Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 15 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  6   les Juges. Bonjour à tout le monde dans le prétoire et autour du prétoire.

  7   C'est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan

  8   Zupljanin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier d'audience.

 10   Bonjour à tout le monde.

 11   Les parties peuvent-elles se présenter.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour le

 13   bureau du Procureur, Alexis Demirdjian, Thomas Hannis et Crispian Smith.

 14   M. CVIJETIC : [interprétation] Pour la Défense de M. Stanisic, Slobodan

 15   Cvijetic et Eugene O'Sullivan.

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Dragan

 17   Krgovic et Aleksandar Aleksic pour la Défense de M. Zupljanin.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. D'abord,

 20   pouvez-vous me dire si vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends très bien.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu au Tribunal

 23   international pour déposer. Vous allez lire le texte de la déclaration

 24   solennelle par lequel les témoins sont tenus de dire la vérité.

 25   Et je dois dire que la déclaration solennelle que vous allez

 26   prononcer veut dire que si vous faites un faux témoignage devant ce

 27   Tribunal, vous risquez d'être sanctionné d'après le règlement du Tribunal.

 28   Maintenant, vous pouvez prononcer la déclaration solennelle.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

  2   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : RAMIZ SUBASIC [Assermenté]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  6   Monsieur le Témoin, est-ce qu'on peut commencer par vous demander de nous

  7   dire votre nom et prénom, la date et lieu de naissance.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Ramiz Subasic. Je suis né le 6

  9   mai 1954, dans la municipalité de Kljuc.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Subasic. Quelle est

 11   votre appartenance ethnique ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Bosnien.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quelle est votre profession

 14   aujourd'hui, qu'est-ce que vous faites aujourd'hui ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis installateur en construction naval,

 16   mais pour le moment je suis sans emploi.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur. Monsieur, est-ce que

 18   c'est la première fois que vous déposez devant ce Tribunal, avez-vous déjà

 19   déposé devant ce même Tribunal ou devant une autre instance judiciaire d'un

 20   autre pays ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà déposé devant ce Tribunal avant,

 22   mais je n'ai jamais témoigné devant une juridiction nationale.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc vous savez à peu près

 24   quelle est la procédure appliquée devant ce Tribunal. Le bureau du

 25   Procureur va vous poser des questions en premier, et les représentants du

 26   bureau sont à votre droite, après quoi les deux équipes de la Défense vont

 27   vous poser des questions dans le cadre du contre-interrogatoire, et après

 28   cela les questions supplémentaires pourront être posées, et les Juges aussi


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  1   pourront avoir des questions à vous poser.

  2   Nous allons siéger une demi-journée, à savoir de 9 heures jusqu'à 13 heures

  3   45, et nous allons faire des pauses de 20 minutes après une heure et demie

  4   d'audience. Mais si pour une raison ou une autre vous avez besoin de faire

  5   une pause supplémentaire, vous pouvez nous le dire et nous allons faire de

  6   notre mieux.

  7   Cela était tout ce que je voulais vous dire, Monsieur Demirdjian, vous avez

  8   la parole.

  9   Interrogatoire principal par M. Demirdjian :

 10   Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Subasic.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Dans votre réponse à la question du Juge Delvoie vous avez dit que vous

 13   êtes né dans la municipalité de Kljuc. Pouvez-vous nous dire dans quelle

 14   partie de la municipalité de Kljuc vous êtes né.

 15   R.  Je suis né à Donji Biljani, au village de Donji Biljani à 17 kilomètres

 16   de Kljuc, et cela appartient à la municipalité de Kljuc.

 17   Q.  Avant l'éclatement de  la guerre en Croatie en 1991, est-il vrai que

 18   vous habitiez Karlovac, en Croatie ?

 19   R.  Oui. Je travaillais à Karlovac, et j'avais une maison en Bosnie au

 20   village de Donji Biljani. Je travaillais à Karlovac en Croatie.

 21   Q.  Est-ce vrai qu'à un moment donné en 1991 vous avez quitté la Croatie et

 22   vous avez rejoint votre famille à Donji Biljani ?

 23   R.  Lorsque la guerre a commencé en Croatie, j'ai pris le dernier bus

 24   allant vers la Bosnie, et je ne pouvais plus retourner en Croatie à mon

 25   beau travail, c'est pour cela que j'ai été licencié.

 26   Q.  Bien. Pouvez-vous dire à la Chambre de première instance quelle est la

 27   composition ethnique de la population à Donji Biljani ?

 28   R.  Quatre-vingts dix neuf pour cent étaient des Bosniens au village de


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  1   Donji Biljani, autour de ce village il y avait des Serbes qui y vivaient,

  2   autour du village de Donji Biljani.

  3   Q.  Lorsque vous dites "autour", à quels villages pensez-vous ?

  4   R.  Il s'agit des village de Loncari, de Gologlavo, une partie du village

  5   de Donji Sanica, le village de Lakici vers Kljuc, le village de Kopjenica.

  6   C'étaient les villages serbes. Et Biljani, il y avait Donji Biljani, Gornji

  7   Biljani, c'étaient des villages bosniens ou musulmans.

  8   Q.  Merci. J'aimerais qu'on revienne à l'année 1992 maintenant. Puisqu'on

  9   vous a déjà expliqué, et puisque d'autres témoins ont témoigné avant vous,

 10   puisque que c'était par rapport à des événements concrets, pouvez-vous

 11   d'abord dire à la Chambre si à un moment donné vous avez dû rendre vos

 12   armes ?

 13   R.  Oui. C'était vers la date du 1er juin ou par là. Ils partaient dans des

 14   villages et ils nous disaient de rendre nos armes, c'est ce que j'ai fait.

 15   Par la suite j'avais deux carabines, deux fusils de chasse de production de

 16   Crvena Zastava, 8 X 57, et j'avais un fusil à plomb de production russe.

 17   C'est ce que j'ai rendu à Gornja Sanica. Là-bas à la gare, en fait il

 18   s'agissait d'un train vieux qui s'appelait Ciro, mais je ne pense que cela

 19   existe toujours, il y avait un bâtiment à cette localité et c'est là-bas où

 20   nous avons rendu nos armes.

 21   Q.  Vous avez dit qu'ils partaient dans des villages et nous disaient que

 22   nous devions rendre nos armes. Lorsque vous avez dit "eux", à qui avez-vous

 23   pensé ?

 24   R.  Il s'agissait d'un minibus à bord duquel il y avait des membres de

 25   l'armée. Je ne sais pas mais ils portaient des uniformes de camouflage. En

 26   tout cas, il s'agissait des Serbes. Et vers la date du 1er juin, ils ont

 27   occupé le poste de police, et ils ont établi un point de contrôle près du

 28   pont sur la Sanica, et un autre point de contrôle à Velagici, donc nous ne


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  1   pouvions pas nous déplacer. Et ils ont commencé à partir dans des villages

  2   pour nous dire nous devions rendre nous armes, c'est ce que nous avons fait

  3   par la suite.

  4   Q.  Merci. Et c'est ma dernière question à ce sujet. Etiez-vous le seul

  5   dans votre village qui ait rendu des armes ?

  6   R.  Non. Il y avait une quinzaine de chasseurs dans mon village que

  7   disposaient également de ces fusils de chasse, et ils les ont rendus. Peut-

  8   être qu'il y avait des personnes qui avaient d'autres armes, mais je n'en

  9   sais rien. Tout ce que je sais c'est que de mon côté j'ai rendu mes armes.

 10   On m'a délivré une sorte de certificat, mais je l'ai perdu.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation].  Monsieur le Président, avant de parler

 12   des faits jugés, du fait jugé 955, j'aimerais lui poser des questions

 13   concernant les conditions de son arrestation, après quoi, je vais lui

 14   parler des faits jugés. 

 15   Q.  Monsieur Subasic, pouvez-vous nous dire à quelle date vous avez été

 16   arrêté ?

 17   R.  Le 25 juin, dans la matinée du 25 juin, vers 8 heures à peu près ou

 18   vers 9 heures - je ne me souviens pas exactement de l'heure - j'ai été

 19   arrêté dans ma maison. Deux soldats sont arrivés jusqu'à ma maison, ils ont

 20   ouvert la porte de ma maison, j'ai eu le temps pour m'habiller, ils m'ont

 21   donc sorti à l'extérieur de la maison. Ma maison se trouve un peu éloignée

 22   de la route, j'ai vu une trentaine de mes voisions sur la route qui avaient

 23   leurs mains derrière leur tête au milieu de la route et des deux côtés de

 24   ce groupe de personnes il y avait des soldats des deux côtés de la route.

 25   Q.  Est-ce que ces soldats vous ont dit pourquoi vous avez été arrêté ?

 26   R.  Non. On m'a pris dans ma maison. Je me suis habillé en hâte. Ils m'ont

 27   raccompagné jusqu'à la route et ils m'ont poussé vers cette colonne, la

 28   colonne composée de mes voisins.


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  1   Q.  Très bien. Nous allons parler des détails concernant les événements de

  2   ce jour, mais est-ce vrai qu'à un moment donné ce jour-là vous avez terminé

  3   à l'école primaire à Gornja Sanica ?

  4   R.  Oui, mais d'abord nous avons été amenés de Sanica vers Kljuc, par la

  5   route menant à Kljuc sur un trajet d'un kilomètre ou d'un kilomètre et

  6   demi, après quoi nous nous sommes arrêtés, et nous y sommes restés pendant

  7   une heure à peu près. Après quoi, j'ai vu que six soldats environ ont

  8   emmené Avid Dzaferagic [phon] avec des menottes, et il avait une coupure

  9   sur le front, il saignait.

 10   Ils l'ont emmené à côté de ce groupe de personnes où j'étais et je ne

 11   l'ai plus revu. Et nous, nous avons été amenés vers un mont, nous

 12   l'appelons Gradina. Des deux côtés de la route, il y avait les membres de

 13   l'armée et nous devions marcher au milieu de la route en colonne. Nous

 14   sommes arrivés jusqu'à ce mont, et pendant une certaine période de temps,

 15   nous étions assis tout près d'une borne terrestre, et après, nous avons

 16   continué vers Sanica. Nous avons été arrêtés près du pont, un pont de

 17   contrôle. Nous sommes restés là-bas pendant quelque temps, après quoi nous

 18   sommes montés à bord de l'autobus et nous sommes partis jusqu'à l'école à

 19   Gornja Sanica, l'école primaire.

 20   Nous y sommes restés pendant toute la journée. C'était un samedi. Le

 21   lendemain, j'ai été interrogé par un inspecteur. Je ne sais pas exactement

 22   qui il était. C'est la première fois que j'étais passé à tabac par un

 23   soldat, au moment où je suis sorti de la pièce où j'ai été interrogé.

 24   Q.  Bien. Pouvez-vous dire à la Chambre pendant combien de temps vous avez

 25   été détenu dans cette école ?

 26   R.  A partir du vendredi matin, ou plutôt, nous sommes arrivés vers 3 ou 4

 27   heures de l'après-midi jusqu'à cette école. Et j'étais détenu jusqu'à

 28   dimanche après-midi, jusqu'à 4 heures.


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  1   Q.  Etiez-vous la seule personne qui ait été détenu dans cette école ?

