Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 7 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  7   toutes les personnes présentes dans le prétoire. Ceci est l'affaire IT-08-

  8   91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur le Greffier, merci. Bonjour à

 10   toutes les personnes présentes dans le prétoire. Pouvons-nous avoir les

 11   présentations, s'il vous plaît.

 12   M. DI FAZIO : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 13   les Juges. Bonjour à tous. Gramsci Di Fazio, Thomas Hannis et Selma Sakic,

 14   et notre commis à l'affaire, Crispian Smith, pour l'Accusation.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la

 16   Défense de M. Mico Stanisic, Slobodan Cvijetic, Mme Tatjana Savic ainsi que

 17   Deirdre Montgomery.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la Défense

 19   de M. Zupljanin, Dragan Krgovic et Aleksandar Aleksic.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Aleksic, veuillez reprendre.

 21   Madame Tabeau, je vous rappelle que vous êtes toujours liée par la

 22   déclaration solennelle que vous avez prononcée.

 23   M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau.

 28   R.  Bonjour.

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  1   Q.  Hier nous nous sommes arrêtés après que vous avez expliqué la

  2   définition statistique de la notion des "personnes déplacées." Vous avez

  3   fait la distinction avec la définition juridique de cette notion, mais nous

  4   n'allons pas revenir sur ce point.

  5   Je souhaiterais que nous examinions immédiatement le tableau 2M de votre

  6   rapport rédigé pour l'espèce, qui est un supplément au rapport Milosevic.

  7   Donc il s'agit de la page 38 dans les deux langues. Le numéro 10399 de la

  8   liste 65 ter, excusez-moi. Page 38, s'il vous plaît.

  9   Madame le Témoin, dans la première colonne de ce tableau, vous donnez le

 10   chiffre total de la population qui a pu être identifiée pour l'année 1997,

 11   à savoir 439 601 habitants, n'est-ce pas ?

 12   R.  49 019. Ah non, excusez-moi. C'est la page 37 que vous regardez, non la

 13   38, n'est-ce pas ?

 14   Q.  Si, c'est bien le cas. C'est une erreur qui vient de moi. Excusez-moi.

 15   Donc le chiffre total de la population est de 439 601, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. 

 17   Q.  Il s'agit là de toutes les personnes qui se sont inscrites sur les

 18   listes électorales et qui l'ont fait dans les 18 municipalités en l'espèce,

 19   ainsi que de tous ceux qui sont originaires de l'une des ces 18

 20   municipalités et qui se sont inscrits aux listes électorales d'une autre

 21   municipalité, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, qu'ils se soient inscrits dans la même municipalité que celle dont

 23   ils sont originaires ou dans une autre.

 24   Q.  Dans la seconde colonne, vous faites apparaître le nombre total de

 25   personnes identifiées comme étant des personnes déplacées ou des réfugiés,

 26   et qui se monte à 192 881, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Si je vous ai bien comprise, hier vous avez considéré comme réfugiés ou

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  1   déplacés internes tous les électeurs qui, en 1991, avaient résidé dans

  2   l'une des municipalités pertinentes en l'espèce, mais qui, en 1997, ne se

  3   sont pas inscrits sur les listes électorales de cette même municipalité; en

  4   revanche, ils se sont inscrits sur les listes électorales d'une autre

  5   municipalité, voire se sont inscrits depuis l'étranger, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Conviendrez-vous que si pour l'année 1997, vous avez déterminé un

  8   nombre d'électeurs total de 439 601, et que par ailleurs il y a 192 881

  9   personnes déplacées internes ou réfugiés, on peut conclure que la

 10   différence entre ces deux chiffres représente les personnes qui n'ont pas

 11   été déplacées. Alors, peut-être que je pourrais reformuler ma question.

 12   Elle n'était peut-être pas formulée de façon la plus claire. Mais est-ce

 13   que vous conviendriez de cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Peut-être qu'aujourd'hui je vais m'avérer un peu meilleur en

 16   mathématiques et en statistiques. Mais je dirais que c'est 246 720

 17   personnes qui représentent la différence entre ces deux totaux.

 18   R.  Oui, c'est de cet ordre.

 19   Q.  Très bien. Conviendrez-vous également de ceci : si la différence entre

 20   ce nombre total de votants et le nombre total de réfugiés et de déplacés

 21   internes se monte à 426 720, dans ce cas, c'est ce chiffre-là qu'il aurait

 22   fallu prendre comme point de départ pour analyser la composition ethnique

 23   au sein de la population par comparaison avec le recensement de 1991.

 24   R.  Non, je ne suis pas d'accord. Je vais vous expliquer pourquoi. Parce

 25   que ce chiffre n'inclut pas les nouveaux arrivants. Ce qui est

 26   particulièrement important du point de vue du changement de la composition

 27   ethnique, c'est de prendre en considération la fraction de la population

 28   qui a quitté les différentes municipalités, certes, mais également de

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  1   prendre en compte les nouveaux arrivants. C'est ce que nous avons dit hier.

  2   En même temps que les non-Serbes quittaient ces municipalités, il y eu un

  3   afflux de population serbe dans ces mêmes territoires. Donc se pencher sur

  4   la structure ethnique des personnes non déplacées parmi la population des

  5   votants serait une erreur, parce qu'on ne prendrait pas en compte dans ce

  6   cas-là les nouveaux arrivants installés dans ces mêmes municipalités.

  7   Q.  Merci. Concernant ce premier rapport, ou plutôt, rapport supplémentaire

  8   et les tableaux qui figurent, j'ai encore une question. Si vous avez deux

  9   populations, c'est ce que vous avez, et que l'une de ces deux populations

 10   concerne des résidents permanents, tels qu'apparaissant dans le recensement

 11   de 1991, alors que la seconde population comprend non seulement les

 12   résidents permanents, mais également les nouveaux arrivants installés entre

 13   1991 et 1997, conviendrez-vous dans ce cas avec moi que d'un point de vue

 14   méthodologique ces deux populations ne sont pas comparables ?

 15   R.  Je pense que ces deux populations sont parfaitement comparables. Si

 16   vous imaginez une situation normale, en temps de paix, et imaginons que

 17   nous ayons deux recensements, un en 1981 et un autre en 1991. Bien entendu,

 18   la population évolue entre ces deux dates, parce qu'il y a de nouvelles

 19   naissances, il y a des décès, il a des processus de migration. Donc

 20   émigration et immigration. Il s'agit d'un phénomène dynamique. Est-ce que

 21   ça nous empêche de comparer la composition ethnique de la population de

 22   1981 avec celle de 1991, pas du tout. L'idée que certains groupes ethniques

 23   se déplacent de certains territoires vers d'autres et soient remplacés

 24   d'autres groupes ethniques correspond à une longue histoire en Yougoslavie.

 25   Donc je crois que nous devons absolument prendre considération les nouveaux

 26   arrivants, parce que c'est justement ce qui est au centre de ce changement.

 27   Parce que certains partent et d'autres arrivent pour les remplacer, et

 28   c'est ce que nous montrons dans ce rapport.

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  1   Q.  Très bien. Excusez-moi. Concernant ce premier rapport et le supplément

  2   rédigé pour l'espèce - et je crois que nous trouvons la même chose dans le

  3   rapport Milosevic - je me rappelle que mon confrère, M. Di Fazio, vous a

  4   parlé du numéro national d'identification lors de l'interrogatoire

  5   principal, le JMBG, en précisant qu'il n'allait pas s'aventurer sur ce

  6   terrain, ensuite en page 15 420 du compte rendu d'audience et à la page

  7   précédente, vous avez expliqué pourquoi vous avez été amenée à procéder à

  8   des comparaisons de noms, de prénoms en tenant compte des changements qui

  9   avaient pu intervenir ou des erreurs et toute la procédure qui a été

 10   nécessaire pour parvenir aux résultats qui sont les vôtres. Vous avez

 11   expliqué la nécessité de cette façon de procéder par la différence existant

 12   avec les pays développés occidentaux où ce genre d'approche n'aurait pas

 13   été nécessaire, parce que chaque individu était identifié dans ces Etats

 14   par une numéro d'identification unique repris dans de nombreux documents

 15   officiels. Vous avez dit que par contraste ce n'était pas le cas en ex-

 16   Yougoslavie, parce que les citoyens n'avaient commencé à s'y voir attribuer

 17   un numéro national d'identification qu'au début des années 1980 et que ces

 18   numéros n'ont été utilisés que dans le recensement de 1991 et dans quelques

 19   autres sources peu nombreuses. Pour l'essentiel, c'est ce que vous avez

 20   dit. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce résumé ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer, à nous ainsi qu'aux Juges de

 23   la Chambre, ce que représente ce numéro national d'identification, connu

 24   sous l'acronyme de JMBG ?

 25   R.  En ex-Yougoslavie, il s'agissait d'un nombre à 13 chiffres. Les sept

 26   premiers chiffres représentaient la date de naissance. Les deux chiffres

 27   suivants étaient un code régional correspondant à la région de naissances,

 28   et les trois chiffres suivants étaient un numéro de séquence, qui était

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  1   différent pour les hommes et les femmes, alors que le tout dernier chiffre

  2   était un chiffre de contrôle calculé en l'application d'un algorithme

  3   précis et permettant de vérifier la conformité du numéro d'identification.

  4   Voilà comment se décomposait ce numéro d'identification national.

  5   Q.  Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais si je puis me permettre

  6   de compléter les trois avant-derniers chiffres, vous avez dit qu'il

  7   s'agissait d'un numéro qui établissait une différence entre hommes et

  8   femmes, et si vous êtes d'accord, je compléterais en disant qu'il

  9   s'agissait de chiffres qui étaient attribués aux personnes nées à la même

 10   date. Pour les hommes, ils s'étendaient sur la plage de 000 à 499, alors

 11   que pour les femmes les numéros attribuables allaient de 500 à 999, n'est-

 12   ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pourriez-vous nous indiquer quand -- ou plutôt, je vais formuler ma

 15   question : est-ce que vous seriez d'accord pour dire que la loi

 16   introduisant le numéro national d'identification, donc loi fédérale

 17   applicable sur l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie, est entrée en

 18   vigueur en 1976 et a donc commencé à être appliquée immédiatement ?

 19   R.  Oui, c'est possible. Je ne connais pas la date exacte de son entrée en

 20   vigueur, mais ce que vous dites me paraît plausible.

 21   Q.  Et en application de cette loi, à partir de cette année-là, les

 22   nouveaux-nés se voyaient attribuer un numéro d'identification déterminé en

 23   fonction de leurs lieux de naissance, et la loi disposait également que les

 24   individus nés avant 1976 devaient également se voir attribuer un numéro

 25   national d'identification en fonction de leurs lieux de résidence ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Conviendrez-vous qu'en -- alors, il est logique également que chaque

 28   citoyen, en application de cette loi, avait l'obligation de disposer d'un

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  1   numéro national d'identification unique. Mais est-ce que vous êtes d'accord

  2   pour dire que ce numéro national d'identification unique figure dans un

  3   grand nombre de documents personnels à caractère officiel, que c'est un

  4   numéro que l'on retrouve à l'occasion de chaque changement de statut de la

  5   personne, qu'il s'agisse de la naissance, d'un mariage, de modification

  6   portée au livret universitaire, qu'il s'agisse de la délivrance d'un

  7   passeport ou de la tenue du carnet de santé ? Est-ce que vous seriez

  8   d'accord pour dire cela ?

  9   R.  Oui. C'est l'idée même, l'idée sous-jacente au principe du numéro

 10   d'identification.

 11   Q.  Je suis d'accord avec vous. Mais vous avez dit que ce n'était que dans

 12   les années 1980 que cela a été mis en route en l'ex-Yougoslavie. Mais si la

 13   loi est entrée en vigueur en 1976, ne serez-vous pas d'accord avec moi pour

 14   dire que la quinzaine d'années qui s'est écoulée jusqu'en 1991, la grande

 15   majorité des citoyens devait disposer d'un numéro national d'identification

 16   ? Après tout, c'était quand même un état qui fonctionnait normalement.

 17   R.  Oui. Une grande majorité de citoyens disposait de son numéro national

 18   d'identification en 1991.

 19   Q.  Et en 1991, les élections ont également été organisées en Bosnie, les

 20   premières élections démocratiques, n'est-ce pas ? Vous êtes au courant de

 21   cela ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que ces listes électorales de 1991, vous avez pu y accéder

 24   également ? Parce que toutes les personnes majeures enregistrées dans ces

 25   listes électorales devaient également disposer d'un numéro national

 26   d'identification ?

 27   R.  Je n'en avais pas besoin. Je disposais du recensement de 1991. Pourquoi

 28   aurais-je été chercher les listes électorales de cette même année ?

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  1   Q.  Par exemple, parce que vous avez dit avoir eu des difficultés dans

  2   votre travail lorsque vous vous êtes penchée sur les listes électorales de

  3   1997 pour comparer les données au recensement de 1991. Vous avez dit que

  4   certains des numéros d'identification n'étaient pas visibles ou lisibles

  5   clairement, et que pour certains enregistrements ils étaient manquants. Par

  6   conséquent, peut-être que si vous aviez disposé d'une autre source où les

  7   numéros d'identification figuraient, cela aurait peut-être pu vous aider,

  8   n'est-ce pas, plutôt que d'avoir à faire tout un travail de vérification

  9   des noms, des prénoms, de corrections de ces derniers ?

 10   R.  Je voudrais préciser ce que j'ai dit. Je n'ai jamais dit n'avoir pas

 11   retrouvé ces numéros d'identification dans le recensement et dans les

 12   listes électorales, premièrement. Deuxièmement, hier j'ai indiqué que le

 13   numéro national d'identification était absent de la plupart des sources,

 14   notamment celles sur les victimes décédées pendant la guerre, et c'est tout

 15   à fait exact. Je le maintiens aujourd'hui. Je n'ai jamais dit que les

 16   listes électorales ne faisaient pas figurer le numéro national

 17   d'identification. J'ai dit hier que les listes électorales de 1997 et 1998

 18   étaient, en fait, fondées sur le recensement de 1991, et pour être en droit

 19   de voter il était nécessaire de remplir deux conditions. La première était

 20   d'être enregistré dans le recensement de 1991, et deuxièmement il fallait

 21   également remplir une condition d'âge.

 22   Nous avons effectivement utilisé le numéro national d'identification

 23   dans le couplage des données des listes électorales d'une part, et du

 24   recensement d'autre part. Ces deux sources, je le répète, étaient les

 25   sources les plus volumineuses sur lesquelles nous nous sommes appuyés dans

 26   notre analyse, et nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir disposer de

 27   ces numéros d'identification. Parce que sans eux, indépendamment de la

 28   qualité des données figurant dans ces sources, il aurait été extrêmement

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  1   difficile de procéder aux couplages. En fait, nous avons observé les mêmes

  2   défauts concernant la qualité des informations relatives au numéro national

  3   d'identification, aussi bien dans le recensement que dans les listes

  4   électorales.

  5   Nous avons abouti à un résultat du processus de couplage qui

  6   correspondait à presque deux millions d'enregistrements, deux millions de

  7   personnes pour lesquelles les données ont été recoupées sur la base du

  8   numéro d'identification seul, ou également en recourant aux noms et à la

  9   date de naissance. Donc j'ai dit hier que nous n'avons pas vraiment eu le

 10   choix. Nous avons eu à nous pencher sur le nom des personnes tel qu'il

 11   figurait au recensement, parce que dans de nombreuses sources le numéro

 12   d'identification ne figurait pas. C'était une autre façon possible de

 13   procéder au couplage. En fait, nous avons utilisé les deux approches,

 14   couplage par numéro national d'identification, et couplage basé également

 15   sur le nom des personnes et leurs données personnelles.

 16   Q.  Très bien. Si j'ai bien compris, deux millions de personnes ont

 17   vu leurs données recoupées sur la base du numéro national d'identification,

 18   et le reste des enregistrements que vous avez réussi à coupler a été

 19   recoupé en fonction d'autres critères.

 20   R.  Oui. Nous avons utilisé le numéro national d'identification et d'autres

 21   critères. Il aurait été trop risqué d'utiliser exclusivement le numéro

 22   d'identification. Pourquoi ? Parce que les femmes, les femmes mariées,

 23   lorsqu'elles s'enregistraient aux listes électorales étaient souvent

 24   enregistrées avec le numéro d'identification de leurs maris. Donc cela

 25   représentait une exception pour laquelle nous avons dû nous pencher sur

 26   d'autres critères comme le nom. La clé principale de notre couplage, du

 27   processus de couplage, était le numéro national d'identification qui nous a

 28   permis de procéder au couplage avec les listes électorales.

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  1   J'ai également reçu à une étape particulière des données

  2   supplémentaires de la part de l'OSCE qui nous a indiqué la façon dont ils

  3   ont procédé pour constituer ces listes électorales. Manifestement, ils ont

  4   utilisé les données du recensement, y compris le numéro d'identification,

  5   le nom, la date de naissance, l'adresse de résidence, et cetera, toute

  6   information nécessaire à la vérification de l'éligibilité de la personne

  7   lorsqu'il se présente pour s'enregistrer aux listes électorales. Donc les

  8   votants se présentaient avec leurs documents d'identité et les informations

  9   étaient vérifiées par rapport à celles dont disposait la commission

 10   électorale au moment de l'enregistrement. En fait, ce sont les données du

 11   recensement dont nous parlons en la matière lorsqu'il s'agit

 12   d'enregistrement des votants.

 13   Q.  Je voudrais juste faire suite à ce que vous venez de dire. En dehors du

 14   numéro national d'identification, pourriez-vous nous dire le nombre de

 15   critères ou de champs d'information que vous avez utilisés lorsque vous

 16   avez procédé au couplage des différents fichiers ou listes dont vous

 17   disposiez, avec les données du recensement de 1991. Parce que vous dites à

 18   un moment dans votre rapport, en parlant des difficultés découlant de

 19   l'absence de numéro d'identification, je cite : Les noms étaient parfois

 20   consignés sous des variantes différentes, ou parfois, les dates de

 21   naissance étaient différentes. Par conséquent, pour des personnes dont les

 22   données n'avaient pas pu être recoupées, nous avons progressivement élargi

 23   les critères de couplage pour inclure une ou plusieurs variables ou champs

 24   supplémentaires; par exemple la date de naissance ou les initiales, en plus

 25   du nom ou du prénom.

 26   Est-ce que vous pouvez m'indiquer combien cela représente de critères

 27   supplémentaires, si j'ai été clair ? Est-ce qu'il s'agit de deux, trois,

 28   cinq, ou six critères supplémentaires, ou d'un seul peut-être ?

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  1   R.  Je ne me rappelle pas combien de critères il y avait. La liste des

  2   critères utilisés peut être très longue. Mais je crois qu'il convient de

  3   souligner que ce processus de couplage se déroule en plusieurs étapes. A

  4   chaque étape, on utilise un critère pour identifier des candidats

  5   potentiels au recoupement. Si le critère utilisé est large, par exemple, si

  6   j'utilise le nom, le patronyme complet, ou le prénom complet, ou la date de

  7   naissance, c'est une recherche ciblée à laquelle on procède de cette façon.

  8   Et si j'obtiens une centaine d'enregistrements qui vont correspondre avec

  9   le même nom, le même prénom, et date de naissance, et lieu de résidence,

 10   bien, on obtient là un assez bon résultat, et je peux considérer qu'il y a

 11   un recoupement. Tous les candidats correspondants sont considérés comme se

 12   recoupant.

 13   Donc, comme vous l'avez dit, nous pouvons parfois être en présence

 14   d'erreurs, des erreurs d'orthographe dans les noms, ou des erreurs

 15   d'enregistrement de la date de naissance. Et pour procéder à la

 16   comparaison, nous avons, dans ce cas-là, à élargir nos critères. Par

 17   exemple, nous pouvons utiliser le prénom, le nom, mais également les

 18   initiales du prénom, et du prénom du père. Le prénom du père également peut

 19   être un critère utilisé. Encore une fois, c'est parce que les critères

 20   retenus sont assez étendus que nous sommes amenés à procéder ainsi.

 21   Il faut ensuite distinguer entre les résultats véritablement positifs

 22   et ceux qui sont de faux positifs, en termes de couplage, parce qu'il peut

 23   y avoir une légère différence dans l'orthographe d'un nom ou du nom du

 24   père, une légère différence dans la date de naissance ou dans le mois de

 25   naissance, par exemple, à l'intérieur de cette date de naissance. Parfois,

 26   les personnes ne se rappellent pas avec suffisamment de précision leurs

 27   données personnelles. Mais lorsqu'on a un degré de similarité suffisant

 28   entre deux enregistrements, nous concluons à un recoupement satisfaisant.

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  1   En revanche, il y aura un certain nombre d'enregistrements qui se

  2   recoupent, pour lesquels on sera amené à rejeter le recoupement ou le

  3   couplage.

  4   Lorsque nous avons procédé au couplage entre les fichiers des

  5   personnes portées disparues ou de personnes décédées pendant la guerre et

  6   le recensement, nous avons été amenés beaucoup plus à rejeter des couples

  7   de personnes dont les données se recoupaient. Mais si nous avions eu à

  8   procéder de la même manière en comparant le recensement et les listes

  9   électorales, il aurait été beaucoup plus difficile de procéder de la même

 10   manière. Le numéro national d'identification nous aurait beaucoup aidés

 11   s'il avait été consigné de façon plus systématique.

 12   Mais je ne peux pas, en tout cas, vous répondre avec précision pour

 13   la question que vous posez. C'était certainement bien plus que deux, trois,

 14   cinq ou six. 

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Une correction au compte rendu

 16   d'audience, page 9, ligne 18. Il est question d'"un processus qui se

 17   présente en plusieurs étapes," d'après ce qu'a déclaré le témoin. Merci.

 18   M. ALEKSIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous nous avez dit que vous vous êtes fondée sur plusieurs critères.

 20   Pour quelle raison dans votre rapport on ne retrouve jamais les

 21   statistiques des couplages ? Ou pour être plus précis, vous vous êtes

 22   fondée sur plusieurs critères, mais alors pourquoi n'avez-vous pas présenté

 23   les résultats en application du premier critère, 20 %, par exemple, en

 24   fonction du deuxième critère, 30, 40, 50, et cetera. Donc le pourcentage

 25   peut varier. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela ?

 26   R.  Oui, j'aurais pu procéder ainsi, mais je dois dire que  nous présentons

 27   un certain nombre de statistiques pour ce qui est des couplages. Nous

 28   présentons les taux obtenus en définitive. En fait, cela aurait pris

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  1   énormément de temps si on avait abordé toutes les étapes, et physiquement,

  2   je ne sais pas si on aurait pu effectivement laisser une trace

  3   correspondant à chacune des étapes pour les couplages, puisque nous avons

  4   procédé pendant des années, pendant cinq ans, pour obtenir les statistiques

  5   dans l'affaire Milosevic, par exemple, pour obtenir tous les résultats des

  6   calculs. Il s'agit d'un processus qui prend énormément de temps, et je n'ai

  7   pas toujours eu toutes les ressources nécessaires, l'effectif nécessaire

  8   pour procéder à ça.

  9   Q.  Je souhaite maintenant aborder votre deuxième rapport, qui concerne les

 10   personnes portées disparues. Nous avons examiné le tableau 2, page 10, dans

 11   les deux versions, 65 ter 10400. Page 10, 65 ter 10400. Excusez-moi. Ce

 12   serait en page 11. Je me reprends encore une fois, ce serait en page 10,

 13   s'il vous plaît.

 14   Mais quoi qu'il en soit, vous êtes arrivée à la conclusion suivante : en

 15   tout, 12 047 individus sont portés disparus ou ont perdu la vie. Dans votre

 16   rapport, auriez-vous pu ventiler les catégories, donc d'une part,

 17   représenter les personnes portées disparues, et d'autre part, les morts,

 18   les décédés ?

 19   R.  Oui, je peux faire cela. Si vous avez besoin de ces chiffres, je suis

 20   en mesure de les préparer, de les fournir. Je suis tout à fait en mesure de

 21   vous fournir cela.

 22   Q.  Afin de démontrer -- en fait, vous avez un certain nombre

 23   d'enregistrements de décès. Donc pour démontrer qu'il s'agit d'individus

 24   véritables et non pas fictifs, et pour établir leur appartenance ethnique,

 25   vous avez procédé au couplage avec le recensement de 1991, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Et à en juger d'après ces critères sur lesquels vous vous êtes fondée,

 28   vous êtes arrivée à 10 430 regroupements, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Exact.

  2   Q.  Accepteriez-vous que la différence entre ceux qui sont estimés comme

  3   étant des victimes, à savoir 12 047 individus, et ceux qui, d'après vos

  4   constatations, existent dans le recensement, à savoir les 10 430, si l'on

  5   procède à la soustraction, on obtient

  6   1 617. En est-il ainsi ?

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Aleksic, les interprètes n'ont

  8   pas pu entendre le dernier chiffre que vous avez énoncé. Est-ce que vous

  9   pourriez le répéter, s'il vous plaît.

 10   M. ALEKSIC : [interprétation] Excusez-moi. Je n'ai pas regardé le compte

 11   rendu d'audience.

 12   Q.  Donc la différence, si on procède à une soustraction de

 13   10 430 sur 12 047, on obtient 1 617.

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Pourriez-vous m'expliquer à présent ce qu'il en est ? Ces individus

 16   n'existent pas dans le recensement, or vous les prenez en compte. Autrement

 17   dit, si je vous ai bien comprise, ce qui en découle, c'est la chose

 18   suivante : vous avez, en comptant les victimes, pris en compte à la fois

 19   ceux que vous avez trouvés dans le recensement et ceux qui n'y figuraient

 20   pas, ou bien est-ce que je fais erreur lorsque j'estime cela ?

 21   R.  Si, si, j'ai pris en compte toutes les victimes, les

 22   12 047. Et si j'excluais les échantillons qui n'ont pas été recoupés, cela

 23   signifierait que je prendrais ces victimes pour fictives. Le taux de

 24   recoupement n'a jamais atteint 100 %, parce que vous avez toujours des

 25   lacunes dans vos sources. Donc si vous avez un taux de couplage de 80 % ou

 26   90 %, c'est déjà un taux très important, le taux de couplage avec les

 27   registres du recensement.

 28   Donc nous nous sommes toujours fondés sur les données réunissant les

Page 15509

  1   victimes de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Nous savons sur quelles

  2   sources nous nous sommes reposés.

  3   Q.  Entendu. Mais lorsque vous avez étudié la catégorisation par

  4   appartenance ethnique, vous avez pris en compte uniquement ceux qui

  5   figuraient dans le recensement, et vous avez exclu tous ceux que vous

  6   n'avez pas pu identifier, n'est-ce pas ?

  7   R.  Mais dans le recensement, j'ai pu identifier 90 % de victimes par

  8   rapport à la base de données consolidée. Cela signifie simplement que j'ai

  9   pu me fonder sur certaines techniques d'analyse statistique, donc j'ai pu

 10   extrapoler. Si j'ai des données et des résultats pour 90 %, je peux

 11   extrapoler sur les 10 % qui restent. C'est totalement justifié sur le plan

 12   des calculs statistiques. Donc pour les 90 %, j'avais l'ensemble des

 13   éléments d'information découlant du recensement me renseignant sur leur

 14   appartenance ethnique. Donc les 10 % restants ont été ventilés en me

 15   fondant sur ce que j'ai pu observer comme étant l'appartenance ethnique. Je

 16   suis désolée, mais il s'agit d'un procédé tout à fait légitime dans le

 17   domaine des statistiques.

 18   M. ALEKSIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

 19   Monsieur le Président. J'ai essayé de bien préparer cet interrogatoire,

 20   mais il semble que nous aurons besoin de citer un expert du côté de la

 21   Défense qui sera en mesure de fournir des explications plus détaillées aux

 22   Juges de la Chambre sur ces questions. Je vous remercie.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Puis-je prendre la parole, Monsieur le

 25   Président ?

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 27   Contre-interrogatoire par M. Cvijetic : 

 28   Q.  [interprétation] Madame Tabeau, je suis le Défenseur de M. Mico

Page 15510

  1   Stanisic. Mon nom est Slobodan Cvijetic.

  2   R.  Bonjour.

  3   Q.  Je suis avocat, et j'aime mon métier. Au nom de ma profession, je

  4   devrais corriger une affirmation avancée par mon confrère Aleksic hier

  5   lorsqu'il a dit que les juristes - et en particulier les avocats - ne font

  6   pas de bons mathématiciens et que c'est cela qui les a incités d'ailleurs à

  7   faire des études de droit, car cela n'est vrai qu'en partie. Je dois dire

  8   en réalité que sur l'ensemble des disciplines mathématiques, les avocats

  9   apprennent vite à maîtriser n'en serait-ce qu'une seule. En fait, ils

 10   apprennent à bien additionner. Du moins, c'est ce qu'on dit dans notre

 11   milieu. C'est diviser qu'ils ont du mal à faire.

