurait avec tous les autres
8 documents et qui ont été récupérés par le Bureau du Procureur, par le
9 Tribunal devant lequel vous faites votre déposition. Je vous prie donc de
10 prendre ce document et de lire les deux pages afin que je puisse vous
11 poser quelques questions à propos de ce document.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 (Le témoin prend connaissance du document.)
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce que vous avez lu les deux côtés de ce document, les deux
16 volets de ce document?
17 Madame Jevtovic, est-ce que vous pouvez reconnaître, identifier cette
18 lettre? Est-ce qu'il s'agit d'une lettre qui vous a été adressée dans le
19 temps? Est-ce que vous vous souvenez d'une telle lettre?
20 Réponse: Non, je ne me souviens pas de cela.
21 Question: Est-ce que dans vos bons usages, est-ce qu'il vous arrivait que
22 des patients vous écrivent ce genre de lettres, de billets?
23 Réponse: Oui. Les patients s'adressent à nous très souvent à l'aide de ce
24 genre de lettres pour nous remercier pour quelque chose, pour nous envoyer
25 un petit poème, donc un vers pour nous indiquer aussi qu'ils sont guéris
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1 et qu'ils devraient rentrer chez eux.
2 Ce n'est pas étonnant, si je ne me souviens pas de cette lettre; ce n'est
3 pas un geste qui n'arrive pas fréquemment dans nos services. Et puis,
4 d'après cette lettre, à la lecture de cette lettre, nous pouvons constater
5 que le malade a toujours un problème d'association de courant de la
6 pensée. Il est très étendu, diffus. Et puis, pourquoi il s'est adressé à
7 moi? Peut-être qu'il avait évalué, d'après sa liste, que j'étais quelqu'un
8 qui était un peu plus important que les autres et qu'il pourrait peut-être
9 obtenir davantage en ce qui concerne ses revendications, et puis ces
10 revendications sont absolument non nécessaires.
11 On n'a pas besoin, pour ce genre-là de traitement, de s'adresser à
12 quelqu'un par une lettre. Parce que nous autres, médecins, nous insistons
13 sur des questions, à savoir: est-ce que vous avez encore mal? Est-ce que
14 vous avez encore peur? Nous veillons à ce qu'aucune maladie somatique à
15 proprement parler ne nous échappe, et surtout lorsqu'il s'agit d'un malade
16 sous un traitement neuroleptique fortifié.
17 Donc je pense que ce genre de communication ne s'avère pas nécessaire. Et
18 puis c'est un langage un peu exagéré, ce qui témoigne d'une certaine
19 habileté, même menace de passer à une grève de la faim. Enfin, on pourrait
20 ne pas répondre à ces demandes, à ces exigences. Si quelqu'un a mal
21 quelque part, on l'envoie dans les différents services, ophtalmologie,
22 ORL, et ainsi de suite.
23 Mais ceci témoigne d'une étape initiale de sa maladie et de son
24 traitement, donc témoignant que le patient ne se sentait pas bien. Et puis
25 même, c'est un signe, ce symbole serbe qui fait partie des armoiries
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1 serbes, enfin, c'est une chose que l'on n'appose pas dans une lettre de ce
2 genre. Je pense qu'il s'agissait d'un comportement maniaco-dépressif en ce
3 qui concerne cette partie de la lettre.
4 Pour ce qui est de ces achats de boîtes de bonbons dans un magasin, cela
5 indique tout simplement qu'il était un peu actif, hyperactif. Il voulait
6 acheter quelque chose et le magasin se trouve dans le hall de l'hôpital.
7 Enfin, c'était peut-être quand il était dans le département d'orthopédie
8 de notre département, il ne pouvait pas sortir. Peut-être qu'il avait fait
9 une dette dans ce cas-là, donc dans le cas du magasin qui se trouvait dans
10 le hall de l'hôpital.
11 Question: En ce qui concerne la date qui figure sur ce document et sur la
12 liste thérapeutique, liste des médicaments, eh bien c'était déjà au début
13 de cette deuxième étape de son traitement dans votre département. Est-ce
14 que vous pourriez nous donner quelques indices en ce qui concerne ces deux
15 documents?
16 Réponse: Oui, j'ai déjà relevé cette date et j'ai déjà pu constater que
17 c'était encore une première étape, une mauvaise étape. Et si la date
18 coïncide avec celle de la liste des médicaments -il s'agissait donc du
19 13-, il était dans un état de rupture. Son état n'aurait pas pu
20 s'améliorer grandement, considérablement, entre-temps.
21 Question: Je voudrais bien que vous nous donniez lecture de cette dernière
22 phrase de cette lettre: "Je vous prierai encore aussi que vous me fixiez,
23 que vous me rattachiez les pieds et les mains".
24 Réponse: Cette perturbation, ce trouble, cette agitation, c'est quelque
25 chose qui vous fatigue beaucoup. C'est quelque chose qui dure 24 heures
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1 sur 24. Vous avez en quelque sorte l'obligation, vous êtes incité à vous
2 trouver partout pendant tout le temps. Il y a aussi les médicaments qui
3 sont des sédatifs et si quelqu'un a envie de dormir, cela ne veut pas dire
4 que ces malades sont calmés. Les neuroleptiques ont également un effet
5 hypnotique à travers le cerveau et le cortex du cerveau. Il y a des
6 patients qui nous demandent de les attacher pour qu'ils puissent dormir
7 calmement.
8 C'est donc de cette manière-là que je peux comprendre, saisir la
9 signification de la dernière phrase de cette lettre.
10 Question: Est-ce que vous remplissez, vous répondez à ces désirs des
11 patients?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Quand est-ce que vous estimez nécessaire de le faire?
14 Réponse: Oui, nous le faisons, et puis nous avons des manchons
15 spécialement préparés qui sont parfois en cuir ou qui sont parfois doublés
16 d'une sorte de tissu épais pour pouvoir calmer les patients. Cela peut
17 paraître terrible à première vue, mais c'est ce que nous utilisons. Et
18 puis, cela ne provoque pas de dommage en ce qui concerne les patients eux-
19 mêmes.
20 Question: Madame Jevtovic, je vous prie de prendre le document, de
21 consulter le document D30.1
22 (Le témoin prend connaissance du document.)
23 Réponse: Oui, j'ai ce document sous les yeux.
24 Question: Dans cette feuille, fiche de sortie, il y a ce même code
25 diagnostic que vous avez déjà mentionné et il y a une description. Est-ce
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1 que vous pourriez relever quelque chose qui serait spécifique, qui ne
2 figure pas dans les autres documents? Et quand j'aurai votre réponse,
3 j'aurai quelques questions à vous poser.
4 Réponse: Fiche de sortie: tout est dit au niveau de la pratique
5 correctement, mais d'une manière un peu plus condensée en ce qui concerne
6 l'état psychiatrique.
7 Question: L'état, la condition du patient, de Mitar Vasiljevic en
8 l'occurrence lorsqu'il a été admis dans votre service, est-ce que vous
9 avez relevé des caractéristiques qui vous ont amenée à établir le
10 diagnostic de trouble psychotique aigu? Et est-ce que vous pourriez nous
11 dire, dans une période qui précède la manifestation de cet état de santé,
12 quelles seraient ces caractéristiques qui accompagneraient le comportement
13 d'un patient qui, éventuellement, serait affecté par ce genre de trouble?