  2   R.  Il y avait à peu près 40 personnes de Biljani qui y étaient, et il y

  3   avait entre 90 et 100 personnes de Gornja Sanica.

  4   Q.  Et où dans cette école avez-vous été détenus exactement ?

  5   R.  Il s'agit du village serbe de Sanica. Il y a deux salles de classe dans

  6   cette école, et c'est dans ces deux salles de classe où nous étions

  7   détenus.

  8   Q.  Vous avez dit que vous avez été arrêté le 25, et vous y avez été détenu

  9   pendant deux nuits. Donc deux jours après, à savoir le 27, avez-vous été

 10   amené à une autre localité ?

 11   R.  Dimanche matin, après l'interrogatoire par cet inspecteur, il m'a posé

 12   la question suivante : qu'est-ce que j'avais comme arme et qu'est-ce que

 13   j'ai rendu. Après quoi il m'a demandé : Quel était le nombre de pièces

 14   d'armes automatiques dans ton village ? J'ai dit que je ne savais pas. Il

 15   m'a dit : "Il faut que tu restes ici et tu vas savoir quel était le nombre

 16   de ces pièces d'armes automatiques."

 17   Les autres personnes ont été amenées là-bas, près d'un poids lourd, une

 18   remorque, et les autres détenus passaient entre les deux rangs de soldats

 19   qui les passaient à tabac, après quoi ils les ont fait monter à bord de ce

 20   poids lourd. Je ne savais pas dans quelle direction il se dirigeait à

 21   l'époque. C'est plus tard que j'ai appris que c'était vers Manjaca qu'ils

 22   sont partis. Et nous, les autres - nous étions à peu près une trentaine -

 23   nous étions amenés au poste de police de Sanica. Il s'agissait des hommes

 24   âgés. Il y en avait sept qui étaient chasseurs parmi nous, et nous

 25   disposions de fusils de chasse.

 26   Devant ce bâtiment du poste de police, les hommes plus âgés ont été

 27   relâchés avec une sorte de laissez-passer, et les autres ont été mis dans

 28   une cellule. Nous étions sept. Nous y sommes restés jusqu'à la tombée de la


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  1   nuit.

  2   Q.  Vous avez dit que vous avez été mis au poste de police de Sanica

  3   d'abord. Qui vous a mis là-bas ?

  4   R.  Il y avait le commandant Tomic là-bas. Je ne connais pas son prénom.

  5   Q.  Lorsque vous dites "komandir Tomic", pouvez-vous nous dire à quelle

  6   organisation il appartenait ?

  7   R.  Il faisait partie des forces de la police d'active. Il était policier,

  8   il était probablement Serbe.

  9   Q.  Très bien. Vous avez commencé à nous parler du fait que vous y êtes

 10   restés jusqu'à la tombée de la nuit. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est

 11   passé par la suite ?

 12   R.  Les membres de la police militaire ou de la police civile sont arrivés

 13   vers 4 ou 5 heures de l'après-midi, et ils portaient des uniformes de

 14   camouflage. Ils étaient au nombre de cinq. Lorsque nous sommes entrés dans

 15   la cellule, je suis entré le dernier, il a ouvert la porte de la cellule et

 16   il a dit : "Qui est entré le dernier, il faut qu'il sorte le premier." Il

 17   nous a dit : "Je nique votre mère d'oustachi." Lorsque je suis sorti dans

 18   le couloir, il m'a donné un coup sur le cou avec un bâton, et je suis tombé

 19   sur les genoux. J'ai mis les mains derrière la tête pour me protéger de

 20   façon instinctive, et il m'a donné des coups dans les côtes, des coups de

 21   pied, et encore une fois il a dit : "Je nique ta mère d'oustachi." On m'a

 22   emmené jusqu'au minibus qui se trouvait à une quarantaine de mètres par

 23   rapport au poste de police et ils ont continué à me donner des coups.

 24   Q.  Fort bien.

 25   R.  Nous étions sept qui sont montés à bord de cet autobus. Et lorsque nous

 26   sommes arrivés à Kljuc, j'ai vu qu'on est arrivés devant le poste de police

 27   de Kljuc. A bord de l'autobus, on était obligés de chanter des chansons des

 28   Chetniks, et ils nous ont donné des coups en utilisant une sorte de trépied


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  1   en métal. Ils nous ont donné des coups sur nos dos, sur nos mains. J'ai eu

  2   des os des mains cassés, un doigt n'avait plus d'ongle. Ils m'ont fait

  3   arracher cet ongle.

  4   Au poste de police, il y avait un escalier. Nous devions monter cet

  5   escalier. J'étais le dernier dans ce groupe, mais encore une fois ils nous

  6   ont donné des coups. Lorsque nous montions l'escalier, j'ai dû dire : "Que

  7   le roi Pierre vive." Ils m'ont donné des coups à nouveau. Mihic Petar, qui

  8   était un policier de réserve, m'a aidé à cette occasion-là. Il a dit :

  9   "Laissez cet homme." Et c'est à ce moment-là qu'ils ont cessé de me donner

 10   des coups et j'ai pu monter l'escalier à l'étage pour entrer dans la

 11   cellule avec les autres.

 12   Q.  Vous nous avez dit que vous êtes arrivés au poste de police à Kljuc,

 13   est-ce que c'était toujours le dimanche 27 ?

 14   R.  Oui. Mais c'était vers 6 heures ou 7 heures du soir.

 15   Q.  Quelle était la durée du trajet entre Gornja Sanica et Kljuc, à peu

 16   près ?

 17   R.  Une demi-heure à peu près.

 18   Q.  Vous nous avez dit que vous deviez monter l'escalier à l'intérieur du

 19   poste de police. Par quelle entrée êtes-vous entré dans le bâtiment du

 20   poste de police ?

 21   R.  En passant à l'entrée du poste de police, il y a l'escalier, et la

 22   cellule se trouvait au rez-de-chaussée de ce bâtiment. Il y avait

 23   l'escalier qui menait au sous-sol, et au sous-sol, se trouvaient des

 24   cellules.

 25   Q.  Fort bien.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher P928 maintenant

 27   pour qu'on voie où exactement vous avez été amenés.

 28   Q.  Monsieur le Témoin, une photographie sera affichée à l'écran


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  1   maintenant.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si

  3   c'est pertinent pour ce qui est du fait jugé dont ce témoin devrait

  4   témoigner. Je me pose cette question par rapport à toute cette série de

  5   questions posées par M. Demirdjian.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges, je me rends compte que le fait jugé est très concret du point de vue

  8   de sa teneur, mais pour que vous puissiez comprendre le contexte qui

  9   entoure l'arrestation de ce témoin, il est nécessaire d'expliquer comment

 10   il est arrivé au poste de police. Je n'ai que quelques questions à poser,

 11   et puis je passerai au fait jugé.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Allez-y.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 14   Q.  Reconnaissez-vous le bâtiment qui est représenté sur la photo ?

 15   R.  Oui, c'est le poste de police de Kljuc, et c'est bien là l'escalier que

 16   j'ai évoqué.

 17   Q.  C'est l'escalier que vous avez évoqué tout à l'heure ?

 18   R.  [aucune réponse verbale]

 19   Q.  Vous avez dit qu'au moment où vous avez gravi cet escalier, vous avez

 20   retrouvé un autre escalier qui permettait de descendre et de se rendre dans

 21   les cellules. Cet escalier se trouve à l'entrée du poste de police ?

 22   R.  Oui, tout à fait. Derrière la porte d'entrée, il existe un escalier qui

 23   mène au sous-sol où se trouvait la cellule.

 24   Q.  Très bien. Et avant d'être amenés dans la cellule, avez-vous été

 25   enregistrés ?

 26   R.  Non, rien du tout. Ils nous ont emmenés directement dans la cellule et

 27   ils nous ont enfermés à clé. Nous y avons passé toute la nuit. J'avais des

 28   os brisés, j'étais ensanglanté, je souffrais parce que j'avais très soif.


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  1   Et puis, un camarade d'école se trouvait sur place, il était policier, et

  2   nous lui avons demandé de nous laisser boire. Et il nous l'a permis, mais

  3   il m'était impossible de boire puisque mes phalanges étaient cassées. Mais

  4   il m'a permis de boire après avoir ouvert le robinet.

  5   Et puis, j'ai pu entendre quelqu'un gémir dans la cellule juste à côté

  6   pendant toute la nuit. Je ne pouvais pas voir qui gémissait, mais

  7   j'entendais ses cris.

  8   Q.  Et vous a-t-on expliqué pour quels motifs vous aviez été mis en état

  9   d'arrestation et emmenés au poste de police ?

 10   R.  Ils n'ont rien du tout. Le deuxième jour, vers midi, le même minibus

 11   est arrivé, trois personnes seulement se trouvaient à bord de ce minibus.

 12   Ils nous ont fait sortir, ils nous ont fait monter l'escalier qui se

 13   trouvait devant la porte d'entrée, et c'est le chef de la police, Vinko

 14   Kondic, qui s'y trouvait. Il tenait entre ses mains une liste répertoriant

 15   nos noms. J'ai été le dernier à monter à bord d'autobus, et il s'est

 16   adressé à moi en disant : "Monsieur Subasic, votre nom ne figure pas sur la

 17   liste que nous avons, or ici, il est indiqué que tu as été appréhendé dans

 18   la zone de combat de guerre." Et je lui ai répondu en disant : "Si ma

 19   maison faisait partie du théâtre de guerre, alors c'était la vérité." Puis,

 20   nous avons été embarqués dans ce minibus et amenés à Manjaca.

 21   Q.  Combien de personnes a-t-on fait monter à bord d'autobus ?

 22   R.  Nous étions sept à arriver au poste de police de Kljuc. Une personne

 23   avait été mise en liberté le soir même, et six personnes, moi compris, ont

 24   été amenées à Manjaca.

 25   Q.  Vinko Mandic vous a posé cette question que vous venez d'évoquer. A-t-

 26   il posé des questions aux autres détenus ?

 27   R.  Oui. Les autres, ils les connaissaient pour la plupart puisqu'il

 28   s'agissait des gens locaux qui travaillaient dans la municipalité de Kljuc.


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  1   Moi, il ne me connaissait pas, je n'étais pas si bien connu parmi la

  2   population locale, sans doute parce que je travaillais à Karlovac, en

  3   Croatie.

  4   Q.  Lorsque vous avez rencontré Vinko Kondic, en quel état vous trouviez-

  5   vous, à quoi ressembliez-vous ?

  6   R.  Bien, j'avais le dos rompu, j'avais des phalanges cassées. J'avais été

  7   ensanglanté, et le sang avait déjà séché. J'étais dans un état misérable,

  8   très mauvais.

  9   Q.  De l'assistance médicale vous a-t-elle été fournie pendant toute cette

 10   période que vous avez passée en détention ?

 11   R.  Non, pas du tout. Ils nous ont tout simplement amenés à bord de minibus

 12   dans le camp de Manjaca. J'y ai passé les six mois suivants. Là aussi, nous

 13   avons été dépourvus de toute aide médicale.

 14   Q.  Et M. Kondic, a-t-il expliqué pour quelles raisons vous avez été mis en

 15   état d'arrestation ?

 16   R.  Je vous l'ai déjà dit, il m'a indiqué que ce seul fait comme quoi

 17   j'aurais été appréhendé dans la zone de guerre. Mais je ne sais pas ce

 18   qu'il entendait par là.

