Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 20 janvier 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. L'affaire

  6   IT-08-91-T. Procureur contre Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci à la greffière d'audience.

  8   Bonjour à tous. Je demande aux parties de se présenter.

  9   M. OLMSTED : [interprétation] Matthew Olmsted et Tom Hannis pour le

 10   Procureur avec Crispian Smith.

 11   M. ZECEVIC : [interprétation] Pour Stanisic, Slobodan Zecevic et Eugene

 12   O'Sullivan. Merci.

 13   M. PANTELIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour

 14   Zupljanin, Igor Pantelic, Dragan Krgovic, et Jason Antley, notre commis à

 15   l'affaire. Toutes mes excuses, j'avais quelques problèmes ici avec

 16   l'ordinateur. Mais tout marche bien maintenant.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous rappelle que

 19   vous êtes toujours tenu par votre déclaration solennelle. Allez-y, Maître

 20   Zecevic.

 21   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   LE TÉMOIN : MUHAREM KRZIC [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   Contre-interrogatoire par M. Zecevic : [Suite]

 25   Q.  [interprétation] Pour gagner du temps, je vous ai déjà fait remettre

 26   votre déclaration et la déclaration supplémentaire que vous aviez déjà hier

 27   ici. Alors hier lors de votre déposition, vous avez fait référence aux

 28   cellules de Crise à plusieurs reprises. Vous souvenez-vous de ceci ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  La cellule de Crise de la municipalité Banja Luka a été créée en 1991,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Je pense qu'il s'agissait du Conseil de la Défense populaire, qui a

  5   ensuite été transformé en cellule de Crise.

  6   Q.  Cet organe que vous appelez Conseil de la Défense populaire comprenait

  7   les représentants du HDZ, du SDA, du SDP, du SDS, donc des représentants de

  8   tous les partis politiques à l'époque ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Votre représentant à l'époque au sein de cet organe était M. Emir

 11   Dzanic, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ce Conseil de la Défense populaire a été créé conformément à la loi en

 14   vigueur portant sur la Défense territoriale et la Défense populaire

 15   généralisée, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je vous prie, Monsieur, d'être gentil et d'attendre un peu avant de

 18   répondre à mes questions parce que ce que nous disons doit être interprété.

 19   Ce conseil chargé de la Défense populaire est, si l'on examine ses

 20   caractéristiques, identique aux cellules de Crise, et il fonctionnait dans

 21   sa composition initiale jusqu'à fin 1991 début 1992.

 22   R.  Oui, c'est vrai, mais je n'accepte pas ce que vous venez de dire

 23   concernant ses attributions, à savoir qu'elles étaient les mêmes que celles

 24   des cellules de Crise.

 25   Q.  Vous avez dit tout à l'heure que le Conseil de la Défense populaire a

 26   été transformé en cellule de Crise à un moment donné, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous, les représentants du SDA, du Parti de l'Action démocratique, vous

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  1   vous êtes retirés de ce conseil fin 1991 début 1992 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ensuite le SDA a créé sa propre cellule de Crise début 1992, en mars ?

  4   R.  Mais oui --

  5   Q.  Je vous demande de répondre à la question suivante : le SDA a-t-il

  6   formé sa propre cellule de Crise en mars 1992; oui ou non ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Cette cellule de Crise avait Jakirlic Asim à sa tête, c'était lui le

  9   commandant de cette cellule ?

 10   R.  Nous l'appelions président de la cellule de Crise. Pour nous, il était

 11   président de la cellule.

 12   Q.  Le président donc. Bien. Et à peu près à la même époque, donc mars

 13   1992, le SDA a cessé de participer aux travaux de la municipalité de Banja

 14   Luka, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, à peu près.

 16   Q.  Mais ce fait que vous avez cessé de participer au fonctionnement de son

 17   travail n'a pas été appliqué absolument. Emir Busatlic, par exemple, membre

 18   de votre parti, a continué à participer aux travaux de l'assemblée

 19   municipale, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  De la même manière, Gumic et Kuzmic sont restés à la municipalité,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et M. Gunic, alors qu'il était Musulman de Bosnie, était le chef du

 25   cabinet au secrétaire du président de la municipalité Radic ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Alors quelle était sa fonction au sein de la municipalité ?

 28   R.  Il était vice-président de l'assemblée municipale.

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  1   Q.  Donc le vice-président de l'assemblée municipale, la main droite du

  2   président, son collaborateur le plus proche, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Il a continué à exercer ses fonctions à partir de mars 1992 malgré le

  5   fait que le SDA a quitté l'assemblée municipale de Banja Luka, n'est-ce pas

  6   ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et vous leur avez donné l'ordre à eux, ainsi qu'à tous les membres du

  9   SDA, de ne plus participer aux travaux de l'assemblée municipale de Banja

 10   Luka, mais ils n'ont pas obéi à cet ordre, n'est-ce pas ?

 11   R.  Ce n'est pas moi qui ai donné cet ordre, mais le comité exécutif du

 12   parti. J'ai l'ai signé, mais la décision elle-même a été prise par le

 13   comité exécutif.

 14   Q.  Quand vous dites "comité exécutif," vous pensez à celui de Sarajevo,

 15   comité central ?

 16   R.  Non, non, je pense à celui de la section de Banja Luka.

 17   Q.  Et vous, en tant que président du comité exécutif du parti, vous avez

 18   donc signé ce document ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Avec M. Gunic qui était le vice-président de la municipalité de Banja

 21   Luka, vous avez eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, en

 22   1992, lors des réunions officielles entre les partis politiques ou des

 23   réunions tenues avec M. Radic, au sein de la municipalité, n'est-ce pas ?

 24   R.  De toute manière, il n'y a pas eu de réunions au sein de notre parti où

 25   on a pu se rencontrer. Je ne me souviens plus d'avoir vu ce monsieur lors

 26   de nos réunions avec M. Radic. Je ne crois pas qu'il y a participé. Je

 27   parle, ici, de trois réunions. J'ai un papier avec des dates qui pourront

 28   m'être utiles. Je l'ai ici. Si vous me le permettez, je peux consulter ce

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  1   document, comme ça, je pourrai vous donner les dates exactes. 

  2   M. ZECEVIC : [interprétation]

  3   Q.  S'il vous plaît.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Les réunions avec M. Radic se sont tenues le

  7   24 juin 1991, le 8 décembre 1992, et le 1er mars 1993. C'était pendant que

  8   j'étais encore à Banja Luka et que j'occupais cette fonction. Je crois que

  9   M. Gunic a peut-être participé à la première réunion, mais je suis sûr

 10   qu'il n'a pas participé à deux autres réunions. Néanmoins, dans mes

 11   rapports, vous allez trouver l'information exacte, parce que je rédigeais

 12   les rapports le jour même des réunions en notant les noms des personnes

 13   présentes.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation]

 15   Q.  Merci. Savez-vous jusqu'à quelle date M. Gunic occupait-il le poste du

 16   vice-président de la municipalité de Banja Luka ?

 17   R.  Jusqu'au moment où il a décidé de quitter la ville de Banja Luka lui-

 18   même. Mais je dois vous dire qu'à l'époque, je ne pouvais pas m'occuper de

 19   ceci. Ce n'était pas une de mes préoccupations.

 20   Q.  Il était membre du SDA, il est évident qu'il était un membre éminent de

 21   ce parti, du moment où il a été nommé ou proposé pour le poste du vice-

 22   président de la municipalité, parce que c'est le poste le plus élevé de la

 23   hiérarchie municipale, n'est-ce pas, et donc après son départ, en occupant

 24   ce poste, il est resté membre du SDA, tout le temps, n'est-ce pas ?

 25   R.  Ecoutez, tout d'abord, il a été nommé à ce poste au moment où il y a eu

 26   une sorte de vide entre l'élection du président du SDA, qui devait être

 27   choisi par un vote anonyme et le moment où le président nous a quittés. Et

 28   entre-temps, nous disposions d'un organe transitoire qui gérait le parti.

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  1   Malheureusement, c'est pendant cette période-là que des événements d'une

  2   importance cruciale se sont passés. Je ne comprends vraiment pas comment ce

  3   M. Gunic a réussi à s'incruster à ce poste. Je ne comprends pas, parce que

  4   nous avions beaucoup de personnes très bien éduquées qui auraient pu

  5   occuper ce poste.

  6   Deuxièmement, nous ne voulions pas l'expulser du parti. Le seul cas où on

  7   l'a fait, c'était le cas de M. Busatlic, quand les signatures ont été

  8   réunies et qu'il a, suite à ceci, été exclu de la municipalité de Banja

  9   Luka.

 10   Q.  Bien. Nous n'avons pas beaucoup de temps, et je vous serais

 11   reconnaissant d'essayer de répondre directement à mes questions, avec un

 12   oui ou non. Alors, M. Gunic, quelles que soient les circonstances de son

 13   élection, a été élu vice-président de la municipalité de Banja Luka, oui ou

 14   non ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  M. Gunic, malgré la décision du SDA qu'il ne fallait participer aux

 17   travaux de la municipalité, donc contrairement à cette décision du parti, a

 18   continué à exercer les fonctions du vice-président de la municipalité de

 19   Banja Luka durant 1992, et plus tard, et tout en restant membre du SDA,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous conviendrez, n'est-ce pas, qu'on peut affirmer, sur la base de ce

 23   qu'on vient de dire, que le SDA a participé de manière légitime aux travaux

 24   de la municipalité de Banja Luka ?

 25   R.  Non, je n'en conviens pas, parce que pour des raisons que je vous ai

 26   déjà expliquées, parce qu'il y avait ces décisions et qu'il ne les a pas

 27   respectées.

 28   Q.  Monsieur, vous êtes membre du SDA, depuis la création de ce parti,

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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Il y avait un comité régional du SDA pour la Krajina, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Connaissiez-vous les membres du comité régional du SDA de la Krajina ?

  6   R.  Oui, je crois que je connaissais la plupart d'entre eux.

  7   Q.  Etiez-vous membre de ce comité régional ?

  8   R.  D'office, oui.

  9   Q.  Bien. Connaissiez-vous M. Cerkic, le vice-président du SDA de Kotor

 10   Varos ?

 11   R.  Oui, de vue.

 12   Q.  Et lui-même était membre du comité régional, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, je crois qu'il l'était.

 14   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, au sein de la coalition des partis

 15   nationaux, donc HDZ, SDA et SDS, quand vous avez gagné lors des élections

 16   en 1991 en Bosnie-Herzégovine, n'est-il pas vrai que vous avez passé un

 17   accord interpartis portant sur le partage des sièges et des postes de

 18   responsabilité ?

 19   R.  Oui, mais partage proportionnel aux résultats électoraux.

 20   Q.  Je ne vous ai pas demandé quelle était la disposition de cet accord.

 21   Tout ce que je vous demande, c'est de nous dire s'il y avait un accord de

 22   partage du pouvoir ?

 23   R.  Je ne l'ai jamais vu, mais on peut dire qu'il a bel et bien existé, cet

 24   accord. De toute manière, nous nous appuyions, dans nos agissements, sur

 25   cet accord entre les partis politiques.

 26   Q.  N'est-il pas vrai que les trois partis nationaux en Bosnie-Herzégovine,

 27   que ces partis avaient pour objectif principal de faire partir le parti

 28   communiste et les membres de la Ligue communiste de toutes les positions,

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  1   de tous les postes d'importance, dans toutes les couches de la société ?

  2   R.  Je n'ai jamais vu dans le statut de notre parti une telle déclaration.

  3   Il se peut qu'il y ait eu de telles intentions, mais c'est qu'il est vrai

  4   qu'au début, aucun parti ne se préoccupait de cette question. Nous avions

  5   des projets d'avenir beaucoup plus sérieux et des problèmes beaucoup plus

  6   graves à traiter.

  7   Q.  Mais n'est-il pas vrai, Monsieur le Témoin, que la Ligue communiste, le

  8   régime communiste persécutait les membres des partis nationaux ?

  9   R.  La Ligue communiste persécutait les nationalistes, parce qu'à l'époque

 10   il n'existait pas les partis nationaux. Mais vous parlez maintenant des

 11   élus ?

 12   Q.  Oui.

 13   R.  Oui, peut-être, dans ce contexte général, que quelques-uns d'entre eux

 14   ont été, disons, persécutés.

 15   Q.  Mais n'est-il pas logique, à partir du moment où vous avez gagné aux

 16   élections, que l'objectif principal de tous les partis politiques devient

 17   de faire venir leurs propres hommes aux postes-clés et de faire partir les

 18   gens assimilés ou faisant partie du régime communiste ?

 19   R.   Comme vous le savez, je n'en faisais pas partie, et au sein du parti

 20   dont j'étais le président, ce n'était pas notre objectif. Mais bien sûr,

 21   nous souhaitions que tout soit fait conformément aux résultats de

 22   l'élection.

 23   Q.  Mais n'est-il pas vrai que l'objectif, l'idée derrière cet accord entre

 24   les partis politiques de partage du pouvoir était justement le partage des

 25   postes afin de remplacer les autorités précédentes émanant du régime

 26   communiste et de placer les membres de vos partis respectifs à ces postes-

 27   clés ?

 28   R.  En ce qui concerne le SDA, nous proposions majoritairement les

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  1   personnes qui étaient membres du parti communiste par rangs mais qui

  2   étaient des excellents éléments. Et je peux vous donner quelques exemples,

  3   quelques noms, si vous le souhaitez.

  4   Q.  Le niveau local ne m'intéresse pas. C'est le niveau républicain qui

  5   m'intéresse. Donnez-moi, s'il vous plaît, le nom d'un haut fonctionnaire

  6   membre du SDA qui était auparavant membre du parti communiste et qui a,

  7   malgré ça, gardé ses fonctions au sein des autorités de la république, au

  8   niveau de la république.

  9   R.  Regardez, M. Fikret Abdic. Peut-être Ganic, si vous faites référence

 10   aux membres [inaudible] de Bosnie. Par exemple, parmi les Croates, il y

 11   avait M. Pejanovic qui était communiste. Puis regardez, par exemple, les

 12   cadres diplomatiques, les ambassadeurs. Environ 50 % d'entre eux venaient

 13   du parti communiste.

 14   Q.  Oui, je suis d'accord que ce sont des hauts fonctionnaires, mais ils

 15   n'ont pas de pouvoir exécutif ?

 16   R.  Oui, mais il y en a, il y en a partout, même aussi au sein de la cour

 17   constitutionnelle.

 18   Q.  Bien. Hier vous avez parlé du licenciement des cadres non-Serbes, et

 19   vous avez parlé en particulier des médecins.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  On vous a présenté le document P462.

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Je demanderais que ce document soit affiché à

 23   l'écran. Article 1.

 24   Q.  Vous souvenez-vous d'avoir déjà lu ce document hier et de l'avoir

 25   commenté, document datant du juin 1992 ? C'est une décision.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Hier vous avez parlé de l'article 1, paragraphes 1 et 2, et à ce

 28   moment-là vous avez déclaré que ce document portait sur les non-Serbes.

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  1   Vous souvenez-vous de ceci ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Mais si on examine le troisième paragraphe de ce même premier article,

  4   il concerne les employés d'appartenance ethnique serbe, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, je le vois.

  6   Q.  Ce qui signifie - et on lit le paragraphe 3 : "Au poste énuméré

  7   préalablement, qui ne peuvent pas être occupés par les non-Serbes, ne

  8   peuvent pas être occupés non plus par des employés d'appartenance ethnique

  9   serbe qui n'ont pas confirmé que leur attitude idéologique était bien

 10   ferme."

 11   R.  Oui, je vois ceci.

 12   Q.  Donc cette interdiction n'était pas basée sur l'appartenance ethnique,

 13   mais plutôt sur les bases idéologiques.

 14   R.  Oui, entre autres choses.

 15   Q.  Mais ce critère n'est-il pas identique à celui qui était appliqué

 16   conformément à votre accord entre les partis politiques à l'égard des

 17   membres du régime communiste qui, du point de vue idéologique, n'était pas

 18   parvenu à des positions claires ?

 19   R.  Non, parce qu'il n'existe aucun document et aucune preuve que le SDA

 20   agissait de la sorte.

 21   Q.  Monsieur, un instant, je vous pose une question d'ordre général. Je ne

 22   vous pose pas une question portant précisément sur le SDA et je n'essaie

 23   même pas de critiquer les positions prises par votre parti. Je parle avant

 24   tout de tous les partis nationaux, qu'il s'agisse du SDA, SDS ou HDZ, et je

 25   parle de votre accord conclu entre les partis. D'après cet accord, vous

 26   conviendrez, certains critères devaient être appliqués par rapport aux

 27   anciens membres du régime qui étaient au pouvoir, n'est-ce pas, ces gens

 28   devaient être remplacés ?

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Mais attendez. Si les représentants de l'ancien pouvoir restaient

  3   toujours au poste, comment alliez-vous pouvoir remplacer ces gens et nommer

  4   d'autres personnes ?

  5   R.  Non, ce que je voulais dire, s'agissant du HDZ et du SDA, pour autant

  6   que je le sache, on essayait de créer une nouvelle structure, nommer de

  7   nouvelles personnes aux postes-clés, et si ces personnes avaient montré une

  8   sorte d'allégeance au SDA, ils ne devaient pas forcément être membres

  9   officiellement. Et nous avons nommé de telles personnes aux fonctions au

 10   sein de la municipalité de Banja Luka. Je peux vous citer un certain nombre

 11   de noms.

 12   Q.  N'est-il pas exact que le SDA n'était pas bien vu auprès des

 13   intellectuels de confession musulmane ou auprès des Bosniens ?

 14   R.  Tout dépend qui était à la tête du parti, qui était membre du comité.

 15   Vous savez, je peux pas accepter ce que vous avez dit. Les intellectuels

 16   hésitaient à devenir membres au sein de nouveaux partis, ce qui est

 17   compréhensible, mais je peux vous nommer une dizaine de professeurs de

 18   l'université qui étaient non membres.

 19   Q.  Vous savez, mais pour un parti présent sur le territoire de toute la

 20   république, ce n'était certainement pas un grand nombre, mais bon. Passons

 21   à autre chose. N'est-il pas exact que le SDP, le Parti social démocrate de

 22   Bosnie-Herzégovine était en majorité le parti composé de Musulmans ?

 23   R.  Est-ce que vous pensez au SDP qui a remporté un certain nombre de voix

 24   lors des élections ?

 25   Q.  Exactement.

 26   R.  Je ne dispose pas de ces chiffres. Mais s'agissant de Banja Luka, on

 27   peut tirer une telle conclusion. Oui, effectivement, c'était le cas.

 28   Q.  Lorsque nous en avons parlé tout à l'heure, lorsque nous avons dit que

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  1   l'un de vos membres était vice-président de l'assemblée municipale de Banja

  2   Luka, n'est-il pas exact que les élus membres du SDP, qui étaient

  3   majoritairement Musulmans, étaient restés siégés au sein de l'assemblée

  4   municipale ?

  5   R.  Pourriez-vous reformuler votre question ? Je n'ai pas bien compris.

  6   Q.  J'essaie d'aller plus vite pour ne pas perdre trop de temps mais je

  7   vais reformuler.

