Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 11 mai 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre

  7   Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

  9   Bonjour à tout le monde. Je me tourne vers les parties pour qu'elles se

 10   présentent. D'abord, l'Accusation.

 11   M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, Gramsci Di Fazio, Tom

 12   Hannis et Crispian Smith, pour l'Accusation aujourd'hui.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges. Pour l'équipe de la Défense de M. Stanisic, Slobodan Cvijetic,

 15   et Eugene O'Sullivan.

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges. Dragan Krgovic et Aleksandar Aleksic, pour la Défense de Zupljanin.

 18   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est Slobodan Cvijetic, et non pas M.

 20   Zecevic pour ce qui est de la présentation de l'équipe de la Défense de M.

 21   Stanisic, puisque cela a été consigné de façon erronée au compte rendu.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Professeur Pasalic. Avant de

 24   donner la parole à Me Cvijetic pour qu'il poursuit son interrogatoire

 25   principal, je vous rappelle que vous êtes toujours tenu par la déclaration

 26   solennelle que vous avez prononcée au début de votre témoignage.

 27   Maître Cvijetic, vous avez la parole.

 28   M. CVIJETIC : [aucune interprétation]


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  1   LE TÉMOIN : STEVO PASALIC [Reprise]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   Interrogatoire principal par M. Cvijetic : [Suite]

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Pasalic.

  5   R.  Bonjour à vous.

  6   Q.  Professeur, nous allons maintenant parler du chapitre de votre rapport

  7   qui commence par le paragraphe 13, vous l'avez appelé : "Les

  8   caractéristiques démographiques de la population de la Bosnie-Herzégovine

  9   pendant la période allant de 1918 jusqu'à 1991." 

 10   Ici, dans ce paragraphe, vous vous êtes penché sur le contexte historique

 11   des modifications démographiques de la structure ethnique du territoire sur

 12   lequel vous vous êtes penché et qui fait l'objet de votre rapport. Pourquoi

 13   ce contexte historique serait-il pertinent pour votre rapport et pour cette

 14   affaire ?

 15   R.  Pour connaître la situation réelle et pour prévoir le futur, vous devez

 16   connaître bien le passé pour étudier scientifiquement un processus. Dans ce

 17   cas-là, vu la complexité des processus démographiques en Bosnie-

 18   Herzégovine, et en étudiant ce processus pendant une période plus longue,

 19   le contexte historique doit être étudié de façon inévitable pour ce qui est

 20   de la rédaction d'un tel rapport, à savoir il faut connaître et comprendre

 21   les phénomènes qui se sont produits pendant une période plus longue. Moi,

 22   je me suis concentré sur le XXe siècle qui, pour ce qui est du territoire

 23   de la Bosnie-Herzégovine, se caractérise des événements historiques des

 24   phénomènes historiques sociaux, et autres, qui se sont passés de façon très

 25   intense en Bosnie-Herzégovine.

 26   Nous ne pouvons pas comprendre ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine

 27   pendant la dernière décennie du XXe siècle, si nous ne connaissons pas

 28   l'histoire de cette région. Les événements historiques ont eu une incidence


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  1   indirecte sur les événements qui se sont produits au début des années 90 du

  2   XXe siècle et même aujourd'hui cela a une incidence sur les événements dans

  3   cette région. C'est pour cela --

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi, je dois vous interrompre,

  5   puisque vous devriez ralentir votre débit car tout ce que vous dites doit

  6   être interprété.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Dans ce contexte-là, j'ai rédigé un

  8   chapitre qui s'occupe de la Bosnie-Herzégovine pendant la période de 1918

  9   jusqu'en 1991. Je rappelle que, pendant cette période de temps, il y a eu

 10   deux guerres sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine; pendant ces deux

 11   guerres, un grand nombre de personnes ont péri. Hier j'ai dit qu'il faisait

 12   au total à peu près un million de personnes pour ce qui est de la Première

 13   et la Deuxième Guerre mondiale, qui étaient les victimes directes ou

 14   indirectes de ces deux guerres. Cela s'est reflété de façon considérable

 15   pour ce qui est de la population en Bosnie-Herzégovine et pour ce qui est

 16   de ce qui s'est passé pendant la guerre entre 1991 et 1995.

 17   Pour ce qui est de ce chapitre, je peux dire qu'il nous donne une sorte

 18   d'aperçu pour ce qui est de tout et tous les phénomènes démographiques et

 19   ethno-démographiquement, et d'autres en Bosnie-Herzégovine. Je pense que je

 20   me suis appuyé sur les sources très pertinentes pour rédiger ce chapitre

 21   puisque nous ne disposons pas de meilleures sources pour ce qui est de ce

 22   sujet, le sujet concernant la Bosnie-Herzégovine et les événements qui se

 23   sont passés pendant la guerre de 1991 jusqu'à 1995.

 24   Dans les ouvrages de Mme Tabeau, et pour ce qui est des activités du centre

 25   d'Information et de Documentation à Sarajevo, il n'y a pas eu de cette

 26   approche méthodologique. J'avance que cela a eu une incidence sur la valeur

 27   de ces ouvrages, puisque cela fait diminuer la valeur de ces ouvrages,

 28   puisque vous devez comprendre le passé d'une région pour comprendre la


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  1   situation actuelle, et pour essayer de prévoir le futur du point de vue

  2   démographique, parce que je ne parle que de cela ici.

  3   Q.  A partir du paragraphe 29, vous parlez des données assez exactes pour

  4   ce qui est des victimes du côté de tous les peuples qui vivaient sur le

  5   territoire de la Bosnie-Herzégovine, pendant la Guerre mondiale, à savoir

  6   les Musulmans, les Juifs, les Croates et les Serbes et d'autres, j'aimerais

  7   savoir quelle était la source d'information que vous avez utilisée pour

  8   parler des victimes de cette période-là.

  9   R.  J'ai cité les sources des informations que j'ai utilisées et que j'ai

 10   considérées comme étant les sources les plus pertinentes pour mon rapport.

 11   Les auteurs de ces rapports connaissent mieux ces problèmes que moi, et

 12   c'est pour cela que je les ai repris. Cela est expliqué, dans les notes de

 13   bas de page numéro 6, ainsi que numéro 7. Il s'agit d'un ouvrage qui

 14   s'intitule : "La composition ethnique de la Bosnie-Herzégovine," qui a été

 15   publié par l'Université de Belgrade, à savoir par la faculté de Géographie.

 16   Déjà, avant la guerre qui a éclaté sur le territoire de l'ancienne

 17   Yougoslavie, pour ce qui est des victimes des guerres, de la Deuxième

 18   Guerre mondiale de 1941 à 1945, pour ce qui est de ces sources

 19   d'information, je les ai énumérées puisqu'il faudrait comprendre que les

 20   peuples sur ce territoire ont souffert pendant tout ce temps-là. J'ai

 21   utilisé l'ouvrage de Strahinja Kurdulija, cité dans la note de bas de page

 22   numéro 7. Il s'agit des informations et des données que j'ai reprises dans

 23   les ouvrages qui sont les ouvrages prestigieux comme cela est indiqué ici

 24   dans mon rapport.

 25   Q.  Monsieur Professeur, pour ce qui est de la Posavina, puisque je vais en

 26   parler plus tard, est-ce que la Posavina ainsi que la Krajina sont les

 27   régions qui sont caractéristiques dans ce sens-là, à savoir par rapport au

 28   nombre des victimes dont vous parlez dans les chapitres précédents ?


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  1   Pouvez-vous nous dire de quelles victimes il s'agit ?

  2   R.  Si on passe aux victimes de la Deuxième Guerre mondiale, la Krajina

  3   représente une région assez large au sein de la Bosnie-Herzégovine, et qui

  4   a essuyé des pertes les plus importantes pendant la Deuxième Guerre

  5   mondiale par rapport au territoire de la Bosnie-Herzégovine entière. La

  6   Posavina aussi mais un peu moins, puisque la composition ethnique de la

  7   population de la Posavina et de la Krajina est différente parce que, dans

  8   la Krajina, il y avait majoritairement des Serbes, mais dans la Posavina,

  9   il y a des Serbes et des Croates.

 10   Pour ce qui est des Bosniens, il y a un pourcentage symbolique de Bosniens

 11   sur le territoire de la Posavina. Si vous avez pensé à cet aspect, il est

 12   certain que cet aspect a eu des incidences certaines pour ce qui est des

 13   événements survenus pendant la guerre de 1991 à 1995, puisque la population

 14   s'est souvenu ou a appris ce qui s'était passé pendant les guerres

 15   précédentes, et la population a eu peur, se sentait en insécurité, et a eu

 16   très -- prudente, et donc la guerre qui allait éclater en Bosnie-

 17   Herzégovine a fait semer la peur parmi la population, c'était évident.

 18   Hier, on a parlé de cela, et je pense qu'on peut corroborer cela en

 19   présentant des informations pour ce qui est des victimes de la guerre, du

 20   nettoyage ethnique, du transfert, de la déportation au sein de la Bosnie-

 21   Herzégovine et à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine. Mais je souligne

 22   qu'il faut parler de tous les groupes ethniques, et j'ai parlé de tous les

 23   groupes ethniques, il n'y a pas eu de sélection --aucune sélection par

 24   rapport à cela.

 25   Q.  Pour ce qui est du chapitre 3, qui commence par le paragraphe 74 dans

 26   votre rapport, vous parlez des migrations forcées de la population serbe

 27   par région. Au paragraphe 79, vous avez exposé les raisons pour lesquelles

 28   vous vous êtes occupé des migrations de la population serbe.


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  1   J'aimerais vous nous expliquiez plus en détail pourquoi les

  2   migrations forcées de la population serbe seraient pertinentes pour votre

  3   rapport et pour cette affaire.

  4   R.  Permettez-moi de dire d'abord ceci. Il est évident que les ouvrages

  5   précédents - et je pense d'abord au rapport et aux travaux de recherche de

  6   Mme Tabeau - s'occupaient d'autres groupes ethniques, ainsi que des

  7   ouvrages de certains autres chercheurs qui se sont penchés moins sur ce

  8   territoire. Pendant la guerre entre 1992 et 1995, je me suis occupé de ces

  9   recherches dans le cadre de l'institution et non pas en tant qu'une

 10   personne privée, donc dans le cadre de l'institution qui s'appelait à

 11   l'époque le centre de Documentation et de Recherche des crimes de guerre

 12   commis contre les membres de la population serbe.

 13   Même si j'avais voulu, je n'étais pas en mesure de m'occuper des

 14   migrations forcées d'autres peuples puisque je ne pouvais pas me déplacer,

 15   à l'époque, comme les autres habitants de la Bosnie-Herzégovine, puisque la

 16   Bosnie-Herzégovine était sous le contrôle de formations militaires

 17   diverses. C'est pour cela que, pendant cinq ans de suite, j'ai étudié les

 18   processus des migrations, des migrations qui sont principalement forcées

 19   pendant une guerre, bien que nous puissions les appeler nettoyage ethnique.

 20   J'ai étudié le transfert, la déportation de la population sur le territoire

 21   où il y avait des migrations forcées de la population serbe dans le cadre

 22   de la Bosnie-Herzégovine.

 23   Pour accomplir ma tâche de façon la plus complète, par rapport aux

 24   événements qui se sont produits pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine,

 25   j'ai divisé le territoire que j'ai étudié sur dix régions, mais sous

 26   certaines conditions, puisque si on observe le territoire de la Bosnie-

 27   Herzégovine, du point de vue exclusivement scientifique, cela serait

 28   différent par rapport à ce que je fais dans cet ouvrage et dans le contexte


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  1   des événements qui se sont produits pendant la guerre.

  2   Après avoir analysé ces dix régions, j'ai pu arriver à des

  3   informations de nature empirique, comme je l'ai déjà dit, et cela

  4   représente le degré le plus élevé de recherche scientifique. Mais non

  5   seulement je suis arrivé à mes conclusions en utilisant cette méthode, mais

  6   j'ai utilisé également les forces officielles, des formations les plus

  7   pertinentes pour ce qui est de cette période de temps, à savoir les

  8   recensements de la population. En combinant ces différentes approches, pour

  9   ce qui est de mon travail scientifique, j'ai pu arriver à des informations

 10   les meilleures pour ce qui est de ce tas-là. Mais je dois dire que, pour ce

 11   qui est de mes recherches et les informations qui se trouvent à ma

 12   disposition, je dois dire que ce n'est pas fini. Il n'y a pas de résultat

 13   définitif, puisque pour ce qui est du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

 14   on ne peut pas parler de conclusion ou d'informations définitives.

 15   Là, je pense aussi aux ouvrages de Mme Ewa Tabeau qui a elle-même dit

 16   à un endroit dans l'un de ces ouvrages qu'elle admettait que c'est

 17   effectivement le cas.

 18   Q.  Au paragraphe 79, vous parlez des déplacements de la population serbe

 19   et vous avez parlé de ces déplacements, et là, je vais utiliser le terme

 20   que vous, les démocrates, n'utilisez pas : les déplacements en réaction de

 21   chaîne. Donc, vous avez -- on peut parler de ce type de réaction lorsqu'on

 22   analyse ces déplacements de groupes ethniques, au départ. Est-ce que je

 23   vous ai bien cité ?

 24   R.  Oui, vous avez dit l'essentiel. Il a fallu parler de la nature complexe

 25   des mouvements et des processus en Bosnie-Herzégovine concernant toute la

 26   population de la Bosnie-Herzégovine et on sait que cette population est

 27   divisée sur trois groupes ethniques, trois peuples constitutifs et, bien

 28   sûr, il y a aussi des membres d'autres groupes ethniques, donc il faut se


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  1   pencher sur tous ces groupes ethniques pour obtenir une image complète des

  2   événements qui se sont produits en Bosnie-Herzégovine et c'est pour ce qui

  3   est des aspects démographiques de ce que j'ai analysé dans mon rapport. Il

  4   y a d'autres aspects également, mais ce n'était pas ma tâche de les

  5   analyser.

  6   Q.  Au chapitre 3 intitulé : "Les modifications ethno-démographiques en

  7   Bosnie-Herzégovine pendant la guerre de 1992 à 1995," il y a un sous-titre

  8   : "Posavina;" c'est à la page suivante. Là, vous parlez de l'une de ces dix

  9   régions que vous avez mentionnées, n'est-ce pas ? Avant de vous poser la

 10   question suivante, j'aimerais savoir si cette région est la région où se

 11   trouvent les municipalités liées à ce -- au corridor, et tout le monde ici

 12   dans ce prétoire sait de quoi il s'agit. Lorsqu'on mentionne le corridor,

 13   on sait à quoi on pense. Est-ce que c'est cette région-là où se trouvent

 14   ces municipalités ?

 15   R.  Oui. Pour ce qui est des processus démographiques pendant la guerre,

 16   cette région est très complexe et il est -- serait intéressant d'entendre

 17   quelques unes de mes conclusions par rapport à cette région et je suis tout

 18   à fait disposé à les présenter ici.

 19   Q.  Bien sûr, je n'ai pas l'intention de parler de toutes les dix régions

 20   dont vous avez parlé dans votre rapport. Je ne vais parler que de cette

 21   région qui est caractéristique et portant pour la défense.

 22   Professeur, au paragraphe 81 de votre rapport, et en particulier au

 23   paragraphe 82, vous dites que la guerre s'est déplacée de la Croatie

 24   justement sur le territoire de la région dont on parle, et vous avez dit

 25   que c'était sur le territoire de la municipalité de Bosanski Brod où 256

 26   civils serbes ont été tués, où ce crime affreux a été commis. Est-ce que ce

 27   déplacement de la guerre, cette entrée de la guerre de la Croatie sur le

 28   territoire de la Bosnie-Herzégovine, était la raison pour laquelle la


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  1   population a commencé à se déplacer sur le territoire de la Bosnie-

  2   Herzégovine toute entière ? Est-ce que cela, ce processus, a commencé dans

  3   cette région ?

  4   R.  Comme cela est indiqué dans le rapport et cela correspond également au

  5   point de vue officiel, la guerre en Bosnie-Herzégovine a commencé justement

  6   dans cette zone précisément. Cela s'est passé en mars 1992. C'est là que

  7   les premières victimes ont péri et vous trouvez le nombre exact de ces

  8   victimes, à savoir 256 civils qui ont été tués. Il y a environ 30 000

  9   Serbes de la Posavina qui sont partis de leurs foyers et qui ont commencé,

 10   en fait, à se déplacer vers d'autres zones.

 11   Dans le paragraphe 81, nous trouvons, en fait, les données relatives

 12   au nombre de Serbes qui vivaient dans les municipalités de la Posavina.

 13   Voilà le résultat du recensement de la population en 1991. Il ne faut pas

 14   oublier, en fait, que la guerre a pratiquement commencé dans cette zone et

 15   nous savons également que l'armée de la République de Croatie est entrée

 16   dans cette zone, et ensuite c'est là, en fait, que les premières victimes

 17   ont péri et le conflit, ensuite, s'est déplacé dans d'autres zones.

 18   A l'époque, la Posavina a quasiment été vidée, en quelque sorte, de

 19   sa population serbe. La population croate était majoritaire. Comme je l'ai

 20   déjà indiqué, il y avait un petit pourcentage de Bosniaques. De toute

 21   façon, nous allons probablement voir, pendant ma déposition, que cette zone

 22   est passée d'un camp à l'autre -- ou plutôt, est tombée dans le camp

 23   d'autres personnes de temps à autre, et cela explique également les

 24   déplacements et les mouvements de la population.

 25   Prenons, par exemple, la ville de Modrica qui se trouve en Posavina.

 26   La population -- la composition de la population a changé à plusieurs

 27   reprises. La population s'est retirée, fuyait les formations militaires qui

 28   volaient avoir des zones assez sûres pour une occupation militaire. Ça,


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  1   c'est caractéristique de tout ce qui s'est passé dans toute la Posavina,

  2   car comme nous l'avons déjà mentionné, cela a déclenché un effet domino,

  3   une réaction de chaîne et le conflit, en fait, s'est propagé à d'autres

  4   zones en Bosnie-Herzégovine, et cela s'est passé parce qu'il y a eu un

  5   grand transfert de population à partir d'une zone. Cette population était à

  6   la recherche de zones plus pacifiques où il n'y avait pas eu de conflits

  7   précédemment.

  8   Si vous prenez les annexes, par exemple, vous trouverez des données

  9   précises à propos de la souffrance de la population serbe dans les zones

 10   sur lesquelles on a porté mes recherches dans ces zones.

 11   Q.  Mais, Professeur, bien sûr que Bosanski Brod n'était pas la seule cible

 12   des forces armées croates, car vous savez qu'à un moment donné, le couloir

 13   -- le corridor a été fragmenté en deux parce qu'il y a un certain nombre de

 14   municipalités qui ont été investies. Donc voilà ce que j'aimerais savoir :

 15   Est-ce que la même chose s'est passé dans ces municipalités également ?

 16   Lorsque je parle de la même chose, je fais référence au mouvement de

 17   population.

 18   R.  Bien sûr. Cela, vous le voyez dans mon rapport. Il ne s'agit pas

 19   seulement de Bosanski Brod. Tout a commencé, certes, à Bosanski Brod

 20   lorsque les forces armées, les forces militaires croates ont franchi la

 21   Sava et ont pénétré ainsi dans Bosanski Brod. Après cela, la situation

 22   s'est propagée à Derventa. Il s'agit de la municipalité frontalière

 23   suivante, il y avait un nombre important, assez important de Serbes qui y

 24   résidaient. Puis ensuite le conflit s'est propagé à Modrica et puis, dans

 25   une certaine partie à Doboj, parce que --

 26   M. DI FAZIO : [interprétation] Je dois vous dire que j'ai du mal à

 27   retrouver tous ces éléments de preuve. Je ne sais pas si le témoin est en

 28   train de dépasser son domaine de compétence, à savoir il parle maintenant


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  1   de -- à savoir l'histoire militaire, alors maintenant, il parle d'un

  2   certain processus et d'événements qui ont été déclenchés avec une réaction

  3   de chaîne; alors, moi, je suis un peu perplexe et perdu, je ne sais pas à

  4   quoi il fait référence exactement, je ne sais pas si cela est clair pour la

  5   Chambre. Je pense qu'il faut faire la différence entre les changements, les

  6   mouvements démographiques, à savoir les mouvements de population ou alors

  7   les événements militaires, parce que je ne peux pas faire la part des

  8   choses et faire la différence entre les deux.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] A moins que je n'ai pas bien compris la

 10   remarque faite par le témoin un peu plus tôt, mais il me semble qu'il avait

 11   dit que ses conclusions relatives aux mouvements de population sont

 12   interdépendants en quelque sorte, sont imbriqués avec les conclusions à

 13   propos de ces événements militaires. Puisqu'il relate ce qui s'est passé à

 14   ce moment-là, et je ne pense pas -- enfin, je ne sais pas en quelque sorte

 15   si nous ne pouvons pas l'autoriser à essayer de faire la part des choses

 16   entre les événements militaires, d'après ce que je comprends de sa

 17   déposition, bon, il se peut que je me m'éprenne tout à fait d'ailleurs,

 18   mais je pense qu'il essaie de placer cela dans le contexte des événements.

