Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 9 décembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 26.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges. Bonjour à tous et à toutes à l'intérieur et à

  7   l'extérieur de cette salle d'audience.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  9   Stojan Zupljanin.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 11   Bonjour à tous et à toutes. Je demanderai aux parties de se présenter, s'il

 12   vous plaît, en commençant par l'Accusation.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 14   Juges. Je m'appelle Joanna Korner. Je suis accompagnée de Crispian Smith au

 15   nom du bureau du Procureur.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

 17   Slobodan Cvijetic. Je suis accompagné de Mme Savic et de Mlle Jessica

 18   Lacey. Je représente les intérêts de M. Simatovic.

 19   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 20   Messieurs les Juges. Je m'appelle Dragan Krgovic. Igor Pantelic et

 21   Aleksandar Aleksic. Nous représentons les intérêts de M. Zupljanin.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Oui, Madame Korner.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons reçu un

 25   courriel hier soir. Je ne sais si vous étiez au courant de la

 26   correspondance, mais on nous a informés que le témoin serait prêt à déposer

 27   lundi. Malheureusement, nous avons également reçu un autre courriel

 28   aujourd'hui de l'Unité des Victimes et des Témoins qui a également été

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  1   envoyé au Greffe, qui dit qu'en réalité le témoin ne se sent pas aussi bien

  2   qu'on le croyait, et qu'il était encore en train de recevoir des

  3   antibiotiques par voie intraveineuse. Sa jambe ne s'est toujours pas

  4   complètement remise. Donc, il semblerait que sa thérapie médicamenteuse se

  5   poursuivra jusqu'à lundi, ce qui veut dire, nous pensons qu'il ne sera pas

  6   en mesure de venir déposer lundi. Nous proposons donc que nous inversions

  7   l'ordre qui avait été proposé hier, que nous ayons une Conférence de mise

  8   en état lundi, en espérant que le témoin sera en mesure de déposer

  9   mercredi, qu'il se sentira assez bien pour déposer mercredi.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Lorsque nous avions proposé mercredi,

 11   c'était pour permettre que l'on puisse se préparer pour la conférence. Je

 12   présume que votre suggestion tient compte du fait que les parties seraient

 13   prêtes pour lundi.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La Défense peut

 15   également présenter ses arguments, mais je crois que le problème principal,

 16   c'est de pouvoir en arriver à la date à laquelle les moyens à décharge

 17   seraient censés commencer, et lorsque vous aurez ordonné la liste 65 ter.

 18   Je crois que Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est ce que

 19   toutes les personnes devraient savoir avant la pause.

 20   J'ai également une autre -- enfin, quelques autres questions très courtes à

 21   soulever, et je vais envoyer la liste aux juristes demain matin.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] J'aimerais entendre la Défense. Quelle

 23   est votre réponse concernant cette proposition de faire en sorte que la

 24   Conférence de mise en état ait lieu lundi ?

 25   M. KRGOVIC : [interprétation] Oui, si ceci convient à la Chambre de

 26   première instance, tout à fait. Nous sommes d'accord avec la proposition

 27   faite par Mme Korner.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons

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  1   certainement essayer de nous préparer pour lundi. Nous allons nous plier à

  2   la demande de Mme Korner.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, vous vouliez également

  4   soulever une autre question, si je ne m'abuse ?

  5   Mme KORNER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. En fait, je crois

  6   que c'est tout. En fait, il s'agissait de quelques questions très courtes,

  7   mais elles sont toutes liées entre elles. Mais il y a en fait une question

  8   pendante, en laissant de côté le Témoin 191, et c'est la requête concernant

  9   le document MFI. En fait, la raison, c'est qu'avant la fin de la

 10   présentation des moyens à charge, nous allons devoir traiter des autres

 11   documents qui ont reçu une cote provisoire et qui ne sont pas couverts par

 12   notre requête pour les documents qui seraient versés au dossier

 13   directement. Donc, ils appartiennent à une autre catégorie de documents. En

 14   fait, il nous serait fort utile si vous pouviez nous informer, Monsieur le

 15   Président, quelle est votre décision, si vous pouviez prendre une décision

 16   quant à notre requête préalable.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous n'avons pas encore statué sur votre

 18   requête, nous sommes en train de la préparer, de préparer une décision.

 19   Est-ce que l'on peut faire entrer le témoin. Est-il prêt ? Il est ici ?

 20   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   Peut-être juste une dernière question avant que le témoin n'entre dans le

 22   prétoire. Si vous vous souvenez hier, j'ai mentionné que le témoin avait

 23   annexé à sa déclaration originale, et il avait également déposé dans

 24   l'affaire Brdjanin, les photographies qu'il avait prises à Trnopolje. Et

 25   donc c'est le seul registre "live", outre le film que je vais lui montrer

 26   de l'ITN de ce qui s'est passé réellement au camp de Trnopolje. Et, de

 27   plus, il nous a fait un croquis, et ce sont des croquis qui sont fort

 28   utiles, vous verrez. Je crois que c'est un témoin qui est très important

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  1   pour nous parler de Trnopolje. Ces documents ne figurent pas sur la liste

  2   65 ter, et ce n'est que lorsque je me suis préparé pour ce témoin que j'ai

  3   remarqué ces documents supplémentaires. Donc, je crois qu'il serait fort

  4   utile de pouvoir présenter ces documents.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Lorsque vous dites "présenter", vous

  6   voulez dire présenter, ou vous allez demander le versement au dossier de

  7   ces pièces ?

  8   Mme KORNER : [interprétation] En fait non, lorsque j'ai dit "présenter", je

  9   voulais dire que je voudrais également que l'on puisse verser au dossier

 10   ces pièces. Ce n'est pas particulièrement utile de seulement montrer au

 11   témoin le document.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que vous faites une requête orale

 13   à l'instant ?

 14   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je l'ai mentionné

 15   hier, et en fait, voilà, c'est ma requête orale.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que vous avez un commentaire à

 17   faire concernant cette requête orale faite par Mme Korner ? Puisque nous

 18   avions reçu un courriel hier à cet effet.

 19   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, outre le fait que le

 20   Procureur a mentionné que c'est le dernier témoin qui peut témoigner sur

 21   Trnopolje, l'Accusation était en possession de ces documents lorsque

 22   l'Accusation a proposé que ce témoin vienne déposer concernant ces faits

 23   jugés et les circonstances de ces faits jugés. C'était dans leur requête

 24   initiale qui avait été faite au mois d'avril de cette année. Donc,

 25   l'Accusation n'a pas donné suffisamment de raisons pour nous expliquer

 26   pourquoi cette requête n'avait pas été faite concernant ces documents

 27   préalablement, mais le jour où le témoin vient déposer.

 28   Nous estimons que la raison n'est pas suffisante, il n'est pas

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  1   suffisant de dire c'est un témoin qui déposera, qui déposera sur Trnopolje,

  2   principalement sur Trnopolje. Je crois, d'après moi, ces documents auraient

  3   dû être communiqués à la Défense beaucoup plus tôt, c'est-à-dire au moment

  4   où le témoin a été placé sur la liste 65 ter, ou bien lorsque l'Accusation

  5   a présenté une requête pour voir qui seraient les témoins de vive voix et

  6   qui seraient les témoins qui viendraient témoigner en vertu de l'article 95

  7   ter. Donc, ce sont les raisons pour lesquelles nous élevons une objection

  8   quant à cette proposition faite par le Procureur.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant d'entendre Me Cvijetic,

 10   Maître Krgovic, si nous nous écartons de ce qui aurait dû être fait, de

 11   quelle façon est-ce que cela porte préjudice sur vous, cette notice tardive

 12   ? Je ne sais pas. Enfin, la question principale qui se pose est est-ce que

 13   cela, vraiment, porte préjudice à la présentation de vos moyens à décharge

 14   ?

 15   M. KRGOVIC : [interprétation] Bien, en fait, nous n'avons pas vérifié le

 16   tout. Nous n'avons pas vérifié ceci sur le terrain. Il y a plusieurs

 17   déclarations et nous n'allons pas pouvoir contre-interroger le témoin sur

 18   ceci. Après que le Procureur nous a informés de ceci hier soir, nous avons

 19   essayé d'examiner les choses, de voir de quelle façon ces photographies ont

 20   été prises, ainsi de suite, mais nous n'avons pas eu suffisamment de temps

 21   pour vérifier le contexte et les photographies, et donc c'est notre

 22   problème. C'est le problème qui se pose.

 23   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pourrais-je entendre Me Cvijetic.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Oui, excusez-moi.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, la même question que

 27   j'ai posée à M. Krgovic, la dernière question, j'aimerais savoir de quelle

 28   façon est-ce que ceci vous cause un préjudice ou vous empêche de défendre

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  1   votre client correctement, le fait que ces documents ont été communiqués de

  2   façon tardive ?

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Je m'associe à la position de Me Krgovic,

  4   puisque c'est un témoin qui est vraiment pertinent pour la Défense de M.

  5   Zupljanin. Donc, sa position est celle des deux équipes de la Défense et

  6   son opinion est peut-être plus pertinente, si vous voulez, puisque c'est

  7   lui qui aura plus de questions à poser au témoin. Je ne sais même pas, en

  8   fait, si nous aurons des questions pour ce témoin, pour ce qui nous

  9   concerne.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Je suis d'accord pour dire que j'aurais dû me

 11   préparer un peu plus tôt pour ce témoin, en fait, et je le réalise

 12   maintenant, mais en réalité, je ne vais pas vous importuner avec les

 13   raisons pour lesquelles je n'ai eu que la possibilité de me préparer pour

 14   lui hier soir.

 15   Mais donc, il y a une seule déclaration qui a été faite par le témoin.

 16   Voilà, les plans qui ont été rattachés à cette déclaration, et les

 17   photographies, il y a deux photographies, et vous pouvez voir sur la vidéo

 18   que tout le monde a déjà vue dans ce prétoire, les photographies ont été

 19   communiquées à la Défense en 2007, parce que le reste est également

 20   pertinent également, donc lors des premières communications que nous avons

 21   envoyées.

 22   Et en réalité, je ne pense réellement pas que Me Krgovic peut vous dire de

 23   quelle façon est-ce que ceci cause un préjudice. Cela n'implique pas du

 24   tout directement son client. Ces photographies ne représentent pas son

 25   client au camp, par exemple. Mais c'est un dernier témoin qui viendra

 26   parler sur Trnopolje, et c'est lui qui sera en mesure de nous décrire en

 27   détail ce qui s'est passé, à quoi ressemblait le camp, quelles étaient les

 28   circonstances qui prévalaient au camp. Et je crois qu'en fait, Monsieur le

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  1   Président, Messieurs les Juges, il vous sera utile de voir les

  2   photographies, et ceci pourrait vous aider. Il y a également un croquis.

  3   Et donc, bien sûr, il incombe à vous, Monsieur le Président,

  4   Messieurs les Juges, d'avoir les meilleures preuves devant vous, et voilà,

  5   ce sont les meilleures preuves qui existent. Donc, nous aimerions dire

  6   qu'il n'y a absolument aucun préjudice et vous devriez nous permettre,

  7   d'après nous, de verser au dossier ces pièces.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre de première instance est

 12   d'avis que cette requête -- ou l'explication fournie par l'Accusation à

 13   l'appui de sa requête ne démontre pas qu'ils ont communiqué les documents à

 14   temps et il n'y a pas suffisamment d'éléments qui nous permettent de

 15   constater que ces éléments devraient montrés, donc la requête est rejetée.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Je voudrais simplement ajouter ceci, Monsieur

 17   le Président. Je ne sais pas combien de fois vous avez parlé de respecter

 18   les délais. Je comprends très bien, je ne veux certainement pas vous

 19   demander de revenir sur votre décision, mais en fait, il y a vraiment une

 20   bonne raison pour laquelle nous avons demandé que ces documents soient

 21   versés au dossier, outre le fait de punir l'Accusation.

 22   Donc en fait, c'est tout ce que je voulais dire.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que le témoin est disponible ?

 24   Peut-on le faire entrer ? Faites entrer le témoin, s'il vous plaît.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez, je vous

 27   prie, lire la déclaration solennelle, et Mme l'Huissière vous la remettra

 28   sous peu.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  2   Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

  3   rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : IDRIZ MERDZANIC [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] J'aimerais vous demander si vous pouvez

  9   me confirmer que vous m'entendez dans une langue que vous comprenez.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends très bien.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je voudrais d'abord vous dire, au début

 12   de ce volet de session, que vous avez prononcé une déclaration solennelle

 13   selon laquelle vous vous engagez à dire la vérité devant ce Tribunal. Si

 14   jamais il vous arrivait de donner une déposition fausse, le Tribunal peut

 15   imposer des peines de parjure selon le Statut de ce Tribunal.

 16   J'aimerais vous demander si vous pourriez nous donner votre nom, d'abord.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Merdzanic Idriz.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre date de naissance, et

 19   quelle est votre appartenance ethnique, s'il vous plaît.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 2 mai 1959. Je suis Bosnien.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle était votre profession ou quelle

 22   est votre profession en ce moment ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais médecin. Et je suis toujours médecin.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Monsieur, avez-vous jamais témoigné devant ce Tribunal-ci ou devant

 26   d'autres tribunaux dans les pays de l'ex-Yougoslavie ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà déposé devant ce Tribunal-ci, mais

 28   je n'ai jamais témoigné dans d'autres tribunaux de l'ex-Yougoslavie.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

  2   J'aimerais maintenant vous expliquer la procédure de ce Tribunal et

  3   les procès qui se déroulent devant ce Tribunal, qui ne sont pas bien

  4   différentes des procédures d'ailleurs. Alors, vous êtes appelé par

  5   l'Accusation, vous êtes donc le témoin de l'Accusation. C'est l'Accusation

  6   qui aura des questions à vous poser dans le cadre de l'interrogatoire

  7   principal. Par la suite, la partie opposée, à savoir la Défense, a le droit

  8   de vous poser des questions en guise de contre-interrogatoire. Et par la

  9   suite, l'Accusation peut vous poser des questions supplémentaires. La

 10   Chambre de première instance peut également, à tout moment, vous poser des

 11   questions de précision.

 12   D'après ce que les conseils nous ont expliqué, nous nous attendons à

 13   ce que vous puissiez terminer votre déposition avant la fin de la journée

 14   d'aujourd'hui. La journée est divisée en sessions. Il y a plusieurs volets

 15   dans la journée. D'abord, une première session qui se termine après 90

 16   minutes, par la suite il y a une pause, ensuite une deuxième session, et

 17   une autre pause, et par la suite, nous terminerons à 19 heures. Mais si

 18   jamais vous avez besoin de prendre une pause, nous allons certainement vous

 19   permettre de la prendre, donc vous n'avez qu'à nous le dire.

 20   J'invite maintenant Mme Korner à commencer son interrogatoire principal.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Merci.

 22   Interrogatoire principal par Mme Korner : 

 23   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, je voudrais d'abord commencer par

 24   votre expérience en tant que témoin.

 25   D'abord, il y a quelques instants, nous vous avons entendu dire par le

 26   biais de l'interprète que vous avez déposé déjà devant un tribunal, mais

 27   que vous n'avez jamais déposé devant le Tribunal du TPIY.

 28   N'est-il pas exact que vous avez néanmoins déposé dans l'affaire

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  1   Milomir Stakic au mois de septembre 2002 ?

  2   R.  Oui, c'est exact. J'ai compris que, s'agissant de l'ex-Yougoslavie, on

  3   me posait des questions à savoir si j'ai déposé en Bosnie-Herzégovine là-

  4   bas, mais j'ai effectivement témoigné devant ce Tribunal concernant les

  5   événements qui se sont déroulés pendant la guerre.

  6   Q.  Oui, très bien. Alors, si je ne m'abuse, vous avez déposé au mois de

  7   septembre 2002 dans l'affaire contre Milomir Stakic. Et par la suite, au

  8   mois de novembre de la même année, dans l'affaire contre Radoslav Brdjanin,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je crois que vous avez également eu une expérience assez rare, à savoir

 12   qui n'arrive pas à plusieurs personnes, en fait, et c'est que vous avez

 13   déposé devant le tribunal supérieur de Londres dans une affaire qui a eu

 14   lieu à la suite d'un rapport de Penny Marshall, et il s'agissait d'un

 15   reporter de l'ITN qui a parlé de ce qui s'est passé à Trnopolje, à savoir

 16   si effectivement il y avait, oui ou non, une clôture à Trnopolje ?

 17   R.  Oui, effectivement. Donc, en principe, il s'agissait de savoir si, oui

 18   ou non, il y avait une clôture à Trnopolje.

 19   Q.  Et vous avez également déposé au mois d'août 2000, et vous avez fait

 20   une déclaration au mois d'août 2000 au bureau du Procureur. Vous avez

 21   également fait quelques croquis de Trnopolje à ce moment-là, et vous nous

 22   avez donné des copies de photographies qui avaient été prises par vous ou

 23   par une autre personne qui était avec vous à Trnopolje, Azra Blazevic, pour

 24   démonter les conditions qui prévalaient dans la pièce dans laquelle on

 25   procédait aux interrogatoires ou aux questions ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Très bien. D'abord, Docteur, j'aimerais vous demander si vous pouvez

 28   nous parler un peu de votre parcours professionnel, et par la suite nous

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  1   allons passer à l'année 1992.

  2   Vous avez donc étudié la médecine à la faculté de médecine à Banja Luka,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Entre 1978 et 1986. A la suite, après avoir obtenu un diplôme,

  6   j'aimerais savoir si vous avez fait votre service militaire obligatoire à

  7   la JNA ?

  8   R.  Oui. J'ai fait mon service militaire dans l'armée pendant une année.

  9   Q.  Après avoir fait votre service militaire, est-ce que vous avez obtenu

 10   un emploi en tant que médecin généraliste dans une clinique à Prijedor ?

 11   R.  Oui. En 1988, quelques mois après avoir terminé mon service militaire,

 12   j'ai eu un emploi à Prijedor.

 13   Q.  Et par la suite, est-ce qu'on vous a donné un poste permanent au centre

 14   médical de Prijedor ?