 12   Trêve de plaisanterie.

 13   Pour commencer, j'aimerais savoir si vous connaissez une devise que l'on

 14   attribue aux statisticiens ou aux démographes de manière plus générale, à

 15   savoir que le chiffre peut nous révéler ce que souhaite lui faire dire

 16   celui qui sait bien manipuler les chiffres ?

 17   R.  Je ne connais pas cette devise. Lorsque je travaille dans le domaine

 18   des statistiques, je respecte la méthodologie et je ne m'appuie sur des

 19   sources valables.

 20   Q.  Je dois vous dire que cette maxime est tout à fait exacte. Si la

 21   recherche scientifique ne se fonde dans un domaine donné que sur des

 22   chiffres, sur les mathématiques, sur les statistiques, sans prendre en

 23   compte toute une série d'autres facteurs pertinents, en particulier dans le

 24   domaine qui nous intéresse, ce qui peut se produire c'est que l'on peut

 25   aboutir à des résultats en apparence exacts, mais qui n'ont pas de

 26   fondement valide si l'analyse menée n'est pas exhaustive.

 27   Je vais me permettre de résumer vos travaux de la manière suivante : dans

 28   l'affaire Milosevic, vous aviez pour mission de vous pencher sur les

Page 15511

  1   résultats pour 40 municipalités de l'espèce.

  2   En est-il ainsi ?Excusez-moi, 47 municipalités. Est-ce que l'on peut

  3   corriger au compte rendu d'audience. Ai-je raison de dire cela ?

  4   R.  Oui, 47.

  5   Q.  Dans l'affaire Milosevic, conformément à la mission qui vous a été

  6   confiée, vous vous êtes penchée en particulier sur sept municipalités et

  7   vous expliquez que dans ces sept municipalités, le problème de l'évolution

  8   démographique était le plus prononcé. Ai-je raison de dire cela ?

  9   R.  Oui. Oui, on pourrait dire cela.

 10   Q.  Ces sept municipalités, on les retrouve dans votre supplément au

 11   rapport fourni dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, c'est possible. Je ne me souviens plus exactement de quelles sept

 13   municipalités il s'agissait dans l'affaire Milosevic, lesquelles sept ont

 14   fait l'objet d'une étude plus approfondie.

 15   Q.  Dans l'espèce, vous avez étudié 18 municipalités visées à l'acte

 16   d'accusation Stanisic/Zupljanin ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Dans l'affaire Milosevic, dans le cadre de votre étude, vous avez pris

 19   en compte également 26 municipalités situées sur le territoire de la

 20   Fédération de Bosnie-Herzégovine, donc situées hors du territoire de la

 21   Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, cela est possible. Mais je n'ai pas en tête ces municipalités. Si

 23   vous l'affirmez, cela doit être exact.

 24   Q.  Oui, je l'ai vérifié. Vous accepterez, Madame Tabeau, que les données

 25   statistiques et les conclusions démographiques au sujet des données

 26   démographiques et au sujet des migrations de la population seront de

 27   meilleure qualité si on base son étude sur un nombre plus important de

 28   municipalités ?

Page 15512

  1   R.  Pourquoi en serait-il ainsi ?

  2   Q.  Les statistiques et l'évolution sur le plan démographique ne se

  3   proposent-elles pas de tirer des conclusions sur l'ensemble de la situation

  4   en République de Bosnie-Herzégovine pour avoir une vue d'ensemble dans

  5   toute la république; cela ne serait-il pas juste de procéder ainsi ?

  6   R.  Monsieur, je devais rédiger un rapport dans les deux affaires,

  7   Milosevic et celle-ci, fournissant des statistiques qui correspondraient à

  8   la zone et à la période visées à l'acte d'accusation. Dans l'affaire

  9   Milosevic, il s'agissait d'une base plus large, à savoir 47 municipalités.

 10   Ici, il s'agissait de 18 municipalités. Mais si vous souhaitez avoir les

 11   statistiques pour l'ensemble du pays, cela ne pose pas problème. Je peux

 12   vous les fournir demain.

 13   Je ne suis pas d'accord pour dire que les statistiques seront

 14   meilleures si on se penche sur une zone plus large. Prenez ne serait-ce

 15   qu'une seule municipalité, Srebrenica ou Prijedor, vous avez une population

 16   si importante que vous obtenez des résultats statistiques tout à fait

 17   valables. Votre échantillon peut compter, si vous travaillez sur un

 18   échantillon tout petit, mais ce n'était pas le cas. Nous avons travaillé

 19   sur les données du recensement et sur les listes électorales sur une

 20   population importante. Et la zone étudiée dans les deux rapports a été

 21   déterminée en fonction des exigences de l'affaire. Cela n'avait pas à voir

 22   avec les critères statistiques. Dans les deux cas, la méthode était

 23   valable.

 24   Q.  Vous n'avez pas répondu à ma question. C'est justement là que se

 25   pose le problème, au niveau de l'échantillon qui a été retenu. Dans

 26   l'affaire Milosevic, vous avez pris sept municipalités pour lesquelles vous

 27   avez dit qu'elles ont été touchées plus que les autres sur le plan

 28   démographique, que les changements avaient été les plus importants. Et là,

Page 15513

  1   vous avez également justifié votre sélection en avançant le même argument

  2   qu'aujourd'hui, à savoir que le Procureur vous a confié cette mission. Mais

  3   sur le plan scientifique, votre argument n'est pas valable, Madame Tabeau.

  4   Vous êtes employée par le bureau du Procureur, et c'est vous qui avez

  5   sélectionné ces sept municipalités, n'est-ce pas ?

  6   R.  Monsieur, tout d'abord, dans le rapport Milosevic, on trouve beaucoup

  7   de données statistiques pour l'ensemble du pays, pour la Bosnie-

  8   Herzégovine, et on procède à beaucoup de comparaisons pour les 47

  9   municipalités ou les sept municipalités et les données statistiques pour

 10   toute la Bosnie-Herzégovine, pour la Fédération ou la Republika Srpska.

 11   Donc il y a beaucoup d'éléments statistiques qui replacent dans un contexte

 12   plus large les données fournies pour les 47 ou les sept municipalités

 13   citées.

 14   Donc me reprocher la partialité ou des erreurs, je ne pense pas que

 15   ce soit justifié dans ce cas précis. Dans ce rapport également, j'ai tenu

 16   compte de certaines statistiques pour toute la Bosnie-Herzégovine, pour

 17   replacer les choses dans le contexte dans l'espèce.

 18   Q.  Madame Tabeau, ce contexte plus large, on ne le retrouve pas

 19   entièrement dans ce supplément au rapport. Hier il a été exclu de l'affaire

 20   Milosevic, et je dois vous dire - et je me propose de le démontrer plus

 21   tard sur des tableaux - nous n'avons pas une vue d'ensemble et nous n'avons

 22   pas accès à ce contexte plus large. Mais j'en reparlerai plus tard.

 23   Ensuite, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire plus précisément quelle

 24   est votre spécialité dans le domaine plus général d'études démographiques ?

 25   R.  Avant de répondre, je vous renvoie, Monsieur, à l'annexe B2 de

 26   l'addendum. Il s'intitule "Comparaison de la zone Stanisic/Zupljanin avec

 27   l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine."

 28   Pour revenir maintenant à la question d'études démographiques qui

Page 15514

  1   font partie de ma spécialité, je dois dire que je travaille dans le domaine

  2   de la démographie générale, et plus précisément, je m'étais spécialisée

  3   dans le domaine des taux de mortalité dans les pays développés, de l'Europe

  4   occidentale, l'Europe centrale, certains pays de l'Europe de l'Est, et j'ai

  5   étudié l'espérance de vie. Donc il s'agit de questions de mortalité, au

  6   sens général du terme.

  7   Depuis dix ans, je dois dire que dans le cadre de mon emploi pour ce

  8   Tribunal, je travaille plutôt sur les questions de démographie liées à la

  9   guerre. C'est un domaine nouveau qui est plutôt différent de nos études au

 10   sens classique du terme dans les pays occidentaux. Donc il y aurait deux

 11   domaines, plus précisément l'étude de la mortalité dans les pays

 12   développés, d'une part, puis d'autre part, la mortalité dans des situations

 13   de guerre.

 14   Je pense que nous devons apporter une correction au compte rendu

 15   d'audience. Dans la dernière ligne du compte rendu d'audience, j'ai parlé

 16   de la démographie de la guerre à la fin de ma réponse. Page 19, ligne 14.

 17   Q.  Cette démographie dans des situations de guerre fait l'objet de vos

 18   études depuis que vous collaborez avec le bureau du Procureur, n'est-ce pas

 19   ? Ou plutôt, vous vous intéressez à la mortalité en période de guerre. Donc

 20   cela fait l'objet de l'objet de vous études depuis que vous travaillez pour

 21   le bureau du procureur; c'est bien cela ?

 22   R.  Je ne m'intéresse pas uniquement aux questions de mortalité. Si vous

 23   regardez mes rapports produits pour le bureau, bien, je me suis penchée sur

 24   les questions de déplacement interne ou externe dans nombre de rapports.

 25   Donc il y aurait là aussi des objets d'étude. Mortalité en temps de guerre,

 26   puis les déplacements de population, interne ou externe.

 27   Q.  Vous n'avez donc pas traité de statistiques liées au recensement,

 28   l'expérience plus ancienne que vous avez dans ce domaine remonte à vos

Page 15515

  1   études ?

  2   R.  Bien, si vous parlez de ma participation à un recensement de la

  3   population en Pologne, lorsque j'étais étudiante, effectivement, j'ai

  4   travaillé dans le domaine de recensement. Et de plus à cette époque-là,

  5   j'ai commencé à utiliser des données individuelles tirées des données

  6   recensement ici au sein de ce Tribunal.

  7   Q.  Est-ce que vous avez publié des documents, des articles en matière de

  8   statistiques liées au recensement ?

  9   R.  Quel genre d'articles, des articles techniques ? Absolument pas. Je

 10   n'ai publié aucun article technique relatif au recensement. J'ai publié un

 11   article qui traitait du sujet des résultats d'une étude ou des données

 12   issues dans le recensement avaient été utilisées. Mais je n'ai pas moi-même

 13   publié d'articles sur les données des recensements. Je ne sais pas

 14   exactement ce que vous voulez dire. Je n'ai jamais prétendu être experte

 15   technique en matière de conduite de recensement, je suis utilisatrice des

 16   données des recensements, ce n'est pas inhabituel pour une statisticienne.

 17   Vous n'avez pas besoin de connaître le fond du fond, de la méthodologie des

 18   recensements pour pouvoir utiliser les données qui en sont issues.

 19   M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs, s'il vous plaît, il y a une

 20   erreur à corriger en ligne 14. En anglais "construct" à remplacer par

 21   "conduct" en anglais, la conduite.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] 

 24   Q.  De plus, vous n'avez pas utilisé de données issues de statistiques

 25   dites vitales, c'est-à-dire naissances, mariages, et cetera.

 26   R.  Mais si, bien sûr. Justement, je me spécialise dans les données liées à

 27   la mortalité. On se fonde exclusivement sur les statistiques d'état civil.

 28   Les rapports de décès qui sont utilisés pour compilation des taux de

Page 15516

  1   mortalité, toutes les mesures par lesquelles on dérive les taux de

  2   mortalité, par exemple, les données d'état civil. La base c'est le rapport

  3   de décès. Malheureusement, en démographie, on ne peut pas faire grand-chose

  4   avec les données d'état civil, avec les déclarations de naissances, de

  5   divorces, et cetera. Tout vient de l'état civil. Seules les migrations sont

  6   couvertes par des enquêtes spéciales étudiant les flux de migration. En ce

  7   qui concerne le reste, tout ressort de l'état civil, la source est l'état

  8   civil. En fait, je connais bien ces données d'état civil.

  9   Q.  Mais c'est ainsi que vous avez procédé après l'affaire Milosevic, parce

 10   qu'en cette enceinte vous aviez dit ne pas vous intéresser du tout, ne pas

 11   vous occuper du tout des statistiques liées à l'état civil.   

 12   R.  Mais là encore c'est une histoire de contexte. Si vous me demandez si

 13   j'ai de l'expérience dans les aspects techniques liés au recueil

 14   d'informations -- ou la compilation de dossiers d'état civil ou récolte de

 15   données liées au recensement, je n'en ai pas. Je n'ai jamais travaillé dans

 16   un bureau qui aurait recueilli des données d'état civil. Moi, je travaille

 17   dans une bureau de la statistique -- j'ai travaillé -- il s'agit d'une

 18   équipe qui fait un travail complètement différent.

 19   Le fait de recueillir des données, de traiter ces données, de les préparer

 20   pour un utilisateur, c'est une chose. Moi, ce n'est pas mon expérience. Je

 21   n'ai pas cette formation technique. Moi, j'utilise les données issues d'une

 22   collecte de données. J'ai 30 années d'expérience dans l'utilisation, dans

 23   l'exploitation de ces données. Donc je suis tout à fait en désaccord avec

 24   vous, lorsque vous dites que je n'ai pas la connaissance nécessaire des

 25   données issues de l'état civil ou d'autres sources démographiques. Au

 26   contraire, je suis tout à fait bien équipée pour en faire une exploitation

 27   très utile. J'ai l'expérience dans l'exploitation de ces sources.

 28   Q.  Avez-vous à un moment ou un autre de votre carrière travaillé dans le

Page 15517

  1   domaine de l'ethnodémographie [phon] ? Et pourriez-vous expliquer de quoi

  2   il s'agit.

  3   R.  Je crains que l'ethnodémographie ne soit un concept typiquement

  4   yougoslave. L'ethnodémographie en tant que telle n'existe pas ailleurs.

  5   Mais nous avons des études concernant les groupes ethniques dans le cadre

  6   plus large de la démographie, l'ethnodémographie qui n'existait que dans

  7   l'ancienne Yougoslavie, et tout ce qui est lié à la démographie concernant

  8   l'ancienne Yougoslavie a toujours eu trait à l'origine ethnique, aux

  9   différences entre les groupes ethniques, et ainsi de suite, et c'est ce

 10   qu'on appelle ethnodémographie. Et ce n'est pas ainsi que l'on procède en

 11   démographie. Je dois le dire.

 12   L'ethnicité d'une population ce n'est qu'un des multiples aspects

 13   liés à une population. L'ethnicité nous permet peut-être de mettre au point

 14   des mesures de protection, de faire des projections démographiques pour

 15   voir comment certains groupes ethniques se développent au sein d'une

 16   population, mais il y a également des différences socioéconomiques qui sont

 17   très importantes. Notamment en vue des statistiques de mortalité.

 18   Nous étudions plusieurs dimensions liées à la démographie ou à

 19   l'ethnicité dans nos études démographiques, mais lorsqu'on parle de

 20   démographie, on parle de démographie des pays occidentaux par rapport aux

 21   autres. En ce qui concerne les sources d'information sur la population, les

 22   deux groupes de pays sont différents. Un pays comme les Pays-Bas, ou

 23   comparer un pays africain comme le Soudan. Si vous comparez la quantité

 24   d'informations concernant la population à disposition aux Pays-Bas et

 25   celles qui sont disponibles au Soudan, bien, c'est deux quantités de volume

 26   complètement différent. Donc les approches, les sources, et cetera,

 27   auxquelles on se réfère dans l'étude des deux populations sont forcément

 28   différentes. Mais l'ethnodémographie, ce n'est pas une de nos pratiques.

Page 15518

  1   Q.  Bien, pourriez-vous, Madame Tabeau -- moi, c'est là que je vois un

  2   problème. Vous êtes venue dans une région où ce facteur ethnodémographique

  3   ou l'étude de la démographie en fonction des groupes ethniques a forcément

  4   incidence importante que vous avez négligée, vous l'avez laissée de côté,

  5   vous ne l'avez pas appliquée à la région que vous étudiiez. Et j'aimerais

  6   avoir recours à un certain nombre d'exemples pratiques pour montrer comment

  7   cela a affecté vos résultats, les résultats de votre étude.

  8   D'abord, quelques caractéristiques fondamentales concernant les

  9   groupes ethniques en Bosnie-Herzégovine. Vous êtes au courant de ces

 10   caractéristiques de base concernant les différents groupes ethniques

 11   présents en Bosnie-Herzégovine. J'aimerais voir si vous les connaissez

 12   d'abord.

 13   Saviez-vous, par exemple, que la population musulmane, en tant que

 14   groupe ethnique, se caractérise par une faible mobilité, c'est-à-dire,

 15   émigration, immigration à des niveaux faibles, une forte densité de

 16   population dans les zones où ces populations résident, et une forte

 17   natalité plus forte, en fait, que pour tout autre groupe ethnique en

 18   Bosnie-Herzégovine. Connaissez-vous ces

 19   caractéristiques ?

 20   R.  Ce sont vos théories, Monsieur Cvijetic. Et d'ailleurs, nous devrions

 21   parler de mon rapport et des résultats compris dans mon rapport, et c'est à

 22   vous de contester certaines de mes conclusions, si vous êtes en désaccord.

 23   Mais ce n'est pas ce que vous faites, vous discutez avec moi de vos

 24   théories. Moi, je vous propose que nous nous recentrions sur le sujet de

 25   discussion.

 26   Q.  Pourriez-vous simplement répondre à la question. Etes-vous au courant

 27   de ces caractéristiques ?

 28   R.  J'ai fait une étude du niveau de fertilité des groupes ethniques en

Page 15519

  1   Bosnie-Herzégovine. Ce n'est pas un article que j'ai publié, c'est une

  2   étude tout à fait personnelle. Mais dans le recensement, il y a des

  3   informations concernant les enfants, le nombre d'enfants nés pour chaque

  4   femme. Et l'on peut voir des différences entre groupes ethniques. On peut

  5   faire cela de plusieurs façons. En démographie, il y a vraiment deux angles

  6   de vue. On peut avoir une perspective transversale, c'est-à-dire prendre un

  7   instantané sur une période donnée, ou un instant donné, ou des études de

  8   cohorte, c'est-à-dire des études longitudinales, c'est-à-dire qu'on étudie

  9   le nombre d'enfants nés pour chaque femme au cours de sa vie reproductrice.

 10   Q.  Je vous arrête là, s'il vous plaît. Cela ne constitue qu'un seul aspect

 11   des caractéristiques dites ethniques. Je ne voulais pas vous demander de

 12   les traiter une à une, jusqu'à ce que je prenne un exemple pratique issu de

 13   votre rapport, ou plutôt, qui montrerait l'incidence de cela dans votre

 14   rapport.

 15   Donc si j'ai bien compris votre réponse, votre réponse est non. Non, vous

 16   ne vous êtes pas occupée de ces caractéristiques, vous n'en avez pas

 17   connaissance, de ces caractéristiques techniques de base.

 18   M. DI FAZIO : [interprétation] Mme Tabeau est tout à fait capable de

 19   répondre à ces questions, mais je fais quand même objection. Ce que fait M.

 20   Cvijetic, lorsqu'il dit qu'elle ne connaît pas ces caractéristiques de

 21   base, que fait-il ? En fait, il n'y a rien du tout dans ce rapport qui

 22   traite des groupes ethniques, sauf à dire que les gens se sont déclarés de

 23   telle ou telle appartenance ethnique, musulmane, serbe ou croate, dans le

 24   recensement fait en 1991. Aujourd'hui -- hier, pardon, Mme Tabeau a

 25   témoigné, c'est dans les rapports, elle a expliqué que c'est ainsi qu'elle

 26   a étudié les chiffres. Il n'y a rien concernant une autre étude qui aurait

 27   pu être faite sur "les caractéristiques dites ethniques."

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit, je ne sais rien quant à ces

Page 15520

  1   questions. Moi, je réponds, je ne connais pas vos théories et je ne

  2   souhaite pas les connaître, je ne souhaite pas les aborder parce qu'elles

  3   n'ont aucun trait à mon rapport. Mais il n'est pas correct de penser que je

  4   n'ai pas moi-même étudié certaines de ces caractéristiques, par exemple,

  5   fertilité, taux de natalité pour certains groupes ethniques, diversité de

  6   la population musulmane, les migrations jusqu'au recensement de 1991, vous

  7   n'avez pas vraiment de fondement à dire que je n'ai aucune expérience dans

  8   ce domaine.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation]

 10   Q.  Donc si vous disposez de cette expérience, pourquoi n'avez-vous

 11   toujours pas répondu à ma question concernant les caractéristiques

 12   ethniques d'un groupe ethnique ? Plus tard, je poserai des questions sur

 13   les deux autres groupes.

 14   M. DI FAZIO : [interprétation] Pour le procès-verbal, Messieurs,

 15   j'objecterai à chacune de ces questions, à chaque fois. La question des

 16   caractéristiques ethniques n'est absolument pas pertinente à ces études.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord, Monsieur

 18   Di Fazio.

 19   Monsieur Cvijetic, pourriez-vous changer d'angle, s'il vous plaît, parce

 20   que je pense que cela ne sert à rien de persévérer dans cette voie.

 21   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a un intérêt à

 22   poursuivre cette voie, je vais vous montrer pourquoi dans quelques

 23   instants. Ce qui est important en démographie, ce n'est pas une question

 24   uniquement liée aux mathématiques et la statistique. Si on se concentre

 25   uniquement sur les mathématiques et la statistique, on peut avoir un

 26   résultat biaisé si on ne tient pas compte des autres facteurs

 27   démographiques.

 28   Par exemple, un exemple qui aurait trait à quatre résidents, en fonction de

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  1   leur déclaration spontanée d'appartenance ethnique, concernant aussi leur

  2   sexe, vous avez deux hommes, deux femmes. Vous pourriez avoir un homme, les

  3   statistiques disent qu'il y a deux femmes qui sont des épouses; or dans la

  4   réalité, il y a un homme qui n'a pas d'épouse, il va au lit tout seul le

  5   soir.

  6   Donc les statistiques donnent une image faussée. Il y a d'autres

  7   facteurs. Concernant la démographie, la population qui, bien sûr, sont en

  8   lien étroit avec les résultats mathématiques et statistiques. Les

  9   statistiques mathématiques sont arides et ne nous donnent pas une image

 10   précise et correcte de la population.

 11   Alors, si nous comptons le pourcentage de la population de moins de

 12   18 ans, ce décompte se fait différemment en fonction des groupes ethniques,

 13   et c'est ce que l'on trouve reflété dans les mathématiques utilisées par

 14   Mme Tabeau. Mais on me demande d'avancer, je vais donc avancer.

 15   Q.  Comment et sur quelle base avez-vous déterminé l'appartenance ethnique,

 16   la nationalité ?

 17   R.  Sur la base du recensement de 1991, où se trouvait une question à

 18   laquelle devaient répondre les répondants : "Quelle est votre appartenance

 19   ethnique ?"

 20   Q.  Donc il n'y avait pas une question concernant la religion, vous n'avez

 21   pas associé le critère de religion, de langue avec l'appartenance ethnique

 22   ?

 23   R.  Pas du tout. C'était une déclaration spontanée de la part des

 24   répondants, comme je l'ai déjà expliqué. C'est ainsi qu'a été conduit le

 25   recensement.

 26   Q.  Dans ce recensement relatif à la Bosnie-Herzégovine,

 27   239 845 répondants se sont déclarés Yougoslaves et ils ne sont pas déclarés

 28   comme relevant d'une appartenance ethnique particulière. Les avez-vous

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  1   intégrés à la catégorie autres ?

  2   R.  Ils se sont autodéclarés Yougoslaves, non pas Serbes, Croates,

  3   Musulmans ou autre appartenance ethnique. Ils se sont déclarés Yougoslaves.

  4   Pourquoi, à votre avis, Yougoslaves correspondent-ils à une absence

  5   d'appartenance ethnique ? Vous savez, j'ai vu à plusieurs reprises des

  6   Serbes disant : La plupart des Yougoslaves sont Serbes. Les Croates

  7   disaient : Non, non, pas du tout. La plupart des Yougoslaves sont Croates.

  8   Et les Musulmans disaient : Non, non, c'étaient majoritairement des

  9   Musulmans. Mais ils se sont autodéclarés Yougoslaves. C'est une aussi bonne

 10   appartenance ethnique qu'une autre. Vous n'y avez jamais pensé ?

 11   Q.  Madame, Yougoslave c'est une citoyenneté. Un Serbe qui se déclarait

 12   Yougoslave reste un Serbe --

 13   M. DI FAZIO : [interprétation] Objection. Je pense que nous entrons dans

 14   une discussion sur ce que c'est d'être Yougoslave, et c'est parfaitement

 15   sans lien avec la question. Mme Tabeau a plusieurs fois dit très clairement

 16   qu'en ce qui concerne l'ethnicité, elle s'était fondée sur la réponse à la

 17   question d'appartenance ethnique comprise dans le recensement de 1991, et

 18   c'était aux répondants de répondre. Ils pouvaient répondre ce qu'il

 19   voulait, Musulman, Croate, Serbe, Yougoslave, et c'est ainsi qu'ils ont

 20   répondu à la question. Donc je pense que poursuivre dans cette voie n'est

 21   absolument pas pertinent.

 22   M. CVIJETIC : [interprétation]

 23   Q.  Madame Tabeau, les Yougoslaves ne sont pas des extraterrestres. Ce sont

 24   des Serbes ou des Croates ou des Musulmans et d'autres qui se sont déclarés

 25   comme Yougoslaves; ce n'est pas correct ?

 26   R.  C'est ce que vous affirmez.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Cvijetic, j'ai trouvé que

 28   l'objection de M. Di Fazio vous a clairement indiqué où vous alliez et

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  1   qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre dans cette voie. Or, c'est ce que

  2   vous faites. Vous persistez, et j'en suis surpris.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Permettez-moi d'expliquer en une seule

  4   phrase, et je m'en tiendrai là. La catégorie Yougoslaves, en raison de

  5   cette absence de déclaration ethnique, introduit une erreur mathématique

  6   dans la composition ethnique de la Bosnie-Herzégovine, et on ne peut donc

  7   pas y avoir recours. On ne peut pas l'utiliser. Si elle n'est pas utilisée,

  8   alors on a un pourcentage d'erreur parfaitement parallèle dans les données

  9   statistiques.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux apporter un commentaire. Dans les

 11   publications statistiques concernant les données du recensement par les

 12   anciennes autorités yougoslaves, les Yougoslaves sont considérés comme un

 13   groupe ethnique indépendant aux côtés des Musulmans, des Croates, des

 14   Serbes et des autres groupes ethniques.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Je ne vais pas répéter en quoi consiste

 16   cette catégorie. Ça a déjà été porté au compte rendu.

 17   Messieurs, c'est peut-être un moment de prendre la pause avant que je

 18   ne change de domaine, c'est-à-dire que je parle des sources employées par

 19   Mme Tabeau, et là c'est une question assez vaste.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pause. Nous reviendrons dans 20

 21   minutes.

 22   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 23   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

 24   M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 25   permission, je voudrais soulever très brièvement une question qui ne

 26   concerne pas le présent témoin, mais le reste du calendrier des audiences -

 27   - donc pour aujourd'hui et demain.

 28   Malheureusement, nous n'avançons pas aussi rapidement que je pensais que

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  1   nous le ferions, et il semblerait que nous soyons emmenés à continuer

  2   pendant une bonne partie de la journée, ce qui va se répercuter sur le

  3   témoin suivant et les engagements qui sont les siens pour la fin de la

  4   semaine, alors que nous avions souhaité pouvoir terminer la déposition de

  5   ce témoin suivant afin de lui permettre de rentrer chez lui le week-end et

  6   remplir ses obligations. Alors, je crois qu'il n'est pas impossible d'avoir

  7   non seulement un volet d'audience supplémentaire aujourd'hui, mais demain,

  8   en tout cas d'en faire la demande. Et, avec Mme Korner, j'ai discuté de la

  9   chose et nous avons considéré qu'il serait peut-être bon de faire cette

 10   demande pour permettre au témoin de remplir ses obligations.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quand avez-vous --

 12   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pouvez-vous confirmer que c'est demain

 14   soir que ce témoin doit partir ?