 19   M. DI FAZIO : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Mais je

 20   dois dire que je suis quand même un tant soit peu septique et j'ai quelques

 21   soucis puisque j'ai l'impression qu'on essaie de lui faire parler

 22   d'histoires militaires, et puis dans un deuxième temps, je ne sais pas s'il

 23   est très clair qu'il parle de mouvements migratoires de la population ou

 24   s'il parle des conséquences militaires de certaines actions.

 25   Par exemple, lorsqu'il parle des forces armées croates régulières qui ont

 26   traversé la Sava et qui sont entrées dans Bosanski Brod, à la suite de quoi

 27   la situation s'est propagée à Derventa, qui était la municipalité

 28   frontalière suivante, et puis ensuite cela s'est propagé à Modrica; qu'est-


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  1   ce qui s'est propagé ? La situation militaire, le problème militaire, les

  2   mouvements migratoires ? Ce n'est pas clair. Voilà, d'où ma préoccupation,

  3   Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, peut-être qu'il serait

  5   utile que -- enfin, vous comprenez ce que vient de dire M. Di Fazio. Peut-

  6   être qu'il faudrait que vous demandiez des précisions au témoin pour qu'il

  7   fasse bien la part des choses entre les deux thèmes.

  8   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je pense que

  9   votre raisonnement est exactement le bon raisonnement, parce que vous avez

 10   très bien compris ce dont parle de ce témoin expert. Il ne parle pas des

 11   opérations militaires en tant qu'expert militaire. Il se contente tout

 12   simplement de fournir le contexte des mouvements migratoires de la

 13   population dans les zones pertinentes, et donc il a évoqué les opérations

 14   militaires qui sont la cause directe de ces mouvements. Mais j'accepte

 15   votre suggestion et je vais lui poser une question très précise.

 16   Q.  Bon, prenons Modrica. Vous avez dit que cela a été caractéristique

 17   parce que Modrica avait été placé sous le contrôle de différentes forces

 18   militaires à plusieurs reprises. Alors est-ce que cela a également été

 19   accompagné par des mouvements de la population en fonction, bien entendu,

 20   de qui assumait le contrôle de la ville ? Nous parlons, bien entendu, des

 21   trois populations.

 22   R.  Bien, mais j'aimerais réagir à l'intervention du Procureur, si vous m'y

 23   autorisez, parce que cela a son importance.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Professeur Pasalic, je me suis contenté

 25   de dire qu'il faudrait que le conseil de la Défense vous précise les

 26   orientations de ses questions et je vous serai reconnaissant de bien vous

 27   contenter de répondre à ses questions.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation]


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  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la question alors ?

  2   R.  Oui, oui. Bien. Mais alors voilà, j'aimerais mettre l'accent sur ce qui

  3   suit. J'essaie de vous expliquer que tout ce qui se passe dans la zone de

  4   la Posavina, c'est passé à cause d'une relation de cause à effet. Si vous

  5   avez une conséquence, il est évident qu'il y a une cause. Donc en matière

  6   de migrations, nous devons quand même faire remarquer que la cause de ces

  7   migrations étaient l'intervention de certaines forces militaires. Mon

  8   intention n'est absolument pas, et d'ailleurs, j'ai toujours réussi à

  9   éviter de discuter des opérations militaires et ce n'est pas mon intention

 10   d'en parler.

 11   Mais, toutefois, lorsque vous menez à bien une recherche à propos d'un

 12   événement, encore faut-il que vous indiquiez quelle est la cause de

 13   l'événement et que vous expliquiez ces conséquences. Donc le transfert de

 14   la population, l'expulsion de la population, d'une zone vers une autre, se

 15   fait toujours à la suite d'une cause il y a toujours quelque chose qui

 16   cause cela, donc j'ai essayé de répondre aux questions de la Défense.

 17   Je vais essayer de répondre à la question posée à propos de Modrica. La

 18   population de Modrica a changé à plusieurs reprises. Tout dépendait des

 19   autres événements qui se déroulaient dans cette zone. Pendant une certaine

 20   période, Modrica a été habité par une population serbe, puis ensuite par

 21   une population musulmane, et ensuite par une population croate, et puis

 22   ensuite, après certains événements, la population serbe est revenue dans

 23   cette zone. Alors, bien entendu, à l'heure actuelle, la situation est tout

 24   à fait différente et les trois groupes, les trois appartenances ethniques,

 25   y habitent, y compris d'ailleurs ceux qui ont voulu récupérer leurs foyers,

 26   et cela ils ont été en mesure de le faire.

 27   Donc c'est dans ce contexte que je perçois les événements, et cela inclut

 28   votre question précise à propos de Modrica. Car Modrica n'est tout


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  1   simplement qu'un exemple, un échantillon représentatif de tous les

  2   événements qui se sont déroulés dans la zone la Posavina, et ce, à partir

  3   de Bosanski Brod jusqu'à la zone de Brcko.

  4   Q.  Mais, Professeur, est-ce que vous avez des détails à propos de la

  5   direction prise par la population qui se déplaçait -- population qui a été

  6   en proie à la guerre en fait qui a été prise au piège ? Où est-ce qu'ils

  7   ont essayé de se réfugier ?

  8   R.  Oui. Pendant cette période - et je vous parle donc du début de la

  9   guerre - la population s'est déplacée dans cette direction, dans la

 10   direction où elle pouvait se déplacer. Par ces termes, j'entends que la

 11   population s'est déplacée en direction -- a choisi en fait d'utiliser les

 12   routes qu'elle pouvait encore utiliser. Il y en a certains qui sont allés

 13   vers la zone de Semberija, à savoir à Bijeljina. D'autres sont allés dans

 14   la zone d'Ozren, c'est l'arrière pays de la ville de Doboj. Certains sont

 15   restés dans la zone de Doboj, alors qu'il y en a d'autres qui ont emprunté

 16   la route de l'ouest vers la Krajina et vers la zone de Banja Luka. Mais ce

 17   transfert -- ce déplacement s'est déroulé, en fait, s'est passé vers les

 18   quatre directions lorsque vous prenez une boussole, puis, bien entendu,

 19   vers les zones à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, dans la mesure où

 20   les circonstances le permettaient.

 21   Q.  Professeur, alors nous allons maintenant laisser de côté l'introduction

 22   et revenir à votre thèse relative aux causes des déplacements

 23   démographiques et ethniques dans la zone de Bosnie-Herzégovine. Vous nous

 24   avez déjà parlé des causes politiques, économiques, sociologiques et

 25   d'autres causes, d'ailleurs, également. Mais je dois dire que je n'ai pas

 26   réussi à cerner les mouvements en Posavina et à établir le lien avec une

 27   raison précise ou une cause précise. Comment est-ce que vous le feriez et

 28   je vous demande de ne -- d'utiliser une langue qui pourrait être comprise


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  1   par tout le monde.

  2   R.  Ecoutez, si vous étudiez les facteurs que j'ai énumérés dans mon

  3   introduction, vous verrez alors que le facteur dominant était le premier

  4   facteur, à savoir le facteur politique. Je vous ai déjà expliqué que cela

  5   incluait des violations des droits de l'homme et nous pouvons voir qu'à ce

  6   moment-là, il y avait des infractions ou des violations très graves des

  7   droits de l'homme. Les vies de personnes étaient menacées, les gens ne se

  8   sentaient pas en sécurité, donc, ça, c'est bien évidemment un facteur

  9   politique. Puis, à un moment donné, il y avait un certain risque pour un

 10   groupe ethnique, en l'occurrence, les Serbes qui étaient menacés par

 11   d'autres groupes ethniques ou d'autres appartenances ethniques. Ça, c'est

 12   un fait, c'est une constatation.

 13   Puis, bien entendu, il faut savoir que le facteur principal est

 14   toujours accompagné, va de paire toujours, avec d'autres facteurs. Il y

 15   avait la situation, le problème économique, car du point de vue économique,

 16   il y avait un blocus pour la population qui n'était plus ravitaillée. Il

 17   n'y avait plus d'emplois -- ou il n'y avait pas d'emplois, plutôt. Donc

 18   c'est une autre crainte, en fait, qui les a fait se déplacer. Puis, il y a

 19   des facteurs psychologiques, également, certains étant plus objectifs que

 20   d'autres. Les gens voulaient retrouver leurs familles et voulaient se --

 21   quitter la zone de fait de facteurs objectifs. Mais je dois vous dire que

 22   cela s'inscrit toujours dans la catégorie du facteur politique, qu'il y

 23   avait un facteur dominant, parce qu'il y avait un risque qui était posé par

 24   les autres groupes d'appartenance ethnique qui résidaient dans la zone.

 25   Q.  Alors pouvons-nous ajouter un autre élément, à savoir, il s'agissait

 26   tout simplement de personnes qui fuyaient la guerre ? Et d'ailleurs, je

 27   n'ai absolument pas utilisé le moindre terme démographique pour répondre à

 28   votre question -- pour poser la question.


Page 20540

  1   R.  Oui, oui, vous avez raison. Je vous ai déjà expliqué ceci hier, car la

  2   guerre, en tant que phénomène, crée et engendre un sentiment de crainte, un

  3   sentiment d'insécurité pour la population et en Bosnie-Herzégovine, il y a

  4   eu des vagues de réfugiés qui sont arrivées du fait de ce facteurs

  5   psychologique et non pas seulement à cause de la contrainte exercée. Alors,

  6   bien entendu, cela s'est passé dans cette zone également, car lorsque les

  7   premières victimes ont péri, cela a engendré davantage un sentiment de

  8   crainte et d'insécurité parmi la population.

  9   Je vous dirais que cela n'était pas seulement le cas d'une -- d'un

 10   groupe d'appartenance ethnique. Je dirais que les membres de tous les

 11   groupes d'appartenance ethnique en Bosnie-Herzégovine fuyaient pour les

 12   raisons que je viens de mentionner. Ils se sont rendus ailleurs. Hier, je

 13   vous ai dit qu'il y avait deux millions de personnes qui étaient en

 14   déplacement, ce qui correspond à plus ou moins la moitié de la population

 15   en Bosnie-Herzégovine conformément au recensement établi sur une population

 16   de 4 700 000 personnes, deux millions étaient en déplacement. Alors il faut

 17   savoir qu'ils n'ont pas tous été contraints par les forces militaires à

 18   partir. Ils ont tout simplement pris les devants, anticipé la situation

 19   pour essayer de trouver un endroit plus sûr où vivre, où habiter, parce que

 20   la guerre s'était, en quelque sorte, engouffrée dans cette zone.

 21   Tout simplement, ils essayaient -- c'est cette base qu'il faut comprendre

 22   pour comprendre ce qui s'est passé dans cette zone au cours de ces trois à

 23   quatre dernières années de guerre.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais juste obtenir une

 26   précision à propos de la dernière réponse que vous venez d'apporter. Vous

 27   savez, il y avait plus de deux millions de personnes ou deux millions

 28   personnes qui étaient en déplacement, et puis ensuite, vous avez ajouté :


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  1   "Mais n'ont pas toutes été forcées de partir ou contraintes de partir

  2   par les forces militaires mais, plutôt, elles ont essayé de prendre les

  3   devants ou d'anticiper la situation pour essayer de trouver un endroit plus

  4   sûr où ils pourraient habiter à cause -- parce qu'en fait, cette zone était

  5   plongée dans les affres de la guerre."

  6   Alors, là, je dois vous dire que, pour moi, il -- j'ai l'impression

  7   qu'il y a quand même une certaine contradiction. Parce que si vous nous

  8   dites : "Ils n'ont pas quitté les zones dont ils sont partis à cause de la

  9   guerre," alors comment se fait-il que, dans la phrase suivante, vous nous

 10   dites que la raison pour laquelle ils étaient partis, c'était la guerre,

 11   justement. Parce que vous avez déjà évoqué cela hier et vous aviez indiqué

 12   et maintenu qu'il y avait eu certains mouvements dans cette zone qui

 13   s'étaient passés, et je pense que vous avez utilisé le terme "volontaire,"

 14   donc qui s'était passé de façon "volontaire." Là, je dois vous dire que

 15   j'ai quand même quelques difficultés à comprendre ce concept, parce que ce

 16   que je suppose - et vous pourrez tout à fait me contredire ou me prouver le

 17   contraire si j'ai mal compris d'ailleurs - mais, pour moi, la prémisse de

 18   départ, c'est que les gens ne quittent pas leurs foyers, leurs lieux de

 19   résidence et leurs fermes sans qu'il n'y ait -- sans qu'il n'est une raison

 20   bien précise pour ce faire, et en temps de guerre, les restrictions de

 21   mouvement sont très souvent limitées. Donc, dans la mesure où les gens

 22   quittent leurs lieux de résidence en temps de guerre, ce que je suppose,

 23   c'est que la majorité des personnes, qui se déplacent, le font à cause de

 24   la guerre, justement.

 25   Donc ce n'est peut-être pas une conséquence directe de la guerre, mais

 26   c'est très certainement une conséquence indirecte de la guerre. Mais quoi

 27   qu'il en soit, pour l'un ou l'autre -- pour l'une ou l'autre des

 28   situations, moi, je ne dirais jamais qu'il s'agit de départs ou de


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  1   déplacements volontaires.

  2   Donc est-ce que vous pourriez préciser ce que vous avez déjà qualifié de

  3   déplacement ou de départ volontaire hier ? Vous avez -- vous venez de

  4   répéter, en fait, que c'était la guerre qui avait suscité ou déclenché la

  5   plupart des mouvements dont vous parlez. Je vous remercie.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors la dernière chose que j'ai dite, je l'ai

  7   formulée, en fait, de façon assez maladroite. Bon, alors la zone était en

  8   proie à la guerre. Donc, lorsque j'ai dit qu'ils ont pris les devants,

  9   c'est parce qu'en fait, ils ont quitté la zone où la guerre ne faisait pas

 10   encore rage, mais qui était -- mais où la guerre était sur le point de se

 11   dérouler. Hier, j'ai parlé de "migration volontaire," et je pense l'avoir

 12   dit entre guillemets en quelque sorte. Parce que du point de vue technique,

 13   ce n'est pas ainsi qu'il faut le coucher sur le papier, parce qu'il faut

 14   quand même admettre que lorsqu'il y a psychose de guerre, il n'y a pas de

 15   départ volontaire. Les circonstances étaient telles que lorsqu'une zone ou

 16   lorsque certaines zones étaient en proie à la guerre, cela a engendré des

 17   sentiments de crainte, d'insécurité, de peur pour la vie des personnes, et

 18   c'est pour cela, en fait, que je parle de "migration volontaire," entre

 19   guillemets.

 20   Je peux illustrer mon propos par des exemples concrets, des familles. Par

 21   exemple, ma famille a quitté la ville où nous habitions à cause de cette

 22   psychose justement. Personne ne nous a chassés mais j'ai ressenti cette

 23   insécurité à la veille de la guerre, et cela s'est passé quelques jours

 24   avant que le conflit armé n'éclate là. Parce qu'il faut savoir, vos

 25   déplacements sont quand même limités, vous devez faire la queue pour

 26   obtenir du pain, et vous faites la queue pendant plusieurs heures. Vous ne

 27   recevez qu'une miche de pain par famille et par jour. Vous n'êtes pas en

 28   mesure de communiquer. Toutes vos conversations et tous vos mouvements sont


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  1   surveillés, bien que je doive également vous dire que, dans ce contexte

  2   précis, j'étais une personne assez connue du point de vue professionnel et

  3   dans le monde politique également. Donc si cela a une pertinence, je dirais

  4   que j'ai été le dernier président de l'Alliance socialiste du peuple dans

  5   ma municipalité. C'est un mouvement assez large qui englobait tous les

  6   groupes, toutes les appartenances ethniques. Mais en ce moment-là, ce n'est

  7   pas cela qui était considéré comme important, c'était l'appartenance

  8   ethnique que vous aviez. C'est pour cela que j'ai parlé de "migrations

  9   volontaires," entre guillemets. Bien que du point de vue technique, nous ne

 10   trouvons pas cette référence complète avec les guillemets dans mon rapport.

 11   Alors je conviens que la guerre qui est un phénomène armé ne peut pas

 12   aboutir à de véritables départs volontaires, car il y avait cette psychose

 13   de la contrainte dans tous les cas d'ailleurs. Donc il s'agit d'un effet

 14   direct et indirect dans la zone. Si je prends mon exemple personnel, je

 15   vous ai dit que cela s'était passé d'une façon indirecte. Ce n'était pas

 16   quelqu'un m'ait mis un fusil sur la tempe et m'ait chassé de cette façon.

 17   Hier, je vous ai également expliqué qu'un transfert de population et une

 18   expulsion de population ne correspond pas à un nettoyage ethnique. Le

 19   nettoyage ethnique est effectué dans des zones ou dans une zone où cela est

 20   effectué très rapidement, et sous la contrainte, sous la force. Alors

 21   l'histoire nous fournit des exemples de ce type d'événement dans différents

 22   contextes internationaux, et cela s'est également passé en Bosnie-

 23   Herzégovine. Ce que j'essaie de confirmer en fait et de dire, c'est que le

 24   rapport de Mme Tabeau et d'autres rapports d'ailleurs ne permettent pas

 25   d'apporter ce qualificatif à ces migrations. Je pense qu'il est absolument

 26   indispensable de bien savoir quelle est la définition de nettoyage

 27   ethnique, à savoir expulser la population considérée comme indésirable

 28   d'une zone précise, et ce rapidement et avec la force. Par ailleurs, vous


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  1   avez le transfert de population et vous avez encore une version, une

  2   variante encore plus extrême qui est le génocide.

  3   Vous avez donc la quatrième catégorie à laquelle je faisais référence, et

  4   là, il s'agit en fait de migration entière d'une population d'une zone, et

  5   ce, à cause d'un conflit armé. Ce que j'ai voulu dire, c'est que Mme Tabeau

  6   ne fait pas cette différence et d'autres ne la font pas non plus, et cela

  7   est absolument indispensable. Donc je vous ai parlé des problèmes. Je n'ai

  8   pas d'ailleurs développé cela, tout simplement je ne disposais pas des

  9   bonnes capacités, des bonnes connaissances en fait pour le faire.

 10   J'espère avoir répondu à votre question.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je pense vous avoir compris. Mais

 12   est-ce que vous êtes en train de nous dire que, lorsque des personnes se

 13   déplacent alors que la ville ou le lieu où ils résident est en proie à un

 14   conflit armé, il y a donc fondamentalement deux raisons : vous avez une

 15   partie de la population qui part parce qu'elle est ciblée, et dans ce cas,

 16   vous appelez ce phénomène, nettoyage ethnique; et puis il y a une autre

 17   partie de la population qui quitte la zone non pas parce qu'elle est

 18   ciblée, mais parce que le conflit armé provoque des problèmes et des

 19   craintes, des sentiments de crainte, d'insécurité et d'autres problèmes

 20   d'ordre psychologique. Dans ce deuxième cas d'espèce, dans ce deuxième cas

 21   de figure, vous avez parlez de mouvement volontaire; est-ce que c'est bien

 22   ainsi que je dois vous comprendre ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, fondamentalement, c'est bien ce que

 24   j'ai indiqué, mais il faut également établir d'autres -- une autre

 25   catégorie du fait de la population. C'est justement l'une des lacunes du

 26   document de Mme Tabeau et d'autres d'ailleurs. En d'autres termes, au début

 27   de la guerre, nous savions quelle était la population, et puis il y avait

 28   cette différence qui était faite entre les civils et les militaires. Mais


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  1   vous, vous faites référence aux personnes qui partent à cause de la guerre.

  2   Vous dites que c'est quelque chose essentiellement qui a été une réalité

  3   pour les civils qui n'étaient pas directement ciblés par la guerre,

  4   c'étaient les militaires qui étaient ciblés par la guerre. Mais dans ce

  5   contexte, moi, j'ai essayé de prouver qu'il y a eu un transfert massif de

  6   population ou des expulsions parce que les gens avaient ce sentiment de

  7   crainte, et avaient peur pour leur vie tout simplement, et qu'il y avait ce

  8   sentiment général d'insécurité qui prévalait. Puis il y avait déjà eu des

  9   conflits armés. Donc dans tous les rapports et documents, il faut établir

 10   une autre catégorie, à savoir soldats et civils.

