Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 13 mai 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  6   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  7   Stojan Zupljanin.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  9   Bonjour à tous. Peut-on avoir les présentations, je vous prie.

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je représente

 11   l'Accusation, et à mes côtés nous avons M. Hannis et M. Smith.

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la

 13   Défense de notre client ce matin, pour M. Stanisic, Slobodan Cvijetic et

 14   Eugene O'Sullivan.

 15   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan Krgovic

 16   et Aleksandar Aleksic pour la Défense Zupljanin.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Peut-être avons-nous à nous

 18   entretenir -- enfin, à moins que nous n'ayons des questions à aborder tout

 19   de suite, veuillez faire entrer le témoin dans le prétoire, je vous prie.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Avant que

 22   M. Di Fazio ne poursuive son contre-interrogatoire, je vous rappelle que

 23   vous êtes encore tenu par votre déclaration solennelle.

 24   Allez-y, Monsieur Di Fazio.

 25   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 26   LE TÉMOIN : STEVO PASALIC [Reprise]

 27   [Le témoin répond par l'interprète]

 28   Contre-interrogatoire par M. Di Fazio : [Suite]


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  1   Q.  [interprétation] Le tout dernier des sujets que je voulais aborder avec

  2   vous pour ce qui est de votre rapport, c'est la façon dont vous avez

  3   utilisé l'exemple de Bijeljina pour indiquer que cela faisait preuve d'un

  4   problème systématique dans les rapports présentés par l'Accusation. Dans ce

  5   volet, vous parlez des paragraphes 233 et 234 de votre rapport. Or, je

  6   voudrais vous présenter une affirmation, et veuillez comprendre que je ne

  7   suis pas intéressé par des débats relatifs à la totalité des chiffres,

  8   parce que ces chiffres mentionnés aux paragraphes 233 et 234 se trouvent

  9   être tout à fait exacts, y compris les pourcentages, et cetera.

 10    Comprenez-vous ce que je suis en train de vous indiquer ?

 11   R.  Je comprends au sujet des chiffres. Mais en présentant ces résultats,

 12   j'estime avoir prouvé que les résultats auxquels a abouti Mme Ewa Tabeau

 13   n'étaient pas exacts.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Ou qu'ils étaient tout à fait dénués de fiabilité.

 16   Q.  Je comprends ce que vous dites. Nous avons entendu votre témoignage à

 17   ce sujet. J'estime que vous n'avez pas à expliquer une fois de plus ce que

 18   vous avez déjà dit dans votre témoignage l'autre jour, puisque c'est

 19   consigné et c'est indiqué au rapport. Je vous ai entendu sur ce sujet.

 20   Donc je ne veux pas avoir de débat au sujet de chiffres pour ce qui est des

 21   paragraphes 233 et 234.

 22   Vous avez dit que la population totale en 1991, celle qui était née avant

 23   1980, se chiffrait à 81 650 et que c'était le chiffre que vous aviez pris

 24   sur le rapport de Mme Tabeau, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Ensuite, vous dites que vous vous êtes penché sur les chiffres relatifs

 27   au recensement de la population, et vous avez constaté que la population

 28   entière de Bijeljina était de 96 988, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et ensuite, vous avez tiré la conclusion suivante : si vous vous

  3   penchez sur les 81 650, ça fait 84,18 % sur ce chiffre de

  4   96 988, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Fort bien. Et s'il en est ainsi, la population âgée de moins de 18 ans

  7   devait constituer à peu près 26 % de la population. S'il en est ainsi.

  8   R.  Oui, il en était ainsi, partant des sources officielles qui sont celles

  9   du recensement.

 10   Q.  Par conséquent, quoi qu'en soit la raison, et je ne suis pas trop

 11   intéressé par la raison, quelle qu'elle soit, celle-ci, pour ce qui est de

 12   ces chiffres de Mme Tabeau, ces 15,82 %, c'est trop peu, n'est-ce pas ?

 13   R.  S'agissant du contingent des jeunes de moins de 18 ans, donc c'est une

 14   population qui est mineure et qui n'est pas dans les listes électorales,

 15   c'est assez petit comme chiffre.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   R.  Notamment à cette période-là.

 18   Q.  Bon. Je vous comprends parfaitement bien et je crois que là nous nous

 19   sommes entendus.

 20   Alors, si nous nous penchons sur le groupe de personnes qui, en 1991, avait

 21   moins de 12 ans, 12 ans y compris, c'est un groupe encore plus petit,

 22   n'est-ce pas ?

 23   Je vais reformuler. Si on se penche sur le segment de la population dans la

 24   zone d'âge entre 1 et 12 ans, c'est un groupe qui est plus petit, n'est-ce

 25   pas ?

 26   Et je suis sûr que vous pouvez répondre par un oui ou par un non.

 27   R.  Oui, bien sûr que ce chiffre allant jusqu'à 12 ans est inférieur au

 28   chiffre allant jusqu'à 18 ans, parce que vous englobez moins d'individus,


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  1   un éventail plus petit de personnes dans cette population.

  2   Q.  Oui, exactement.

  3   R.  En termes absolus.

  4   Q.  Oui, oui, tout à fait. Donc ça n'inclut pas ceux de 13, 14 ans, 15 ans,

  5   16 ans, 17 ans, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est une chose tout à fait simple, en tout temps, entre zéro et

  7   12, quoi que cela comprenne.

  8   Q.  Bon. Et si quelqu'un avait 11 ou 12 ans en 1991, en 1997, vous arrivez

  9   à la catégorie des individus qui sont censés pouvoir voter, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. C'est cette période où l'on procède à des calculs par évaluation.

 11   Et c'est précisément la chose que je conteste dans l'étude de Mme Ewa

 12   Tabeau, et je suis tout à fait disposé à vous le prouver sur un autre

 13   exemple.

 14   Q.  Ce que je voudrais affirmer ici, c'est que lorsqu'on se penche sur la

 15   population de Bijeljina s'agissant des personnes âgées de moins de 18 ans,

 16   ici, vous avez tiré une conclusion disant que ces 15,82 % se trouvaient

 17   être un chiffre trop bas, je crois que vous vous êtes penché sur le mauvais

 18   groupe. Vous auriez dû vous pencher sur le groupe de personnes âgées de

 19   moins de 12 ans.

 20   C'est ce que j'affirmerais ici.

 21   R.  Non, non, ce n'est pas ainsi qu'il convient de procéder.

 22   Je vous montrerais le paragraphe 253 pour que vous compreniez mieux. J'ai

 23   donné un tableau des structures d'âges de la population de Bijeljina en

 24   fonction du recensement de 1991. Partant de ces données-là, nous pouvons

 25   voir que le contingent de cette population jeune âgée de moins de 18 ans a

 26   un pourcentage qui est de 26 %. En 1997 ou 1998, selon les estimations,

 27   c'est de 15 %. Ce que je veux prouver, c'est qu'il est impossible de voir

 28   en l'espace de seulement cinq ou six ans la population modifier sa


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  1   structure d'âge, parce que de tels exemples dans les démographies c'est

  2   chose très rare dans le monde. Et dans ce cas concret, c'est absolument

  3   inacceptable. C'est la substance des éléments de preuve que j'ai voulu

  4   avancer. Il convient d'en tirer une conclusion disant que le total de la

  5   population en 1997 et 1998, ceux qui étaient nés jusqu'en 1980, était

  6   surdimensionné, parce que Bijeljina n'avait pas eu une population âgée

  7   aussi nombreuse, c'est-à-dire une population qui se trouvait avoir plus de

  8   18 ans. Je vais vous donner un autre exemple, et nous l'avons évoqué hier :

  9   les listes électorales de Bosnie-Herzégovine comportaient 2 600 000

 10   personnes et la population était évaluée à 

 11   3 400 000.

 12   Si l'on compare les deux, sur un exemple chez Ewa Tabeau, la part des

 13   jeunes est de 24 % pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine dans

 14   l'ensemble, et à Bijeljina ce n'est que 15 % pour la même période. C'est

 15   tout simplement impossible, parce que Bijeljina, avec les caractéristiques

 16   de sa population, avait été un échantillon représentatif pour la Bosnie-

 17   Herzégovine dans son ensemble, aux côtés d'autres municipalités encore,

 18   bien entendu.

 19   Q.  Fort bien. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que vous deviez

 20   avoir au moins 12 ans en 1991 pour pouvoir vous enregistrer sur les listes

 21   électorales en 1997 ? C'était au moins l'âge que vous étiez censé avoir ?

 22   R.  Non, ce n'est pas contesté. Là, nous sommes d'accord. Nous avons les

 23   renseignements pour ce qui est des personnes de moins de 12 ans et on a

 24   l'année 1997 où ces personnes ont acquis un droit de vote. Ce que je

 25   conteste, ce sont les chiffres avancés par le rapport d'Ewa Tabeau, parce

 26   qu'elle a surdimensionné ces chiffres dans le cas concret pour ce qui est

 27   de la municipalité de Bijeljina. Par analogie, dans toutes les autres

 28   municipalités étudiées dans ce rapport, parce que les caractéristiques


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  1   démographiques de toutes ces municipalités sont et étaient à peu près les

  2   mêmes.

  3   Q.  Bon. Je vais laisser ce sujet de côté pour passer à un domaine autre.

  4   Dans votre rapport, vous évoquez des données statistiques - et ce que je

  5   citerais ici c'est le paragraphe 7 - où vous parlez de "chiffres apocryphes

  6   qui illustrent la totalité des entreprises criminelles qui se trouvent être

  7   souvent exagérées ou minimisées."

  8   Est-ce que vous vous souvenez de ce commentaire fait au paragraphe 7

  9   ?

 10   R.  Oui. C'est dans ma partie introductive, où je présente des commentaires

 11   de nature générale.

 12   Ce paragraphe numéro 7 laisse entendre ce que j'ai élaboré plus en

 13   avant dans mon rapport pour dire que oui, dans certains cas, il s'agit de

 14   chiffres apocryphes et estimés, évalués, parce que dans ce cas de figure-

 15   là, nous ne disposons pas de données exactes. Nous avons des données

 16   surdimensionnées. Par exemple, des rapports d'organisations au sein de la

 17   Bosnie-Herzégovine pour indiquer qu'il y a eu 200 ou 300 000 personnes

 18   tuées. Ça, c'est exagéré. Ou alors, il y a eu des données minimisées que je

 19   prouve par les recherches effectuées dans les processus démographiques

 20   englobant la population ethnique serbe.

 21   Q.  Merci. Je voudrais vous rappeler ceci : je ne vous demande pas des

 22   commentaires. On y viendra tout à l'heure. Je vous rappelle seulement les

 23   éléments que vous avec indiqués dans votre rapport.

 24   Au paragraphe 229 --

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

 26   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. 

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Puis-je revenir un instant vers ces

 28   questions de tout à l'heure.


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  1   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, allez-y.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ces 15 et quelques milliers de

  3   différence pour ce qui est de la population totale et les 84 000 que l'on

  4   avait indiqués tout à l'heure -- est-ce que vous comprenez où est-ce que je

  5   veux en venir ?

  6   M. DI FAZIO : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La question --

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- c'était pour rapporter sur les

 10   plus de 12 ans et les moins de 18 ans.

 11   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, on parlait des zones d'âge.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, c'est de votre avis que ces 15

 13   000, c'est en fait 15 % qui sont --

 14   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui, ces 15 %.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, il s'agit d'un groupe de

 16   personnes âgées de moins de 18 ans ?

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non, c'est un groupe plus petit. De

 18   ceux qui ont moins de 12 ans.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon .Alors, c'est ceux qui ont moins

 20   de 12 ans.

 21   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc je crois que c'était là que vous

 23   vouliez en venir.

 24   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Parce que j'ai cru manquer une

 26   explication. Je crois que vous vouliez confronter le témoin avec les

 27   raisons pour lesquelles vous estimiez la chose ?

 28   M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non, ce n'était pas le cas.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

  2   M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  4   M. DI FAZIO : [aucune interprétation] 

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  6   M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais vous êtes en train de dire qu'il

  8   avait tort --

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] Non. Il dit que c'était un groupe de zéro à

 10   18, or j'ai parlé, moi, d'un groupe allant de zéro à 12.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quand vous y arrivez ? C'est plus

 12   ou moins la question qui est posée.

 13   M. DI FAZIO : [interprétation] Mais c'est inhérent au rapport de Mme Tabeau

 14   quand il y a eu ceux qui pouvaient voter en 1997, et donc ça veut dire

 15   qu'en 1991, ils devaient avoir au moins 12 ans d'âge, donc elle a exclu

 16   ceux qui avaient moins de 12 ans et elle a comparé ces deux groupes de

 17   population, non pas ceux qui avaient 18 ans ou qui avaient un peu moins de

 18   18 ans en 1991.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Di Fazio, revenons-en à

 21   ce que vous disiez.

 22   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Je pense que j'en étais au paragraphe 229 de votre rapport où vous

 24   mettez en garde contre des manipulations au niveau des chiffres, parce que

 25   vous indiquez que ces chiffres peuvent montrer ce que la personne jouant

 26   avec souhaite montrer. Alors, je voudrais en arriver au point final qui est

 27   poursuivi en vous citant. Au paragraphe 287, vous dites :

 28   "Pour le cas particulier des 18 municipalités de l'acte d'accusation


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  1   Stanisic/Zupljanin, un grand nombre d'objections peut être fait pour ce qui

  2   est des victimes. Les données se basent sur des estimations qui ne sont pas

  3   fiables et qui sont faussées du point de vue des recherches des victimes de

  4   guerre en Bosnie-Herzégovine."

  5   Alors, vous ne faites pas mention en quoi y a-t-il eu des éléments faussés,

  6   mais vous affirmez que les rapports établis par Mme Tabeau au sujet des

  7   mouvements de la population sont pour le moins partiaux ?

  8   R.  Ecoutez, ici, il nous faudrait que nous nous penchions sur la totalité

  9   des autres paragraphes, suite à quoi vient cette conclusion-ci que vous

 10   venez de lire.