14 Est-ce que c'est quelque chose qui a été établi au niveau de la science?
15 Et là, je pense au comportement, à la suggestibilité de ces personnes.
16 Réponse: En ce qui concerne son comportement antérieur à l'hospitalisation
17 du département de psychiatrie, et d'après les données qui sont
18 disponibles, qui sont annotées et surlignées, et dès son engagement dans
19 la Défense territoriale, et puis question d'alcoolisme, eh bien, il y a
20 des changements qui sont manifestes.
21 En ce qui concerne le département orthopédique, le cursus établi par le
22 département orthopédique, il y a eu les premiers soins qui ont été
23 demandés; première consultation, le 5.
24 En ce qui concerne ce déclenchement du trouble psychotique, ce
25 déclenchement peut-être très subit, des psychoses de réaction, des
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1 psychoses qui se manifestent après exposition à des stress très forts, le
2 même jour ou quelques jours après. Et puis, il y a les psychoses, par
3 exemple, qui peuvent affecter une femme après un accouchement. Et puis une
4 autre psychose très aiguë, c'est le delirium tremens, mais ces psychoses
5 indéterminées aiguës ne peuvent pas se manifester si brutalement. Leur
6 évolution peut être suivie pendant même quelques semaines, et puis même
7 trois ou quatre mois. Et là, je parle de psychoses aiguës.
8 En effet, je m'explique: le malade n'est pas toujours modifié d'une
9 manière draconienne et c'est pour cela que la famille ne l'amène pas dans
10 un département de psychiatrie, et puis lorsqu'il y a des compensations,
11 lorsqu'il n'y a plus contrôle, lorsque le patient ne peut plus se
12 contrôler, sort de la réalité, eh bien, c'est une des compensations
13 psychotiques. Là, nous avons besoin d'hospitaliser un patient, et ce sont
14 les patients, pour la plupart du temps, que l'on admet dans notre
15 département.
16 Enfin, je ne sais pas si c'est la piste que vous voulez que je suive dans
17 ma réponse.
18 Question: Est-ce que dans la période précédente il y a eu des hauts et des
19 bas qui pouvaient être suivis, remarqués? Que l'on pouvait constater que
20 la personne en question semblait être parfaitement normale, suivre un
21 comportement normal comme tout autre personne moyenne? Est-ce que c'est
22 l'interprétation que j'oserais faire de ce que vous venez de dire?
23 Réponse: Exactement.
24 Question: Madame Jevtovic, si j'ai bien retenu, vous avez parlé de
25 psychose réactive, psychose de réaction. De quoi s'agit-il?
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1 Réponse: Il s'agit de situations sub-psychotiques qui se produisent
2 aussitôt après l'exposition à une situation de stress. Le même jour,
3 quelques jours après. Pour ne pas me répéter, je m'arrête là.
4 Question: Pour ce vécu du malade, faut-il qu'il y ait un stress?
5 Réponse: Oui, une situation de stress très accentué.
6 Question: Est-ce que ce stress accentué pourrait être le décès d'un parent
7 très proche?
8 Réponse: Oui, exactement.
9 Question: Et est-ce que l'élément déclencheur de ce stress pourrait être
10 le fait d'avoir participé à une exécution? Est-ce que cela pourrait
11 représenter un stress d'une telle envergure pour une personne qui n'a
12 jamais assisté à un tel événement?
13 Réponse: Les états psychotiques de réaction se produisent dans des laps de
14 temps très brefs après l'exposition à un stress et cela peut être
15 déclenché, comme nous le disons dans notre terminologie médicale, par une
16 situation antérieure, et cela aurait pu être une préparation pour une
17 telle situation, une telle condition. Par exemple, chez les alcooliques,
18 génétiquement ces gens-là pourraient réagir d'une manière psychotique.
19 Donc il y a eu ce déclencheur qui aurait pu mettre en marche un processus,
20 des réactions psychotiques où il y avait eu déjà une préparation au niveau
21 du cerveau, un stress génétique, un stress héréditaire, par exemple chez
22 les jeunes, maladies héréditaires, pas purement héréditaires mais
23 psychosomatiques aussi. Eh bien, en psychiatrie on en tient compte comme
24 étant des signes importants et facteurs étiologiques importants.
25 Question: Vous avez mentionné comme l'une des caractéristiques
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1 l'incohérence de son parler qui le situait en dehors de tout contexte.
2 Dans cette période précédente, dans les étapes précédentes, est-ce que
3 quelque chose d'analogue aurait pu se passer? Autrement dit, ce que le
4 patient dit ne correspond pas à un comportement normal, à une capacité de
5 conclusion normale?
6 Réponse: Oui, mais intensité variable, durée plus brève. Et puis, tout
7 simplement, on laissait cela de côté et on ne comprenait pas de quoi il
8 s'agissait, en vérité, en réalité.
9 Question: Si dans ces situations-là il y avait encore et en plus un impact
10 de l'alcool, de la consommation d'alcool, est-ce que cela serait un
11 élément qui pourrait contribuer à l'aggravation de la situation?
12 Réponse: Tous ces facteurs étiologiques se superposent, en quelque sorte,
13 et contribuent, augmentent l'intensité, surtout lorsqu'il s'agit d'un
14 alcoolisme exagéré.
15 Question: Imagination, libre cours d'imagination, invention,
16 hallucination, est-ce que ce seraient des caractéristiques accompagnantes
17 de ce genre d'état psychotique, surestimation de certaines choses, ainsi
18 de suite, exagération?
19 Réponse: En ce qui concerne ces questions, deux choses sont possibles, ou
20 deux choses qui pourraient être combinées.
21 Etat pré-morbide dans le cas d'une personne. Nous savons très bien qu'il y
22 a des personnes qui sont des personnes histrioniques, qui se donnent une
23 certaine importance, qui exagèrent, qui demandent qu'on les remarque. Et
24 dans ce comportement, ce trouble maniforme, lorsqu'il s'agit du
25 comportement de ce patient, je pense que les maniaques, les maniformes en
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1 tant que malades sont sujets à des hauts et des bas très accentués dans
2 leur comportement: engagement, action intensifiée; ils voudraient se faire
3 connaître, faire démonstration de leur personnalité.
4 Question: Merci. Je pense avoir compris ce que vous venez de dire.
5 Est-ce que ces personnes sont plus ouvertes aux suggestions, donc plus
6 suggestibles que les autres au niveau de la suggestion?
7 Réponse: Suggestion dans le sens littéral? Non. Mais pris dans l'ensemble
8 du contexte, si le malade se trouve dans un entourage d'un engagement,
9 d'événements extraordinaires, exceptionnels, rassemblement, réunion,
10 conférence, il serait enclin de s'y associer même sans y être invité. Il
11 n'a pas de frein, il ne peut pas se freiner lui-même. Il peut le
12 comprendre, mais il manque de contrôle. Il est débloqué. Il ne peut pas
13 situer les limites de certaines choses. Il est ouvert à la suggestion, aux
14 suggestions des uns et des autres.
15 Question: Et s'il y avait lieu de parler d'une action qui serait
16 interdite, est-ce que cela aurait pu avoir une incidence sur la maladie,
17 sur sa compétence mentale, responsabilité mentale diminuée?
18 Réponse: On ne peut pas trancher les choses comme cela. Il y a événement.
19 Il y a évaluation. Il y a le type des actes commis. Il y a déclaration
20 faite. Il y a interview et entretien avec le patient. Je pense que le
21 niveau de responsabilité mentale au niveau clinique, c'est quelque chose
22 qui n'est pas traité de la même manière au niveau de la science médicale
23 comme dans le droit.
24 Donc, ce genre de question ne pourrait pas être vraiment posée de cette
25 manière-là.
