Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 20 mai 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  6   Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à chacun dans le prétoire et autour

  7   du prétoire.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  9   Stojan Zupljanin.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   Bonjour à tous. Je demande aux parties de se présenter, je vous prie.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges. Je suis Joanna Korner, accompagnée d'Alex Demirdjian, et ce matin

 14   nous sommes en compagnie également de Stephen Bailey et, comme toujours, de

 15   Crispian Smith.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges. Je m'appelle Slobodan Zecevic, et je suis accompagné de Slobodan

 18   Cvijetic, d'Eugene O'Sullivan et de Mme Tatjana Savic pour la Défense

 19   Stanisic ce matin. Je vous remercie.

 20   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges. Je m'appelle Dragan Krgovic, et je suis accompagné d'Aleksandar

 22   Aleksic pour la Défense Zupljanin.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Avant l'entrée du témoin, nous avons été alertés par le greffier que Me

 25   Zecevic avait une question à évoquer.

 26   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 27   hier, en page 95 du compte rendu de la journée d'hier, j'ai interprété les

 28   commentaires provenant de la Chambre comme une invitation à apporter le


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  1   fondement de mon objection. Vous vous rappellerez, que mon objection

  2   portait sur l'introduction de nouveaux éléments de preuve par le bureau du

  3   Procureur à ce stade de la procédure. J'ai effectué des recherches, et je

  4   me fonde sur la décision de la Chambre d'appel du 26 février 2009, le

  5   Procureur contre Prlic et consorts. C'est une décision sur un appel

  6   interlocutoire contre la décision de la Chambre de première instance

  7   relative à la présentation de documents par l'Accusation durant le contre-

  8   interrogatoire de témoins de la Défense.

  9   Puisque nous étions pressés par le temps et que nous le sommes encore

 10   aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y ait la moindre nécessité à ce stade

 11   que je présente des arguments complémentaires, mais je souhaitais

 12   simplement fournir cette référence à la Chambre de première instance.

 13   Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle était la date de l'arrêt de la

 15   Chambre d'appel ?

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] 26 février 2009. L'arrêt de la Chambre

 17   d'appel dans la demande du Procureur contre Prlic et consorts.

 18   Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Me Zecevic déclare qu'il est pressé par le

 21   temps, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et pour cette raison je

 22   demanderais aux Juges de la Chambre de remettre à une date ultérieure la

 23   discussion sur ce sujet, éventuellement la semaine prochaine ou peut-être

 24   lundi prochain, en fonction de la façon dont les questions supplémentaires

 25   de Me Zecevic vont avancer. Car, bien que nous ayons traité de cette

 26   question et que nous attendions une décision au sujet de la requête de la

 27   Défense pour une communication anticipée de quelques documents que nous

 28   nous proposons d'utiliser au cours des contre-interrogatoires, ce sujet


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  1   précis est un sujet un peu différent qui n'a pas encore été débattu, à

  2   savoir le fait de savoir si l'Accusation, au cours de son contre-

  3   interrogatoire, est limitée à l'utilisation de pièces déjà annoncées ou si

  4   elle peut faire avancer la présentation de ses moyens au cours du contre-

  5   interrogatoire, autrement dit, en produisant des éléments de preuve qui

  6   n'ont pas encore été utilisés.

  7   Donc, si vous me le permettez, je demanderais aux Juges de la Chambre de

  8   simplement remettre à une date ultérieure, à un moment plus opportun, ce

  9   débat, donc la semaine prochaine.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien sûr. Nous ne pensions pas répondre

 11   immédiatement.

 12   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Me Zecevic a simplement cité le

 14   fondement sur lequel il s'appuie pour les besoins qui sont les siens --

 15   Mme KORNER : [interprétation] -- exactement.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] -- et la Chambre va réfléchir à sa

 17   réponse.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je demanderais que le témoin soit

 20   introduit dans la salle.

 21   [Le témoin vient à la barre]

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur Bjelosevic.

 23   Avant que Mme Korner ne reprenne son contre-interrogatoire, je vous

 24   rappelle que vous êtes toujours tenu par votre déclaration solennelle.

 25   Madame Korner, c'est à vous.

 26   LE TÉMOIN : ANDRIJA BJELOSEVIC [Reprise]

 27   [Le témoin répond par l'interprète]

 28   Contre-interrogatoire par Mme Korner : [Suite]


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  1   Q.  [interprétation] Monsieur Bjelosevic --

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Je vais revenir au registre de la prison dans un instant, mais il y a

  4   un autre document qui m'intéresse, qui est celui qui concernait M. Jorgic

  5   hier.

  6   Mme KORNER : [interprétation] Je demanderais l'affichage du document 65 ter

  7   numéro 20026, qui correspond à l'intercalaire 77. La version anglaise est

  8   celle que j'ai demandée, mais ce n'est pas le cas pour la version B/C/S.

  9   Q.  Vous nous avez dit hier, et je crains de ne pas pouvoir vous citer le

 10   numéro de page du compte rendu d'hier car nous n'en disposons pas encore,

 11   en tout cas le nom de M. Jorgic apparaît quelque part comme étant un membre

 12   de la police de réserve.

 13   Au mois de novembre, vous avez donc écrit au ministère et accompagné votre

 14   lettre des formulaires remplis concernant cet individu, je veux parler des

 15   formulaires LI-P [comme interprété] et IL-R. Que signifie IL-P et IL-R ?

 16   R.  IL-P signifie la liste des individus tombés au combat.

 17   Q.  Et LI-R [comme interprété] concerne les blessés; c'est bien cela ?

 18   R.  Tout à fait. Absolument.

 19   Q.  Au regard du numéro 8 de cette liste, on trouve le même nom, Nikola

 20   Jorgic, celui que nous avons vu sur les images de la vidéo d'hier ?

 21   R.  Il s'agit du même nom de famille Jorgic, mais regardez, il s'agissait

 22   de Stefan Slobodan Jorgic.

 23   Q.  Non. Regardez le nom qui figure au regard du numéro 8, je vous prie.

 24   R.  Ah, d'accord. Pardon. Numéro 8. C'est possible qu'il s'agisse de lui.

 25   Q.  Voyez-vous, M. Jorgic, en dépit de ce qu'il faisait, en dépit des

 26   activités qui étaient les siennes, a été retenu au sein de la police par

 27   vos soins, n'est-ce pas ?

 28   R.  Pas par mes soins, Madame le Procureur. Pendant un certain laps de


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  1   temps, il a fait son apparition au poste de sécurité publique parmi les

  2   volontaires qui ont été admis dans les postes de sécurité publique en vertu

  3   de ce qui figurait dans la dépêche de M. Pusina et de M. Jasarevic dont

  4   nous avons déjà parlé. Donc c'est en vertu de ce qui figurait dans cette

  5   dépêche que, dans les postes de sécurité publique, on a accepté des

  6   volontaires sans appliquer les réglementations qui auraient dû s'appliquer

  7   pour le recrutement des membres de la police de réserve.

  8   Q.  Prenons les choses une par une.

  9   Vous recevez la dépêche en question en avril, la dépêche de M. Jasarevic,

 10   qui a fait l'objet de protestation de votre part et dont nous avons déjà

 11   discuté. Le 3 mai, vous aviez adopté une position, j'ai cru comprendre, qui

 12   consistait à penser qu'il n'était pas la peine de continuer à communiquer

 13   puisque vous ne parveniez pas à communiquer avec les anciennes autorités de

 14   Bosnie-Herzégovine, et le centre de sécurité publique ainsi que les postes

 15   de sécurité publique de Doboj avaient été pris par les Serbes.

 16   C'est bien ce que vous nous avez dit hier, n'est-ce pas ? Vous en convenez

 17   ?

 18   R.  Je ne peux pas répondre complètement par un oui ou par un non.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  C'est partiellement oui, partiellement non. Donc permettez-moi de

 21   m'expliquer.

 22   Q.  Non, car à moins que vous ne déclariez que mon résumé est entaché

 23   d'erreurs à tel ou tel endroit, nous devrions passer à autre chose.

 24   M. ZECEVIC : [interprétation] C'est précisément ce que je voulais dire.

 25   Mme KORNER : [interprétation]

 26   Q.  Dites-moi où j'ai commis une erreur en résumant les propos du témoin

 27   formulés hier.

 28   M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-être serait-il plus simple que le témoin


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  1   le fasse.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Ce n'est pas à vous que je demande de le

  3   faire, Maître Zecevic.

  4   M. ZECEVIC : [aucune interprétation] 

  5   Mme KORNER : [interprétation] Je demande au témoin de le faire.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit que lorsque les communications

  7   ont été interrompues, nous ne pouvions plus contacter uniquement les

  8   anciennes autorités de la Bosnie-Herzégovine. En fait, nous ne pouvions

  9   communiquer avec personne car les voies de communication étaient coupées.

 10   Il y avait donc impossibilité de communiquer avec les instances de

 11   l'ancienne Bosnie-Herzégovine, mais également avec les instances

 12   officielles de ce que l'on appelait déjà la Republika Srpska de Bosnie-

 13   Herzégovine.

 14   Et puis je répète que le centre de sécurité publique n'existait pas. Or,

 15   vous avez mis dans votre résumé les postes et le centre sur un pied

 16   d'égalité comme s'il s'agissait des deux branches d'un même système. Voilà

 17   la raison pour laquelle je ne pouvais me contenter d'une réponse par oui ou

 18   par non. J'avais besoin d'apporter des explications complémentaires.

 19   Mme KORNER : [interprétation]

 20   Q.  Je comprends tout à fait ce que vous dites, à savoir que le CSB, pour

 21   les raisons que vous venez d'indiquer, ne fonctionnait pas. Mais qu'il ait

 22   fonctionné ou non, à partir du 3 mai, les postes de sécurité publique et

 23   les CSB faisaient tous deux partie du MUP serbe, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui. Officiellement, oui. Mais parmi ces structures il y en avait qui

 25   fonctionnaient et d'autres pas. C'est cela la différence. Tout ne

 26   fonctionnait pas.

 27   Q.  Donc l'ordre illégal de M. Jasarevic, dont vous avez dit qu'il était

 28   illégal, ne pouvait pas avoir le moindre effet à partir du 3 mai, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   R.  Un état de fait a été créé et je continue à affirmer que cela est

  3   illégal, et j'ai dit à plusieurs reprises pour quelles raisons ceci était

  4   illégal. Car la Défense territoriale ne pouvait être engagée pour aider la

  5   police que dans des situations où l'ordre public et l'état de droit étaient

  6   sérieusement mis en cause. Mais tout ceci était une situation qui découlait

  7   de la situation antérieure, le fait que les postes de sécurité publique

  8   obéissent à des ordres provenant de M. Pusina et de M. Jasarevic, et donc

  9   cela a continué. Pour ma part, je ne saurais désigner la force qu'ils

 10   avaient à leur disposition comme étant la police à proprement parler.

 11   Que s'est-il passé d'autre ? Lorsqu'un ordre arrivait indiquant que les

 12   forces du MUP devaient se déployer sur le front, le commandant et le chef

 13   décidaient ensemble des hommes qui devaient être envoyés sur le front. Ils

 14   établissaient une liste et ils déployaient les hommes sur le terrain. A

 15   leur retour, ces hommes fournissaient une analyse de ce qui s'était passé

 16   et m'adressaient un rapport dans lequel il était indiqué que tel et tel

 17   nombre de personnes avaient été blessées ou tuées tel et tel jour. Ça,

 18   c'est une réalité factuelle.