 11   Dans mon rapport, je n'ai pas élaboré plus en avant le nombre de

 12   victimes. J'ai supposé que ça faisait partie du travail d'autres apporteurs

 13   de preuves dans ce procès. Mais avant le paragraphe 287, j'ai indiqué qu'il

 14   y avait manipulation au niveau du nombre de victimes de la part de

 15   certaines institutions. On est allé affirmer qu'il y avait eu 300, 400,

 16   même 500 000 personnes de tuées. Et il y a une donnée plus concrète donnée

 17   par M. Tokaca, du centre de recherche et d'investigation, qui a dit 90 000.

 18   Puis un rapport vient de la part de Mme Ewa Tabeau avec un chiffre un peu

 19   plus grand, 104 732. Dans l'une et l'autre de ces études, il y a des

 20   éléments critiques et autocritiques pour ce qui est des évaluations faites

 21   à ce sujet. Et j'ai parlé de ceci dans les journées qui se sont écoulées

 22   bien plus en détail.

 23   S'agissant de la conclusion formulée dans ce paragraphe 287, ceci découle

 24   de ce que j'évoque au paragraphe 286. Je renvoie vers le livre "Victimes

 25   serbes en Bosnie-Herzégovine 1992-1995". J'en suis l'auteur. C'est la

 26   raison pour laquelle je n'ai pas plus en avant élaboré dans ce paragraphe

 27   ma thèse. Mais nous avons parlé des processus démographiques de destruction

 28   de la population serbe pendant la période courant de 1992 à 1995, ce qui


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  1   fournit une image plus complète de la totalité des victimes de la guerre ou

  2   de la totalité des personnes réfugiées et déplacées.

  3   Pourquoi ces données-là sont-elles étudiées de façon unilatérale ? Nous

  4   l'avons déjà indiqué au fil des journées écoulées -- permettez-moi de

  5   terminer. Parce que ce que je veux vous dire est important.

  6   Q.  Bon. Allez-y.

  7   R.  Quel que soit l'échantillon que vous prendriez en Bosnie-Herzégovine de

  8   20, de 15 municipalités, 47 municipalités, peu importe, ça ne peut pas vous

  9   donner une image digne de foi pour ce qui est du nombre de victimes de la

 10   guerre et du point de vue des autres processus démographiques.

 11   Si vous le permettez, quand on parle de victimes de la guerre, dans le

 12   rapport de Mme Ewa Tabeau, la première des choses manquantes c'est la

 13   population totale, pour même cet échantillon de municipalités, puis ensuite

 14   il y a ses qualifications ou classifications entre militaires et civils.

 15   Que signifie le nombre de civils ou le nombre de militaires si vous n'avez

 16   pas le chiffre  total ? Que signifie un chiffre de 12 000 si vous ne savez

 17   pas combien de soldats il y avait au total ? Donc 50, 100 000, 200 000,

 18   pour dire il y a eu tant de victimes ? Et il en va de même pour les

 19   victimes civiles. Donc il n'est pas possible de parler de structures ou de

 20   parties de certains phénomènes sans pour autant indiquer l'envergure du

 21   phénomène dans son ensemble. Ça fait défaut dans son étude, donc ce n'est

 22   pas dit jusqu'au bout, et ça ne peut être considéré comme étant valide pour

 23   ce type de recherche-ci.

 24   Q.  Professeur Pasalic, je ne suis pas du tout intéressé par un retour vers

 25   les données démographiques et les statistiques de certains aspects évoqués

 26   dans les rapports de Mme Tabeau. Moi je suis en train de vous poser des

 27   questions au sujet de l'accusation faite relative à la partialité.

 28   Au paragraphe 287, vous dites que :


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  1   "Les données fournies dans les rapports de Mme Tabeau se fondent sur des

  2   estimations et des sources non fiables et qu'il y a des recherches

  3   partiales pour ce qui est des victimes de guerre en Bosnie-Herzégovine."

  4   Donc, là, c'est une accusation de partialité, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ecoutez, c'est unilatéral, parce que si vous preniez un autre

  6   échantillon de municipalité, l'image que vous obtiendriez est tout à fait

  7   autre pour ce qui est des victimes civiles et des civils militaires. Prenez

  8   un autre groupe de municipalités sur un autre territoire ou groupe de

  9   territoires de la Bosnie-Herzégovine. Moi, ce que je conteste, c'est

 10   l'échantillonnage des municipalités qui est censé fournir des données

 11   pertinentes en matière de victimes militaires et civiles. Et j'estime que

 12   ce qui est pertinent, c'est de prendre la totalité du territoire de la

 13   Bosnie-Herzégovine en considération, parce que ça nous fournira des données

 14   valides et générales, à condition, bien sûr, qu'il y ait eu des recherches

 15   de faites au total. Et j'ai aussi des observations à formuler sur la

 16   qualité des recherches. Je peux vous les donner tout de suite, je peux vous

 17   les donner un peu plus tard, comme vous voudrez.

 18   Q.  Bien. Nous allons revenir vers le compte rendu de votre témoignage pour

 19   voir ce que vous avez dit dans le prétoire.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 21   Monsieur Pasalic, si je vous comprends bien, il y a une différence entre

 22   une chose incorrecte ou fausse et, d'autre part, quelque chose de biaisé,

 23   c'est-à-dire de partial. Si quelque chose est faux ou peu correct, ça peut

 24   être dû au fait que l'auteur n'a pas compris une question ou qu'il se soit

 25   trompé. Mais être partial, c'est autre chose. Ça veut dire qu'il y a une

 26   intention de procéder délibérément à la création d'une image qui est censée

 27   servir à une finalité, c'est-à-dire créer une impression donnée, une

 28   perception tout à fait déterminée de ce qui s'est produit.


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  1   Est-ce que vous êtes en train de dire que Mme Tabeau avait eu cette

  2   intention de procéder délibérément à une espèce de distorsion de données;

  3   et si tant que oui, pourquoi ?

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, si je puis vous assister.

  5   Je voudrais dire qu'il y a une question terminologique ici. Si dans la

  6   version anglaise on a dit "partialité", c'est une erreur. Dans notre

  7   langue, on a parlé de recherche unilatéralement faite. Ça ne veut pas dire

  8   que c'est partial. Et je crois que le professeur peut élaborer plus en

  9   avant.

 10   Il a utilisé notre langue et ce terme pour expliquer pourquoi c'était

 11   unilatéral.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Puis-je vous arrêter là, Monsieur

 13   Cvijetic. Moi aussi, j'étais curieux de savoir si le mot choisi par les

 14   interprètes était celui de partialité, qui est un terme comportant des

 15   connotations qui laissent entendre que l'auteur du rapport voulait faire

 16   transparaître. Et je crois que vous avez dépassé une limite parce que vous

 17   êtes en train de témoigner vous-même. Ce que vous venez de nous dire là,

 18   c'est important, mais c'est au témoin qu'il appartient de nous le dire.

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] Fort bien.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, Monsieur le Témoin, vous avez

 21   entendu la question du Juge Harhoff. Vous étiez sur le point d'y répondre.

 22   Peut-être s'agira-t-il d'un aspect sur lequel M. Di Fazio souhaitera se

 23   pencher. Mais si vous le souhaitez, le Juge Harhoff peut répéter sa

 24   question.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris la question qui m'a été posée. Et

 26   je ne considère absolument pas qu'Ewa Tabeau ait voulu se montrer partiale.

 27   C'est probablement une question de traduction.

 28   Donc des recherches non fiables et partielles, qui n'abordent les choses


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  1   que d'un seul point de vue, cela signifie qu'on n'a pas utilisé toutes les

  2   sources de données possibles pour étayer ce que l'on affirme. Par exemple,

  3   lorsqu'il s'agit de déterminer le nombre de victimes, on effectue un

  4   appariement des données concernant ces victimes. Les données figurant dans

  5   le recensement de 1991, d'une part, et l'information émanant de telle ou

  6   telle institution indiquant que telle ou telle personne est décédée,

  7   d'autre part, il s'agit là de données qui ne sont pas contestées. Qu'en

  8   est-il, en revanche, des victimes de la guerre qui n'ont pas été

  9   enregistrées dans le recensement en Bosnie-Herzégovine, et ce, au sein de

 10   différentes formations militaires ? Par exemple, les Moudjahiddines, dont

 11   il a été absolument démontré qu'ils étaient présents au sein de l'ABiH.

 12   Comment peut-on procéder à l'appariement de ces données-là ?

 13   C'est un exemple des raisons pour lesquelles j'estime que ces

 14   recherches sont incomplètes. J'estime également que la détermination des

 15   faits concernant les victimes et les recherches sont extrêmement complexes,

 16   qu'il s'agit de partir de la structure interne d'un certain nombre de

 17   formations militaires, en tout cas tirer des conclusions à partir des

 18   registres internes de telles structures, militaires pour la plupart, cela

 19   est assez délicat, parce qu'il s'agissait de registres et de sources qui

 20   étaient sujets à manipulation, que l'on s'intéresse aux victimes civiles ou

 21   aux victimes militaires. Parce qu'il y a des personnes qui ont voulu

 22   pouvoir toucher des pensions, par exemple, d'où toutes sortes de

 23   manipulations. Et les chiffres obtenus par Ewa Tabeau ne peuvent pas être

 24   démontrés d'un point de vue statistique. Cela n'indique absolument pas la

 25   moindre partialité. Et d'une certaine façon, de telles erreurs sont peut-

 26   être même plus dangereuses que celles qui sont faites de façon

 27   inintentionnelle [phon], des erreurs qui seraient faites parce qu'on est

 28   partial.


Page 20699

  1   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur.

  2   M. DI FAZIO : [interprétation]

  3   Q.  En page 20 575 du compte rendu de mercredi, vous parliez de la

  4   méthodologie adoptée par Mme Tabeau.

  5   Vous dites, je cite :

  6   "L'approche méthodologique retenue dans le rapport de Mme Tabeau et de ses

  7   collaborateurs est fondée principalement sur des méthodes statistiques et

  8   mathématiques, c'est-à-dire sur la loi des grands nombres. Ceci est

  9   insuffisant pour une recherche d'une telle complexité. Après tout, de

 10   telles recherches se fondent sur des calculs. Il y a une science

 11   statistique et une maxime qui dit que, eh bien, les chiffres ne vous en

 12   diront pas plus que ce que la personne qui les utilise souhaite vous dire."

 13   Est-ce que vous étiez en train de suggérer que les chiffres étaient peut-

 14   être manipulés ou influencés de façon à présenter l'image que les auteurs

 15   souhaitaient présenter, en l'espèce, Mme Tabeau ?

 16   R.  Non. J'ai utilisé une métaphore qui est courante en statistiques. Cela

 17   ne signifie pas pour autant que quelqu'un ait voulu jouer sur les chiffres.

 18   En tout cas, en fonction de la méthode qui est utilisée, on peut obtenir un

 19   résultat ou une image complètement différente des mêmes phénomènes par

 20   rapport à ceux qui seront obtenus par d'autres chercheurs retenant des

 21   méthodes différentes. J'ai essayé, aux moyens d'exemples, de prouver ceci.

 22   En appliquant différentes méthodes, d'une part, des méthodes de calculs et

 23   chiffrées uniquement, d'autres part, des méthodes combinées, nous avons

 24   constaté que des résultats différents étaient obtenus, et cela n'est

 25   absolument pas remis en question pour le territoire concerné, le territoire

 26   de la Bosnie-Herzégovine. C'est la raison pour laquelle, concernant ce

 27   territoire de la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre, nous n'avons

 28   toujours pas aujourd'hui des données définitives.


Page 20700

  1   Ce qui revient à dire que les données obtenues par Mme Tabeau sont

  2   des données estimées qui, selon elle, sont les plus proches possibles de la

  3   réalité, mais c'est son point de vue à elle. Moi, pour la Bosnie-

  4   Herzégovine, je n'adopterais jamais le même point de vue qu'elle, à savoir

  5   prendre une méthode uniquement statistique et mathématique pour l'appliquer

  6   à ces territoires. En effet, ce territoire présente des aspects

  7   spécifiques, il s'y est produit toute une série d'événements tout à fait

  8   spécifiques qui font que l'on ne peut pas appliquer une méthode

  9   exclusivement numérique. C'est la raison pour laquelle j'ai recouru à cette

 10   métaphore qui revient à dire, en fait, que l'on ne peut pas se contenter

 11   d'une approche exclusivement numérique pour l'appliquer à de telles

 12   situations.

 13   Q.  Professeur, j'avance que vous êtes en train d'essayer de vous

 14   distancier de ce que vous avez dit à la fois dans les passages concernés de

 15   votre rapport et dans le compte rendu que je viens de citer il y a quelques

 16   minutes, dans lequel on trouve bien une allégation de parti pris à

 17   l'encontre de Mme Tabeau et de ses travaux. Ne seriez-vous pas d'accord

 18   avec cela ?

 19   R.  Non, je ne suis pas d'accord. Je n'ai jamais utilisé le terme de

 20   "partialité".

 21   En revanche, le caractère incomplet et non fiable de ses recherches,

 22   oui.

 23   Q.  Soit. Alors, dans votre déposition, vous avez indiqué que vous

 24   acceptiez volontiers les invitations de journalistes afin d'aborder dans

 25   les journaux concernés les questions relatives à la démographie. Vous

 26   rappelez-vous avoir déclaré cela ?

 27   R.  Oui, j'ai dit cela. Je souhaite simplement signaler qu'il s'agit là de

 28   tendances démographiques contemporaines en Bosnie-Herzégovine et qu'il ne


Page 20701

  1   s'agit pas des questions démographiques liées à la période de la guerre,

  2   bien qu'il ne soit pas interdit non plus de s'exprimer sur ces points-là

  3   dans les cas où les recherches portent sur ces questions. Alors, bien

  4   entendu, tout dépend de ce qui intéresse le journal ou le média en

  5   question. Moi, jusqu'à présent, j'ai toujours considéré comme faisant

  6   partie de mes obligations de répondre à de telles invitations.

