Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Vendredi 30 novembre 2001.)

  2   (L'audience est ouverte à 10 heures.)

  3   (Audience publique.)

  4   (Le témoin, Mme Snezana Neskovic, est déjà dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.

  6   Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre

  7   Mitar Vasiljevic.

  8   M. le Président (interprétation): Madame, je vous prie de faire la

  9   déclaration solennelle, partant du document que vous tend M. l'huissier.

 10   Mme Neskovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

 13   (Le témoin s'assoit.)

 14   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous.

 15   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 16   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ossogo?

 17   M. Ossogo: Je voudrais présenter, au nom de l'équipe du Bureau du

 18   Procureur, les excuses de M. Groome qui vient de perdre un membre de sa

 19   famille -notamment son beau-père- brutalement, et qui ne peut pas se

 20   présenter à votre audience ce matin.

 21   Nous allons continuer dans le cadre de la présentation des moyens du

 22   Procureur par rapport au reste de l'équipe et aux décisions qui ont été

 23   prises par la Chambre avant cette audience. Merci.

 24   M. le Président (interprétation): Merci bien.

 25   Maître Domazet, à vous.


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  1   (Interrogatoire principal du témoin, Mme Snezana Neskovic, par Me

  2   Domazet.)

  3   M. Domazet (interprétation): Madame Neskovic, bonjour.

  4   Mme Neskovic (interprétation): Bonjour.

  5   M. Domazet (interprétation): Madame Neskovic, avant de commencer avec

  6   l'interrogatoire, je pense que vous savez que je vous interrogerai au nom

  7   de la défense. Je crois devoir vous dire qu'il faut que vous fassiez une

  8   petite pause après mes questions avant de répondre, étant donné que nous

  9   parlons tous les deux la même langue, pour faciliter la tâche des

 10   interprètes et afin que les questions et les réponses soient bien

 11   interprétées.

 12   J'espère que nous pourrons nous entretenir comme prévu. Je regrette

 13   beaucoup que vous soyez aujourd'hui en salle d'audience. Vous n'êtes

 14   arrivée qu'hier soir et comme M. Ossogo vous l'a expliqué, il y a eu

 15   certaines modifications. J'espère que vous aurez de la compréhension pour

 16   nous. Je sais que vous êtes fatiguée, probablement, et je vous remercie de

 17   votre compréhension pour ce qui est de nous avoir permis de continuer

 18   notre travail dans la matinée d'aujourd'hui.

 19   Pour commencer, Madame Neskovic , je vous demanderai de vous présenter,

 20   c'est-à-dire de décliner vos nom et prénom, votre date et lieu de

 21   naissance, votre lieu de résidence actuel.

 22   Mme Neskovic (interprétation): Je m'appelle Snezana Neskovic. Je suis née

 23   le 10 janvier 1962 à Sase, municipalité de Visegrad. En ce moment-ci, je

 24   réside à Visegrad.

 25   M. le Président (interprétation): Madame, vous n'avez pas besoin de


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  1   regarder l'écran pour voir si les interprètes vous suivent bien.

  2   L'essentiel, c'est que vous fassiez une petite pause pour permettre aux

  3   interprètes de traduire la question avant de commencer à répondre. Les

  4   sténotypistes peuvent suivre votre vitesse, votre débit, mais le problème

  5   se situe au niveau des interprètes, donc je vous demanderai de commencer à

  6   répondre une fois que la question a fini de défiler sur le moniteur, sur

  7   l'écran. Merci beaucoup.

  8   (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)

  9   M. Domazet (interprétation): Vous venez de nous dire, Madame Neskovic,

 10   votre date et lieu de naissance. Je voudrais savoir si vous avez une

 11   famille, si vous êtes mariée et quel est le lieu de résidence de votre

 12   famille.

 13   Mme Neskovic (interprétation): J'ai une famille. Je suis mariée, j'ai un

 14   mari et deux enfants. Je réside à Visegrad.

 15   Question: Quelle est la qualification professionnelle dont vous disposez?

 16   Réponse: Je suis juriste diplômée, de par ma profession.

 17   Question: Et où travaillez-vous en ce moment-ci, Madame Neskovic?

 18   Réponse: Je travaille au sein de l'administration locale de la

 19   municipalité de Visegrad.

 20   Question: Veuillez me dire, Madame: suite aux premières élections

 21   pluripartites dans la municipalité de Visegrad, aviez-vous été partie

 22   prenante à la vie politique et avez-vous pris part activement à cette vie

 23   politique de la municipalité de Visegrad?

 24   Réponse: Eh bien, après ces premières élections multipartites qui se sont

 25   tenues le 20 novembre 1990, j'ai été élue député de la ville de Visegrad


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  1   et j'ai pris part aux activités de l'assemblée municipalité de Visegrad.

  2   Question: Pouvez-vous nous dire au devant de quel parti politique vous

  3   avez été candidate?

  4   Réponse: Eh bien, je me trouvais sur la liste électorale du parti

  5   démocratique serbe, et j'ai été élue députée au devant de ce parti.

  6   Question: Je vous demande une fois de plus, Madame, d'attendre que les

  7   lettres finissent de défiler sur l'écran avant de commencer à répondre.

  8   Veuillez nous dire maintenant quel était le rapport des forces à

  9   l'assemblée municipale, à l'époque.

 10   Réponse: Est-ce que vous parlez du nombre de députés à l'assemblée pour ce

 11   qui est des partis, ou est-ce que vous parlez du pourcentage par rapport

 12   aux groupes ethniques dans la population? Je n'ai pas bien saisi.

 13   Question: Je voulais savoir quel était le rapport des forces au sein de

 14   l'assemblée municipale, s'agissant des partis en présence, et de quelle

 15   façon ces pouvoirs locaux ont été mis en place.

 16   Réponse: Après ces élections multipartites, les Serbes se trouvaient en

 17   minorité à l'assemblée municipale de Visegrad. La majorité avait été

 18   détenue par le SDA musulman qui était majoritaire, donc, au niveau de

 19   l'assemblée municipale.

 20   Question: Et pourriez-vous nous dire quelle était la majorité nécessaire

 21   pour décider de questions importantes dans le rapport de force existant,

 22   c'est-à-dire s'agissant de la prise de décisions importantes?

 23   Réponse: Eh bien, selon les statuts en vigueur, la majorité nécessaire

 24   était celle de deux tiers. Toutefois, après ces élections pluripartites,

 25   lorsque le SDA a eu la majorité à l'assemblée, elle a procédé à un


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  1   changement, à une modification du statut et, de façon illégale, il a été

  2   procédé à la modification de ces statuts de l'assemblée municipale de

  3   Visegrad étant donné que le recensement, le dernier recensement en 1991,

  4   et auparavant, avait été minoritaire à l'assemblée. Et les Musulmans ont

  5   changé illégalement les statuts pour remplacer cette majorité de deux

  6   tiers nécessaires par une simple majorité, pour ce qui est de la décision.

  7   Les Serbes avaient procédé contre ces amendements aux statuts, mais cela

  8   n'a pas été pris en considération. Et les Serbes, mécontents, avaient

  9   quitté l'une des sessions de cette assemblée municipale.

 10   Je crois que, par la suite, les statuts avaient été amendés en 1990 à

 11   l'occasion d'une deuxième session de cette assemblée municipale de

 12   Visegrad.

 13   Question: Vous voulez dire, donc, que cela a eu lieu dès la deuxième

 14   session de la même assemblée municipale? J'imagine que la première session

 15   avait été une session constitutive?

 16   Réponse: Oui, c'est exact.

 17   Question: Quand vous dites que cela s'est fait de façon illégale, Madame

 18   Neskovic, pouvez-vous nous dire si, selon les statuts en vigueur à

 19   l'époque, il fallait une majorité de deux tiers? Et, cette majorité

 20   n'existant pas, c'est la raison pour laquelle vous avez parlé d'illégalité

 21   de la façon de procéder? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez

 22   que cela ne s'est pas fait de façon légale?

 23   Réponse: Pour modifier le statut, il fallait une majorité de deux tiers.

 24   Et pour changer les statuts selon les dispositions en vigueur à l'époque

 25   dans le statut, il fallait organiser un débat public sur le statut.


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  1   Toutefois, le président de l'assemblée municipale avait dit que cela

  2   prendrait trop de temps, que cela coûterait trop cher que d'organiser ce

  3   débat public -comme s'il n'y avait pas eu, jusqu'à ce jour-là, des débats

  4   publics!- et qu'il fallait procéder à une modification urgente des statuts

  5   à l'assemblée municipale de la ville de Visegrad.

  6   Question: Qui avait été le président de cette assemblée municipale de

  7   Visegrad? Qui avait été élu président de la municipalité de Visegrad?

  8   Réponse: Fikret Cocalic, juriste diplômé, a été élu président de

  9   l'assemblée municipale au-devant du Parti de l'action démocratique, le

 10   SDA.

 11   Question: Une fois de plus, je vous demande de faire une pause de quelques

 12   secondes avant de commencer à répondre à ma question. Vous n'avez

 13   probablement pas remarqué mais, à chaque fois, vous répondez

 14   immédiatement.

 15   Veuillez nous dire, Madame Neskovic, de quelle façon cela s'est répercuté

 16   sur le fonctionnement de l'assemblée  municipale et l'élection des autres

 17   organes administratifs de cette assemblée municipale de Visegrad.

 18   Réponse: Cela s'est répercuté de façon négative sur le suivi du

 19   fonctionnement de l'assemblée municipale de Visegrad.

 20   Les Musulmans se sont accaparé tout le pouvoir. Le président de

 21   l'assemblée municipale était le représentant du parti du SDA, le président

 22   du conseil exécutif était un représentant du SDA et les autres fonctions

 23   également avaient été occupées par des Musulmans. Le président du tribunal

 24   avait été un Musulman, le président du tribunal de simple police

 25   municipale avait été un Musulman, le procureur de la municipalité avait


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  1   été également un Musulman, le chef du poste de sécurité avait été un

  2   Musulman.

  3   Les Serbes ont obtenu des fonctions mineures qui n'avaient pratiquement

  4   aucune importance. Les Serbes ont eu le poste de vice-président de

  5   l'assemblée qui avait été un poste non rémunéré, alors que le président

  6   était un employé à temps plein de l'assemblée municipale de Visegrad. Pour

  7   satisfaire les Serbes, on a inventé le poste de vice-président du conseil

  8   exécutif de l'assemblée municipale où l'on avait nommé un Serbe, et c'est

  9   une fonction qui n'avait pas du tout existé jusqu'à ces élections-là.

 10   Question: Madame Neskovic, vous avez dit vous-même qu'à l'époque, selon le

 11   recensement, les Serbes étaient en minorité et que cela avait été le cas

 12   lors du recensement antérieur également. Je voudrais savoir maintenant,

 13   pour ce qui est de cette composition-là, de l'assemblée -non pas celle où

 14   vous avez été députée vous-même-, quel avait été le rapport des forces, ou

 15   plutôt le partage du pouvoir à Visegrad?

 16   Réponse: Avant cette assemblée, la façon dont on décidait était tout à

 17   fait différente. Les pouvoirs étaient constitués de façon autre, étant

 18   donné que les lois avaient été rédigées pour la période jusqu'en 1990.

 19   C'était la première fois que nous avions des élections pluripartites.

 20   Avant, les Serbes avaient participé au pouvoir avec un tiers de

 21   représentants, c'est le statut qui le leur permettait. Par exemple, si le

 22   président de l'assemblée était un Musulman, le président du conseil

 23   exécutif était un Serbe ou vice-versa.

 24   Question: Si cette espèce de clé ethnique avait été appliquée, je voudrais

 25   savoir si ce même système de répartition ethnique des postes était


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  1   appliqué auparavant également?

  2   Réponse: Oui, il avait été appliqué également.

  3   Question: A cette époque-là, à l'époque où cette répartition selon les

  4   modalités ethniques étaient appliqué, y avait-il des problèmes dans le

  5   fonctionnement de l'autogestion locale du pouvoir des tribunaux, d'une

  6   manière générale?

  7   Réponse: Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas.

  8   Question: Quand vous dites que vous ne vous en souvenez pas, Madame

  9   Neskovic, est-ce que cela signifie que vous ne vous souvenez pas de

 10   certains problèmes particuliers, ou vous ne vous souvenez pas du fait

 11   qu'il y ait eu des problèmes du tout?

 12   Réponse: Il y a eu des problèmes après la Deuxième Guerre mondiale,

 13   lorsqu'à la fin de cette Deuxième Guerre mondiale les Serbes avaient

 14   commencé à déménager en masse de cette municipalité de Visegrad parce

 15   qu'ils avaient apporté leur soutien au mouvement des Chetniks qui ne

 16   pouvaient pas trouver du travail. La majeure partie de ces Serbes avait

 17   déménagé vers la Serbie et vers l'étranger. Et c'est par exemple à

 18   Obrenovac, en Serbie, qu'il s'est constitué une communauté locale, Zabreg,

 19   qui comptait une dizaine de milliers de gens de la région de Visegrad, de

 20   Serbes de Visegrad.

 21   Ceux des Croates qui avaient soutenu le mouvement Oustachi, la République

 22   indépendante de Croatie, pendant la Deuxième Guerre mondiale étaient

 23   partis vers la frontière, étaient partis vers Zemun. Ils ont changé, par

 24   la suite, de parti pour rejoindre les partisans.

 25   Pour cette raison, donc pour le fait de ne pas pouvoir accéder à la


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  1   réalisation de certains de leurs droits, les Serbes, à l'époque, avaient

  2   déménagé de cette région.

  3   Question: Je vois que vous parlez maintenant de la période qui a suivi la

  4   Deuxième Guerre mondiale. Mais, à c sujet, est-ce que cela signifie que

  5   les Serbes originaires de Visegrad sont venus s'installer dans la région

  6   autour d'Obrenovac? Vous estimiez qu'à l'époque, il y avait une dizaine de

  7   milliers de Serbes originaires de Visegrad qui ont emménagé là-bas. Est-ce

  8   que c'était à l'époque, ou c'est maintenant qu'il y a une dizaine de

  9   milliers de Serbes de là-bas qui vivent dans la région d'Obrenovac?

 10   Réponse: Ils ont habité là-bas. Ils étaient dans ce nombre, à l'époque.

 11   Question: Quand vous parlez de la NDA, de la République indépendante de

 12   Croatie, expliquez-nous de quel Etat vous parlez.

 13   Réponse: Il s'agissait d'un Etat indépendant croate, une création fasciste

 14   qui a été mise en place le 10 avril 1941, dont le chef était Ante Pavelic.

 15   La politique des Croates disait qu'un tiers des Serbes devaient être tués,

 16   un tiers des Serbes devaient être convertis au catholicisme, et un tiers

 17   devaient être chassés. C'est ainsi que s'est créée cette frontière à la

 18   Drina, parce que la majeure partie de la population serbe de l'époque, de

 19   ce côté-là, avaient quitté les territoires et traversé la Drina.

 20   M. Domazet (interprétation): Quand vous parlez de ce mouvement Chetnik de

 21   l'époque, est-ce que ce mouvement-là avait combattu ce pouvoir-là, le

 22   pouvoir du NDH, du Parti de l'indépendance croate, ou avaient-ils été des

 23   alliés de l'occupant?

 24   Mme Neskovic (interprétation): Il était contre la NDH parce que les

 25   Oustachis, l'armée...


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  1   M. le Président (interprétation): Nous ne recevons la traduction ni des

  2   questions ni des réponses.

  3   Je crois que vous devez reprendre votre question, Maître Domazet.

  4   M. Domazet (interprétation): Je vais reprendre la question, Madame, parce

  5   que cette question n'a pas été reprise au compte rendu, et vous reprendrez

  6   votre réponse.

  7   Quand vous avez parlé de l'autorité du parti du NDH qui s'étirait jusqu'à

  8   la rivière de la Drina -et vous parlez du mouvement Chetnik-, est-ce que

  9   ces éléments étaient opposés l'un à l'autre? Est-ce que ce mouvement

 10   Chetnik était opposé aux effectifs de la NDH, ou avaient-ils été alliés?

 11   Mme Neskovic (interprétation): Ces deux parties-là, ces deux parties

 12   étaient opposées l'une à l'autre; elles n'avaient pas été alliées.

 13   Les Chetniks avait combattu le parti NDH parce qu'ils s'étaient battus

 14   pour le peuple serbe. Après la formation, la constitution de la NDH, le 10

 15   avril 1941 on a commencé à massacrer la population serbe et à la chasser

 16   de l'autre côté de la Drina. Il y a eu même des familles qui ont été

 17   complètement exterminées.

 18   Donc, pour se protéger de ce type de crimes de la part des Musulmans qui

 19   s'étaient à l'époque joints tout de suite à la NDH, à ce mouvement

 20   Oustachi, les Serbes avaient institué un mouvement Chetnik pour défendre

 21   la population serbe de l'époque dans cette région.

 22   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, je crois que nous

 23   devrions nous déplacer de quelques dizaines d'années en avant et passer

 24   vers les années 1990. Il faudrait que nous sortions de l'histoire.

 25   M. Domazet (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.


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  1   Seulement une question, Madame, à votre intention.

  2   Je sais que vous avez étudié tout cela. Je voudrais vous poser une

  3   question au sujet de la situation démographique à Visegrad en 1991. Vous

  4   avez parlé de 1991 et de 1981. Pouvez-vous nous dire brièvement quelle

  5   avait été l'évolution de cette situation démographique pendant la période

  6   que vous aviez étudiée et au sujet de laquelle vous avez collecté des

  7   informations? Est-ce qu'au fur et à mesure que le temps s'est passé, le

  8   nombre des Serbes avait diminué par rapport au nombre des Musulmans

  9   pendant cette année? Je voudrais que vous nous disiez si les Serbes

 10   avaient été autrefois une population majoritaire dans la région.

 11   Réponse: Les recensements dans la municipalité de Visegrad ont été

 12   effectués à plusieurs reprises. Depuis 1985 à 1991, d'après les

 13   recensements jusqu'en 1981 qui ont tous été effectués dans la municipalité

 14   de Visegrad, les Serbes avaient été majoritaires. Ce n'est qu'après 1981

 15   que les Serbes sont devenus une minorité dans la municipalité de Visegrad.