 15   M. DI FAZIO : [interprétation] Non, c'est samedi qu'il a une obligation.

 16   Donc Mme Korner est très préoccupée et voudrait voir ce témoin commencer sa

 17   déposition dès que possible. Et je pense que cela se tient.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien, nous sommes au début du second

 19   volet d'audience d'aujourd'hui. Quand vous attendez-vous à pouvoir

 20   commencer avec la déposition de ce témoin suivant ?

 21   M. DI FAZIO : [interprétation] Après le présent témoin.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais à quel moment ?

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] En d'autres termes, combien de temps

 24   vous faut-il pour vos questions supplémentaires ?

 25   M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi, je n'avais pas compris. En

 26   l'état actuel, je n'ai pas de questions supplémentaires.

 27   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le Témoin ST-163, Monsieur Di Fazio,

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  1   quand doit-il quitter La Haye, si vous le savez ?

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Samedi matin, d'après ce qu'on m'a dit.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  4   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, nous n'avons pas oublié

  6   l'estimation initiale de la durée de votre contre-interrogatoire. La

  7   Chambre note cependant que la façon dont vous menez ce contre-

  8   interrogatoire est telle que nous sommes amenés à présent à vous demander

  9   de terminer ce contre-interrogatoire d'ici la fin du volet d'audience que

 10   nous venons d'entamer.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Vous pensez au présent volet d'audience,

 12   n'est-ce pas, Monsieur le Président ?

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] En effet, la fin du volet d'audience que

 14   nous venons d'entamer qui, normalement, devrait s'achever à 12 heures 05.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Mais dans ce cas-là, Monsieur le Président,

 16   ce n'est même pas la peine que j'entame ce volet d'audience, parce que je

 17   ne serai pas en mesure de terminer. Mais je vous prie de bien vouloir

 18   entendre ce que j'ai à dire, parce que les pressions qui sont exercées pour

 19   que le témoin que l'on vient d'évoquer puisse débuter au volet d'audience

 20   suivant ne sont pas adéquates. Ce n'est pas la première fois que nous

 21   sommes soumis à ce type de pressions. A chaque fois, l'Accusation les

 22   exerce après avoir procédé à son interrogatoire principal, et c'est

 23   toujours la Défense qui est amenée à faire des sacrifices au titre de son

 24   contre-interrogatoire pour arranger le témoin.

 25   Voilà, maintenant, nous avons un témoin qui doit aller à un mariage. Nous

 26   avons déjà renoncé même à la déposition d'un témoin pour pouvoir permettre

 27   à cet autre témoin de répondre à ses obligations. Et maintenant, on demande

 28   d'aller plus --

Page 15527

  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, ce n'est pas le témoin

  2   suivant qui me préoccupe. La raison pour laquelle les Juges de la Chambre

  3   vous demandent d'en finir d'ici à la fin du volet d'audience que nous

  4   venons d'entamer est que jusqu'à présent, vous n'avez absolument pas remis

  5   en question ni sa compétence en qualité d'expert ni sa crédibilité, et de

  6   notre point de vue la façon dont le contre-interrogatoire s'est déroulé

  7   jusqu'à présent, nous n'avons pas constaté que vous alliez aborder ces

  8   questions de pertinence, la pertinence étant un critère fondamental au

  9   contre-interrogatoire. Donc c'est la raison pour laquelle nous vous

 10   demandons de terminer d'ici la fin du volet d'audience.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Sauf le respect qui vous est dû, Monsieur le

 12   Président, la méthode de conduite d'un contre-interrogatoire suppose

 13   également une certaine tactique qui fait que l'on en vient au fait à la

 14   fin. Et c'est après avoir ouvert un certain nombre de sujets et présenté un

 15   certain nombre de remarques introductives que je serai en mesure de faire

 16   le lien entre tous ces éléments et que je serai en mesure d'atteindre

 17   l'objectif qui est le mien. Mais je ne suis pas en mesure de le faire dans

 18   ces conditions.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Cvijetic, vous avez indiqué

 20   vous-même que vous auriez besoin d'environ deux heures. Les Juges de la

 21   Chambre se sont fondés sur votre estimation. Le meilleur conseil que je

 22   puisse vous donner c'est de poursuivre et de finir d'ici la fin du volet

 23   d'audience que nous venons d'entamer. Vous avez largement le temps de poser

 24   les questions que vous devez poser -- et il n'y a pas d'intérêt à enchaîner

 25   des questions hors de propos juste pour ensuite poser les questions les

 26   plus importantes à la fin. Vous pouvez très bien procéder de façon beaucoup

 27   plus directe et poser au témoin les questions que vous souhaitez

 28   véritablement lui poser. Donc essayez de procéder ainsi.

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  1   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous nous sommes partagés

  2   les différents sujets, mon confrère et moi, et nous avons convenu que je

  3   prenne en charge un certain nombre de sujets que lui n'avait pas abordés,

  4   et c'est la raison pour laquelle le besoin est apparu de prendre un peu

  5   plus de temps. Mais nous n'avons jamais dépassé le temps qui nous était

  6   imparti. Nous avons toujours fait preuve d'ouverture d'esprit par rapport

  7   aux éventuels besoins de déplacement de l'Accusation. Donc je vais aller

  8   aussi loin que je peux, puis je m'arrêterai.

  9   Q.  Madame Tabeau, nous en sommes arrivés à la question des sources sur

 10   lesquelles vous vous êtes appuyée. Dans la liste de ces sources, si nous

 11   commençons, par exemple, par la source la plus pertinente pour ensuite

 12   aller vers la source la moins pertinente ou la moins fiable, est-ce que

 13   vous pourriez nous proposer une liste de ces sources rangées comme je viens

 14   de l'indiquer, de la plus fiable à la moins fiable ?

 15   R.  De quel rapport souhaitez-vous parler ?

 16   Q.  Je parle des sources que vous avez utilisées pour tous les rapports. Je

 17   ne parle pas d'un seul rapport, mais aux sources de données en général. Je

 18   pense que vous auriez dû comprendre tout de suite.

 19   R.  Bien, les sources principales sont le recensement et les listes

 20   électorales. D'autres sources qui ne sont pas les sources principales ont

 21   également été utilisées pour élaborer des statistiques. Et pour ce qui est

 22   du rapport concernant les victimes, je crois que j'ai utilisé des sources

 23   que je considère comme extrêmement précieuses et fiables. Comme vous vous

 24   en souviendrez, il y a un tableau dans mon rapport dans lequel on énumère

 25   les sources, et je voudrais vous référer à la page 8 dans la version

 26   anglaise. C'est un tableau que nous avons examiné hier.

 27   Q.  Vous n'avez pas répondu à ma question.

 28   R.  Bien, je me --

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  1   Q.  Ecoutez-moi. Est-ce que vous pouvez ranger ces différentes sources par

  2   degré de fiabilité de la plus fiable à la moins fiable, oui ou non ?

  3   R.  Toutes les sources que j'ai utilisées sont pertinentes. Elles le sont

  4   toutes. C'est ce que j'essaie de vous dire. J'ai dit que pour le rapport

  5   sur les personnes déplacées, le recensement et les listes électorales sont

  6   les sources principales, et les autres sont des sources contextuelles.

  7   Alors que les rapports sur les victimes de la guerre, toutes les sources

  8   que j'ai utilisées sont pertinentes. Quant aux échantillons d'ADN ayant

  9   permis l'identification des victimes de Srebrenica, manifestement, ces

 10   enregistrements et ces données n'ont pas été utilisés. Ils ont été utilisés

 11   pour élaborer la base de données couvrant l'ensemble de la Bosnie-

 12   Herzégovine, parce que Srebrenica en fait partie et n'est pas couverte par

 13   l'acte d'accusation en l'espèce. Donc c'est ma vision de la pertinence de

 14   ces différentes sources.

 15   Q.  Madame Tabeau, dans votre rapport, vous dites vous-même que certaines

 16   de ces sources ne sont pas fiables et qu'elles n'ont pas toutes la même

 17   valeur d'un point de vue scientifique. Vous dites en annexe B5 du rapport

 18   Milosevic, en page de la version serbe 235, en page 222 de la version

 19   anglaise -- et c'est le document numéro 10398 de la liste 65 ter. Vous y

 20   dites donc - et je vais lire, parce qu'il n'est pas nécessaire que nous

 21   attendions que ça s'affiche à l'écran - vous dites donc que

 22   l'enregistrement sur les listes électorales se faisait sur une base

 23   volontaire, ce qui implique que les listes électorales ne représentent

 24   qu'un échantillon parmi d'autres de la population d'après-guerre, parce

 25   qu'en sont exclues les personnes qui ne se sont pas inscrites sur les

 26   listes électorales, parce que les élections ne les intéressaient pas ou

 27   parce qu'elles étaient souffrantes, ou encore trop jeunes ou trop âgées.

 28   R.  Oui. C'est ce que j'ai dit, et c'est exact. Mais vous devez

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  1   simultanément tenir compte du fait qu'il n'y a plus eu de recensement en

  2   Bosnie-Herzégovine depuis 1991. Par conséquent, nous savons que les listes

  3   électorales présentent un certain nombre de défauts et sont incomplètes,

  4   mais il n'y a pas d'autres sources qui seraient plus complètes et plus

  5   fiables et que nous aurions pu utiliser dans cette étude, sources qui

  6   auraient couvert la population dans son ensemble.

  7   Q.  Très bien. Est-ce que, en page 222 de la version serbe de ce même

  8   document et page 208 en anglais, vous ne dites pas la chose suivante, je

  9   cite :

 10   "Le recensement lui-même, en tant que point de départ le plus

 11   important de toutes nos recherches, présente un certain nombre de défauts…"

 12   Alors, il faut que je vérifie si c'est bien la phrase qui a été la vôtre.

 13   Or, je poursuis la citation :

 14   "En raison de l'agression subie par la Bosnie-Herzégovine en 1992, le

 15   traitement des données issues du recensement de la population a été

 16   interrompu."

 17   Madame Tabeau, est-ce que cette expression vient de vous, l'expression

 18   "agression subie par la Bosnie-Herzégovine" ?

 19   R.  Dans le rapport Milosevic, il est indiqué très clairement que cette

 20   annexe B3 a été rédigée par Nora Selimovic, qui est l'auteur de ce texte

 21   particulier. Je n'ai fait aucune altération à son rapport initial. Elle a

 22   participé à la commission du recensement à l'échelon de la république et au

 23   processus de recensement lui-même.

 24   Q.  Oui, mais ces rapports rédigés à Sarajevo au sein de l'institut que

 25   vous évoquez dans votre travail et les rapports fondés sur l'enquête

 26   conduite à Sarajevo, vous les acceptez comme des sources fiables et

 27   pertinentes, n'est-ce pas, alors que par ailleurs dans l'affaire Milosevic,

 28   je crois que vous avez déclaré qu'il s'agissait de sources entachées d'un

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  1   certain parti pris, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Bien, j'ai accepté ce rapport de Nora Selimovic, ainsi que l'enquête

  4   conduite auprès des ménages à Sarajevo à laquelle vous vous référez,

  5   enquête de 1994. C'est l'une des sources que j'ai utilisée pour le rapport

  6   sur les victimes, mais je ne me rappelle pas avoir qualifié ces sources

  7   comme étant entachées de parti pris ni d'avoir parlé en ces termes de Nora

  8   Selimovic. Nora Selimovic c'est le meilleur professionnel qui pouvait nous

  9   donner son opinion quant aux détails techniques concernant le déroulement

 10   du recensement. Et cette enquête conduite à Sarajevo auprès des ménages

 11   était une enquête conduite en temps de guerre au milieu de l'année 1994 par

 12   un groupe de personnes qui se rendait auprès des ménages habitant à

 13   proximité des lignes de front et qui collectait des informations concernant

 14   ces ménages et tous les décès survenus au sein de leurs familles au moment

 15   où l'enquête a été conduite.

 16   Donc je ne crois pas qu'il y ait de biais ici ni de parti pris. Les

 17   personnes qui l'ont rédigé se sont efforcées d'être complètes au mieux de

 18   leurs possibilités. Si elles avaient été sélectives en ne ciblant qu'un

 19   groupe ethnique particulier, soit, cela aurait peut-être été le cas, mais

 20   je ne me rappelle pas avoir parlé du moindre parti pris ou de biais. Si

 21   vous pouvez me montrer où cela figure dans mon rapport, je vous serais

 22   reconnaissante de le faire.

 23   Mais j'ai travaillé avec des sources émanant de toutes les parties

 24   pour le rapport. Pour ce qui concerne, par exemple, la base de données sur

 25   la mortalité, elle a été compilée pour nous par le bureau des statistiques

 26   de la Republika Srpska à Banja Luka. J'ai coopéré pendant longtemps avec M.

 27   Slavko Sobot, qui dirige ce bureau des statistiques, et j'ai accepté et

 28   pris en compte toutes les données qui me sont parvenues et également celles

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  1   des autorités fédérales. Donc je ne suis pas d'accord lorsque vous dites

  2   qu'il y a un certain parti pris de ma part à avoir pris en compte toutes

  3   ces sources.

  4   M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, il manque RS,

  5   pour Republika Srpska, en ligne 10 du compte rendu d'audience, page

  6   courante. Je crois que c'est important.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, il manque RS. C'est la base de

  8   donnée sur la mortalité de la Republika Srpska.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation]

 10   Q.  Mais pour être tout à fait équitable, Madame Tabeau, les données que

 11   vous avez collectées auprès de l'agence nationale de la sécurité à Banja

 12   Luka étaient des données qui n'étaient rien de plus que les évaluations

 13   propres auxquelles ont procédé les agents de cette institution et les

 14   informations qu'ils avaient pu collecter. Ces données ne résultaient pas

 15   d'un travail qui aurait été accompli en appliquant la méthodologie standard

 16   en matière d'étude des populations, n'est-ce pas ?

 17   R.  Bien, j'ai ma propre opinion concernant la méthodologie utilisée. J'en

 18   ai discuté à un moment avec M. Sobot, le directeur du bureau des

 19   statistiques de la Republika Srpska, mais il a insisté en disant que ces

 20   enquêtes avaient été faites en appliquant les procédures statistiques

 21   standard en matière de conduite d'enquêtes. Je peux imaginer, évidemment,

 22   qu'en temps de guerre, avec toutes les difficultés rencontrées, que toutes

 23   les procédures statistiques applicables n'ont pas toujours été respectées.

 24   Mais comme j'ai déjà dit, dans ce contexte les ressources de la Republika

 25   Srpska, j'en ai pris acte, mais je ne les ai jamais utilisées pour rédiger

 26   et élaborer mes propres statistiques.

 27   Q.  Sur le plan méthodologique, Madame Tabeau, la procédure suivante est-

 28   elle justifiée, à savoir que vous preniez d'un côté le recensement, à

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  1   savoir une source méthodologiquement valable, et que vous compariez cela,

  2   que vous opériez une jonction entre cela et les sources pour lesquelles

  3   vous dites vous-même que vous avez constaté qu'elles comportent certains

  4   défauts ?

  5   M. DI FAZIO : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

  6   M. CVIJETIC : [interprétation]

  7   Q.  -- et je dirais pour ma part qui sont de toute évidence partiales.

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] Le témoin vient de dire qu'elle ne l'a pas

  9   fait. Elle vient de dire qu'elle ne s'est pas fondée sur les sources de la

 10   RS pour tirer ses conclusions dans son rapport. Me Cvijetic vient de dire

 11   qu'elle a opéré une fusion entre ces données, mais Mme Tabeau vient de dire

 12   que c'est précisément ce qu'elle n'a pas fait. Elle a eu des contacts avec

 13   M. Sobot, mais elle ne s'est pas appuyée sur ces données pour tirer ses

 14   conclusions.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, M. Di Fazio a raison en

 16   soulevant cette objection. Peut-être devriez-vous poser une question

 17   préliminaire avant de reformuler votre question.

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Je remercie M. Di Fazio d'avoir répondu à ma

 19   question. A présent, il serait superflu de poser cette question puisqu'il y

 20   a répondu. Mais ce que j'avais à l'esprit, c'était le fait que cette

 21   approche méthodologique n'était pas valable, à savoir que l'on ne pouvait

 22   pas travailler de concert sur deux sources lorsque l'on estime que l'une

 23   des deux n'est pas valable.

 24   Q.  Madame Tabeau, est-ce que cela est acceptable sur le plan

 25   méthodologique ?

 26   R.  Vous avez à l'esprit l'idée de comparer uniquement, donc d'une part une

 27   source, et d'autre part une autre source, et vous affirmez que cela est une

 28   approche erronée, puisque l'on ne peut pas comparer ces sources vu qu'elles

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  1   se fondent, elles, sur une méthodologie différente. Mais en fait, ce que

  2   j'ai dit, c'est que je doute de la méthodologie qui a été appliquée par les

  3   instances de la RS, et je pense que cela ne respecte pas les règles

  4   statistiques. Mais d'autre part, je sais qu'ils ont tenté de respecter ces

  5   règles. Je le sais de la part des autorités. Mais en même temps, il s'agit

  6   de sources qui datent de la période qui nous intéresse, et ce sont des

  7   sources pertinentes. Nous pouvons utiliser des éléments supplémentaires

  8   dans ces sources sur la période qui m'intéresse. Cela ne me pose pas

  9   problème.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Tabeau, je n'ai pas compris un

 11   terme que vous avez utilisé, et la sténodactylographe non plus.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La couverture. J'ai dit la manière dont le

 13   territoire a été couvert.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Géographiquement et aussi par rapport à la

 16   période dont il s'agit.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je ne compare pas des choses qu'il serait

 19   tout à fait impossible de comparer.

 20   M. CVIJETIC : [interprétation]

 21   Q.  Prenons Sarajevo. Si 85 000 bulletins sont diffusés à Sarajevo pour

 22   arriver au chiffre final sur le nombre de victimes de la guerre, et si ce

 23   sont les Musulmans qui procèdent au recensement, et si les résultats de ce

 24   sondage se terminent par "tué dans le cadre de l'agression menés par

 25   l'ennemi," "tué par les forces ennemies," "tué par le tireur embusqué

 26   ennemi," ce type de données n'est-il pas entaché d'un certain parti pris;

 27   oui ou non ?

 28   R.  Ces termes que vous citez, péri lors de l'agression, et cetera. D'où

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  1   viennent ces termes ? Qui les utilise ? Dans le questionnaire, je n'ai pas

  2   souvenir de les avoir employés. Donc est-ce que ce sont les auteurs de ces

  3   enquêtes qui l'ont fait ?

  4   Q.  Mais vous citez cela dans votre rapport : "A cause de l'agression menée

  5   contre la Bosnie-Herzégovine, les résultats du recensement n'ont pas été

  6   analysés." Donc vous acceptez la terminologie employée dans ce type de

  7   rapport. Mais contentez-vous de répondre à ma question, s'il vous plaît. Ce

  8   type de conclusion est-il partial; oui ou non ?

  9   R.  Tout d'abord, vous citez la page qui concerne le recensement, et

 10   l'auteur de cette page est Nora Selimovic. Si vous avez à l'appui une autre

 11   page dont je serais l'auteur, s'il vous plaît, j'aimerais que vous me la

 12   soumettiez pour que l'on tire cela au clair, pour commencer. Et par la

 13   suite, je vais pouvoir répondre. Si mes souvenirs sont bons, je n'ai jamais

 14   utilisé, pour ma part, ce type de termes dans un rapport que j'aurais

 15   rédigé.

 16   Q.  Madame Tabeau, dans l'affaire Milosevic, vous vous êtes appuyée sur les

 17   sources de l'institut de Sarajevo, et en page 27 162, vous appréciez la

 18   qualité de cette source et vous dites vous-même qu'il s'agit de sources

 19   partiales. Est-ce que vous --

 20   R.  Là, vous parlez du rapport de l'IDP dans l'affaire Milosevic ou d'un

 21   autre rapport ? J'ai eu ce rapport sur les personnes déplacées, mais je ne

 22   sais pas si c'est de celui-là que vous parlez ou d'un autre rapport. Dites-

 23   le-moi, s'il vous plaît.

 24   Q.  Là, vous avez évalué la qualité scientifique des informations fournies

 25   par Sarajevo. Je ne parle que de ça avec vous maintenant. Et vous dites sur

 26   la page que j'ai citée que ces données sont entachées d'un certain parti

 27   pris; oui ou non ?

 28   M. DI FAZIO : [interprétation] Le témoin a déjà répondu en disant qu'elle

Page 15536

  1   ne savait pas de quel rapport il s'agissait et qu'il lui était très

  2   difficile de répondre. On pourrait simplifier les choses si on donnait

  3   lecture au témoin de la page en question pour qu'elle puisse avoir les

  4   éléments en main qui lui permettraient de répondre à la question.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation]

  6   Q.  Madame Tabeau, si je vous donnais lecture de votre réponse dans

  7   l'affaire Milosevic, est-ce que cela vous aiderait ? Me suivez-vous ?

  8   R.  Oui, bien sûr. Bien sûr. Justement, je suis encore en attente. J'ai

  9   besoin de l'entendre avant de pouvoir formuler un commentaire.

 10   M. CVIJETIC : [interprétation] Je demanderais à mon assistante d'en donner

 11   lecture en anglais pour que les interprètes puissent le traduire.

 12   Mme SAVIC : [interprétation] "Question : Oui. Mais vous êtes démographe et

 13   vous menez des recherches scientifiques. Estimez-vous que cette approche

 14   est partiale ?

 15   "Réponse : Je peux apprécier la qualité scientifique du questionnaire et la

 16   manière dont laquelle on a procédé à l'enquête en me fondant sur ce que je

 17   sais de l'enquête et du questionnaire, et en effet, c'est une chose. Je ne

 18   peux pas dire si cela a été fait de manière partiale ou impartiale. Mais je

 19   peux dire qu'il y a probablement quelques erreurs dans les documents, du

 20   moment que l'on a compté davantage de victimes du côté musulman que dans

 21   d'autres groupes ethniques. Pourquoi ? Parce que ce sont surtout des

 22   Musulmans de Bosnie de Sarajevo qui se sont chargés de l'enquête. Par

 23   conséquent, ils avaient peut-être davantage accès aux recensés faisant

 24   partie du même groupe ethnique qu'aux autres."

 25   M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvez-vous nous citer la page, s'il vous

 26   plaît, pour le compte rendu d'audience.

 27   Mme SAVIC : [interprétation] Page 27 162 du compte rendu d'audience dans

 28   l'affaire Milosevic.

Page 15537

  1   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vous remercie. Je sais de quoi parle

  3   ce passage. Il parle du rapport de Sarajevo. J'ai fait ce rapport pour

  4   l'affaire Milosevic. Il concerne l'enquête sur les ménages de Sarajevo en

  5   1994 -- effectivement, ce sont les Musulmans de Bosnie qui ont mené cette

  6   enquête, qui avaient, eux, un accès plus facile aux familles bosniennes.

  7   Mais tout ménage installé près des lignes de front a fait l'objet du

  8   recensement, donc d'une certaine manière, on peut dire que l'approche était

  9   exhaustive.

 10   Mais je dis effectivement qu'il penchait légèrement en faveur des victimes

 11   musulmanes, c'est vrai. Mais il n'est pas vrai que l'on puisse trouver des

 12   sources totalement impartiales. Il est important de comparer différentes

 13   sources et de savoir qu'elles comportent des défauts ou des partis pris.

 14   Ce rapport sur les ménages de Sarajevo est la seule source que

 15   j'avais avec les données agrégées pour les taux de mortalité à Sarajevo; si

 16   je l'affirmais, j'aurais tort, mais je n'ai pas dit cela. J'avais d'autres

 17   sources qui comportent les données pour Sarajevo, donc c'est ce rapport-là

 18   que j'ai soumis dans l'affaire Milosevic. J'avais huit sources importantes

 19   sur les victimes de guerre.

 20   Donc, effectivement, je suis au courant du fait que les sources ne

 21   sont pas impartiales. Et nous devons faire de notre mieux pour savoir

 22   exactement de quel type de parti pris il s'agit dans les différentes

 23   sources.

 24   Je suis convaincue que les statistiques qu'ils ont obtenues de la

 25   base de données consolidée ne comportent pas de parti pris ethnique.

 26   Pourquoi ? Parce que vu le nombre de sources utilisées, tous les groupes

 27   ethniques ont été couverts, et tous les incidents majeurs. Donc je vous

 28   affirme qu'il n'y a pas de parti pris ethnique dans cette base de données.

Page 15538

  1   Q.  Madame Tabeau, vous abordez là la question qui m'intéresse, à savoir la

  2   question des victimes et la question de la mortalité. Seriez-vous d'accord

  3   pour dire que c'est là que nous avons une zone d'ombre qui est la plus

  4   importante, où on navigue entre 500 000 victimes d'un côté jusqu'au chiffre

  5   que vous citez comme étant le plus pertinent, à savoir de 80 000 ou 90 000

  6   victimes.

  7   Q.  Non, vous faites erreur là. Cinq cent mille victimes n'ont jamais été

  8   mentionnées par qui que ce soit qui aurait écrit sur la guerre sur le

  9   Bosnie-Herzégovine. Il y a eu des estimations différentes. Je pense que, au

 10   plus, c'était 340 000. Je pense que, au minimum, c'était 25 000. Nous, nous

 11   avons cité le chiffre minimal de 90 000, qui n'est certainement ni le plus

 12   élevé ni le plus modeste. Ce chiffre se situe quelque part entre les deux.

 13   Mais ce qui est important pour ce qui est de ce chiffre de

 14   90 000, c'est que c'est une sous-évaluation, puisque je pense que le

 15   chiffre approximatif correct serait de 104 000 victimes, et il s'appuie sur

 16   les résultats d'un groupe tout à fait différent, groupe de personnes qui

 17   travaille dans l'ex-Yougoslavie, à Sarajevo. Et je parle de Mirsad Tokaca

 18   et de son centre de recherche à Sarajevo. Ils ont établi une base de

 19   données sur les victimes de guerre en Bosnie-Herzégovine de manière tout à

 20   fait autonome, et leurs victimes se répertoriaient avec tous les

 21   renseignements personnels. Et eux, ils sont arrivés au chiffre de 99 000

 22   victimes. Donc c'est du même ordre de grandeur, n'est-ce pas ?

 23   Donc je dirais que ce sont les deux approches les plus sérieusement

 24   menées cherchant à établir le nombre de victimes en Bosnie-Herzégovine. Je

 25   pourrais m'exprimer sur chacune des estimations que nous avons mentionnées,

 26   mais je n'ai pas le temps de faire cela.

 27   Q.  Je suppose que vous auriez, vous, suffisamment de temps pour

 28   faire cela, mais de toute évidence, moi, je n'ai pas ce temps. Donc nous

Page 15539

  1   accepterons cette fourchette que vous énoncez. Mais sur le plan de la

  2   mortalité, vous devrez accepter que c'est là qu'il y a eu le plus de

  3   variations sur le plan des chiffres. J'ai un petit peu plaisanté au début

  4   lorsque j'ai dit : l'on peut s'amuser à présenter sous des jours différents

  5   si on le souhaite, donc qu'on peut faire dire aux chiffres ce qu'on veut.

  6   Mais vous accepterez, Madame Tabeau, que si l'on s'appuie sur le chiffre

  7   que vous venez d'énoncer, on ne sait pas toujours pas combien il y a eu de

  8   victimes parmi les militaires et combien parmi les civils. Là, nous sommes

  9   toujours dans l'incertitude. Et si nous admettons comme non contestable

 10   qu'il y a eu effectivement aussi des décès dus aux causes naturelles, même

 11   sur le chiffre de 90 000, il pouvait y avoir une certaine discussion ?

 12   R.  Pour ce qui est des 90 000 victimes, c'est un chiffre qui est

 13   bien documenté. Les sources et la méthodologie sont claires. J'ai appliqué

 14   une méthode tout à fait transparente, à la différence, par exemple, de

 15   certains autres auteurs.