  7   Q.  Avant de passer à la prochaine série de questions, je voudrais vous

  8   rappeler autre chose encore. Vous vous plaignez, n'est-ce pas, dans votre

  9   rapport au sujet du rapport de Mme Tabeau, vous vous plaignez de son

 10   aridité proprement numérique. Vous dites, je cite :

 11   "Les qualifications professionnelles et les qualifications de ses auteurs

 12   indiquent une orientation qui penche de façon prépondérante vers les

 13   mathématiques de la démographie. Il est notable également que les auteurs,

 14   se fondant sur les qualifications professionnelles qui sont les leurs, se

 15   sont appuyés avant tout sur des méthodes reposant exclusivement sur des

 16   échantillons numériques et autres sources."

 17   Est-ce là un passage où vous vous plaignez d'une approche trop aride, trop

 18   mathématique ?

 19   R.  C'est mon évaluation de ce travail, de ce rapport, dans lequel les

 20   auteurs ont une approche de démographes statisticiens. Il ne s'agit là que

 21   d'une seule discipline au sein du champ de la démographie, qui est un champ

 22   bien plus large. Or, nous avons affaire ici à des processus si complexes

 23   que si l'on fait l'économie d'un certain nombre d'autres méthodes de

 24   recherches, et je parle notamment des recherches empiriques, eh bien, il

 25   n'est pas possible de se livrer à des recherches aussi complexes. Et je

 26   maintiens ce que j'ai dit au sujet de cette lacune dans le travail des

 27   auteurs examinés qui se traduit par le manque d'un travail empirique.

 28   Je répète qu'il s'agit de mon évaluation de ce en quoi ont consisté


Page 20702

  1   leurs recherches et les méthodes qu'ils ont utilisées.

  2   Q.  Très bien. Alors, peut-être que je devrais vous montrer un certain

  3   nombre d'articles de journal.

  4   M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin le

  5   document numéro 286 [comme interprété] de la liste 65 ter.

  6   Q.  Professeur Pasalic, le document que j'aimerais vous présenter est un

  7   extrait de journal. Et pour que les choses soient tout à fait claires,

  8   j'indique qu'il a été obtenu sur l'internet. Je voudrais que vous

  9   l'examiniez, ce bref article.

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Alors, excusez-moi, il s'agit du numéro

 11   20086.

 12   Q.  Pendant que tout ceci s'affiche, je peux peut-être vous poser une autre

 13   question. Vous êtes un homme politique depuis au moins 1990, n'est-ce pas,

 14   au sein de différents partis politiques, et ce, à différents postes au sein

 15   du gouvernement de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 16   R.  J'ai été actif en politique, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit que

 17   jusqu'en 1990, j'étais président de l'Alliance fédérale des travailleurs à

 18   Zavidovici. Ce n'était pas considéré comme un parti politique. C'était une

 19   espèce de front populaire ou quelque chose de tel. Le seul parti à l'époque

 20   c'était la Ligue des Communistes yougoslaves. Alors, pendant la guerre, je

 21   n'étais pas actif en politique. Et je n'ai pas été membre du SDS, qui était

 22   le parti au pouvoir à l'époque. Et actuellement, je suis membre du parti de

 23   Milorad Dodik. Je n'ai pas de poste au sein du gouvernement actuellement.

 24   J'ai été l'adjoint du ministre de l'éducation entre 2001 et 2003 sur la

 25   base de mes compétences techniques. Et actuellement, je ne suis que membre

 26   de ce conseil chargé des questions démographiques à l'échelon de la

 27   république, qui est un organe consultatif de l'Etat. Ce n'est pas un organe

 28   politique, mais un organe consultatif. J'ai été son premier président, et


Page 20703

  1   je n'en suis maintenant que membre ordinaire. Et je suis membre de

  2   l'Académie des sciences et des arts de la Republika Srpska, qui, encore une

  3   fois, n'est pas du tout un organe politique, mais un organe académique.

  4   Et l'âge a joué également dans les décisions que j'ai prises. J'ai tout

  5   simplement considéré qu'il était temps aussi à un moment de laisser la

  6   place aux jeunes. C'est pourquoi j'ai mis un terme à mes activités

  7   politiques il y a un certain temps déjà.

  8   Q.  Merci. Pouvez-vous examiner l'article qui s'est affiché à l'écran.

  9   C'est un bref article émanant d'une revue de presse quotidienne. La date

 10   remonte à 1996. C'est donc une revue de presse qui se nomme SRNA.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Juste pour que ceci figure au compte rendu.

 12   Vous connaissez, Messieurs les Juges, le point de vue de la Défense quant à

 13   l'utilisation des articles de journaux en tant que moyens de preuve.

 14   Cependant, je crois que l'Accusation franchit encore un pas supplémentaire

 15   ici, parce que nous n'avons même pas un article de journal sous les yeux.

 16   Il s'agit d'une dépêche d'une agence de presse où l'on se contente de

 17   présenter une phrase complètement en dehors de son contexte. Je crois que

 18   tout ceci dépasse clairement le cadre de ce qui a été permis par les Juges

 19   de la présente Chambre concernant les articles de presse.

 20   Et je crois qu'il serait plus équitable de disposer du contexte dans son

 21   ensemble, parce qu'une telle phrase complètement extraite de son contexte,

 22   si elle est interprétée correctement, ne prête pas à conséquence. Mais je

 23   crois qu'il serait honnête et tout à fait bénin de demander à l'Accusation

 24   de bien vouloir fournir le contexte dans son ensemble, donc de nous montrer

 25   l'article dans son intégralité.

 26   Faute de quoi je pense qu'il s'agit là d'un procédé qui va trop loin

 27   en matière d'utilisation d'articles de presse et autres médias.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je crois que Me


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  1   Cvijetic n'a pas tort. Nous savons tous les difficultés qui peuvent être

  2   propres à l'utilisation d'internet. Et même s'il n'est pas possible

  3   d'ignorer complètement des éléments qui proviennent de cette source, de

  4   l'internet, la façon dont vous utilisez de tels éléments doit être telle

  5   qu'elle ne porte pas préjudice au témoin. Est-ce que vous pourriez

  6   reformuler votre question en gardant ceci à l'esprit.

  7   M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien. Je vais procéder ainsi, Monsieur

  8   le Président. Et pour répondre à Me Cvijetic, je serais ravi de présenter

  9   un article intégral si, toutefois, article intégral il y avait. Parce que

 10   ceci, c'est ce que l'Accusation a pu se procurer de mieux. Mais je ne sais

 11   même pas s'il y a un article original ou un article intégral. Mais je vais

 12   poursuivre en tenant compte de vos remarques.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   il vous appartient de décider si vous autoriserez ou non cette question.

 15   Mais je voudrais simplement rappeler qu'il existe un site internet sur

 16   lequel vous pouvez taper votre prénom et votre nom et vous obtenez en

 17   résultat les propos que vous avez pu tenir et ce que vous avez déclaré à

 18   telle ou telle occasion. Moi, en tant qu'avocat, je l'ai fait et j'ai

 19   découvert avec stupeur qu'on m'avait attribué des propos que je n'avais

 20   jamais tenus, mais on les a présentés comme s'ils avaient tenus dans telle

 21   ou telle affaire. Alors, je ne sais pas qui procède à ce genre de petite

 22   cuisine sur internet, mais en tout cas c'est un fait bien connu.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

 24   M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez l'article sous les yeux, et je crois que

 26   vous avez eu le temps de le lire. Est-ce que vous vous êtes entretenu avec

 27   un journaliste aux alentours du 24 août 1996 au nom du bloc démocratique et

 28   patriotique au sujet des rapports avec les Musulmans ?


Page 20705

  1   R.  Eh bien, 15 ou 16 ans m'en séparent. Parmi tous les entretiens que j'ai

  2   pu donner, ma foi, c'est bien difficile. Alors, pourquoi s'agirait-il d'une

  3   fausse interview, pourquoi cela aurait-il été inventé, je ne vois pas de

  4   raison d'affirmer cela. Alors, ce bloc démocratique a bien existé et a eu

  5   un certain nombre de candidats qui n'étaient pas membres du parti, et je

  6   pense que j'ai été sur une liste dans le cadre de ces élections. Donc,

  7   pourquoi a-t-on considéré qu'un entretien avec moi pourrait être

  8   intéressant ? Parce que j'ai été l'un des rares qui, juste après la guerre,

  9   ont publié des données concernant les victimes serbes sur le territoire de

 10   la Fédération et les souffrances vécues par les Serbes. Immédiatement après

 11   la guerre, on parlait surtout des lignes de séparation entre les

 12   différentes entités telles que fixée par les accords de Dayton.

 13   Et, en fait, je ne vois ici absolument pas où est le problème. Parce que

 14   même si nous prenons ce qui figure ici littéralement, pourquoi devrions-

 15   nous considérer que nous sommes frères ? Nous avons toujours été voisins

 16   dans l'histoire. Pourquoi faire semblant d'être des frères ?

 17   Nous avons eu cette soi-disant fraternité dans la Yougoslavie, qui s'est

 18   effondrée comme un château de cartes. Ici, il n'y a absolument aucune

 19   position rigide à l'encontre d'un autre groupe ethnique. Je me contente de

 20   faire état de ce qu'était la réalité pendant cette période. Alors, depuis,

 21   les choses ont beaucoup changé sur le terrain. A Zvornik, par exemple, 25

 22   Bosniens sont revenus, avec lesquels nous coexistons et avec lesquels nous

 23   agissons de concert dans les instances locales et autres. Le temps est donc

 24   également un facteur qui joue de façon importante.

 25   Q.  Merci. Puis-je donc considérer que vous avez tenu des propos tels que,

 26   je cite :

 27   "Le but du DPB est que la frontière entre les deux entités soit

 28   définitivement fixée. Nous pouvons vivre à côté des Musulmans en tant que


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  1   leurs voisins, mais certainement pas en tant que leurs frères…"

  2   Est-ce que c'est bien là les propos que vous avez tenus à un journaliste ?

  3   R.  Il est impossible pour moi de me rappeler 15 ans plus tard si j'ai tenu

  4   ou non ces propos précis. Cependant, le fait que j'aie pu m'exprimer sur ce

  5   genre de sujet dans ce contexte-là, je crois que c'est tout à fait

  6   possible. Je ne crois pas qu'un journaliste ait pu inventer cela.

  7   N'oublions cependant pas que les journalistes ont souvent tendance à se

  8   livrer à une interprétation un peu trop libre de leur interlocuteur alors

  9   même que la compréhension technique précise des questions qu'ils abordent

 10   leur fait défaut. Aujourd'hui encore, lorsque je donne des entretiens, je

 11   suis confronté à ce type de situation. Et à vrai dire, lorsque vous donnez

 12   des entretiens aux journaux et aux médias, si vous étiez censé, à chaque

 13   fois, prendre les précautions maximales et conditionner toute publication à

 14   une autorisation, vous ne publieriez pas grand-chose.

 15   Parce que les journalistes extraient toujours des éléments de

 16   l'ensemble que vous avez fourni lors d'un entretien, ce qui présente

 17   toujours une vue partiale et un peu déformée. Ce qui paraît dans les

 18   journaux, en fin de compte, c'est toujours l'interprétation libre des

 19   propos qui ont été tenus. Alors, qui en a la responsabilité morale, je

 20   l'ignore, mais je ne vois pas où est le problème ici.

 21   Q.  Monsieur le Professeur, je crois que nous pouvons avancer en

 22   considérant que tout un chacun ici est tout à fait au courant des

 23   spécificités que représentent le format de l'entretien donné à un

 24   journaliste et les précautions qu'il convient de prendre.

 25   Avançons donc. Ma question consistait simplement à vous demander si vous

 26   aviez bien tenu ces propos ?

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais le témoin n'a-t-il pas répondu à la

 28   question ? Vous pourriez peut-être retenir et accepter la première moitié


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  1   de sa réponse à ce sujet. Il me semble que la question a reçu une réponse.

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.

  3   Q.  Dans ce cas-là, j'avance l'élément suivant : ces propos que vous avez

  4   tenus consistant à dire que vous ne pouviez pas vivre ensemble avec les

  5   Musulmans en tant que leurs frères, mais uniquement en tant que leurs

  6   voisins, ce que j'avance, c'est que ceci traduit une certaine antipathie à

  7   l'égard de vos voisins musulmans et que ceci aurait pu éventuellement

  8   influencer la rédaction de votre rapport également lorsque vous parlez des

  9   victimes serbes, des souffrances infligées aux Serbes et de génocide dont

 10   les Serbes ont été victimes dans votre rapport ?

 11   R.  Non, c'est là votre conclusion propre et personnelle, avec laquelle je

 12   ne suis pas d'accord.

 13   Parce que concernant les Bosniens de Bosnie-Herzégovine, je ne peux que

 14   vous dire que j'ai vécu avec eux depuis ma naissance. J'ai  eu l'occasion

 15   de travailler dans des localités qui étaient peuplées de façon prédominante

 16   par des Bosniens, et nous n'avons jamais eu de problèmes avec eux. La

 17   guerre c'est autre chose. Il s'agissait d'une guerre civile, interethnique,

 18   religieuse, et elle a modifié ces rapports. Alors, il est possible que

 19   j'aie donné, dans le contexte dont je parlais, cet entretien à cette agence

 20   de presse. Mais je m'inscris vigoureusement en faux contre cette façon que

 21   vous avez d'en tirer des conclusions et de m'attribuer à moi-même ces

 22   conclusions, parce que je ne crois pas que quiconque puisse interpréter

 23   ainsi mes propos.

 24   Q.  [aucune interprétation] 

 25   R.  Je suis un personnalité publique, et vous pouvez tout à fait vérifier

 26   quelles ont été mes différentes prises de position. Il n'y a eu rien de tel

 27   et certainement pas la moindre influence négative sur mes travaux et mon

 28   rapport.


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  1   Q.  Merci pour cette explication.

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais

  3   demander le versement de ce document.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Compte tenu des questions qui ont été

  5   posées au témoin et des réponses apportées, pourquoi devons-nous verser ce

  6   document ?

  7   M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, je vais

  8   continuer.

  9   Est-ce que l'on pourrait afficher le document numéro 20087 de la liste 65

 10   ter.