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1 Question: Merci. Permettez-moi de revenir à quelque chose que j'ai omis de
2 vous demander lorsque vous avez évoqué ces différents points: données que
3 l'on demande à propos de tout patient, tout malade. Est-ce qu'on sollicite
4 des données en ce qui concerne une hospitalisation antérieure, maladie qui
5 pourrait être afférente directement au malade lui-même, ou trouble qu'il
6 avait antérieurement, qu'il avait connu antérieurement?
7 Réponse: Mais on en a parlé. Oui, c'est essentiel. On a parlé, je vous
8 l'ai dit.
9 Premier point, première donnée que l'on demande, c'est de savoir si le
10 patient en question avait été traité auparavant, mettons, dans le cas de
11 ce patient, d'alcoolisme.
12 Question: Est-ce que vous annotiez, vous consigniez quelque part,
13 notamment dans le cadre du dossier du malade, est-ce que vous le notez
14 quelque part?
15 Réponse: Oui. Nous demandons ces fiches de sortie et les familles, la
16 famille doit nous l'apporter. Et puis on demande la fiche du patient et si
17 cette fiche n'existe plus, alors on demande la feuille du médecin
18 praticien général qui doit noter toutes les dates d'hospitalisation d'un
19 patient.
20 Mais dans le cas de ce patient, cela n'a pas été, cela n'a pas abouti. Il
21 s'agissait de la guerre, de temps de guerre. Les communications et les
22 déplacements ont été difficiles entre Uzice et Visegrad. On avait besoin
23 d'avoir des laissez-passer bien précis pour pouvoir se déplacer d'un lieu
24 à l'autre.
25 Question: Cela, j'ai bien compris. Mais si l'on vous avait dit qu'en 1984
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1 ce patient avait été hospitalisé deux fois dans votre hôpital, celui
2 d'Uzice, pour alcoolisme, est-ce que cela aurait été écrit quelque part et
3 est-ce que l'anamnèse aurait été faite lors de ces deux hospitalisations
4 précédentes dans votre hôpital? Ces anamnèses vous auraient-elles été
5 remises?
6 Réponse: Ces informations au sujet des hospitalisations précédentes, le
7 patient en a parlé à son médecin lors de sa première rencontre avec lui.
8 Mais il a dit qu'il avait été hospitalisé trois fois. Je vous ai déjà dit
9 que dans les cas aigus, tous les éléments fournis par le patient et qui
10 relèvent de sa mémoire ne sont pas forcément tout à fait exacts, et dans
11 ce cas le médecin sans doute demande à recevoir l'anamnèse écrite. Mais
12 pour ce patient, le lendemain, son épouse est arrivée et l'a remmené chez
13 lui, donc nous n'avons pas eu le temps de le faire.
14 Mais j'ai déjà dit un certain nombre de fois que pour prononcer le
15 diagnostic nous avons tenu compte du facteur de l'alcoolisme et que
16 c'était l'une des raisons d'ailleurs qui nous avaient poussés à prononcer
17 un diagnostic de psychose aiguë indéterminée qui inclut aussi, bien
18 entendu, comme je l'ai déjà dit, la psychose alcoolique indéterminée.
19 M. Domazet (interprétation): Merci, Docteur. Je n'ai plus de question pour
20 ce témoin.
21 M. le Président (interprétation): Contre-interrogatoire, Monsieur Groome?
22 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Slavica Jevtovic, par M. Groome.)
23 M. Groome (interprétation): Bonjour, Madame Jevtovic. Mon nom est Groome
24 et je vais vous poser quelques questions au nom de l'accusation.
25 Je voudrais d'abord que nous revenions sur un certain nombre de points que
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1 vous avez abordés dans votre témoignage.
2 Vous dites que vous ne vous souvenez pas particulièrement de M.
3 Vasiljevic, n'est-ce pas?
4 Mme Jevtovic (interprétation): C'est exact.
5 Question: Puis-je en déduire que vous ne vous souvenez pas précisément du
6 nombre de contacts quel que soit ce nombre que vous avez pu avoir avec M.
7 Vasiljevic?
8 Réponse: Je ne me le rappelle pas exactement, mais les principes de notre
9 travail sont appliqués toujours de la même façon. Il n'y a pas de raison
10 pour que ces modalités de travail aient été différentes avec lui. Le
11 nombre de contacts avec le patient est déterminé uniquement par le type de
12 la maladie. Les patients qui souffrent d'autres troubles mentaux et qui,
13 notamment, ont des esprits suspicieux pour lesquels il faut solliciter
14 davantage qu'ils rendent compte du contenu de leurs pensées, nous les
15 rencontrons plus souvent, ce qui n'a pas été le cas avec M. Vasiljevic,
16 parce que son état ne l'exigeait pas. Il fallait simplement le suivre de
17 près et voir quelle était l'évolution de son état au fil du temps.
18 Question: Dans votre témoignage, vous avez utilisé l'expression
19 "diagnostic différentiel". Pouvez-vous nous expliquer ce que signifiait
20 exactement ce terme?
21 Réponse: Quand on examine un malade sur le plan clinique, on obtient, on
22 tire une conclusion sur la base de l'hétéro-anamnèse et sur la base de
23 l'examen du patient avec éventuellement aussi des tests psychologiques qui
24 sont demandés en plus. Donc tous les examens, tous les tests dont j'ai
25 parlé en général sont pris en compte par les médecins, ensemble, pour
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1 déterminer quelle est la symptomatologie générale et quels sont les
2 médicaments qui pourraient être adaptés.
3 Il n'y a pas de forme unique de la maladie, vous savez. Ceci est vrai sur
4 tout ce que je viens de dire, et surtout vrai des jeunes. Chez la plupart
5 des malades, il y a une modification du comportement extérieur, mais est-
6 ce que ce qui domine chez tel ou tel patient est la dégradation du sens de
7 l'identification de la personnalité, ou est-ce que ce qui se dégrade le
8 plus c'est le mouvement? Cela varie.
9 C'est très notable, notamment dans la schizophrénie. C'est une psychose
10 particulière, la psychose de schizophrénie, qui peut nous faire penser
11 dans certains cas à l'existence d'une schizophrénie paranoïaque, par
12 exemple. Et ceci exige un diagnostic tout à fait particulier. Donc les cas
13 sont très différents les uns des autres.
14 Question: Vous venez de parler en quelques mots de l'examen clinique dans
15 votre dernière réponse, et j'aimerais vous poser encore quelques questions
16 à ce sujet.
17 Compte tenu du fait que vous suiviez les travaux de spécialisation de
18 jeunes médecins à l'époque, je vous demande s'il existait une batterie de
19 tests ou de mesures particulières que vous vous seriez attendu à voir
20 appliquer par des médecins travaillant sous votre ordre lorsque vous
21 saviez qu'ils suivaient un nouveau patient, un patient nouvellement arrivé
22 dans votre service.
23 Réponse: La pratique de l'examen clinique est standardisée. Il existe un
24 certain nombre de modalités pour solliciter chacune des fonctions
25 psychiques, et chacune doit donner lieu à une annotation. L'examen
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1 commence par l'observation de l'aspect physique du patient. On apprend au
2 jeune médecin que le patient peut être examiné cliniquement, parfois avant
3 même son entrée dans le service. S'il crie, par exemple, quand il est à
4 l'extérieur, encore, s'il arrive avec des menottes, avec des liens qui
5 attachent ses membres ou s'il est arrivé pieds nus, ou s'il est arrivé
6 très mal habillé, ou très sale, tout cela ce sont des signes que l'on
7 examine et qui entrent dans le cadre de l'examen clinique. Il faut donc
8 que toutes les fonctions psychiques soient sollicitées, interrogées,
9 examinées, analysés, que tout cela soit mis par écrit. Et ensuite il
10 existe un petit test pour l'intelligence, et le médecin est tenu
11 d'appliquer ce petit test d'intelligence car c'est un examen individuel
12 dans le cadre de la psychose.
