Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 18 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour, Messieurs les

  6   Juges.

  7   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le procureur contre Mico Stanisic

  8   et Stojan Zupljanin. Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 10   Bonjour à tous.

 11   Pourrions-nous avoir les présentations, s'il vous plaît.

 12   M. RINDI : [interprétation] Francesco Rindi, Joanna Korner, et

 13   Crispian Smith pour le bureau du Procureur.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me

 15   Zecevic, Eugene O'Sullivan, et Tatjana Savic, et Jessica Lacey pour la

 16   Défense de Stanisic ce matin.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan

 18   Krgovic et Aleksandar Aleksic pour la Défense Zupljanin.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Il n'y a pas de point à

 20   l'ordre du jour avant l'audience du témoin, pourrions-nous le faire

 21   rentrer, s'il vous plaît.

 22   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je pense que vous

 24   m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Je vous remercie. Bonjour.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maintenant veuillez faire, s'il vous

 27   plaît, la déclaration solennelle - l'huissière vous tend celle-ci - et

 28   veuillez la lire à haute voix.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  2   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : IVO ATLIJA [Assermenté]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

  6   asseoir.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La déclaration solennelle que vous venez

  9   de faire vous oblige donc maintenant sous sanction de poursuite pour

 10   parjure ou faux témoignage, de dire la vérité. Donc pouvez-vous tout

 11   d'abord nous donner votre nom.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Ivo Atljija.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre date de naissance,

 14   votre profession et votre appartenance ethnique ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 19 mai 1963. Je suis technicien

 16   en génie civil et d'appartenance ethnique croate.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avez-vous déjà témoigné devant ce

 18   Tribunal ou devant un autre tribunal, dans l'un des pays de l'ex-

 19   Yougoslavie ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné devant ce Tribunal, il me

 21   semble que c'était à l'occasion de deux affaires.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Dans ce cas, je n'ai pas vraiment besoin

 23   de vous rappeler que très brièvement quelle est la procédure de ce

 24   Tribunal. Donc vous allez être interrogé tout d'abord, par la partie qui

 25   vous a cité, et ensuite la partie adversaire pourra procéder à un contre-

 26   interrogatoire. Donc les deux Défenses vous poseront des questions, ensuite

 27   l'Accusation pourra vous poser des questions supplémentaires, et à tout

 28   moment, les Juges de la Chambre, qui sont devant vous, pourront vous poser

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  1   des questions.

  2   Votre témoignage devrait être court ne prendre que la première séance de

  3   cette audience. Sachez que nous ne siégeons qu'une heure et demie à la

  4   fois, pour deux raisons : Tout d'abord, parce que les bandes audio qui

  5   servent à enregistrer les débats doivent être changées toutes les heures et

  6   demie, et ensuite, cela permet au témoin, aux Juges, aux conseils et à tout

  7   le monde de se reposer. Cela dit, si vous avez besoin de pause à un moment

  8   ou à un autre, veuillez nous le faire savoir; bien sûr, nous ferons droit à

  9   votre demande.

 10   L'Accusation normalement a besoin d'une heure et demie pour ses

 11   questions, et les conseils des accusés ont demandé chacun une demi-heure,

 12   pour leur contre-interrogatoire.

 13   Maintenant, Monsieur Rindi, vous avez la parole.

 14   Interrogatoire principal par M. Rindi : 

 15   Q.  [interprétation] Monsieur Atlija, j'ai quelques points supplémentaires

 16   à vous poser à propos de votre carrière.

 17   Donc d'abord, avez-vous fait votre service militaire en 1992 [aucune

 18   interprétation] à Skopje en Macédoine ?

 19   R.  Oui, tout à fait. En 1982, j'ai fait mon service militaire à Skopje, en

 20   Macédoine.

 21   Q.  En 1983, avez-vous travaillé en tant que technicien au service de

 22   maintenance des mines de Ljubija, à Prijedor ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Le 17 novembre 1992, avez-vous quitté la Bosnie-Herzégovine?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Monsieur Atlija, j'aimerais que nous nous attardions sur ce qui s'est

 27   passé, le 30 avril 1992.

 28   Ou habitiez-vous le 30 avril 1992 ?

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  1   R.  Le 30 avril 1992, j'habitais à Prijedor, dans un appartement qui

  2   appartenait à mon père, qui se trouve dans le quartier appelé Pecani, rue

  3   Akif Seramet. Je ne me souviens pas très bien du numéro.

  4   Q.  Etes-vous allé travailler ce jour-là ?

  5   R.  Ce matin-là, je suis allé travailler comme tout le monde, comme tous

  6   les autres jours.

  7   Q.  Alors lorsque vous avez quitté votre appartement pour aller travailler,

  8   ce jour-là, avez-vous remarqué quoique que ce soit d'inhabituel dans les

  9   rues de Prijedor ?

 10   R.  La première chose que j'ai remarquée, en traversant le petit canal qui

 11   est entre Pecani et Rudar, donc il y a un petit canal -- un petit pont

 12   qu'il faut traverser. Là, j'ai vu qu'il y avait le premier point de

 13   contrôle qui avait été établi, tenu par cinq ou six soldats. Ensuite

 14   j'allais donc vers le centre de maintenance, et plus je me rapprochais du

 15   centre de Maintenance, plus il y avait de postes de contrôle tout autour du

 16   bâtiment municipal. Il y avait à l'époque aussi le commissariat de police,

 17   le tribunal, donc il y avait tous ces bunkers érigés en points de contrôle.

 18   On voyait des soldats, il y avait toute sorte d'insignes et d'emblèmes, et

 19   ce, j'ai vu tout cela pendant tout le trajet jusqu'au centre de Maintenance

 20   à Prijedor.

 21   Q.  Qui tenait ces points de contrôle ?

 22   R.  Au point de contrôle, il y avait des hommes en uniforme qui étaient

 23   habillés en uniforme de l'ex-JNA, avec l'insigne de nom de la JNA, mais ils

 24   arboraient aussi toute sorte d'autres emblèmes, l'emblème tricolore serbe,

 25   les Aigles blancs, qui venaient de la Deuxième Guerre mondiale. Enfin

 26   d'autres emblèmes qui venaient de la Deuxième Guerre mondiale. Donc toutes

 27   ces personnes étaient habillées de façon assez bigarrée, avec la à la fois

 28   des uniformes et des vêtements civils.

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  1   Q.  Mais quelle était l'appartenance ethnique des gens qui tenaient ces

  2   postes de contrôle ?

  3   R.  J'en connaissais certains, ils étaient, Serbes. Mais la plupart d'entre

  4   eux, je ne les connaissais pas. Mais ils étaient tous Serbes.

  5   Q.  Vous nous avez dit avoir vu des hommes qui arboraient toute sorte

  6   d'emblèmes y compris l'emblème tricolore des Serbes. Savez-vous qui étaient

  7   ces individus, savez-vous s'ils appartenaient à une formation armée

  8   quelconque ?

  9   R.  A l'époque, dans la ville de Prijedor et dans les alentours d'ailleurs,

 10  il y avait la 5e Brigade de Kozara. Donc c'était la 5e Brigade de Kozara qui

 11   était responsable de toute cette région.

 12   Q.  Après avoir vu les barricades, vous êtes-vous quand même rendu à votre

 13   travail ?

 14   R.  Oui. Je suis allé à l'atelier principal sans être arrêté par quiconque,

 15   sans qu'on me demande quoique ce soit d'ailleurs. Et je suis arrivé à mon

 16   poste vers 7 heures du matin.

 17   Q.  Qui dirigeait ce centre de maintenance, l'atelier dans lequel vous

 18   travailliez ?

 19   R.  Il s'appelait Crnkic -- Ekrem Crnkic. Il nous a tous rassemblés, ce

 20   jour-là, il nous a dit que la veille, les membres du Parti démocratique

 21   serbe tenu par certaines unités avait pris pouvoir dans la municipalité de

 22   Prijedor, et donc nous avait ordonné de tous rentrer chez nous, il disait

 23   que l'entreprise allait être fermée, et que nous n'avions plus de travail.

 24   Q.  Après qu'on vous a dit cela, après votre directeur vous a dit cela, où

 25   êtes-vous allé ?

 26   R.  J'étais donc à l'atelier central. Je me suis rendu à la gare routière

 27   de Prijedor. Je voulais aller à Ljubija, en autocar, et ensuite à Brisevo

 28   pour voir ce qui se passait à Brisevo, et  pour m'assurer que mes parents

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  1   allaient bien.