 11   Q.  Professeur, pourriez-vous vous pencher sur cet article. Encore une

 12   fois, c'est sur internet que nous nous le sommes procuré. Il provient d'une

 13   publication ou d'un média qui s'appelle Glas. En tout cas, la date de

 14   l'article est celle du 10 mai 2006.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite simplement

 16   suggérer que nous appliquions la même méthode que celle qui a été proposée

 17   par le Président au Procureur, à savoir que M. le Procureur, sur la base de

 18   ce que nous avons à l'écran, pose une question tout à fait concrète au

 19   témoin. J'ai rien contre le fait qu'il s'appuie sur ce texte, mais je

 20   souhaiterais qu'il puisse poser une question tout à fait concrète dont la

 21   réponse pourrait être consignée au compte rendu d'audience. Je crois que

 22   c'est la méthode que nous avons appliquée pour la question et le document

 23   précédent. Et ce que je souhaite simplement suggérer, c'est que nous

 24   maintenions cette même façon de procéder.

 25   M. DI FAZIO : [interprétation]

 26   Q.  Professeur, avez-vous pu examiner ce document ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Alors, au second et au troisième paragraphes, on vous attribue les


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  1   propos qui sont cités. Avez-vous vu les propos en question qui sont cités

  2   et qui vous sont attribués ? Est-ce que ceci a été correctement cité ?

  3   R.  Dans l'ensemble, oui. Il s'agit là des résultats de mes recherches,

  4   mais également des recherches d'autres.

  5   Les Serbes ont eu le plus grand nombre de victimes à Sarajevo, et c'est

  6   quelque chose qui est encore une fois mis en avant dans le présent texte.

  7   On s'interroge dans ce texte, puisque cette réalité a été complètement

  8   passée sous silence, ou en tout cas extrêmement minorée dans le rapport de

  9   M. Tokaca. Et c'est un point sur lequel M. Tokaca et moi-même sommes

 10   revenus. Nous avons eu un échange à ce sujet qui a été publié.

 11   Q.  [aucune interprétation] 

 12   R.  C'est donc là une information qui fait partie de ma biographie, et il

 13   n'y a rien de controversé ici.

 14   Q.  Merci. Alors, voyez le troisième paragraphe. Vous vous y plaignez que

 15   certains se soient arrogés le droit exclusif d'établir le nombre exact des

 16   victimes de la guerre en Bosnie-Herzégovine indépendamment de leur

 17   appartenance ethnique. Et concernant le travail de Tokaca, vous dites que

 18   ce dernier range les victimes serbes à Sarajevo sous la qualification de

 19   marchandage politique.

 20   Ensuite, vous passez aux données collectées par Tokaca et son centre, et

 21   vous dites que ces données minimisent le nombre de victimes serbes et que

 22   c'est la raison pour laquelle les Serbes n'ont pas confiance dans son

 23   centre. Vous expliquez la spéculation en présence de laquelle on se trouve

 24   concernant les victimes serbes.

 25   Par conséquent, vous exprimiez là publiquement votre point de vue selon

 26   lequel le nombre de victimes serbes avait été minoré suite à des

 27   marchandages politiques, minoré donc par une autre institution

 28   démographique, n'est-ce pas ?


Page 20710

  1   R.  Oui, c'est exact. Il est exact de dire que j'ai eu des objections

  2   majeures à adresser au centre de recherche et de documentation de M. Tokaca

  3   pour ce qui est des recherches qui avaient été les leurs concernant les

  4   victimes serbes, et notamment les victimes serbes à Sarajevo. Parce que ce

  5   centre est parvenu à un chiffre plutôt symbolique concernant les victimes

  6   serbes. Je ne me rappelle plus exactement le chiffre exact, mais ils

  7   avaient conclu à 800 victimes. Et lui, la qualification de ce chiffre qui a

  8   été la sienne a consisté à dire que c'était de l'ordre du marchandage

  9   politique. Et moi je n'ai pas été d'accord avec cela. J'ai attiré son

 10   attention à des données qui concernaient des territoires à l'extérieur de

 11   Sarajevo, et je lui ai dit que ses données à lui n'étaient pas exactes.

 12   Je lui ai donné en exemple le cas de la municipalité de Zavidovici, que je

 13   connaissais bien. Et je voudrais pouvoir en faire état pour que nous

 14   fassions la comparaison avec Sarajevo. Dans le rapport de M. Tokaca, il est

 15   dit qu'à Zavidovici, il y avait en tout 800 victimes, toutes appartenances

 16   ethniques confondues, dont 600 Bosniens. J'ai commenté ces faits sur la

 17   base des commentaires que l'on trouve dans un ouvrage publié par la

 18   municipalité de Zavidovici intitulé "La vie sans fin", où un trouve un

 19   commentaire de la municipalité sur ces 600 victimes bosniennes. Nous avons

 20   200 victimes croates à peu près, car en 1993, sur le territoire de

 21   Zavidovici, un affrontement armé direct s'est produit entre ceux qu'on

 22   appelait à l'époque les Musulmans - qui sont devenus les Bosniens

 23   aujourd'hui - et les Croates. Et il est en ressort que finalement, il ne

 24   reste qu'une centaine de victimes d'appartenance ethnique serbe.

 25   Pour ma part, j'ai apporté des éléments démontrant qu'à Vozuce

 26   seulement, ont disparu ou ont été tuées à peu près 400 victimes. Et sur le

 27   territoire de Dolac, qui est un lieu serbe non loin de Zavidovici. Et dans

 28   la localité de Bocinja, où s'étaient installés les Moudjahidines. Cela,


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  1   c'est bien connu. Le nombre de victimes serbes a été largement minimisé. Ce

  2   n'étaient que des références de ma part. Mais les exemples de ces

  3   municipalités que j'ai cités peuvent se retrouver dans de nombreux autres

  4   lieux. J'ai voulu, grâce à ces exemples, démontrer que la structure de la

  5   population sur la base de son appartenance ethnique était inexacte dans ces

  6   cas précis.

  7   Pourquoi les Serbes n'ont-ils pas eu confiance dans l'institution

  8   officielle chargée d'étudier ces éléments ? Eh bien, précisément en raison

  9   du fait que les enquêteurs qui travaillaient sur le terrain, et ça, vous

 10   pouvez le contacter sur internet, car tous ces éléments ont été mis à la

 11   disposition du public, les enquêteurs présentaient principalement les

 12   souffrances et les victimes de la partie bosnienne. C'est cela qui fonde la

 13   méfiance des ressortissants d'appartenance ethnique serbe, des familles

 14   dans lesquelles il y a eu une ou plusieurs victimes s'agissant des suites

 15   qui ont été données aux événements de la guerre.

 16   Il est impossible de rendre compte de l'intégralité des victimes serbes,

 17   car un grand nombre de familles ont totalement disparu. Il ne restait dans

 18   ces familles plus personne pour faire connaître l'existence des victimes

 19   appartenant à leurs familles. Il y  a d'autres cas où des familles entières

 20   ont déménagé dans des pays situés hors du territoire de l'ex-Yougoslavie,

 21   donc il ne restait plus personne sur place pour faire connaître l'existence

 22   des victimes. Donc M. Tokaca, lors de cette conversation informelle que

 23   j'ai eue avec lui, a convenu de ces faits avec moi. C'était une

 24   conversation télévisée, assez libre dans son déroulement, que nous avons

 25   eue ensemble à ce sujet.

 26   Q.  Vous vous êtes entendus, vous êtes arrivé à un accord avec M. Tokaca au

 27   sujet de cette minimisation du nombre des victimes serbes. Mais est-ce que

 28   vous avez traité de cette question sur la base de documents écrits ou par


Page 20712

  1   le biais des médias ? Est-ce que vous avez envisagé, peut-être, de traiter

  2   de cette question dans des magazines spécialisés en démographie, ou en

  3   rédigeant un article scientifique, ou peut-être en publiant ce débat tout

  4   entier, plutôt qu'en vous contentant de déclaration à la presse ? Parce que

  5   ce que je soutiens devant vous, c'est que ces divers moyens auraient signé

  6   la volonté de procéder à un débat sans passion et uniquement académique sur

  7   les chiffres ?

  8   R.  Bien sûr, mais ce n'est pas moi qui ai initié le dialogue dans les

  9   médias. C'est M. Tokaca qui l'a fait en faisant connaître les éléments

 10   qu'il a fait connaître au public. Il a présenté ces éléments à toute la

 11   Bosnie-Herzégovine, et nous nous sommes trouvés pris à notre corps

 12   défendant dans cette présentation très publique de ces données. Il eut été

 13   préférable de participer à de telles discussions selon des modalités

 14   différentes, à mon avis.

 15   Quant à la démarche scientifique qui pouvait être abordée pour traiter de

 16   ce problème, dans la bibliographie que je présente ici, vous trouvez les

 17   documents que j'ai rédigés et présentés devant des assemblées de

 18   scientifiques, où j'ai traité de ces questions, notamment après la guerre.

 19   Et étant donné qu'il y avait pénurie de documents traitant de ce sujet, mes

 20   écrits ont attiré une attention importante au sein de la Bosnie-Herzégovine

 21   et hors de la Bosnie-Herzégovine. J'ai toujours fait un effort particulier

 22   pour présenter des données approfondies, des données qui ne seraient ni

 23   superficielles ni partielles.

 24   Et enfin, pendant toutes ces années, l'objectif assigné à mes recherches a

 25   consisté à être le plus intégral et le plus réaliste dans la peinture des

 26   événements survenus en Bosnie-Herzégovine, sans jamais minimiser ou

 27   exagérer ces événements en faveur ou à l'encontre d'un quelconque groupe

 28   ethnique. Je puis dire en toute sincérité que je n'ai jamais fait l'objet


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  1   d'attaques critiques, car j'ai toujours soigneusement choisi mes sujets de

  2   recherche qui ne concernaient que des éléments pour lesquels j'avais des

  3   certitudes. Si je ne suis pas certain de quelque chose, je ne souhaite pas

  4   le présenter au public ou devant une assemblée de spécialistes, parce que

  5   ce serait là manquer de sérieux de la part de quiconque, moi inclus.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur le

  8   document 65 ter 20090.

  9   Q.  Vous voyez l'article en B/C/S sur la partie gauche de l'écran.

 10   Professeur, je vous demanderais de bien vouloir prendre connaissance du

 11   texte qui apparaît à l'écran, dans la partie gauche de cet écran. C'est un

 12   article d'Oslobodjenje en date du 26 août 2008, dont le titre est le

 13   suivant : "Pasalic : Les Bosniens veulent une nation bosnienne."

 14   R.  C'est un article que j'ai rédigé pour Oslobodjenje qui est présenté ici

 15   de façon partielle et qui a été très bien reçu dans toute la Fédération de

 16   Bosnie-Herzégovine, de même qu'en Republika Srpska.

 17   Je traite dans cet article de la population de Bosnie-Herzégovine car les

 18   médias m'avaient demandé de traiter de cette question en tant que

 19   démographe. Et là, vous avez un bon exemple de la façon dont les

 20   journalistes commentent des erreurs, car, voyez-vous, je suis présenté dans

 21   cet article comme professeur de la faculté de philosophie de Banja Luka. Ce

 22   que je n'ai jamais été --

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   R.  Mais quoi qu'il en soit, je suis tout à fait prêt à commenter cet

 25   article, car je crois comprendre que c'est ce que vous m'avez demandé de

 26   faire.

 27   Q.  Oui, d'accord, c'est exact.

 28   Dans le deuxième paragraphe de cet article, vous dites, et on lit, je cite


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  1   :

  2   "Il," c'est-à-dire vous, "suppose que derrière l'idée de ne pas enregistrer

  3   l'appartenance ethnique ou la religion des habitants de Bosnie-Herzégovine

  4   se cache l'intention d'abolir l'identité nationale serbe et croate pour

  5   créer une nation 'bosnienne'."

  6   Et tout ceci découle de la question qui se posait de savoir si dans le

  7   projet de recensement dont il était question à ce moment-là, il faudrait

  8   inclure des questions relatives à l'appartenance ethnique et à la religion,

  9   n'est-ce pas?

 10   R.  Oui. Mais vous me permettrez de m'étendre un peu sur le sujet d'un

 11   point de vue professionnel.

 12   Q.  Non, je ne souhaite pas traiter de la forme qui était proposée pour ce

 13   recensement. Me Cvijetic pourra, le cas échéant, apporter les précisions

 14   nécessaires.

 15   Mais ce que je souhaite vous demander, c'est de commenter si, oui ou

 16   non, vous avez parlé de cette intention cachée d'abolir l'identité

 17   nationale serbe et croate en créant une nation bosnienne.

 18   Pourquoi avez-vous formulé ce commentaire spécifique ?

 19   R.  Eh bien, c'est précisément ce que je souhaitais expliquer.

 20   Selon les principes et recommandations du département des Nations Unies -

 21   acceptés par Eurostat en Europe; il était recommandé donc à tous les pays

 22   désireux de procéder à un recensement de leur population de respecter des

 23   principes particuliers - dans tous les pays multiethniques d'Europe, eu

 24   égard au recensement de 2001, 70 % de ces pays incluaient une question

 25   relative à la langue nationale de l'habitant concerné ou à son affiliation

 26   religieuse, ce qui est tout à fait admissible pour des pays multiethniques.

 27   Et la Bosnie-Herzégovine est un de ces pays, puisque, après tout, il est

 28   indiqué dans sa constitution qu'il s'agit d'un Etat constitué de trois


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  1   peuples constitutifs. Dans ces pays, il peut arriver qu'un groupe ethnique

  2   ou une population ne souhaite pas avoir cette question intégrée dans le

  3   recensement. J'ai donc présenté cette idée en tant qu'hypothèse qui

  4   pourrait signifier pour l'avenir qu'il s'agissait de l'expression d'une

  5   aspiration de créer ce qu'il serait convenu d'appeler une nation bosnienne.

  6   Parmi la population bosnienne de Bosnie-Herzégovine, de telles

  7   aspirations n'étaient pas totalement inexistantes. Elles n'étaient pas

  8   cachées. Elles étaient exprimées publiquement très souvent. Le simple fait

  9   que l'on parle de Bosno-Serbes, de Bosno-Croates, et cetera, est une erreur

 10   car il s'agit d'une façon d'indiquer l'appartenance ethnique. Ceci en est

 11   une autre indication. Donc le problème du recensement est devenu un

 12   problème politique, car seuls les représentants politiques bosniens

 13   n'acceptaient pas que le recensement soit réalisé en Bosnie-Herzégovine sur

 14   la base primordiale de la langue et de l'affiliation religieuse et que

 15   celles-ci fassent partie des questions posées.