 11   Par la suite, je pourrais vous expliquer à quoi correspondent ces

 12   deux catégories. Je pourrais vous donner des exemples pour le territoire de

 13   Bosnie-Herzégovine et je vous expliquerais également les lacunes de tous

 14   nos rapports. Parce que nous avons omis de faire cette différence entre les

 15   militaires et les civils, parce qu'il y a eu des victimes civiles et des

 16   victimes militaires, et cela donne une idée différente si l'on n'a pas

 17   établi à l'avance cette catégorie. Parce que si vous prenez en

 18   considération la souffrance des civils et des militaires qui appartiennent

 19   à un groupe d'appartenance ethnique précis, si j'ai bien compris votre

 20   question, bien entendu.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je n'ai pas fait de distinction entre

 22   les civils et les militaires, parce que j'ai supposé que, lorsque vous

 23   appartenez à un groupe qui est pris pour cible d'une attaque, et si vous

 24   essayez d'éviter cette attaque en fuyant, vous allez le faire

 25   indépendamment du fait si vous êtes militaire ou civil. Si vous -- donc

 26   vous avez introduit encore une autre catégorie puisque si vous dites que

 27   vous appartenez à un groupe pris pour cible, et que vous êtes militaire,

 28   là, vous pourriez peut-être y réfléchir pour rester et défendre la région,


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  1   alors que ceux, qui ont fui, sont les personnes qui ne sont pas militaires;

  2   ils sont civils, qui essaient de fuir la région, et les militaires restent

  3   pour défendre la région, attaquer, n'est-ce pas ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les militaires essaient de rester et de

  5   défendre la zone attaquée. Les civils essaient de fuir cette zone, et

  6   lorsqu'une zone tombe, on procède à une sélection pour ce qui est de la

  7   population non désirée, à savoir les enfants, les personnes âgées et les

  8   femmes sont déportés. C'était le cas sur le territoire de la Bosnie-

  9   Herzégovine aussi, et c'est une règle militaire. Il s'agit du transfert de

 10   la population, dirais-je, et non pas du départ forcé, du nettoyage

 11   ethnique. Les conflits militaires, qui ont été lancés, qui ont été causés

 12   par les deux parties belligérantes en Bosnie-Herzégovine, ont provoqué "le

 13   transfert," entre guillemets, c'est-à-dire des "migrations volontaires" de

 14   la population de ce territoire qui était attaqué qui se trouvait donc le

 15   territoire sur lequel le conflit armé est arrivé. C'est comme cela que je

 16   vois ce problème.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je pense que, là, on s'approche de

 18   l'essentiel de cette question. Parce que, moi, je pense que si l'objectif

 19   d'une opération militaire est de faire fuir les gens qui appartiennent à un

 20   groupe pris pour cible, alors au moment où une zone tombe, la zone qui est

 21   attaquée, alors la déportation des enfants, des femmes et des personnes

 22   âgées, à mon avis, représenterait l'exemple parfait du nettoyage ethnique;

 23   vous êtes d'accord avec moi pour le dire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Si on part de la définition scientifique

 25   du nettoyage ethnique ou technique, plutôt, à savoir qu'il s'agit du

 26   nettoyage rapide et par la force, dans certaines situations, oui, pourtant,

 27   puisque la déportation de la population d'une zone particulière n'a pas été

 28   faite de façon rapide et par la force. Il y a eu des intentions ou des


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  1   plans pour ce qui est de ce type de déplacement, et je n'ai pas parlé de

  2   cela dans mon rapport, à savoir qu'il aurait pu s'agir d'une guerre civile,

  3   en partie c'était la guerre religieuse, en partie c'était la lutte pour les

  4   territoires. Mais on ne peut pas parler du nettoyage ethnique dans ce cas

  5   particulier pour ce qui est de cette zone particulière. Puisque je répète

  6   que le nettoyage ethnique est l'opération qui doit être exécutée de façon

  7   rapide et par la force. Je vous ai donné un exemple, pour ce qui est de la

  8   population qui a quitté une zone pour des raisons déterminées, il y a eu

  9   des milliers de telles exemples et ces personnes ont quitté cette zone pour

 10   des raisons diverses mais ça n'a pas été fait ni rapide ni par la force.

 11   Donc il faut penser à cela lorsqu'on parle de la définition du nettoyage

 12   ethnique.

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Professeur.

 14   Maître Cvijetic.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je me demande, Monsieur le

 16   Professeur, s'il y a un problème pour ce qui est de la traduction ou un

 17   problème linguistique. Lorsque vous parlez de la déportation, vous pensez à

 18   quoi exactement ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] La déportation veut dire l'expulsion, les

 20   persécutions de la population pour ce qui est de la langue parlée sur les

 21   territoires de la Bosnie-Herzégovine ou de l'ancienne Yougoslavie. Donc la

 22   persécution n'est pas par la force. Lorsque je dis "par la force," il faut

 23   que cela soit fait vite, en cinq heures, et la personne expulsée doit

 24   partir avec peut-être peu d'argent ou peu d'objet personnel et partir vite

 25   d'une zone. Je ne pense pas que cela ait été la caractéristique de ce qui

 26   s'était passé en Bosnie-Herzégovine et c'est pour cela que je dis qu'on ne

 27   peut pas parler du nettoyage ethnique dans tous les cas. C'est pour cela

 28   qu'il faut distinguer la déportation et le transfert de la population pour


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  1   ce qui est des termes utilisés ici, pour ce qui est des migrations de la

  2   population en temps de guerre. Je peux vous donner beaucoup d'exemples pour

  3   ce qui est des événements survenus dans le monde entier. Puisqu'en Bosnie-

  4   Herzégovine, il n'y a pas eu d'événements qui ne se sont pas passés avant

  5   pour ce qui est de la scène internationale.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Professeur, à votre avis, la

  8   déportation n'a rien à voir avec le transfert forcé de la population par la

  9   force ? Donc vous dites que cela n'a rien à voir avec le déplacement forcé

 10   de la population ? Par exemple, votre initiative personnelle, pour ce qui

 11   est de votre décision de partir d'une zone parce que vous avez peur, vous

 12   allez qualifier cela comme étant la déportation ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Vous ne m'avez pas compris. J'ai dit

 14   clairement que, lors des conflits armés, tout déplacement de la population

 15   représente la migration forcé ou contrainte, si vous le voulez, ensuite

 16   dans le cadre de cette catégorie il y a plusieurs sous catégories : D'abord

 17   deux sous catégories, le génocide et le nettoyage ethnique; et ensuite la

 18   déportation ou expulsion et le transfert de la population. Donc lorsqu'une

 19   guerre provoque la psychose de guerre et on ne peut pas parler de départ

 20   volontaire. Il y a peut-être des personnes qui étaient parties avant le

 21   conflit de façon pacifique.

 22   On pourrait également parler d'autres catégories ou sous catégories,

 23   par exemple dans le cadre de la catégorie de déportation et de transfert

 24   mais rien de tout cela ne se passe pas de façon volontaire. C'est toujours

 25   sous la contrainte dans une mesure qui peut être une mesure plus importante

 26   ou moins importante pour ce qui est de toute zone affectée par la guerre,

 27   dans tout guerre, non seulement pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvez-vous nous donner des


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  1   définitions brèves de ces quatre catégories que vous avez mentionnées ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais encore une fois répéter ces

  3   catégories. Lorsqu'il y a un conflit armé ou un autre conflit, il y a des

  4   migrations forcées de la population, et je ne parle pas maintenant de la

  5   Bosnie-Herzégovine, je parle de façon générale. Pour ce qui est de ces

  6   migrations forcées, dans le cadre de ces migrations, on a deux catégories.

  7   Ce sont le génocide et le nettoyage ethnique. Ici, on ne parle pas du

  8   génocide. Pour ce qui est du nettoyage ethnique est le nettoyage qui est

  9   exécuté très vite et par la force sur un territoire, ce que j'ai déjà

 10   expliqué. Ensuite on a la déportation ou l'expulsion et le transfert ou

 11   l'échange de la population. Par exemple, sur l'île de Chypre, entre la

 12   Turquie et Grèce, il y avait un transfert de population entre le Chypre du

 13   nord et du sud, pour parler de notre territoire et non pas seulement de la

 14   Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui est, donc, de l'expulsion du groupe

 15   ethnique qui n'est pas bienvenu sur un territoire, il y a beaucoup

 16   d'exemples dans le monde entier. J'essaie de prouver que, sur le territoire

 17   de la Bosnie-Herzégovine, ce qui a été appelé nettoyage ethnique ne se

 18   résumait pas uniquement au nettoyage ethnique, puisqu'il y a eu des

 19   variantes du nettoyage ethnique qui ne sont pas aussi graves. Je ne sais

 20   pas si j'ai bien compris votre question et en tout cas, c'est ma réponse.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce que vous avez fait en personne et

 22   ce que vous appelez, entre guillemets, "déplacement volontaire" ou "départ

 23   volontaire," ce que vous avez expliqué ne peut pas être englobé dans trois

 24   -- dans ces trois ou quatre catégories dont vous avez parlé, c'est-à-dire,

 25   on ne peut pas parler de la déportation, du transfert. Est-ce que je vous

 26   ai bien compris ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela peut être appelé le

 28   transfert. Moi, je suis allé dans la zone où habitaient les Serbes pour ce


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  1   qui est de ce groupe ethnique et de cette zone, membres d'autres groupes

  2   ethniques sont partis dans les zones -- dans la zone où je vivais. Donc

  3   voilà un exemple des déplacements de la population en Bosnie-Herzégovine

  4   que j'ai déjà décris hier et ce cas est connu dans le monde entier. Il

  5   s'agit, quand même, du transfert, mais il ne faut pas qu'on s'occupe de

  6   cela au niveau individuel, mais plutôt collectif. Donc, je vous ai donné un

  7   exemple qui était mon exemple, puisqu'il y a d'autres exemples avec

  8   d'autres personnes qui étaient parties de cette zone et il y en a eu qui,

  9   par la suite, sont arrivés dans la zone où nous vivions avant et qui

 10   étaient quitté de la zone où ils étaient en minorité.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si je vous ai bien compris, la

 12   déportation, vous parlez de cette catégorie de déplacement de la

 13   population, est quelque chose qui est toujours imposé à des gens, à savoir

 14   les gens sont déportés en utilisant de la force d'un côté et de l'autre,

 15   lorsqu'on parle du transfert, le transfert peut être soit le transfert

 16   forcé ou ce "transfert volontaire," entre guillemets, n'est-ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La déportation par rapport à l'expulsion

 18   veut dire que vous avez plus de temps pour vous préparer puisque cela vous

 19   est annoncé à un groupe de la population déterminé et transporté sur le

 20   territoire d'une autre zone, ce qui est passé en Bosnie-Herzégovine. La

 21   population a été sauvée de cette façon-là et beaucoup de membres de ces

 22   groupes ethniques étaient reconnaissants, puisqu'ils ont été sauvés et

 23   puisqu'ils sont partis des zones affectées par la guerre. Il est toujours -

 24   - il peut s'agir du transfert convenu, puisque ce groupe des personnes est

 25   transporté sur le territoire d'une autre zone, puisque les membres d'un

 26   autre groupe ethnique doivent venir dans la zone où ils vivaient avant.

 27   Ce sont les questions qui ne sont -- qui n'ont pas été jusqu'ici

 28   assez étudiées. C'est pour cela que j'essaie de vous dire que ces questions


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  1   n'ont pas été suffisamment étudiées ni clarifiées, ni dans les ouvrage de

  2   Mme Ewa Tabeau - et c'est ce que j'aimerais souligner - à savoir que, pour

  3   ce qui est des processus qui n'ont pas été suffisamment étudiés, il est --

  4   on ne peut pas avoir des conclusions ou arriver à des conclusions

  5   appropriées, puisqu'il n'y a pas eu de recherche suffisamment détaillées

  6   là-dessus.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  8   M. CVIJETIC : [interprétation] J'ai encore cinq minutes avant la pause.

  9   Q.  Je -- ce que MM. les Juges ont dit m'est très utile, puisque j'allais

 10   poser de telles questions au témoin.

 11   Pour ce qui est de la question posée par M. le Juge Delvoie,

 12   j'aimerais vous poser la question suivante. Le transfert dont vous avez

 13   parlé dans le dernier paragraphe, est-ce qu'on peut dire que lorsqu'il y a

 14   la guerre, les gens choisissent le moindre mal ? Parce que le Juge Harhoff

 15   a dit que quitter sa zone résidentielle est une mauvaise chose, puisque

 16   personne ne veut partir. Mais lorsque vous pensez qu'il vaut mieux partir

 17   pour rester en vie et pour pouvoir retourner à un moment donné dans le

 18   futur, cela représenterait le moindre mal. Est-ce qu'on peut parler de

 19   cette façon-la par rapport à votre définition du transfert volontaire ?

 20   R.  C'est tout à fait clair. La vie est la valeur la plus importante d'un

 21   homme. C'était la priorité de sauver la vie et ensuite, au deuxième plan,

 22   c'était de sauver les biens et les choses matérielles. La priorité était de

 23   sauver la vie des gens en procédant à ce transfert, et je pense que c'est

 24   tout à fait clair et qu'il est tout à fait clair pourquoi le transfert en

 25   masse a été exécuté et pourquoi d'autres déplacements migratoires ont été -

 26   - se sont passés, puisque je répète encore une fois que la vie était la

 27   priorité absolue pour ce qui est de tous les habitants de cette région.

 28   C'était, donc, la raison pour laquelle ces transferts en masse se sont


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  1   produits. Malheureusement, il y a eu d'autres variantes de déplacement

  2   beaucoup plus graves.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je regarde l'heure et

  4   je pense qu'il est venu le moment pour -- propice pour faire la pause

  5   maintenant. Si vous êtes d'accord pour faire la pause maintenant et je peux

  6   continuer après la pause.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la pause de

  8   20 minutes.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 11   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Professeur, pouvons-nous poursuivre ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc nous avons parlé d'un chapitre de votre rapport, et je

 17   souhaiterais mettre un terme à cette discussion, car je pense que l'exemple

 18   de la Posavina est un parfait exemple pour toutes les questions

 19   pertinentes. Alors je ne vais pas entrer dans les détails à propos des neuf

 20   autres régions, mais j'aimerais poser une question qui porte sur toutes les

 21   neuf régions. J'aimerais savoir si le même scénario s'est déroulé de la

 22   même façon dans les neuf autres régions; et est-ce que vos propos relatifs

 23   à la Posavina peuvent être repris pour les neuf autres régions ?

 24   R.  Oui, en règle générale, oui, mais il faut que vous preniez en

 25   considération les caractéristiques ou circonstances bien précises de ces

 26   neuf régions. Je vous parle donc d'un certain nombre d'aspects, et je vous

 27   parle également notamment des caractéristiques démographiques. Il y a des

 28   différences pour ce qui est de la composition ethnique, la pyramide des


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  1   âges, leur style de vie, et cetera, et cetera. Mais fondamentalement, oui,

  2   c'est le même scénario.

  3   Q.  Si vous pensez pouvoir présenter un exemple caractéristique à propos

  4   des neuf autres régions, pourquoi est-ce que vous n'en parlez pas ? Je

  5   n'avais pas l'intention d'entrer dans le détail de ces neuf régions, mais

  6   si vous avez un exemple illustratif à nous présenter, je vous invite à le

  7   faire maintenant.

  8   R.  Ecoutez, tous ces cas sont très intéressants. Chacun de ces cas est

  9   intéressant, et j'aimerais parler ou mettre l'accent brièvement sur une

 10   autre région, à savoir la Bosnie centrale. Paragraphes 85, 86 et 87, ainsi

 11   que les annexes, bien sûr. Hier, j'ai déjà indiqué que cette zone avait

 12   pour population dominante les Musulmans de Bosnie, et là, c'est un exemple

 13   typique, car vous avez un processus d'harmonisation ou d'homogénéisation

 14   ethnique et territoriale qui a suivi les migrations forcées. J'ai énuméré

 15   toutes les municipalités pertinentes dans le rapport. La population serbe

 16   est partie de cette zone pour se rendre dans d'autres régions ou d'autre

 17   zones où elles se sentaient plus en sécurité. Dans le rapport, je donne des

 18   indicateurs extrêmement précis avec Zenica qui était la ville et la

 19   municipalité la plus importante, et c'est là où l'on trouvait le plus grand

 20   nombre de Serbes qui y habitaient. Je conclus et je me permets de vous

 21   indiquer, bien que cela ne figure pas dans le rapport, qu'aujourd'hui, dans

 22   la zone de la Bosnie centrale, nous ne trouvons véritablement que pour la

 23   population serbe une présence tout à fait symbolique, et ce, dans toutes

 24   les municipalités. Moi, je suis originaire de Zavidovici et je connais

 25   particulièrement la situation à Zavidovici, mais je peux vous dire qu'à

 26   Zavidovici, il n'y a que 1500 Serbes qui habitent par rapport au nombre de

 27   Serbes qui avaient été recensés lors du recensement de l'année 1991.

 28   L'on voit les mêmes processus dans les dix régions que j'ai


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  1   mentionnées. Dans les zones où les Serbes étaient minoritaires ou dans les

  2   zones où ils étaient majoritaires, d'ailleurs, dans une localité, ils --

  3   localité qui n'avait pas le statut de municipalité, par exemple, dans tous

  4   les cas de figure, ils ont dû quitter leur foyer, et vous pouvez trouver

  5   les données dans mes tableaux et mes annexes. Vous trouverez les données et

  6   les symboles que j'ai utilisés pour les différentes localités,

  7   municipalités, villages, villes, ainsi que les communes locales et les

  8   différentes régions.

  9   Q.  Vous avez mentionné le dernier élément. Donc vous présentez une

 10   description dans le tableau et pour chaque description, nous avons un

 11   tableau dans l'annexe A, et il y a également les sous annexes, A1, 2, et

 12   cetera, et cetera.

 13   Je dirais que pour la référence de la version serbe, l'annexe A se

 14   trouve à la page 84, et à la -- pour la version anglaise, cette annexe

 15   commence à la page 86.

 16   Donc est-ce que vous pourriez, je vous prie, prendre la première page

 17   où il est question de la Posavina, parce que nous avons passé un certain

 18   temps à évoquer le cas de la Posavina ? Vous pourriez peut-être utiliser la

 19   Posavina comme exemple pour expliquer vos tableaux, parce que je suppose

 20   que vous avez utilisé la même méthodologie pour les autres tableaux. Cela

 21   permettra à la Chambre de première instance de comprendre les données qui

 22   figurent dans vos tableaux. Ensuite, je vous poserai d'autres questions.

 23   Vous l'avez trouvé dans le document ? Parce que vous l'avez également

 24   dans -- sur l'écran. Donc choisissez ce qui est le plus commode pour vous.

 25   Si vous -- Si nous agrandissons le tableau sur l'écran, vous verrez -- vous

 26   y verrez peut-être mieux.

 27   R.  Peu importe, parce que j'ai encore une très bonne vue.

 28   Q.  Je vois que vous ne portez effectivement pas de lunettes.


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  1   R.  Bien. Alors, je vais expliquer la méthodologie que j'ai utilisée dans

  2   le cadre de ma recherche. J'en ai déjà parlé, d'ailleurs, lors de mes

  3   dépositions précédentes. Il s'agit d'une combinaison de données

  4   statistiques officielles, donc vous avez, dans la première colonne le

  5   résultat du recensement de l'année 1991 où -- Excusez-moi, en fait.

  6   J'aurais peut-être dû être un peu plus clair. Dans un premier temps, nous

  7   avons les nombres pour chaque municipalité et puis nous avons le nom des

  8   municipalités. Par exemple, pour Brcko, vous voyez, bon, les noms des

  9   municipalités sont toujours en caractère gras. Vous avez ensuite le chiffre

 10   qui correspond à la population totale d'après le recensement de l'année

 11   1991, donc il s'agit de données officielles.

 12   Puis ensuite vous avez, de 1 à 6, les noms des localités de la municipalité

 13   de Brcko. Donc il s'agit de localités où il y a eu certains processus pour

 14   la population. Ensuite vous voyez la colonne pour la population totale

 15   recensée en 1991. Vous avez la population totale pour chacune des

 16   localités, et puis vous avez ensuite la colonne suivante qui vous donne le

 17   nombre total de Serbes, sauf que nous mettons seulement les chiffres dans

 18   le cas où les Serbes représentent plus de 50 % de la population, donc cela

 19   est écrit, entre parenthèses, en haut de la colonne. Puis vous avez ensuite

 20   le nombre total des Serbes dans les localités où ils étaient minoritaires,

 21   à savoir qu'il y avait moins de 50 % de Serbes dans lesdites localités.

 22   Cela nous donne une idée du nombre de localités d'où sont partis --

 23   d'où ont été -- d'où sont partis les Serbes lorsqu'ils étaient

 24   majoritaires, et vous avez également les mêmes données dans le cas des

 25   localités où les Serbes étaient minoritaires.

 26   J'aimerais répéter que ces données émanent du journal officiel, donc

 27   il s'agit d'une publication officielle publiée en ex-Yougoslavie après le

 28   recensement de l'année 1991, publiée par l'Institut fédéral de Statistique,


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  1   qui avait compilé toutes les données de toutes les républiques.