  2   Q.  Après avoir eu cette conversation avec le directeur de votre atelier;

  3   avez-vous compris quel était le but de ces barricades, de ces points de

  4   contrôle qui avaient été érigés dans Prijedor ?

  5   R.  Oui, j'ai plus ou moins compris. Mais c'est lorsque je me suis rendu à

  6   la gare routière à Prijedor, j'ai vu, j'ai trouvé des gens que je

  7   connaissais qui travaillaient à la mairie, au tribunal et qui m'ont dit que

  8   les membres des trois unités serbes qui avaient érigé les points de

  9   contrôle les ont obligés à rentrer chez eux, les ont empêchés de prendre

 10   leur poste soit au commissariat, soit au tribunal, soit à la mairie. Donc

 11   c'est là que j'ai compris que le but était d'empêcher les non-Serbes de se

 12   rendre leur poste de travail afin que les Serbes puissent ainsi occuper

 13   toutes les positions importantes dans Prijedor.

 14   Q.  Vous nous avez dit que vous êtes allé à Brisevo ce jour-là. Combien de

 15   temps êtes-vous resté à Brisevo ?

 16   R.  Oui, ce jour-là, je suis allé à Brisevo, en effet, et j'y suis resté

 17   jusqu'au 17 novembre 1992.

 18   Q.  Quelle était la composition ethnique de Brisevo ?

 19   R.  Le village de Brisevo était entièrement croate.

 20   Q.  Lorsque vous étiez à Brisevo, donc de mai à juillet 1992 par exemple,

 21   êtes-vous revenu à Prijedor à un moment ou à un autre ?

 22   R.  Non. Non, je ne m'y suis pas rendu du tout.

 23   Q.  Avez-vous entendu dire que des villageois de Brisevo se seraient, eux,

 24   rendus à Prijedor ?

 25   R.  Non, je n'en sais rien. J'en sais rien, mais j'ai entendu dire qu'il

 26   fallait un permis spécial accordé par les autorités serbes à Ljubija pour

 27   aller à Prijedor. Un de nos villageois, Pero Dimac, a essayé -- a réussi à

 28   obtenir le permis, est allé à Prijedor, mais on ne l'a pas autorisé à

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  1   entrer dans la ville. Malheureusement, il a été tué un peu plus tard à

  2   Brisevo.

  3   Q.  Est-ce qu'il fallait un permis à toutes les personnes pour se rendre à

  4   Prijedor, quelque soit leur appartenance ethnique ?

  5   R.  Non, les Serbes n'avaient pas besoin d'un permis.

  6   Q.  Savez-vous qui avait le pouvoir de délivrer ce permis de voyage ?

  7   R.  C'était la cellule de Crise serbe de Ljubija qui délivrait le permis,

  8   et cette cellule de Crise était dirigée par les frères Taranjac, Slobodan

  9   et Djoko, les frères --

 10   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Donc c'était dirigé par les frères

 11   Tranjac, Slobodan et Joko.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne sais pas quel était leur poste.

 13   M. RINDI : [interprétation]

 14   Q.  Vous dites que qu'après le 30 mai 1992 vous êtes resté à Brisevo et

 15   vous y avez habité jusqu'en novembre. J'aimerais savoir si vous saviez si

 16   les habitants non-Serbes qui, eux, sont restés à Prijedor, ont eu le droit

 17   de se déplacer dans Prijedor ?

 18   R.  A l'époque, je n'en savais rien. Mais par la suite, en m'entretenant

 19   avec les personnes qui étaient restées à Prijedor, j'ai appris qu'il leur

 20   était interdit de se déplacer librement, que sur leurs fenêtres ils

 21   devaient accrocher des drapeaux blancs. Certains même ont dit qu'il fallait

 22   qu'ils mettent des bandeaux sur leurs manches pour faire savoir qu'ils

 23   n'étaient pas Serbes.

 24   Q.  Le soir, avaient-ils le droit de sortir de chez eux et de se déplacer

 25   dans Prijedor ?

 26   R.  Ils m'ont dit que tous les non-Serbes à Prijedor étaient soumis à un

 27   couvre-feu.

 28   Q.  Monsieur Atlija, avançons maintenant un peu dans la chronologie.

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  1   Maintenant, j'aimerais que nous nous retrouvions le matin à l'aube du 27

  2   mai 1992.

  3   Où vous trouviez-vous ce jour-là ?

  4   R.  J'étais à Brisevo chez mes parents, dans leur maison.

  5   Q.  Qu'est-il arrivé ce jour-là ?

  6   R.  A 4 heures 30 du matin, nous avons entendu les premières explosions.

  7   Nous étions attaqués par l'artillerie.

  8   Q.  Mais qui vous attaquait à l'aide d'artillerie ?

  9   R.  Les tirs venaient des villages de serbes de Rasavci et Ostra Luka.

 10   Q.  Savez-vous qui dirigeait l'attaque ?

 11   R.  D'après ce que je sais, de ce que je savais à l'époque, Ostra Luka

 12   était sous le contrôle de la 6e Brigade de Krajina. En ce qui concerne

 13   Rasavci, je crois que c'est la 5e Brigade de Kozara, mais je ne sais pas

 14   exactement quelles étaient les zones de responsabilité exactes de ces deux

 15   brigades.

 16   Q.  Combien de temps a duré l'attaque ?

 17   R.  Pratiquement toute la journée.

 18   Q.  Maintenant, pendant la période qui est allée depuis le lendemain de

 19   l'attaque, donc le 28 mai, jusqu'au 24 juillet 1992, avez-vous eu le -- les

 20   habitants de Brisevo -- le droit de circuler librement dans la municipalité

 21   de Prijedor ?

 22   R.  Nous avons -- nous, nos déplacements étaient extrêmement limités. Nous

 23   pouvions aller à Brisevo, Stara Lika. Mais vers Rasavci, Ljubija, Ostra

 24   Luka, Crkovo, Bistani, là, c'était une région qui était déjà occupée par

 25   les forces serbes. Elles avaient mis en place des bunkers, des postes de

 26   contrôle. Il y avait des patrouilles de Serbes armés qui surveillaient la

 27   région, et on ne pouvait pas s'y déplacer de façon libre.

 28   M. RINDI : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir à

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  1   l'écran la pièce P01526. M. l'Huissier pourrait-il venir prêter assistance

  2   au témoin afin qu'il sache comment fonctionne le stylet.

  3   Q.  Monsieur Atlija, voyez-vous la carte qui est sous vos yeux ? Pouvez-

  4   vous identifier Brisevo ?

  5   R.  Oui, je vois bien Brisevo. C'est à l'écran.

  6   Q.  Vous nous avez parlé de postes de contrôle. Pouvez-vous nous dire

  7   exactement où se trouvaient les postes de contrôle ?

  8   R.  Oui. Par exemple, la route de Brisevo -- sur la route de Brisevo à

  9   Ljubija, il y avait des postes de contrôle à l'entrée de Ljubija, deux

 10   bunkers. Si on voulait se rendre de Brisevo vers les villages musulmans,

 11   comme Zecovi, Carakovo, Hambarine, et là, il y a une colline appelée Kurevo

 12   [phon], colline boisée, et aux alentours de cette colline, les forces

 13   serbes avaient établi des bunkers et des postes de contrôle parce que dans

 14   cette foret de Kurevo, il y avait un grand nombre de Musulmans qui

 15   s'étaient enfuis de leurs villages pour se réfugier dans la colline, dans

 16   les bois. Là aussi, si on voulait aller vers Ostra Luka ou Rasavci, qui ne

 17   sont pas sur la carte mais qui sont près de la rivière Sana, si on voulait

 18   aller dans ces villages, de Brisevo, on devait traverser un certain nombre

 19   de points de contrôle. Puis aussi vers Rasavci, même -- je sais que du côté

 20   -- sur la route de Rasavci, il y avait un canon sans recul qui avait été

 21   installé.

 22   Q.  C'était à quelle époque ?

 23   R.  Je ne sais pas exactement à quelle date, mais tout ceci est intervenu

 24   en mai et juin 1992.

 25   Q.  Savez-vous qui tenaient ces points de contrôle, à quelles forces

 26   appartenaient-ils ?

 27   R.  Il s'agissait de soldats serbes armés. Quant à savoir à quelles unités

 28   exactes ils appartenaient, et savoir quelles unités tenaient quels points

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  1   aux postes de contrôle, je n'en sais rien je ne sais pas comment ils

  2   étaient repartis les points de contrôle. Mais c'était principalement les

  3   deux brigades dont j'ai parlé, la 5e Brigade de Kozara de Prijedor et la 6e

  4   Brigade de la Krajina de Sanski Most.

  5   Q.  Vous nous avez dit qu'il y a un certain nombre de villages où vous

  6   pouviez vous rendre. Mais quelle était la composition ethnique de ces

  7   villages où vous pouviez vous rendre ?