  8   N'est-il pas exact que le SDP, s'agissant de la municipalité de Banja Luka

  9   et de l'assemblée municipale de Banja Luka où les Musulmans avaient la

 10   majorité, que ce parti avait participé au travail de l'assemblée municipale

 11   pendant l'année 1992 ?

 12   R.  Oui, c'est exact.

 13   Q.  Merci. Revenons au document que vous avez examiné. Hier vous avez

 14   apporté un certain nombre de commentaires et vous avez lu l'interview de M.

 15   Brdjanin portant sur Slobodan Cvijetic qui avait été remplacé au poste de

 16   directeur alors qu'il était Serbe ?

 17   R.  Oui, je m'en souviens.

 18   Q.  Vous avez dit hier que les gens qui avaient pour partenaire quelqu'un

 19   qui appartenait à une autre nationalité faisaient l'objet de tels

 20   remplacements, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  N'est-il pas exact que ses parents sont Serbes ?

 23   R.  Non, mais sa femme est Croate.

 24   Q.  Mais si sa femme est Croate, cela ne voulait pas dire qu'il était né

 25   d'un mariage mixte ?

 26   R.  Non, peut-être que je me suis mal exprimé. Je voulais dire que son

 27   mariage était un mariage mixte.

 28   Q.  Monsieur, vous n'allez pas nous dire qu'il a été remplacé parce que sa

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  1   femme était Croate ?

  2   R.  C'était l'une des raisons. Vous pouvez le constater en lisant

  3   l'interview.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, n'est-il pas exact que ce monsieur, bien qu'il soit

  5   Serbe à 100 %, a été en fait remplacé parce qu'il ne partageait pas les

  6   opinions idéologiques, et non pas parce que sa femme était Croate ?

  7   R.  Dans cette interview, M. Brdjanin apporte la réponse à votre question.

  8   Je pense que c'est sa réponse que vous devez prendre en considération.

  9   Q.  Monsieur, un instant, nous ne sommes pas en train d'auditionner M.

 10   Brdjanin, mais vous. Hier vous avez commenté l'interview de M. Brdjanin, et

 11   nous disposons de ce document. Maintenant j'avance que M. Cvijetic,

 12   directeur de l'une des entreprises à succès à Banja Luka, bien qu'il soit

 13   Serbe, a été remplacé uniquement parce qu'il ne partageait pas les opinions

 14   idéologiques, et non pas pour une autre raison. Vous êtes d'accord ou pas ?

 15   R.  Je partage votre opinion partiellement, parce que si sa femme avait été

 16   Serbe, il n'aurait jamais été remplacé parce qu'il était une personne

 17   hautement qualifiée.

 18   Q.  Vous êtes vraiment en train de nous dire que s'il avait divorcé de sa

 19   femme il aurait maintenu le poste de directeur ?

 20   R.  Mais je ne l'ai jamais avancé.

 21   Q.  Mais vous dites si sa femme avait été Serbe, il aurait gardé le poste.

 22   Cela veut dire que vous faites un lien entre ce qui s'est passé et le fait

 23   que sa femme était Croate ?

 24   R.  Parce que c'est ce que j'ai appris de sa famille.

 25   Q.  Oui, les gens racontent n'importe quoi, n'est-ce pas ?

 26   Hier en parlant avec mon confrère, on vous a montré un article où l'on

 27   parle du fait qu'un groupe de médecins musulmans avaient perdu leurs

 28   postes, et ces gens, en septembre 1992, avaient été licenciés. Est-ce que

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  1   vous vous en souvenez ?

  2   R.  Je le crois, oui.

  3   Q.  Si j'ai bien compris votre déclaration, vous avez expliqué cet

  4   événement en détail, et vous pourrez consulter le document si vous le

  5   souhaitez. Vous avez cité trois ou quatre noms de médecins musulmans

  6   hautement qualifiés qui, en 1992, ont été licenciés - c'était au mois de

  7   décembre - parce qu'ils n'avaient pas répondu à l'appel militaire, à savoir

  8   qu'il fallait qu'ils se rendent à un hôpital militaire sur le front -- à

  9   proximité du front.

 10   R.  Oui, cela vaut pour certains d'entre eux.

 11   Q.  A la page 13 de votre déclaration, vous dites que le service militaire

 12   s'appliquait de manière identique à toutes les trois nationalités, à savoir

 13   Serbes, Musulmans et Croates, et que ceux qui répondaient à l'appel

 14   allaient sur le front ou procédaient à remplir leurs obligations de

 15   travail, et que ceux qui ne répondaient pas à l'appel devaient subir un

 16   certain nombre de sanctions ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que d'après les lois en vigueur en

 19   Yougoslavie à l'époque dans toutes les républiques, l'obligation de servir

 20   dans l'armée était considérée comme la plus grande obligation qu'une

 21   personne pouvait avoir ?

 22   R.  Je dois vous dire la chose suivante : c'était quelque chose dont

 23   relevaient les organes les plus haut placés de Bosnie-Herzégovine et ces

 24   organes n'ont jamais issu l'appel à la mobilisation, c'était les autorités

 25   locales qui l'avaient fait.

 26   Q.  Monsieur, nous parlons du mois de décembre 1992 ?

 27   R.  Oui, mais la Bosnie-Herzégovine existait en tant que pays, et nous

 28   devions obéir aux ordres donnés par les institutions de l'Etat de Bosnie-

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  1   Herzégovine, et non pas les institutions de certaines municipalités.

  2   Q.  Vous voulez dire que tout d'abord la Republika Srpska était créée à

  3   l'époque, vous dites que vous ne saviez pas ?

  4   R.  Vous savez que la Bosnie-Herzégovine était reconnue par la communauté

  5   internationale.

  6   Q.  Monsieur, nous parlons des faits. C'est aux Juges de tirer des

  7   conclusions sur la base de ces faits. Donc nous ne parlons que des faits.

  8   Etant donné qu'il s'agit du mois de décembre 1992, vous savez que la

  9   Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine - je pense que cette entité

 10   s'appelait à un moment ainsi - et qu'ensuite l'ordre a été donné de

 11   procéder à la mobilisation dans la Republika Srpska, et à l'époque vous

 12   habitiez sur le territoire de la Republika Srpska et c'est toujours la

 13   Republika Srpska même aujourd'hui; c'est exact ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et cette mobilisation, cet ordre de mobilisation s'appliquait à tous

 16   les citoyens de la Republika Srpska indépendamment de leur appartenance

 17   ethnique, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous savez certainement qu'il y avait eu un nombre de cas où certains

 20   Serbes ont été licenciés ou ont subi des sanctions parce qu'ils avaient

 21   refusé de répondre à cet appel à la mobilisation ?

 22   R.  Je ne dispose pas de chiffres relatifs à ces cas, mais j'en suis

 23   informé; je sais que de telles choses s'étaient produites.

 24   Q.  Merci. Parlons maintenant de ce que vous avez dit hier. A la page 53,

 25   lignes 6 et 7, vous avez parlé -- non, cela ne figure pas dans votre

 26   déclaration, je me réfère à votre déposition d'hier. Donc c'est à la page

 27   53 du compte rendu d'audience d'hier, lignes 6 et 7. Donc vous avez parlé

 28   de la réunion que vous avez eue avec M. Radic le 15 avril 1992. Est-ce que

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  1   vous vous souvenez de cette réunion ?

  2   R.  C'était quelle date ?

  3   Q.  Le 15 avril 1992. Vous avez lu un article portant sur cette rencontre.

  4   R.  Oui, c'est la réunion que je n'ai pas indiquée sur cette liste. Donc

  5   quelle était votre question ? Excusez-moi.

  6   Q.  Ma question est la suivante : Vous vous souvenez du fait qu'on vous

  7   avait montré un article du journal "Glas" où l'on parle de cette réunion

  8   avec M. Radic et où il est dit que vous étiez présent lors de cette réunion

  9   ?

 10   R.  Oui, oui, excusez-moi, j'étais confus.

 11   Q.  Une fois encore, je vous prie de faire une pause avant de

 12   répondre pour que les interprètes puissent nous suivre, parce que lorsque

 13   nous parlons en même temps les interprètes n'arrivent pas à nous suivre.

 14   Donc hier, en parlant de cette rencontre, vous avez dit que vous

 15   étiez allé exprimer vos inquiétudes, ensuite mon confrère vous a demandé si

 16   vous vous y êtes rendu une fois encore par la suite, et vous avez dit :

 17   Quiconque voulait émettre des plaintes risquait d'être tué. Est-ce que vous

 18   vous en souvenez ?

 19   R.  Je pense que le Procureur m'a posé cette question relative aux plaintes

 20   présentées au chef du CSB. Mais même si quelqu'un voulait se plaindre

 21   auprès d'autres institutions, il risquait d'être tué. Donc ma réponse est

 22   affirmative et vaut pour ce cas de figure aussi.

 23   Q.  Oui, Monsieur, mais tout à l'heure, vous nous avez dit que vous êtes

 24   allé voir M. Radic encore trois fois, le 24 juin, le 8 décembre 1992 et le

 25   1er mars 1993, et vous avez également eu deux réunions avec le général Talic

 26   et d'autres dirigeants militaires au sujet de ces mêmes problèmes. D'après

 27   ce que je peux voir, il ne vous est rien arrivé ?

 28   R.  C'est exact, mais on parlait des plaintes individuelles. Si quelqu'un

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  1   vous attaquait, s'en prenait à votre maison ou vous, en tant qu'individuel,

  2   vous risquiez quelque chose si vous alliez vous plaindre. Je pense que vous

  3   n'avez pas compris ma réponse. Nous, en tant que représentants des non-

  4   Serbes, nous pouvions nous rendre aux réunions, comme vous avez dit vous-

  5   même, mais les plaintes individuelles n'étaient pas possibles, pratiquement

  6   parlant.

  7   Q.  Je comprends, Monsieur le Témoin, mais vous êtes un individu, vous êtes

  8   une personne qui dispose de certains biens, et cela pouvait s'appliquer à

  9   vous, de même qu'aux autres membres des non-Serbes ?

 10   R.  Cela valait pour moi aussi. Vous savez qu'on m'avait torturé, que mes

 11   biens ont été confisqués, que ceux qui m'avaient accompagné étaient

 12   emprisonnés, et cetera. La moitié des gens qui étaient présents avec moi

 13   lors de ces réunions avaient fini en prison, ou bien certains étaient

 14   expulsés, et ainsi de suite.

 15   Q.  Monsieur, le tribunal militaire de Banja Luka vous a condamné, vous et

 16   les membres de ce groupe, donc vous a condamné à plusieurs années de prison

 17   parce que vous avez procédé à l'espionnage. Mais là, maintenant, je parle

 18   de la période qui est la période qui nous intéresse en l'espèce, à savoir

 19   l'année 1992. Donc je ne parle que de l'année 1992 alors que le tribunal

 20   militaire vous a condamné en 1994. D'après ce que j'ai compris dans vos

 21   déclarations, en lisant vos déclarations, vous, personnellement, vous

 22   n'avez pas rencontré de problèmes ? Donc je parle de vous personnellement.

 23   R.  Si vous ne tenez pas compte du fait qu'on avait tiré sur ma maison,

 24   oui, c'est exact.

 25   Q.  Oui, mais, Monsieur, c'était la guerre, et on avait tiré partout à

 26   Banja Luka, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, on a tiré, mais c'est différent lorsque quelqu'un tire sur votre

 28   maison.

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  1   Q.  Vous avez hier parlé de Kotor Varos, cela figure aux pages 58 et 59 du

  2   compte rendu d'audience d'hier, et vous avez parlé du fait que les gens

  3   avaient été maltraités, tués, crucifiés, et cetera. Etiez-vous présent à

  4   Kotor Varos lorsque cela s'était produit ?

  5   R.  Non, je n'étais pas présent au moment même, mais j'en ai parlé avec M.

  6   Pejic, Zdravko Pejic, et j'en ai parlé à plusieurs personnes, et ces gens

  7   ont pu me confirmer ces événements. Et par la suite, j'ai parlé avec

  8   plusieurs témoins oculaires de Vecici, avec les parents des victimes, et

  9   tout cela a été confirmé. J'en ai également parlé avec le président du HDZ,

 10   M. Maric, il me l'a confirmé également.

 11   Q.  Je peux conclure que vous-même, vous n'avez pas eu de connaissance

 12   directe à ce sujet, mais vous l'avez appris par d'autres personnes ?

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, vous insistez dans vos déclarations et dans

 15   vos dépositions sur le fait que le SDA de Banja Luka, donc le parti à la

 16   tête duquel vous étiez, ne disposait pas d'armes en 1992, et qu'au mois de

 17   février, vous avez demandé qu'on vous donne des armes, mais on ne vous les

 18   avait pas envoyées ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous avez également dit qu'à Zagreb, quelqu'un vous avait dit qu'il

 21   livrerait des armes sur le territoire de Banja Luka et que vous lui avez

 22   demandé des armes ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Et à ce moment-là, vous étiez présent à une réunion et on vous a -- en

 25   fait, il était dit que le Conseil de la Défense croate de Jajce allait vous

 26   livrer un certain nombre d'armes, mais finalement, vous n'avez pas reçu ces

 27   armes non plus.

 28   R.  C'est exact, mais je pense qu'il était question de Travnik.

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  1   Q.  Vous pensez donc au Conseil de la Défense croate de

  2   Travnik ?

  3   R.  Oui, plus ou moins, c'est ça.

  4   Q.  Vous avez dit que pour vous et un autre membre du comité exécutif du

  5   SDA, vous avez apporté des fusils automatiques de Sarajevo. Est-ce que vous

  6   vous en souvenez ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et vous avez gardé un fusil automatique pour vous-même, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et je suis sûr que vous saviez qu'avoir une arme était un acte illégal

 11   sanctionné pénalement ?

 12   R.  Oui, je le savais.

 13   Q.  Et c'est pourquoi vous avez jeté cette arme dans la rivière de Vrbas,

 14   lorsque vous avez appris que la police allait fouiller votre appartement.

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, n'est-il pas exact que la confiscation des armes

 17   illégales était menée depuis 1990 sur l'ordre de la présidence de Bosnie-

 18   Herzégovine, à la tête duquel se trouvait M. Izetbegovic, autrement dit sur

 19   l'ordre du ministre des Affaires intérieures, M. Delimustafic ? Donc les

 20   deux sont Musulmans.

 21   R.  Je l'ignore. Je ne peux rien vous dire là-dessus.

 22   Q.  N'est-il pas exact qu'il existait des points de contrôle sur toute la

 23   route principale et toutes les entrées, tous les points d'entrée dans les

 24   plus grandes villes, partout dans l'ex-Yougoslavie, en 1990 ?

 25   R.  Je n'ai pas vu de mes propres yeux ces points de contrôle à l'époque.

 26   Même en 1992, lorsque je suis allé à Zagreb - et nous en avons parlé hier -

 27   j'ai entendu dire qu'il y avait des points de contrôle vers Gradiska, et

 28   c'est pourquoi j'ai emprunté la route vers Samac. Mais personnellement, je

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  1   n'ai pas vu les points de contrôle. Puis par la suite, lorsque je suis allé

  2   à Sarajevo en 1992 - c'était au mois de mars que j'y suis allé - je dois

  3   vous dire que je n'ai pas vu ces points de contrôle. Je me suis rendu

  4   librement de la gare ferroviaire à mon appartement. Je n'ai rien vu de mes

  5   propres yeux, c'est la vérité. Donc je ne peux pas vous le confirmer. Je ne

  6   sais pas ce qui se passait dans d'autres régions. D'après mes

  7   connaissances, oui, probablement, ces points de contrôle étaient érigés.

  8   Q.  Vous voulez dire qu'il n'y avait pas un point de contrôle à l'entrée de

  9   Zagreb en 1990, 1991, lorsqu'on vous a demandé de présenter vos papiers

 10   d'identité, lorsqu'on vous a fouillé votre voiture, et cetera ?

 11   R.  Non, personne ne m'a demandé quoi que ce soit. J'ai emprunté la route

 12   via Samac, et je n'avais rien remarqué.

 13   Q.  Mais vous saviez qu'il y avait un point de contrôle à Graniska ?

 14   R.  Permettez-moi, lorsque je suis allé en 1991, lorsque je suis allé à

 15   Slavonski Brod pour voir mon fils --

 16   Q.  Allez-y.

 17   R.  Je n'arrive pas à me rappeler la date de ce voyage. Je me souviens

 18   qu'il y avait une sorte de point de contrôle sur l'autoroute où les hommes

 19   militaires étaient de faction, et je m'y suis arrêté. J'en parle même dans

 20   mon livre. Mais je me suis arrêté sur ma propre initiative, parce que

 21   j'avais vu des hommes militaires qui se promenaient dans les champs, et je

 22   me suis arrêté pour leur demander ce qui se passait. Nous étions tellement

 23   naïfs que nous ne savions pas ce qui se passait. La preuve en est que j'ai

 24   voyagé avec mon propre enfant à bord de la voiture.

 25   Q.  Je pense que personne ne conteste, et vous le savez vous-même, qu'à

 26   l'époque il y avait énormément d'armes détenues illégalement qui

 27   provenaient de tous les côtés, qui faisaient l'objet d'activités de

 28   contrebande.

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  1   R.  Oui, j'en avais lu des choses là-dessus.

  2   Q.  Dans votre livre et dans votre déclaration, à la page 22, vous dites

  3   que le chef du SDA de Prijedor, vers la fin de 1991, vous avait dit qu'ils

  4   avaient plus de 2 000 fusils à Prijedor et un petit canon. Vous vous en

  5   souvenez ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Si j'ai bien compris, cela veut dire qu'à Prijedor, en 1991, il y avait

  8   plus de 2 000 hommes armés parmi les Musulmans de Bosnie ?

  9   R.  Mais il y a autre chose que je n'avais pas dit, c'est-à-dire qu'ils

 10   avaient dit que c'était une exagération.

 11   Q.  N'est-il pas exact qu'à la réunion à Zenica, avec la Ligue des

 12   patriotes et avec la participation de toutes les régions à cette réunion

 13   qui a eu lieu vers la fin 1991 début 1992, n'est-il pas exact que le

 14   Conseil militaire de la Ligue patriotique a exprimé sa surprise devant la

 15   quantité d'armes détenues par les Musulmans de Bosnie, dans la Krajina de

 16   Bosnie ?

 17   R.  J'en ai entendu parler d'un monsieur. Ce n'est pas le  conseil lui-même

 18   qui me l'avait dit. Tout est relatif après tout.

 19   Q.  Attendez. Vous dites que tout est relatif. Mais hier et aujourd'hui

 20   aussi, vous persistez à nous dire qu'il y avait certaines choses qui se

 21   produisaient sur le territoire d'autres municipalités. Vous en aviez

 22   entendu parler. Et c'est néanmoins vrai. Et là, quand il s'agit d'une autre

 23   information, c'est quelqu'un d'autre qui vous l'avait dit, et dans ce cas-

 24   ci, vous dites que c'est relatif.

 25   R.  Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y a quelqu'un

 26   qui m'en avait parlé.

 27   Q.  N'est-il pas exact que dans votre livre vous dites que ce Conseil

 28   militaire de la Ligue patriotique a estimé que la Krajina se trouvait en

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  1   meilleure posture que d'autres endroits, pour ce qui concerne

  2   l'organisation d'une résistance armée et un conflit ?