 19   Q.  Vous dites que vous avez été détenu pendant six mois à Manjaca. A quel

 20   moment avez-vous été mis en liberté ?

 21   R.  Je faisais partie du dernier groupe relâché. Nous avons été mis en

 22   liberté le 18 décembre 1992.

 23   Q.  Merci, Monsieur. Une dernière question. Lorsque vous avez été amenés

 24   sous escorte à Manjaca, qui assurait cette escorte, qui vous accompagnait ?

 25   R.  Il y avait trois personnes. Je ne sais pas s'il s'agissait d'agents de

 26   police ou de la police militaire. Ils portaient des uniformes de

 27   camouflage. Au départ, ils avaient été cinq, et puis à ce moment précis,

 28   lorsque nous sommes partis pour Manjaca, ils n'étaient plus que trois. Et


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  1   puis, quand nous sommes arrivés au camp de Manjaca, d'autres personnes ont

  2   assumé la responsabilité de nous escorter.

  3   Q.  Merci.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  5   Juges, je n'ai plus d'autres questions à poser à ce témoin.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Aleksic, à vous.

  7   M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : 

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Subasic.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Je m'appelle Aleksandar Aleksic, je suis conseil de la Défense, je

 12   représente M. Zupljanin, et je souhaite vous poser quelques questions.

 13   Pour commencer, est-il vrai que vous avez donné une déclaration préalable

 14   aux enquêteurs du TPIY le 13 juillet 2001, avez-vous donné une déclaration

 15   quelconque au TPIY, aux enquêteurs du TPIY ?

 16   R.  Oui, oui. J'en ai donné une.

 17   Q.  Au moment où votre déclaration a été recueillie, on vous a fait lecture

 18   de cette déclaration en langue bosniaque. Vous avez confirmé sa véracité,

 19   son exactitude, puis vous l'avez signée. N'est-ce pas là la procédure qui a

 20   été suivie ?

 21   R.  Oui. Tout à fait.

 22   Q.  Puis un an plus tard, vous êtes venu à La Haye pour déposer dans

 23   l'affaire le Procureur contre M. Brdjanin, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors pour accélérer la chose, je signale que ceci s'est produit le 9

 26   octobre 2002. Mais à la veille de cette déposition, vous avez eu un

 27   entretien avec le représentant du bureau du Procureur, votre déclaration

 28   préalable de 2001 vous a de nouveau été montrée. Et à la veille de votre


Page 16029

  1   déposition du 7 octobre, vous avez souhaité apporter un certain nombre de

  2   précisions à cette déclaration préalable.

  3   R.  Je ne me souviens pas d'avoir complété ma déclaration préalable.

  4   Q.  Mais la déclaration préalable, vous a-t-elle été montrée à la veille de

  5   votre déposition ?

  6   R.  Elle ne m'a pas été montrée, mais nous avons eu une séance de

  7   récolement au cours de laquelle on m'a posé un certain nombre de questions.

  8   Q.  Vous serez d'accord avec moi pour dire que vos souvenirs étaient plus

  9   vivaces à l'époque qu'ils ne le sont aujourd'hui. Alors, je me rends compte

 10   que vous n'oublierez jamais ce que vous avez vécu, mais vos souvenirs à

 11   l'époque devaient être plus vivaces, j'imagine.

 12   R.  Le récit que je viens de faire a peut-être été un peu plus sommaire que

 13   celui que j'avais fait à l'époque.

 14   Q.  Monsieur, dans votre déclaration préalable et dans le compte rendu

 15   d'audience qui s'est tenu dans l'affaire Brdjanin, vous avez déclaré d'une

 16   façon très explicite au sujet des cinq agents de police, qu'il s'agissait

 17   des membres de la police militaire, et vous le saviez parce qu'ils

 18   portaient des bandoulières blanches. Etes-vous d'accord pour le dire ?

 19   R.  C'est vrai, mais ils ne portaient pas tous des bandoulières blanches.

 20   Quelques-uns parmi eux en portaient.

 21   Q.  Si c'est là ce que vous dites, il sera nécessaire de revenir sur votre

 22   déclaration préalable.

 23   Mais, Monsieur, je vous poserai encore une question avant cela. Dans

 24   votre déclaration préalable de 2001, mis à part M. Tomic que vous avez

 25   identifié comme membre de la police, comme le commandant du poste de

 26   police, et mis à part votre camarade d'école Petar Mihic, vous n'avez pas

 27   évoqué de policier à quelque moment que ce soit. Vous faites plus de 20

 28   références dans votre déclaration préalable à la police militaire serbe qui


Page 16030

  1   arborait des uniformes de camouflage. Ceci est-il vrai ?

  2   R.  Je ne sais pas s'il s'agissait de la police militaire ou de la

  3   police ordinaire, ils étaient tous ensemble. Je ne pouvais pas distinguer

  4   entre les deux. En tout cas, les postes de police où nous avons été

  5   détenus, ceux de Sanica et celui de Kljuc, c'étaient des locaux appartenant

  6   à la police civile. Alors pour ce qui est des policiers, je ne sais pas

  7   s'ils relevaient de la police civile ou de la police militaire.

  8   Q.  Monsieur, dans votre déclaration préalable, dans votre déposition

  9   aujourd'hui au début de l'interrogatoire principal, vous avez dit les

 10   soldats sont venus nous chercher. Les soldats nous ont emmenés à l'école

 11   sous escorte. Les soldats se trouvaient à l'école de Sanica. Vous n'avez

 12   pas du tout évoqué la police, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, bien évidemment il s'agissait de soldats. Ils portaient des

 14   uniformes militaires de camouflage. Ils portaient tous des uniformes.

 15   Q.  Monsieur, que vous ayez passé plusieurs heures au poste de police de

 16   Sanica dimanche n'est pas un point de controverse. Il ne fait aucun doute

 17   que vous avez passé une nuit au poste de police de Kljuc. Mais personne ne

 18   vous a interrogé lorsque vous y étiez, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non, personne.

 20   Q.  Dans votre déclaration préalable, dans votre déposition dans l'affaire

 21   Brdjanin, vous affirmez n'avoir été interrogé que dimanche devant l'école

 22   de Sanica.

 23   R.  De Gornja Sanica.

 24   Q.  Est-ce vrai ?

 25   R.  Oui, c'est vrai.

 26   Q.  Pour ce qui est de la conversation que vous avez eue avec M. Kondic

 27   devant la porte d'entrée du poste de police de Kljuc, il a dit une phrase.

 28   Vous en avez dit deux. Combien de temps cette conversation a-t-elle duré ?


Page 16031

  1   R.  Une minute, peut-être deux.

  2   Q.  Et la veille, ce que vous désignez par le terme d'interrogatoire,

  3   combien de temps cet interrogatoire a-t-il duré ?

  4   R.  Une quinzaine de minutes.

  5   Q.  Et pendant combien de temps avez-vous dû attendre dans le couloir ?

  6   R.  Nous avons attendu longtemps l'arrivée de l'autobus qui nous a

  7   transportés au poste de police de Sanica. Ils nous ont dit tout simplement

  8   que nous apprendrons tout ce que nous avons à apprendre dans les délais

  9   voulus.

 10   Q.  Monsieur, je me vois forcé de vous relire des extraits de votre

 11   déclaration préalable pour préciser quelques points. A la page 5, vous

 12   dites -- ou plutôt vous décrivez le moment où vous avez été emmené depuis

 13   le poste de police de Sanica. A l'époque, vous ne saviez pas où on vous

 14   transportait. Alors, vous dites : "Vers 6 heures de l'après-midi, un

 15   minibus est arrivé au poste de police. Cinq membres de police militaire

 16   serbes sont arrivés en uniformes de camouflage. Je savais qu'il s'agissait

 17   de la police militaire parce qu'ils portaient des bandoulières ou des

 18   sangles blanches."

 19   Etes-vous d'accord avec ce que je viens de vous relire ? Est-ce bien ce que

 20   vous avez déclaré, et ce que vous avez cru au moment de votre déposition

 21   dans l'affaire Brdjanin ?

 22   R.  Il est fort possible que je l'aie dit, mais je n'étais absolument pas

 23   certain quant à la question de savoir qui faisait quoi.

 24   Q.  Monsieur, avez-vous fait votre service militaire au sein de la JNA ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous pouvez bien distinguer entre un policier militaire et un simple

 27   soldat. En quoi la différence consiste-t-elle ?

 28   R.  Ils portent des uniformes différents et des bandoulières différentes.


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  1   Q.  Alors, que portent les policiers militaires ? Est-ce qu'ils portent

  2   quelque chose de couleur blanche ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et que portent-ils ?

  5   R.  Les bandoulières.

  6   Q.  Et portent-ils des sangles ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et la police civile, porte-t-elle des bandoulières ou et sangles blancs

  9   ?

 10   R.  Non, je ne l'ai jamais vu.

 11   M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 12   Juges. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 13   Contre-interrogatoire par M. Cvijetic : 

 14   Q.  [interprétation] A l'exemple de mon collègue, je ne me concentrerai que

 15   sur quelques éléments de votre déclaration préalable. Vous dites que

 16   quelques personnes sont arrivées à votre maison, chez vous. Ils portaient

 17   des uniformes de camouflage et des rubans rouges à leurs avant-bras; c'est

 18   vrai ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je vous demande pardon, mais le compte rendu d'audience semble être

 21   bloqué. Lorsque vous avez été amené aux abords du village, vous dites que

 22   les soldats serbes avaient rassemblé quelque 55 civils à cet endroit

 23   précis; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et vous dites que ce groupe tout entier a été amené à traverser le

 26   village de Palez; est-ce exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Puis, par la suite, vous dites :


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  1   "Nous sommes arrivés au pont de Sanica. Nous avons été mis en rangs; puis

  2   une autre compagnie serbe est arrivée qui comptait environ 100 soldats. Les

  3   soldats nouvellement arrivés portaient des uniformes de camouflage

  4   différents, et quelques-uns portaient des uniformes de l'ancienne JNA."

  5   Est-ce bien la déclaration que vous avez faite ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Dans la suite, vous décrivez les événements qui se sont produits à

  8   l'école, dans le village de Sanica. Vous dites que vous avez été accueillis

  9   par Milan Basara.

 10   R.  Eh bien, c'est lui qui s'est présenté en tant que commandant de

 11   l'unité, c'est vrai ce que vous venez de dire.

 12   Q.  D'après vous, il aurait dit que votre vie sera sauve, parce qu'il a

 13   appris que votre village n'avait pas fourni de résistance; est-ce exact ?

 14   R.  Oui, c'est exact.

 15   Q.  Dans la suite du texte, nous lisons : Le lendemain, le 26 juin, les

 16   soldats sont entrés dans la salle de classe, et commencé à faire sortir les

 17   personnes qui s'y trouvaient. Est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Puis, vous avez évoqué ces interrogatoires qui se sont déroulés devant

 20   l'école : 

 21   "Je ne connais pas le nom d'une personne qui s'y trouvait, mais elle s'est

 22   présentée en tant qu'inspecteur. Et cette personne, elle aussi, portait un

 23   uniforme de camouflage."

 24   Est-ce exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Puis, vous affirmez :

 27   "Il a placé une table et une chaise devant l'école sur le terrain de sport,

 28   et deux ou trois soldats se tenaient à côté de lui."