 16   D'après le recensement de 1991 il y avait 82,8% de Musulmans et 32,3% de

 17   Serbes.

 18   M. le Président (interprétation): Il y a quelque chose qui cloche, là!

 19   M. Domazet (interprétation): En effet. Je pense que le témoin a dit qu'il

 20   y a eu une erreur de pourcentage.

 21   Mme Neskovic (interprétation): Oui, je m'excuse: 68,3. J'ai fait une

 22   petite confusion.

 23   Question: Merci.

 24   D'après les renseignements dont vous disposez, vous dites que jusqu'en

 25   1971 les Serbes étaient majoritaires, et maintenant vous dites qu'avant


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  1   cela il y avait déjà eu une forte migration des Serbes. Donc les Serbes

  2   avaient été majoritaires jusqu'en 1971 et sont devenus minoritaires par la

  3   suite?

  4   Réponse: Oui, c'est bien ce que cela signifie. Les Serbes avaient déménagé

  5   parce qu'ils n'avaient pas pu trouver du travail. Ils ont rejoint des

  6   régions où ils pouvaient trouver du travail. C'est en raison de la

  7   politique qui avait été conduite après la Deuxième Guerre mondiale que

  8   cela s'est fait après la Deuxième Guerre mondiale. Et c'est précisément la

  9   raison pour laquelle il y a eu moins de Serbes par la suite qu'en 1971,

 10   d'après le recensement de 1971.

 11   La deuxième raison de voir les Musulmans devenir majoritaires en 1971,

 12   c'est parce que jusqu'en 1971 les Musulmans avaient été recensés comme un

 13   groupe ethnique et non pas comme une nationalité. En 1961, ils avaient été

 14   un groupe ethnique, et ce n'est qu'en 1967 qu'ils ont été considérés être

 15   une nation. En 1971, ils avaient pu se prononcer comme étant membres d'une

 16   nation distincte.

 17   Question: Merci, merci, Madame Neskovic.

 18   Revenons maintenant à l'année 1990, ou plutôt la période allant de 1990 à

 19   1992, époque à laquelle vous aviez été députée de cette assemblée

 20   municipale de Visegrad.

 21   Vous nous avez dit que dès la deuxième session de cette assemblée, il y a

 22   eu cette situation de changement de statut, ce qui a fait que les députés

 23   serbes avaient quitté démonstrativement l'assemblée. Quand vous nous avez

 24   dit qu'ils ont quitté cette session, est-ce qu'ils ont pris part à la

 25   session suivante, ou ils n'ont plus du tout pris part aux sessions de


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  1   l'assemblée municipale? Est-ce que vous pouvez nous apporter des

  2   explications?

  3   Réponse: Les Serbes sont revenus à l'assemblée municipale en espérant que

  4   la situation allait s'améliorer et ils ont pris part au fonctionnement,

  5   c'est-à-dire aux travaux des sessions suivantes. Mais la situation est

  6   demeurée inchangée jusqu'à la fin de 1991: les Serbes ont participé aux

  7   travaux de l'assemblée municipale de Visegrad.

  8   Toutefois, les Musulmans, à la deuxième, non, plutôt à la troisième

  9   session de l'assemblée municipale de Visegrad -en dépit de l'opposition

 10   des Serbes qui devaient proposer leurs candidats à eux pour ce qui était

 11   de certaines fonctions municipales-, ils avaient proposé des Serbes qui

 12   avaient épousé des Musulmanes et qui étaient loyaux à ce parti-là, et qui

 13   n'avaient jamais occupé de telles fonctions.

 14   Question: Quand vous nous dites cela, Madame, quand vous nous dites que

 15   ces Serbes n'avaient pas été reconnus en tant que tels, est-ce que vous

 16   pouvez nous dire pourquoi? Est-ce qu'on avait estimé qu'ils n'étaient pas

 17   compétents pour assumer ces fonctions, ou parce que c'était juste du fait

 18   qu'ils étaient mariés avec des Musulmanes?

 19   Réponse: Les Serbes avaient estimé que c'était à eux de proposer des

 20   candidats à ces fonctions et non pas au SDA, et c'est la raison pour

 21   laquelle ils n'étaient pas d'accord. Ce n'était pas parce qu'ils étaient

 22   mariés avec des Musulmanes, mais ce n'étaient pas des candidats des

 23   Serbes. Et c'est pour créer, mettre en place une apparence de

 24   participation des Serbes au pouvoir que les Musulmans avaient proposé ces

 25   Serbes-là à ces fonctions.


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  1   Question: Madame Neskovic, étant donné que vous avez été élue députée,

  2   partant d'une liste du Parti démocratique serbe, j'imagine que vous en

  3   étiez membre? Je tiens à vous poser quand même la question: étiez-vous

  4   membre de ce parti, à l'époque?

  5   Réponse: J'avais été membre de ce Parti démocratique serbe.

  6   Question: Pouvez-vous vous rappeler quel avait été le premier des partis

  7   mis en place ou créés avant les élections pluripartites, donc une fois que

  8   l'on avait institué un système pluripartite en ex-Yougoslavie?

  9   Réponse: Le premier des partis qui avaient été créés à Visegrad avait été

 10   le Parti de l'action démocratique: c'est un parti qui a été, je pense,

 11   créé deux ou trois mois avant le Parti démocratique Serbe. Les fondateurs

 12   de ce Parti de l'action démocratique, la création s'est faite au foyer de

 13   la culture. L'assemblée avait été très… Il y avait beaucoup de gens à

 14   cette assemblée: Alija Izetbegovic est venu; Sulejman Ugljanin est

 15   également venu en sa qualité de représentant des Musulmans pour la région

 16   de Sandzak.

 17   Question: Sandzak, c'est une région en Serbie, n'est-ce pas, Madame

 18   Neskovic?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Vous souvenez-vous de ces premières créations de partis et

 21   promotion desdits partis? Est-ce qu'il y a eu des incidents, des

 22   événements qui avaient pu semer le trouble dans la population?

 23   Réponse: Etant donné que les Musulmans avaient été les premiers à

 24   s'organiser, les Serbes ont, deux ou trois mois par la suite, créé leur

 25   Parti démocratique serbe. Cette assemblée constituante de ce Parti


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  1   démocratique serbe s'est tenue au centre des sports Usce. Cette assemblée

  2   a été bien fréquentée, mais pour la plupart du temps par des gens de la

  3   campagne. Alors que le SDA avait été soutenu par tous les Musulmans, le

  4   SDS avait surtout été soutenu par la population de la campagne, la

  5   population des villes ne s'étant pas prononcée. La population des villes

  6   était plus en faveur du SDP, le parti qui avait été présidé par Nijaz

  7   Durakovic.

  8   Après sa déclaration disant que les senteurs d'encens allaient nous

  9   étouffer, les Serbes ont commencé à rejoindre le Parti démocratique serbe

 10   plutôt que leur parti et ce, en 1990.

 11   Tout de suite après ces élections, il y a eu des provocations de la part

 12   des Musulmans. On a commencé à inscrire des graffitis sur les murs. On

 13   disait: "Vive le SDA! Le SDS, vous allez porter -cela rime en BCS- le

 14   deuil!".

 15   Question: Voulez-vous nous dire, en décrivant ces deux partis -le SDA qui

 16   était un parti plutôt uniquement musulman et le SDS qui était un parti

 17   uniquement serbe-, vous avez parlé d'un troisième parti, le SDP. Pouvez-

 18   vous nous donner son appellation exacte et nous dire si ce parti, à

 19   l'époque, constituait un parti multiethnique ou pas?

 20   Réponse: C'était le Parti social démocratique de Bosnie-Herzégovine dont

 21   le président était Nijaz Durakovic. Ce parti avait été, en fait, la ligue

 22   des communistes qui s'était muée en SDP avant les élections pluripartites,

 23   et son assemblée préélectorale a également eu lieu au centre des sports

 24   Usce. Cela avait été l'assemblée la plus fréquentée. Il y avait beaucoup

 25   plus de gens qui étaient venus qu'à l'assemblée constituante du SDA ou du


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  1   SPS. Mais aux élections, ce parti a eu de forts mauvais résultats. Je

  2   n'arrive plus à m'en souvenir, mais je crois qu'ils n'avaient que deux

  3   députés, pas plus. Et tous ceux qui l'avaient soutenu jusque-là avaient

  4   voté lors du vote, des élections, en faveur du SDA ou du SDS.

  5   M. Domazet (interprétation): Vous venez de dire que ce parti avait

  6   beaucoup de militants de parti, d'adhérents à Visegrad, mais que ses

  7   résultats électoraux ont été mauvais, tout compte fait. Mais est-ce que

  8   dans ce parti-là il y avait des Musulmans et des Serbes, ou y avait-il eu

  9   d'autres ressortissants, d'autres ethnies qui étaient représentées dans ce

 10   parti?

 11   Mme Neskovic (interprétation): Cette réunion a été soutenue par les deux

 12   nations. Mais avant ces élections pluripartites de 1990, par exemple ce

 13   parti qui est issu de la ligue des communistes de… enfin, d'un ancien

 14   parti, il y a donc eu un comité, un président du comité qui était serbe et

 15   un secrétaire qui était musulman ou vice et versa.

 16   Enfin, je ne sais pas si c'est la question que vous m'avez posée, si je

 17   vous ai bien compris.

 18   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, je pense que l'on ne

 19   devrait plus s'en tenir à cette évolution, à ce genre de questions parce

 20   que, finalement, nous connaissons l'histoire. Je pense qu'il faudrait

 21   passer parce que nous nous sommes documentés sur l'histoire de la région,

 22   et nous sommes très bien documentés.

 23   M. Domazet (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président. Je vais

 24   donc passer à un autre volet, mais après quelques questions seulement.

 25   Madame Neskovic, vous avez mentionné le président de ce parti au niveau de


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  1   la Bosnie-Herzégovine. Il s'agit de Nijaz Durakovic?

  2   Mme Neskovic (interprétation): Oui, il l'était.

  3   Question: Est-ce qu'il avait une fonction d'importance au sein de

  4   l'ancienne ligue des communistes de Yougoslavie, et de quelle nationalité

  5   était-il?

  6   Réponse: Oui, il détenait une fonction importante et il était Musulman.

  7   Question: Vous avez parlé d'une déclaration après laquelle il y a eu

  8   beaucoup de Serbes qui n'ont pas voté pour ce parti, et vous avez parlé du

  9   rayonnement, de l'encens que ce parti… que ce parti sent trop l'encens.

 10   Réponse: Il nous disait que cet encens allait nous étouffer, et l'encens

 11   est quelque chose qui associe, qui mène vers les Serbes.

 12   Question: L'encens, est-ce quelque chose que l'on emploie dans le rituel

 13   de l'église orthodoxe serbe? Est-ce que c'est pour cette raison-là qu'il

 14   reliait cela aux Serbes?

 15   Réponse: Oui. L'encens, c'est quelque chose qui est utilisé soit dans les

 16   maisons, soit dans les églises orthodoxes serbes.

 17   Question: Après ces élections, Madame Neskovic, qui étaient

 18   multiethniques, et ce parti multiethnique issu de l'ancienne ligue des

 19   communistes, donc ce parti a marqué des résultats déplorables aux

 20   élections. Est-ce que ce parti reflétait le pourcentage de la population

 21   serbe et musulmane à Visegrad?

 22   Réponse: Oui, les résultats ont reflété le recensement de la population au

 23   niveau de la municipalité de Visegrad. Ne me prenez pas au mot, mais je

 24   dois dire que, sur les 50 conseillers municipaux, 31 étaient Musulmans, 19

 25   étaient Serbes.


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  1   Question: Vous continuez à être conseiller au nom du SDS. Les Serbes sont

  2   revenus après la troisième session de l'assemblée municipale. Est-ce que

  3   la situation s'est améliorée quelque peu? Comment fonctionnaient ces

  4   autorités locales dans le cadre de la municipalité de Visegrad?

  5   Réponse: La situation ne s'est pas améliorée, bien au contraire. De jour

  6   en jour, elle s'aggravait. Il y a eu des excès sans cesse, des abus que

  7   l'on commettait au niveau de la ville. Les frères Sabanovic, Murat et

  8   Avdija, étaient particulièrement actifs et Avdija était conseiller

  9   municipal.

 10   L'assemblée municipale, suite à ces événements qui menaçaient la paix de

 11   la municipalité, adoptait des conclusions, des décisions qui n'étaient pas

 12   respectées. Et puis, les informations qui arrivaient dans les postes de

 13   sécurité publique étaient vraiment peu nombreuses et peu importantes. Donc

 14   les frères Sabanovic rencontraient, interceptaient des Serbes à travers la

 15   ville, démolissaient des monuments, arrêtaient les convois de la JNA à

 16   l'époque, ainsi de suite.

 17   Question: Vous avez parlé de cette démolition de monument de la culture.

 18   Est-ce que vous pourriez nous parler, indiquer très brièvement à quel

 19   incident vous pensez?

 20   Réponse: Mi-juin -je ne peux plus me souvenir exactement de la date

 21   exacte-, on avait démoli le monument dédié à Ivo Andric sur la place de la

 22   Liberté à Visegrad. Et il a été démoli, ce monument, par les frères

 23   Sabanovic, et par Murat Sabanovic plus précisément. Tout cela a été filmé;

 24   ces vidéocassettes filmées par Fadil Hajdarevic ont été présentées par la

 25   suite. Puis, il a décapité ce buste du célèbre écrivain et l'a jeté dans


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  1   la Drina. Filipovic Tunjo avait déclaré, à la même époque, qu'Ivo Andric

  2   avait porté plus de mal aux Musulmans que toutes les armées qui avaient

  3   sillonné la Bosnie. Evidemment, cela a fait déclencher une série d'écrits

  4   dans la presse et puis on parlait de ces différents incidents, de ces

  5   différents accidents, de ces différents événements relatés par Ivo Andric

  6   dans son roman. Il est un pan sur la Drina ou l'on parlait de Serbes

  7   empalés, et ainsi de suite.

  8   Question: Madame Neskovic, vous avez parlé d'autres événements qui ont

  9   provoqué des tensions, l'agitation dans la population de la ville. Est-ce

 10   que vous pourriez nous indiquer de quel genre de graffitis,

 11   d'inscriptions, il s'agissait?

 12   Réponse: Il s'agissait d'inscriptions, de graffitis écrits en couleur

 13   verte, donc la couleur des Musulmans. Le bâtiment de l'administration des

 14   forêts, le bâtiment de l'entreprise "Panos" et les inscriptions disaient:

 15   "Le SDA est démocratique, et vous qui appartenez au SDS vous allez porter

 16   le fez. Les Serbes, déplacez-vous, émigrez et allez vers la Serbie".

 17   Et puis, il y a eu beaucoup de Serbes qui ont été effrayés partout cela et

 18   le directeur de la firme qui était un Musulman a dû repeindre ce bâtiment,

 19   mais la nouvelle façade était recouverte elle aussi d'inscriptions en

 20   noir.

 21   Question: En ce qui concerne cette inscription, ce slogan, "Les Serbes,

 22   allez en Serbie!", est-ce que cela s'est vraiment passé? Est-ce que des

 23   citoyens de Visegrad se mettaient à émigrer, à quitter la ville?

 24   Réponse: Oui, les gens partaient devant cette peur, devant cette terreur.

 25   Les Serbes se sentaient menacés, y compris les femmes et les enfants, et


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  1   je pense qu'en 1992 il y avait à peine une centaine, quelques centaines de

  2   Serbes à Visegrad. Moi-même, je suis partie vers la Serbie.

  3   Question: Donc, si je vous ai bien comprise, vous-même, à la veille de ces

  4   événements, vous avez quitté Visegrad et vous vous êtes rendue en Serbie?

  5   Réponse: Oui. J'ai quitté Visegrad et, par le village de Jelasica, je me

  6   suis retrouvée à Uzice.

  7   Question: C'était à quelle époque, si vous pouvez vous en souvenir?

  8   Réponse: Je pense que c'était un jour avant le déversement sur le barrage

  9   de la centrale hydroélectrique qui a été un acte de Murat Sabanovic. Et au

 10   moment où on sortait de la ville, il y avait déjà des tirs que l'on

 11   entendait. On entendait déjà, on voyait déjà les coups des balles

 12   traçantes. Il y a eu des maisons serbes qui ont été incendiées, celle de

 13   Zoran Pecikoza et de Miso Savic, entre autres.

 14   Question: Est-ce que vous voulez bien répéter de quelles maisons, quelles

 15   étaient ces personnes dont les maisons ont été incendiées? Cela ne figure

 16   pas dans le compte rendu de séance.

 17   Réponse: Il s'agit de maisons serbes, celle de Zoran Pecikoza et de Miso

 18   Savic, l'une se trouvant dans le quartier de Mahala et l'autre dans le

 19   quartier de Glavica. On voyait la fumée qui sortait de ces maisons.

 20   Question: Si je vous ai bien comprise, il y avait à peine une centaine de

 21   Serbes qui étaient restés à Visegrad. Lorsque vous parliez de ces

 22   centaines, est-ce que c'est une centaine? Est-ce que c'est cela que vous

 23   sous entendiez dans votre réponse?

 24   Réponse: Oui. Un très petit nombre de gens Serbes sont restés à Visegrad.

 25   M. Domazet (interprétation): Quand est-ce que vous êtes…, si vous êtes


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  1   revenue à Visegrad?

  2   M. le Président (interprétation): On s'excuse, mais on n'a pas

  3   d'interprétation. Veuillez reposer votre question de nouveau.

  4   M. Domazet (interprétation): Question…

  5   M. le Président (interprétation): On n'a pas entendu ce que Me Domazet

  6   vient de dire.

  7   (Les interprètes signalent qu'il se passe quelque chose avec le micro.)

  8   M. Domazet (interprétation): Je reprends ma question: ayant quitté

  9   Visegrad, ayant été en Serbie, est-ce que vous êtes rentrée encore une

 10   fois à Visegrad?

 11   Mme Neskovic (interprétation): Oui, je suis retournée à Visegrad fin

 12   avril, après l'entrée du Corps d'Uzice. Parce qu'une fois le Corps d'Uzice

 13   à Visegrad, les responsables de ce Corps ont fait appel aux Musulmans et

 14   aux Serbes, les invitant à rentrer, à réintégrer leur foyer.