 15   R.  Oui. J'ai reçu un emploi permanent au centre médical.

 16   Q.  Très bien. Merci. Maintenant, s'agissant du centre médical de Prijedor,

 17   il couvrait plusieurs endroits dans les municipalités de Prijedor, à savoir

 18   Trnopolje, Kozarac, Omarska et Ljubija. Il y a également d'autres endroits.

 19   R.  Oui, effectivement. C'étaient des antennes du centre médical, qui

 20   appartenaient au centre médical. Donc, il s'agissait d'antennes médicales.

 21   Q.  En 1991, est-ce que vous avez commencé à travailler dans l'une des

 22   cliniques qui faisaient partie de la scierie à Kozarac ?

 23   R.  D'abord, j'ai travaillé au centre médical à Trnopolje. Par la suite,

 24   j'ai été assigné à une clinique pour les employés de la scierie de Kozarac.

 25   Nous avions des permanences pendant le week-end, et j'effectuais les

 26   permanences à Kozarac, à la clinique.

 27   Q.  Vous-même, habitiez-vous dans la ville de Prijedor ?

 28   R.  Oui, j'habitais à Prijedor, effectivement.

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  1   Q.  Avant que la guerre n'ait éclaté en Croatie, j'aimerais savoir s'il y

  2   avait des animosités entre différents groupes ethniques qui habitaient à

  3   Prijedor ?

  4   R.  Jusqu'au début de la guerre en ex-Yougoslavie, je n'avais jamais

  5   remarqué de problèmes ou de tensions ethniques entre les Serbes et les

  6   Musulmans ou les Croates. De toute façon, moi, je n'ai eu aucun problème.

  7   Je n'ai jamais eu de problème avec qui que ce soit.

  8   Q.  Très bien. Merci. J'aimerais maintenant vous demander quelque chose

  9   d'un peu plus précis concernant M. Stojan Zupljanin, donc une question

 10   précise concernant Stojan Zupljanin.

 11   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite élever une

 12   objection quant à cette ligne de questions de Mme Korner. S'agissant de ce

 13   témoin qui vient témoigner sur les faits admis, j'aimerais savoir quel est

 14   le lien entre M. Zupljanin et le fait admis en question ou les faits admis

 15   sur lesquels il vient déposer, le Procureur devrait s'en tenir aux faits

 16   admis seulement, et il s'agit d'une décision qui a été prise par la Chambre

 17   de première instance au mois de juillet.

 18   C'est déjà la cinquième fois que l'Accusation essaie de se faufiler

 19   par la porte arrière et de poser des questions. Les témoins sont convoqués

 20   pour parler sur certains points très précis et leur déposition est limitée,

 21   tout comme notre contre-interrogatoire. C'est de cette façon que

 22   l'Accusation essaie de présenter des éléments de preuve en passant par la

 23   porte arrière, alors que la Défense n'a aucune connaissance. Nous ne

 24   savions pas que le témoin allait déposer sur ces faits-là, car cette façon

 25   de procéder, cette façon de poser des questions par l'Accusation est

 26   contraire à la décision de la Chambre de première instance pour ce qui est

 27   des témoins qui sont convoqués à déposer seulement sur certains points

 28   admis.

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  1   Mme KORNER : [interprétation] D'abord, j'ai informé la Défense dans les

  2   notes de récolement. J'y ai mentionné que ce témoin avait connaissance de

  3   Stojan Zupljanin, et j'ai envoyé ces notes à la Défense hier soir ainsi

  4   qu'aux Juges de la Chambre à 19 heures 45.

  5   Deuxièmement, ce témoin est appelé pour parler de l'attaque sur Kozarac, il

  6   s'agit des points admis 844 et 846, et j'ai également informé la Défense de

  7   ceci. En partie, s'agissant de cette attaque, il s'agissait également de

  8   négociations qui ont eu lieu afin de pouvoir empêcher que l'attaque

  9   n'éclate, et ce, avec Stojan Zupljanin.

 10   Donc ce n'est pas simplement une question de poser des questions

 11   concernant Stojan Zupljanin, sans que je n'en aie des raisons précises.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien évidemment, pour ce qui est du

 13   récolement, on peut toujours élargir le sujet abordé --

 14   Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais moi, j'aborde l'argument qui

 15   concerne le fait que la Défense n'aura pas été informée suffisamment.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. C'est la deuxième partie de

 17   l'objection soulevée.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La note du récolement n'en dit rien et

 20   n'a pas d'impact sur la décision adoptée par les Juges de la Chambre quant

 21   aux limites à imposer à la déposition de ce témoin.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Je suis bien d'accord avec vous.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Korner.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Docteur, je vous demande pardon. Pourriez-vous nous dire si vous

 26   connaissiez ou si vous aviez fait la connaissance de Stojan Zupljanin avant

 27   la guerre ?

 28   R.  Oui, j'avais fait sa connaissance avant l'éclatement de la guerre.

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  1   Q.  Très bien. Et comment avez-vous fait sa connaissance ?

  2   R.  J'ai commencé à suivre une formation dans un club d'aviation, donc j'ai

  3   commencé à m'entraîner dans ce club. Au début, nous n'avions pas

  4   d'aéronefs, puis par la suite j'ai pu m'entraîner sur des aéronefs

  5   sportifs. Ceci s'est produit il y a quelques années avant l'éclatement de

  6   la guerre. Alors Stojan Zupljanin, lui aussi, était un membre de ce club

  7   d'aviation, et c'est ainsi que nous avons fait connaissance à Banja Luka.

  8   Q.  Aviez-vous avec lui des contacts professionnels, puisqu'il était agent

  9   de police ?

 10   R.  Non, je n'ai jamais eu de contacts professionnels ou officiels avec

 11   lui. Nous n'avons, en fait, jamais été en contact sur ce plan-là.

 12   Q.  Très bien. Et d'après ce que vous avez appris sur lui lors de vos

 13   activités dans ce club d'aviation, pour commencer, saviez-vous quelle était

 14   son appartenance ethnique ?

 15   R.  A l'époque, je ne pouvais pas distinguer les Serbes des Croates à la

 16   base de leurs noms de famille. Je pouvais tout simplement isoler les

 17   Bosniens ou les Musulmans, parce que leurs noms sont quelque peu

 18   différents. Mais avant la guerre, de toute façon, je ne distinguais pas

 19   entre les gens sur la base de leur appartenance ethnique.

 20   Q.  Très bien. Et pendant toute cette période au cours de laquelle vous

 21   l'avez connu, et avant l'année 1992, moment où vous avez été amené à

 22   Trnopolje, l'avez-vous entendu exprimer une animosité quelle qu'elle soit

 23   vis-à-vis de la population non-serbe ?

 24   R.  Je n'ai jamais relevé qu'il ait dit quoi que ce soit contre moi ou tout

 25   autre Musulman, non. Je ne saurais affirmer rien de la sorte.

 26   Q.  Très bien. Alors, revenons directement à l'époque où la ville de

 27   Prijedor a été occupée à la fin du mois d'avril.

 28   Vous trouviez-vous à Prijedor ce jour-là ?

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  1   R.  Je me trouvais à Prijedor au moment où l'armée a pris la ville de

  2   Prijedor. Il s'agissait de l'unité qui venait de revenir du front de guerre

  3   en Croatie.

  4   Q.  Très bien. Et étiez-vous capable de vous rendre à votre travail ce

  5   jour-là ?

  6   R.  Je n'ai pu que téléphoner à un de mes collègues du centre médical de

  7   Prijedor. Toutes les positions importantes, tous les emplacements

  8   importants dans la ville avaient été pris au cours de la nuit. Et au moment

  9   où je me suis dirigé de mon poste de travail, je suis tombé sur des postes

 10   de contrôle, on vérifiait les pièces d'identité de toutes les personnes qui

 11   passaient, et alors je me suis rendu compte que l'armée était partout, y

 12   compris dans le centre médical.

 13   Q.  Après ce premier jour, avez-vous repris votre travail au centre médical

 14   de Kozarac ?

 15   R.  Je crois que ce premier jour je ne suis pas allé au travail, puis après

 16   je suis monté à bord d'ambulance pour pouvoir me rendre à Trnopolje et à

 17   Kozarac.

 18   Q.  Très bien. Et avez-vous relevé l'existence des postes de contrôle entre

 19   Prijedor et Kozarac ?

 20   R.  Il y a eu des postes de contrôle entre Prijedor et Kozarac.

 21   Q.  Vous souvenez-vous quels étaient les effectifs qui se trouvaient à ces

 22   postes de contrôle, si vous vous en souvenez ?

 23   R.  Il s'agissait de personnes en uniforme, en uniforme militaire.

 24   Q.  Très bien. Revenons maintenant à la période qui précède immédiatement

 25   les événements qui se sont déroulés à Kozarac.

 26   Avez-vous entendu dire que des ultimatums auraient été adressés aux

 27   habitants de Kozarac, ceux-ci étaient censés rendre leurs armes ?

 28   R.  J'ai entendu dire que des négociations avaient été menées entre

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  1   Prijedor et Kozarac. Donc il y avait une délégation qui était venue de

  2   Prijedor et de Banja Luka, et qui comprenait M. Zupljanin, et qui s'est

  3   rendue à Kozarac. Et lors de ces négociations, l'ultimatum a été avancé, il

  4   fallait que la population de Kozarac rende ses armes. Il fallait également

  5   que les agents de police, qui y travaillaient, commencent à porter des

  6   insignes serbes, ou alors ils devaient se rendre.

  7   Q.  Et de la part de qui l'avez-vous appris ? L'avez-vous appris de la part

  8   des membres de la délégation ?

  9   R.  Non, non. Je pense que je l'ai entendu par ouï-dire. C'est quelqu'un

 10   qui en a entendu parler ou qui a peut-être assisté à cette réunion qui m'en

 11   a parlé. Je crois bien qu'il s'agit de M. Sadikovic. Il était médecin lui

 12   aussi, un otorhinolaryngologue. Je pense qu'il a assisté à la réunion, et

 13   que c'est alors qu'il a entendu de quoi il était question.

 14   Q.  Avez-vous entendu dire quelle était la date limite, la date où cet

 15   ultimatum devait expirer ?

 16   R.  La date et même l'heure avaient été fixées, en effet.

 17   Q.  Nous savons que l'attaque contre Kozarac a eu lieu le 24 mai, si mes

 18   souvenirs sont bons. Etait-ce là, la date indiquée dans l'ultimatum ?

 19   R.  D'après ce que j'ai entendu dire, il s'agissait bien du 24, à midi.

 20   Q.  Avant cette date et avant cette heure, avez-vous discuté avec la

 21   population quant à cette reddition des armes ?

 22   R.  Moi, personnellement, je n'ai discuté avec personne concernant la

 23   reddition des armes.

 24   Q.  Avez-vous parlé avec qui que ce soit -- ou non, je vais formuler ma

 25   question de la façon suivante : avez-vous entendu parler d'un certain Sead

 26   Cirkin ?

 27   R.  Sead Cirkin, c'est quelqu'un que j'ai vu à Kozarac, dans les abords du

 28   village. Je me trouvais dans le dispensaire de Kozarac, et c'est alors que

Page 18391

  1   j'ai appris qu'il existait un certain Sead Cirkin, militaire d'active,

  2   entouré d'un groupe d'hommes armés et qui est en train de monter une

  3   défense du village de Kozarac. J'ai demandé à un homme de m'emmener voir ce

  4   M. Cirkin.

  5   Q.  Oui.

  6   R.  J'ai discuté avec lui, je lui ai demandé s'il avait réussi à assurer

  7   des moyens nécessaires, ou si des instructions ont été données, notamment

  8   quant à la manière dont nous comptions traiter les personnes blessées. Il a

  9   déclaré que rien n'avait encore été fait, aucun plan n'a été préparé pour

 10   les services médicaux et que, le cas échéant, nous devions nous débrouiller

 11   comme nous le pouvions.

 12   Q.  Très bien. Le jour même de l'attaque, à quelle heure cette attaque a-t-

 13   elle été lancée ?

 14   R.  Je pense peu après 12 heures, après-midi.

 15   Q.  Et où vous trouviez-vous au moment où l'attaque a commencé ?

 16   R.  Nous nous trouvions à Kozarac dans le dispensaire. Ce dispensaire se

 17   trouvait dans un bâtiment à deux étages.

 18   Q.  Au moment où l'attaque a commencé, comment vous avez-vous rendu compte

 19   qu'on était en train d'attaquer la ville ou le village ?

 20   R.  Le pilonnage a commencé. Les obus atterrissaient autour de nous, dans

 21   le dispensaire, dans la cour. Les voitures qui étaient garées dans la cour

 22   avaient toutes été détruites.

 23   Q.  Je ne crois pas pouvoir vous montrer des photographies, mais pourriez-

 24   vous nous dire que ce centre médical ou ce dispensaire arborait des signes

 25   montrant qu'il s'agissait d'une institution médicale ?

 26   R.  Les locaux étaient entourés de maisons privées. Il n'y avait pas

 27   d'autres immeubles dans les environs. Et tout le monde savait que c'était

 28   là que le dispensaire de Kozarac se trouvait. Par ailleurs, je pense qu'une

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  1   croix rouge était peinte sur le toit de l'immeuble.

  2   Q.  Très bien. Avant le début du pilonnage, un avertissement a-t-il été

  3   lancé, par exemple, quelqu'un s'est-il emparé d'un haut-parleur pour

  4   avertir la population que si les armes ne sont pas rendues au moment même,

  5   le pilonnage allait commencer ? Quelqu'un a-t-il lancé un avertissement de

  6   ce type ?

  7   R.  Au dispensaire nous n'avons entendu rien de tel.

  8   Q.  Très bien. Et au moment où le pilonnage a commencé, qu'avez-vous fait ?

  9   R.  Qu'est-ce que nous pouvions faire ? Nous avons cherché un abri. Au

 10   début, nous avons cru pouvoir rester au rez-de-chaussée, mais comme toutes

 11   les vitres avaient été brisées, nous avons décidé de nous cacher dans le

 12   sous-sol.

 13   Q.  Combien de personnes se trouvaient-elles à peu près dans le dispensaire

 14   au moment où le pilonnage a commencé ?

 15   R.  J'avais une liste autrefois de toutes les personnes présentes, mais le

 16   nombre était supérieur à dix, je crois.

 17   Q.  Et y a-t-il eu des décès par suite du pilonnage ?

 18   R.  Immédiatement après le début du pilonnage, plusieurs personnes ont été

 19   blessées. Entre autres, il y avait un soldat serbe qui s'appelait Lugar et

 20   qui a été touché au ventre. Il a été emmené au dispensaire.

 21   Il y avait une autre personne blessée, c'est un civil, ou je ne sais pas

 22   s'il avait porté des armes, mais en tout cas il était blessé à la poitrine,

 23   c'était une blessure ouverte.

 24   Et puis une autre personne a été emmenée au dispensaire, mais cet homme

 25   était déjà mort.

 26   Q.  Pendant combien de temps le pilonnage s'est poursuivi ?

 27   R.  Jusqu'au lendemain matin.

 28   Q.  Et mis à part les personnes que vous avez déjà décrites, quelqu'un

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  1   d'autre a-t-il été blessé au cours du pilonnage, d'autres blessés se sont-

  2   ils rendus à votre dispensaire ?

  3   R.  A cause du pilonnage même, très peu de personnes pouvaient se rendre au

  4   dispensaire, il était fort dangereux de sortir dans la rue. Je me souviens

  5   tout particulièrement de deux personnes que j'ai évoquées, parce qu'il

  6   s'agissait de blessures graves,

  7   Mais je pense qu'il y avait un autre jeune homme. Son orteil avait été

  8   pratiquement emporté par un "shrapnel". Il ne dépendait que d'un petit bout

  9   de peau qui lui permettait de rester rattaché au reste du pied.

 10   Q.  Vous nous avez appris que vous vous cachiez dans le sous-sol. Etes-vous

 11   sorti à un moment donné ?

 12   R.  Le lendemain matin, le pilonnage s'est arrêté pendant un bref moment,

 13   pendant quelques heures, nous avons profité de cette période pour déplacer

 14   le dispensaire vers le nord en direction du mont Kozara, dans les abords de

 15   la ville. Nous avons déménagé dans une maison qui était protégée par les

 16   collines, si bien qu'elle ne pouvait pas être touchée par les obus.

 17   Q.  Et lorsque vous avez déménagé, d'autres blessés sont-ils venus vous

 18   voir ?

 19   R.  Le nombre de victimes est allé en grandissant à partir du moment où

 20   nous avons déménagé. Et malheureusement, parmi les victimes il y avait

 21   également deux enfants en bas âge.

 22   Q.  Avez-vous essayé de les secourir ?

 23   R.  Les conditions ne le permettaient pas. Nous n'avons rien pu faire.

 24   Q.  Monsieur, vous avez déplacé votre clinique. Dites-moi si d'autres

 25   représentants des autorités locales étaient venus dans le même immeuble ?

 26   R.  Les agents de police se sont installés eux aussi dans le même immeuble.

 27   Ils avaient également leurs voitures officielles.

 28   Q.  Avez-vous demandé à ces agents de police qu'ils vous aident ?

Page 18394

  1   R.  J'ai essayé de le faire en me servant d'une station radio dont les

  2   policiers se servaient. Je me suis présenté et j'ai demandé la permission

  3   de transférer les blessés vers la ville de Prijedor.

  4   Q.  Et avez-vous obtenu la permission de le faire ?

  5   R.  Non. Non, je ne l'ai pas reçue.

  6   Q.  Avec qui avez-vous parlé de ce sujet ?

  7   R.  Je ne sais pas de qui il s'agissait, mais en tout cas la station de

  8   radio était la même qui avait été utilisée pour négocier les termes de la

  9   reddition.

 10   Q.  Peut-être ne connaissiez-vous pas la personne avec qui vous avez

 11   discuté, mais avez-vous compris quelle instance cette personne représentait

 12   ?

 13   R.  Je pense qu'il s'agissait de l'armée.

 14   Q.  Très bien. Je suis désolée de me voir dans l'obligation de vous poser

 15   des questions sur ce sujet, mais comme vous le savez c'est important.