 16   Dans le cadre de la recherche, on ne se livre pas à des

 17   manipulations. Nous voulons mener des recherches solides, transparentes, et

 18   où les résultats peuvent faire l'objet de discussion. Et c'est de cette

 19   manière-là que je travaille depuis des années.

 20   Je pense que le chiffre de 100 000 victimes auquel est arrivé mon

 21   groupe pour la Bosnie, ainsi que le groupe de M. Tokaca, je pense que ce

 22   chiffre est valable. Si vous avez des gens qui souhaitent se livrer à des

 23   manipulations, c'est leur problème. Ni les victimes, ni nous-mêmes, ni les

 24   familles des victimes, nous n'avons pas besoin de cela. C'est inutile.

 25   C'est de cette manière-là que je vois les choses.

 26   Q.  Y a-t-il une institution aujourd'hui qui pourrait justifier des

 27   chiffres de victimes péries pendant la guerre, des décès naturels ou des

 28   décès dus à la participation au combat d'une part, puis des civils d'autre

Page 15540

  1   part ? Y a-t-il une instance de ce type ?

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Objection. C'est redondant et pas tout à

  3   fait logique. Premièrement, on pose une question sur une institution qui

  4   pourrait garantir les chiffres qui recensent les tués. Le témoin vient de

  5   parler de cette institution et a répété deux fois : elle a elle-même évalué

  6   le nombre de personnes tuées, et l'unité démographique du bureau du

  7   Procureur a également tiré des conclusions. Le témoin vous en a parlé. Elle

  8   a mentionné une autre organisation en Bosnie dirigée par M. Tokaca. Et le

  9   témoin ne parle pas de décès dus aux causes naturelles dans ses rapports.

 10   Si Me Cvijetic souhaite démontrer que cela constitue un défaut des rapports

 11   présentés, il doit le soumettre de manière claire. Donc il doit soumettre

 12   au témoin sa cause. Il faudrait poser cette question directement au sujet

 13   des institutions qui disposent de ce type de données.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Ma question a été tout à fait claire. Mon

 16   confrère n'a absolument pas contribué à ce qu'on trouve une réponse à cette

 17   question.

 18   Q.  J'ai simplement demandé s'il y a eu une institution qui peut garantir

 19   l'exactitude des quatre types de données que je viens d'énoncer.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle serait la pertinence de

 21   cette question, s'il vous plaît ?

 22   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout un chapitre dans

 23   le rapport de Mme Tabeau concerne les victimes.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je ne vois toujours pas la pertinence

 25   à la question.

 26   M. CVIJETIC : [interprétation] Mais ce chiffre est très pertinent, le

 27   chiffre des victimes qui ont péri en tant que militaires ou dans le cadre

 28   de leur participation au combat, par opposition aux victimes civiles.

Page 15541

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourquoi vous ne posez pas cette

  2   question-là ? Pourquoi demandez-vous au témoin ce qui en est des

  3   institutions ?

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Mais en substance, je souhaite savoir si

  5   cette donnée est disponible et qui peut nous la fournir. C'est cela que je

  6   souhaite entendre.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je ne veux pas vous faire gaspiller

  8   votre temps.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] De toute façon, mon temps a déjà été

 10   utilisé. Mon temps a quasiment expiré. Il n'y a plus rien qui me reste.

 11   Q.  Bon, je passe à ma question suivante. Mon confrère vous a interrogée au

 12   sujet des défauts que comportent les numéros nationaux d'identification et

 13   vous lui avez répondu.

 14   J'aimerais savoir si cette inexactitude sur le plan des JMBG se monte

 15   à 30, voire 40 % ? Avez-vous cette information-là ?

 16   R.  Je ne me souviens pas de ce pourcentage-là plus précisément. Vous avez

 17   deux choses. Vous avez les sept premiers chiffres qui concernent la date de

 18   naissance, puis vous avez les chiffres restants qui constituent, en fait,

 19   le numéro d'identification. La date --

 20   Q.  Mais vous avez déjà répondu à cela. La seule chose qui m'intéresse

 21   c'est de savoir ce qu'il en est de l'exactitude des JMBG. Avez-vous cette

 22   information, oui ou non, sur le taux d'exactitude ? 

 23   Q.  Mais c'est ce que j'essaie de vous dire. Je sais qu'il y a des défauts,

 24   des inexactitudes, mais c'est lié aux numéros d'identité, et non pas à la

 25   date de naissance, en fait, donc le numéro national d'identification qui

 26   commence par les chiffres qui correspondent à la région de naissance, et

 27   qui sont suivis par la série qui concerne le sexe. Puis la clé, bien, c'est

 28   cela qui constitue le numéro d'identification, et c'est là qu'il y a des

Page 15542

  1   erreurs. Peut-être qu'il y aura 30 % de défauts, mais ce qui est

  2   l'information-clé pour nous, c'est la date de naissance, et cela se

  3   retrouve assez bien dans le recensement. Donc le pourcentage de dates de

  4   naissance absentes se monterait à 2 % à peu près, et non pas à

  5   30 %.

  6   Q.  Mais ce que je vous soumets, c'est que le taux d'inexactitude se monte

  7   à 30, voire 40 %. C'est la thèse de la Défense, et nos démographes

  8   viendront étayer ce que je viens de dire.

  9   Dans le cadre de vos recherches, maintenant, j'aimerais savoir si

 10   vous vous êtes penchée sur les causes de certains phénomènes démographiques

 11   en Bosnie-Herzégovine ainsi que sur leurs

 12   conséquences ?

 13   R.  Je me suis penchée sur les conséquences démographiques, mais je n'ai

 14   pas étudié les causes en tant que telles.

 15   Q.  Seriez-vous en mesure de donner des appréciations à l'intérieur de la

 16   période sur laquelle vous vous êtes penchée, donc la période de guerre et

 17   la période qui suit la guerre, jusqu'aux listes électorales de 1997, 1998.

 18   Donc avez-vous des données fiables pour ces deux périodes ?

 19   R.  Je ne vois pas tout à fait ce que vous avez à l'esprit. Je n'ai pas

 20   bien compris votre question.

 21   Q.  Ma question est tout à fait claire, mais bon. Avez-vous suivi

 22   l'évolution au niveau de la résidence des habitants à partir de 1995

 23   jusqu'en 1998, y a-t-il eu des changements dramatiques, comme vous

 24   l'appelez ?

 25   R.  J'ai déjà dit aujourd'hui ce qu'il en est de la période de guerre. Nous

 26   n'avons pas suffisamment d'informations sur la population, puis également

 27   pour les années à l'issue de la guerre, nous n'avons pas de recensement de

 28   la population. Donc nous ne savons pas exactement ce qui est advenu de la

Page 15543

  1   population, quelle a été la dynamique des mouvements de la population dans

  2   les années qui ont suivi la guerre jusqu'aux élections.

  3   Mais nous avons quelques éléments. Les Nations Unies ont mené une étude

  4   pendant la période d'après-guerre. Il y a eu quelques évaluations de la

  5   taille de la population, la redivision [phon] socioéconomique. Puis vous

  6   avez une autre source, à savoir le HCR. Et pourquoi cette pièce serait-elle

  7   pertinente ? A cause des retours, et en particulier, les retours des

  8   membres des groupes minoritaires. Nous nous rappellerons les accords de

  9   paix de Dayton qui comportent tout un chapitre sur l'importance des

 10   retours. Donc il faut réunir les conditions pour leur permettre de revenir.

 11   Et comme je viens de le dire, plus de deux millions de personnes, à

 12   la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine, n'étaient plus là où elles

 13   s'étaient trouvées avant la guerre. Et vous avez là surtout des membres de

 14   groupes minoritaires qui avaient résidé sur les territoires qui ne sont

 15   plus sous le contrôle de leur groupe ethnique après la guerre. Donc c'est

 16   une question très importante, le retour des membres de groupes

 17   minoritaires. Je l'ai étudié malheureusement pendant les années après la

 18   guerre, nous n'avons pas beaucoup de ce type de retours. Pourquoi ? Parce

 19   que les conditions politiques ne sont pas réunies, et donc les gens

 20   attendent une amélioration de la situation pour qu'ils puissent revenir.

 21   Donc l'on ne peut pas dire que je n'ai pas étudié des sources parlant de

 22   cela.

 23   Q.  Vous parlez de changements d'évolution en termes de retour. Mais après

 24   les accords de paix de Dayton, 150 000 Serbes ont quitté Sarajevo pour le

 25   territoire de la Republika Srpska. Est-ce que cette évolution, ce

 26   changement peut être considéré comme dramatique ou significatif, dans le

 27   cadre général de la situation des personnes déplacées au niveau interne

 28   après la guerre ?

Page 15544

  1   R.  Je ne connais pas l'existence de ces 150 000 Serbes. Bien sûr, des

  2   Serbes ont quitté Sarajevo. Mais Sarajevo n'est qu'un exemple des

  3   municipalités divisées. Il y en avait d'autres qui étaient divisées, une

  4   partie de la municipalité est rentrée dans la fédération; et l'autre, dans

  5   la Republika Srpska, en faisait partie. C'était assez courant, il y avait

  6   déplacement au sein des municipalités. Les Bosniens et d'autres non-Serbes

  7   de la partie serbe sont passés à la partie fédérale, et des Serbes de la

  8   partie fédérale sont passés de l'autre côté. Bien sûr, il y avait des

  9   Serbes qui ont dû quitter certaines parties de Sarajevo et sont en

 10   territoire RS.

 11   Je sais bien que c'était dramatique -- ou plutôt, si c'était un chiffre

 12   considérable, c'est difficile de le savoir sans avoir un chiffre exact.

 13   Pour beaucoup de groupes, ce mouvement qui était forcé était dramatique

 14   dans le premier sens du terme. Changer de lieu de vie, c'est dramatique,

 15   généralement. C'est un changement de vie. Je suis d'accord avec toi.

 16   Q.  Mais le changement était aussi dramatique ou considérable du point de

 17   vue du nombre de personnes qui sont parties. Mais voici ma question : dans

 18   l'affaire Milosevic, vous avez aussi inclus 26 municipalités dans la

 19   fédération. Donc pas toute la fédération, mais seulement ces 26

 20   municipalités. Si nous comparons ces données pour la population entière, le

 21   changement de la composition ethnique de la Republika Srpska, et la partie

 22   de la fédération que vous avez étudiée, voici les pourcentages : en

 23   Republika Srpska, RS, le changement ou la variation est de moins 95 % pour

 24   les Musulmans; dans la fédération, cela atteint moins 88 % des Serbes.

 25   Est-ce que vous vous rappelez ces pourcentages que vous avez abordés dans

 26   l'affaire Milosevic ?

 27   R.  Je ne me souviens pas précisément des chiffres, mais cela ne me

 28   surprend pas, ils ne me surprennent pas, étant donné ce que nous venons de

Page 15545

  1   dire. C'est tout à fait ce qui se passait dans un pays comme la Bosnie-

  2   Herzégovine. Un pays a été divisé en deux parties, Republika Srpska et

  3   fédération. Donc il y avait des déplacements. Les Serbes dans la partie

  4   fédérale sont passés en Republika Srpska, et les non-Serbes en RS, surtout

  5   des Musulmans, ont quitté ces territoires et sont passés dans la

  6   fédération. C'est un fait, ce sont les événements. Si vous regardez

  7   l'évolution de la composition ethnique pour le pays dans son intégralité,

  8   les changements sont, je dirais, mineurs à l'échelle de tout le pays. Mais

  9   si vous descendez dans le détail, au niveau des entités politiques, ce sont

 10   des changements considérables, et pour la Republika Srpska, ce sera

 11   l'inverse de ce que l'on voit dans la fédération. C'est un échange qui va

 12   dans les deux sens. Donc c'est exactement ce qui se passe pendant cette

 13   guerre, d'énormes déplacements de population, et la ligne de Dayton a

 14   divisé le pays selon des lignes ethniques. C'est un fait.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Tabeau, je vous propose de

 16   laisser le maximum de temps à M. Cvijetic de vous poser des questions, donc

 17   je vous demanderais de faire des réponses aussi brèves que vous le pourrez.

 18   Je vous remercie.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 20   M. CVIJETIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous avez presque anticipé la question que j'allais vous poser. Vous

 22   êtes d'accord avec moi, je suppose, pour dire que la Bosnie-Herzégovine a

 23   une certaine partie de la population qui a été divisée en groupes

 24   ethniques, et le transfert depuis une communauté ethnique vers une autre

 25   entité, par exemple, le déplacement des Musulmans de la Republika Srpska

 26   vers la fédération ferait augmenter le pourcentage de Serbes au sein de la

 27   population totale de la Republika Srpska, et cela ferait également

 28   augmenter le pourcentage de Musulmans au sein de la population globale de

Page 15546

  1   la fédération.

  2   Vous êtes d'accord que c'est le système des vases communicants, c'est-à-

  3   dire que si on a réduction d'une population dans une entité et qu'elle

  4   passe de l'autre côté, la population correspondante de l'autre côté

  5   augmente.

  6   R.  Oui, en gros. Mais il y a aussi des nouveaux arrivants. Tout dépend du

  7   nombre de personnes nouvellement arrivées, en plus de ceux qui ont quitté

  8   le territoire. Mais bon, je dirais que grossièrement on peut dire que c'est

  9   ainsi.

 10   Q.  Bien. Je pense que vous êtes d'accord avec mon orientation, parce que

 11   vous anticipez sur mes questions.

 12   La République de Bosnie-Herzégovine comprend une certaine population. Il

 13   n'y a pas de Musulmans, de Serbes ou de Croates de réserve. Donc on parle

 14   bien d'un système de vases communicants.

 15   Est-ce que vous trouveriez les mêmes résultats si dans vos chiffres vous

 16   incluiez les Serbes venus de Croatie en Republika Srpska ?

 17   R.  Bien, il y avait des Serbe croates qui sont venus en Bosnie. C'est

 18   correct. Mais le nombre n'était pas très élevé. Je crois qu'il y avait 25

 19   000 Serbes de Croatie rapportés en l'an 2000 concernant le -- ou c'est ce

 20   qui ressortait du registre gouvernemental sur les personnes déplacées

 21   internes et les réfugiés. Donc, 2 000 [comme interprété] nouveaux Serbes

 22   venant de Croatie comparé à la population globale à la fin de la guerre

 23   estimée par les Nations Unies à environ 3,5 millions de personne, je pense

 24   que c'est un chiffre très faible. On ne peut pas dire que cela aurait un

 25   impact significatif sur la composition ethnique, à moins qu'en bloc les

 26   25 000 se soient déplacés vers une seule municipalité. Je ne crois pas que

 27   l'on pourrait parler d'une contribution significative du fait du nombre

 28   plus élevé de la population serbe dans presque toutes les municipalités de

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  1   la Republika Srpska après la guerre.

  2   Q.  Le système d'échantillonnage utilisé dans l'affaire Milosevic, lorsque

  3   vous avez sélectionné des municipalités serbes en termes de données, elles

  4   couvrent 212 000 Musulmans, c'est-à-dire

  5   12 % de l'effectif total des Musulmans dans 109 municipalités. Et il y

  6   avait environ 1 905 000 de ces Musulmans.

  7   J'aimerais savoir si cet échantillon est suffisamment représentatif pour

  8   ces sept municipalités, suffisamment représentatif pour pouvoir en tirer

  9   des conclusions démographiques générales et les extrapoler à l'échelle de

 10   la Bosnie-Herzégovine.

 11   R.  Je crois que ce concept d'échantillonnage ne m'apparaît pas très

 12   clairement. Il s'agit de sept municipalités entières pour lesquelles nous

 13   avons les données du recensement de 1991 complet; et deuxièmement, de

 14   l'autre, nous avons les listes électorales pour lesquelles nous faisons des

 15   recoupements. Donc je pense que les sept municipalités représentent sept

 16   municipalités. C'est tout ce que je peux dire. J'ai présenté des

 17   statistiques différentes pour sept municipalités -- ou séparées pour sept

 18   municipalités, pour 47 municipalités, puis pour toute la Bosnie-

 19   Herzégovine. Donc on n'a pas besoin d'échantillons pour la situation de la

 20   Bosnie. Nous avons des statistiques globales pour tout le pays, des

 21   statistiques exhaustives.

 22   Q.  Vous avez parlé de réfugiés et vous avez même déterminé leur nombre en

 23   fonction du nombre d'inscrits sur les listes électorales à l'étranger, les

 24   votants à l'étranger. Ce chiffre comprend également le nombre de citoyens

 25   en Bosnie-Herzégovine qui étaient là, qui y résidaient avant la guerre. Ce

 26   sont des émigrants économiques. Et à tous, vous donnez le statut de

 27   réfugiés, et vous avez calculé que si on les incluait dans les

 28   statistiques, cela induirait une marge d'erreur, d'erreur statistique, de

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  1   4,6 %.

  2   Pouvez-vous me dire en quoi consiste la marge d'erreur tolérée en

  3   statistiques ?

  4   R.  En général, en statistiques, on parle que 5 % représente la marge

  5   d'erreur tolérable. On peut avoir un taux plus bas, 1 %, 3 %,

  6   5 %, mais généralement, c'est le taux d'erreur acceptable.

  7   Q.  Nous voyons que ce seuil a disparu, et tout est englobé par la marge

  8   d'erreur qui a été créée par le fait d'inclure toutes les personnes à

  9   l'étranger dans la catégorie des réfugiés. Si nous y ajoutons l'erreur

 10   mathématique consistant à avoir inclus les Yougoslaves et l'effet d'avoir

 11   laissé de côté les 150 000 Serbes qui sont partis de Sarajevo, le nombre de

 12   ceux qui sont venus de Croatie, les erreurs dues aux numéros

 13   d'identification erronés, les erreurs dues au biais ou parti pris au niveau

 14   des sources de données, comme je viens de le souligner, surtout liées au

 15   nombre de blessés et de personnes disparues, les erreurs au niveau du

 16   calcul du nombre initial de personnes majeures au moment critique, c'est-à-

 17   dire ceux nés avant 1980 - et je souhaite vous montrer un tableau à cet

 18   effet, si vous avez le temps - alors ceci étant dit, la somme totale de ces

 19   erreurs se démultiplie, fait monter votre seuil, et à ce moment-là le

 20   pourcentage d'erreurs devient très significatif.

 21   Est-ce que vous êtes d'accord ?

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne crois pas que le témoin ait à

 23   répondre à cette question. C'est apparemment le premier élément des

 24   remarques finales de M. Cvijetic -- celles qu'il prévoit de donner en ce

 25   qui a trait à cette partie-là du témoignage. Mais ce n'est pas une question

 26   à laquelle le témoin pourrait répondre.

 27   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si ce n'est pas une

 28   question à laquelle le témoin peut répondre, en tout cas elle sera

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  1   pertinente pour notre expert démographique qui s'en saisira.

  2   Q.  Madame Tabeau, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que les

  3   changements au niveau de la structure ethnique, les tendances en matière de

  4   répartition ethnique et le potentiel de population totale de chaque groupe

  5   ethnique en Bosnie-Herzégovine, qu'il y a, pendant une longue période

  6   historique -- il y a donc de nombreux facteurs sociaux et naturels qui

  7   entrent en jeu ? N'êtes-vous pas d'accord avec moi ?

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Nous

  9   revenons sur un domaine où il s'agit de facteurs qui pourraient

 10   potentiellement avoir un effet sur certains groupes ethniques. Je ne vois

 11   pas comment cela a trait à la question centrale, à savoir les déplacements

 12   de personnes et le nombre de décès. Vous comprenez bien où cela nous mène.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] M. Cvijetic a encore cinq minutes de

 14   parole. S'il souhaite les utiliser ainsi et si le témoin souhaite exprimer

 15   une opinion, je n'ai pas d'objection.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre, oui ? Vous savez, en matière

 17   d'évolution démographique, il y a toujours des facteurs naturels, les

 18   naissances, les décès, les migrations et un certain nombre de facteurs

 19   socioéconomiques. Et par cela, j'entends la prospérité, la sécurité et le

 20   climat politique. Tout cela a un impact sur l'évolution démographique. Ce

 21   qu'on dit -- en tout cas, ce que moi je dis dans mes rapports -- en tout

 22   cas, je parle d'une période très spécifique, celle relative à la guerre. Il

 23   faut reconnaître qu'en période de guerre il y a des facteurs

 24   extraordinaires en jeu qui amènent un certain nombre de conséquences

 25   démographiques. La guerre a un certain nombre de conséquences

 26   démographiques. Je n'ai pas en tout cas étudié les causes de phénomènes

 27   démographiques, comme les migrations et les décès liés à la guerre, mais il

 28   est correct de dire que la guerre est un des facteurs qui ont produit ces

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  1   conséquences. C'est tout ce que je puis dire.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que l'un des résultats des mouvements démographiques en Bosnie-

  4   Herzégovine est un facteur qui a mené à une homogénéisation territoriale

  5   sur des lignes ethniques, et est-ce que la résultante à cette époque ce

  6   n'était pas une carte ethnique plus simple ?

  7   R.  Je ne sais pas ce que vous voulez dire par homogène. Homogène, cela

  8   existe dans toutes les entités politiques, c'est-à-dire que les Serbes

  9   vivent surtout en Republika Srpska, les Bosniens et les Croates, surtout

 10   dans la fédération, et chaque groupe est dominant dans presque chaque

 11   municipalité dans chaque entité politique. Mais à l'échelle du pays, je ne

 12   peux pas parler d'homogénéisation du pays, parce que c'est le contraire de

 13   ce qui s'est avéré, n'est-ce pas ?

 14   Q.  Je ne parlais pas de l'Etat, mais d'homogénéisation ethnique à

 15   l'échelle territoriale. Savez-vous que des facteurs politiques ont une

 16   incidence sur cette homogénéisation territoriale ethnique, ainsi que des

 17   facteurs économiques, géographiques et sociopsychologiques ? Est-ce que

 18   vous le savez ?

 19   R.  Mais ce n'est pas vraiment mon domaine. Je n'ai pas étudié cela. Je

 20   n'ai pas vraiment d'opinion là-dessus.

 21   Q.  A votre avis, la décision d'une partie de la population de Bosnie-

 22   Herzégovine de quitter le pays et d'aller vivre ailleurs en Europe

 23   occidentale, voire de l'autre côté de l'océan, cette décision a-t-elle été

 24   affectée par l'assouplissement des règles de visa dans ces pays et que

 25   c'était une possibilité pour eux de voir la fin de leurs problèmes

 26   économiques ?

 27   M. DI FAZIO : [interprétation] Mais on parle de quelle période, les années

 28   1970, quand les travailleurs invités ont quitté la Yougoslavie ? Est-ce que

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  1   l'on parle de la période post-Dayton ? J'ai l'impression qu'il n'y a pas de

  2   clarté dans cette question.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] De toute façon, il est

  4   12 heures 06. C'est la fin de notre séance et du contre-interrogatoire de

  5   M. Cvijetic.

  6   Monsieur Di Fazio, lorsque nous reviendrons, vous pourrez poser brièvement

  7   quelques questions supplémentaires, puis nous passerons au témoin suivant,

  8   je crois.

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] C'est --

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et j'ai indiqué que nous avons confirmé

 11   que ce prétoire est disponible pour une séance prolongée demain.

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, juste une minute. Je

 13   vous demande une seule minute.

 14   Afin que je puisse terminer le contre-interrogatoire de Mme Tabeau, il me

 15   faut un volet supplémentaire, et je vous demande de bien vouloir me

 16   l'accorder, ou bien de rappeler Mme Tabeau un autre moment afin que je

 17   puisse terminer mon contre-interrogatoire. Le temps que vous m'avez imparti

 18   était loin d'être suffisant, et il est bien inférieur au temps qui nous est

 19   généralement imparti. J'ai encore des questions pour Mme Tabeau, et j'ai

 20   aussi un exemple concret à lui montrer qui montre la signification de toute

 21   ce que j'ai dit jusqu'à présent. Et je pourrais faire une concession au

 22   Procureur --

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de rouvrir cette

 24   question.

 25   Donc la séance est levée.

 26   Pardon. Avant que nous ne levions, lorsque j'ai formulé ma question,

 27   Monsieur Di Fazio, j'ai parlé de questions supplémentaires brèves. Pouvez-

 28   vous me confirmer, Monsieur, que vous n'avez pas de questions

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  1   supplémentaires ?

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Je n'en ai aucune.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Donc, Madame Tabeau, merci de

  4   votre aide, et vous êtes maintenant libérée. Je vous remercie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 31

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] L'Accusation est-elle prête avec le

  9   témoin suivant ?

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Avant de passer à cela, je pense qu'il y a

 11   encore une question en suspens suite au témoin précédent. Vous souhaitiez

 12   que je lise officiellement pour le compte rendu les rapports et les

 13   documents dont l'Accusation demande le versement au dossier.

 14   D'abord, 10397 de la liste 65 ter. Il s'agit du rapport concernant les

 15   personnes déplacées à l'intérieur. Le rapport d'expert préparé pour

 16   l'affaire Milosevic, c'est 10398. Puis l'addendum, 10399. Le rapport sur

 17   les victimes de guerre, 10400. Le corrigendum préparé avant l'été,

 18   10400.01. Et les conclusions principales du rapport -- du rapport sur les

 19   victimes de la guerre, c'est le 10400.02. Voilà ce qui était sur cette

 20   liste. J'en ai terminé.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Rappelez-moi, vous demandez une

 22   ordonnance pour le versement au dossier.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Acceptée.

 25   Monsieur Krgovic.

 26   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons la même

 27   objection -- avant d'admettre ce document, nous souhaitions réitérer notre

 28   objection étant donné la position particulière de Mme Tabeau en tant

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  1   qu'employée du bureau du Procureur. Nous ne pensons pas que les critères

  2   soient remplis permettant d'accepter ce rapport d'expert en tant que

  3   rapport indépendant.

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Au nom de la Défense de M. Stanisic, je

  5   propose que le rapport soit rejeté dans son intégralité ou que la Chambre

  6   lui accorde une valeur probante faible, étant donné le peu de temps dont

  7   nous avons disposé pour avancer notre point.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Nous connaissons la position

  9   générale du conseil de la Défense là-dessus. Et donc c'est versé au procès-

 10   verbal.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Très bien. Donc à la liste 65 ter, le

 12   10397 portera la cote P1626. Le 10398 aura la cote P1627. Le 10399 aura la

 13   cote P1628. Le 10399.01 aura la cote P1629. Le 10400.01, le corrigendum,

 14   aura la cote P1630. Le 10400.02 aura la cote P1631 [comme interprété].

 15   Merci.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Madame Korner.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, avant l'arrivée du

 18   témoin, est-ce que je pourrais revenir à la question du témoignage d'Ewan

 19   Brown. Nous aimerions vous expliquer pourquoi nous pensions que c'était un

 20   petit peu cavalier d'ajourner son contre-interrogatoire et de ne l'appeler

 21   à témoigner qu'en octobre. Il y a une bonne raison.

 22   M. Brown, je crois que nous vous l'avons expliqué, est maintenant

 23   entrepreneur à son compte. Il a obtenu un contrat de trois mois sur un

 24   continent assez loin d'ici, contrat qui a démarré il y a quelques semaines.

 25   En fait, ce fut une faveur à notre égard lorsqu'il a accepté de venir ici

 26   témoigner, perdant ainsi une semaine de travail. Mais, Monsieur le

 27   Président, il me semble que si le contre-interrogatoire devait être

 28   ajourné, ce serait assez inéquitable de demander à quelqu'un qui est à son

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  1   compte de venir de si loin et de faire une croix sur une semaine de travail

  2   pour venir témoigner pour peut-être quatre heures avant d'être renvoyé,

  3   donc nous estimons qu'il serait plus logique d'entendre son témoignage de

  4   manière globale, et nous remplirions les trous en quelque sorte en écoutant

  5   d'autres témoins.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, en fait, c'est -- je

  7   pense que c'est M. Hannis qui avait demandé à la Chambre de revoir la

  8   décision orale qui avait été prise, donc nous sommes revenus dessus. Et

  9   puisque la Défense semble accepter cela, nous pensons, en effet, que le

 10   temps serait mieux utilisé en faisant la globalité des interrogatoires

 11   ensemble en janvier. Nous pensons que c'est plus utile. Et ce serait la

 12   première semaine de janvier, la semaine qui commence le 10.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je comprends.