 15   Question: Cet appel du Corps d'Uzice invitant les Musulmans et les Serbes

 16   à réintégrer leurs foyers, est-ce que, mettons, une majorité de la

 17   population avait réintégré leurs foyers respectifs?

 18   Réponse: Beaucoup de Serbes sont retournés, mais un petit nombre de

 19   Musulmans a réintégré cette région. Donc une grande majorité ne l'avait

 20   pas fait.

 21   Question: Madame Neskovic, lorsque le Corps d'Uzice a été à Visegrad, est-

 22   ce qu'il y a eu des incidents qui s'étaient produits? Est-ce que les

 23   usines fonctionnaient? Est-ce que les gens travaillaient? Comment la

 24   situation se présentait-elle, à l'époque?

 25   Réponse: Dans la mesure où je peux me souvenir, il n'y a pas eu


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  1   d'incident. Tous étaient appelés à répondre à leur service obligatoire.

  2   Quant à la ville elle-même -et c'est ce dont je me souviens-, les magasins

  3   et les vitrines étaient brisés, il y a eu vraisemblablement pillage. Et

  4   puis on a voulu assainir la situation, reposer les vitres cassées, voir à

  5   peu près la situation dans les différentes entreprises pour voir ce qui

  6   manquait, ce qu'il fallait faire et ainsi de suite.

  7   Question: Cet appel au retour des Musulmans et Serbes à Visegrad, est-ce

  8   que c'était également un appel à ce que tout le monde reprenne ses

  9   activités professionnelles, donc un retour au poste de travail des uns et

 10   des autres?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: A l'époque, les usines et les entreprises fonctionnaient-elles?

 13   Réponse: Oui, dans un certain sens, mais les circonstances avaient déjà

 14   changé. Certaines entreprises étaient endommagées par ce déversement,

 15   notamment, de l'eau des vannes ou du lac de rétention de la centrale

 16   hydroélectrique de Visegrad. Et puis, nous avons dû établir un constat de

 17   ce qui manquait et de ce qu'on avait sur place pour pouvoir continuer la

 18   production dans les différentes entreprises.

 19   Question: Quel a été votre poste de travail avant votre départ pour Uzice

 20   et après votre retour? Où est-ce que vous avez travaillé comme juriste?

 21   Réponse: J'ai travaillé dans l'entreprise de foresterie Varda à Visegrad,

 22   et j'étais fonctionnaire responsable chargée des questions de propriété et

 23   de relations juridiques.

 24   Question: Lorsque vous étiez conseiller, c'était un emploi qui n'a pas été

 25   rémunéré, donc c'est une fonction politique, mais vous continuiez à


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  1   travailler dans votre compagnie intitulée Varda? C'est bien ce que j'ai

  2   compris?

  3   Réponse: Oui, c'est exact.

  4   Question: Vous nous avez parlé des effets, des impacts provoqués par ce

  5   déversement des eaux du lac de la centrale hydroélectrique à Visegrad.

  6   Enfin, est-ce que vous connaissiez des détails de cet incident lorsque

  7   cela s'est passé, ou d'une autre manière, après avoir quitté Visegrad?

  8   Réponse: Oui, c'est par les médias que j'ai appris que Murat Sabanovic

  9   avait laissé se déverser les eaux du lac de la centrale hydroélectrique de

 10   Visegrad. Et puis, lorsque je suis revenue d'Uzice, j'ai appris quels

 11   étaient les effets de cet incident dans mon quartier, plus spécifiquement.

 12   Il y a eu, par exemple, des poids lourds qui étaient bloqués sur la route.

 13   Et puis, en me rendant à mon entreprise Varda qui se trouvait dans ce

 14   secteur où se trouvait la centrale hydroélectrique de Visegrad, j'ai bien

 15   pu m'apercevoir que ce fléau d'eau avait détruit une partie de la route,

 16   et même une partie du quartier des Musulmans, c'est-à-dire le quartier

 17   Dusce. Il y a eu presque trois quarts de ce quartier qui a été lavé,

 18   charrié par les eaux de la centrale hydroélectrique, et c'était un

 19   quartier où les Musulmans étaient prédominants. Il y a eu aussi d'autres

 20   dommages qui ont pu être remarqués dans la ville.

 21   Question: Ce déversement des eaux, est-ce que c'était un déversement total

 22   ou un déversement partiel des eaux du lac d'accumulation de la centrale

 23   hydroélectrique?

 24   Réponse: En ce qui me concerne, il s'agissait d'un déversement partiel.

 25   Murat Sabanovic voulait laisser partir le total des eaux du lac de


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  1   retenue, mais quelqu'un l'avait empêché. Donc, pour reprendre ses propres

  2   dires, c'était partiel; l'ouverture des vannes était partielle.

  3   Et puis, nous savions que dans la ville on avait noté par une ligne bleue

  4   jusqu'où ce fléau d'eau est arrivé. S'il y avait déversement total, la

  5   ville de Visegrad, pour ainsi dire, n'existerait plus.

  6   M. Domazet (interprétation): Vous avez parlé des effets que cela a produit

  7   sur le quartier où vous habitiez, où vous habitez. Est-ce que vous parlez

  8   du quartier où vous habitez aujourd'hui, ou du quartier où vous habitiez

  9   avant votre mariage -parce que vous nous avez parlé de votre famille,

 10   votre mari et vos deux enfants?

 11   Mme Neskovic (interprétation): Si j'ai bien compris les choses, s'il y a

 12   eu déversement total de ce fléau d'eau du lac de retenue, eh bien, les

 13   effets ont été en quelque sorte limités au quartier qui se trouvait dans

 14   le voisinage presque immédiat de la centrale hydroélectrique de Visegrad.

 15   M. le Président (interprétation): Je pense que nous avons même évoqué les

 16   tout menus détails de cela. Est-ce que vous ne pensez pas que l'on

 17   pourrait faire un petit progrès?

 18   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 19   J'ai terminé avec ce volet de questions. Je passe à un autre volet.

 20   Madame Neskovic, est-ce que vous connaissiez Mitar Vasiljevic?

 21   Mme Neskovic (interprétation): Oui, je le connaissais.

 22   Question: Et depuis quand le connaissiez-vous?

 23   Réponse: Je ne peux pas me souvenir exactement, mais M. Vasiljevic possède

 24   ou possédait une maison privée à quelques kilomètres, ou un kilomètre

 25   plutôt, dans la même rue où j'habitais avec mes parents. Enfin, il se


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  1   situait à peu près à un kilomètre, donc lui et sa maison, par rapport à la

  2   maison de mes parents.

  3   Question: Cette maison qu'il habitait se trouvait à peu près à un

  4   kilomètre de la maison de vos parents où vous viviez pendant que vous

  5   étiez jeune fille?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Et savez-vous depuis quand il vivait, habitait dans cette maison

  8   que vous venez de mentionner?

  9   Réponse: Je ne peux pas me souvenir exactement. Peut-être une dizaine

 10   d'années, quatre ou cinq années avant l'éclatement des conflits, enfin la

 11   maison qu'il s'est fait construire, qu'il a construite, et je sais qu'il a

 12   été employé comme garçon de café, serveur dans l'entreprise "Panos" à

 13   Visegrad.

 14   M. Domazet (interprétation): Aviez-vous eu l'occasion de le rencontrer en

 15   tant que garçon de café à Visegrad?

 16   Mme Neskovic (interprétation): Oui.

 17   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, il est 11 heures.

 18   Le docteur que nous avons entendu, commencé à entendre hier, eh bien, je

 19   pense que dès que Mme Bauer sera prête à s'occuper de ce témoin précédent…

 20   Je pense qu'il faudrait donc continuer avec l'interrogatoire du docteur

 21   d'hier.

 22   M. Domazet (interprétation): Si Mme Bauer est prête, on peut continuer

 23   avec le Dr Ivan Jovanovic.

 24   Pour ce qui est de ce témoin, je n'ai plus beaucoup de questions à lui

 25   poser.


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  1   M. le Président (interprétation): Sa déposition concernera deux questions.

  2   Si j'ai bien compris, le reste de son interrogatoire portera seulement sur

  3   deux questions relativement rapides à traiter, à savoir si l'accusé était

  4   présent sur les lieux, et la nature de son comportement. Mais je ne

  5   voudrais pas qu'il doive rester ici pendant le week-end.

  6   M. Domazet (interprétation): Très bien.

  7   M. le Président (interprétation): Nous suspendons jusqu'à 11 heures 30.

  8   (Le témoin, Mme Snezana Neskovic, est reconduit hors du prétoire.)

  9   (L'audience est suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

 10   (Le témoin, M. Ivan Jovanovic, est déjà dans le prétoire.)

 11   M. le Président (interprétation): Je vous prie de nous excuser, Docteur,

 12   pour vous avoir fait attendre. Mais je suis sûr que nous pourrons

 13   utilement reprendre l'interrogatoire commencé hier.

 14   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 15   M. le Président (interprétation): Je vous assure que vous ne passerez pas

 16   le week-end ici.

 17   (Interrogatoire principal du témoin, M. Ivan Jovanovic, par Me Domazet.)

 18   M. Domazet (interprétation): Docteur Jovanovic, nous allons poursuivre sur

 19   la lancée de ce que nous avons commencé hier.

 20   Vous avez un problème technique?

 21   (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

 22   (Intervention de l'huissier.)

 23   Vous m'entendez, maintenant?

 24   M. Jovanovic (interprétation): Oui.

 25   Question: Monsieur Jovanovic, nous allons poursuivre sur la lancée de ce


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  1   que nous avons commencé hier.

  2   Hier, vous nous avez expliqué la situation qui régnait dans votre hôpital

  3   en 1992 -je parle de l'hôpital d'Uzice-, et je devais à présent vous poser

  4   la question suivante: à l'époque, vous étiez un jeune médecin, vous

  5   n'aviez pas beaucoup d'expérience; aviez-vous donc un médecin plus

  6   expérimenté qui suivait votre travail, qui coopérait avec vous?

  7   Réponse: Oui, j'avais un mentor, un tuteur. C'est une habitude, d'ailleurs

  8   c'est l'usage et c'est aussi une obligation.

  9   On appelle ces médecins ces médecins primarius, et mon médecin primarius

 10   était le Dr Stanislavljevic qui, d'une certaine façon, était en rapport

 11   direct avec mon travail. Il est mort le 23 janvier 1996, alors que je

 12   venais de passer mon examen final.

 13   Question: Docteur Jovanovic, dans cette situation, aviez-vous néanmoins

 14   des patients qui étaient vos patients à part entière, comme c'était le cas

 15   pour tous les autres spécialistes?

 16   Réponse: Non. Il existe dans notre hôpital un règlement intérieur, et au

 17   niveau de l'Etat il existe également une loi qui régit ce type de

 18   situation. Je n'avais donc pas le droit d'avoir des patients à moi.

 19   D'ailleurs, si on utilise cette expression "patients personnels", c'est

 20   pour des raisons pratiques. En effet, chaque spécialiste dispose d'un

 21   certain nombre de chambres qui lui sont affectées dans le département et

 22   ce spécialiste, donc s'occupe des patients alités dans ces lits au cours

 23   de ses permanences ou de son travail de jour.

 24   Pour ce qui me concerne, je travaillais dans ce département comme je le

 25   fais encore aujourd'hui, et il y avait ce que l'on appelait le petit bloc,


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  1   dont dépendait le lit dans lequel était couché le patient pour lequel nous

  2   sommes ici aujourd'hui.

  3   Question: Avant de vous interroger sur les visites que vous effectuiez, je

  4   commence par vous demander si vous aviez le droit d'être de permanence, à

  5   l'époque? Pouviez-vous assurer des permanences de nuit? Car il y avait

  6   toujours un médecin de permanence la nuit dans votre département, n'est-ce

  7   pas?

  8   Réponse: C'est exact. Quand à moi, je faisais des permanences mais en tant

  9   que "jeunes médecins" comme on les appelait, en tant qu'interne, et je

 10   m'occupais des petites interventions chirurgicales effectuées pour des

 11   patients accueillis dans notre hôpital. Et bien entendu, dans le même

 12   temps, je travaillais régulièrement dans mon service d'origine, le service

 13   auquel j'étais attaché, à savoir le département d'orthopédie, ou comme

 14   vous l'avez dit un spécialiste était de permanence.

 15   Question: Parlons maintenant des visites. Pourriez-vous nous dire si ces

 16   visites concernaient tous les patients et, si c'est le cas, s'il y avait

 17   des visites particulières pour les patients du petit bloc, comme vous

 18   venez de l'appeler?

 19   Réponse: Le lundi de chaque semaine, il y a ce que l'on appelle la grande

 20   visite à laquelle participent tous les médecins, l'infirmière principale

 21   du service, ainsi que les autres infirmières responsables, et tous

 22   ensemble nous allons voir tous les patients du département d'orthopédie.

 23   Les autres jours de la semaine, les visites se font séparément, à savoir

 24   que chaque médecin rend visite aux patients des chambres qui relèvent de

 25   lui.


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  1   Je rappelle qu'à l'époque, chaque spécialiste avait trois chambres sous sa

  2   responsabilité. Quant à moi, puisque j'étais interne à l'époque, je

  3   suivais les visites effectuées dans une seule unité de notre département.

  4   Question: Merci. Avant de vous poser des questions plus concrètes au sujet

  5   de ces patients et de ces visites, j'aimerais vous interroger quelques

  6   instants au sujet du Dr Jovicevic. Quel était son rôle dans l'hôpital, à

  7   l'époque? Quelles fonctions occupait-il?

  8   Réponse: Le Dr Jovicevic était, à l'époque, suppléant du directeur de

  9   l'hôpital général. Et dans le même temps, ce médecin avait des

 10   responsabilités au sein du département en tant que médecin attaché à ce

 11   département. Le docteur Jovicevic déléguait les tâches qui étaient les

 12   siennes au dispensaire, car il lui était impossible de les accomplir en

 13   raison de ses fonctions de directeur. Le Dr Jovicevic faisait des

 14   permanences régulières également.

 15   Question: Vous rappelez-vous s'il occupait peut-être, à l'époque, d'autres

 16   fonctions aussi? Je veux parler de fonctions politiques au sein de la

 17   municipalité d'Uzice, si vous vous en souvenez.

 18   Réponse: Je m'en souviens, mais je ne saurais vous dire exactement de

 19   quelles fonctions il s'agissait. Simplement, dans nos conversations

 20   courantes, ces fonctions étaient synonymes d'appartenance au seul parti au

 21   pouvoir à l'époque, n'est-ce pas.

 22   Question: Merci. Vous avez parlé de vos responsabilités et de vos visites

 23   aux patients alités dans certaines chambre, et je vous demande combien de

 24   patients vous suiviez sur le nombre total de patients de l'hôpital à

 25   l'époque. Bien sûr, je parle de la période de 1992 sur laquelle je vous


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  1   demanderai de vous concentrer plus particulièrement.

  2   Réponse: Le département disposait de 60 lits et lorsque j'ai dit qu'il

  3   était comble, je voulais dire qu'en moyenne 75% des lits étaient occupés.

  4   Mais lorsque les événements ont commencé, le taux d'occupation des lits a

  5   atteint 100%, c'est-à-dire 60 lits. Et même, parfois, il est arrivé que si

  6   les blessures subies par les patients le permettaient, ces patients soient

  7   envoyés dans d'autres départements de l'hôpital qui avaient moins de

  8   problèmes de sur-occupation des lits, à l'époque.

  9   Question: Cela signifie-t-il que le flux d'arrivée des patients était tel,

 10   à certains moments, que certains patients devaient être placés dans des

 11   lits relevant d'autres départements de l'hôpital? C'est bien cela?

 12   Réponse: Oui, c'est cela.

 13   Question: Au début de votre audition, vous avez dit que l'hôpital d'Uzice

 14   était un hôpital important et qu'il recevait des patients venant de toute

 15   la région. Je vous demande en outre si, en dehors des civils, cet hôpital

 16   recevait également des militaires, soignait également des militaires.

 17   Réponse: Vous venez d'utiliser le terme "militaire". J'ai un peu de mal

 18   avec ce terme parce que ce que je peux dire, c'est que je voyais arriver

 19   des patients en uniforme et des patients sans uniforme. Mais ce qui était

 20   le plus important pour moi et mes collègues, et ce qui était le point

 21   commun entre toutes ces personnes, c'était le fait qu'elles étaient

 22   blessées. Donc il devait y avoir certainement aussi, parmi ces personnes,

 23   des personnes correspondant au mot que vous avez utilisé.

 24   Question: Je vais vous poser la question différemment. Sur le territoire

 25   de la région d'Uzice, existait-il un hôpital militaire, c'est-à-dire un


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  1   hôpital ne soignant que des militaires?

  2   Réponse: Je pensais jusqu'à présent que c'était notre hôpital qui était le

  3   plus similaire à un hôpital militaire à l'époque, car il n'existait pas ce

  4   que l'on appelle à proprement parler un hôpital militaire. Donc, dans

  5   notre travail quotidien, nous soignions des gens blessés dans toute la

  6   région.

  7   Question: Mais, Docteur, savez-vous peut-être à quel endroit existent des

  8   hôpitaux militaires en Serbie, donc dans quelles villes existent de tels

  9   hôpitaux aujourd'hui, et si ces hôpitaux existaient à l'époque? Bien

 10   entendu, je vous demande de nous dire ce que vous savez, si vous le savez.

 11   Réponse: J'ai fait mon service militaire à Nis et, à l'époque, j'ai

 12   travaillé dans l'hôpital militaire de Nis, donc je sais que cet hôpital

 13   existe. Je connais aussi l'académie de médecine militaire de Belgrade.

 14   Mais je ne me souviens d'aucun autre hôpital militaire. En tout cas, à ma

 15   connaissance, il n'y en a pas d'autre qui soit de la même importance que

 16   ces deux-là.

 17   Question: Oui, c'est exact. Ce sont effectivement deux institutions, deux

 18   hôpitaux militaires.

 19   Pour le compte rendu d'audience dans la présente affaire, pourriez-vous

 20   nous dire quelle est à peu près la distance de Nis à Uzice et de Belgrade

 21   à Uzice? Cette distance est-elle à peu près égale?

