Page 14230
1 Le lundi 6 septembre 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
6 Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et
7 Stojan Zupljanin.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Greffier
9 d'audience.
10 Et bonjour à tout le monde.
11 Je souhaiterais que les parties se présentent.
12 M. OLMSTED : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Tom Hannis,
13 Matthew Olmsted et Crispian Smith pour l'Accusation.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
15 Juges. Me Slobodan Zecevic, Me Slobodan Cvijetic, et Me Eugene O'Sullivan,
16 ainsi que représentant la Défense de M. Stanisic.
17 M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me Dragan
18 Krgovic, Me Igor Pantelic, ainsi que Jason Antley, pour la Défense de
19 Zupljanin.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Si, puisque nous n'avons pas de
21 questions d'intendance ou de questions préliminaires qui pourraient
22 retarder le début de la comparution du témoin, je demanderais à M.
23 l'Huissier de bien vouloir raccompagner le témoin dans le prétoire.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kovacevic.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que le conseil ne recommence son
28 contre-interrogatoire, je vous rappelle que vous êtes toujours tenu de
Page 14231
1 respecter la déclaration solennelle.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
3 LE TÉMOIN : MARINKO KOVACEVIC [Reprise]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 Contre-interrogatoire par M. Pantelic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kovacevic.
7 R. Bonjour.
8 Q. Lorsque mon confrère Me Zecevic vous a posé des questions à propos des
9 pouvoirs et de la compétence du bureau du procureur militaire eu égard aux
10 crimes contre l'humanité, vous avez donné quelques réponses très précises
11 vendredi dernier. Et je souhaiterais juste que nous revoyions certains
12 éléments du document dont vous avez parlé avec Me Zecevic, cela ne va pas
13 prendre trop de temps. Mais je souhaiterais juste avancer la thèse de la
14 Défense eu égard à la juridiction et compétence.
15 M. PANTELIC : [interprétation] Alors, est-ce que le document P1284.10
16 pourrait être affiché.
17 Q. Bien. Il s'agit du document dont vous avez parlé avec Me Zecevic. Il
18 s'agit des directives permettant d'identifier les critères de poursuite
19 pénale.
20 R. Un petit moment, excusez-moi, j'ai oublié mes lunettes. Je pense
21 qu'elles sont -- elles sont dans -- oui, oui, ces lunettes, c'est mes
22 lunettes de lecture. Je pense qu'elles sont dans le petit sac. Dans mon
23 petit sac. Excusez-moi, vraiment.
24 Q. Alors, nous remercions Me Cvijetic en attendant que vous récupériez vos
25 lunettes.
26 M. PANTELIC : [interprétation] Page 3 de ce document, page 3 de la version
27 serbe. D'ailleurs, c'est la même page en anglais. Page 3 de la version
28 serbe. Non, en fait, ça c'est la numéro 2, donc c'est la page suivante que
Page 14232
1 j'aimerais avoir en B/C/S. Voilà, très bien. Parfait.
2 Q. Monsieur Kovacevic, au numéro 3, nous voyons que le bureau du procureur
3 militaire a mené à bien une analyse des différents types de crimes qui
4 relèveraient de leurs compétences et, au numéro 3, justement, il est
5 question des crimes contre l'humanité et contre le droit international
6 conformément au chapitre 16 du Code pénal. C'est là, en fait, que ces
7 crimes sont énumérés. Est-ce exact ?
8 R. Oui.
9 Q. A la page 4 --
10 M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions demander
11 l'affichage de la page 4, je vous prie.
12 Q. Dans cette analyse des principes directeurs, le bureau du procureur
13 militaire décrit certaines conditions ou circonstances qui ont pu être
14 constatées dans les unités de l'armée de la Republika Srpska et explique
15 ainsi la méthode à retenir en matière de prévention.
16 A la page 4, au dernier paragraphe, à la fin du dernier paragraphe,
17 ils indiquent :
18 "Au vu de ceci et eu égard à des crimes qui correspondent au comportement
19 de personnes se trouvant dans une situation de menace immédiate de guerre,
20 des sanctions très graves, allant jusqu'à la peine de mort, sont
21 envisagées."
22 Alors, vous savez que cet état de menace imminente de guerre a une
23 incidence sur la politique choisie en matière de poursuites et en matière
24 de punitions et sanctions. Vous le savez, cela ?
25 R. Oui, oui, c'est exact.
26 Q. N'oubliez pas de marquer un temps d'arrêt entre les questions et les
27 réponses pour que les interprètes puissent suivre et pour que le compte
28 rendu d'audience soit bien clair.
Page 14233
1 En tant que professionnels, et je fais également référence au fait qu'à
2 l'époque, vous étiez -- ou plutôt que vous étiez un témoin de cette époque,
3 ce que je vous dis qu'indépendamment du fait que la menace imminente de
4 guerre avait été indiquée ou non, cela d'ailleurs a des implications ou
5 répercussions politiques, mais de facto, entre 1992 jusqu'en 1995, en
6 Bosnie-Herzégovine, il y a eu un conflit permanent, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Nous voyons également, juste au-dessus de ce passage que j'ai cité, une
9 phrase où il est indiqué que le bureau du procureur militaire prend note de
10 ce qui suit. C'est une phrase qui commence par les mots :
11 "En cas de proclamation d'une déclaration de guerre imminente" et l'année
12 est 1993, "une mobilisation générale a été déclarée."
13 Vous savez, en fait, que tous les conscrits avaient leur affectation en
14 temps de guerre et avaient des obligations de travail pendant le conflit
15 armé ?
16 M. PANTELIC : [interprétation] Une petite correction au compte rendu
17 d'audience. Une partie de ma question portait non pas sur l'année "1993",
18 mais sur l'année "1992". Et à la page 4, ligne 6, il était question de
19 l'année 1993.
20 Alors, est-ce que la page 12 de ce document pourrait être affichée.
21 [Le conseil la Défense se concerte]
22 M. PANTELIC : [interprétation]
23 Q. Pour ce qui est de ma question précédente, ligne 3 de la page 4, je
24 crois que la question était : Lors de cette mobilisation générale en 1992,
25 tous les conscrits militaires avaient une affection de guerre, et il y
26 avait également une obligation de travail pour les personnes qui n'avaient
27 pas reçu une affection de combat, en quelque sorte. Est-ce exact ?
28 R. Oui.
Page 14234
1 Q. Si nous prenons la page 12 de ces consignes ou instructions données par
2 le bureau du procureur militaire, nous voyons qu'ils ont analysé certains
3 éléments de crimes et, au paragraphe 2, nous voyons qu'ils indiquent - et,
4 en fait, la phrase commence par les mots qui suivent :
5 "Le plus grand nombre de ces crimes peuvent être commis seulement pendant
6 une période de conflit armé ou il ont, d'une certaine façon, un lien assez
7 étroit avec le combat armé, ce qui signifie que ces crimes sont commis et
8 s'inscrivent dans le cadre d'une opération militaire de grande échelle et
9 sont commis en fonction d'ordres de supérieurs."
10 Alors, je m'adresse à vous en tant qu'ancien procureur, est-ce que vous
11 êtes d'accord avec cette précision qui est apportée, cette précision ou
12 cette nuance juridique, pour cette catégorie de crimes ?
13 R. Oui.
14 Q. Et toujours vers la fin de la page 12, dans le cadre de cette analyse
15 des consignes, le bureau du procureur militaire énumère l'un après l'autre
16 les actes qui correspondent ou qui constituent ce type de crime, et donc,
17 ce sont des actes qui sont considérés comme des actes criminels et
18 inhumains, actes exécutés à l'encontre de la population civile et des
19 prisonniers de guerre. Donc, il s'agit de meurtres et assassinats,
20 tortures, traitements inhumains, viols, création de camps, détentions dans
21 les camps, pillages de biens fonciers, transferts forcés de la population.
22 Malheureusement, il y a eu des événements atroces qui se sont passés en
23 Bosnie-Herzégovine, et les auteurs de ces crimes se trouvent dans les trois
24 groupes ethniques. Mais ce qui m'intéresse est ce qui suit : vous avez
25 toute une série d'actes qui sont énumérés dans cette analyse faite par le
26 bureau du procureur militaire, et nous devons dire, malheureusement, bien
27 que nous n'en ayons entendu parler que plus tard, à la lecture des
28 documents et des jugements de ce Tribunal, mais nous devons dire, disais-
Page 14235
1 je, que cela s'est également passé dans la municipalité de Prijedor, n'est-
2 ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. A la page 14 de cette analyse, nous voyons que le procureur lance un
5 avertissement aux commandements militaires ainsi qu'à leur état-major.
6 Au paragraphe 2 de la page 14, le bureau du procureur militaire met en
7 garde l'état-major du commandement militaire de la VRS en ces termes. En
8 fait, cela reprend, de toute façon, des règles qui étaient parfaitement
9 connues à l'époque de la JNA, et cela est tout à fait conforme au droit
10 humanitaire international.
11 Mais toujours est-il qu'au paragraphe 2, ils disent :
12 "Si l'état-major du commandement sait que des unités des forces armées de
13 l'armée de la Republika Srpska ou leurs membres ont commis ou sont en train
14 de commettre ce type d'actes, sans pour autant que des mesures ne soient
15 prises pour prévenir les actes ou en sanctionner les conséquences, tout en
16 faisant en sorte que l'auteur ou les auteurs fassent l'objet de poursuites
17 pénales, constitue une responsabilité pour certains de ces actes
18 criminels."
19 Est-ce que cela est bien écrit là ?
20 R. Oui.
21 Q. Alors, au dernier paragraphe, il y est question d'une autre consigne, à
22 savoir que le commandement militaire doit informer le bureau du procureur
23 militaire de ce type de situations; est-ce exact ?
24 R. Oui.
25 Q. En conclusion, aux pages 15 et 16, le bureau du procureur militaire
26 donne un ordre très, très précis aux commandements des unités, et il
27 s'agit, en fait, de la détection des crimes de guerre. Et au bas de la page
28 15, vous voyez qu'il est écrit que le commandement de l'état-major demande
Page 14236
1 que toutes les unités présentes sur le terrain présentent des rapports
2 précis et circonstanciés; et en fait, le bureau du procureur militaire
3 donne des consignes aux unités sur le terrain pour qu'elles travaillent
4 afin de détecter tous les cas de crimes de guerre contre l'humanité et les
5 crimes de guerre.
6 M. PANTELIC : [interprétation] Alors, j'aimerais maintenant que la page 16
7 soit examinée.
8 Q. Cette phrase est très importante, parce que là, il est question de :
9 "Leur zone de responsabilité."
10 Donc, là, il n'y a aucune ambiguïté ici, Il n'y a pas d'équivoque, un
11 commandant militaire, dans la zone de responsabilité de son unité, doit
12 travailler pour, doit faire en sorte de détecter les crimes de guerre,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Et dans la ligne qui suit, il est indiqué que le bureau du procureur
16 militaire donne des instructions très précises aux commandants militaires
17 dans les différentes zones de responsabilité pour que les autorités
18 militaires les plus proches soient informées, à savoir la police militaire,
19 les organes judiciaires militaires, et cetera, et cetera. Il leur est
20 demandé, donc, d'assurer la sécurité, de mettre un cordon de sécurité
21 autour du lieu des crimes, de faire en sorte que les éléments de preuve
22 soient collectés, ainsi que les dépositions de témoins, et il s'agit
23 vraiment de préparer les documents, et cetera, et cetera. Et au numéro 4,
24 la police militaire, ainsi que les organes judiciaires militaires doivent
25 accorder la priorité à ces crimes dans le cadre de leur travail.
26 Est-ce exact ?
27 R. Oui.
28 Q. Qui sont les destinataires de ces instructions ? Nous voyons à la page
Page 14237
1 suivante que cela a été envoyé à toutes les unités, au secrétariat de la
2 Défense nationale de toutes les municipalités.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Et si vous voulez bien afficher la page 17,
4 la toute dernière page du document.
5 Q. Il est également indiqué que cela est destiné également aux postes de
6 police, à la police militaire, aux tribunaux militaires, et cetera, et
7 cetera.
8 Donc, en guise de conclusion, Monsieur Kovacevic, il est absolument
9 évident, cela ne fait l'objet d'aucun doute, que le bureau du procureur
10 militaire avait compétence en 1992, et était justement chargé de poursuivre
11 les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Il y a autre chose qui ne fait l'objet d'aucun litige, tous les
14 commandants des unités militaires devaient respecter ces consignes,
15 devaient œuvrer afin de détecter et d'apporter les preuves de tout cas
16 d'infraction du droit humanitaire international, n'est-ce pas ?
17 R. C'est exact.
18 Q. Je suppose que vous-même et vos supérieurs, dans le bureau du procureur
19 militaire, aviez des contacts avec les organes judiciaires militaires, et
20 que vous avez harmonisé vos points de vue en tant que professionnels
21 chargés de régler ces questions de compétence, s'il y avait des questions
22 de compétence qui se posaient entre les procureurs militaires et les
23 procureurs civils.
24 R. Oui, nous avons eu ce type de réunions.
25 Q. Alors, pour apporter encore plus de lumière sur ces activités,
26 j'aimerais que le document P1285 soit affiché. C'est une pièce de
27 l'Accusation qui a trait au travail du bureau du procureur militaire
28 justement, parce qu'il s'agit de rapports mensuels, et nous n'allons pas,
Page 14238
1 donc, perdre notre temps à les examiner tous.
2 Mais je voulais juste examiner ce qui correspond au 1er et au 2e Corps de la
3 Krajina, parce qu'ils englobaient la zone de Banja Luka.
4 M. PANTELIC : [interprétation] Donc, page 3 de ce document. C'est la page
5 3, mais en fait, on y voit numéro 2.
6 Q. Donc, c'est un rapport mensuel et, de toute façon, les soldats sont
7 très, très précis, lorsqu'ils présentent des rapports. Il s'agit du 1er et
8 du 2e Corps de la Krajina.
9 Car nous voyons que l'armée a déposé un rapport d'enquêtes judiciaires à
10 l'encontre d'un civil pour des crimes commis contre le droit humanitaire
11 international. Vous voyez cela ?
12 R. Oui.
13 Q. Bien sûr, vous ne pouvez pas savoir pourquoi est-ce que cette plainte a
14 été déposée contre ce civil, mais nous verrons à la page 14 de ce rapport
15 mensuel de quoi il s'agit. Alors, nous allons attendre que cette page soit
16 affichée.
17 Conformément aux instructions et conformément aux positions prises, le
18 procureur militaire du commandement du 1e et 2e Corps d'armée de Krajina, à
19 la page 12 -- en fait, voilà, nous avons la page 12, mais il nous faut la
20 page 13 à l'écran. La voilà. Au point 8, nous pouvons voir l'énumération
21 des crimes contre l'humanité, nous pouvons voir que le tribunal militaire a
22 porté plainte contre un certain Baric Jozo, conformément à l'article 142,
23 pour le massacre qui a été commis contre les membres de la population serbe
24 dans le village de Serdari, le 17 septembre.
25 Voyez-vous cela ?
26 R. Oui, tout à fait.
27 Q. J'imagine que vous vous souvenez de ces événements. C'était à l'automne
28 1992. Il y avait énormément de combats sur la ligne de front de Banja Luka.
Page 14239
1 J'aimerais vous demander, est-ce que vous vous souvenez de ces incidents
2 lors desquels on a tué des membres de la population serbe, il y avait même
3 des enfants et des personnes âgées; vous souvenez-vous de cela ?
4 R. Oui, tout à fait. Je me souviens très bien de ces événements et de cet
5 événement précis. Il y avait, en fait, quelques événements très analogues à
6 celui-ci. Effectivement, on a procédé à des meurtres massifs d'un grand
7 nombre de personnes de la population serbe, plus particulièrement à Kotor
8 Varos, dans la municipalité de Kotor Varos. Et je me souviens très bien
9 qu'il s'agit d'un très grand nombre de personnes, qu'il y avait
10 effectivement même des enfants, parmi ces victimes.
11 Je voulais également ajouter que dans la municipalité de Kotor Varos,
12 en tant que municipalité frontalière de la municipalité de Banja Luka,
13 cette année-là, en 1992, il y avait effectivement un très grand nombre
14 d'incidents de ce genre. Je crois que celui-ci était l'incident qui a causé
15 le plus de pertes de civils tués par l'armée croate et musulmane. Cet
16 événement est donc resté gravé dans ma mémoire, et voilà, vous m'avez
17 rappelé l'événement en question.
18 Q. Un peu plus loin, à la page 14, le procureur militaire du 2e et du 1e
19 Corps d'armée, au point 4 de ce rapport, parle du fait que des réunions ont
20 eu lieu à Derventa, Teslic, Knezevo, Laktasi et Banja Luka, réunions tenues
21 avec les autorités civiles.