 14   C'est la première semaine après notre retour. Et pourrions-nous revenir à

 15   la question du calendrier après la fin de la consultation des moyens à

 16   charge, parce que je crois qu'il y a un doute sur la possibilité de finir

 17   en novembre, même si je crois que la probabilité soit grande. Donc par

 18   rapport à ce qui a été dit par le Juge Delvoie sur le calendrier, je pense

 19   qu'il serait utile pour toutes les parties si nous pouvions revenir un

 20   petit peu sur le calendrier.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, j'espère que M. Hannis

 22   n'est pas allé au-delà de ce qu'il aurait dû dire lorsqu'il a parlé de

 23   l'ajournement du témoignage de M. Brown, à savoir qu'on perdrait ces jours.

 24   Vous avez des témoins que vous pouvez caser dans cet espace.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Mais moi, je parle de

 26   toute la procédure des témoignages, de nos interrogatoires.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, oui. Je voulais simplement m'en

 28   assurer.

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Oui, bien sûr, tous les vides seront remplis.

  2   Il n'y a pas d'obstacle à ce que le témoin vienne. Puis si tant est qu'il

  3   puisse finir son témoignage d'ici à demain, il n'y a pas de problème non

  4   plus concernant son voyage.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me

  7   l'autorisez, une question préliminaire concernant le témoin qui va venir.

  8   D'après la liste des documents que le bureau du Procureur nous a remise, il

  9   y a dix documents qui ne sont pas présents sur la liste 65 ter, parmi

 10   lesquels un certain nombre encore n'ont pas été communiqués à la Défense --

 11   Mme KORNER : [interprétation] Je pense que le témoin devrait rester en

 12   dehors du prétoire.

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] Je vous demande pardon, Monsieur le

 14   Président. Pouvons-nous faire sortir le témoin, s'il vous plaît.

 15   [Le témoin se retire]

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] Par le biais de notre assistant juridique,

 17   nous avons porté à la connaissance du bureau du Procureur la liste de ces

 18   documents. Connaissant un peu les possibilités du calendrier du témoin et

 19   les circonstances entourant son témoignage, nous ne souhaitons pas que

 20   l'Accusation s'en serve pendant leur interrogatoire principal, et nous

 21   n'accepterions pas le versement de ces documents étant donné qu'aucune

 22   demande officielle n'a été faite de les ajouter à la liste, et ils ne

 23   devraient pas non plus être utilisés dans le cadre des questions

 24   supplémentaires. Ce serait les faire rentrer par la fenêtre alors qu'on a

 25   fermé la porte.

 26   Mme KORNER : [interprétation] -- des objections supplémentaires sur notre

 27   témoin, mais c'est M. [comme interprété] Savic qui nous a envoyé un e-mail

 28   disant que les documents n'étaient pas sur notre liste 65 ter. J'accepte

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  1   cela. A ce stade, je n'ai absolument pas l'intention d'essayer d'en faire

  2   des pièces à conviction, d'en faire des documents officiels. Il s'agit

  3   simplement de documents pour rafraîchir votre mémoire. En ce qui concerne

  4   les autres, nous verrons. Mais en effet, ils ne sont pas sur notre liste 65

  5   ter.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et qu'en est-il à propos de la

  7   communication, Madame Korner ? Il y aurait cinq documents --

  8   Mme KORNER : [interprétation] Ce sont tous des documents qui ont été

  9   montrés au témoin lors de son entretien avec le bureau du Procureur. Pour

 10   une raison qui m'échappe, une communication officielle ne semble pas avoir

 11   eu lieu. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'accepte. Je ne peux pas dire

 12   que la Défense puisse dire qu'elle a été lésée; ils ont eu la liste. Les

 13   documents sont tous contenus dans le système du prétoire électronique. Ce

 14   ne sont pas des documents auxquels la Défense n'avait pas accès. Donc ils

 15   ont eu la liste il y a deux ou trois jours. Ce sont des documents brefs. Si

 16   la Défense a été lésée, il faudrait que la Défense s'en explique.

 17   Mais, Monsieur le Président, je ne sais pas pourquoi nous n'avons pas vu

 18   que ces documents n'ont pas fait l'objet d'une communication officielle.

 19   Cela étant dit, nous n'avons pas non plus de demande de communication de

 20   ces documents.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous verrons donc comment les choses

 22   évoluent.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Excusez-moi, j'ai fait une erreur. J'ai

 24   dit EDS, le système de données électronique. En fait, j'aurais dû parler du

 25   prétoire électronique.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 27   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je pense que vous devez pouvoir

  2   m'entendre, Monsieur le Témoin. Donc veuillez lire le texte de la

  3   déclaration solennelle qui vous est remis.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   LE TÉMOIN : SLOBODAN AVLIJAS [Assermenté]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La déclaration solennelle que vous venez

 11   de prononcer vous rend passible d'une peine en cas de parjure, peine que le

 12   présent Tribunal a la possibilité de vous imposer s'il s'avère que vous

 13   fournissez un faux témoignage.

 14   Alors, veuillez décliner votre identité, votre date de naissance ainsi que

 15   votre profession, s'il vous plaît.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me nomme Slobodan Avlijas. Je suis né le 18

 17   avril 1945 dans le village de Rudnik, municipalité d'Ilidza, ville de

 18   Sarajevo. J'étais juriste de profession, et je suis actuellement à la

 19   retraite.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous dites être à la retraite. Est-ce

 21   que vous avez pris votre retraite suite à une activité exercée en cabinet

 22   d'avocat ou bien avez-vous travaillé dans un autre contexte ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais été avocat. J'ai travaillé au

 24   sein du système judiciaire. Et les deux dernières années de mon activité se

 25   sont déroulées au centre du CSB. Cependant, j'étais employé à des tâches

 26   tout à fait différentes, puisque j'étais membre de la commission chargée

 27   des recherches entreprises concernant les personnes portées disparues au

 28   sein du ministère compétent de la Republika Srpska. J'ai été nommé en 1995

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  1   à ce poste. Avant cela, j'ai travaillé à organiser des formations et des

  2   cours de reconversion professionnelle dispensés à des employés du ministère

  3   de l'Intérieur. J'ai également exercé un certain nombre de fonctions au

  4   sein du ministère de la Justice.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Quel est votre groupe ethnique ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Serbe.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Avez-vous déjà déposé

  8   précédemment, que ce soit devant ce Tribunal ou devant l'un quelconque des

  9   tribunaux existant dans les Etats issus de l'ex-Yougoslavie ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai déposé devant le tribunal d'Etat de

 11   la Bosnie-Herzégovine, dans l'affaire Momcilo Mandic et dans l'affaire

 12   Radoje [phon] Lalovic et Skiljevic.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez été cité à comparaître par le

 14   Procureur dans la présente affaire et la façon dont nous procédons est la

 15   suivante : c'est d'abord la partie qui vous a cité à comparaître qui va

 16   vous interroger, suite à quoi l'autre partie vous contre-interrogera, et

 17   enfin, l'Accusation aura le dernier mot et la possibilité de vous poser des

 18   questions supplémentaires. A tout moment, les Juges de la Chambre pourront

 19   également être amenés à vous poser des questions.

 20   L'Accusation a indiqué que son interrogatoire principal devrait durer

 21   trois heures. Les conseils de la Défense de chacun des accusés, de leur

 22   côté, ont indiqué les estimations suivantes : la première Défense trois

 23   heures, la seconde défense deux heures, ce qui nous amène à un total de

 24   huit heures. Alors, bien entendu, la Chambre ne siégera pas de façon

 25   continue. En effet, les volets d'audience ne dépassent guère 90 minutes

 26   pour des raisons d'ordre technique ayant trait aux bandes. Ces bandes

 27   doivent être régulièrement changées. Et cela permet d'ailleurs également à

 28   tout un chacun de ménager des pauses fort bienvenues. Donc en dehors de ces

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  1   pauses régulièrement prévues dans le déroulement de l'audience, si jamais à

  2   quelque moment que ce soit vous estimiez nécessaire de faire une pause,

  3   veuillez nous l'indiquer et nous verrons ce que nous pouvons ou ne pouvons

  4   pas faire.

  5   Vous commencez votre déposition lors du troisième et dernier volet

  6   d'audience de cette matinée. Ne lèverons l'audience à

  7   1 heure 45, mais reprendront nous débats à 14 heures 30 pour les poursuivre

  8   jusqu'à 16 heures, moment où ils seront interrompus pour reprendre à

  9   nouveau demain à 9 heures. J'invite donc Mme Korner à commencer.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Interrogatoire principal par Mme Korner : 

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Avlijas, je souhaiterais que nous commencions

 13   en examinant rapidement les étapes qui vous ont amené à venir déposer

 14   aujourd'hui. Je crois que vous avez été initialement interrogé par le

 15   bureau du Procureur à la date du 11 décembre 1997, et il vous avait

 16   interrogé presque exclusivement quand à l'inspection des camps, des

 17   infrastructures de détention à laquelle vous avez procédé en octobre 1992,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est exact, Messieurs les Juges, à ceci près qu'à mon avis, il ne

 20   s'agissait pas d'une inspection parce nous avons simplement visité ces

 21   lieux. S'il s'était agi d'une inspection, cela aurait incombé aux personnes

 22   en charge de la supervision.

 23   Q.  Très bien. Vous avez fourni au Procureur des copies des documents dont

 24   vous disposiez vous-même - une partie de ces documents, en tout cas, n'est-

 25   ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Ensuite, vous avez été à nouveau interrogé par les services du

 28   Procureur à la date du 13 août 2006. Cet entretien a été enregistré sur

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  1   bande audio, et vous avez été interrogé en qualité de témoin potentiel et

  2   non pas de suspect, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Comme vous l'avez déjà indiqué aux Juges de la Chambre, vous avez

  5   déposé dans l'affaire Mandic devant le tribunal d'Etat de Bosnie-

  6   Herzégovine. Votre déposition a eu lieu en 2007 dans cette affaire.

  7   Ensuite, vous avez également déposé en décembre 2009 pour le compte de M.

  8   Lalovic et de cet autre individu répondant au non de Soniboj lors du procès

  9   qui leur était intenté devant le même tribunal d'Etat, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et je crois que dans ce procès pour [imperceptible], M. Mandic a été

 12   acquitté alors que les deux autres accusés dans cette autre affaire ont,

 13   quant à eux, été condamnés. Alors, je crois qu'avant votre déposition dans

 14   l'affaire Lalovic, vous avez également été interrogé par les représentants

 15   de l'accusation dans cette affaire particulière en Bosnie-Herzégovine,

 16   n'est-ce pas, donc par le bureau du procureur attaché au tribunal d'Etat de

 17   Bosnie-Herzégovine ?

 18   R. Oui. Tout ce que vous avez indiqué est exact. A ceci près que dans

 19   l'affaire Lalovic et Skiljevic, les jugements n'ont pas encore été

 20   prononcés.

 21   Q.  Très bien. Et les condamnations sont susceptibles de donner lieu à un

 22   appel, n'est-ce pas ?

 23   R. Oui.

 24   Q.  Je crois que vous avez rencontré les deux conseils de la Défense en

 25   l'espèce, à savoir Me Krgovic et Me Cvijetic, lundi et mardi de cette

 26   semaine.

 27   Est-il exact que vous habité actuellement Bijeljina ?

 28   R.  Oui.

Page 15562

  1   Q.  Depuis combien de temps habitez-vous là-bas ?

  2   R. J'y vis depuis le 1er janvier 1993, moment où mon bureau a été transféré

  3   à Bijeljina, le bureau du ministère de la Justice au sein duquel je

  4   travaillais.

  5   Q.  Merci. Avez-vous écouté ou visionné les dépositions de quelque autre

  6   témoin que ce soit qui a déposé en l'espèce, notamment la déposition de M.

  7   Mandic ? Avez-vous visionné ces dépositions ?

  8   R.  Le procès intenté contre MM. Stanisic et Zuplanin, je n'ai pas lu tout

  9   ce suivi. En revanche, j'ai suivi la déposition de M. Mandic dans l'affaire

 10   Karadzic.

 11   Q.  Très bien. Encore une fois, très rapidement, je voudrais me pencher sur

 12   votre parcours professionnel, au sujet duquel vous avez déjà fourni des

 13   détails lors de votre entretien avec le représentant de l'Accusation. Je

 14   crois que vous avez commencé par travailler -- ou plutôt, vous n'avez pas

 15   commencé, mais en août 1974, vous avez été nommé secrétaire de la prison de

 16   district de Sarajevo, où vous êtes resté jusqu'en septembre 1978, au moment

 17   où vous êtes devenu président du tribunal municipal de Hadzici, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Il s'agissait d'un tribunal correctionnel.

 20   Q.  Très bien. Ensuite, vous êtes resté à ce poste jusqu'en 1986 puisque

 21   votre mandat a été reconduit, et vous avez été nommé adjoint du procureur

 22   de district, poste auquel vous êtes resté jusqu'en 1992, n'est-ce pas ? Il

 23   s'agissait d'un poste d'adjoint du procureur couvrant plusieurs

 24   municipalités.

 25   R.  J'ai été nommé -- alors, probablement que dans les pays occidentaux, on

 26   ne connaît pas d'équivalent de ce type de fonction. J'ai été l'adjoint du

 27   médiateur chargé de protéger les droits des travailleurs et les biens

 28   sociaux dans le cadre du travail autogéré. Il s'agissait d'une institution

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  1   couvrant les dix municipalités composant la ville de Sarajevo.

  2   Q.  Passons directement au moment où le conflit éclate, au mois d'avril

  3   1992. Où étiez-vous employé à ce moment-là ?

  4   R.  En 1989, une loi sur les entreprises a été adoptée, et cette loi a

  5   rendu automatiquement caduque la Loi sur le Travail autogestionnaire qui

  6   s'appliquait aux tâches dont je m'acquittais, c'est-à-dire au domaine même

  7   de ce bureau du médiateur où j'étais employé, le médiateur du travail

  8   autogestionnaire. Je suis resté seul en poste dans ce bureau alors que tous

  9   les autres sont partis pour trouver du travail, et je me suis retrouvé sans

 10   travail, parce que cet organe d'Etat était en train d'être démantelé. Donc

 11   c'est la position dans laquelle j'étais au moment où le conflit a éclaté.

 12   Q.  N'y a-t-il pas eu un moment au mois de mai où vous avez rencontré par

 13   hasard M. Lalovic en même temps que M. Mandic ?

 14   R.  En effet. Ce jour-là, j'étais en train de revenir de Pale en empruntant

 15   un chemin plus long passant par Tvrdemici, et j'y suis passé par la maison

 16   d'arrêt de Kula, et j'ai vu le véhicule de mon ancien collègue, Lalovic, et

 17   j'ai également rencontré M. Mandic. J'ai alors appris qu'il avait été nommé

 18   ministre de la Justice et qu'il fallait constituer le ministère de la

 19   Justice. On m'a également proposé de participer, et j'ai accepté avec

 20   plaisir pour échapper à la mobilisation, parce que j'avais essayé d'y

 21   échapper pendant déjà près d'un mois à Ilidza.

 22   Q.  Qui vous a dit que vous alliez être nommé au ministère de la Justice ?

 23   R.  Je ne suis pas sûr que votre question reflète ce que j'ai dit. Personne

 24   ne m'a dit que j'allais être nommé au ministère de la Justice. On m'a

 25   appelé. On m'a demandé de participer aux travaux visant à mettre en place

 26   le ministère de la Justice. En dehors de Momcilo Mandic, il n'y avait

 27   personne au ministère de la Justice. En tout cas, d'après ce que les gens

 28   disaient, c'était la présidence qui l'avait nommé ministre, et c'est alors

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  1   qu'il a trouvé Ratko Lalovic dans sa résidence secondaire. Ils sont allés à

  2   la prison de Kula et c'est alors qu'a commencé ce travail de mise en place

  3   du système judiciaire, des infrastructures pénitentiaires, et cetera. Donc

  4   il n'y avait pas du tout de discussion concernant une nomination. C'était

  5   juste le fait de participer à la mise en place du système judiciaire dont

  6   il s'agissait.

  7   Q.  Oui, très bien. Mais je ne vous ai pas demandé si vous alliez être

  8   nommé par le ministre, mais si vous alliez être nommé au ministère. En tout

  9   cas, qui vous a dit que l'on souhaitait vous voir participer aux travaux du

 10   ministère et rejoindre ce dernier ? Etait-ce M. Mandic ou M. Lalovic ?

 11   R.  Bien, je les ai trouvés ensemble dans un bureau, et Ratko a dit à

 12   Momcilo : Voilà quelqu'un qui peut nous aider, et il pourrait peut-être

 13   nous rejoindre pour nous aider. Et Mandic a répondu : Bien sûr. Et qui

 14   connais-tu d'autre ? Qui d'autre pourrait nous

 15   rejoindre ? Et c'est en ce sens que la discussion a évolué. Je ne sais plus

 16   ensuite ce qui s'est passé. Mais moi, plus tard, je suis allé à Ilidza, et

 17   ce n'est que fin mai que j'ai rejoint les effectifs qui étaient chargés de

 18   travailler à cette mission.

 19   Q.  Très bien. Monsieur Avlijas, je voudrais vous prier de bien vouloir

 20   répondre à mes questions aussi brièvement que possible. Si jamais j'ai

 21   besoin de plus de détails, je vous les demanderai.

 22   R.  Très bien. Merci, je vais essayer.

 23   Q.  Nous allons voir qu'on se réfère à vous comme étant l'adjoint du

 24   ministre de la Justice dans un certain nombre de ces documents. Avez-vous

 25   jamais reçu en 1992 un avis de nomination officiel vous nommant adjoint du

 26   ministre de la Justice ?

 27   R.  Non. Dès le début, c'est Nenad Radovic qui a été nommé adjoint du

 28   ministre de la Justice et qui s'acquittait de cette fonction. Il était le

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  1   seul adjoint, et il était donc l'adjoint de Momcilo Mandic. Et on peut voir

  2   sur la base de la lettre que c'est au mois de novembre 1993 que j'ai été

  3   nommé assistant du ministre pour la première fois.

  4   Q.  Essayons de savoir quelle est la date où vous travailliez. Vous avez eu

  5   l'occasion de parcourir un jeu de documents de l'Accusation et, entre

  6   autres, vous avez vu une conversation interceptée entre M. Kovac et M.

  7   Mandic le 26 mai. Ce n'est pas la teneur de la conversation qui

  8   m'intéresse, mais --

  9   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais pas

 10   afficher cela à l'écran. Cela ne serait pas utile. La seule chose qui nous

 11   intéresse, c'est de voir de quelle date il s'agit.

 12   Q.  Donc, Mandic dit à Kovac - je précise à l'attention de la Défense qu'il

 13   s'agit de la deuxième page de la conversation interceptée - que vous

 14   travaillez avec lui, d'ores et déjà. La date est celle du 26 mai. Est-ce

 15   que cela correspond à vos souvenirs par rapport au début de votre

 16   collaboration avec M. Mandic ou avec le ministère de la Justice ?

 17   R.  Si je me souviens bien, cette conversation interceptée se situe au mois

 18   de juin. Or, c'est fin mai que je suis arrivé à Kula.

 19   Q.  Oui, d'accord. Mais toujours est-il qu'à la fin du mois de mai, vous

 20   étiez déjà en poste.

 21   R.  Oui, c'est exact. Je suis arrivé le 26 ou le 28 mai. Je ne me souviens

 22   plus exactement.

 23   Q.  Vous avez dit que vous êtes arrivé à Kula fin mai. Pourquoi êtes-vous

 24   arrivé à Kula ? Ou plutôt, je retire. A la fin du mois de mai 1992, de quel

 25   type d'endroit parlons-nous ? Qu'est-ce Kula ?

 26   R.  Kula était une maison d'arrêt abandonnée qui, au début de la guerre,

 27   venait d'être occupée par les unités territoriales, il me semble, du

 28   Bataillon de Kasindol ou d'un autre détachement. Je sais qu'à notre

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  1   arrivée, le poste de police était stationné là. Il y avait les unités

  2   militaires, des chars dans l'enceinte. Dans une aile du bâtiment, il y

  3   avait des réfugiés. Quand nous sommes arrivés, nous n'avions pas de locaux

  4   à notre disposition pour travailler.

  5   Q.  Vous avez dit qu'à l'intérieur, il y avait un poste de police. De

  6   quelle station de police s'agit-il ?

  7   R.  Je ne sais pas comment ils étaient organisés. Je n'ai pas envie de

  8   faire d'erreur. Je pense que c'était la station de police de Novi Grad, et

  9   aussi la police d'Ilidza, en partie, me semble-t-il. Et pour Novi Grad, je

 10   connais les cadres, la direction. Je peux vous dire qui ils étaient, où

 11   étaient leurs bureaux. Le chef était Pacevic Milenko [phon] et le

 12   commandant, Vujicic Radenko. Ils étaient basés dans les locaux de l'ex-

 13   administration de la maison de KP Dom, il y avait un policier à la porte

 14   d'entrée.

 15   Q.  Justement, j'allais vous poser la question sur la sécurité. Qui s'en

 16   chargeait ? C'était la police ?

 17   R.  Oui. On ne pouvait pas pénétrer à l'intérieur du bâtiment tant qu'on

 18   n'a pas été vérifié par l'homme de garde à l'entrée, et il y avait des

 19   policiers également à l'intérieur. Je suppose qu'ils assuraient la

 20   sécurité.

 21   Q.  Pourriez-vous brièvement, s'il vous plaît, examiner un document, le

 22   document 1D00-164. A l'intercalaire 2.

 23   R.  Je ne vois rien. Si, si, c'est un onglet.

 24   Q.  Vous le verrez à l'écran.

 25   Nous avons ici le texte d'une décision --

 26   Mme KORNER : [interprétation] Prenons la page 2 dans les deux langues, s'il

 27   vous plaît.

 28   Q.  Cette décision date du 1er mai. Elle a été prise par la présidence,

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  1   semble-t-il, donc avant que vous n'entriez en fonction, mais vous

  2   connaissez, n'est-ce pas, cette décision. Est-ce exact, Monsieur Avlijas ?

  3   R.  Mais oui, absolument. Cela allait devenir partie de mon travail. Je

  4   devais me familiariser avec ce texte.

  5   Q.  Reprenons la première page, s'il vous plaît, en anglais et en B/C/S. Il

  6   s'agit de la décision portant création d'organisations de rééducation,

  7   organisations pénitentiaires, sur le territoire de la République serbe,

  8   donc il est question de la mise sur pied de ces institutions. Et prenons

  9   l'article 5. Il y est dit que les employés de ces organisations

 10   pénitentiaires et de rééducation seraient chargés de la sécurité en étant

 11   aidés dans le cadre de cette mission par des employés du MUP, selon le

 12   besoin.

 13   Cela se passe avant le conflit en avril, ou est-ce nouveau que la police

 14   vienne aider pour assurer la sécurité ?

 15   R.  Il n'y a rien de nouveau ici. Le principe est que l'on continuera à

 16   sanctionner conformément à la Loi régissant les infractions qui était en

 17   vigueur jusqu'à ce moment-là et qui ne contrevient pas à la législation de

 18   Bosnie-Herzégovine. Même avant, pour les besoins des pénitenciers,

 19   lorsqu'il s'agissait de rébellions organisées ou des tentatives de fuite,

 20   et en particulier compte tenu de la situation de guerre, c'est normal de

 21   faire appel à la police en cas d'éventuelles attaques menées de l'extérieur

 22   sur un centre pénitentiaire. Pendant toute la période allant de 1992 à

 23   1997, je dois dire que jamais les employés de la police n'ont été chargés

 24   de l'application des peines au pénal.

 25   Q.  D'accord. Vous avez été envoyé à Kula, mais j'aimerais savoir pour

 26   quelle raison plus précisément ?

 27   R.  Je n'ai pas compris. Pour quelle raison on m'aurait envoyé à Kula;

 28   c'est ça que vous voulez savoir ?

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  1   Q.  Oui.

  2   R.  C'était là qu'était basé le ministère de la Justice. M. Mandic s'est

  3   déplacé de Pale et il a dit que c'est dans le centre pénitentiaire

  4   qu'allaient être basés les employés du ministère de la Justice. Et plus

  5   tard, on nous a mutés vers Pale ou Jahorina, et moi-même, je suis parti

  6   pour Bijeljina.

  7   Q.  Y avait-il des détenus --

  8   R.  Bijeljina.

  9   Q.  Y avait-il des détenus à Kula quand vous y êtes arrivés ?

 10   R.  Nous avons parlé hier de "prisonniers de guerre" et de "détenus" et de

 11   la différence entre les deux. Il y avait peut-être là quelques détenus en

 12   train de purger leur peine, mais c'était relatif à des infractions dans le

 13   cadre de la police de route, et cetera. Mais je dois dire que nous avons pu

 14   voir un groupe de détenus sur place que nous ne voyions que le matin au

 15   petit-déjeuner pendant que nous étions à la cantine, et quand on sortait,

 16   ils étaient amenés. C'étaient des prisonniers, des gens qui avaient été

 17   capturés, mais nous n'avions aucun accès à eux.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous comprenez la

 19   différence entre un détenu et ces gens qui étaient placés en prison et qui

 20   étaient d'une autre catégorie ?

 21   R.  C'étaient des prisonniers de guerre, qui ont été capturés dans le cadre

 22   d'activités de guerre et amenés sur place. Mais cela n'avait rien à voir

 23   avec l'action de la justice. En revanche, les détenus c'étaient des détenus

 24   qui étaient en train de purger leur peine suite à des prononcés de jugement

 25   conformément à la législation en vigueur. C'est des tribunaux qui, sur la

 26   base du code de procédure pénale, les avaient placés en prison. Aussi,

 27   c'est la troisième catégorie qui était placée en prison en attendant le

 28   jugement définitif, mais eux, ils étaient entre les mains de la justice.

Page 15569

  1   Q.  Et pour que ce soit tout à fait clair, d'une part, nous avons un

  2   prisonnier de guerre qui a été capturé dans une situation de combat.

  3   R.  Oui. Oui. Mais c'est conforme au droit de la guerre international.

  4   C'est ça la définition.

  5   Q.  Oui, tout à fait. Et les conventions de Genève s'appliquent à ces

  6   individus-là ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Ensuite, vous avez des détenus, des détenus qui sont en train de purger

  9   leur peine suite à un jugement prononcé par un tribunal, et enfin, vous

 10   avez ceux qui font l'objet d'enquêtes, qui sont placés en détention en

 11   attendant d'être jugés.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Quand vous êtes arrivé à Kula, Monsieur, vous venez de nous dire il y a

 14   peu de temps qu'il y avait là quelqu'un qui était en train de purger sa

 15   peine pour une infraction au code de la route, puis que vous avez vu des

 16   prisonniers que vous voyiez régulièrement le matin. Etaient-ce des

 17   prisonniers de guerre ?

 18   R.  Alors, ce dénommé Slavko c'était un mécanicien. Il travaillait à

 19   l'atelier. C'était lui qui était celui qui est en train de purger sa peine.

 20   Mais en fait, on ne voyait plus en lui un détenu. Et puis après, vous aviez

 21   ces gens qui étaient des personnes capturées, qui n'étaient pas en train de

 22   purger une peine, mais je suppose qu'on les a capturés dans le cadre de

 23   combats.

 24   Q.  Avez-vous cherché à savoir ce que faisaient ces gens sur place, vous

 25   êtes-vous renseigné là-dessus ?

 26   R.  Oui, c'est normal, par curiosité. On voit un groupe de personnes

 27   capturées, tenues là. On n'a pas accès à eux. Personne ne peut leur parler.

 28   On ne peut que les voir qu'à distance. On ne les voyait que le matin quand

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  1   on se rendait au petit déjeuner. Bien sûr qu'il y avait une certaine

  2   curiosité.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Ce site n'est pas visé à l'acte

  4   d'accusation, et je ne vois pas en quoi il serait pertinent de poser des

  5   questions détaillées sur un endroit qui n'est pas cité à l'acte

  6   d'accusation.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Ce qui nous intéresserait, c'est de connaître

  8   le sort de ces individus justement, ce qui est advenu d'eux par la suite,

  9   et je pense que c'est pertinent par rapport aux catégories que vient de

 10   définir le témoin.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous en prie.