 22   Réponse: J'ai souvent fait ce voyage, donc je dirais que, entre Uzice et

 23   Belgrade, il y a 200 kilomètres à peu près, peut-être 210, 220, je l'ai

 24   d'ailleurs fait en voiture; et entre Uzice et Nis, à peu près 10 ou 20

 25   kilomètres de plus que pour aller à Belgrade.


Page 3632

  1   Question: Merci. Docteur, quand vous étiez jeune interne dans cet hôpital

  2   d'Uzice, vous souvenez-vous avoir vu parmi les patients Mitar Vasiljevic?

  3   Réponse: Ce dont je me souviens, c'est du climat qui s'est créé autour du

  4   patient Vasiljevic. Donc dans ce contexte, je peux dire que je me souviens

  5   aussi du cas Vasiljevic. Mais tout ce que je pourrais dire d'autre

  6   constituerait de ma part, je crois, une interprétation erronée des

  7   événements.

  8   Bien sûr, j'ai renforcé certains de ces souvenirs, je les ai fait revenir

  9   ces dernières semaines lorsque ce que j'appelle ce cas est venu au premier

 10   plan de l'actualité. Et je l'ai fait principalement par des conversations

 11   avec mes collègues de l'hôpital. Quant à son visage, je crains fort de ne

 12   pas pouvoir le reconnaître, même si nous étions ensemble dans un

 13   ascenseur.

 14   Question: Si je me souviens bien, vous avez dit avoir quelques souvenirs

 15   de l'époque. Je vous demanderai de bien vouloir nous dire ce qui vous est

 16   resté dans la mémoire, car vous avez dit ne pas tout vous rappeler, mais

 17   tout de même vous rappeler quelque chose de cette période.

 18   Réponse: Ce qui a attiré mon attention, c'est le fait que ce patient a

 19   troublé l'ordre intérieur par son comportement. Je me souviens de la façon

 20   dont il a été blessé, par une chute de cheval. Moi, en provenance de cette

 21   région, je m'attendais à tout sauf à ce genre de cause. Donc cette cause,

 22   ce motif de la blessure était quelque chose d'inhabituel. Et puis, bien

 23   entendu, il est aussi assez inhabituel de voir un de nos patients

 24   transféré en psychiatrie. Pour que cela se fasse, il fallait bien sûr

 25   qu'il y ait un motif, et ce motif était associé à ce patient.


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  1   Question: Donc, Docteur Jovanovic, ce sont les aspects de la situation

  2   dont vous vous souvenez, lorsque vous repensez à cette époque, même si

  3   vous affirmez être incapable de reconnaître son visage, même aujourd'hui,

  4   n'est-ce pas, si je vous ai bien compris?

  5   (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

  6   Vous venez de parler du comportement de ce patient, en a-t-il été question

  7   lors des visites dont vous avez parlé tout à l'heure, ou bien avez-vous

  8   été informé de cela par d'autres moyens, si vous vous le rappelez?

  9   Réponse: Je participais aux visites quotidiennes dans cette chambre, donc

 10   j'entendais les rapports des infirmières responsables de cette unité de

 11   notre département hospitalier, et l'infirmière principale rendait compte

 12   de ce qu'elle avait l'obligation de rendre compte et de ce qu'elle a

 13   entendu dire probablement de la bouche d'autres patients couchés dans la

 14   même chambre. Mais en tout état de cause, il s'agit de propos rapportés

 15   indirectement.

 16   Question: Docteur Jovanovic, vous avez parlé des responsabilités qui

 17   étaient les vôtres à l'époque dans le cadre de ces visites, et vous avez

 18   parlé de ce que l'on appelle la grande visite au cours de laquelle tous

 19   les médecins allaient visiter tous les patients.

 20   Vous avez dit que, les autres jours de la semaine, vous n'alliez voir que

 21   les patients d'un bloc où vous travailliez. Mitar Vasiljevic était-il

 22   alité dans ce bloc dont vous avez parlé en deuxième lieu, ou bien ne le

 23   voyiez-vous qu'une fois par semaine dans le cadre de la grande visite?

 24   Réponse: Il était dans une chambre qui faisait partie du département où je

 25   me rendais en visite tous les matins, sauf bien sûr les jours de week-end.


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  1   Question: Merci. Je vous demanderai maintenant de bien vouloir examiner

  2   une pièce à conviction et de l'identifier, si vous le pouvez.

  3   Je demande que l'on remette au témoin la pièce P138, version BCS.

  4   (Intervention de l'huissier.)

  5   Je vous prierai d'examiner attentivement ce document, après quoi je vous

  6   interrogerai à son sujet.

  7   (Le témoin prend connaissance du document.)

  8   Docteur Jovanovic, pouvez-vous d'abord me dire si vous reconnaissez ce

  9   document comme émanant de votre hôpital à l'époque des faits?

 10   (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

 11   Vous avez sous les yeux une anamnèse. Concerne-t-elle le patient dont vous

 12   venez de parler en rappelant les souvenirs que vous aviez en rapport avec

 13   lui?

 14   Réponse: Oui, c'est une anamnèse tout à fait classique, remplie d'ailleurs

 15   de la même façon que nous le ferions aujourd'hui.

 16   Question: La forme de ce document est-elle la même aujourd'hui?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Je vous demanderai de regarder en première page le coin

 19   supérieur droit où l'on voit le numéro de cette anamnèse et juste en

 20   dessous la date de l'accueil du patient. Je vous demande si la date

 21   d'accueil du patient doit absolument correspondre au jour réel, au jour

 22   effectif où le patient est entré à l'hôpital?

 23   Réponse: Oui, c'est obligatoire. S'il en allait autrement, il s'agirait

 24   d'une information erronée, donc la date qui figure à ce niveau-là doit

 25   nécessairement correspondre à la date d'accueil du patient dans l'hôpital,


Page 3635

  1   dans tous les cas.

  2   Question: Cette date est-elle inscrite à l'heure exacte où le patient

  3   arrive? C'est-à-dire que, si le patient arrive avant minuit, on inscrit le

  4   jour de son arrivée, et si le patient arrive après minuit, on inscrit la

  5   date du jour suivant?

  6   Réponse: Oui, c'était la pratique à l'époque. Une journée a 24 heures,

  7   donc lorsqu'on inscrit la date, c'est la date du jour en question jusqu'à

  8   minuit. Et cela se fait toujours aujourd'hui.

  9   Question: Le numéro de l'anamnèse que l'on voit également indiqué en haut

 10   à droite de ce document en première page, à ce sujet, est-il possible

 11   qu'un autre patient se voit affecter le même numéro alors qu'il est soigné

 12   dans un autre département de l'hôpital?

 13   Réponse: Le numéro de l'anamnèse est un numéro d'identification qui est

 14   spécifique de chaque patient, donc unique.

 15   Question: Ce numéro est-il octroyé aux patients dans l'ordre de leur

 16   arrivée, ou selon d'autres modalités?

 17   Réponse: Je crois qu'il est octroyé aux patients dans l'ordre de leur

 18   arrivée, car c'est la seule méthode logique.

 19   Question: Quand j'ai dit cela, je voulais dire qu'au début de l'année le

 20   premier patient reçoit le numéro 1, et ensuite dans l'ordre d'arrivée les

 21   numéros sont affectés jusqu'à la fin de l'année? C'est bien de cette façon

 22   que l'on procède?

 23   Réponse: Je crois que c'est ainsi que l'on procède.

 24   M. Domazet (interprétation): Je vous demanderai maintenant de regarder en

 25   haut à gauche de la première page de cette anamnèse. Vous voyez qu'il y a


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  1   plusieurs mots et chiffres tapés à la machine. Pouvez-vous les lire et

  2   nous dire quelles sont les données qui sont inscrites ici? Car elles

  3   figurent en dehors des cases du formulaire, elles sont tapées au-dessus de

  4   ces caves. Donc que veulent dire ces chiffres et ces lettres, d'après

  5   votre expérience de l'époque?

  6   M. Jovanovic (interprétation): En haut à gauche de ce document on voit

  7   écrit à la main le numéro de la chambre et en haut, à droite, écrites à la

  8   main les initiales du médecin qui a accueilli le patient. Ceci pour des

  9   raisons tout à fait pratiques, de façon à ce que les infirmières qui

 10   déplacent physiquement le patient jusqu'à son lit sachent dans quelle

 11   chambre elles doivent l'installer. Donc, dans ce cas, il s'agit d'une

 12   chambre relevant de l'orthopédiste qui a accueilli le patient.

 13   Et en haut à gauche, on voit une information indiquant que le département

 14   a informé un organe institutionnel, à savoir la police dans ce cas précis,

 15   puis il est écrit que la blessure s'est faite dans la zone de guerre à

 16   Visegrad, "ratiste".

 17   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, ne devrions-nous pas

 18   entendre de la bouche du témoin quel est le nom correspondant aux

 19   initiales de ce médecin orthopédiste qui a reçu le patient?

 20   M. Domazet (interprétation): Docteur Jovanovic, vous avez dit qu'en haut à

 21   droite se trouvaient les initiales du patient qui a accueilli le patient.

 22   Je vous demanderai de nous dire plus précisément où se trouvent ces

 23   initiales et quelles sont les lettres en question.

 24   Réponse: Ces initiales se trouvent en haut à droite du document, au-dessus

 25   des premières cases du formulaire, des premières fenêtres. Et ces


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  1   initiales sont celles du Dr Jovicevic. D'ailleurs, aujourd'hui pas plus

  2   qu'à l'époque, nous n'avions à l'hôpital de médecin avec les mêmes

  3   initiales, donc il ne fait aucun doute qu'il s'agit de lui. Mais cela ne

  4   veut pas dire que c'est son écriture que l'on voit sur ce document.

  5   J'ai dit que c'était pour des raisons pratiques que l'on inscrivait ces

  6   initiales, donc il est possible que ce soit un interne qui ait écrit ces

  7   initiales, à moins que ce ne soit lui en personne. Mais en tout cas, ce

  8   sont bien ses initiales: d'abord l'initiale du prénom, et ensuite celle du

  9   nom de famille.

 10   Question: Ces deux lettres sont-elles écrites en cyrillique ou en lettres

 11   latines? Je sais bien que le J est le même dans les deux écritures, mais

 12   pouvez-vous néanmoins répondre à cette question?

 13   Réponse: Il s'agit d'un D et d'un J, le D étant en cyrillique.

 14   Question: Merci. Et ces deux lettres sont écrites au stylo, n'est-ce pas?

 15   Elles ne sont pas tapées à la machine?

 16   Réponse: C'est cela.

 17   Question: Monsieur Jovanovic, du côté gauche, au coin gauche, à

 18   l'extérieur des rubriques de l'imprimé, vous nous aviez donné lecture

 19   d'une remarque disant: "blessure au ratiste de Visegrad". Je voudrais que

 20   vous nous expliquiez comment était utilisé ce terme de "ratiste" dans les

 21   activités que vous déployiez à l'époque? Qu'est-ce que vous entendiez par

 22   ce terme de "ratiste"?

 23   Réponse: A l'époque, ce terme de "ratiste", en pratique, avait été utilisé

 24   plutôt en tant que notion désignant un territoire, un territoire dont la

 25   caractéristique principale était précisément le fait qu'il y ait eu des


Page 3638

  1   combats s'y déroulant, et non pas comme un renseignement qui indiquerait

  2   que tel intéressé serait blessé par une arme quelconque ou par obus,

  3   enfin, explosif quelconque. Et étant donné le recul actuel, je me rends

  4   bien compte de l'imprécision que nous avions commise en nous servant de ce

  5   terme-là.

  6   Question: Docteur Jovanovic, ce terme-là, dans le registre des termes

  7   utilisés, devrait donc se rapporter, si je comprends bien, à toute

  8   personne qui aurait été blessée et qui proviendrait des territoires se

  9   trouvant en zone de combats même si, par exemple, l'intéressé était tombé

 10   chez lui ou s'était blessé lui-même par quelque arme à feu qui serait la

 11   sienne. Je crois que cela peut être important pour ce qui est de la

 12   détermination de la zone de combats englobée par le terme.

 13   Réponse: Eh bien, lors de la prise des renseignements afférents à

 14   l'identité du patient, mes collègues et moi ne nous attardions pas sur les

 15   circonstances dans lesquelles telle ou telle autre blessure serait

 16   arrivée, étant donné que nous estimions que cette partie-là de la tâche

 17   était celle des autorités compétentes. Notamment, on a précisé que la

 18   police avait été informée de la chose. Donc à l'époque, aux yeux du

 19   chirurgien, c'était un renseignement de moindre importance.

 20   Seules certaines blessures de guerre ont des spécificités particulières et

 21   nécessitent des soins particuliers pour ce qui est des traitements. Par

 22   exemple, lorsqu'il s'agit d'une fracture de la jambe sous le genou, en ma

 23   qualité d'orthopédiste à l'époque et de spécialiste en chirurgie

 24   orthopédique actuellement, la chose n'a pas d'importance de savoir si

 25   l'intéressé est tombé d'un char d'assaut ou d'une meule de foin.


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  1   Question: Merci. Revenons un peu aux initiales du médecin, chose au sujet

  2   de laquelle vous avez dit que c'était une espèce de désignation interne

  3   pour désigner le médecin traitant. Est-ce que cela signifiait que le Dr

  4   Jovicevic avait ses patients et que M. Mitar Vasiljevic faisait partie du

  5   Dr Jovicevic? Est-ce bien ce qui découle de ce que vous venez de nous

  6   dire?

  7   Réponse: Ce que je viens de vous dire, et l'identification que je viens de

  8   vous faire est précisément celle qui l'indique. Peut-être que la façon de

  9   s'exprimer n'est pas bonne parce que tous ces patients étaient des

 10   patients de la République de Serbie, mais ce sont… C'est la façon dont

 11   nous nous exprimions à l'époque pour faciliter notre travail quotidien.

 12   Question: Chacun de ces médecins dont vous nous avez parlé avait-il un

 13   certain nombre de lits, un certain nombre de chambres ou l'on installait

 14   les patients dont il avait la charge?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Je vous demande de consulter encore une fois cette anamnèse et

 17   de nous dire si les renseignements figurant en partie supérieure sont des

 18   renseignements pour lesquels vous sauriez nous dire qui les note à cet

 19   endroit-là?

 20   Réponse: Ils sont remplis, notés au département des admissions de cet

 21   hôpital général. Un employé administratif, pendant les heures de travail

 22   ou pendant les heures de permanence, est tenu de remplir ces rubriques.

 23   C'est généralement une infirmière.

 24   Question: Ce département des admissions est-il un département qui dessert

 25   tout l'hôpital, tous les autres départements de l'hôpital?


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  1   Réponse: Oui, en effet. Il n'y a qu'un seul département des admissions

  2   pour l'ensemble, la totalité de l'hôpital.

  3   Question: Donc c'est au département des admissions que l'on dit où tel ou

  4   tel autre patient sera envoyé, et c'est là que l'on complète les rubriques

  5   afférentes au département de l'hôpital ou l'intéressé sera envoyé? Ai-je

  6   bien compris?

  7   Réponse: Oui, c'est cela.

  8   Question: On nous a dit qu'au département d'admission il y avait d'autres

  9   médecins de permanence, des orthopédistes, des chirurgiens, etc.. Compte

 10   tenu du fait que vous étiez l'un des jeunes médecins de l'hôpital, étiez-

 11   vous au nombre de ceux qui, de temps en temps, faisaient leurs heures de

 12   permanence là-bas, ou vous n'aviez peut-être rien à voir du tout avec

 13   l'admission de nouveaux patients?

 14   Réponse: Dans ces circonstances-là, il y avait un régime d'organisation du

 15   travail particulier pour ce qui est de l'admission des patients à ce

 16   département des admissions, ce qui fait que l'on avait organisé des

 17   équipes d'admission et de tri. En effet, la plupart des blessures

 18   nécessitaient une approche multidisciplinaire. Il s'agissait de faire

 19   examiner les patients par des spécialistes dans des spécialités variées,

 20   et c'est la raison pour laquelle ces équipes-là avaient été mises en

 21   place. Etant moi-même jeune chirurgien à l'époque, j'avais trouvé ma place

 22   là-bas, aussi, pour ce qui est de traiter les blessures de moindre

 23   importance ou de prêter main forte à des collègues plus âgés que moi, plus

 24   expérimentés, en salle d'opération.

 25   Question: Docteur Jovanovic, je voudrais que vous regardiez une fois


Page 3641

  1   encore cette anamnèse. Après tous ces renseignements, vous avez d'autres

  2   rubriques et je voudrais que vous nous disiez si vous voyez des rubriques

  3   que l'on devrait compléter et qui n'ont pas été complétées.

  4   Réponse: Si je devais trouver forcément quelque chose au niveau de l'issue

  5   des soins administrés, on n'a pas précisé, et c'est le point 5 où l'on

  6   parle de son transfert vers un autre département. Mais je me dois de

  7   préciser que je n'accorde pas une grande importance, du moins pour ce qui

  8   me concerne, à cette rubrique-là . Et dans la plupart des cas, je la saute

  9   moi-même parce qu'une fiche de sortie comporte suffisamment de

 10   renseignements que j'estime, pour ma part, souvent inutiles.

 11   Question: Docteur Jovanovic, ce renseignement dont vous venez de parler,

 12   du patient qui a été transféré vers la psychiatrie, se trouve-t-il quelque

 13   part dans le cadre de cette anamnèse? Et je vous prie de consulter en

 14   toute liberté les autres pages, si nécessaire.

 15   Réponse: Je vois, en sus des souvenirs que j'en ai, dans ce document, que

 16   le patient a été transféré vers un autre département de notre hôpital, à

 17   savoir celui de la psychiatrie.

 18   Question: Veuillez revenir maintenant à la page 1. Je crois qu'il y a une

 19   rubrique, par la suite, qui n'a pas été complétée elle non plus et qui

 20   concerne la date ou l'heure de la blessure. Est-il vrai qu'il y a une

 21   rubrique à cet effet?