 16   Si nous nous en tenons à l'idée que nous poursuivons dans notre

 17   travail, il importe que nous soyons visionnaires. Nous ne pouvons pas

 18   uniquement nous occuper du présent.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  Nous devons nous projeter dans l'avenir. Donc je vous prierais de

 21   considérer ma déclaration dans le contexte que je viens de décrire. Et

 22   cette projection dans l'avenir est tout à fait acceptable.

 23   Q.  A la fin de l'article, vous exprimez la crainte -- plutôt,

 24   excusez-moi. Je vais reformuler. Vous exprimez une crainte qu'il s'agisse

 25   d'une tentative déjà entamée de transformer les Serbes et les Croates en

 26   Bosniens.

 27   Est-ce que vous avez dit cela ?

 28   R.  Si c'est ce qui a été écrit littéralement dans Oslobodjenje, je


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  1   ne le nie pas. Je l'ai très bien expliqué.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  Quant à la dénomination d'une langue, elle ne repose pas sur un nom

  4   propre. Un nom propre est le nom donné à une région particulière.

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Donc c'est le nom d'une population qui devrait se retrouver dans la

  7   dénomination de la langue, la population qui parle cette langue, non --

  8   Q.  Je vous remercie. Je sais ce qu'est un nom propre. Merci. Vous n'avez

  9   pas besoin de nous l'expliquer.

 10   La crainte évoquée dans cet article de presse portait sur le fait que des

 11   mesures étaient en cours qui tendaient à transformer des Serbes et des

 12   Croates en Bosniens, d'après ce que vous avez indiqué. Et eu égard à

 13   l'harmonie ethnique en Bosnie, vous avez des positions très tranchées, et

 14   vous les avez exprimées dans les médias, n'est-ce pas ?

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est un débat

 16   entre l'Accusation et le témoin. Je pense que le témoin a déjà répondu à

 17   cette question à trois reprises, la question qui vient d'être posée par M.

 18   Di Fazio. Et il s'agit maintenant d'un débat entre eux.

 19   M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien. Je vais aborder la question d'une

 20   autre façon.

 21   Q.  Professeur, vous traitez de ces questions en vous adressant aux médias

 22   et en vous plaignant de la domination des deux autres groupes ethniques

 23   lorsque vous évoquez ce qu'ils seraient censés vouloir faire, à savoir

 24   transformer les Serbes et les Croates en Bosniens. Vous ne vous occupez

 25   certainement pas d'articles de spécialistes ou d'articles d'universitaires,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Eh bien, on ne peut pas parler d'articles universitaires dans les

 28   médias.


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  1   Il importe de vous adapter et d'adapter vos déclarations à la demande des

  2   médias qui vous a été proposée. Les médias traitent de l'actualité, des

  3   événements politiques actuels, et cetera. Dans des situations comme celles-

  4   ci, par exemple, lorsque vous abordé le problème du recensement en Bosnie-

  5   Herzégovine, les médias se sont également adressés à des experts, de façon

  6   générale. En Bosnie-Herzégovine, ceci existait, et ceux qui s'occupaient de

  7   cette question étaient avant tout des démographes.

  8   Je ne vois pas ce qui peut être contesté ici. La création d'une nation

  9   bosnienne n'était pas quelque chose qui pouvait apparaître comme

 10   impossible, si l'on pense à la création de la nation yougoslave. Donc les

 11   groupes ethniques souhaitaient revenir au maintien de leur identité

 12   nationale stricte. Même la multiethnicité de la Bosnie-Herzégovine devait

 13   être mise en avant comme un avantage, comme quelque chose qui eut été

 14   susceptible de favoriser l'harmonie de l'ensemble de la population. Ce qui

 15   était indiqué ici, c'était la volonté de mettre en exergue des éléments

 16   bien particuliers dans le cadre des questions posées pendant le

 17   recensement.

 18   Comment est-ce que les trois peuples constitutifs pouvaient être

 19   représentés dans des écrits, et cetera, et cetera ? C'est là que le

 20   problème politique est survenu. Pourquoi est-ce qu'il y aurait eu un

 21   problème à ce que le recensement reflète la multiethnicité de la Bosnie-

 22   Herzégovine comme caractéristique positive de la Bosnie-Herzégovine ? Cet

 23   élément n'aurait jamais dû être considéré comme une caractéristique

 24   négative. Ceux qui sont contre le fait de poser certaines questions dans le

 25   recensement, eh bien, ils lisent un article de journal à ce sujet et ils

 26   doivent apprendre à lire entre les lignes, si je puis m'exprimer ainsi,

 27   étant donné le caractère très spécialisé de cette question.

 28   Q.  Je pense que je pourrais en terminer avec une dernière question.


Page 20718

  1   Voici ce que je vous propose, ce que je soutiens devant vous : vous êtes

  2   une personne qui use très aisément des statistiques dès lors que vous

  3   traitez des différents groupes ethniques présents en Bosnie, ainsi que dans

  4   les milieux politiques et dans les médias. Vous avez beaucoup d'aisance à

  5   agir ainsi. Et est-ce que ceci ne devrait pas être préoccupant eu égard à

  6   la nécessité d'un débat sans passion et de la rédaction d'un rapport très

  7   neutre eu égard aux déplacements de population pendant la guerre ?

  8   R.  Non, absolument pas. Ça c'est votre conclusion personnelle, et elle est

  9   erronée. Tous les médias de Bosnie-Herzégovine, aussi bien dans la

 10   Fédération que dans la Republika Srpska, ont recours aux interviews avec

 11   moi et d'autres pour préciser certains points dans leur acception

 12   professionnelle.

 13   Si cela n'était pas le cas, certains médias auraient cessé de coopérer avec

 14   moi. Je n'ai jamais abusé des statistiques dans ces interviews. Mais en

 15   tant que personnalité publique, il est de mon devoir de fournir certaines

 16   interprétations aux médias ainsi qu'au public de façon générale. Ceci ne

 17   signifie pas que tout le monde doit être d'accord avec moi, avec ce que je

 18   dis, mais si nous parlons de questions qui relèvent de ma profession, de

 19   questions qui relèvent de la science, alors il importe d'être clair sur les

 20   faits. Il n'est pas question de parler de façon mitigée. Je répète que

 21   c'est ma façon d'aborder les aspects politiques des problèmes

 22   professionnels, mais je ne fais pas de déclaration qui soit à proprement

 23   une déclaration d'homme politique, jamais. Je souhaite que les problèmes se

 24   résolvent sur la base des qualités professionnelles qui sont les miennes.

 25   Et je parle du recensement de la population en Bosnie-Herzégovine dans le

 26   but de mettre en place un système qui permettrait d'enregistrer

 27   l'intégralité de la population de Bosnie-Herzégovine, ce qui est une

 28   nécessité absolue pour toute la Bosnie-Herzégovine.


Page 20719

  1   Q.  Professeur Pasalic, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.

  2   M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le souhaitez,

  3   j'en suis arrivé au terme de mon contre-interrogatoire. Je voudrais

  4   simplement vous rappeler que je demande le versement au dossier du document

  5   issu de l'ouvrage intitulé "Réalité anthropogénique des Serbes", le

  6   document 65 ter numéro 20081.

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment de pages souhaitez-vous

  8   verser au dossier ?

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne connais pas le nombre exact. Un

 10   instant, je vous prie.

 11   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 12   M. DI FAZIO : [interprétation] Six pages, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous reprenons dans 20 minutes après la

 15   pause.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 50.

 19   Mme KORNER : [interprétation] Comme MM. les Juges peuvent le voir, je suis

 20   en train de remplacer M. Hannis pour cette dernière audience pour parler de

 21   questions qui découleraient des documents.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Monsieur Cvijetic.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Nous allons faire vite et ce sera aisé. Je

 25   n'ai pas de questions supplémentaires à poser à notre expert, M. le

 26   Professeur Pasalic.

 27   Alors, je lui suis reconnaissant d'avoir trouvé la possibilité et la

 28   force de venir après un accident de la circulation. Et je voudrais juste


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  1   proposer aux Juges de la Chambre de bien vouloir verser au dossier son

  2   rapport avec les annexes.

  3   M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que nous pourrions en parler une fois

  4   que le témoin aura quitté le prétoire, je vous prie.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   Questions de la Cour : 

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Professeur, au paragraphe 75 de votre

  8   rapport, il est fait mention de ce référendum en Bosnie-Herzégovine daté du

  9   mois de mars 1992 et il est fait mention du fait que l'Occident a accepté

 10   l'issue de ce référendum comme base pour la création d'un nouvel Etat. Ce

 11   sont là deux faits.

 12   Cependant, dans ce paragraphe, il est dit un peu plus loin :

 13   "Le consensus des trois peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine, dans

 14   les circonstances données, était la solution la plus rationnelle puisqu'il

 15   y a un fait qu'aucun des peuples en présence n'avait une majorité de

 16   faite."

 17   Le voyez-vous ?

 18   R.  Oui.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le consensus étant la solution la

 20   plus rationnelle, est-ce là un fait ou une opinion ? Et comme je l'imagine,

 21   ceci est une opinion, est-ce une opinion qui tombe dans le cadre de votre

 22   expertise en votre qualité de  démographe ?

 23   R.  Oui. C'est une opinion que j'ai formulée à l'époque et c'est la mienne

 24   de nos jours encore. En Bosnie-Herzégovine, pour toute question, il est

 25   indispensable d'avoir un consensus des trois peuples constitutifs. Et là,

 26   il y a un dicton populaire qui dit la Bosnie peut vivre en paix.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais ma question était celle de

 28   savoir si c'est votre opinion personnelle ou si c'est une opinion que vous


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  1   avez en tant qu'expert. Est-ce que c'est une opinion qui se base sur des

  2   faits démographiques ?

  3   R.  C'est une opinion qui est la mienne, qui n'a pas de lien particulier

  4   avec la démographie, que je formule dans mon avant-propos de l'étude

  5   démographique de "La réalité anthropographique des Serbes en Bosnie-

  6   Herzégovine". C'est une opinion qui n'a pas à voir avec la démographie.

  7   Mais la question qui se pose est de savoir qu'est-ce qui en Bosnie-

  8   Herzégovine n'a pas de lien avec le reste, et ceci comprend les aspects

  9   démographiques ?

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Merci. Au paragraphe 7,

 11   dans votre partie introductive, vous indiquez que l'objectif de ce rapport

 12   est de montrer l'étendue des changements démographiques survenus du fait de

 13   la guerre en Bosnie-Herzégovine.

 14   Et au paragraphe 78, vous indiquez que vos recherches ont couvert les

 15   territoires habités par la population serbe, ce qui se trouve être à

 16   l'opposé des territoires contrôlés par les forces musulmanes et croates,

 17   parce que vous n'avez pas eu la possibilité de procéder à des recherches au

 18   sujet des événements survenus dans ces secteurs, et vous l'avez, dans une

 19   certaine mesure, expliqué.

 20   Ma question se lit comme suit : est-ce que c'est une équation

 21   scientifiquement valide pour s'aventurer dans des concepts qui s'excluent

 22   l'un l'autre pour ce qui est des territoires habités par une population

 23   serbe et pour ce qui est des territoires contrôlés par des forces

 24   musulmanes ou croates pendant la guerre ? Est-ce que l'un n'exclut pas

 25   l'autre ?

 26   R.  L'approche scientifique peut englober le territoire entier de la

 27   Bosnie-Herzégovine au cas où vous avez des préalables de mis en place. Ça

 28   peut aussi de procéder à des recherches sur des parties de territoire,


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  1   indépendamment du fait de savoir quel est le groupe ethnique qui est

  2   prédominant.

  3   Mon objection a été celui-ci : du fait de mes recherches, je voulais

  4   compléter, et nous avons déjà indiqué ceci au fil des jours écoulés, nous

  5   voulions que cette étude soit complémentaire par rapport aux études déjà

  6   effectuées afin que la totalité des recherches faites donne une image plus

  7   complète de ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine pendant cette période

  8   de guerre. Je n'ai pas eu la prétention ni le potentiel de faire une tâche

  9   générale englobant la totalité du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et

 10   je ne pense pas que tels individus soient présents sur ces territoires-là

 11   de nos jours encore.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Professeur, excusez-moi de vous

 13   interrompre. Je pense que vous n'avez probablement pas bien compris ma

 14   question.

 15   Lorsque nous prenons le concept de territoires contrôlés par des

 16   forces musulmanes et croates, ces territoires-là sont-ils par définition

 17   des territoires qui ne sont pas habités par une population serbe, et vice-

 18   versa ?

 19   R.  Ici, il s'agit d'une période de guerre. La population serbe était

 20   présente de façon symbolique sur ces territoires-là, lorsqu'on prend en

 21   considération le fait qu'il y a eu juste avant le début des conflits armés

 22   ou pendant les conflits armés eux-mêmes des populations d'expulsées. Parce

 23   que la totalité des territoires, pendant la guerre, n'ont pas été englobés

 24   par des conflits armés directs, mais il y a eu des conséquences indirectes

 25   de subies par ces territoires. Par conséquent, les forces musulmanes et

 26   croates ont contrôlé des territoires où la population serbe avait été

 27   réduite au minimum. Et du reste, de nos jours encore, ces chiffres sont

 28   très bas. Je vous l'ai déjà expliqué. Dans la Fédération, il n'y a à peine


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  1   4 % de population serbe, et c'est la conséquence, bien entendu, des

  2   circonstances de guerre.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Dans les territoires où

  4   vous avez pu procéder à des recherches, ces territoires où la population

  5   serbe n'avait pas été placées sous le contrôle des forces musulmanes et

  6   croates pendant la guerre, vous avez, comme vous l'indiquez au paragraphe

  7   79, et à la conclusion numéro 5 de votre rapport, procédé à des recherches

  8   au sujet "des migrations forcées serbes du fait de la guerre".