Page 16034

  1   R.  C'est vrai.

  2   Q.  Puis, vous affirmez :

  3   "La deuxième nuit, nous l'avons passée à l'école de Sanica. Le lendemain,

  4   dimanche, plusieurs autres soldats serbes sont arrivés à l'école, un camion

  5   s'y trouvait lui aussi."

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, à moins que vous ne

  7   souhaitiez mettre en question la cohérence de la déposition du témoin par

  8   rapport à sa déclaration préalable, croyez-vous que les questions que vous

  9   êtes en train de poser soient utiles ?

 10   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai que deux

 11   citations à lire, puis, je poserai ma question au témoin.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, allez-y.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation]

 14   Q.  Mon confrère a déjà abordé le sujet qui concerne les cinq policiers

 15   militaires qui portaient des sangles, vous avez répondu à sa question, mais

 16   dans la suite de votre déclaration préalable, vous vous en tenez toujours à

 17   la même description de ces personnes, je cite :

 18   "Je ne savais pas où ils nous amenaient, ces cinq membres de la police

 19   militaire jouaient des chants chetniks le long de la route."

 20   Vous souvenez-vous d'avoir fait cette déclaration ?

 21   R.  Oui, je m'en souviens.

 22   Q.  Et le trajet que vous avez fait depuis Kljuc jusqu'à Manjaca, vous en

 23   dites que vous avez été accompagné tout au long par les membres de la

 24   police militaire.

 25   Alors, ce qui m'intéresse est relié au fait jugé : à quel moment vous êtes-

 26   vous rappelé d'avoir rencontré M. Vinko Kondic, devant le poste de police

 27   de Kljuc ? Parce qu'après avoir lu votre déclaration préalable, j'ai été

 28   incapable de retrouver cette affirmation.


Page 16035

  1   R.  Eh bien, je trouve cela étrange, puisque je l'ai déclaré.

  2   Q.  Oui, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi vous ne

  3   l'avez pas déclaré en 2001 ?

  4   R.  Mais je l'ai déclaré en 2001. Peut-être que cela n'a pas été consigné.

  5   Q.  Mais je vous affirme que cela n'a pas été consigné.

  6   R.  Eh bien, je ne saurais l'expliquer.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   je n'ai plus d'autres questions à poser à ce témoin.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Quelques brèves questions supplémentaires,

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 11   Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian : 

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Subasic, d'après la Défense, au moment de

 13   votre mise en arrestation, vous avez été arrêté par les soldats; cela est-

 14   il vrai ?

 15   R.  S'agissait-il de soldats ? C'étaient des personnes qui portaient des

 16   uniformes de camouflage. Alors, je ne saurais préciser s'il s'agissait de

 17   soldats ou de policiers. Mais toujours est-il qu'ils portaient des

 18   uniformes de camouflage.

 19   Q.  Lorsque vous avez été amené au poste de police de Sanica, quelles

 20   étaient les relations qui existaient entre la police et l'armée ?

 21   R.  Ils travaillaient ensemble, ils contrôlaient les postes de contrôle

 22   ensemble, ils coopéraient. Il y avait un rapport de coopération entre

 23   l'armée et la police. Ils faisaient tout ensemble. Les soldats n'étaient

 24   pas les seuls à être impliqués.

 25   Q.  Lorsque vous avez été amené à Kljuc à bord d'un minibus, vous dites que

 26   vous avez été escorté par les soldats. Au poste de police, une fois arrivé,

 27   qui vous a amené au sous-sol ?

 28   R.  Les soldats nous ont escortés jusqu'à l'escalier, et la police se


Page 16036

  1   trouvait dans les locaux du poste de police, et ce sont les policiers qui

  2   nous ont accompagnés jusqu'aux cellules.

  3   Q.  Lorsque les soldats vous ont amené au poste de police, la police a-t-

  4   elle semblé résister ?

  5   R.  Non, au contraire. Ils collaboraient, ils travaillaient au sein d'une

  6   même équipe. La même chose vaut pour la police civile et pour ces personnes

  7   qui portaient des uniformes de camouflage.

  8   Q.  La dernière question qui vous a été posée par M. Cvijetic concerne

  9   votre déclaration préalable de 2001, il affirme que vous n'y évoquiez pas

 10   votre rencontre avec M. Kondic. Est-il vrai que vous avez déposé dans

 11   l'affaire Brdjanin en 2002 ?

 12   R.  Oui, je le crois. Je n'ai pas gardé le souvenir précis de la date, mais

 13   je crois que oui.

 14   Q.  Vous souvenez-vous d'avoir déposé devant le TPIY en 2002 ?

 15   R.  Je crois que c'était bien en 2002.

 16   Q.  Oui. Oui. Et vous souvenez-vous d'avoir évoqué cette rencontre avec M.

 17   Kondic dans la salle d'audience en 2002 ?

 18   R.  Je crois bien que oui.

 19   M. OLMSTED : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce

 20   témoin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, le témoin sait-

 22   il où se trouvait M. Kondic une fois la guerre terminée ?

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A quel moment après la guerre ?

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais qu'est-il advenu de lui ?

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] 

 26   Q.  Monsieur Subasic, vous avez entendu la question posée par M. le Juge.

 27   Savez-vous ce qu'il est advenu de M. Kondic après la guerre, où il se

 28   trouvait ?


Page 16037

  1   R.  Même au jour d'aujourd'hui, je n'en sais rien. Je l'ignore

  2   complètement.

  3   Q.  Après que vous avez été mis en liberté du camp de -- au moment où vous

  4   avez été relâché du camp de Manjaca, à quel moment êtes-vous revenu à la

  5   municipalité de Kljuc ?

  6   R.  Une fois la guerre terminée, en 1996.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Ceci fournit-il une réponse à votre

  8   question, Monsieur le Juge ?

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, non -- la réponse n'a pas

 10   été particulièrement utile. Mais je me demande si l'Accusation sait s'il

 11   serait possible d'entendre M. Kondic en tant que témoin ?

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Le bureau du Procureur a essayé d'entrer

 13   en contact avec M. Kondic, mais il fait partie de trois ou quatre accusés

 14   dans le cadre d'un procès qui se déroule à Sarajevo en ce moment. Je pense

 15   que son état de santé est très mauvais. Et nous avons essayé de le

 16   contacter, mais sans résultat.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et ce grand procès qui se déroule à

 18   Sarajevo, qu'est-ce qu'il concerne exactement ?

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Les événements qui se sont déroulés à

 20   Kljuc.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur le Témoin, merci d'être venu à

 23   La Haye pour déposer. Vous pouvez maintenant disposer, nous vous souhaitons

 24   un bon voyage pour rentrer chez vous.

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  7   M. OLMSTED : [interprétation] Le problème avec cette nouvelle procédure

  8   d'arrivée des témoins est peut-être là justement, parce que ce témoin, le

  9   témoin à venir, a demandé des mesures de protection. Nous avons fait une

 10   requête dans ce sens mercredi dernier. Il a demandé à bénéficier d'un

 11   pseudonyme et de la déformation des traits du visage. Je ne sais pas quelle

 12   a été la décision de la Chambre. Mais en tout cas, si vous voulez lui poser

 13   des questions au témoin, directement, ceci devrait être fait à huis clos

 14   partiel.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il s'agit du numéro 226, n'est-ce pas ?

 16   M. OLMSTED : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] On va commencer par un huis clos [comme

 18   interprété].

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos [comme

 20   interprété].

 21   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 16039-16045 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] On est vraiment près de la pause. Est-ce

  4   que vous voulez vraiment commencer ? Il vaudrait mieux peut-être prendre la

  5   pause maintenant et reprendre votre interrogatoire principal plus tard.

  6   M. OLMSTED : [interprétation] Oui. De toute façon, nous n'avons pas besoin

  7   de nous dépêcher avec ce témoin. Nous avons suffisamment de temps, donc on

  8   peut tout à fait prendre la pause à présent. Vous avez tout à fait raison.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause, je

 12   dois vous dire que je me suis renseigné au sujet des informations

 13   concernant M. Kondic. Il a été interviewé par le bureau du Procureur en

 14   2002. Nous avons essayé de le rencontrer à nouveau l'année dernière et on

 15   nous a dit qu'il souffrait de la maladie de Parkinson, donc on ne voulait

 16   pas le rencontrer, on ne voulait pas faire un entretien. Je vous dis qu'il

 17   avait une requête fournie par la Défense demandant qu'on mette fin à cette

 18   affaire. Je ne sais pas si la décision a été prise, mais en tout cas je

 19   sais que la requête a été soumise.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que vous pouvez soulever les

 21   rideaux ?

 22   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon. On peut les laisser. Très bien, 20

 24   minutes.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

 26   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, avant de commencer,


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  1   nous souhaitons communiquer une décision qui va être assez brève.

  2   Nous avons reçu une requête qui nous a été soumise tard hier par le bureau

  3   du Procureur demandant de modifier la liste 65 ter du Procureur par rapport

  4   au Témoin 24, qui doit venir déposer au début de la semaine prochaine. Nous

  5   ne demandons pas à la Défense de nous fournir une réponse, puisque nous

  6   considérons que cette demande n'a pas été faite à temps, de sorte qu'il ne

  7   serait pas dans l'intérêt de la justice d'y faire droit. Donc, nous

  8   refusons ladite requête.

  9   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Olmsted.

 10   M. OLMSTED : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Interrogatoire principal par M. Olmsted : 

 12   Q.  [interprétation] Monsieur, avant le conflit, où habitiez-vous ?

 13   R.  Dans le village de Hambarine, pas loin de Prijedor.

 14   Q.  Avez-vous été arrêté le 20 juillet 1992 ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Où étiez-vous au moment de votre arrestation ?

 17   R.  J'étais dans le village de Rizvanovici.

 18   Q.  Et c'est là que vous habitiez à l'époque ?

 19   R.  Non. J'habitais à Hambarine, mais j'ai été chassé parce que les forces

 20   serbes avaient pris le contrôle du village, de sorte que nous sommes partis

 21   à Ljubija, et de Ljubija nous sommes partis à Rizvanovici, où j'ai des

 22   cousins, des membres de ma famille, puisqu'on n'avait rien à manger.

 23   Q.  Et au moment de votre arrestation, étiez-vous un civil ou est-ce que

 24   vous faisiez partie d'une quelconque unité militaire ?

 25   R.  J'étais un simple civil.

 26   Q.  Est-ce que vous aviez des armes à l'époque ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Pourriez-vous nous dire qui vous a arrêté le 20 juillet ?


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  1   R.  C'étaient les membres du Peloton d'intervention de Prijedor. C'est un

  2   peloton de la police de Prijedor.

  3   Q.  Vous souvenez-vous des noms des membres de ce Peloton d'intervention,

  4   ceux qui vous ont arrêté, qui ont participé à votre arrestation ?

  5   R.  Il y avait M. Obrenko. Avant la guerre, il était policier d'active. Je

  6   le connaissais parfaitement bien. Il m'a reconnu. Il a voulu que je me

  7   tourne pour qu'il me voie, et la première question c'était de me demander

  8   ce que je faisais là, parce qu'il pensait que je n'étais pas Musulman et il

  9   ne pensait pas que j'étais originaire de la région.