 12   Mme KORNER : [interprétation]

 13   Q.  Le document numéro 3 dans le classeur, 65 ter 01434.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la page de

 15   garde en B/C/S, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

 17   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Nous voyons ici le registre des relèves au centre pénitentiaire de

 19   Kula. Je pense qu'on vous a donné la possibilité de parcourir ce document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous pouvez nous dire si c'est bien le registre tenu par la police à

 22   l'époque. Nous allons tourner la page, donc on voit la date du 1er mai --

 23   Mme KORNER : [interprétation] Tournez la page en anglais, s'il vous plaît.

 24   Page 3 en B/C/S.

 25   Q.  Et ce qui est consigné, ce sont les noms des personnes qui ont été

 26   emmenées dans la prison.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît, en B/C/S.

 28   Q.  Donc nous voyons ici que le 2 mai 1992, Vaskovic et Tusevljak, des

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  1   inspecteurs de la brigade criminelle, ont emmené à Pale de Kula les

  2   personnes comme suit.

  3   Savez-vous en quoi ces inspecteurs étaient-ils habilités d'emmener ces gens

  4   de Kula à Pale ?

  5   R.  Je ne peux pas vous répondre. Je n'étais pas un employé du ministère de

  6   l'Intérieur. Je ne sais pas quelle était leur mission et je ne sais pas

  7   quelle en a été la finalité. Je suppose pour les interroger. Puis le

  8   registre en question, l'on voit tout de suite que c'est un registre des

  9   permanences du poste de Kula, et l'on voit qu'il s'agit du poste de police

 10   de Kula. Ce registre, nous l'avons trouvé au moment où ils ont quitté Kula,

 11   fin juillet 1992. Là, nous l'avons trouvé dans les archives. Donc c'est

 12   leur responsable qui a gardé ce registre dans ces archives, et au moment de

 13   la perquisition - je ne sais plus si c'est la SFOR ou le Tribunal de La

 14   Haye qui l'a menée - mais c'est là que ce registre a été trouvé.

 15   Q.  Oui. Mais justement, ce qui m'intéresse ici, c'est la chose suivante :

 16   si ces gens-là sont détenus à l'intérieur d'une prison, qui pouvait

 17   autoriser qui que ce soit à les sortir de cette prison ? Qui pouvait donner

 18   cet ordre ?

 19   R.  Si nous étudions l'ordonnance et les consignes concernant le traitement

 20   des détenus, vous voyez que c'est les supérieurs hiérarchiques qui ont la

 21   plupart des responsabilités. Ils ont la majorité des habilitations

 22   concernant les prisonniers. Moi, je sais que dans la pratique, personne ne

 23   pouvait sortir de Kula sans autorisation de la part des membres de la

 24   sécurité militaire, qui devaient autoriser tous les échanges, ou bien la

 25   sortie des prisonniers pour des travaux ou pour une autre raison.

 26   Q.  Donc vous prenez comme hypothèse que ces personnes étaient des

 27   prisonniers de guerre ?

 28   R.  Je l'imagine, parce qu'ils n'étaient pas en détention. Ils ne pouvaient

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  1   pas être traités comme des prisonniers. Ça ne pouvait être que des

  2   prisonniers de guerre.

  3   Q.  Bien. Alors, est-ce que nous pouvons regarder une autre entrée dans ce

  4   registre. Elle concerne le 3 mai.

  5   Mme KORNER : [interprétation] C'est à la page 3 en anglais, et page 4, je

  6   crois, en B/C/S. Page 5.

  7   Q.  Le 3 mai - alors je sais bien que tout cela c'était avant ton arrivée -

  8   les personnes suivantes ont été arrêtées par le MUP à Ilidza, et il s'en

  9   suit une série de noms.

 10   Afin que la police puisse détenir quelqu'un ou les mettre en détention,

 11   comme ça était le cas pour ces personnes puisqu'elles ont été emmenées à la

 12   maison d'arrêt, il faut une ordonnance d'un juge ?

 13   R.  Vous savez, à l'époque, la guerre menaçait de se déclarer. L'état de

 14   guerre n'avait pas encore été prononcé. Et les employés de la police, en

 15   vertu de la Loi sur la Défense nationale, si l'armée ou les circonstances

 16   l'exigeaient, ces membres de la police devaient donc participer aux unités

 17   de combat à la condition qu'ils soient subordonnés au commandement Suprême.

 18   Alors, si ces personnes ont été amenées à la maison de correction après

 19   avoir été capturées au cours de combats, auquel cas ces personnes auraient

 20   été des prisonniers de guerre, ou bien si elles ont été amenées sans

 21   autorisation, alors peut-être à ce moment-là la police avait-elle le

 22   pouvoir de mettre les personnes en détention pendant 45 ou 72 heures. Je ne

 23   me souviens plus, si les personnes avaient été prises en flagrant délit ou

 24   si elles faisaient partie d'une unité de combat.

 25   Q.  Je pose une dernière question sur ce document, ou peut-être deux

 26   questions : lorsque vous êtes arrivé pour prendre vos fonctions à la tête

 27   de la prison, comme vous l'avez expliqué, à la fin juillet, est-ce que vous

 28   avez trouvé trace écrite expliquant d'où venaient ces personnes ou pourquoi

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  1   elles étaient détenues, ou une information de la sorte ?

  2   R.  Bien, voyez-vous, lorsque nous avons repris de cet établissement

  3   correctionnel en juillet, qu'avons-nous trouvé ? Des prisonniers de la

  4   municipalité de Hadzici. Ils avaient été capturés par des unités militaires

  5   à Hadzici, et on les avait mis en détention dans les installations

  6   sportives pendant tout un mois avant qu'ils ne soient transférés à la

  7   caverne de Lukavica. Ils sont restés pendant quelques mois dans cette

  8   caverne parce qu'on ne savais plus où les loger. Il y avait déjà environ

  9   200 personnes là. Ensuite, sur l'ordre des supérieurs, j'ai été informé

 10   après que ces personnes avaient été transférées au centre de détention de

 11   Kula, et les employés de Kula avaient pour ordre de veiller sur eux et de

 12   les nourrir. Dans ce centre, le reste des opérations de contrôle et de

 13   supervision était assuré par les agents de sécurité militaire et par

 14   l'armée. A chaque fois qu'ils devaient quitter l'établissement, il fallait

 15   qu'il y ait autorisation de la sécurité militaire et de l'armée. C'était

 16   nécessaire pour pouvoir les sortir pour quelque raison que ce soit.

 17   Q.  D'accord. Je comprends si l'armée envoie des gens, ça c'est une chose,

 18   mais là c'est apparemment la police qui a amené ces gens sur la liste que

 19   nous avons vue. Est-ce que vous aviez des traces écrites d'une ordonnance

 20   d'un juge autorisant d'amener ces personnes ou bien avez-vous une trace de

 21   ce qui est advenu de ces personnes ou de qui il s'agissait ?

 22   R.  Non, nous n'avons trouvé aucune trace écrite lorsqu'ils ont quitté la

 23   prison. Ils ont pris tous leurs documents, à part un petit livret qui a été

 24   perdu ou oublié. C'est ce que mes collègues ont trouvé.

 25   Q.  Bien. Donc ce livre c'est tout ce que vous avez trouvé lorsque vous

 26   avez pris la direction de l'établissement pénitencier à la fin juillet;

 27   c'est exact ?

 28   R.  Ce livre, ce registre, a été trouvé dans une poubelle.

Page 15574

  1   Q.  Bon.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas d'autres

  3   questions à poser. Est-ce que l'on peut verser ce témoignage au dossier.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Admis et versé.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1633.

  6   Mme KORNER : [interprétation]

  7   Q.  Après Kula -- avez-vous pris part au cours du mois de juin à

  8   l'organisation et à la création de tribunaux municipaux ?

  9   R.  Des tribunaux correctionnels municipaux.

 10   Q.  Oui, tribunaux correctionnels.

 11   Mme KORNER : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, afficher un

 12   document -- excusez-moi Messieurs les Juges, il faut que je vérifie ma

 13   liste 65 ter, vérifier s'il s'agissait d'un document qui était ou non sur

 14   cette liste.

 15   Alors, je souhaiterais simplement rafraîchir la mémoire du témoin

 16   concernant cette question. Il s'agit de l'onglet 7, le document qui est là,

 17   document 10534. Il y a une référence par rapport à ce qu'a dit le témoin,

 18   et j'aimerais lui rafraîchir la mémoire, mais j'attends de voir s'il y a

 19   une objection.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce qu'il y a objection à la

 21   présentation de ce document ?

 22   M. CVIJETIC : [interprétation] Non. Nous sommes d'accord si c'est pour

 23   rafraîchir la mémoire du témoin.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Bien. Est-ce que nous pouvons donc afficher

 25   ce document 10534.

 26   Q.  Je crois que la date doit être erronée, parce que l'on verra une

 27   référence --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai ajouté cette note lorsque j'ai relu

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  1   les documents. Il doit s'agir du 4 juillet 1992. On constate, en effet, que

  2   la visite de Trebinje a eu lieu les 23, 24 et 25 juin.

  3   Q.  Oui. C'est exactement là-dessus que devait porter ma question.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la page

  5   suivante.

  6   Q.  Mais avant cela, j'aimerais demander si vous connaissez la signature ?

  7   C'est la signature de M. Mandic ?

  8   R.  Je ne sais pas si c'est celle de Nenad Radovic ou de M. Mandic. Je

  9   crois que Momcilo avait une signature différente. Mais bon, ça pourrait

 10   être celle de Radovic. Si je pouvais voir la signature originale de M.

 11   Mandic, je pourrais faire la comparaison. Si ce n'est pas la sienne, alors

 12   c'est celle de M. Radovic, qui était son ministre adjoint.

 13   Q.  Bien. Ne vous inquiétez pas. Je ne pense pas que ce soit important.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher rapidement

 15   la page suivante, s'il vous plaît.

 16   Je vois donc --

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous rappelle la procédure. Donnez le

 18   temps au témoin de lire le document avant de formuler votre question, s'il

 19   vous plaît.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Bien.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez parcourir ce document, s'il vous plaît.

 22   R.  Vous pouvez me poser votre question. Je connais ce document par cœur.

 23   Q.  Bien. D'abord, voici ce que je veux vous demander : est-ce que ce

 24   document est exact, c'est-à-dire que c'est vous, Branko Mandic et M.

 25   Velasevic qui avaient visité la zone ?

 26   R.  L'équipe consistait en Predrag Nikolic, Slobodan Avlijas, Branka

 27   Mandic, et Igor Velasevic. Predrag Nikolic et Slobodan Avlijas ont visité

 28   la zone alors que les deux autres sont rendus à Foca. Ils ont rédigé une

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  1   partie du rapport. M. Nikolic, qui devait assister les tribunaux dans leur

  2   travail et le bureau du Procureur, avait un rôle à jouer à Trebinje. Je

  3   l'ai accompagné parce que j'étais responsable des tribunaux correctionnels.

  4   Je pense qu'il y a un autre rapport distinct rédigé par M. Mandic et M.

  5   Velasevic concernant Trebinje et Foca.

  6   Q.  La première chose que j'aimerais savoir, c'est si un tribunal a été

  7   créé à Trebinje à cette époque, c'est-à-dire en juin, juillet 1992.

  8   R.  Oui, tout à fait. En fait, c'était au moment où on nommait du

  9   personnel. C'est pourquoi Predrag Nikolic s'est vu confier le -- alors, je

 10   crois que la décision concernant l'élection des juges avait été prise à

 11   l'époque, et Nikolic devait la mettre en application. Donc je suis allé

 12   organiser le travail des tribunaux correctionnels qui pouvaient commencer à

 13   fonctionner dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine, il n'y avait plus

 14   d'obstacles. Donc j'étais allé voir les juges pour voir s'il y avait des

 15   problèmes en suspens. Ce que nous voulions, c'était qu'il y ait une

 16   nouvelle prison de district établie dans cette zone. Il était usuel que la

 17   prison de district soit située dans le même lieu, dans la même zone

 18   géographique que le tribunal de district. C'est pour ça que nous

 19   souhaitions établir ce tribunal municipal.

 20   Q.  Est-ce que vous avez réussi à créer, à faire ouvrir cette prison de

 21   district dans la ville à cette période ?

 22   R.  L'ouverture de cette prison de district à Trebinje, c'est quelque chose

 23   pour lequel j'ai lutté pendant longtemps, mais ce n'est pas avant 1994-1995

 24   que nous avons trouvé les installations nécessaires. C'était un dortoir

 25   abandonné qui pouvait être transformé. Avec une entreprise générale de

 26   Trebinje, nous avons pu restructurer et adapter ces locaux. Mais les

 27   autorités locales faisaient obstruction, et donc nous n'avons jamais pu

 28   l'ouvrir. En fait, elle a ouvert - en tout cas, pas à l'époque - elle n'a

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  1   ouvert qu'en 1996. Et avant 1995, ces installations accueillaient des

  2   réfugiés. C'est un M. Vucurevic --

  3   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien entendu le nom qui avait envoyé le

  4   réfugié.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions préciser qui était

  6   M. Vucurevic.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le président de l'assemblée municipale

  8   à Trebinje, et c'est de lui que partaient toutes les autorisations.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Il faut que je demande au témoin de ne pas

 10   répondre directement à mes interventions, mais d'attendre que le Procureur

 11   le lui demande. Le témoin est un petit peu impatient. Mes excuses à Mme

 12   Korner.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Pas de problème.

 14   Q.  Est-ce qu'il y avait une prison à Trebinje en 1992 qui était placée

 15   sous l'autorité du ministère de la Justice ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Sur ce même document enfin, M. Velasevic est mentionné. Pouvez-vous

 18   nous dire brièvement de qui il s'agit ?

 19   R.  Igor Velasevic était un avocat, un juriste diplômé un an ou deux avant

 20   la guerre. C'était le fils de feu mon ami Slobodan Velasevic, qui était

 21   président du tribunal municipal de Sarajevo. C'est lui qui l'a introduit au

 22   système judiciaire, si vous voulez, mais il n'est pas resté dans les

 23   tribunaux très longtemps. Il est ensuite parti en Suisse et au Canada.

 24   Il n'a pas eu de postes très importants. C'est peut-être un petit peu ce

 25   qui l'a protégé de la guerre. Son père était ministre adjoint pour les

 26   Affaires judiciaires. Ensuite, il a été transféré vers Trebinje, ensuite à

 27   Podgorica.

 28   Q.  Oui, mais ma question n'était peut-être pas assez précise. Quel était

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  1   son rôle au sein du ministère de la Justice à cette date ?

  2   R.  Je ne pourrais pas le dire avec précision. Il était employé du

  3   ministère de la Justice. Il était peut-être administratif, quelque chose de

  4   ce genre. Je ne peux pas être plus précis.

  5   Q.  Savez-vous s'il avait travaillé avec M. Mandic lorsque -- oui, à

  6   l'époque où M. Mandic faisait encore partie de l'ancien MUP de Bosnie ?

  7   R.  Je ne peux pas répondre avec certitude. Je ne peux que me livrer à des

  8   conjectures. Je crois que oui, mais je suppute. Je ne peux pas du tout être

  9   précis. En revanche, ce que je sais, c'est que c'est Mandic qui l'a fait

 10   rentrer au ministère de la Justice.

 11   Q.  Très bien.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est tout ce que

 13   j'avais à poser comme question pour l'instant, et le moment semble

 14   approprié pour faire la pause.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Nous prenons donc la pause

 16   repas. Nous revenons dans 45 minutes pour le deuxième volet d'audience.

 17   Alors, les Juges de la Chambre vous remercient de votre coopération,

 18   remercient l'accusé pour sa coopération. Je vous remercie.

 19   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 46.

 20   --- L'audience est reprise à 14 heures 35.

 21   Mme KORNER : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Avlijas, j'ai laissé par inadvertance de côté un document que

 23   je souhaitais vous présenter concernant le temps que vous avez passé à

 24   Kula.

 25   Mme KORNER : [interprétation] pourrions-nous avoir à l'écran le document

 26   P1318.20 [comme interprété], qui correspond à l'intercalaire numéro 5.

 27   Q.  Nous avons ici une lettre qui est adressée au ministère de l'Intérieur.

 28   En page 2, on peut voir que ceci émane du chef du SJB de Novi Grad.

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Seconde page de la version anglaise, mais

  2   cela figure toujours à la même première page du B/C/S.

  3   Q.  Je crois que vous avez dit que c'était cette station ou ce poste de

  4   police de Novi Grad qui, en fait, avait ses locaux situés à Kula.

  5   Pourrions-nous maintenant revenir à la première page en anglais, s'il vous

  6   plaît. Le premier paragraphe concerne les problèmes d'hébergement, de

  7   vivres, d'hygiène, et autres qui se présentent à Kula. Il est dit, je cite

  8   :

  9   "Après avoir procédé à une coordination avec le ministère de la Justice et

 10   le sous-secrétaire du SJB, le 20 mai 1992… 114 personnes ont été

 11   transférées à la zone du pont de Vrbanja et dépêchées en direction de la

 12   rue Sokolovic. Ce groupe consistait en un certain nombre de personnes dont

 13   le lieu de résidence était Gornji Kotarac à Dobrinja."

 14   Alors, il est dit ensuite :

 15   "Alors qu'ils avaient été placés en détention depuis le 12 mai 1992… le

 16   bureau des échanges d'Ilidza a été informé à deux reprises de leur

 17   situation, mais n'a pas répondu à temps pour un échange éventuel," et en

 18   raison des problèmes objectifs mentionnés, il a été décidé que ce groupe

 19   serait envoyé vers la localité susmentionnée.

 20   Alors, où se trouve la zone du pont de Vrbanja et la rue Sokolovic ?

 21   R.  Le pont de Vrbanja est au voisinage immédiat du bâtiment du

 22   gouvernement, entre les lotissements de Grbavica et Skenderija. Quant à la

 23   rue de Mico Sokolovic, c'est également en centre-ville. Vrbanja se trouvait

 24   sur la ligne de séparation entre la VRS et l'ABiH, ou plutôt, à l'époque,

 25   la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine.

 26   Q.  Très bien. Est-ce que cette lettre nous montre, qu'en fait, ces

 27   personnes ont tout simplement été expulsées de la prison, qu'on les en a

 28   chassées ?

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  1   R.  Je ne suis pas sûr qu'elles en aient été chassées. Mais une évaluation

  2   a été faite selon laquelle ces personnes n'avaient plus lieu d'être

  3   maintenues en détention, et elles ont été relâchées. De toute façon, au

  4   cours de la guerre, tous les échanges ont été faits sur les lignes de

  5   séparation, et le pont de Vrbanja était l'un des lieux principaux où on

  6   procédait à des échanges. Et donc les personnes qui venaient du territoire

  7   tenu par la VRS convergeaient vers ce point, et en sens inverse, des

  8   personnes arrivaient du territoire de la fédération. C'est là que les

  9   civils étaient généralement libérés et échangés.

 10   Je ne connais pas cette lettre. Je ne suis pas familier de la raison pour

 11   laquelle ces personnes ont été relâchées. Je suppose qu'un accord est

 12   intervenu entre les parties afin que ces personnes puissent être relâchées.

 13   Q.  En application de la loi, existait-il la moindre autorité en vertu de

 14   laquelle il aurait été possible de maintenir en détention des civils, donc

 15   des personnes qui n'étaient pas prisonniers de guerre et qui n'étaient pas

 16   non plus des personnes placées en détention en application d'un titre de

 17   détention délivré par un tribunal pour commission d'une infraction ?

 18   R.  Je ne peux pas considérer un civil comme un prisonnier de guerre s'il

 19   n'a pas été fait prisonnier dans le cadre d'activités de combat. Je ne peux

 20   rien dire qui aille au-delà de la pratique habituelle. De quelle population

 21   s'agit-il ici, je l'ignore, mais on sait exactement ce que c'est qu'un

 22   prisonnier de guerre en application du droit international de la guerre.

 23   Quant à la situation de ces personnes, s'agissait-il de civils ou non, je

 24   l'ignore. Il aurait fallu déterminer d'abord qui les avait fait venir à

 25   Kula en premier lieu.

 26   Q.  Mais vous avez dit il y a quelques instants que : "Tous les échanges

 27   avaient eu lieu sur les lignes de séparation pendant la guerre et que le

 28   pont de Vrbanja était un des plus importants lieux où des personnes, des

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  1   soldats de la Republika Srpska, se déplaçaient en direction de la

  2   fédération et vice-versa. C'était là-bas que généralement les civils

  3   étaient échangés et libérés."

  4   Est-ce que ceci se produisait régulièrement, le fait que des civils soient

  5   maintenus en détention afin d'être échangés ?

  6   R.  Je ne peux pas vous le dire de façon affirmative, mais pour autant que

  7   je m'en souvienne, en 1992 il y a eu un phénomène de grande ampleur, à

  8   savoir des accords - j'ignore entre qui et qui - mais qui ont résulté en

  9   des mouvements dans un sens de la part de groupes de Serbes qui quittaient

 10   Sarajevo pour aller vers la Republika Srpska et puis d'autres groupes qui

 11   allaient dans l'autre sens. C'est pour cela que Vrbanja présentait un

 12   intérêt. Quant à savoir qui avait passé cet accord et organisé ces

 13   mouvements et ces transferts, je l'ignore.

 14   Q.  Très bien. Merci. Mais tout ce que je vous demandais, c'était s'il

 15   était habituel que les civils soient maintenus en détention pour pouvoir

 16   ensuite être échangés. Etait-il adéquat ou non que des civils soient

 17   maintenus en détention pour pouvoir ensuite être échangés ?

 18   R.  Je viens seulement de comprendre votre question. Vrbanja était le lieu

 19   où les échanges avaient lieu. Par ailleurs, les échanges de prisonniers de

 20   guerre, les corps également des personnes décédées. Donc le pont de Vrbanja

 21   et la rue Bratstva et Jedinstva étaient des lieux habituels. Maintenant,

 22   les prisonniers de Donji Kotorac qui avaient été placés en détention à

 23   Kula, j'ignore s'il s'agissait de prisonniers de guerre. Mais pour autant

 24   que je m'en souvienne, il y avait eu des activités de combat à cet endroit

 25   en 1992. En revanche, est-ce qu'il s'agissait de civils qui ont été placés

 26   en détention ou non, ça, je l'ignore. En revanche, ils ont sans doute été

 27   relâchés comme des civils.

 28   Parce que s'il s'était agi de prisonniers de guerre, personne ne les aurait

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  1   relâchés sans exiger en contrepartie que des prisonniers de guerre détenus

  2   par la partie adverse leur soient remis en échange.

  3   Q.  Très bien. Pourriez-vous maintenant examiner le document P427.7,

  4   correspondant à l'intercalaire numéro 8.

  5   Ce document porte la date du 6 juin 1992, de la commission centrale des

  6   échanges de prisonniers de guerre et de détenus ainsi que des corps des

  7   personnes décédées de la Republika Srpska.

  8   Et je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de voir le document dans

  9   cette version -- est-ce que vous avez déjà vu une version ou une autre de

 10   ce document ?

 11   R.  C'est lorsque M. Nasir m'a présenté pour la première fois ce document

 12   que j'en ai pris connaissance. Je crois que c'était en 1998 ou 1999 --

 13   pardon, 2008 ou 2009, après le procès de M. Mandic. C'est alors que j'ai eu

 14   ce premier entretien avec M. Nasir et qu'il m'a présenté ce document signé

 15   par M. Colovic.

 16   Q.  Vous vous êtes trompé sur les dates, parce qu'en fait, il y a eu un

 17   certain nombre d'entretiens avec vous, Monsieur le Témoin. Votre entretien

 18   avec M. Nasir a eu lieu en -- j'ai été présente également à votre entretien

 19   avec M. Nasir, qui s'est déroulé en 2006 --

 20   R.  En effet.

 21   Q.  Mais la question que je vous posais était la suivante : Est-ce que vous

 22   avez déjà vu le texte de ce document tel qu'il a été publié, par exemple, à

 23   la Gazette officielle ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Ce n'est pas ce que vous aviez dit, mais bon. Est-ce que vous pourriez

 26   voir maintenant la page 3. C'est pour la version anglaise que la page 3

 27   nous intéresse. En version B/C/S, c'est la page 2.

 28   Est-ce que vous voyez ce paragraphe qui commence par :

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  1   "Toutes les femmes dont la privation de liberté ou la détention n'est pas

  2   liée à la guerre ou à des activités de guerre, tous les mineurs et enfants

  3   âgés de moins de 16 ans, les personnes âgées et invalides doivent être

  4   immédiatement relâchés…" ?

  5   Est-ce qu'à votre avis ce document était ce que vous venez de dire, à

  6   savoir qu'aucune autorité, aucun motif valable n'existait permettant de

  7   placer en détention des civils, et notamment parmi eux des femmes, des

  8   enfants, des mineurs et des personnes âgées ?

  9   R.  Tout à fait.

 10   Q.  En bas de la page, et pour cela il nous faudra passer à la page

 11   suivante en anglais, nous voyons les éléments suivants : nous voyons qu'un

 12   exemplaire de ce document a été envoyé au ministère de la Justice ? Et il

 13   en a été envoyé une copie également à tous les postes de police. Mais vous-

 14   même, à l'époque, vous n'avez jamais vu la moindre copie de ce document,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Pourrions-nous maintenant nous pencher sur le cas d'un certain nombre

 18   de centres de détention où vous avez été dépêché pour inspection. Tout

 19   d'abord --

 20   Mme KORNER : [interprétation] Je m'excuse, Messieurs les Juges.

 21   Q.  Vous avez été dépêché à Vogosca, dans un premier temps, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que c'était au mois de juin 1992 ?

 24   R.  Oui, à la mi-juin.

 25   Q.  Qui vous a dit de vous rendre là-bas ?

 26   R.  C'est le ministre Mandic qui a ordonné à Milorad Panjevic, qui était

 27   procureur; à Milenko Bileca, le président du tribunal; et à moi-même de

 28   nous acquitter de missions spécifiques. Nous étions censés nous rendre à

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  1   Vogosca et Ilijas. Alors, qui a donné un ordre à Momcilo Mandic, en

  2   revanche, je l'ignore.

  3   Q.  En quoi consistait cette mission ?

  4   R.  La mission exacte consistait à faire prendre connaissance aux agents

  5   présents sur le terrain des instructions émises par le président Karadzic

  6   concernant la façon de procéder avec les prisonniers, parce qu'entre-temps,

  7   les médias avaient fait état de toutes sortes d'informations, et ma mission

  8   consistait à discuter avec les deux municipalités concernant la mise en

  9   place d'un tribunal correctionnel et à déterminer des locaux appropriés

 10   puisqu'un tribunal avait déjà été mis en place à Ilidza. Donc il fallait

 11   trouver des locaux ou des infrastructures pour l'exécution des peines. Il

 12   fallait également déterminer dans quelles conditions les personnes étaient

 13   détenues là-bas.

 14   Q.  Et quelles étaient les informations qui circulaient à cette époque ?

 15   R.  Bien, je ne sais pas, puisqu'il y avait un blocus imposé aux médias en

 16   Republika Srpska. On écoutait les informations de Sarajevo qui faisaient

 17   état de morts tous les jours, d'un grand nombre de personnes emprisonnées,

 18   que des corps étaient charriés par les rivières, toutes sortes d'histoires

 19   de ce type.

 20   Q.  Mais vous avez parlé d'une mission spécifique qui était d'informer les

 21   personnes sur place de l'ordre émis par le président Karadzic quant à la

 22   façon de traiter les personnes faites prisonnières. Alors, quelles étaient

 23   les histoires qui circulaient concernant le traitement infligé aux

 24   personnes qui avaient été capturées ?

 25   R.  C'étaient des informations assez négatives. C'était la raison pour

 26   laquelle nous avons été dépêchés sur place.

 27   Q.  Merci. Oui. Mais je voudrais que vous soyez un peu plus précis. Qu'est-

 28   ce que vous entendez par "négatives" ?

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  1   R.  Bien, il était dit qu'un grand nombre de personnes avaient été faites

  2   prisonnières, que les conditions pour leur détention n'étaient pas réunies,

  3   qu'il y avait des liquidations en masse. Enfin, tout ce qu'on pouvait

  4   entendre à la radio de Sarajevo et lire dans les journaux. Donc des

  5   événements particulièrement tragiques et en violation avec le droit de la

  6   guerre et les conventions de Genève.