 22   Réponse: Vous avez raison et, pour ma part, l'issue des soins et cette

 23   rubrique-là font l'objet de la même opinion que je vous ai donnée tout à

 24   l'heure. Mais cela n'est pas un justificatif du tout. Mais, en sus du

 25   volume considérable de travail que nous avions, je crois devoir et pouvoir


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  1   dire que c'est à juste titre que nous avons négligé certaines de ces

  2   obligations. Et j'imagine qu'à l'époque, nous ne pouvions pas nous douter

  3   non plus que ces renseignements-là pourraient devenir un jour si

  4   importants.

  5   M. Domazet (interprétation): Merci, Docteur Jovanovic. Je n'ai plus de

  6   questions pour vous.

  7   M. le Président (interprétation): Madame Bauer, à vous.

  8   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ivan Jovanovic, par Mme Bauer.)

  9   Mme Bauer (interprétation): Bonjour, Docteur Jovanovic. Je suis Mme Bauer

 10   et je me propose de vous poser quelques questions au nom du Bureau du

 11   Procureur.

 12   Docteur Jovanovic, ai-je raison de supposer que vous ne pourriez pas nous

 13   dire aujourd'hui si vous aviez été de permanence lorsque le patient Mitar

 14   Vasiljevic avait été admis à l'hôpital, ou cela n'a pas été le cas?

 15   M. Jovanovic (interprétation): Vous avez tout à fait raison.

 16   Question: Toutefois, vous nous avez également dit que lorsque vous-même

 17   aviez été chargé du tri des patient au département des admissions, qu'il

 18   en avait été ainsi. Donc, aurais-je raison de dire que c'était vous qui

 19   inscriviez certains des renseignements médicaux dans cette anamnèse?

 20   Réponse: Vous avez raison seulement pour ce qui est des cas de blessure

 21   primaire, lorsque ces blessures faisaient donc partie des attributions ou

 22   des devoirs d'un orthopédiste. S'il s'agissait, par exemple, de blessures

 23   de bras ou de jambe ou de la colonne vertébrale, et si le patient n'était

 24   pas en danger de mort, ces patients-là étaient donc admis au département

 25   d'orthopédie.


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  1   Les renseignements afférents à l'anamnèse étaient entre autres prélevés ou

  2   recueillis par mes soins également. C'était une partie des tâches que

  3   nous, jeunes médecins de permanence, avions à accomplir lorsque nous

  4   assistions à un spécialiste en orthopédie.

  5   Question: Maintenant, si vous regardez une fois de plus le document que

  6   vous avez sous les yeux, le P138, à savoir l'anamnèse, vous nous avez dit

  7   tout à l'heure qu'au coin gauche en haut on a inscrit que la police avait

  8   été informée. Je ne doute pas que vous sachiez, Docteur, ce que signifie

  9   le "VP" qui figure au coin gauche?

 10   Réponse: S'agissant de cette période-là, j'imagine que "VP" devait

 11   signifier "police militaire", mais on dit aussi que le SUP est informé;

 12   c'est ce que l'on note de nos jours encore pour ce qui est de tout type de

 13   blessure qui mériterait l'attention de ce service-là.

 14   Question: Mais dans ce cas-ci, cela signifie que l'on a informé la police

 15   militaire du SUP, n'est-ce pas?

 16   Réponse: A l'époque ni maintenant, je ne sais rien de leur organisation

 17   interne. Je ne sais pas s'ils ont un département pour les conscrits et

 18   pour les civils ordinaires. En tout état de cause, je suis certain d'une

 19   chose, c'est que je sais qui remplit ces renseignements-là. Mais ce sont

 20   des informations, pour autant que je sache, que l'on transmet à un numéro

 21   de téléphone. Maintenant, je ne saurais vous aider davantage en ce sens.

 22   Question: Docteur, à l'époque vous étiez là-bas, comme vous nous l'avez

 23   dit. Etait-il habituel d'informer qui que ce soit de la famille, de ceux

 24   qui venaient là -par exemple l'épouse, les enfants, etc.-, et était-il

 25   habituel d'informer la police militaire de la personne blessée qui avait


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  1   été amenée à l'hôpital?

  2   Réponse: Eh bien, je dirais que toute blessure physique grave, pour ce qui

  3   est de la classification à laquelle elle appartiendrait, nous contraint

  4   d'informer la police, d'où que cette personne blessée soit venue ou

  5   provienne.

  6   Question: Mais êtes-vous en train de nous dire que si une femme était

  7   venue du "ratiste" de Visegrad, dans ce cas-là la police militaire aurait

  8   également été informée de sa blessure?

  9   Réponse: Je ne saurais vous le dire. Pendant la guerre, je ne suis jamais

 10   allé mettre un pied en Bosnie ou à Visegrad, ce qui fait que je ne saurais

 11   vraiment vous le dire.

 12   Question: Docteur, ce n'est pas ce que je voulais vous dire. Vous nous

 13   avez dit que "ratiste" est un terme qui avait été utilisé de façon ample

 14   ou fréquente pour désigner des gens qui venaient des zones de combats, des

 15   patients admis en provenance de Bosnie de l'Est, n'est-ce pas?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Donc ma question était de savoir si cela s'appliquait à tous les

 18   patients, y compris les femmes.

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Donc si vous étiez tenu d'informer le poste de police d'une

 21   blessure de ce genre, vous nous dites que si une femme arrivait de cette

 22   région-là, elle devrait faire l'objet d'une information auprès de la

 23   police militaire, n'est-ce pas?

 24   Réponse: Ce n'était pas une partie de mes tâches que d'informer la police.

 25   C'était la tâche de ce service d'admission, et je ne vois pas de raison,


Page 3645

  1   par exemple, d'informer la police quelle qu'elle soit de l'arrivée d'une

  2   femme enceinte arrivant du "ratiste" pour accoucher.

  3   Donc, pour dire "ratiste", nous désignons un territoire donné où il y

  4   avait des combats en cours.

  5   Question: Mais n'est-il pas un fait que, si vous aviez un patient, un

  6   conscrit, que c'était la police militaire qu'il fallait informer et non

  7   pas qui que ce soit d'autre?

  8   Réponse: Mon travail avait consisté à identifier le type de blessures, et

  9   de fournir une prestation qui consiste en un traitement chirurgical

 10   auxiliaire. Et pour ce qui est du reste, c'était le travail d'autres

 11   services. Cela ne faisait pas partie de mon travail et pour moi, à mes

 12   yeux, tous les patients étaient sur pied d'égalité.

 13   Question: Merci, Docteur Jovanovic.

 14   Je vous prie de vous pencher maintenant sur la page 2 de cet historique où

 15   de l'anamnèse. Aurais-je raison de dire que cette deuxième partie a été

 16   complétée en haut par le docteur Jovicevic, la partie du haut?

 17   Réponse: Eh bien, ce n'était pas chose usuelle pour lui mais vous avez

 18   raison, il préférait d'habitude que les jeunes fassent ce travail. Il est

 19   certain que c'est lui qui l'a fait. A la différence du paragraphe suivant

 20   qui a été complété par celui qui a effectué l'intervention chirurgicale,

 21   et ce n'était pas lui.

 22   Question: Donc le Dr Jovicevic ou l'un quelconque des jeunes médecins a

 23   rempli, a complété ces renseignements, ou quelqu'un sur instruction?

 24   Réponse: C'est lui qui l'a tapé. Je reconnais son style de parler, ou

 25   plutôt sa façon de s'exprimer. Et il le fait rarement.


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  1   Mme Bauer (interprétation): Mais ai-je raison aussi de dire que vous-même,

  2   en votre qualité de médecin jeune, aviez pour tâche de remplir par exemple

  3   cette partie-là de l'anamnèse, n'est-ce pas?

  4   M. Jovanovic (interprétation): Oui. Dans la plupart des cas, oui.

  5   M. le Président (interprétation): Docteur, rapprochez-vous un peu du

  6   pupitre, je vous prie, parce que les interprètes ne vous entendent pas

  7   très bien.

  8   M. Jovanovic (interprétation): Certainement.

  9   A l'époque s'agissant de la plupart de ces anamnèses, c'était moi-même qui

 10   les écrivais ou un collègue jeune, un débutant, et c'est une vilaine et

 11   méchante habitude que de confier cette corvée aux jeunes collègues. Pour

 12   ce qui est de cette anamnèse, c'est le docteur Jovicevic qui l'a tapée lui

 13   même. Pour moi, il n'est pas nécessaire d'avoir sa signature ou son

 14   empreinte digitale mais je reconnais le style, la façon dont il prend ce

 15   type de renseignements. J'ai beaucoup appris quand j'étais jeune collègue

 16   de sa part, et cela fait que je sais que c'est lui qui l'a fait.

 17   Mme Bauer (interprétation): D'après votre expérience, si un patient

 18   conscient à tout point de vue venait, vous lui poseriez la question de

 19   savoir comment la blessure était survenue, n'est-ce pas?

 20   M. Jovanovic (interprétation): Oui, c'est cela.

 21   Question: Et lorsque quelqu'un vous disait: "Voyez-vous, Docteur, je suis

 22   tombé de cheval et me suis cassé la jambe", vous le noteriez, n'est-ce

 23   pas?

 24   Réponse: C'est exact. Et dans mon travail, je m'efforce encore de nos

 25   jours de ne pas être un enquêteur mais de croire les gens sur parole,


Page 3647

  1   notamment lorsqu'il s'agit de renseignements qui ne sont pas pertinents

  2   pour ce qui est de la méthode et des modalités de traitement que

  3   j'envisage d'appliquer.

  4   Question: Autrement dit, si un patient vous disait: "Je suis tombé de

  5   cheval et je me suis cassé la jambe", vous marqueriez dans l'anamnèse

  6   qu'il était tombé de cheval et qu'il s'était cassé la jambe, n'est-ce pas?

  7   Réponse: Oui, croyez-moi qu'il en est ainsi.

  8   Question: Vous seriez donc d'accord avec moi pour dire, Docteur, que

  9   l'anamnèse qui a été rédigée par le Dr Jovicevic n'est pas tout à fait

 10   précise, si tant est et que M. Vasiljevic lui avait dit qu'il était tombé

 11   de ce cheval, n'est-ce pas?

 12   Réponse: Je serais d'accord pour dire que l'anamnèse n'est pas précise,

 13   mais ne se trouve pas en contradiction avec ce que j'ai dit. Pour nous,

 14   l'important c'est de savoir si c'est une fracture à plusieurs fragments ou

 15   à fragment unique, si c'est une fracture ouverte ou fermée; mais de là à

 16   savoir s'il est tombé d'un mètre de haut ou de plus ou de moins, cela n'a

 17   pas d'importance. Je suis d'accord, toutefois, pour dire que l'anamnèse

 18   aurait pu être rédigée de façon plus précise.

 19   Question: Donc la conclusion est évidente. Mitar Vasiljevic n'a

 20   probablement pas dit au médecin qu'il était tombé de cheval?

 21   Réponse: Excusez-moi, mais pour moi ce n'est pas une conclusion évidente.

 22   Il se peut que le Dr Jovicevic ait passé outre l'importance de ce

 23   renseignement et personnellement, je ne vois pas en quoi ce renseignement

 24   peut être important, si l'on excepte le prisme des événements de l'époque.

 25   Question: Docteur Jovanovic, vous êtes chirurgien en orthopédie. Pouvez-


Page 3648

  1   vous nous dire… Ce diagnostic de fractura cruris nécessite d'extension.

  2   Quelle est la période d'extension nécessaire, et cette période d'extension

  3   est-elle nécessaire ou pas?

  4   Réponse: L'extension est une des méthode que l'approche anglo-saxonne ne

  5   sous-entend pas. Dans la littérature anglo-saxonne, vous pouvez

  6   difficilement ou rarement le trouver. Cela paraît comme étant plutôt

  7   démodé et même plutôt brutal mais dans les pays comme le mien, c'est une

  8   méthode que l'on utilise souvent, qui a beaucoup d'avantages en pratique.

  9   Cela sous-entend une traction exercée sur le tissu osseux ou de façon

 10   lente, mais sûre. On remet un os dans la position correcte, moyennant

 11   l'utilisation d'un appareil d'extension et d'un fardeau, d'un contrepoids

 12   qui est en général l'équivalent de 10% du poids corporel, et ce pendant

 13   une période d'à peu près trois semaines, sans mettre en péril les autres

 14   fonctions de l'organisme telles que les structures nerveuses ou le tissu

 15   lui-même.

 16   La méthode peut permettre, permet de suivre quotidiennement l'évolution

 17   des choses moyennant radiographies, et l'essentiel consiste à éviter une

 18   intervention chirurgicale qui, dans les meilleures des conditions

 19   possibles, comporte toutefois certains risques.

 20   Cette méthode est utilisée également pour d'autres parties du corps dans

 21   le reste du monde, par exemple pour les blessures de la colonne vertébrale

 22   ou de la partie de la colonne vertébrale qui se situe au niveau du cou.

 23   Question: Docteur, est-ce qu'à un moment donné, on ne placerait pas un

 24   plâtre quelle que soit l'extension ou le type d'extension? Ou plutôt, je

 25   reformule: quand est-ce que l'on place un plâtre au patient?


Page 3649

  1   Réponse: Après contrôle radiologique et contrôle clinique, bien sûr.

  2   Lorsque l'on a abouti à un positionnement correct des éléments osseux,

  3   l'on accède à la deuxième phase du traitement qui consiste à immobiliser

  4   l'ensemble, moyennant l'application d'un plâtre.

  5   Question: Est-ce que le patient se trouve encore sous extension lorsqu'on

  6   place le plâtre, ou alors ce plâtre est-il placé une fois que l'on a

  7   enlevé les instruments d'extension?

  8   Réponse: Pendant que la jambe est sous extension avec cet appareil, on met

  9   un pansement plâtré puis on procède à un contrôle radiologique final, et

 10   ce n'est qu'alors que nous pouvons nous passer de l'extension en tant que

 11   méthode de soins.

 12   Question: Donc une certaine forme de plâtre est placée, est appliquée au

 13   moment où le patient se trouve sous extension, si je vous ai bien compris?

 14   Réponse: Oui. Quelques instants seulement, quelques minutes pour obtenir

 15   un positionnement correct. Il s'agit donc de quelques minutes, et puis par

 16   la suite il n'y a plus besoin d'appliquer, de poursuivre cette méthode

 17   d'extension, donc méthode de soins de traitement.

 18   Question: Est-ce que cela est noté quelque part dans cette anamnèse, dans

 19   cet historique de la maladie? Est-ce qu'on y parle de cette application,

 20   du plâtre dans l'anamnèse?

 21   Réponse: Non, il n'y a pas de rubrique spécifique, ce n'est pas une donnée

 22   exceptionnellement important au cours du traitement. Mais on en tient

 23   compte, on en prend compte au cours du traitement, à la fin du formulaire

 24   de l'historique de l'anamnèse du malade. Et sur la fiche de sortie, on

 25   indique très certainement la date où cette application médicale a été


Page 3650

  1   effectuée.

  2   Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi qu'il n'y a pas de

  3   renseignement en ce qui concerne l'élimination de l'extension et de la

  4   mise en plâtre du patient Vasiljevic dans cette anamnèse, historique de la

  5   maladie du patient?

  6   Réponse: Oui, je serais d'accord avec vous pour dire que cela n'a pas été

  7   inscrit sur l'anamnèse, ni sur la fiche de sortie. Mais pour ce qui est de

  8   l'historique, anamnèse du malade, je ne retrouve pas cette étape-là de son

  9   traitement dans notre service.

 10   Question: Est-ce que cette fiche de sortie était gardée ensemble avec

 11   l'anamnèse, historique du malade, ou séparément?

 12   Réponse: Il s'agit d'un document que l'on remplit au moment de la sortie

 13   du patient de l'hôpital et où sont mentionnés les événements, les étapes

 14   les plus importantes de son traitement à l'hôpital. Ce sont des

 15   formulaires qui restent dans chacun des départements, et le médecin qui a

 16   été responsable du patient doit le remplir. Cette fiche doit comprendre

 17   les données d'admission, le diagnostic, les différentes interventions

 18   chirurgicales s'il y en a eu, et ainsi de suite.

 19   Question: Je vous prie de passer à la dernière page de l'historique,

 20   anamnèse, cette rubrique où l'on dit qu'il ne voulait pas revenir chez

 21   lui. Est-ce que cela aurait dû figurer dans la fiche de sortie? Est-ce que

 22   c'est quelque chose qui a été rempli, mais tout simplement qui devait

 23   indiquer que le patient n'avait pas quitté les lieux de son traitement?

 24   Réponse: A l'époque, ces fiches de sortie étaient tapées à la machine en

 25   quatre exemplaires. Aujourd'hui, on le fait en trois exemplaires: deux


Page 3651

  1   exemplaires sont reçus, sont remis au patient pour qu'il puisse régler ses

  2   droits d'assurance et autres droits éventuels; pour ce qui est de

  3   l'historique, anamnèse de la maladie, cela est archivé, corroboré par une

  4   copie.

  5   Question: Et les deux autres copies de la fiche de sortie restent

  6   archivées dans les archives de l'hôpital? Vous avez parlé de quatre

  7   copies: deux au patient et les deux autres, où sont-elles archivées, où

  8   sont-elles gardées?

  9   Réponse: Exactement comme vous venez de le dire.

 10   Question: Monsieur le Docteur, si vous consultez cette fiche de

 11   l'historique où l'on dit que quelqu'un a appelé, que le médecin de

 12   service, de permanence, avait appelé le ministère de l'Intérieur, le

 13   secrétariat des Affaires intérieures parce que le patient a commencé à se

 14   comporter d'une façon assez déplorable, est-ce que vous l'avez fait peut-

 15   être vous-même, ou est-ce que c'est peut-être le Dr Stojkovic qui l'aurait

 16   fait?

 17   Réponse: Je ne me souviens pas mais si j'étais sur place, j'aurais peut-

 18   être pu me souvenir de cela. Non, je n'étais pas de permanence et il

 19   ressort nettement que c'était le Dr Stojkovic qui était médecin de

 20   permanence à ce moment-là.

 21   Question: Le Dr Stojkovic qui signe et écrit la fiche de sortie, c'est lui

 22   qui décide du moment où le patient peut quitter le département

 23   d'orthopédie et rentrer chez lui?