 19   Q.  Je suis désolée, je propose que nous en restions à la question car j'ai

 20   le sentiment que vous essayez de changer de sujet par rapport à ma

 21   question, que je vais vous reposer.

 22   Pourquoi, à votre retour, comme vous l'avez dit, au début du mois de

 23   juillet, au CSB de Doboj, puis le 11 juillet, que la question de tous ces

 24   criminels qui se trouvaient dans les rangs de la police faisait débat,

 25   pourquoi est-ce que vous n'avez pas décidé que l'une de vos tâches

 26   principales consisterait à vous débarrasser des meurtriers qui faisaient

 27   partie de la police ?

 28   R.  Et qui dit que nous ne l'avons pas fait ? Je fais référence tout à fait


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  1   précisément à ce que le ministre a été demandé de faire  et à ce qu'il m'a

  2   été demandé de faire sur le terrain.

  3   Si vous le souhaitez, nous pouvons revenir à certaines des notes que

  4   j'ai prises pendant les réunions avec les chefs de postes lorsque des

  5   demandes allant dans ce sens ont été présentées. Je peux vous dire à

  6   combien de reprises ceci a été discuté et quel genre de renseignements nous

  7   ont été donnés en retour.

  8   Q.  Vous saviez --

  9   R.  Nous pouvons prendre les choses en fonction de dates

 10   particulières.

 11   Q.  Non, je vous remercie, Monsieur Bjelosevic. Comme je viens de le dire,

 12   je soutiens que vous essayez de changer de sujet pour me détourner de mon

 13   sujet en particulier.

 14   Pourquoi est-ce que, sachant, comme vous le saviez, que Jorgic était

 15   un meurtrier, pourquoi est-ce que vous n'avez pas insisté auprès de votre

 16   chef, M. Petricevic, pour que cet homme soit expulsé, ou plus

 17   particulièrement comme M. Stanisic le déclarait dans son ordre, qu'il soit

 18   suspendu et qu'il fasse l'objet d'une enquête criminelle avant d'être mis à

 19   la disposition de l'armée ?

 20   Pourquoi n'avez-vous pas fait cela ?

 21   R.  Je vais prendre les choses une par une.

 22   Je n'essaie en rien de vous détourner de votre sujet. Je m'efforce

 23   d'élucider un certain nombre de choses. Je n'ai pas peur d'aborder les

 24   problèmes de façon frontale.

 25   Il a été demandé à plusieurs reprises, oralement et par écrit, que les

 26   problèmes qui se posaient au sein de la force soient réglés. Mais je vais

 27   vous dire quelle était la réalité et comment les choses fonctionnaient. Un

 28   chef ne savait pas tout ce qui se passait à chaque instant partout,


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  1   d'ailleurs ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Et à présent, je vais

  2   parler à la première personne pour vous dire ce qu'il en était réellement.

  3   Si un chef de poste me disait pendant une réunion que tel ou tel problème

  4   était posé par telle ou telle personne et qu'à la réunion suivante il me

  5   disait que tous ces problèmes avaient été résolus, qu'est-ce que je devais

  6   faire ?

  7   Et si plus tard -- et je vais vous rappeler un événement qui a fait l'objet

  8   de notes de l'un des inspecteurs, et je pense qu'il s'agissait d'un certain

  9   Rajko Bilic qui est à l'origine de ce rapport, donc Rajko Bilic qui était

 10   l'inspecteur participait à une mission d'enquête qui ne me concernait pas,

 11   moi, et il a découvert que parmi les membres de la police de réserve il y

 12   avait des individus qui avaient des casiers judiciaires et qui avaient

 13   tendance à un comportement criminel. Mais qu'est-ce qu'il y avait là que je

 14   pouvais faire ? Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Lorsque j'abordais

 15   un sujet avec le chef de poste de l'époque, M. Petricevic [phon], il me

 16   disait qu'il était occupé à régler le problème, mais qu'il avait peur de

 17   ces hommes. Donc il abordait le problème avec toutes les précautions

 18   d'usage.

 19   Quant aux suspensions et aux sanctions disciplinaires liées à des policiers

 20   d'active, parce que nous ne parlons pas de réservistes; les réservistes,

 21   eux, ils n'étaient mentionnés que dans des documents de temps de guerre.

 22   Je ne sais pas si je suis parvenu à m'expliquer clairement quant à la

 23   façon dont les choses fonctionnaient.

 24   Q.  La raison qui a justifié cette notification au MUP consistait, je

 25   suppose, à permettre à ces officiers de police de recevoir les avantages

 26   qui leur revenaient sur le plan matériel ?

 27   R.  Mon point de vue consistait à penser que nous avions reçu des

 28   renseignements. Maintenant, lorsque nous les avons transmis, quel a été


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  1   l'usage qui a été fait de ces renseignements, je ne sais pas. Mais les

  2   renseignements que nous recevions du terrain ou des postes de sécurité

  3   publique étaient analysés, mis en forme et transmis au MUP. Voilà comment

  4   les choses se faisaient.

  5   Q.  Donc devons-nous considérer qu'au mois de novembre, lorsque vous avez

  6   écrit ceci, M. Jorgic était toujours membre de la police ?

  7   R.  Non, je ne pense pas qu'il l'ait été à ce moment-là. Regardez la

  8   période prise en compte; il a été blessé le 9 août. Je ne sais pas où il se

  9   trouvait, mais apparemment il était quelque part sur le front et il a été

 10   blessé, en tant que membre de la police.

 11   Q.  Voyez-vous, Monsieur Bjelosevic, n'est-ce pas une réalité à vos yeux -

 12   d'ailleurs, cela ne doit pas l'être uniquement à vos yeux - mais je

 13   soutiens que vos officiers supérieurs ne voyaient absolument aucun problème

 14   à revêtir de tels hommes d'un uniforme afin de combattre l'ennemi et à leur

 15   laisser durablement l'autorisation de porter cet uniforme ? C'est la

 16   réalité, n'est-ce pas ? Vous n'avez fait aucun effort parce que ces hommes

 17   vous étaient utiles.

 18   R.  Excusez-moi, mais je pense que vous avez parfaitement bien compris tout

 19   ce que j'ai dit. Vous éternisez sur ce sujet et vous savez que ce qui sort

 20   de ma bouche est parfaitement conforme à la vérité. Manifestement, vous

 21   avez vos raisons pour nier ce fait. C'est le premier point.

 22   Deuxième point, ma position vis-à-vis de la police et de son intégrité

 23   morale était claire et elle n'a absolument pas changé au fil des années. Si

 24   vous pensez que c'est le contraire, alors pourquoi ne me soumettez-vous pas

 25   un exemple précis qui démontrerait que ma conduite va dans le sens qui est

 26   le vôtre ? Même chose pour M. Stanisic, ministre à l'époque; j'affirme que

 27   sa position était tout à fait précise et claire. Toute personne qui

 28   voudrait faire une analyse sérieuse de la situation abonderait dans mon


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  1   sens. Je déclare d'ailleurs qu'il y a un grand nombre de telles personnes

  2   qui disent la même chose que moi, à commencer par les participants à la

  3   rencontre de Belgrade, jusqu'aux notes qui ont été prises à l'issue de la

  4   réunion, en passant par toutes sortes d'ordres qui ont été donnés après la

  5   réunion où nous avons créé le MUP sur le terrain, conformément à la loi,

  6   jusqu'à aller consulter des rapports provenant des postes quant à la façon

  7   dont les choses se sont faites et à lire les diverses déclarations faites

  8   pendant les réunions. Les réunions que j'ai eues, par exemple, avec les

  9   chefs de postes - nous pouvons trouver les dates précises de ces réunions -

 10   lorsque le chef du poste de Doboj, Petrovic, a déclaré que le service des

 11   enquêtes criminelles avait commencé un registre au sujet des enquêtes

 12   criminelles, c'est une preuve de ce que je dis.

 13   Est-ce que ceci ne vous renseigne pas suffisamment ?

 14   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que ce

 15   document soit enregistré et versé au dossier.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Encore une fois, même objection, Monsieur le

 17   Président. Je proposerais que nous enregistrions ce document aux fins

 18   d'identification dans l'attente du débat qui va se dérouler et qui me

 19   permettra de présenter le fondement que je viens de citer au début de la

 20   présente audience. Je vous remercie.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ceci est

 22   totalement faux. Mais encore une fois, c'est là que réside le problème : je

 23   ne souhaiterais pas que nous perdions du temps à en discuter.

 24   Il s'agit d'un nouvel élément de preuve. Il ne pouvait pas être produit

 25   avant la déposition de ce témoin.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, en ce qui concerne les

 27   éléments qui ont été pris en compte par les Juges de la Chambre dans leur

 28   réflexion, et, bien entendu, la Chambre doit encore se prononcer sur la


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  1   pertinence de la source citée par Me Zecevic ce matin, il me semble que

  2   nous n'avons pas d'autre possibilité que celle que nous avons déjà

  3   proposée. Nous enregistrerons ce document aux fins d'identification dans

  4   l'attente de --

  5   Mme KORNER : [interprétation] Très bien. Monsieur le Président, nous

  6   reviendrons sur cette question après que les Juges auront entendu tout le

  7   débat.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  9   Juges, il s'agira de la pièce P2326, enregistrée aux fins d'identification.

 10   Mme KORNER : [interprétation]

 11   Q.  J'aimerais que nous revenions maintenant, je vous prie, au registre que

 12   nous examinions hier et aux trois personnes que vous avez pu identifier.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Il s'agit - je vous demande un instant - il

 14   s'agit du P -- non. Si, quand même, P1315. Intercalaire 15.

 15   Q.  Hier, nous avons parlé de la loi, et vous avez été d'accord pour dire

 16   que personne n'était censé être gardé en détention pendant plus de trois

 17   jours par la police, ou autrement il fallait s'adresser à un juge pour

 18   avoir une ordonnance.

 19   Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui. La procédure est déterminée de façon claire par la loi.

 21   Q.  A présent, ne perdons pas de temps à parcourir la totalité des entrées.

 22   Et si je dis quelque chose d'erroné, je crois que la partie adverse me

 23   rectifiera.

 24   Mais une fois que l'on aura parcouru ce livre, Monsieur Bjelosevic, on

 25   pourra constater que M. Jozo Mandic, et comme vous avez précisé que vous

 26   saviez pertinemment qu'il s'agissait du président du HDZ, se trouve être

 27   inscrit ici comme étant amené au MUP pour une interview à pas moins de 15

 28   reprises entre le 7 mai et le 23 juin.


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  1   Est-ce que vous décririez ceci comme étant normal ?

  2   R.  Je ne sais pas comment se fait-il que Jozo Mandic ait passé du temps en

  3   détention, en garde à vue ou en prison. Je ne sais pas qui a dit qu'il

  4   fallait qu'il y aille. Mais je sais qu'une fois qu'une personne est mise en

  5   détention provisoire, l'un des représentants officiels de la police, s'il

  6   avait ressenti la nécessité d'avoir un entretien avec cet individu, il

  7   était censé présenter une demande. On avait une espèce de façon argotique

  8   de s'exprimer qui était celle de demander une chaire pour s'entretenir avec

  9   une personne qui était en détention.