  3   R.  Encore une fois, c'est la même personne qui me l'avait dit. Mais ce

  4   n'était pas une réunion officielle, c'était juste une conversation. On

  5   prenait un café et on discutait.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, c'est vous qui avez inclus cette information dans

  7   votre livre. Si vous ne pensiez pas que c'était vrai, je pense que vous ne

  8   l'auriez peut-être pas écrite.

  9   R.  J'ai écrit beaucoup de choses dans ce livre pour relier différents

 10   événements. Ce qui ne veut pas dire que je suis à l'origine de tous les

 11   éléments qui s'y retrouvent. On peut avoir une conversation avec quelqu'un

 12   en prenant un café, mais ça n'a pas la même valeur qu'un document.

 13   Q.  Est-ce qu'on peut dire la même chose de votre déposition, parce que

 14   vous avez dit la même chose là. Donc s'il n'y a pas de preuve documentaire,

 15   cela veut dire que ce n'est pas tout à fait fiable. C'est ce que vous êtes

 16   en train de nous dire ?

 17   R.  Peut-être que cette personne-là avait une position tendancieuse, on

 18   n'avait pas de relation basée sur la confiance. En ce qui concerne d'autres

 19   informations que je recevais, souvent je procédais à des vérifications, et

 20   il s'agissait de personnes que je connaissais du SDA ou on avait des liens

 21   privés ou c'étaient des amis de mes associés.

 22   Q.  Mais vous n'avez pas vérifié cette information-ci, je présume, parce

 23   que vous savez que le commandant, M. Sefer Halilovic, le commandant de la

 24   Ligue patriotique, à cette époque, automne 1991, était venu à Banja Luka

 25   pour voir comment ça se passait, et vous l'avez vu ?

 26   R.  C'est une excellente question.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted.

 28    M. OLMSTED : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Tout à

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  1   l'heure, le conseil de la Défense a dit que le témoin avait dit la même

  2   chose en ce qui concerne la Ligue patriotique dans une de ses dépositions

  3   ou déclarations. J'aurais espéré que la Défense nous donne la référence

  4   pour que nous puissions confirmer ceci.

  5   M. ZECEVIC : [interprétation] Le témoin parle de cette référence dans son

  6   livre à la page 23 de sa déclaration faite en 2001. Je vous cite le

  7   paragraphe, c'est l'avant-dernier paragraphe et c'est en serbe. Je suis

  8   désolé, mais j'ai la version serbe ou B/C/S. L'on peut lire à la page 18 :

  9   "Je parlais d'une réunion qui a eu lieu à Zenica avec la participation de

 10   toutes les régions, donc les informations concernant les armes peuvent être

 11   comparées. A cette réunion, le Conseil militaire de la Ligue patriotique a

 12   exprimé son étonnement devant ces données, devant ces informations, sa

 13   surprise en ce qui concerne les quantités mentionnées et leur estimation

 14   était que la Krajina de Bosnie était en meilleure posture de loin que celle

 15   des autres régions en ce qui concerne l'organisation d'une" -- pas une

 16   rébellion, ce n'est pas le mot qui est utilisé, je suis désolé, j'ai un peu

 17   de mal à traduire.

 18   M. OLMSTED : [interprétation] Nous avons trouvé la référence, et nous nous

 19   opposons à ce que cette question soit posée, parce que la déclaration se

 20   poursuit tel qu'indiqué par le témoin qui dit qu'il n'a pas participé à la

 21   réunion. Il en a entendu parler de la part d'un individu qui est maintenant

 22   décédé, et une petite mise en garde, c'est-à-dire il faut prendre ce qui a

 23   été dit avec un grain de sel.

 24   M. ZECEVIC : [interprétation] Désolé, je ne dis pas qu'il y avait une

 25   incohérence dans sa déposition, j'ai dit qu'il l'avait écrit dans son livre

 26   et qu'il l'a confirmé dans sa déclaration, donc c'est exactement la même

 27   chose, et le témoin avait fait un commentaire.

 28   M. OLMSTED : [interprétation] Nous nous y opposons, car il n'y a pas

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  1   confirmé, il a dit qu'il faut le prendre avec un grain de sel.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez peut-être, Monsieur Olmsted,

  3   revenir là-dessus si vous avez des questions supplémentaires. Je ne pense

  4   pas qu'il y ait un fondement pour que vous puissiez vous y opposer.

  5   M. ZECEVIC : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur le Témoin, hier lorsque vous parliez de l'armement des Serbes,

  7   vous avez dit que c'étaient les militaires qui leur donnaient des armes ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  En fait, c'était une question de donner des armes aux réservistes et

 10   aux membres de la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, je le suppose.

 12   Q.  Bien, si ce sont les forces militaires qui donnent des armes à ses

 13   propres réservistes de la Défense territoriale, cela veut dire forcément

 14   que ça doit être fait conformément à la loi; il doit y avoir un

 15   enregistrement écrit très strict de qui recevait quoi, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, mais c'était uniquement des Serbes qui recevaient ces armes.

 17   Q.  C'est parce que les Bosniaques, les Musulmans, sur l'instruction donnée

 18   par votre parti, ont refusé de se rendre au centre de réserve militaire et

 19   ont refusé de répondre aux appels à une mobilisation ?

 20   R.  J'aurais souhaité terminer ma réponse précédente en ce qui concerne

 21   Halilovic. Si vous voulez bien que je termine.

 22   Q.  Monsieur le Témoin, le Procureur aura l'occasion, à la fin de mon

 23   contre-interrogatoire, de vous poser des questions supplémentaires, et il

 24   va revenir sur tous les points qui, d'après lui, nécessitent des

 25   précisions. En ce qui me concerne, je vous pose la question suivante :

 26   n'est-il pas exact que les Musulmans de Bosnie ne répondaient pas aux

 27   appels à une mobilisation même si c'est illégal de refuser de le faire ?

 28   R.  Les Musulmans de Bosnie recevaient des instructions publiques qui

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  1   figuraient dans la presse, émises par le SDA, c'est-à-dire de ne pas

  2   répondre à l'appel à la mobilisation.

  3   Q.  Bien sûr, ce n'est pas tout le monde qui a obéi à cet appel du SDA. Il

  4   y a des Musulmans de Bosnie qui ont accepté l'appel et qui ont reçu des

  5   armes, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je le suppose.

  7   Q.  Donc cette question d'armes, encore une fois, n'avait rien à voir avec

  8   l'appartenance ethnique, le seul critère qui s'appliquait était est-ce que

  9   la personne répondait à l'appel conformément à l'obligation légale ?

 10   R.  La mobilisation c'est une chose, la distribution d'armes en faisant

 11   quasiment le porte-à-porte, c'est tout à fait autre chose. Là il s'agissait

 12   de recevoir des armes, et non pas de distribuer des armes. Lorsqu'il y a

 13   distribution d'armes, vous portiez un uniforme et vous signiez un papier

 14   comme quoi vous aviez reçu une arme. Ici il s'agit d'une distribution

 15   d'armes aux civils appartenant à un seul groupe ethnique.

 16   Q.  Nous en avons déjà parlé, Monsieur le Témoin, et nous sommes d'accord

 17   que l'armée était en train d'armer ses réservistes et les membres de la

 18   Défense territoriale, et vous êtes d'accord pour dire que c'était tout à

 19   fait légal, que c'était enregistré et que c'était conforme à la loi ?

 20   R.  Une chose --

 21   Q.  Ensuite, vous avez dit que c'était problématique parce que cela ne

 22   concernait que des Serbes, et nous avons ensuite dit que nous étions

 23   d'accord que les Musulmans de Bosnie, s'ils répondaient à l'appel à la

 24   mobilisation, auraient reçu des armes aussi, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, en ce qui concerne la mobilisation, c'est vrai.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, le fait de recevoir une arme si on ne porte pas

 27   d'uniforme, à ce moment-là, ne veut pas dire qu'on n'est pas réserviste.

 28   Une telle personne signe un papier, un reçu pour dire qu'il a reçu l'arme,

Page 5188

  1   mais cette personne peut être un membre de la Défense territoriale ou de la

  2   réserve ?

  3   R.  J'étais membre de la Défense territoriale et nous n'avons jamais reçu

  4   d'armes, sauf si on avait déjà été mobilisés et si on portait l'uniforme.

  5   Q.  Vous parlez des temps de paix ?

  6   R.  Je parle d'une époque avant tout cela.

  7   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions à vous

  8   poser. J'ai terminé mes questions pour ce témoin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, allez-y, Maître Pantelic.

 10   M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par M. Pantelic : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Krzic.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Je suis Maître Pantelic, la Défense de M. Stojan Zupljanin.

 15   Monsieur Krzic, vous êtes un homme tolérant, n'est-ce pas ?

 16   R.  Merci.

 17   Q.  Parce que vous avez été diplomate et homme politique de par le passé,

 18   vous êtes quelqu'un de modéré et vous essayez toujours de trouver une

 19   solution par le dialogue ?

 20   R.  Encore une fois, je ne peux que vous remercier.

 21   Q.  Vous avez dit dans une de vos dépositions que votre famille faisait

 22   partie des partisans pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pouvez-vous nous donner quelques détails en ce qui concerne les membres

 25   de votre famille qui ont combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

 26   R.  Quatre de mes oncles paternels étaient membres du mouvement des

 27   partisans, certains depuis le début, à partir de 1941 jusqu'à la fin de

 28   1942, et mon père travaillait pour le mouvement partisan à Banja Luka.

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  1   Q.  Et votre famille vit à Banja Luka depuis plusieurs générations, n'est-

  2   ce pas, vous êtes une famille appartenant à cette ville depuis belle

  3   lurette ?

  4   R.  Oui, du côté paternel, c'est vrai. Du côté maternel, nous ne sommes pas

  5   de Banja Luka.

  6   Q.  Et depuis plusieurs générations, vous êtes une famille proéminente ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Je suppose que depuis votre enfance vous êtes Musulman ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Lorsque vous êtes devenu membre de la Ligue des Communistes en 1970,

 11   c'était comme ça à l'époque, pourquoi, à ce moment-là, est-ce que votre

 12   mère n'était pas très contente ?

 13   R.  Une petite correction qui est importante pour moi, néanmoins, ils sont

 14   venus me demander de devenir membre du parti à la fin de la période pendant

 15   laquelle j'ai travaillé comme volontaire, pour aider ceux qui avaient été

 16   victimes du tremblement de terre. Ma mère était déçue probablement, parce

 17   que toute la famille, y compris mes tantes des deux côtés de la famille,

 18   était membre du mouvement communiste et elle était profondément contre tout

 19   cela.

 20   Q.  Ce n'est pas quelque chose de très important, je vous le dis tout de

 21   suite, mais si j'ai bien compris, cela veut dire que votre mère n'était pas

 22   vraiment en faveur des communistes ?

 23   R.  C'était une femme croyante. Elle était croyante en ce qui concerne la

 24   religion. Je ne peux pas vraiment établir de telles différences. La

 25   religion était quelque chose qui était respecté chez nous, mais c'était

 26   caché. A cette époque, à l'époque des communistes, cela ne se faisait pas

 27   de montrer sa foi. Mais de toute façon, il y avait le respect mutuel des

 28   deux côtés, entre les croyants et les non-croyants.

Page 5190

  1   Q.  Je comprends tout à fait. En tant qu'homme qui a vécu des bons temps,

  2   parce qu'il faut dire qu'à l'époque de Tito il y avait beaucoup de bonnes

  3   choses, seriez-vous d'accord pour dire qu'en Bosnie-Herzégovine on

  4   recherchait toujours l'équilibre entre les intérêts des trois populations

  5   qui constituaient le pays ?

  6   R.  Certainement.

  7   Q.  En ce qui concerne la liberté d'expression et les libertés

  8   démocratiques et d'autres aspects de la société démocratique, ce n'était

  9   pas très libéral. Donc tout était contrôlé ?

 10   R.  Oui, oui, il y avait des restrictions.

 11   Q.  Néanmoins, le principe national était respecté dans le domaine de la

 12   politique, le principe d'une parité d'une proportion nationale, y compris

 13   dans les grandes sociétés. Etes-vous d'accord avec cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Autant que je sache - et vous me corrigerez si je me trompe - à cette

 16   époque-là, on ne peut pas dire qu'un groupe ethnique quelconque était

 17   opprimé ou menacé ou écarté par la majorité constituée d'autres communautés

 18   ?

 19   R.  En général, c'est vrai. Mais si l'on regarde les statistiques de

 20   l'époque, il semblerait qu'en ce qui concerne les forces armées et la

 21   police, ce principe n'était pas vraiment respecté.

 22   Q.  Et c'était aux dépens des Musulmans ?

 23   R.  Je dirais aux dépens des non-Serbes. Je n'ai pas les statistiques sous

 24   les yeux, mais --

 25   Q.  C'est votre impression. Nous n'allons pas rentrer dans trop de détails

 26   --

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Pantelic, nous nous approchons de

 28   la suspension.

Page 5191

  1   M. PANTELIC : [interprétation] Excusez-moi, je pensais qu'il était 10

  2   heures 30. Merci, Monsieur le Président.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

  4   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

  5   M. ZECEVIC : [interprétation] Avant que le témoin n'entre dans le prétoire,

  6   j'aimerais qu'il soit consigné au compte rendu que M. Cvijetic s'est joint

  7   à nous.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. En attendant l'arrivée du témoin,

  9   la Chambre doit faire l'observation suivante : d'après le programme de

 10   travail que nous avons, il est prévu que ce témoin ici finira sa déposition

 11   demain, et que le Procureur ne peut pas faire venir de témoin pour

 12   vendredi, et que vendredi devrait être utilisé pour régler quelques

 13   questions procédurales de côté. Alors comme la Chambre a l'intention de

 14   s'occuper de ces questions vendredi, nous demandons à l'Accusation et à la

 15   Défense de nous fournir une liste de questions à aborder vendredi matin à 9

 16   heures. Il faudra nous fournir cette liste avant la fin de l'audience

 17   aujourd'hui. Merci.

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   M. PANTELIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Krzic, nous allons maintenant poursuivre le contre-

 21   interrogatoire. Après les élections en Bosnie-Herzégovine, le principe

 22   d'égalité entre les peuples de Bosnie-Herzégovine était toujours respecté,

 23   dans le sens que leurs intérêts étaient protégés ?

 24   R.  Tout indiquait que le respect de ce principe serait toujours respecté.

 25   Q.  Il y a eu un accord entre le HDZ, le SDA et le SDS de créer les organes

 26   de pouvoir à tous les niveaux, n'est-ce pas, ensemble ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  J'ai maintenant quelques questions très brèves portant sur Banja Luka,

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  1   du point de vue historique plutôt.

  2   Il est de notoriété publique qu'à la frontière entre la Croatie et la

  3   Bosnie-Herzégovine se trouvait Jasenovac, un camp de concentration malfamé

  4   où des centaines de milliers de Serbes et de membres d'autres groupes

  5   ethniques avaient été tués ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Dans le hameau de Djakovici, à proximité de Banja Luka, en février

  8   1942, environ 2 300 Serbes ont été tués, c'est un fait connu, n'est-ce pas

  9   ?

 10   R.  Je ne peux pas d'une manière générale vous confirmer l'exactitude des

 11   chiffres avancés, notamment dans le cas présent, mais je dois vous rappeler

 12   qu'il y a un monument qui a été érigé à l'époque communiste où est indiqué

 13   le chiffre de 220 personnes, donc je ne peux pas confirmer le chiffre que

 14   vous avancez.

 15   Q.  On ne va pas en débattre, l'important c'est que vous confirmiez que ces

 16   événements se sont bien déroulés à proximité de Banja Luka, dans la zone de

 17   Banja Luka durant la Deuxième Guerre mondiale. Vous êtes d'accord pour dire

 18   que durant la Deuxième Guerre mondiale en Krajina, Bosanska Krajina, il y a

 19   eu beaucoup de victimes serbes à plusieurs endroits tels que Sanski Most,

 20   Bihac, aux environs de Banja Luka, et cetera. Il s'agit là des faits

 21   historiques, n'est-ce pas ? Etes-vous d'accord avec moi pour dire ceci ?

 22   R.  Monsieur le Conseil de la Défense, vous posez des questions auxquelles

 23   on peut répondre sans équivoque, mais vous devez également prendre en

 24   compte les victimes et les massacres subis par d'autres groupes ethniques,

 25   parce que je ne voudrais pas que quelqu'un qui écouterait mes réponses

 26   maintenant ait l'impression que des crimes aient été commis seulement

 27   contre les Serbes, qu'il n'y a eu que des victimes serbes.

 28   Q.  Vous avez tout à fait raison de dire ce que vous voulez de dire, je ne

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  1   vous empêche pas. Mais dites-nous, savez-vous qu'au début du conflit en

  2   Croatie en 1991, que plusieurs dizaines de milliers de Serbes, environ 50

  3   000 Serbes, ont quitté le territoire croate pour se rendre à Banja Luka ?

  4   Est-ce que vous avez vu ceci ? Etes-vous au courant de cela ?

  5   R.  Cela ne s'est pas passé d'un coup. Il y a eu des actes successifs des

  6   réfugiés. Et le chiffre, en ce qui me concerne, était plutôt celui de 5 000

  7   personnes en tout.

  8   Q.  Bien. Monsieur Krzic, dites-nous, faites-vous une distinction entre les

  9   habitants de la ville et les habitants des villages, des zones rurales ?

 10   D'après vous, s'agit-il du même type de personnes, de personnes du même

 11   rang, pour ainsi dire ?

 12   R.  Je dois dire que j'avais la même attitude à l'égard de tous, mais je

 13   dois dire également que je suis conscient qu'il y avait de grandes

 14   différences qui existaient et qui existent toujours et que je critique.

 15   Donc ces différences entre la population rurale et la population urbaine,

 16   la population urbaine étant habituée à cohabiter, à vivre ensemble, ce qui

 17   n'est pas le cas avec la population rurale, et je suis très critique à

 18   l'égard de ceci.

 19   Q.  Donc, d'après vous, il existe des différences traditionnelles,

 20   culturelles, sociologiques entre les populations urbaines et rurales,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et vous êtes d'accord avec moi pour dire que quand les populations

 24   rurales se rendent en ville et commencent à occuper les postes au sein des

 25   autorités, que ces personnes-là importent les coutumes rurales qui ont des

 26   conséquences sur la vie des habitants des villes, n'est-ce pas ?

 27   R.  C'est exact.

 28   Q.  Durant la guerre, dans les discours politiques, dans la propagande

Page 5194

  1   menée par les trois partis, il y avait beaucoup d'exagérations de chaque

  2   côté, chez les Serbes, chez les Croates, chez les Musulmans ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et chacun, à un moment donné, selon les circonstances, utilisait des

  5   expressions péjoratives en parlant de l'autre groupe ethnique, par exemple,

  6   les Serbes étaient traités de Chetniks par les non-Serbes ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et les Musulmans, on les traitait de balija ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et les Croates, on les traitait d'Oustachi ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Cela faisait partie du décorum du discours public à l'époque ?

 13   R.  Oui, en ce qui concerne Banja Luka, je peux dire que oui, que c'est

 14   exact.

 15   Q.  Vous, en tant qu'une personne éduquée, avez-vous utilisé des termes

 16   péjoratifs à l'égard des Serbes à l'époque ?