 24   Réponse: Cela ressort du document. Et puis, ce qui ne ressort pas

 25   nettement de ce document, c'est le fait que cela a été rédigé avec le


Page 3652

  1   consentement du Dr Jovicevic qui n'est pas le signataire, mais qui a été

  2   le médecin qui avait admis le patient au début. Peut-être que le Dr

  3   Jovicevic était en congé, peut-être qu'il était absent, mais tout doit se

  4   faire d'une manière harmonisée. Ce sont des procédures de bon usage que

  5   l'on applique dans le service.

  6   Question: Est-ce qu'il serait normal qu'un docteur remplisse une fiche de

  7   sortie si vraiment le patient n'est pas prêt à quitter l'hôpital,

  8   autrement dit qu'il aurait besoin d'un autre traitement dans un autre

  9   département? Est-ce que vous pourriez nous dire quelle serait l'évaluation

 10   d'une telle situation, à votre avis, lorsqu'il s'agit de possibilité de

 11   sortir ou d'aller se faire traiter dans le cadre d'un autre service

 12   département?

 13   Réponse: Je ne connais aucun cas comparable mais, de mon expérience

 14   personnelle, je connais des cas contraires. Il y a eu des gens qui

 15   voulaient sortir mais qui nécessitaient une prolongation du traitement

 16   médical. Mais évidemment, c'est quelque chose qui ressort de votre domaine

 17   d'intérêt.

 18   Question: Je voudrais reformuler la question pour être un peu plus

 19   directe. Si vous avez un patient qui a besoin d'un traitement

 20   psychiatrique, vous ne délivreriez pas une fiche de sortie à un tel

 21   patient, notamment s'il s'agit d'un patient dont l'état nécessite une

 22   intervention dans le département psychiatrique?

 23   Réponse: Cela exigerait une sorte de compromis, une suite

 24   d'hospitalisation dans un autre département où on soignerait sa maladie

 25   principale mais aussi sa maladie: agitation ou, ici, vérifiée en tant que


Page 3653

  1   psychose sous surveillance et sous examen du médecin traitant et du

  2   médecin du département orthopédique.

  3   Question: Je m'excuse, je pense que je vous ai en quelque sorte induit en

  4   erreur par ma question. Enfin, si vous estimiez qu'un patient a besoin

  5   d'un traitement psychiatrique, vous ne lui auriez pas délivré sa fiche de

  6   sortie? Répondez par un oui ou un non.

  7   Réponse: Je ne peux pas répondre par oui ou non, mais je pourrais vous

  8   répondre dans la mesure où j'avais eu l'occasion de consulter un

  9   psychiatre pour voir si ce traitement doit être fait dans l'enceinte de

 10   l'hôpital, au sein de l'hôpital, ou que cela pourrait être effectué par

 11   d'autres moyens.

 12   Question: Vous avez parlé de cette anamnèse de maladie de M. Vasiljevic,

 13   et vous avez parlé des problèmes que vous aviez à l'époque et s'il y a eu

 14   nécessité de cet examen psychiatrique. Je vous prie de consulter les codes

 15   et chiffres qui sont inscrits. Est-ce que tout ce qui est consigné dans ce

 16   document n'indiquait pas une nécessité d'honorer, de respecter les règles

 17   intérieures de l'hôpital? Enfin, cet examen, pourquoi n'a-t-il pas été

 18   effectué à un moment donné?

 19   Réponse: Ce que vous venez de dire pourrait indiquer que le patient en

 20   question a eu une certaine régression ou a pré-manifesté une réaction à la

 21   thérapie qui lui a été administrée. Ou peut-être que nous, médecins du

 22   département orthopédique, nous pouvons également utiliser des médicaments

 23   type sédatif -je pense surtout au Dijazepan Apaurin- dans les quantités

 24   que nous sommes autorisés à administrer.

 25   Question: Est-ce que vous seriez d'accord que malgré ce comportement


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  1   étrange de Mitar Vasiljevic, le Dr Stojkovic a néanmoins décidé d'émettre,

  2   de délivrer cette fiche de sortie et permettre donc à M. Vasiljevic de

  3   sortir de l'hôpital?

  4   Réponse: Il y a encore quelques mois, on tapait à la machine ces fiches de

  5   sortie, même pour les transferts d'un département à l'autre. Et puis

  6   depuis, on ne délivre et on ne remplit qu'une seule fiche de sortie. Mais

  7   à l'époque, on avait l'obligation d'établir une fiche de sortie, même

  8   lorsqu'un patient était transféré d'un département vers un autre, par

  9   exemple le département de rééducation, réhabilitation.

 10   Mme Bauer (interprétation): Je vous renvoie à la date du 7 juillet, 8

 11   juillet plutôt, où le Dr Stojkovic avait décidé que le patient pouvait

 12   sortir de l'hôpital mais que le patient avait refusé de sortir, de quitter

 13   l'hôpital.

 14   Je n'ai plus de questions.

 15   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous la parole.

 16   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Ivan Jovanovic, par

 17   Me Domazet.)

 18   M. Domazet (interprétation): Monsieur Jovanovic, répondant à une question

 19   de Mme Bauer en ce qui concerne la première page de la fiche de sortie et

 20   le code chiffre que vous avez lu dans la partie supérieure de ce document,

 21   et lorsqu'il s'agissait d'expliquer l'abréviation VP, vous avez expliqué

 22   qu'éventuellement cela pourrait signifier police militaire, Vojna

 23   Policija. Est-ce que vous pensez que cette abréviation VP pourrait

 24   signifier autre chose?

 25   M. Jovanovic (interprétation): Je pense que je devrais me corriger. Pour


Page 3655

  1   moi, une première association, une première idée serait VP, Vojna Posta,

  2   poste militaire, mais ensuite le SUP, une abréviation est quelque chose

  3   qui dénote tout à fait autre chose. Et puis le concept même de Vojna

  4   Posta, de poste militaire, enfin je ne pourrais pas le définir très

  5   exactement mais ma première idée, ma première association lorsque je

  6   voyais cette abréviation serait de parler de Vojna Posta, poste militaire.

  7   Question: Est-ce que le VP dénotait le poste où se trouvait chaque unité

  8   de l'armée, donc portait un code, un chiffre d'après lequel on pourrait

  9   l'identifier?

 10   Réponse: Cela fait longtemps que je me suis occupé de ces choses-là. J'ai

 11   oublié pas mal de choses entre temps. Je ne pourrais donc pas être très

 12   précis en ce qui concerne ma réponse.

 13   Question: Donc le VP serait peut-être la police militaire, et le SUP le

 14   secrétariat aux affaires intérieures? Essayons de préciser si une police

 15   militaire fait partie d'une organisation, institution militaire, ou peut

 16   faire partie du secrétariat aux affaires intérieures.

 17   Réponse: Je pense qu'il s'agit de deux institutions tout à fait séparées

 18   et lorsque je me rends quotidiennement à mon poste de travail, je vois

 19   qu'il y a la police publique, la police de la route, les policiers de la

 20   circulation, et chaque fois que je les aperçois, je ralentis mon véhicule,

 21   évidemment. Mais il y a d'autres institutions également.

 22   Question: Le chiffre, numéro 985, avant l'abréviation SUP, vous n'étiez

 23   pas en mesure de l'identifier. Est-ce qu'il s'agit de quelque chose qui

 24   fait partie de la police militaire, du VP ou de quelque chose d'autre?

 25   Ma question est la suivante: est-ce que ce numéro 985 vous associe à


Page 3656

  1   quelque chose? Est-ce qu'il ne s'agirait peut-être pas d'un numéro de

  2   téléphone?

  3   Réponse: Non, aucune association à propos de ce chiffre ou à propos d'un

  4   quelconque numéro de téléphone.

  5   Question: Répondant à une question de Mme Bauer, pourquoi la police

  6   serait-elle informée s'il y avait une femme qui aurait subi une blessure?

  7   Vous avez répondu que toutes les blessures plus graves, toutes les lésions

  8   plus graves sont rapportées à la police; la police en est informée, est

  9   tenue d'en être informée. Est-ce que vous savez pourquoi la police est

 10   tenue d'être informée de ces patients ayant des blessures plus graves et

 11   qui sont admis dans vos services, dans les services de l'hôpital?

 12   Réponse: Autant que je le sache, et la connotation d'un cas éventuel,

 13   mettons devant un Tribunal -et je suis expert médico-légal depuis quelques

 14   années-, enfin, il se révèle très important de qualifier la nature et

 15   l'origine de la blessure en question, donc il est important de pouvoir

 16   répondre aux exigences qui nous sont posées et revendiquées par le

 17   Procureur.

 18   Question: Mais vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'il y a des

 19   blessures qui ne sont pas toujours intéressantes pour la police ou pour le

 20   procureur public?

 21   Réponse: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous.

 22   Question: Cette information qui a été donc communiquée, est-ce pour

 23   signaler à la police, pour qu'elle puisse savoir pourquoi quelqu'un se

 24   trouve dans un service, pourquoi quelqu'un est hospitalisé?

 25   Réponse: Oui, c'est important pour la portée des données en question et


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  1   pour savoir quel a été l'événement à l'origine de cette blessure.

  2   Question: Madame Bauer vous a posé une question à propos de la page 2 de

  3   l'historique de l'anamnèse de la maladie signée par le Dr Jovicevic. Est-

  4   ce que vous vous souvenez avoir dit que, peut-être, le patient avait parlé

  5   d'une chute de cheval?

  6   Réponse: Oui, je me souviens de cette question.

  7   Question: Est-ce que vous avez estimé que peut-être M. Jovicevic n'a pas

  8   estimé que ce fait, cette donnée était importante pour l'intervention

  9   chirurgicale, éventuellement qu'il devrait effectuer? Est-ce que c'était

 10   une donnée pertinente?

 11   Réponse: Non, ce n'est pas une donnée qui est pertinente pour quelque

 12   intervention que ce soit.

 13   M. Domazet (interprétation): En répondant à une question de Mme Bauer

 14   lorsqu'il s'agissait du plâtre et par rapport à la durée de l'extension,

 15   il me semble n'avoir pas très bien compris votre réponse. A quel moment on

 16   applique ce plâtre? Est-ce pendant ou sous extension du patient, ou par la

 17   suite? Veuillez bien vous expliquer là-dessus.

 18   M. Jovanovic (interprétation): Cette extension de la moelle osseuse est un

 19   cas qui est très rarement traité par de jeunes orthopédistes, médecins

 20   dans un département orthopédique. Et puis plus tard, cela devient une

 21   application de routine. Donc il y a ce problème de positionnement: il

 22   s'agit du placement, de l'introduction d'un fil de fer d'à peine 2

 23   millimètres à travers un os. Et puis il y a préparation en vue de cette

 24   intervention chirurgicale, donc application de produits antiseptiques et

 25   d'anesthésie locale.


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  1   Puis, par un câble en fer, on peut contrôler le déplacement de ce fil de

  2   fer et ensuite, à l'aide de contrepoids, on peut le placer dans l'axe de

  3   la partie inférieure de la jambe.

  4   M. le Président (interprétation): Votre question a été: est-ce que le

  5   plâtre a été appliqué après ou au cours du traitement sous extension? Je

  6   pense qu'il faudrait obtenir d'abord une réponse claire et nette du

  7   docteur à ce sujet. Pas besoin d'entrer dans des explications détaillées.

  8   M. Domazet (interprétation): Je pensais, Monsieur le Docteur, au moment où

  9   l'on n'a plus besoin de cette méthode d'extension, où -sans anesthésie et

 10   ainsi de suite- on applique le plâtre.

 11   M. Jovanovic (interprétation): La jambe en extension est donc gardée sous

 12   cette extension jusqu'au moment où une radio effectué nous permet de

 13   constater que l'on a abouti à obtenir une position correcte de l'axe de

 14   l'os et de tous les fragments osseux. Et si nous l'obtenons, si nous

 15   parvenons à obtenir un tel positionnement, eh bien l'extension n'est plus

 16   nécessaire. Elle est enlevée, nous enlevons cette aiguille appliquée au

 17   début, et le patient continue être traité dans une condition

 18   d'immobilisation, fixation par le plâtre.

 19   Question: Je vous prie de prendre l'anamnèse, l'historique du patient. Il

 20   y a une entrée datant du 17 juillet. Est-ce qu'on pourrait conclure que ce

 21   plâtre a été donc placé antérieurement, parce que nous n'avons pas de

 22   données sur la date de la mise en place du plâtre?

 23   Réponse: Oui, on peut le conclure. La méthode elle même d'immobilisation

 24   rigide permet des corrections qui peuvent être apportées s'il y a besoin.

 25   Le plâtre lui-même est sujet à des modifications. D'autres raisons


Page 3659

  1   pourraient être invoquées également. Donc d'après cette entrée, on peut

  2   conclure que le patient portait déjà le plâtre pendant un bon moment, et

  3   ce plâtre qu'il portait devait être corrigé. Et puis, cela ressort

  4   normalement que le patient n'avait plus besoin d'extension.

  5   M. Domazet (interprétation): J'ai une dernière question à poser à ce

  6   témoin.

  7   M. le Président (interprétation): Et combien cela va durer?

  8   M. Domazet (interprétation): Mais ce sera ma dernière question.

  9   Madame Bauer vous a posé une question à propos de cette dernière page et à

 10   propos de la fiche de sortie remplie par le Dr Stojkovic: "avez-vous

 11   jamais vu cette fiche de sortie?" Donc, est-ce que vous connaissez son

 12   existence?

 13   M. Jovanovic (interprétation): Je ne me souviens pas avoir vu cette fiche,

 14   cette feuille. C'était tout de même il y a bien longtemps.

 15   M. Domazet (interprétation): Merci, Docteur Jovanovic. Je n'ai plus de

 16   questions.

 17   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez nous dire,

 18   Monsieur le Témoin, quel est le nom, le prénom du tuteur de la personne

 19   qui était chargée de surveiller votre spécialisation?

 20   M. Jovanovic (interprétation): Oui, il s'agissait du primarius

 21   Stanislavjevic.

 22   M. le Président (interprétation): Je voudrais attendre pour voir comment

 23   cela ressort au compte rendu de séance.

 24   Est-ce que vous pouvez nous indiquer si le nom qui a été imprimé sur le

 25   compte rendu d'audience, c'est-à-dire sur votre écran? Est-ce que c'est le


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  1   nom correct que vous avez prononcé?

  2   M. Jovanovic (interprétation): Non, ce n'est pas correct. Ce n'est pas une

  3   majuscule. En ce qui concerne le prénom, il s'agit de Primislav, P-R... un

  4   instant s'il vous plaît, P-R-I-M-I-S-L-A-V.

  5   M. le Président (interprétation): Et le nom de famille est donc inscrit,

  6   transcrit correctement. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

  7   Mme Bauer (interprétation): Non.

  8   M. Domazet (interprétation): Non.

  9   M. le Président  (interprétation): Merci d'être venu. Excusez-nous pour

 10   l'ajournement de ce matin. Merci d'être venu, vous pouvez disposer

 11   maintenant.

 12   Suspension jusqu'à 14 heures 30.

 13   (Le témoin, M Ivan Jovanovic, est reconduit hors du prétoire.)

 14   (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 30).

 15   (Le témoin, Mme Snezana Neskovic, est déjà dans le prétoire.)

 16   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous.

 17   M. le Président (interprétation): Avant que vous ne commenciez, je tiens à

 18   dire à madame Mme Bauer que nous lui sommes reconnaissants d'avoir terminé

 19   le contre-interrogatoire du témoin tout à l'heure dans les délais prévus.

 20   (Interrogatoire principal du témoin, Snezana Neskovic, par Me Domazet.)

 21   M. Domazet (interprétation): Madame, bonjour de nouveau.

 22   Mme Neskovic (interprétation): Bonjour.

 23   Question: Continuons notre entretien d'aujourd'hui.

 24   Si vos souvenirs sont bons, nous nous étions arrêtés à un endroit où

 25   j'avais commencé à vous interroger au sujet de M. Mitar Vasiljevic, vous


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  1   demandant si vous le connaissiez. Vous m'avez dit que vous le connaissiez,

  2   qu'il avait été serveur, garçon de café. Et puis, je vous ai demandé

  3   comment vous l'aviez connu. Est-ce que vous étiez… A quelque moment que ce

  4   soit, êtes-vous allée chez lui, à la maison?

  5   Réponse: Non, je ne suis jamais allée chez lui. Comme je l'ai dit, nous

  6   habitions dans la même rue et je le voyais quand il partait ou quand il

  7   revenait de son travail, ou alors quand il se rendait en ville.

  8   Question: Donc vous n'êtes jamais allée chez lui, et j'imagine que lui non

  9   plus n'est jamais venu chez-vous. Je voudrais savoir si, éventuellement,

 10   une opportunité s'était présentée pour qu'il vous rende visite.

 11   Réponse: Non, une opportunité de ce genre ne s'était pas présentée.

 12   Question: Outre le fait de l'avoir connu de vue en le voyant dans la rue,

 13   le voyiez-vous en sa qualité de garçon de café dans les établissements où

 14   il avait travaillé?

 15   Réponse: Oui, je le voyais en sa qualité de garçon de café.

 16   Question: Madame, nous nous étions entretenus notamment au sujet de la

 17   période qui avait précédé l'année 1992, à savoir les mois de mai, juin, de

 18   cette année, avant et après le départ du Corps d'Uzice.

 19   Après le départ du Corps d'Uzice, vous êtes restée à Visegrad, n'est-ce

 20   pas?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Ce qui m'intéresse quant à cette période, c'est si vous vous

 23   rappelez avoir, à quelque moment que ce soit, vu Mitar Vasiljevic?

 24   Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, j'avais vu Mitar quand il

 25   avait fait appel à la partie féminine de la population pour nettoyer les


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  1   rues et leur avait demandé de sortir et de nettoyer les rues et la ville.

  2   C'est de cela que je me souviens. Je ne me souviens pas de la période

  3   exacte où cela s'est passé, mais je me souviens que c'était à peu près

  4   vers cette période-là.

  5   Question: Et où habitiez-vous à ce moment-là, Madame Neskovic?

  6   Réponse: J'habitais à la cité Mezalin et les femmes de ma rue étaient

  7   sorties pour nettoyer. J'étais moi-même sortie une fois pour les aider à

  8   nettoyer, notamment j'avais nettoyé devant ma maison.