13 Donc nous faisons ce test qui fait l'objet d'un manuel international qui
14 nous aide dans notre travail, et ensuite on étudie les éléments qui
15 interviennent dans la maladie, la dépression par exemple, ou bien une
16 augmentation du niveau de dépressivité parce que l'échelle d'Hamilton pour
17 la dépression existe et on voit que si les chiffres augmentent sur cette
18 échelle et si l'augmentation sur cette échelle correspond à une
19 augmentation de la dépressivité du patient, cela signifie que le malade a
20 tendance à la dépression.
21 Ensuite, pour évaluer la peur, il y a de très nombreuses échelles, de
22 nombreux barèmes, de sorte qu'il y a possibilité d'objectiviser le
23 travail. Les jeunes médecins ont la possibilité de le faire, je ne suis
24 pas sans arrêt sur leur dos et ensuite ils m'apportent les résultats
25 écrits, ou bien nous en parlons ensemble, parce que vous avez bien vu quel
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1 était le nombre de patients.
2 Je connais l'importance de ces maladies. Il m'arrive d'aller dans les
3 tribunaux, je sais bien quelle est la responsabilité de mon travail mais,
4 dans certains cas, il était tout simplement impossible de faire tout ce
5 qu'il y avait à faire, ce qui ne signifiait pas que nous n'en parlions pas
6 ensemble, les jeunes médecins et moi.
7 Question: Vous avez évoqué au moins quatre tests: l'aspect physique, le
8 test d'intelligence, l'échelle d'Hamilton et des questions portant sur le
9 niveau d'anxiété ou de peur. Y a-t-il d'autres tests que vous vous seriez
10 attendue à appliquer par les jeunes médecins travaillant sous vos ordres
11 lorsqu'un patient était admis dans votre service ?
12 Je vous demanderai une liste, en fait, après quoi je vous demanderai des
13 questions plus précises.
14 Réponse: J'ai dit qu'il existait un ordre dans l'examen des différentes
15 fonctions psychiques, c'est donc ce que l'on fait dans le cadre d'un
16 examen psychiatrique appris à l'école, appris à la faculté. L'aspect
17 extérieur, l'attention, le contact verbal, la pensée, l'affectivité,
18 l'intelligence, l'esprit critique et l'éveil:: voilà les différents
19 éléments qu'il faut examiner si l'on veut, quand on est un jeune médecin,
20 examiner le patient et si l'on veut ensuite pouvoir rendre compte au
21 médecin qui vous supervise.
22 Toutes ces fonctions ne sont pas nécessairement affectées, mais on les
23 examine dans l'ordre. Et ensuite, quand on constate quelle est la fonction
24 qui est la plus affectée, on insiste plus particulièrement sur cette
25 fonction.
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1 Question: Conviendriez-vous avec moi que pour superviser, pour suivre un
2 patient comme il convient de le faire, notamment en veillant à ce que les
3 médicaments qui lui sont administrés soient les médicaments les plus
4 adaptés, il faut que toutes ces appréciations soient faites et qu'elles
5 vous soient soumises?
6 Réponse: Absolument. Moi, j'ai mon intervention au niveau des doses de
7 médicaments, de l'efficacité des médicaments et de la détermination de ces
8 médicaments. Mais cela se fait de façon externe. On ne peut pas déterminer
9 quel est le niveau de neuroleptique dans le sang. Ça, ça se pratique dans
10 certains pays mais ce sont des expériences qui se font en laboratoire;
11 cela ne se fait pas tous les jours à l'hôpital.
12 Il y a un neuroleptique que l'on utilise régulièrement, que l'on prescrit
13 régulièrement, c'est le lithium. Nous le prescrivons régulièrement au
14 dosage requis en fonction du temps que le patient a utilisé ce produit.
15 Mais les impressions, nous nous les faisons d'une façon externe pour voir
16 quelle est l'amélioration, quel est l'aspect sédatisant des médicaments
17 sur lui, combien il dort ou ne dort pas.
18 J'ai déjà dit tout à l'heure que les neuroleptiques sont très désagréables
19 pour les patients, qu'ils ont des aspects négatifs, qu'ils ont un effet
20 négatif sur certaines parties du cerveau où ils provoquent ce que l'on
21 appelle un syndrome neuroleptique qui est visible. En effet, ils
22 entraînent une salivation exagérée pour le patient. Il a les traits du
23 visage contractés, il peut arriver qu'il ait des crampes tout à fait
24 désagréables au niveau de la colonne vertébrale, et il peut même avoir des
25 douleurs et des crispations de certaines parties du corps qui se voient
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1 tout à fait bien.
2 Question: Vous dites que tout cela se voit au quotidien et vous avez dit
3 que trois personnes visitaient le patient: le thérapeute, le psychologue
4 et l'infirmière. Alors, le Dr Simic était-il thérapeute ou psychologue, à
5 l'époque, dans le cas qui nous intéresse?
6 Réponse: Le Dr Simic était un jeune médecin en cours de spécialisation,
7 donc en stage, depuis le début. Nos jeunes médecins sont admis dans
8 certains services afin de se spécialiser dans un certain domaine. Mais le
9 ministère accepte la spécialisation, un certain temps se passe en général,
10 et pendant ce temps-là le médecin trouve un emploi comme auxiliaire dans
11 tel ou tel service.
12 Nous savions depuis le début qu'il allait être médecin chez nous, et donc
13 nous n'avons pas attendu d'obtenir l'agrément officiel pour l'engager.
14 Question: Docteur, je vous demande qui était le psychologue qui voyait M.
15 Vasiljevic au quotidien? Qui était-ce?
16 Réponse: Dans notre service, nous avons deux psychologues qui ont terminé
17 leurs études de psychologie, qui donc effectuent les tests psychologiques,
18 qui prononcent un diagnostic, qui fournissent une aide psychosociale aux
19 familles des malades. Ils ont donc des rapports au quotidien avec les
20 malades, ils sont dans le service.
21 Question: Quel est le nom du psychologue qui voyait M. Vasiljevic au
22 quotidien, sur la base des documents que vous avez sous les yeux?
23 Réponse: Le psychologue n'a rien à faire avec les malades qui souffrent de
24 psychose transitoire aiguë parce que le psychologue utilise la partie
25 saine de la personnalité pour permettre au patient de sortir de son
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1 problème, alors que dans les cas de psychose aiguë, étant donné que le
2 processus est aigu, le patient est exclu de la réalité. Donc, le
3 psychologue n'a rien à faire avec ce genre de pathologie. Il ne peut pas
4 être utile.
5 C'est seulement lorsque l'état du malade s'améliore, lorsque les tests
6 psychologiques peuvent lui être appliqués et peuvent permettre d'apprécier
7 sa personnalité que le psychologue peut intervenir au niveau clinique.
8 M. Groome (interprétation) : Le thérapeute qui travaillait chez vous, qui
9 était-il? Quel est le nom de ce thérapeute qui voyait M. Vasiljevic tous
10 les jours?
11 Mme Jevtovic (interprétation): Le thérapeute rend visite au patient pour
12 faire la connaissance du patient et pour que le patient fasse connaissance
13 de lui, et qu'il ne soit pas un étranger pour le patient quand il commence
14 sa thérapie active. Bien entendu, une thérapie active ne peut pas
15 commencer avec le patient dès le début, en phase aiguë notamment. C'est
16 seulement quand il peut avoir la patience d'être là qu'il peut la suivre.