  9   N'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. C'est expliqué dans le témoignage fourni à ce jour. Les processus

 11   démographiques ont été étudiés pour ce qui est de l'élément des migrations

 12   qui, du fait de la guerre, se trouvent à être des migrations forcées. Et je

 13   l'ai expliqué de façon plus détaillée par des classifications en sous-

 14   groupes. Je ne vais pas les reprendre maintenant. Mais ce que j'ai abordé,

 15   je le répète, c'est les migrations forcées des populations serbes, et j'ai

 16   expliqué pourquoi.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour en revenir un instant vers les

 18   deux catégories de territoires, ceux où vous avez pu procéder à des

 19   recherches et ceux où vous n'avez pas pu le faire, les territoires

 20   contrôlés par les Serbes et les territoires contrôlés par les forces

 21   musulmanes et croates.

 22   D'une façon générale, sans pour autant entrer dans les détails, dans

 23   quelle catégorie placeriez-vous les municipalités qui se trouvent énoncées

 24   à l'acte d'accusation dans cette affaire-ci ?

 25   R.  Pour autant que m'en souvienne, certains de ces territoires étaient

 26   placés sous des contrôles qui ont changé, et certains, non. Cinq de ces

 27   municipalités se trouvent à faire partie de la Fédération. Les autres font

 28   partie de la Republika Srpska. Par exemple, Kljuc est l'une des


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  1   municipalités qui est citée dans cette affaire. C'était placé --

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, non. Nous sommes en train de

  3   parler de la période pendant la guerre.

  4   Est-ce que la majorité de ces municipalités étaient tombées dans

  5   l'une de ces deux catégories-là ?

  6   R.  Je pense que la plupart de ces municipalités étaient placées sous le

  7   contrôle des forces serbes, et c'est précisément la raison pour laquelle

  8   j'ai formulé une thèse disant que l'échantillon n'a pas été bien choisi,

  9   parce que ça donne une image déformée des événements de Bosnie-Herzégovine.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 11   R.  Certaines de ces municipalités étaient passées sous le contrôle de

 12   l'une ou des autres forces alternativement pendant la guerre.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais au fond, il s'agit là de

 14   municipalités habitées par des Serbes, tel que vous les qualifiez, lorsque

 15   vous catégorisez ceci en deux groupes ? C'est bien ce que vous avez dit.

 16   R.  Eh bien, maintenant, il faudrait que je prenne le document afférent

 17   pour vous interpréter de façon précise la part de ces populations dans

 18   chacune des municipalités dont il est question.

 19   Je ne veux pas parler de façon arbitraire ou par cœur pour ce qui est

 20   indiqué où il y a majorité de Serbes, de Croates ou de Musulmans, mais dans

 21   la plupart des cas, les Croates n'étaient pas majoritaires dans bon nombre

 22   de ces municipalités. Il y avait peut-être une majorité relative dans

 23   certaines municipalités. Alors, l'objection que j'ai faite c'est de dire

 24   qu'on n'a pas bien choisi les municipalités pour fournir une image réaliste

 25   des événements. Le choix qui a été fait donne une image déformée des

 26   processus démographiques en Bosnie-Herzégovine, ou plutôt, dans une partie

 27   de la Bosnie-Herzégovine. Si vous preniez un autre groupe de municipalités

 28   là où il y a une majorité de population autre --


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi, Professeur, ce n'est pas

  2   la finalité poursuivie par ma question. Je vais revenir au paragraphe 79 de

  3   votre rapport et à la cinquième conclusion qui est formulée. Vous y dites

  4   avoir procédé à des recherches au niveau de migrations forcées des Serbes

  5   sur des territoires peuplés par des Serbes et l'influence de ces

  6   migrations.

  7   Le seul endroit, ou la seule conclusion, où il y a eu évocation de

  8   migrations du fait de la guerre d'autres groupes ethniques, c'est lorsque

  9   vous dites que des migrations forcées de Serbes ont conduit à des

 10   migrations forcées d'autres groupes ethniques. C'est ce que je lis au

 11   paragraphe 75 et à la cinquième conclusion de votre rapport. Et vous dites

 12   que pour cette raison, l'objectif poursuivi par votre rapport est celui qui

 13   vise à souligner la complexité des migrations de population sur ces

 14   territoires entre 1992 et 1995.

 15   Est-ce une bonne façon de résumer la cinquième conclusion que vous tirez

 16   dans votre rapport ?

 17   R.  Excusez-moi, mais je voudrais retrouver cette conclusion.

 18   En ce moment, je n'arrive pas à retrouver cette conclusion 5, parce

 19   que chez moi c'est tout à fait autre chose. On dit que : "Le territoire de

 20   la Bosnie-Herzégovine est caractérisé par des processus migratoires

 21   complexes," or, ça c'est la partie introductive. Excusez-moi. J'essaie de

 22   retrouver cette cinquième conclusion.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est la page 71 de vos conclusions, si je

 24   puis vous aider, aux conclusions finales.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On y lit : 

 26   "Etude des migrations serbes du fait de la guerre, migrations forcées pour

 27   citer les causes et les conséquences qui ont impliqué des migrations

 28   forcées du fait de la guerre des groupes ethniques autres. Et de ce fait,


Page 20726

  1   je voudrais souligner la complexité des migrations de population sur ce

  2   territoire au fil de l'histoire, et notamment pendant la guerre de 1992 à

  3   1995."

  4   C'est ce que j'ai cité, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, oui, c'est bien cela. La finalité poursuivie c'est ce que nous

  6   avons évoqué, et nous avons parlé de façon métaphorique de vases

  7   communicants et j'ai parlé des mouvements migratoires, et tous ces

  8   mouvements migratoires, d'une façon générale, se trouvent être des

  9   mouvements forcés. Mais ici, il s'est agi essentiellement de transferts des

 10   populations qui se sont déplacées vers les territoires où il y avait

 11   majorité de ce groupe ethnique-là, et j'ai parlé donc de processus

 12   d'homogénéisation ethnique. Et je crois que les données que nous avons

 13   présentées le montrent bien.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ma question suivante est celle-ci :

 15   si on vous avait demandé de le faire, auriez-vous, dans votre rapport,

 16   s'agissant de ces mêmes territoires, pu explorer les migrations forcées du

 17   fait de la guerre de population non serbe ?

 18   Si on vous l'avait demandé, auriez-vous été à même de le   faire ?

 19   R.  Pendant la guerre, physiquement, je n'aurais pas pu le faire. Nous

 20   l'avons déjà dit, et il y a eu des limites à nos déplacements.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, mais attendez. On vous l'a

 22   demandé en 2011, donc ce rapport vous a été demandé en 2011, n'est-ce pas ?

 23   R.  Si c'est de cela que vous parlez, oui. Je pourrais procéder à des

 24   recherches pour ce qui est du territoire entier de la Bosnie-Herzégovine.

 25   Ce dont je ne suis pas certain, c'est de connaître les territoires.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, excusez-moi, je ne parle pas à

 27   présent de la Bosnie-Herzégovine toute entière. J'ai parlé des territoires

 28   que vous avez prospectés pour la rédaction de votre rapport, c'est-à-dire


Page 20727

  1   les territoires qui sont peuplés de Serbes. La question est celle de savoir

  2   si vous seriez à même, au cas où on vous le demanderait, de procéder à des

  3   recherches de migrations forcées du fait de la guerre de population non

  4   serbe pour les mêmes territoires ?

  5   R.  Pour être tout à fait sincère, je crois que je connaîtrais moins bien

  6   la matière. Mais en regroupant une équipe d'experts, je pense pouvoir être

  7   en mesure de procéder à des recherches de ce type aussi.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc je suppose qu'on ne vous a pas

  9   demandé de procéder à ce type de recherche.

 10   R.  Oui, vous avez raison. On ne me l'a pas demandé.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et --

 12   R.  Si vous évoquez, là, des institutions de Bosnie-Herzégovine.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, non, je me réfère aux

 14   territoires qui se trouvent être couverts par vos recherches, c'est-à-dire

 15   les territoires peuplés de Serbes --

 16   C'est ce que l'expert a dit, les territoires peuplés de Serbes.

 17   Donc ça a été votre choix à vous que de vous concentrer sur les migrations

 18   de Serbes du fait de la guerre dans ces territoires.

 19   R.  Maintenant, j'ai compris.

 20   Dans ce rapport, je n'ai pas eu la possibilité de procéder, en si peu de

 21   temps, de procéder à des recherches sur d'autres territoires. Mais je l'ai

 22   dit, je pense, hier ou il y a quelques jours, j'ai dit que ces recherches

 23   ont été effectuées par Ewa Tabeau avec ses collaborateurs pour aboutir à

 24   des répétitions de données.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, Professeur, c'est précisément

 26   sur ce sujet que je vous pose ma question. N'êtes-vous pas en train de nous

 27   dire que vous n'avez pas de connaissances réelles d'expert pour ce qui est

 28   des migrations de la population non serbe dans ces territoires peuplés de


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  1   Serbes en général, à savoir sur le territoire des municipalités évoquées à

  2   l'acte d'accusation ?

  3   R.  Je ne dirais pas que je ne dispose pas de connaissances d'expert. Nous

  4   n'avons pas transféré ces connaissances dans le rapport. Mais pour ce qui

  5   est des recherches, des documentations et des connaissances de processus

  6   démographiques en Bosnie-Herzégovine me concernant et concernant les autres

  7   démographes, c'est des connaissances qui sont présentes. J'ai limité mon

  8   rapport à une partie des recherches pour des raisons déterminées, que j'ai

  9   déjà indiquées, des raisons de temps et autres. Mais j'ai personnellement

 10   estimé qu'une recherche générale effectuée par Mme Ewa Tabeau s'est portée

 11   sur d'autres territoires. Ses recherches peuvent être soumises à des

 12   critiques, tout comme les miennes. Ces deux recherches sont

 13   complémentaires. Et c'est là que je vois la validité de ces rapports. Ils

 14   apportent une image plus claire, l'un et l'autre. Nous ne nous recoupons

 15   pas pour ce qui est de ces territoires avec des données qui seraient ou des

 16   phénomènes qui seraient identiques.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si vous nous dites que les

 18   connaissances que vous avez eues au sujet de migrations de non-Serbes, que

 19   ces connaissances, vous ne les avez pas incorporées dans ce rapport, n'est-

 20   ce pas un choix étrange, étant donné que ce procès ne parle pas de

 21   migrations forcées de la population serbe, mais entre autres, de migrations

 22   forcées de population non serbe ?

 23   R.  Oui, ceci vaque à l'étude des migrations de population non serbe. Mais

 24   j'ai estimé que si nous ajoutions au rapport les problèmes liés aux

 25   migrations de population serbe, c'est là qu'il nous serait donné la

 26   possibilité de comprendre d'une façon généralisée les problèmes survenus

 27   sur ces territoires, parce qu'autrement nous pourrions avoir des

 28   présentations historiquement faussées ou des éléments partiaux dans la


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  1   présentation, des présentations biaisées du problème. Donc il faut procéder

  2   à l'étude des migrations de la totalité des populations. Je répète que

  3   c'est ici des réactions en chaîne qui se sont effectuées, et il y a eu un

  4   phénomène de "vases communicants" qui s'est produit sur le terrain. Donc je

  5   dis que les institutions en place n'ont pas eu la possibilité de contrôler

  6   tout ceci aisément. Il y a 4 000 000 000 de personnes qui ont été

  7   impliquées dans ces processus. Ces processus ont été des processus très

  8   complexes.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Professeur.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Professeur, nous tenons à vous remercier

 11   d'être venu témoigner devant ce Tribunal. Votre témoignage vient de prendre

 12   fin, et vous pouvez rentrer chez vous. Nous vous souhaitons un bon voyage

 13   de retour.

 14   M. l'Huissier va vous raccompagner à l'extérieur de ce prétoire. Les Juges

 15   de la Chambre ont d'autres sujets à aborder avant que de lever l'audience.

 16   [Le témoin se retire]

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Je souhaitais soulever une question et la

 18   porter à l'intention des Juges de la Chambre concernant le rapport, mais je

 19   suis conscient également du temps dont nous disposons. Je peux être très

 20   bref. Je suis bien conscient du fait que l'Accusation n'a pas remis en

 21   question l'expertise du Pr Pasalic ni la pertinence de son rapport, mais je

 22   crois qu'il -- en tout cas cela n'a pas été fait jusqu'à présent, et je

 23   garde à l'esprit la question qui a été posée par le Président.

 24   Mais je crois que le moment est venu maintenant pour l'Accusation de

 25   faire consigner au compte rendu d'audience l'objection qu'elle a quant à la

 26   pertinence et à l'expertise du témoin, le Pr Pasalic, après avoir entendu

 27   l'ensemble de sa déposition au cours des trois derniers jours.

 28   Concernant cette expertise, bien entendu, nous ne remettons pas en


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  1   question sa compétence en matière de géographie sociale, mais comme je l'ai

  2   fait au contre-interrogatoire jeudi, notre objection consiste à dire que

  3   nous avons des doutes suffisants, des doutes sérieux qui devraient jouer en

  4   sa défaveur lorsque sera venu le moment de se pencher sur sa qualité de

  5   témoin expert.

  6   C'est tout ce que je voulais dire.

  7   Concernant la question de la pertinence, je voudrais aussi faire

  8   consigner une objection au versement du rapport. Le témoin s'est penché

  9   uniquement sur les mouvements de la population serbe, et l'Accusation

 10   pensait que, peut-être, dans le courant de la déposition, on pourrait voir

 11   apparaître la pertinence des deux autres groupes ethniques et qu'il

 12   pourrait nous fournir des explications à cet égard. Cela ne s'est pas

 13   produit au cours des trois derniers jours. Par conséquent, du point de vue

 14   de l'Accusation, il est tout à fait clair, compte tenu de ce qui s'est

 15   passé ce matin dans la fin de sa déposition, que le témoin est moins bien

 16   au fait des migrations des non-Serbes. Et il a lui-même reconnu qu'il ne

 17   disposait pas suffisamment de connaissances des zones peuplées par les non-

 18   Serbes.

 19   De plus, tout ce qui a été dit au cours des trois derniers jours ne

 20   peut s'appliquer qu'aux mouvements des Serbes, et non pas aux deux autres

 21   groupes ethniques --

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que vous êtes

 23   en train de revenir sur ce que le témoin a fourni en réponse pendant le

 24   contre-interrogatoire, à savoir que son rapport devrait être considéré

 25   comme complémentaire à ceux qui ont déjà été  présentés ?