  8   R.  On pouvait aller vers le sud vers Stara Rijeka, qui est un village

  9   principalement croate, et pendant un moment, on a aussi pu aller vers

 10   Gorjna Ravska, qui est à gauche encore de Ljubija, qui est un village

 11   principalement croate aussi. Mais, fin mai, il y a eu un point de contrôle

 12   qui a été mis en place sur la route qui va vers ce village, et n'avons plus

 13   été en mesure de nous rendre à Gornja Ravska.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Je conseille juste à mon éminent confrère que

 15   s'il souhaite verser cette carte au dossier,

 16   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 17   M. RINDI : [interprétation] Elle est déjà au dossier.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais enfin --

 19   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 20   M. ZECEVIC : [interprétation] -- si l'intention de verser cette pièce au

 21   dossier telle qu'elle est annotée, il faudrait peut-être mettre un repère

 22   sur les annotations pour que l'on sache exactement ce dont le témoin a

 23   parlé.

 24   M. RINDI : [interprétation] Ecoutez, Messieurs les Juges, ce témoin n'a

 25   fait qu'annoter les points de contrôle. Rien d'autre.

 26   M. ZECEVIC : [interprétation] Absolument pas. Tout d'abord, dans sa

 27   première annotation il a annoté où se trouvait le village de Brisevo.

 28   Ensuite il a montré quelle était la route qu'ils pouvaient emprunter pour

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  1   aller vers un certain village. Ensuite il a aussi fait une annotation pour

  2   repérer une colline, --

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord,

  4   Monsieur Rindi, avec Me Zecevic. Essayez de nous mettre une légende sur ces

  5   annotations pour que nous puissions y retrouver plus tard.

  6   M. RINDI : [interprétation] Tout à fait.

  7   Q.  Monsieur Atlija, pourriez-vous, s'il vous plaît, mettre un C à côté de

  8   tous les points de contrôle que vous venez de repérer sur la carte. Donc

  9   veuillez, s'il vous plaît, annoter tous les postes de contrôle que vous

 10   avez repérés sur la carte d'un petit C.

 11   R.  Très bien. J'ai compris ce que j'avais à faire.

 12   Q.  Et vous pourriez apposer la lettre M pour indiquer où se trouvaient les

 13   villages dans lesquels vous pouviez vous rendre en passant par des postes

 14   de contrôle ?

 15   R.  Oui, la carte n'est pas très lisible en ce moment.

 16   Je vous demande pardon. Je vous demande pardon, il sera un peu difficile de

 17   déchiffrer la carte parce que j'ai du mal à poser mon stylet là où je

 18   souhaite le faire avec précision.

 19   Q.  Je pense que nous pourrons nous servir de cette carte tout de même.

 20   Monsieur Atlija, j'aimerais que nous passions à un autre sujet à présent.

 21   Savez-vous quelle est la distance qui sépare le village de Brisevo de celui

 22   d'Hambarine ?

 23   R.  A vol d'oiseau, six à sept kilomètres. En revanche, si on emprunte la

 24   route, la distance pourrait monter à 12 ou 13 kilomètres.

 25   Q.  Etait-il possible de voir le village d'Hambarine depuis Brisevo ?

 26   R.  Depuis la colline de Brisevo, il était possible de voir Hambarine.

 27   Q.  Tous ces villages se situaient-ils à la même altitude ?

 28   R.  Je pense que Brisevo occupe une position un peu plus haute, un peu plus

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  1   élevée par rapport à Hambarine. Il se trouve à une altitude de 500 mètres

  2   environ.

  3   Q.  Savez-vous ce qui s'est passé le 22 mai 1992 ou au autour de cette

  4   date, à Hambarine ?

  5   R.  C'est vers cette époque que l'incident ou un incident s'est produit à

  6   Hambarine. Quatre soldats serbes se trouvaient à bord de voiture ils ont

  7   essayé de couvrir le trajet qui va de Prijedor à Ljubija en passant par

  8   Hambarine. Or les Musulmans avaient établi un poste de contrôle ou un

  9   bunker à Hambarine. Ils ont arrêté ces soldats qui se trouvaient à bord de

 10   voiture, et il y a eu des tirs. Alors, je ne sais pas si quelqu'un a été

 11   tué. Mais je sais que plusieurs personnes ont été blessées.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Rindi, permettez-moi de vous

 13   interrompre brièvement. Au vu des questions que vous êtes en train de

 14   poser, je me demande si vous en avez terminé avec la carte. Et si oui, il

 15   faudrait demander son versement au dossier.

 16   M. RINDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'en ai terminé

 17   avec la carte. Je souhaite demander son versement au dossier.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La carte est admise au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte qui portait la cote P01526, ou,

 20   plutôt, la version annotée de cette carte portera désormais la cote P01659.

 21   M. RINDI : [interprétation]

 22   Q.  Savez-vous ce qui s'est produit suite à cet incident qui s'est déroulé

 23   à Hambarine ?

 24   R.  Suite à l'incident, les autorités serbes de Prijedor ont émis un

 25   ultimatum à l'intention des habitants de Prijedor. Il s'agissait de

 26   remettre entre leur main une personne nommée Ramisic [phon] ou Raniski

 27   [phon] et qui avant la guerre avait occupé le poste de policier, donc cette

 28   personne-là et toutes les autres personnes soupçonnées d'avoir -- étaient

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  1   impliquées dans l'incident devaient être remises entre les mains des

  2   autorités serbes, et ceci avait été annoncé à la radio.

  3   Je ne me souviens plus du délai dans lequel il fallait remplir les

  4   conditions de l'ultimatum, il me semble, qu'il s'agit d'un jour ou de deux

  5   jours. Mais les habitants d'Hambarine n'ont pas satisfait aux conditions de

  6   cet ultimatum et ils n'ont pas remis entre les mains des autorités serbes

  7   des personnes recherchées, et c'est alors qu'une attaque contre le village

  8   d'Hambarine s'est ensuivie.

  9   Q.  Avez-vous pu suivre l'attaque depuis le village de Brisevo ?

 10   R.  De paire avec Milan Buzuk, je suis monté une colline ce matin-là, et

 11   depuis cet endroit, nous pouvions suivre ce qui se passait dans le village

 12   d'Hambarine. En partie, nous pouvions également suivre le déploiement de

 13   l'attaque depuis la ville de Prijedor.

 14  

 15   Q.  Savez-vous pendant combien de temps cette attaque a duré ?

 16   R.  Je pense que tout a été terminé en une seule journée.

 17   Q.  Savez-vous ce qui est advenu de la population non-serbe dans Hambarine

 18   suite à cette attaque ?

 19   R.  Un grand nombre de femmes et d'enfants se sont enfuis du village pour

 20   venir dans le village de Brisevo, et c'est de leur bouche que nous avons

 21   entendu la description des événements qui s'étaient produits à Hambarine.

 22   Quant à ce que nous pouvions voir, nous ne pouvions qu'entendre des tirs.

 23   Or, les femmes et les enfants étaient pris de panique et ne faisaient que

 24   répéter continuellement la même chose : "Ils ont tout brûlé. Ils ont tué

 25   tout le monde. Ils n'arrêtent pas de violer." Bon, voilà, c'est un peu le

 26   sens de leurs propos.

 27   Q.  Savez-vous si les Serbes qui habitaient le village d'Hambarine avant

 28   l'attaque ont continué à y vivre suite à cette attaque ?

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  1   R.  La plupart des personnes qui se sont réfugiées vers Brisevo ont essayé

  2   d'arriver dans la municipalité de Sanski Most, le village de Stari Majdan.

  3   Toutefois, plusieurs officiers de l'armée serbe, accompagné d'un groupe -

  4   je crois qu'il s'appelait Stipo et qu'il venait de Stara Rijeka - sont

  5   arrivés sur place. Ils ont essayé de persuader la population dont,

  6   notamment, les femmes et les vieillards, de rentrer à Hambarine. Mais seule

  7   une petite partie de la population avait suivi leur conseil pour revenir

  8   dans Hambarine. Mais malheureusement, par la suite, nous avons appris que

  9   la plupart d'entre eux avaient été tués.