 10   Q.  Est-ce qu'il portait un uniforme à l'époque, et, le cas échéant,

 11   pourriez-vous l'expliquer ?

 12   R.  Oui. Il portait un uniforme bleu de camouflage. Il avait un béret noir,

 13   puis il avait un brassard blanc.

 14   Q.  Et il y avait combien de soldats avec lui, enfin membres de ce peloton

 15   ?

 16   R.  J'en ai vu encore au moins deux. Ceux-là ont coordonné toute

 17   l'opération, alors que les autres arboraient les uniformes simples, soit de

 18   la Défense territoriale, soit de l'armée yougoslave, à savoir l'uniforme

 19   vert olive.

 20   Q.  Au moment où vous avez été arrêté, est-ce que vous avez vu des

 21   véhicules de police à proximité ?

 22   R.  Oui. Il y avait un blindé transport de troupes. Il était écrit "police"

 23   là-dessus, et d'ailleurs il m'est arrivé de le voir, ce véhicule, dans la

 24   ville auparavant.

 25   Q.  De quelle couleur était ce véhicule blindé ?

 26   R.  Ce véhicule était de couleur bleu, avec l'inscription "police" en

 27   couleur blanche.

 28   Q.  Et lorsque vous dites que ce véhicule vous le voyiez dans la ville


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  1   avant, il s'agissait de quelle ville ?

  2   R.  La ville de Prijedor. Je le voyais avant l'éclatement des conflits,

  3   avant l'incident à Hambarine. Aussi là, j'avais l'occasion de voir ce

  4   véhicule blindé dans le quartier où se trouve le bâtiment du SUP du service

  5   de sécurité publique.

  6   M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais qu'on passe

  7   à huis clos, puisque je vais poser des questions qui risquent d'identifier

  8   le témoin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez pensé à huis clos partiel,

 10   Monsieur Olmsted ?

 11   M. OLMSTED : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel

 14   maintenant, Monsieur le Président.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. OLMSTED : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que d'autres non-Serbes du village de

 12   Rizvanovici ont été arrêtés le même jour que vous ?

 13   R.  Oui. Tous les hommes de 16 à 60 ans. Il y avait des personnes plus

 14   âgées, également.

 15   Q.  Après votre arrestation, vous-même et d'autres hommes non-Serbes, où

 16   est-ce que vous avez été emmenés ?

 17   R.  On nous a fait monter à bord des autobus et nous nous sommes arrêtés

 18   brièvement devant l'école Rizvanovici où d'autres Musulmans arrêtés sont

 19   montés à bord de l'autobus. Nous sommes partis en direction de Prijedor via

 20   Hambarine, et à Tukovo. L'autobus s'est arrêté. Les villageois se

 21   trouvaient dans la maison de Mico Antunovic. Ces villageois ont donné à

 22   boire à ces soldats, et nous n'osions regarder à l'extérieur de l'autobus.

 23   Nous étions allongés au sol.

 24   Q.  Est-ce qu'on vous a emmenés à un endroit où vous avez été détenus ce

 25   jour-là ?

 26   R.  D'abord, on a été emmenés au camp de Keraterm. On nous a dit qu'il n'y

 27   avait plus de place à ce camp, et ils devaient contacter Omarska par la

 28   suite. Ils nous ont dit que s'il n'y a pas de place à Omarska, ils


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  1   devraient nous tuer. Mais après cela, nous avons été amenés à Omarska.

  2   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous resté au camp d'Omarska ?

  3   R.  J'étais à Omarska du 20 juillet au 6 août.

  4   Q.  Maintenant, j'aimerais qu'on parle des événements survenus le 6 août

  5   1992. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé ce matin-là ?

  6   R.  Ce matin-là, on nous a dit de sortir et ils nous ont fait aligner. Nous

  7   étions dans les rangs, agenouillés. Ce matin-là, M. Mrdja est apparu, ainsi

  8   que Bakim et Zoran Babic, au camp d'Omarska, avant l'appel. Mrdja a demandé

  9   s'il y a quelqu'un qui le connaît. Moi, j'ai hésité à me présenter. Un

 10   jeune homme s'est présenté, a approché Mrdja, et Mrdja a mis son bras

 11   gauche sur l'épaule, l'a fait sortir du bâtiment, et on a entendu trois

 12   tirs par la suite. Il est revenu en souriant, en demandant encore s'il y

 13   avait d'autres personnes qui le connaissaient.

 14   Q.  Est-ce qu'il y a eu une personne qui a répondu à cette question ?

 15   R.  Non, personne.

 16   Q.  Vous avez mentionné Zoran Babic et Darko Mrdja. Ce matin-là, pouvez-

 17   vous nous dire quel type d'uniformes ils portaient ?

 18   R.  Ils portaient des uniformes de camouflage de couleur bleue, les

 19   uniformes de la police.

 20   Q.  Est-ce que vous avez vu des véhicules appartenant à la police au camp

 21   ce matin-là ?

 22   R.  Il y avait des véhicules blindés de couleur bleue.

 23   M. OLMSTED : [interprétation] J'aimerais qu'on passe à huis clos partiel.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel

 25   maintenant, Monsieur le Président.

 26   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. OLMSTED : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit que dans la matinée du 6 août, vous

 21   deviez vous aligner à un endroit au camp d'Omarska. Où exactement ?

 22   R.  Sur la piste.

 23   Q.  Il faut qu'on soit plus distincts. Il s'agissait d'une piste ?

 24    R.  C'est comme ça qu'on appelait l'enceinte. La cour entourant le

 25   bâtiment, on appelait cela la "pista". C'est comme ça qu'on appelait cette

 26   enceinte.

 27   Q.  Qui vous a fait aligner sur la piste ?

 28   R.  Il s'agissait des membres de la police ainsi que les gardes qui étaient


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  1   placés sous le commandement de Simo Drljaca et de Zeljko Mejakic.

  2   Q.  Avez-vous vu Zeljko Mejakic ce matin-là ?

  3   R.  Oui, je l'ai vu.

  4   Q.  Et qu'est-ce qu'il a fait ce matin-là ?

  5   R.  Comme je l'ai déjà dit, il a coordonné l'action, ensemble avec Simo

  6   Drljaca et avec d'autres membres de la garde.

  7   Q.  Puisque vous avez mentionné le nom de Simo Drljaca, dites-nous si M.

  8   Drljaca était là-bas ce matin-là ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous avez dit que Darko Mrdja et Zoran Babic étaient là-bas ce matin-

 11   là. Y avait-il d'autres membres du Peloton d'intervention de Prijedor ce

 12   matin-là ?

 13   R.  Je ne peux pas répondre à cette question, puisque j'ai vu ces deux

 14   personnes, et je suis certain de les avoir vues, mais je ne sais pas s'il y

 15   avait d'autres personnes là-bas.

 16   Q.  Après cet incident que vous avez décrit, l'incident où Mrdja a pris

 17   l'un des détenus derrière le bâtiment, après quoi vous avez entendu des

 18   tirs, il est retourné et a parlé aux détenus, pouvez-vous nous dire ce qui

 19   s'est passé par la suite ?

 20   R.  Après un certain temps, ils ont commencé à appeler nos noms et nous

 21   avons dû monter à bord de l'autobus.

 22   Q.  Est-ce qu'il y avait un certain nombre d'autobus au camp d'Omarska ce

 23   matin-là déjà sur place ?

 24   R.  Oui, les autobus étaient prêts. Nous devions monter à bord de ces

 25   autobus.

 26   Q.  Vous souvenez-vous à bord de quel autobus vous êtes monté ?

 27   R.  Je suis monté à bord de l'autobus en dernier.

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  5   Q.  Avant d'être monté à bord de l'autobus ou pendant que vous étiez à bord

  6   de cet autobus, est-ce que l'un des policiers ou des gardes qui étaient

  7   présents sur place vous a dit dans quelle direction vous vous dirigiez ?

  8   R.  Non, personne ne nous a rien dit pour ce qui est de la direction où

  9   nous nous dirigions. Ils nous ont dit de monter à bord de l'autobus et de

 10   placer nos têtes sous les sièges. C'était le même scénario qu'à bord de

 11   l'autobus qui nous a amenés jusqu'à Omarska.

 12   Q.  Quel était le nombre de détenus, selon vous -- ou selon votre

 13   estimation, quel était le nombre de détenus qui se trouvaient à bord de

 14   votre autobus ?

 15   R.  L'autobus était plein à craquer. Je pense qu'il y avait plus de 100

 16   personnes à bord de cet autobus.

 17   Q.  Pouvez-vous nous décrire quelles étaient les conditions à bord de

 18   l'autobus ?

 19   R.  Les conditions étaient terribles. Il y avait des gens qui saignaient.

 20   Il faisait très chaud. Les vitres étaient fermées, les portes aussi. Et ils

 21   ont mis le chauffage pendant notre trajet. Il y avait également des gens

 22   qui avaient la diarrhée.

 23   Q.  Lorsque vous dites "eux", à quelles personnes faites-vous référence ?

 24   R.  C'était le chauffeur qui a mis le chauffage et le garde qui faisait

 25   partie de l'escorte.

 26   Q.  Avant d'être monté à bord de l'autobus ou pendant que vous étiez à bord

 27   de l'autobus, est-ce qu'on vous a donné de la nourriture ou de l'eau ?

 28   R.  Non, malheureusement pas.


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  1   Q.  Vous avez dit qu'à bord de votre autobus, il y avait un chauffeur et un

  2   garde. Ce garde, qu'est-ce qu'il faisait pendant votre trajet ?

  3   R.  Ce garde nous a ordonné d'entonner des champs nationalistes chetniks. A

  4   un moment donné, l'autobus s'est arrêté dans un village serbe où la

  5   population locale nous a lapidés. Les villageois ont pu monter à bord de

  6   l'autobus, parce qu'ils ont ouvert la porte de l'autobus. Ils sont montés à

  7   bord de l'autobus pour nous insulter et pour nous passer à tabac.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, je pense qu'on s'est

  9   éloignés du fait jugé dont il est question ici ?

 10   M. OLMSTED : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Cela fait partie

 11   de toute une série d'activités. C'est la position du bureau du Procureur.

 12   Tout ce trajet dont la destination finale était le camp de Manjaca, ainsi

 13   que les crimes qui ont été commis devant le camp de Manjaca, tout cela fait

 14   partie d'un même crime, et cela est devenu plus grave pendant le trajet à

 15   bord des autobus, ainsi que la nuit qui précédait leur arrivée au camp de

 16   Manjaca, ainsi que la matinée qui précédait.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, il faut que je vous

 19   rappelle la façon à laquelle il faut poser des questions à des témoins qui

 20   ont été convoqués pour ce qui est des faits jugés contestés et comment il

 21   faut donc procéder. Pour ce qui est du contexte qui est présenté, ce n'est

 22   pas la façon à laquelle on peut faire élargir la portée de son témoignage.