  2   Puis ensuite vous avez une autre colonne qui correspond à la -- aux

  3   localités qui ont été incendiées ou détruites. Là, il s'agit des résultats

  4   de ma recherche empirique sur le terrain, entre l'année 1992 et l'année

  5   1996. Ce sont des données qui sont représentées par des symboles. Si vous

  6   voyez, par exemple, un petit symbole qui représente une maison, cela

  7   signifie que la localité en question a été incendiée ou détruite ou

  8   saccagée d'une façon différente, donc les maisons seulement ont été

  9   incendiées ou détruites et pillées. Ensuite vous avez la colonne --

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, peut-être

 11   que cela vous permettra de mieux comprendre parce que, dans la version

 12   anglaise, nous n'avons pas les symboles pour la petite maison, par exemple.

 13   Il y a juste un espace qui a été laissé en blanc. Mais si vous prenez la

 14   version B/C/S, là, vous verrez ces petites maisons, effectivement, ces

 15   pictogrammes de maisons et de tracteurs. Donc je pense que, lorsque vous

 16   avez des tracteurs, cela signifie qu'il y a eu expulsion et lorsque vous

 17   avez la maison, cela signifie que les localités sont détruites. Voilà.

 18   Alors qu'en anglais, c'est laissé en blanc.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Di Fazio, car

 20   je dois vous avouer que j'étais un peu en train d'avoir quelques

 21   difficultés avec la version anglaise en essayant de comprendre la

 22   déposition et les propos du témoin. Donc, merci.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, effectivement, les symboles ne

 24   pouvaient pas figurer en anglais, donc il faudrait suivre les deux tableaux

 25   en B/C/S et en anglais. Il ne faut pas suivre les mots. Le professeur est

 26   en train de consulter la version serbe, mais il faudrait comparer les deux

 27   versions pour mieux comprendre.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis vraiment -- je suis désolé, je n'ai


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  1   pas remarqué qu'en anglais, il n'y avait pas -- les symboles ne figuraient

  2   pas. Je ne l'avais pas remarqué. Effectivement, c'est un peu plus difficile

  3   de suivre. Mais il est vrai que les tableaux peuvent être comparés, en

  4   fait. La version que j'ai fait en serbe, j'ai illustré mes propos avec des

  5   symboles.

  6   Donc, pour les localités détruites, nous voyons le tracteur. Cela

  7   veut dire qu'on a expulsé les populations, et en dernier lieu, dans la

  8   dernière colonne, vous pouvez voir une croix. Ceci veut dire que, dans

  9   cette agglomération, il y a eu au moins cinq décès. C'est ainsi que nous

 10   sommes arrivés à un chiffre total pour chacune des localités ou des

 11   municipalités et pour cette région que nous appelons la Posavina, dans le

 12   premier tableau, dans son ensemble. Vous pouvez voir à la toute fin de

 13   l'annexe que pour la Posavina, vous pouvez voir le nombre de la population

 14   pour la description de ces localités, donc seulement pour ces localités que

 15   j'ai énumérées ici. Ce n'est pas l'ensemble de la population des

 16   municipalités qui appartient à la Posavina, mais seulement les

 17   municipalités qui étaient directement touchées par les événements. Là, nous

 18   pouvons voir également le nombre de Serbes qui faisaient -- qui étaient

 19   majoritaires et minoritaires aussi, donc vous pouvez voir aussi quelles

 20   sont les localités ou les municipalités qui ont été détruites et d'où les

 21   Serbes ont été expulsés ou tués.

 22   Ce sont les résultats d'une analyse qui a duré cinq ans faite sur le

 23   terrain sur la base d'instruments qui sont standardisés, c'est-à-dire qu'il

 24   s'agit d'instruments de l'Etat donc l'Etat était doté de documents ou de

 25   tableaux standards qui étaient remplis sur le terrain à la suite des

 26   enquêtes, des entretiens, ou à la suite d'une observation personnelle. Je

 27   devrais également vous mentionner qu'il s'agit de méthodes qui étaient tout

 28   à fait scientifiques et c'est ainsi que l'on se penche sur cette analyse si


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  1   l'on n'a pas d'autre élément ou d'autre donnée pour arriver à la conclusion

  2   concernant un événement.

  3   A l'époque, on était en guerre. C'était la guerre, et donc il s'agissait

  4   d'une enquête sur le terrain, qui avait été menée pour toutes ces années

  5   que j'ai mentionnées, et j'estime que ceci représente la partie la plus

  6   importante de ce travail, puisque ces données ne peuvent pas être

  7   retrouvées dans aucun document statistique.

  8   Q.  Je vous remercie, Professeur. Ne regardons pas les autres tableaux,

  9   puisque les autres tableaux portent sur les autres municipalités que vous

 10   nous avez déjà décrites. Je vais plutôt passer au prochain chapitre de

 11   votre résumé de ce document. Vous avez élaboré et c'est le paragraphe 142

 12   que vous avez appelé : "Personnes expulsées, déplacées, foyers, et centres

 13   de Rassemblement dans la Republika Srpska."

 14   Professeur, voilà donc la question principale qui se pose : La source qui

 15   vous a permis d'indiquer ces informations quelle était-elle ?

 16   R.  Ici j'ai fait état, plutôt, j'ai appelé mes chapitres de la façon dont

 17   je l'ai fait car je me suis servi des données officielles. Les données

 18   officielles découlent du recensement des personnes déplacées et des

 19   réfugiés dans la Republika Srpska en 1996, et c'est le ministère chargé des

 20   Personnes déplacées et Réfugiées, qui s'est occupé de ces chiffres de

 21   "Sarajevo." Maintenant, quelqu'un pourrait se demander : pourquoi est-ce

 22   Sarajevo ? Mais d'après le statut de la Republika Srpska  il était indiqué

 23   que Sarajevo était la capitale, elle est toujours d'ailleurs. Donc c'était

 24   la source principale de nos informations et nous l'appelons une source

 25   primaire.

 26   Mais nous nous sommes également servis d'une source secondaire, il s'agit

 27   là de livres rédigés par certains auteurs, que j'ai énumérés dans les notes

 28   en bas de page; vous pouvez le voir en consultant mon document. Vous pouvez


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  1   également voir que le livre le plus complet pour ce chapitre-ci est le

  2   livre de l'auteur Spiric Mirjanac, intitulé : "Population de la Republika

  3   Srpska," publié par la faculté des Mathématiques et des Sciences en 1992

  4   [phon] de Banja Luka, faculté donc qui l'a publié en 1992 [phon]. J'ai donc

  5   établi tout ceci et j'ai énuméré ces données dans les tableaux, j'ai cité

  6   les passages que j'ai tirés de ces ouvrages pour pouvoir vous montrer de

  7   quoi sont tirées ces données. Donc voici les données qui ont été publiées

  8   de façon officielle, et je les ai acceptées en tant que telles dans la

  9   section qui se trouve au paragraphe 4 de ce chapitre.

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le

 11   Président, je croyais que le témoin avait dit qu'il avait obtenu

 12   l'information d'un ouvrage qui a été rédigé, par la suite il nous dit que

 13   ce sont des données qui ont été publiées officiellement. Je crois qu'il

 14   faudrait d'abord poser la question s'il s'agit effectivement d'informations

 15   qui proviennent d'un ouvrage, ou bien de données qui s'étaient publiées

 16   officiellement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, il y a peut-être eu un malentendu, les

 18   données du -- des données primaires découlent du recensement des personnes

 19   réfugiées et déplacées de 1996, alors que l'ouvrage porte sur ces données.

 20   Je les ai retranscrites, j'ai énuméré ceci dans les notes en bas de page.

 21   Sous les tableaux, nous pouvons voir quelle était la source primaire, alors

 22   que dans les notes en bas de page, nous pouvons voir d'où ces données sont

 23   tirées.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation]

 25   Q.  Bon, Professeur, de toute façon, la source principale c'est le

 26   recensement ?

 27   R.  Oui, la source principale, c'est le recensement, et la source

 28   secondaire pour appuyer ces données, c'est l'ouvrage. Je crois que cela est


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  1   permis, et je crois que ces données-là sont très importantes.

  2   Q.  Très bien. Merci. Professeur, le paragraphe 144 nous ramène au chiffre

  3   de deux millions de personnes qui, comme vous nous avez dit, avaient été

  4   déplacées dans le cadre à l'intérieur ou à l'extérieur de la Bosnie-

  5   Herzégovine plutôt, et englobent toutes les ethnies, tous les groupes

  6   ethniques, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Ici vous nous donnez des informations par groupes ethniques, vous nous

  9   dites combien il y avait de Serbes, et de Musulmans qui avaient déplacé --

 10   qui s'étaient déplacés, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Ces données-là, ils s'agissent de données qui sont tirées du

 13   recensement, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Toutefois, il y a une donnée qui m'a quelque peu rendu perplexe et je

 16   crois qu'il faudrait essayer de préciser ce point, si nous passons au

 17   paragraphe 165.

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche à l'écran le

 19   paragraphe 165. Pourriez-vous zoomer, s'il vous plaît ? J'attends la

 20   version serbe. Voilà elle y est. Très bien. Alors le paragraphe 165 y est.

 21   Q.  Dites-nous, Professeur, ce paragraphe m'a rendu quelque peu perplexe.

 22   Je vous demanderais de nous préciser quelque chose. Alors vous parlez de

 23   deux millions de personnes qui ont été déplacées en Bosnie-Herzégovine.

 24   Vous dites cela dans un autre paragraphe, vous dites aussi au paragraphe

 25   144, alors qu'au paragraphe 165, vous parlez de deux millions de personnes

 26   qui ont été déplacées ou expulsées de l'ensemble des républiques de l'ex-

 27   Yougoslavie, vous parlez de la Slovénie, et de la Croatie, et de la Bosnie-

 28   Herzégovine, et de la Macédoine. Lorsque l'on lit ceci, on a l'impression


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  1   que la même donnée ou la même information est employée pour deux régions

  2   différentes. Ou je me trompe peut-être. Pourriez-vous, je vous prie, nous

  3   expliciter sur quoi portent ces deux millions de personnes en Bosnie-

  4   Herzégovine et sur quoi portent les deux millions de personnes déplacées au

  5   paragraphe 165 qui parle de toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie ?

  6   Alors je vous prierais de commencer par le paragraphe 144 et nous expliquer

  7   ce que représente ce chiffre de deux millions de personnes dans ce

  8   paragraphe-là.

  9   R.  Effectivement, vous avez raison, on pourrait avoir cette impression.

 10   Puisque j'ai pris ces données, je les explique de la façon suivante : Au

 11   paragraphe 144, vous trouverez le chiffre de deux millions de personnes

 12   pour la Bosnie-Herzégovine, et ces personnes tombent sous la catégorie des

 13   personnes expulsées, chassées et réfugiées. Donc ceci -- effectivement, ce

 14   n'est pas contesté puisque vous avez des chiffres explicites qui sont

 15   donnés ici pour les trois groupes ethniques. Alors que l'interprétation du

 16   paragraphe 165, c'est que, sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, à

 17   l'intérieur de ce territoire, environ deux millions de personnes ont été

 18   déplacées, en ne tenant pas compte de toutes ces personnes, de toutes les

 19   personnes qui ont quitté l'espace de l'ex-Yougoslavie. Pourquoi ? Parce

 20   qu'il est tout à fait clair que si on ne parle que 2 millions de personnes

 21   pour l'ex-Yougoslavie, pour l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie,

 22   effectivement le chiffre total de toutes les personnes qui ont été

 23   déplacées de leur demeure sont celles dont j'ai parlé. C'est ainsi que nous

 24   pouvons interpréter ces deux paragraphes.

 25   A l'intérieur de la République de l'ex-Yougoslavie, il y a eu un

 26   déplacement de deux millions de personnes, et nous pouvons -- et lorsque

 27   nous ajoutons à ceci ce chiffre-là, ce qui n'est pas indiqué ici les

 28   personnes qui ont quitté cet espace, il y a beaucoup plus que de deux


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  1   millions de personnes. Puisque seulement pour la Bosnie-Herzégovine, nous

  2   voyons ce chiffre de deux millions de personnes, qui étaient en transfert

  3   et qui étaient en déplacement. Voilà, c'est ainsi que j'ai interprété ces

  4   données, même si à l'origine ces données ne sont pas nécessairement les

  5   miennes, ces deux données que j'ai repris.

  6   Q.  Très bien. Nous sommes maintenant en train d'analyser ce chapitre 5,

  7   donc il s'agit de : "Personnes expulsées, réfugiées, déplacées de la

  8   Bosnie-Herzégovine en Serbie et Monténégro." Professeur, d'abord cette

  9   première question que je vous ai déjà posée, quelle est la source de vos

 10   informations et comment en êtes-vous arrivé à ces données qui figurent dans

 11   ce chapitre ?

 12   R.  Puisqu'il s'agit ici d'un territoire d'un autre Etat, donc on parle de

 13   la Communauté de la Bosnie et Monténégro, c'est-à-dire de la République de

 14   -- donc puisqu'il s'agit de la Serbie-et-Monténégro, on parle ici de

 15   personnes dont on a fait état en 1996, c'est le HCR des Nations Unies. Donc

 16   c'est à cela que l'on réfère, et moi, j'ai pris ces chiffres comme étant

 17   une source secondaire. Il s'agit donc de la même méthodologie à appliquer

 18   que pour les données s'agissant de la Bosnie-Herzégovine.

 19   C'étaient les seules institutions pertinentes qui établissaient, et

 20   qui par la suite d'une méthodologie, élaboraient le nombre de personnes qui

 21   avaient été déplacées et qui se sont déplacées à la suite de la guerre, et

 22   donc je me suis servi de ces données comme étant les données les plus

 23   pertinentes, s'agissant des personnes qui ont été touchées par la guerre.

 24   Q.  Professeur, s'agissant de ces territoires, y avait-il des membres

 25   de tous les groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  D'après les tableaux que nous avons vus, je peux répondre que

 27   oui, mais, bien sûr, la proportion est différente, parce que vous voyez

 28   ici, dans quelques tableaux, que je fais état des Musulmans, des Serbes,


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  1   des Monténégrins, donc c'étaient des personnes qui à l'époque s'étaient

  2   proclamées comme étant Yougoslaves. Il s'agit donc de membres des trois

  3   groupes ethniques qui vivaient en Bosnie-Herzégovine, donc de Yougoslaves

  4   et des personnes qui se sont déclarées eux-mêmes comme autres, d'après le

  5   recensement, d'après le dernier recensement en Bosnie-Herzégovine et dans

  6   d'autres républiques de l'ex-Yougoslavie. Alors c'est ceci, c'est là que

  7   l'on peut voir ce qui découle de ces données statistiques.

  8   Q.  Professeur, les résultats de ces personnes, de ces données s'agissant

  9   des personnes déplacées et réfugiées, je crois que vous avez établi un

 10   autre tableau - il s'agit de l'annexe B de votre rapport - qui, en serbe,

 11   se trouve à la page 156, et en anglais, si je ne m'abuse, à la page 157.

 12   Pourriez-vous, je vous prie, retrouver ce tableau et nous pourrons le

 13   regarder ensemble ?

 14   M. CVIJETIC : [interprétation] Pourrait-on prendre la page suivante, je

 15   vous prie, en anglais ou en serbe qui commence par Banja Luka ? Page

 16   suivante, s'il vous plaît, donc je demanderais que l'on affiche la page

 17   suivante, le tableau.

 18   Q.  Professeur, je vous prierais de nous aider à nous retrouver dans ce

 19   tableau, prenons Banja Luka, nous pouvons laisser de côté Bijeljina.

 20   Regardons ensemble Banja Luka. Alors nous avons ici les données, comme nous

 21   pouvons voir à l'intitulé, il s'agit de municipalités qui portent sur la

 22   résidence actuelle et sur les résidences précédentes.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pour Banja Luka, lorsqu'on voit un chiffre total, qu'est-ce que cela

 25   veut dire exactement ? Vous voyez ce chiffre de 123 298 ?

 26   R.  Oui, effectivement.

 27   Q.  Qu'est-ce que ce chiffre représente ?

 28   R.  Je voudrais vous expliquer c'est tableaux puisque ce tableau en fait


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  1   n'est pas très simple. Alors pour Banja Luka, vous verrez par exemple que

  2   certaines personnes venaient de déménager. Donc alors que pour la

  3   municipalité précédente, vous pouvez voir qu'il s'agit d'un autre chiffre.

  4   Donc le chiffre total que vous voyez ici c'est le chiffre qui porte sur

  5   l'ensemble de la Republika Srpska, mais c'est le nombre de fois qu'ils

  6   s'étaient déplacés. Ce chiffre-là ne représente pas le nombre de personnes.

  7   Parce qu'il s'agit du nombre de personnes, c'est un autre chiffre.

  8   Lorsqu'on parle de ce chiffre de 132 298, il s'agit de foyers qui

  9   sont répertoriés pour plusieurs municipalités, et ceci veut dire que les

 10   populations étaient venues dans ces municipalités. Je vais vous citer

 11   l'exemple de Banja Luka, cela sera plus clair. Banja Luka est une

 12   municipalité dans laquelle d'après les résultats du recensement de 1996, on

 13   a eu des personnes venues d'autres municipalités, 22 572 [phon] foyers.

 14   Donc je répète qu'il s'agit du nombre de fois et non pas -- ce n'est pas le

 15   nombre de personnes. Si vous multipliez ceci par quatre en moyenne, vous

 16   verrez quel était le nombre de personnes. Par la suite, ce qui suit ce sont

 17   les municipalités desquelles les foyers sont venus s'installer à Banja

 18   Luka. Donc il y a tout un éventail allant de Bileca jusqu'à la Slavonie,

 19   donc le territoire de la Slavonie, de la Croatie, et cetera. Donc ces

 20   chiffres pour Bileca, vous voyez deux, donc ceci veut dire qu'il y a deux

 21   foyers qui sont arrivés à Banja Luka. Pour Bugojno, vous voyez un chiffre

 22   de 431 foyers. Alors vous pouvez voir immédiatement de par les chiffres

 23   énumérés ici que la population est venue, que le plus grand nombre de

 24   population qui était venu dans cette municipalité provenait de la

 25   Fédération de Bosnie-Herzégovine ou de la Croatie voisine, où il y a

 26   également eu des activités de guerre au cours de la période précédente, et

 27   par la suite, nous pouvons voir les municipalités suivantes. Comme vous

 28   voyez ici, Bijeljina, et cetera, et cetera.


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  1   Je demanderais donc que l'on interprète correctement les données, et

  2   j'espère que j'ai été clair. Il s'agit donc du recensement du nombre de

  3   foyers, et non pas du nombre de personnes réfugiée ou déplacées. Puisque le

  4   chiffre total de la population acceptée, déplacée pour 1996 sur le

  5   territoire de la Republika Srpska comptait environ 450 000 personnes qui à

  6   l'époque représentaient un peu plus du tiers de la population à l'époque.

  7   J'espère que j'ai été clair, Monsieur ou Maître. Je ne sais pas si j'ai été

  8   clair; sinon, je vais l'expliciter de nouveau.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Professeur, pourriez-vous, je vous

 10   prie, nous expliquer quelque chose j'aimerais savoir pourquoi avez-vous

 11   choisi de vous concentrer sur le nombre de foyers plutôt que de vous

 12   pencher sur le nombre de personnes physiques de particuliers d'individus ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien, je vais vous expliquer pourquoi.

 14   Parce que, lorsque l'on a procédé au recensement de la population réfugiée

 15   et déplacée, la population pour laquelle on a donné un refuge temporaire

 16   dans les municipalités, ce processus-là se faisait en essayant de trouver

 17   un logement temporaire pour les foyers dans leur ensemble, on ne parlait

 18   pas de personnes d'individus indépendamment du fait qu'ils proviennent

 19   d'une même famille d'un même foyer, on ne se penchait pas sur ces personnes

 20   comme étant des individus.

 21   Il était toutefois possible, bien sûr, j'aurais pu avec ces données vous

 22   citer également ou citer plutôt les données qui ont trait aux individus,

 23   aux personnes déplacées, personnes physiques, mais l'idée était de montrer

 24   le foyer, le déplacement des foyers qui constituait une entité économique

 25   et sociale et qui était temporairement placée quelque part ailleurs sur

 26   d'autres territoires donc à d'autres endroits qui n'étaient pas leur foyer

 27   initial, leurs demeures initiales. Mais il y a, bien sûr, des données sur

 28   le nombre de réfugiés individuels, réfugiés et de personnes déplacées, il


Page 20566

  1   est facile de les trouver.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation]

  4   Q.  Professeur, ce tableau -- excusez-moi, oui, M. le Juge Delvoie souhaite

  5   poser une question.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En fait, je voudrais simplement

  7   comprendre quelque chose. Lorsque vous parlez d'endroits de localités, d'où

  8   les gens sont venus afin de se retrouver à Banja Luka, qui sont plus ou

  9   moins énumérés par ordre alphabétique, n'est-ce pas, alors qu'à la page 75,

 10   un nouvel ordre alphabétique commence ? Pourriez-vous nous expliquer --

 11   s'il vous plaît, nous expliquer ceci ?