 10   Q.  Savez-vous qui a tué ces personnes à Hambarine ?

 11   R.  Je ne suis pas au courant des noms individuels, mais nous avons pu

 12   entendre les récits des survivants qui s'étaient enfuis vers le village de

 13   Stari Majdan dans la municipalité de Sanski Most, et ces victimes

 14   affirmaient qu'il s'agissait de formations serbes militaires et

 15   paramilitaires.

 16   Q.  Monsieur Atlija, je souhaite vous poser une autre question concernant

 17   cette attaque. Avez-vous entendu dire ce qui est arrivé aux biens des

 18   habitants d'Hambarine au cours de l'attaque et suite à l'attaque ?

 19   R.  D'après ce que nous avons entendu dire, ils avaient été -- la

 20   population avait été cambriolée et leurs biens dévastés. Une fois qu'une

 21   maison -- une fois que la maison a été vidée de son contenu, alors on

 22   l'incendiait.

 23   Q.  Le village d'Hambarine, sous le contrôle de qui se trouvait-il suite à

 24   l'attaque ?

 25   R.  Suite à l'attaque, ce sont les forces serbes qui l'avaient sous son

 26   contrôle.

 27   Q.  Monsieur Atlija, depuis votre village, était-il possible également de

 28   distinguer le village de Kozarac ?

Page 16090

  1   R.  Il est possible de voir avec une grande clarté le village de Kozarac

  2   depuis Brisevo, surtout quand il fait beau.

  3   Q.  Savez-vous à peu près quelle est la distance qui sépare ces deux

  4   villages ?

  5   R.  Ce village-là est plus éloigné que celui d'Hambarine. Je pense qu'à vol

  6   d'oiseau cette distance doit être de 10 à 15 kilomètres.

  7   Q.  Le village de Brisevo et celui de Kozarac se trouvaient-ils à une même

  8   altitude ?

  9   R.  Je ne connais pas l'altitude exacte où se trouvait le village de

 10   Kozarac mais, en tout cas, il se trouve au pied de la montagne de Kozarac,

 11   si bien que le village de Brisevo doit se trouver à une élévation

 12   supérieure.

 13   Q.  Saviez-vous quelle était la composition ethnique de Kozarac au mois de

 14   mai 1992 ?

 15   R.  La majorité des habitants étaient des Musulmans, mais il y avait

 16   également dans le village des Serbes, des Croates, des Ukrainiens, et

 17   cetera.

 18   Q.  J'aimerais que vous vous concentriez sur le 24 mai 1992, sur la

 19   dernière semaine du mois de mai 1992.

 20   Vous dites qu'il était possible de distinguer le village de Kozarac depuis

 21   Brisevo. Ce jour-là, avez-vous relevé quoi que ce soit d'inhabituel ?

 22   R.  A l'époque, nous pouvions voir Kozarac brûler depuis Brisevo, et le feu

 23   ne s'est pas éteint le jour même. Il a continué à brûler pendant plusieurs

 24   jours. Nous avons également pu entendre des tirs, mais la distance était

 25   beaucoup trop grande pour pouvoir distinguer des soldats ou des formations

 26   armées.

 27   Q. Vous pouviez voir tout ceci de vos propres yeux ?

 28   R.  Oui, je l'ai vu de mes propres yeux.

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  1   Q.  Vous dites avoir entendu également les tirs. Alors, pourriez-vous nous

  2   dire s'il s'agissait des armes d'infanterie ou plutôt d'armes lourdes ?

  3   R.  On entendait des tirs qui provenaient de toutes sortes d'armes. On

  4   pouvait entendre des tirs d'armes d'infanterie, mais en même temps, on

  5   pouvait également entendre des obus éclater. Or, je ne sais pas de quel

  6   calibre ils étaient au juste. Je laisse cela aux experts.

  7   Q.  Avez-vous appris par la suite ce qui s'était passé à Kozarac ce jour-là

  8   ?

  9   R.  Ce n'est qu'après avoir entendu les récits de victimes que nous avons

 10   appris que Kozarac avait été attaqué par les formations serbes. Les

 11   habitants de Kozarac auraient essayé d'opposer une résistance aux

 12   attaquants, mais leur situation était désespérée.

 13   Q.  Et de la bouche de qui avez-vous entendu ces propos ?

 14   R.  Je les ai entendus de la part des survivants de Kozarac.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  Mais la radio de Prijedor, en même temps, informait des opérations

 17   menées par l'armée serbe avec succès à Kozarac, et cetera.

 18   Q.  Après avoir parlé aux victimes qui avaient survécu, savez-vous ce qui

 19   était arrivé aux personnes qui n'avaient pas pris part activement aux

 20   hostilités et qui sont restées sur place ?

 21   R.  C'était toujours la même histoire qui se répétait. Les victimes

 22   disaient qu'ils avaient été attaqués par les forces serbes, que la plupart

 23   des hommes ont été tués, que les autres ont été menés dans des camps, que

 24   les femmes ont été violées, que leurs bien ont été pillés. Mais,

 25   évidemment, je n'ai pas été témoin oculaire de tous ces événements.

 26   Q.  Après avoir entendu les récits des survivants, avez-vous pu en déduire

 27   ce qui était advenu des maisons du village de Kozarac ?

 28   R.  D'après ce qu'ils disaient, les maisons étaient pillées puis

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  1   incendiées. Mais que les maisons aient été incendiées, ça c'est quelque

  2   chose que j'ai pu voir moi-même depuis le village de Brisevo. Je n'avais

  3   pas besoin qu'on me le raconte.

  4   Q.  Et qu'en est-il advenu des habitants de Kozarac ? Ont-ils continué à

  5   habiter ce village suite à l'attaque ?

  6   R.  La plupart ont essayé de quitter le village, de s'enfuir. Un certain

  7   nombre y a réussi en passant par Kozarac. Un certain nombre a traversé la

  8   rivière Un pour se diriger vers le territoire croate. Une autre partie

  9   d'habitants est allé dans le village de Stari Majdan dans la municipalité

 10   de Sanski Most. Mais d'après les récits faits par les victimes, un grand

 11   nombre de personnes ont été tuées. Un grand nombre n'ait été amené dans des

 12   camps, si bien que les Musulmans n'aient pas continué à vivre dans ces

 13   villes, cela a été impossible.

 14   Puis j'ai entendu dire également qu'un grand nombre a été transporté,

 15   en passant par la Bosnie centrale, pour faire l'objet d'un échange. Ils

 16   étaient échangés contre des soldats ou des civils serbes, et ceci,

 17   semblerait-il, se déroulait dans les environs de Travnik.

 18   Q.  J'aimerais maintenant passer à un autre sujet.

 19   Vous avez déjà évoqué avoir écouté la radio Prijedor. Au cours de ces

 20   attaques que vous venez de décrire, écoutiez-vous souvent la radio,

 21   suiviez-vous les informations ?

 22   R.  Nous avons écouté la radio dans la mesure du possible, parce que

 23   l'électricité avait été coupée, donc du coup nous avons dû nous servir de

 24   batteries d'automobiles pour produire de l'électricité.

 25   Q.  Au niveau du conflit qui avait éclaté dans la municipalité de Prijedor,

 26   ceci était-il décrit dans les médias ?

 27   R.  Oui, les médias en parlaient, mais toujours suivant une même matrice.

 28   Ils disaient que les forces serbes avaient réussi à libérer le village

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  1   Hambarine d'extrémistes musulmans ou le village de Kozarac d'extrémistes

  2   musulmans, parce que c'est par le terme d'extrémistes qu'ils désignaient la

  3   population locale, et tous leurs reportages étaient basés sur ce même

  4   modèle. Il s'agissait plutôt de la propagande que de la présentation

  5   objective.

  6   Q.  La population non-serbe, comment était-elle représentée dans les médias

  7   ?

  8   R.  Comme je l'ai déjà dit, les Musulmans étaient désignés par le terme

  9   d'extrémistes. Quant à nous, Croates, nous étions pour eux, et j'imagine

 10   que nous le sommes restés, des Oustachi. Donc on parlait des Musulmans en

 11   disant qu'il s'agissait des forces extrémistes qui faisaient partie des

 12   Bérets verts. Pour ce qui est des Croates, il était rare d'entendre ce

 13   terme à la radio. On parlait tout simplement d'Oustachi.

 14   Q.  Dans les médias à la radio, attribuait-on la responsabilité de ces

 15   événements à quelqu'un en particulier, à un parti politique par exemple, ou

 16   à une partie dans le conflit ?