17 M. le Président (interprétation): Docteur, je vous en prie, vous ne
18 répondez pas à la question. Répondez, je vous prie, si vous connaissez ce
19 nom: quel était le nom du thérapeute?
20 M. Groome (interprétation): Savez-vous quel était le nom du thérapeute qui
21 voyait M. Vasiljevic, oui ou non?
22 Mme Jevtovic (interprétation): Non.
23 M. Groome (interprétation): En dehors des visites journalières, vous avez
24 parlé, si je ne m'abuse, et vous avez utilisé les termes "d'entretiens
25 officiels dans le bureau du médecin", vous avez dit que lors de ces
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1 entretiens des sujets assez sensibles étaient discutés avec le patient,
2 n'est-ce pas?
3 Mme Jevtovic (interprétation): Oui.
4 Question: Ces entretiens dans le bureau du médecin étaient-ils enregistrés
5 quelque part dans l'anamnèse, mis par écrit, consignés?
6 Réponse: Si ces entretiens étaient significatifs, on en prenait note. Mais
7 ils sont significatifs chez d'autres malades, nous en avons parlé: chez
8 les malades qui ont des idées noires, qui ont des hallucinations. Alors
9 que nous avons dit que, dans le cas présent, il s'agissait de psychose qui
10 se manifestait uniquement par l'agitation. Il n'avait rien de très
11 intéressant ou de très important à dire au médecin. Il manifestait
12 simplement une humeur un peu excitée, une accélération de la parole et une
13 grande agitation. Il suffisait de le suivre.
14 Question: Le fait qu'il n'y ait aucune note ici quant à des entretiens
15 entre le patient et le médecin dans un bureau de médecin permet-il de
16 conclure que M. Vasiljevic n'a pas eu de tels entretiens avec le médecin
17 ou bien, comme vous venez de le dire, que rien de significatif n'est
18 apparu au cours d'un éventuel entretien de ce genre entre lui et le
19 médecin?
20 Réponse: Le 8 juillet, le 15 juillet, et le 28 juillet on voit une note
21 concernant un tel entretien.
22 Question: Cela indique-t-il que ces deux jours-là une visite du patient a
23 eu lieu dans le bureau du médecin, les visites correspondant à ce que vous
24 avez décrit dans votre déposition?
25 Réponse: Je peux vous lire ce qui est écrit pour le 15 juillet, si vous
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1 voulez.
2 Question: Le document est versé au dossier, Docteur, et nous en avons déjà
3 parlé à plusieurs reprises. Mais pourriez-vous répondre à ma question?
4 Ceci vous indique-t-il que ce genre de visite, cette discussion avec M.
5 Vasiljevic dans le bureau d'un médecin a effectivement eu lieu?
6 Réponse: L'annotation sur l'anamnèse l'indique, parce que le médecin
7 décrit son comportement et sa façon de parler, le 15 déjà.
8 Question: Docteur, j'aimerais que vous apportiez quelque éclaircissement
9 suite à la réponse que vous avez fournie sur ce point à Me Domazet.
10 Je crois me rappeler que vous avez dit que la dernière ligne de la pièce à
11 conviction P161, la lettre que M. Vasiljevic vous a envoyée, cette
12 dernière phrase dans laquelle M. Vasiljevic demande à être attaché, vous
13 avez dit, si je ne m'abuse, qu'une telle requête pouvait être le résultat
14 des médicaments que le patient se voyait administrer?
15 Réponse: Pas des médicaments, mais de la maladie elle-même. Cela signifie
16 que les médicaments ne sont pas encore parvenus à créer une amélioration
17 de l'état pathologique.
18 Question: Mais je crois vous avoir entendu dire que ces neuroleptiques
19 présentaient un certain nombre d'effets secondaires dont l'un, si je ne
20 m'abuse, était l'hyperactivité?
21 Réponse: Non, pas l'hyperactivité. L'hyperactivité est un signe, un
22 symptôme de la maladie alors que le syndrome dû aux neuroleptiques se
23 manifeste par une crispation des muscles et de la colonne vertébrale
24 notamment. Donc le patient prend des positions un peu inhabituelles, et
25 quelquefois son corps est complètement tordu, c'est-à-dire que sa colonne
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1 vertébrale se tort en sens inverse et cela produit des douleurs que nous
2 soignons avec des médicaments.
3 Mais M. Vasiljevic ne souffrait pas de problèmes dus au neuroleptiques
4 parce que l'on aurait administré, dans ce cas, du Procipar ou un autre
5 médicament qui soigne ce genre de problème. Ces médicaments existent;
6 lorsque le patient est en situation particulièrement difficile, on fait
7 une pause dans les neuroleptiques, on administre des perfusions, etc.
8 Question: Docteur, j'aimerais maintenant vous interroger au sujet du
9 delirium tremens. Je crois vous avoir entendu dire que les symptômes du
10 delirium tremens étaient des symptômes très clairs, très nets, n'est-ce
11 pas? Vous n'avez pas besoin de les répéter mais répondez simplement: est-
12 il exact qu'ils sont très nets, très clairs?
13 Réponse: Tout à fait.
14 Question: Serais-je en droit de penser que tout médecin dûment formé, et
15 qui ne serait pas nécessairement un neuropsychiatre, mais que tout médecin
16 compétent est capable de reconnaître les symptômes du delirium tremens,
17 n'est-ce pas?
18 Réponse: Pas, tout de même, tous les médecins qualifiés. Les médecins,
19 certains médecins appellent le syndrome de sevrage "delirium", le simple
20 sevrage et tout signe d'agitation. Ils ont facilement tendance à dire: "Ce
21 patient est sur le point d'entrer dans une crise de delirium", mais nous
22 arrivons et nous voyons que ce n'est pas du tout du delirium, et nous
23 cherchons une autre explication.
24 Question: Le terme "delirium" est-il utilisé, dans certains cas, comme
25 raccourci pour "delirium tremens"? C'est ce que vous venez de faire, je
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1 crois, dans votre dernière réponse. Le terme "delirium" est-il parfois un
2 raccourci pour l'expression "delirium tremens"?
3 Réponse: Non. Le delirium tremens est une catégorie spécifique et le
4 delirium, c'est-à-dire le délire, est un symptôme de trouble de la
5 conscience. Nous avons parlé de troubles de l'orientation, du sens de
6 l'orientation, ce qui signifie qu'il y a trouble de la conscience.
7 Question: Est-il possible que parfois, les sédatifs masquent les symptômes
8 du delirium tremens?
9 Réponse: C'est possible s'ils sont pris à doses importantes, parce que les
10 hallucinations et les délires sont traités avec des doses de
11 neuroleptiques assez élevées: le benzodiazepine(?), l'Heminervin, à des
12 doses très importantes. Mais il y a des médicaments qui suppriment
13 spécifiquement les hallucinations, et c'est seulement dans le cas de
14 délire que ces médicaments sont prescrits.
15 Question: Docteur, puis-je appeler votre attention sur l'anamnèse, la
16 pièce P138, la note du 5 juillet du Dr Stojkovic? Et la partie du texte
17 dont nous allons parler est la partie du texte où le Dr Stojkovic déclare:
18 "Le patient manifeste les signes de l'étape précédant le délire. Il n'a
19 pas pris les sédatifs prescrits depuis plusieurs jours". Fin de citation.
20 Dans ce contexte, est-il possible que ce que le Dr Stojkovic décrit ici,
21 au cours de son observation de M. Vasiljevic, c'est le fait que M.