 12   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors nous partons de Bileca et nous

 14   nous retrouvons à Zenica, si j'ai bien lu et si j'ai bien prononcé. Par la

 15   suite, l'alphabet recommence, alors l'ordre alphabétique est repris, il

 16   recommence à partir de Beli Manastir jusqu'à Zadar.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Alors, ici nous n'avons pas tenu compte

 18   de l'ordre alphabétique parce que vous voyez que Sanski Most se trouve

 19   avant Ilijas, alors que selon l'alphabet, ces lettres se retrouvent l'une

 20   devant l'autre, donc on n'a pas vraiment tenu compte de l'ordre

 21   alphabétique, même si effectivement lorsque l'on rédige quelque chose en

 22   cyrillique on tient compte de l'alphabet, cela est tout à fait vrai.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors quelle était votre

 24   méthodologie, ou bien, est-ce que c'est simplement aléatoire ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] On ne peut pas dire que c'était complètement

 26   aléatoire parce que cela voudrait dire que les données sont inventées, mais

 27   d'après les sources des données qui sont énumérées dans le recensement et

 28   d'après l'ouvrage de données secondaires, ceci a été l'ordre énuméré, sans


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  1   tenir compte réellement de l'ordre alphabétique ou sans tenir compte

  2   d'autres principes. Si vous le souhaitez, nous pouvons dire qu'il

  3   s'agissait d'un ordre aléatoire, mais les données sont exactes.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation]

  6   Q.  Professeur, pour ce qui est de votre tableau dans une partie de ce

  7   tableau il y a une -- l'ordre est inversé et cela commence par Banja Luka

  8   mais en premier lieu on voit les municipalités de résidences précédentes et

  9   ensuite les municipalités de résidences actuelles. C'est la page 1062-346 -

 10   - 1D06-2346 c'est la page où cela commence.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Cvijetic, avant de quitter ce

 12   tableau, j'aimerais poser encore une question au Professeur.

 13   Professeur --

 14   M. CVIJETIC : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- il y a 287 foyers, dans la

 16   municipalité de Banja Luka, qui représentent leur résidence actuelle,

 17   ensuite il y a aussi la municipalité de la résidence précédente qui est

 18   Banja Luka. Est-ce que cela veut dire que ces personnes faisaient partie de

 19   ces foyers se sont déplacées dans le cadre de cette municipalité ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais d'abord retrouver cela pour voir

 21   pourquoi cela est réitéré.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est à la première page.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la page 46 ?

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je pense que c'est 74, c'est dans la

 25   version en anglais.

 26   M. CVIJETIC : [interprétation]

 27   Q.  C'est la première page, vous avez déjà parlé de cela, Professeur.

 28   R.  C'est 2306, n'est-ce pas ?


Page 20568

  1   Q.  Oui. Dans la troisième colonne, c'est ce que le Juge Delvoie a dit vous

  2   voyez Banja Luka 287, vous voyez, je pense que la question a été logique.

  3   R.  J'ai compris la question. Il s'agissait des déplacements dans le cadre

  4   de la municipalité ou plutôt de la ville de Banja Luka. Pour -- c'est-à-

  5   dire d'un quartier les gens se sont déplacés à un autre quartier de Banja

  6   Luka. Donc ce cas arrivait pour ce qui est du déplacement dont on parle et

  7   je pense que cela ne devrait pas semer confusion par rapport à ces données.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  9   M. CVIJETIC : [interprétation]

 10   Q.  Professeur, je ne sais pas si on voit la deuxième partie du tableau. Je

 11   le vois maintenant. Cela commence encore une fois par Banja Luka.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  1D06-2346. C'est le numéro, et nous voyons quelque chose qui est

 14   inversé, à la première place, on voit la municipalité de résidence

 15   précédente; l'avez-vous retrouvé ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Ensuite on voit la municipalité de résidence actuelle. Pouvez-vous nous

 18   dire ce que ces données veulent dire ?

 19   R.  Du point technique, cela veut dire qu'il s'agit du processus inverse.

 20   Q.  Pouvez-vous expliquer un peu plus dans le détail ce point ?

 21   R.  Cela veut dire que, pour ce qui est de Banja Luka --

 22   M. DI FAZIO : [interprétation] C'est la page 111 dans la version en anglais

 23   pour les Juges, 111.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Merci, Monsieur Di Fazio. Je n'ai pas

 25   mentionné cela, mais pour ce qui est de la page affichée à l'écran, je peux

 26   dire que c'est la bonne page.

 27   Q.  Vous pouvez continuer, Professeur.

 28   R.  Oui, il s'agit du processus inverse. Pour ce qui est des migrations,


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  1   nous appelons cela le contre mouvement, à savoir dans le sens inverse pour

  2   ce qui est du départ des foyers pour certaines raisons qui sont citées ici,

  3   bien que je doive émettre des réserves par rapport à certaines de ces

  4   données. C'est parce que je les ai reprises dans d'autres ouvrages et je ne

  5   sais pas si ces données sont suffisamment explicites dans ces tableaux,

  6   mais je pense que c'est le processus inverse pour ce qui est des migrations

  7   de la population et on peut supposer qu'il s'agissait des membres d'autres

  8   groupes ethniques, puisque leur appartenance ethnique n'est pas indiquée

  9   dans ces tableaux. Donc je suis persuadé que cela se rapporte à ce type de

 10   données.

 11   Q.  Professeur, à la fin de ce tableau - et le Juge Delvoie a remarqué la

 12   même chose pour ce qui est du tableau précédent - nous voyons pas mal de

 13   municipalités qui se trouvent sur le territoire de la République de Croatie

 14   comme étant les municipalités de résidence précédente de ces personnes et

 15   vous les indiquez dans les municipalités de leur arrivée sur le territoire

 16   de la Republika Srpska. Pouvez-vous nous expliquer ce processus ?

 17   R.  Il est connu que les migrations forcées se sont déroulées sur le

 18   territoire de la République de Croatie, aussi même avant, que cela ne se

 19   soit passé sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, puisqu'il y a eu des

 20   conflits armés sur le territoire de la Croatie aussi. La plupart de la

 21   population serbe, qui se trouvait dans la République de Croatie et qui

 22   était en majorité à Slavonska Pozega, ou Podravska Slatina, ou dans

 23   d'autres endroits sur la côte, et qui se trouvaient à la proximité de Lika

 24   en Croatie, ou même sur certains territoires en Slovénie où il y a eu des

 25   conflits avant, les conflits en Croatie, la population qui était

 26   majoritairement serbe a commencé à se déplacer vers la Bosnie-Herzégovine,

 27   vers les zones où se trouvaient les membres de leurs groupes ethniques, où

 28   les zones étaient plus homogènes. Il y a même aujourd'hui des dizaines de


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  1   personnes qui étaient arrivés de la République de Croatie et dont le statut

  2   n'a toujours pas été réglé, même s'il se trouve sous la protection des

  3   conventions de la communauté internationale, donc il y a toujours de telles

  4   personnes qui vivent en Bosnie-Herzégovine. Il y en a des milliers d'après

  5   le recensement de 1996, mais cette population est répartie de façon

  6   différente aujourd'hui pour ce qui est du territoire de la Bosnie-

  7   Herzégovine et pour ce qui est de leur nombre aussi.

  8   Q.  Professeur, y a-t-il des informations, des données ou des estimations

  9   portant sur le nombre de personnes qui, pour ainsi dire, ont transité sur

 10   le territoire de la Bosnie-Herzégovine et ne sont restés que peu de temps

 11   dans certains endroits pour poursuivre leur chemin vers Sandjak, la Serbie

 12   et ailleurs ? Disposez-vous de tel type d'informations ou d'estimations ?

 13   R.  Oui. C'est la raison pour laquelle après la guerre, il y a eu le

 14   recensement des personnes déplacées et des réfugiés, et ceci, à plusieurs

 15   reprises, puisque leur statut ne cessait de changer, ainsi que leur

 16   répartition. J'ai un graphique sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je dois soulever une

 18   objection pour ce qui est de ce -- ces questions qui abordent ce sujet

 19   concernant les personnes qui ont transité sur le territoire de la Bosnie-

 20   Herzégovine. Ce -- il n'y a pas de preuves dans ce rapport qui

 21   présenteraient des données statistiques ou des sources de telles données

 22   statistiques ou de la méthodologie des analyses de certaines données

 23   statistiques concernant le transit des gens sur le territoire de la Bosnie-

 24   Herzégovine. Il n'y a rien là-dessus et ici, on commence à parler de cela

 25   et cela ne fait pas partie de ce rapport. De plus, cela n'est pas pertinent

 26   pour ce qui est de cette affaire, mais le plus important est que cela n'est

 27   pas couvert par le rapport. Il s'agit d'un sujet qui est un sujet tout à

 28   fait différent et nouveau.


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  1   M. CVIJETIC : [interprétation] Je suis d'accord avec M. Di Fazio, mais

  2   cette question, je l'ai posée sur de -- certaines bases, puisque le

  3   témoignage d'un témoin expert représente aussi un moyen de preuve. M. Di

  4   Fazio a anticipé la question que j'ai voulu poser au témoin expert. Donc je

  5   vais la poser maintenant pour appuyer ma thèse.

  6   Q.  Est-ce que le séjour provisoire de ces personnes dans certaines régions

  7   a eu une incidence sur la composition ethnique de la population de cette

  8   région ? Maintenant, le témoin peut répondre à ces questions que j'ai

  9   posées, à ces deux questions que j'ai posées.

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Mais il y a un problème par rapport à cela,

 11   puisque nous avons besoin des données statistiques pour ce qui est de leur

 12   séjour temporaire dans cette zone. Quand cela s'est produit, où, et quelle

 13   est la source des données statistiques qui concernent leur séjour

 14   temporaire dans ces zones ? Est-ce que ces documents sont inclus dans le

 15   rapport ? Je pense que cela n'est pas pertinent et on ne peut pas dire que

 16   parce que le témoin est le témoin expert qu'il soit en mesure de nous

 17   donner ces données statistiques.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, pour ce qui est de

 19   l'objection soulevée par le procureur, la question qui se pose est de

 20   savoir si il y a des moyens de preuve pour ce qui est du sujet abordé dans

 21   ces questions. Comme M. Di Fazio a dit, cela n'est pas couvert par le

 22   rapport. Il n'y a pas de base suffisante pour poser cette question.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] Le témoin expert a commencé à parler des

 24   tableaux et du recensement concernant ces personnes, mais puisque ces

 25   données de sont pas incluses dans son rapport, je vais reformuler ma

 26   question.

 27   Q.  Ces personnes -- est-ce que, par leur présence, ces personnes ont-elles

 28   pu avoir une incidence sur la situation démographique dans les zones où ils


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  1   se trouvaient de façon provisoire ainsi que sur le mouvement de la

  2   population en Bosnie-Herzégovine de façon générale ?

  3   R.  Bien. Je vais -- je ne vais parler que des chiffres qui figurent dans

  4   ce recensement où on peut voir que les mouvements de la population de la

  5   Croatie vers la Bosnie-Herzégovine après -- en majorité, vers les zones

  6   majoritairement peuplées par les Serbes, a eu une influence sur la

  7   composition ethnique de la population de façon provisoire, puisque la

  8   plupart des réfugiés -- des réfugiés et des personnes déplacées se sont

  9   dirigées vers le territoire de la République socialiste de Yougoslavie à

 10   l'époque ou vers les pays tiers, ce qui a été confirmé par le recensement

 11   de 2000. Ce nombre a été réduit. J'ai déjà dit qu'il s'agissait de

 12   plusieurs dizaines de milliers de personnes, de réfugiés du territoire de

 13   la Croatie qui sont arrivés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et

 14   en particulier sur le territoire de la Republika Srpska.

 15   Q.  Avant d'aborder le dernier sujet par lequel je vais finir la déposition

 16   du témoin expert, Professeur, j'aimerais vous poser quelques questions eu

 17   égard au sujet concernant le retour des personnes englobées par ces

 18   catégories. A présent, y a-t-il des ouvrages sérieux qui traitent de ce

 19   sujet, et y a-t-il des informations précises concernant le retour de ces

 20   personnes dans les zones desquelles ils étaient partis ? Pouvez-vous nous

 21   donner une réponse brève pour qu'on en finisse avec ce sujet ?

 22   R.  Pour qu'il n'y ait pas de malentendu et de confusion, je n'ai pas

 23   étudié ces données dans mon rapport. Mais je suis prêt à en parler de façon

 24   précise et de répondre à votre question.

 25   Bien sûr, il y a des institutions au niveau de la Bosnie-Herzégovine

 26   et au niveau des entités qui font partie de la Bosnie-Herzégovine qui, je

 27   dirais, s'occupent des registres concernant ces catégories de personnes.

 28   Puisqu'il est évident que parfois, on ne procède pas au recensement lorsque


Page 20573

  1   cela est nécessaire, et le recensement, la méthode qui est la méthode la

  2   plus exhaustive pour ce qui est de ces problèmes.

  3   Sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine aujourd'hui, nous avons une

  4   situation qui est meilleur par rapport à la période précédente, pour ce qui

  5   est du retour des personnes déplacées, et cela concerne tout le territoire

  6   de la Bosnie-Herzégovine. 525 000 personnes se trouvent toujours à

  7   l'extérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine, c'est la catégorie des

  8   personnes qui sont réfugiées, qui sont protégées par les protocoles de

  9   1967, et par les conventions internationales portant sur la protection des

 10   réfugiés. De plus, il y a quelque 40 000 personnes déplacées à l'intérieur

 11   de la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de ses frontières. Ce qui fait à

 12   peu près un million de personnes. Cela veut dire que même avant, un million

 13   et même plus de personnes sont retournées de l'étranger en Bosnie-

 14   Herzégovine, soit dans les zones où ils vivaient avant, soit ailleurs. Il

 15   s'agit des informations officielles de l'UNHCR, du ministère pour les

 16   Droits de l'homme de Bosnie-Herzégovine, pour ce qui est des ministères

 17   également chargés des Réfugiés et des personnes déplacées des entités, et

 18   ces informations, ces données concernent 2006, parce que c'est la dernière

 19   année qui est indiquée ici. Mais toutes ces données sont en train de

 20   changer, et à présent, la situation est encore plus meilleure. Le nombre de

 21   réfugiés et de personnes déplacées a encore diminué.

 22   Je peux vous fournir ces données pour ce qui est des deux entités, si

 23   cela est nécessaire. Donc c'est un processus qui n'est pas fini. Pour ce

 24   qui est de l'aspect juridique et ces catégories de personnes sur le

 25   territoire de la Republika Srpska, tous les réfugiés, les personnes

 26   déplacées peuvent avoir accès à leurs biens, et tout individu a le droit de

 27   choisir son lieu de résidence.

 28   Voilà mon exemple, c'est le meilleur exemple, donc je suis resté à


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  1   vivre ailleurs et non pas là où se trouvait ma propriété, bien que j'ai

  2   réussi à la récupérer.

  3   Q.  Vous savez quelles sont les municipalités qui sont couvertes par cet

  4   acte d'accusation; est-ce que vous disposez des informations pour Prijedor,

  5   Banja Luka, Sanski Most, pour ces municipalités couvertes par l'acte

  6   d'accusation ?

  7   R.  Je n'arrive pas à retrouver cette page, mais je vais utiliser la carte

  8   pour vous en parler. Prijedor se trouve sur le territoire de la Republika

  9   Srpska, et la population est retournée dans cette municipalité dans une

 10   grande mesure en particulier à Kozarac, où avant la guerre vivaient

 11   majoritairement les Musulmans, c'est un exemple.

 12   Q.  Professeur, pour vous aider, je vais vous dire que vous m'avez donné

 13   cette page, si vous l'avez égarée, votre exemple, je peux demander à

 14   l'huissier de vous la remettre, si cela pourrait vous être utile.

 15   R.  Oui.

 16   M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que je ne l'ai pas vu, je n'ai pas

 17   vu ce papier. Peut-être devrais-je soulever une objection concernant cette

 18   partie du témoignage. Je ne vois pas où est la pertinence de cette

 19   démarche; à savoir de montrer qu'il y a eu des retours dans ces

 20   municipalités. Il y a peut-être eu des gens qui sont retournés à Prijedor

 21   ou à Sanski Most.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, avant de formuler

 23   votre objection, nous aimerions peut-être d'abord voir ce document, ce

 24   papier.

 25   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous.

 26   M. CVIJETIC : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Dites-nous s'il s'agit de ce document, je me suis peut-être trompé. Si

 28   ce n'est pas le cas, pouvez-vous répondre à ma question en s'appuyant


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  1   uniquement sur vos souvenirs ?

  2   R.  Puis-je répondre à votre question ?

  3   M. DI FAZIO : [interprétation] J'ai vu donc ce papier, et je pense que je

  4   vais maintenir mon objection, puisque c'est en B/C/S, je vais faire de mon

  5   mieux pour interpréter cela. Il semble que toutes les municipalités ne

  6   soient pas sur cette liste, et ensuite c'est la période allant de 1991

  7   jusqu'à 2007, donc je ne sais pas si le témoin sera en mesure de nous

  8   fournir les informations pour ce qui est des moments exacts du retour des

  9   personnes. Mais même si c'est le cas, je suppose qu'il s'agit des périodes

 10   ultérieures pour ce qui est de la période d'après la guerre, d'après ce

 11   document, et pourquoi ce document est pertinent, c'est en fait sur quoi

 12   porte mon objection.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Donc ce document, par rapport à ce document,

 14   j'aimerais que le témoin nous dise où ce processus était le plus présent,

 15   pour ce qui est des municipalités couvertes par l'acte d'accusation, vous

 16   n'êtes pas obligé de nous donner des données concernant ce document,

 17   puisque j'ai décidé de ne pas l'utiliser en fait.

 18   Q.  Mais pouvez-vous plutôt nous parler de façon générale de ces

 19   municipalités et du retour des gens dans ces municipalités.

 20   R.  Très bien. Pour ce qui est de ces données, je pense qu'elles sont

 21   pertinentes puisque cela montre les capacités de ces municipalités pour ce

 22   qui est du plan démographique de 1991 jusqu'à la fin de 2007, où on a pu

 23   disposer des informations par rapport à cela. Pour ce qui est de ces

 24   informations et de ces données, je peux dire que le nombre d'habitants

 25   diminue indépendamment du fait que la guerre ait fini, et la population

 26   émigre de ces zones. Ensuite la composition ethnique a changé pour ce qui

 27   est de la population de ces municipalités. L'année 1991 a été indiquée, et

 28   pour ce qui est de 2007, il n'y a pas de données officielles concernant la


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  1   composition ethnique de n'importe quelle commune locale puisqu'il n'y a pas

  2   eu de recensement. Donc tout ce qu'on peut faire ce sont -- on peut faire

  3   des estimations dans ce sens-là. Hier, j'en ai parlé, et il s'agit des

  4   estimations provenant des données des institutions qui s'occupent des

  5   données statistiques de façon officielles.

  6   Pour ce qui est du retour, je peux dire que ce retour est le plus

  7   présent dans les municipalités telles Prijedor, Zvornik, Bijeljina, à Banja

  8   Luka, puisqu'il s'agit des municipalités qui ont le plus d'habitants sur le

  9   territoire de la Republika Srpska, et à peu près 200 000 personnes

 10   retournées sur le territoire de la Republika Srpska depuis la fin de la

 11   guerre jusqu'ici, parce que nous ne pouvons pas déterminer la date du

 12   retour de chaque personne sur le territoire de la Republika Srpska, puisque

 13   c'est un processus. Cela veut dire que c'est 20 % de la population de la

 14   Republika Srpska qui représente des personnes retournées dans la

 15   Fédération. Le processus est plus lent et là-bas, il n'y a que 400 --

 16   jusqu'à 400 des Serbes et 95 % des Croates et des Musulmans et il y en a eu

 17   17,6 % jusqu'au recensement de 1991, dont j'ai parlé hier.

 18   Qu'est-ce que cela nous dit ? Cela nous dit que c'est très complexe,

 19   ce processus, et qu'il y a le processus d'homogénéisation sur le territoire

 20   de la Republika Srpska et de la Bosnie-Herzégovine pour ce qui est des

 21   groupes ethniques et ce processus dure toujours. Ce que ces données nous

 22   montrent, d'ailleurs.

 23   Q.  Professeur, j'ai une dernière question à vous poser avant la deuxième

 24   pause. Nous avons examiné les tableaux pour ce qui est de Banja Luka, de

 25   Bijeljina, pour ce qui est du nombre de foyers et d'individus qui se sont

 26   installés de façon définitive à Banja Luka et à Bijeljina et dans d'autres

 27   villes de la Republika Srpska, d'après le recensement de 1996. Est-ce que,

 28   pour ce qui est de la situation e 1996, on peut dire que cette situation


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  1   est identique à la situation actuelle et quel est le processus de retour à

  2   présent ? Comment ça se passe à présent ? C'est ce qui m'intéresse par

  3   rapport au retour de la population dans ces zones.