 16   Lorsque vous discutiez avec quelqu'un, qu'il s'agisse de l'armée ou de

 17   quelqu'un d'autre, quel type d'expression utilisait-il pour vous dire que

 18   vous ne pouviez pas transférer les enfants ?

 19   R.  Je pense qu'ils ont dit : Crevez, les Balija, nous allons tous vous

 20   tuer de toute façon.

 21   Q.  Très bien. Puisqu'ils avaient refusé de vous aider, qu'est-ce que vous

 22   avez décidé de faire ?

 23   R.  Mais rien. Je suis revenu au sous-sol, tandis que les agents de police

 24   se trouvaient à l'étage, et nous attendions.

 25   Q.  Pendant combien de temps y êtes-vous resté ?

 26   R.  Jusqu'au lendemain.

 27   Q.  Et comment se fait-il que vous êtes finalement parti de ces locaux ?

 28   R.  La police a réussi à mener à bien les négociations concernant la

Page 18395

  1   reddition de Kozarac, puis nous avons été informés de l'issue de ces

  2   négociations, on nous a dit que les blessés pouvaient être évacués les

  3   premiers, et puis ils pouvaient être suivis par la police et par les civils

  4   qui, deux par deux, pouvaient quitter le village de Kozarac.

  5   Q.  Donc, avez-vous commencé les préparatifs afin de pouvoir partir ?

  6   R.  Nous avons organisé le transport des blessés, qui étaient transportés à

  7   bord d'un petit camion. Parmi les blessés se trouvait Lugar, cet autre

  8   civil qui avait été blessé à la poitrine, et puis un enfant dont la jambe

  9   avait été en pièces. Quant à l'autre petite fille, elle était morte.

 10   Q.  Vous avez évoqué le prénom Azra. De qui s'agit-il ?

 11   R.  Azra Blasevic est vétérinaire, et elle avait passé tout ce temps avec

 12   nous.

 13   Q.  Avant de partir, quelqu'un est-il arrivé sur les lieux ?

 14   R.  Que voulez-vous dire ? Personne n'est venu.

 15   Q.  Très bien. Donc, vous êtes partis à bord de camions. Où vous êtes-vous

 16   dirigés ?

 17   R.  Non, non. Seul le mari d'Azra est monté à bord d'un camion pour

 18   accompagner les blessés. Quant à nous autres, nous sommes revenus dans le

 19   dispensaire de Kozarac.

 20   Q.  A la clinique de Kozarac, au dispensaire ?

 21   R.  Oui, oui. Tout à fait.

 22   Q.  Très bien. Quelqu'un est-il arrivé à la clinique de Kozarac ?

 23   R.  Trois personnes en uniforme sont arrivées au dispensaire de Kozarac.

 24   Q.  Pourriez-vous fournir une description des uniformes portés par ces

 25   trois hommes ?

 26   R.  Deux parmi eux portaient des uniformes de camouflage verts. Il y en

 27   avait un qui portait un couvre-chef rouge, un béret rouge. Quant au

 28   troisième, il portait un uniforme de camouflage bleu et son nom, c'était

Page 18396

  1   Skrbic, Dragan Skrbic.

  2   Q.  J'aimerais que vous vous penchiez, pour commencer, sur la pièce P1033,

  3   s'il vous plaît.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Veuillez agrandir la photographie un petit

  5   peu.

  6   Q.  Vous dites qu'il y en avait un qui portait un uniforme de camouflage et

  7   à la tête, un béret rouge. Etait-ce ce type d'uniforme-là, celui qu'on peut

  8   voir à la photo ?

  9   R.  C'est exactement ce type d'uniforme.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, quel serait le numéro

 11   d'intercalaire pour cette pièce, s'il vous plaît ? Je l'ai trouvé. C'est

 12   l'intercalaire 41.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Fort bien.

 14   Q.  Et maintenant, veuillez examiner, s'il vous plaît, une brève

 15   séquence prise dans l'enregistrement vidéo qui porte la cote V000-0836.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 18   Mme KORNER : [interprétation] Merci. Vous pouvez arrêter l'image sur

 19   ce point.

 20   Q.  Vous dites qu'il y en avait un qui portait un uniforme de camouflage

 21   bleu. Est-ce là le type d'uniforme que vous essayez de décrire ?

 22   R.  Tout à fait. C'était précisément ce type d'uniforme, et il portait des

 23   rubans identiques au bras gauche, me semble-t-il.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois qu'il s'agit de

 25   la pièce P -- enfin, en tout cas, c'est l'intercalaire 42 et la cote, c'est

 26   P1393.

 27   Q.  Très bien. Alors, vous dites qu'il portait des rubans au bras

 28   identiques. Parlez-vous tout simplement de l'homme qui portait un uniforme

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  1   de camouflage bleu ou de tous les trois ?

  2   R.  Tous les militaires qui ont pénétré dans le village de Kozarac

  3   portaient des emblèmes de ce type.

  4   Q.  Monsieur le Médecin, souhaitez-vous prendre une pause maintenant ou

  5   croyez-vous pouvoir poursuivre ?

  6   R.  Nous pouvons continuer.

  7   Q.  Très bien. Alors, ces trois hommes en uniforme sont arrivés, et qu'est-

  8   ce qu'ils ont fait ?

  9   R.  Celui qui portait le béret rouge était extrêmement nerveux. Il disait

 10   au début qu'il fallait nous tuer tous. Et puis, ils se sont aperçus de la

 11   présence de Goga, son nom était inscrit à son manteau. Alors, Goga était

 12   Serbe, et ils l'ont prise à part, ils l'ont isolée du reste du groupe pour

 13   lui parler. Dragan Skrbic a dit qu'un camion devait arriver, que nous

 14   devions embarquer toutes nos affaires à bord de ce camion et qu'alors, nous

 15   allions être amenés, et puis il n'a rien ajouté de plus précis.

 16   Q.  Ce camion est-il bien arrivé ?

 17   R.  Le camion est arrivé. Nous avons embarqué tous les médicaments qui se

 18   trouvaient dans le dispensaire, et puis nous avons été escortés. Nous nous

 19   sommes déplacions à la queue leu leu depuis la clinique jusqu'à un

 20   carrefour qui se trouve dans le village de Kozarac, et là, nous avons dû

 21   attendre pendant un moment donné.

 22   Q.  Pendant que vous marchiez -- en fait, s'agit-il d'un carrefour qui se

 23   trouve au bout du village de Kozarac, et c'est un carrefour où se trouve la

 24   route qui mène vers Prijedor ?

 25   R.  Non, non. C'est un carrefour à l'intérieur du village de Kozarac.

 26   Q.  Et que se passait-il dans Kozarac, qu'est-ce que vous avez pu voir ?

 27   R.  Dans la ville elle-même, il y avait un très grand nombre de militaires.

 28   Les militaires entraient dans les maisons, ils examinaient les meubles.

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  1   Certains essayaient de faire démarrer les voitures. D'autres se tenaient

  2   dans la rue, tout simplement. Au moment où nous sommes arrivés au

  3   carrefour, nous avons remarqué deux chars. En tout cas, il y avait

  4   énormément de militaires. Il y en avait qui se déplaçaient à travers le

  5   village, alors que d'autres se tenaient sur place.

  6   Q.  Ces chars que vous avez vus sur place, de quel type de chars

  7   s'agissait-il ? Compte tenu du fait que vous avez fait votre service

  8   militaire, étiez-vous en mesure de les identifier ?

  9   R.  Il s'agissait des chars militaires. Mais quel type particulier, ça je

 10   ne saurais vous le dire.

 11   Q.  Mis à part ces chars, avez-vous relevé la présence d'autres véhicules

 12   appartenant soit à la police soit à l'armée ?

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] Question directrice.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Non, je ne crois pas, Monsieur le

 15   Président, Messieurs les Juges. Je demande tout simplement si le témoin a

 16   vu d'autres véhicules appartenant à la police ou à l'armée. Je ne vois pas

 17   ce que cette question peut avoir de directeur. Il vient de décrire des

 18   chars qui, dit-il, appartenaient à l'armée.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Korner.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Je vous demande pardon, Docteur. Alors, avez-vous vu d'autres véhicules

 22   appartenant à la police ou à l'armée ?

 23   R.  Je ne saurais l'affirmer avec certitude.

 24   Q.  Pas de problème.

 25   Alors, qu'en est-il des dégâts ? Vous avez expliqué que le pilonnage

 26   avait duré pendant pratiquement 24 heures. Quel type de dégâts ont-ils été

 27   infligés à la ville ?

 28   R.  Il y avait des branches d'arbres qui avaient été coupées. On voyait des

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  1   trous dans les toits des maisons. On voyait énormément de trous dans la

  2   route. De façon générale, il s'agissait d'un grand trou entouré par toute

  3   une série de petits trous qui étaient perceptibles dans l'asphalte.

  4   Q.  Nous savons qu'il existait au moins deux mosquées dans Kozarac. Avez-

  5   vous pu relever des dommages éventuellement infligés à ces deux mosquées ?

  6   R.  Je n'y ai pas prêté attention. Ces deux mosquées se trouvaient

  7   davantage au nord. Il y en avait une qui se trouvait en face de la maison

  8   où nous avions déménagé. Donc, je pense qu'elle se trouvait à l'abri du

  9   pilonnage, mais je ne sais rien de précis.

 10   Q.  Très bien. Donc vous vous trouviez au carrefour de Kozarac. Alors à

 11   partir de cet endroit, où êtes-vous allés ?

 12   R.  Un peu plus tard une jeep militaire est arrivée, mais avant de nous

 13   faire monter dans la jeep, un militaire s'est adressé au chauffeur de

 14   l'ambulance. Il lui a demandé de lui présenter sa carte d'identité, et une

 15   fois la chose faite, il l'a emmené avec lui. Puis au moment où la jeep

 16   militaire est arrivée, nous avons reçu l'ordre de monter à bord, et j'ai

 17   demandé ce qui est arrivé au chauffeur, à Nihad Bahonjic, et on m'a répondu

 18   qu'ils allaient s'occuper de lui. C'est alors que nous nous sommes dirigés

 19   vers la sortie de la ville de Kozarac, à bord de cette jeep, et nous avons

 20   tourné à droite pour nous diriger vers Prijedor.

 21   Q.  Et qu'est-il arrivé à Nihad Bahonjic, qui avait été emmené par ces

 22   soldats ?

 23   R.  Nous avons entendu des coups de feu. Je ne sais pas si c'est à ce

 24   moment-là qu'il a été tué ou non. Mais en tout cas, nous n'en avons plus

 25   jamais entendu parler. Je ne sais même pas si son cadavre a été retrouvé.

 26   Q.  Donc vous allez en direction de Prijedor, et où arrivez-vous ?

 27   R.  On est arrivés jusqu'au premier bar sur la gauche. C'est là que l'on

 28   s'est arrêtés. Il y avait beaucoup de militaires dans ce bar, beaucoup

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  1   d'officiers haut gradés. C'est là qu'on a attendu. On est sortis du 4x4,

  2   et, peu de temps après, un autocar rempli des femmes et d'enfants est

  3   arrivé en direction de Prijedor. Entre-temps, ils ont séparé une personne

  4   de nous; il s'appelait Husidic. J'ai entendu dire qu'il avait été accusé

  5   d'avoir fait partie des Bérets verts. Puisque son épouse était là avec deux

  6   enfants en bas âge, elle a demandé qu'on le laisse partir. Elle disait que

  7   ce n'était pas exact. Il y en avait un qui a donné son accord pour qu'il

  8   entre en autocar avec nous. Plus tard, ils sont venus le chercher à

  9   Trnopolje pour l'emmener à Omarska.

 10   Q.  Comment avez-vous appris qu'il a été emmené à Omarska ?

 11   R.  En ce qui nous concernait, ils ont pris le Dr Pasic et deux autres

 12   personnes, et ils les ont emmenées à Omarska, mais pas en même temps, à des

 13   époques différentes.

 14   Q.  Attendez. Peut-être qu'il y a un problème.

 15   Vous avez parlé d'un homme, de l'homme accusé de faire partie des

 16   Bérets verts.

 17   R.  Les Bérets verts.

 18   Q.  Oui. Est-ce qu'il est allé avec vous à Trnopolje, et ensuite il a été

 19   donc emmené à Omarska, ou est-ce qu'il a été emmené immédiatement à Omarska

 20   ?

 21   R.  Non. Ils l'ont laissé prendre le même autocar que nous. Il est arrivé à

 22   Trnopolje avec nous, et plus tard ils l'ont emmené à Omarska de Trnopolje.

 23   Q.  Et ces médecins que vous venez de nommer, pourriez-vous nous donner

 24   leurs noms à nouveau, puisqu'ils n'ont pas été consignés au compte rendu

 25   d'audience.

 26   R.  Les deux médecins : le Dr Jusuf Pasic et le Dr Mensur Kusuran.

 27   Q.  Vous avez dit que ces deux médecins ont été emmenés à des moments

 28   différents de Trnopolje ?

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  1   R.  Oui, exact.

  2   Q.  Pouvons-nous vérifier - et j'aurais pu vous poser la question plus tôt

  3   - qui d'entre vous qui étiez dans la clinique a été emmené par ces hommes

  4   armés dans le bar ? Vous-même et qui d'autre ?

  5   R.  De quel café, de quel bar parlez-vous ? Je ne vous comprends pas.

  6   Q.  Vous avez dit que des soldats, enfin, des hommes armés sont arrivés

  7   dans la clinique. Vous avez dit que --

  8   R.  C'était à Kozarac.

  9   Q.  Ensuite, vous êtes allés au carrefour et on vous a pris là-bas, on vous

 10   a emmenés dans un bar.

 11   R.  Oui. Ils nous ont emmenés dans ce bar à bord d'un 4x4, mais nous, on

 12   n'y est pas entrés. On est restés à côté de la route, au bord de la route,

 13   au niveau de l'endroit où il y a une intersection de cette route-là et une

 14   route non goudronnée. Nous étions tous ensemble là. On attendait.

 15   Q.  C'est de ma faute. Je ne suis pas claire. Donc, vous avez dit qu'ils

 16   vous ont emmenés. Ils ont emmené qui exactement ? Qui étaient les autres

 17   personnes et que l'on a emmenées avec vous ?

 18   R.  Toute l'équipe de Kozarac, mis à part Nihad Bahonjic. Azra, qui était

 19   vétérinaire; un autre vétérinaire, Dzolagic; Mujo et Babica; Goga, la

 20   Serbe; Lejla; Husidic; mari et femme.

 21   Q.  Est-ce que d'aucuns entre vous ont reçu des armes ?

 22   R.  Non, nous n'avions pas d'armes du tout.

 23   Q.  Est-ce qui que ce soit des gens qui vous ont emmenés là-bas, est-ce

 24   qu'ils vous ont fouillés pour vérifier si vous aviez des armes ?

 25   R.  Azra Blazevic est la seule qui avait un sac à dos. Les autres n'avaient

 26   rien, mais peut-être ont-ils vérifié ce qui se trouve dans ce sac à dos à

 27   Kozarac.

 28   Q.  Bien. Juste avant la pause, dites-nous, est-ce qu'on vous a amenés à

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  1   bord de cet autocar à Trnopolje ?

  2   R.  Oui. On est entrés dans cet autocar. Il y avait des femmes et des

  3   enfants là-dedans. Ensuite, depuis cet endroit, ils nous sont emmenés

  4   directement à Trnopolje.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour

  6   prendre la pause, parce que là, je vais commencer à parler de Trnopolje.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

  8   Nous allons prendre une pause, et nous allons reprendre nos travaux

  9   dans 20 minutes.

 10   Merci.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

 13   --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

 14   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 15    Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que votre décision signifie que je ne

 16   peux pas lui montrer les photos ?

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Korner, puisqu'elles ne sont

 19   pas sur la liste 65 ter, elles ne vont pas être versées au titre de

 20   l'article 65 ter. Donc, vous pouvez les montrer au témoin, vous pouvez lui

 21   poser des questions au sujet de cela, mais cela n'ira pas plus loin que

 22   cela.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Très bien.

 24   [Le témoin vient à la barre]

 25   Mme KORNER : [interprétation]

 26   Q.  Docteur, pouvons-nous à présent parler de Trnopolje.

 27   Quand vous y êtes arrivé, ce premier jour, vous connaissiez

 28   Trnopolje, bien sûr, parce qu'il y avait un dispensaire là-bas. Mais est-ce

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  1   que vous avez compris, est-ce qu'on vous a dit pourquoi vous avez été

  2   emmené là-bas ?

  3   R.  Non. Tout ce que j'ai pu remarquer, c'est qu'il y avait beaucoup de

  4   femmes, beaucoup d'enfants et beaucoup de militaires sur place. Je n'ai

  5   remarqué rien d'autre.

  6   Q.  Est-ce quoi que ce soit a indiqué que cela était un endroit où on

  7   allait héberger les gens, pour s'exprimer de façon neutre ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Quand vous êtes arrivés à Trnopolje, où êtes-vous allés ?

 10   R.  On nous a emmenés par autocar, on s'est arrêtés sur une route qui était

 11   au sud-ouest de Trnopolje par rapport à Prijedor. Là, on est sortis, on a

 12   emprunté un chemin qui mène vers ce foyer. Du côté droit, il y avait des

 13   soldats qui étaient assis. On s'est dirigés en direction de cet

 14   établissement et tout le monde y est allé en même temps.

 15   Ensuite, nous qui avions des blouses blanches et qui étions du

 16   dispensaire. Rade Baltic était là, il était vêtu dans des vêtements civils.

 17   Il me connaissait puisqu'il avait été mon patient. Eh bien, ils ont décidé

 18   que nous tous qui étions vêtus de blouses blanches, qu'il fallait que l'on

 19   aille au dispensaire de Trnopolje.

 20   Q.  Maintenant, je vais vous demander d'examiner quelques photos.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Je vais demander que l'on montre sur l'écran

 22   --

 23   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 24   Mme KORNER : [interprétation] 3419.85, intercalaire 11.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En attendant de voir les photos, j'ai

 26   une question.