  7   Q.  Donc lorsque M. Mandic vous a dit de vous rendre à Vogosca, il a fait

  8   référence à ces récits, n'est-ce pas ?

  9   R.  Nous étions tous au courant. Nous lisions les journaux, nous écoutions

 10   la radio. Il n'y avait là rien qui soit mystérieux ou inconnu.

 11   Q.  Lorsque vous êtes arrivés à Vogosca, où êtes-vous allés exactement ?

 12   R.  Nous avions rendez-vous dans le bâtiment de Sonja avec le Dr Nikola

 13   Poplasen et les dirigeants de la cellule de Crise de Vogosca. M. Poplasen

 14   était un commissaire de l'époque au gouvernement, je crois.

 15   Q.  Lors de cette réunion y a-t-il eu un représentant du SJB présent à

 16   Vogosca ?

 17   R.  Pour autant que je m'en souvienne, je crois qu'il y avait un jeune

 18   homme blond, Blagocanin [phon], je ne sais plus quel était son nom.

 19   Q.  Est-ce que vous êtes allé au SJB de Vogosca en plus de vous rendre à

 20   cette réunion dans les bâtiments de l'entreprise Sonja ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Avez-vous rencontré quiconque répondant au nom de Brano Vlaco, qui

 23   était un membre du SJB ?

 24   R.  Brano Vlaco était présent à cette réunion.

 25   Q.  Très bien. Quelle était la fonction qu'il occupait, enfin d'après vous,

 26   à cette époque ? Qu'est-ce que vous en avez compris ?

 27   R.  Bien, sa façon de se comporter montrait qu'il était responsable du camp

 28   se trouvant juste à côté du bâtiment Sonja, parce que lorsque nous avons

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  1   abordé le problème, c'est lui qui a pris la parole. Il était responsable de

  2   la sécurité sur place, la sécurité des gardiens et de ces personnes

  3   prisonnières. Et ce camp se trouvait juste à côté du bâtiment où nous

  4   tenions la réunion.

  5   Q.  Merci. Mais avant d'en venir à ce point, j'essaie d'éclaircir un autre

  6   aspect. Il était responsable de cela, très bien. Mais selon vous, quel

  7   était le poste qu'il occupait au sein du SJB de Vogosca ?

  8   R.  J'ignore quel était son poste exact ou sa fonction.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, mais il

 10   s'agit d'une question directrice. Le témoin n'a pas indiqué que cette

 11   personne avait quoi que ce soit avoir avec le SJB. Donc il faudrait lui

 12   demander s'il sait quoi que ce soit à ce sujet.

 13   Mme KORNER : [interprétation] La question que je lui ai posée, je l'ai

 14   posée en supposant qu'il n'y avait pas de controverse à ce sujet. J'ai

 15   demandé s'il avait rencontré quiconque répondant au nom de Brano Vlaco, qui

 16   aurait été un membre du SJB. Il a dit que Brano Vlaco avait été présent à

 17   la réunion.

 18   Q.  Alors, vous avez compris qu'il était responsable de ce camp, de la

 19   sécurité également. Mais qu'est-ce que vous avez compris de la façon dont

 20   il a été emmené à se retrouver responsable de la sécurité ?

 21   R.  Je l'ignore. C'était probablement de la compétence de la cellule de

 22   Crise. Quelqu'un l'a nommé à cette responsabilité.

 23   Q.  Très bien. Selon vous, en quoi consistait son travail, à part d'être

 24   responsable de ce camp ?

 25   R.  Je n'en sais rien. Ecoutez, je ne me suis pas véritablement intéressé à

 26   ce qu'il faisait. Ce qui nous intéressait beaucoup plus c'était de faire

 27   notre travail et de relayer ou de donner les ordres -- bon, à la suite des

 28   ordres que nous recevions pour ce qui était des prisonniers en fonction,

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  1   bien entendu, de la situation qui prévalait sur le terrain. Parce que les

  2   consignes que nous recevions, en fait, elles visaient toutes les personnes

  3   présentes à la réunion.

  4   Q.  Je vous comprends. Lorsque vous l'avez rencontré pour la première lors

  5   de la réunion de la cellule de Crise à laquelle vous avez participé au

  6   restaurant Sonja ou à la réunion à laquelle vous avez participé dans ce

  7   restaurant Sonja donc, comment est-ce qu'il vous a été présenté ? En

  8   d'autres termes, quelle explication a été fournie à propos de ce qu'il

  9   faisait ?

 10   R.  Ecoutez, c'est lui qui s'est présenté tout seul. Il a dit : "Je suis le

 11   chef de la sécurité chargé des personnes capturées," parce que nous étions

 12   tous censés indiquer ce que nous faisions lors cette réunion. Et c'est ce

 13   qu'il a fait. Voilà ce qu'il a dit à son sujet. C'est là que je l'avais vu

 14   pour la première fois.

 15   Q.  Bien. Est-ce qu'il était en uniforme ou en civil ?

 16   R.  En uniforme. Mais je ne me souviens pas véritablement de quel uniforme

 17   il s'agissait. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un uniforme de police ou

 18   d'un uniforme militaire. Notamment d'ailleurs parce qu'à l'époque, il ne

 19   faut pas oublier que tout le monde portait des treillis de camouflage. Tout

 20   le monde : des civils, les militaires, tout le monde.

 21   Q.  Bien. Je reviendrai peut-être sur cet élément plus tard. Donc vous êtes

 22   à cette réunion et vous nous dites qu'il y avait juste à côté du restaurant

 23   Sonja ce camp. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous décrire le camp

 24   en question ?

 25   R.  C'était auparavant un bunker allemand, un bunker allemand qui avait

 26   était adapté par la suite. Au départ, il avait été construit pour protéger

 27   la voie ferrée. Donc c'était une casemate ou un bunker en béton dont le

 28   seul objectif était véritablement de protéger et défendre la voie ferrée.

Page 15589

  1   Donc je ne sais pas s'il y avait une ouverture vers le ciel. Je ne sais

  2   d'ailleurs pas comment c'était à l'intérieur.

  3   Q.  Comment se fait-il que vous êtes arrivés là-bas ? Est-ce que vous avez

  4   demandé à voir cela ou est-ce qu'on vous a emmenés vers cet endroit ?

  5   R.  Non personne ne nous a conduits là. Nous avons eu cette réunion donc

  6   dans cet endroit, dans ce restaurant Sonja sur le bord de la rivière. En

  7   fait, le bunker, lui, se trouvait à environ une cinquantaine de mètres de

  8   là. Donc nous avons pu juste voir à quoi il ressemblait. Bien sûr nous n'y

  9   sommes pas allés. D'ailleurs si nous avions essayé d'y aller, personne ne

 10   nous aurait autorisés à y entrer.

 11   Q.  Je m'excuse. Je vais vous poser quelques questions à ce sujet. Parce

 12   que vous avez dit que les conditions étaient particulièrement déplorables.

 13   Mais si vous n'y êtes pas allé, comment est-ce que vous le saviez ?

 14   D'ailleurs, pour commencer, comment est-ce vous saviez qu'il s'agissait

 15   d'un camp si vous n'y êtes même pas allé ?

 16   R.  Ecoutez, je suis né dans la banlieue de Sarajevo et il y avait sept ou

 17   huit bunkers dans cet endroit. Il y en avait un à Lazarevic. On avait

 18   l'habitude de jouer à cet endroit-là. On grimpait dessus lorsque nous

 19   étions enfants. Donc je connais très bien ce type de structure et je sais

 20   pertinemment qu'il ne s'agit pas d'une structure résidentielle. Bien sûr,

 21   c'est une déduction que je vous présente, une conclusion.

 22   Q.  Ecoutez, excusez-moi, mais comment est-ce que vous saviez que le bunker

 23   en question était utilisé pour y détenir des

 24   personnes ?

 25   R.  Vous pouviez voir des gens qui sortaient du bunker. De toute façon, ils

 26   nous ont dit que c'était là qu'ils logeaient. Nous pouvions voir -- enfin,

 27   c'était la distance qui nous sépare à peu près de la porte.

 28   Q.  Bien. Mais comment est-ce que vous saviez que les personnes qui s'y

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  1   trouvaient et qui étaient à l'intérieur du bunker étaient détenues, étaient

  2   prisonniers.

  3   R.  Mais ils nous l'ont dit. Ils nous l'ont dit dès que nous sommes

  4   arrivés. Nous avons demandé où sont les prisonniers. Voilà il y a ces

  5   bruits qui sont colportés à droite, à gauche. Ils nous ont dit : "Bien, ils

  6   sont dans le bunker." Parce nous, lorsque nous avons voulu leur donner des

  7   consignes, nous leur avons demandé : "Est-ce que vous avez les prisonniers

  8   de guerre et où sont-ils ?" Ils nous dit : "Mais voilà, ils sont là, ils

  9   sont dans le bunker."

 10   Q.  Mais est-ce que vous êtes allés le constater, est-ce que vous êtes

 11   allés voir ces personnes ?

 12   R.  Non, nous ne sommes pas entrés.

 13   Q.  Mais est-ce qu'il y avait un toit sur ce bunker ?

 14   R.  Ecoutez, c'était un toit, enfin, plat. Je ne sais pas s'il y avait une

 15   ouverture vers le ciel. Je n'en suis pas sûr. Je pense qu'il y en avait

 16   une, mais bon. D'après la structure et d'après ce dont je me souvenais des

 17   bunkers que j'avais vus lorsque j'étais enfant, je pense qu'il devait y

 18   avoir une ouverture au milieu.

 19   Q.  Mais est-ce que vous avez dit quoi que ce soit à propos de ce bunker

 20   aux personnes qui étaient présentes à cette réunion chez Sonja, dans ce

 21   restaurant ?

 22   R. Oui bien sûr. Le président de la cour et moi-même avons réagi de

 23   la même façon. Nous leur avons dit : "Mais vous êtes fous. Pourquoi est-ce

 24   que vous détenez des gens, la guerre ne va pas durer indéfiniment. Il va

 25   falloir que vous répondiez de vos actes. Il y a la convention de Genève qui

 26   existe, qui est en vigueur et qui doit être respectée." Nous leur avons dit

 27   que c'était tout à fait illicite comme agissement.

 28   Q.  Et quelles furent leurs réactions.

Page 15591

  1   R.  Ils nous ont dit : "Ecoutez, il faudra que l'on s'occupe de ce

  2   problème, qu'on le règle." Et entre-temps, j'ai commencé à inspecter

  3   d'autres bâtiments qui auraient pu faire office de prison. Ils m'ont montré

  4   un bâtiment, un bâtiment qui avait, en fait, deux ou trois étages. Alors

  5   j'ai demandé au président du tribunal s'il - puisque c'était lui qui

  6   présidait la réunion - s'il y aurait un problème à transférer les

  7   prisonniers dans ce bâtiment. Le président du tribunal a dit et moi-même

  8   plutôt nous leur avons dit : "Ecoutez, c'est à vous de régler la situation,

  9   c'est vous qui détenez ces personnes-là, c'est vous qui avez pris la

 10   décision, alors maintenant il vous appartient de trouver une solution au

 11   problème."

 12   Q.  Bien. Est-ce que quelqu'un vous a menacés lorsque vous vous êtes

 13   trouvés là-bas ?

 14   R.  Ecoutez, il y a cet homme qui s'est approché de nous. A l'époque, tout

 15   le monde avait des insignes, arborait ses insignes. Au début qu'il

 16   s'agissait d'un colonel ou de ce type de grade. Et je dois dire que Bjelica

 17   et moi-même, nous avons réagi de la même façon, de façon plutôt d'ailleurs

 18   explosive lorsque nous avons compris qu'il y avait des gens qui étaient

 19   détenus là. Mais cet homme nous a dit : "Ecoutez, si vous avez tant de

 20   compassion pour eux, est-ce que vous voudriez peut-être vous joindre à eux

 21   ?" Au début je pensais que c'était un officier, et par la suite, j'ai

 22   appris que c'était le truand du village qui, en fait, s'était épinglé en

 23   fait ses insignes. Il avait fait de la prison d'ailleurs auparavant.

 24   Q.  Donc vous avez dit que votre fonction consistait à inspecter ces

 25   endroits, parce qu'il y avait des histoires épouvantables qui été

 26   colportées à droite, à gauche, à propos de la façon dont les prisonniers

 27   étaient traités. Etant donné qu'on vous a dit qu'il y avait des gens qui

 28   étaient prisonnier là, dans ce bunker, et que vous nous dites en plus que

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  1   les conditions n'étaient absolument pas conforme, pourquoi est-ce que vous

  2   n'êtes pas allé vous-même voir ces prisonniers pour justement vous

  3   acquitter de vos obligations professionnelles ?

  4   R.  Ecoutez, je n'ai pas osé. Je n'ai pas osé surtout avec ce type qui est

  5   arrivé et qui avait l'air d'être officier. Comment est-ce que j'aurais pu

  6   savoir qui gérait la situation, qui faisait quoi ? Nous, nous étions

  7   nouveaux, donc ce n'est que pendant la réunion que nous avons appris

  8   certaines choses. La réaction dont je vous parle, c'est une  réaction que

  9   nous avons eue avant le début de la réunion.

 10   Q.  Mais est-ce que vous avez demandé, par exemple, qui étaient ces

 11   personnes qui étaient détenues là, est-ce qu'il s'agissait de civils ou

 12   est-ce qu'il s'agissait peut-être de personnes qui auraient été capturées

 13   lors de combats ?

 14   R.  On nous a dit qu'il s'agissait de prisonniers de guerre qui avaient été

 15   capturés lors de batailles à Vogosca, à Semizovac, et cetera.

 16   Q.  J'aimerais juste vous montrer quelques photographies pour bien

 17   m'assurer que nous parlons du même endroit. Je souhaiterais que la pièce 03

 18   -- attendez, est-ce que c'est déjà une pièce ? Non. Donc 03419.69, qui se

 19   trouve à l'intercalaire 38.1.

 20   Regardez cette photographie aérienne. Dites-nous, si vous êtes en

 21   mesure de le faire, où se trouvaient le restaurant Sonja et le bunker.

 22   R.  Voilà donc, vous voyez la route qui se divise là.

 23   Q.  Non, on va vous donner un stylet.

 24   R.  Voilà l'échangeur qui relie la route qui vient de Rajlovac et qui va

 25   vers Semizovac. Puis là, il y a la partie qui est reliée à Vogosca. Sonja,

 26   c'était là, dans le coin; le bunker, il était tout près, en fait.

 27   Q.  Bien. Est-ce que vous pourriez mettre le numéro 1 près de l'endroit où

 28   se trouvait le bunker.

Page 15593

  1   R.  Voilà, c'était à peu près là, si je n'ai pas fait d'erreur. Enfin, je

  2   pense que c'est ça, oui.

  3   Q.  Vous nous avez indiqué où se trouvait le bunker ou où se trouvait le

  4   restaurant Sonja ?

  5   R.  Le restaurant Sonja est là, voilà, là où je viens de vous montrer, puis

  6   le bunker, il est juste en dessous.

  7   Q.  Très bien.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Alors, est-ce que cela pourrait être admis,

  9   je vous prie, et versé au dossier.

 10   M. CVIJETIC : [interprétation] Un petit moment. Peut-être qu'en fait, il

 11   faudrait peut-être tout effacer et donner la possibilité au témoin de bien

 12   faire la part des choses et d'indiquer avec le numéro 1 et le numéro 2 où

 13   se trouve tout cela.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suis d'accord.

 15   Mme KORNER : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez nous indiquer, à l'aide du chiffre 1, où se

 17   trouvait le restaurant Sonja.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Bien. Et le bunker, alors ?

 20   R.  Ecoutez, je ne le vois pas, mais je crois qu'il doit être là, à peu

 21   près.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Je souhaiterais que cela soit versé au

 23   dossier.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Puis finalement -- ah non. Ce sera une pièce

 26   P. Qu'en est-il, Monsieur le Greffier d'audience ?

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1634, Messieurs les

 28   Juges.

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  1   Mme KORNER : [interprétation]

  2   Q.  J'aimerais que nous nous penchions très rapidement sur une photographie

  3   qui a déjà été versée au dossier, la pièce P1510, intercalaire 38.2.

  4   Q.  C'est une photographie assez récente, mais j'aimerais savoir -- enfin,

  5   c'est une photographie qui a été prise récemment, Monsieur Avlijas, mais

  6   j'aimerais savoir si c'est le bunker dont vous parliez avec le toit, qui

  7   n'existait pas à l'époque, bien sûr.

  8   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai vu.

  9   Q.  Bien, alors c'est parfait. Bon, bien. Bien. Je comprends très bien que

 10   le bâtiment que vous aviez vu n'avait pas de toit. Ça, je le comprends.

 11   R.  Oui, c'est exact. Il n'avait pas de toit.

 12   Q.  Mais si vous faites abstraction du toit sur la photographie, est-ce que

 13   cela ne pourrait quand même pas être le bunker ?

 14   R.  Ecoutez, si vous enlevez le toit, oui, oui, ce serait le bunker.

 15   Q.  Bien. Bien. Alors là, je ne pense pas que je puisse encore vous poser

 16   des questions à ce sujet. Vous nous dites qu'à cette occasion, vous êtes

 17   allé à Vogosca, ensuite à Alijas -- ah non, non. Non, non. Avant que nous

 18   n'oublions définitivement Vogosca, vous avez dit -- vous nous avez dit,

 19   plutôt, qu'on vous avait montré une maison où les prisonniers auraient pu

 20   être transférés; est-ce exact ?

 21   R.  Oui, c'est exact. Dans une localité qui s'appelle, Svrake.

 22   Q.  Vous vous souvenez de comment s'appelait cette maison -- ou plutôt,

 23   est-ce que vous avez appris par la suite comment s'appelait la maison en

 24   question ?

 25   R.  Par la suite, j'ai appris qu'on l'appelait la maison de Planja. Donc la

 26   maison de Planja, disais-je.

 27   Q.  Bien, la maison de Planjo. Alors, lorsque -- ou plutôt, qui vous a

 28   emmené dans cette maison ?

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  1   R.  Je ne sais pas. C'était des gens de Vogosca. Il y avait peut-être avec

  2   eux Brano Vlaco. Mais quoi qu'il en soit, c'était deux ou trois personnes,

  3   trois hommes du coin, qui connaissaient très bien cet endroit.

  4   Q.  Mais est-ce que vous avez demandé combien de personnes avaient été

  5   placées en détention, combien de personnes se trouvaient détenues dans ce

  6   bunker, et combien de personnes allaient être transférées dans cette

  7   maison, la maison de Planjo ?

  8   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas si j'ai posé la question ou non. Peut-

  9   être que j'ai posé la question, mais peut-être que je ne l'ai pas posée. Je

 10   ne m'en souviens pas.

 11   Q.  Alors, si vous ne saviez pas le nombre de personnes qui étaient

 12   détenues, comment est-ce que vous pouviez savoir si la maison de Planjo

 13   aurait pu loger et recevoir toutes ces personnes ?

 14   R.  Lorsque j'ai vu qu'ils détenaient des personnes dans un bunker qui

 15   était deux ou trois fois plus petit que la maison de Planjo, qui avait deux

 16   ou trois étages, je me suis dit que la maison de Planjo ne devrait pas

 17   poser de problème, qu'il y aurait assez de place. Cet endroit, en fait,

 18   était assez éloigné, donc peu susceptible d'être bombardé. Puis il y avait

 19   d'autres critères qui étaient requis également. Moi, je voulais avoir un

 20   endroit où l'on aurait pu donc -- où des gens auraient pu purger des

 21   peines, des peines qui auraient été données par le tribunal d'Ilidza. En

 22   fait, il s'agissait de trouver un endroit adéquat, ensuite il aurait fallu

 23   trouver cet endroit, ça faisait partie de leur travail.

 24   Q.  Vous nous avez expliqué déjà qu'il y avait trois catégories de

 25   prisonniers, mais j'aimerais savoir si vous aviez essayé d'apprendre qui

 26   avait ordonné la détention de ces personnes.

 27   R.  C'est la cellule de Crise qui l'a fait. Je sais qu'à Vogosca, la

 28   cellule de Crise fonctionnait, comme dans toutes les autres municipalités,

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  1   et c'était justement la cellule de Crise qui est allée chercher ce type

  2   d'endroits, ou c'étaient les commandants d'unité qui le faisaient, mais

  3   essentiellement, c'était la cellule de Crise qui s'occupait justement des

  4   lieux de détention. C'était eux qui s'occupaient de cela à l'époque. Je

  5   suppose qu'ils le faisaient probablement avec l'armée, parce qu'ils ne

  6   pouvaient pas faire cavalier seul à ce sujet.

  7   Q.  Non, non, vous ne m'avez pas bien comprise. Ce que je voulais savoir,

  8   c'est qui avait donné l'ordre de détention de ces personnes. Les gens qui

  9   se trouvaient dans le bunker, qui avait ordonné leur détention ?

 10   R.  Ah, la décision. La décision -- écoutez, j'ai répondu précisément à

 11   votre question. Qui avait pris la décision de faire de ces personnes des

 12   prisonniers et de les détenir là ? C'était cela votre question, n'est-ce

 13   pas ?

 14   Q.  Oui.

 15   R.  C'est la cellule de Crise qui l'a fait, et probablement le commandement

 16   de l'armée. Enfin, c'était logique, je suppose. Si l'on analyse de façon

 17   logique la situation qui prévalait sur le terrain, c'est comme ça que les

 18   choses se passaient. Mais je n'ai jamais vu de documents à cette fin.

 19   Personne ne m'a jamais montré quoi que ce soit dans une réunion.

 20   Q.  Mais à cette réunion où se trouvaient des membres de la cellule de

 21   Crise, il y avait M. Vlaco, il y avait également quelqu'un d'autre qui

 22   représentait le SJB. J'aimerais savoir, parmi toutes ces personnes

 23   présentes, qui était la personne qui avait donné l'ordre de détenir toutes

 24   ces personnes ?

 25   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas exactement. Nous étions trois, et c'est

 26   Milenko Bjelica, le président du tribunal, qui a joué le rôle essentiel.

 27   Maintenant, est-ce qu'il a posé cette question, je n'en sais rien. Moi, je

 28   vous réponds en me fondant sur ce qui s'est certainement passé dans la

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  1   pratique sur le terrain. Il est plus que vraisemblable que ce soit la

  2   cellule de Crise et le commandant du Groupe tactique qui s'occupaient de

  3   cette question.

  4   Q.  Bien.

  5   R.  Et si je peux poursuivre, je vous dirais que lorsque nous leur avons

  6   demandé d'où venaient ces prisonniers, ils nous ont dit qu'il s'agissait de

  7   personnes qui avaient été faites prisonnières dans des endroits où il y

  8   avait eu des conflits armés, à Semizovac, près de Srednje également, puis à

  9   Vogosca également. En fait, c'étaient des localités qui se trouvaient

 10   autour de Vogosca. Mais ils nous ont dit toutefois que c'était des gens qui

 11   avaient été faits prisonniers pendant des combats. C'est ce qu'ils nous ont

 12   dit. Mais nous n'avons pas vérifié s'il s'agissait véritablement de

 13   combattants ou non, mais c'est le commandant du corps qui avait pris la

 14   décision.

 15   Q.  Je suppose -- bon, c'est une question assez évidente que j'ai posée,

 16   mais, Monsieur Avlijas, est-ce que vous pensez que parmi vos

 17   responsabilités, vous deviez déterminer si ces personnes étaient détenues

 18   de façon illicite dans ces conditions ?

 19   R.  Non, non, non. Notre mission consistait à voir s'il y avait des

 20   prisonniers et où ces prisonniers étaient détenus. Pour ce qui est

 21   maintenant de la légalité et du caractère licite de cette question, c'est

 22   quelque chose qui relevait tout à fait exclusivement de la compétence de

 23   l'armée.

 24   Q.  Excusez-moi, mais comment se fait-il que cela relevait de la compétence

 25   de l'armée, à moins que ces personnes n'aient été justement faites

 26   prisonnières lors de combats, en tant que combattants justement ?

 27   R.  Nous, il nous avait été dit que ces gens avaient été faits prisonniers

 28   lors de combats. On nous a dit : Il s'agit de prisonniers de guerre, et

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  1   alors notre mission consistait à les informer du décret du président de la

  2   république et de les informer des consignes données par le ministre de la

  3   Défense, M. Subotic, à propos du traitement que l'on doit accorder aux

  4   prisonniers de guerre dans leur secteur. Donc nous leur avons fourni la

  5   Gazette officielle, les bulletins officiels, et cetera.

  6   Et je dois dire que j'ai réagi non pas seulement en tant que membre

  7   de cette commission, mais en tant qu'être humain qui respecte

  8   fondamentalement la loi et le droit. Les gens ne sont pas des animaux. Il y

  9   a quand même des dispositions -- il y a le droit de la guerre qui doit être

 10   respecté. Les être humains sont des être humains et ils doivent être

 11   traités en tant qu'être humains.

 12   Q.  Mais si ces personnes qui se trouvaient dans ce bunker étaient des

 13   prisonniers de guerre capturés par l'armée et que l'armée devait s'occuper

 14   d'eux, est-ce que ces personnes ne relevaient pas de la compétence du

 15   ministre de la Justice ?

 16   R.  Non, absolument pas. L'équipe qui agissait sur le terrain était censée

 17   agir au nom du gouvernement et au nom du ministère de la Défense. Elle

 18   était censée informer la cellule de Crise et les personnes qui géraient la

 19   situation des consignes à propos de ce qu'ils devaient faire sur le

 20   terrain. C'était le gouvernement, et non pas le ministère de la Défense,

 21   qui avait édité ces règlements. Et nous, nous devions informer les gens et

 22   leur dire comment ils devaient agir. Voilà ce qui était au cœur de notre

 23   mission. Nous ne voulions pas nous immiscer dans les affaires de l'armée.

 24   Q.  Et personne ne vous a jamais dit, ou vous n'avez jamais, en fait,

 25   découvert à aucun moment que ces personnes qui se trouvaient détenues

 26   étaient des civils ?

 27   R.  Non, personne ne nous l'a dit. Ils nous ont dit qu'il s'agissait de

 28   prisonniers de guerre qui avaient été capturés lors d'opérations de combat,

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  1   et je vous ai d'ailleurs déjà dit dans quel lieu. Tous les dirigeants de la

  2   cellule de Crise étaient présents. Le président de la municipalité était

  3   présent; M. Stanisic, M. Stanisic était présent du comité exécutif; il y

  4   avait M. Poplasen, le commissaire pour Vogosca. Puis il y avait d'autres

  5   représentants, des représentants militaires, et toutes les personnes qui

  6   étaient censées être présentes l'étaient d'ailleurs. Puis il y avait des

  7   représentants de la police également. Pour ce qui est du représentant de

  8   l'armée, je ne m'en souviens pas. Je n'en suis pas sûr.

  9   Q.  Bien. Nous allons donc consulter un autre document, puisque vous avez

 10   mentionné le nom de M. Poplasen.

 11   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, nous

 12   pencher sur la pièce 1D00-095, qui correspond à votre intercalaire 9.

 13   Q.  Donc vous voyez que la date est la date du 26 juin. Est-ce que cela

 14   date d'après la réunion que vous avez eue avec M. Poplasen et toutes les

 15   autres personnes que vous avez mentionnées ?

 16   R.  Oui, c'est exact. Oui, c'est après la réunion, et je pense l'avoir déjà

 17   mentionné à maintes reprises. Bon, il se peut que cela se soit passé le 11

 18   ou le 12 juin. Donc cette lettre, elle date d'après la réunion, donc après

 19   que nous avons exprimé nos suggestions.

 20   Q.  Bien. S'il s'agissait de questions militaires avec des prisonniers de

 21   guerre et tout ce qui s'ensuit, est-ce que vous savez pourquoi dans cette

 22   lettre M. Poplasen dit :

 23   "Etant donné que la prison à Vogosca est considérée prison illégale

 24   par notre règlement, cette prison doit être immédiatement transformée en un

 25   département pénitentiaire et correctionnel à Butmir ou à Pale…" ?