  9   M. Domazet (interprétation): La fois où vous aviez personnellement pris

 10   part à cette action de nettoyage, était-ce là une action qui avait été

 11   dirigée par Mitar Vasiljevic?

 12   Mme Neskovic (interprétation): Eh bien, ce que je sais, ce dont je me

 13   souviens c'est qu'il avait lui, lancé un appel à l'attention des femmes

 14   pour qu'elles sortent pour nettoyer.

 15   M. le Président (interprétation): Je vous prie de prendre, de prêter

 16   attention à la nécessité de faire des pauses entre les questions et les

 17   réponses. Vous causez des problèmes aux interprètes et nous voudrions que

 18   vous leur laissiez l'opportunité de traduire ce que vous dites.

 19   Mme Neskovic (interprétation): Pas de problème. Je prêterai attention.

 20   Je me souviens que Mitar avait appelé les gens à nettoyer les rues, et je

 21   me souviens également que j'étais une fois allée moi-même prendre part au

 22   nettoyage de la ville; j'avais nettoyé ma rue.

 23   Question: Vous avez dit que vous habitiez dans une cité appelé Mezalin.

 24   Est-ce que vous pouvez déterminer avec un peu plus de précision pour nous

 25   qui ne connaissons pas Visegrad, afin que nous sachions où cela se trouve?


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  1   Etait-ce le centre-ville, était-ce une cité plus ou moins éloignée?

  2   Pouvez-vous nous dire où se trouve votre maison et où est cet endroit où

  3   vous aviez pris part au nettoyage de la rue?

  4   Réponse: Visegrad est une petite ville, Mezalin est une ville cité de

  5   banlieue. Visegrad compte quelques 10.000 habitants, c'est une ville assez

  6   petite, et la cité de Mezalin est non loin. Vous savez, tout est relatif

  7   quand il s'agit d'une petite ville, pour ce qui est de vous dire centre-

  8   ville ou banlieue. Moi, je dirais plutôt banlieue.

  9   Question: Pour que nous ayons une idée, est-ce que vous pourriez nous dire

 10   à quelle distance cela se trouve-t-il du centre-ville?

 11   Réponse: Une dizaine de minutes à pied.

 12   Question: Dans la partie de la ville où vous résidez et où avait eu lieu

 13   cette activité de nettoyage, y a t-il en sus des bâtiments d'habitation,

 14   des magasins, des points de vente?

 15   Réponse: C'est une cité d'habitations typique avec des maisons privées qui

 16   disposaient peut-être d'un ou deux magasins.

 17   Question: Et sauriez-vous vous rappeler si à ce nettoyage avait également

 18   pris part les gens, le personnel de ces magasins, de ces commerces quand

 19   vous y étiez?

 20   Réponse: Je n'arrive pas à m'en souvenir pour ce qui est du jour même ou

 21   j'avais pris part moi-même, mais j'avais vu Mitar convier les gens au

 22   centre-ville pour nettoyer et que des femmes travaillant dans certains

 23   magasins, certains commerces, étaient sorties et avaient pris part à ce

 24   nettoyage.

 25   Question: S'agissant des autres reprises où vous avez vu nettoyer le


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  1   centre-ville, c'était des fois où vous n'aviez pas pris part

  2   personnellement au nettoyage, n'est-ce pas?

  3   Réponse: Non.

  4   Question: Avez-vous ouï dire, avez-vous appris que quelqu'un avait désigné

  5   Mitar Vasiljevic pour faire ce type de travail?

  6   Réponse: Je ne sais pas, je ne suis pas du tout au courant.

  7   Question: Alors, s'agissant de ce qui se passait, de la façon dont les

  8   autres étaient affectés à des obligations de travail et autre chose, est-

  9   ce que cela, à votre avis, pouvait être une obligation de travail

 10   s'agissant de certaines personnes?

 11   Réponse: Cela se peut, je ne sais pas. Je ne suis pas au courant.

 12   Question: Pourriez-vous nous expliquer, nous dire si vous êtes au courant

 13   de ce que sous-entend la notion d'obligation de travail? Qu'est-ce que

 14   cela sous-entendait?

 15   Réponse: Eh bien, s'agissant de l'obligation de travail, toutes les

 16   personnes, hommes et femmes, étaient censées répondre à l'appel. Je sais

 17   qu'au début, c'était le département de la défense qui avait délivré des

 18   ordres ou des documents disant que telle ou telle personne avait

 19   obligation de travail à tel endroit.

 20   Question: Pour ce qui est de cette obligation de travail, est-ce que cela

 21   s'appliquait aux personnes qui n'étaient pas mobilisées?

 22   Réponse: Oui, cela s'appliquait aux personnes qui n'étaient pas mobilisées

 23   sur le plan militaire; aussi cette obligation-là s'appelait-elle

 24   "obligation de travail".

 25   Question: Madame Neskovic, je voudrais que vous essayiez de vous rappeler,


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  1   pour ce qui est de ces quelques reprises où vous nous avez dit avoir vu M.

  2   Mitar Vasiljevic et l'occasion où vous avez vous-même pris part à cette

  3   activité-là, quel type de vêtements M. Mitar Vasiljevic portait ces fois-

  4   là? S'agissait-il d'un uniforme ou s'agissait-il de vêtements civils?

  5   Réponse: Je n'arrive pas à m'en souvenir avec précision, mais il me semble

  6   qu'il portait des vêtements civils.

  7   Question: Et pourriez-vous vous souvenir de quelques détails s'agissant de

  8   ces vêtements civils, de quelque chose de caractéristique que vous auriez

  9   gardé en mémoire?

 10   Réponse: Il me semble qu'il portait une sorte de bandeau, de brassard

 11   autour du bras. C'est du moins ce qu'il me semble.

 12   Question: Mais pour ce qui est des vêtements mêmes, pouvez-vous vous

 13   rappeler quoi que ce soit?

 14   Réponse: Je ne peux pas.

 15   Question: Madame Neskovic, pour ce qui est de ce bandeau ou brassard, vous

 16   souviendriez-vous de la couleur de celui-ci?

 17   Réponse: Je pense que c'était rouge, mais je n'en suis pas certaine.

 18   Question: Avez-vous, en outre, remarqué s'il y avait un insigne quelconque

 19   sur ce brassard, si vous vous en souvenez?

 20   Réponse: Non, je ne m'en souviens pas.

 21   Question: Et savez-vous combien de temps cela a-t-il duré, ces intervalles

 22   où vous aviez pu voir M Vasiljevic?

 23   Réponse: C'était peut-être une dizaine de jours avant que je n'ai ouï dire

 24   qu'il était tombé et qu'il s'était cassé la jambe.

 25   Question: Quand vous dites "une dizaine de jours avant que d'avoir ouï


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  1   dire que", qu'entendez-vous au juste? Avant sa chute, le début de l'action

  2   de nettoyage, ou quoi?

  3   Réponse: J'étais en train de parler de cette tâche de nettoyage, oui.

  4   Question: Et vous avez personnellement appris qu'il était tombé et qu'il

  5   s'était cassé la jambe?

  6   Réponse: J'ai appris cela par d'autres personnes.

  7   Question: Mais pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris au juste?

  8   Réponse: J'ai appris que Mitar était tombé, qu'il s'était blessé à la

  9   jambe et qu'il était parti à l'hôpital d'Uzice.

 10   Question: Et avez-vous ouï dire où il était tombé, où cet événement a eu

 11   lieu?

 12   Réponse: On m'avait dit qu'il était tombé sur la place.

 13   Question: Quand vous dites "la place", "le square", vous savez

 14   probablement ce que vous sous-entendez dans la ville de Visegrad. Mais je

 15   voudrais que vous nous expliquiez, à nous autres, à quoi se rapporte cette

 16   notion de place.

 17   Réponse: Eh bien, c'est l'esplanade qui se trouve à côté du vieux pont,

 18   c'est dans cette partie-là de la ville.

 19   Question: Et cette place comporte quel autre bâtiment, ou immeuble, qui

 20   serait notoirement connu?

 21   Réponse: Eh bien, il y a le bâtiment, enfin l'immeuble de l'hôtel de

 22   Visegrad, puis il y a un parc où se trouve le monument à Ivo Andric. Il y

 23   a des... comme boutiques artisanales, puis il y a un grand magasin, la

 24   "Visegradoise"; puis il y a un immeuble où il y a un restaurant qui

 25   s'appelle Grill et un magasin de ce qui avait été la société Alhos, puis


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  1   le siège de l'entreprise Panos. Voilà, c'est ce qui constitue cette place

  2   ou ce square.

  3   Question: Et cette place-là est-elle une sorte de centre-ville, pour que

  4   nous puissions nous orienter, notamment s'agissant des distances dont vous

  5   avez parlé tout à l'heure? Ou est-ce que le centre-ville est quelque chose

  6   de plus vaste?

  7   Réponse: Quand je dis "centre-ville", j'entends le bâtiment de l'assemblée

  8   municipale parce que cela se trouve au centre même de cette cité de

  9   Visegrad. Mais la place dont j'étais en train de parler se trouve à peut-

 10   être à peine 300 mètres de l'assemblée municipale.

 11   Question: Quelque chose encore à ce sujet. Vous nous avez dit que vous

 12   aviez ouï dire qu'il était tombé et qu'il s'était cassé la jambe.

 13   Maintenant, je voudrais savoir si vous avez appris comment cela s'était

 14   passé. Vous nous avez dit où cela était arrivé; je voudrais savoir

 15   maintenant comment.

 16   Réponse: Ecoutez, j'ai entendu dire qu'il avait fait une chute de cheval

 17   et qu'il s'était cassé la jambe. Mais comme je n'étais pas présente à ce

 18   moment-là, je ne peux pas vous le confirmer et l'affirmer comme étant une

 19   chose sûre.

 20   Question: Pouvez-vous vous souvenir, Madame Neskovic, qui vous avait dit

 21   cela? Comment avez-vous appris cela?

 22   Réponse: Eh bien, je ne saurais pas vous le dire parce que cela avait été

 23   un récit qui avait circulé parmi les gens de Visegrad, la population de

 24   Visegrad. Maintenant, je ne me souviens pas au juste qui me l'avait

 25   raconté.


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  1   Question: Est-ce que par la suite, et combien de temps après l'événement

  2   avez-vous revu Mitar Vasiljevic?

  3   Réponse: Il me semble avoir revu Mitar Vasiljevic une fois par la suite

  4   avec des béquilles, mais je ne me souviens pas du tout combien de temps il

  5   s'était passé depuis.

  6   M. Domazet (interprétation): Merci, Madame Neskovic. Je n'ai plus de

  7   questions à votre intention.

  8   M. le Président (interprétation): Monsieur Ossogo, à vous.

  9   (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Snezana Neskovic, par M. Ossogo.)

 10   M. Ossogo: Merci, Monsieur le Président.

 11   Madame Neskovic, je suis M. Ossogo, du Bureau du Procureur, et je vais

 12   vous poser juste quelques questions sur ce que vous venez de dire à la

 13   Chambre.

 14   Vous nous avez indiqué que vous êtes donc députée du parti SDS. Je

 15   voudrais juste vous demander si vous avez toujours été, pendant la période

 16   de la guerre, députée de ce parti-là.

 17   Mme Neskovic (interprétation): Lorsque l'assemblée municipale a commencé à

 18   fonctionner, j'ai en effet continué à exercer ma fonction de députée.

 19   Question: Avez-vous occupé une place particulière au sein des organes

 20   constitutifs ou de fonctionnement de votre parti ou de l'assemblée

 21   municipale?

 22   Réponse: Non, j'étais juste membre du Parti démocratique serbe.

 23   Question: Vous nous avez indiqué, s'agissant de la situation qui a prévalu

 24   pendant la période de la guerre qui nous intéresse ici, qu'il y a eu un

 25   appel pour que les Musulmans et les Serbes qui étaient partis de la ville


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  1   de Visegrad y retournent? Vous avez indiqué qu'il y a eu très peu de

  2   Musulmans qui sont retournés. Est-ce que vous pouvez nous donner, si vous

  3   le savez, les raisons pour lesquelles ces Musulmans ne sont pas revenus

  4   dans la ville de Visegrad?

  5   Réponse: Je ne sais vraiment pas pourquoi ils ne sont pas revenus, mais je

  6   crois que c'est là une affaire privée de tout individu, quant à savoir

  7   s'ils voulaient ou ne voulaient pas revenir. Mais je sais que l'armée

  8   avait convié tant les Serbes que les Musulmans à regagner la ville.

  9   Question: Vous seriez d'accord avec moi pour confirmer qu'il y avait des

 10   tensions entre notamment ces deux ethnies, Musulmans et Serbes, à l'époque

 11   qui nous concerne dans la ville, la municipalité de Visegrad?

 12   Réponse: Je ne sais pas, je ne le pense pas. Il se peut que les Musulmans

 13   ne soient pas revenus parce que la guerre avait commencé surtout le

 14   territoire de la Bosnie-Herzégovine, on avait commencé à se tirer les uns

 15   sur les autres, c'est-à-dire les Serbes sur les Musulmans et vice et

 16   versa, les Musulmans vers les Serbes, ce qui fait que c'est peut-être la

 17   raison.

 18   Mais il y avait déjà la guerre à Sarajevo, à Tuzla. On avait déjà ouvert

 19   le feu sur l'armée. Et c'est peut-être parce que cinq soldats du corps

 20   d'Uzice avaient péri vers Ustipraca. Ces soldats avaient été tués par des

 21   Musulmans dans une embuscade.

 22   Question: Oui, c'est la ville ou la cité de Visegrad qui nous intéresse

 23   particulièrement. Nous savons qu'il y a eu des tensions dans l'ensemble de

 24   la Bosnie-Herzégovine, mais c'est la municipalité dont vous étiez députée

 25   et demeurez députée qui nous intéresse. Dans la partie où vous viviez,


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  1   notamment, y avait-il des Musulmans?

  2   Réponse: Non. C'était une cité purement serbe.

  3   Question: Vous nous avez indiqué également que vous travailliez, que vous

  4   étiez conseiller dans l'entreprise "Varda"; est-ce que cela est exact?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Y avait-il eu des Musulmans dans cette entreprise, dans cette

  7   compagnie?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Est-ce qu'il est arrivé que ces Musulmans soient, à une époque

 10   ou à une autre, maltraités ou qu'ils aient eu peur pour leur vie ou pour

 11   leur sécurité physique ou morale?

 12   Réponse: Je ne m'en souviens pas. Ce n'est pas une chose dont j'ai

 13   connaissance.

 14   Question: Quel était votre rôle exactement? Pouvez-vous nous décrire les

 15   fonctions, le contenu de vos fonctions dans cette entreprise?

 16   Réponse: J'étais chargée des rapports juridiques, des relations juridiques

 17   et de l'immobilier, c'est-à-dire des biens immobiliers. J'étais chargée de

 18   tous les litiges avec le personnel ou d'autres personnes. J'étais

 19   représentant de l'entreprise Varda devant le tribunal et devant les autres

 20   autorités pour toute affaire qui aurait trait à ce qui est juridique et à

 21   ce qui concerne les biens de la société.

 22   Question: A quelle autorité, dans cette compagnie, vous reportiez-vous?

 23   Réponse: J'avais été chargée de ce domaine dans le service des cadres.

 24   J'avais un chef et, pour autant que je m'en souvienne, mon chef était

 25   subordonné au directeur du secteur, et le directeur du secteur était lui


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  1   subordonné au directeur général de l'entreprise.

  2   Question: Qui était le directeur général de l'entreprise?

  3   Réponse: Obradin Simsic.

  4   Question: Il était de quelle ethnie? Je n'ai pas suivi, Madame.

  5   Réponse: Serbe. Serbe.

  6   Question: Connaissiez-vous M.Pecikoza?

  7   Réponse: Oui. Il était également député, conseiller dans la municipalité

  8   de Visegrad, dans l'assemblée de la municipalité de Visegrad.

  9   Question: A t-il occupé, à un moment donné, quelque fonction dans

 10   l'entreprise dans laquelle vous travaillez?

 11   Réponse: Non, il était entrepreneur privé. Il avait sa société, son

 12   entreprise, donc qui s'occupait de la transformation du bois et de la

 13   distribution d'objets en bois.

 14   Question: De quelle ethnie était-il?

 15   Réponse: Serbe.

 16   Question: Savez-vous s'il est mort?

 17   Réponse: Je pense qu'il a été tué.

 18   Question: Savez-vous, pouvez-vous nous indiquer par qui il aurait été tué?

 19   Réponse: Non, je ne le sais pas. Je n'ai absolument aucune idée à propos

 20   de cela.

 21   Question: Pouvez-vous nous indiquer éventuellement quels étaient ses

 22   rapports, en tant qu'entrepreneur proéminent pour les Serbes, avec les

 23   Musulmans?

 24   Réponse: Je ne saurais pas situer ses rapports. Je ne le connaissais pas

 25   d'aussi près, mais il habitait dans une partie où il y avait un grand


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  1   nombre de Musulmans qui y résidaient également.

  2   Question: Connaissiez-vous Milan Lukic?

  3   Réponse: Non.

  4   Question: Vous n'avez jamais entendu parler de lui en tant que député?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Avez-vous entendu parler des "Aigles blancs"?

  7   Réponse: Non.

  8   Question: Vous n'avez jamais discuté des problèmes de sécurité relatifs

  9   aux paramilitaires dans la cité ou la ville de Visegrad?

 10   Réponse: Ce sont des choses que je ne connais pas. Je suis une femme, je

 11   n'étais pas encore mariée. Pour moi, toutes les armées sont les mêmes. Je

 12   rentrais chez moi, ma mère était malade, mon frère, et mon père étaient

 13   mobilisés. Donc je devais m'occuper de l'existence de la famille. Parce

 14   que tout soudainement on est devenu un peu pauvre.

 15   Question: Etant députée, Madame, dans la ville représentant un parti,

 16   pouvez-vous nous confirmer que vous avez épousé les opinions et

 17   l'idéologie de ce parti, la défense des intérêts de ce parti?