22 Vasiljevic était en train d'entrer dans une phase de delirium tremens?
23 Réponse: C'est là qu'intervient la qualification dont j'ai parlé tout à
24 l'heure, le stade pré-délirant. Il n'est pas parlé de délire ici, mais de
25 pré-délirant, et c'est une étape qui signifie qu'il est difficile de
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1 déterminer exactement le trouble dont souffre le patient, à savoir cette
2 fameuse psychose. Agitation, impossibilité d'écouter l'autre, hyper-
3 mobilité, comportement non contrôlé, voilà quels étaient les symptômes.
4 C'est le terme "pré-délirant" qui a été utilisé.
5 Question: Vous avez parlé assez longuement de la psychose aiguë en la
6 décrivant dans le détail. Vous avez dit qu'une telle psychose pouvait
7 démarrer certainement dans le temps qui suit immédiatement un stress
8 important, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Et l'un des exemples qui a été fourni était celui de quelqu'un
11 qui avait été témoin de l'assassinat d'un grand nombre de personnes.
12 Serait-ce là quelque chose qui pourrait provoquer une psychose aiguë?
13 Réponse: Oui. Cela pourrait provoquer une psychose aiguë, tout à fait.
14 Question: N'est-il pas également possible qu'une psychose réactive de ce
15 genre puisse être précipitée dans le cas, par exemple, d'un homme qui
16 s'enivre à un degré très important, qui est tout à fait fâché, qui se met
17 en colère et qui tue, dans cette colère, qui tue un membre de sa famille?
18 Ne serait-il pas possible, dans ce genre de situation, lorsque la personne
19 est confrontée à son acte, que cela produise chez elle une psychose
20 réactive?
21 Réponse: Nous avons dit que les effets de l'alcool sur le cerveau, et
22 notamment chez ceux qui ont un système nerveux central un peu préparé à
23 cela, qu'une telle psychose se déclare. Mais chez la plupart des
24 individus, cela ne produirait aucune psychose.
25 Maintenant, vous parlez de réaction à une situation de stress, et je
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1 crains de ne pas avoir tout à fait bien compris la dernière partie de
2 votre question, à l'instant.
3 Question: Je vous prie de m'expliquer. Mais vous disiez que cela pouvait
4 être compliqué par l'alcool. Imaginons quelqu'un qui devient enragé, qui
5 tue sa femme, qui se réveille tout d'un coup et qui se rend compte de la
6 terrible chose qu'il a faite, il se sent coupable. Cela ne pourrait-il pas
7 pousser cet homme à tomber dans une psychose réactive?
8 Réponse: Les journaux abondent de cas de ce genre. Savez-vous combien il y
9 a de maris en état d'ébriété qui tuent leur épouse ou d'autres parents, la
10 belle-mère ou d'autres, chez nous? Et ensuite, quelquefois, ils sont
11 condamnés par les tribunaux. L'alcool n'augmente que ce qu'il y a de pire
12 chez une personne. S'il y a un problème au niveau de la structure de la
13 personnalité ou si une personne a un problème psychique qu'elle traîne
14 avec elle depuis pas mal de temps, l'alcool ne fait qu'augmenter tout
15 cela. Et si s'ajoute à cela une structure personnelle, la structure d'une
16 personnalité un peu explosive qui s'emballe facilement, cela ne fait
17 qu'aggraver les choses.
18 Question: Donc un sentiment de culpabilité très important, le sentiment
19 d'avoir fait quelque chose de terrible peut-il, à votre avis, précipiter
20 l'apparition de la psychose chez quelqu'un qui serait déjà enclin à
21 développer une psychose?
22 Réponse: Une telle personne tomberait dans une psychose dépressive. Le
23 sentiment de culpabilité et la dépression sont très liés, vous savez. Le
24 sentiment de culpabilité est un symptôme de l'état dépressif, l'un des
25 symptômes.
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1 Question: Si, par le passé, un patient avait vécu des problèmes
2 psychiatriques, chaque fois par exemple qu'il décidait d'arrêter de boire,
3 est-il possible qu'il décide un jour d'arrêter de boire sans passer par
4 ces problèmes psychiatriques?
5 Réponse: Le risque que les troubles psychiatriques réapparaissent est
6 inférieur, mais cela arrive. S'il arrête de boire, il y a moins de risques
7 qu'il souffre d'un problème psychiatrique.
8 Question: Maître Domazet vous a posé un certain nombre de questions au
9 sujet de la responsabilité. Alors ce que je vous demande, c'est la chose
10 suivante: vous avez dit qu'afin de vous prononcer sur la responsabilité de
11 quelqu'un, il vous faudrait avoir un entretien très approfondi avec
12 quelqu'un qui est accusé d'un crime, et il vous faudrait connaître
13 également en détail les circonstances qui ont entouré la commission de ce
14 crime, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui, et il me faudrait encore d'autres choses.
16 Question: L'une des questions que vous poseriez, ou plutôt je reformule:
17 exploreriez-vous l'état d'esprit, l'intention de la personne au moment du
18 crime? Serait-ce là l'un des éléments sur lequel vous interrogeriez cet
19 personne?
20 Réponse: La différence réside dans la validité des propos, des réponses
21 apportées par l'auteur de l'acte, selon la durée qui a séparé la
22 commission de l'acte de la fourniture des éléments qu'il fournit. Donc il
23 faut qu'un certain temps s'écoule pour que l'on puisse considérer que ce
24 qu'il dit au sujet de l'acte commis est exact, ainsi qu'au sujet de ce qui
25 a provoqué l'acte, parce que ce sont deux choses différentes, si quelqu'un
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1 parle de quelque chose immédiatement après la commission de l'acte.
2 Je peux vous donner un exemple tout à fait intéressant que j'ai vu moi-
3 même, un jeune homme a coupé… a lacéré sa petite amie parce qu'elle
4 l'avait empoisonné, elle avait empoisonné sa nourriture. Plusieurs années
5 plus tard, il a été traité régulièrement et il présentait une pathologie
6 qui se manifestait par une dissociation, c'est-à-dire qu'il se rendait
7 compte qu'il était malade et il présentait des symptômes paranoïaques
8 qu'il ne pouvait pas exprimer à l'époque. Il y avait eu détérioration
9 intellectuelle, la personnalité était pratiquement désintégrée comme chez
10 un schizophrène mais après une thérapie assez longue, il a pu revenir sur
11 son acte et l'interpréter en exprimant des sentiments par rapport à tout
12 ce qui s'était passé.
13 Question: J'aimerais maintenant vous poser une question et obtenir une
14 réponse assez brève, une question qui a été faite à M. Vasiljevic. Je vais
15 vous dire quelle réponse il a donné, qui montre tout de même qu'il
16 comprenait à peu près ce qui lui était demandé, et puis je vous
17 interrogerai par la suite à ce sujet. Voici quelle est la question; je
18 cite une partie du compte rendu d'audience:
19 "-Question: D'accord. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est le moment de
20 l'incident auprès de la rivière. Quel était votre état mental? Quelle
21 était votre intention? Ou aviez-vous des problèmes mentaux psychiatriques,
22 à cette époque?"
23 Réponse fournie par M. Vasiljevic: "Non, j'ai eu des problèmes après cet
24 incident, notamment depuis qu'un de mes camarade a été tué à cet endroit".
25 Fin de citation.
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1 Alors, quelle est la validité que l'on peut accorder aux propos de M.