 10   Et je ne sais pas comment de fois il y a eu des interviews ou entretiens

 11   avec, et je ne sais pas non plus par qui il aurait été interviewé.

 12   Q.  Mais vous avez tout de même constaté qu'il avait été placé en

 13   détention, n'est-ce pas ?

 14   R.  Vous m'avez montré hier un registre de personnes mises en détention et

 15   j'ai pu voir son nom comme étant inscrit dans ce registre.

 16   Q.  Oui, excusez-moi. Oublions ce registre. Vous nous avez dit qu'une fois

 17   revenu de votre séjour chez les militaires, vous n'avez pas constaté la

 18   détention de M. Mandic depuis -- le 7 mai, me semble-t-il. Oui, c'est le 7.

 19   Il figure au numéro 3 de la liste, pour le 7 mai.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Nous aurions dû montrer le début de la page.

 21   Il s'agit de la page 2.

 22   Je ne pense pas que la version anglaise nous soit fort utile parce

 23   que ça montre ce qu'il est advenu de lui aux différentes dates.

 24   Q.  Alors, il est en position numéro 3 sur la liste. Il a été placé en

 25   détention le 7 mai.

 26   Et nous croyons bien avoir compris les entrées qui sont faites de côté. On

 27   voit qu'il y a une date et une heure pour ce qui est des moments où il est

 28   sorti et des moments où il est ramené.


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  1   Puis, à la toute première entrée, qui est datée du 7 mai, on voit qu'on l'a

  2   sorti à 21 heures et qu'on l'a ramené à 22 heures, et il aurait été emmené

  3   au MUP ?

  4   R.  Oui, c'est ce qui est écrit ici.

  5   Q.  Je vais revenir à la toute première des questions que j'ai posées.

  6   Etes-vous en train de nous dire qu'une fois revenu de vos fonctions de

  7   policier, vous n'avez pas constaté que M. Mandic avait été placé en

  8   détention depuis ce 7 mai ?

  9   R.  Mais vous dites : "n'avez-vous pas découvert ou trouvé." Vous posez les

 10   choses comme si j'avais vaqué à des enquêtes, à des investigations, visant

 11   à découvrir telles choses. J'ai été informé par les chefs de postes de

 12   police de certaines choses, mais je n'ai pas vaqué à des enquêtes ou à des

 13   démarches visant à constater ceci ou cela. Enfin, ce n'est pas ainsi que

 14   les choses fonctionnaient. Je n'avais pas le rôle d'un inspecteur chargé

 15   d'enquêter pour découvrir telles choses. J'étais le directeur du centre.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, il me semble que nous

 17   sommes en train, ici, de faire face à un problème linguistique.

 18   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 19   Q.  Est-ce que M. Petrovic ou l'une quelconque des autorités de la prison,

 20   puisque vous nous avez dit que vous vous êtes entretenu avec lui, alors,

 21   est-ce que quiconque vous aurait dit que depuis le 7 mai ce dénommé Jozo

 22   Mandic se trouvait placé en détention ?

 23   R.  Je ne me souviens pas que quiconque me l'ait dit, cela.

 24   Q.  Très bien -- 

 25   R.  Et je ne sais pas pourquoi un nom serait dissocié sur une multitude de

 26   noms. Pourquoi apostropherait-on juste cet individu-là précis ?

 27   Q.  Oui, mais il était à la tête du parti politique croate à Doboj.

 28   Maintenant, je vous réponds.


Page 21024

  1   N'était-ce pas une fonction importante là ?

  2   R.  Oui, c'était une fonction politique importante.

  3   Q.  Penchons-nous sur le nom suivant. M. Grgic, au numéro 12, détenu à

  4   partir du 8 mai --

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, excusez-moi --

  6   Mme KORNER : [interprétation] Désolée.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Avant que de passer à cet individu,

  8   j'ai une question à poser.

  9   Monsieur Bjelosevic, vous nous avez dit que vous n'aviez pas constaté ou

 10   que personne ne vous avait dit quoi que ce soit au sujet de ce M. - comment

 11   s'appelait-il ? - Mandic. Alors, d'une manière générale, avez-vous appris

 12   quelque chose à son sujet ? Sans entrer dans le détail. Si on vous l'aurait

 13   dit ou si vous l'auriez su vous-même suite à une investigation. Est-ce que

 14   vous avez fini par savoir qu'à cette période, à cette époque, l'intéressé

 15   était placé en détention ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette période mai/juin, je ne l'ai pas

 17   appris.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et il est resté en détention jusqu'à

 19   quand, Madame Korner ?

 20   Parce que je ne vois pas ici --

 21   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Juge, on y viendra. Il est resté

 22   en détention jusqu'au mois de septembre, puis il a été échangé.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon. Allez de l'avant.

 24   Mme KORNER : [interprétation]

 25   Q.  Ce M. Grgic, que vous connaissiez puisqu'il était à la tête d'un poste

 26   de police avant la guerre, c'était un Croate, n'est-ce  pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et il était déjà à la retraite, en fait, n'est-ce pas ?


Page 21025

  1   R.  Je pense que oui.

  2   Q.  Le registre montre - une fois de plus, si je me trompe, on me

  3   rectifiera - qu'on l'a fait entrer et sortir pour être interrogé au MUP, et

  4   ensuite à l'hôpital. Il y a plusieurs entrées; peut-être pourrions-nous

  5   nous pencher dessus pour voir lesquels de ces individus ont été emmenés à

  6   l'hôpital.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Et à cet effet, peut-être pourrait-on se

  8   pencher sur la page 6 et 7. Ça devrait être, en réalité, la page 8.

  9   Q.  Le 16 mai, on l'a fait sortir du MUP. Et il semble avoir été remmené le

 10   19. Etait-il à l'hôpital ? Est-ce que c'est bien ce qui est dit ici ?

 11   R.  Oui, c'est ce qui est écrit ici.

 12   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Madame Korner. Vous avez indiqué

 13   qu'il a été au MUP, puis à l'hôpital.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Non, non, j'ai dit à l'hôpital.

 15   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais au compte rendu, page 15, ligne 22,

 16   on dit que : "Le 16 mai, il a été emmené du MUP. Et ça semble être le cas -

 17   -"

 18   Mme KORNER : [interprétation] Non, non, non. Je voulais dire -- je

 19   m'excuse. Je voulais dire il a été pris dans la prison, et j'ai dit MUP par

 20   erreur. Donc il a été pris dans la prison. Désolée.

 21   Q.  Alors, vous êtes au courant, n'est-ce pas, qu'il a été incroyablement

 22   tabassé pendant qu'il s'était trouvé détenu ?

 23   R.  Moi je vous dis que je ne le sais pas. Vraiment, je ne sais pas.

 24   Q.  On y viendra tout à l'heure, puisque vous avez déjà vu ce courrier-là.

 25   Vous avez envoyé des instructions à vos hommes pour leur dire qu'il y avait

 26   des gens tabassés en prison et qu'on vous l'avait rapporté. Et ça, c'est

 27   l'un des cas, n'est-ce pas ?

 28   R.  Attendez, excusez-moi, est-ce que j'ai bien entendu ce que vous avez


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  1   dit ? Or, j'aurais donné instruction à l'un de mes hommes d'aller à la

  2   prison --

  3   Q.  Non, non. Non, vous n'avez pas dit ça. Peu importe.

  4   Est-ce que vous aviez su que l'ex-chef du poste de police avait été

  5   gravement passé à tabac ?

  6   R.  Moi je veux vous raconter ce que j'ai appris au sujet de ce Karlo Grgic

  7   et j'aimerais que vous m'autorisiez à vous dire ce que j'en sais. Vous êtes

  8   d'accord ?

  9   Q.  Oui.

 10   R.  Dans une première partie de mon témoignage, si vous vous en souvenez,

 11   j'ai dit que j'ai été contacté par radio pour aller à Dragalic, là où il a

 12   été procédé à des échanges de prisonniers, de personnes capturées. Ça se

 13   trouve non loin du Okucani. J'y suis allé et j'ai rencontré là-bas le frère

 14   de Karlo Grgic, qui était un policier à Derventa et que je connaissais

 15   d'avant. Et lui, à ce moment-là, m'a posé des questions au sujet de son

 16   frère.

 17   A mon retour à Doboj, je me suis renseigné pour savoir ce qu'il était

 18   advenu de Karlo Grgic. Voilà l'information qu'on m'a communiquée : il avait

 19   été emmené au poste pour être interrogé. Il a été, en effet, emmené à

 20   l'hôpital parce que, d'après ce qu'on m'a dit, il y avait un certain temps

 21   déjà, il s'était fait opérer. Il était alité au département de la chirurgie

 22   à Doboj, et, de là, une infirmière lui a emmené ses vêtements et il a

 23   quitté l'hôpital. Et depuis lors, d'après le récit officiellement relaté à

 24   moi, il est allé à la municipalité d'Usora. Et j'ai envoyé cette

 25   information à Marijan Grgic, le frère à Karlo.

 26   Ce sont les informations que j'ai eu à connaître à l'époque.

 27   Quand est-ce qu'on l'a mis en détention ? Pour ce qui est d'avoir été au

 28   courant du moment de sa mise en détention, eh bien, je vous assure que je


Page 21027

  1   n'ai pas eu vent de la chose. Ce sont les informations dont j'ai pu

  2   disposer.

  3   Par la suite, plus tard, j'ai entendu d'autres versions; on m'a donné des

  4   informations disant qu'il avait été tué, qu'il s'était évadé. Mais ça,

  5   c'étaient des rumeurs, et c'est une autre chose que de parler de

  6   l'information vérifiée. Donc je ne sais pas vous donner de détails à ce

  7   sujet.

  8   C'était la façon dont j'ai eu vent de certaines informations, et je vous ai

  9   dit comment; parce que son frère m'avait approché à son sujet.

 10   Q.  Est-ce que Predrag Radulovic vous aurait parlé de Karlo Grgic ?

 11   R.  Predrag Radulovic ? Je ne sais pas quand est-ce que j'ai eu l'occasion

 12   de le rencontrer pour la première fois pendant la guerre. Je ne pense pas

 13   l'avoir rencontré, d'ailleurs, ce Predrag Radulovic avant les événements --

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la suite.

 15   Mme KORNER : [interprétation]

 16   Q.  Excusez-moi de vous avoir interrompu. Allez-y.

 17   Vous l'avez rencontré parce que vous l'avez vu à Teslic ?

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] C'est précisément ce que le témoin a dit,

 19   mais vous l'avez interrompu.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Je suis navrée. N'a-t-il pas dit qu'il ne

 21   l'avait pas rencontré pendant la guerre ?

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Oh, il était arrivé "à ce moment-là", puis

 23   vous l'avez interrompu.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, c'est de ma faute.

 25   Q.  Et après l'incident de Teslic au début juillet, est-ce que ce monsieur

 26   vous aurait parlé du dénommé Grgic ?

 27   R.  Après les événements de Teslic, je n'ai pas eu à m'entretenir avec ce

 28   Radulovic. Pas pendant un mois ou deux, mais pendant plusieurs années.


Page 21028

  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  J'étais en colère contre cet homme. Je n'ai pas voulu lui parler

  3   pendant très, très longtemps.