22 Nous pouvons nous rendre compte, ici, que l'activité du procureur militaire
23 a, entre autres, au paragraphe 3 du chapitre 4, parlé des contacts avec les
24 autorités militaires, tout comme nous pouvons le voir pour Derventa,
25 Teslic, Knezevo - lorsqu'on parle de Knezevo, on pense plutôt à Skender
26 Vakuf - et ensuite, il y a Laktasi et Banja Luka.
27 J'aimerais savoir si, s'agissant de vos collègues, vous avez eu des
28 contacts, ou plutôt, est-ce qu'entre vous, vous saviez qu'il y avait des
Page 14240
1 contacts avec les autorités civiles et ces municipalités ?
2 R. Oui, effectivement. Il y a eu de telles réunions où on nous a informé
3 de ce type de contact, et ce, en 1992 et plus tard, en 1993 aussi. Oui,
4 effectivement, il y a eu des réunions de ce type.
5 Q. Un peu plus loin, le procureur militaire, d'après ce document, prévoit
6 d'entreprendre des contacts actifs avec d'autres autorités civiles. Et à la
7 dernière page de ce document - pour en terminer avec ce document - nous
8 pouvons voir que ce rapport, entre autres -- j'attends de voir l'affichage
9 de la page 17.
10 M. PANTELIC : [interprétation] Donc, je ne demande que l'affichage de la
11 page 17, s'il vous plaît.
12 Q. Nous pouvons voir ici qu'on a fait parvenir ce document au procureur du
13 tribunal supérieur de Banja Luka, en fait. J'imagine que cette instance
14 supérieure, c'était le procureur du tribunal supérieur ?
15 R. Oui.
16 Q. Au point 6, en anglais, de la traduction, au point donc -- on peut voir
17 un point d'interrogation et c'est la raison pour laquelle je vous ai posé
18 cette question. En anglais, ce n'était pas très clair à savoir de quel type
19 de procureur il s'agit, en fait. C'est le procureur supérieur du tribunal
20 militaire supérieur; est-ce que c'est exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Et puisque nous parlons déjà de ce sujet, je voudrais mettre les points
23 sur les i, comme on dit chez nous, pour clore le sujet du procureur
24 militaire, même si nos collègues du bureau du Procureur se battent comme de
25 lions pour prouver le contraire, mais les faits sont incontestables --
26 M. OLMSTED : [interprétation] Je suis désolé, cela n'est pas nécessaire,
27 Monsieur le Président, de faire ce type de commentaires.
28 M. PANTELIC : [interprétation] Je suis réellement désolé. Si vous pensez
Page 14241
1 que ce n'est pas contesté que les autorités militaires étaient placées --
2 ou plutôt, pouvaient également poursuivre des civils pour des crimes de
3 guerre commis, alors, ce n'est pas contesté.
4 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, la question a trait à
5 la forme de la question. Je ne crois pas qu'il est approprié de dire au
6 témoin de parler de la position adoptée par l'Accusation. On n'a pas
7 informé le témoin de la position qu'a l'Accusation face à ce sujet. Je
8 crois qu'il ne faudrait que poser une question, et c'est tout.
9 M. PANTELIC : [interprétation] Je suis réellement désolé, je m'en excuse.
10 Q. Bien. Alors, passons maintenant au document 65 ter 10293. De cette
11 façon-là, nous pouvons terminer ce sujet, clore ce sujet.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Pantelic, avant de passer à un
13 autre sujet, je souhaiterais poser un certain nombre de question au témoin.
14 Et il est mieux peut-être de les poser maintenant, puisque nous sommes déjà
15 en train de parler de ce sujet.
16 M. PANTELIC : [interprétation] En fait, je n'ai qu'un seul document encore
17 concernant ce sujet. Par la suite, je vous cède, bien sûr, le micro.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]
19 M. PANTELIC : [interprétation]
20 Q. Alors, Monsieur Kovacevic, nous voyons ici une information reçue par le
21 tribunal militaire rattaché à l'armée, et il est tout à fait probable - et
22 je ne veux pas maintenant me livrer à des conjectures - mais je crois qu'il
23 s'agit du document historique du tribunal militaire, car nous avons entendu
24 un certain nombre de témoignages selon lesquels tout ceci était en cours de
25 formation, est en train d'être formé. Moi, je conclus à la suite de ce qui
26 figure à côté du 1/92 du 9 septembre 1992. Nous pouvons voir que l'auteur
27 de ce document est le procureur militaire qui s'appelle Supic, à Han
28 Pijesak, la date est le 9 septembre 1992.
Page 14242
1 M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on passe à la
2 page 3 du document.
3 Q. Alors le procureur militaire instruit au procureur militaire subordonné
4 de donner la priorité aux poursuites de crimes contre l'humanité et crimes
5 commis "contre le droit international humanitaire".
6 Donc, Monsieur Kovacevic, après avoir vu tous ces documents, nous voyons
7 très bien quelle était la responsabilité des membres des structures
8 militaires, à savoir qu'à chaque fois qu'ils ont connaissance de crime
9 éventuel commis contre l'humanité, il était absolument nécessaire
10 d'entreprendre les mesures nécessaires pour commencer une enquête, pour
11 diligenter une enquête, et pour savoir ce qui en est ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 M. PANTELIC : [interprétation] Puisqu'il s'agit d'un numéro 65 ter, je
14 demanderais que le document soit versé au dossier.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc il s'agit de la pièce 65 ter, de
16 quel 65 ter ?
17 M. PANTELIC : [interprétation] 65 ter 10293.
18 M. OLMSTED : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 2D107.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur Pantelic.
21 Monsieur Kovacevic, j'aimerais vous demander la chose suivante. En réponse
22 à une question posée par Me Pantelic lorsqu'il vous a demandé de savoir si
23 vous, en tant que procureur public, vous procédiez à la coordination de
24 l'effort déployé dans le but de diligenter une enquête, et ce, en
25 collaboration avec le procureur militaire, j'aimerais savoir si, et je me
26 réfère maintenant aux pages 7 et 8, on vous a demandé :
27 "J'imagine que vous et vos supérieurs du bureau du procureur militaire
28 aviez des contacts avec les organes judiciaires militaires, où vous
Page 14243
1 organisiez ou coordonniez vos positions en tant que professionnels et vous
2 parliez de la question de la juridiction…"
3 Vous avez répondu :
4 "Oui, effectivement, nous avons eu de telles réunions."
5 J'aimerais savoir la chose suivante maintenant. Quelle était la nature des
6 sujets discutés dans ces réunions, car voyez-vous, la Chambre reçoit
7 l'information qui lui est fournie par un certain nombre de témoins, et on
8 sait qu'un certain nombre de crimes ont été commis par les trois parties
9 pendant le conflit, tel que l'a dit lui-même Me Pantelic. Dans le cadre de
10 ce procès en l'espèce, la question s'est souvent posée de savoir la
11 responsabilité de diligenter ces crimes incombait à quel procureur; était-
12 ce quelque chose qui incombait au procureur militaire ou au procureur civil
13 ?
14 Et je crois qu'il est sans doute le cas de dire qu'un très grand nombre de
15 crimes commis n'ont jamais fait l'objet d'enquêtes, par ni l'un ni l'autre
16 des procureurs.
17 Et donc cela me ramène à votre réponse. Lorsque vous avez dit
18 qu'effectivement de telles réunions ont eu lieu lors desquelles le
19 procureur militaire et le procureur public se réunissaient pour coordonner
20 les questions relatives à la juridiction, j'aimerais que vous me parliez un
21 petit peu plus de ces réunions. Quelle était la fréquence de ces réunions ?
22 Ces réunions portaient sur quoi exactement ? Et quelles étaient les
23 actions, qu'est-ce que vous faisiez, quelles étaient les actions
24 entreprises à la suite de lecture de rapports de crimes commis ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je peux répondre de la
26 question suivante à votre question.
27 Le procureur public représente le bureau du procureur. Donc, Nebojsa
28 Pantic, le procureur d'Etat, représentait le bureau du procureur lors de
Page 14244
1 ces réunions. Tout comme lors de ces réunions, le bureau du procureur
2 supérieur de Banja Luka, était représenté par M. Milan Puvacic.
3 J'ai eu l'occasion de participer en 1993, si je ne m'abuse, à une réunion.
4 Je crois que le procureur Pantic et le procureur Puvacic étaient présents.
5 Lors de cette réunion, on a parlé d'un certain nombre de plaintes au pénal,
6 c'était parvenu au bureau du procureur militaire, et qui était sous la
7 compétence des autorités militaires ou civiles. Il s'agissait d'une plainte
8 formulée concernant une désertion des forces militaires, d'un vol de biens
9 de forces armées. Et les auteurs de ces crimes étaient des officiers de
10 réserve, ou bien, dans un certain nombre de cas des civils.
11 Donc la question qui s'est posée lors de cette réunion était de trouver la
12 réelle compétence pour ce type de plaintes au pénal et pour ce type de
13 crimes commis, puisque les personnes, auteurs de ces crimes allégués
14 avaient changé de statut; il ne s'agissait plus de soldats de réserve, mais
15 ces personnes étaient devenues des civils. Donc ils s'étaient présentés à
16 l'obligation de travail. Il y a également eu des cas dans lesquels des
17 civils avaient été auteurs de crimes généraux commis contre les biens
18 militaires appartenant à l'armée, et donc ces derniers avaient quitté la
19 Republika Srpska, ou le territoire de Bosnie-Herzégovine.
20 Toujours s'agissant de cette réunion, d'après ma conclusion et d'après mes
21 connaissances, la question ne s'est pas posée, à savoir quelle était la
22 compétence du tribunal militaire par rapport à la compétence s'agissant de
23 crimes commis à l'encontre de la population civile et du droit
24 international humanitaire.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur Kovacevic.
26 Si j'ai bien compris votre témoignage, la division des juridictions entre
27 les procureurs militaires et les procureurs publics dépendait également du
28 statut des auteurs de crimes ?
Page 14245
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 14246
1 Je vous pose cette question car vous avez dit il n'y a pas très longtemps
2 que le statut des auteurs des crimes commis avait changé. Si la personne
3 ayant commis un crime était un soldat de réserve, elle tombait sous la
4 compétence du procureur militaire; mais si la personne changeait de statut
5 et qu'elle devenait un civil, à ce moment-là, c'était le bureau du
6 procureur public qui avait la compétence sur cette personne.
7 Est-ce que je vous ai bien compris ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était une question de la coordination
9 des positions adoptées entre les procureurs militaires et les procureurs
10 civils. Donc on essayait de se mettre d'accord sur une position commune, à
11 savoir quelle serait la compétence de ces tribunaux, et ce, par rapport,
12 bien sûr, aux civils lorsqu'une plainte au pénal avait été faite pour ce
13 type de crimes.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
15 Dites-moi, un meurtre commis à l'encontre d'un civil, et ce, pendant les
16 opérations de combat, est-ce que c'était considéré comme étant un crime de
17 guerre ou un crime qui tombait sous la juridiction civile ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que la pratique en 1992, à
19 savoir d'établir la compétence des tribunaux, s'est poursuivie pendant la
20 durée du conflit qui faisait rage en Bosnie-Herzégovine. S'il s'agissait
21 d'un meurtre ou s'il s'agissait de plusieurs meurtres, d'après la pratique
22 en vigueur s'agissant de la population civile, des plaintes au pénal
23 étaient faites par les instances policières, et ce, pour les crimes
24 suivants : s'il s'agissait de plusieurs victimes, plusieurs meurtres, on
25 parlait du crime de meurtre qualifié - et je crois que ceci était conforme
26 à l'article 36, point 5, si je ne m'abuse - et, en tant que tel, ce crime
27 était traité par le procureur civil.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
Page 14247
1 Je voulais simplement m'assurer d'avoir tout à fait bien compris. Je crois
2 que je vous ai compris de la façon suivante : il me semblait que vous
3 disiez que la juridiction dépendait réellement du statut de l'auteur du
4 crime. Donc, en d'autres mots, le procureur militaire avait la juridiction
5 sur un meurtre en tant que crime de guerre, et c'était considéré comme tel
6 seulement si l'auteur du crime commis était membre des forces armées, soit
7 en tant que soldat régulier ou en tant que soldat de réserve.
8 Vous ai-je bien compris ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais réellement pas quelle était la
10 pratique des tribunaux militaires s'agissant de la poursuite des personnes
11 ayant commis des meurtres de ce type conformément à l'article 16 du code
12 pénal. Mais d'après ce que j'en sais concernant les compétences pour ce qui
13 est de l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine, et ce, pendant la
14 durée des opérations de combat, tout ceci était identique à ce que j'ai dit
15 tout à l'heure.
16 D'après moi, sur le territoire de la Republika Srpska et s'agissant du
17 territoire de la fédération, la compétence était identique pour ce qui est
18 de la poursuite des personnes ayant commis des crimes. D'après l'article
19 36, point 5, la compétence était cédée aux autorités civiles; alors que
20 dans d'autres cas, par exemple, si quelqu'un avait porté plainte, avait
21 parlé de la commission d'un crime contre la population civile, ce type de
22 plaintes se rendaient immédiatement aux tribunaux militaires, et ce, pour
23 l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine. Donc, d'après mes
24 connaissances, c'était la pratique adoptée et en vigueur pour l'ensemble de
25 la Bosnie-Herzégovine.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kovacevic.
27 Je ne vais pas prendre plus de temps du conseil de la Défense, donc voilà,
28 je cède le micro à Me Pantelic de nouveau.
Page 14248
1 M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
2 Juges.
3 Q. Monsieur Kovacevic, dites-moi, dans la réponse que vous avez donnée à
4 Me Zecevic et en réponse aux questions posées par mon éminent confrère, M.
5 Olmsted, vous aviez dit que dans notre système juridique en vigueur en
6 1992, on a changé de compétence - et je crois que c'était en juin 1992 -
7 donc la compétence a changé. Donc les tribunaux supérieurs ont transféré la
8 compétence aux tribunaux de district, n'est-ce pas, est-ce que c'est exact
9 pour tout ce qui est de ces crimes commis ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous souvenez-vous qu'à l'époque, la compétence liée au travail des
12 organes de la police était également harmonisée de cette même façon
13 s'agissant de ce changement de compétence. Et pour ceci, j'aimerais que
14 l'on se penche sur le document P1090.
15 En attendant que le document soit affiché, dites-moi s'il y a eu une
16 coopération entre le tribunal municipal, le parquet ainsi que les forces de
17 sécurité publiques, coopération et coordination pour ce qui est des
18 activités concernant la découverte des crimes commis ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous n'avez pas vu ce document avant, bien sûr, et je ne veux pas vous
21 poser les questions concernant cela. Le 2 juillet 1992, pour ce qui est du
22 changement de compétence, une personne répondant au nom de Josic, et nous
23 savons qu'il est inspecteur au poste de sécurité publique et chef du
24 département chargé de la prévention des crimes, et nous voyons dans ce
25 document que des collègues de Banja Luka se sont plaints au centre des
26 services de Sécurité - c'est à la page 3 de ce document - donc ils se sont
27 plaints puisqu'ils n'étaient pas compétents pour s'occuper d'un tel nombre
28 de délits qui, vu le changement des compétence, maintenant, relevaient de
Page 14249
1 leur compétence.
2 J'attends que cette page soit affichée à l'écran.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Dans la version en serbe, j'ai besoin de la
4 page numéro 3. C'est la version en B/C/S.
5 Q. Le chef Tutus l'a signée, et cette information a été préparée par le
6 chef Josic. Nous voyons qu'il y a eu un grand problème pour ce qui est des
7 nouvelles obligations du personnel et la pénurie du personnel en même
8 temps, ainsi que par rapport au nombre de délits qui relevaient de la
9 compétence du poste de sécurité publique. C'est ce qu'on voit dans les
10 conclusions.
11 Monsieur Kovacevic, dites-nous quelle est la situation au parquet ? Est-ce
12 que vous aviez des difficultés pour ce qui est de ce grand nombre de délits
13 qui relevaient maintenant de votre compétence ? Pourriez-vous nous dire
14 quels étaient vos problèmes à l'époque ?
15 R. Il y avait de nombreux problèmes par rapport à cela. La situation sur
16 le territoire de la municipalité de Banja Luka était une situation
17 extraordinaire. C'est-à-dire, la guerre a éclaté en Bosnie-Herzégovine. Il
18 n'y avait pas suffisamment de cadres, il n'y avait pas de fonctionnaires
19 qualifiés. Et ce grand flux de cas a provoqué beaucoup de problèmes
20 puisqu'il n'était pas possible d'engager des poursuites au pénal dans des
21 délais raisonnables. Tout d'un coup, on a vu des dizaines de cas qui
22 affluaient quotidiennement, des dizaines de plaintes au pénal qui étaient
23 enregistrées au parquet.
24 Q. Nous allons nous arrêter là.
25 Monsieur Kovacevic, dans votre déclaration faite au bureau du
26 Procureur, et beaucoup d'autres témoins, vos collègues d'ailleurs, ont
27 déposé dans ce prétoire qu'en 1992, il y avait beaucoup de délits qui
28 consistaient en des attaques des membres des unités paramilitaires contre
Page 14250
1 les magistrats, soit les magistrats du parquet, soit des tribunaux. Le
2 saviez-vous ?