 17   R.  Dans des conversations privées, oui, mais officiellement, jamais. Puis

 18   si j'ai dit Chetnik pour un Serbe, c'était pour désigner un meurtrier,

 19   quelqu'un qui avait tué quelqu'un d'autre, ou qui se présentait comme tel.

 20   Mais je n'ai jamais traité des Serbes de Chetniks en public.

 21   Q.  Mais dans votre livre intitulé "Témoignage, crime et l'amour de

 22   Bosnie," dans ce livre-là, quasiment à chaque page nous pouvons voir le

 23   terme Chetnik et l'agression serbo-chetnik. Etes-vous d'accord avec moi ?

 24   R.  Oui, je suis d'accord, et je pense que mon utilisation du terme Chetnik

 25   est tout à fait compatible avec les explications que je viens de vous

 26   donner.

 27   Q.  Donc cela signifie aussi qu'en dehors de l'utilisation de ce terme dans

 28   des conversations privées, vous avez également qualifié les Serbes de

Page 5195

  1   Chetniks de manière publique, du moment où vous avez publié ce livre ?

  2   R.  Non, non. Je n'ai pas traité tous les Serbes de Chetniks. Cela ne

  3   concernait pas ceux qui se comportaient d'une manière humaine. Et j'ai

  4   souligné qu'il y avait également des Croates qui en étaient concernés.

  5   Q.  Bien. Vous êtes un intellectuel et diplomate, écrivain également, et il

  6   est vrai, j'imagine, que parfois on utilise des termes un peu exagérés dans

  7   votre jargon, surtout dans le jargon littéraire ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Dites-moi, avez-vous lu la déclaration islamique dont l'auteur est

 10   l'ex-président du SDA, Alija Izetbegovic ?

 11   R.  Je l'ai lue une fois, ou peut-être deux. Je ne l'ai pas,

 12   malheureusement. J'ai essayé de la relire pour me rafraîchir la mémoire,

 13   mais malheureusement, je n'ai pas pu trouver un exemplaire de cette

 14   déclaration.

 15   Q.  Nous n'allons pas parler des détails de cette déclaration. Mais votre

 16   attitude à l'égard de cette déclaration, elle est positive. Vous n'avez

 17   aucune objection concernant ce que M. Izetbegovic a écrit dans cette

 18   déclaration ?

 19   R.  Mon opinion est qu'écrire une déclaration ne devrait pas être considéré

 20   comme un crime.

 21   Q.  Oui, mais je parle des opinions avancées dans la déclaration islamique,

 22   est-ce que vous les partagez ?

 23   R.  Ecoutez, je me souviens très mal de sa teneur. Si je me souviens bien,

 24   il s'agit des opinions et des positions qui concernaient le monde islamique

 25   en dehors de la Bosnie également. Pour moi, en tant qu'homme pragmatique et

 26   pratique, cette déclaration n'avait aucune valeur pratique pour la Bosnie-

 27   Herzégovine et pour le peuple musulman de Bosnie à l'époque. Pour moi,

 28   c'est plutôt une œuvre de nature philosophique.

Page 5196

  1   Q.  Bien, peut-être que parfois les œuvres philosophiques peuvent avoir une

  2   valeur pratique aussi parce que, par exemple, une des positions avancées

  3   dans ce livre est qu'une coexistence entre l'Islam et d'autres religions

  4   n'est pas possible. Etes-vous d'accord avec ceci ?

  5    R.  Ecoutez, je ne suis pas d'accord, parce qu'une coexistence entre les

  6   Serbes et les autres existe et vous n'allez jamais trouver quoi que ce soit

  7   dans ce que j'ai fait indiquant que je partage cette opinion.

  8   Q.  Etes-vous d'accord que la plus grande partie de ce livre traite du

  9   devoir le plus important de chaque Musulman qui est de créer un Etat

 10   musulman et des institutions musulmanes et d'être majoritaires dans cet

 11   Etat ?

 12   R.  Ecoutez, pourquoi vous me posez des questions sur la déclaration ? Vous

 13   pouvez tout simplement me demander, êtes-vous d'accord avec telle ou telle

 14   opinion. Parce que j'ai traité de questions beaucoup plus importantes pour

 15   moi, telles que la situation de l'Islam entre l'occident et l'orient.

 16   Q.  Mais dites-nous, est-ce que vous êtes d'accord avec cette position ?

 17   R.  Non, absolument pas.

 18   Q.  Quand le SDA a été créé, si j'ai bien compris, le terme "action" a été

 19   utilisé comme quelque chose qui existait déjà dans la déclaration

 20   islamique, qui avait la connotation de lutte, à savoir les Musulmans

 21   devaient toujours lutter pour atteindre leurs objectifs. Donc cela

 22   présuppose des agissements offensifs ?

 23   Q.  Ecoutez, je dois rajouter quelque chose. L'auteur de ce nom était un

 24   musicien, Safet Isovic, qui était de gauche, peut-être pas communiste, mais

 25   bon. Et chez nous, le mot action est relié étroitement au travail. Vous

 26   vous souvenez des actions de la jeunesse pour le renouveau. Donc c'est un

 27   terme plutôt socialiste.

 28   Q.  Monsieur Krzic, dites-nous, s'il vous plaît, parlant de ceci, le

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  1   programme du SDA prévoyait-il l'Etat de Bosnie-Herzégovine en tant qu'un

  2   Etat de citoyens, un Etat séculaire, qui n'aurait pas de lien étroit avec

  3   les établissements religieux ?

  4   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr, mais je pense que c'était bien le cas,

  5   qu'on respecte les religions, mais que la religion est séparée de manière

  6   officielle de l'Etat. Donc je sais qu'on parlait du respect de la religion,

  7   mais il n'est absolument pas été question d'un Etat religieux.

  8   Q.  C'est quoi mahsuz sellam ?

  9   R.  C'est une salutation. Quand on dit mahsuz sellam, c'est une salutation

 10   spéciale très personnelle.

 11   Q.  Alors, on va épeler ça pour les besoins du compte rendu comme il se

 12   faut. M-a-k-h-s-o-u-s, S-e-l-a-m [comme interprété].

 13   Y a-t-il des Serbes parmi les membres du SDA ?

 14   R.  Au début, oui.

 15   Q.  Vous parlez de Banja Luka là ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  J'ai remarqué dans plusieurs documents que vous avez rédigés que dans

 18   la correspondance au sein du parti entre vous, en tant que président de la

 19   section du SDA de Banja Luka, et le comité central du SDA à Sarajevo, ainsi

 20   que dans les documents que vous avez rédigés en tant qu'envoyé de BH à New

 21   York auprès des Nations Unies, que vous finissiez vos courriers avec cette

 22   salutation, mahsuz

 23   sellam ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Je suppose - mais alors ce n'est qu'une supposition de ma part et vous

 26   pouvez me corriger si je me trompe - les membres du SDA, Serbes ou Croates,

 27   donc chrétiens, ils pouvaient sentir une certaine gêne en consultant ces

 28   courriers finissant par une salutation de nature religieuse ?

Page 5198

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Mais quand on regarde la Bosnie-Herzégovine qui devait être composée de

  3   trois peuples constitutifs et qu'on regarde cette mission de BH auprès des

  4   Nations Unies, parmi les diplomates, on devait respecter les trois peuples

  5   constitutifs, n'est-ce pas ?

  6   R.  Ecoutez, je n'étais pas diplomate et je respectais bien tout le monde.

  7   Cette salutation, pour nous, était une sorte de signe distinctif, ou

  8   plutôt, un signe de protestation. Parce qu'aujourd'hui, cette salutation

  9   est utilisée surtout dans les courriers privés, pas aujourd'hui, mais bien

 10   depuis un moment. Vous pouvez le voir, par exemple, à Sarajevo,

 11   aujourd'hui, on utilise tout le temps la salutation ciao. On dit ciao,

 12   alors que c'est un mot italien.

 13   Q.  Vous parlez de Sarajevo. Compte tenu du fait que vous êtes propriétaire

 14   d'une maison à Banja Luka, dites-nous, êtes-vous propriétaire d'un logement

 15   à Sarajevo ?

 16   R.  Oui, j'ai un logement à Sarajevo.

 17   Q.  Mais c'est l'Etat qui vous a attribué un logement ?

 18   R.  Non, je l'ai racheté à l'Etat, et j'ai vendu ma maison à Banja Luka.

 19   Q.  Mais à qui appartenait l'appartement de Sarajevo avant que vous le

 20   rachetiez ? Qui était son propriétaire ?

 21   R.  Ecoutez, je ne vais pas aborder cette question-là. Vous pouvez le dire

 22   vous-même si vous le savez, mais si vous le voulez, je peux répondre.

 23   Q.  Répondez.

 24   R.  C'était un deuxième appartement d'une personne, et comme elle avait

 25   déjà un appartement, elle a été obligée d'abandonner celui-ci.

 26   Q.  Cette personne était d'appartenance ethnique serbe ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Monsieur Krzic, vous êtes un homme intelligent, un intellectuel. Je

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  1   suis sûr que vous conviendrez pour dire que les événements malheureux

  2   durant la guerre en Bosnie-Herzégovine ont conduit à des migrations très

  3   importantes de la population ayant pour résultat qu'un très petit nombre de

  4   Serbes habitent encore la ville de Sarajevo ?

  5   R.  Oui, mais je ne dispose pas de chiffres exacts, mais je suppose que

  6   leur nombre est considérablement réduit.

  7   Q.  Il n'y a quasiment plus de Serbes à Sanski Most, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je le crois, mais je ne peux que le supposer.

  9   Q.  Donc d'une manière générale, il y a eu des mouvements des populations

 10   lors desquels --

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Pantelic, écoutez, durant la

 12   première phase de votre contre-interrogatoire, nous nous sommes bien

 13   éloignés de ce qui nous concerne ici. J'aimerais bien que vous vous

 14   décidiez à un moment ou l'autre de passer au vif du sujet.

 15   M. PANTELIC : [interprétation] D'accord. D'accord.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, donc vous êtes d'accord pour dire qu'un très grand

 17   nombre de Serbes est parti en Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et vous, vous êtes conscient du fait que l'existence de la Republika

 20   Srpska est une réalité, qu'elle est un élément constitutif de l'entité de

 21   Bosnie-Herzégovine ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et vous êtes conscient du fait que l'autorité de cet Etat est définie

 24   par les accords internationaux, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Bien. Vous allez également être d'accord avec moi pour dire que durant

 27   la guerre, entre 1992 et 1995, un très grand nombre de camps se trouvaient

 28   sur le territoire contrôlé par les forces musulmanes où des Serbes étaient

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  1   détenus ainsi qu'un certain nombre de Croates ?

  2   R.  Ecoutez, je ne les ai jamais vus. J'en ai entendu parler, je ne dispose

  3   d'aucune information à cet effet, mais je suis d'accord pour dire que des

  4   personnes ont été détenues.

  5   Q.  Bien. S'agissant de Banja Luka, si je ne m'abuse, en répondant à une

  6   question de mon confrère, vous avez déclaré qu'une initiative du SDA avait

  7   été lancée pour la création d'une nouvelle municipalité sur le territoire

  8   de la municipalité de Banja Luka ?

  9   R.  Mais ce n'était pas l'initiative seulement du SDA, mais de tous les

 10   partis à l'exception du SDS.

 11   Q.  Et l'objectif en a été - c'est ce que vous avez écrit dans votre livre

 12   - que sur la base du recensement, il fallait créer ces municipalités, et

 13   que l'ancienne municipalité de Banja Luka devait être divisée en six

 14   municipalités distinctes, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16    Q.  Il s'agissait des municipalités de Stari Grad, Novi Grad, Budzak,

 17   Bronzani Majdan, Krupa na Vrbasu, et Ivanjska, donc ces quartiers ou ces

 18   villages devaient devenir des municipalités ?

 19   R.  Oui, j'ai fait une erreur hier, je crois que j'ai parlé de Stricici,

 20   mais en fait, je me suis trompé.

 21   Q.  Bien. Donc vous dites qu'à l'origine de cette initiative était le désir

 22   de créer des municipalités où les Serbes n'auraient pas la majorité. C'est

 23   ce qui est dit dans votre livre ?

 24   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas. Je devrais examiner cette question pour

 25   vous fournir une réponse ou vous devriez me donner la page de mon livre où

 26   cela figure. Mais de manière générale, il n'y avait aucune municipalité, en

 27   dehors peut-être d'une seule où il pouvait y avoir une majorité bosniaque,

 28   des Musulmans de Bosnie.

Page 5201

  1   Q.  Bien. Et dans votre déclaration, il est indiqué que vous êtes un des

  2   fondateurs du SDA de Banja Luka, et qu'en septembre 1991 -- en fait, quelle

  3   était votre fonction au sein du SDA de Banja Luka, en 1991 ?

  4   R.  J'étais d'abord le secrétaire du parti, après je suis devenu son

  5   président.

  6   Q.  Mais en septembre 1991 ?

  7   R.  J'étais le vice-président du SDA.

  8   Q.  Et vous avez participé dans les discussions entre les partis et dans la

  9   prise de toutes les décisions.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Nous allons maintenant étudier un document émanant de votre branche du

 12   SDA.

 13   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document 1D1.

 14   Donc c'est la pièce 1D1. Nous avons la version B/C/S également et la

 15   version en anglais.

 16   Q.  La copie n'est pas très lisible, mais j'attire votre attention sur la

 17   chose suivante : tout d'abord, vous connaissez ce document, il émane de la

 18   branche municipale, n'est-ce pas, vous pouvez le voir d'après le sceau qui

 19   figure vers le bas. Et d'ailleurs, vous avez mentionné cette initiative

 20   dans votre livre. C'est un document qui émane du SDA, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, il semblerait, mais je ne me souviens pas de ce document. Excusez-

 22   moi, je n'ai pas eu le temps de l'examiner. Je suis en train de lire la

 23   version en anglais parce que la version B/C/S est illisible.

 24   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que l'on fasse un agrandissement

 25   sur la version en B/C/S, c'est le deuxième paragraphe qui m'intéresse. Le

 26   deuxième paragraphe de la version en B/C/S, un agrandissement, s'il vous

 27   plaît.

 28   Q.  Je vous aiderai. L'on fait état du fait que la municipalité de Banja

Page 5202

  1   Luka est une des plus grandes municipalités en Yougoslavie, qu'elle ne

  2   fonctionne pas bien, et qu'il y avait plusieurs initiatives afin de la

  3   diviser. Ce qui est important pour moi dans ce document est la chose

  4   suivante : le motif principal, Monsieur Krzic, est le suivant, dans la

  5   dernière phrase : "Dans un tel environnement, les Musulmans ont un avantage

  6   par rapport aux Serbes, entre parenthèses, il est dit 38 %, 36 %, tandis

  7   qu'ensemble avec les autres groupes ethniques, ils représentent deux tiers

  8   de la majorité, à savoir 64 %." Le voyez-vous ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Donc votre parti, le SDA, voulait créer des municipalités où les non-

 11   Serbes allaient être en majorité. Est-ce que c'est ce qui émane de ce

 12   document; oui ou non ?

 13   R.  Je pense que vous avez tiré une bonne conclusion, mais je n'accepte pas

 14   lorsque vous parlez des non-Serbes, à condition que ce document soit

 15   authentique.

 16   Q.  Cette procédure avait pour objectif de créer des municipalités où les

 17   Musulmans, avec d'autres nationalités, allaient avoir la majorité, une

 18   majorité de 64 %, n'est-ce pas ?

 19   R.  Vous donnez lecture de la dernière phrase. Il faut la situer dans son

 20   contexte. Il faut examiner le paragraphe dans son intégralité.

 21   Q.  Mais alors, comment vous comprenez cette phrase ?

 22   R.  Je veux dire qu'il y a des justifications d'ordre économique, et étant

 23   donné que la situation politique était telle qu'elle était, nous le savons

 24   par le truchement d'autres sources, vous savez, les Serbes n'attendaient

 25   qu'une chose, à savoir d'avoir une influence tant bien que mal sur le

 26   pouvoir local, et c'était justement une occasion qu'ils voulaient saisir.

 27   Et si l'on avait agi comme il fallait, on aurait eu la paix et on n'aurait

 28   pas eu les confrontations et les conflits qu'on a eus par la suite.

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  1   Q.  Je réitère que ma position est la suivante : le SDA souhaitait créer

  2   plusieurs municipalités où les non-Serbes allaient être en majorité à

  3   partir de la municipalité de Banja Luka afin de pouvoir former un

  4   gouvernement et exercer son pouvoir de manière plus efficace. Oui ou non ?

  5   R.  Oui.

  6   M. PANTELIC : [interprétation] Passons maintenant à un autre document. Il

  7   s'agit de 1D4.

  8   Q.  C'est un projet de décision statutaire portant sur l'organisation de la

  9   municipalité de Banja Luka. Connaissez-vous ce document, Monsieur Krzic ?

 10   R.  Je ne peux pas dire que je le connais, parce que je ne le possède pas.

 11   Je ne me souviens pas l'avoir vu.

 12   Q.  Monsieur, nous avons reçu un certain nombre de documents de la part de

 13   l'Accusation. Ma question est la suivante : lors de vos réunions au sein du

 14   parti, est-ce que vous avez parlé de la décision statutaire portant sur la

 15   création de la municipalité Stari Grad à Banja Luka ?

 16   R.  Je ne me souviens pas avoir participé à ce genre de discussion.

 17   Q.  D'accord. Passons maintenant à un autre sujet. L'un des objectifs de

 18   votre travail à Banja Luka - et vous en avez parlé dans votre livre et

 19   votre déclaration du travail que vous avez effectué en secret - donc vous

 20   souhaitiez que les forces internationales soient stationnées, déployées à

 21   Banja Luka, n'est-ce pas ?

 22   R.  C'étaient des souhaits. Nous n'avions pas d'autres objectifs, si ce

 23   n'est d'informer les gens quelle était la situation.

 24   Q.  Mais attendez un instant. Vos souhaits se sont réalisés en fin de

 25   compte. Mais l'un des objectifs, également, était d'attirer l'attention des

 26   médias vers Banja Luka et Bosanska Krajina, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et l'un de vos objectifs, s'agissant de votre travail exercé en secret

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  1   et publiquement, était de créer une équipe professionnelle de personnes qui

  2   allaient surveiller la situation en Bosanska Krajina ?

  3   R.  Vous dites qu'il s'agissait d'une équipe. Moi, je dirais que c'était un

  4   groupe.

  5   Q.  D'accord, un groupe. Etait-ce le cas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et l'un des objectifs était d'empêcher que les Serbes s'installent à

  8   Banja Luka ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce que vous souhaitiez également que l'on exerce de manière

 11   continue la pression militaire sur l'axe Vlasic-Kupres, et par ailleurs ?

 12   R.  Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'était mon objectif.

 13   C'était des souhaits.

 14   Q.  Mais ce qui m'intéresse, se sont vos souhaits personnels. Laissons

 15   tomber la population générale.

 16   R.  J'aurais aimé que la Bosnie --

 17   Q.  Attendez, attendez. Un instant. Soyez précis. Votre souhait était

 18   d'exercer la pression militaire sur la ligne Vlasic-Jajce-Kupres et

 19   Travnik-Vevcici-Kotor Varos, n'est-ce pas ?

 20   R.  L'objectif, c'est une chose, et les souhaits intimes, c'est une autre

 21   chose. Si l'on parle des souhaits intimes, je ne vois pas pourquoi on en

 22   parlerait maintenant.