  4   Q.  Donc il convient d'en conclure le fait que M. Radulovic ne vous a

  5   jamais parlé de ce Karlo Grgic, et vous lui auriez dit ou vous vous seriez,

  6   en réalité, plaint auprès de lui du fait qu'il y avait eu des gens qui

  7   avaient été tués. Et vous lui avez dit que vous ne pouviez rien faire à ce

  8   sujet. Mais ça ne s'est jamais produit, ce que je viens de décrire ? Il n'y

  9   a pas eu de conversation de ce   type ?

 10   R.  Je vous le dis une fois de plus. Après les événements du mois de juin à

 11   Teslic et cette rencontre, pendant très longtemps, nous ne nous sommes pas

 12   parlés. Ensuite, nous avons évoqué bien des sujets plus tard, et il se peut

 13   que nous nous soyons entretenus au sujet d'événements datant de la guerre.

 14   Et il se peut que les entretiens aient touché à ce sujet, mais c'était bien

 15   longtemps après la guerre.

 16   Q.  Eh bien, je vous dirais que M. Grgic a disparu de la prison le 24 mai,

 17   ou de l'hôpital. Et à un moment, mais après la guerre, M. Radulovic vous a

 18   parlé de ce M. Grgic. C'est une chose que nous avons déjà abordée.

 19   Bon. Pour finir --

 20   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais peut-être que le témoin --

 21   Mme KORNER : [interprétation] Mais il nous a déjà dit ce qui s'était passé,

 22   et je lui ai dit ce que l'Accusation a affirmé à ce sujet.

 23   M. ZECEVIC : [interprétation] Mais si vous affirmez quelque chose, il faut

 24   lui fournir l'opportunité de répondre, à mon avis.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Korner, nous sommes en train

 27   de nous demander si vous avez présenté des preuves pour étayer votre

 28   affirmation au terme de laquelle il y aurait eu un entretien à ce sujet.


Page 21029

  1   Mme KORNER : [interprétation] Il y a toute une série de références. Je suis

  2   en train de lire le compte rendu 10 800 à 10 802.

  3   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  4   Mme KORNER : [interprétation]

  5   Q.  C'est ce que je vous affirme, Monsieur Bjelosevic. Je dis que vous vous

  6   êtes rencontrés, vous et M. Radulovic. Et il vous a parlé de la mort de M.

  7   Grgic, parce que c'était un fait notoirement connu, et ça s'est passé avant

  8   l'incident où le dénommé Mico était impliqué.

  9   R.  Puisque vous affirmez telle chose, j'aimerais bien que vous me disiez

 10   où et quand nous nous sommes rencontrés.

 11   Q.  Je ne peux pas vous donner de date exacte. Ce que je peux dire, c'est

 12   que ça s'est passé avant l'incident de Mico et que ceci s'est produit dans

 13   votre bureau.

 14   R.  Mais non. Dans mon bureau ? Il est certain que M. Radulovic n'y est pas

 15   venu. Il n'est pas venu dans mon bureau, parce que c'est une chose dont je

 16   me serais souvenu.

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Madame Korner, je pense que vous devriez,

 18   s'agissant de la partie du compte rendu que vous venez de citer, peut-être

 19   pourriez-vous en donner lecture, parce que le témoin en parle et il dit que

 20   ça s'est passé le même jour.

 21   Or, il est probable qu'il ait identifié la date.

 22   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 23   M. ZECEVIC : [interprétation] Parce qu'il a dit : Le même jour, j'ai

 24   rencontré Andrija Bjelosevic. Aussi, devriez-vous, à mon avis, dire au

 25   témoin quel est le contenu de --

 26   Mme KORNER : [Hors micro]

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 28   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, je crois qu'il va falloir que nous


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  1   revenions un peu en arrière.

  2   Cette tâche de branchement et de débranchement du micro me rend

  3   folle.

  4   Alors, dans l'extrait que j'ai, il n'est pas fait référence à une

  5   date. Mais on verra, et puis on y reviendra.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] Je crois pouvoir vous aider. Mon

  7   assistant me signale qu'il s'agit de la page 10 798 et que c'est la date du

  8   17 mai 1992, et il y est dit que M. Radulovic a expliqué --

  9   Mme KORNER : [interprétation] Un instant, oui. Eh bien, l'une des règles

 10   c'est de ne pas devoir faire les choses ainsi. Je suis en train de

 11   présenter une affirmation, puis on m'a demandé sur la base de quoi je fais

 12   cette affirmation, et j'y ai répondu. On verra si on pourra désigner une

 13   date, et on y reviendra ultérieurement, mais maintenant je voudrais aller

 14   de l'avant parce que c'est une perte de temps.

 15   Q.  Revenons maintenant vers cette page 2 du registre. Alors, c'était un

 16   ex-policer cet homme, n'est-ce pas, ce Tipura ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et on voit qu'il a été arrêté lui aussi pour la première fois à la date

 19   du 7 mai. On l'a emmené au MUP à huit reprises. Et il est mort, n'est-ce

 20   pas ? Il a succombé à ses blessures dans l'hôpital de Banja Luka au mois de

 21   septembre ?

 22   R.  Ilija Tipura était plus qu'un policier. Ilija Tipura c'était un docteur

 23   es sciences. C'était un notable. Et j'ai entendu dire qu'il est décédé à

 24   l'hôpital de Banja Luka, comme vous venez de le dire, mais je ne sais pas

 25   de quoi.

 26   Q.  Bon --

 27   R.  Mais si vous me permettez, je voudrais juste ajouter.

 28   Si quelqu'un a emmené Ilija Tipura pour une interview et pour l'y


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  1   retenir, et en particulier si c'est lié à ce que vous nous avez dit, son

  2   décès, eh bien, c'est une grosse erreur. Enfin, d'après ce que j'ai su au

  3   sujet de ce Tipura.

  4   Q.  Etes-vous en train de dire aux Juges de la Chambre que vous n'aviez pas

  5   su que lui aussi avait été passé à tabac ?

  6   R.  Ce que je pensais et ce que je savais, je vous l'ai dit. Et je répète

  7   que quiconque aurait fait telle chose a fait une faute lourde. C'était un

  8   homme qui n'a certainement pas mérité un traitement de ce genre.

  9   Q.  Je ne pense pas que c'est une réponse.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cette fois-ci, vous devriez insister,

 11   Madame Korner.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Fort bien.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Bjelosevic, eh bien, je

 14   crois qu'il faudrait que vous insistiez. Monsieur Bjelosevic, avez-vous eu

 15   vent - et c'était la question qu'on vous a posée - qu'il avait été passé à

 16   tabac ou ne l'avez-vous pas su ?

 17   Ça n'a rien à voir avec le fait que vous ayez eu vent de son décès et des

 18   causes du décès.

 19   Est-ce qu'à l'époque vous aviez eu vent du fait qu'il a été tabassé

 20   ou pas ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, je n'ai certainement pas eu vent

 22   du fait que Dr Tipura, Ilija aurait été passé à tabac.

 23   Mme KORNER : [interprétation]

 24   Q.  Fort bien. Revenons maintenant, je vous prie, vers M. Mandic.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Et j'aimerais, à ce titre, qu'on nous montre

 26   sur nos écrans la pièce 21038 [comme interprété]. C'est l'intercalaire 118.

 27   Nous l'avons ajouté hier soir, Monsieur le Président, étant donné que nous

 28   n'avons pas reçu de traduction auparavant.


Page 21032

  1   M. ZECEVIC : [interprétation] Juste une petite intervention au compte

  2   rendu, Messieurs les Juges. En page 22, lignes 6, 7 et 8 -- et à ce sujet,

  3   il me semble que la deuxième phrase n'a pas été consignée de façon

  4   correcte. Ce n'est pas ce que le témoin a dit. Peut-être pourrait-on tirer

  5   la chose au clair avec le témoin. Je suis navré. Mais j'essaie de ne rien

  6   faire du tout. Mais il semblerait que le témoin ait dit qu'il avait eu vent

  7   de ces mauvais traitements, or il me semble qu'il a dit quelque chose de

  8   tout à fait différent.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Je vois. Vous parlez de la phrase "Personne

 10   m'a traité de cette façon…" ?

 11   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Oui, ce n'est pas de façon évidente qu'il l'a

 13   dit.

 14   Q.  Monsieur Bjelosevic, peut-être faut-il corriger, mais il me semble que

 15   votre réponse a laissé entendre clairement ce que vous vouliez dire.

 16   "J'ai dit que vous aviez eu vent de ce qui se passait." Et vous nous avez

 17   répété que : "C'était une faute lourde, très lourde." Puis on a consigné

 18   que : "Si quelqu'un avait malmené des gens. C'était le cas dans ce cas

 19   concret…"

 20   Or, je crois que vous avez dit que si des personnes avaient été malmenées;

 21   c'est bien ce que vous avez dit ?

 22   R.  J'ai dit que si mauvais traitement il y a eu, et ce, lors de la mise en

 23   détention ou plus tard, pour ce qui est du Dr Tipura, j'ai dit que c'était

 24   une faute lourde. Mais malmener les gens, c'est une faute de toute façon.

 25   C'est une chose qui n'aurait pas dû se produire et qu'il ne faut qu'il y

 26   ait. C'est ce que j'ai dit.

 27   Q.  Bien. Revenons maintenant au document qui se trouve à présent sur nos

 28   écrans.


Page 21033

  1   Il s'agit d'une plainte au pénal datée du 10 août 1992. On y voit une liste

  2   avec un certain nombre de noms, et au regard du numéro 1, nous voyons le

  3   nom de Jozo Mandic, né le 9 septembre 1921. Donc, en 1992, Jozo Mandic

  4   avait 71 ans, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, on voit ici les renseignements relatifs à la date de naissance, en

  6   effet.

  7   Q.  Vous le connaissiez personnellement, n'est-ce pas, Monsieur Bjelosevic

  8   ? C'était un homme âgé.

  9   R.  Je l'ai rencontré à deux réunions, si je ne me trompe, pendant

 10   l'automne de 1991, notamment durant une réunion qui avait été organisée sur

 11   mon initiative. En effet, j'avais demandé à M. Alicic de convoquer une

 12   réunion suite à ce qui s'était passé à Brod. Je lui ai demandé d'accueillir

 13   la réunion, et j'ai exprimé le souhait que toutes les personnes concernées

 14   soient invitées de façon à ce que nous puissions discuter du sujet à fond

 15   et que chacun puisse travailler dans une atmosphère sereine. Je me souviens

 16   qu'il était présent à cette réunion, et il est possible que je l'aie vu

 17   également une autre fois, mais je n'en ai pas un souvenir précis.

 18   Q.  Très bien. J'aimerais que nous passions à la dernière page du document

 19   de façon à voir qui est le signataire de ce document.

 20   Est-ce votre signature que l'on voit au bout du document ?

 21   R.  Oui, c'est ma signature.

 22   Q.  Donc, à la date du 10 août 1992, vous saviez que M. Mandic était en

 23   prison, n'est-ce pas, et je vous donne la date la plus tardive possible ?

 24   R.  Comment est-ce que j'aurais pu savoir qu'il était en  prison ?

 25   J'aimerais que l'on affiche à nouveau sur l'écran la première page de ce

 26   document, ce qui me facilitera peut-être la réponse.