3 R. Oui.
4 Q. Entre autres, cela concernait les procureurs et les juges qui, malgré
5 la situation difficile qui prévalait à l'époque dans les institutions
6 judiciaires, ont continué à faire leur travail et ont risqué leurs vies.
7 Vous avez entendu parler de ces difficultés ?
8 R. Oui. En personne, j'ai eu des situations difficiles. On a tiré sur ma
9 voiture, sur mon appartement. Tout cela s'est passé en 1992.
10 A une occasion, lors d'un procès, un civil, ou plutôt quelqu'un du public,
11 a réussi à introduire dans le prétoire un engin explosif. A l'époque, nous
12 n'avions pas de police judiciaire qui pouvait procéder à des contrôles à
13 l'entrée du bâtiment du tribunal.
14 Il était très difficile de s'acquitter des missions de procureur en
15 1992.
16 Q. Si je vous ai bien compris, lors des procès où vous travailliez en tant
17 que procureur et défenseur d'intérêt public, il y avait beaucoup de
18 situations où vous étiez exposé au danger, puisqu'il y avait beaucoup de
19 personnes qui pensaient qu'ils pouvaient rendre justice.
20 R. Oui.
21 Q. Je m'intéresse en particulier à savoir quelle était la situation dans
22 la région de Prijedor. Nous ne pouvons, bien sûr, pas analyser tous les
23 détails, mais en 1992, est-ce que vous aviez des informations sur la région
24 de Prijedor au niveau politique et au niveau militaire concernant certains
25 hommes politiques de Prijedor. Puisqu'il y avait des rumeurs qui
26 circulaient que les responsables des autorités civiles et politiques se
27 sont comportés de façon arbitraire. Quel était le statut de Prijedor dans
28 le cadre de la Région autonome de Krajina ? Quelle était sa réputation ?
Page 14251
1 R. Pour ce qui est de la région de Prijedor, je sais qu'en fait, cette
2 région fonctionnait d'une façon qui était différente par rapport au reste
3 de la Krajina en 1992.
4 Q. Dans quel sens ?
5 R. Vu les structures du pouvoir qui étaient établies là-bas, avant tout au
6 sein des organes de la police, il était difficile de contrôler toutes les
7 activités -- de vérifier l'exactitude des informations.
8 Q. En répondant à une question de M. Olmsted, vous avez dit que lors de
9 votre travail, vous n'avez pas pu obtenir certaines informations, surtout
10 par rapport à Prijedor. En tant que procureur, est-ce que vous aviez des
11 problèmes, des difficultés, est-ce que d'autres organes avaient les mêmes
12 difficultés concernant Prijedor, les organes auxquels ces institutions se
13 sont adressées à Prijedor pour obtenir des informations ?
14 R. J'ai voulu parler de cela dans ma réponse. J'ai voulu dire que d'autres
15 organes ne pouvaient pas non plus obtenir des informations. Tout ce qui
16 concernait l'échange des informations concernant la municipalité de
17 Prijedor était relié à des difficultés.
18 Q. Maintenant, Monsieur Kovacevic, il faut qu'on constate la chose
19 suivante, aux fins du compte rendu, dans la région de Prijedor, il y avait
20 une unité bien organisée - peut-être de taille d'une brigade ou d'un groupe
21 tactique - qui était composée de tas des officiers militaires qui venaient
22 des opérations de combat à Potkozarje [phon], sur le front, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Il était logique que les responsables militaires aient été au courant
25 de ce qui se passait dans la région de Prijedor, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Monsieur Kovacevic, je dois maintenant passer à l'analyse concrète de
28 certains cas, ou plutôt de deux cas majeurs, le cas concernant Koricanske
Page 14252
1 Stijene, et le cas ou l'affaire concernant Vrbas. Il s'agit des victimes
2 non-serbes dont les corps ont été jetés dans la rivière Vrbas. Les deux
3 crimes immondes ont eu lieu en août 1992.
4 Vous serez d'accord pour dire que conformément à la législation en
5 vigueur à l'époque, le rôle du procureur était de lancer des poursuites au
6 pénal pour ce qui est des délits qui relevaient de la compétence du
7 procureur, et d'orienter des poursuites au pénal dans un sens ou dans un
8 autre. Donc, selon les dispositions légales, le procureur joue un rôle
9 actif pour ce qui est de la découverte des auteurs de délit, bien sûr, en
10 coopérant avec la police, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Il y a, bien sûr, une hiérarchie au parquet. Vous avez dit que votre
13 supérieur était M. Pantic; son supérieur était M. Puvacic se trouvant en
14 échelon supérieur, et je pense que M. Gladanac se trouvait au sommet de
15 cette hiérarchie, à savoir au niveau de la république, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Comme nous avons déjà vu, concernant le fonctionnement du parquet
18 militaire, au parquet civil également, il a fallu tracer les lignes
19 directrices de la stratégie des poursuites au pénal, prendre certaines
20 positions par rapport à ces activités. Et le procureur représente, en fait,
21 l'agent qui combat le crime au nom de la société. Vous avez fait votre
22 travail en appliquant certaines directives. Et après avoir consulté
23 d'autres niveaux plus élevés dans le cadre du parquet, vous avez adopté ces
24 stratégies pour faire votre travail, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Et la Chambre de première instance a compris que le juge d'instruction
27 a eu un rôle actif également.
28 Il faut pourtant expliquer un point à la Chambre. Lorsqu'une plainte
Page 14253
1 au pénal est enregistrée au parquet concernant un délit commis par une
2 personne inconnue, vous vous adressez au juge d'instruction pour qu'il
3 s'acquitte de ces missions. Est-ce que le juge d'instruction est autonome
4 pour ce qui est de ses activités ? Est-ce qu'il peut donner des
5 ordonnances, des ordres, ou est-ce qu'il peut agir de façon autonome ? Ou
6 est-ce qu'il est lié au parquet pour ce qui est de ces activités ?
7 Pouvez-vous nous expliquer cela brièvement ?
8 R. Le juge d'instruction est l'organe qui mène l'enquête concernant un
9 délit commis. Pour ce qui est du crime commis à Koricanske Stijene, le juge
10 d'instruction est allé sur place pour mener l'enquête sur place; c'est le
11 début du procès. Et pendant cette enquête sur les lieux qui devrait ne pas
12 durer très longtemps, le juge d'instruction joue un rôle actif et il est
13 indépendant. Il est tout à fait indépendant concernant le rassemblement de
14 toutes les informations, de toutes les déclarations provenant des personnes
15 qui peuvent, d'une façon ou d'une autre, fournir les informations
16 pertinentes.
17 Q. Je vais vous arrêter là.
18 Donc, le juge d'instruction peut faire des travaux dans le cadre des
19 enquêtes sans vous en informer.
20 R. Oui, mais il faut qu'il m'informe ultérieurement; c'est son obligation.
21 Et il peut également procéder à une série d'activités, et après avoir
22 fait une synthèse de toutes les informations, il lui incombe de m'informer
23 de tout cela ultérieurement.
24 Q. Bien sûr, tous les participants à cette partie du procès jouent un rôle
25 défini par la loi. Le juge d'instruction -- le procureur peut demander des
26 informations à d'autres organes, par exemple aux organes de l'armée, de la
27 police, et cetera. Il n'est pas limité dans ce sens-là.
28 R. Oui, il peut contacter les structures militaires, les autorités
Page 14254
1 chargées de la sécurité. Et pour ce qui est du bureau du procureur - et là,
2 je parle du crime commis à Koricanske Stijene - on hésitait pour ce qui est
3 de l'organe compétent qui devait se rendre sur place. On ne savait pas si
4 un organe militaire devait être compétent pour mener une enquête sur place
5 ou un organe civil.
6 Le procureur avait pour obligation de coordonner le travail avec
7 d'éventuels organes militaires, et il a pu faire cela de façon autonome.
8 Q. Savez-vous lors des contacts avec les organes judiciaires militaires,
9 que l'armée a refusé de prendre des mesures nécessaires ?
10 R. Peu de temps après cela, dans 15 ou 20 jours, où j'ai appris qu'il y
11 avait des difficultés --
12 Q. Je vais vous arrêter là, puisqu'il faut qu'on affiche la pièce de
13 l'Accusation.
14 M. PANTELIC : [interprétation] Cette dépêche fait partie du dossier qui
15 s'appelle le dossier consolidé pour ce qui est de Vlasic; c'est P675 qui
16 fait partie du dossier P18567.
17 Q. Vous avez répondu à des questions de M. Olmsted, lorsqu'il vous a
18 montré ce document; il faut qu'on parle du rôle de l'armée pendant la
19 période où les informations affluaient concernant tous les événements qui
20 se sont produits là-bas.
21 Nous voyons que la dépêche a été envoyée le 21 août 1992. Il s'agit du
22 rapport de combat extraordinaire, où le commandant de cette zone de
23 responsabilité, le lieutenant-colonel Peulic, dit -- il propose qu'une
24 commission soit formée au sein du Corps de la Krajina pour mener l'enquête
25 sur place. Il propose également d'autres choses. Et il propose que les
26 organes du CSB se rendent sur place également.
27 Il parle des informations par rapport à ce crime qui a eu lieu à cet
28 endroit. Et il propose que d'autres mesures soient prises également. Il
Page 14255
1 propose que tout cela soit fait conformément à des instructions reçues du
2 bureau du procureur militaire.
3 R. Oui.
4 Q. Peulic est un officier de métier expérimenté, et il sait très bien
5 quelles sont les mesures à être prises dans de tels cas qui se produisent
6 dans sa zone de responsabilité.
7 D'après vous - vous êtes un professionnel - vu la compétence des organes
8 chargés de lancer des poursuites au pénal, pour ce qui est de la commission
9 des crimes contre les civils, dites-nous si qui que ce soit des autorités
10 militaires, des autorités judiciaires militaires vous a contacté en
11 proposant la coopération eu égard à la découverte des auteurs du crime à
12 Koricanske Stijene ?
13 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous n'avons pas eu de coopération
14 avec ces organes concernant cet incident.
15 Q. En 1992, vous n'avez pas pu non plus savoir si la police travaillait
16 pour ce qui est de certains crimes. Mais lorsque vous avez parlé au bureau
17 du Procureur de ce Tribunal, on vous a montré des documents, des dépêches
18 où le chef du poste de police de Prijedor informe le chef du CSB
19 que les personnes soupçonnées d'avoir commis ce crime se trouvent au sein
20 des organes militaires, au sein de l'armée, en train d'exécuter ces tâches
21 militaires.
22 Quelle était l'obligation du parquet militaire, ainsi que des organes de
23 sécurité militaire, vu l'information contenue dans cette dépêche, ce que le
24 parquet militaire aurait dû faire en étant conscient du fait que les
25 auteurs présumés se trouvaient dans leurs rangs ?
26 R. Ils auraient dû prendre une copie de la plainte au pénal, et ils
27 auraient dû s'acquitter de cette partie du travail, s'ils se sont rendu
28 compte qu'ils étaient compétents dans cette partie du procès.
Page 14256
1 M. PANTELIC : [aucune interprétation]
2 M. OLMSTED : [interprétation] J'allais objecter à la forme de la question
3 qui est extrêmement longue et complexe et directrice.
4 Le document que nous voyons à l'écran dit que le convoi composé d'autocars
5 qui se dirigeait vers Koricanske Stijene était escorté par les membres de
6 la police civile de Prijedor et de Sanski Most. Plus loin, on voit que ces
7 policiers ont participé à l'exécution. Ensuite, il est dit que les unités
8 militaires n'avaient rien à voir avec ce crime.
9 Ensuite, à moins que Me Pantelic ne parle d'une situation hypothétique -
10 pour dire que les auteurs présumés étaient les militaires et que le bureau
11 du procureur militaire aurait dû faire quoi que ce soit - dans ce sens-là,
12 c'est une question appropriée. Mais ici, il ne s'agit pas des faits
13 supposés. Le témoin, il a déposé là-dessus. Il a reçu l'information
14 concernant les auteurs de ce crime, et dans ce document particulier des
15 organes militaires, on voit que c'était la police civile.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons faire la pause maintenant,
17 et vous pouvez reformuler votre question après la pause.
18 [Le témoin quitte la barre]
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
20 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
21 [Le témoin vient à la barre]
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, Maître Pantelic, vous allez
23 essayer de poser votre question à nouveau ?
24 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Kovacevic, vous voyez sur l'écran ce rapport intérimaire, il
26 s'agit d'une dépêche envoyée par le commandant, M. Peulic, et M. Peulic
27 utilise, à très bon escient, ces nuances de langue. Il fait référence à un
28 génocide contre les civils. Bon, il n'est pas juriste, il n'est pas avocat.
Page 14257
1 Le mot "génocide" de toute façon a été utilisé par les trois camps, par les
2 trois parties à des fins de propagande. Mais il est absolument indubitable
3 que cela concernait un grand nombre de civils, que cela s'était passé dans
4 la zone de responsabilité en question. Et il est aussi indubitable que
5 d'après les instructions et consignes qu'il avait reçues précédemment, le
6 commandant Peulic informe son commandant de crime; est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Alors, nous allons reprendre les questions que nous avions commencé à
9 poser avant la pause.
10 Alors soit c'est une question d'interprétation soit c'est un malentendu
11 avec M. Olmsted. Bon, il ne s'agit pas d'une question hypothétique. Je vais
12 vous montrer les mêmes documents qu'il vous a montrés précédemment, à
13 savoir des dépêches relatives aux communications entre le CSB
14 et le CSB de Prijedor dans lesquelles il était demandé où se trouvaient les
15 membres, s'ils faisaient partie de l'armée ou non.
16 Vous vous souvenez de toutes ces questions ?
17 R. Oui.
18 Q. Mais avant d'en arriver là, nous devons - parce que vous êtes un
19 professionnel et ce qui est exactement le cas des Juges qui vont ici rendre
20 leur jugement - il ne s'agit pas d'un procès dressé à l'encontre
21 d'institutions ou d'organisations. Il s'agit d'un procès où sont accusés
22 des individus, des personnes individuelles, et ce, pour leur responsabilité
23 individuelle. Alors c'est la raison pour laquelle je vous pose la question
24 : est-ce que mon client, M. Zupljanin, vous a jamais donné des ordres pour
25 entraver une enquête ou est qu'il vous a conseillé de ne pas mener à bien
26 telle ou telle enquête ? Est-ce qu'il a jamais, en fait, fait obstruction à
27 la justice ?
28 R. Non, jamais.
Page 14258
1 Q. Est-ce que vous disposez d'informations suivant lesquelles mon client,
2 M. Zupljanin, et là je pense à votre supérieur, M. Pantic, est-ce que donc
3 mon client, est-ce que vous avez reçu des informations indiquant que M.
4 Zupljanin avait exercé des pressions sur votre supérieur, M. Pantic, est-ce
5 que Pantic, par exemple, s'est jamais plain auprès de vous de pressions
6 dont il aurait fait l'objet pour ne pas mener à bien une enquête, par
7 exemple ?
8 R. Non, non, je ne dispose absolument d'aucunes informations suivant
9 lesquelles M. Zupljanin aurait essayé d'entraver le cours de la justice,
10 enfin, de ce que je sais de la part de M. Pantic ou d'après ce qu'il m'a
11 dit.
12 Q. Alors, puisqu'il s'agit de responsabilité pénale individuelle, nous
13 devons expliquer à la Chambre de première instance la structure du CSB de
14 Banja Luka, le travail qu'il faisait par rapport au procureur, et les
15 tâches bien précises des différentes personnes chargées de poursuivre les
16 auteurs de crimes.
17 Alors, nous allons demander l'affichage de la pièce P1567. C'est un
18 document qui est très, très volumineux, document relatif à des rapports
19 d'enquêtes judiciaires, et il s'agit du KTN de Koricanske Stijene et du KTN
20 de Vrbas, dont nous avons déjà parlé.
21 M. PANTELIC : [interprétation] Je m'excuse, c'est un document qu'il va
22 falloir que nous examinions par la suite. En fait, je demanderais
23 l'affichage du document 2D71.
24 Q. Voilà, il s'agit de l'affaire Vrbas, dont ces non-Serbes qui ont été
25 tués, dont les corps ont été trouvés à Vrbas. Ce n'est pas un document
26 séparé; il fait partie d'un dossier, d'un dossier judiciaire.
27 M. PANTELIC : [interprétation] Donc, page 16. Voilà, c'est bien cette page.
28 Q. Avant de poursuivre notre examen du travail de la police du procureur
Page 14259
1 et du juge d'instruction, je fais appel à votre expérience de procureur.
2 Alors, vous savez en quoi consiste le travail de la police, vous savez ce
3 qui est un plan de travail, un plan de travail opérationnel lorsque la
4 police travaille d'après les instructions du juge d'instruction ou de ses
5 supérieurs; donc c'est un plan qui indique comment mener à bien une
6 opération précise, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Alors, il y a quelque chose qui est très important --
9 M. PANTELIC : [interprétation] Voilà, voilà. C'est bien ce document-ci pour
10 l'anglais. Mais je souhaiterais que la deuxième page de la version anglaise
11 soit affichée, je vous prie, la page où apparaissent les noms.