 23   M. OLMSTED : [interprétation] Oui. Je comprends cela, mais il s'agit d'un

 24   incident par rapport auquel ce fait déjà jugé a été nié, donc il faut qu'on

 25   prouve que cela s'est réellement passé, et pour le faire, il faut qu'on

 26   présente des éléments qui appuient cela, d'autres moyens de preuve,

 27   d'autres dépositions d'autres témoins pour montrer que la situation s'est

 28   aggravée pour ce qui est des détenus se trouvant à bord des autobus. Il y


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  1   avait des passages à tabac, il y avait des morts, malheureusement. Donc il

  2   faut qu'on présente le contexte pour parler de ce crime, comme cela est le

  3   cas également dans des cas de meurtres qui sont jugés devant les instances

  4   judiciaires nationales. On ne peut pas parler tout de suite du meurtre

  5   même. Il faut parler du contexte pour savoir comment les victimes ont été

  6   traitées avant.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pas nécessairement, Monsieur Olmsted.

  8   Mais vous pouvez continuer.

  9   M. OLMSTED : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez dit que les Serbes locaux ont pu pénétrer dans les bus. Qui

 11   les a fait pénétrer dans les bus ?

 12   R.  C'étaient ces gardes, les gardes qui nous gardaient. Ils ont fait

 13   ouvrir les portes de l'autobus. Ils ont commencé à nous lapider, à nous

 14   passer à tabac, jusqu'au moment où on a continué notre trajet vers Manjaca.

 15   Q.  Connaissez-vous un détenu que s'appelait Rezak Hukanovic ?

 16   R.  Oui, je le connais. On l'a fait descendre de l'autobus, et il a été

 17   battu par les Serbes qui le connaissaient.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted, je suis désolé,

 19   mais ici il ne s'agit pas du crime en général. Nous parlons d'un incident

 20   concret. Il faut que vous posiez des questions là-dessus.

 21   M. OLMSTED : [interprétation] Maintenant, je vais passer à l'arrivée à la

 22   localité suivante.

 23   Q.  Monsieur, où les autobus se sont-ils arrêtés finalement ?

 24   R.  On nous a emmenés devant le camp de Manjaca.

 25   Q.  Et vous souvenez-vous de l'heure approximative où vous vous êtes

 26   arrêtés devant le camp de Manjaca ?

 27   R.  Au crépuscule. Il faisait assez noir.

 28   M. OLMSTED : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher le document


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  1   3419.66 de la liste 65 ter. Il s'agit d'une photographie, et j'aimerais que

  2   le témoin apporte des annotations sur cette photographie. J'aimerais que M.

  3   l'Huissier lui montre comment il va utiliser ce stylet électronique.

  4   Et pour faciliter cette tâche, on pourrait agrandir la photographie quelque

  5   peu. Maintenant, c'est bien, oui.

  6   Q.  Monsieur, c'est une photographie qui a été prise récemment, mais

  7   pouvez-vous reconnaître ce qu'on voit sur cette vue aérienne ?

  8   R.  C'est à Manjaca. Ce sont des étables où nous étions détenus à Manjaca.

  9   Q.  Lorsque les autobus sont arrivés devant le camp de Manjaca, pouvez-vous

 10   nous dire où ils se sont garés ? Pouvez-vous encercler cette partie sur la

 11   vue aérienne.

 12   R.  C'était ici.

 13   Q.  Pouvez-vous nous dire comment les autobus se sont garés. Parallèlement

 14   les uns par rapport aux autres, ou d'une autre façon ?

 15   R.  Les autobus se sont garés les uns à côté des autres.

 16   Q.  Et si nous --

 17   R.  En hémicycle.

 18   Q.  Pouvez-vous apposer le chiffre 1 à côté de la partie sur la

 19   photographie que vous avez encerclée, pour que tout soit clair aux fins du

 20   compte rendu.

 21   R.  [Le témoin s'exécute]

 22   Q.  Lorsque vous êtes arrivés au camp de Manjaca cette nuit-là, est-ce

 23   qu'on vous a permis de descendre des autobus ?

 24   R.  Nous avons dû rester à bord des autobus, où nous avons passé la nuit.

 25   Q.  Et pendant que vous étiez à bord des autobus, savez-vous où les gardes

 26   se trouvaient, les gardes qui vous escortaient ce jour-là ?

 27   R.  Les gardes étaient descendus des autobus, mais on pouvait entendre

 28   leurs voix. Ils se trouvaient à proximité des autobus. Ils passaient donc


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  1   entre les autobus et nous pouvions entendre leurs voix. Nous avons pu

  2   entendre leurs conversations.

  3   Q.  Les gardes ont fait quoi pendant la nuit ?

  4   R.  Pendant la nuit, ils sont venus à bord de notre autobus et ils ont fait

  5   sortir Muharem Nezirovic ainsi que Rezad Hukanovic. Ils les ont fait

  6   descendre de l'autobus, et devant l'autobus, ils les ont passé à tabac. On

  7   a pu entendre des coups et des gémissements de ces personnes. On a pu

  8   entendre des coups infligés par les gardes à ces deux personnes. Rezak

  9   Hukanovic, ils lui disaient, "Rezak Hukanovic, radio indépendante de

 10   Prijedor ?"

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que cela voulait dire ? Quel était le lien

 12   entre M. Hukanovic et la radio de Prijedor ?

 13   R.  M. Hukanovic était propriétaire de la radio indépendante de Prijedor.

 14   Il s'est opposé à la guerre et il a essayé de prouver, de façon ironique,

 15   que ce n'était pas une bonne chose de commencer la guerre.

 16   Q.  Est-ce que M. Hukanovic est remonté à bord de l'autobus cette nuit-là ?

 17   R.  Oui, et il avait des traces des coups. Nous avons pu voir cela au

 18   moment où il est remonté à bord de l'autobus.

 19   Q.  Est-ce qu'il a été en mesure de marcher seul ?

 20   R.  Ils l'ont amené, en quelque sorte traîné, jusqu'à la porte avant de

 21   l'autobus.

 22   Q.  Les personnes qui ont fait descendre de l'autobus M. Hukanovic et M.

 23   Nezirevic, est-ce que ces personnes semblaient connaître ces deux détenus ?

 24   R.  Oui. Ces personnes l'ont immédiatement reconnu. Ils n'ont pas cherché

 25   ces personnes à bord de l'autobus. Ils l'ont reconnu tout de suite et ils

 26   l'ont fait descendre de l'autobus.

 27   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé le lendemain matin ?

 28   R.  Le lendemain matin, ils nous ont ordonné de descendre de l'autobus et


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  1   de nous aligner sur le pré, agenouillés. On devait donc baisser la tête et

  2   plier nos jambes.

  3   Q.  J'aimerais qu'on affiche maintenant le document 65 ter 3419.66.

  4   Pouvons-nous encercler l'endroit où on vous a ordonné de vous aligner ce

  5   matin-là ?

  6   R.  C'était ici.

  7   Q.  Pouvez-vous apposer le chiffre 2 à cet endroit-là sur la photographie.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Lorsque vous étiez à l'extérieur des autobus, avez-vous reconnu un

 10   véhicule de la police près des autobus ?

 11   R.  Il s'agissait du même véhicule qui était à Omarska, un véhicule blindé

 12   de transport de troupes portant l'inscription police de couleur bleu. Il

 13   était présent également le jour où nous avons été faits prisonniers.

 14   Q.  Vous souvenez-vous du nombre de ces véhicules blindés ? Est-ce qu'il y

 15   en avait un seul ou plusieurs ?

 16   R.  Je pense qu'il y en avait deux.

 17   Q.  Pouvez-vous apposer le chiffre 3 à l'endroit où vous avez vu ces deux

 18   véhicules blindés de transport des troupes ?

 19   R.  C'était ici.

 20   Q.  Est-ce qu'il y avait des membres du Peloton d'intervention de Prijedor

 21   sur place ce matin-là ?

 22   R.  Oui. J'ai revu M. Mrdja et M. Babic.

 23   Q.  Et c'était Zoran Babic ?

 24   R.  Oui, c'était Zoran Babic, surnommé Baki.

 25   Q.  Est-ce que d'autres membres du peloton d'intervention y étaient

 26   présents, des personnes dont vous ne connaissiez pas les noms ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous avez pu voir pour ce qui est de Zoran


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  1   Babic, ce qu'il a fait ce matin-là pendant que vous étiez allongés sur le

  2   pré ?

  3   R.  Dedo Crnalic a été appelé par Zoran Babic à un moment donné, et Dedo

  4   s'est levé et a approché Babic. Ils l'ont amené pas loin de cet endroit-là

  5   jusqu'à une remorque de tracteur. Lui-même et Mrdja, ils ont commencé à le

  6   passer à tabac jusqu'au moment où il a perdu conscience. Lorsque M. Crnalic

  7   a perdu conscience, Babic a sorti son couteau de la main gauche, il a mis

  8   le couteau sur la gorge de Crnalic et il a égorgé, ensuite il a essuyé le

  9   couteau contre la jambe droite de son pantalon et il a remis le couteau

 10   dans son étui.

 11   Q.  Est-ce que vous connaissiez M. Crnalic, est-ce que vous le connaissiez

 12   en personne ?

 13   R.  Oui, je connaissais M. Crnalic. Il était propriétaire du restaurant

 14   s'appelant Dedo, comme son prénom. Il était également propriétaire du club

 15   de sport Berek. Crnalic avait des relations d'affaire avec mon père. Mon

 16   père approvisionnait le restaurant en vivres, le restaurant de M. Crnalic,

 17   et c'est comme ça qu'on se connaissait.

 18   Q.  La première fois que vous avez vu M. Crnalic ce matin-là avant qu'il ne

 19   soit convoqué par M. Babic, en quel état se trouvait-il physiquement ?

 20   R.  J'ai pu voir que M. Crnalic ne se sentait pas bien du tout. Il avait du

 21   mal à marcher, il avait du mal à tenir son manteau à la main pendant qu'il

 22   se dirigeait vers Babic. J'ai pu constaté que ses forces avaient été

 23   épuisées, qu'il était à bout de force.

 24   Q.  Après cet assassinat commis par MM. Babic et Mrdja, qu'est-ce qu'ils

 25   ont fait du cadavre de M. Crnalic ?

 26    R.  Ils ont récupéré son corps et ils l'ont traîné un petit peu plus loin

 27   de façon à ce que nous, les détenus, ne puissions pas le voir.

 28   Q.  D'autres détenus ont-ils été convoqués ce matin-là ?


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  1   R.  Oui. Jasmin Alisic, Jama, et Djuzin ont été convoqués ce matin-là. Il

  2   s'agit de deux personnes que je connaissais personnellement. Il faut dire,

  3   toutefois, que pour ce qui est de Djuzin, je ne connaissais que son surnom.

  4   Je ne savais pas quel était son nom et prénom véritable, mais c'est

  5   quelqu'un que je connaissais personnellement.

  6   Q.  Et pourriez-vous dire ce qu'il est advenu de ces deux personnes après

  7   qu'elles soient convoquées ?

  8   R.  Je ne les ai plus jamais revues. Je pense que le destin a été le même

  9   que celui de Dedo Crnalic.

 10   Q.  Ce matin-là, avez-vous entendu des tirs dans l'entourage des autobus ?

 11   R.  Je ne m'en souviens plus, malheureusement.

 12   Q.  Ce matin-là, avez-vous repéré des membres de la police régulière à

 13   l'extérieur du camp de Manjaca ?