 27   Q.  Certainement. 

 28   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons -- désolée, pouvons-


Page 21034

  1   nous retourner à la première page.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez l'en-tête de ce document. Vous voyez

  3   les mots "Sécurité nationale". Alors, si c'est bien ce service qui a traité

  4   les données personnelles de certaines personnes, et si ce service a

  5   déterminé que sur la base des informations dont ils disposaient, de

  6   l'analyse des faits, et cetera, qu'il y avait motifs à déposer une plainte

  7   au pénal, j'étais tenu de lui faire confiance. Sans aller voir pour chacun

  8   des noms concernés, qui était qui à ce moment-là. Mais j'ai cru le service

  9   en question, ce service qui a écrit ce qui est écrit ici. Regardez tous les

 10   paragraphes de ce document. En vertu de l'article tel et tel. Tous les

 11   articles qui sont invoqués. J'ai cru ce service.

 12   Mme KORNER : [interprétation]

 13   Q.  Mais la question consistait à vous demander si, au mois d'août, vous

 14   saviez que le service de Sécurité nationale, donc le SNB, était en train

 15   d'enquêter, alors que l'homme en question était en prison ? Je parle du

 16   mois d'août, date à laquelle vous avez signé cette plainte au pénal.

 17   R.  J'ai répondu à cette question. Je ne savais pas à ce moment-là qui se

 18   trouvait où, parce que j'ai signé une plainte que le service de Sécurité

 19   nationale avait traitée et élaborée.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Bjelosevic, ceci concerne une

 21   partie de la question que Mme Korner vous a déjà posée implicitement il y a

 22   quelques instants. Je pensais que vous aviez admis, n'est-ce pas, connaître

 23   M. Mandic depuis déjà pas mal de temps avant la date de cette plainte ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne pense pas. Je crois que

 25   je ne savais pas qu'il était en prison.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non, non. Mais ce n'était pas ma

 27   question. Ma question consistait à vous demander si vous le connaissiez. Et

 28   j'ai d'ailleurs une question de suivi à vous poser ensuite.


Page 21035

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah oui. Oui, oui, j'ai déjà répondu à cette

  2   question, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, voici ma question de suivi : bien

  4   que vous n'ayez pas vous-même élaboré ce rapport, cette plainte, elle a été

  5   élaborée par le service compétent, vous l'avez reçue et vous l'avez signée,

  6   n'est-ce pas ? Alors, est-ce qu'à ce moment-là vous avez été frappé par le

  7   fait que le nom de M. Mandic figurait dans la liste des noms qui vous ont

  8   été soumis ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait longtemps, et je ne parviens pas à

 10   me rappeler tous les détails au jour d'aujourd'hui. Mais je vais vous dire

 11   une chose : quelle que soit l'importance politique des fonctions de

 12   quelqu'un, ce n'était pas une raison suffisante pour penser que cette

 13   personne était incapable de commettre quelque acte illégal que ce soit ou

 14   de commettre quelque délit que ce soit. Et je n'étais certainement pas la

 15   personne qui aurait dit : Attendez un instant, il est président d'un parti

 16   politique. Je n'étais pas celui qui était prêt à exonérer qui que ce soit

 17   sur cette base. Si le service mettait quelque chose par écrit, il fallait

 18   que je dispose d'indices très convaincants indiquant que quelque chose de

 19   répréhensible avait été fait pour demander que cet écrit soit révisé ou

 20   qu'on y ajoute un point d'interrogation, et cetera.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je n'allais pas jusque-là, Monsieur

 22   Bjelosevic. Ma question consistait simplement à vous demander : étant donné

 23   que vous connaissiez M. Mandic depuis déjà quelques temps et que vous aviez

 24   quelques certitudes à son sujet, donc je vous demandais si, au moment où

 25   vous avez signé cette plainte, c'est une idée qui a émergé dans votre

 26   esprit ?

 27   C'est la seule question que je vous posais.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Croyez-moi, je ne me rappelle pas la signature


Page 21036

  1   figurant en dernière page. Et après toutes ces années, il m'est difficile

  2   de me rappeler très précisément si j'ai lu en détail tous les noms.

  3   Je ne sais même pas si j'ai lu tous les noms, pour vous dire la

  4   vérité. 

  5   Mme KORNER : [interprétation]

  6   Q.  Eh bien, revenons à la dernière page, je vous prie, et nous trouverons

  7   la réponse à votre question.

  8   Juste au-dessus de la liste de noms, est-ce que vous voyez ce qui

  9   figure au paragraphe commençant par les mots, je cite : "Nous faisons

 10   remarquer que l'accusé Mandic," et cetera, "sont en détention à la prison

 11   régionale de Doboj."

 12   R.  Cela non plus n'avait pas grande importance pour moi, eu égard au fait

 13   que je devais signer ou pas une plainte au pénal.

 14   Q.  L'idée ne vous a pas traversé l'esprit que peut-être ce n'était pas une

 15   idée terriblement bonne de placer en prison un homme de 71 ans entre le

 16   mois de mai et la date à laquelle vous avez signé cette plainte, c'est-à-

 17   dire le mois d'août ?

 18   R.  S'agissant de la garde à vue, celle-ci est déterminée par la personne

 19   qui est responsable du dossier à ce moment précis. Et à l'issue de la durée

 20   légale de la garde à vue, je n'avais pas la possibilité de décider de ce

 21   genre de chose non plus. Donc je ne suis pas entré dans le détail.

 22   Q.  Lui et toutes les autres personnes dont les noms figurent dans cette

 23   liste sont présumés avoir commis le délit de rébellion armée contre l'Etat

 24   serbe; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

 25   Affichage de la page 2, je vous prie, sur les écrans.

 26   R.  Il est probable que tout corresponde à ce qui est écrit dans ce

 27   document.

 28   Q.  C'est le bas de la page qui nous intéresse.


Page 21037

  1   R.  [aucune interprétation]

  2   Q.  Et si cela est vrai - sans même parler des détails techniques sur le

  3   plan du droit quant aux modalités de votre rébellion même avant la création

  4   de l'Etat serbe, puisque ce n'est pas le sujet central - donc il est vrai,

  5   n'est-ce pas, que ce délit est un délit extrêmement grave ?

  6   R.  Oui. C'est à ce niveau que la loi traitait ce genre de délit à

  7   l'époque. Toute personne ayant participé à la création d'une formation

  8   paramilitaire et ayant armé des paramilitaires ou ayant participé à une

  9   action armée était par là même présumée coupable d'un crime. Voilà ce

 10   qu'établissait la loi.

 11   Q.  Eh bien, voyons ce qui s'est passé, je vous prie.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Voyons ce qu'il est advenu de M. Mandic.

 13   Je demanderais que la vidéo correspondant à l'intercalaire 116, et que l'on

 14   voit à la page 20 135 du compte rendu, apparaisse à l'écran, la

 15   transcription de cette vidéo.

 16   J'en demande la diffusion à partir du "time code" 53 minutes, et ceci

 17   correspond à la page 19 de la transcription. Nous avons besoin de la bande

 18   son, bien évidemment.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Le journaliste : La station-service de Dragalic, non loin de Nova

 22   Gradiska, est devenue un lieu de liberté pour quelque centaines de

 23   prisonniers de plus venus de Bosnie-Herzégovine.

 24   Mandic : J'ai du mal à parler. Je ne peux pas parler.

 25   Le journaliste : Quelle est la situation à Doboj ?

 26   Mandic : Très mauvaise. J'ai passé 125 jours en prison. A partir du premier

 27   jour. Ça a été dur. Je ne peux pas parler.

 28   Le journaliste : Qu'est-ce qu'ils vous ont fait ?


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  1   Mandic : Je le dirai aux journalistes… quand je rencontrerai Kljujic, Mesic

  2   et Perica. A la dernière minute, on m'a fait sortir de prison et monter

  3   dans un autobus. J'ai laissé deux appartements, deux maisons, une voiture,

  4   150 'dulums' de terre… à partir du moment où le Comité exécutif a été créé

  5   à Sarajevo et à Doboj, pour la municipalité de Doboj, j'ai travaillé

  6   honnêtement, j'ai bien travaillé…

  7   Le journaliste : Est-ce que vous êtes arrivé directement de la prison ?

  8   Mandic : Oui, directement de la prison. Il y a eu un échange parce que

  9   Mesic ou quelqu'un d'autre était sans doute là. Ils ont arrêté tout le

 10   monde… dans la rue… à leurs domiciles. J'ai été pris le premier jour. Ils

 11   ont fouillé ma maison et m'ont tout pris. J'avais une retraite. J'ai pris

 12   ma retraite il y a 12 ans. Ils ont confisqué mes deux appartements, deux

 13   maisons, 150 'dulums' de terre, une voiture. Heureusement, mon fils a

 14   réussi à partir je ne sais pas trop comment. Il est immédiatement parti

 15   pour la Slovénie avec son épouse et trois enfants. Il est ingénieur. Mais

 16   tout doit être déménagé.

 17   Le journaliste : Quelle est la situation dans Doboj occupée ?

 18   Mandic : Très mauvaise. C'est une tragédie.

 19   Le journaliste : Combien de Croates et de Musulmans sont restés là-bas ?

 20   Mandic : Je ne sais pas exactement, mais très peu. De nombreux Musulmans

 21   ont fui vers Tesanj. Des femmes, des enfants et des hommes. Les autres sont

 22   restés en ville, mais eux aussi veulent partir. Ils sont nombreux ici dans

 23   ces trois autobus. Et il y a des Musulmans.

 24   Le journaliste : Et depuis combien de temps ?

 25   Mandic : J'ai passé 125 jours en prison à partir du premier jour, à partir

 26   du 3 mai. Il y avait deux camps de détention, un à Usora et un dans la

 27   caserne de Pare où une unité de chars a été stationnée. Environ 4 000

 28   personnes ont été placées en détention. J'ai perdu beaucoup de poids.


Page 21039

  1   Voyez-vous les trous de ma ceinture ? Pendant 40 jours je n'ai eu que deux

  2   repas par jour; 100 grammes de pain et un peu d'eau. Rien d'autre…

  3   Le journaliste : Quel âge avez-vous ?

  4   Mandic : J'ai 72 ans… mais j'étais en bonne forme… la prison m'a détruit.

  5   J'ai été frappé… Il y avait beaucoup de coups là-bas… les soldats

  6   frappaient, la police frappait. J'ai été violemment frappé. Aucune question

  7   n'était posée. Les soldats et les policiers de passage faisaient cela. Il y

  8   avait cinq ou six sortes de soldats différents : les hommes d'Arkan, les

  9   Chetniks, et ceux qui portaient des couvre-chefs, les hommes de Knin, et

 10   des gens qui étaient complètement -- vers la fin, quand la FORPRONU a,

 11   semble-t-il, commencé à intervenir, mais ils ne pouvaient pas intervenir en

 12   prison. J'ai réussi à obtenir un petit quelque chose grâce à un avocat,

 13   mais maintenant…

 14   Le journaliste : Finalement, pouvez-vous nous dire votre nom.

 15   Mandic : Je suis l'ingénieur Jozo Mandic. Je viens de Doboj. J'y ai vécu

 16   pendant 45 ans. J'y ai travaillé pendant 40 ans aux chemins de fer. J'étais

 17   retraité, et en tant que retraité, j'ai été élu président du HDZ de la

 18   municipalité de Doboj et j'ai participé à toutes les réunions, mais

 19   toujours de façon honorable et honnête. Je crois --"

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   Mme KORNER : [interprétation] Fin de la transcription.