 27   Docteur, quand vous avez vu "qu'il y avait de nombreux soldats qui étaient

 28   par là", est-ce que vous pensiez exclusivement aux militaires ou bien aux

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  1   personnes armées de façon générale ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Des personnes armées vêtues d'uniformes

  3   militaires. Et je pense que c'étaient des gens qui, auparavant, avaient été

  4   des civils, parce qu'il y en a un d'entre eux qui m'a reconnu. C'est un

  5   jeune homme que j'ai pu voir à l'aéroport de Prijedor ainsi que son père.

  6   Donc, ce n'était pas un militaire. Ils faisaient partie des gens qui ont

  7   été mobilisés pendant la guerre.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  9   Mme KORNER : [interprétation]

 10   Q.  On va vous donner un stylet. C'est l'huissier qui va vous donner un

 11   stylet. Pourriez-vous indiquer sur l'écran, même si cette photo n'a été

 12   prise que l'année dernière, et c'est l'endroit où se trouvait le

 13   dispensaire.

 14   Donc là, on a une vue aérienne de Trnopolje, et c'est une vue

 15   aérienne d'aujourd'hui. Est-ce que cela ressemble à la disposition des

 16   lieux en 1992 ?

 17   R.  Oui, à peu près.

 18   Q.  Pourriez-vous indiquer l'endroit où se trouvait le camp en entourant

 19   cet endroit par un cercle. Pourriez-vous nous dire également quels étaient

 20   les immeubles qui faisaient partie du camp.

 21   R.  Ici se trouve l'école. Dois-je marquer cela ?

 22   Q.  Oui, avec une lettre. Vous pouvez ajouter la lettre A à côté du

 23   bâtiment de l'école.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Merci.

 26   R.  Ici, nous avons donc la cour de l'école. Ici, c'est le dispensaire.

 27   Ici, c'est le foyer avec le hall. Ici, c'était la commune locale. Plus

 28   loin, c'était une boutique avec du matériel de construction. Et les choses

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  1   variaient un peu dans le temps, mais l'on considérait que cette partie-là

  2   faisait partie du camp. Le reste, moins. Voilà, c'est à peu près cela.

  3   Q.  Bien. Pourriez-vous annoter l'endroit où se trouve le dispensaire par

  4   un B, et l'endroit où ce trouve ce hall par la lettre C.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Ensuite, pour la boutique, veuillez apposer la lettre D à côté de cet

  7   endroit.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je vais poser la question directement. Quand vous êtes arrivé, vous

 10   avez dit que rien n'indiquait que c'était un endroit où on allait héberger

 11   des gens. Est-ce qu'à aucun moment l'on a arrangé les lieux de sorte que

 12   l'on pouvait en arriver à la conclusion qu'il s'agissait-là d'un camp ?

 13   R.  Vous savez, les choses changeaient tout le temps dans le camp de

 14   Trnopolje. Mais à un moment donné, juste avant l'arrivée des journalistes,

 15   on a démantelé entièrement Keraterm, en partie Omarska, et avant qu'une

 16   partie de ces personnes ne soit transférée chez nous, ils ont fabriqué

 17   cette clôture. Cela n'a pas duré longtemps, puisque après qu'elle ait été

 18   vue sur toutes les télévisions du monde, on l'a enlevée peu de temps après.

 19   Q.  Et cette clôture que l'on va voir, est-ce qu'elle suivait les bordures

 20   du camp telles que vous les avez annotées ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Pourriez-vous nous montrer l'endroit qu'entourait cette clôture ? Je

 23   sais que c'est un peu difficile. C'est une question difficile.

 24   R.  Pas de problème. Pas de problème. Je peux les montrer même ici.

 25   Là, il y avait déjà une clôture, là où se trouve la boutique.

 26   Ensuite, quand ils en ont monté une autre, elle commençait par là. Ensuite,

 27   elle passait par le hall et par cette zone-ci. Tout cela était délimité

 28   pendant une période brève par cette clôture. Peut-être qu'il y en avait

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  1   d'autres qui existaient avant déjà. Il y en avait une autour de l'école,

  2   mais elle n'était pas bien haute; et puis une autre à côté du dispensaire.

  3   Q.  Bien, merci.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Je vais demander que ceci soit versé au

  5   dossier.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. C'est versé, et je demande une

  7   cote.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1770.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Merci. Je pense que Me Aleksic souhaite

 10   intervenir.

 11   M. ALEKSIC : [interprétation] Excusez-moi. Effectivement, on vient

 12   d'attribuer une cote, mais je pense que la partie qui vient d'être annotée

 13   par le docteur pour montrer la clôture supplémentaire, il faudrait peut-

 14   être l'annoter aussi par un mot pour savoir ce que cela représente.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Je pense que c'est déjà assez clair, mais --

 16   Q.  Monsieur, est-ce que vous pouvez apposer la lettre F à la droite de

 17   cette clôture que vous avez dessinée sur cette carte.

 18   R.  Vous parlez de celle qui existait déjà, ou bien la nouvelle ?

 19   Q.  La nouvelle, celle qui a été construite par la suite.

 20   R.  C'est à peu près ici. Ici, voilà. Mais la partie qui est en bas, elle

 21   existait déjà.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Peut-on donner le feutre d'une autre

 23   couleur au témoin parce que là, tout est en rouge.

 24   [La Chambre de première instance se concerte] 

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette nouvelle clôture correspondait à cela,

 26   en bleu.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Merci. Merci beaucoup, Messieurs les Juges.

 28   Q.  Et merci beaucoup, Docteur.

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  1   Maintenant, je vais demander que l'on examine rapidement une photo

  2   qui a été prise à une période plus contemporaine aux événements. Il s'agit

  3   de la pièce 2483. Elle se trouve à l'intercalaire 3.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Il s'agit de la pièce 65 ter 2483.

  5   Q.  Les deux bâtiments que l'on peut voir en avant de la photo, est-ce que

  6   vous pouvez nous dire de quoi il s'agit, ils sont au premier plan ?

  7   R.  Celle qui est sur la droite c'est l'école de Trnopolje; celle qui est

  8   juste devant, c'est le dispensaire, la boutique, la commune locale, et au

  9   premier étage se trouvait un club de sport. Et derrière vous pouvez voir le

 10   hall, il était là.

 11   Q.  Bien.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Je vais demander que ceci soit versé au

 13   dossier et se voit attribuer une cote.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1771, Monsieur

 16   le Président.

 17   Mme KORNER : [interprétation]

 18   Q.  A quel moment, puisque vous êtes arrivés à peu près vers la fin du mois

 19   de mai, quelques jours après le pilonnage, à quel moment Trnopolje est-il

 20   devenu un camp ?

 21   R.  Nous avons remarqué qu'il y avait de plus en plus de femmes et

 22   d'enfants qui arrivaient alors que personne ne partait. Alors que les

 23   hommes qui n'étaient pas présents en grand nombre, on les séparait pour les

 24   envoyer à l'école. Et vers la fin, ils se sont plaints qu'il y avait plus

 25   de place pour personne, et là ils ont organisé le première convoi de

 26   transport de bétail pour transférer ces gens en direction de Sarajevo en

 27   passant par Doboj.

 28   Et déjà, au bout de quelques jours, nous avons compris, puisque les

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  1   militaires étaient là, il y avait des points de contrôle autour, on ne

  2   pouvait pas entrer, on ne pouvait pas sortir sans qu'on se fasse contrôler.

  3   Et c'était assez clair à ce moment-là que c'était une façon d'enfermer les

  4   gens dans une prison ou dans un camp. Vous pouvez l'appeler comme vous

  5   voulez. En tout cas, il n'y avait pas de liberté de circulation là.

  6   Q.  Vous avez dit que les femmes et les enfants étaient de plus en plus

  7   nombreux à influer dans le camp. Mais comment arrivaient-ils dans le camp

  8   de Trnopolje ?

  9   R.  On les faisait venir par autocar, le plus souvent.

 10   Q.  Vous avez dit que ceci est devenu un camp ou une prison. Vous avez dit

 11   qu'il n'y avait pas de liberté de circulation là-bas. Mais est-ce que les

 12   gens pouvaient quitter Trnopolje s'ils le souhaitaient ? Par exemple, vous,

 13   est-ce que vous vouliez rester à Trnopolje ?

 14   R.  Je n'avais pas le droit de quitter Trnopolje.

 15   Q.  Et qu'en est-il d'autres personnes ? Vous nous avez dit que des convois

 16   ont été organisés. Qu'en est-il d'autres personnes, est-ce qu'ils avaient

 17   le droit de partir, de quitter cet endroit ?

 18   R.  Non. Il n'y avait que les femmes et les enfants qui pouvaient quitter

 19   le camp, ainsi que les gens qui avaient plus de 65 ans, qui n'étaient pas

 20   aptes à combattre. Les autres restaient. Mais de toute façon, ils n'étaient

 21   que très peu nombreux à arriver à Trnopolje.

 22   Ils appelaient cela le nettoyage de villages. Donc, ils encerclaient

 23   un village, l'armée et la police entraient dans le village; ils faisaient

 24   sortir tous les gens de chez eux; ils séparaient les femmes et les

 25   vieillards et les enfants des hommes; ceux-là arrivaient à Trnopolje. Une

 26   partie de ces gens a été tuée et l'autre a disparu. Il y en a qui ont

 27   terminé à Keraterm ou à Omarska. Puis un petit nombre d'entre eux qui

 28   connaissaient certainement quelqu'un ou qui s'est vu aider par un Serbe est

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  1   arrivé à Trnopolje, parce que Trnopolje c'était le meilleur des camps que

  2   l'on pouvait imaginer pour un homme, avec les meilleures conditions. Les

  3   hommes n'ont pu quitter le camp que peu de temps avant l'arrivée des

  4   journalistes.

  5   Q.  Très bien.

  6   R.  Puis une autre chose -- excusez-moi. Ceux qui arrivaient à

  7   Trnopolje, les hommes, il est arrivé de temps en temps que l'on les appelle

  8   en donnant leurs noms et ensuite ils ont été emmenés. Ils étaient emmenés à

  9   Omarska ou ailleurs. Donc, tous ceux qui sont arrivés à Trnopolje n'étaient

 10   pas en lieu sûr à Trnopolje.

 11   Q.  Vous avez dit qu'il ne nous vous était pas permis de partir. Il y avait

 12   des points de contrôle. Mais y avait-il d'autres obstacles ? Y avait-il

 13   quelque chose d'autre qui vous empêchait de partir ? Y avait-il des gardes,

 14   par exemple ?

 15   R.  Bien sûr. Sur les points de contrôle, à l'endroit que j'ai dessiné, il

 16   y avait des points de contrôle avec l'armée, des soldats armés. La seule

 17   chose c'est que ces gardiens se faisaient remplacer tous les deux semaines,

 18   donc aux deux semaines il y avait des soldats différents, des gardiens

 19   différents. Il n'y avait que le colonel Kuruzovic qui était arrivé au

 20   début. Il y avait également d'autres personnes qui étaient là depuis le

 21   début, mais, en fait, il y avait un roulement en permanence.

 22   Q.  Vous nous avez dit qu'il y avait des gardiens. Est-ce que ces gardiens

 23   étaient armés ?

 24   R.  Oui, bien sûr que oui, ils étaient armés.

 25   Q.  En s'agissait-il de fusils ou d'armes de service ou d'autres types

 26   d'armes ? Quel type d'armes avaient-ils ?

 27   R.  Sur les points de contrôle, il y avait également d'autres types

 28   d'armes. Oui, bien sûr, ça dépendait des unités ou de l'unité qui venait

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  1   assurer la garde du camp.

  2   Q.  Est-ce que vous savez qui étaient ces hommes ? Vous dites qu'il

  3   s'agissait d'hommes en uniforme. Je crois que vous avez dit qu'en fait

  4   c'étaient des gardes. Est-ce que vous savez d'où ils venaient, d'où ils

  5   étaient originaires ?

  6   R.  Il y avait un groupe qui était remplacé plus souvent, venait des

  7   villages avoisinants. Il y avait également d'autres groupes que lorsqu'ils

  8   venaient du champ de bataille ils allaient au repos. Et pendant un certain

  9   temps, ils allaient tous sur le théâtre des opérations et ils étaient

 10   occupés dans les opérations de combat. Donc, on avait emmené des personnes

 11   plus âgées. Ce n'était pas des soldats de carrière, en réalité. Tout le

 12   monde était mobilisé.

 13   Q.  D'accord. Excusez-moi, je suis en train de penser et de réfléchir à

 14   haute voix.

 15   Est-ce que -- vous nous dites qu'il y avait des points de contrôle. Y

 16   avait-il des points de contrôle ou des personnes armées qui se trouvaient

 17   dans la zone du camp ?

 18   R.  Dans l'enceinte du camp que j'ai dessinée, non, il n'y en avait pas. Il

 19   n'y en avait qu'autour.

 20   Q.  Je voudrais passer aux conditions qui prévalaient au camp -- ou plutôt,

 21   non, je voudrais d'abord parler de convois dont vous nous avez parlé.

 22   De quelle façon les gens ont-ils quitté le camp ? A bord de quel type

 23   de véhicule ?

 24   R.  Pour la plupart, on savait déjà à l'avance, un jour avant de partir,

 25   que le lendemain il y aurait des départs. Donc, il y avait des renforts qui

 26   venaient. La plupart du temps il y avait un certain Beric qui venait. Je

 27   crois qu'il s'appelait ainsi. Il venait avec eux. Ils s'alignaient entre le

 28   camp et la garde. Les femmes et les enfants passaient par la rue, et eux

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  1   ils effectuaient le contrôle pour voir s'il n'y avait pas d'hommes parmi

  2   ces groupes. S'il arrivait à quelqu'un d'avoir un très bon ami qui était

  3   Serbe, ils leur arrivaient de s'infiltrer dans le groupe. Et par la suite,

  4   on plaçait ces personnes dans les wagons de train.

  5   Q.  Et c'était à la gare, alors, à ce moment-là ?

  6   R.  Oui. A Trnopolje.

  7   Q.  Vous parlez de compartiments. Vous parlez de wagons à bétail. Est-ce

  8   qu'il y avait des sièges ?

  9   R.  Non.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Je vois le mot "temperature" apparaître à

 11   l'écran. Je n'ai pas dit "temperature", j'ai dit est-ce qu'il y avait des

 12   sièges.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y en avait pas.

 14   Mme KORNER : [interprétation]

 15   Q.  Vous dites qu'il n'y avait pas de sièges, c'étaient des compartiments

 16   de train qui étaient destinés au bétail.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Combien de personnes plaçait-on dans un compartiment ?

 19   R.  On essayait de bonder le plus grand nombre de personnes que l'on

 20   pouvait.

 21   Q.  Dites-moi, quel temps faisait-il ? Vous dites que c'était pendant

 22   l'été.

 23   R.  Oui, c'était pendant l'été, donc il faisait très chaud déjà. C'était la

 24   canicule.

 25   Q.  Parlons maintenant des conditions qui prévalaient à Trnopolje jusqu'à

 26   ce que les journalistes et, par la suite, le CICR sont arrivés.

 27   D'abord, pour commencer avec la nourriture. Est-ce que la nourriture

 28   était fournie par le commandant Kuruzovic ?

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  1   R.  La nourriture n'avait pas été spécialisée de façon particulière. Mais

  2   au début, on permettait à la population avoisinante d'apporter de la

  3   nourriture aux personnes qui se trouvaient au camp. Il y avait même des

  4   Serbes qui apportaient de la nourriture.

  5   Q.  Vous dites qu'"au début ils permettaient aux habitants du cru

  6   d'apporter de la nourriture." Ceci a duré combien de temps environ ?

  7   R.  Ceci a duré jusqu'à ce que les habitants du cru ne soient chassés de

  8   leurs demeures, et ils avaient été expulsés.

  9   Q.  Donc s'agissant de la nourriture après cette période, de quelle façon

 10   est-ce que l'on se procurait de la nourriture ?

 11   R.  Vers la fin du mois de mai, la Croix-Rouge serbe est arrivée, et c'est

 12   grâce à eux que nous avons pu assurer le lait pour les enfants en bas âge.

 13   Ces derniers recueillaient de l'argent des détenus, et avec cet argent ils

 14   achetaient du pain, et le lendemain ils apportaient le pain et ils

 15   distribuaient le pain aux personnes qui leur avaient donné de l'argent pour

 16   acheter ce pain.

 17   A un certain moment donné -- ceci se passait à différents moments, il

 18   est arrivé que pendant un certain temps on organise une sorte de cuisine

 19   militaire. C'était une énorme marmite sur roues, et là on pouvait faire de

 20   la nourriture. Mais très rapidement, ils ont compris qu'il y avait trop de

 21   personnes et que l'on ne pouvait pas nourrir toutes ces personnes avec même

 22   cette marmite.Par la suite, lorsque la Croix-Rouge internationale est

 23   arrivée, nous avions de la nourriture de façon régulière.

 24   Q.  Et quand est-ce que la Croix-Rouge internationale est arrivée

 25   exactement ?

 26   R.  Vers le milieu du mois d'août, vers la mi-août.

 27   Q.  Qu'en est-il de l'hébergement ? Y avait-il suffisamment de place dans

 28   le bâtiment que vous nous avez montré pour héberger toutes ces personnes ?

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  1   R.  Lorsqu'il leur arrivait de vider le camp avec un convoi, ils

  2   apportaient plus de personnes même, et très souvent il n'y avait plus de

  3   place pour tout le monde, et il leur arrivait qu'il faille dormir même à

  4   l'extérieur, dehors.

  5   Q.  Qu'en est-il des installations telles que les salles de bain, l'eau

  6   courante, et cetera, est-ce que tout ceci était disponible ?

  7   R.  Il n'y avait pas de salles de bain, bien évidemment. L'eau courante

  8   existait, mais seulement pendant les deux ou trois jours, mais elle était

  9   salle, donc on l'a débranchée et il n'y avait plus d'eau par la suite. Les

 10   toilettes à l'école très rapidement ont été bloquées. A l'extérieur, on a

 11   creusé des fosses septiques et on a érigé des petites cabines, et c'est là

 12   que les gens pouvaient aller.