12 Q. Voyez-vous, Monsieur Kovacevic, vous étiez procureur ou vous avez été
13 procureur pendant de nombreuses années. Vous avez coopéré quotidiennement
14 avec des membres de CSB de Banja Luka. Le chef du centre, c'était M.
15 Zupljanin, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Et le chef adjoint et le chef de la sécurité publique, c'était Djuro
18 Bulic, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Alors, il y avait toute une série de départements et de sections qui
21 étaient placés sous la direction de Djuro Bulic, ce qui nous intéresse
22 maintenant c'est le département de la prévention des crimes. Car en dessous
23 de Djuro Bulic, il y avait le chef du département de la prévention des
24 crimes au CSB de Banja Luka, et il s'appelait Milorad Djuric; est-ce exact
25 ?
26 R. Oui.
27 Q. Alors, en fonction du type de dossier, du nombre d'affaires d'ailleurs
28 également, il y avait également un chef de section pour la prévention
Page 14260
1 générale des crimes, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Et en fait, c'était Zivko Bojic, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Et puis il y avait le chef des équipes des inspecteurs. De toute façon,
6 personne ne travaille seul, ils travaillaient toujours dans une équipe. Et
7 il s'agissait de l'inspecteur pour la section de la prévention générale des
8 crimes, et là, il s'agissait de M. Dragomir Markovic, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous, en tant que procureur, et je pense en fait au procureur qui
11 travaille pour le bureau du procureur, vous communiquez, vous coopérez avec
12 d'autres, je suppose - et corrigez-moi si je me trompe - certaines affaires
13 vous étaient confiées. Et que pour certaines opérations, vous communiquez
14 avec le chef de secteur Bulic, avec le chef de section Bojic, ou avec le
15 chef de section Djuric et son équipe et avec l'équipe opérationnelle; c'est
16 bien ainsi que les choses se passaient ?
17 R. Oui, la plupart du temps.
18 Q. Donc, c'était différent par rapport à votre supérieur, M. Pantic; lui,
19 il avait les mêmes communications avec quelqu'un d'autre à un niveau
20 supérieur du CSB, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Mais c'est très important, Monsieur Kovacevic, car cela nous permettra
23 de déterminer la vérité, donc Stojan Zupljanin n'était pas un homme qui
24 faisait cavalier seul, un magicien affublé d'une baguette magique. Il
25 avait, placé sous lui, des professionnels qui étaient bien formés qui
26 chapeautaient différents départements, qui s'occupaient de certains crimes
27 et qui exécutaient le travail opérationnel, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, c'est exact.
Page 14261
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 14262
1 Q. Et maintenant que nous avons constaté qui étaient les différents
2 protagonistes dans le cadre d'une opération de la police…
3 [Le conseil de la Défense se concerte]
4 M. PANTELIC : [interprétation] Mon estimé confrère me dit qu'il faudrait
5 revenir par la suite sur ce plan de travail.
6 Q. Mais revenons, si vous voulez bien, à l'affaire de Koricanske Stijene.
7 Car vous avez donc fait une déposition et présenté des éléments de preuve
8 lors de l'interrogatoire principal, et vous avez analysé certains documents
9 et vous avez analysé des dépêches qui faisaient partie du dossier en
10 l'espèce. Pour que tout soit bien précis et pour que la chronologie soit
11 bien établie, je vais vous présenter certaines dates, et nous allons revoir
12 cette chronologie.
13 Vous savez donc que ce crime grave s'est produit le 21 août 1992, à
14 Koricanske Stijene; est-ce exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Le CSB de Banja Luka a déposé un rapport d'enquête judiciaire contre X
17 le 8 septembre 1992; est-ce exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Et pour autant que je m'en souvienne, lorsque vous avez répondu à
20 l'Accusation, vous avez dit que c'est vous qui dirigiez l'affaire, parce
21 qu'il y avait eu toute une série d'enregistrements auprès des différents
22 organes du bureau du procureur, et c'est le 10 ou le 11 qu'on vous a confié
23 cette affaire. Puis, je pense que cela a été également officiellement --
24 R. Oui, je pense que c'est le 11 que cela a été reçu officiellement par le
25 bureau du procureur.
26 Q. Le 11 septembre, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. En fait, il y a cette lettre qui propose au juge d'instruction que des
Page 14263
1 mesures d'enquête soient prises, et la date de cette lettre destinée au
2 juge d'instruction c'est le 14 septembre 1992; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Après avoir entendu plusieurs témoins, et ce, parce que cela avait été
5 proposé par vous, le juge d'instruction avait été d'avis que cela avait été
6 terminé et il vous a renvoyé l'affaire le 24 septembre.
7 R. Moi, je ne l'ai pas ici à l'écran, mais je pense que c'était
8 effectivement le 24.
9 Q. Le 30 septembre 1992, vous avez donné des consignes destinées aux
10 membres de la police criminelle au CSB de Banja Luka pour que le travail
11 opérationnel se poursuive afin d'identifier les auteurs du crime, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Donc nous avons ici, grosso modo, pendant un mois, des échanges qui ont
15 eu lieu entre différentes autorités; le bureau du procureur ainsi que la
16 police. Tout cela s'est passé en un mois, et ensuite ça s'est terminé par
17 votre ordre qui disait que le travail opérationnel doit se poursuivre.
18 R. C'est exact.
19 Q. Lorsque vous êtes arrivé ici à La Haye, le bureau du Procureur vous a
20 montré d'autres dépêches échangées entre le CSB
21 Prijedor à propos de ces actions opérationnelles. Vous avez dit que vous ne
22 vous souvenez pas avoir vu cela en 1992, mais vous les avez examinées avec
23 l'Accusation. J'aimerais que nous nous penchions sur ces documents avec
24 vous à nouveau.
25 M. PANTELIC : [interprétation] Premièrement, je demanderais l'affichage du
26 document P1573.
27 Q. Nous allons commencer par ce document-ci. Le CSB
28 cette dépêche au SJB de Prijedor en citant une dépêche du MUP de la
Page 14264
1 Republika Srpska en date du 31 août 1992 et donne à Prijedor l'ordre de
2 consigner les dépositions écrites des policiers qui ont escorté le convoi,
3 de fournir les coordonnées personnelles de ces officiers de la police au
4 plus tard le 15 septembre.
5 Vous voyez cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Cela fait partie intégrante du travail de la police, n'est-ce pas, afin
8 justement d'identifier les auteurs du crime; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Examinons maintenant le document suivant. Je m'excuse car nous ne
11 pouvons pas tout afficher sur l'écran en même temps, ce qui nous donnerait
12 d'ailleurs une vue d'ensemble.
13 M. PANTELIC : [interprétation] Document suivant, P682.
14 Q. Donc le 14 septembre 1992, le SJB de Prijedor a envoyé une dépêche au
15 SJB de Banja Luka, et la référence est d'ailleurs la demande du 11
16 septembre, et le poste de la sécurité publique de Prijedor indique ce qui
17 suit :
18 Premièrement, le SJB de Prijedor n'est pas en mesure d'effectuer une
19 enquête à propos des incidents qui se sont déroulés à Koricanske Stijene.
20 Alors, il est évident à la lecture de ceci que le CJB de Banja Luka avait
21 demandé une enquête et avait demandé que certaines mesures soient prises
22 par le SJB de Prijedor --
23 M. LE JUGE HARHOFF : [hors micro]
24 M. PANTELIC : [interprétation]
25 Q. -- exact ?
26 R. Oui.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ecoutez, je pense que nous avons déjà
28 examiné cela de façon assez exhaustive. A moins que vous n'apportiez de
Page 14265
1 nouveaux éléments, je vous propose de passer à autre chose.
2 M. OLMSTED : [interprétation] Et je voulais également intervenir moi-même
3 pour vous dire que ces documents visent la procédure interne du MUP, et le
4 témoin était procureur à l'époque. Donc je ne vois pas sur quelle base on
5 lui demande de présenter des observations à propos des communications entre
6 le CSB et Prijedor. Me Pantelic pourrait tout à fait, bien entendu, lui
7 demander si ce témoin était informé des informations de la dépêche, mais
8 que peut-il nous dire d'autre ?
9 M. PANTELIC : [interprétation] Messieurs les Juges, écoutez, la situation
10 est très claire. Nous avons quatre dépêches extrêmement importantes que je
11 voudrais montrer, et je voudrais qu'elles soient consignées au compte rendu
12 et je voudrais qu'elles soient prises en considération par les Juges lors
13 de leur analyse. Car ce témoin était informé de l'envoi d'un certain nombre
14 de ces dépêches; on lui a présenté ces dépêches lors de la séance de
15 récolement avec le bureau du Procureur. Donc je ne vais pas entrer dans le
16 moindre détail de ces dépêches. Mais au vu de son expérience
17 professionnelle de procureur, je voudrais savoir si ce témoin peut nous
18 dire si la juridiction militaire et les organes militaires étaient aptes à
19 réagir à la situation dans cet exemple précis de Koricanske Stijene. Et
20 cela ne va durer que quelques minutes. J'ai posé des questions au témoin à
21 propos de ses connaissances personnelles à ce sujet.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Mais à
23 moins que les quatre documents ne fassent déjà partie du dossier et à moins
24 que le témoin ne nous donne de nouvelles réponses à propos du fait que les
25 militaires ont indiqué immédiatement à quel point ils ne souhaitaient pas
26 mener à bien une enquête sur l'incident de Koricanske Stijene.
27 Je pense que le témoin a donné une réponse très, très claire
28 lorsqu'on lui a montré le document du lieutenant-colonel Peulic, qui avait
Page 14266
1 indiqué que cela ne relevait absolument pas de la compétence des
2 militaires.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Pantelic --
4 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si vous voulez répondre, je vous en
6 prie. Je poserai ma question après votre réponse.
7 M. PANTELIC : [interprétation] Oui. En fait, j'aurais voulu attirer
8 l'attention de cette Chambre de première instance sur cet élément parce que
9 je fais appel à l'expérience du témoin, l'expérience de procureur. Ce que
10 je voudrais savoir c'est quelles sont les mesures qui doivent être prises
11 lorsque des informations relatives à des auteurs potentiels allégués sont
12 telles qu'elles convergent, en fait, vers un membre de l'armée. Voilà ce
13 que je voudrais obtenir.
14 M. OLMSTED : [interprétation] Oui, le Procureur n'a aucun problème à ce que
15 la question soit posée, à condition, bien entendu, qu'on indique de façon
16 très, très claire qui devrait prendre ces mesures. Si vous parlez du bureau
17 du procureur militaire, une fois de plus, je vous dirais que ce témoin
18 travaillait dans un bureau du procureur civil, donc c'est une question
19 qu'il faudra poser à quelqu'un qui travaillait pour un procureur militaire
20 tout simplement ou qui travaillait dans un bureau du procureur militaire.
21 M. PANTELIC : [interprétation] Je suis entièrement d'accord avec vous, M.
22 Olmsted.
23 Q. Alors, Monsieur Kovacevic, voyons le fait. Vous voyez, ces personnes,
24 dont les données sont précisées, faisaient partie de l'unité militaire à
25 Han Pijesak à partir du 9 septembre 1992.
26 R. Oui.
27 Q. Et nous voyons que lorsque l'armée et la Croix-Rouge le demandent, il y
28 a un ordre ou une demande qui a finalement été donné pour que ces officiers
Page 14267
1 de police accompagnent ce convoi.
2 R. Oui.
3 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre ce qui suit : dans ce genre de
4 situation, lorsque vous avez des auteurs de crimes potentiels qui font
5 partie de l'armée, en tant que procureur, que pouvez-vous nous dire ?
6 Quelles sont les mesures qui doivent être prises par le procureur
7 militaire, ou par vous en tant que procureur public ?
8 Un petit moment, je vous prie.
9 M. OLMSTED : [interprétation] C'est une question qui induit en erreur,
10 parce que dans ce document, il n'est pas dit que ces officiers de police
11 faisaient partie de l'armée. Il est tout simplement dit qu'ils ont été
12 envoyés sur la ligne de front.
13 M. PANTELIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demanderais de
14 ne pas tenir compte de cette objection parce que mon estimé confrère
15 devrait savoir que sa propre pièce P618 nous donne des renseignements sur
16 qui a été envoyé, sous le contrôle de qui, et cetera. C'est pour cela, moi,
17 que je voudrais que nous nous penchions sur ce document, qui a une
18 importance cruciale pour la Défense de mon client, car ce document va
19 montrer quels sont les départements -- ce que fut le département de la
20 police criminelle du CSB entre-temps, et nous verrons, bien entendu, si ce
21 témoin est en mesure de nous donner la réponse, ce que lui, en tant que
22 procureur civil, peut faire, quelles mesures il peut prendre.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Pantelic --
24 M. PANTELIC : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si je vous comprends bien, d'après ce
26 document, vous nous dites que ce document nous permet de comprendre qu'il y
27 avait des militaires qui faisaient partie des auteurs; c'est ce que vous
28 nous dites; c'est cela ? Parce que c'est ce que vous avez déjà suggéré à
Page 14268
1 deux ou trois reprises; c'est cela ?
2 M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Juge, Monsieur le Juge, nous
3 savons qu'avant le mois de septembre, qu'avant le mois d'août et après le
4 mois d'août, plus précisément le 9 septembre, nous ne savons pas qui avait
5 donné l'ordre, nous ne savons pas comment les membres de cette section
6 spéciale de Prijedor ont été envoyés au front et sont devenus, de fait, des
7 militaires.
8 C'est à cela que je veux en venir.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc vous, vous établissez le lien
10 entre les meurtres à Koricanske Stijene et la resubordination de la police
11 sur la base de ce document-ci ? Enfin, c'est l'un des documents -- en tout
12 cas, c'est l'un des documents, à votre avis, qui prouve ce lien ?
13 M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous dirais très
14 respectueusement qu'il s'agit d'un malentendu. Non, non. Voilà quelle est
15 la situation : à partir du 9 septembre 1992, il y a de nombreux moyens de
16 preuve et beaucoup de renseignements et d'informations qui nous permettent
17 de comprendre que les membres du SJB de Prijedor qui faisaient partie de ce
18 convoi -- qui ont escorté le convoi ont reçu un ordre et ont été envoyés
19 dans des opérations militaires.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais après l'événement.
21 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, après l'événement.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien, d'accord.
23 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, en effet.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous, vous nous dites que, parce qu'à
25 ce moment-là ils sont placés sous le commandement des militaires, l'enquête
26 qui doit être menée à bien relève de la juridiction militaire; c'est cela ?
27 M. PANTELIC : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maintenant, c'est clair pour moi.
Page 14269
1 M. PANTELIC : [interprétation] Excusez-moi, j'essaie de vous présenter cela
2 en suivant un ordre chronologique. Ça, c'est la réponse à la dépêche du 11
3 septembre.
4 Voilà, ça, c'est la réponse à cette dépêche, comme je dis.
5 Maintenant, nous avons la dépêche suivante. 7 octobre 1992, CSB de Banja
6 Luka. Pièce de l'Accusation P617.
7 Q. Voilà, une autre dépêche qui concerne Koricanske Stijene. Et Prijedor
8 doit fournir une réponse détaillée en indiquant qui étaient les policiers
9 qui ont escorté le convoi.
10 Deuxièmement, ils doivent indiquer s'il y avait d'autres personnes
11 qui faisaient partie de leur groupe.
12 Troisièmement, ils doivent indiquer ce qu'ont écrit ces policiers
13 dans le rapport lorsqu'ils sont revenus.
14 Et quatrièmement, il faut qu'il y ait un rapport, un rapport à propos de
15 l'enquête menée à bien sur les lieux.
16 Et il faut qu'ils identifient les lieux en question.
17 Vous voyez tout cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous êtes d'accord pour dire que c'est une pratique d'usage pour ce qui
20 est des organes de la police et la façon de travailler normale ?
21 R. Oui.
22 M. PANTELIC : [interprétation] Passons maintenant au document de
23 l'Accusation P618. Je l'ai mentionné tout à l'heure lorsque vous étiez en
24 train de répondre à une question. En fait, il s'agit du document P618.
25 C'est le dernier document de cette liasse de documents qui portent sur ce
26 sujet. Voilà. Est-ce que vous pouvez zoomer un petit peu, comme ça on
27 pourra voir de quoi il en est. Très bien.
28 Q. Alors, Prijedor répond en date du 13 octobre à la dépêche précédente
Page 14270
1 envoyée par le CSB le 7 octobre et dit ceci : Les personnes ayant suivi le
2 convoi, les membres du SJB de Prijedor, se trouvent actuellement en train
3 d'effectuer des opérations de guerre. Et par la suite, on dit que d'autres
4 informations ont été envoyées.
5 Alors, eu égard à tous ces documents que nous avons vus, j'aimerais vous
6 demander la chose suivante : d'abord, on a donc fait ouverture du dossier,
7 l'affaire est en cours, on est en train d'enquêter, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Deuxièmement, on constate que la police civile, eu égard à
10 l'information reçue, n'avait pas de compétence donc sur les membres de
11 l'armée au moment où cette dépêche a été rédigée ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Et on constate également le fait que cette affaire ne serait jamais
14 close puisqu'on attendait que les personnes qui se trouvaient dans l'armée
15 deviennent des civils et tombent sous la compétence des autorités civiles
16 afin d'être arrêtées; est-ce que c'est exact ?