  4   R.  Ce n'est pas le même processus, puisqu'il y a eu le changement du

  5   statut des personnes déplacées. A ce moment-là, c'étaient les personnes

  6   déplacées, c'était leur statut. Entre-temps, leur statut a changé,

  7   puisqu'ils se sont installés dans -- sur ce territoire de façon définitive

  8   et Banja Luka, par exemple, a plus d'habitants, ou Bijeljina par rapport à

  9   1992. Pour ce qui est d'autres municipalités, il y a moins d'habitants sur

 10   le territoire de la fédération ainsi que sur le territoire de la Republika

 11   Srpska.

 12   Ce sont les pertes sur le plan démographique, les pertes globales.

 13   Mais beaucoup de ces personnes déplacées ont perdu le statut de personnes

 14   déplacées et c'est comme cela que leur nombre a été diminué. Puisque ces

 15   personnes déplacées se sont installées ailleurs et non pas dans leur lieu

 16   de résidence avant d'être parties.

 17   Q.  A partir de l'année 1996, est-ce que le nombre de personnes qui sont

 18   retournées a augmenté, le nombre total de personnes retournées ? Est-ce que

 19   cela augmente toujours ? Est-ce que le processus qui -- d'homogénéisation

 20   sur le plan ethnique continue ? Est-ce que, par exemple, à Bijeljina il y a

 21   toujours le -- des personnes, des Serbes qui arrivent ? A Banja Luka aussi

 22   ?

 23   R.  Oui. Les donnes statistiques de l'Institut de -- chargé des

 24   statistiques de la Fédération et de la Republika Srpska publient les

 25   informations concernant les migrations internes. Là, on peut voir qu'il y a

 26   des migrations de la population vers certaines zones. Seulement sur le

 27   territoire de la Republika Srpska, c'est un processus positif. Donc, pour

 28   conclure, il y a toujours des migrations internes sur le territoire de la


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  1   Bosnie-Herzégovine sur ce plan de l'homogénéisation ethnique.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore un sujet

  3   à aborder pour ce qui est de ce témoin. Donc je serais en mesure d'en finir

  4   avec ce témoin aujourd'hui. Donc j'aimerais avoir cinq minutes de plus pour

  5   ce qui est de la deuxième pause pour pouvoir en finir avec ce témoin

  6   aujourd'hui.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Nous reprendrons donc à midi 25.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 28.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Professeur Pasalic, nous allons sous peu terminer l'interrogatoire

 14   principal, et je souhaiterais aborder le sujet suivant, donc c'est un sujet

 15   dont nous à la Défense nous vous avons demandé de nous faire part de vos

 16   commentaires, en tant que témoin expert, sur le rapport qui a été rédigé

 17   par l'équipe d'expert à la tête de laquelle se trouve Mme Ewa Tabeau ainsi

 18   que d'autres personnes. Vos commentaires commencent au paragraphe 109 et

 19   j'aimerais vous demander de trouver la page pertinente.

 20   Est-ce que vous l'avez trouvée ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Il n'est pas nécessaire de passer en revue et de nous redire ce que

 23   vous avez déjà mis dans votre rapport, mais dans le cadre de votre rapport

 24   --

 25   M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi. A moins que je ne me trompe, je

 26   crois qu'il s'agit d'une erreur. Mais je pense que le commentaire commence

 27   vers la fin du rapport il ne s'agit pas du paragraphe 109.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est 199.


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  1   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, voilà vous avez raison.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, effectivement. Donc 199.

  3   Q.  Est-ce que vous l'avez trouvé, Professeur ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Donc dans le cadre de mon interrogatoire principal, vous avez donné

  6   certaines critiques lorsque vous avez parlé de votre propre rapport. Alors

  7   qu'ici vous vous êtes tourné, vous avez analysé le rapport de la Défense --

  8   ou plutôt, de l'Accusation -- des experts de l'Accusation, donc je vous

  9   demanderais plutôt que de nous citer, de redire ce que vous avez déjà

 10   écrit. J'aimerais savoir quelle est votre objection quant au travail de Mme

 11   Tabeau d'un point de vue de la méthode donc de la méthodologie et donc je

 12   vous demanderais de nous résumer de façon très succincte vos propos afin

 13   que nous puissions comprendre afin que ça soit plus clair.

 14   M. DI FAZIO : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le

 15   Président, comme il y a trois rapports, j'aimerais savoir de quel rapport

 16   on parle également, et sinon, est-ce que le commentaires s'applique sur le

 17   trois ? Est-ce que le commentaire s'applique sur les trois ? Est-ce que

 18   c'est l'intention du conseil de la Défense ?

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, les trois rapports

 20   font partie du dossier, ont déjà été versé au dossier dans cette affaire,

 21   et dans l'introduction l'expert fait appel aux trois rapports. Ma question

 22   est une question générale. Je voulais savoir quelle est la méthodologie du

 23   travail dépendamment du rapport donc je parle des trois rapports et le

 24   témoin expert est sans doute beaucoup plus à même de nous l'expliquer que

 25   moi. Donc on l'écoute là-dessus.

 26   Q.  Vous avez entendu ce que l'on vous a demandé, Professeur ?

 27   R.  Oui, oui. J'attendais qu'on me donne la parole.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, vous avez la parole.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Alors c'est mon évaluation. C'est une

  2   évaluation critique. Ce sont des commentaires critiques, si vous le voulez

  3   sur les rapports pour les citer au pluriel puisqu'ils s'appellent

  4   [inaudible] de plusieurs affaires donc c'est une critique que j'élève pour

  5   ce qui est du rapport de Mme Tabeau et d'autres collaborateurs fondé sur

  6   certains faits que, s'il m'était permis, je voudrais élaborer tout en

  7   donnant certaines conclusions générales. I est très important de pouvoir

  8   vous expliquer l'erreur à la suite de laquelle dans le rapport, on calcule

  9   certaines données et on trouve -- on parvient à certaines conclusions.

 10   Donc, je préfère vous donner des exemples concrets. Alors, nous allons

 11   commencer, si vous voulez bien, par les conclusions générales.

 12   Voici, alors. L'approche méthodologique s'agissant du rapport de Mme Tabeau

 13   et de ses collaborateurs est fondée principalement sur des méthodes

 14   statistiques et mathématiques. Donc on prend la loi des chiffres, ce qui

 15   n'est pas suffisant pour une recherche aussi complexe. Il s'agit d'une

 16   recherche qui est fondée en grande partie sur le -- quelque -- donc on a --

 17   on parvient aux conclusions à la suite de l'élaboration de certains

 18   calculs. En statistique, l'on dit les nombres disent ce que celui qui

 19   souhaite recevoir -- celui qui s'en sert --

 20   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Les nombres disent ce que la

 21   personne qui les évalue souhaite obtenir d'elle.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'on dit.

 23   Ici, j'estime qu'il y a plusieurs lacunes. Donc il y a une lacune au

 24   point de vue empirique, puisque -- mais d'une certaine façon, plutôt, je le

 25   comprends, puisque les auteurs de ces rapports ne pouvaient pas se trouver

 26   sur le terrain pendant les événements. Pour être tout à fait franc, c'est

 27   l'avantage de mon rapport, puisque j'étais présent sur le territoire alors

 28   que les événements étaient en train de se dérouler. C'est ce que j'ai


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  1   essayé de transmettre dans mon travail par le biais d'une évaluation

  2   scientifique et technique.

  3   Donc, comme il y a une approche méthodologique qui manque -- qui a

  4   des manquements, il est tout à fait clair que ce travail n'est pas fondé

  5   sur des sources pertinentes et sur des sources objectives -- sur des

  6   sources, plutôt, pertinentes, pour des raisons subjectives et objectives.

  7   La seule raison que je ne --

  8   L'INTERPRÈTE : Enfin, la seule donnée, se reprend l'interprète, que je ne

  9   peux pas contester --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] -- c'est le recensement de la population de

 11   1992. Mais je dois ajouter que nous, en Bosnie-Herzégovine, nous n'avons

 12   jamais eu des données élaborées de façon générale de ce recensement et

 13   c'est ce que j'ai déjà dit auparavant. Ce n'est qu'en 1998 que ces données

 14   ont été publiées par l'institut fédéral de statistiques. Mais avant cela,

 15   les chiffres qui étaient publiés, ce ne sont que des chiffres qui avaient

 16   trait à la composition ethnique. Certaines données étaient publiées

 17   également, mais c'était l'Institut de Statistique de la Croatie à Zagreb.

 18   Donc il est très important de dire qu'il s'agit d'éléments élastiques et

 19   ces chiffres très élastiques sont fondés sur des bases de données qui

 20   n'étaient pas bien fondées.

 21   Donc il s'agit de divers tableaux et de divers registres

 22   d'institutions dont l'objectif principal n'était pas d'élaborer des données

 23   statistiques, mais ils recueillaient des informations pour leurs propres

 24   besoins. Donc j'ai insisté sur certaines de ces sources et à quelques

 25   endroits, j'ai également mentionné que les auteurs de ces rapports

 26   n'étaient pas fiables et que ces chiffres étaient fondés sur des

 27   évaluations qui ne reflétaient pas du tout la situation réelle. Voilà les

 28   lacunes principales.


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  1   Je voudrais également ajouter que j'ai trouvé d'autres manquements et

  2   lacunes et il s'agit de la constance de sources concernant certaines

  3   victimes d'appartenance ethnique diverses. Ce qui est très important,

  4   c'était le statut militaire civil. Je n'ai pas remarqué, dans ces rapports,

  5   que l'on est -- que l'on soit parti de la population civile d'avant la

  6   guerre et on a pas procédé à la classification de cette population civile

  7   en civil et en soldat, alors que l'on fait état du nombre de civils et de

  8   militaires. Donc il est très difficile d'accepter ces données et de les

  9   suivre comme des données pertinentes si vous n'avez pas les données

 10   générales.

 11   Je dis cela parce qu'il y a eu parce qu'il y eu beaucoup de

 12   manipulations concernant le statut de soldat ou pas. Puisque certaines

 13   personnes avaient certains avantages si l'on disait que l'ont été militaire

 14   ou que, dans certaines familles, s'il y avait des victimes, l'on disait que

 15   la victime était un soldat alors que ce n'était pas le cas. Donc ce qu'il

 16   aurait fallu -- il aurait fallu tenir compte des officiers qui étaient

 17   vraiment sur le front, des personnes qui étaient de permission ou des

 18   blessés qui se trouvaient dans les hôpitaux à la suite de blessures. Toutes

 19   les autres personnes sont des civils d'après les normes internationales.

 20   C'est la classification qui me manque, puisque à ce moment-là, j'aurais pu

 21   évaluer plus précisément la fiabilité et la véracité de ces données.

 22   De plus, dans le rapport, nous pouvons voir qu'il y a certaines

 23   données qui sont complètes et d'autres données moins complètes. Lorsque

 24   l'on retrouve -- là, où l'on retrouve les données complètes, on peut

 25   retrouver des résultats beaucoup plus fiables. Comme je l'ai déjà

 26   mentionné, la fiabilité des sources dont on s'est servi pour élaborer ces

 27   rapports n'est pas sure, puisque lorsque l'on se penche sur des registres

 28   de l'armée ou d'une municipalité ou d'une institution civile dont


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  1   l'objectif principal n'était pas du tout d'élaborer des données

  2   statistiques, il ne s'agit que réellement de registres à titre

  3   d'information qui n'ont pas vraiment de valeur statistique. Et il est très

  4   facile de manipuler des chiffres et des données statistiques --

  5   L'INTERPRÈTE : Pas des chiffres, point, se reprend l'interprète.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-ci, je n'ai pas remarqué que l'on

  7   se servait de documents standardisés afin de pouvoir prouver de quelle

  8   façon grâce à ces documents standards sur le nombre de victimes, par

  9   exemple, ou sur le nombre de personnes déplacées ou réfugiées et j'en ai

 10   déjà parlé de tout façon, donc ces données-là me manquent.

 11   Je ne les ai pas dans leurs documents. Je ne les ai pas retrouvées

 12   dans les -- leur rapport, et ceci peut mener les personnes à conclure

 13   faussement, donc les conclusions peuvent très souvent être erronées. Il

 14   était donc très important pour moi lorsque j'ai élaboré mon rapport de me

 15   servir de données standardisées pour chacune des personnes dont j'ai fait

 16   état.

 17   De plus, même si les auteurs se sont servis de sources diverses, mais dans

 18   la plupart des cas non fiables, il était possible d'employer ou d'utiliser

 19   d'autres documents pour l'élaboration d'un rapport de cette envergure,

 20   d'autant plus qu'on a élaboré -- enfin, commencé l'élaboration de ce

 21   rapport cinq ans après la fin de la guerre. Puisque, si je ne m'abuse, Mme

 22   Tabeau s'est penchée sur ces questions -- c'était déjà penché sur ces

 23   questions, à ce moment-là, et d'autres sources étaient déjà disponibles, à

 24   ce moment-là, lorsqu'elle a procédé à l'élaboration de son rapport.

 25   Maintenant, pourquoi je vous en parle ? Je vais vous citer Mme Tabeau et je

 26   l'ai déjà fait dans mon rapport, parce qu'elle donne des opinions

 27   personnelles qui sont basées sur ses recherches de l'Institut de Sarajevo,

 28   l'Institut de Statistiques de Sarajevo, et je vais dire ce qu'elle a dit.


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  1   Elle a dit que :

  2   "Le travail ne devait pas être fait sur la base de un petit nombre de

  3   données, que les données doivent être diverses et variées pour, justement,

  4   éviter le biais en matière de statistiques et pour éviter de créer une

  5   image, historiquement erronée ou fausse."

  6   On peut également ajouter encore ceci lorsqu'il s'agit de ces données. Je

  7   me demande à quel point a-t-on réellement évité des doublons dans les

  8   registres, puisqu'il y a eu de telles manipulations, à savoir qu'un

  9   personne pouvait être enregistrée dans certains enregistres, comme soldat

 10   et comme civil, pour certaines raisons, par exemple, pour obtenir certains

 11   avantages. Donc il me semble, d'après moi, qu'il s'agit d'éléments beaucoup

 12   moins pertinents alors que l'on s'est servi de ce type de données dans

 13   l'élaboration de ces ouvrages-là.

 14   On s'est également servi de sources de données, telles la banque

 15   données de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les personnes décédées -

 16   - sur les décès en Bosnie-Herzégovine alors que les décès n'étaient pas

 17   encore compilés à l'époque alors qu'on parle ici de l'année 1992 à 1995. Je

 18   vais vous expliquer pourquoi je dis ceci. Lorsque vous prenez

 19   statistiquement parlant le groupe d'âge en Bosnie-Herzégovine pour cette

 20   période dans la banque de données, vous n'avez pas ce type de données.

 21   Puisqu'il y a des tirets on n'en parle pas s'agissant des victimes

 22   directes, indirectes de la guerre. La banque de données n'a commencé à être

 23   compilée ou faite qu'en 1996, et nous nous sommes servis de ces données

 24   qu'à partir de cette année-là pour l'élaboration de nos rapports

 25   scientifiques.

 26   On s'est également servi de la liste du CICR des personnes portées

 27   disparues. Je pense que c'est la question qui est encore la moins élucidée

 28   en Bosnie-Herzégovine pour l'instant puisqu'il y a encore un très grand


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  1   nombre de personnes qui sont portées disparues et pour lesquelles on ne

  2   connaît pas encore tout à fait le sort. Nous n'avons pas encore des données

  3   et des statistiques sur les personnes exhumées et identifiées; même s'il y

  4   a un institut existe et qui s'occupe de ces questions donc ces questions ne

  5   sont pas encore tout à fait résolues et réglées.

  6   Il y a également des listes dont on s'est servi et qui avaient été

  7   préparées ou rédigées par d'autres organisations, les groupes non

  8   gouvernementaux, par exemple, qui n'avaient pas de donnée fiable. Donc

  9   lorsqu'on a essayé de trouver des réponses aux questions spécifiques, il

 10   nous faut offrir des données concrètes, et je crois qu'ici c'est une

 11   lacune.

 12   Mais lorsqu'il y a des questions de la guerre - et c'est quelque

 13   chose que je veux -- sur quoi je veux vraiment insister - il n'y a pas

 14   encore de source en Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas encore d'institution

 15   qui ait pu trouver un chiffre final et qui ait pu arriver à un nombre

 16   final. Je crois que c'est quelque chose qu'il sera assez difficile de

 17   trouver. Mais objectivement parlant la recherche qu'a faite Mme Tabeau avec

 18   ses collaborateurs et la recherche faite par le centre de Documentation de

 19   Sarajevo, c'est eux qui se sont occupés de cette problématique de la façon

 20   la plus adéquate. Comme vous le savez, le nombre de personnes -- de

 21   victimes, en fait, en Bosnie-Herzégovine, d'après le rapport de Mme Tabeau

 22   - et c'est quelque chose qui a été également élaboré dans le livre :

 23   "Nombres de victimes pendant la guerre" - on arrive au chiffre de 104 732

 24   et par la suite, nous obtenons le chiffre de 98 000 pour ce qui est des

 25   enfants. Je ne sais pas quel est le nombre total. Je sais que c'est à peu

 26   près ceci mais pas moins, et ces données ont donné un chiffre exagéré de

 27   200 à 300 000 personnes décédées en Bosnie-Herzégovine.

 28   Mais il y a un très grand nombre de preuves concrètes selon


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  1   lesquelles la structure des victimes appartenant à différents groupes

  2   ethniques n'est pas suffisamment bien fait, et je l'ai montré de façon

  3   concrète dans mes rapports sur le sens d'information et de documentation.

  4   Je pense qu'il est tout à fait possible de le prouver également dans ce

  5   rapport-ci pour conclure.

  6   Donc chaque rapport élaboré sur ce sujet, pour autant que l'on s'est

  7   servi d'une méthode scientifique et de la validation des données est très

  8   utile. Mais nous ne sommes pas arrivés à des données finales concrètes, et

  9   je peux le dire pour mes travaux, pour mes rapports, même si je n'ai pas

 10   essayé d'établir le nombre total de victimes puisque je n'avais pas la

 11   possibilité d'arriver à ces chiffres. J'ai pu néanmoins me forger une idée

 12   démographique, je me suis fait un mosaïque des victimes en Bosnie-

 13   Herzégovine -- sur le territoire de Bosnie-Herzégovine pour ce qui est de

 14   la période de 1992 à 1995, et cette mosaïque peut être complémentaire à ces

 15   rapports peut-être être complément à ces rapports. Peut-être qu'avec le

 16   temps, nous arriverons à obtenir un rapport ou des chiffres qui sont

 17   beaucoup plus objectifs et plus réalistes pour ce qui est de l'ensemble du

 18   territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 19   Je souhaiterais terminer ainsi, mais je voudrais vous demander de me

 20   permettre de vous donner des exemples concrets pour vous expliquer de

 21   quelle façon et pourquoi je dis que l'on n'a pas toujours très bien calculé

 22   certaines données.

 23   Q.  Professeur, je vais vous donner immédiatement cette possibilité, vous

 24   pouvez choisir un ou deux exemples mais peut-être pas plus --

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, si vous

 26   me permettez une question en guise de précision.

 27   Professeur, vous nous avez dit que le nombre total -- et c'est ce que l'on

 28   lit au transcrit :


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  1   "Le nombre total des victimes en Bosnie-Herzégovine qui a été publié dans

  2   l'ouvrage 'La guerre en chiffres,' est du nombre de 104 732."

  3   Par la suite, le compte rendu d'audience dit :

  4   "Et ensuite nous avons également le chiffre de 98 000 pour ce qui est des

  5   enfants."

  6   Est-ce que c'est exact ? C'est bien ce que vous avez dit ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Non. Je ne sais pas comment on m'a

  8   interprété, lorsqu'il s'agit de recherche, recherche de documentation et

  9   d'information à la tête de laquelle se trouve Mirsad Tokaca. Ce sont leurs

 10   résultats. C'est des chiffres qu'ils ont obtenus.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque le témoin a

 12   dit, "IDC," dans notre langue à nous, IDC ressemble au mot "IDC" ce qui

 13   veut dire et "les enfants," mais il ne s'agit pas d'enfants, il s'agit du

 14   centre du "IDC," donc de l'acronyme IDC, qui est le centre de Recherche de

 15   Documentation.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce chiffre de 98 000, ce n'est

 17   pas le nombre total d'enfants mais c'est bien les chiffres émanant de

 18   l'Institut IDC. Très bien. J'ai compris.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Si je vous ai bien compris, Monsieur.

 20   Voilà, j'aimerais vous demander une précision. S'agissant des rapports pour

 21   lesquels vous nous avez fait vos commentaires, vous nous avez dit que vous

 22   aviez l'avantage de pouvoir vous rendre sur le terrain et les auteurs des

 23   rapports précédents n'avaient pas cet avantage d'être présents sur le

 24   terrain. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi est-ce un avantage d'être

 25   présent sur le terrain ? Dites-moi : est-ce que l'on ne pourrait pas arguer

 26   le contraire et dire, par exemple, que vos propres observations sur le

 27   terrain auraient pu d'une certaine façon vous embrouiller quant à

 28   l'objectivité des données avec lesquelles que vous aviez à votre


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  1   disposition ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que mon travail était

  3   meilleur. On m'a peut-être mal compris. Mais j'ai dit qu'il était essentiel

  4   de faire un travail complémentaire. Donc mon travail est un travail

  5   complémentaire, si vous voulez, puisque c'est à la lecture de plusieurs

  6   différents types de rapports. Nous pouvons obtenir une image plus

  7   objective, mais je n'ai pas voulu du tout amoindrir l'importance des

  8   rapports qui ont été faits, puisqu'il s'agit de rapports assez vastes. Mais

  9   je dis quand même qu'il y avait certaines lacunes.