 22   Q.  Cet échange d'un homme au sujet duquel vous avez signé une plainte

 23   indiquant que des éléments de preuve démontraient qu'il était coupable de

 24   rébellion armée, est-ce que vous avez assisté à cet échange ? Parce qu'il y

 25   a été procédé, semble-t-il, à la station de service de Dragalic.

 26   R.  Dragalic c'était l'endroit où les échanges se pratiquaient de façon

 27   régulière. Et j'ai dit que j'y suis allé une fois, mais ce n'était pas

 28   cette fois-là. C'était avant.


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  1   J'ai regardé les images de cette vidéo, j'ai entendu le dialogue, et un

  2   certain nombre de choses me sont revenues en mémoire. Malheureusement, ceci

  3   est une des milliers d'histoires que racontaient les gens de part et

  4   d'autre. Vous avez entendu cet échange; des histoires comme celle-là

  5   pouvaient être entendues de la part de personnes venant de l'autre camp. Je

  6   ne sous-estime les souffrances ou les peines de personne, et je ne justifie

  7   en aucun cas un quelconque crime commis par qui que ce soit. Mais ce que je

  8   tiens à souligner ici, c'est que ceci est l'une des très nombreuses

  9   histoires racontant le destin d'individus, de particuliers, étant donné

 10   tout ce qui s'est passé dans la région. Croyez-moi, vous auriez pu entendre

 11   des milliers d'histoires comme celle-ci, malheureusement.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Compte tenu des questions qui ont été réglées

 13   sur le plan juridique tout à l'heure, je demanderais que ce document soit

 14   enregistré aux fins d'identification.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il l'est.

 16   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette partie de la vidéo devient la

 18   pièce P2327, enregistrée aux fins d'identification.

 19   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, j'accepte que cette

 20   seule portion d'une vidéo qui est plus longue devienne une pièce à

 21   conviction. Et, le cas échéant, nous demanderons la diffusion d'une autre

 22   partie de la même vidéo --

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, pouvez-vous nous

 24   rappeler le numéro de l'intercalaire, je vous prie.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Intercalaire 116.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, le moment est très bienvenu

 28   pour la pause.


Page 21041

  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

  3   --- L'audience est reprise à 10 heures 50.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, Me Zecevic a demandé si

  6   nous pouvions définir une date pour ce qui est de cette rencontre avec M.

  7   Radulovic. Nous avons vérifié les pages du compte rendu antérieur et je

  8   suis tout à fait disposée à apporter les corrections que M. Zecevic avait

  9   souhaité faire faire. Il a été question d'un document qui portait la date

 10   du 17 mai 1992 Puis la question a été poursuivie, et on peut dire qu'il

 11   semblerait que cela était forcément la date du 25 mai, puisque c'est la

 12   date de la dernière entrée pour ce qui est de ce registre de prison qui

 13   évoque M. Grgic. Donc, de façon évidente, on pourrait parler de la date du

 14   30 juin.

 15   C'est le mieux qu'on puisse faire. Si Me Zecevic pense qu'il peut

 16   faire mieux, je suis ouverte pour toute suggestion.

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Je ne sais pas si vous voulez que nous

 18   l'évoquions en présence du témoin.

 19   Mme KORNER : [hors micro] [interprétation] Eh bien, une fois de plus, c'est

 20   un problème qui est le mien. Je ne veux pas perdre de temps. Peut-être

 21   pourrons-nous en parler pendant la pause suivante, et il se peut que nous

 22   aboutissions à mieux ?

 23   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Messieurs les Juges. 

 24   Mme KORNER : [interprétation]

 25   Q.  Pour ce qui est des sujets relatifs à la prison et des événements là-

 26   bas, je vous prierais de vous pencher une fois de plus sur ce document que

 27   vous avez évoqué à l'occasion de l'interrogatoire en chef. C'est

 28   l'intercalaire 25 de notre classeur, et il s'agit de la pièce P1035.


Page 21042

  1   S'agissant du classeur de la Défense, ça se trouvait à l'intercalaire 49.

  2   Je crois bien me souvenir que vous aviez dit vous en rappeler puisque vous

  3   avez dit que c'était quelqu'un qui avait été poignardé.

  4   Il s'agit d'un ordre que vous avez donné à la date du 12 juin. Voilà ce que

  5   vous en avez dit à l'occasion de votre interrogatoire au principal, page 19

  6   628 :

  7   "Il s'agit d'un document que j'ai signé et que j'avais dicté à la machine.

  8   Et ça a été fait un peu à la va-vite. Je venais d'arriver au centre.

  9   C'était le directeur de la prison ou son adjoint que j'ai rencontré, et il

 10   m'avait dit qu'ils avaient eu des problèmes pour ce qui est de l'accès de

 11   différentes personnes portant différents uniformes et qui entraient par la

 12   force dans les locaux de la prison et commettaient des actes de violence

 13   contre les prisonniers, et la prison était en train de demander de l'aide."

 14   Alors, le 12 juin, Monsieur Bjelosevic, vous aviez eu connaissance de

 15   l'arrivée de certaines personnes en prison qui venaient y tabasser des

 16   prisonniers; nous sommes d'accord ?

 17   R.  Oui, nous sommes d'accord. J'ai obtenu cette information de la bouche

 18   du directeur ou de son adjoint, je ne sais plus.

 19   Q.  Fort bien. Penchons-nous sur les trois premières lignes de l'ordre en

 20   question : 

 21   "Il est strictement interdit d'accéder de façon arbitraire aux locaux de la

 22   prison de district à Dobrinja et d'accéder aux personnes temporairement

 23   détenues aux postes de sécurité publique…"

 24   Ça, c'est un ordre adressé à votre police. Cela nous laisse entendre que le

 25   12 juin vous étiez également au courant du fait qu'il y avait des personnes

 26   de gardées au SUP -- c'est-à-dire à la SJB, plutôt ?

 27   R.  La totalité des postes de sécurité publique disposaient d'une pièce qui

 28   était destinée à une garde à vue de personnes qui étaient amenées. Ce


Page 21043

  1   n'était pas une détention provisoire. Ça pouvait être des personnes qui

  2   étaient, par exemple, en état d'ébriété et qui perturbaient la paix et

  3   l'ordre publics, et on les gardait là jusqu'à ce qu'ils ne se remettent de

  4   leur ivresse. Oui, on gardait des personnes comme cela jusqu'à ce qu'ils

  5   soient sobres.

  6   Q.  Oui. Mais ici, vous êtes en train d'interdire l'accès à des personnes

  7   aux pièces où on avait gardé temporairement des personnes au sein des

  8   postes de sécurité publique. Pouvons-nous tirer de là la conclusion que

  9   vous aviez eu vent, Monsieur Bjelosevic, du fait qu'il y avait des détenus

 10   qui étaient tabassés aux postes de police aussi ?

 11   R.  Oui, il y a eu des cas de figure de ce genre.

 12   Q.  Bien. Et alors : "… il y a eu recours à des intimidations, recours à la

 13   force physique, à l'égard de personnes emprisonnées ou détenues."

 14   Alors, une fois que vous avez reçu l'information disant qu'il y avait des

 15   personnes de tabassées à l'intérieur des postes de police, n'avez-vous pas

 16   demandé de lancer immédiatement une enquête pour savoir comment ceci

 17   pouvait-il se produire ?

 18   R.  Mais tel que vous présentez les choses, il pourrait être entendu que je

 19   suffisais à tout, que je devais être présent, tout voir et tout conclure.

 20   On n'aurait pas besoin ni des inspecteurs, ni des chefs de postes, ni des

 21   policiers, ni des différents commandants. Enfin, c'est à peu près ce qui

 22   découlerait de ce que vous dites.

 23   Q.  Vous nous avez dit, pendant cette période, avoir été engagé à accomplir

 24   des missions militaires. Mais ne pensiez-vous pas que c'était une

 25   opportunité suffisamment importante pour faire venir les chefs, du moins

 26   ceux de Doboj et de Samac, ainsi que les différents commandants, pour

 27   réclamer une investigation immédiate au sujet du tabassage de ces

 28   prisonniers ?


Page 21044

  1   R.  Comme on peut le voir ici, c'est la date du 11 juin qui est indiquée

  2   ici. Je ne pouvais pas contacter Samac parce qu'il n'y avait pas de

  3   communication entre Doboj et Samac. Le corridor n'était pas encore percé.

  4   Ceci est une date où l'ouverture du corridor était en cours, battait son

  5   plein, dirais-je. Et vous avez pu voir qu'à Doboj, il y avait un poste avec

  6   ses dirigeants. Ce que je pouvais faire alors que j'étais en train de me

  7   déplacer, parce que je restais très peu de temps, une fois arrivé, j'ai

  8   fait ce que je pouvais faire au plus. Dans mon témoignage antérieur, j'ai

  9   dit que ce n'était pas la chose la plus complète ou le maximum de ce que

 10   j'aurais pu faire. Mais ce que je pouvais faire au plus, c'était

 11   précisément cela, puis vous avez vu comment j'ai eu à sortir des morongues

 12   [phon] du feu suite à ce que j'ai rédigé.

 13   Q.  Oui, nous avons entendu votre récit au sujet de ce qui s'était produit.

 14   Est-ce que vous-même aviez été présent dans le bâtiment où il y avait les

 15   bureaux du CSB et de la SJB alors que des personnes avaient été tabassées

 16   dans le bâtiment ?

 17   R.  Je pense avoir mentionné qu'une fois en arrivant dans l'immeuble, dans

 18   le hall, j'avais trouvé un nombre assez important de personnes amenées là,

 19   appréhendées. Et ce sont des gens qui avaient mis les mains contre le mur

 20   et qui chantaient. J'étais terriblement surpris, et j'ai dit à voix haute :

 21   Que se passe-t-il ici ?

 22   Je me suis approché du bureau où il y avait les policiers de permanence, et

 23   j'ai dit : Que se passe-t-il ? Et pendant que j'étais en train de

 24   m'entretenir avec eux au travers de l'ouverture ménagée dans le mur, il y

 25   avait des personnes qui descendaient le corridor, et il y en avait deux qui

 26   portaient des uniformes de camouflage et qui ont dit : Quoi ? Alors, j'ai

 27   dit : Suite à l'ordre de qui ? Puis eux, pleins d'eux-mêmes, ils ont dit

 28   qu'ils les avaient capturés, que c'étaient des Oustachi. Puis j'ai dit


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  1   qu'il fallait les relâcher et que les deux en question soient mis à la

  2   porte. Alors, ceux qui étaient appréhendés se sont dispersés. Et ceux qui

  3   étaient en armes avaient quitté le hall.

  4   Q.  Excusez-moi --

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Je dois vous interrompre parce que c'est une chose que vous nous avez

  7   déjà relatée. Je vais répéter ma question : est-ce que vous étiez présent

  8   alors que des personnes étaient tabassés ? Non pas alors que des personnes

  9   étaient en train de chanter.

 10   R.  Si quelqu'un avait été tabassé dans le hall, non, ce n'est pas une

 11   chose que j'ai pu voir. J'ai vu ces personnes appréhendées que je viens de

 12   vous mentionner.