 23   Q.  Ce n'était pas uniquement des souhaits intimes. On en parlera par la

 24   suite. Etait-ce l'un de vos objectifs ou souhaits intimes que l'on

 25   surveille les personnalités proéminentes du SDS dans plusieurs villes ?

 26   Etait-ce votre souhait ?

 27   R.  Je ne m'en souviens pas.

 28   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant -

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  1   cela figure dans le système du prétoire électronique - c'est la pièce 2D05-

  2   0047.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Pantelic, en attendant que le

  4   document soit affiché, dire que le travail ou les activités du témoin

  5   étaient en secret, dites-moi, est-ce vous qui dites que c'était un travail

  6   en secret ou bien c'est le témoin qui l'a dit ? L'avez-vous trouvé dans ce

  7   livre quelque part ou c'est vous qui le qualifiez de tel ?

  8   M. PANTELIC : [interprétation] La réponse est sous nos yeux. J'aimerais que

  9   l'on affiche la dernière page de ce document, s'il vous plaît.

 10   Q.  Monsieur Krzic, vers le bas de la page, dites-nous, est-ce votre

 11   signature, Muharem Krzic, président du comité exécutif du SDA ?

 12   R.  Oui, je pense que c'est ma signature. Oui, oui, oui. C'est ma

 13   signature, oui.

 14   Q.  D'accord. Et dans le cadre de cette correspondance entre les partis, je

 15   vois qu'il y a cette salutation à mahzus sellam, dont on a parlé tout à

 16   l'heure, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Mais n'oubliez pas de dire que je dis également [inaudible] en

 18   B/C/S.

 19   Q.  D'accord. Je vous prie de donner lecture de ce qui figure au premier

 20   point.

 21   R.  Puis-je apporter un commentaire ?

 22   Q.  Non, ce serait au Procureur de le faire.

 23   R.  Alors, c'est à vous de donner lecture de ce premier point.

 24   Q.  D'accord, cela ne pose pas problème. Au point 1, il est dit, n'est-ce

 25   pas :

 26   "Déployer de manière urgente les forces internationales à Banja

 27   Luka". Oui ou non ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Point 2 : "Attirer l'attention des médias vers Banja Luka et la

  2   Bosanska-Krajina."

  3   R.  Oui. Et vous pouvez donner lecture de tous les points. Je pourrais vous

  4   confirmer tout ce qui y figure.

  5   Q.  Au point 3 : "Etablir une équipe de professionnels pour surveiller la

  6   situation en Bosanska-Krajina."

  7   R.  Oui.

  8   Q.  4 : "Empêcher toute forme d'installation des Serbes à Banja Luka."

  9   R.  Oui.

 10   Q.  "Exercer une pression militaire sur l'axe Vlasic-Jajse-Kupres et

 11   Travnik-Vecici-Kotor Varos."

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Et au point 6 : "Surveiller les membres proéminents du SDS dans l'une

 14   des villes, en tant que garantie de notre sécurité." Oui ou non ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci, Monsieur Krzic.

 17   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que ce document soit enregistré,

 18   versé au dossier.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il sera versé et enregistré.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 2D31.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et quelle était la date figurant sur

 22   ce document ?

 23   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la première

 24   page, s'il vous plaît.

 25   La date est le 11 octobre 1992.

 26   Q.  Monsieur Krzic --

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Pantelic, excusez-moi, mais je

 28   n'ai pas obtenu la réponse à ma question, je ne l'ai pas vue dans ce que

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  1   nous avons vu. Vous avez dit qu'on allait avoir la réponse à ma question

  2   dans le document précédent.

  3   M. PANTELIC : [interprétation] Je vous ai peut-être mal compris. Je lui ai

  4   demandé de confirmer les mesures qui étaient --

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais ma question étant la

  6   suivante, elle portait sur le début de ce groupe de questions. Lorsque vous

  7   avez parlé de ses activités en secret, vous avez dit que c'étaient des

  8   activités clandestines, secrètes. Je vous ai demandé si c'était vous qui

  9   les avait qualifiées de telles ou bien si le témoin dans ce livre avait

 10   qualifié son travail de tel ?

 11   M. PANTELIC : [interprétation] Je vais le préciser. Pour établir les bases

 12   de mes questions, je vais poser tout de suite une question portant sur ce

 13   sujet.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez entendu la question posée par le Juge

 15   Delvoie. Vous conviendrez que sur la base de toutes vos déclarations et

 16   votre livre, j'ai conclu que vous avez mené une activité secrète à Banja

 17   Luka ?

 18   R.  Partiellement, oui.

 19   Q.  Cette activité portait sur les contacts avec les représentants

 20   internationaux de la communauté internationale, avec les ambassades, et

 21   cetera ?

 22   R.  Mais ce n'était pas fait en secret.

 23   Q.  Dans le cadre de ces activités, vous avez employé les chiffres et

 24   d'autres choses, n'est-ce pas ?

 25   R.  Non, s'agissant de ces institutions que vous avez mentionnées. Je les

 26   ai employés uniquement en contactant d'autres membres du comité exécutif.

 27   Q.  Soyons clairs. Vous avez disposé d'un groupe qui, de manière secrète,

 28   obtenait les renseignements portant sur l'armée de la Republika Srpska, sur

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  1   le déploiement de ses unités, et cetera ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Dans votre groupe, vous avez employé les noms chiffrés, n'est-ce pas ?

  4   R.  Non, c'était le cas uniquement s'agissant de la correspondance entre

  5   une seule personne et moi.

  6   Q.  Mais vous étiez le cerveau de tout ce groupe, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Non, je n'étais pas le cerveau à la tête de ce groupe. Les activités

  9   étaient faites de manière spontanée. On essayait de me transmettre les

 10   informations en pensant que j'allais les transmettre à l'étranger.

 11   Q.  Mais vous étiez le chef de ce groupe de renseignement, n'est-ce pas ?

 12   R.  Si vous le dites ainsi, oui.

 13   Q.  Et votre code était Torry, T-o-r-r-y ?

 14   R.  Ce n'est que vers la fin de l'année 1992 que j'ai commencé à employer

 15   le nom de Tory, et j'ai écrit là-dessus dans mon livre. J'espérais me

 16   protéger ainsi. S'agissant d'autres personnes, je l'ignore.

 17   Q.  Le nom chiffré pour les armes était le terme de "branche," n'est-ce pas

 18   ?

 19   R.  Je l'ignore. Ce type de correspondance n'existait qu'entre un autre

 20   membre et moi.

 21   Q.  Lorsque vous parliez de danger, vous parliez de "chaleur," n'est-ce pas

 22   ?

 23   R.  Je l'ignore. Je vois que vous avez des informations provenant de la

 24   police qui avait interrogé les membres de ce groupe. Mais je ne sais pas ce

 25   qu'ils avaient dit à la police.

 26   Q.  Pour vous dire toute la vérité, tout cela figure dans vos déclarations,

 27   et nous en parlerons par la suite. Vous n'avez pas besoin de vous défendre

 28   à ce sujet. De toute façon, vous avez été jugé devant une instance

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  1   pertinente à cause de ces activités. Mais passons maintenant à un meeting

  2   organisé par le SDA à Banja Luka, cela s'est passé, si je ne m'abuse, le 20

  3   avril 1991. Est-ce que vous vous souvenez de ce meeting ?

  4   R.  Bien sûr que je me souviens de ce meeting, mais il faudrait que je

  5   consulte mes notes pour pouvoir confirmer que c'est effectivement à cette

  6   date, mais j'accepte ce que vous avez avancé.

  7   Q.  C'est ce qui figure dans votre livre.

  8   R.  Dans ce cas-là, c'est probablement le cas.

  9   Q.  Vous dites que les personnalités du monde musulman de Bosanska Krajina

 10   ont osé se rendre en plein milieu du QG des Chetniks. C'est ainsi que vous

 11   appeliez l'hôtel --

 12   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un nom péjoratif qu'on donnait à cet

 14   hôtel.

 15   M. PANTELIC : [interprétation]

 16   Q.  Le président du SDA, M. Izetbegovic, a dit lors de ce meeting, la chose

 17   suivante :

 18   "Nous voulons dire à nos voisins que nous allons partager le bien et le mal

 19   avec eux, mais nous n'allons plus baisser la tête en marchant, nous

 20   n'allons plus accepter d'être citoyens de seconde zone. Nous acceptons de

 21   construire ensemble notre Etat commun." Est-ce que vous acceptez que

 22   c'étaient les paroles prononcées par le président Izetbegovic ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Comment interprétez-vous ces paroles ? D'après vos réponses, je n'ai

 25   pas compris que vous pensiez que les Musulmans étaient citoyens de seconde

 26   zone en Bosnie-Herzégovine. En 1991, qui était la personne qui remettait en

 27   cause les intérêts des Musulmans de Bosnie ?

 28   R.  A mon avis, cela avait plutôt trait au contexte historique des

Page 5211

  1   événements. Pourquoi ? Parce que les Musulmans de Bosnie, en tant que

  2   peuple, n'avaient pas été reconnus malheureusement en ex-Yougoslavie. Ils

  3   pouvaient se déclarer Musulmans, mais ce n'était pas ainsi qu'on

  4   s'appelait, et je pense que cela avait trait à cela.

  5   Q.  D'accord. Et par la suite, vous dites que le message commun qu'il

  6   fallait avoir une Bosnie-Herzégovine unie sans que les entités homogènes

  7   nationales soient créées, et il est dit par la suite que la Bosnie n'allait

  8   pas être divisée sans qu'il y ait un bain de sang ?

  9   R.  Je pense qu'effectivement il l'avait dit.

 10   Q.  Comment avez-vous compris lorsqu'il parle du bain de sang ? A votre

 11   avis, était-ce un discours pacifique ou bien qui voulait inciter les gens

 12   de manière négative ?

 13   R.  Vous savez, je me souviens que de manière générale ce discours a été

 14   très bien accueilli. Il y a eu un grand nombre de Serbes qui étaient

 15   présents à ce meeting, le discours a été très applaudi, et dans la deuxième

 16   partie du discours, où M. Izetbegovic parle d'un Etat commun, ensuite M.

 17   Abdic a parlé également, il a parlé du domaine économique, de la situation

 18   économique en Bosanska Krajina.

 19   La Bosnie est comme la peau de léopard, comme disait M. Izetbegovic. Hier

 20   nous avons pu voir un film où l'on parlait des territoires qui

 21   appartenaient exclusivement à une seule nationalité. Vous savez, de tels

 22   discours ne pouvaient dire qu'une chose, qu'on voulait faire la guerre, et

 23   je pense que ce qu'a dit M. Izetbegovic s'est avéré vrai par la suite,

 24   compte tenu des événements survenus.

 25   Q.  Et en 1991, les formations militaires ont été créées, à savoir la Ligue

 26   patriotique a été créée, n'est-ce pas ?

 27   R.  J'ignore quelle était la date.

 28   Q.  Mais le fait est que ces formations militaires ont été créées ?

Page 5212

  1   R.  Peut-être que c'était juste une lettre morte sur un papier, parce que,

  2   vous savez, nous avons demandé des médicaments et les ressources médicales

  3   au cas où il y aurait des blessés. Mais de toute façon, je n'étais pas

  4   informé de tout ça, même si j'étais, de manière permanente, positionné à

  5   Banja Luka à l'époque.

  6   Q.  D'accord. Mais vous avez dit que vous vouliez effectivement créer six

  7   municipalités à partir de la municipalité de Banja Luka où les Serbes

  8   n'allaient pas être en majorité. N'est-ce pas que cela est conforme à ce

  9   que disait M. Izetbegovic dans ce discours ?

 10   R.  Mais vous oubliez de mentionner la création de l'ARK sous le contrôle

 11   exclusif serbe, puis la SAO Krajina également sous le contrôle exclusif

 12   serbe, et cetera.

 13   Q.  Un instant. Vous avez dit que votre initiative était de créer des

 14   municipalités où les non-Serbes allaient être en majorité, que c'était

 15   votre objectif. C'est consigné au compte rendu d'audience. Attendez. Et je

 16   vous pose la question suivante : n'est-ce pas contradictoire, n'est-ce pas,

 17   à l'opposé de ce que disait M. Izetbegovic dans son discours ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  D'accord. Passons à un autre sujet. Très souvent, dans vos déclarations

 20   et dans vos ouvrages, vous employez le terme -- autrement dit, vous dites

 21   que Banja Luka était un camp de concentration, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous dites cela pour avoir un langage très littéraire ou

 24   bien vous voulez effectivement dire que Banja Luka était comme camp de

 25   concentration bel et bien ? Convenez-vous qu'un camp de concentration,

 26   d'après mes connaissances, compte tenu de l'histoire tragique de la

 27   Deuxième Guerre mondiale, un camp de concentration devrait avoir des

 28   militaires qui le gardent et que les gens devaient être tués ? Quel est le

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  1   camp de concentration dont vous parlez alors que les avions s'envolaient de

  2   Banja Luka, les cars pouvaient circuler librement, les trains, les

  3   représentants de la communauté internationale s'y rendaient ?

  4   Effectivement, la vie n'était pas facile, le front n'était pas loin, mais

  5   la vie continuait. Donc vous ne trouvez pas que dire que Banja Luka était

  6   un camp de concentration est exagéré de votre part; oui ou non ?

  7   R.  Je voulais vous rappeler --

  8   Q.  Non, non, attendez. C'est un contre-interrogatoire que je suis en train

  9   de mener. N'avez-vous pas exagéré en le disant ?

 10   R.  Je suis d'accord avec vous lorsque vous parlez de la Seconde Guerre

 11   mondiale. Et le ghetto de Varsovie n'était pas un ghetto au départ.

 12   Q.  Monsieur Krzic, attendez, c'est un contre-interrogatoire que je suis en

 13   train de mener. Attendez. Je vous demande, sur la base de tout ce que je

 14   viens de dire, si vous seriez d'accord maintenant pour corriger ce que vous

 15   avez dit ? Est-ce que vous diriez maintenant que votre estimation de la

 16   situation de Banja Luka est un peu libérale, disons ? Est-ce que vous

 17   changez votre position ?

 18   R.  Est-ce que j'ai le droit de dire de quelles dates il s'agit, en ce qui

 19   concerne 1992 et 1993, je maintiens ce que j'ai dit.

 20   Q.  Lorsque vous avez parlé du génocide, connaissez-vous la définition

 21   juridique du génocide ? Est-ce que vous avez la formation juridique

 22   nécessaire pour vous permettre de savoir de quoi il

 23   s'agit ?

 24   R.  Je pourrais donner une explication, mais ça prendrait trop de temps, et

 25   ce n'est pas nécessaire.

 26   Q.  Est-ce exact que dans vos livres et dans vos déclarations vous exagérez

 27   certains événements dans l'intérêt de la propagande, c'est pour cela que

 28   vous parlez de génocide et de camps de concentration, extermination, et

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  1   cetera ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Vous le faites pour des raisons de propagande, pour attirer l'attention

  4   de la communauté internationale, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, j'ai des preuves pour corroborer tout ce que j'ai dit.

  6   Q.  Mais il ne s'agit pas de preuves juridiques, ce sont vos propres

  7   évaluations, n'est-ce pas ?

  8   R.  Mais cela comporte aussi des preuves juridiques.

  9   Q.  Je souhaite définir quelque chose à ce stade : dans vos déclarations et

 10   dans votre livre, vous dites que vous avez été arrêté par des soldats, vous

 11   avez été amené au bâtiment du CSB à Banja Luka, et ensuite, à Mali Logor, à

 12   Banja Luka. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pour le compte rendu d'audience et aussi dans l'intérêt de ce procès,

 15   je vous demande si vous êtes d'accord que tout ceci s'est passé en

 16   septembre 1993 ?

 17   R.  Je ne suis pas complètement concentré, donc je ne me rappelle pas si

 18   c'est septembre ou octobre, mais je pense que c'était le 11 septembre.

 19   Q.  Quelle année ?

 20   R.  En 1993.

 21   Q.  Lors d'une action militaire en septembre 1993, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Ceci est très important pour moi, car tous les événements sont en

 25   dehors de la période couverte par l'acte d'accusation, donc on ne va pas y

 26   passer trop de temps.

 27   Maintenant, passons à Banja Luka, précisons un certain nombre de choses.

 28   Premièrement, dans vos déclarations, vous dites que le SDA -- disons que le

Page 5215

  1   parti n'était pas satisfait de la vie politique et que le SDA a quitté

  2   l'assemblée de Banja Luka, n'est-ce pas ?

  3   R.  Pour protester.

  4   Q.  Pour protester, oui. Et la raison de la protestation était  liée au

  5   fait que des 117 membres de l'assemblée, 68 avaient voté en faveur, donc

  6   une majorité, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, mais c'est un majorité simple, il fallait la majorité des deux

  8   tiers.

  9   Q.  Attendez, attendez, nous procédons étapes par étapes, nous allons tout

 10   préciser. Vous dites qu'à ce moment-là le SDS a constitué la majorité,

 11   parce qu'ils ont pu récupérer des votes d'autres parties, n'est-ce pas ?

 12   Qui est-ce que j'ai à l'esprit, les communistes un des membres de

 13   l'ancienne assemblée musulmane, M. Emir Busatlic. C'est ce que vous dites

 14   dans votre livre ?

 15   R.  Non, pas pour cette raison-là.

 16   Q.  Le SDS, quelles que soient les parties, a pris une décision majoritaire

 17   en ce qui concerne l'association des communautés -- ou plutôt, des

 18   municipalités de la Krajina de Bosnie. C'était en mai 1991, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, les décisions ont été prises.

 20   Q.  Et pour protester, le SDA est parti, n'est-ce pas ?

 21   R.  Parce que les procédures n'étaient pas légales.

 22   Q.  Excellent. Dites-moi maintenant quelle est votre avis personnel.

 23   Qu'est-ce qui se passait et comment est-ce que vous évaluez ce qui s'est

 24   passé dans la nuit du 14 au 15 octobre 1991 à l'assemblée de la République

 25   de Bosnie-Herzégovine, lorsque les intérêts vitaux des représentants du

 26   peuple serbe ont été mis en danger et parce que les Serbes étaient en

 27   minorité par rapport aux Musulmans et Croates. Dites-moi, est-ce que

 28   c'était une menace pour l'ordre constitutionnel ?

Page 5216

  1   R.  Je ne sais pas quelle était la constitution en vigueur à l'époque et je

  2   ne connais pas les règlements antérieurs en vigueur à l'époque dans le

  3   parlement de la Bosnie-Herzégovine.

  4   Q.  Oui, mais vous vous souvenez que cela a provoqué une crise grave qui a

  5   déclenché un certain nombre d'événements ?

  6   R.  Oui, oui, je m'en souviens, je me rappelle lorsque les représentants

  7   des Serbes ont quitté le parlement.

  8   Q.  En ce qui concerne vos contacts à Banja Luka, est-ce que vous avez eu

  9   l'occasion d'apprendre que le mobile principal était le non-respect de la

 10   constitution en ce qui concerne le fait qu'il y avait une majorité contre

 11   les représentants serbes ?