 13   Q.  Est-ce que le camp était suffisant ? Est-ce que le camp était assez

 14   grand pour toutes ces personnes qui s'y trouvaient avant que les convois ne

 15   les y emmènent à l'extérieur ?

 16   R.  Bien sûr que non.

 17   Q.  S'agissant maintenant de l'approvisionnement médical, vous nous avez

 18   dit que lorsque vous avez quitté Kozarac, vous avez pris tout le matériel

 19   médical. Est-ce que l'on vous a donné d'autre matériel médical ?

 20   R.  Non. Ce n'est pas exact. Là je dis que lorsque nous avons mis tous les

 21   médicaments de Kozarac sur le camion, lorsque nous avons chargé le camion

 22   en matériel médical, ils sont partis avec ce matériel. Nous ne l'avons

 23   jamais plus revu. Donc, nous n'avions pas du tout de matériel médical.

 24   Q.  Bien. D'accord. Est-ce que vous pouviez prodiguer des soins aux

 25   personnes à Trnopolje, pas à Kozarac ?

 26   R.  Du meilleur que nous le pouvions. Des fois il nous arrivait d'avoir de

 27   l'aide, quelques médicaments de la population. Lorsque la Croix-Rouge est

 28   venue, ils m'ont demandé ce dont j'avais besoin, donc ils m'ont apporté le

Page 18415

  1   matériel médical nécessaire. Il y avait également un médecin qui s'appelait

  2   Ivic Dusko, et un autre médecin -- enfin, infirmier serbe, qui nous ont

  3   apporté une poudre contre les poux, et les personnes qui avaient des poux

  4   pouvaient s'en débarrasser à l'aide de cette poudre.

  5   Q.  Quelles étaient les blessures que vous pouviez traiter à la clinique de

  6   Trnopolje ?

  7   R.  S'agissant des blessures, c'étaient des blessures qui avaient été

  8   occasionnées par le passage à tabac et par les poignardements [phon].

  9   Q.  Les passages à tabac avaient lieu à quel moment ? Et qui assénait les

 10   personnes de coups ?

 11   R.  Les passages à tabac se déroulaient, pour la plupart, avant l'arrivée

 12   des journalistes, et avant l'arrivée de la Croix-Rouge internationale. Mais

 13   après cette période, c'était assez rare. C'étaient toujours des hommes en

 14   uniforme. Certains des gens que nous connaissions, et d'autres que nous ne

 15   connaissions pas.

 16   Q.  Et que faisaient-ils ?

 17   R.  Soit qu'ils cherchaient des gens en donnant des noms, ou ils venaient

 18   tout seul. Donc, ils appelaient des noms et ils les sortaient dans une

 19   pièce. Par la suite, c'est dans cette pièce-là qu'ils procédaient aux

 20   passages à tabac, des personnes qui se faisaient sortir. Très souvent par

 21   la suite, ces personnes avaient été emmenées ailleurs. Une plus petite

 22   partie d'entre eux, je sais qu'on avait emmené un certain nombre de

 23   personnes chez nous pour que l'on puisse voir si on pouvait faire quelque

 24   chose pour eux.

 25   Q.  Et où se trouvait cette pièce où on emmenait les personnes ?

 26   R.  Cette pièce faisait partie de la clinique médicale.

 27   Q.  Est-ce que l'on a pris des photographies de la pièce, pour que l'on

 28   puisse voir à quoi rassemblait la pièce ? Est-ce qu'on a pris des photos

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  1   des personnes qui avaient été passées à tabac ?

  2   R.  Oui. Nous avions réussi à prendre quelques photos, mais pas beaucoup.

  3   Q.  Est-ce que c'était un appareil photo qui appartenait à Azra Blazevic ?

  4   R.  Oui, c'est exact. C'était un appareil photo d'Azra Blazevic que nous

  5   cachions dans le tank eau, puisqu'il n'y avait pas d'eau.

  6   Q.  Et j'aimerais savoir si vous avez pu faire diffuser un film avec Penny

  7   Marshall et les membres de l'ITN. Est-ce que vous avez pu leur donner ces

  8   images ?

  9   R.  Oui. Lors de la première visite de Penny Marshall, nous avions réussi à

 10   lui donner l'appareil photo et il a voulu sortir le film et nous retourner

 11   l'appareil photo et nous avions peur qu'ils allaient découvrir cet appareil

 12   photo et donc, nous lui avions demandé de prendre l'appareil photo avec le

 13   film.

 14   Q.  J'aimerais que l'on se penche sur certaines photographies. Alors, il y

 15   en a quelques-unes qui m'intéressent.

 16   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais que d'abord on visionne la

 17   photographie 10611.

 18   Q.  Qu'est-ce que nous pouvons apercevoir sur cette photographie ? Qu'est-

 19   ce que l'on voit ici ?

 20   R.  C'est la pièce dans laquelle ils passaient les personnes à tabac et,

 21   une fois, on a réussi à prendre une photo de cette pièce, et on voit le

 22   sang.

 23   Q.  La photo suivante porte la cote 10612.

 24   R.  C'est la même pièce mais la photo est prise d'un autre angle.

 25   Q.  J'aimerais que l'on regarde la photo 10613 ensemble.

 26   C'est la personne que l'on a vue dans la vidéo également. Qui est ce jeune

 27   homme ?

 28   R.  C'est un jeune homme qu'ils ont passé à tabac. Il s'appelle Nedzad

Page 18417

  1   Jakupovic.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Docteur, s'il vous faut prendre une

  3   pause, dites-le-nous, s'il vous plaît, et nous pourrons prendre une pause,

  4   certainement, pour que vous puissiez vous reposer un peu.

  5   Aimeriez-vous que l'on fasse une pause de cinq minutes ?

  6   Mme KORNER : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président, ce

  7   serait peut-être bien. En fait, je voudrais lui montrer encore une photo.

  8   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais entendre le témoin nous

  9   dire comment il se sent.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous pouvons continuer.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Merci.

 12   Mme KORNER : [interprétation]

 13   Q.  Je vous remercie, Docteur. Je ne vais pas vous demander de voir

 14   d'autres photographies puisque nous allons les voir dans la vidéo plus

 15   tard, ces passages à tabac qui avaient eu lieu dans cette pièce.

 16   Est-ce que c'était à la suite d'un interrogatoire, est-ce que les gens se

 17   faisaient interroger alors qu'ils étaient à Trnopolje ?

 18   R.  Je sais que certaines personnes s'étaient faites interroger et pour

 19   d'autres personnes, je ne sais même pas pourquoi ils ont été passés à

 20   tabac. Nous n'étions pas présents. Je sais seulement que les personnes que

 21   l'on emmenait chez nous au dispensaire, ils étaient toujours accusés de

 22   quelque chose.

 23   Q.  Outre les passages à tabac, dites-nous, y a-t-il eu des décès à la

 24   suite de ce type de violence ?

 25   R.  Oui, il y a eu des décès, effectivement. Je n'arrive pas à me souvenir

 26   de son nom, mais je sais que j'ai mentionné son nom dans une de mes

 27   déclarations. Il y avait plusieurs personnes qui se faisaient emmener après

 28   les passages à tabac, qu'ils emmenaient et qu'ils faisaient sortir du camp

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  1   et qu'ils ont simplement tuées.

  2   Q.  Est-ce que vous connaissiez une famille du nom de Foric ?

  3   R.  Je ne connaissais pas personnellement cette famille, mais je sais qu'un

  4   jour ils avaient demandé que les personnes s'appelant Foric lèvent la main.

  5   Je sais qu'ils les ont fait sortir, et sur la route vers la gare il y avait

  6   un moulin, et on les a tués près du moulin. Je crois qu'il y avait cinq ou

  7   six personnes portant ce nom de famille.

  8   Q.  C'est un récit que vous avez entendu de la bouche de qui ?

  9   R.  Lorsqu'ils les ont fait sortir, j'ai été témoin oculaire. Je l'ai vu

 10   personnellement. Quant à leur mort, je sais qu'Azra l'a dit et d'autres

 11   personnes, d'autres détenus, et il y avait également une personne, Curkus,

 12   qui avait organisé que l'on les enterre, un représentant de la Croix-Rouge.

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   M. KRGOVIC : [interprétation] Je voudrais savoir, Monsieur le Président, de

 15   quel fait jugé s'agit-il s'agissant de cet incident que mentionne Mme

 16   Korner en ce moment, car je n'ai pas réussi à trouver de lien avec aucun

 17   fait jugé.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner.

 19   Mme KORNER : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je vais essayer

 20   de le trouver.

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant du fait déjà

 22  jugé 1031, le 1er octobre - ou vers cette date - 1992, des personnes avaient

 23   été emmenées au camp de Trnopolje. On leur a demandé de laisser derrière

 24   leurs biens. Le camp de Trnopolje était un camp de nettoyage ethnique où

 25   des personnes qui avaient été déportées étaient de --

 26   L'INTERPRÈTE : [inaudible]

 27   Mme KORNER : [interprétation] En fait, d'après nous, Monsieur le

 28   Président, le nettoyage ethnique comprend les meurtres dans les camps.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] De quelle façon ceci a trait avec les

  2   détails des membres de la famille pour laquelle vous avez posé cette

  3   question ?

  4   Mme KORNER : [interprétation] Pardon ?

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quel est le lien entre ce fait déjà jugé

  6   et la famille pour laquelle vous avez posé les questions ?

  7   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, afin de pouvoir

  8   établir le fait que le nettoyage ethnique ait eu lieu, j'ai estimé qu'il

  9   était plus prudent d'avoir le plus de noms possible, plutôt que d'avoir

 10   simplement un témoin nous dire des centaines de personnes avaient été

 11   tuées, ou des personnes ont été tuées, ou je ne me souviens des noms des

 12   personnes qui ont été tuées. Cette personne peut nous donner des noms

 13   précis.

 14   Je ne sais pas si vous avez peut-être en-tête une autre définition de

 15   nettoyage ethnique. Vous pourriez peut-être me la dire. Je serais forte

 16   heureuse de l'apprendre.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Maître Krgovic.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Si j'ai bien compris, la définition de

 19   nettoyage ethnique ne devrait pas figurer dans les faits déjà jugés

 20   puisqu'il n'existe pas un crime précis qui a été libellé "nettoyage

 21   ethnique" ou de toute façon, je n'ai pas rencontré cet exemple. Et

 22   troisièmement, en quoi est-ce que cet incident précis qui ne figure pas

 23   dans l'acte d'accusation, en quoi est-ce que ces décisions ont un lien avec

 24   ce fait déjà jugé, et donc, je ne trouve vraiment pas le lien.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Mais bien sûr, Monsieur le Président, il n'y

 26   a pas un crime appelé "nettoyage ethnique". Le nettoyage ethnique est un

 27   terme de journaliste qui a été adopté pour décrire un certain nombre de

 28   crimes commis et qui comprennent le meurtre, les passages à tabac,

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  1   déportations, persécutions, si vous le souhaitez. Tout ceci est englobé par

  2   l'expression "nettoyage ethnique". Et donc, Monsieur le Président,

  3   Messieurs les Juges, je voudrais vous dire que j'estime qu'il est tout à

  4   fait propice, pertinent de poser cette question à la lumière de ce fait

  5   jugé en question, 1031.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce que vous dites, en fait, Madame

  7   Korner, c'est que le témoin qui est en mesure de déposer sur des incidents

  8   précis pour la période pour laquelle vous lui poser des questions, vous

  9   demandez à la Chambre de tirer des conclusions raisonnables, n'est-ce pas ?

 10   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, veuillez poursuivre, je vous

 12   prie.

 13   Mme KORNER : [interprétation]

 14   Q.  Docteur, est-ce que vous savez des personnes à Trnopolje du nom de

 15   Murgic, ou une personne du nom de Murgic ?

 16   R.  Il y avait un Murgic père et un Murgic fils, et ces deux personnes

 17   avaient également été emmenées à la gare et par la suite, la ferme de

 18   pisciculture. Ils ont également été tués. Il s'agissait de deux Croates.

 19   L'un d'eux était marié avec une femme serbe. Elle venait au camp. Elle

 20   voulait savoir ce qui était arrivé avec mon fils et son mari.

 21   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi ces personnes avaient été emmenées de

 22   cette façon-là et par la suite tuées ?

 23   R.  Je ne le sais pas.

 24   Q.  Vous nous avez dit qu'il y avait un certain nombre de femmes au camp.

 25   Est-ce que vous pouvez nous dire s'il leur est arrivé quelque chose ? En

 26   tant que médecin, avez-vous été témoin de quelque chose, avez-vous appris

 27   l'existence de quelque chose qui leur était arrivé ?

 28   R.  Oui, il s'agissait de viols. Ces femmes avaient été violées.

Page 18422

  1   Q.  Etait-ce quelque chose qui arrivait de façon régulière ou bien était-ce

  2   un incident assez rare qu'une femme ne se plaint d'avoir été violée ?

  3   R.  Je crois que c'est quelque chose qui arrivait très souvent, mais il n'y

  4   avait qu'un petit nombre de femmes qui venaient nous demander de l'aide.

  5   Mais lorsque la Croix-Rouge internationale était arrivée, après leur

  6   passage il n'y avait plus de viols au camp. Et je ne me souviens plus

  7   exactement quand, mais pour la plupart il y avait des hommes, un groupe que

  8   l'on appelait El Manijakos. C'étaient des servants de chars, et je m'étais

  9   entretenu avec le Dr Dusko Ivic une fois, puisqu'il y avait des femmes qui

 10   étaient venues pour dire qu'elles voulaient aller à Prijedor pour avoir un

 11   examen gynécologique, et après s'être entretenus avec quelqu'un, je ne sais

 12   plus avec qui, probablement avec le commandant Kuruzovic, ce dernier avait

 13   permis qu'elles aillent se faire examiner.

 14   Par la suite, lorsqu'il est rentré ou retourné, il a dit qu'il était

 15   confirmé que ces femmes avaient été violées.

 16   Q.  Avez-vous essayé de faire quelque chose au sujet de ces viols ?

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous demande pardon, Madame Korner.

 18   Docteur, dans la première partie de votre réponse, si je l'ai bien

 19   comprise, dans les deux premières phrases, donc, vous dites que des viols

 20   se produisaient souvent, et puis vous dites un petit nombre de personnes

 21   est venu demander mon secours, et puis vous expliquez que ces femmes ont

 22   été examinées par un docteur différent, et cetera. Alors, pourriez-vous

 23   nous dire sur la base de quoi vous tirez la conclusion que des viols se

 24   produisaient souvent ? Parce que si j'ai bien compris la première partie de

 25   votre réponse, il n'y a qu'un petit nombre de personnes qui sont venues

 26   vous voir, malgré le fait que vous vous trouviez parmi les prisonniers et

 27   que vous étiez médecin.

 28   Comprenez-vous ma question ?

Page 18423

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai comprise, Monsieur le Président.

  2   Donc, il existe deux raisons principales à ceci : la première raison, c'est

  3   que depuis la fenêtre de notre clinique, nous pouvions voir des hommes en

  4   uniforme entrer dans les pièces où se trouvaient les femmes. Ils les

  5   emmenaient avec eux et les ramenaient le lendemain.

  6   La deuxième raison qui me fait tirer cette conclusion, c'est une

  7   supposition que je formule, de nombreuses femmes se sentaient embarrassées,

  8   elles éprouvaient un sentiment de honte et préféraient ne rien en dire

  9   lorsqu'elles étaient violées. Mais depuis la fenêtre nous pouvions voir les

 10   soldats les emmener avec eux.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 12   Vous pouvez poursuivre, Madame Korner.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Avez-vous essayé de faire quoi que ce soit au sujet de ces viols ?

 15   R.  Nous avons réussi à persuader Dusko Ivic que ces femmes devaient se

 16   faire examiner. A part ça, nous n'avions aucune possibilité de leur porter

 17   secours. Tout simplement, nous les conseillions de former une colonne,

 18   parce que si un nombre suffisant de femmes s'étaient réunies, alors il

 19   aurait été possible d'aller voir un gynécologue après avoir quitté le

 20   territoire où nous nous trouvions. C'est le conseil que je leur ai fourni.

 21   Q.  Et de façon générale, qui était l'auteur de ces viols ? Qui étaient les

 22   personnes qui faisaient sortir les femmes des cellules ?

 23   R.  Je suis au courant de l'existence d'un groupe qui se faisait appeler

 24   les El Manijakos. J'imagine que d'autres groupes de ce type existaient,

 25   mais je suis au courant de l'existence de ce groupe précis parce qu'ils

 26   sont arrivés à Trnopolje un jour en deux chars, et en pleine milieu de la

 27   rue, ils se sont disputés avec le commandant Kuruzovic, qui avait permis

 28   que ces femmes se fassent examiner à Prijedor, et c'est quelque chose que

Page 18424

  1   j'ai pu entendre, ce débat qui a été mené.

  2   Q.  Je vous demande pardon, Docteur. Les interprètes n'ont pas saisi la

  3   dernière partie de votre réponse. Vous avez dit qu'ils se disputaient avec

  4   le commandant Kuruzovic en plein milieu de la rue parce que celui-ci avait

  5   permis aux femmes de se déplacer à Prijedor et de se faire examiner, et

  6   puis vous avez ajouté autre chose. Qu'avez-vous dit ?

  7   R.  Rien d'autre. Ah, si. J'ai dit que j'avais entendu dire que l'un des

  8   soldats avait été placé en garde-à-vue dans la caserne militaire, et j'ai

  9   entendu dire que ce groupe y est allé en char pour mettre ces soldats en

 10   liberté, mais je ne sais pas si cet histoire est vraie ou non.

 11   Q.  Très bien.

 12   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais que nous examinions brièvement le

 13   rapport portant sur Prijedor du 18 août. Peut-on afficher, s'il vous plaît,

 14   la pièce 602. C'est la première page qui nous intéresse en anglais, et elle

 15   correspond à la page 2 en B/C/S.