 26   M. DI FAZIO : [interprétation] Non, je ne pense pas. Je m'attendais à ce

 27   qu'il apporte des précisions concernant les mouvements des autres groupes

 28   ethniques, mais cela n'a pas été le cas. La validité de cette expertise ne


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  1   peut être que confinée aux mouvements des Serbes, et non pas des deux

  2   autres groupes ethniques, donc cela ne fournit pas de complément aux

  3   rapports d'Ewa Tabeau, à mon sens. Cela n'ajoute rien de significatif ni

  4   d'important à ce qui a déjà été présenté aux Juges de la Chambre.

  5   C'est ce que je souhaitais mettre en avant du point de vue de la

  6   pertinence. Elle est tout simplement minimale et tellement périphérique que

  7   je ne vois pas comment ceci peut être versé au dossier. C'est pourquoi nous

  8   estimons que le rapport de l'expert ne devrait pas être versé au dossier.

  9   Puis-je demander quelques instants pour m'entretenir avec ma consoeur.

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, Mme Korner met également en avant le

 12   fait qu'il s'agit d'un rapport qui est présenté avant tout dans une

 13   démarche qui s'apparente au tu quoque. Lorsque l'on se penche dans les

 14   annexes, on voit qu'il s'agit uniquement des sites d'exécution de Serbes,

 15   des expulsions de Serbes, des destructions de biens serbes, des villes et

 16   villages serbes. Et comme l'Accusation l'a déjà avancé, la pertinence de ce

 17   rapport est si réduite, comme on a pu le voir et comme il a été démontré,

 18   qu'il ne devrait pas être versé.

 19   Mais en tout état de cause, la décision est entre les mains des

 20   Juges.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic.

 22   M. CVIJETIC : [interprétation] Avec votre permission, Messieurs les Juges,

 23   en quelques phrases, je souhaiterais vous expliquer les raisons qui nous

 24   ont emmenés à engager le Pr Stevo Pasalic pour lui demander de rédiger ce

 25   travail.

 26   Nous n'ambitionnions pas nier les résultats des travaux de Mme Tabeau de

 27   façon absolue. Il y a eu des remarques relatives à certains résultats et

 28   certaines erreurs possibles et relatives à l'approche méthodologique que


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  1   l'on trouve dans le travail de Mme Ewa Tabeau. Ceci a été exposé par le Pr

  2   Pasalic. Cependant, il n'a pas écarté l'ensemble du travail de Mme Tabeau.

  3   Il ne l'a pas dénié.

  4   Si c'est là ce que nous avions voulu faire, eh bien, dans ce cas-là, nous

  5   aurions eu le devoir de procéder de la façon qu'a décrite le Juge Delvoie.

  6   Il nous aurait fallu un effort considérable et il nous aurait fallu

  7   présenter un rapport complètement différent au terme d'une dizaine d'années

  8   de travail, pour le moins.

  9   Ce que nous avons souhaité faire, c'était présenter une base

 10   factuelle élargie concernant l'évolution ethno-démographique en Bosnie-

 11   Herzégovine dans un segment particulier, celui dont nous estimons que le

 12   rapport de Mme Ewa Tabeau n'a pas donné de bon résultats dans ce segment-

 13   là. Dans cette complexe mosaïque ethno-démographique de l'évolution à

 14   laquelle on assiste en Bosnie-Herzégovine, je pense que le professeur a

 15   fourni des réponses utiles et pertinentes. Il n'a pas été en mesure de

 16   répondre à toutes les questions, évidemment, mais ce n'était pas sa

 17   fonction.

 18   Je crois qu'en versant ce rapport, les Juges de la Chambre pourront

 19   disposer d'une base élargie sur laquelle ils pourront se fonder au moment

 20   où il s'agira de prendre une décision en l'espèce. Et je pense que la somme

 21   de ces deux rapports, des travaux de ces deux experts, a une valeur plus

 22   importante qu'un seul rapport ou le travail d'un seul expert. Ces deux

 23   experts conjointement valent davantage que chacun d'eux séparément et en

 24   savent davantage que chacun d'eux séparément. Donc nous aurons un domaine

 25   d'argumentation beaucoup plus large à notre disposition. Alors,

 26   probablement n'avons-nous pas réussi à obtenir tout ce que nous aurions

 27   souhaité obtenir, mais ce dont je souhaite vous assurer, c'est que nous

 28   disposons à présent certainement de bien plus que ce que nous avions avec


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  1   uniquement le travail de Mme Tabeau. Nous avons souhaité être

  2   complémentaires au travail de Mme Tabeau. Ce que je veux dire par là, c'est

  3   apporter un complément dans ceux des domaines où des réponses-clés n'ont

  4   pas été apportées par Mme Tabeau et dont nous estimons qu'elles auraient

  5   quand même dues être apportées.

  6   Merci.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Maître.

  8   Maître Krgovic, avez-vous quelque chose à dire ?

  9   M. KRGOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'était un

 10   argument conjoint aux deux Défenses.

 11   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous remercions les parties. La Chambre

 14   prendra une décision ultérieurement quant à cette demande de versement du

 15   rapport du Pr Pasalic au courant de la semaine prochaine.

 16   Il y a une question à aborder en présence des deux parties. Mais avant

 17   cela, je dois rendre une décision qui pourrait également avoir une

 18   influence sur ce plan.

 19   Voici la décision en question. La Chambre a été saisie d'une requête orale

 20   soulevée par la Défense Stanisic le 13 avril 2011 demandant que des

 21   sanctions soient prises contre l'Accusation en application de l'article 68

 22   bis du Règlement de preuve et de procédures, et ce, pour non-communication

 23   de documents concernant le témoin dont le retour est prévu la semaine

 24   prochaine pour un contre-interrogatoire supplémentaire, à savoir Andrija

 25   Bjelosevic.

 26   La Défense avance que l'Accusation n'aurait pas communiqué, entre autres,

 27   des documents qui concernent un entretien que l'Accusation aurait eu avec

 28   le témoin, documents dont il est affirmé qu'ils seraient couverts par


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  1   l'obligation de communication découlant de l'article 66(B) et qui ont fait

  2   leur apparition au sein d'une liste de documents présentés par l'Accusation

  3   comme devant être utilisés au cours du contre-interrogatoire du témoin le

  4   12 avril 2011, au début de cette déposition, conformément aux lignes

  5   directrices émises par la Chambre.

  6   La Chambre a entendu les arguments de toutes les parties à plusieurs

  7   occasions, notamment les 14 et 21 avril, ainsi que les 2 et 5 mai 2011. La

  8   Chambre de première instance reconnaît et accepte l'affirmation affirmée

  9   par la Défense Stanisic selon laquelle cette requête se fonde sur l'article

 10   66(B), communication de moyens liés à la préparation de la Défense, bien

 11   que Me Zecevic se soit également référé à des obligations découlant de

 12   l'article 66 [comme interprété]. Le 5 mai, en effet, Me O'Sullivan a décrit

 13   une violation caractérisée comme étant liée à une requête en application de

 14   l'article 66(B) faite en janvier de la présente année.

 15   La jurisprudence relative à l'article 66(B) exige qu'une requête spécifique

 16   ait été faite, une demande de communication. La Défense Stanisic se repose

 17   sur cette requête écrite adressée à l'Accusation le 21 janvier 2011, qui a

 18   été fournie à la Chambre cette semaine. Bien que différentes requêtes aient

 19   été faites précédemment à celle-ci, Me Zecevic a reconnu qu'une requête

 20   d'octobre 2009 était trop générale par sa portée, et que la requête du 21

 21   janvier 2011 était celle sur laquelle se fondait la requête de la Défense.

 22   La Chambre de première instance a examiné la lettre du 21 janvier et relève

 23   qu'elle ne se réfère qu'aux obligations découlant de l'article 68, et non

 24   pas celles découlant de l'article 66(B). Les obligations qui découlent de

 25   ces deux règles sont différentes, et du point de vue de la Chambre de

 26   première instance, une requête qui se réfère spécifiquement aux obligations

 27   découlant de l'une des règles ne peut pas être considérée comme incluant a

 28   priori et de façon automatique une requête relative à des obligations


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  1   découlant de l'autre règle. Compte tenu du fait que Me Zecevic a reconnu

  2   que la requête précédente d'octobre 2009 était trop large dans sa portée

  3   afin de satisfaire aux exigences de l'article 66(B), il en ressort qu'au

  4   moment où M. Bjelosevic a débuté sa déposition le 12 avril 2011, aucune

  5   requête valable de demande de communication en application de l'article

  6   66(B) n'avait été adressée à l'Accusation.

  7   Par conséquent, la requête orale demandant que des sanctions soient prises

  8   à l'encontre de l'Accusation en application de l'article 66(B) pour

  9   violation de ses obligations en application en application de l'article

 10   66(B) ne saurait être accueillie. La Chambre de première instance relève

 11   également que l'Accusation a, en fait, déjà communiqué toute une série de

 12   documents parmi les documents concernés afin de les fournir aux équipes de

 13   la Défense et que suite à cela le calendrier de la déposition de ce témoin

 14   a été communiqué aux deux équipes de la Défense au moment où les documents

 15   en questions ont été eux aussi communiqués au moins un mois à l'avance.

 16   La Chambre de première instance rejette, par conséquent, la requête orale

 17   et indique à l'Accusation qu'elle est autorisée à utiliser les documents

 18   figurant sur sa liste pendant le contre-interrogatoire du témoin.

 19   La Chambre de première instance est, toutefois, toujours saisie d'une

 20   requête écrite de la Défense Stanisic déposée le 28 avril 2011 demandant

 21   que l'Accusation se voit enjoindre de se conformer à l'article 66(B) sur la

 22   base d'une requête ultérieure de demande de communication en l'application

 23   de ladite règle soumise le 20 avril 2011. La Chambre prendra une décision

 24   séparée à ce sujet.

 25   Alors, y a-t-il des questions qui doivent être abordées suite à ma lecture

 26   de cette décision ? M. Bjelosevic doit reprendre sa déposition mardi, et

 27   non pas lundi.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

  2   Mme KORNER : [interprétation] Je voudrais aborder ce sujet.

  3   Je serais prête à continuer mon contre-interrogatoire, bien que nous ne

  4   disposions pas des traductions des nouveaux documents. J'étais déjà prête à

  5   le faire, à vrai dire. Je crois que M. Hannis vous en a informé hier.

  6   Alors, je voudrais revenir sur le sujet du contre-interrogatoire

  7   supplémentaire, et revenir également vers Me Krgovic.

  8   Toutefois, à ce stade, nous sommes en présence de 130 pages du journal du

  9   témoin, et selon le CLSS, dans l'estimation actuelle, il n'est pas possible

 10   de faire quoi que ce soit avant la date du 24 mai. Et il s'agirait là de

 11   traductions provisoires. Les versions définitives et révisées ne pourraient

 12   nous être livrées avant le 27 mai.

 13   Alors, Messieurs les Juges, nous sommes tous, je crois, impatients de voir

 14   la déposition de M. Bjelosevic se poursuivre. Je ne crois pas que la

 15   Défense sera prête à citer à comparaître un autre témoin la semaine

 16   prochaine. Mais cela est entre les mains de la Défense Stanisic.

 17   Ce que je souhaiterais soumettre à l'attention des Juges, et je crois qu'il

 18   pourrait s'agir d'une demande conjointe de la part de tous, de toutes les

 19   parties, ce serait une demande, en fait, à adresser au CLSS afin que d'ici

 20   à mercredi prochain au plus tard, nous disposions de suffisamment de

 21   traductions temporaires pour pouvoir continuer. Je suis suffisamment prête

 22   d'ores et déjà pour pouvoir continuer pendant deux jours de contre-

 23   interrogatoire avec les traductions provisoires.

 24   En tout cas, Monsieur le Président --

 25   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 26   Mme KORNER : [interprétation] Je crois qu'il serait souhaitable de rendre

 27   une ordonnance demandant au CLSS de faire le maximum et de consacrer toutes

 28   ses ressources à cette tâche.


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  1   Je crois que ceci doit recevoir la plus haute priorité. Parce que

  2   d'habitude c'est l'affaire Karadzic qui a la plus haute priorité. Et il est

  3   regrettable que nous ne soyons pas dans la même situation. Je relève que Me

  4   Zecevic, hier, a dit ne pas être au courant de l'existence d'un journal. Je

  5   trouve ceci très difficile à accepter et à comprendre, parce que Me Zecevic

  6   a affirmé s'être appuyé sur les entretiens conduits avec M. Bjelosevic par

  7   le bureau du Procureur en 2004 pour citer M. Bjelosevic à la barre, où,

  8   dans ces entretiens, il se réfère à son journal. Alors, c'est ce qui m'a

  9   emmenée à le demander, ce journal. Je m'attendais à ce que la Défense

 10   présente ce journal, mais la Défense ne l'a pas fait. C'est pourquoi j'ai

 11   formulé cette requête.

 12   Mais c'est la situation dans laquelle nous sommes, la situation réelle, et

 13   c'est important. Alors, nous avons essayé d'examiner l'ensemble de ces

 14   documents avec l'aide de quelqu'un qui connaît la langue en question. Me

 15   Krgovic a un avantage manifestement, parce que lui et son équipe peuvent

 16   lire directement.

 17   Mais comme je l'ai dit, il est regrettable, Messieurs les Juges, que

 18   nous soyons dans cette position défavorisée au regard du CLSS.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, hier, j'ai eu

 20   l'impression que peut-être nous n'avions pas parfaitement compris quelle

 21   était la situation, et cette dernière a peut-être changée. Lorsque M.