 12   R.  Probablement j'en avais entendu parler, mais je ne l'avais pas compris

 13   de cette façon-là, parce que je ne connaissais pas la situation juridique

 14   ni le règlement antérieur.

 15   Q.  Nous parlons maintenant de l'établissement de la Republika Srpska, et

 16   vous savez que ça a été fait suite à un vote plébiscite en janvier 1992,

 17   donc vous êtes au courant ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et la constitution a été adoptée par la Republika Srpska, la

 20   législation a été mise en place, et un gouvernement a été mis sur pied peu

 21   de temps après, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  La Republika Srpska et l'autre partie de la Bosnie-Herzégovine, l'autre

 24   partie s'appelant par la suite la Fédération de Bosnie-Herzégovine, n'est-

 25   ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  La fédération était constituée des représentants de Croates et de

 28   Musulmans, n'est-ce pas ?

Page 5217

  1   R.  Et Serbes.

  2   Q.  Et Serbes. Là, je parle du territoire. Les lois de l'ancienne

  3   Yougoslavie s'appliquaient aux deux entités, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Autant que je le sache, mais, Monsieur, ce sont des questions qu'il

  6   faudrait poser à un expert juridique. Je suis tout à fait disposé à y

  7   répondre, mais d'après mes souvenirs la constitution a été adoptée, ce qui

  8   voulait dire que les lois de l'ancienne république devraient être reprises,

  9   sauf s'il y avait une contradiction par rapport aux nouvelles lois et les

 10   règlements.

 11   Q.  C'est ce que je veux dire.

 12   R.  Oui, mais je ne suis pas un expert juridique.

 13   Q.  Oui, bien sûr. Savez-vous qu'à l'époque d'Ante Markovic dans l'ex-

 14   Yougoslavie il y a eu des changements en ce qui concerne la structure des

 15   biens et beaucoup de sociétés privées ont été créées, il y avait une

 16   véritable expansion économique. Le savez-vous ?

 17   R.  C'est ce qu'on disait.

 18   Q.  Vous avez travaillé à Zagreb pour Pliva. Savez-vous que certains biens

 19   ont été transformés en sociétés anonymes. Vous le savez ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et puisque vous n'êtes pas juriste, comme vous dites, vous ne pouvez

 22   pas dire combien de sociétés privées existaient sur le territoire de Banja

 23   Luka, et combien de cas de transformation de biens il y a eu, n'est-ce pas

 24   ? Je le dis pour le compte rendu d'audience, vous n'êtes pas expert

 25   juridique et vous n'avez pas d'information précise en ce qui concerne les

 26   structures économiques de Banja Luka à l'époque dont vous parlez dans votre

 27   témoignage ?

 28   R.  J'avais dit que d'après mon évaluation -- enfin, que ma propre

Page 5218

  1   évaluation était approximative.

  2   Q.  C'est l'évaluation d'un béotien, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Comme votre évaluation des mécanismes liés à l'acquisition de biens

  5   immobiliers, et cetera ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je ne sais pas si vous le savez, mais en 1992 dans la police, dans les

  8   forces militaires, au sein de la fonction publique, dans le système de

  9   santé, il y avait beaucoup d'experts et de cadres et de dirigeants non-

 10   Serbes, et c'étaient des citoyens fidèles à la Republika Srpska. Le saviez-

 11   vous ?

 12   R.  Oui, mais je ne sais pas combien ils étaient.

 13   Q.  Savez-vous qu'à l'époque et pendant toute la durée de la guerre -- je

 14   m'excuse en ce qui concerne cette remarque, nous allons en traiter dans la

 15   présentation de la Défense, mais je dois préciser un certain nombre de

 16   choses avec vous ici. Savez-vous que le Dr Ivor Komljenovic, un Croate, en

 17   1992 et pendant toute la durée de la guerre, était responsable du service

 18   de dialyse de l'hôpital de Banja Luka ?

 19   R.  Oui, je crois que c'était bien lui.

 20   Q.  Savez-vous qu'un membre proéminent du gouvernement de la Republika

 21   Srpska, après la guerre, était le Dr Ivor Komljenovic qui était ministre de

 22   la Santé ?

 23   R.  Oui, je le sais.

 24   Q.  Savez-vous qu'en 1992 jusqu'à la fin du mois de juin ou peut-être

 25   juillet 1992, Banja Luka a été encerclée et complètement coupée du point de

 26   vue militaire ?

 27   R.  Vous parlez du fait que les moyens de communication aux alentours de

 28   Brcko ont été perturbés ?

Page 5219

  1   Q.  Oui.

  2   R.  Oui, oui, je crois m'en souvenir.

  3   Q.  Jusqu'au milieu de 1992, Banja Luka a été encerclée par des forces

  4   croates au nord, n'est-ce pas ?

  5   R.  Si je dois parler de cela, je dois aussi parler du Knin Krajina --

  6   Q.  Mais je n'essaye pas de vous piéger, Monsieur le Témoin. Les forces

  7   croates ont été stationnées au nord, donc vous ne pouviez pas traverser la

  8   Croatie. A l'ouest il y avait les forces de l'ABiH, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Au sud, Travnik et ce que vous avez mentionné, il y avait aussi l'ABiH,

 11   mais aussi les forces du HVO, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Le corridor à l'est a été coupé partiellement par les forces du HVO au

 14   Posavina et partiellement par les forces de l'ABiH à partir de Doboj ver

 15   Brod, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Donc, à l'époque, Banja Luka était complètement isolée ?

 18   R.  Autant que je le sache, cependant il y avait des routes ouvertes pour

 19   l'approvisionnement en pétrole, médicaments, et cetera. Je ne sais pas si

 20   vous le savez.

 21   Q.  Je parle de la situation générale.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous sommes arrivés au moment de la

 23   suspension d'audience publique.

 24   M. PANTELIC : [interprétation] Excusez-moi, je ne faisais pas attention.

 25   Merci.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 05.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

Page 5220

  1   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, en attendant l'arrivée

  2   du témoin, j'aimerais soulever une question avec vous. Le prochain témoin

  3   est retourné à son hôtel, parce qu'il semblerait qu'il n'y ait pas

  4   suffisamment de temps pour commencer sa déposition aujourd'hui. Donc je

  5   voulais vous en informer pour savoir si jamais vous pensez que, par

  6   exemple, Me Pantelic n'a que 15 minutes de questions et encore cinq minutes

  7   pour M. Olmsted, et à ce moment-là, je pourrais appeler le témoin. Il

  8   pourrait revenir; sinon, il viendra demain.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis. En attendant

 10   l'arrivée du témoin, je vais vous dire que les Juges se préoccupent du fait

 11   que le temps imparti n'est pas utilisé de façon efficace, même quand il

 12   s'agit de prolongation de temps imparti. Et le fait qu'on accorde une

 13   certaine durée aux avocats des deux parties pour poser des questions ne

 14   veut pas dire que vous pouvez consacrer ce temps aux questions qui ne sont

 15   pas très pertinentes, ou partir dans des discussions sur des questions d'un

 16   intérêt secondaire. Donc je souhaite rappeler aux conseils que les Juges se

 17   réservent le droit, nonobstant le fait qu'un certain temps est imparti sur

 18   la base d'un accord, nous nous réservons le droit, néanmoins, de mettre fin

 19   aux questions, y compris au contre-interrogatoire si nous pensons que les

 20   choses n'avancent pas de façon efficace. Merci.

 21    [Le témoin vient à la barre]

 22   M. PANTELIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Krzic, avant la suspension d'audience, nous avons parlé du

 24   fait que Banja Luka avait été encerclée. Nous avons parlé aussi de certains

 25   aspects de la vie même à Banja Luka. Seriez-vous d'accord pour dire qu'un

 26   grand nombre de réfugiés serbes provenant principalement de la Croatie et

 27   d'autres territoires en dehors de Banja Luka, d'une façon assez

 28   considérable, ont empêché le fonctionnement normal de la ville ?

Page 5221

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et de la même façon, le fait qu'il y avait un grand nombre de soldats

  3   qui rentraient du front et d'un certain nombre d'opérations militaires

  4   voulait dire qu'il y avait menace sur la sécurité des citoyens de Banja

  5   Luka. Et d'ailleurs, vous l'avez mentionné vous-même dans cette

  6   déclaration.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et en même temps, un corps militaire a été déployé à Banja Luka.

  9   C'était le 5e Corps de la JNA, rebaptisé par la suite le Corps de la

 10   Krajina, commandé par le général Talic.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous n'êtes pas expert militaire, moi non plus d'ailleurs, mais je

 13   crois qu'en ce qui concerne ce corps de l'armée, il s'agissait d'environ -

 14   on vient de me le dire d'ailleurs - de 100 000 soldats.

 15   R.  Je n'irais pas aussi loin que cela. 

 16   Q.  S'il y avait dans une même brigade entre 3 et 5 000, cela dépend du

 17   nombre de brigades dans le corps. Mais est-ce que nous pouvons nous mettre

 18   d'accord pour dire que le Corps de la Krajina est une force militaire

 19   importante déployée dans la Krajina ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Savez-vous - je pense que c'est un fait notoire - mais savez-vous que

 22   le 12 mai, la décision de la présidence de la Republika Srpska a été

 23   confirmée par l'assemblée. C'est une décision qui concernait l'existence

 24   d'une menace de guerre immédiate. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 25   R.  Oui, je m'en souviens. Mais je ne me rappelle pas la date.

 26   Q.  De toute façon, je pense que nous serons sûrement d'accord, sur la base

 27   de certaines informations que nous avons, que dans cette situation, avec la

 28   menace de guerre immédiate, le facteur militaire prend une certaine

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  1   importance, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je suppose que oui.

  3   Q.  Cela concerne le processus de mobilisation, le démarrage de certaines

  4   procédures et ça concerne les déserteurs et d'autres personnes, donc les

  5   tribunaux militaires jouent un rôle plus important qu'en temps de paix,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Dans votre témoignage, vous avez parlé en détail d'une situation sur la

  9   place du marché où les soldats se comportaient de façon arrogante et

 10   provoquaient la population non-serbe, et cetera, et vous avez dit que les

 11   soldats ont fait chanter les propriétaires de petits commerces s'ils

 12   n'étaient pas serbes. Est-ce que vous vous rappelez avoir dit cela ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pendant cette période, votre activité ainsi que celle de votre parti

 15   était telle que vous attiriez l'attention sur ce genre d'incidents, et

 16   c'est pour cela que vous avez contacté souvent les officiers militaires ?

 17   R.  Non, pas très souvent. Il n'y avait que deux ou trois réunions de ce

 18   genre-là.

 19   Q.  Pendant cette période, vous avez fait office d'intermédiaire, vous avez

 20   essayé d'influencer le règlement de la situation à Kotor Varos. Est-ce que

 21   vous pouvez nous dire brièvement quelles étaient vos activités et pourquoi

 22   est-ce que vous vous êtes impliqué là-dedans ?

 23   R.  A Kotor Varos, contrairement à ce qui se passait dans quelques autres

 24   villes où je me rendais parfois, bien, disons que Kotor Varos n'était pas

 25   un endroit où je ne me rendais pas. Nous avons déjà vu un document là-

 26   dessus aujourd'hui, mais en ce qui concerne cet incident-là, j'ai été

 27   invité par M. Kupresanin, et tout de suite après j'allais rencontrer M.

 28   Galbraith, le représentant des Etats-Unis. Pourquoi est-ce que j'ai accepté

Page 5223

  1   de me rendre à Kotor Varos ? Je crois l'avoir déjà expliqué, vous avoir

  2   donné mes raisons, mais je vais les redonner. J'y suis allé pour suivre de

  3   près la reddition de ces gens qui avaient opposé une certaine résistance

  4   pour éviter d'être massacrés ou emmenés quelque part. J'espère que cela

  5   suffit comme réponse.

  6   Q.  En d'autres termes, dans la municipalité de Kotor Varos, il y avait des

  7   combats féroces entre les forces musulmanes et les forces serbes, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Il y avait des forces combinées musulmanes et croates qui se battaient

 10   contre les forces serbes.

 11   Q.  Qui commandait ces forces combinées musulmanes et croates, est-ce que

 12   vous connaissez le nom de la personne ?

 13   R.  C'était la première fois où j'ai rencontré ceux qui étaient en tête de

 14   la résistance. C'était dans le village de Vecici. Dans d'autres régions, il

 15   y avait d'autres personnes qui étaient en tête de ces mouvements. Là, je

 16   parle de trois personnes. Est-ce que je dois mentionner leurs noms ?

 17   Q.  Oui, oui, dites-le-moi si vous le savez.

 18   R.  Ils étaient trois en nombre. Il y avait Alagic, je ne connais pas son

 19   prénom, il portait un uniforme de l'ABiH et il a été tué là; et deux autres

 20   qui n'étaient pas en uniforme, dont un s'appelait Hilmo ou Necko. Voilà les

 21   trois personnes que j'ai rencontrées, et d'ailleurs je n'étais pas le seul,

 22   mais les autres membres de la délégation les ont rencontrées aussi.

 23   Q.  Est-ce que Muhamed Sadikovic était commandant d'unité militaire dans

 24   cette zone de Kotor Varos ?

 25   R.  Je ne l'ai ni vu ni rencontré là. C'est par la suite seulement que je

 26   l'ai rencontré, à Travnik.

 27   Q.  Je vous pose la question, car c'est le coauteur de votre livre et il

 28   décrit la situation en beaucoup de détails. Mais passons.

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  1   Donc vous étiez médiateur en ce qui concerne la sécurisation du départ de

  2   ce territoire, bien sûr, avec l'aide des représentants nationaux, donc la

  3   formation armée de l'ABiH a quitté le territoire autour de Kotor Varos ?

  4   R.  C'était ma tâche de les convaincre, pas seulement moi d'ailleurs, mais

  5   les autres membres du groupe, de les convaincre de se rendre, les persuader

  6   de le faire. En ce qui concerne ce que j'ai dit, je l'ai dit parce que je

  7   voulais sauver des vies humaines. Mon seul rôle était comme suit : j'ai dit

  8   que je ne voulais pas savoir le détail des forces militaires. J'ai insisté

  9   seulement sur le fait que les organisations humanitaires internationales et

 10   les journalistes étrangers s'impliquent dans leur édition, et je crois que

 11   c'est ainsi que ça s'est poursuivi.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Pantelic, avant de passer à votre

 13   prochaine question, je souhaite attirer votre attention sur le fait qu'il

 14   est déjà 12 heures 44. Vous devez terminer votre contre-interrogatoire à 13

 15   heures 30 au plus tard, et cela nous laissera 15 minutes pour les questions

 16   supplémentaires de la part de M. Olmsted. Donc je voulais vous le dire pour

 17   que nous puissions suspendre l'audience à 13 heures 45.

 18   M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais je pense que vous serez

 20   d'accord avec moi pour dire que les opérations militaires dans le

 21   territoire de Kotor Varos ont duré jusqu'au mois de mai ou juin 1992 --

 22   pardon, correction, à partir de mai, juin 1992 jusqu'en automne ?

 23   R.  J'y étais en octobre, c'était en automne.

 24   Q.  A l'époque, vous avez coopéré et vous êtes resté en contact avec le

 25   commandant des forces serbes, le lieutenant-colonel Bosko Peulic ?

 26   R.  Oui, c'était la première fois que je le rencontrais.

 27   Q.  Lors de vos contacts avec lui, quelles impressions avez-vous eues ?

 28   Etait-il une personne d'autorité et décidait-il de quelque chose ou était-

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  1   il seulement un membre d'une délégation ? Quelles étaient vos impressions ?

  2   R.  Je ne souhaite maintenant parler de la chaîne de commandement au sein

  3   des forces militaires, parce que je ne comprends pas les relations de

  4   subordination dans l'armée, mais l'impression qu'il donnait était qu'il

  5   s'agissait d'une personne d'autorité.

  6   Q.  Dans ce contexte-là, de cette zone au sens large, pas seulement de

  7   Kotor Varos, vous parlez de l'attaque, comme vous le dites, "notre groupe

  8   Guêpes," qui avait quelques membres venant de la Croatie également et qui a

  9   mené une attaque, un groupe de sabotage, et qui a détruit plusieurs avions

 10   à Mahovljani. Vous souvenez-vous de ceci ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  L'aéroport de Mahovljani se situe à côté de Banja Luka, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et cette attaque, elle a bien eu lieu ?

 15   R.  Je l'ai entendue à la radio, je ne sais pas si on en a parlé à la

 16   télévision ou dans la presse. Mais à la radio, j'en ai entendu parler.

 17   Radio Banja Luka.

 18   Q.  Qui est-ce qui composait ce groupe Osa, ce groupe armé ? Osa signifiant

 19   Guêpe.

 20   R.  Nous ne savions rien avant d'entendre cette nouvelle. De toute

 21   évidence, ce groupe avait été envoyé dans la zone depuis la Croatie.

 22   Q.  Les membres de ce groupe ont-ils été arrêtés par la suite ou sont-ils

 23   parvenus à rentrer sur le territoire de la République de Croatie ? Ont-ils

 24   été poursuivis à Banja Luka ?

 25   R.  Je n'ai jamais entendu dire qu'ils ont été arrêtés ou jugés.

 26   Q.  Par rapport au fonctionnement du SDA sur le territoire de la Bosanska

 27   Krajina, vous avez fait référence à plusieurs reprises aux rencontres qui

 28   avaient eu lieu beaucoup plus souvent à Prijedor où le SDA a gouverné les

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  1   rencontres avec vos collègues ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Donc vous vous sentiez plus en sécurité là-bas et vous pouviez mener

  4   vos activités, les activités de votre parti, là-bas ? Et pratiquement, le

  5   centre régional de votre parti politique se trouvait à Prijedor ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Mais pourquoi le faisiez-vous à Prijedor ? Pourquoi ces réunions

  8   avaient-elles lieu à Prijedor ?

  9   R.  Tout d'abord, il ne s'agissait pas de réunions fréquentes. On peut les

 10   compter sur les doigts d'une main. Mais il est vrai qu'il y a eu des

 11   réunions du comité régional du parti. Et vous avez raison pour cette

 12   raison-là, effectivement, parce qu'on se sentait un peu plus en sécurité

 13   là-bas, on savait que personne ne surveillait, qu'on n'était pas mis sous

 14   l'écoute, on était un peu plus confortable. Donc il est vrai qu'on se

 15   sentait plus en sécurité à Prijedor, mais ce n'était pas le siège régional

 16   du SDA.

 17   Q.  Quel que soit le cas, dans des documents, on peut trouver l'information

 18   que les forces musulmanes disposaient d'un canon léger et de plusieurs

 19   milliers de fusils ?

 20   R.  Nous avons entendu cette information, mais il peut s'agir de la

 21   propagande. Vous savez, dans nos rangs, il y avait une absence de culture

 22   du point de vue de la sécurité. On était très ignorant de ce point de vue-

 23   là. Les gens qui s'entraient dans la vie politique active n'avaient aucune

 24   expérience politique ou sécuritaire auparavant. Et moi, j'avais une toute

 25   petite expérience, c'est vrai, mais la plupart des gens n'en avaient

 26   aucune.

 27   Q.  Mais vous-même, en dehors des armes auxquelles vous avez fait

 28   référence, vous possédiez un pistolet de type Beretta ?

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  1   R.  Oui, j'avais un permis de port d'arme pour ce pistolet.