 16   Q.  Docteur, veuillez examiner le deuxième paragraphe en version B/C/S,

 17   c'est un extrait du rapport rédigé au mois d'août et qui concerne

 18   Trnopolje, vers la moitié du paragraphe on peut lire :

 19   "A partir du 24 mai 1992 un grand nombre de citoyens d'appartenance

 20   ethnique musulmane a cherché un abri dans le centre. Ces citoyens étaient

 21   de sexes et d'âges différents."

 22   Alors quelqu'un a-t-il cherché de trouver de la protection au centre

 23   d'après vos connaissances ?

 24   R.  Eh bien, nous n'avons demandé à personne de nous protéger. Mais il faut

 25   dire une chose. Au moment où les représentants de la Croix-Rouge

 26   internationale sont arrivés, de même que les représentants de la HCR, tous

 27   les prisonniers qui n'avaient pas été encore relâchés ont été enregistrés.

 28   Et dès qu'on avait appris que la Croix-Rouge internationale et le HCR

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  1   devaient évacuer ces personnes du camp, d'autres ont essayé de se rendre à

  2   Trnopolje. Ils ont essayé de se faire inscrire sur la liste parce que cela

  3   leur aurait permis de quitter la zone. Un certain nombre de personnes ont

  4   réussi, notamment un certain nombre de Serbes qui se trouvaient au camp 

  5   aidaient parfois un ami à eux, leur permettant de se rendre à Trnopolje.

  6   Q.  Eh bien, dans la suite de ce rapport il est indiqué qu'environ 1 500

  7   Musulmans et Croates se trouvaient sur place, enfin le nombre total se

  8   modifie avec le temps, et puis dans le rapport il est indiqué, et je cite : 

  9   "Des registres spéciaux ne sont pas tenus puisque les citoyens peuvent

 10   quitter le camp, et se diriger là où ils le souhaitent."

 11   Ceci correspond-il à la vérité ?

 12   R.  Non, cela ne correspond pas à la vérité. Il est vrai qu'il n'y avait

 13   pas de registres spéciaux où les noms et les prénoms étaient consignés, et

 14   cette partie-là est vraie. Mais les prisonniers n'étaient pas libres de

 15   partir quand ils le voulaient; il fallait d'abord obtenir une permission.

 16   Q.  Ensuite on examine dans ce rapport les avantages que présentent la gare

 17   de Trnopolje et le fait qu'un train fonctionne. Alors, mis à part les

 18   femmes qui ont été embarquées dans le train, dans les wagons de bétail que

 19   vous avez déjà évoqués, quelqu'un se servait-il de la gare à l'époque ?

 20   R.  Avant l'arrivée des journalistes, les Musulmans n'avaient pas le droit

 21   de se servir de la gare.

 22   Q.  Et puis dans la suite du rapport --

 23   Mme KORNER : [interprétation] Et j'aimerais que nous passions à la page

 24   suivante en version anglaise, s'il vous plaît.

 25   Q.  -- il est indiqué que la protection médicale était fournie en continu,

 26   c'était quelque chose qui était organisé au centre avant l'arrivée des

 27   journalistes et de la Croix-Rouge. Ceci est-il vrai ?

 28   R.  Non, ceci est inexact. Enfin tout dépend au type d'activités auxquelles

Page 18426

  1   l'auteur de ce rapport pense. C'est vrai qu'un certain nombre d'activités

  2   ont été engagées. Des fonds financiers ont été réunis pour acheter du pain

  3   pour les prisonniers. Je ne sais pas ce qu'ils entendent au juste par les

  4   activités qui sont évoquées ici.

  5   Mais pour ce qui est de la protection médicale, il n'y en avait

  6   pratiquement pas.

  7   Q.  Et puis dans la dernière phrase du rapport nous lisons :

  8   "Les membres de l'armée assurent la sécurité en continu, protégeant le

  9   centre contre toutes menaces éventuellement dirigées contre les citoyens

 10   par les extrémistes qui se trouvent à l'extérieur du camp".

 11   Est-ce bien là la raison pour laquelle l'armée s'y trouvait, était-ce là

 12   l'impression que vous avez eue ?

 13   R.  Tout le monde savait que les militaires étaient sur place pour nous

 14   surveiller, et non pas pour nous protéger des extrémistes. Et de toute

 15   façon personne n'avait le droit d'aller nulle part. Je ne comprends pas à

 16   quels extrémistes ont fait référence ici. Aux extrémistes serbes ? Mais les

 17   Serbes pouvaient pénétrer au camp et emmener qui ils voulaient, et ils

 18   pouvaient passer les gens à tabac.

 19   Q.  Docteur, j'aimerais maintenant que vous visionniez le film de l'ITN. Je

 20   sais que vous l'avez déjà vu à plusieurs reprises, mais il ne s'agit de

 21   voir qu'une séquence du film. Voilà.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Mais je devrais signaler aux fins du compte

 23   rendu d'audience qu'il s'agit de la pièce 1357. Oui, voilà.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Pendant combien de temps est-il ici ?

 27   Plusieurs centaines ont déclaré qu'ils ont été mis en liberté depuis

 28   Omarska ou d'autres camps de détention. Ils ont été déplacés vers ce centre

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  1   des réfugiés après plusieurs jours, voire mois, d'interrogatoire. Nous leur

  2   demandons si les allégations portant sur les tabassages qui auraient eu

  3   lieu au centre de détention sont véridiques.

  4   Les personnes qui se trouvent ici ont faim. C'est la vérité.

  5   Je ne suis pas sûr que j'ai le droit de poser cette question, me comprenez-

  6   vous ?

  7   Dites-nous la vérité.

  8   Non, j'ai trop peur.

  9   Il n'est pas facile d'établir la vérité. Quant à nous, nous n'avons pas vu

 10   de preuve évidente concernant des tabassages qui auraient eu lieu, nous

 11   n'avons pas vu de réfugié ici, tout ce que nous avons entendu, ce sont les

 12   allégations qu'il a été impossible de faire confirmer au camp."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme KORNER : [interprétation] Veuillez arrêter la vidéo, s'il vous plaît.

 15   Q.  Vous voyez, Docteur Merdzanic, vous-même, ici, n'est-ce pas ? Mais vous

 16   étiez plus jeune à l'époque ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Et pourriez-vous nous dire qui se tient derrière vous ?

 19   R.  C'est Vasif Gutic, il était étudiant en médecine à l'époque.

 20   Q.  Et à la droite, était-ce l'un des patients ?

 21   R.  C'est l'un des prisonniers.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Poursuivons.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Est-ce qu'il y a eu beaucoup de personnes qui proviennent d'autres camps

 26   et qui ont été battues ?

 27   Un certain nombre a été battu.

 28   Sont-ils nombreux ?

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  1   Oui.

  2   Il m'a été possible de sortir un film du camp. Et l'homme qui a enregistré

  3   les photos et qui m'a donné le film a dit qu'il serait assassiné si jamais

  4   on découvrait qu'il m'avait remis ce film. Il m'a demandé de vérifier dans

  5   trois jours s'il était toujours en vie."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   Mme KORNER : [interprétation] Veuillez arrêter la vidéo, s'il vous plaît.

  8   Q.  Ce sont les photographies que nous avons examinées un peu plus tôt, les

  9   photographies que vous avez prises. C'est vous qui avez dit à Penny

 10   Marshall que vous aviez peur d'être tué ? C'est vous qui lui avez dit ça ?

 11   R.  Oui. S'ils avaient découvert ce que j'ai fait, ils m'auraient tué

 12   certainement.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Poursuivons.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]  

 16   "Et dans toute cette horreur, on relève quelques touches d'humanité.

 17   Par exemple, nous avons ce jeune homme de 19 ans, un Serbe qui maintenant

 18   monte la garde et surveille l'ami avec qui il a grandi. Les Musulmans du

 19   village parfois partageaient tout autrefois, comme enfants partageaient

 20   tout, et maintenant ils se trouvent derrière les barbelés qui sont enfermés

 21   dans ce camp qui suscite de la pitié, et parmi eux on retrouve le jeune

 22   Sana de 13 ans qui dit avoir été utilisé comme bouclier humain par les

 23   extrémistes musulmans, donc les gens de son côté. Les Serbes quant à eux

 24   avaient emmené sa mère.

 25   Avez-vous peur ?

 26   Oui."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   Mme KORNER : [interprétation] Arrêtons-nous pendant un instant. Très bien.

Page 18429

  1   Q.  Alors, le coin du camp qui vient d'être montré, Docteur, où se trouve-

  2   t-il ?

  3   R.  A quel endroit pensez-vous ? Ce qu'on voit à ce moment ? Ce qu'on a vu

  4   tout à l'heure ?

  5   Q.  Juste avant le moment où il a passé de l'autre côté, la personne qu'on

  6   voit sur la photo.

  7   R.  Juste avant. Très bien. C'est là que les barbelés ont été érigés. C'est

  8   l'endroit que j'ai marqué tout à l'heure sur la carte.

  9   Q.  Très bien, mais j'aurais dû vous poser la question --

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Donc, la clôture, les barbelés que nous avons vus un peu plus haut au

 12   début de la vidéo. C'est là, la clôture qui a été construite pour être

 13   détruite après ?

 14   R.  Dans la première partie de la vidéo, nous avons vu des barbelés qui se

 15   trouvaient au sud, et puis vous avez pu voir également deux autres clôtures

 16   à gauche et à droite. Ces deux autres clôtures ont été construites un peu

 17   plus tard, et vous avez pu les voir dans la vidéo.

 18   Q.  Très bien.

 19   Mme KORNER : [interprétation] Poursuivons.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Si vous fermez vos yeux, où vous voyez-vous ?

 23   Je suis près de ma mère. Je la cherche pour la trouver.

 24   Personne n'a su nous dire pourquoi ils ont été amenés ici, et s'ils avaient

 25   le statut de prisonnier ou quelque autre statut. Cette guerre civile est

 26   pleine de cruauté horrifiante."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

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  1   Mme KORNER : [interprétation]

  2   Q.  Oui ?

  3   R.  Je voulais vous dire tout à l'heure, vous pouvez voir maintenant la

  4   clôture. Voilà, c'est ça, la clôture.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   Mme KORNER : [interprétation]

  7   Q.  Celle-ci ?

  8   R.  Non, c'est la clôture que nous avons déjà vue tout à l'heure, mais

  9   quelques instants auparavant nous avons pu voir la clôture qui a été érigée

 10   à l'ouest du camp.

 11   Mais il faut revenir encore plus en arrière pour voir un soldat qui se

 12   tenait debout.

 13   Q.  Parce que -- ce que nous voyons ici se trouve à la droite, près de la

 14   route.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Et voilà. Tout à l'heure, vous avez pu

 17   voir que cette clôture se prolongeait jusqu'à la route. Et maintenant,

 18   arrêtez la vidéo, s'il vous plaît.

 19   Voilà. C'est la clôture qui a été érigée à l'ouest du camp, donc à partir

 20   de l'endroit où se terminait la clôture qui avait déjà existé, et elle se

 21   prolongeait jusqu'à la salle, et la porte d'entrée à la salle se trouve

 22   juste ici à droite.

 23   Mme KORNER : [interprétation]

 24   Q.  Très bien. Je souhaite également vous montrer la séquence suivante, et

 25   puis nous pouvons revenir en arrière encore une fois si nécessaire.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Dans le centre médical de fortune, on peut voir ces images de graves

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  1   blessures qui seraient, semble-t-il, provoquées par des tabassages cruels.

  2   Dans le centre médical improvisé on relève de nombreux cas de diarrhée, de

  3   malnutrition, et d'autres maladies. Nous avons posé la question à un

  4   médecin musulman pour lui demander si des personnes ont été rouées de

  5   coups.

  6   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE? : [voix sur voix]

 10   "Certains d'entre eux, ceux qui se trouvent à l'intérieur du camp, ne

 11   peuvent aller nulle part puisque leurs foyers ont été détruits. On leur a

 12   dit qu'ils pouvaient s'en aller dès qu'on leur garantit un foyer en dehors

 13   de la partie de la Bosnie qui se trouve sous le contrôle des Serbes."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   Mme KORNER : [interprétation] Veuillez arrêter la vidéo.

 16   Q.  Monsieur Merdzanic, donc conformément à ce rapport, il existe ici des

 17   personnes qui étaient des réfugiés, et auxquelles on aurait dit qu'elles

 18   pouvaient s'en aller. Y avait-il des prisonniers de ce type au mois d'août

 19   ?

 20   R.  Je ne sais pas ce que vous entendez par le terme "réfugiés". Les Serbes

 21   allaient dans des villages, faisaient sortir toutes les femmes et les

 22   enfants, et puis incendiaient leurs maisons. Ces gens-là étaient bien

 23   obligés de partir, mais je ne sais pas si ces personnes pouvaient vraiment

 24   être appelées des réfugiés parce que celles qui avaient été emmenées au

 25   camp ne pouvaient plus partir.

 26   La garde était montée par les militaires autour du camp, et les gardes ne

 27   permettaient à personne de s'en aller.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "A Banja Luka, les prisonniers font la queue pendant des jours pour être

  3   enregistrés."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   Mme KORNER : [interprétation]

  6   Q.  Dans le rapport on parle de Banja Luka. S'agit-il bien de Banja Luka ?

  7   R.  Moi, je crois qu'il s'agit plutôt du poste de police de Prijedor, mais

  8   il faut peut-être poser la question à Stojan Zupljanin. Il connaît bien la

  9   ville de Banja Luka.

 10   Est-ce le poste de police à Banja Luka ? Non, il s'agit bien de

 11   Prijedor.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Dans la route qui mène à Banja Luka, les villages musulmans sont vides et

 15   abandonnés."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   Mme KORNER : [interprétation]

 18   Q.  Docteur, savez-vous ce qui est représenté sur la vidéo ?

 19   R.  Nous voyons une maison qui a été non seulement dévastée, mais aussi

 20   incendiée. Vous le voyez à cause de ces traces de suie noire.

 21   Q.  Oui, mais excusez-moi, mais je vous demande de nous le dire, où se

 22   trouve cette maison. Quelle est la zone dans laquelle elle se trouve, si

 23   vous le savez ?

 24   R.  Je n'ai pas vraiment prêté attention à ce détail, et maintenant lorsque

 25   je ne vois qu'une seule maison isolée, il m'est difficile de me prononcer.

 26   J'imagine que c'est une maison qui longe la route de Kozarac, mais je n'en

 27   suis pas tout à fait certain.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Si les prisonniers du centre de détention sont relâchés, il est très peu

  3   probable qu'ils le soient sur le territoire contrôlé par les Serbes."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Docteur, permettez-moi de vous poser

  6   une question concernant la vidéo que nous venons de visionner. Il

  7   semblerait que le même traitement n'était pas réservé à ceux qui se

  8   trouvaient dans, pour ainsi dire, le camp principal, et où vous vous

  9   trouviez soignant les blessés, et ceux qui se trouvaient dans une petite

 10   partie du camp. Là semble-t-il étaient réunis des réfugiés.

 11   Alors, la question serait la suivante : tout le monde était-il traité de la

 12   même façon, ou les soi-disant réfugiés recevaient-ils un autre traitement

 13   par rapport aux autres prisonniers du camp ? Si on leur réservait un

 14   traitement différent, sur la base de quel critère procédait-on à leur

 15   sélection ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] La seule différence qui existait séparait les

 17   personnes ou les hommes aptes au service des autres. Ceux-ci étaient

 18   enfermés et n'avaient pas le droit de quitter le camp. Quant aux femmes,

 19   aux enfants et aux personnes âgées, ils passaient peu de temps au camp, et

 20   les femmes et les enfants notamment étaient hébergés au centre, et

 21   lorsqu'un nombre suffisant de personnes était réuni, alors on les

 22   transférait ailleurs. Quant aux hommes aptes au service, ils étaient

 23   contraints de rester au camp.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc si je vous ai bien compris, il

 25   n'y a pas eu de différence dans le traitement reçu par les hommes aptes au

 26   service que nous avons vus derrières les barbelés et les hommes aptes au

 27   service qui se trouvaient dans la cour et qui ici sont désignés par le

 28   terme de réfugiés. En fait, tous ces hommes-là vivaient dans les mêmes

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  1   conditions, n'est-ce pas ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation]  Les hommes qui étaient entourés de barbelés

  3   étaient des prisonniers qui n'étaient pas de Trnopolje. C'étaient des

  4   prisonniers qui avaient été amenés sur place depuis les camps de Keraterm

  5   et en partie depuis celui d'Omarska. Lorsque les journalistes ont annoncé

  6   une visite d'inspection dans les camps, les Serbes ont décidé de démanteler

  7   complètement le camp de Keraterm.

  8   Puis, une partie des prisonniers de Keraterm ont été transférés vers

  9   Trnopolje. Un certain nombre a disparu, et un certain nombre a été

 10   transféré vers le camp de Manjaca.

 11   Quant au camp d'Omarska, nous avons d'abord vu débarquer des femmes,

 12   des enfants, et un certain nombre de personnes malades. Et toutes ces

 13   personnes ont été relâchées avant l'arrivée des journalistes, elles ont été

 14   mises en liberté et pouvaient se rendre à Prijedor, parce qu'ils ne

 15   souhaitaient pas que les journalistes retournent sur place.

 16   Et puis, la nuit où les journalistes sont partis, un grand nombre de

 17   personnes est arrivé d'Omarska, à bord d'autobus et de camions. Donc, on a

 18   attendu que les journalistes s'en aillent avant de les amener. Et au début,

 19   notamment, on traitait ces prisonniers d'Omarska de façon plus sévère, plus

 20   désagréable que nous n'étions traités nous.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous laissez entendre qu'il existait

 22   un petit groupe d'hommes aptes au service qui étaient venus de Trnopolje

 23   parce que leurs maisons avaient été détruites. Et moi, j'ai eu l'impression

 24   qu'ils avaient reçu un traitement plus indulgent que les autres hommes,

 25   ceux qui se tenaient derrière les barbelés.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est exact dans la mesure où nous, les

 27   prisonniers de Trnopolje, avons été interrogés et battus, mais malgré cela,

 28   les conditions dans lesquelles nous vivions étaient beaucoup plus

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  1   favorables que celles qui prévalaient à Keraterm et Omarska.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  3   Il faut donc conclure que les prisonniers ou les captifs amenés à Trnopolje

  4   étaient traités plus sévèrement que les prisonniers qui y étaient peut-être

  5   venus de leur propre gré, de la ville même de Trnopolje. Vous ai-je bien

  6   compris ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Personne n'était venu de son

  8   propre gré. Même les personnes qui étaient venus de Trnopolje avaient été

  9   chassées de leurs maisons par l'armée. Ils avaient été amenés dans le camp

 10   de force. Ils n'étaient pas venus de leur propre gré.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, je l'ai compris.