 14   R.  Oui. Et j'ai pu y voir des membres de la police d'active.

 15   Q.  Et que faisaient-ils, ces policiers ?

 16   R.  Il y avait un policier qui était chargé de distribuer de l'eau. Ceci

 17   s'est produit plus tard, vers midi ou 1 heure - je ne sais pas exactement

 18   quelle heure il était - mais en tout cas, ils se sont mis à distribuer de

 19   l'eau en se servant d'un bidon. Et lorsque c'était le tour de mon père, le

 20   bidon était déjà vide. C'est pourquoi mon père avait demandé qu'on lui

 21   donne à boire, et en réponse, il a reçu un coup de pied dans la poitrine,

 22   et c'est mon père qui l'a reconnu. Il l'a identifié en tant que policier

 23   d'active, parce que mon père, vous savez, il se rendait pratiquement tous

 24   les jours dans la ville de Banja Luka pour des raisons d'affaires.

 25   Q.  Quel âge avait votre père à cette époque ?

 26   R.  Il avait 54 ans.

 27   Q.  Et en quel état de santé était-il ?

 28   R.  Il ne se sentait pas bien du tout. Il avait attrapé la diarrhée, et il


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  1   a failli ne pas survivre dans le camp d'Omarska. Eso Sadikovic lui a

  2   administré la dernière perfusion qui lui restait. Et comme il le disait aux

  3   soldats, mon père avait souffert de trois attaques cardiaques avant la

  4   guerre, et c'est la raison pour laquelle il était en très mauvaise santé,

  5   mais c'est quelque chose dont les soldats n'ont pas tenu compte.

  6   Q.  Suite à tous ces événements que vous avez pu voir, que vous a-t-on

  7   forcés à faire, vous et les autres détenus ?

  8   R.  Pourriez-vous reprendre votre question ? J'avais perdu la  présence

  9   d'esprit un moment.

 10   Q.  Permettez-moi de vous poser la question suivante : a-t-on enregistré

 11   les noms des détenus avant de vous faire entrer dans le camp ?

 12   R.  Oui. Ils ont fait l'appel en se servant de leurs listes, ces listes

 13   figurant dans un cahier où tous nos noms étaient répertoriés. Alors, ils se

 14   sont mis à faire l'appel. C'est ainsi que nous avons été enregistrés, puis

 15   on nous a fait entrer dans le camp.

 16   Q.  Et cette procédure d'enregistrement, comment a-t-elle été effectuée ?

 17   Avaient-ils une table placée devant le camp ?

 18   R.  Oui. On a placé un certain nombre de tables. Il fallait les approcher,

 19   annoncer son nom et son prénom. Et une fois l'identification finie, nous

 20   étions enregistrés.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted, en sommes-nous

 22   terminés avec cet incident particulier ?

 23   M. OLMSTED : [interprétation] Pratiquement. Je pense que cela permettra

 24   d'appuyer la déposition faite par un autre témoin --

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La déposition d'un autre témoin

 26   concernant le même sujet ?

 27   M. OLMSTED : [interprétation] Oui.

 28   Q.  Nous avons presque terminé, Monsieur. Alors, j'aimerais que vous


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  1   apposiez le chiffre 4 pour indiquer l'endroit où la procédure

  2   d'enregistrement a eu lieu.

  3   R.  L'enregistrement s'est produit ici. Devant la porte d'entrée. Et

  4   j'appose le chiffre 4.

  5   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous resté dans le camp de Manjaca ?

  6   R.  J'y suis resté jusqu'à la mi-décembre, puis j'ai été déporté vers la

  7   ville de Karlovac par la Croix-Rouge.

  8   Q.  Pendant l'intervalle que vous avez passé au camp de Manjaca, quelqu'un

  9   vous a-t-il auditionné quant à ce que vous avez vécu dans le camp de

 10   Manjaca les 6 et 7 août 1992 ? Avez-vous été auditionné par la police ?

 11   R.  Non.

 12   M. OLMSTED : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce

 13   témoin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 14   M. ALEKSIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges.

 16   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : 

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 18   R.  Bonjour.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous demande pardon, Maître Aleksic,

 20   mais M. Olmsted souhaite intervenir.

 21   M. OLMSTED : [interprétation] Oui, je vous demande pardon. Je souhaite

 22   demander le versement au dossier de ce document.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1658, Monsieur le

 25   Président, Messieurs les Juges.

 26   M. ALEKSIC : [interprétation]

 27   Q.  Je m'appelle Aleksandar Aleksic. Je fais partie des conseils de la

 28   Défense chargés de défendre M. Zupljanin. Et je souhaite vous poser un


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  1   certain nombre de questions.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous avez été en contact à plusieurs reprises avec le bureau du

  4   Procureur du TPIY ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Deux déclarations préalables ont été recueillies, la première en 1995,

  7   la deuxième en 2001, et vous avez été contacté par téléphone à plusieurs

  8   reprises, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Puis l'année dernière - ou cette année ? - vous avez déposé à Sarajevo

 11   dans le cadre d'un procès --

 12   R.  Oui.

 13   Q.  -- mais lors de cette déposition, vous n'avez pas évoqué cet incident

 14   précis. Vous avez plutôt parlé des conditions qui prévalaient dans le camp

 15   d'Omarska ?

 16   R.  Oui, tout à fait.

 17   Q.  Lors de vos contacts avec l'Accusation, lors de vos auditions, vous

 18   avez expliqué ce que vous avez repris aujourd'hui lors de votre

 19   interrogatoire par M. Olmsted, à savoir le 7 août 1992 vous avez vu les

 20   agents de police faire sortir M. Dedo Crnalic de l'autobus. Vous avez

 21   d'abord pu voir comment deux policiers l'ont roué de coups, puis vous avez

 22   vu M. Zoran Babic qui a pris sa tête de la main gauche et lui a tranché la

 23   gorge de la main droite. Est-ce bien là ce que vous avez dit?

 24   R.  C'est ce que j'ai vu, mais je ne l'ai pas dit de la façon dont vous

 25   l'avez formulé.

 26   Q.  Veuillez alors expliquer comment les choses se sont passées ?

 27   R.  Je pense qu'il avait déjà été isolé du groupe. Il n'était pas à bord

 28   d'autobus comme vous l'avez dit. Et ce ne sont pas les agents de police qui


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  1   l'ont emmené où que ce soit. Il a suivi de son propre gré M. Babic et M.

  2   Mrdja.

  3   Q.  Je vous demande pardon, je n'ai pas été suffisamment précis.

  4   Pourriez-vous me dire ce que portait M. Dedo Crnalic ce matin-là ?

  5   R.  Dedo Crnalic portait un pantalon noir et une chemise blanche à manches

  6   courtes, et il portait dans sa main son manteau.

  7   Q.  Vous le connaissiez bien déjà ?

  8   R.  Oui.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je me demande simplement si la

 10   Défense adopte la position suivante, à savoir que l'assassinat de M.

 11   Crnalic n'a pas eu lieu à ce moment donné et à cet endroit précis et de la

 12   façon décrite par le témoin ?

 13   M. ALEKSIC : [interprétation] Tout à fait.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 15   M. ALEKSIC : [interprétation]

 16   Q.  Après lui avoir tranché la gorge, Babic a-t-il donné l'ordre à l'une

 17   des personnes présentes pour qu'on roue de coups le cadavre de la personne

 18   assassinée à l'aide d'un élément métallique qui faisait partie de

 19   l'équipement du tracteur ?

 20   R.  Je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  Monsieur, sauf le respect que je vous dois, je dois vous dire que vous

 22   ne dites pas la vérité quant à la façon dont M. Crnalic a trouvé la mort.

 23   M. Dedo Crnalic n'a pas trouvé la mort de cette façon-ci. Il n'était

 24   plus en vie ce matin-là. Vous ne l'avez pas vu à l'extérieur de l'autobus.

 25   Vous n'avez pas pu voir M. Babic lui trancher la gorge.

 26   Qu'en dites-vous ?

 27   R.  Ce que vous dites, ce n'est pas la vérité.

 28   Q.  Monsieur, je vous rappelle que vous avez fait le serment de dire la


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  1   vérité.

  2   R.  Oui, je le sais.

  3   Q.  Monsieur, avant vous, lundi, dans cette même salle d'audience, nous

  4   avons entendu un autre témoin de l'Accusation.

  5   M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

  6   objection. Il n'est pas approprié de se référer aux dépositions précédentes

  7   faites par d'autres témoins.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, j'attendais que

  9   l'avocat de la Défense termine sa question avant de lui poser la question

 10   de savoir ce qu'il était en train de faire.

 11   M. ALEKSIC : [interprétation] Je reformulerai ma question.

 12   Q.  Je vous affirme que M. Dedo Crnalic a trouvé la mort à cause des

 13   blessures internes, qu'il a souffert parce que ses côtes avaient été

 14   cassées. Et lorsqu'un examen pathologique a été fait, on n'a pas retrouvé

 15   de traces de coupures à sa gorge. Vous dites qu'il a été égorgé.

 16   Qu'en dites-vous ?

 17   R.  Monsieur, c'est moi qui me trouvais sur place et pas vous, et je crois

 18   savoir ce que j'ai vu.

 19   M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   peut-on afficher le document 2D71, page 9, s'il vous plaît. Ce qu'il me

 21   faut, c'est la page 9 de ce document. Peut-on également afficher également

 22   la version B/C/S pour que le témoin puisse la consulter.

 23   Q.  Monsieur, bien évidemment, vous n'avez jamais pu voir ce document

 24   auparavant, mais je vous dis, moi, qu'il s'agit ici de l'examen fait des

 25   cadavres retrouvés sur place. Là, concrètement, il est question du cadavre

 26   numéro 2. Dans la conclusion, il est indiqué et je cite : "la mort a été

 27   violente et elle est survenue immédiatement après l'arrêt de respiration."

 28   M. OLMSTED : [interprétation] J'aurais une objection à soulever, mais je


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  1   préfère ne pas l'interrompre dans sa question.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Aleksic, veuillez avoir la

  3   gentillesse de me rappeler quel lien vous établissez entre cette pièce à

  4   conviction et la personne en question, à savoir M. Crnalic. C'est peut-être

  5   moi qui n'ai pas suivi.

  6   M. ALEKSIC : [interprétation] M. Crnalic serait évoqué dans ce même

  7   document quelques pages plus loin. Permettez-moi de terminer, s'il vous

  8   plaît, ce que j'ai commencé.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Allez-y.

 10   M. ALEKSIC : [interprétation]

 11   Q.  Ici il est question de cadavre numéro 2, dans la conclusion il est

 12   indiqué que :

 13   "La mort est survenue au moment où la personne a arrêté de respirer."

 14   Puis point numéro 2 :

 15   "L'arrêt de la respiration est survenu parce que les côtes ont été brisées

 16   et parce que très probablement le cerveau avait été endommagé."

 17   Puis point 3 :

 18   "La blessure de la cage thoracique a été provoquée par un instrument lourd

 19   contondant et appliqué avec une grande force mécanique."

 20   R.  Je ne peux pas très bien déchiffrer le texte.

 21   M. ALEKSIC : [interprétation] Peut-on passer à la page 15 du document, s'il

 22   vous plaît. Nous avons la bonne page en serbe. Quant à la version anglaise,

 23   il nous faut la page 1D00-6004. Voilà. C'est la bonne page qui vient d'être

 24   affichée.