 17   R.  A la radio, on disait toujours à la veille d'une attaque que les forces

 18   extrémistes se livraient à des provocations dans la zone du village de

 19   Kozarac ou dans la zone du village d'Hambarine. On disait que les forces

 20   extrémistes avaient procédé à des activités de sabotage dans la zone sous

 21   l'axe de Bihac. Puis, immédiatement après, on apprenait que les forces

 22   serbes avaient mené à bien une opération visant à libérer ces villages-là

 23   des forces extrémistes.

 24   Q.  Etait-ce cela une représentation véridique des événements ?

 25   R.  D'après mes connaissances, une représentation des événements n'était

 26   pas véridique. Nous n'avions pas l'intention de provoquer qui que ce soit.

 27   Nous ne souhaitions pas que le conflit éclat, puisque nous savions que nous

 28   n'avions aucun espoir de gagner. Alors je parle maintenant au nom des

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  1   habitants de Brisevo, mais je pense que la même chose valait pour les

  2   habitants des villages musulmans environnants. Je pense qu'ils n'avaient

  3   aucun intérêt à entrer en conflit avec les forces serbes. Ils n'avaient pas

  4   d'armes, ils n'avaient pas de logistiques. Ils n'auraient eu aucune chance

  5   contre l'ancienne JNA qui était composée d'hommes bien formés.

  6   Q.  Vous avez évoqué avoir écouté la radio Prijedor. La population non-

  7   serbe, la population non-musulmane et croate, pouvaient-elles se faire

  8   entendre à la radio, leur point de vue était-il représenté ?

  9   R.  Je ne saurais me prononcer sur le sujet. Je n'ai jamais entendu des

 10   commentaires émanant de la part d'un Croate ou d'un Musulman au sujet de

 11   ces événements.

 12   Q.  Monsieur Atlija, je souhaite passer à un autre sujet. J'aimerais que

 13   vous vous concentriez sur le 24 juillet 1992 à l'aube ou très tôt dans la

 14   matinée. Vous souvenez-vous où vous vous trouviez ce jour-là ?

 15   R.  Je me trouvais dans la maison de mes parents dans le village de

 16   Brisevo.

 17   Q.  Vous souvenez-vous de ce qui s'est produit ce matin-là ?

 18   R.  Oui. Très tôt dans la matinée, vers 4 heures 30, une attaque

 19   d'artillerie a été lancée à l'encontre de Brisevo.

 20   Q.  Pendant combien de temps cette attaque a-t-elle duré ?

 21   R.  L'attaque s'est prolongée le 24 et le 24 juillet 1992. Le 25 tard dans

 22   la soirée.

 23   Q.  Quelles étaient les forces qui avaient monté cette attaque contre

 24   Brisevo ?

 25   R.  Depuis Ljubija et Prijedor, c'était la 5e Brigade de Kozarac qui

 26   attaquait; et depuis le sud, depuis la municipalité de Sanski Most, c'était

 27   la 6e Brigade de Krajina qui attaquait.

 28   Q.  Monsieur Atlija, je ne vais pas vous demander de revenir sur tous les

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  1   événements dramatiques qui se sont déroulés ce jour-là, ceci fait déjà

  2   partie des faits jugés qui font à leur tour partie du dossier.

  3   Mais j'aimerais que vous vous concentriez sur ce qui s'est passé avec

  4   les maisons et les habitants au cours de l'attaque et une fois l'attaque

  5   terminée.

  6   R.  Les maisons étaient systématiquement pillées et incendiées. 68 maisons

  7   ont été pillées et incendiées au cours de ces deux jours d'attaque.

  8   Puis quelques petits groupes de soldats sont arrivés sur place pour

  9   piller et brûler des maisons qui n'avaient pas encore été cambriolées, et

 10   puis on venait également pour enlever et emporter tout ce qui pouvait être

 11   emporté, y compris les seuils des maisons ou le vitrage des fenêtres.

 12   Q.  Quels types de biens étaient-ils emportés ?

 13   R.  Des télés, des magnétoscopes, des installations électriques, voire des

 14   vêtements. On emportait tout, littéralement. Ceci peut paraître un peu

 15   ridicule, mais on emportait même des sous-vêtements et des chaussettes.

 16   Q.  Monsieur Atlija, passons à un autre sujet.

 17   Au début de votre déposition, nous avons pu conclure que vous êtes

 18   parti de Bosnie le 17 novembre 1992. Vous avez expliqué que vous habitiez

 19   dans un appartement qui appartenait à votre père. Que s'est-il passé avec

 20   cet appartement quand vous êtes parti ?

 21   R.  Quand je suis parti de Prijedor le 30 avril 1992, je suis allé au

 22   village de Brisevo. J'avais fermé l'appartement à clé. Mais quelques jours

 23   plus tard, on m'a fait savoir qu'un Serbe de Donja Ljubija, qui s'appelait

 24   Mutic, est entré dans mon appartement et qu'il y habitait, et que pour moi

 25   il était préférable de ne pas me montrer dans les environs de mon

 26   appartement parce que je risquais de trouver la mort.

 27   Q.  Vous parlez de votre appartement à Prijedor, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, tout à fait.

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  1   Q.  Au moment où vous êtes parti, au moment où vous avez quitté la Bosnie,

  2   vous étiez toujours un propriétaire de cet appartement ?

  3   R.  Sur papier, oui. Mais pour pouvoir obtenir un laissez-passer les

  4   autorités serbes de Prijedor m'ont imposé une condition pour dire que nous

  5   laissions de notre propre gré tous nos biens mobiliers et immobiliers à

  6   eux, et je l'ai signée volontairement, entre guillemets. Donc si j'avais

  7   refusé de signer cette déclaration soi-disant volontaire, je n'aurais pas

  8   pu m'échapper de cet enfer, je n'aurais pas pu quitter la Bosnie.

  9   Q.  Ceci se référait également à votre appartement de Prijedor ? Vous avez

 10   dû signer un document qui se rapportait à cet appartement ?

 11   R.  Non. Le texte qui figurait sur le document concernait tous nos biens

 12   mobiliers et immobiliers. Donc il n'était pas précisé s'il s'agissait d'une

 13   maison, d'un appartement, d'une voiture…

 14   Q.  Merci.

 15   M. RINDI : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

 16   ceci met un terme à mon interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 18   Pour le contre-interrogatoire, s'il vous plaît ?

 19   Maître Aleksic.

 20   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Atlija.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  Je suis Aleksandar Aleksic, l'un des conseils de la Défense de M.

 24   Zupljanin, je n'ai que quelques questions à vous poser.

 25   Comme vous l'avez dit à mon confrère, vous avez fourni une déclaration aux

 26   enquêteurs de ce Tribunal pendant la période s'étendant du 18 au 20 octobre

 27   de l'année 2000, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Ensuite vous avez déposé à deux reprises devant ce Tribunal dans

  2   l'affaire Stakic et dans l'affaire Brdjanin, n'est-ce pas ?

  3   R.  En effet.

  4   Q.  Alors en ce qui concerne les événements dans votre propre village à

  5   Brisevo, événements que vous venez d'évoquer, aussi bien dans votre

  6   déclaration que dans le procès Brdjanin vous avez indiqué que les jours

  7   correspondant vous n'avez vu aucun policier participer aux attaques lancées

  8   contre votre village, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, je n'ai pas vu de policiers en uniformes.

 10   Q.  Merci. Alors concernant l'attaque lancée contre aussi bien Hambarine et

 11   Kozarac, si je puis dire, vous nous avez donné beaucoup d'informations

 12   aujourd'hui. Des informations que vous avez notées vous-même et d'autres

 13   qui vous ont été communiquées par d'autres personnes.

 14   R.  A chaque fois, j'ai précisé ce que j'avais vu moi-même et ce qui

 15   m'avait été raconté.

 16   Q.  Oui, je suis d'accord. Mais vous nous avez dit qu'à partir de Brisevo,

 17   Hambarine était un village assez éloigné mais que vous pouviez voir au loin

 18   des silhouettes qui se déplaçaient pendant l'attaque, vous avez dit

 19   cependant que vous n'avez pas pu distinguer à quelles unités ces personnes

 20   appartenaient ou de quelles unités il s'agissait.

 21   R.  Non, ils étaient trop loin.

 22   Q.  Concernant Kozarac, vous avez dit que c'était encore plus loin de

 23   l'autre côté, que vous ne pouviez pas voir ce qui se passait, mais que vous

 24   aviez entendu des détonations et des explosions.