 10   Puisque si l'on prend un très grand nombre d'ouvrages ou de rapports

 11   de ce type, lorsqu'on travaille, lorsqu'on prend tous ces rapports qui sont

 12   aussi volumineux, on peut obtenir une image différente de ce qui s'est

 13   réellement passé, puisque je n'avais pas la possibilité de disposer d'aussi

 14   grand nombre de -- je ne peux pas faire appel à la logistique, puisque les

 15   auteurs de ces rapports avaient également plusieurs institutions qui les

 16   appuyaient, mais je pense et que je peux le prouver avec des faits, je

 17   crois pouvoir être en mesure de contredire certaines données et certaines

 18   conclusions auxquelles sont parvenues les auteurs de ces autres rapports.

 19   Et je souhaiterais le faire puisque je pourrais vous donner quelques

 20   exemples, et vous allez voir de quoi je parle, avec votre permission.

 21   M. CVIJETIC : [interprétation]

 22   Q.  Professeur, avant que vous ne nous citiez certains exemples, il serait

 23   peut-être mieux de nous donner peut-être quelques exemples d'ailleurs, et

 24   puis je vous poserai deux questions en guise de conclusion qui découlent

 25   d'ailleurs des questions posées par le Président de la Chambre, mais je

 26   vous les poserai à la fin. Alors si vous souhaitez maintenant nous donner

 27   quelques exemples, faites-le, je vous prie, et je vais pouvoir terminer mon

 28   interrogatoire après vos exemples. Bien sûr, on donnera des exemples très


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  1   concrets suite à la question posée par le Président de la Chambre.

  2   R.  Je vais commencer par le paragraphe 232, où je fais une objection

  3   plutôt quant à l'évaluation de faite quant au nombre ou aux données

  4   relatives à la population en 1991, pour les personnes qui sont plus

  5   vieilles que celles qui sont nées en 1980. Pour ce qui est de Mme Tabeau,

  6   dans le rapport de Mme Tabeau, elle dit que les données pour les personnes

  7   qui sont nées avant 1980, ceci a été élaboré, on est parvenu à ces

  8   conclusions à la suite de données mathématiques. Et moi, je suis arrivé

  9   pour vous illustrer ceci, pour la municipalité de Bijeljina, je suis arrivé

 10   à un autre chiffre de 233. Mme Tabeau dit que Bijeljina, en 1981, pour les

 11   personnes qui sont nées avant 1980, d'après son évaluation, comptait 81 650

 12   habitants. C'est le rapport de Mme Tabeau. Donc pour la population au total

 13   de toute ethnicité en 1991 née avant 1980 est de 81 650, ce sont les

 14   données qu'elle nous donne.

 15   Alors je dois vous rappeler que d'après le recensement de 1991, pour

 16   Bijeljina, la population au total comptait 96 988, c'est ce que j'ai vu au

 17   paragraphe 230. Alors où est l'erreur ? D'après les données de Mme Tabeau,

 18   on pourrait conclure que sur la municipalité de Bijeljina, on pourrait

 19   compter 84,18 % de la population au total était des personnes qui étaient

 20   nées avant 1980. Donc il s'agirait de personnes qui, à l'époque, seraient

 21   en âge de voter. Donc moi, je vous dis qu'il s'agit d'une donnée erronée.

 22   Puisque un tel index de la population, l'index de vieillesse dont on

 23   parle ici, et l'index de vieillesse veut dire qu'il y a une différence

 24   entre -- on fait une différence entre les personnes qui sont nées après

 25   1980 jusqu'à l'âge majeur. Donc il y a un écart entre les deux. Je voudrais

 26   vous renvoyer, pour expliquer ceci, au paragraphe 253. Ici, sur la base du

 27   recensement de 1991, je vous ai parlé de la structure d'après les tranches

 28   d'âge de la municipalité de Bijeljina; donc d'après les tranches d'âge.


Page 20590

  1   Nous pouvons voir que le pourcentage entre la population jeune et la

  2   population plus âgée est beaucoup plus importante que les 16 % que

  3   mentionne Mme Tabeau dans son rapport. Ce rapport donc vaut pour toutes les

  4   municipalités, y compris pour Bijeljina, et de 23 à 30 %. Il est tout à

  5   fait impossible qu'en sept ou huit ans la population de Bijeljina ait pu

  6   vieillir aussi rapidement, entre guillemets, et que nous arrivions à un

  7   chiffre exagéré de personnes majeures, c'est-à-dire des personnes qui sont

  8   nées avant 1980. Et c'est ce que j'ai essayé de démontrer ici dans certains

  9   paragraphes. J'ai démontré que dans certains paragraphes, et les mêmes

 10   conclusions peuvent être -- c'est-à-dire on peut parvenir aux mêmes

 11   conclusions pour d'autres municipalités.

 12   Il y a un point qui est très important, c'est que s'agissant de la

 13   population jeune, donc plus jeune que -- enfin mineure c'était la

 14   population musulmane. Ils avaient un taux de natalité beaucoup plus élevé

 15   que la population serbe ou croate - d'ailleurs je l'ai dit pour ce qui est

 16   de l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine – j'ai parlé de 14 % pour ce qui est

 17   des Croates; 14 % pour les Musulmans; 8 % pour les Croates et 7 % pour les

 18   Serbes. Cela nous permet de dégager une conclusion absolument inéquivoque

 19   [phon], à savoir la population musulmane est beaucoup plus représentée

 20   parmi les couches de la population plus jeune par rapport à ceux qui sont

 21   nés avant 1980. Donc lorsque nous avons ce nombre de personnes nées à

 22   Bijeljina avant l'année 1980, c'est un chiffre qui est absolument exagéré,

 23   et cela nous permet d'apporter une lumière différente au rapport de Mme

 24   Tabeau.

 25   Voilà le premier exemple que je voulais vous fournir, premier exemple

 26   donc où nous trouvons des calculs erronés.

 27   Q.  Fort bien. Vous avez mentionné d'autres éléments dans votre document,

 28   et j'aimerais maintenant revenir sur les questions ou le contexte des


Page 20591

  1   questions posées par le Juge Hall, et je voudrais justement que votre

  2   rapport soit pris en considération au vu de ce contexte. Voilà ce que

  3   j'aimerais savoir : vous avez en fait choisi tout seul de présenter le

  4   point de vue de votre rapport. Mais si vous deviez étudier votre document,

  5   avec un regard critique, comment est-ce que vous l'évalueriez, comment est-

  6   ce que vous l'analyseriez ? Et je pense à la pertinence du document pour la

  7   Chambre de première instance par opposition ou en comparaison avec le

  8   document de Mme Tabeau.

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] C'est une question, Monsieur le Président,

 10   qu'il convient de vous poser, et non pas au témoin, ni à Me Cvijetic, ni à

 11   moi-même.

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui. Mais moi, j'aimerais en fait vous poser

 13   une question.

 14   Q.  J'aimerais savoir si votre document permet de nier ou de réfuter les

 15   thèses de Mme Ewa Tabeau ou est-ce qu'il y a une autre conclusion ?

 16   R.  J'ai essayé d'être clair tout en gardant mon objectivité, car tous les

 17   documents ont leur utilité. Toutefois, même le document le plus parfait

 18   doit faire l'objet d'une analyse critique. Ça, c'est une règle du domaine

 19   scientifique. Et c'est ainsi que les choses se passent. Tous les documents

 20   sont certes utiles, mais aucun ne peut être considéré comme absolument

 21   définitif pour permettre de prendre en considération l'évolution de

 22   certains développements. Donc pour être honnête, c'est ainsi que je

 23   considère mon document, il n'a pas apporté de réponses à de nombreuses

 24   questions, mais dans une certaine mesure, il répond de façon un peu plus

 25   exhaustive à certaines questions, beaucoup mieux que d'autres documents ne

 26   l'ont fait. Mon avantage vient du fait que moi j'ai participé directement à

 27   tous ces événements, que je connais le terrain ou la zone beaucoup mieux

 28   donc et que, par conséquent, il m'a été beaucoup plus facile d'obtenir


Page 20592

  1   certains résultats pertinents, bien que je comprenne les thèses développées

  2   par Mme Tabeau. Mais je le répète, il ne s'agit que de statistiques et de

  3   mathématiques.

  4   Car avec le recul qu'elle avait, vous ne pouvez pas seulement par la

  5   méthode mathématique connaître l'évolution d'une situation ou les réalités

  6   d'une zone, même si, bien entendu, l'évolution de ladite situation suit une

  7   certaine logique. Les statisticiens et les mathématiciens ne peuvent pas

  8   seulement prendre en considération le problème vu sous l'optique de la

  9   statistique et des mathématiques. Je vous ai montré un exemple qui parlait

 10   de la population née avant 1980. Alors, pour chaque territoire local, pour

 11   chaque région, il y a des caractéristiques qui sont bien uniques à cette

 12   région par opposition à la moyenne pour ce qu'on appelle la Bosnie-

 13   Herzégovine.

 14   En fait, ce que je vous dirais, c'est ce que disent toujours les

 15   statisticiens en guise de boutade, à savoir les statistiques, c'est l'art

 16   de la tromperie, en quelque sorte, à savoir lorsque vous avez des moyennes,

 17   il faut que ces moyennes soient bien fondées, parce que j'ai essayé de vous

 18   montrer que vous avez, pour une partie du territoire, vous pouvez utiliser,

 19   en fait, le plus petit dénominateur commun et le généraliser, et il faut

 20   savoir quelles sont les caractéristiques qui vous permettent de dégager le

 21   point de vue le plus objectif, et, bien entendu, encore faut-il, en plus,

 22   que l'on utilise des méthodes scientifiques avérées et connues.

 23   Q.  Professeur, alors est-ce que vous pouvez admettre que Mme Tabeau a

 24   objectivement eu des problèmes et qu'elle n'a pas été à même d'obtenir de

 25   meilleurs résultats, de toute façon ? Est-ce que vous auriez eu les mêmes

 26   problèmes si vous aviez retenu la même méthode qu'elle ?

 27   R.  Oui, absolument, absolument. Je n'ai jamais parlé de la subjectivité de

 28   Mme Tabeau, bien au contraire, j'ai dit qu'il y avait des problèmes


Page 20593

  1   objectifs ainsi qu'un manque de connaissance de la zone et également ou

  2   alors, également le fait qu'il ne lui a pas été possible de collecter des

  3   données pertinentes qui lui auraient permis d'obtenir des résultats

  4   auxquels elle aspirait parvenir. En fait, j'ai commencé à étudier son

  5   ouvrage qui fait état de la guerre et des chiffres et qui traite du

  6   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Mais personne ne l'a analysé. Bon, de

  7   toute façon, si vous commencez par les unités territoriales les plus

  8   petites, cela peut être réfuté. Mais je dirais en guise de conclusion que

  9   cela ne signifie pas que je dénigre ou que je réfute le travail qu'elle a

 10   effectué ou que je pense qu'il est tout simplement non pertinent. Ce que je

 11   dis, c'est qu'en fait, il faudrait compléter ce travail pour avoir une

 12   vision beaucoup plus exhaustive du territoire et des événements historiques

 13   qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine. Ils doivent être placés dans un

 14   contexte historique et les conclusions doivent se fonder à partir de faits.

 15   Comme je l'ai déjà indiqué, il n'y a pas de compromis dans le monde

 16   politique. Mais en science, il faut savoir que nous aspirons toujours à

 17   trouver la vérité scientifique quelle que soit l'appartenance ethnique du

 18   groupe. Moi, je pense que j'ai apporté une contribution assez importante

 19   pour permettre une étude beaucoup plus exhaustive du territoire de la

 20   Bosnie-Herzégovine qu'il faudra compiler avec d'autres travaux. Il y a des

 21   données supplémentaires que je fournis dans le cadre de mon étude.

 22   Malheureusement, il y a si peu d'ouvrage qui a été fait, que cela nous

 23   impose l'obligation d'essayer d'obtenir des données beaucoup plus

 24   objectives, de fournir une impression beaucoup plus objective avec des

 25   faits exacts. Et quand nous serons à même de -- je ne sais pas, je ne peux

 26   pas vous dire quand nous serons à même de le faire.

 27   Q.  A plusieurs reprises, vous avez dit que vous vouliez faire une étude

 28   complémentaire. Est-ce que cela signifie, au vu de la dernière réponse que


Page 20594

  1   vous venez de faire, que vous considérez votre étude comme complétant

  2   l'étude de Mme Tabeau et que donc, il aurait fallu que les deux études

  3   soient prises en considération conjointement et qu'elles auraient eu

  4   beaucoup de valeur que chaque étude prise individuellement ?

  5   R.  Alors, pour ce processus et cette recherche, je répondrais par

  6   l'affirmative. J'aimerais et je souhaiterais que mon rapport soit

  7   complémentaire aux autres études. De toute façon, même si l'on fait

  8   abstraction du contexte, je continue à croire que mon étude est

  9   complémentaire et complète d'autres études. Je ne suis pas en train

 10   d'avancer que je suis le seul à même de répondre à toutes les questions

 11   dans ce domaine d'études. Mais après plusieurs années de recherches, je

 12   pense présenter maintenant un résultat de recherches, un résultat d'études

 13   qui a son utilité, qui aura son utilité pour toute une série de travail et

 14   qui se fonde sur une recherche scientifique. Donc il y a d'autres

 15   recherches qui ont été effectuées qui ne se fondaient pas sur des principes

 16   scientifiques et qui n'ont pas de pertinence pour un projet tel que celui-

 17   ci qui est si important.

 18   Q.  Professeur, je vous remercie, et j'aimerais vous poser une dernière

 19   question. Vous avez terminé votre rapport par un chapitre intitulé :

 20   "Conclusions générales des déplacements de la population pour la Bosnie-

 21   Herzégovine pour la période de 1992 à 1995". Il n'y a pas de paragraphe, en

 22   fait. Je me contenterais de vous dire qu'il s'agit de la page 1D06-2219.

 23   Il s'agit de la page 71. Vous avez ces pages, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors, je ne vais pas vous demander de nous en donner lecture, mais

 26   pour terminer votre témoignage ou, en tout cas, l'interrogatoire principal,

 27   si je vous demande de présenter une conclusion générale que la Chambre

 28   pourrait dégager de votre rapport, qu'elle est fondamentalement la


Page 20595

  1   quintessence de ce que vous avancez dans votre rapport ?

  2   R.  La quintessence de ce que j'avance, et j'espère d'ailleurs à ce sujet

  3   que les éléments de preuve présentés dans mon rapport, notamment pour ce

  4   qui est de la période allant de 1992 à 1995, est l'homogénéisation

  5   territoriale ethnique et une simplification de la mosaïque, de la trame

  6   ethnique dans certaines zones en Bosnie-Herzégovine. Ça, c'est une

  7   conclusion.

  8   Il y a autre chose sur laquelle j'attire l'attention des lecteurs

  9   dans la conclusion de mon rapport, et c'est ce qui suit. Il n'y a aucun

 10   rapport qui ne peut se concentrer que sur une année de la guerre en Bosnie-

 11   Herzégovine. Parce que si c'est ce que vous faites, il est absolument

 12   évident que vous présenteriez une vision tout à fait déformée de la

 13   réalité. Alors, moi, j'insiste notamment sur l'année 1992 parce qu'elle

 14   présente une image tout à fait déformée de la situation qui prévalait

 15   pendant la guerre, parce que la guerre est un processus, ce n'est pas un

 16   phénomène ponctuel, donc c'est pour cela qu'il faut prendre en

 17   considération toute la période. C'est pour cela que mon rapport se

 18   concentre sur toute la période allant de 1992 à 1995.

 19   Je voudrais indiquer que tous les événements qui se sont déroulés

 20   entre 1992 et 1995 ont provoqué de profondes mutations démographiques en

 21   Bosnie-Herzégovine, tout comme dans le cas de tout autre guerre,

 22   d'ailleurs. Je pense que non seulement au nombre total de la population, je

 23   pense à la pyramide d'âge, je pense aux genres, je pense à l'appartenance

 24   ethnique, je pense aux capacités minimisées, ce par quoi j'entends la

 25   fécondité, d'ailleurs, ainsi que la redistribution de la population et

 26   redistribution et ses caractéristiques, en quelque sorte, eugéniques ou

 27   qualitatives. Bon, ce n'est pas l'objet de mon rapport, parce que cela ne

 28   faisait pas partie de mon travail. Mais je peux tout simplement vous dire


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  1   quelles ont été les pertes démographiques en Bosnie-Herzégovine pendant la

  2   guerre et après la guerre, et cela, je peux le faire en utilisant des

  3   informations émanant d'autres institutions ainsi que des informations que

  4   j'ai compilées pendant ma propre recherche.

  5   Car si nous pouvons indiquer que le nombre de victimes s'élevait à 104 732,

  6   d'après l'information qui nous est fournie par Mme Ewa Tabeau de façon plus

  7   détaillée, alors vous vous rendez compte que les pertes les plus

  8   importantes ont été provoquées par les migrations, par cette émigration de

  9   la population, et cela parce qu'il y a 5 000 personnes qui sont parties de

 10   la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre. Il faut savoir que la fécondité a

 11   chuté du fait de la guerre et que de ce fait la Bosnie-Herzégovine a perdu

 12   plusieurs dizaines de milliers de personnes. Lorsque je parle de perte

 13   démographique pour que tout soit bien clair ma prémisse de départ c'est ce

 14   qui se serait passé s'il n'y avait pas eu de guerre il y aurait eu 800 000

 15   habitants de plus en Bosnie-Herzégovine s'il n'y avait pas eu la guerre, si

 16   personne n'avait été tuée, si personne n'avait émigré, si le taux de

 17   natalité n'avait pas été diminué à cause de la guerre.

 18   Alors, bien entendu, il y a d'autres paramètres qui ont contribué à

 19   cela qui sont manifestes en Europe et ailleurs dans le monde. Je pense, par

 20   exemple, au vieillissement assez prononcé de la population, et au taux de

 21   fécondité réduit de la population. Mais ce sont autant de problèmes qui ont

 22   en fait aggravés en quelque sorte l'évolution démographique de la Bosnie-

 23   Herzégovine et de l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine de nous jours.

 24   Q.  Je vous remercie, Monsieur le Professeur.

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] J'en ai terminé avec l'interrogatoire

 26   principal du Pr Pasalic.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Krgovic, vous confirmez ce que

 28   vous nous aviez déjà dit, à savoir que vous n'aviez aucune question à poser


Page 20597

  1   à ce témoin.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] C'est tout à fait exact, Monsieur le

  3   Président. Nous n'avons pas de questions à poser à ce témoin.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Monsieur Di Fazio, vous êtes prêt

  5   à commencer votre contre-interrogatoire ?

  6   M. DI FAZIO : [interprétation] Ecoutez, il est exactement 13 heures 15;

  7   est-ce que vous m'autorisez à commencer mon contre-interrogatoire en

  8   abordant un sujet que je qualifierais de discret ? Je le dis parce que

  9   j'avais préparé mon contre-interrogatoire sur la base des rapports et je

 10   l'ai un peu modifié à la suite de la déposition d'hier. Mais les éléments

 11   ou la déposition que j'ai entendue aujourd'hui pourrait peut-être avoir

 12   comme effet de réduire la durée de mon contre-interrogatoire, et j'espère

 13   et m'évertuer de le terminer demain. C'est, en tout cas, mon objectif.

 14   Mais il va falloir que je restructure un peu mon plan de contre-

 15   interrogatoire, et j'aimerais pouvoir avoir la possibilité de le faire.

 16   Ceci étant dit, comme je l'ai déjà dit, j'ai un sujet que je pourrais

 17   aborder maintenant qui est comme je l'appelle un sujet très discret. Donc

 18   voilà.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie, faites donc.

 20   M. DI FAZIO : [aucune interprétation] 

 21   Contre-interrogatoire par M. Di Fazio : 

 22   Q.  [interprétation] Monsieur Pasalic, je voulais juste vous poser quelques

 23   questions à propos de vos études passées, car je pense que vous avez

 24   terminé l'école normale, à savoir un cours destiné aux enseignants pour

 25   devenir enseignant à Travnik en 1970. Puis vous êtes allé suivre les cours

 26   de l'Académie de pédagogie qui est un mot en anglais qui me pose des

 27   problèmes lorsque je l'épelle, mais le fait est que vous avez suivi ce

 28   cours de pédagogie en 1973 à Slavonski Brod; est-ce bien exact ?