17 R. Oui.
18 Q. D'après votre opinion professionnelle, qu'est-ce que vous auriez fait
19 comme procureur ? Si vous avez, par exemple, l'information à savoir que
20 certaines personnes pour lesquelles on avait soupçonné qu'elles avaient
21 commis des crimes, et cetera, eu égard à la procédure que nous avons
22 abordée. Qu'est-ce que vous auriez fait, vous personnellement, dans un tel
23 cas ?
24 R. Dans un cas pareil, j'aurais informé d'abord le procureur militaire ou
25 j'aurais peut-être même fait parvenir une plainte au procureur militaire
26 compétent. Donc j'aurais certainement fait l'une de ces deux choses.
27 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : étant donné que les organes militaires de
28 sécurité, à la suite de la réception de la dépêche du lieutenant-colonel
Page 14271
1 Peulic, avaient connaissance de l'événement - puisque de toute façon, les
2 moyens internationaux en avaient parlé ainsi que la presse nationale -
3 dites-nous, quel était le rôle du procureur militaire dans un cas pareil,
4 et des organes de sécurité, sachant très bien qu'à Prijedor, certaines
5 personnes qui avaient été soupçonnées de crimes se trouvaient maintenant
6 dans l'armée ? Que peuvent faire les autorités militaires chargées de la
7 sécurité ?
8 R. Les organes militaires chargés de la sécurité auraient dû procéder de
9 la même façon que les organes civils -- que la police civile.
10 Q. En d'autres mots, les structures militaires savaient très bien ce qui
11 s'était passé. Les structures militaires savaient pertinemment que d'après
12 certains ordres, les personnes potentiellement soupçonnées étaient envoyées
13 à Han Pijesak.
14 J'aimerais savoir que doit faire l'organe de sécurité ?
15 R. L'organe de sécurité militaire doit d'abord arrêter les personnes le
16 plus rapidement possible, et ces personnes doivent être envoyées, ou
17 déportées, si vous voulez, aux soins de la police militaire. Par la suite,
18 après que l'on ait traité leur cas de façon opérationnelle, transférer les
19 dossiers au procureur militaire, et ces derniers doivent être également
20 emmenés devant le procureur militaire.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Simplement pour donner suite à ce que
22 vous venez de dire.
23 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous alliez peut-être le mentionner
25 sous peu. Et, Monsieur Pantelic, effectivement, j'avais l'impression que
26 vous alliez poser une question de suivi, mais permettez-moi de vous
27 interrompre un instant.
28 J'aimerais savoir la chose suivante, Monsieur Kovacevic : si la police
Page 14272
1 militaire procédait à l'arrestation de certains membres des forces armées
2 qui, par exemple, venaient d'être resubordonnés à l'armée, mais qui avaient
3 commis des crimes, par exemple, à Koricanske Stijene pendant qu'ils étaient
4 encore des policiers et tombaient sous la juridiction du procureur public,
5 est-ce que le procureur militaire continue de diligenter une enquête et de
6 poursuivre en justice les auteurs des crimes, puisqu'ils font maintenant
7 partie de la juridiction de l'armée; ou bien, est-ce qu'on les renvoie
8 devant le procureur public ? Est-ce que ceci veut dire que c'est de la
9 juridiction du procureur public puisque de toute façon les crimes ont été
10 commis à l'époque où les auteurs étaient encore des policiers civils, donc
11 ils travaillaient auprès de la police civile ?
12 Pourriez-vous, je vous prie, m'apporter quelques précisions sur ce point ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, tout ceci n'est pas du tout facile
14 à expliquer.
15 Puisqu'il ne faut pas oublier que les membres de la police étaient
16 également membres de certaines structures des forces armées sur le terrain.
17 Ce que je veux entendre par là c'est que ces personnes qui effectuaient
18 l'escorte auraient pu, en tant que policiers de réserve ou policiers
19 réguliers, également appartenir à l'unité militaire se trouvant quelque
20 part sur la première ligne de front. Dans une telle situation, il est
21 incontestable que le procureur militaire aurait la compétence nécessaire de
22 poursuivre ce type de criminels ou d'auteurs de crimes, et là il n'y aurait
23 pas de dilemme.
24 Donc le procureur militaire, dans ce cas concret, se devait d'établir
25 quelle est l'appartenance en ce qui a trait à la formation militaire de
26 chacun des individus, et ce, avant qu'il ne soit envoyé effectuer des
27 taches militaires près de Han Pijesak, avant que l'on lui confie une
28 mission donc. Et ce n'est qu'à ce moment-là, lorsqu'on aurait établi ces
Page 14273
1 faits, qu'on établit donc si une telle personne auteur d'un acte criminel
2 était membre des forces armées par le biais du système de réserve de la
3 police et placée sous le commandement des structures militaires, ou bien si
4 ce n'était pas le cas.
5 Donc tous les membres de la police de réserve, tous les membres de la
6 police spéciale et toutes les structures appartenant à la police - donc les
7 individus de ces structures - pouvaient appartenir de par leur formation
8 aux unités de combat et étaient placées sous le commandement de l'armée de
9 la Republika Srpska.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie de cette précision.
11 J'aimerais vous poser une question directe. D'après votre connaissance,
12 est-ce que vous savez si quelque tentative que ce soit avait été faite par
13 la police pour lever la juridiction sur ces crimes du bureau du Procureur
14 public en resubordonnant et en effectuant le transfert des auteurs de
15 Koricanske Stijene entre les mains des forces armées ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est bien difficile de vous parler de la
17 décision de quelqu'un d'une structure quelconque pour ce qui est de l'envoi
18 d'une personne sur le champ de bataille afin de pouvoir arrêter les
19 procédures ou empêcher qu'une enquête ne soit diligentée. Je crois que
20 c'est tout à fait impossible. Pour moi, c'est impossible. C'est un concept
21 qui n'est pas possible puisque de toute façon, dans une situation pareille,
22 ces personnes seraient certainement exposées aux tirs, pourraient être
23 victimes de blessures et pourraient également trouver la mort. Donc, je
24 crains que quelqu'un aurait accepté d'aller sur la ligne de front, sur les
25 premières lignes de front. La personne aurait peut-être fui l'armée pour ne
26 pas être envoyée dans la zone de combat et essayé d'éviter d'être blessée
27 et de perdre la vie, puisqu'une telle supposition supposerait même une
28 possibilité de mort.
Page 14274
1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
2 Maître Pantelic.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'aurai, en fait, une question pour
4 le témoin, si je puis. Mais avant cela, je voudrais m'assurer de quelque
5 chose. Le document qui est affiché à l'écran, dans lequel on peut lire :
6 Nous avons fait parvenir l'information que vous avez demandée pour tous les
7 policiers qui ont procédé à l'escorte du convoi relatif à votre document
8 numéro 11-12-16 daté du 26 septembre 1992.
9 Alors, j'aimerais savoir est-ce qu'on sait de quoi il s'agit ?
10 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Juge, vous faites référence à la
11 dépêche du 22 septembre 1992 que le chef Drljaca dit avoir envoyée au CSB ?
12 Je crois que nous n'avons pas ce document. Il nous faut seulement tirer des
13 conclusions de par cette dépêche-ci.
14 M. PANTELIC : [interprétation] Nous sommes dans une position,
15 malheureusement, encore moins bonne.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
17 M. PANTELIC : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il me semblait, Monsieur Olmsted
19 [comme interprété], vous avoir entendu dire, dans le cadre de votre
20 interrogatoire principal, d'avoir demandé que l'on vous donne les noms de
21 tous les policiers qui ont escorté le convoi. Il me semblait que vous aviez
22 dit que vous n'avez jamais obtenu de liste, que l'on n'a jamais répondu à
23 votre demande. Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] : Oui, tout à fait, c'est exact.
25 Excusez-moi, puis-je dire quelque chose. Monsieur le Juge, petite
26 correction. Ce n'est pas une liste de policiers. Je voulais simplement
27 avoir une liste de noms des personnes ayant escorté le convoi. J'ai
28 simplement fait une demande de vérification. Je m'en excuse. Désolé.
Page 14275
1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.
2 Maintenant, j'aimerais savoir ce qui suit, puisqu'on vous a posé une série
3 de questions hypothétiques, j'aimerais moi aussi vous poser une question
4 hypothétique. Vous avez dit que :
5 "On nous avait informés que les policiers qui ont escorté le convoi
6 de Prijedor à Knezevo se trouvent actuellement dans les commissions de
7 guerre [sic]…"
8 Est-ce que ce serait une raison pour remettre la juridiction au procureur
9 militaire. Est-ce que l'on ne s'attendrait pas à avoir des noms de
10 personnes qui ont escorté le convoi et d'avoir les noms de personnes qui
11 étaient resubordonnées à l'armée, après avoir obtenu une information d'une
12 personne sachant ce qui s'est passé à Koricanske Stijene, une personne qui
13 avait été impliquée dans l'incident, et à ce moment-là, pourrait-on
14 s'attendre que cette personne essaie de dissimuler qui sont les auteurs ?
15 A ce moment-là, est-ce que l'on serait satisfait avec la réponse, à
16 savoir, Ils ne sont plus ici; ils sont ailleurs ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est bien difficile de répondre à une
18 question hypothétique comme celle-ci.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin --
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement --
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais vous avez répondu depuis 20
22 minutes aux questions hypothétiques.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, excusez-moi, Monsieur le Juge.
24 D'un point de vue personnel, puisqu'il me faut vous donner une évaluation
25 et vous dire si c'était possible d'avoir les noms et les prénoms des
26 auteurs des crimes, si quelqu'un ayant envoyé une lettre à M. Simo Drljaca
27 et qu'il répond donc de cette façon-ci. Est-ce que Simo Drljaca avait les
28 noms et les prénoms ? Donc la personne qui demande cette information, je ne
Page 14276
1 sais pas si elle connaissait ces faits. Je vais répéter ce qu'on constate
2 ici dans la lettre, troisième ligne, deuxième phrase :
3 "Par notre acte numéro 11-12-16 du 22 septembre 1992…"
4 Je n'ai plus le document sous les yeux. Voilà, il y est de nouveau. Très
5 bien. Merci.
6 "…nous vous faisons parvenir les informations demandées pour tous les
7 policiers qui effectuaient l'escorte du convoi en question."
8 Je ne sais pas si toutes les informations étaient disponibles, et c'est
9 ainsi que je ne peux pas réellement répondre à votre question.
10 D'un point de vue pénal, juridique et d'un point de vue de la police
11 judiciaire opérationnelle, de la façon dont la police procédait, le fait
12 d'avoir un nom et un prénom n'est pas suffisant. Cela n'identifie pas
13 réellement une personne. C'est pour ceci que je vous répond cela. Parce que
14 je voudrais étoffer ma réponse et vous expliquer pourquoi je réponds de la
15 façon dont je réponds, parce qu'en fait, d'avoir le nom et le prénom n'est
16 pas suffisant; cela ne suffit pas. Il faut également avoir le nom de fille
17 de mère et le surnom, par exemple, de la personne, le mois, le jour et
18 l'année de naissance exacte. Tout ceci est indispensable afin d'avoir
19 l'identification des auteurs d'un crime, et ce n'est qu'à ce moment-là que
20 je peux me pencher sur un cas pour dire que la personne ayant demandé
21 l'information savait qui étaient les auteurs d'un crime.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous nous confirmez
25 que l'information, même si vous aviez vous aussi demandé à ce que l'on vous
26 fasse parvenir cette information, vous en tant que procureur public, vous
27 n'avez jamais reçu l'information en question ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait juste. Nous n'avions pas reçu
Page 14277
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 14278
1 cette information.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
4 Président, Messieurs les Juges.
5 Q. Pour clore ce sujet.
6 Les membres du CSB de Banja Luka et du service pénal n'ont absolument
7 aucune compétence sur les organes militaires. Pour eux, cette affaire est
8 ouverte, mais ils n'ont pas la compétence nécessaire pour réagir ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Je vous prie d'expliquer aux Juges de la Chambre qui est la personne
11 habilitée à envoyer les membres de Prijedor, qui les envoie à Han Pijesak,
12 ces membres ? Est-ce que c'est la police qui les déploie ou bien est-ce que
13 c'est une structure militaire ou une unité compétente supérieure qui les
14 envoie ?
15 R. Je crois que c'est la structure militaire compétente qui prend cette
16 décision. Afin qu'une personne ne puisse être déployée dans une unité de
17 guerre, il faut absolument qu'il s'agisse d'une structure militaire
18 compétente qui est chargée de cette resubordination, l'unité qui a été
19 chargée d'emmener cette personne dans cette unité en question.
20 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin peut avoir
21 une opinion personnelle, effectivement, mais ce n'est pas un membre de la
22 police. On ne sait pas du tout de quelle façon -- on ne peut pas se pencher
23 sur son opinion à lui. Ce n'est pas un témoin expert qui peut nous parler
24 de la resubordination entre la VRS et la RS. Mais, bien sûr, il peut bien
25 répondre et donner une opinion personnelle.
26 M. PANTELIC : [interprétation] Ah, attendez un instant, s'il vous plaît.
27 Q. Monsieur Kovacevic, est-ce que vous avez fait votre service militaire ?
28 R. Oui.
Page 14279
1 Q. Est-ce que vous avez le grade d'officier de réserve ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous savez, en tant que procureur, mais également en tant
4 que personne ayant fait son service militaire, est-ce que vous savez
5 comment est-ce que ça marche, comment est-ce qu'une personne peut être
6 resubordonnée et peut être envoyée sur les opérations de combat ?
7 R. Oui, tout à fait.
8 M. PANTELIC : [interprétation] Très bien. Merci. Je crois que ceci est tout
9 à fait clair. J'ai maintenant d'autres questions à vous poser sur d'autres
10 sujets.
11 Q. Voilà, commençons par les événements suivants. Alors, la chronologie
12 est la suivante : au mois d'août 1992, un crime violent a été commis, et
13 vous avez vu les documents nécessaires s'y afférant. Par la suite en 1999,
14 il y a le procureur de Banja Luka. Et nous avons également vu les procès
15 qui sont menés devant les tribunaux de BiH à Sarajevo 2007, 2008, 2009,
16 2010, nous avons vu des documents relatifs également aux jugements, et
17 ainsi de suite. Est-ce qu'il s'agit de trois élément-clés, de trois moments
18 de Koricanske Stijene ?
19 R. Oui.
20 Q. Donc il a fallu 20 ans pour qu'on en arrive là, alors que vous, en tant
21 que procureur, en 1999, vous occupiez le poste que vous occupez maintenant,
22 mais [inaudible].
23 R. Oui.
24 Q. En tant que procureur de carrière et personne ayant vécu ces
25 événements, est-ce qu'il aurait été possible qu'en 1992 et 1993, pendant
26 que la guerre faisait rage, est-ce que vous auriez pu faire votre travail
27 en 1992 et en 1999 de la même façon ?
28 R. Vous savez, en 1992 et 1993, il était très difficile de travailler. Il
Page 14280
1 était absolument impossible. Il ne fallait pas s'attendre à ce que l'on
2 procède de la façon habituelle, régulière, comme c'est l'habitude de
3 procéder en temps de paix. Il s'agissait de quelque chose de très complexe.
4 Il s'agissait de crimes violents avec des conséquences très sérieuses. Et
5 effectivement, il était très difficile de s'attendre de nous à l'époque à
6 ce que l'on procède rapidement et d'être efficaces et de faire en sorte que
7 ces personnes soient arrêtées et emmenées devant la justice dans les plus
8 brefs délais.
9 Q. Mais nous sommes tout à fait d'accord, n'est-ce pas, pour dire que tout
10 du moins lorsqu'il s'agit de la section du CSB
11 ont rédigé les dossiers, c'est eux qui ont jeté les fondements pour que
12 plus tard on arrive à la justice. Ils ont bien fait leur travail. Ils ont
13 enquêté. Ils ont construit un dossier solide, n'est-ce pas ?
14 R. Tout à fait.
15 M. PANTELIC : [interprétation] Voyez-vous -- Monsieur Kovacevic, si l'on
16 examine la pièce P1567.
17 Q. Vous avez vu que nous avons des problèmes avec toutes sortes de
18 documents. Vous avez vu qu'il y a des dépêches manquantes, il y a des
19 éléments manquants.
20 Mais j'aimerais vous demander de dire aux Juges de la Chambre
21 d'abord, lorsqu'il s'agit d'une plainte qui a été formulée, elle est
22 enregistrée dans un registre KTN ?
23 R. Tout à fait.
24 Q. Il s'agit d'un dossier -- il y a une chemise en carton, comme ça, sur
25 laquelle on rédige tous les détails ?
26 R. Vous savez, nous avions des problèmes de papier à l'époque. Nous
27 n'avions pas de chemises en carton. Mais effectivement, nous avions une
28 sorte de chemise un peu plus mince.