 25   Q.  Monsieur, dans ce document que vous avez sous les yeux, il est dit que

 26   le 8 août, donc le lendemain des événements que vous avez évoqués, des

 27   échantillons de ligne papillaire ont été prélevés à partir des index des

 28   cadavres inconnus afin de permettre leur identification.


Page 16068

  1   Puis dans le dernier paragraphie il est indiqué :

  2   "Dans notre lettre référence," telle et telle, "nous vous avons fait

  3   parvenir des photocopies des cartes d'identité appartenant à Dedo Crnalic

  4   et Nezir Krak…"

  5   Puis il est indiqué :

  6   "Veuillez nous présenter votre opinion et vos conclusions pour ces deux

  7   affaires."

  8   Est-ce exact ?

  9   R.  Je ne saurais me prononcer sur le sujet.

 10   M. ALEKSIC : [interprétation] Peut-on afficher la dernière page du

 11   document. C'est la page 20, je crois.

 12   Q.  Monsieur, veuillez vous concentrer sur l'avant-dernier paragraphe dans

 13   les deux versions B/C/S et anglaise. Il s'agit là d'un rapport portant sur

 14   l'expertise dactyloscopique qui fait suite à la requête que je viens de

 15   vous présenter il y a quelques instants, et il est indiqué :

 16   "Le prélèvement litigieux fait sur un cadavre retrouvé dans la rivière de

 17   Vrbas", ça c'est les premier rapport que je vous ai présenté, "appartient à

 18   l'index droit qui se retrouve dans la carte d'identité appartenant à Dedo

 19   Crnalic, fils de Dervis, né le 15 octobre 1926."

 20   Est-ce que bien ce qui est écrit ici ?

 21   R.  Oui. C'est écrit ici, mais je ne saurais me prononcer sur la teneur.

 22   Q.  Monsieur, d'après ce document, vous ne dites pas la vérité.

 23   R.  Je pense c'est le document qui n'est pas véridique.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Aleksic, d'après ce que le

 25   témoin avait déjà dit, ceci était absolument inévitable. Monsieur Aleksic,

 26   ce que vous faites ici, c'est présenter une argumentation.

 27   M. ALEKSIC : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]


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  1   M. ALEKSIC : [interprétation] Puis-je dire quelque

  2   chose ? Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai compris le

  3   sens de votre observation. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Vous permettez, Monsieur le Président ?

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  6   Contre-interrogatoire par M. Cvijetic : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Je serai beaucoup plus succinct. Je n'ai qu'une chose à vous dire.

 10   M. Dedo Crnalic a trouvé la mort parce qu'il avait été roué de coups

 11   au moment où l'autobus s'est arrêté pendant le trajet, et il n'est pas

 12   arrivé vivant dans le camp de Manjaca.

 13   Ce que je viens de dire, n'est-il pas vrai ?

 14   R.  Je crois que non, et je ne suis pas la seule personne qui a vu cet

 15   événement à Manjaca. Je peux vous citer les noms de plusieurs témoins qui

 16   vous confirmeront ce que je viens de vous dire.

 17   Q.  Et pourriez-vous citer leurs noms, alors ?

 18   R.  Ce n'est pas important à ce moment précis, mais s'il se trouve que la

 19   question est litigieuse, je peux vous citer leurs noms. Je ne sais pas si

 20   ces témoins auraient préféré rester anonymes.

 21   Q.  Permettez alors de vous poser une question concrète. Un des témoins

 22   potentiels aurait-il pu être M. Murselovic. Et par ailleurs, le connaissez-

 23   vous, M. Murselovic; il était propriétaire d'un café ?

 24   R.  Oui, je le connais.

 25   Q.  Et se trouvait-il au camp de Manjaca ? Avait-il fait partie du même

 26   groupe transporté ?

 27   R.  Je ne l'ai pas vu sur place, mais je crois qu'il y était.

 28   Q.  Je vous ferai une autre suggestion. Nous avons entendu dire que Dedo


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  1   Crnalic avait trouvé la mort parce qu'il a été exécuté par un peloton

  2   d'exécution à l'extérieur du camp de Manjaca; ceci est-il vrai ?

  3   R.  Je ne le pense pas.

  4   Q.  Les interprètes vous seront reconnaissants de bien vouloir répéter

  5   votre réponse un peu plus fort, s'il vous plaît.

  6   R.  Je ne l'ai pas vu et je ne crois pas que ce soit vrai.

  7   Q.  Mais comment pouvez-vous ne pas savoir que cela est vrai, puisque vous

  8   dites savoir ce qui s'est passé exactement ?

  9   R.  Ce que vous racontez, cela ne m'intéresse pas. Moi, je sais ce que j'ai

 10   vu.

 11   Q.  Bien, je vous pose la question de savoir s'il est vrai qu'il a été

 12   fusillé ou non ?

 13   R.  Je ne le sais pas, Monsieur, je n'ai pas pu tout suivre.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, mon impression, c'est

 15   que vous n'avez pas l'intention d'entrer en débat avec le témoin, mais

 16   plutôt de présenter des moyens de preuve aux Juges de la Chambre. C'est la

 17   première fois que nous entendons parler de cette suggestion. Peut-être

 18   avez-vous l'intention de présenter des moyens de preuve à cet effet plus

 19   tard, mais si vous êtes tout simplement en train de forger des théories, je

 20   me demande à quel point cela peut nous être utile.

 21   M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 22   il semblerait qu'il y a désaccord entre les deux représentants de la

 23   Défense, parce que l'un des conseils de la Défense semble avoir affirmer

 24   que tout simplement la victime avait été rouée de coups et qu'il existe des

 25   examens pathologiques le confirmant. Alors que l'autre conseil de la

 26   Défense semble affirmer que la personne, que la victime a été fusillée.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas quelque chose qui

 28   devrait vous préoccuper, vous, Monsieur Olmsted. Il en sera question dans


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  1   les plaidoiries.

  2   Mais, Maître Cvijetic, je vous signale qu'il n'est pas acceptable de poser

  3   ce type de questions à moins que vous ne soyez en mesure de présenter des

  4   moyens de preuve confirmant votre hypothèse.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, mais nous sommes en

  6   mesure de présenter des moyens de preuve pertinents. Et par ailleurs, avec

  7   l'un des témoins précédents, la Défense a déjà présenté des moyens de

  8   preuve à cet effet. Ceci s'est passé lors de l'audition des témoins

  9   précédents. Là, nous venons d'entendre la troisième version des événements.

 10   Tout ce que j'ai fait, moi, c'est de rappeler aux Juges de la Chambre

 11   quelles sont les deux versions du même événement que nous avons déjà

 12   entendu de la part d'autres témoins.

 13   Si vous le souhaitez, je peux vous préciser de quelle pièce à

 14   conviction il s'agit.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Cvijetic, pourriez-vous nous

 17   indiquer le pseudonyme du témoin auquel vous faites référence ?

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Le témoin a déposé en audience publique, il

 19   n'a pas bénéficié des mesures de protection, donc je peux citer son nom et

 20   son prénom, si vous le souhaitez.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je préfère avoir son pseudonyme, s'il

 22   vous plaît.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] ST-227.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et il aurait déposé comme quoi M.

 25   Crnalic a été exécuté par un peloton d'exécution ?

 26   M. CVIJETIC : [interprétation] Ce témoin s'est vu présenter la déclaration

 27   écrite qu'il avait donné au tribunal de Sanski Most. Ceci faisait partie de

 28   la procédure entamée pour diligenter une enquête relative au décès de M.


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  1   Dedo Crnalic, et c'était là la version qu'il avait présentée à ce tribunal

  2   national. Et nous l'avons confronté avec le document.

  3   Mais lors de sa déposition devant les Juges de la Chambre, il a

  4   affirmé que la victime avait été rouée de coups et qu'elle avait déjà

  5   trouvé la mort au moment où elle est arrivée à Manjaca.

  6   M. OLMSTED : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  7   la Défense ne représente pas correctement la déposition de ce témoin. Et je

  8   pense qu'elle ne devrait pas se mêler de continuer sur ce point. Il existe

  9   un document qui avait été montré à ce témoin précédent suggérant que la

 10   victime avait été fusillée. Mais ce n'est pas le témoin qui a déclaré quoi

 11   que ce soit de semblable.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Tout à fait.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   j'essaie tout simplement de vérifier à laquelle des trois versions de

 15   l'événement il faut se fier. Sinon, je n'ai pas d'autres questions à poser

 16   à ce témoin.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avez-vous des questions supplémentaires,

 18   Monsieur Olmsted ?

 19   M. OLMSTED : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je n'ai qu'une

 20   seule question à poser.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. OLMSTED : [interprétation] Ce sera très bref.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Merci.

 24   Nouvel interrogatoire par M. Olmsted :

 25   Q. [interprétation] Monsieur, vous avez dit que quand vous avez vu M.

 26   Crnalic ce matin-là, qu'il avait été, avant d'être appelé par Babic et

 27   Mrdja, qu'il pouvait à peine marcher, qu'il était en très mauvais état.

 28   Est-ce que vous aviez l'impression à l'époque qu'il avait été passé à tabac


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  1   récemment ?

  2   R.  Oui, oui, c'est exactement cela qu'il avait l'air. Il était tout cassé.

  3   M. OLMSTED : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

  4   Président, Messieurs les Juges.

  5   Questions de la Cour :

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous nous avez

  7   dit qu'au moment où M. Crnalic a été tué, vous nous avez dit qu'il y avait

  8   des policiers d'active qui étaient présents juste à l'extérieur de la

  9   grille ? Est-ce exact, ce que vous nous avez dit ?

 10   R.  Oui, ils étaient présents, mais le meurtre a été commis par les membres

 11   du Peloton d'intervention, Mrdja et Babic l'ont fait.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais les policiers d'active ont été

 13   les témoins de ce meurtre ?

 14   R.  Oui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ont-ils réagi de quelque façon que ce

 16   soit ?

 17   R.  Non, personne n'a osé rien faire. Personne n'a osé les empêcher

 18   lorsqu'ils étaient en train de faire. C'étaient eux qui décidaient de tout,

 19   c'étaient eux qui étaient considérés comme des héros, des dirigeants en

 20   quelque sorte.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Une dernière question. Nous

 22   devons passer à huis clos partiel pour cette question, s'il vous plaît.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur, nous vous remercions d'avoir

 16   accepté de revivre ces événements douloureux et ainsi aider les Juges de la

 17   Chambre. Vous pouvez disposer, nous vous souhaitons un bon voyage de

 18   retour. L'huissier va vous accompagner pour quitter ce prétoire.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 20   [Le témoin se retire]

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Olmsted, est-ce que vous avez

 22   d'autres témoins pour aujourd'hui ?

 23   M. OLMSTED : [interprétation] Malheureusement non, Monsieur le Président.

 24   Le témoin que nous avions prévu pour déposer après ce témoin, eh bien, nous

 25   avons déplacé sa déposition parce que nous ne pensions vraiment pas que

 26   nous allions terminer plus tôt, vu le nombre de contre-interrogatoires qui

 27   avaient été prévus pour cette semaine.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Dans ce cas, nous levons la


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  1   séance et nous allons reprendre nos travaux lundi matin. Et je souhaite un

  2   bon week-end à tout le monde.

  3   --- L'audience est levée à 12 heures 13 et reprendra le lundi 18 octobre

  4   2010, à 9 heures 00.

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