Page 20598

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Donc il s'agit d'un collège ou d'une université ou d'un centre où l'on

  3   enseigne aux enseignants comment enseigner; c'est cela l'équivalent de

  4   l'école normale pour les enseignants ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Bien. Puis ensuite vous êtes allé à Novi Sad suivre les cours de la

  7   faculté de Mathématiques et là vous avez obtenu votre licence en

  8   géographie; est-ce bien exact ?

  9   R.  Oui. Oui, oui. C'est la faculté des Sciences naturelles et des

 10   Mathématiques, ce n'est pas seulement la faculté des Mathématiques. En

 11   fait, elle a un département séparé pour la géographie et la géographie

 12   c'est une science de l'espace, et une fois que vous obtenez votre licence,

 13   vous avez une licence géographique.

 14   Q.  Bien. La géographie -- enfin, ça c'était en 1979 donc vous avez obtenu

 15   votre premier diplôme universitaire en quelque sorte; est-ce bien exact ?

 16   R.  Oui. Oui, oui. Il y avait un autre diplôme que j'avais obtenu de

 17   l'Académie de pédagogie. Il s'agissait en fait d'une institution supérieure

 18   de l'enseignement. L'Académie pédagogique c'est une autre institution

 19   d'enseignement supérieur où vous obtenez un diplôme.

 20   Q.  Bien. Vous avez commencé votre travail dans le troisième cycle donc

 21   après votre licence en 1979, et vous avez commencé par obtenir une maîtrise

 22   à Belgrade, et vous avez soutenu la thèse de votre maîtrise, et je suppose

 23   que vous l'avez obtenu cette thèse de maîtrise en 1983, en avril 1983 pour

 24   être plus précis, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, oui. A la faculté des Sciences naturelles et des Mathématiques,

 26   effectivement.

 27   Q.  Mais quel était le titre de votre thèse de maîtrise ?

 28   R.  "Les caractéristiques géographiques du territoire de la municipalité de


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  1   Zavidovici et son environnement." Le but ou l'objectif étant d'étudier la

  2   population et la protection de l'environnement.

  3   Q.  Donc le titre était : "Les caractéristiques géographiques du territoire

  4   de Zavidovici et de son environnement;" c'est cela ?

  5   R.  Oui. Mais je pourrais peut-être vous expliquer la teneur de ma maîtrise

  6   --

  7   Q.  Non, non, non, non. Je ne vais pas vous demander cela; je voulais juste

  8   en connaître le titre.

  9   Mais dans votre curriculum vitae, vous dites avoir obtenu une maîtrise en

 10   géographie et en démographie, à la page 71 de votre curriculum vitae; vous

 11   vous souvenez avoir déclaré cela ?

 12   R.  Une petite minute, je vous prie. Ecoutez, je ne trouve pas la référence

 13   que vous m'avez donnée.

 14   Q.  Bien. Il s'agit de la page 76 de la version anglaise. C'est votre

 15   curriculum vitae et votre biographie. Il est indiqué :

 16   "Université de Belgrade, de faculté des Sciences, 1er novembre 1980 au 13

 17   avril 1983, titre et diplôme obtenu maîtrise en géographie, démographie."

 18   R.  Très bien. Oui, oui. Maîtrise en géographie et la discipline ou le

 19   sujet plutôt c'était le sujet du cours de licence qui était intitulé :

 20   "Population," ce qui ne jette aucun doute sur le thème de mon travail. Je

 21   n'étais pas obligé d'étudier juste la population, mais le problème beaucoup

 22   plus complexe de l'impact de la population sur l'environnement et sur la

 23   protection de l'environnement, parce que c'était quelque chose qui avait

 24   été amorcé par la communauté locale et c'était un sujet que j'avais

 25   accepté. J'aimerais d'ailleurs vous indiquer que j'ai reçu une plaque en or

 26   ce qui correspond à la récompense la plus importante donnée par la

 27   communauté locale pour ce travail.

 28   Q.  Bien. Fort bien.


Page 20600

  1   M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir à l'écran,

  2   je vous prie, le document 20082 à l'écran, document de la liste 65 ter ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pourriez répéter, je vous prie.

  4   M. DI FAZIO : [interprétation]

  5   Q.  Non, non, non, non, un petit moment. Le document va être affiché. Je

  6   voulais juste attirer votre attention sur un extrait de votre livre. Page 2

  7   de la version anglaise, vous voyez qu'il y a votre photo dans le coin

  8   supérieur gauche. Donc je pense que c'est la deuxième page du livre. Page 2

  9   de la version anglaise, donc là il s'agit de la traduction d'un extrait de

 10   votre livre, de l'introduction en quelque sorte du préambule.

 11   Parce que, là, voilà ce qui est écrit. Dans la première partie de cet

 12   ouvrage, où il est question de vous et de vos antécédents, que vous avez

 13   obtenu votre licence ou votre maîtrise à la faculté des Sciences naturelles

 14   à Belgrade en 1983, dans le domaine du tourisme et de la protection de

 15   l'environnement. Alors est-ce que c'était sur cela que portait votre

 16   maîtrise, c'était une maîtrise sur le tourisme et la protection de

 17   l'environnement, parce que c'est ce qui est indiqué dans votre livre ?

 18   R.  Oui, c'est ce qui est écrit dans le livre, mais c'est l'éditeur qui a

 19   commis cette erreur. C'était imprécis, parce que, bon, lorsque j'ai étudié

 20   la population, c'est vrai qu'il y a eu quand même certains recoupements

 21   avec l'étude du tourisme. Mais c'est une source secondaire qui n'est pas

 22   très pertinente pour mon CV.

 23   Q.  Oui, certes, mais regardez ce livre. Dans la table des matières qui

 24   figure à la page 6 de la version anglaise et je m'excuse, car je ne connais

 25   pas, en fait, la page idoine pour la version B/C/S, mais c'est 3 ou 4 pages

 26   après la page qui était affichée. Enfin, voilà, voilà ce dont vous dites --

 27   voilà ce qui est dit, plutôt :

 28   "Population et démographie, migration, réalité démographique de la


Page 20601

  1   population serbe."

  2   Donc tout l'ouvrage porte sur la démographie. Donc je suppose, en

  3   fait, que vous auriez voulu, souhaitez que votre CV, vos diplômes soient

  4   bien consignés dans ce livre qui ne porte que sur la démographie. Je pense

  5   qu'il aurait été important de mettre en exergue vos diplômes

  6   universitaires, votre parcours universitaire dans ce livre, et pourtant, il

  7   est dit que vous avez obtenu une maîtrise dans le domaine du tourisme et de

  8   la protection de l'environnement. C'est quand même un tant soit peu

  9   surprenant. Est-ce que vous en convenez ?

 10   R.  Les diplômes sont importants, car les diplômes correspondent à des

 11   diplômes que j'ai obtenus, alors, manifestement, les éditeurs, en fait,

 12   n'avaient pas sous la main mes diplômes. Donc le fait est que cet ouvrage

 13   traite effectivement de démographie et je dirais qu'en sus de la

 14   démographie qui est mon intérêt premier, j'ai déjà indiqué hier que j'avais

 15   obtenu également un diplôme de géographe social. Dans le domaine de la

 16   géographie sociale, nous trouvons la rubrique tourisme, qui est une

 17   discipline qui appartient à ce domaine. Bon, je suis d'accord, je vous le

 18   concède, c'est un peut contradictoire, et pourtant -- et, effectivement,

 19   cela aurait dû être mentionné de façon plus précise pour éviter toute

 20   confusion ou malentendu.

 21   Q.  Mais il semblerait que vous êtes très intéressé par le tourisme, ce qui

 22   est très louable, d'ailleurs. Mais votre intérêt pour le tourisme se

 23   continue, parce que si vous prenez la page 79, qui nous donne la liste des

 24   documents que vous avez publiés, donc page 79 de votre rapport, cela fait

 25   partie de vos -- de votre curriculum vitae, des publications et des

 26   articles que vous avez écrits, vous avez un chapitre intitulé : "Documents

 27   universitaires publiés". Je vois qu'en 1996, vous avez publié un livre,

 28   plutôt, qui est intitulé -- ou un document, plutôt, qui est intitulé :


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  1   "Potentiel touristique de la Republika Srpska". Vous en -- vous le voyez,

  2   cela ?

  3   R.  Oui. Oui, oui. Je le vois, mais je ne vois pas quel est le problème.

  4   Q.  Mais je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a un problème. Tout

  5   ce que j'essaie de vous dire ou de déterminer, c'est que votre maîtrise,

  6   elle portait essentiellement sur le tourisme et des questions relatives à

  7   l'environnement.

  8   R.  Non, non.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  Vous pouvez voir les diplômes que j'ai obtenus après ma licence et vous

 11   pouvez également prendre en considération les examens que j'ai dû obtenir.

 12   Aucun de ces examens ne porte sur la discipline du tourisme. Toutefois,

 13   l'influence de la démographie et du tourisme sur la protection de

 14   l'environnement par rapport à -- au développement démographique est quelque

 15   chose que je continue à étudier, parce qu'il y a quand même une interaction

 16   entre tous ces paramètres. Si vous regardez la liste de mes articles

 17   publiés, vous verrez quand même qu'essentiellement, il s'agit d'articles

 18   portant sur la démographie. Puis ensuite, en deuxième catégorie, vous avez

 19   les articles relatifs à la géographie sociale qui se concentre sur le

 20   tourisme, parce que le tourisme, cela fait partie de la géographie sociale

 21   d'après les normes qui sont en vigueur dans le lieu où j'habite et qui ont

 22   été utilisées pour que les enseignants puisse se spécialiser dans des

 23   domaines beaucoup plus spécialisés. Parce que n'oubliez quand même pas que

 24   j'ai deux spécialités professionnelles qui sont chacune très, très

 25   pointues, très spécialisées.

 26   Q.  Donc, dans votre livre intitulé : "La réalité anthropologique des

 27   Serbes," au niveau du préambule, de l'introduction, il est question de

 28   votre maîtrise dans le domaine du tourisme et de la protection de


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  1   l'environnement, le fait que vous n'avez pas -- ou le fait que la

  2   démographie n'est pas mentionnée est le résultat d'une malencontreuse

  3   omission de la part de l'éditeur. C'est ce que vous nous dites, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  L'éditeur n'a pas très bien cité nos CV, puisque de toute façon, ils ne

  6   sont pas cités de cette façon-là, selon ces principes. Et il n'était pas on

  7   plus nécessaire pour cet ouvrage de montrer ma spécialité. Ce qui était

  8   important, c'est de dire que je m'occupe principalement de l'étude

  9   scientifique. Mais si vous regardez l'ensemble de mes ouvrages, vous verrez

 10   que la démographie se trouve à la première place. Compte tenu ou si vous

 11   tenez compte de la structure de tous mes ouvrages, de projets, de

 12   conférences internationales, de livres, de discours prononcés devant des

 13   auditoires en matière de conférences internationales.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Il n'est pas exclu et interdit d'aborder d'autres disciplines, n'est-ce

 16   pas ?

 17   Q.  Non, absolument pas. Merci beaucoup. Donc, vous avez obtenu également

 18   un doctorat en 1995 et vous avez défendu votre thèse pour cette thèse de

 19   doctorat au mois de mars 1995, n'est-ce pas ? C'était à l'Université de

 20   Novi Sad, si je ne m'abuse.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Quel était le titre de votre thèse ?

 23   R.  Le titre exact de ma thèse était : "Semberija, étude géographique."

 24   L'accent était mis sur la population, et après avoir défendu ma thèse, elle

 25   a obtenu un statut d'ouvrage scientifique et lorsque j'ai publié un livre

 26   sur la base de cette thèse, il -- j'ai quelque peu changé de titre et il --

 27   le livre ou l'ouvrage était intitulé : "Population de Semberija : Une étude

 28   démographique". Vous pouvez trouver cet ouvrage -- enfin, vous l'avez dans


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  1   ma biographie et -- et c'était ce sur quoi je m'étais penché lors de mes

  2   études de doctorat.

  3   Q.  Très bien. Dans votre CV, à la page 76, on dit que vous avez un

  4   doctorat en géographie avec une spécialité dans le domaine de la

  5   démographie.

  6   M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais de nouveau que l'on prenne le --

  7   la pièce 65 ter 281. Donc, c'est la même page que nous avions déjà vue un

  8   peu plus tôt.

  9   Q.  Le professeur, Dr Jovan Ilic, professeur de l'Université de Belgrade,

 10   parle de vous, et dit que vous avez un doctorat, que vous avez obtenu un

 11   doctorat à la faculté des Sciences naturelles de Novi Sad, dans le domaine

 12   de la Géographie régionale. C'est une raison pour laquelle il n'a pas

 13   mentionné votre spécialité en matière de démographie à la suite de

 14   l'obtention de votre thèse sur la démographie, dans un ouvrage qui parle de

 15   démographie ?

 16   R.  Je crois qu'il existe une raison. C'est que, pendant un certain à ces

 17   cours, j'enseignais la géographie régionale, puisque c'était une demande

 18   qui -- université, et dans le cadre de la géographie régionale, l'on

 19   pouvait retrouver également une matière qui portait sur la population. Mais

 20   ce sont les travaux et les références qui nous permettent d'avoir une

 21   spécialité. Dans son diplôme -- mon diplôme dit que je suis docteur en

 22   sciences géographiques, alors que ma spécialité est déterminée donc par les

 23   deux ouvrages qui sont publiés, et ceci est défini par la loi. Et ce n'est

 24   que plus tard, quand les circonstances étaient rencontrées qu'on a pu

 25   enseigner autre chose. Donc en 2000, j'ai enseigné la matière de

 26   démographie de la population.

 27   A ce jour, je ne me considère pas comme étant seulement démographe.

 28   Il y a des disciplines principales et des disciplines secondaires que l'on


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  1   enseigne. Dans mon cas, on peut parler de cela, mais je pense que les

  2   professeurs et les professeurs à mi-temps n'avaient pas mes diplômes sous

  3   les yeux lorsqu'ils ont rédigé cet ouvrage, et c'est la raison pour

  4   laquelle on a parlé de géographie régionale même si cette dernière couvre

  5   la problématique de la population de chaque région de façon très

  6   approfondie. 

  7   Q.  Oui, très bien, merci. Vous nous avez dit vous enseignez, mais

  8   cela ne m'intéresse pas en fait ici. Mais je voudrais savoir comment est-ce

  9   possible que dans une introduction d'un ouvrage qui est le vôtre sur la

 10   démographie, votre thèse de doctorat est citée comme autre chose. Donc

 11   c'est une qualification universitaire très importante, et on dit que vous

 12   avez obtenu votre doctorat dans le domaine de la géographie régionale, et

 13   dans cet ouvrage, on ne parle pas du tout dans l'introduction que vous

 14   étiez un expert en démographie. Alors je ne sais pas, j'aimerais savoir où

 15   vous travailliez à l'époque, et comment cela se fait-il que cette erreur

 16   s'est glissée.

 17   R.  Mais ce n'est pas réellement une erreur, parce que, si je vous

 18   répète le titre de ma thèse de doctorat, je parle de la "Semberija" donc

 19   Semberija; là, Semberija est une région avec toutes ses caractéristiques

 20   spéciales, l'on pourrait comprendre ceci comme étant une étude géographique

 21   régionale. Mais l'accent est mis sur l'étude démographique. Mais ceci ne

 22   veut pas dire non plus que nous ne nous sommes pas penchés sur -- nous ne

 23   nous penchons pas en ce moment-là plutôt sur les caractéristiques d'une

 24   zone donnée, puisqu'il s'agit d'une étude appliquée, à savoir que vous

 25   pouvez donner un apport pour résoudre certains problèmes pour un territoire

 26   donné. Je pense que voilà c'est ainsi que je peux expliquer cette façon de

 27   parler de mon titre, mais je ne vois vraiment pas qu'il s'agit d'une erreur

 28   du tout.


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  1   Q.  Mais vous êtes d'accord avec moi qu'il aurait été préférable si vous

  2   aviez pu obtenir, si vous avez obtenu un doctorat en démographie et que

  3   dans votre ouvrage à vous, l'on mentionne que vous étiez, que vous aviez un

  4   doctorat en démographie.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, l'Accusation n'a pas

  6   du tout contesté l'expertise de ce témoin en tant que témoin expert en

  7   démographie. Je comprends très bien  -- je ne vois pas très bien à quel

  8   point votre -- question est utile.

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] D'abord, merci beaucoup, Monsieur le

 10   Président. Deux questions, le niveau d'expertise est une question qui peut

 11   être envisagée, que l'on peut essayer d'établir. Deuxièmement, la recherche

 12   qu'a faite ce témoin, cette recherche a été faite entre 1992 et 1995. C'est

 13   à ce moment-là que cette statistique qui fait partie de l'annexe 1, a été

 14   créée et recueillie, mais il n'avait pas d'expertise en démographie à

 15   l'époque. Il a peut-être acquis son diplôme plus tard, mais il ne l'avait

 16   pas à l'époque.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 18   M. DI FAZIO : [interprétation]

 19   Q.  Très bien. Alors, Monsieur le Témoin, vous m'avez entendu, en 1995,

 20   vous n'aviez absolument aucune qualification, vous n'aviez pas qualifié en

 21   tant qu'expert en démographie ? Vous n'aviez pas de spécialité à ce moment-

 22   là ? Votre matière principale d'étude était la géographie à l'époque,

 23   n'est-ce pas ?

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, un instant, s'il vous

 25   plaît. Je pense que M. Di Fazio est en train de confondre ou de semer une

 26   confusion dans l'esprit du témoin. En 1995, monsieur, notre témoin n'a pas

 27   élaboré ce rapport. Il s'est servi des données qui proviennent de cette

 28   année-là, de 1992 à 1995, mais il n'a pas élaboré son rapport en 1995. Je


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  1   pense qu'il y a une erreur là.

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais

  3   j'avais l'impression que le témoin avait recueilli les données entre 1992

  4   et 1995, c'est ainsi que j'ai compris la déposition du témoin.

  5   Q.  Est-ce que je me trompe, Monsieur le Témoin ? Les données que vous avez

  6   recueillies, et dont vous vous êtes servi dans votre rapport d'expert qui

  7   est à la base de l'annexe A, ce sont des données qui ont été recueillies

  8   par vous-même entre 1992 et 1995, n'est-ce pas ?

  9   R.  D'abord et avant tout, quelqu'un peut être un excellent démographe sans

 10   avoir une appellation formelle de docteur en sciences. Deuxièmement, sur le

 11   territoire de l'ex-Yougoslavie, il n'y a pas d'étude en démographie

 12   précise. Il s'agit d'une spécialité qui est obtenue dans le cadre de la

 13   faculté de Géographie et, en partie, à la faculté d'Economie.

 14   Troisièmement, même les personnes ayant une maîtrise en sciences sont des

 15   personnes qui se penchent sur la recherche, il est vrai que je me suis

 16   penché sur cette recherche en 1995, mais j'étais -- à l'époque, j'avais une

 17   maîtrise en sciences. Mais il n'est pas du tout nécessaire d'avoir

 18   formellement l'appellation de docteur en sciences. Ce qui est important ce

 19   sont les documents de référence et la recherche que l'on fait à l'époque.

 20   Mais je ne vois absolument pas de problème là, qu'une personne s'appelle --

 21   ou plutôt, qu'une personne ait une maîtrise ou un doctorat, cela importe

 22   peu pour le travail de la personne.

 23   Q.  Mais vous serez d'accord avec moi qu'une bonne base en démographie

 24   aurait pu vous aider pour ce qui est des méthodes que vous avez utilisées

 25   pour recueillir les données qui ont été recueillies ou que vous recueillies

 26   entre 1992 et 1995; cela aurait pu améliorer la méthodologie ou la façon

 27   dont vous avez recueilli vos informations et rédiger votre matériel ?

 28   R.  Non, pas du tout. J'avais de très bonnes bases, et si vous acceptez le


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  1   fait que j'ai fait des études à la faculté de géographie où l'une des

  2   disciplines fondamentales principales sont -- où on enseigne la population

  3   comme étant une matière principale, et à la suite, après mes études de

  4   premier cycle, j'ai les meilleurs professeurs justement, j'ai abordé ce

  5   sujet. Je ne m'aurais jamais lancé dans des recherches géographiques de

  6   façon indépendante si je n'avais pas eu ou de mon propre chef, si je

  7   n'avais pas eu une bonne base, une bonne formation, et je pense que l'on

  8   peut voir cette connaissance de la matière à l'examen de mes documents ou

  9   des documents de référence, de mes rapports. Je suis très sûr de moi pour

 10   ce qui est de cette matière.

 11   M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Q.  Merci, Monsieur le Professeur.

 13   M. DI FAZIO : [interprétation] Je crois que nous avons -- nous sommes

 14   arrivés à la fin de ce sujet.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons devoir

 16   lever la séance et nous reprendrons nos travaux demain matin à neuf heures.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 12 mai 2011,

 19   à 9 heures 00.

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