 22   Hannis s'est adressé à nous, la position du bureau du Procureur concernant

 23   le contenu du journal était telle que vous auriez pu commencer à reprendre

 24   le contre-interrogatoire. En tout cas, c'est que j'avais cru comprendre.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce que nous avons supposé, c'est que

 27   vous recevriez la traduction de ces documents dans le courant de la semaine

 28   ?


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  1   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Messieurs les Juges, je pourrais passer

  2   dix jours à contre-interrogatoire ce témoin. Mais nous avons travaillé en

  3   partant de l'hypothèse que les traductions nous seraient livrées cette

  4   semaine. J'ai déjà beaucoup de travail comme cela. Et si nous ne recevons

  5   pas les traductions d'ici le 24, ce qui est le milieu de la semaine

  6   prochaine, je crois -- eh bien, tout ceci va se trouver entravé.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Soit. Alors, il y a autre chose que vous

  9   vouliez soulever concernant Me Krgovic ?

 10   Mme KORNER : [interprétation] Oui. J'ai relevé que Me Krgovic s'est levé

 11   pour dire qu'il souhaitait bénéficier de 30 minutes de contre-

 12   interrogatoire supplémentaires. Et je crois que Me Krgovic savait que M.

 13   Bjelosevic avait remis un grand nombre de documents dont il ignorait

 14   l'existence et n'a pas pris de mesures jusqu'à ce stade pour vérifier s'il

 15   y avait d'autres documents qu'il souhaitait recevoir.

 16   Mais je crois que l'Accusation ne peut faire autrement que de s'opposer à

 17   une réouverture d'un contre-interrogatoire par Me Krgovic. En tout cas,

 18   c'est que nous pourrions faire. Mais à ce stade, nous ne le faisons pas,

 19   parce que la seule chose que nous souhaitons mettre en avant, c'est qu'un

 20   tel contre-interrogatoire supplémentaire doit pouvoir être limité dans sa

 21   portée en termes de sujets abordés. Il ne peut pas être permis à Me Krgovic

 22   d'aborder de nouveaux sujets dans son contre-interrogatoire.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je croyais que ceci devait être limité

 24   au sujet du journal et de ce qui était révélé dans ce dernier.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Non. Il ne peut utiliser que le journal, et

 26   ce journal concerne des sujets qui ont déjà été soulevés dans le contre-

 27   interrogatoire. Il ne devrait pas se voir permettre d'aborder une nouvelle

 28   série de sujets et de poursuivre son contre-interrogatoire de cette façon.


Page 20739

  1   Parce que Me Krgovic a terminé.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que vous n'êtes pas en train

  3   d'anticiper un peu trop, Madame Korner ? Parce qu'il y a des sujets que Me

  4   Krgovic n'a pas explorés précédemment, et à la lumière du journal, peut-

  5   être que ceci devrait recevoir plus d'attention.

  6   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, non, Messieurs les Juges, c'est

  7   précisément ce que je souhaite avancer. C'est ce à quoi je soulève une

  8   objection. Il avait l'occasion d'obtenir de M. Bjelosevic le journal s'il

  9   estimait que c'était quelque chose de pertinent. On ne devrait pas

 10   permettre à Me Krgovic d'amorcer toute une série de nouvelles questions

 11   simplement parce que nous avons demandé ce journal. Il ne peut pas

 12   réentamer, rouvrir son contre-interrogatoire juste comme cela.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suppose que de telles objections

 14   devraient être examinées au fur et à mesure qu'elles apparaissent

 15   pertinentes s'il y a lieu.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, mais je crois que les Juges de

 17   la Chambre devraient pouvoir se prononcer dès maintenant tant qu'à

 18   l'existence de limites. S'il y a des sujets qui ont déjà été abordés par Me

 19   Krgovic et dont il estimait que le journal pourrait être pertinent les

 20   concernant, eh bien --

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez peut-être raison, et peut-être

 22   que nous serons d'accord avec vous. Mais nous ne rendrons pas de décision

 23   aujourd'hui.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Très bien. En tout cas, c'est entre vos

 25   maisn.

 26   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 27   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Krgovic, vous vouliez vous


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  1   exprimer ?

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si je puis vous venir en

  3   aide.

  4   Je n'ai pas l'intention dans mon contre-interrogatoire supplémentaire

  5   d'aller au-delà des sujets que j'ai déjà abordés. Je n'aborderais pas de

  6   nouveaux sujets.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci soulève également

  8   le problème suivant. Me Krgovic est censé reprendre son contre-

  9   interrogatoire dès le début de la journée d'audience de mardi. Il a demandé

 10   un certain nombre d'entrées sous forme traduite afin qu'il puisse les

 11   utiliser. Donc, à moins que nous ne puissions obtenir une garantie du CLSS

 12   concernant ces traductions en demandant qu'elles soient disponibles lundi,

 13   je ne suis pas sûr de la façon dont nous allons pouvoir procéder mardi.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, vous avez dit dès le début de la

 15   journée d'audience de mardi. Il devrait reprendre son contre-interrogatoire

 16   parce qu'il est le premier, et ensuite c'est vous qui reprendrez à quel que

 17   moment que ce soit, n'est-ce pas ?

 18   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est le sens de la décision de la

 20   Chambre.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Mais il ne pourra pas le faire s'il n'a pas

 22   la traduction des entrées correspondantes du journal.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je vais sans doute prendre une

 24   décision portant ajournement. Et j'invite les conseils des deux parties

 25   ainsi que mes collègues, les autres Juges, à travailler afin que nous

 26   puissions clarifier ceci.

 27   Compte tenu de ce qu'il a été dit, après que nous aurons levé l'audience,

 28   nous reprendrons nos débats mardi. Mais ceci est encore conditionné par les


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  1   échanges que nous aurons par e-mail, je présume, et qui concerneront l'état

  2   d'avancement des traductions de ces entrées de journal qui devront être

  3   disponibles mardi, faute de quoi nous ne pourrons pas reprendre.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Oui, ce sera certainement difficile de

  5   reprendre, à moins que les Juges ne puissent rendre une ordonnance adressée

  6   au CLSS --

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous prendrons, évidemment, les mesures

  8   nécessaires. Le problème des ordonnances, Madame Korner, c'est qu'il ne

  9   sert à rien de rendre une ordonnance qui ne peut pas être appliquée.

 10   Mme KORNER : [interprétation] En effet.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est tout le problème, du point de vue

 12   des Juges.

 13   Mme KORNER : [interprétation] On m'informe également que Me Krgovic n'a

 14   demandé que sept pages. Donc je me demande s'il ne serait pas possible,

 15   malgré tout, pour le CLSS de nous fournir la traduction de ces sept pages

 16   d'ici à lundi. Et ensuite, nous verrons comment nous faisons pour

 17   continuer. C'est un autre problème, parce que M. Bjelosevic sera en voyage

 18   lundi et…

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre se propose à ce stade de

 21   suspendre l'audience plutôt que de la lever pour aujourd'hui. Nous nous

 22   pencherons sur les différents éléments qui doivent être examinés et

 23   reviendrons dans le prétoire dans une demi-heure, à 12 heures 15.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, pourriez-vous

 27   éclairer notre lanterne ? Les six pages auxquelles vous vous êtes référé

 28   ont-elles été déjà versées ?


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  1   M. DI FAZIO : [interprétation] Non. Je les ai utilisées pendant mon contre-

  2   interrogatoire. Et c'est ma faute, Monsieur le Président, j'aurais dû

  3   demander, dans la foulée, leur versement. En fait, j'avais plutôt à

  4   l'esprit d'attendre la fin avant de demander le versement de l'ensemble de

  5   ces six pages.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvez-vous nous donner les

  7   références, les numéros d'intercalaire ?

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] Il s'agit du document numéro 20081 de la

  9   liste 65 ter.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 11   M. DI FAZIO : [interprétation] Intercalaire numéro 16. Il s'agit de

 12   l'introduction de l'ouvrage "Réalité anthropogéographique des Serbes".

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc ce document est versé.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 20081 de la liste 65

 15   ter reçoit donc la cote P2322.

 16   --- L'audience est suspendue à 11 heures 48.

 17   --- L'audience est reprise à 12 heures 26.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pendant la pause, nous avons procédé aux

 19   investigations réalisables, et suite à cela, un certain nombre d'options se

 20   présentent. Mais il serait utile pour les Juges de la Chambre de savoir si

 21   l'Accusation serait en mesure d'indiquer immédiatement - ce serait l'idéal

 22   - voire dans le courant de la journée, s'il lui serait possible de

 23   déterminer un nombre raisonnable de pages, que je ne limite pas pour ma

 24   part, qui seraient proposées au CLSS pour traduction, ce qui,

 25   éventuellement, permettrait au CLSS de produire ces pages traduites d'ici à

 26   la moitié de la semaine prochaine.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Comme on dit, il serait bon de savoir ce

 28   qu'est un nombre raisonnable.


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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est ce que j'essaie d'éviter de dire.

  2   Voyons qu'elle est votre proposition.

  3   Mme KORNER : [interprétation] Nous avons déterminé, je pense, en

  4   travaillant tous sur cette question, environ 130 pages, qui sont les

  5   principales coupables, si je puis utiliser ces termes, s'agissant des pages

  6   dont nous souhaitons le versement au dossier. Je ne saurais vous faire une

  7   offre sans y réfléchir plus longuement, mais éventuellement nous pourrions

  8   peut-être choisir dans ces 130 pages une vingtaine de pages qui seraient

  9   vraiment indispensables. Mais pour cela, j'aurais besoin de reprendre mon

 10   travail avec des collaborateurs qui parlent B/C/S pour compulser une

 11   nouvelle fois les pages en question.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Un maximum de 50, Madame Korner ?

 13   Mme KORNER : [interprétation] Nous pourrions survivre à cela, Monsieur le

 14   Président. Nous pouvons toujours faire afficher les pages B/C/S sur

 15   l'écran. Les entrées sont toutes relativement courtes, si je suis bien

 16   informée. Il n'y a pas d'entrée qui comporte plusieurs pages. Donc nous

 17   pouvons compulser tout cela cet après-midi et vous faire une liste, et

 18   soyez sûrs que le CLSS aura donc une liste cet après-midi.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Au fait, une question qui me vient à

 20   l'esprit : est-ce que le bureau du Procureur a commencé la transcription

 21   des manuscrits, des pages manuscrites, afin de faciliter le travail du CLSS

 22   ?

 23   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire --

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Dans le but de dactylographier les

 25   pages manuscrites.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Ah, je vois. Nous avons des gens qui

 27   s'occupent de cela. Mais ce n'est pas un travail que nous réalisons avant

 28   de transmettre les pages au CLSS. Donc je prévois déjà que ceci risque de


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  1   poser un petit problème.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, ceci devrait nous

  4   permettre - mais dites-moi si je me trompe - de reprendre nos débats mardi

  5   avec les 30 dernières minutes du contre-interrogatoire de Me Krgovic.

  6   D'ailleurs, Maître Krgovic, il importerait que vous fournissiez au CLSS les

  7   sept pages dont vous avez besoin aujourd'hui afin que le CLSS puisse les

  8   traduire avant mardi.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je apporter mon

 10   concours.

 11   Me Krgovic nous a envoyé les numéros ERN de ces pages hier, et nous avons

 12   déjà déposé notre demande auprès du CLSS, en demandant à ce dernier de

 13   donner une priorité absolue à ces sept pages.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On vient de me dire que le CLSS

 15   n'était pas encore informé, mais c'est peut-être un malentendu.

 16   Donc, si tel est bien le cas, est-ce que nous pourrions reprendre nos

 17   débats mardi, consacrer deux jours à votre contre-interrogatoire sans

 18   aborder les nouveaux documents, disposer des 50 pages maximum traduites

 19   prêtes pour le milieu de la semaine prochaine, ce qui voudrait dire que de

 20   mardi à jeudi, vous pourriez travailler à l'aide des nouveaux documents.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Juge, ceci nous satisferait

 22   pleinement. Il est certain que je peux contre-interroger sur la base des

 23   documents dont nous disposons déjà mardi, mercredi, et peut-être jeudi.

 24   Donc, pour peu que nous ayons les nouveaux documents dont nous avons besoin

 25   avant vendredi, cela devrait aller, tout à fait. Comme je viens de le dire,

 26   il nous faut espérer que 50 pages suffiront à couvrir l'ensemble des

 27   questions qui nous intéressent.

 28   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais vous demander s'il


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  1   serait possible que les Juges de la Chambre rendent une ordonnance car je

  2   pense, bien que la chose ait déjà été discutée, qu'il est véritablement

  3   nécessaire de disposer d'une ordonnance des Juges de la Chambre quant au

  4   moment où M. Bjelosevic reviendra pour qu'il apporte le journal qu'il a

  5   photocopié ainsi que l'original de son livret militaire, et également - je

  6   suis désolée de vous le demander, mais c'est la raison de ma demande

  7   précisément - tout autre journal qu'il pourrait avoir tenu pendant la

  8   période couvrant les réunions auxquelles il a assisté. Et les originaux.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci est plus précis que

 10   précédemment. Vous ne demandez pas simplement un journal, mais un journal

 11   qui couvre la période des réunions auxquelles il a assisté ?

 12   Mme KORNER : [interprétation] S'il est en possession d'un autre journal où

 13   sont mentionnées les réunions auxquelles il a assisté entre le mois

 14   d'octobre 1991 et de décembre 1992, il serait bon qu'il soit invité à en

 15   apporter l'original avec lui lundi.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Y a-t-il une raison pour laquelle la

 18   Chambre ne devrait pas rendre l'ordonnance demandée ?

 19   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela ne nous pose

 20   aucun problème.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic ?

 22   M. CVIJETIC : [interprétation] Même chose pour moi, Monsieur le Président.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc la Section chargée des Victimes et

 25   des Témoins va être informée du libellé de l'ordonnance que la Chambre rend

 26   à l'instant sur la base du compte rendu d'audience.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions d'intendance


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  1   avant de suspendre ? Non ?

  2   Eh bien, dans ce cas, nous pouvons reprendre nos débats à 9 heures

  3   mardi matin. Je vous remercie.

  4   --- L'audience est levée à 12 heures 35 et reprendra le mardi 17 mai 2011,

  5   à 9 heures 00.

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