 25   R.  Oui, et on pouvait très bien voir aussi que des maisons brûlaient.

 26   Q.  Vous avez plusieurs fois utilisé le terme d'"unité" aujourd'hui, et je

 27   sais bien ce que cela veut dire. Mais pour une bonne traduction de cette

 28   notion, lorsque vous parlez d'"unité," vous pensez à une unité militaire,

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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   L'INTERPRÈTE : Le témoin a utilisé le terme croate "postrojiba" [phon] pour

  4   "unité."

  5   M. RINDI : [interprétation]

  6   Q.  Vous avez également évoqué la distance qui vous séparait d'autres

  7   localités pour indiquer qu'elle était similaire de celle vous séparant de

  8   Kozarac. Vous n'étiez donc pas en mesure de voir ce qui s'y passait, ou

  9   vous pouviez voir très peu de choses en dehors des explosions que vous

 10   étiez en mesure d'entendre, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Encore quelques questions seulement. Le Procureur vous a demandé quelle

 13   était la nature des informations dont faisait état la radio de Prijedor.

 14   Est-ce que vous êtes au courant du fait que les forces musulmanes avaient

 15   lancé une attaque en provenance de plusieurs directions différentes contre

 16   la ville de Prijedor le 30 mai ?

 17   R.  Je sais qu'il y a eu des affrontements fin mai 1992. Quant à savoir

 18   combien de personnes ont participé à cette attaque et de qui il s'agissait

 19   exactement, je l'ignore. Je sais en revanche que cette attaque n'a pas été

 20   un succès pour ces Musulmans, que la plupart d'entre eux ont été capturés

 21   ou liquidés. Enfin, je ne sais pas ce qui s'est passé exactement, ce que

 22   ces personnes sont devenues.

 23   Q.  Merci. Encore une seule question.

 24   Le dernier point que vous avez abordé avec mon confrère concernant le fait

 25   de renoncer à vos bien mobiliers et immobiliers, ce document que vous dites

 26   avoir signé ne disait pas : Je cède l'appartement ceci, au numéro tant de

 27   la rue portant tel ou tel nom. Ce document n'indiquait pas que vous le

 28   cédiez, par exemple, cet appartement particulier.

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  1   R.  Non. J'ai signé un document qui disait que je cédais -- que je

  2   renonçais à tous mes biens mobiliers et immobiliers.

  3   Q.  De façon générale, sans aucun détail particulier quant au type de biens

  4   meubles ou immeubles dont il pouvait s'agir ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Merci. Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres questions,

  7   Messieurs les Juges.

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Maître Aleksic.

 10   Est-ce que le conseil de la Défense de M. Stanisic est prêt ?

 11   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons convenu

 12   avec la Défense de M. Zupljanin que ces derniers se chargeraient du contre-

 13   interrogatoire de ces témoins, des témoins des faits incriminés, et ceci

 14   afin de ne pas passer trop de temps dans le prétoire.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Donc nous n'avons pas de question pour ce

 17   témoin. 

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Avez-vous des questions

 19   supplémentaires, Monsieur le Procureur ?

 20   M. RINDI : [interprétation] Oui, juste une question rapide.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Rindi : 

 22   Q.  [interprétation] Monsieur Atlija, vous avez dit avoir signé cette

 23   déclaration en application de laquelle vous renonciez à tous vos biens,

 24   meubles et immeubles, alors auprès de quelle autorité ou organe avez-vous

 25   eu à signer cette déclaration ?

 26   R.  J'ai signé ce document et je l'ai remis au poste de police de Prijedor.

 27   En même temps que ce document, nous devions remettre des attestations

 28   indiquant que nous avions bien payé nos notes de téléphone, d'électricité,

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  1   et cetera. Je dois souligner en fait que nous n'avions même pas de ligne

  2   téléphonique à Brisevo, mais nous avons eu quand même à payer des factures.

  3   Après avoir fourni tous ces documents et avoir signé la déclaration au

  4   poste de police à Brisevo, j'ai reçu ce document indiquant que j'avais

  5   l'autorisation de circuler et de quitter la région de Prijedor.

  6   Q.  Il s'agissait de documents qui visaient à opérer un transfert de vos

  7   biens, n'est-ce pas ?

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce sujet a déjà été épuisé, je crois ?

  9   Alors est-ce qu'il y a une discussion que nous nous apprêterions à entamer

 10   concernant les conséquences ou l'application de ce document ? Enfin, est-ce

 11   que c'est quelque chose que Me Aleksic a abordé ? Parce que je ne m'y

 12   retrouve pas vraiment. Est-ce qu'il y a le moindre intérêt à poursuivre

 13   dans cette voie, Monsieur Rindi ?

 14   M. RINDI : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je resterais

 15   là, pour les questions supplémentaires.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-il exact de

 17   dire que deux attaques ont été lancées contre le village de Brisevo ? L'une

 18   le 27 mai et l'autre, les 24 et 25 juillet 1992, deux attaques distinctes

 19   donc ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y a eu deux attaques séparées. Après

 21   la première attaque, lorsque nous sommes entrés en relation avec les

 22   autorités serbes, ou plutôt l'armée serbe à Ostra Luka et Rasavci, nous

 23   nous sommes vu indiquer que la première attaque n'était qu'un avertissement

 24   visant à nous faire comprendre ce qui adviendrait de nous si nous ne nous

 25   montrions pas loyaux aux forces serbes. Ils ont dit qu'ils allaient

 26   fouiller les maisons, et si jamais des armes y étaient retrouvées, le

 27   propriétaire de la maison en question serait tué et la maison

 28   correspondante incendiée. Cependant, rien de tout cela n'est jamais arrivé,

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  1   et ce sont les événements tragiques de l'attaque des 24 et 25 juillet qui

  2   se sont produits.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président,  il y a une question

  5   que je souhaiterais aborder.

  6   Messieurs les Juges, se rappelleront qu'il y a quelques semaines, nous

  7   avons eu toute une discussion juridique concernant la question des

  8   exhumations. Alors nous attendons toujours une décision de la Chambre à cet

  9   égard. Et il ne semble pas que nous ayons beaucoup avancé, mais ce témoin

 10   est en mesure d'aborder le sujet des exhumations en détail, parce qu'il a

 11   été présent lors d'un certain nombre de ces exhumations, en 1998. Donc il

 12   peut déposer en qualité de personne qui était présente.

 13   Donc si jamais concernant ces exhumations, il y a des points qui sont

 14   controversés par la Défense, je crois qu'en dépit du fait que ce témoin n'a

 15   pas été cité à comparaître dans ce but, il serait en mesure de déposer à ce

 16   sujet. Je dis ceci tout simplement par anticipation parce que nous avons

 17   réussi à terminer bien plus tôt que prévu.

 18   Donc si jamais les Juges de la Chambre envisagent la possibilité de

 19   lever l'audience aujourd'hui plus tôt, et si jamais Me Zecevic n'a pas

 20   d'opposition, je souhaiterais suggérer enfin rappeler en tout cas que ce

 21   témoin est tout à fait en mesure de déposer concernant les exhumations.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je comprends l'aspect pratique de

 23   ce que vous soulevez, mais du point de vue de la procédure, il y a quand

 24   même des règles qui s'appliquent. En tout cas, pour procéder par étape, je

 25   souscris votre idée de lever peut-être l'audience dès maintenant ou plutôt

 26   de prendre une pause sans pour autant libérer le témoin, afin de pouvoir

 27   permettre aux conseils des différentes parties d'engager une discussion sur

 28   ce point, et voir comment nous pourrions éventuellement procéder.

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Atlija, vous n'êtes pas encore

  3   libre de repartir. Vous aurez compris en entendant Mme Korner, qu'il y a un

  4   certain nombre de sujets pour lesquels vous pourriez peut-être apporter

  5   votre concours aux Juges de la Chambre. Nous allons donc maintenant faire

  6   une pause et reprendre nos débats à, je crois à  10 heures 45. Je crois que

  7   l'heure habituelle, n'est-ce pas ?

  8   Mme KORNER : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien, merci.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 14.

 12   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, merci beaucoup pour le

 14   temps supplémentaire accordé.

 15   Je voudrais juste indiquer pour le compte rendu d'audience que M. Dobbyn

 16   nous a rejoint au sein de l'équipe du bureau du Procureur pour cette

 17   matinée.