 13   Q.  Bien. Je pense que la réponse à ma question est non, est négative, vous

 14   n'avez pas vu de gens en train d'être passés à tabac. Est-ce que vous

 15   auriez vu des gens au bâtiment du SUP -- c'est-à-dire dans le bâtiment en

 16   question, et ce, des individus qui porteraient des traces de coups ?

 17   R.  Je ne peux pas m'en souvenir.

 18   Q.  Fort bien.

 19   R.  Je ne m'en souviens vraiment pas.

 20   Q.  Avez-vous entendu des cris arrivant de la prison qui se trouvait dans

 21   le bâtiment à côté, des cris de gens, et pour ne pas utiliser le terme de

 22   gens qui avaient été "torturés" là-bas ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Eh bien, penchons-nous, je vous prie, sur un autre document.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Peut-on nous montrer, je vous prie, sur nos

 26   écrans le document 20133, c'est-à-dire l'intercalaire 112.

 27   M. ZECEVIC : [interprétation] Puis-je demander quelle est l'origine de ce

 28   document ?


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  1   Mme KORNER : [interprétation] Il s'agit d'un article publié --

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Sur internet ?

  3   Mme KORNER : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de demander son

  4   versement au dossier. Je veux juste poser une question à son sujet.

  5   M. ZECEVIC : [interprétation] Juste pour le faire remarquer, c'est tout.

  6   Merci.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, nous l'avons trouvé sur internet. En

  8   réalité, je crois que ça a été publié dans une publication appelée B-I-R-N.

  9   Q.  Il s'agit d'un article récent, daté du 18 novembre de l'an passé, qui

 10   parle de ce qui s'était passé à Doboj et des déclarations de la déposition

 11   faite par M. Petrovic.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on nous montre la

 13   version anglaise, page 3. Et je crois qu'il n'y a qu'une page en B/C/S.

 14   Non, désolée, c'est la page 2 de la version B/C/S.

 15   M. ZECEVIC : [interprétation] Ce que je voudrais proposer à Mme Korner,

 16   pour que les choses soient faites de façon cohérente pour ce qui est de la

 17   présentation des éléments de preuve dans cette affaire, je vous propose de

 18   poser votre question. Nous n'avons pas besoin du document. Parce que je

 19   peux évoquer toute une série d'opportunités où vous, en personne, et

 20   d'autres membres du bureau du Procureur aviez fait des reproches du fait

 21   d'avoir présenté des documents pris sur le réseau internet, et il y a eu

 22   des décisions de rendues par les Juges de la Chambre à ce sujet.

 23   Alors, peut-être pourrions-nous aller de l'avant et vous entendre poser la

 24   question, parce que nous n'avons pas le document. Il vient du réseau

 25   internet. On ne sait pas qui l'a rédigé ni quoi que ce soit d'autre.

 26   Merci.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président --

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic, n'êtes-vous pas en train


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  1   d'anticiper quelle va être la question ? Et pour ce qui est maintenant de

  2   la question de l'origine du document, nous allons nous pencher si seulement

  3   on nous demande un versement au dossier, mais on n'en est pas encore là.

  4   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais j'ai cru

  5   comprendre que Mme Korner allait donner lecture de ce qui figurait à la

  6   troisième page. Donc je m'attendais à cela, et c'est par anticipation que

  7   j'ai formulé mon observation…

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je pensais pour ma part que la

  9   façon dont nous nous sommes occupés de ce type de documents était la

 10   suivante : avant qu'une partie en présence ne pose une question, elle

 11   conviait le témoin à se pencher sur celui-ci, et ensuite la question venait

 12   à être posée. Ceci permettait d'éviter le versement au dossier d'un

 13   document de façon détournée.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Je comprends, Messieurs les Juges.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Bon, alors, c'est complètement différent

 16   parce qu'on connaît l'origine du document. Nous pouvons en prouver

 17   l'origine, et on en connaît la teneur.

 18   Q.  Est-ce que quelqu'un, enfin un journaliste, se serait approché de vous

 19   l'an passé ?

 20   R.  Au téléphone ?

 21   Q.  Oui.

 22   R.  Oui, c'est le cas.

 23   Q.  Vous a-t-on posé des questions au sujet de ces propos tenus par M.

 24   Petrovic ?

 25   R.  Oui. J'ai oublié le nom du journaliste, mais il a dit qu'il s'agissait

 26   de recherche journalistique, et il m'a posé des questions relatives à des

 27   déclarations faites par M. Obren Petrovic.

 28   Q.  Alors, il y a dans cette déclaration des affirmations disant que vous


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  1   pouviez entendre les cris et hurlements en provenance de la prison, étant

  2   donné que vous vous trouviez au premier étage du centre de sécurité

  3   publique, et la question était non pas celle d'avoir entendu ou pas, mais

  4   il dit que vous n'avez pas voulu commenter ?

  5   Est-ce que vous pouvez dire ce que vous en pensez ?

  6   R.  Eh bien, la question n'était celle de savoir est-ce qu'on pouvait

  7   entendre des cris, mais la question était celle de savoir pourquoi on avait

  8   tabassé quelqu'un. Et la question n'était pas celle de savoir est-ce qu'on

  9   pouvait entendre et jusqu'à quel endroit pouvait-on entendre. C'est dans ce

 10   style que j'ai répondu. Et je pense que c'est là la question cruciale à

 11   poser, en effet.

 12   Q.  Mais en fait, vous n'avez pas répondu à la question du journaliste.

 13   Parce qu'il vous a demandé si vous aviez entendu vous-même que des gens

 14   étaient en train d'être passés à tabac au bâtiment de la police ?

 15   R.  Non, ce n'est pas du tout la question qu'on m'a posée. Il m'a demandé

 16   si j'avais eu vent de la déclaration d'Obren Petrovic, qui, lui, a dit, en

 17   répondant à une question dont je ne sais plus qui, du procureur j'imagine,

 18   lorsqu'on avait évoqué des personnes appréhendées et passées à tabac, et on

 19   lui avait posé la question de savoir si ça pouvait être entendu depuis mon

 20   bureau. C'est ainsi que j'ai cru comprendre la question, puisque mon bureau

 21   était au premier étage, et j'ai répondu comme je vous ai indiqué tout à

 22   l'heure.

 23   Q.  Et vous n'avez jamais entendu des personnes crier du fait d'être

 24   passées à tabac ?

 25   R.  Non. A l'époque où je séjournais dans mon bureau, je n'ai pas eu à

 26   entendre ce genre de chose.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.   Je précise que je ne séjournais pas souvent dans mon bureau. Mais


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  1   quand je me trouvais dans mon bureau, je n'ai pas pu entendre.

  2   Q.  Bon. Je vais aller de l'avant et quitter le sujet des prisons et

  3   prisonniers et aborder celui des effectifs sur les fiches de paye de la

  4   police pendant cette période.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Et à ce sujet, je voudrais qu'on nous montre

  6   tout d'abord le document que vous avez déjà vu auparavant. Il s'agit de la

  7   pièce P1346, qui se trouve à votre intercalaire numéro 13.

  8   R.  Est-ce que cela correspond au numéro de mon intercalaire ?

  9   Q.  Non, non. Je pense que cela faisait partie en fait du classeur de la

 10   Défense, mais je ne sais pas quel est l'intercalaire en question pour le

 11   classeur de la Défense.

 12   Non, on me dit qu'en fait, il n'en faisait pas partie. Donc il va falloir

 13   que vous regardiez le document affiché à l'écran.

 14   Donc cela vient du CSB de Doboj. Alors, il s'agit d'une liste de salaires

 15   pour les paiements versés en avance en avril 1992. Et en avril 1992, vous

 16   êtes toujours en fonction au sein du CSB de Doboj, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Alors, quel était ce Groupe spécial de Doboj qui avait perçu des

 19   rémunérations à l'avance ?

 20   R.  Je n'en sais rien. Ecoutez, je ne le sais vraiment pas. Je vois que

 21   c'est le mois d'avril, effectivement, et je vois qu'il s'agit de paiements

 22   ou de rémunérations versés à l'avance par rapport aux salaires pour le mois

 23   d'avril 1992. Donc je vois des signatures au bas de ce document, et je dois

 24   vous dire que je ne connais pas ces signatures.

 25   Q.  Mais dans le cadre de vos fonctions, est-ce que, de temps à autre, pour

 26   ne pas dire régulièrement, vous n'étiez pas censé vérifier les fiches de

 27   salaires ?

 28   R.  Les vérifier, dites-vous ?


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  1   Q.  Oui, les vérifier.

  2   R.  Non, non. J'en signais quelques-unes de ces fiches de salaires, mais je

  3   ne connais pas ce document. Je suis en train de voir quels sont les noms en

  4   question. Je reconnais le premier nom et le 11e nom. Donc il y a 11

  5   personnes qui figurent sur cette liste. Et ce qui me surprend, c'est que

  6   Nenad Kujundzic, en fait, il était officier de police au poste de sécurité

  7   publique, en d'autres termes, officier de police dans notre bâtiment.

  8   Alors, voir son nom sur cette feuille intitulée "Groupe spécial", écoutez,

  9   je ne comprends pas. Je ne sais pas qui a écrit ce document, qui l'a signé.

 10   Mais il se peut que cela ait quelque chose à voir avec le fait que cet

 11   argent, en fait, devait être affecté, devait être imputé quelque part.

 12   Pendant les mois d'août et septembre, nous avons dû gérer les fonds qui

 13   arrivaient du SDC et de la banque, et puis il y avait également une

 14   certaine somme qui venait de la poste -- ou plutôt, ces fonds, en fait, ils

 15   avaient été égarés. Nous ne savions pas où cet argent se trouvait et nous

 16   essayions de remonter la filière. Alors, peut-être que cela fait partie de

 17   cette recherche, mais je n'en sais rien.

 18   Q.  Je vous interromps de suite, parce que vous nous dites le poste des

 19   services de sécurité. Mais là, il ne s'agit pas du SJB; il s'agit du CSB,

 20   du centre des services de Sécurité de Doboj, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, et c'est justement pourquoi j'étais en train de vous relater ce

 22   que je vous ai dit, si vous m'avez écouté. Parce que ce qui me surprend

 23   d'abord, c'est que ce document n'a pas de date. La seule référence

 24   temporelle c'est la référence au mois d'avril 1992.

 25   Deuxièmement, je vous ai dit que Nenad Kujundzic était officier de police

 26   au SJB de Doboj en avril, et il n'y avait pas d'unité spéciale ou de groupe

 27   spécial au sein du centre. Et puis, de surcroît, je ne connais pas les noms

 28   de ces autres personnes, à part le Nenad dont je vous parlais.


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  1   Alors, je connais également le nom de Bozovic. Mais bon, ceci étant, à ma

  2   connaissance, il n'était pas là en avril.

  3   Donc je ne sais pas ce que ce document est censé indiquer.

  4   Q.  Eh bien --

  5   R.  Et puis j'essaie également de déchiffrer le cachet, mais ça n'est pas

  6   possible, en fait.

  7   Q.  Nous avons déjà vu le nom de cet homme Bozojovic [sic] dans le rapport

  8   de Milos hier suivant lequel ses activités et les agissements de ses hommes

  9   avaient provoqué la consternation, pour ne pas dire des réactions très

 10   vives, au sein de la population de Doboj. Vous vous souvenez de cela ?

 11   R.  Excusez-moi, je viens d'entendre un nom, Zojovic. Est-ce qu'il s'agit

 12   d'un nouveau nom ?