  2   Q.  Vous aviez aussi le pistolet qu'on appelle Devetka [phon] ?

  3   R.  Je refuse de répondre à cette question.

  4   Q.  Ça ne pose aucun problème, ce n'est pas grave, vous l'avez eu ou pas ?

  5   Qu'est-ce que ça vous fait ? Je ne sais pas pourquoi. Maintenant, je suis

  6   intrigué, je dois dire. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas

  7   répondre à cette question. Est-ce qu'il fait objet des poursuites peut-être

  8   au pénal ? Que Dieu nous en garde.

  9   R.  Non, non. Je n'ai jamais tiré, jamais tué personne. Mais le pistolet

 10   m'a été confisqué alors que j'avais un permis de port d'arme en règle et on

 11   me tirait dessus, on jetait des bombes, des grenades autour de moi à 20 ou

 12   50 mètres de distance. Donc je ne bénéficiais d'aucune protection, et donc

 13   je me sentais obligé d'avoir une protection minimale, au moins une arme. Si

 14   ce n'est pas pour me défendre, au moins pour mourir dignement.

 15   Q.  Bien, bien que cela sorte un peu de la période couverte par l'acte

 16   d'accusation, mais c'est pertinent pour votre situation. Vous avez dit

 17   qu'en 1993, au moment de votre arrestation et placement en détention par

 18   des structures militaires, vous avez dit qu'il y avait des membres de la

 19   police, alors qu'ils étaient véritablement des membres de la police ou

 20   membres d'une formation paramilitaire, que conformément à un ordre donné

 21   par le président Karadzic, qu'ils vous ont sauvé, qu'ils ont empêché

 22   l'armée de vous placer en détention ?

 23   R.  C'est ce qu'on m'a dit.

 24   Q.  Donc ils vous ont fait sortir de la prison militaire et ils ont conduit

 25   jusqu'à un motel ?

 26   R.  Attendez, vous faites confusion. Je pensais que vous parliez du début,

 27   de ce qui se passait au moment où j'étais exposé à des tortures

 28   innombrables, et aujourd'hui quand j'en parle, je me demande encore comment

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  1   j'ai pu survivre à ceci. Donc après toutes ces tortures, quand j'ai perdu

  2   conscience, quand je me suis évanoui, deux personnes sont entrées dans les

  3   locaux du secrétariat de l'Intérieur d'aujourd'hui - à l'époque c'était le

  4   centre des services de Sécurité, le CSB - donc ils sont arrivés, ils m'ont

  5   tiré, je ne pouvais pas marcher, ils m'ont posé sur une chaise -- en fait,

  6   à ce moment-là, on ne m'a rien dit, mais plus tard, quand ils m'ont conduit

  7   jusqu'en banlieue de Banja Luka dans une voiture, ils m'ont fait sortir de

  8   la voiture et m'ont conduit jusqu'à un bâtiment qui était un centre de

  9   transmissions équipé des ordinateurs, des radios, et cetera. Donc l'un des

 10   deux m'a fait asseoir sur une chaise, il m'a demandé si je voulais boire de

 11   l'eau, et je lui ai dit : Mais je m'attendais à ce que vous m'exécutiez

 12   ici. Et il m'a dit : Non, sur l'ordre de M. Karadzic, nous vous avons sauvé

 13   la vie. C'est ça toute cette histoire.

 14   Q.  Quelle que soit la situation sans entrer dans le détail, de toute

 15   évidence, cela a conduit à ce que vous bénéficiiez d'une sorte de

 16   protection spéciale à Banja Luka, n'est-ce pas ?

 17   R.  Ecoutez, encore aujourd'hui je ne sais pas ce qui en a été la raison,

 18   et je dirais que c'était plutôt le fait que j'étais une personne en vue,

 19   qui avait beaucoup de contacts avec des journalistes étrangers qui venaient

 20   par centaines, avec des diplomates étrangers, et c'est peut-être pour ça

 21   qu'ils n'ont pas osé. Mais je ne sais encore pas aujourd'hui comment j'ai

 22   pu survivre. Je me dis que c'est la volonté de Dieu.

 23   Q.  Tout cela s'est passé en septembre 1993, n'est-ce pas Monsieur Krzic ?

 24   C'est ces événements-là dont on vient de parler, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  En tant qu'intellectuel, vous connaissez certains aspects du droit

 27   pénal. Vous avez fait votre service militaire. Vous avez lu la littérature

 28   de référence, et j'imagine que vous connaissez l'existence du crime

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  1   d'espionnage.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Bien. Et l'espionnage, en tant qu'infraction en temps de guerre, dans

  4   chaque système, est aggravé en temps de guerre par rapport en temps de

  5   paix, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Bien. J'aimerais vous demander la chose suivante

  8   maintenant : en 1991, si je ne m'abuse, votre fils se trouvait à Vinkovci

  9   ou à Slavonski Brod, où il faisait son service militaire, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  A cette époque-là, vous êtes allé lui rendre visite avec les membres de

 12   votre famille, et lors de votre retour vous avez observé les mouvements des

 13   membres de la JNA.

 14   R.  Il ne s'agissait pas des unités de la JNA, mais des civils qui

 15   portaient des casquettes. Certains portaient des casquettes en cuir. Je les

 16   ai vus. Ils étaient relativement près.

 17   Q.  Ils faisaient partie de quelle formation ?

 18   R.  Je ne sais pas. Ils montraient les trois doigts, ce qu'on pouvait

 19   comprendre comme une menace ou comme un signe de soutien, parce que la

 20   plaque d'immatriculation de ma voiture était celle de Banja Luka. Donc ils

 21   ne pouvaient pas savoir qui j'étais. Il est difficile de dire.

 22   Q.  Bien. Lors de votre déposition, vous avez indiqué que sur le retour à

 23   travers la Croatie que vous avez pris contact téléphonique avec votre ami T

 24   - donc juste T - à Zagreb, et que vous l'avez informé du mouvement des

 25   unités blindées, cantonnées à Zaluzani.

 26   R.  Non. Non, non. Pas du tout. Je lui ai seulement dit que ces unités

 27   avaient reçu des munitions, et tout ceci, dans le contexte de l'événement

 28   que vous venez de décrire.

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  1   Q.  Tout ceci se passait au milieu de 1991, à peu près ?

  2   R.  Bien, oui.

  3   Q.  Bien. Et les unités blindées de la JNA, au sujet desquelles vous avez

  4   informé votre contact à Zagreb, où est-ce qu'elles étaient cantonnées ?

  5   R.  Elles se trouvaient à Zaluzani.

  6   Q.  Bien. Et quand est-ce que vous avez commencé à travailler pour les

  7   renseignements à Banja Luka ? A quel moment vous avez décidé de créer votre

  8   groupe chargé de collecte de tout type d'information ?

  9   R.  Cela se passait d'une manière tout à fait spontanée. La collecte des

 10   informations et des renseignements a commencé beaucoup plus tôt que ce que

 11   vous êtes en train de dire, parce que les organisations internationales,

 12   telles que la Croix-Rouge internationale ou le haut-commissariat, ils nous

 13   demandaient de les informer au quotidien des événements ayant lieux à Banja

 14   Luka. Donc tous ces rapports, que vous les ayez ou pas, écrits ou oraux,

 15   étaient envoyés aux chefs de ces organisations internationales. Mais au

 16   moment où nous avons commencé à avoir des doutes sur la transmission de ces

 17   rapports, qu'en fait, qu'elles les transmettaient à leur siège, mais ne les

 18   transmettaient pas aux hommes politiques - et cela nous a été confirmé par

 19   une de ces personnes - donc nous avons décidé d'envoyer ces rapports en

 20   tant que rapports publics. Vous savez, les autorités serbes ne m'ont pas

 21   coupé la ligne téléphonique, donc je peux utiliser le téléphone et le

 22   télécopieur, mais vous pensez bien que cette ligne a été placée sous

 23   écoute. Evidemment, je préparais les rapports et j'indiquais à chaque fois

 24   si la source était fiable ou pas. Mais je pense que je ne suis pas tenu

 25   maintenant de vous expliquer la manière dont j'envoyais ces rapports.

 26   M. PANTELIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel pour

 27   quelques minutes, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, mais est-ce que c'est pertinent ce

Page 5232

  1   que vous voulez lui demander maintenant ?

  2   M. PANTELIC : [interprétation] Bien sûr, bien sûr.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pertinent pourquoi ?

  4   M. PANTELIC : [interprétation] Pour l'affaire.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Prima facie, on n'a vraiment pas

  6   l'impression que ce soit pertinent pour quoi que ce soit.

  7   M. PANTELIC : [interprétation] Attendez, attendez. Bon, je passe à autre

  8   chose.

  9   Q.  Nous avons examiné votre déclaration faite le 26 au 29 août 2001.

 10   M. PANTELIC : [interprétation] C'est 2D06-0463 sur la liste 65 ter et dans

 11   le prétoire électronique.

 12   Q.  Mais en attendant que ce passage de votre déclaration soit affiché,

 13   dites-nous, Monsieur Krzic, j'ai l'impression que cela a fait l'objet

 14   d'analyse dans vos travaux, dans vos documents, et cetera. Vous avez

 15   mentionné que vous aviez des collaborateurs, mais comme autres personnes,

 16   votre épouse également a été chargée de transmettre ces informations, ces

 17   renseignements à Zagreb.

 18   R.  Oui, en partie.

 19   Q.  Donc en plus de votre épouse, votre fils y était engagé ?

 20   R.  Non, lui pas.

 21   Q.  Donc lui il n'était pas membre de l'armée de BH à cette époque là. Il

 22   était à l'extérieur ?

 23   R.  Il n'était pas membre de l'ABiH et il n'était pas au courant. Il était

 24   à Zagreb.

 25   Q.  Donc il n'a pas répondu à l'appel de mobilisation. Il ne faisait pas

 26   partie de l'armée.

 27   R.  Comment pouvait-il le faire alors qu'il n'avait pas mené à terme son

 28   service militaire au sein de la JNA ?

Page 5233

  1   Q.  Passons maintenant à la page 6 de votre déclaration en B/C/S.

  2   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la partie

  3   supérieure de la page. Non, plutôt le contraire. Le dernier paragraphe

  4   m'intéresse.

  5   Q.  Monsieur Krzic, le voyez-vous?

  6   R.  Oui, je le vois.

  7   Q.  Ce n'est pas la peine de vous montrer la version en anglais pour que

  8   vous voyiez où se trouve votre signature.

  9   R.  D'accord, ce n'est pas la peine. Qu'est-ce que vous voulez que

 10   j'examine ?

 11   Q.  C'est le dernier paragraphe, et pour ne pas perdre trop de temps --

 12   R.  Il commence en disant "quoi --"

 13   Q.  "Lorsque j'étais à Banja Luka --," c'est ainsi qu'il commence, et je

 14   vais vous poser un certain nombre de questions à ce sujet. D'après vous, on

 15   a créé un système de chiffrage simple pour être en contact avec Dzuzo,

 16   n'est-ce pas, avec Smajo Dzuzo ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et s'agissant du président Izetbegovic, vous employez le mot Babo ou

 19   Dido, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est probablement le cas.

 21   Q.  Oui, parce que là, on dit Bobo, mais il semble que ça ne pourrait pas

 22   être lui, c'est probablement Babo. C'est plus logique, n'est-ce pas ?

 23   Ensuite, le danger, pour dire un danger, vous employez le mot "chaleur,"

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et vous avez disposé d'une centaine de mots que vous employez avec

 27   Smajo Dzuzo. Est-ce que vous vous souvenez d'autres mots ?

 28   R.  Ce n'était pas beaucoup de mots, il n'y avait pas un grand nombre de

Page 5234

  1   mots, parce que de cette manière, je n'ai jamais obtenu une information

  2   plus importante, si ce n'est les informations relatives à des choses

  3   d'ordre personnel. Il y a eu des problèmes de relation entre certaines

  4   personnes qui étaient restées là-bas, mais je n'ai jamais reçu une

  5   directive.

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, Maître Pantelic, mais je

  7   n'arrive pas à vous suivre. Je ne vois pas en quoi cela est pertinent en

  8   l'espèce. Je vous prie de m'expliquer.

  9   M. PANTELIC : [interprétation] Bien sûr, je vais vous expliquer. M. Krzic -

 10   et nous montrerons les documents pertinents à la fin de ces questions -

 11   conformément à ce qu'il est dit dans ces déclarations précédentes et

 12   partiellement conformément aux déclarations faites pour les besoins du

 13   bureau du Procureur, a organisé -- donc, M. Krzic a organisé, il était à la

 14   tête d'un réseau d'hommes qui recueillaient les informations et

 15   renseignements. Et M. Krzic et les membres de ce groupe ont été poursuivis,

 16   accusés, un acte d'accusation a été dressé contre eux par le procureur

 17   militaire, et finalement, ils ont été jugés.

 18   Et la Défense souhaite montrer que toutes les procédures menées

 19   contre M. Krzic n'ont pas été menées de manière arbitraire. Toutes ces

 20   procédures ont été menées conformément à la législation en vigueur.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais cela ne fait pas l'objet de

 22   litige et je veux dire que cela dépasse la portée de l'acte d'accusation.

 23   Deuxièmement, personne n'est en train de dire que M. Krzic n'a pas été

 24   poursuivi et condamné pour acte d'espionnage, mais cela ne nous préoccupe

 25   pas en l'espèce. A moins que vous ne souhaitiez remettre en question la

 26   crédibilité de ce témoin, je souhaite que vous nous disiez quelles parties

 27   de sa déposition ou de sa déclaration ne sont pas fiables, parce qu'à votre

 28   avis le témoin n'est pas crédible.

Page 5235

  1   M. PANTELIC : [interprétation] Bien sûr. La thèse de l'Accusation est que

  2   mon client est responsable, parce qu'il était membre ou il a soutenu ou

  3   aidé l'entreprise criminelle commune. Et une partie de l'acte d'accusation

  4   est qu'il a omis, dans le cadre de son travail ou bien en tant qu'acte de

  5   persécution, il a nié les droits fondamentaux aux non-Serbes qui habitaient

  6   dans cette région, et qu'il a mené une politique qui avait cela pour effet.

  7   Donc nous souhaitons montrer par le biais de ces questions qu'effectivement

  8   il y avait suffisamment de base pour mener ces procédures au pénal, et ce

  9   témoin nous a dit qu'il souhaitait provoquer la réaction de la communauté

 10   internationale et à un moment donné, il a présenté les événements à Banja

 11   Luka d'une manière non objective, et Banja Luka fait partie des lieux cités

 12   dans l'acte d'accusation.

 13   Et je souhaiterais montrer, par le biais de certains faits et éléments de

 14   preuve, y compris la poursuite au pénal contre M. Krzic, que la nature de

 15   ces informations qu'il avait envoyées à l'étranger à partir de Banja Luka

 16   était que ces informations, en fait, n'étaient pas réalistes.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais, Maître Pantelic, s'agissant de

 18   cette affaire, vous ne pouvez que remettre en question la crédibilité de ce

 19   témoin, et nous pouvons tout simplement accepter que le fait est que le

 20   témoin avait été poursuivi au pénal. La Chambre de première instance ne

 21   peut pas s'attarder sur des choses que vous souhaitez que nous abordions.

 22   M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'accepte votre point

 23   de vue, et comme vous l'avez dit, la question qui se pose est la

 24   crédibilité de ce témoin. Parce que nous avons obtenu un certain nombre de

 25   réponses au sujet des événements survenus à Banja Luka et je voudrais qu'il

 26   soit consigné au compte rendu d'audience qu'il avait été accusé et condamné

 27   pour certains actes qu'il avait commis.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais cela ne fait pas l'objet de litige.

Page 5236

  1   M. PANTELIC : [interprétation] Je vois que mon confrère souhaite dire

  2   quelque chose.

  3   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais de toute façon, Maître Pantelic,

  4   avant de donner la parole à M. Olmsted, si je vous ai bien compris, vous

  5   êtes en train de dire que les actes reprochés à votre client, en fait, sans

  6   la réaction aux fausses informations que ce témoin avait communiquées

  7   pendant la période pertinente, donc vous êtes en train de dire que ce

  8   témoin a participé à une campagne de communication de fausses informations

  9   au monde extérieur, s'agissant des conditions de vie à Banja Luka et

 10   ailleurs, à Prijedor, et cetera, et que c'est pour ça que les autorités

 11   serbes devaient réagir et que c'est pour ça que ces réactions ont été

 12   justifiées ?

 13   M. PANTELIC : [interprétation] Non, ce n'est pas vrai, Monsieur le Juge.

 14   S'agissant des événements survenus à Banja Luka, notre point de vue est le

 15   suivant : les conditions à Banja Luka étaient très spécifiques à ce moment-

 16   là, et comme M. Krzic nous a dit, il y a eu un afflux de réfugiés à Banja

 17   Luka et les conditions de sécurité se sont aggravés, et ainsi de suite, et

 18   ainsi de suite. La thèse de la Défense est que nous souhaitons montrer deux

 19   choses d'ordre général s'agissant de Banja Luka. Tout d'abord, au niveau

 20   politique dont nous avons parlé tout à l'heure, il y a eu un accord entre

 21   les partis au pouvoir, qu'il fallait créer une vie politique, créer des

 22   municipalités et qu'on était en train de connaître un processus de

 23   destruction de la Bosnie, et cetera, et cetera. Donc ça c'est le contexte.

 24   Et l'autre chose, est la théorie de l'Accusation, à savoir qu'on souhaitait

 25   créer des vies, que mon client souhaitait créer des conditions de vie

 26   insoutenables pour les non-Serbes, qu'il a refusé, qu'il a privé les non-

 27   Serbes de certains droits fondamentaux et qu'il a participé à la mise en

 28   place de certaines politiques, et cetera, et cetera.

Page 5237

  1   Donc la Défense soutient, fait valoir que nous souhaiterions obtenir

  2   un certain nombre de réponses de ce témoin s'agissant des conditions de vie

  3   à Banja Luka, s'agissant des événements survenus à Banja Luka et s'agissant

  4   de certaines personnes-clé ou acteurs de Banja Luka. Et en même temps, nous

  5   pouvons remettre en question la crédibilité de ce témoin également, parce

  6   que nous pensons qu'afin d'envenimer les choses et d'inciter la propagande

  7   contre les actions menées par les Serbes, ce témoin et les membres de son

  8   groupe ont envoyé de manière officielle et officieuse certaines

  9   informations qui avaient cela pour objectif.

 10   Finalement, si vous me le permettez - et je pense que l'Accusation

 11   sera d'accord avec moi lorsque je dis que M. Krzic était poursuivi au pénal

 12   et condamné pour actes d'espionnage contre les intérêts de la Republika

 13   Srpska. Cela fait partie de ce jugement qui a été délivré par le tribunal

 14   militaire. Et je n'ai rien contre à ce que cela soit consigné au compte

 15   rendu d'audience.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui ou non, Monsieur Olmsted ?

 17   M. OLMSTED : [interprétation] L'Accusation ne conteste pas que le témoin a

 18   été poursuivi et condamné, mais il a été condamné en absence, ce qui

 19   soulève la question comment peut-on maintenant mener un autre procès contre

 20   lui dans le cadre de ce procès ?