 26   R.  Ecoutez, le Pr Poplasen a une licence en sciences politiques. Je

 27   suppose qu'il n'était pas au courant de ces questions. Il n'avait pas de

 28   conseiller pour lui expliquer tout cela. Je pense que là il a confondu deux

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  1   institutions. Nous, nous étions venus pour trouver une prison, et je pense

  2   que c'était le but de notre mission, après tout. Je pense qu'il a mélangé

  3   un peu les genres là; il a confondu un camp avec une prison. Donc nous,

  4   nous voulions avoir une structure où les gens pourraient être détenus,

  5   logés dans des conditions dignes de ce nom.

  6   Q.  Donc vous êtes en train de dire qu'il a commis une erreur. Donc vous

  7   êtes allé --

  8   R.  Oui, tout à fait. Parce que nous n'avons pas parlé de cela, et ce n'est

  9   absolument pas l'information que nous avons transmise à nos supérieurs.

 10   Q.  Donc vous n'avez jamais dit à M. Poplasen ou à quelqu'un d'autre

 11   d'ailleurs : "Cette prison est complètement illégale" ?

 12   R.  Non. Nous n'étions pas habilités à parler de la création de lieux de

 13   rassemblement, de camps de rassemblement, de camp de réfugiés, ou je ne

 14   sais pas comment vous voulez les appeler. Nous, nous étions habilités à

 15   nous occuper des prisonniers de guerre. Si on trouvait des prisonniers de

 16   guerre, on disait à ceux qui s'en occupaient qu'ils étaient tenus de les

 17   héberger de façon correcte, leur fournir tout ce qui était prévu au titre

 18   des conventions de Genève et du droit de la guerre, sans rentrer dans les

 19   détails, sans leur demander quelles étaient les installations dont ils

 20   disposaient, et cetera, puisqu'ils étaient sous la juridiction du Groupe

 21   tactique ou du commandement du corps ainsi que de la cellule de Crise.

 22   Q.  Très bien. Encore une question. Nous quittons Vogosca, mais j'ai

 23   toujours une question quand même à propos de Vogosca. Vous dites que --

 24   parlant de la maison de Planjo, était-ce un centre de détention, une prison

 25   ?

 26   R.  Oui. C'était une maison d'arrêt qui a été mise en place là-bas, et les

 27   prisonniers ont été transférés là-bas. En ce qui concerne cette maison

 28   d'arrêt, je ne peux pas vraiment vous dire ce qui lui est arrivée par la

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  1   suite parce que moi j'ai beaucoup voyagé. J'ai passé un mois et demi à

  2   Banja Luka à traiter des échanges, ensuite j'ai passé à Bijeljina. Donc

  3   pour savoir ce qui s'est passé dans cette maison d'arrêt, si vous voulez

  4   savoir si le tribunal d'instance d'Ilidza y envoyait des prisonniers ou

  5   pas, il faudrait que vous vérifiiez avec les présidents de ces tribunaux

  6   qui, justement, s'occupaient de cette maison d'arrêt.

  7   Q.  Très bien. Est-ce que le ministre de la Justice a repris la mission qui

  8   était celle de la police ou qui donc gardait les installations au bunker

  9   une fois qu'ils ont été déplacés dans la maison de Planjo ?

 10   R.  Tout ce que je sais, c'est que la municipalité avait rendu une décision

 11   portant sur cette propriété abandonné selon laquelle elle pouvait être

 12   convertie en maison d'arrêt. Je crois que c'est ce qui s'est passé.

 13   Ensuite, ils ont créé un département d'enquêtes, nommé une personne pour le

 14   diriger et d'autres personnes qui ont été nommées à différents postes. Le

 15   but était d'avoir un service chargé des enquêtes qui servirait de maison

 16   d'arrêt, alors que les autres seraient envoyés à Butmir.

 17   Q.  Très bien. Vous pouvez nous dire exactement quand le ministère de la

 18   Justice a pris le contrôle de la maison de Planjo ?

 19   R.  En juillet, à un moment où un autre. Je ne m'en souviens plus très

 20   bien. Je ne m'en suis plus occupé par la suite.

 21   Q.  Bien. Passons à Ilijas. Parce que vous avez visité le centre à Vogosca,

 22   êtes-vous aussi allé à Ilijas ?

 23   R.  Oui. J'ai assisté à la réunion à Ilijas. Milorad n'est pas venu. C'est

 24   Bjelica et moi qui sommes allés. On a rencontré la cellule de Crise. Le

 25   président de la cellule de Crise et ses associés étaient présents à la

 26   réunion.

 27   Q.  Avez-vous vu le centre de détention d'Ilijas ?

 28   R.  Oui. Ils nous en ont parlé, ils nous ont dit qu'il y avait des

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  1   prisonniers dans ce centre. Au vu de ce qui s'était passé à Vogosca, on a

  2   demandé à nous rendre sur place pour voir comment ils étaient détenus. On

  3   est allés sur place et on s'est rendu compte qu'ils étaient détenus dans

  4   une espèce d'entrepôt. Il me semble que c'était près du chemin de fer entre

  5   Ilijas et Podlugovi.

  6   Q.  Bien. Je vais vous montrer des photographies dans une minute, mais

  7   j'aimerais savoir la chose suivante. Vous dites : "Au vu de ce qu'on avait

  8   vu à Vogosca, on a demandé où ils détenaient leurs prisonniers." Vous dites

  9   "au vu de ce qu'on avait vu à Vogosca." Ça veut dire quoi exactement ? A

 10   Vogosca, vous vous étiez tout d'un coup rendu compte qu'il y avait des

 11   prisonniers ?

 12   R.  Non, non, je pense que vous m'avez mal compris. Au vu de ce qu'on avait

 13   vu à Vogosca, pour exactement pour la même raison, nous voulions qu'ils

 14   soient plus informés des décrets et les instructions qui s'appliquaient, et

 15   ensuite on leur a demandé de voir la prison.

 16   Q.  Mais pourquoi avez-vous demandé de voir la prison d'Ilijas, alors qu'à

 17   Vogosca vous ne l'avez pas fait ?

 18   R.  A Vogosca, on était carrément devant le bâtiment. C'était épouvantable,

 19   et j'ai eu très peur. J'étais terrifié de cette personne qui m'avait

 20   menacé. On ne pouvait pas vraiment voir ce qui se passait à l'intérieur,

 21   mais il y avait des gens qui étaient devant l'installation, et vous voyez

 22   bien de quel type de bâtiment il s'agissait. Comment voulez-vous que les

 23   conditions soient bonnes dans un bâtiment pareil, un bunker allemand avec

 24   des meurtrières de 30 centimètres carrés ? Enfin, ça suffit quand on voit

 25   ça. Rien que l'idée de détenir des personnes dans un lieu pareil, on voit

 26   bien ce que ça peut faire, donc ma conclusion c'est que c'était pas du tout

 27   un lieu correct, et c'est pour ça que j'ai réagi.

 28   Q.  Vous avez demandé de voir les prisonniers détenus dans cet entrepôt.

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  1   Vous a-t-on emmené là-bas ?

  2   R.  Oui, oui. Nous sommes allés voir les prisonniers et certaines personnes

  3   se sont entretenues avec moi. Etant donné que j'étais le médiateur de la

  4   municipalité, j'en connaissais certains. On s'est entretenus. On a parlé

  5   ensemble. Ils étaient dans cet entrepôt, et je sais qu'il y avait des

  6   barres aux fenêtres. Nous étions de l'autre côté de la fenêtre. C'est

  7   facile d'imaginer quel était leur état d'esprit. Ces prisonniers, ils

  8   s'accrochaient à n'importe quoi. Ils voulaient savoir si on pouvait faire

  9   quelque chose pour améliorer les conditions.

 10   Je leur ai dit qu'il y avait peut-être possibilité d'échanges, peut-

 11   être qu'ils seraient inclus dans les échanges et que les médias relataient

 12   qu'il y avait beaucoup de personnes qui devaient être échangées.

 13   Je n'en ai pas dit plus, et je leur ai suggéré de demander des

 14   conditions meilleures.

 15   Q.  Mais vous en connaissiez certains, et ils vous connaissaient ?

 16   R.  Oui, je pense que la plupart d'entre eux m'ont reconnu. Ils me

 17   connaissaient. Je ne peux pas dire vraiment que je les connaissais. La

 18   plupart des travailleurs à Ilijas me connaissaient, parce que je rendais

 19   souvent visite aux usines sur place, parfois dix fois par mois, donc ils

 20   savaient que j'étais le médiateur municipal.

 21   Q.  Oui. Mais alors s'agissait-il de civils ou de personnes qui avaient été

 22   capturées dans le cadre de combats contre l'armée serbe ?

 23   R.  C'était la même chose à Ilijas et Vogosca. On m'a dit qu'il y avait eu

 24   des combats autour de Ljesevo, qui se trouve juste à l'extérieur de

 25   Podlugovi, et il semblerait que ces gens ont été capturés lors de combats.

 26   Je ne sais pas si c'était vrai ou pas, mais on m'a dit qu'ils avaient tous

 27   été capturés lors de combats.

 28   Q.  Et d'après vous, combien de personnes y avait-il dans cet entrepôt, en

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  1   gros ?

  2   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne peux pas vous le dire comme ça, de but

  3   en blanc. Mais ils étaient entassés, en tout cas.

  4   Q.  Et les gens qui sont venus vous parler, leur avez-vous demandé :

  5   "Etiez-vous en train de combattre l'armée de la Republika Srpska ?"

  6   R.  Non, je ne leur ai pas posé la question. Je ne me suis pas entretenu

  7   avec eux à ce sujet. Les gens me demandaient de l'aide, surtout. Ils

  8   voulaient savoir si les conditions pouvaient être améliorées. Donc on a

  9   juste échangé quelques bribes de phrases. Rien de plus. Je peux peut-être

 10   expliquer les choses. Il y avait des paramilitaires qui tournaient autour

 11   de l'entrepôt. Il fallait faire attention à sa propre vie. On ne savait

 12   jamais ce qui allait se passer autour de ce type d'installations.

 13   Q.  En fait, si je lis au travers des lignes, vous êtes en train de dire

 14   que vous aviez peur que les paramilitaires entendent vos propos ?

 15   R.  Mais oui, absolument. Tout le monde ne raisonnait pas de la même façon

 16   que nous.

 17   Q.  Bien. J'ai une série de photographies à vous montrer, à l'intercalaire

 18   36, le 03419.67.

 19   S'agit-il de l'entrepôt dont vous parliez ?

 20   R.  Non. Ça c'est la gare de Podlugovi.

 21   Q.  Bien.

 22   R.  Et juste en face, il y a un café très sympathique appelé Jadran.

 23   Q.  Bien. Donc vous identifiez cette photographie comme étant une

 24   photographie de la gare ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et la gare de quelle municipalité ? Où se trouve cette

 27   gare ?

 28   R.  Ecoutez, hier au cours du récolement, vous m'avez montré le bunker.

Page 15605

  1   Donc je suis sûr que vous avez la photo.

  2   Q.  Oui, mais --

  3   R.  Parce que la photo que vous m'avez montrée pour Vogosca, ce n'est pas

  4   la bonne, j'en suis sûr.

  5   Q.  Bien. Mais procédons par étapes -- la photographie suivante que vous

  6   trouverez dans le classeur, la 03419.68.

  7   Pourriez-vous nous dire si vous arrivez à repérer l'entrepôt sur

  8   cette photographie ?

  9   R.  Ce n'est pas très clair. Mais je pense que nous avons le chemin de fer

 10   -- n'est-ce pas ?

 11   Q.  Malheureusement, je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas censée

 12   témoigner. Bon, nous reprendrons les photographies demain. Je pense que je

 13   vais laisser tomber pour l'instant.

 14   Bon. Ne perdons pas de temps aujourd'hui. Nous reprendrons ça demain.

 15   Donc après votre visite à Vogosca et à Ilijas, avez-vous fait rapport à M.

 16   Mandic à propos de ce que vous aviez vu ?

 17   R.  Milenko Bjelica était le chef d'équipe. C'était donc à lui d'écrire le

 18   rapport, mais je ne sais pas du tout s'il l'a fait. C'était le président du

 19   tribunal.

 20   Q.  Oui, mais vous travailliez avec M. Mandic. Peut-être lui avez-vous

 21   rendu compte oralement ou bien par écrit, juste pour lui dire ce que vous

 22   aviez vu au cours de votre voyage ?

 23   R.  Mais moi je pensais que c'était à Bjelica d'informer le ministre.

 24   C'était lui qui était chargé de cela. Je les ai informés verbalement

 25   lorsque je leur ai fait un petit briefing sur ce qui se passait sur le

 26   terrain, mais Bjelica était le chef d'équipe et c'était lui qui était tenu

 27   d'écrire le rapport. Je les ai informés verbalement lorsque je leur ai fait

 28   un petit briefing sur ce qui se passait sur le terrain. Mais Bjelica était

Page 15606

  1   le chef d'équipe, et c'était lui qui était tenu d'écrire le rapport.

  2   Q.  Oui. Mais vous avez dit : "Je les ai informés verbalement." Qui

  3   sont ces "les" ? Qui avez-vous informé ?

  4   R.  Momcilo Mandic, le ministre.

  5   Q.  Avez-vous vu à un moment ou un autre le rapport que ce M. Bjelica

  6   aurait dû donner à M. Mandic ?

  7   R.  Non, je ne l'ai jamais vu.

  8   Q.  Mais normalement, la procédure était que lorsqu'on faisait une

  9   inspection, le rapport devait être diffusé aux membres de l'équipe

 10   d'inspection avant d'être soumis au supérieur ?

 11   R.  Oui, enfin, lorsque les temps sont normaux, c'est comme ça que ça se

 12   passe, mais à l'époque, souvenez-vous, on n'avait rien. Donc je ne peux pas

 13   vraiment dire quoi que ce soit à ce propos.

 14   Q.  Très bien. Mais vous avez quand même parlé à M. Mandic à propos de ce

 15   que vous aviez vu. A-t-il dit quoi que ce soit à propos de ce qu'il

 16   convenait de faire maintenant ou de ce qu'il allait faire au vu de ce que

 17   vous lui aviez appris ?

 18   R.  Il en a sans doute rendu compte à la personne qui nous avait donné les

 19   premières instructions, et on a sans doute demandé que les gens de Vogosca

 20   et d'ailleurs soient transférés ailleurs dans un meilleur endroit.

 21   D'ailleurs, peu de temps après noter visite, ces personnes ont été

 22   transférées et ont quitté ces installations indignes.

 23   Q.  Donc vous nous avez dit qu'en ce qui concerne ce bunker à Vogosca, qui

 24   vous a tellement effrayé, vous avez dit que l'homme qui était responsable

 25   du bunker était un M. Vlaco. Pourrions-nous avoir le document 1D00-339, à

 26   l'intercalaire 14.

 27   Je pense, malheureusement, que l'exemplaire n'est pas très bon.

 28   R.  Oui, oui, je connais la teneur du document.

Page 15607

  1   Q.  Bien. C'est en date du 21 juillet 1992. Il s'agit d'une décision venant

  2   du ministère de la Justice, et il y a une signature. A qui est la signature

  3   ?

  4   R.  C'est ma signature.

  5   Q.  Donc c'est une lettre qui nomme un monsieur "Blaco," mais je pense que

  6   c'est Vlaco, "de Vogosca, qui doit être directeur du centre de détention" -

  7   -

  8   R.  Oui, oui.

  9   Q.  "-- pénal et correctionnel de Butmir… et en l'absence du directeur, le

 10   commandant des gardes devra effectuer les fonctions suivantes," bla, bla,

 11   bla.

 12   Etant donné que c'était cette personne qui allait être responsable de ce

 13   centre absolument consternant, pourquoi avez-vous signé pour qu'il devienne

 14   directeur du centre de Butmir ?

 15   R.  Il faut dire au début qu'il fallait de toute façon qu'on fasse quelque

 16   chose pour qu'il y ait un service de détention à Vogosca, qui serait sous

 17   la compétence du tribunal d'Ilidza. Une fois ce service mis en place, il

 18   fallait maintenant trouvé du personnel pour s'en occuper. Il est vrai que

 19   Branko Vlaco était au bunker, mais ce n'est pas une décision que j'ai

 20   prise. Je l'ai signé, parce que c'est ce que le ministre avaient convenu

 21   avec la cellule de Crise. C'était la cellule de Crise qui avait recommandé

 22   son nom. Et sa décision a été prise parce Branko Vlaco ne devait pas être

 23   mobilisé sur la ligne de front, mais devait plutôt travailler au ministère

 24   de la Justice.

 25   Alors comment est-ce qu'on en est venu à signer le document ? Parce

 26   que le ministre Mandic n'était pas à Butmir où se trouvait le ministère. Il

 27   participait à une séance de gouvernement. Donc M. Branko laco est venu pour

 28   chercher des équipements pour Vogosca, il fallait qu'il traverse plus de

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  1   100 kilomètres de route sinueuse pour arriver à Kula. Donc il venu ici et

  2   le ministre était absent mais il avait besoin d'une décision pour avoir les

  3   permis nécessaires pour son obligation de travail. Donc tout ça a été

  4   organisé avec le ministre. Moi, tout ce que je devais faire, c'est rédiger

  5   un papier à ce propos qui suivait les décisions précédentes. Le ministre

  6   m'a dit qu'il fallait que je le signe en son nom pour que Branko ne rentre

  7   pas les mains vides. Donc je n'étais pas chargé du personnel, de la

  8   politique du personnel. J'étais là pour suivre, puis pour mettre en œuvre

  9   tout ce qui était technique. Donc si je peux rajouter, je n'ai ni approuvé

 10   ni été contre ce type de décision.

 11   Q.  Oui bon. Revenons-en à la décision. Ce n'est pas votre décision, mais

 12   celle de M. Mandic. Mais vous avez dit que vous avez quand même rendu

 13   compte à M. Mandic, par oral, en lui disant ce qu'il aurait été de Vogosca.

 14   Lui avez-vous bien expliqué qu'il y avait ce bunker, cet endroit absolument

 15   épouvantable et consternant qui était sous la direction de cet homme qui

 16   s'appelait Vlaco ?

 17   R.  Il était sans doute bien plus connu que moi. Tout le monde savait qui

 18   était Vlaco. Il était en contact avec la cellule de Crise. Voilà comment ça

 19   marchait en matière de personnel. Je vais vous expliquer. Les interprètes

 20   demandent au témoin de ralentir et de répéter sa réponse.

 21   Mme KORNER : [interprétation] C'est bien dommage, parce que moi, j'ai

 22   entendu les mots SDS.

 23   Q.  M. le Témoin, je suis désolée, il faut absolument que vous ralentissiez

 24   parce que les interprètes n'arrivent pas à vous suivre, vous parlez trop

 25   vite. Donc vous voulez nous expliquer la façon dont fonctionnait la

 26   politique de personnel. Reprenez, s'il vous plaît.

 27   R.  Je vais vous parler de la politique du personnel sur le terrain.

 28   C'étaient les cellules de Crise qui décidaient avec le Parti démocratique

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  1   serbe. Tout le monde le sait, c'est de notoriété publique.

  2   Q.  Ce monsieur Vlaco, il venait de Vogosca. Butmir, c'est la prison de

  3   Kula, et cela se trouve à Ilidza.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, quelle cellule de Crise a demandé que ce

  6   M. Vlaco soit nommé directeur de Butmir ?

  7   R.  La cellule de Crise de Vogosca.

  8   Q.  Mais comment est-ce que Vogosca pouvait influencer M. Mandic, en tout

  9   cas l'influencer à propos de la nomination du directeur de la prison à

 10   Butmir ?

 11   R.  Il faut que je vous explique. Le service des institutions

 12   correctionnelles qui avait été créé à Vogosca était une branche de la

 13   structure organisationnelle de l'essentiel des installations

 14   correctionnelles qui se trouvaient à Butmir. Donc ce n'est pas une

 15   association indépendante. C'est une branche, en fait, d'une institution qui

 16   recouvrait l'essentiel. Donc ça s'est passé à l'époque. Cette branche avait

 17   été mise en place dans des conditions qui existaient à l'époque. Il était

 18   très difficile de communiquer à l'époque entre le tribunal et toutes les

 19   installations. C'est pour ça qu'on avait la branche de Vogosca qui avait

 20   été créée.

 21   Q.  Finalement, pour en finir avec cela, vous avez signé ce document au nom

 22   de M. Mandic. Donc vous pouviez signer les documents officiels. Y a-t-il eu

 23   une occasion, à un moment ou à un autre, où vous auriez signé un document

 24   officiel sans l'autorisation de M. Mandic.

 25   R.  Non, ça aurait été impossible puisque chaque document était enregistré.

 26   Il y avait le cachet du ministre de la Justice que détenait la secrétaire

 27   de M. Mandic. Donc c'était le bras droit de M. Mandic. Même théoriquement,

 28   il était parfaitement impossible que l'on puisse signer un document au nom

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  1   de M. Mandic sans qu'il ne le sache.

  2   Q.  Très bien. Un dernier document maintenant, le P1318.33.

  3   Il s'agit d'une lettre. Il se peut que ce soit un projet de lettre,

  4   parce que ce n'est pas signé. Donc c'est une lettre rédigée par

  5   M. Mandic envoyée à Vogosca portant sur votre demande d'obliger les détenus

  6   à travailler de façon temporaire soit sur des travaux de construction, soit

  7   autre.

  8   Donc il y a des lettres, il y a une mention manuscrite que le

  9   traducteur n'a visiblement pas été capable de déchiffrer. Mais pouvez-vous

 10   le déchiffrez, reconnaissez-vous l'écriture ?

 11   R.  "Note : Discussion avec le ministre le 10 avril 1992. Approbation

 12   obtenue." Signé par Vlaco.

 13   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète. Il s'agit du 10 août 1992.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Et vous reconnaissez l'écriture de M. Vlaco ?

 15   R.  Je n'ai jamais communiqué avec lui par écrit. Donc je n'ai aucune idée

 16   de sa signature.

 17   Q.  Au mois d'août, M. Vlaco avait été nommé directeur de la prison, pas de

 18   la maison d'arrêt, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, il avait été nommé directeur du service des maisons d'arrêt et de

 20   redressement à Vogosca; c'est bien cela.

 21   Q.  Etant donné qu'il était sous l'égide du ministère de la Justice, il

 22   était censé traiter de prisonniers civils, non de prisonniers de guerre.

 23   Alors, je dis de civils, je parle de gens qui ne sont pas des prisonniers

 24   de guerre.

 25   Q.  Oui. Je peux vous expliquer quelle était la catégorie dans laquelle

 26   tombait ces prisonniers-là. On nous a expliqué que ces personnes avaient

 27   été capturées pendant les combats. Ils ont été remis par le commandement du

 28   1er Corps de Sarajevo-Romanija au KP Dom. Ils n'avaient pas d'installations

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  1   pour les héberger. Ils ont

  2   dit : "Ecoutez, c'est à vous de les garder, à vous de les nourrir." Et

  3   après, le reste, tout s'est fait avec l'approbation de l'armée. Je ne sais

  4   pas du tout ce que Mandic avait à voir avec cela. Je ne peux vraiment pas

  5   vous dire grand-chose à propos de ce document.

  6   Q.  Oui, mais comment savez-vous à quel type de prisonnier ce document fait

  7   référence ?

  8   R.  Je le sais, parce qu'il n'y avait pas de prison là-bas. La prison

  9   n'était pas là-bas. Il n'y avait pas de prisonniers, de personnes qui

 10   avaient été condamnées. Il ne pouvait y avoir là-bas que des personnes qui,

 11   en application du Code de procédure pénale, se voyaient interdit tout

 12   contact avec l'extérieur, et on ne pouvait pas recourir à eux pour

 13   accomplir quelque travail que ce soit.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Je souhaiterais obtenir des précisions du

 15   témoin, mais je note l'heure.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Les interprètes demandent au témoin

 17   de répéter la dernière phrase.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Bien.

 19   Q.  Vous avez dit que : "Tout contact était interdit entre les condamnés et

 20   l'extérieur, et qu'ils ne pouvaient pas être utilisés pour être envoyés à

 21   des travaux."

 22   Est-ce que vous avez dit autre chose à cela ?

 23   R.  J'ai parlé des détenus, des personnes condamnées.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  Il y a une différence la notion de personnes condamnées et la notion de

 26   personnes en détention, au sujet de laquelle une instruction est en cours.

 27   Q.  Mais j'essaie de comprendre le point suivant : il s'agissait de

 28   prisonniers qui ne pouvaient pas être envoyés à des travaux. S'il

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  1   s'agissait bien de prisonniers de ce type-là, il s'agissait donc de

  2   prisonniers de guerre. Mais pourquoi dans ce cas-là M. Mandic était-il

  3   impliqué, parce qu'il n'avait aucune autorité en matière de prisonniers de

  4   guerre ?

  5   R.  Ce n'est pas clair pour moi non plus. Il n'y avait pas compétence, ni

  6   il ne pouvait être en contact. Parce que sans l'assentiment du commandement

  7   du groupe tactique, on ne pouvait pas recourir aux prisonniers de guerre à

  8   Vogosca, et je suis d'accord avec vous pour dire que je ne vois pas d'où il

  9   tirait sa compétence.

 10   Quant au ministère de la Justice, il n'avait rien à voir, aucune compétence

 11   en tout cas dans ce domaine particulier.

 12   Q.  Mais si les personnes détenues dans cette infrastructure dont M. Vlaco

 13   était le directeur n'avaient pas été des prisonniers de guerre, mais des

 14   personnes qui, bien que placées en détention avaient été des civils, est-ce

 15   que M. Mandic dans ce cas-là aurait dû être considéré comme ayant

 16   compétence les concernant ?

 17   R.  Non.

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, mais je

 19   pense que la question est directrice.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre ?

 21   Mme KORNER : [interprétation] C'est la dernière question que je voulais

 22   poser. Le témoin souhaite répondre. Peut-être serait-il préférable de le

 23   laisser faire.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, et après nous levons l'audience.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Très bien.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Personne chez nous ne s'intéressait et ne

 27   s'occupait de la catégorie des personnes ou des hommes qui avaient été

 28   faits prisonniers. J'essaie de distinguer trois catégories de personnes qui

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  1   étaient retenues en détention dans des circonstances malheureuses, là où il

  2   ne convenait pas qu'elles soient placées, à savoir dans la maison d'arrêt

  3   et de redressement. Il s'agissait de personnes qui avaient été faites

  4   prisonnières, et je suis d'accord pour dire que s'il s'agissait de civils,

  5   leur place ne se trouvait pas dans un camp. S'il s'agissait de prisonniers,

  6   probablement que oui. A l'inverse.

  7   Ceci dit, Monsieur Mandic, même s'il s'était agi de civils, n'aurait

  8   exercé aucune compétence, parce qu'ils avaient été traités comme des

  9   prisonniers de guerre. M. Mandic ne peut avoir compétence que s'il

 10   s'agissait de personnes condamnées pour purger leurs peines, et dans ce

 11   cas-là c'était le département d'application des peines qui était chargé de

 12   contrôler la façon dont les peines étaient purgées et appliquées, et

 13   également dans le cas où il s'agissait de vérifier si le Code de procédure

 14   pénale était bien respecté et si le règlement d'application en matière

 15   d'application des peines était également bien respecté.

 16   Quant à cette autre partie dont j'ai parlé, j'ai parlé de personnes

 17   qui ont été faites prisonnières. Il convient donc de distinguer, de

 18   déterminer si c'est en qualité de soldats ou de civils qu'ils ont été faits

 19   prisonniers. Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet ni ne dispose

 20   d'informations ni de connaissance en la matière.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous levons l'audience jusqu'à demain.

 23   Monsieur Avlijas, je vous rappelle que vous avez prêté serment. Pour

 24   conséquent, vous ne pouvez communiquer avec aucune des parties dans la

 25   présente affaire, et dans toute discussion que vous seriez susceptible

 26   d'avoir avec des personnes à l'extérieur de ce prétoire, vous n'êtes pas

 27   autorisé à aborder le sujet de votre déposition.

 28   L'huissier va à présent vous raccompagner. Nous reprendrons nos

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  1   débats demain à 9 heures.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   --- L'audience est levée à 16 heures 07 et reprendra le vendredi 8

  4   octobre 2010, à 9 heures 00.

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