 12   Merci beaucoup, Monsieur.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Donc, finissons-en avec la vidéo.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le moment est venu de faire une pause.

 15   En fait, nous avons déjà dépassé le temps prévu. Après la pause, vous aurez

 16   encore 15 minutes, Madame Korner.

 17   Mme KORNER : [interprétation] C'est tout ce qu'il me faut.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous reprenons nous travaux dans 20

 19   minutes.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 57.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   Mme KORNER : [interprétation]

 25   Q.  Je veux juste terminer avec cette vidéo, avec la dernière portion.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Sur le chemin de Trnopolje, on voit des scènes familières de réfugiés qui

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  1   quittent leurs villages. Une femme nous raconte que son mari a été tué par

  2   balle et que sa maison a été incendiée par les troupes serbes qui

  3   avançaient. Il s'agit d'un espace près de Trnopolje, et c'est là qu'elle se

  4   trouve avec ses enfants.

  5   La Croix-Rouge vous aide.

  6   Ils seront là. Ils seront là.

  7   La Croix-Rouge internationale vient d'arriver. C'est la première fois

  8   qu'on les a laissés entrer. Pour l'instant, ses enfants sont en sécurité.

  9   Mais il y a aussi l'abri, l'abri que l'on a fourni par des autorités.

 10   Mais ces barbelés choquent, et ces barbelés qui ont choqué le monde entier

 11   ont été enlevés."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme KORNER : [interprétation]

 14   Q.  Vous nous avez dit cela, vous nous avez dit que ces barbelés ont été

 15   enlevés au dernier moment avant qu'ils n'arrivent ?

 16   R.  Oui, c'est vrai.

 17   Q.  Bien.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Tout cela a été fait en même temps que l'arrivée de la Croix-Rouge et de

 21   nos caméras. Cependant, la Croix-Rouge n'a pas le droit de visiter d'autres

 22   camps, et toutes nos visites sont suivies de près. Il existe des rumeurs

 23   que des prisonniers ont été transférés rapidement. Les médecins n'étaient

 24   pas bienvenus.

 25   Mais maintenant, il est soulagé. Maintenant, il sait que le monde

 26   s'intéresse à eux.

 27   …ils ont enlevé les barbelés et ils ont commencé à apporter de la

 28   nourriture. Ils peuvent se déplacer librement. Ils peuvent apporter de la

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  1   nourriture. Les Musulmans peuvent entrer dans le train. Avant, ils

  2   n'avaient pas le droit. Et leurs familles peuvent venir leur rendre visite.

  3   Mais la vie dans le camp est toujours extrêmement difficile et ne

  4   répond pas aux critères élémentaires de l'humanitaire. Il manque des

  5   médicaments, et ceux qui ont été passés à tabac par les gardes serbes --"

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   Mme KORNER : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce monsieur ?

  9   R.  Il était anesthésiste dans l'hôpital. Il s'appelait Kovacevic.

 10   Q.  Savez-vous si c'est ce Kovacevic qui est décédé ici en attendant son

 11   procès ?

 12   R.  Oui, c'est bien lui.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Oui, il y a eu des erreurs.

 16   Mais maintenant c'est la situation telle qu'elle est, et ils vont

 17   corriger cela.

 18   Comment ont-ils découvert cela ? Quelles étaient ses erreurs ?

 19   La guerre, c'est la guerre. Les gens boivent de trop, et ensuite il y

 20   a des coups, des mauvais traitements.

 21   Huit personnes ont été arrêtées par rapport aux mauvais traitements

 22   infligés dans les camps. Nous avons vu des preuves qui nous ont été

 23   montrées par les Serbes, sans qui nous n'aurions pas pu entrer dans les

 24   camps. Il s'agit des Musulmans et des Croates tués dans la guerre. Ils

 25   nient avoir fait usage de la terreur pour faire chasser les Musulmans de

 26   leurs villages. Ce village, Kozarac, par exemple --"

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   Mme KORNER : [interprétation]

Page 18439

  1   Q.  La prononciation n'est pas bonne. Ce n'est pas Kozarac. R.  C'est la

  2   banlieue.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Il n'y en a pas beaucoup qui sont restés. Il réparait le poste de

  6   télévision avant que les Serbes ne l'amènent à Omarska.

  7   Est-ce que vous avez été prisonnier à Omarska ?

  8   Oui.

  9   Est-ce que vous pensiez que vous auriez perdu la vie si vous étiez

 10   resté là-bas ?

 11   Je suis déjà mort.

 12   La Croix-Rouge a distribué hier les formulaires pour 2 000 personnes

 13   qui sont maintenant à Trnopolje. Il en existe encore des centaines qui

 14   doivent arriver, parce que dans cette guerre, il y a eu des gens, des

 15   centaines de gens qui ont été tués. Penny Marshall, en Bosnie du nord."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   Mme KORNER : [interprétation]

 18   Q.  Pourriez-vous examiner ce document.

 19   Mme KORNER : [interprétation] C'est le document 65 ter 481. C'est à

 20   l'intercalaire 5.

 21   Q.  C'est un document en date du 11 juillet. C'est un document qui vient de

 22   Prijedor. On peut le voir.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Je veux demander que l'on voie la page

 24   suivante en anglais.

 25   Q.  C'est un document qui a été signé en son nom, mais on peut voir que

 26   c'est Simo Drljaca, où il dit :

 27   "Veuillez trouver ci-joint la liste des employés dont un certain nombre se

 28   trouve dans les camps de réfugiés, conformément à l'ordre de la cellule de

Page 18440

  1   Crise de Prijedor, le 2 juillet 1992…"

  2   Si l'on regarde l'hôpital, on voit que sous le numéro 8 on trouve Esad

  3   Sadikovic. Est-ce un médecin ?

  4   R.  Oui, c'était un otorhinolaryngologue qui a participé aux négociations

  5   avant l'attaque sur Kozarac.

  6   Q.  C'est celui qui faisait partie de la délégation et qui est allée voir

  7   Stojan Zupljanin ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

 10   R.  Que je sache, il a été emmené à Omarska. Et peu de temps avant

 11   l'arrivée des journalistes, avec d'autres personnes, Jusuf Pasic, qui avait

 12   été emmené de Trnopolje, il avait été avec moi, il avait été emmené

 13   ailleurs, dans un endroit inconnu. D'autres médecins aussi. Pour la

 14   plupart, l'on a trouvé des cadavres, mais Osman Masmujanin [phon], non, on

 15   n'a pas encore trouvé son cadavre.

 16   Q.  Merci.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Je veux demander que ceci reçoive une cote et

 18   soit versé au dossier.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1772.

 21   Mme KORNER : [interprétation]

 22   Q.  Pour terminer, je veux vous demander d'examiner un autre enregistrement

 23   vidéo. Vous allez le voir sur votre écran. Il s'agit de la pièce 65 ter

 24   2326.

 25   Avant de montrer cela, est-ce que vous reconnaissez cet homme que

 26   l'on est en train d'interviewer ?

 27   R.  C'est le Dr Stakic. Il travaillait à Omarska.

 28   Q.  [aucune interprétation]

Page 18441

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

  3   "Je suis avec Milorad Stakic, le président de la cellule de Crise de la

  4   municipalité de Prijedor. Je vais vous décrire la situation dans ce

  5   territoire qui est sous votre contrôle.

  6   Je peux vous dire, à vous et aux spectateurs, que tout le territoire

  7   de Prijedor est sous notre contrôle, et je peux vous le confirmer suite à

  8   la libération de Kozarac. La ville, les villages serbes et les petites

  9   enclaves avec la population musulmane ont été placés sous notre contrôle

 10   depuis la prise de contrôle du 30 avril. Et maintenant, après la chute de

 11   Kozarac, toute la municipalité est placée sous notre contrôle. A Kozarac

 12   même, l'opération de 'nettoyage', comme les militaires l'appellent, se

 13   poursuit, car ceux qui sont restés --"

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   Mme KORNER : [interprétation] On peut s'arrêter là.

 16   Q.  Tout d'abord, ce que l'on voit ici c'est l'image d'un char. Est-ce que

 17   ce char ressemble à celui que vous avez vu à Kozarac ?

 18   R.  Oui, les mêmes chars. Je ne sais pas si c'était celui-ci, mais c'était

 19   ce type de char que j'ai vu.

 20   Q.  Je voudrais vous poser quelques questions au sujet des choses que

 21   Stakic a dit dans son entretien, peu de temps après ce qui s'est passé à

 22   Kozarac. Il a dit que :

 23   "Toute la municipalité de Prijedor était placée sous notre contrôle.

 24   Je peux le confirmer suite à la libération de Kozarac."

 25   Que dites-vous en entendant ce mot "libération de Kozarac" ?

 26   R.  Ils le libéraient de ses propres habitants. Ils appellent cela le

 27   nettoyage. Cela veut dire que vous prenez un balai et vous enlevez la

 28   poussière par terre. C'est ce qu'ils ont fait avec les Musulmans de

Page 18442

  1   Kozarac. Les gens qui avaient leurs familles et leurs maisons là-bas, ils

  2   les ont chassés. Si c'est la libération pour eux, soit.

  3   Q.  Ensuite, il continue :

  4   "La ville, les villages serbes et les petites enclaves avec des

  5   Musulmans sont placés sous notre contrôle depuis la prise de contrôle du 30

  6   avril, et maintenant, après la chute de Kozarac, la municipalité toute

  7   entière est placée sous notre contrôle."

  8   Que dites-vous en entendant cela ?

  9   R.  Tout ce que je dis, que c'est effectivement le cas; ils avaient le

 10   contrôle de cela. Et après la chute de Kozarac, ils ont, à nouveau, chassé

 11   toutes les populations des villages aux alentours de Kozarac, en dépit du

 12   fait qu'ils avaient le contrôle, qu'ils contrôlaient ces villages, et les

 13   ont quand même nettoyés de cette population qui habitait dans ces endroits

 14   dans cette région et qui n'était pas serbe. Ils n'avaient aucune raison de

 15   le faire, puisqu'ils avaient déjà le contrôle de la région.

 16   Q.  Merci, Docteur. Ce sont toues les questions que j'avais à vous poser.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Je vais demander que cet enregistrement vidéo

 18   soit versé au dossier et reçoive une cote.

 19   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1773.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Aleksic, allez-y.

 22   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : 

 23   Q.  [interprétation] Bonsoir.

 24   R.  Bonsoir.

 25   Q.  J'ai quelques questions pour vous, mais de toute façon cela ne va pas

 26   aller au-delà de la journée d'aujourd'hui.

 27   Aujourd'hui, au début de votre déposition, vous avez dit que vous avez

 28   déposé dans les affaires Stakic et Brdjanin au mois de septembre et au mois

Page 18443

  1   de novembre 2002; est-ce exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  En ce qui concerne les événements qui ont précédé les événements à

  4   Kozarac que vous avez décrits, dans l'affaire Brdjanin, à la page 11 798,

  5   vous avez dit qu'à Kozarac, à l'entrée de la ville, près de la scierie, un

  6   barrage avait été érigé, érigé par les habitants de Kozarac pour empêcher

  7   l'armée de passer par là avec les chars.

  8   Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

  9   R.  Je ne sais pas comment je me suis exprimé exactement. Cela étant dit,

 10   je me souviens qu'à l'entrée de Kozarac, on avait placé une espèce de rampe

 11   en fer, en trois parties, qui était sur la route même, alors que les chars

 12   étaient un petit peu plus loin, au niveau du carrefour.

 13   Q.  Mais tout cela était fait justement pour empêcher le passage, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Oui, pour empêcher le passage ou l'entrée du char à Kozarac. Je pense

 16   que c'était cela l'objectif de ce barrage.

 17   Q.  Vous avez dit qu'après la prise de contrôle à Prijedor, les Musulmans

 18   et les Croates dans les villages avoisinants ont érigé des barrages et

 19   organisé des patrouilles ou des gardes villageois, et ceci pour se

 20   protéger.

 21   R.  Oui. Je sais qu'il y a eu même des gardes ou des patrouilles communes,

 22   que formaient aussi bien les Serbes que les Croates et les Musulmans, et

 23   que par la suite, quand l'armée a pris le contrôle de Prijedor.

 24   En dépit de cet accord, que les villages habités par les Musulmans ou bien

 25   par les Croates uniquement craignaient une arrivée soudaine de l'armée dans

 26   le village, et dans certains de ces villages, l'on a monté des gardes, des

 27   villageois ont monté des gardes pour préserver les villages, pour observer

 28   la situation autour.

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  1   Q.  Est-ce que vous saviez qu'avant ces événements à Kozarac, qu'il y a eu

  2   des incidents au niveau du point de contrôle de Hambarine, mais aussi dans

  3   le village de Jakupovici, et lors de ces incidents, on a attaqué une

  4   colonne militaire.

  5   Est-ce que vous avez entendu parler de cela ?

  6   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler d'un incident à Jakupovici. En

  7   revanche, en ce qui concerne Hambarine, j'ai entendu dire que des soldats

  8   serbes en état d'ébriété se sont dirigés en direction de Hambarine, qu'ils

  9   ont ouvert le feu et que les gardiens qui montaient la garde ont riposté et

 10   qu'un soldat s'est fait tuer, mais il n'y avait pas vraiment de colonne

 11   militaire qui se dirigeait en direction de Hambarine.

 12   Hambarine n'a aucune importance stratégique, du point de vue militaire. Il

 13   n'y a aucune raison pour qu'une colonne militaire se dirige vers Hambarine.

 14   Q.  Cette question concernant une colonne militaire concernait plutôt

 15   Jakupovici, mais puisque vous n'étiez pas au courant de cela, on va passer

 16   à autre chose.

 17   En ce qui concerne les événements à Kozarac, dans l'affaire Stakic, à la

 18   page 7 723, vous avez dit que même avant ces événements, vous n'écoutiez

 19   pas la radio dans votre dispensaire et que vous n'avez jamais entendu

 20   parler, ni à la radio ni à la télé, des avertissements. Vous n'avez jamais

 21   entendu des avertissements ou des exigences que l'on rende ses armes et que

 22   l'on se rende.

 23   R.  Comme je l'ai déjà dit, je n'ai jamais entendu parler de cela. Nous

 24   n'avons jamais entendu cela, et je le sais au jour d'aujourd'hui encore.

 25   Le téléphone était coupé complètement et sur les ondes de la radio, l'on

 26   disait en boucle que l'armée serbe allait protéger tout le monde, que

 27   personne ne devait avoir peur. On ne mentionnait pas la guerre. On pouvait

 28   très bien voir depuis Kozarac que le village de Hambarine était en train de

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  1   brûler, et cela étant dit, en dépit de cela, on ne mentionnait pas cela à

  2   la radio du tout. Ils contrôlaient parfaitement la radio.

  3   D'ailleurs, la première chose qu'ils ont occupée, c'est le poste de radio,

  4   les relais radio et télévision. Pourquoi ? Pour propager leur propagande.

  5   Q.  Lors des deux dépositions préalables que vous avez faites ainsi

  6   qu'aujourd'hui, vous avez mentionné qu'avant les événements, vous aviez

  7   fait la connaissance de Sead Cirkin, qui était un officier d'active de la

  8   JNA, et que ce dernier avait organisé la défense de Kozarac. Vous avez

  9   déclaré dans l'affaire Stakic, à la page 6 823, vous avez donc déclaré dans

 10   cette affaire que deux jours avant le pilonnage, vous aviez vu des

 11   personnes armées à Kozarac, que certains d'entre eux portaient des

 12   uniformes, mais que d'autres portaient des vêtements civils. Vous avez

 13   également déclaré que ce groupe que vous avez remarqué autour de Cirkin

 14   n'était pas très grand, n'était pas composé d'un très grand nombre de

 15   personnes, mais vous ne pouvez pas dire s'il y avait d'autres personnes à

 16   d'autres endroits, n'est-ce pas.

 17   Vous souvenez-vous de cela ?

 18   R.  Ils étaient presque à la périphérie de Kozarac. Ils n'étaient pas dans

 19   Kozarac même.

 20   Q.  Mais ce que je vous ai lu, c'est quelque chose que vous avez dit ?

 21   R.  Il était possible de voir des personnes passer individuellement, mais

 22   les personnes organisées en groupes n'étaient pas là. Ils étaient en

 23   périphérie. Ils n'étaient pas là où il y avait le plus grand nombre de

 24   maisons. Ils n'étaient pas à Kozarac même, ce qui ne veut pas dire qu'il

 25   leur arrivait de passer dans la ville. Ils étaient soit seuls ou

 26   accompagnés de quelqu'un, et ils passaient dans la ville pour aller vers

 27   les maisons.

 28   Q.  Dans l'affaire Brdjanin, à la page 11 800, vous avez déclaré que vous

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  1   ne saviez pas si ces derniers - en pensant à l'unité de Cirkin - portaient

  2   des uniformes de la Défense territoriale ou s'ils portaient d'autres

  3   uniformes mais que, dans tous les cas, il s'agissait d'une formation armée,

  4   mais que vous ne saviez pas de quel type de formation il s'agissait.