 18   Alors je me suis entretenu avec Me Zecevic, et il y a un grand nombre de

 19   questions concernant lex exhumations qui sont en suspens, et notamment,

 20   nous attendons toujours cette décision suite à la discussion juridique que

 21   nous avons eue il y a quelques semaines, donc ce sur quoi nous sommes

 22   parvenus à un accord et qui est plus important, c'est le fait que M. Atlija

 23   est en mesure de déposer de façon pertinente sur ce sujet. Nous

 24   souhaiterions demander la permission de le citer à comparaître à nouveau si

 25   jamais cela apparaît nécessaire. Je ne crois pas qu'il y ait grand-chose de

 26   plus que nous puissions faire aujourd'hui, au vu du grand nombre de

 27   questions qui sont toujours pendantes.

 28   [Le témoin vient à la barre]

Page 16104

  1   Mme KORNER : [interprétation] Une fois que MM. les Juges auront

  2   remercié le témoin, je souhaiterais pouvoir juste soulever deux points

  3   d'intendance supplémentaire.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame Korner.

  6   Nous nous interrogeons, cependant, et je suis naturellement réticent à

  7   m'aventurer sur un terrain faisant toujours l'objet de travaux des

  8   conseils, donc ne l'interprétez pas à tort mes propos, d'un point de vue

  9   purement pratique, et à titre de digression; laissez-moi simplement vous

 10   rappeler que nous n'avons pas oublié la décision que nous vous devons;

 11   cependant, nous avons d'autres sujets sur lesquels nous travaillons de

 12   façon plus active, en ce moment, et les requêtes orales dont nous avons été

 13   saisis, je crois, à la date du 18 septembre, mettent en avant des questions

 14   qui sont non seulement controversées mais également asse problématiques

 15   quant à ces exhumations. Cela nous a permis de nous rendre compte également

 16   que les parties avaient des positions assez clairement définies à cet

 17   égard.

 18   Ceci étant dit, Madame Korner, lorsque nous avons examiné le résultat des

 19   discussions engagées entre les parties, et la possibilité pour le témoin

 20   d'être cité à comparaître à nouveau pour déposer concernant les

 21   exhumations, nous avons été emmenés à nous demander si le témoin ne

 22   pourrait pas mettre à profit le temps dont nous disposons maintenant, à

 23   condition que cela leur convienne et que ça convienne également au témoin,

 24   donc si les parties ne pourraient pas mettre à profit le temps qu'il nous

 25   reste pour voir avec le témoin, en présence du témoin, s'il n'y a pas un

 26   certain nombre de préoccupations que nous pourrions essayer de lever, afin

 27   que ceci soit disponible et clarifié aux Juges de la Chambre avant quel e

 28   témoin ne soit libéré, donc clarifier les points sur lesquels le témoin

Page 16105

  1   pourrait nous venir en aide.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Suite à la discussion que j'ai eue avec Me

  3   Zecevic, mais enfin c'était l'objet de ma suggestion à Me Zecevic. Je ne

  4   sais pas si les Juges ont reçu une copie de la déclaration du témoin, qui a

  5   été chargée dans le système électronique. Mais c'est sa déclaration d'il y

  6   a dix ans, au mois d'octobre 2000, presque jour pour jour. Cette

  7   déclaration il a abordé la question de personnes, dont il a lui-même inhumé

  8   les corps, et ensuite à partir de la page 14 je parlais d'exhumations qui

  9   ont eu lieu en 1998, et qui sont abordées à partir de la page 14 de cette

 10   même déclaration.

 11   Alors c'est ma faute et je le regrette parce que je n'ai pas immédiatement

 12   pensé à vérifier la déclaration du témoin au moment où nous entendions sa

 13   déposition ce matin je n'ai pas immédiatement réagi pour vous indiquer que

 14   c'était un sujet que nous pourrions peut-être aborder. Et, par conséquent,

 15   je n'ai pas été en mesure d'informer Me Zecevic que j'évoquerais cela plus

 16   tard.

 17   Je ne sais pas quelle est la position de Me Zecevic quant à l'éventualité

 18   de nous pencher sur ce point ce matin.

 19   De plus, Me Zecevic a demandé des documents supplémentaires par rapport à

 20   certaines entrées de cette base de données, de ce fichier, et il a demandé

 21   il y a déjà assez longtemps, alors il nous a fallu du temps pour rassembler

 22   ces différents éléments, et tout cela fait l'objet de lien hypertex,

 23   malheureusement, donc ça demande du temps pour être rassemblés, et cela

 24   sera communiqué à Me Zecevic aujourd'hui.

 25   Donc la question qui se pose à ce stade c'est celle de savoir si Me Zecevic

 26   serait disposé de permettre que ce témoin se voit des questions

 27   circonscrites et pertinentes. Pour ce qui me concerne, j'ai simplement

 28   l'intention de me pencher sur deux ou trois phrases qui se trouvent dans la

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  1   déclaration, puisque le témoin -- et demander au témoin s'il a vraiment été

  2   présent lors des exhumations de 1998, donc certains détails qui figurent

  3   dans sa déclaration.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

  5   Maître Zecevic.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] Ce que Mme Korner a dit est exact. Nous avons

  7   été prévenu que ceci serait communiqué probablement au cours de la journée

  8   d'aujourd'hui.

  9   Mais sans être en mesure d'analyser les documents associés, nous

 10   risquerions de nous trouver dans une position où nous ne serions pas en

 11   mesure de revenir sur le cas d'un certain nombre de victimes correspondant

 12   à la zone couverte par les incidents dont le témoin est habilité à parler.

 13   Je crois qu'à ce stade, nous ne sommes pas prêts à procéder à l'éventuel

 14   contre-interrogatoire du témoin sur ces points. Je crois que mes confrères

 15   de la Défense de M. Zupljanin conviendront avec moi que nous ne sommes pas

 16   dans une situation où nous pourrions être considérés comme dûment préparés.

 17   Alors concernant l'idée de ne pas gaspiller le temps dont nous bénéficiions

 18   dans le prétoire, il fait d'entendre Mme Korner interroger le témoin sur

 19   ces points pour gagner du temps. Je dois dire qu'à notre sens, il serait

 20   préférable de citer le témoin à la barre une autre fois, afin de nous

 21   permettre à nous de procéder à un contre-interrogatoire en bonne et due

 22   forme et de nous permettre également d'être préparés, parce qu'en fait, il

 23   est également envisageable que nous ne remettions pas en cause certaines

 24   des exhumations.

 25   Donc, malheureusement, notre position - et je comprends bien la

 26   préoccupation de la Chambre - et que même si nous nous efforcions d'être

 27   aussi efficaces que possible, il ne serait pas pertinent de procéder comme

 28   Mme Korner le suggère en l'état.

Page 16107

  1   Merci beaucoup.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, c'est à vous que je

  3   m'adresse, mais je voudrais que l'on m'indique, si en pratique ce que je

  4   vais indiquer est faisable, si Me Zecevic est en mesure de se pencher sur

  5   les documents communiqués aujourd'hui, est-ce que cela nous laisse encore

  6   la possibilité d'entendre ce même témoin plus tard dans la semaine, par

  7   exemple, demain ou après demain ?

  8   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout à fait.

  9   Parce que le troisième témoin d'aujourd'hui, celui pour lequel les Juges

 10   ont demandé qu'il revienne pour le contre-interrogatoire, a fait l'objet

 11   d'un malentendu dans les échanges avec l'Unité des Victimes et des Témoins

 12   et il n'arrive en fait que ce soir. Donc nous avons le témoin que M. Dobbyn

 13   s'apprête à citer à la barre, ensuite nous avons toute une série d'autres

 14   témoins mais il n'y a pas de raison particulière pour laquelle nous ne

 15   serions pas en mesure de nous adapter et de changer l'ordre des témoins si

 16   les Juges souhaitent procéder de cette manière.

 17   Monsieur Atlija, vous aurez peut-être saisi, suite à cet échange entre les

 18   conseils des différentes parties et les Juges, que nous envisageons un

 19   certain nombre de possibilités concernant l'une d'elles consisterait à

 20   reporter votre départ de La Haye de quelques jours, et ceci, afin d'éviter

 21   d'avoir à vous demander de revenir une autre fois au mois de janvier, sans

 22   doute.