2 Vasiljevic quant au fait qu'il ne souffrait d'aucun trouble psychiatrique
3 ou psychologique à l'époque de l'incident, près de la rivière, mais que
4 c'était simplement le lieu d'un crime? Quelle est la validité que vous
5 apporteriez à ces propos, quand il dit qu'il ne souffrait d'aucun
6 problème, d'aucun trouble psychologique?
7 Réponse: Je pourrais vous répondre correctement seulement s'il avait été
8 examiné par un psychiatre à l'époque de cette déclaration, un psychiatre
9 qui aurait pu apprécier son état mental à l'époque et la validité de ses
10 propos à l'époque.
11 Question: Malheureusement, nous ne disposons pas de ces renseignements.
12 Tout ce que je peux vous fournir, c'est vous dire qu'il ne souffrait
13 d'aucun trouble psychiatrique, à l'époque. Alors je vous demande, pouvez-
14 vous nous dire quelle est la validité que l'on peut accorder à de telles
15 déclarations si l'on part du principe qu'il n'avait aucune manifestation.
16 Réponse: Cela dépend de qui dit qu'il ne manifestait aucune maladie
17 psychiatrique. Je dois savoir beaucoup de choses pour pouvoir juger de
18 l'habilité à quelqu'un de répondre à cette question, ou de l'habilité de
19 quelqu'un à évaluer sa propre responsabilité.
20 Question: Docteur, je vais vous poser cette question, vous dire dans quel
21 but je vous la pose et je vais vous demander si vraiment nous pouvons
22 accorder une quelconque validité à ses propos lorsqu'il dit qu'à l'époque
23 des faits il ne souffrait d'aucune maladie psychiatrique.
24 Réponse: Tout cela, ce sont des constatations très hypothétiques. Il est
25 impossible de tirer des conclusions sur la base de cela; des constatations
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1 ou des conclusions sur l'état mental ou sur l'état de responsabilité,
2 encore moins. Je regrette beaucoup, mais c'est impossible.
3 M. Groome (interprétation): Merci. Plus de questions.
4 Merci, Madame le Docteur.
5 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires de la part
6 de la défense?
7 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Slavica Jevtovic,
8 par Me Domazet.)
9 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
10 Si j'ai bien compris les questions de M. Groome et ce qui est inscrit sur
11 la ligne 14, page 90, ligne 14, on dirait que Mitar Vasiljevic avait dit
12 qu'à l'époque il n'avait pas de problème de santé mentale mais que ses
13 problèmes ne se sont manifestés que plus tard, après l'incident avec son
14 collègue. Donc serait-il possible que, si quelqu'un assiste à un tel
15 événement où sous ses yeux on tue un de ses collègues et un de ses bons
16 amis, est-ce que ce serait une situation qui pourrait déclencher cette
17 psychose réactive?
18 Mme Jevtovic (interprétation): J'ai dit à plusieurs reprises quels sont
19 les faits qui peuvent provoquer une psychose réactive: des situations de
20 stress, des situations qui agissent sur le système névrotique - notamment
21 lorsqu'il s'agit de l'alcoolisme-, et puis instabilité et exposition aux
22 situations de stress.
23 Question: Répondant à une question de M. Groome en ce qui concerne les
24 visites, les visites effectuées quotidiennement dans le cas de tous les
25 patients, il me semble que l'on n'a pas tout à fait saisi, dans votre
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1 déposition, qui étaient les personnes qui formaient ces équipes. Il y
2 avait donc le travailleur social, l'infirmière en chef et le psychologue?
3 Eh bien, c'est ce que vous avez à peu près dit. Pour que nous comprenions
4 tous très bien les choses, qui étaient ceux qui composaient ces équipes,
5 qui rendaient visite aux patients?
6 Réponse: Les docteurs spécialistes, les jeunes docteurs, l'infirmière en
7 chef et le thérapeute de travail opérant, donc lorsqu'on l'a obtenu dans
8 le cadre de notre département.
9 Question: Donc à côté du psychologue, à côté de ce thérapeute de travail,
10 de l'infirmière en chef, eh bien, il y a eu aussi parfois le chef du
11 département qui faisait partie de ces équipes qui visitaient les patients?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et vous visitiez chaque patient?
14 Réponse: Littéralement, oui.
15 Question: Est-ce que ce patient a besoin sur-le-champ d'un psychologue,
16 d'un travailleur social, d'un thérapeute de travail et ainsi de suite?
17 Réponse: Non. Je vous parlais de cette composition des équipes pour ces
18 grandes visites selon les besoins. Et puis, nous avons ces listes
19 thérapeutiques; nous les apportons, nous les amenons avec nous. Elles ne
20 sont pas, elles ne figurent pas, elles ne pendent pas sur les lits, enfin,
21 pour éviter que les patients ou quiconque d'autre y inscrive quelque chose
22 qui ne serait pas approprié. Donc on les avait avec nous.
23 Question: Et pendant ces visites, est-ce que vous vous consultiez sur les
24 thérapies à administrer?
25 Réponse: Oui. On inscrit ces médicaments qu'on doit prescrire, les
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1 thérapies qu'on doit prescrire, mais en tenant compte de toutes les
2 relèves, des relèves du jour précédent, du médecin spécialiste. On se
3 consulte sur les thérapies du jour précédent, mais le jour même on se
4 consulte et on se met d'accord sur la thérapie à appliquer. Et puis, on
5 n'en discute pas devant le patient. Tout simplement, nous annotons nos
6 listes, nous consignons nos notes dans les listes différentes et puis nous
7 les remettons à l'infirmière en chef ou aux infirmières, et ce sont elles
8 qui exécutent nos consignes.
9 Question: Répondant à une question de M. Groome, "est-ce qu'un thérapeute
10 de travail travaillait avec M. Vasiljevic?", votre réponse a été "non".
11 Comment le saviez-vous, et pourquoi ce thérapeute n'a pas travaillé avec
12 lui? Est-ce que c'était une nécessité? Quelle a été la raison de cela?
13 Mme Jevtovic (interprétation): Je n'ai pas réussi à compléter ma réponse
14 donnée au Bureau de l'accusation. A l'époque, on n'avait pas de thérapeute
15 de travail. Nous avons un thérapeute dans notre département depuis 1994,
16 1995, et l'époque, l'époque dont nous parlons est celle de 1992.
17 Et puis, même si on en avait, Mitar Vasiljevic n'était pas en position de
18 participer à ce genre de thérapie, de travail thérapeutique pendant son
19 hospitalisation.
20 M. Domazet (interprétation): Je n'ai plus de questions. Merci, Madame.
21 M. le Président (interprétation): Merci, Madame. Merci d'être venue, merci
22 d'avoir déposé devant ce Tribunal. Vous pouvez disposer, à présent.
23 (Le témoin, Mme Slavica Jevtovic, est reconduit hors du prétoire.)
24 M. Groome (interprétation): Pendant que nous attendons le témoin suivant,
25 j'annonce que l'accusation demande seulement que les premières pages du
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1 document D26 soient analysées par un expert, par un analyste.
2 M. le Président (interprétation): Et les autres registres?
3 M. Groome (interprétation): Pour les autres registres, nous ne demandons
4 pas qu'un tel examen soit lu. Et s'agissant du rapport d'expert déposé
5 hier au sujet de l'expertise légale, le Procureur ne procédera pas, ne
6 demandera pas un contre-interrogatoire de ce témoin.
7 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Nous n'aurons pas besoin
8 de... En ce qui concerne le D26, je pense qu'il y a certains livres que
9 l'on doit remettre à l'hôpital d'Uzice. Vous avez déjà fait des
10 photocopies pour le D26.