Page 14281
1 Q. D'accord. Mais tous les documents qui sont envoyés doivent figurer sur
2 la liste, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Et dans le cadre de votre travail régulier en tant que procureur, vous
5 avez la responsabilité d'inscrire certaines actions pour que vous puissiez
6 dire à vos associés, Prends note du fait qu'en novembre, mettons en 1993,
7 je dois faire ceci ou cela, n'est-ce pas, de le consigner dans un journal ?
8 R. Oui, dans des circonstances régulières, normalement.
9 Q. Vous, les procureurs militaires, vous avez des dossiers qui commencent
10 toujours par les lettres EV. Il s'agit deux lettres qui veut dire
11 "evidentia", qui veut dire "dossier", n'est-ce pas ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 Q. Lorsque vous êtes venu déposer devant ce Tribunal, le Procureur ne vous
14 a pas montré la chemise où tout était répertorié, on vous a simplement
15 montré la teneur de certains documents qui figuraient dans cette chemise,
16 mais en réalité, on ne vous a jamais montré la chemise officielle des
17 dossiers. Est-ce que c'est exact; je me trompe peut-être.
18 R. Vous pensez au parquet municipal ou parquet de district ?
19 Q. Au parquet municipal.
20 R. Oui.
21 Q. Donc, nous n'avons pas la chemise de ce dossier ici, du dossier qui a
22 été établi en septembre 1992 ?
23 R. Oui.
24 Q. Et nous, nous ne pouvons que supposer ce qu'il y avait comme documents
25 dans ce dossier. Tout ce que nous avons, ce sont les documents que le
26 bureau du Procureur de ce Tribunal nous a fournis ?
27 R. Oui.
28 Q. Passons à la page 2 de ce document. Pour aider la Chambre à comprendre
Page 14282
1 à quelles difficultés vous passiez à Banja Luka en 1992 et 1993, ce qui eu
2 une incidence sur l'affaire même.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Nous avons le document -- c'est à la page
4 suivante. Je m'excuse, c'est à la page suivante. Puisque les documents
5 défilent les uns après les autres. Les trois derniers chiffres du numéro
6 ERN est 497. Il faut agrandir le paragraphe numéro 3 pour que le témoin
7 puisse le voir.
8 Q. Pourquoi ce document est-il important ? Il s'agit du document de 1999,
9 où le chef du CSB de Banja Luka, M. Sutilovic, ce n'est pas lisible, au
10 paragraphe 3, il dit :
11 "Vu les conditions et les circonstances dans lesquelles le centre
12 fonctionnait et, en particulier, par rapport aux événements en septembre
13 1993, "Typhoon", et l'incursion des membres de la SFOR au centre, nous
14 informons que nous ne disposons pas de la plainte au pénal ni les pièces
15 jointes à cette plainte au pénal."
16 Monsieur Kovacevic, dites à la Chambre si l'action septembre 1993 était
17 l'action menée par certains organes de l'armée contre les autorités
18 civiles, et qu'à ce moment-là le bâtiment de CSB
19 encerlé, les documents ont été saisis, et qu'il s'agit d'une sorte de coup
20 militaire, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est vrai.
22 Q. Et donc, lors de ces actions, les documents du CSB
23 été saisis, n'est-ce pas, ce qui est d'ailleurs dit dans ce document ?
24 R. Oui.
25 Q. Ensuite, pendant cette période sur le territoire de Banja Luka,
26 l'opération appelée "Typhoon" a été menée. Et lors de cette opération,
27 différents intérêts étaient en conflit, certains documents ont été altérés,
28 il y avait une série de manipulation. Et lors de cette action, certains
Page 14283
1 documents auraient pu être saisis ou auraient pu disparaître, n'est-ce pas
2 ?
3 R. Oui, c'est vrai.
4 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, vu que le document a
5 été versé au dossier, le conseil de la Défense peut certainement en parler,
6 mais ce témoin, comment peut-il dire quoi que ce soit pour ce qui est des
7 événements survenus au CSB et concernant les dossiers de la police qui ont
8 été saisis ?
9 M. PANTELIC : [interprétation]
10 Q. Est-ce que vous avez parlé avec vos collègues, les policiers, avec les
11 procureurs, pour ce qui est des documents qui ont été saisis lors de ces
12 différentes actions ?
13 R. Donc, l'objectif de cette opération septembre 1993, et probablement
14 l'opération "Typhoon", était de voir les organes --
15 Q. Question concrète : est-ce qu'il y a eu la saisie des documents ?
16 R. Oui. Et l'objectif de l'opération septembre 1993 était de saisir
17 certains documents. L'armée a voulu saisir certains documents pour
18 certaines raisons, au CSB de Banja Luka.
19 Q. Et bien sûr, la SFOR est arrivée, à la fin de tout cela et a saisi
20 certains documents, et on pose la question pour savoir quand on aurait pu
21 rassembler les moyens de preuve pour pouvoir avancer la poursuite au pénal
22 à l'encontre des auteurs de ce crime, quand cela aurait pu se produire ?
23 R. Au moment où on aurait eu tous les éléments concernant cet événement,
24 et d'après moi, c'était vers la fin de la guerre ou, plutôt, après les
25 accords de paix de la fin de l'année 1996, et plus tard où les unités
26 militaires ont été démantelées, les unités policières également.
27 Q. Et dans ce moment-là, on aurait pu rassembler des éléments de preuve,
28 et cetera ?
Page 14284
1 R. Oui.
2 Q. Monsieur Kovacevic, Stojan Zupljanin n'exerçait aucune fonction au sein
3 de la police à l'époque ?
4 R. Non.
5 M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que le moment pour faire la pause est
6 venu ?
7 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, on va faire la pause maintenant.
8 [Le témoin quitte la barre]
9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.
10 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
11 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, en attendant que le
12 témoin n'entre dans le prétoire, Me Pantelic me dit qu'il va avoir besoin
13 de 15 ou 20 minutes, et après j'aurais besoin de 45 minutes au plus pour
14 les questions supplémentaires qui émanent du contre-interrogatoire.
15 Notre témoin suivant est le témoin protégé. Il faut un peu de temps
16 pour que le système dans le prétoire soit préparé pour sa déposition, et
17 c'est pour cela que je vous demande s'il ne serait plus approprié que le
18 témoin ne rentre ?
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je pense que c'est ce qu'il faut
20 faire.
21 [Le témoin vient à la barre]
22 M. PANTELIC : [interprétation]
23 Q. Monsieur Kovacevic, puisque ce document est toujours affiché à l'écran,
24 le document de l'Accusation qui compte beaucoup de pages, j'aimerais qu'on
25 clarifie la réponse que vous avez fournie à M. Olmsted.
26 Il s'agit d'un détail, mais c'est mon devoir de tirer cela au clair.
27 M. PANTELIC : [interprétation] Il s'agit de la page 14 180 du compte
28 rendu du 3 septembre 2010.
Page 14285
1 Q. M. Olmsted vous a demandé d'interpréter la note officielle de Radovan
2 Sukalo, technicien de la police judiciaire. Il s'agissait d'un document de
3 1992. Et d'après Sukalo, le juge d'instruction n'avait pas été sur les
4 lieux du crime à Koricanske Stijene.
5 M. Olmsted a peut-être omis de vous montrer la page 35 du même
6 document, et c'est la raison pour laquelle j'aimerais que cette page soit
7 affichée à l'écran maintenant. Il s'agit de la note officielle de 1999 de
8 M. Zdenko Tesanovic, qui était technicien de la police judiciaire dans un
9 département spécial. Vous allez voir que Jankovic, Jevto était le juge
10 d'instruction du tribunal municipal de Banja Luka.
11 C'est au milieu de cette page, inspecteur Markovic, et l'enquête sur
12 place a été menée par le juge d'instruction, et cetera. Avez-vous repéré
13 cette partie ?
14 R. Oui.
15 Q. Il y a également Buhovac qui a pris parole. Dans la plainte au pénal du
16 CSB de Banja Luka, cela a été mentionné également.
17 Après avoir parlé à votre chef Pantic, vous souvenez-vous s'il vous a dit
18 qu'une enquête sur lieu a été menée ou que le juge d'instruction y était
19 pendant l'enquête sur place ? Est-ce qu'il vous a dit quelque chose là-
20 dessus ?
21 R. Je me souviens qu'une commission a été créée, composée par de
22 nombreuses personnes parmi lesquelles il y avait des techniciens de la
23 police judiciaire, des médecins légistes. Je pense que mon chef, M. Pantic,
24 faisait partie de cette commission aussi. Au sein de cette commission, il y
25 avait Jevto Jankovic, le juge d'instruction. La commission a été formée
26 pour se pencher sur tous les aspects techniques et juridiques de ce cas.
27 Je pense qu'ils se sont rendus sur les lieux du crime une fois. Il
28 s'agit d'une équipe de cette commission. Il est possible que M. Jankovic se
Page 14286
1 soit rendu sur les lieux, mais je ne suis pas tout à fait certain.
2 Q. Bien.
3 L'enquêteur du bureau du Procureur en 2003, me semble-t-il, lors de
4 l'entretien, vous a montré les notes officielles jointes à la plainte au
5 pénal concernant Koricanske Stijene. Et parmi ces notes, se trouvent des
6 notes officielles concernant deux policiers de Knezevo qui ont fourni des
7 informations concernant ce crime. Vous avez dit que vous n'étiez pas
8 certain pour ce qui est des entretiens menés avec eux.
9 Mais aujourd'hui, il est important de voir si vous avez les
10 informations selon lesquelles, à un stade ultérieur, le juge d'instruction
11 a recueilli la déclaration de ces deux policiers, Milovanovic et Brkic ?
12 R. Je ne me souviens pas si leurs déclarations ont été recueillies
13 ultérieurement. Mais en tout cas, le juge d'instruction a pu, lors de
14 l'enquête sur les lieux, poser des questions à ces deux personnes, eu égard
15 à des circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite à la police.
16 Ces policiers étaient originaires de Skender Vakuf.
17 Et par rapport à cela, j'ai proposé qu'un complément d'enquête soit fait
18 par le juge d'instruction pour que les victimes soient entendues. Puisque
19 cela a été reporté, M. Jankovic aurait dû le faire de façon diligente. Et
20 il est possible que les déclarations de ces deux policiers se seraient
21 trouvées dans ce jeu de documents.
22 Donc je répète que puisqu'il était possible de reporter le recueil
23 des déclarations des victimes, on n'a pas demandé que cela soit fait, et
24 donc on n'a pas demandé que ces deux policiers soient entendus et
25 interrogés; c'est ce que je suppose. Le juge d'instruction, Jevto Jankovic,
26 a pu recueillir les déclarations de ces personnes et il a pu m'informer que
27 les déclarations ont été faites, même sur les lieux, sur le territoire de
28 Skender Vakuf.
Page 14287
1 Je pense que cela n'a pas été demandé que ces deux policiers fassent des
2 déclarations à ce moment-là, puisque ces policiers se seraient trouvés sur
3 le front à l'époque et parce que cela aurait provoqué la perte du temps, vu
4 le fait que les victimes devaient être entendues en urgence et auraient
5 dues être mises en sécurité.
6 Q. [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
8 M. PANTELIC : [interprétation]
9 Q. Pour ce qui est de l'affaire Koricanske Stijene, nous disposons de
10 votre dossier que vous avez envoyé au juge d'instruction, Jevto Jankovic.
11 Donc nous avons essayé de tirer au clair le rôle des organes judiciaires
12 dans cette affaire. Cela date du 14 juin, et dans cette lettre, vous
13 proposez que ces huit personnes soient entendues et interrogées. Vous avez
14 été présent à des auditions au bureau du juge d'instruction le 16 et le 17
15 septembre. Et finalement, le 24 septembre, le juge d'instruction - dix
16 jours après votre demande - vous renvoie le dossier pour que vous rendiez
17 votre décision.
18 Il était certainement possible que le parquet fasse d'autres choses
19 après ce stade, de demander des informations, de mener d'autres activités
20 eu égard à cette affaire ?
21 R. Oui, oui. Cela aurait pu être fait sous une autre forme,
22 ultérieurement.
23 Q. Et le parquet n'a pas procédé à ces activités, vu les documents qui
24 sont à notre disposition aujourd'hui.
25 R. Non, cela n'a pas été le cas en les stades ultérieurs. Le parquet n'a
26 pas fait avancer le travail dans cette affaire.
27 Q. Le parquet n'a pas joué un rôle actif, n'a pas fait pression sur qui
28 que ce soit pour que cela soit fait. C'est un fait, n'est-ce pas ?
Page 14288
1 R. Oui. C'est un fait puisque le parquet ne joue pas un rôle
2 particulièrement actif à ce moment-là. Le parquet peut procéder à certaines
3 activités, mais le parquet n'a joué aucun rôle particulièrement actif qui
4 aurait pu faire une incidence sur cette situation.
5 Q. Nous allons maintenant parler du document 2D71. C'est un document qui a
6 trait à l'affaire de Vrbas. Alors - et je vous pose cette question toujours
7 à titre de vos fonctions de procureur - pour qu'une action d'enquête
8 commence, je suppose qu'il faut envisager les différents aspects de
9 l'enquête sur le terrain. Cela doit être fait.
10 R. Oui.
11 Q. Pourquoi est-ce que cela a son importance ? Parce qu'il est important
12 d'identifier les victimes et de déterminer le cadre temporel, ainsi que
13 d'autres conditions d'ailleurs; est-ce exact ?
14 R. Oui, tout à fait.
15 Q. Bien entendu, l'enquête ne peut pas démarrer tant que les résultats
16 médicaux ou médicolégaux ou scientifiques soient obtenus, et ce n'est qu'à
17 ce moment-là qu'on peut commencer à rechercher des auteurs potentiels du
18 crime; exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Malheureusement, ces victimes ont été tuées devant le camp militaire de
21 Manjaca, et comme nous le savons, à cette époque-là, en novembre 1992, ce
22 camp a en quelque sorte été démantelé, donc il avait été impossible de
23 trouver des témoins oculaires ou autres témoins de ce crime d'ailleurs --
24 M. OLMSTED : [interprétation] Non, il n'a jamais été dit que le camp a été
25 démantelé en novembre 1992. Juste à titre de précision.
26 M. PANTELIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous pourriez me dire si c'était à la fin du mois de
28 novembre ou au début du mois de décembre ?
Page 14289
1 R. Oui, c'est à la fin de l'année 1992. Bon, je ne le savais pas
2 précédemment de toute façon.
3 Q. Bien. Alors, nous allons voir ce dont il s'agit.
4 Là, nous voyons que l'affaire est toujours en cours. Il y a toute la
5 base médicolégale qui a été fournie. Donc l'affaire peut aller de l'avant.
6 Alors, qu'est-ce qu'il fallait faire -- quelles étaient les autres
7 activités qu'il fallait mener à bien pour préciser et pour découvrir qui
8 étaient les auteurs; c'est cela ?
9 R. C'est exact. C'est ce qu'ils devaient faire.
10 Q. Dans l'affaire Koricanske Stijene, le procureur a présenté des
11 suggestions, des recommandations à l'activité qui devait être exécutée. Je
12 ne vois pas le même type d'activités et de mesures par rapport à l'affaire
13 de la rivière Vrbas.
14 Alors, je vais vous donner des options, Monsieur Kovacevic : vous
15 pourrez dire je ne m'en souviens pas, je ne le savais pas. Ce que je vous
16 dis c'est que nous voyons qu'il n'y a pas eu capacité de la part du
17 procureur de la république pour envoyer des documents au juge d'instruction
18 pour lui donner l'ordre de prendre certaines mesures. Est-ce que vous avez
19 envoyé ce document au juge d'instruction ?
20 R. Ecoutez, je ne me souviens pas avoir envoyé ce document, parce que dans
21 le document initial dans l'affaire Koricanske Stijene, il était question
22 des victimes.
23 Q. Non, je m'excuse. Je dois vous préciser que nous parlons de l'affaire
24 Vrbas. Il y a huit victimes qui ont été trouvées dans la rivière et qui,
25 d'après certaines indications, avaient été tuées devant le camp de Manjaca.
26 Est-ce que vous vous souvenez, au mois de septembre, avoir donné
27 l'ordre au juge d'instruction de prendre certaines mesures ?
28 R. Non, non, je ne pense pas. Je ne me souviens pas l'avoir fait.
Page 14290
1 M. PANTELIC : [interprétation] Alors, page 19 de ce document. Non, il
2 s'agit de la page suivante, en fait.