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Pantelic, si vous souhaitez

 22   obtenir des informations de ce témoin s'agissant des conditions de vie à

 23   Banja Luka pendant la période couverte par l'acte d'accusation, vous avez

 24   encore 11 minutes pour ce faire.

 25   M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 26   Q.  Excusez-moi, Monsieur Krzic. Pour le besoin du compte rendu d'audience,

 27   je souhaite dire que c'est un fait que vous avez été condamné par le

 28   tribunal militaire à Banja Luka à 20 ans de prison.

Page 5238

  1   R.  Oui, in absentia, oui.

  2   Q.  Et il est également un fait que vous et les membres de votre groupe ont

  3   été engagés dans des activités de formation et d'organisation des groupes

  4   armés qui, à un moment donné, étaient censés organiser un soulèvement

  5   contre les autorités serbes, n'est-ce pas ?

  6   R.  Ce n'est pas exact.

  7   Q.  Mais vous avez informé votre centrale du SDA et vous avez dit à votre

  8   QG qu'à un moment donné plusieurs centaines de milliers de membres de votre

  9   unité armée allaient être prêts à s'opposer militairement à Banja Luka ?

 10   R.  Je n'ai jamais dit une chose pareille. Mais j'ai dit que si jamais il y

 11   avait un massacre, j'ai dit que quelqu'un n'allait pas hésiter à utiliser

 12   les armes cachées.

 13   Q.  Quelle est la période à laquelle vous vous référez ?

 14   R.  Trois ou 4 000 personnes ont été envoyées dans un parc, et on avait dit

 15   par mégaphone à ces gens qu'ils allaient être tués. On pouvait entendre le

 16   bruit des armes. Et le jour même, plusieurs personnes ont été tuées là-bas,

 17   et les gens ont eu peur que les massacres commis pendant la Deuxième Guerre

 18   mondiale allaient avoir lieu de nouveau.

 19   Et je pensais que les gens allaient probablement réagir, allaient

 20   utiliser les armes. Et notre opinion était que les autorités serbes

 21   n'attendaient que cette chose pour pouvoir se venger. L'objectif n'était

 22   pas de tuer plusieurs milliers de personnes, mais d'empêcher l'arrivée de

 23   Vance et Owen à Banja Luka. Et lorsque vous parlez d'espionnage, je dois

 24   vous dire que le haut-commissariat des Nations Unies et la Croix-Rouge

 25   internationale en ont été informés. Et ce que je suis en train de vous dire

 26   n'était pas mon idée. Mais c'étaient des gens qui ont de l'expérience qui

 27   avaient fait cette estimation, et ils ont tiré la conclusion qu'il

 28   s'agissait d'un complot.

Page 5239

  1   Q.  Bon. Arrêtez-vous là. Monsieur Krzic, s'il y avait un tel

  2   soulèvement, cette résistance de la part des forces musulmanes armées

  3   contre les Serbes, dites-nous, à votre avis, quels étaient les effectifs

  4   des forces musulmanes ?

  5   R.  Moi, personnellement, je n'avais personne à ma disposition.

  6   Q.  Mais attendez. Vous venez de dire qu'il y avait des armes

  7   détenues illégalement qui étaient prêtes à être utilisées. Dites-nous,

  8   combien il y avait de personnes qui disposaient de telles

  9   armes ?

 10   R.  J'obtenais des informations s'agissant des événements survenus du côté

 11   serbe, et également de l'autre côté. Mais cela ne veut pas dire que j'étais

 12   à la tête de ces événements, que je dirigeais les gens.

 13   Q.  Ce n'est pas ce que je suis en train d'avancer. Je me demande tout

 14   simplement quel était le nombre d'hommes dont vous disposiez.

 15   R.  Je suppose qu'en tout, les non-Serbes à Banja Luka n'avaient pas plus

 16   de 2 000 armes personnelles. Et ce sont des chiffres avancés par les

 17   autorités serbes, et je leur faisais confiance. Mais ce chiffre couvre

 18   aussi les fusils de chasse, par exemple, et là, il devait y en avoir eu des

 19   centaines.

 20   Q.  D'accord. J'accepte que c'est votre position. Mais dites-moi

 21   maintenant, Monsieur Krzic - et là il s'agit de mes toutes dernières

 22   questions - j'ai consulté mon client et vous avez dit que vous avez vu M.

 23   Zupljanin à l'hôtel Bosna à l'occasion de la réunion avec M. Vance et M.

 24   Owen. Bon, il s'est écoulé beaucoup de temps depuis. Mais mon client me dit

 25   qu'il a rencontré Vance et Owen, mais au bureau de M. Radic à la mairie,

 26   c'est-à-dire que la réunion n'a pas eu lieu à l'hôtel Bosna. Pensez-vous

 27   que c'est peut-être vrai ? Est-ce que vous accepteriez de modifier votre

 28   déclaration ?

Page 5240

  1   R.  Ces informations me semblent parvenues de la part de mes collègues. Je

  2   n'ai pas pu être dans plusieurs endroits à la fois. J'étais à une réunion

  3   avec M. Karadzic et M. Krajisnik, M. Brdjanin. Je ne pouvais pas tout voir

  4   de mes propres yeux, mais ce qui importe c'est la conférence de presse qui

  5   était publique. Donc le commandant du CSB, même s'il n'était pas présent,

  6   il recevait de toute façon un rapport.

  7   Q.  Bien, Monsieur Krzic, il s'agit là d'une précision pour des raisons de

  8   procédure. J'aimerais savoir si vous savez qu'en 1992, pendant cette

  9   campagne d'incertitude, d'insécurité, eu égard aux nombreux membres

 10   d'unités militaires, aux paramilitaires, savez-vous que des explosifs ont

 11   été placés sous les véhicules de M. Radic; le maire serbe, ainsi que sous

 12   le véhicule du Dr Vukic, représentant proéminent du SDS qui était également

 13   Serbe ? Savez-vous qu'on a fait exploser aussi leurs biens; oui ou non ?

 14   R.  Attendez, je sais qu'il y avait des explosifs qui avaient été placés

 15   sous certaines voitures, mais je ne me rappelle pas exactement parce qu'il

 16   s'est écoulé pas mal de temps depuis. Il faudrait que je consulte mon

 17   livre. Je ne suis pas une encyclopédie vivante, donc je ne me rappelle pas

 18   absolument tous les détails, mais je pense qu'il y a eu de tels incidents.

 19   Q.  A part cela, Monsieur Krzic, lors de l'interrogatoire principal, il y a

 20   eu une discussion sur l'imposition d'un couvre-feu. Etes-vous d'accord si

 21   je dis qu'un couvre-feu constitue une mesure normale en matière de sécurité

 22   quand il s'agit d'une menace immédiate de guerre ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Monsieur Krzic, en ce qui concerne la cellule de Crise, on nous a dit

 25   que le SDA avait une cellule de Crise, n'est-ce pas ?

 26   R.  Comme je l'ai déjà dit, oui, c'était son nom, mais sa fonction était

 27   tout à fait différente.

 28   Q.  Je ne parle pas de sa fonction. Ce qui m'importe est de savoir qu'il y

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  1   avait une cellule de Crise SDA à Banja Luka et que le président de la

  2   cellule de Crise était Asim Jakirlic.

  3   R.  Oui, mais seulement pendant quelques mois. Ensuite, ça a été aboli.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Pantelic, il est 13 heures 30.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant de donner la parole à M.

  6   Olmsted, j'aimerais vous demander si vous souhaitez que la déclaration du

  7   témoin soit versée au dossier.

  8   M. PANTELIC : [interprétation] J'ai obtenu les réponses précises de sa part

  9   et ce n'est pas contesté, donc je laisse tel quel. Il n'y a pas de

 10   contestation, tout est cohérent en ce qui concerne ses réponses. Mais j'ai

 11   une question à poser pour terminer, si vous voulez bien.

 12   M. PANTELIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Krzic, vous savez sans doute qu'à Banja Luka, lors de la

 14   transformation du Conseil de Défense nationale, donc à partir d'avril 1992,

 15   à l'époque, l'état-major de guerre de la RAK a été établi. Est-ce que vous

 16   en avez entendu parler ?

 17   R.  Je suis désolé, je ne m'en souviens pas. Je ne me rappelle que de la

 18   cellule de Crise.

 19   Q.  Je voulais juste vérifier avec vous. Pour terminer, une dernière chose,

 20   vous dites qu'en novembre 1991, le journal Vecernji List a publié un

 21   article sur l'établissement de nouvelles municipalités à Majdan et

 22   Ivanjska, donc établies par le HDZ. Est-ce que vous pouvez nous dire

 23   maintenant s'il y a eu de telles activités, est-ce que la majorité de la

 24   population est croate dans ces

 25   endroits ?

 26   R.  Je dois vous dire que je ne connaissais pas les frontières de ces

 27   futures municipalités, je ne m'en souviens pas du tout. Sauf ce que vous

 28   avez dit aujourd'hui en ce qui concerne le centre, Centar, et là, j'avais

Page 5242

  1   des informations. Et je vous en ai parlé ici, devant la Cour. En ce qui

  2   concerne Ivanjska, je ne puis pas vous dire s'il s'agissait d'une majorité

  3   croate ou pas, je ne sais pas si ce n'était pas plutôt au prorata 50/50. Je

  4   ne sais pas s'il y avait des Musulmans.

  5   Q.  Je l'accepte, mais je pense que pour le compte rendu d'audience, il

  6   faudrait --

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] …merci.

  8   M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Olmsted : 

 11   Q.  [interprétation] Monsieur Krzic, je n'ai pas beaucoup de temps, donc je

 12   vous demande d'être assez bref.

 13   Quelle a été la fonction de la cellule de Crise du SDA ?

 14   R.  La seule fonction était humanitaire et je puis vous expliquer.

 15   Q.  Non, pas besoin d'expliquer. Lors de votre déposition précédente, vous

 16   avez dit que les partis non-serbes s'opposaient à la création de la

 17   communauté des municipalités de la Krajina de Bosnie, connue sous le nom de

 18   ZOBK. Pouvez-vous nous dire, du point de vue des partis non-serbes, comment

 19   la création de ZOBK était reliée à ce concept d'un grand Etat serbe ?

 20   R.  La chose la plus importante est que dans le contexte de la réunion de

 21   ces municipalités, dont je pense qu'il y en avait 22 - et il y avait des

 22   personnes qui y participaient qu'on appelle des traîtres - mais 99 % de ces

 23   gens-là étaient des représentants serbes, les représentants d'autres

 24   groupes ethniques n'y ont pas participé. Puis il y a un autre exemple

 25   frappant, la création du ZOBK a été créée sans aucun respect par rapport

 26   aux dispositions de la constitution statutaire.

 27   Q.  Je vais vous arrêter là. Revenons au vif du sujet. Ma question est la

 28   suivante, ZOBK, cette création, qu'est-ce que cela avait à voir avec le

Page 5243

  1   fait qu'il devait y avoir un seul grand Etat sous le contrôle serbe ?

  2   M. PANTELIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ça n'a

  3   jamais été soulevé lors du contre-interrogatoire, on n'a jamais parlé de

  4   cette idée de grand Etat serbe, c'est tout à fait en dehors de ce qui a été

  5   couvert. Peut-être que notre collègue souhaite demander à M. Krzic quel a

  6   été le processus du système de vote, quelles étaient les dispositions

  7   statutaires, mais là il s'agit d'une pure spéculation. Quand on parle de

  8   grand Etat, cela n'a rien à voir avec le sujet.

  9   M. OLMSTED : [interprétation] Messieurs les Juges, l'objectif de ces

 10   questions est le suivant : il y a beaucoup de temps consacré par la Défense

 11   lors du contre-interrogatoire sur la création de ces nouvelles

 12   municipalités musulmanes à Banja Luka. Donc il faut remonter un peu le

 13   temps pour bien comprendre et tout remettre dans son contexte. Si les Juges

 14   estiment que cela n'a pas de pertinence, par rapport à la création de ces

 15   municipalités musulmanes, peut-être que je peux m'en tenir là, mais ce

 16   témoin est le seul qui peut en parler, en ce qui concerne ce qui figure sur

 17   la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous devriez vous concentrer sur les

 19   questions qui ont été soulevées pendant le contre-interrogatoire sans

 20   essayer de préciser le contexte, car sinon, nous n'allons jamais en finir.

 21   M. OLMSTED : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Krzic, étiez-vous au courant de la décision qui a été prise de

 23   créer l'ARK en septembre 1991 ?

 24   R.  Oui, bien sûr, nous en avons entendu parler.

 25   Q.  Est-ce que Banja Luka faisait partie de cette nouvelle création, la RAK

 26   ?

 27   R.  Pas tout de suite, seulement après 15 jours. Lors du premier vote, ils

 28   n'ont pas réussi à le faire adopter.

Page 5244

  1   Q.  Est-ce que le SDA et les parties non serbes ont participé à la création

  2   de la RAK ?

  3   R.  Nous n'aurions pas pu y participer même si nous avions voulu. Après les

  4   déclarations faites au plus haut niveau du SDS, je me rappelle la

  5   déclaration de M. Kupresanin qui disait que toutes les Krajina SAO

  6   devraient se réunir pour constituer un Grand Etat serbe dont les frontières

  7   seraient la ligne Karlobag, Cijena, vous êtes au courant, et on a même

  8   parlé de Djevdjelija. Avant la création du ZOBK et pendant tout le

  9   processus, nous n'avons jamais exprimé notre soutien.

 10   Q.  Hier l'on vous a montré votre propre déclaration faite au journal

 11   "Glas". Il s'agit de 1D03-0156. Et au début de cette déclaration vous

 12   parlez des déclarations faites par Radoslav Vukic. Pouvez-vous nous dire

 13   quelle était la position politique de Vukic à cette époque ?

 14   R.  M. Vukic, autant que je sache, était membre du comité exécutif du SDS

 15   depuis le départ. A à un moment donné, il est devenu chef du SDS. Les

 16   positions élevées avaient été fixées sur une base de roulement, même en

 17   dehors des sessions de l'assemblée. Il faisait partie de la cellule de

 18   Crise de Banja Luka, de la cellule régionale, et il était aussi membre du

 19   conseil exécutif, je pense qu'on l'appelait ainsi, du RBK. Il était aussi

 20   directeur du centre médical, donc de tous les services médicaux.

 21   Q.  Savez-vous qu'il était coordinateur de la RAK ?

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Je suis désolé, encore une fois, je ne vois

 23   pas comment on peut poser une question suite au contre-interrogatoire.

 24   M. OLMSTED : [interprétation] Messieurs les Juges, permettez-moi de

 25   terminer mes cinq minutes.

 26   M. ZECEVIC : [interprétation] C'est une question tendancieuse, je pense

 27   qu'on ne devrait pas pouvoir la poser, et je ne pense pas que M. Vukic a

 28   été mentionné pendant le contre-interrogatoire dans ce contexte-là.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, s'il vous plaît.

  2   M. OLMSTED : [interprétation] Messieurs les Juges, cela a un rapport avec

  3   la même question. Ce document lui a été montré, et si l'on m'accorde la

  4   possibilité de poser la question pendant les cinq minutes, je pense que je

  5   pourrai vous préciser la situation.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

  7   M. ZECEVIC : [interprétation] Encore une fois, je suis désolé, c'est une

  8   question directive, et ce document ne concerne que la création de ces

  9   municipalités dans le contexte de la municipalité de Banja Luka. Et c'était

 10   justement cela qu'on visait lors du contre-interrogatoire.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, limitez-vous à poser

 12   des questions directement liées au contre-interrogatoire.

 13   M. OLMSTED : [interprétation]

 14   Q.  Pourquoi est-ce que les partis politiques non-serbes ont estimé que

 15   c'était nécessaire de créer des municipalités dans Banja Luka qui n'étaient

 16   pas dominées par des Serbes ?

 17   R.  Avec l'espoir vain qu'ils pourraient survivre sur un petit territoire

 18   d'environ 5 ou 6 kilomètres carrés, en souhaitant rester présent et

 19   survivre. Car que pouvez-vous faire si vous détenez le pouvoir dans

 20   seulement deux municipalités ? Après tout, c'est le niveau le plus bas du

 21   gouvernement. Que peut-on faire ? On a peut-être une compétence en matière

 22   de démolition de maisons ou le tracé de routes à construire, et c'est à peu

 23   près tout. Tout le reste était fictif. Les municipalités ne peuvent exercer

 24   aucune influence ou aucune responsabilité politique.

 25   Q.  Que s'est-il passé par rapport à l'initiative qui visait la création de

 26   nouvelles municipalités dans Banja Luka ?

 27   R.  Une réunion a eu lieu avec des Serbes, Croates et Bosniaques qui

 28   étaient présents sur un pied d'égalité. Et si on parle de la municipalité

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  1   de Stari Grad, le nombre de représentants à l'assemblée, il y avait 17

  2   Serbes, 13 Bosniaques et six Croates, à peu près. Il y avait une majorité

  3   serbe, vous le voyez bien, mais ce n'était pas une majorité absolue.

  4   D'ailleurs, c'était la une des journaux également. La municipalité de Stari

  5   Grad - une Bosnie en miniature. Mais l'initiative a échoué, cela aurait dû

  6   être le début d'une procédure. Ce dont on avait besoin était l'approbation

  7   de la part de la population au niveau des comités locaux. Et l'étape

  8   suivante, l'approbation de la municipalité de Banja Luka était nécessaire,

  9   et là c'étaient les Serbes qui avaient la majorité. Ensuite, l'étape

 10   suivante, au cabinet, ensuite le parlement de la Bosnie-Herzégovine.

 11   Donc il y a eu cette proclamation initiale, mais à part cela, c'est resté

 12   au niveau embryonnaire. Mais il suffit de regarder les noms des

 13   représentants pour voir que tous les groupes ethniques y ont participé.

 14   C'était à une époque les atrocités du nationalisme n'avaient pas pris le

 15   dessus.

 16   Q.  Je vais vous poser une dernière question. Est-ce qu'il y avait des

 17   projets de la part des partis politiques non-serbes qui concernaient la

 18   mise en œuvre de cette initiative avec la prise par la force de Banja Luka

 19   ?

 20   R.  Monsieur, vous êtes Procureur, mais comment est-ce que vous pouvez me

 21   poser une telle question ? Cela n'a rien à voir. Il y a beaucoup

 22   d'arguments pour corroborer cela, je n'ai pas besoin d'en parler.

 23   Q.  Désolé, mais si vous voulez bien répondre à la question. Est-ce qu'il y

 24   avait des projets de la part du SDA ou d'autres partis non-serbes de forcer

 25   cette initiative, même en utilisant une force physique ?

 26   R.  Avant, je souhaite vous corriger. C'était non seulement des partis non-

 27   serbes, il y avait aussi des partis multiethniques avec une domination

 28   serbe, par exemple, le SDP et le Parti réformiste, donc il faudrait

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  1   reformuler la question. Ceci dit, ma question serait la suivante : non, il

  2   n'y a eu que des tentatives verbales.

  3   M. OLMSTED : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le Juge.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur Krzic, d'avoir participé

  5   et d'avoir aidé la Cour. Vous pouvez maintenant partir, et nous vous

  6   souhaitons bon voyage. Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 9 heures

  7   demain matin dans la Chambre numéro I.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

  9   [Le témoin se retire]

 10   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 21 janvier

 11   2010, à 9 heures 00.

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