 23   Est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles sont éventuellement vos

 24   contraintes personnelles, et ce qu'il en est, si jamais vous êtes amené à

 25   rester un ou deux jours de plus à La Haye, que ce qui était initialement

 26   prévu ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Si ceci convient à la Chambre, je n'ai rien

 28   contre, le fait de rester un ou deux jours ou plus.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Alors ce que nous allons faire à

  2   ce stade, Monsieur le Témoin, c'est que nous allons temporairement vous

  3   libérer, afin de pouvoir nous pencher avec les parties sur la question de

  4   savoir si nous allons vous faire revenir dans le prétoire, plus tard au

  5   cours de cette semaine. Donc vous n'êtes pas libéré de vos obligations à ce

  6   stade, mais l'huissier va vous raccompagner pendant que nous nous penchons

  7   sur les éventuelles modalités de la poursuite de votre déposition. Merci.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il serait

  9   possible, juste expliquer à M. Rindi que, jusqu'à ce qu'il revienne dans le

 10   prétoire, je n'ai pas l'autorisation de m'entretenir avec lui. Mais

 11   probablement cela lui a déjà été expliqué.

 12   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 14   Monsieur le Témoin, en effet, vous avez prêté serment. Cette déclaration

 15   est toujours contraignante pour vous, par conséquent, aucun des conseils

 16   des différentes parties n'a l'autorisation de s'entretenir avec vous, et

 17   dans toute discussion que vous seriez susceptible d'avoir avec une personne

 18   à l'extérieur dans ce prétoire, vous n'avez non plus l'autorisation

 19   d'aborder le sujet de votre témoignage. Alors je crois pouvoir dire

 20   également que l'Unité des Victimes et des Témoins n'a pas d'objection -- la

 21   Section des Victimes et des Témoins n'a pas d'objection particulière quant

 22   à une prolongation du séjour du témoin.

 23   Donc à ce stade, je prie M. l'Huissier de bien vouloir accompagner le

 24   témoin hors du prétoire.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. ZECEVIC : [interprétation] Juste pour le compte rendu d'audience, et je

 27   voudrais indiquer que Me Cvijetic nous a rejoints.

 28   A des fins pratiques également, si j'ai bien compris, il s'agit de près de

Page 16109

  1   3 000 pages qui doivent être communiquées concernant les exhumations. Alors

  2   je ne sais pas si MM. les Juges s'attendent à ce que nous soyons prêts à

  3   contre-interroger ce témoin, et si oui, dans quel délai. Mais si tel est le

  4   cas, peut-être que les Juges de la Chambre pourraient enjoindre

  5   l'Accusation à indiquer quels sont les passages pertinents de cette

  6   volumineuse documentation qui se rapporte à ce témoin en particulier. Afin

  7   que nous puissions nous préparer à le contre-interroger dans un délai

  8   d'environ 48 heures. Parce que à défaut de cela, je ne pense pas que nous

  9   soyons en mesure ne serait-ce que de retrouver nous-mêmes les passages

 10   pertinents qui se rapportent à ce témoin une fois qu'il reparaîtra, à la

 11   barre.

 12   Merci beaucoup.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, cette requête est tout

 14   à fait raisonnable, et nous le ferons. La seule raison du délai dont nous

 15   avons souffert, est que nous avons eu à vérifier à suivre un certain nombre

 16   de liens hypertex afin de nous assurer que c'était bien les bons documents

 17   qui étaient visés. Donc comme je l'ai indiqué, les communications auront

 18   lieu aujourd'hui, et les passages pertinents concernant ce témoin seront

 19   indiqués.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Alors pouvons-nous nous attendre

 21   à recevoir une information de la part des parties demain matin, indiquant

 22   le stade où elles en seront quant à leurs travaux relatifs à ce témoin ?

 23   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, si nous recevons ces documents

 24   aujourd'hui, nous serons en mesure de préciser notre position demain matin.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Comme je l'ai dit, je voudrais juste profiter

 27   de cette occasion pour soulever deux questions d'intendance. Nous avons

 28   demandé une injonction de comparaître pour deux de nos témoins qui sont

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  1   réticents à déposer. Alors il s'agit d'un témoin qui était censé déposer

  2   ex-parte, et l'autre qui dépose dans les modalités habituelles.

  3   Donc cela fait l'objet je pense d'une certaine confusion. Il y a eu un

  4   échange de correspondance, et je souhaite souligner le fait que nous avons

  5   besoin véritablement d'une décision notamment concernant le témoin St-250,

  6   qui est normalement prévu pour vendredi.

  7   Il a été suggéré de préparer un lien par vidéoconférence et des mesures de

  8   protection, mais malheureusement, je crois que cela ne fonctionnera pas

  9   parce que cela ne convient pas à ces témoins. Ils ne souhaitent tout

 10   simplement pas venir, un point c'est tout. Donc nous souhaiterions demander

 11   à pouvoir bénéficier de cette mesure, donc une injonction à comparaître

 12   pour le témoin ST-250, dès que possible, et concernant ST-252 également,

 13   Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Korner, avant de clore sur ce

 15   point, est-ce que vous nous confirmez que l'éventualité d'une déposition

 16   par vidéoconférence combinée avec des mesures de protection, a bien été

 17   expliquée aux deux témoins ?

 18   Mme KORNER : [interprétation] D'après moi, oui. Des contacts ont été pris

 19   avec les témoins, et la réponse dans les deux cas a été la même.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il y a également la question du lieu

 22   où se trouve l'un de ces deux témoins. Est-ce que vous connaissez le lieu

 23   de résidence de l'un de ces deux témoins, le lieu de résidence actuelle ?

 24   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai vu passer des e-mail,

 25   mais je vérifierais. J'ai reçu des informations oralement, mais je vais

 26   procéder à des vérifications. On m'a dit que nous avons, nous disposons du

 27   lieu où se trouvent ces témoins, les deux témoins.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Je vais vérifier et je vous le préciserais

  2   après la pause suivante.

  3   Donc je sais que là, je parle toujours un peu de la même chose, mais

  4   ce qui nous inquiète un peu ce sont certains points qui sont en suspens, et

  5   qui sont en suspens depuis un bon moment.

  6   Donc je reviens à ce que je pourrai appeler mon violon dingue,  mais

  7   donc lors de la Conférence de mise en état, le 4 septembre de l'an dernier,

  8   la Chambre de première instance a rendu une ordonnance à propos de notre

  9   requête du 29 février 2008, en disant qu'en ce qui concerne tous nos

 10   témoins que nous avions prévu de citer au titre de l'article 92 bis avaient

 11   été acceptés. Parce qu'ils satisfaisaient aux critères. Mais nous n'avons

 12   toujours pas reçu de décision écrite, or nous avons besoin de cette

 13   décision écrite du fait des documents qui sont associés à ces témoins 92

 14   bis.

 15   Nous attendons aussi encore les éléments portant sur l'article 66(C),

 16   la requête en vertu de l'article 66(C) qui, je crois, a été déposé le 8 mai

 17   2009, si je ne m'abuse. Donc certaines décisions ont été prises, mais ce

 18   n'étaient pas des décisions exhaustives. C'étaient des décisions qui

 19   dataient du 26 mai 2009.

 20   Ensuite j'ai encore un dernier point à soulever : Nous avons en effet

 21   déposé au mois de février de cette année, si je ne me trompe, ou en mars

 22   peut-être de cette année, une requête portant sur des documents qui ont

 23   reçu une cote provisoire, donc une cote MFI, pour demander s'ils ne

 24   pouvaient pas être versés au dossier dans le cadre d'une petite requête

 25   directe. Nous aimerions vraiment avoir une décision à ce propos, parce que

 26   nous sommes en train de rédiger cette requête directe concernant tous les

 27   documents qui n'ont pas pu être versés par le truchement de témoins. Je

 28   pense que toutes les parties seraient très reconnaissantes d'avoir cette

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  1   décision de la Chambre. Quoique c'est vrai que cela les intéresse plus que

  2   la Défense.

  3   Ensuite il y a encore d'autres requêtes en suspens portant sur des

  4   témoins, et nous attendons vraiment d'obtenir des décisions de votre part,

  5   le plus rapidement possible.

  6   Nous vous remercions.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Madame Korner.

  8   Le bureau du Procureur est-il prêt ? A qui est son prochain témoin.

  9   M. DOBBYN : [interprétation] Tout à fait, nous sommes prêts à citer le

 10   témoin ST-024, qui va bénéficier de mesures de protection. C'est-à-dire

 11   qu'il va témoigner à huis clos. Oui, et qu'il va aussi bénéficier d'un

 12   pseudonyme.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, en effet. On lui a déjà donné des

 14   mesures de protection puisqu'il a déjà témoigné précédemment à huis clos et

 15   sous pseudonyme. Nous allons donc maintenant demander au greffier de passer

 16   à huis clos.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 18   [Audience à huis clos]

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 13  Pages 16113-16158 expurgées. Audience à huis clos.

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  8   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 19 octobre

  9   2010, à 9 heures 00.

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