3 Q. Bien. Alors, comme vous pouvez le voir, le 31 décembre 1992, le chef de
4 département, M. Tegeltija, établit un rapport suivant lequel à la suite
5 d'une enquête médicolégale, des analyses ont été obtenues, et là, vous
6 voyez qu'il est indiqué qui étaient les victimes : M. Crnalic, Krak, Bozic,
7 et cetera. Vous voyez cela ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 Q. Dans le cadre d'une enquête pénale, du point de vue juridique, qu'est-
10 ce que nous avons ici ? Il s'agit de la fin de l'année 1992, et moi,
11 personnellement, j'aimerais que toutes les affaires soient élucidées en
12 cinq jours. Mais nous savons, ceci étant, quelle était la situation
13 véritable. Parce que là, les victimes, elles ont été identifiées. Ce n'est
14 qu'à partir du moment où elles ont été identifiées qu'on peut commencer à
15 rechercher des témoins, et cetera. Mais la situation factuelle, elle est
16 comme
17 suit : il n'y avait plus personne à Manjaca, donc personne ne pouvait les
18 retrouver; c'est cela ?
19 R. Oui, c'est cela.
20 Q. Donc, que tout soit bien clair pour la Chambre de première instance. Je
21 pense au point de vue humain, je pense également au point de vue
22 professionnel. Il serait absolument horrible, terrible de savoir que
23 quelque chose s'est passé et que personne n'a agi, n'a pris de mesures.
24 Mais là, nous voyons que les données ont été établies et que grâce à ces
25 données justice a pu être rendue.
26 Alors, la justice, elle est parfois lente, ou elle est lente. Mais
27 est-ce que nous sommes bien d'accord pour dire que la police du département
28 criminel et médicolégal du CSB de Banja Luka ont fait ce qu'ils pouvaient
Page 14291
1 compte tenu des circonstances qui prévalaient ?
2 R. Oui, compte tenu des circonstances, je suis d'accord avec vous. Ils ont
3 fait ce qu'ils pouvaient, effectivement.
4 Q. Merci. J'en arrive à la conclusion de mon contre-interrogatoire, et je
5 me dois de vous poser la question centrale.
6 M. PANTELIC : [interprétation] Je souhaiterais demander que le document
7 P1567 soit affiché, page -- un moment, 53. Il s'agit du dossier Koricanske
8 Stijene.
9 Q. Alors, avant que je ne vous pose ma dernière question, nous devons
10 préciser une question de procédure, et quelle est cette question de
11 procédure :
12 Le 29 septembre 2003, vous avez fait une déclaration à l'enquêteur de
13 ce Tribunal, M. Grady. A la page 18 de la version serbe, nous pouvons voir
14 que deux documents officiels vous ont été montrés. Il s'agissait de
15 policiers de Knezevo. Ensuite, il vous a cité -- ou plutôt, il vous a donné
16 le numéro ERN interne - pour Milovanovic, il s'agit du numéro 0214-1510 -
17 et je le dis pour le compte rendu d'audience.
18 Nous avançons que dans le document P1567, nous avons une déclaration
19 de M. Milovanovic qui correspond à la cote 0105-6486. Le numéro -- pardon.
20 M. OLMSTED : [interprétation] Avant que nous ne semions davantage confusion
21 dans l'esprit du témoin en lui donnant des numéros ERN et des cotes, vous
22 savez, on peut donner plus d'un numéro ERN à un document, ensuite le
23 document est traduit. Je vous le dis, parce que c'est un problème technique
24 à propos duquel le témoin va pouvoir fournir des observations.
25 Mais si le but c'est de lui indiquer qu'on lui a montré un document
26 différent, je ne suis absolument pas sûr qu'il pourra répondre.
27 M. PANTELIC : [interprétation] Non, non, non. Je voulais juste préciser
28 tout cela pour le compte rendu d'audience pour que tout soit très clair. Il
Page 14292
1 n'y a pas de problème. Tout va très bien. Je ne réfute absolument rien. Je
2 voulais juste préciser cela pour le compte rendu d'audience.
3 Q. Alors, je vais répéter. Une déclaration vous a été montrée. Les trois
4 derniers chiffres du numéro ERN sont 510. Puis nous avons là un numéro --
5 enfin, un document dont les trois derniers chiffres sont 486.
6 Pourquoi est-ce que j'insiste là-dessus ? Parce qu'il y a des
7 documents qui accompagnaient le rapport d'enquêtes judiciaires, avec les
8 numéros 510, 511 et 512. Tous ces documents vous ont été montrés en 2003.
9 Et on peut voir, en fait, que ces documents ont été groupés. Puis il y a un
10 autre numéro qui se termine par 486. Là, c'est un système de numérotation
11 qui a quand même créé une certaine confusion.
12 Donc, Paul Grady vous a interrogé, vous a interviewé, il vous a
13 montré les deux documents dont nous venons de parler.
14 R. Oui, oui, je m'en souviens, mais même à l'époque, j'avais dit que je ne
15 me souvenais pas que ces déclarations accompagnaient le document.
16 Q. Non, non, non, non, je vous posais des questions, je parlais juste des
17 cotes. Vous comprenez cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Alors, sur l'écran, vous pouvez voir un document de l'année 2000,
20 document qui émane du bureau du procureur, procureur de la république du
21 parquet pour le district de Banja Luka, c'est eux qui s'occupaient de cette
22 affaire; c'est cela ?
23 R. Oui.
24 Q. Le document est envoyé à Prijedor, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, vous avez raison.
26 Q. Ce document - et nous verrons avec les pages suivantes - a été signé
27 par Vlado Mandic, qui était votre collègue, le procureur adjoint; c'est
28 cela ?
Page 14293
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 14294
1 R. Oui.
2 Q. En l'an 2000, ce M. Vlado Mandic indique dans le dernier paragraphe du
3 document en version serbe, voilà ce qu'il dit : Nous sommes convaincus
4 qu'il n'est pas exact que des informations ne peuvent pas être obtenues.
5 Nous savons que les membres de la police qui ont escorté le convoi --
6 M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez tourner la page de
7 la version serbe.
8 Q. Et je poursuis. Il dit donc que dans un journal indépendant il y a des
9 informations qui ont été publiées et que les informations sont en train
10 d'être collectées par le procureur. Mais vous conviendrez quand même que
11 là, il est assez actif en ce qu'il fait, il s'adresse au CSB
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui, oui, on peut justement dégager ce type de conclusion.
14 Q. Monsieur Kovacevic, nous avons entendu parler de la période en
15 question. Mais je m'adresse à vous en tant que professionnel, je m'adresse
16 à vous en tant que procureur, sans oublier les circonstances qui
17 prévalaient à l'époque, est-ce que vous auriez pu faire davantage pour
18 cette affaire ? Est-ce que vous auriez pu être un peu plus proactif dans le
19 droit fil des critères et des normes énoncés dans cette lettre ? Est-ce que
20 vous pouvez nous le dire, en tant qu'être humain ?
21 R. Ecoutez, pour vous dire la vérité, avec le recul, je vous dirais qu'à
22 l'époque les circonstances étaient très, très difficiles. En fait, si on
23 place cet événement dans le cadre temporel de l'époque, je peux vous dire
24 que j'aurais pu avoir une approche un peu plus proactive en ce sens que M.
25 Mandic -- tout comme l'a fait, plutôt, M. Mandic, le procureur adjoint.
26 Mais pour vous le dire très simplement, et je m'en excuse, en tant
27 qu'être humain, je n'ai pas essayé d'obtenir davantage de détails, mais il
28 me semble qu'en fait, rien n'aurait changé. Les faits auraient peut-être
Page 14295
1 été les mêmes. Mais comme je vous le dis, en tant qu'être humain, j'ai omis
2 de citer certaines choses que j'aurais dû insérer, et qui, en fait, étaient
3 quasiment implicites, ce qu'a fait M. Mandic, à juste titre, dans sa
4 lettre.
5 Donc ce que je vous dis, c'est que je présente mes excuses pour ne
6 pas avoir écrit cette lettre de la même façon.
7 Q. Je vous remercie, Monsieur Kovacevic. Je n'ai plus de questions à vous
8 poser.
9 M. OLMSTED : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie.
11 M. OLMSTED : [interprétation] Merci.
12 Nouvel interrogatoire par M. Olmsted :
13 Q. [interprétation] Monsieur Kovacevic, je voudrais parler, dans un
14 premier temps, de Koricanske Stijene, et reprendre certains éléments
15 abordés par Me Pantelic.
16 Est-ce que la police vous a jamais informé que les auteurs du crime
17 de Koricanske Stijene faisaient partie de l'armée ?
18 R. La police ne m'a jamais informé de cela.
19 Q. Et nous avons étudié ce dossier qui, ensuite, a été transféré en 1999
20 au bureau du procureur du district. Est-ce que cette affaire a jamais été
21 transférée au bureau du procureur militaire -- ou renvoyée, plutôt, au
22 bureau du procureur militaire ?
23 R. Non, il n'a pas été renvoyé au bureau du procureur militaire, étant
24 donné que le bureau du procureur militaire -- ou les bureaux du procureur
25 militaire ont été abolis. Il y a eu une réforme qui a été organisée pour la
26 structure judiciaire militaire, et je pense que cela a été aboli en 1998,
27 dans le cadre de cette réforme et rénovation du système judiciaire en
28 Republika Srpska.
Page 14296
1 Q. Mais ils ont existé, ces bureaux du procureur militaire, à partir de
2 l'année 1992 et pendant tout le conflit. Alors pendant cette période, est-
3 ce que cette affaire a jamais été renvoyée ou présentée au bureau du
4 procureur militaire ?
5 R. Non, je n'ai pas d'informations à cette fin.
6 Q. Et tant qu'une affaire n'est pas transférée du bureau du procureur
7 civil au bureau du procureur militaire, cette affaire continue à relever de
8 votre compétence, n'est-ce pas ?
9 R. S'agissant des crimes au pénal pour lesquels ces personnes avaient été
10 enregistrées, effectivement, ceci tombait sous la compétence du procureur
11 civil.
12 Q. J'imagine que vous êtes quelque peu las de nos questions hypothétiques,
13 mais il me faut néanmoins vous poser une autre question de ce type.
14 Prenons le scénario suivant : si nous avions, par exemple, un
15 officier -- en fait, un policier civil, donc incontestablement, aucune
16 question qu'il s'agit d'un policier civil, il commet un crime, et quelques
17 semaines plus tard il est assigné à une unité de combat sur la ligne de
18 front.
19 Après son assignation de guerre, il revient ou réintègre la vie
20 civile. Est-ce que vous, en tant que procureur civil, vous pouvez le tenir
21 responsable du crime qu'il a commis avant qu'il n'aille sur les lignes de
22 front ?
23 R. Bien, il nous faut d'abord avoir toutes les informations nécessaires
24 liées à ce type de mouvement, votre mouvement hypothétique, entendais-je,
25 qu'il s'agissait bel et bien d'un civil, que par la suite il a intégré une
26 unité militaire, qu'ensuite il est sorti de l'unité militaire pour
27 réintégrer la vie civile. Donc il nous faut avoir tous les détails précis
28 pour pouvoir décider de la compétence.
Page 14297
1 Q. Donc, par exemple, s'il s'agit d'un civil qui commet un crime; il est
2 assigné temporairement à la ligne de front, il revient, c'est de nouveau un
3 civil.
4 Est-ce que le bureau du procureur civil peut le tenir responsable et
5 peut le tenir responsable d'un crime qu'il a commis pendant qu'il était
6 encore un civil ?
7 R. Oui, la possibilité existe, mais il nous faut absolument avoir tous les
8 détails. Par exemple, il faut être absolument sûr que des détails soient
9 tout à fait vérifiés, qu'il soit pertinent que la personne a été, d'après
10 la loi, prise par l'armée, et que par la suite, cette personne a terminé
11 son service dans l'armée et a réintégré la vie civile. Donc ce sont des
12 informations très importantes qui nous permettent de répondre à votre
13 question hypothétique.
14 Q. Prenons, par exemple, cette hypothèse selon laquelle il s'agissait d'un
15 civil. Il est déployé sur la ligne de front, il y part et y reste quelques
16 semaines. Entre-temps, est-ce que le parquet civil peut ouvrir une enquête,
17 peut commencer à diligenter une enquête ? Et y a-t-il quelque chose qui
18 empêche le parquet civil d'entreprendre ce type d'enquête ?
19 R. Il nous faut absolument avoir l'information selon laquelle nous sommes
20 certains que la personne était un civil au moment où il a commis le crime.
21 Q. Laissons de côté cette question hypothétique là, et je vais maintenant
22 vous poser une autre question hypothétique.
23 Par exemple, nous avons un policier civil, il commet un meurtre en
24 tant que civil. Et quelques semaines plus tard, il rejoint les rangs de
25 l'armée et reste auprès de l'armée. Donc ce n'est pas temporaire, ce n'est
26 pas une mission temporaire, mais bien une assignation permanente.
27 Alors, qui maintenant le tiendra responsable pour les crimes qu'il
28 ait commis en tant que civil ?
Page 14298
1 R. Permettez-moi de préciser : la compétence, pour ce qui est de
2 diligenter une enquête contre les civils, c'est le parquet civil. Mais le
3 changement de statut apporte un changement également. Si une personne a
4 intégré une unité militaire, et que cette personne est indispensable dans
5 cette unité militaire, le parquet civil n'a plus aucune compétence envers
6 le soldat. On ne peut pas non plus demander au commandement militaire de
7 relâcher ce soldat afin qu'il soit défait de ces fonctions militaires, pour
8 que nous le placions en détention; ceci n'est pas possible. Ceci pourrait
9 être possible toutefois seulement dans le cas où les organes de sécurité,
10 la police militaire donc estime ou trouve quelque chose -- ou établit
11 plutôt les faits, et traitent, diligentent une enquête -- traitent de
12 l'affaire, diligentent une enquête, la remet entre les mains du procureur
13 militaire.
14 Et si le procureur militaire établit le fait que pendant la
15 commission du crime, la personne était un civil, par le biais de l'armée,
16 il y a plusieurs possibilités. On peut démettre quelqu'un de ses fonctions,
17 et on peut le renvoyer d'un poste militaire à un -- le dessert de ses
18 fonctions militaires avec cette personne réintègre la vie civile,
19 redevienne un civil. J'ignore maintenant exactement quelle est la
20 procédure. Par la suite, une personne qui redevient un civil est jugée par
21 les organes civils et par le parquet civil.
22 Q. Vous avez dit donc d'abord par le tribunal et par la suite … on n'a pas
23 entendu la fin.
24 R. S'il s'agit d'une personne qui est privée de sa liberté, eu égard aux
25 dates butoir prévues par la loi, si entre-temps la personne n'est plus un
26 soldat, la personne est envoyée dans une prison civile, et c'est le juge
27 d'instruction qui a la compétence sur cette personne, et c'est le parquet
28 civil qui s'occupe du dossier, à ce moment-là, le dossier est donc remis
Page 14299
1 entre ses mains car c'est lui qui a la juridiction.
2 Q. Par exemple, si un policier commet un crime alors qu'il est un civil,
3 et qu'il se trouve maintenant dans une unité militaire, qui a la
4 responsabilité de diligenter une enquête et d'informer le procureur
5 militaire qu'ils ont dans leurs rangs un criminel ?
6 R. Question très difficile. D'abord, une telle personne ne peut pas, de sa
7 propre initiative, intégrer une unité militaire. Indépendamment du fait
8 qu'il s'agisse d'un criminel ou d'un non-criminel, on ne peut pas
9 simplement nous-même nous porter volontaires pour aller dans une unité
10 militaire. Il faut avoir un statut. S'agit-il d'un policier de réserve,
11 s'agit-il de quelqu'un qui effectue une obligation de travail. Donc il y a
12 une procédure qui doit être suivie par laquelle une personne est déployée
13 dans une unité militaire, et de cette façon-là, la personne change de
14 statut mais doit suivre une procédure.
15 Donc votre question, c'était quoi encore, excusez-moi ?
16 Q. Oui, effectivement --
17 R. [aucune interprétation]
18 Q. Non, ça va, merci. Vous avez répondu à ma question. Prenons, par
19 exemple, que dans l'armée on établit qu'une personne qui vient d'intégrer
20 les rangs de l'armée était un meurtrier, a tué quelqu'un.
21 Qui a la responsabilité d'informer le procureur militaire que ce
22 civil avait commis un crime ?
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Olmsted.
24 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Kovacevic, un instant, s'il
26 vous plaît.
27 Monsieur Olmsted, lorsque ces personnes avaient été resubordonnées de la
28 police à l'armée, il y avait au plus peut-être un soupçon, mais il n'y
Page 14300
1 avait pas de conviction, ces personnes n'avaient pas été convaincues
2 d'avoir commis un crime. Je crois que vous poussez la chose un peu trop
3 loin.
4 Mais je me demande à quel point est-ce réellement utile de poursuivre
5 cette ligne de questions, puisque nous savons quel a été le résultat final,
6 et nous le savons, car l'affaire a été prise en charge par le procureur
7 public.
8 Donc si jamais le procureur militaire avait agi dans cette affaire,
9 cela aurait été très court, puisque l'affaire a été remise entre les mains
10 du procureur public, et c'est lui qui a traité de cette affaire.
11 M. OLMSTED : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je comprends tout à
12 fait ce que vous me dites. Je vais passer à une autre question.
13 Q. Il y a maintenant une autre série de questions concernant l'enquête
14 diligentée concernant l'affaire Koricanske Stijene. Et j'aimerais que vous
15 nous disiez, vous en tant que procureur.