 18   Réponse: Je ne comprends pas votre question. A quoi pensez-vous?

 19   Question: Vous êtes députée du parti SDS, cela veut dire que vous avez

 20   épousé les intérêts de ce parti, ou son idéologie, la défense des intérêts

 21   serbes? Est-ce bien cela?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: En tant que membre de l'assemblée municipale de Visegrad, vous

 24   êtes censée vous intéresser à la sécurité, surtout à ce moment-là, de la

 25   ville ou de la municipalité tout entière.


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  1   Réponse: Les événements, les conflits de guerre éclataient. L'assemblée

  2   municipale a interrompu ses travaux, a suspendu ses travaux. Et puis,

  3   l'assemblée de la municipalité n'a pas fonctionné pendant un assez long

  4   temps, mais je ne sais pas quand elle a repris ses travaux.

  5   Question: Avant qu'elle ne cesse de fonctionner, vous aviez déjà, vous

  6   aviez une certaine formation politique?

  7   Réponse: Je n'étais que députée conseiller, si c'est cela que vous visez.

  8   Et puis il y a eu une cinquantaine, 50 députés pour être plus précise,

  9   dans cette assemblée. Et l'assemblée avait son programme de travail qui

 10   est établi pour chaque année, année civile je veux dire.

 11   Question: Vous pouvez donc, Madame, nous confirmer ou infirmer que tout

 12   était pour le moins paisible entre Musulmans et Serbes? Il n'y avait aucun

 13   (inaudible) dans la ville, dans la municipalité de Visegrad?

 14   Réponse: Je ne me souviens pas de cela.

 15   Question: Nous avons reçu quelques témoignages ici, devant cette Chambre

 16   il y a plusieurs semaines, desquels il résulte qu'il y a plusieurs

 17   personnes qui sont portées disparues ou manquantes dans la municipalité de

 18   Visegrad. Et de ce rapport qui a été établi par une commission de l'Etat

 19   dont vous êtes députée, une des députés, il ressort qu'environ 825, 875

 20   personnes sont portées disparues. Cette commission, c'est la commission

 21   d'Etat chargée, n'est-ce pas, de la recherche des personnes disparues ou

 22   déplacées.

 23   Etes-vous au courant de l'existence d'une telle commission dans l'Etat de

 24   Bosnie-Herzégovine?

 25   Réponse: Vous pensez, à présent, vous pensez à ces commissions de


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  1   recherche de ces personnes qui étaient portées disparues ou manquantes à

  2   présent?

  3   Question: Tout à fait, Madame.

  4   Réponse: Oui. Il y a une commission qui est chargée de ces personnes

  5   portées disparues ou manquantes, tant en ce qui concerne les Serbes que

  6   les Musulmans. Enfin, c'est chose notoire.

  7   M. Ossogo: Et selon vous, ces personnes qui sont manquantes ou disparues

  8   seraient mortes de mort naturelle ou de mort violente, des suites de

  9   violence?

 10   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas dans quel sens vous

 11   allez. Peut-être que la personne en question n'a aucune idée, ayant été

 12   conseiller députée, n'ayant pas été législateur, son assemblée a cessé ses

 13   activités pendant la guerre. Essayez de vous en tenir à ce que ce témoin

 14   peut nous dire, sauf si vous n'êtes pas en mesure de faire le constat de

 15   certaines choses par une autre manière, ou parce que cela a été établi en

 16   réalité.

 17   M. Ossogo: Merci, Monsieur le Président.

 18   C'était pour revenir, n'est-ce pas, sur ce que nous pouvons qualifier

 19   comme des contradictions par rapport à ce qu'elle avait déjà affirmé

 20   relativement aux conflits et aux tensions qui ont existé à la période de

 21   1992 qui nous intéresse ici notamment, après l'arrivée du Corps d'Uzice.

 22   M. le Président (interprétation): Alors, dans ce cas-là, vous devriez lui

 23   poser la question de savoir quels étaient ces organismes, quelles étaient

 24   ces commissions qui avaient été établies après l'arrivée du Corps d'Uzice.

 25   Je pense que la manière dont vous suivez votre piste ne pourrait pas


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  1   finalement nous assister beaucoup dans nos propres réflexions.

  2   M. Ossogo: Madame, vous avez entendu les réflexions du Président. Je

  3   parlais tout à l'heure de cette commission qui avait pour charge de faire

  4   des recherches sur les personnes disparues dans le cadre de la guerre dont

  5   nous avons parlé tout à l'heure. Et je voudrais vous poser la question de

  6   savoir, puisque vous avez reconnu l'existence de cette commission, si vous

  7   avez connaissance de la période à laquelle elle a été établie.

  8   Mme Neskovic (interprétation): Non. Cela, c'est un fait que je ne connais

  9   pas. Je savais qu'il y avait une commission, mais je l'ai appris à travers

 10   les médias.

 11   Question: Avez-vous connaissance d'autres organes qui ont été établis

 12   juste après la guerre pour pouvoir procéder à ces recherches de ces

 13   personnes disparues ou tuées, dont les constatations ont été faites?

 14   Réponse: Non. Je ne connais pas ces problèmes-là, cette problématique,

 15   généralement parlant.

 16   Question: Pendant la période de l'arrivée du Corps d'Uzice et après son

 17   départ, avez-vous noté des déplacements massifs, par camions ou autres, de

 18   Musulmans vers d'autres zones, ou des exactions contre eux?

 19   Réponse: Comment? A quel genre de transfert pensez-vous? Est-ce que vous

 20   pourriez peut-être vous expliquer, m'expliquer ce concept, cette notion de

 21   transfert? A quoi pensez-vous?

 22   Question: Des Musulmans dans des camions en train d'être transportés pour

 23   d'autres destinations, éventuellement, à partir d'un point de la cité ou

 24   de la ville de Visegrad vers d'autres points?

 25   Réponse: Non, je ne connais pas ce domaine-là, cette matière-là.


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  1   Question: Vous avez parlé dans votre témoignage de la destruction de

  2   monument culturel. Vous en avez désigné un, notamment. Avez-vous

  3   connaissance de la destruction de monuments de religion musulmane ou de

  4   monuments culturels ayant appartenu à des Musulmans dans la municipalité

  5   de Visegrad?

  6   Réponse: Non. Je ne le sais pas. Il y a eu des monuments qui ont été

  7   détruits pendant la guerre. Je n'étais pas témoin oculaire. Je ne suis pas

  8   au courant de cela.

  9   Question: Lorsque vous affirmez que des monuments ont été détruits dont

 10   vous avez eu connaissance, avez-vous quelques précisions sur le type de

 11   monument? S'agit-il de monuments religieux, culturels ou autres? De

 12   mosquées, par exemple?

 13   Réponse: Oui, il pouvait s'agir de mosquées, mais c'était la guerre et au

 14   cours de toute opération de guerre, il y a eu également des monuments

 15   religieux qui auraient pu être détruits. Enfin, je n'étais pas sur place

 16   et je ne suis pas au courant de cela.

 17   Question: Vous  semblez bien connaître la place que vous avez décrite tout

 18   à l'heure, où serait tombé M. Mitar Vasiljevic; nous y reviendrons tout à

 19   l'heure. Aux environs de cette place, y avait-il des monuments de religion

 20   musulmane, notamment des mosquées?

 21   Réponse: Oui, il y avait une mosquée dans le centre-ville, un peu

 22   éloignée, à distance de cette place dite "Grande Place".

 23   Question: Ce monument a t-il été détruit?

 24   Réponse: Ce monument n'existe plus.

 25   Question: A t-il été détruit?


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  1   Réponse: Oui, il a été détruit.

  2   Question: Pouvez-vous nous indiquer par qui?

  3   Réponse: Non. Comment pourrais-je le savoir? Enfin, je suis une femme. Mon

  4   travail terminé, je rentrais chez moi. Je n'ai aucune idée. Je ne suis pas

  5   au courant de cela.

  6   M. Ossogo: Pensez-vous qu'il a été détruit par des personnes d'origine

  7   serbe?

  8   Mme Neskovic (interprétation): Non, je ne le sais pas. Je ne pourrais

  9   porter aucun jugement à ce propos et je n'ai pas été informée de cela.

 10   M. le Président (interprétation): Je me demande si vous voulez gagner du

 11   temps. Evidemment, si on termine avec ce témoin, on n'aura pas d'autres

 12   témoins, mais si vous avez des questions à poser, essayez de les poser au

 13   cours des dix dernières minutes, vous n'avez pas encore abordé ce secteur

 14   depuis lequel ce témoin peut vraiment nous aider dans notre travail. Si

 15   vous n'avez pas de questions dans ce genre-là, eh bien, n'en posez plus.

 16   M. Ossogo: Oui, Monsieur le Président. Nous avons cru comprendre que ce

 17   témoin était appelé pour témoigner sur les faits de persécution, et donc

 18   nous sommes sur les différents éléments de ces persécutions et

 19   destructions de monuments et bien d'autres points, mais nous allons

 20   pouvoir passer outre un certain nombre de points.

 21   Madame Neskovic, avez vous vu...

 22   M. le Président (interprétation): Ce témoin figure parmi ceux qui tombent

 23   sous cette catégorie de persécutions, mais il y a des questions qui

 24   pourraient être pertinentes pour l'historique et le background historique.

 25   Mais la personne n'était pas sur place, n'était pas témoin oculaire. Elle


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  1   vous répétait qu'elle ne savait pas certaines choses, qu'elle devait

  2   s'occuper de sa mère qui était malade et de toutes les autres réponses

  3   qu'elle vous a fournies. Essayons de faire un petit progrès et parlons

  4   d'autre chose, si possible, de celles au sujet desquelles elle peut vous

  5   indiquer quelque chose.

  6   M. Ossogo: Merci, Monsieur le Président.

  7   Nous allons donc passer à l'un des points qui n'est pas tout à fait

  8   relatif à l'ensemble de ce sur quoi elle est venue témoigner.

  9   Nous allons, Madame Neskovic, vous poser quelques questions relatives à

 10   votre connaissance de M. Mitar. Vous nous avez indiqué que la maison de

 11   vos parents, dans laquelle vous avez habité pendant un temps, était à un

 12   kilomètre de celle de M. Mitar, c'est bien cela?

 13   Mme Neskovic (interprétation): Oui.

 14   Question: Et que vous ne vous êtes jamais rendu visite?

 15   Réponse: Oui, c'est exact.

 16   Question: Connaissiez-vous sa famille?

 17   Réponse: Je les connaissais de vue. Quand on se rencontrait, on se

 18   saluait, comme cela est une coutume dans nos milieux, parmi nos gens.

 19   Question: Quels membres de sa famille connaissiez-vous?

 20   Réponse: Je les connaissais les deux, lui-même et son épouse.

 21   Question: Vous nous avez indiqué dans un premier temps que vous l'avez vu

 22   quand il a fait appel à la population pour le nettoyage des rues.

 23   S'agissait-il de la population sans distinction de sexe ou de la

 24   population féminine, en particulier?

 25   Réponse: Il s'agissait des femmes. C'étaient les femmes pour l'essentiel


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  1   qui sortaient, nettoyaient les rues. C'était avec sourire, avec gaieté.

  2   C'était quelque chose qui leur semble être une campagne sympathique.

  3   Voilà, c'est à peu près l'expression que j'ai choisie pour vous indiquer

  4   ce climat, cette atmosphère.

  5   Question: Comment faisait-il appel à ces femmes? Etait-ce par voix?

  6   Utilisait-il un instrument particulier?

  7   Réponse: Oui. Il parlait, il criait, invitait, convoquait les femmes à

  8   sortir de leur foyer, à emporter leur balai, enfin à descendre dans la rue

  9   pour les nettoyer.

 10   Question: Utilisait-il un mégaphone?

 11   Réponse: Non, je ne le sais pas. C'est un point dont je ne pourrais pas me

 12   souvenir, me remémorer.

 13   Question: Madame, si vous le savez, combien de temps à peu près l'avez-

 14   vous vu procéder de cette manière, c'est-à-dire appeler des femmes pour

 15   venir nettoyer les rues?

 16   Réponse: Vous pensez concrètement au nettoyage de toute la ville, ou au

 17   nettoyage de rues particulières?

 18   Question: Au nettoyage de rues et de la ville en général. Combien de fois

 19   avez-vous pu le voir, si vous vous en souvenez, approximativement?

 20   Réponse: Je ne saurais être précise. Parfois, un jour, je me souviens

 21   qu'il est passé par notre rue, puis il nous a convoqué à sortir et à

 22   participer à cette campagne de nettoyage des rues, de la rue, mais je ne

 23   pourrais pas vous dire avec précision combien de temps cela a duré.

 24   Question: Est-ce que cela s'est étalé sur des semaines ou des mois?

 25   Réponse: Je pense que cela a pu durer deux ou trois semaines. C'était une


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  1   période tout de même assez longue, mais je ne peux pas me souvenir combien

  2   cela a duré exactement.

  3   Question: Pouvez-vous vous souvenir du mois?

  4   Réponse: Oui. Il faisait assez chaud, mais je ne peux pas me souvenir du

  5   mois.

  6   Question: Pendant cette période, est-ce que vous vous souvenez de ce qu'il

  7   y avait une ou plusieurs fêtes, religieuses ou non, serbes, pour nous

  8   donner un élément indicatif éventuellement?

  9   Réponse: Non. Là non plus, je ne pourrais pas vous relater mes souvenirs.

 10   Question: Maintenant, sur l'information qui vous a été donnée, sur la

 11   chute de M. Vasiljevic, vous nous avez dit que vous ne pouviez pas

 12   indiquer là où les personnes qui vous ont dit exactement ce qui s'est

 13   passé, vous ne pouviez pas les nommer?

 14   Réponse: Oui, c'est exact. Mitar était très sympathique, la population

 15   féminine de la ville l'aimait. Et puis, lorsqu'il les appelait, il les

 16   conviait à prendre part à cette campagne de nettoyage des rues, eh bien,

 17   les femmes s'en souvenaient, se racontaient des histoires autour d'une

 18   tasse de café.

 19   Question: Vous ne savez même pas si ce sont des collègues députés ou

 20   d'autres personnes qui vous ont donné ces informations?

 21   Réponse: Là, je ne pourrais pas me souvenir de ce détail.

 22   Question: Vous avez également indiqué que vous l'avez vu lorsqu'il était,

 23   il avait du plâtre encastré sur le pied. Avez-vous discuté avec son épouse

 24   ou lui-même de son état de santé, après cela?

 25   Réponse: On n'était pas aussi intimes. Comme je vous le disais, on se


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  1   saluait en se rencontrant, en se voyant dans la rue. On se disait bonjour

  2   et c'est tout.

  3   Question: Vous n'avez jamais échangé sur ce point-là, non?

  4   Réponse: Non. Comme on dirait chez nous, un bonjour pour un bonjour. On se

  5   rencontrait, on se voyait, on se connaissait, mais tout simplement parce

  6   qu'on habitait dans la même rue. Et puis, d'autres points communs, on ne

  7   les avait pas, tout simplement.

  8   M. Ossogo: Merci, Madame, pour vos réponses.

  9   Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser.

 10   M. le Président (interprétation): Merci.

 11   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Madame Snezana

 12   Neskovic, par Me Domazet)

 13   M. Domazet (interprétation): Je n'ai plus que quelques questions en

 14   rapport avec les questions que M. Ossogo vous a posées. Lorsqu'il vous a

 15   interrogée sur ceux qui répondaient à cet appel, à ces convocations de

 16   Mitar Vasiljevic -et vous avez dit qu'il s'agissait de femmes-,

 17   s'agissait-il –donc, c'est ma question-, de Serbes ou uniquement des

 18   Serbes ou des femmes musulmanes?

 19   Mme Neskovic (interprétation): Moi, j'habitais dans un district tout à

 20   fait serbe. Dans la partie de la ville où j'habitais, il n'y avait pas de

 21   Musulmans.

 22   Question: Ces femmes qui sortaient, répondaient à ces appels, étaient

 23   essentiellement, majoritairement des Serbes ou toutes des Serbes?

 24   Réponse: Oui, c'étaient des Serbes et uniquement des Serbes parce que ce

 25   quartier où j'habitais était un quartier serbe. Mais je pense que des


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  1   femmes d'autres nationalité, d'autre origine ethnique répondaient à ces

  2   appels, donc lorsqu'il s'agissait d'autres quartiers et d'autres rues.

  3   Question: Ces appels qu'il lançait, est-ce que vous les subissiez comme

  4   une sorte de contrainte, d'un appel, d'une convocation à un service

  5   obligatoire, obligation de travail?

  6   Réponse: Pas du tout. Les femmes étaient même très contentes et

  7   répondaient, réagissaient, plaisantaient à ce propos.

  8   M. Domazet (interprétation): Merci, Madame. Je n'ai plus de question en ce

  9   qui vous concerne.

 10   M. le Président (interprétation): Merci d'être venue déposer devant ce

 11   Tribunal et merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Vous pouvez

 12   disposer maintenant, Madame.

 13   Mme Neskovic (interprétation): Oui, merci à vous aussi.

 14   (Le témoin, Mme Snezana Neskovic, est reconduit hors du prétoire.)

 15   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, avant de lever la

 16   séance en fin de semaine, je me dois de vous poser une fois de plus la

 17   question de savoir ce qu'il advient de votre psychiatre, ou plutôt de son

 18   rapport.

 19   M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, ce rapport complet, en

 20   langue anglaise aussi, je l'aurai dans la journée de demain, dans l'après-

 21   midi de demain. Et c'est un collègue arrivant de Belgrade demain qui me

 22   l'apportera. Il m'a informé du fait que cela était terminé et que cela me

 23   serait remis.

 24   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas quel est le type de

 25   communication que vous avez avec le Bureau du Procureur, mais je suis


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  1   certain qu'il leur serait utile si vous pouviez leur faire parvenir un

  2   exemplaire dès que vous l'aurez obtenu. Nous entrons actuellement dans une

  3   phase où le temps devient un facteur des plus importants et des plus

  4   désespérés.

  5   Je dois dire que, quelles que soient les annonces faites par le Tribunal,

  6   on cessera les autres procès lorsque viendra l'affaire Milosevic, pour des

  7   raisons de sécurité. Donc nous devrions faire le nécessaire pour finir

  8   avant que cela n'arrive afin d'éviter toute perturbation.

  9   Nous allons reprendre lundi matin à 9 heures 30.

 10   (L'audience est levée à 15 h 33.)

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