11 M. Groome (interprétation): En attendant l'examen de ces registres, de ces
12 protocoles, eh bien, je voudrais bien demander que ces livres registres
13 restent dans le Tribunal et que certains, qui pourront être remis, soient
14 renvoyés à l'hôpital.
15 M. le Président (interprétation): D'accord. Maintenant, on est tout à fait
16 clairs à ce sujet. Donc il y a photocopies, et puis on pourra retourner
17 ces livres à l'hôpital concerné.
18 (Le nouveau témoin, M. Ivan Jovanovic, est introduit dans le prétoire.)
19 M. le Président (interprétation): Docteur, est-ce que vous voulez bien
20 nous donner lecture de la déclaration solennelle que l'huissier vous
21 présentera?
22 M. Jovanovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, s'il vous
25 plaît, Monsieur le Témoin.
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1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ivan Jovanovic, par Me Domazet.)
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?
3 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, merci.
4 Monsieur Jovanovic, bonjour.
5 M. Jovanovic (interprétation): Bonjour.
6 Question: Je vous poserai des questions au nom de la défense de l'accusé.
7 Je vous prie de répondre à ces questions en faisant une pause après chaque
8 question, et puis vous pourrez voir sur le transcript à l'écran, attendre
9 la fin de la phrase pour que les interprètes puissent nous suivre plus
10 efficacement.
11 Monsieur Jovanovic, je vous prierai de vous présenter, de nous donner,
12 décliner vos coordonnées, votre date de naissance et votre lieu
13 d'habitation.
14 Réponse: Je suis Ivan Jovanovic, j'ai 40 ans. Je suis né à Arilje où je
15 vis encore, et je travaille dans l'hôpital général à Uzice. Je travaille
16 dans cet hôpital depuis 1989.
17 Question: Vous travaillez dans quel département de l'hôpital général
18 d'Uzice?
19 Réponse: Depuis le 28 janvier 1989, je travaille dans le département
20 d'orthopédie et de traumatologie de l'hôpital général à Uzice. C'est en
21 1990 que j'ai pu obtenir un stage de spécialisation auprès du même
22 hôpital, spécialisation que j'ai terminée au bout d'un stage de quatre
23 ans, soit depuis le 12 avril au 12 octobre 1994. Et je suis, depuis,
24 médecin chirurgien spécialisé pour l'orthopédie et la traumatologie.
25 Question: Monsieur Jovanovic, ce temps que vous venez de mentionner, vous
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1 l'avez donc passé au département orthopédique à Uzice, si je vous ai bien
2 compris?
3 Réponse: Oui. Il y a une pause entre 1992, le mois de septembre, jusqu'en
4 1994, donc temps que j'ai passé à Belgrade en stage de spécialisation.
5 Depuis juin 1995, j'ai passé six mois en stage de spécialisation aux
6 Etats-Unis d'Amérique.
7 Question: Monsieur Jovanovic, ce qui m'intéresse, c'est surtout l'année
8 1992 où, jusqu'au mois de septembre 1992, vous étiez dans le département
9 orthopédique de l'hôpital d'Uzice.
10 Réponse: Oui.
11 Question: Je vous prie de vous remémorer cette période-là et peut-être
12 d'une période postérieure. Donc vers le milieu de l'année 1992, qui était
13 avec vous en poste dans le cadre du département dans lequel vous
14 travailliez?
15 Réponse: A l'époque, j'étais stagiaire spécialisé, docteur spécialiste.
16 Dans le même département, il y avait le Dr Vlada Gordic qui suivait
17 également un stage de spécialisation, le Dr Jevtic Miroslav et puis le Dr
18 Stanislavjevic, le Dr Jovicevic, le Dr Stojkovic, le Dr Moljevic et le Dr
19 Stojkovic. A l'époque, il avait peut-être déjà quitté l'hôpital, mais je
20 ne suis pas tout à fait sûr en ce qui concerne ce dernier point, s'il
21 était là sur place ou non.
22 Question: Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose qui caractérisait
23 tout spécifiquement cette période par rapport à une quelconque autre
24 période? Est-ce que, dans cette période-là, certaines choses étaient
25 différentes que d'autres?
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1 Réponse: C'était une période qui a été vraiment surchargée. Il y a eu
2 beaucoup de cas traumatisés, beaucoup de travail à faire, des traumatismes
3 de guerre. Il y a eu un grand afflux de patients, de malades. Enfin,
4 grosso modo, ce seraient les caractéristiques essentielles pour cet
5 intervalle de temps à cette époque-là.
6 Question: Ayant dit qu'une des caractéristiques de cette période était, à
7 côté d'un grand nombre de patients, l'état de guerre, à quel état de
8 guerre pensez-vous? Où cet état de guerre sévissait?
9 Réponse: Je pense tout d'abord et surtout aux événements de l'autre côté
10 de la Drina, du côté gauche de la Drina, d'où nous venaient ces blessés
11 que nous appelions dans notre jargon quotidien "les blessés du champ de
12 bataille", et je ne voudrais pas entrer dans une analyse des détails de
13 toutes les blessures que ces gens-là présentaient à leur admission dans
14 nos services.
15 Question: Docteur Jovanovic, est-ce que vous vous souvenez avoir
16 accueilli, à l'époque, des blessés ou des malades de cette partie-là de la
17 Bosnie-Herzégovine, des patients malades qui appartenaient aux deux
18 groupes ethniques serbe et musulman? Est-ce que vous pouvez vous souvenir
19 de l'origine ethnique de ces patients malades que vous admettiez dans vos
20 services?
21 Réponse: Je me souviens surtout du climat qui régnait à cette époque-là,
22 au sein du département notamment. Je me souviens plutôt du climat que de
23 leurs noms, de leur apparence physique, mais il y a des choses que je
24 n'oublierai jamais de ces blessures de guerre. C'est une expérience que
25 l'on ne pouvait obtenir ailleurs que là où je travaillais. Je me souviens
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1 très bien qu'il s'agissait au début de patients relevant, appartenant à
2 toutes origines ethniques, à toutes les confessions, musulmane ou
3 chrétienne.
4 M. Domazet (interprétation): Etant donné que vous aviez déjà une certaine
5 ancienneté de quelques années dans votre département, vous souvenez-vous
6 que, dans cette période qui avait précédé cet état de guerre comme vous le
7 qualifiez vous-même, vous souvenez-vous avoir eu des patients de cette
8 partie de la Bosnie orientale qui venaient à Uzice pour être hospitalisés
9 ou pour consultation dans les différents dispensaires? Est-ce que c'était
10 une pratique précédente, des temps précédents?
11 M. Jovanovic (interprétation): L'hôpital régional d'Uzice est un des plus
12 important, ou est catégorisé parmi l'un des plus importants en
13 Yougoslavie. Il s'agit d'un hôpital qui couvre quelques 500.000 patients,
14 se trouve donc dans une région frontalière avec la Bosnie. Et même avant
15 les événements en Bosnie, il était de coutume que beaucoup, même autant
16 que 150.000 personnes venaient de Bosnie, et puis j'ai opéré pas mal de
17 Musulmans, de gens appartenant à la confession musulmane, et j'attends le
18 retour de La Haye de trois personnes qui seront opérées. Il s'agit de
19 hanches artificielles, de prothèses de la hanche artificielle. Ces gens-là
20 attendent que ces prothèses leur soient appliquées par intervention
21 chirurgicale.
22 M. le Président (interprétation): Le moment est venu de suspendre la
23 séance.
24 M. Domazet (interprétation): Oui.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur le Docteur, excusez-nous mais
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1 nous devons interrompre et suspendre la séance jusqu'à demain matin.
2 (L'audience est levée à 16 heures. )
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