  5   Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

  6   R.  Pour la plupart, ils portaient des uniformes. Je crois que c'étaient

  7   des uniformes de la Défense territoriale, mais je ne me souviens pas

  8   exactement de quelle couleur ils étaient exactement. Je crois qu'ils

  9   étaient de couleur verte.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   Un autre sujet : dans l'affaire Stakic, aux pages 7 739 et 7 740, vous avez

 12   mentionné l'arrivée de ces trois soldats au dispensaire et vous avez dit,

 13   je cite :

 14   "Trois soldats serbes sont arrivés. L'un d'eux était une personnalité assez

 15   connue. Il était originaire de Trnopolje. Azra, le vétérinaire, le

 16   connaissait personnellement. Les deux autres personnes étaient des

 17   inconnus. Personne ne les connaissait. Je peux dire que leur accent était

 18   ékavien, ce qui voulait sans doute dire qu'ils n'étaient pas originaires de

 19   Bosnie mais qu'ils étaient sans doute originaires d'une autre région."

 20   Donc, ces deux personnes, d'après vous, d'après ce que vous avez dit,

 21   parlaient avec le même accent que moi, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, effectivement.

 23   Q.  Donc, ils parlaient l'ékavien et donc, c'est l'accent qui est parlé en

 24   Serbie, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est l'accent de la Serbie, et c'est la même langue que certaines

 26   personnes qui sont originaires de Serbie et qui vivent en Bosnie ont

 27   adoptée après la guerre, n'est-ce pas, alors qu'avant, personne ne parlait

 28   comme ça.

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  1   Q.  Vous avez dit "après la guerre" ?

  2   R.  Même pendant la guerre. Tout le monde avait commencé à écrire en

  3   caractères cyrilliques et à parler l'ékavien. Les hommes dont je parle

  4   parlaient un ékavien pur.

  5   Q.  Vous avez dit à la même page, je cite :

  6   "L'une de ces personnes, je crois, portait un uniforme de camouflage gris-

  7   vert olive, alors que les autres personnes portaient des uniformes de

  8   camouflage vert. L'un deux portait un béret rouge et ils portaient tous les

  9   mêmes brassards."

 10   Alors, plus tard, vous avez dit, ensuite :

 11   "L'homme qui portait le béret était allé au premier étage, et les

 12   deux autres sont restés, et ils ont appelé une femme qui s'appelait Goga,

 13   Goga était son nom, et il était écrit sur son tablier. Ce nom désignait

 14   clairement qu'elle était Serbe. Par la suite, les soldats de Trnopolje sont

 15   sortis du bâtiment…"

 16   Et cetera, et cetera.

 17   Vous souvenez-vous avoir décrit ces trois personnes lors de votre

 18   déposition dans l'affaire Stakic il y a huit ans de cela ?

 19   R.  Je me souviens que ces personnes étaient là, mais je ne peux pas me

 20   souvenir de leurs visages, donc des traits de leurs visages.

 21   Q.  Sur la même page, vous avez dit que par la suite un camion militaire

 22   avec un insigne de la JNA était arrivé, que par la suite ils ont mis à bord

 23   du camion le matériel médical.

 24   R.  Oui, effectivement. Ce n'était pas un camion bâché. Nous avons placé

 25   tout le matériel médical dans le camion, et le camion est parti par la

 26   suite. Le camion était également de couleur verte.

 27   Q.  Vous avez déclaré au début de votre déposition aujourd'hui que vous

 28   aviez fait une déclaration au bureau du Procureur en 2000, et vous avez

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  1   également déposé dans les deux affaires en question que l'on a mentionnées.

  2   J'aimerais savoir si dans le cadre des sessions de récolement, alors que

  3   vous vous prépariez pour déposer dans les deux autres affaires, et alors

  4   que vous avez donné votre déclaration à l'an 2000, j'aimerais savoir si on

  5   vous a montré des photographies sur lesquelles on pouvait apercevoir des

  6   hommes en uniforme ? Est-ce que c'est le cas ?

  7   R.  Je ne me souviens pas.

  8   Q.  Lors des préparatifs pour ce procès, dans le cadre des sessions de

  9   récolement, on vous a montré seulement ce que l'on a vu aujourd'hui dans le

 10   prétoire. Donc hier, aujourd'hui, avant-hier, on ne vous a montré que la

 11   vidéo de réfugiés, et on vous a montré une photographie.

 12   R.  C'est ce que l'on m'a montré.

 13   Q.  Est-ce que l'on vous a indiqué la date à laquelle la photo était prise

 14   ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Est-ce qu'on vous a montré d'autres vidéos, d'autres photographies

 17   démontrant d'autres uniformes soit aujourd'hui ou hier ou pendant les

 18   journées de récolement ?

 19   R.  On m'a montré une vidéo --

 20   Q.  Mais je parle de photos. On vous a montré seulement une photographie ?

 21   R.  Oui, on m'a montré une photographie à l'écran, et ensuite on s'est

 22   arrêtés. Il y a eu un arrêt sur image et on m'a demandé si effectivement

 23   les uniformes étaient comme ceux que l'on apercevait à l'écran. Mais il y

 24   avait également des uniformes verts et des uniformes bleus. J'ai vu les

 25   deux types d'uniformes à l'écran.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Je ne sais pas si ceci pourrait vous aider,

 27   mais M. Aleksic a -- le témoin a tout à fait raison. Ce qui lui a été

 28   montré, c'est un arrêt sur image de la vidéo. On lui a montré une

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  1   photographie et une vidéo.

  2   Mais je suis tout à fait prête à accepter que l'on ne lui a montré

  3   aucune autre photographie.

  4   M. ALEKSIC : [interprétation]

  5   Q.  Mes collègues de l'Accusation, vous ont-ils dit, Monsieur, que cette

  6   photo avait été prise en 1995 ?

  7   R.  Non.

  8   Mme KORNER : [interprétation] La photographie était prise en 1995 ? Vous

  9   dites ceci suite à quoi, exactement ? Comment vous arrivez-vous à cette

 10   conclusion ? Elle a été prise en 1992.

 11   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en fait, on ne nous a

 12   jamais dit à quel moment cette photographie a été prise. D'après ce que je

 13   sais, je ne vais pas donner la source, car la dernière fois lorsque j'ai

 14   parlé de la source et du colonel, il y avait un témoin qui est venu

 15   déposer, a changé sa déclaration à cause de mon commentaire. Donc, je ne

 16   veux pas donner d'autres précisions.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne sais pas dans quel circonstance la

 18   photo a été prise. Je pensais que la raison pour laquelle on a posé une

 19   question relative à la photographie, c'est de savoir : Vous voyez ces

 20   uniformes, est-ce que cette personne portait les uniformes qui

 21   ressemblaient à ceci ?

 22   Mme KORNER : [interprétation] Mais je voudrais simplement revenir à quelque

 23   chose, Monsieur le Président. En fait, mon éminent confrère affirme que la

 24   photo était prise en 1995, alors que nous avons aucun élément de preuve qui

 25   nous démontre que la photo était prise en 1995. Elle été prise en 1992, et

 26   je n'ai jamais pensé que ceci serait contesté.

 27   Un instant, je vous prie, Maître Krgovic. Laissez-moi terminer.

 28   Rasseyez-vous.

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  1   Donc, je veux dire que mon éminent confrère ne peut pas faire

  2   d'affirmations, pas plus que nous.

  3   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, selon nous, la photo

  4   n'a pas été prise en 1992.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais pourquoi on perd autant de temps

  6   sur cette photographie ? On a vu une photo et --

  7   Poursuivez, Maître Aleksic.

  8   M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Une dernière question, Docteur.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Procédez, je vous prie, Maître Aleksic.

 12   M. ALEKSIC : [interprétation]

 13   Q.  Docteur, une dernière question.

 14   Concernant votre départ de Trnopolje, dans l'affaire Brdjanin, à la

 15   page 11 819, lorsqu'on vous a posé une question quant aux formulaires que

 16   vous deviez remplir à la suite de votre départ de Trnopolje, vous avez

 17   répondu à la suite de cette question qui vous a été posée dans l'affaire

 18   Brdjanin, vous avez déclaré que ces convois, lorsqu'il a fallu signer les

 19   formulaires, avaient été organisés par le CICR ou le HCR, n'est-ce pas ?

 20   R.  Il ne s'agissait pas de convois. Il s'agissait simplement d'un seul

 21   convoi le 30, lorsque le camp a été officiellement fermé.

 22   Q.  Mais on conseillait aux personnes, après qu'ils aient posé des

 23   questions auprès du personnel de la Croix-Rouge internationale, qu'ils

 24   pouvaient effectivement signer les formulaires, parce que ces formulaires

 25   étaient complètement inutiles et qu'aucune loi n'allait accepter ce type de

 26   document qui portait sur les biens.

 27   R.  Oui, effectivement. Nous leur avons posé la question lorsqu'ils sont

 28   venus nous voir au dispensaire, et c'est ce qu'ils nous ont répondu.

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  1   Q.  Je vous remercie, Docteur.

  2   M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

  3   Juges. Je n'ai plus d'autres questions pour ce témoin, je vous remercie.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Concernant la question qu'a posé -- le

  6   contre-interrogatoire de Me Aleksic, est-ce que c'est contesté que lorsque

  7   le docteur a nommé une personne, M. Skrbic, qui était, je crois, l'homme

  8   qui portait un uniforme de camouflage bleu, et lorsqu'il a identifié la

  9   personne qui portait un béret rouge comme étant une personne qui a porté un

 10   uniforme similaire, est-ce que c'est contesté ? Puisque ce n'est pas très

 11   clair dans mon esprit.

 12   M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin, dans

 13   l'affaire Stakic, n'a jamais mentionné d'uniforme bleu. J'ai lu ce que le

 14   témoin a dit à haute voix.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'est-ce que vous avez dit s'agissant de cet

 16   uniforme bleu ? Pourriez-vous me le répéter ? Vous avez donné un autre nom,

 17   d'une personne, mais c'est bien cette couleur-là. Pourriez-vous répéter ce

 18   que vous avez dit ?

 19   M. ALEKSIC : [interprétation] Vous avez dit "olive-drab" en anglais.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'est mal traduit en

 21   anglais. Moi, j'ai toujours affirmé qu'il s'agissait de deux hommes; l'un

 22   portait un uniforme vert de camouflage et l'autre, un uniforme bleu de

 23   camouflage. Je ne sais pas s'il existe un autre type d'uniforme. Je ne

 24   connais que ces deux types d'uniforme de camouflage, donc vert olive et

 25   bleu.

 26   M. ALEKSIC : [interprétation]

 27   Q.  Mais vous avez dit deux personnes portaient un uniforme de

 28   camouflage vert alors que l'autre portait un uniforme "olive-drab" en

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  1   anglais, donc gris-vert olive. C'est ce que vous avez dit dans l'affaire

  2   Stakic, n'est-ce pas ? C'est ce que je vous ai lu tout à l'heure.

  3   R.  Je ne sais pas. C'est peut-être interprété de cette façon-ci.

  4   M. ALEKSIC : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Justement, Monsieur le Président, est-ce

  6   qu'on est en train d'essayer de dire que le docteur est soit en train de se

  7   tromper, ou n'est pas en train de dire la vérité en disant que l'un des

  8   uniformes est de couleur bleue ? Parce que si c'est effectivement ce

  9   qu'avance la Défense, ils doivent le dire clairement, de cette façon-là.

 10   M. ALEKSIC : [interprétation] Non. Je voulais simplement dire que le

 11   docteur a témoigné, il y a huit ans, de façon différente. Il a dit que

 12   peut-être qu'il s'est trompé ou peut-être que ça a été mal interprété. Je

 13   ne sais pas, mais moi, j'ai donné lecture de son témoignage et il n'a

 14   jamais mentionné d'uniforme bleu. Il a expliqué son explication, et c'est à

 15   la Chambre de voir si elle accepte son explication ou pas.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Y a-t-il un contre-interrogatoire pour

 17   l'accusé Stanisic ?

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai annoncé

 19   tout à l'heure, non, je n'aurai pas de questions pour ce témoin.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires ?

 21   Nouvel interrogatoire par Mme Korner : 

 22   Q.  [interprétation] Revenons quelques instants, Monsieur le Témoin, à

 23   l'incident des trois hommes qui ont fait irruption et qui sont venus vous

 24   chercher, vous et vos collègues.

 25   Vous avez dit que l'un des hommes était un homme qui s'appelait

 26   Dragan Skrbic. Quel type d'uniforme portait-il ?

 27   R.  Il portait un uniforme qui différait des autres uniformes. C'est

 28   l'uniforme bleu de camouflage. Vous pouvez me montrer la photo que vous

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  1   m'avez montrée hier, si vous voulez. Je vais vous la confirmer.

  2   Q.  Oui, très bien.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Ce sont ces uniformes-ci. Je crois que

  5   l'un des hommes portait cet uniforme-ci. Il y avait deux uniformes de

  6   camouflage, en principe; soit un uniforme bleu de camouflage comme celui-

  7   ci, soit un uniforme vert. Le camouflage a plusieurs couleurs.

  8   Mme KORNER : [interprétation]

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   Mme KORNER : [interprétation] C'est tout ce que je voulais demander

 11   en guise de questions supplémentaires.

 12   Questions de la Cour : 

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur, connaissez-vous une personne

 14   nommée Ivo Atlija ?

 15   R.  Je ne connais personne qui porte ce nom d'Ivo Atlija.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un étudiant en médecine. Ça ne vous

 17   dit rien ?

 18   R.  Non, toujours pas. Cela n'évoque aucun souvenir pour moi.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Une autre question.

 20   Le commandant de Trnopolje s'appelait Kuruzovic, n'est-ce pas ?

 21   R.  Exact, Slobodan Kuruzovic.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Habitait-il au camp ? Etait-ce dans

 23   le camp qu'il était hébergé ou dans les environs ?

 24   R.  Il s'était installé dans une maison où il passait ses journées. Cette

 25   maison se trouvait sur la route qui va de Trnopolje à Kozarac, vers le

 26   nord. Si nous revenons en arrière pour revoir les images que nous avons

 27   déjà vues, je pense que je peux vous montrer l'endroit où la maison se

 28   trouvait.

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  1   Par ailleurs, je crois l'avoir déjà indiquée sur l'une des

  2   photographies.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Savez-vous si des détenus se

  4   trouvaient dans la même maison ?

  5   R.  Je n'ai pas de connaissances à ce sujet.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Docteur, votre témoignage touche à sa

  9   fin. Vous pouvez maintenant disposer. Nous tenons à vous remercier d'avoir

 10   apporté votre concours aux travaux de ce Tribunal. Nous n'avons pas

 11   souffert ces choses horribles, nous ne nous trouvions pas sur les lieux.

 12   Nous ne pouvons les voir et les vivre que grâce à l'existence de

 13   dispositifs électroniques, donc il est très difficile pour nous d'évaluer à

 14   quel point il doit vous être difficile d'évoquer ces événements, mais nous

 15   pouvons l'imaginer. Par ailleurs, vous l'avez montré vous-même au cours de

 16   votre déposition aujourd'hui.

 17   C'est la raison pour laquelle je tiens à vous exprimer notre

 18   gratitude toute particulière d'avoir bien voulu nous assister dans nos

 19   travaux et permis à ce procès de se dérouler, et de trouver une issue à ces

 20   événements malheureux.

 21   Merci, Monsieur. Bon voyage chez vous.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.

 23   [Le témoin se retire]

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos

 25   partiel brièvement, s'il vous plaît.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 27   le Président, Messieurs les Juges.

 28   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Sommes-nous en audience publique ? Pour

 14   ce qui est de la manière dont il faut profiter du temps qu'il nous reste

 15   avant les vacances judiciaires d'hiver, si j'ai bien compris, vous n'avez

 16   pas de témoin de prévu pour demain ?

 17   Mme KORNER : [interprétation] Tout à fait. Le seul témoin qui nous reste

 18   est celui qui se trouve toujours à l'hôpital.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Et au vu des derniers

 20   rapports que nous venons de recevoir sur son compte, et je pense qu'il en a

 21   déjà été question en audience publique, à savoir qu'il fallait peut-être

 22   organiser une conférence de mise en état lundi, mais compte tenu de ce que

 23   nous avons indiqué hier concernant le temps nécessaire pour que les parties

 24   puissent s'organiser et se préparer pour cette conférence de mise en état,

 25   nous aurions préféré que cette conférence de mise en état ait lieu

 26   mercredi.

 27   Mais pour ce qui est de la manière dont la chose devrait se dérouler la

 28   semaine prochaine, si nous pouvons siéger mardi, et je ne sais pas en ce

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  1   moment si cela est possible, mais nous pourrons communiquer sur ce sujet

  2   par le biais d'un message électronique. Donc, j'aimerais que l'Accusation

  3   nous fasse savoir ce qu'il en est de la disponibilité du Témoin ST-008, et

  4   puis nous déciderons à quel moment il faut organiser la conférence de mise

  5   en état.

  6   Mme KORNER : [interprétation] Comme je l'ai déjà indiqué, nous n'avons pas

  7   de témoin de prévu pour demain. Je pense que l'Accusation est en mesure de

  8   vous présenter ses arguments et d'aborder un certain nombre de points.

  9   J'imagine que la même chose vaut pour la Défense.

 10   Non, je ne parle pas d'une conférence de mise en état demain, mais lundi.

 11   Me Zecevic n'est pas là, mais les Juges de la Chambre disent souhaiter nous

 12   accorder suffisamment de temps pour que nous puissions voir, isoler tous

 13   les sujets dont il faut discuter. Mais je pense que toutes les parties au

 14   procès peuvent indiquer aux Juges de la Chambre quelle est notre position

 15   demain. Je pense que du point de vue de la Défense de M. Stanisic, ce n'est

 16   peut-être pas un point de vue partagé par la Défense de M. Zupljanin, le

 17   meilleur pour la Défense serait de revenir à Belgrade dès que possible pour

 18   pouvoir préparer la présentation de ses moyens de preuve. Donc, il ne me

 19   semble pas tout à fait probable que ce témoin puisse déposer avant les

 20   vacances judiciaires d'hiver. C'est tout ce que je souhaite ajouter.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je reprends ce que j'ai déjà indiqué.

 22   Nous sommes jeudi soir. Les parties peuvent y réfléchir jusqu'à demain, et

 23   puis nous en informer par le biais de messages électroniques, et puis avant

 24   la fin de la journée de demain nous aurons, j'espère, adopté une décision.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous levons la séance.

 27   --- L'audience est levée à 18 heures 53 sine die.

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