16 Qui la police aurait dû enquêter pour trouver les particularités de
17 ce crime. Je sais que c'est toujours les victimes d'abord, mais qui d'autre
18 ?
19 R. Avec les personnes qui sont potentiellement soupçonnées d'avoir commis
20 des crimes, les témoins oculaires, par exemple. Les témoins aussi,
21 également; les témoins potentiels, je dis bien.
22 Q. Et qu'en est-il des membres de la police, les membres dirigeants de la
23 police de Prijedor, du SJB de Prijedor ?
24 R. L'obligation du SJB de Prijedor, puisque ces personnes se devaient
25 d'effectuer toutes les mesures nécessaires afin de découvrir les auteurs de
26 crimes commis, de les interroger, de les priver de leur liberté, d'après
27 les lois en vigueur à l'époque, le fait de les emmener au quartier
28 pénitentiaire, de les arrêter, de les faire comparaître devant un juge
Page 14301
1 d'instruction. Et pour ce qui est du reste, c'est le travail du parquet et
2 du tribunal.
3 Q. Je vais maintenant passer à un autre sujet, un sujet complètement
4 différent.
5 Vendredi dernier, Me Zecevic vous a posé un certain nombre de
6 questions concernant le fonctionnement des tribunaux militaires et du
7 bureau du procureur en 1992.
8 M. OLMSTED : [interprétation] J'aimerais, pour ce faire, qu'on affiche la
9 pièce 1D367.
10 Q. Il s'agit d'un rapport du bureau du procureur du 1e Corps de Krajina,
11 en date du 19 septembre 1992. Et j'aimerais qu'on prenne la page 2 dans les
12 deux langues, en B/C/S et en anglais. Au point II, on peut lire qu'il y a
13 quelques milliers d'affaires en train d'être traitées et résolues.
14 Et par la suite, on peut lire en bas :
15 "La plupart des cas porte sur la fuite ou la désertion auprès des
16 rangs ou dans les rangs de l'armée de la RSFY, en vertu de l'article 218".
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Je ne vois réellement pas, Monsieur le
18 Président, Messieurs les Juges, comment cette question découle de mon
19 interrogatoire principal. J'ai posé une question -- de mon contre-
20 interrogatoire, plutôt. J'ai posé une question très précise concernant les
21 données statistiques; je n'ai jamais posé de questions relatives à d'autres
22 crimes. Je me suis simplement concentré pour voir ce qui était -- j'ai posé
23 des questions relatives à cette affaire-ci.
24 M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
25 je voudrais bien répondre, mais avant cela, je voudrais demander qu'on
26 demande au témoin d'enlever ses écouteurs.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais est-ce qu'il parle anglais ? Est-ce
28 que notre témoin parle anglais ?
Page 14302
1 M. OLMSTED : [interprétation] Peu, très peu.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous ne pensez pas qu'il serait
3 nécessaire de demander au témoin de quitter le prétoire ? Vous croyez que
4 cela suffirait s'il enlevait ses écouteurs ?
5 M. OLMSTED : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Monsieur Olmsted.
7 M. OLMSTED : [interprétation] La Défense présente ses arguments selon
8 lesquels -- et en fait, Me Zecevic pourrait peut-être me dire si je me
9 trompe, mais si j'ai bien compris la position de la Défense dans cette
10 affaire est que les crimes qui figurent dans l'acte d'accusation sont des
11 crimes qui tombaient sous les juridictions des tribunaux militaires, et que
12 les tribunaux militaires étaient inondés d'affaires et n'étaient pas en
13 mesure de les traiter.
14 Maintenant, notre position à nous, la position de l'Accusation, est
15 que les crimes qui figurent dans l'acte d'accusation sont des affaires qui
16 tombent sous la juridiction civile ou sont de la responsabilité du parquet
17 civil, et en d'autres mots, les tribunaux militaires n'étaient pas inondés
18 de rapports criminels concernant les crimes figurant à l'acte d'accusation,
19 et en plus, il s'agissait de crimes types réguliers, et même s'il
20 s'agissait de temps de guerre. Donc il y avait également des crimes, tels
21 l'omission de répondre à l'appel et la désertion.
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic.
23 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 j'ai clairement montré au témoin ce qui était pertinent, à savoir que les
25 organes judiciaires militaires étaient impliqués, et traitaient les cas
26 concernant les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
27 Ce sont les questions que j'ai posées, je ne suis pas allé plus loin.
28 Maintenant, si M. Olmsted souhaite nous montrer quelles étaient les tâches
Page 14303
1 et responsabilités autres des organes militaires, je ne vois pas à quel
2 point c'est pertinent. Voilà, c'est l'objectif de mon objection dès le
3 début.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Si j'ai bien compris la réponse de M.
5 Olmsted, c'est que tout ceci tombe dans le contexte -- doit être compris
6 dans le contexte de la présentation des moyens à charge et la thèse de
7 l'Accusation, à savoir que ce document semble expliquer clairement quelles
8 étaient les préoccupations principales des tribunaux militaires. Donc je
9 permets la question. Objection rejetée.
10 M. OLMSTED : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le témoin peut
11 remettre ses écouteurs.
12 Q. Monsieur Kovacevic, je vous présente mes excuses pour ce petit
13 inconvénient.
14 Maintenant, j'aimerais vous renvoyer au paragraphe dans lequel on peut lire
15 que la majeure partie des cas porte sur l'omission de répondre à l'appel en
16 vertu de l'article 217 du code pénal.
17 Est-ce que vous vous souvenez si la désertion était un problème énorme pour
18 l'armée, en 1992 ?
19 R. J'imagine que oui. Je crois que c'était un problème, effectivement.
20 Q. Est-ce que vous saviez qu'un très grand nombre d'affaires au pénal
21 traitées par le bureau du procureur, en 1992, portaient sur le crime de
22 désertion ?
23 R. Je suppose, oui, que c'était le cas.
24 Q. Me Zecevic vous a posé des questions concernant la compétence du
25 tribunal militaire pour ce qui est des crimes de guerre. Etiez-vous au
26 courant de l'un de ces cas, en 1992 ou 1993, des crimes commis par les
27 civils non-serbes contre les civils serbes, indépendamment du fait si cela
28 a été jugé devant un tribunal militaire ou civil ?
Page 14304
1 R. Je ne me souviens pas de tels cas.
2 Q. Si, en 1992, la police dépose la plainte au pénal pour ce qui est du
3 crime commis par un civil serbe, et si ce crime a des éléments de crimes de
4 guerre ou crimes contre l'humanité, qu'est-ce que votre bureau, bureau du
5 procureur, aurait fait concernant cette plainte au pénal ?
6 R. Je vous ai déjà dit, me semble-t-il, que s'il s'agissait d'une forme
7 qualifiée d'un délit ou d'un crime, par exemple, du meurtre qualifié,
8 l'article 36, alinéa 2, alinéa 5, la compétence de -- le poste de police
9 compétent dépose la plainte au pénal. Cela peut-être un autre organe d'Etat
10 également, si cet organe prend connaissance de la commission d'un tel
11 crime. Et nous, de notre côté, nous précédons à l'établissement des
12 éléments constitutifs -- ou plutôt constituants de ce délit, d'après cette
13 plainte au pénal.
14 C'est ma réponse à votre question.
15 Q. En 1992, avez-vous jamais reçu des instruction du procureur Pantic pour
16 ce qui est de la façon à laquelle vous deviez vous occuper des plaintes au
17 pénal concernant les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité ?
18 R. Bien, nous n'avons pas reçu d'instructions particulières ni de
19 directives, puisqu'à l'époque on pensait que c'était le parquet militaire
20 qui était compétent pour ce qui est des crimes commis contre la population
21 civile et pour ce qui est des violations des dispositions du droit
22 international. Donc tout le monde pensait que cela relevait de la
23 compétence du procureur militaire et d'autres organes judiciaires
24 militaires.
25 Et je pense que lors d'une réunion on aurait discuté de cette
26 compétence et que c'est lors de cette réunion qu'on a établi que pour ce
27 qui est de tel type de délit et de crime, les organes judiciaires
28 militaires étaient les organes qui étaient incontestablement compétents.
Page 14305
1 Q. Vous souvenez-vous quand cette réunion a eu lieu, en 1992 ou 1993 ?
2 R. C'était au début de mon mandat. Fin 1992 ou début 1993, peut-être. Je
3 ne peux pas vous donner une réponse exacte.
4 Q. Me Zecevic vous a montré quatre plaintes au pénal déposées contre X,
5 d'après l'article 172, pour ce qui est du danger public, et les victimes de
6 ces délits étaient non-serbes.
7 M. OLMSTED : [interprétation] Ces documents se sont vu accorder les cotes
8 1D371, 1D372, 1D373 et 1D374.
9 Q. Pour ne pas gaspiller notre temps, je vais demander que M. l'Huissier
10 remettre les copies imprimées de ces quatre pièces à conviction.
11 Je vous prie de les feuilleter dans l'ordre dans lequel ils sont rangés
12 puisqu'on va les discuter dans cet ordre. Le premier, c'est 1D374. Voyez-
13 vous la mention qui est composée des chiffres 566/1992 ? Voyez-vous cela ?
14 R. Je vois 3566/92.
15 Q. Et pouvez-vous maintenant regarder la pièce 1D372, où nous voyons que
16 le KU est 3567/92.
17 R. Oui, je vois ce numéro.
18 M. OLMSTED : [interprétation] Maintenant peut-on afficher la pièce dont la
19 cote est P1574.
20 Q. On voit le registre KTN du parquet municipal de Banja Luka pour l'année
21 1992.
22 M. OLMSTED : [interprétation] Et j'aimerais qu'on affiche la page 29. Est-
23 ce que c'est la page 29 ? Les caractères sont trop petits pour que je
24 puisse le dire. Est-ce qu'on peut maintenant agrandir les entrées 2346 et
25 2347, qui se trouvent à droite à cette page, un peu plus vers le bas de la
26 page, et il faut les agrandir encore un peu plus.
27 Q. Nous voyons le numéro d'entrée dans le registre KU pour ce qui est des
28 auteurs inconnus de deux cas dans la colonne numéro trois. Ce sont les
Page 14306
1 entrées 2346 et 2347 ?
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Les voyez-vous ?
4 R. Oui. Oui, je vois 2346 et 2347.
5 M. OLMSTED : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on affiche le titre
6 de la colonne, la colonne 9.
7 Q. Dans la colonne numéro 9, on voit les dates; 24 septembre 1992 et 21
8 septembre 1992.
9 M. OLMSTED : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher l'intitulé de la
10 colonne, le numéro 9.
11 Q. Pouvez-vous confirmer qu'à ces dates-là, le bureau du procureur a
12 envoyé les demandes à la police pour que la police rassemble les
13 informations nécessaires ?
14 R. Si cela a été inscrit dans cette colonne de ce registre, cela veut dire
15 que les demandes ont été envoyées à la police.
16 Q. Dans la colonne 16 - et c'est ce dont on a déjà parlé lors de
17 l'interrogatoire principal - se trouve le nom de l'auteur du délit, s'il
18 est identifié par la police, et ce nom aurait été enregistré ensemble avec
19 le numéro du registre KTN puisque c'est dans ce registre que ce cas a été
20 transféré, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Si nous regardons la première entrée, 2346, nous voyons qu'il n'y a
23 rien dans la colonne 16. Est-ce que cela veut dire que ce cas est resté
24 dans la catégorie de délit dont l'auteur est inconnu ?R. Probablement.
25 Cela veut dire que l'auteur est resté inconnu, que l'auteur n'a pas été
26 identifié.
27 Q. Si vous regardez l'entrée 2347 à la colonne 16, la date qui apparaît,
28 la date du 29 mai, et il y a quelque chose qui est manuscrit en dessous.
Page 14307
1 Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?
2 R. C'est l'affaire qui a été envoyée au parquet de district de Banja Luka,
3 en 2000 probablement, en mai 2000, puisqu'il y a eu le changement de
4 compétence.
5 Q. Maintenant j'aimerais que vous regardiez la pièce ayant la cote 1D371.
6 Il s'agit du troisième document dans le jeu de documents que M. l'Huissier
7 vous a remis. Vous allez voir que le numéro de l'entrée est 2/92.
8 M. OLMSTED : [interprétation] Maintenant affichons la page 35 du registre
9 KTN. Mais nous n'avons pas besoin d'afficher la plainte au pénal.
10 M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai besoin du numéro d'intercalaire de ma
11 liste.
12 M. OLMSTED : [interprétation] Nous ne l'avons pas. Vous avez demandé le
13 versement au dossier de cette pièce. C'est 1D371, et cette pièce a été
14 versée au dossier.
15 Cela n'est pas…
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est 371.
17 M. OLMSTED : [interprétation] Maintenant, est-ce qu'on peut afficher la
18 page 35 du registre KTN. C'est la pièce qui porte la cote P1574. Il s'agit
19 de la page 35, et j'aimerais qu'on agrandisse la partie gauche de la page,
20 et l'entrée 2454.
21 Q. Et nous pouvons voir dans la colonne numéro 3, que le numéro de
22 l'entrée est 3709/92 pour ce qui est du registre KU. D'après cette entrée,
23 est-ce que l'auteur du délit a été identifié par la police ?
24 R. Je ne vois pas le reste. Une partie de l'entrée manque. Je vois les
25 premières quatre rubriques, mais je ne vois pas les autres.
26 Q. A présent, vous pouvez voir l'entrée entière -- toute la ligne occupée
27 par cette entrée.
28 R. On ne voit pas la page suivante. Cela n'est pas affiché -- Oui,
Page 14308
1 je vois. Donc, cela n'y figure pas. L'instruction
2 concernant l'auteur n'y figure pas. Cela veut dire que l'auteur n'a pas été
3 identifié.
4 Q. Et à la fin, j'aimerais qu'on affiche 1D373.
5 M. OLMSTED : [interprétation] Entre-temps, j'aimerais qu'on tourne la page
6 44 de ce registre. C'est la dernière page.
7 Q. Si on regarde la pièce 1D373, nous pouvons voir que l'entrée porte le
8 numéro 3925/92 dans le registre KU.
9 M. OLMSTED : [interprétation] Il y a eu un malentendu pour ce qui est de
10 l'affichage des documents. J'aimerais qu'on garde le registre affiché à
11 l'écran, et qu'on tourne la page 44 de ce registre. Le témoin a les
12 plaintes au pénal sous les yeux, les copies imprimées; donc, il ne faut pas
13 qu'on affiche cela.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais je
15 n'ai pas compris la pertinence de ces questions supplémentaires. Si mon
16 éminent collègue veut démontrer que ces plaintes au pénal avaient été
17 enregistrées au bureau du procureur, nous allons être d'accord avec. Mais
18 si l'objectif est de montrer que les auteurs des délits n'avaient pas été
19 identifiés -- ou c'est peut-être seulement moi qui n'ai pas compris cela,
20 mais je ne pense pas que la thèse du bureau du Procureur soit que pour ce
21 qui est des résultats de fonctionnement de la police en 1992, rien n'a été
22 fait. Je pense que pour ce qui est des résultats du fonctionnement de la
23 police de 1992, ce sujet, peut-être, pourrait être pertinent, mais je ne
24 pense pas que cela soit la base de la thèse de l'Accusation.
25 Merci.
26 M. OLMSTED : [interprétation] Me Zecevic a demandé le versement au dossier
27 de ces plaintes au pénal par le biais de ce témoin. Le témoin ne savait pas
28 beaucoup, pour ce qui est de ces chiffres, et c'est pour cela que je lui
Page 14309
1 montre tout cela, ce document, pour qu'il se familiarise avec ce registre
2 KTN. Je peux expliquer davantage, mais j'ai besoin de poser ces questions
3 au témoin, et si je dois en parler, il faut que le témoin enlève ses
4 casques, puisque je vais expliquer cela.
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais il faut maintenant lever
6 l'audience, Monsieur Olmsted.
7 M. OLMSTED : [interprétation] J'ai besoin d'une minute.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Allez-y.
9 M. OLMSTED : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher
10 seulement le registre. Nous n'avons plus besoin des plaintes au pénal.
11 Donc, seulement le registre, l'entrée 3925, à la page 44.
12 Il s'agit de la page 44 -- si c'est la page 44, la partie dont j'ai besoin
13 se trouve à gauche, et le numéro de l'entrée est 3925.
14 Est-ce que c'est la page 44 ? Ce n'est pas la page 44. Ou plutôt, oui ?
15 Monsieur le Président, je préfère continuer à en parler en audience
16 suivante. Et il faut qu'on se débarrasse de ces problèmes techniques.
17 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, le témoin doit retourner dans le
18 prétoire demain ?
19 M. OLMSTED : [interprétation] Oui. Et j'ai encore 20 minutes -- j'ai encore
20 besoin de 20 minutes, peut-être moins.
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] L'audience est levée, et nous continuons
22 demain, à 9 heures. Je pense que c'est dans la salle d'audience numéro I.
23 [Le témoin se retire]
24 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 7 septembre
25 2010, à 9 heures 00.
26
27
28