 13   Q.  Non. Mais vous pouvez voir le premier nom, le numéro 1 -- alors, numéro

 14   1 pour ce Groupe spécial de Doboj.

 15   R.  Ah, vous voulez parler de Bozovic. Très bien. Et non pas de Zojovic.

 16   Donc Bozovic. Moi j'avais entendu Zojovic par l'interprète, d'où ma

 17   confusion. Effectivement, il s'agit du même nom, oui.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Mais écoutez, je ne dispose d'aucune information suivant laquelle cet

 20   homme se trouvait à Doboj pendant le mois d'avril. Et d'ailleurs, je n'ai

 21   absolument aucune information selon laquelle il se trouvait au centre.

 22   Q.  Mais --

 23   R.  Peut-être qu'il faudrait que vous posiez les questions à l'auteur de ce

 24   document, parce que je n'en sais rien à propos de ce document.

 25   Q.  Donc quelqu'un de votre centre - regardez, il y a un cachet, il y a une

 26   signature - sans votre connaissance, autorisait des paiements pour un

 27   groupe de personnes dirigé par cet homme qui répond au nom de Bozovic, donc

 28   il s'agit du "Groupe spécial de Doboj", et vous n'étiez absolument pas


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  1   informé ? Vous n'étiez absolument pas au courant de cela ?

  2   R.  Ecoutez, je ne suis absolument pas informé. Je ne connais pas ce

  3   document. Je ne sais rien de l'auteur, je ne sais pas à quelle date ce

  4   document a été établi, je ne reconnais pas la signature, et d'ailleurs je

  5   ne reconnais pas non plus le cachet qui se trouve sur ce document. Donc je

  6   ne reconnais absolument rien. La seule chose que je peux vous dire, et que

  7   je vous ai dite d'ailleurs, c'est à propos de ces deux noms que j'ai

  8   reconnus. En tout cas, il s'agit du même prénom et nom que le Bozovic que

  9   moi je connais. Mais pour ce qui est des autres, je n'en ai absolument pas

 10   la moindre idée.

 11   Q.  Donc tous ces documents qui se trouvaient - et qui se trouvent

 12   toujours, d'ailleurs - à Doboj pouvaient être inspectés par des inspecteurs

 13   du MUP, pouvaient être inspectés par vous-même, par toute personne qui

 14   était habilitée pour consulter ce genre de documents, n'est-ce pas ?

 15   R.  Ecoutez, si tant est que cela vous soit utile, je pourrais demander à

 16   être autorisé à avoir accès à ces documents lorsque je rentrerai là-bas, et

 17   je pourrais peut-être ainsi au moins apprendre certaines choses à propos de

 18   ce document, et je pourrais, je ne sais pas, par téléphone, par

 19   vidéoconférence, vous présenter le fruit de ma recherche. Je pourrais voir

 20   si le document se trouve toujours là-bas, et ainsi je pourrais voir de quoi

 21   il s'agit.

 22   Q.  Ecoutez, moi je peux vous assurer que le document se trouve encore là-

 23   bas, parce que nous l'avons obtenu, Monsieur Bjelosevic. Il s'agit d'un des

 24   documents financiers.

 25   Enfin, quoi qu'il en soit, vous n'en savez rien. Vous ne savez pas qui est

 26   cet homme, si ce n'est qu'hier vous nous avez dit que vous pensiez qu'il

 27   avait quelque chose à avoir avec la JNA; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

 28   R.  De quel homme parlez-vous ?


Page 21053

  1   Q.  Hier, lorsque je vous ai présenté ce rapport -- que je peux afficher à

  2   nouveau, si vous le souhaitez.

  3   Mme KORNER : [aucune interprétation]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais dites-moi juste le nom de cette personne.

  5   Mme KORNER : [interprétation]

  6   Q.  C'est le numéro 1 de la liste. Le nom qui me pose tant de problème

  7   lorsque j'essaie de le prononcer.

  8   R.  Ah, Bozovic. Oui, oui, nous en avons parlé, effectivement, de Bozovic

  9   hier. Et je vous ai dit ce que je savais à son sujet.

 10   Q.  Donc vous, jusqu'à ce que je vous montre ce document, vous ne saviez

 11   absolument pas que cet homme était rémunéré en tant que policier ? C'est ce

 12   que vous me dites et c'est ce que vous dites à la Chambre de première

 13   instance ?

 14   R.  Je ne sais pas ce que vous avez dit exactement. Je dois dire que j'ai

 15   reçu une interprétation assez compliquée de votre intervention.

 16   Mais le fait est qu'hier nous en avons parlé. Et hier, j'ai effectivement

 17   parlé de Bozovic. Et aujourd'hui, je vais réitérer ce que j'avais déjà dit,

 18   à savoir qu'en avril il n'y avait pas de groupe spécial attaché au CSB, et

 19   je n'étais absolument pas au courant que ces salaires avaient été versés

 20   pendant cette période, et, en plus, je ne sais pas qui a écrit le document.

 21   Et je le répète : si la Chambre le juge nécessaire, à mon retour, je

 22   pourrais essayer de voir ce dont il s'agit. Je peux véritablement le faire.

 23   Q.  Je vous avais posé une question. Je vous ai demandé si, avant d'avoir

 24   vu ce document, maintenant vous affirmez que vous ne saviez pas que le

 25   premier nom de cette liste, à savoir M. Bozovic, était, a priori, officier

 26   de police, d'après le document ?

 27   R.  Je le connais sous le nom de commandant Bozovic. On m'avait dit qu'il

 28   était commandant.


Page 21054

  1   Q.  Bien.

  2   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais maintenant vous présenter un autre

  3   document -- ah non, excusez-moi.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro]

  5   M. LE JUGE HALL : [hors micro]

  6   Mme KORNER : [interprétation] Donc pourrions-nous, je vous prie, avoir le

  7   document 20113. Intercalaire 26B pour ce qui est de notre classeur.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je vais trouver le document dans

  9   mon classeur ?

 10   Mme KORNER : [interprétation]

 11   Q.  Non, non.

 12   R.  Ah, d'accord, sur l'écran. Alors, je vais le regarder sur l'écran.

 13   Q.  Alors, là, il s'agit d'un document pour des salaires qui ont été

 14   perçus, puisqu'il y a des signatures.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Et je souhaiterais que la sixième page de ce

 16   document soit affichée, sixième page pour la version B/C/S' qui correspond

 17   à la cinquième page de la version anglaise.

 18   Q.  Est-ce que vous voyez une signature sur cette page ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Reconnaissez-vous cette signature ?

 21   R.  Oui. Il s'agit de la signature d'Obren Petrovic.

 22   Q.  Bien.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Nous allons maintenant afficher la première

 24   page à nouveau.

 25   Q.  Donc il s'agit de rémunérations pour l'Unité spéciale de Doboj. Alors,

 26   quelle était cette Unité spéciale de Doboj ?

 27   R.  Ecoutez, probablement une unité qui se trouvait au poste.

 28   Donc ce document a été rédigé par le chef du poste et il s'agissait en fait


Page 21055

  1   d'obtenir des fournitures pour le poste de sécurité publique, et ce

  2   document précise qui était responsable pour la police. Et la police

  3   spéciale est mentionnée, effectivement. Nenad Kujundzic était responsable

  4   de cela, donc je pense que c'est une question que vous devriez poser à

  5   Petrovic.

  6   Q.  Non. Alors, nous allons procéder par étapes, si vous n'y voyez pas

  7   d'inconvénient.

  8   Il s'agit donc d'une unité assez importante -- regardez, une unité de

  9   police spéciale composée de 50 hommes --

 10   R.  Oui, mais là j'en vois 20.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   Mme KORNER : [interprétation] Troisième page, je vous prie. Troisième page

 13   pour les deux versions.

 14   Q.  Vous voyez qu'il y a 50 noms qui figurent en tout et pour tout sur ce

 15   document.

 16   Donc, est-ce que cela n'était pas l'équivalent du poste de police spéciale

 17   de Banja Luka ? Est-ce que ce n'est pas l'équivalent pour Doboj ?

 18   R.  Non, ce n'est pas ce que je dirais.

 19   Q.  Eh bien, alors, qu'est-ce que c'était ? Parce que là, bien évidemment,

 20   il s'agit d'une unité qui existait ?

 21   R.  Ecoutez, vraiment, je fais de mon mieux. Je m'efforce de comprendre. Je

 22   vois la signature qui se trouve dans le coin inférieur gauche, signature

 23   d'ailleurs que je ne reconnais absolument pas. Et puis, sur la première

 24   page -- est-ce que je pourrais regarder à nouveau la première page ?

 25   Q.  Oui. De toute façon, j'allais demander que l'on affiche la première

 26   page.

 27   Qu'est-ce que vous vouliez nous dire à propos de la première page ?

 28   R.  En fait, je voulais voir ce qui était écrit là, parce que, vraiment, je


Page 21056

  1   m'évertue de trouver une explication. Donc, effectivement, il est écrit :

  2   Unité spéciale de Doboj, ensuite en dessous, entre parenthèses : Unité

  3   organisationnelle, puis une date, 18 juin. Ecoutez, je n'en sais absolument

  4   rien.

  5   Q.  Très bien. Nous allons prendre le premier nom de la liste. Vous savez

  6   pertinemment qui est M. Karagic, parce que vous en avez parlé de M. Karagic

  7   lorsque vous avez répondu à des questions posées par Me Zecevic ?

  8   R.  Oui, oui. Oui, oui, je le connais. Mais je vous fais remarquer quand

  9   même qu'il n'y a aucune signature qui confirme que lui a reçu ce paiement.

 10   Ecoutez, je ne sais pas ce qu'est ce document. Et je vois qu'il y a

 11   d'autres noms qui sont énumérés et pour lesquels il n'y a pas de signature.

 12   Regardez le numéro 19, par exemple, Starcevic, puis à la page suivante

 13   également.

 14   Donc cela signifie que ces personnes n'ont pas perçu cet argent. Mais si

 15   vous me demandez qui est Slobodan Karagic, je sais qui il est, bien

 16   entendu.

 17   Q.  Bien. Vous nous l'avez déjà dit, cela à propos de M. Karagic. Mais vous

 18   avez eu affaire à M. Karagic, n'est-ce pas ?

 19   R.  Ce que je vous ai dit, c'est que j'avais été convoqué devant un

 20   tribunal dans une affaire contre lui. J'ai été convoqué en tant que témoin.

 21   Q.  Mais vous saviez pertinemment qui il était en 1992, et non pas

 22   seulement lorsque vous avez été convoqué au tribunal. Vous saviez

 23   exactement qui était M. Karagic en 1992 ?

 24   R.  Non, non, non. Oui, bien sûr que je savais qui il était. Oui, oui, je

 25   le savais.

 26   Q.  Et M. Karagic - je l'appelle monsieur, mais bon - Karagic tout comme -

 27   comment il s'appelle déjà ? - tout comme Bozovic et l'homme dont nous avons

 28   parlé hier -- Jorgic - merci, Monsieur le Juge - c'était encore un de ces


Page 21057

  1   assassins ?

  2   R.  Ecoutez, moi je ne savais pas qu'il s'agissait d'un assassin ou d'un

  3   meurtrier.

  4   Mais ce que je pourrais vous dire, c'est que jusqu'au début de la guerre,

  5   j'avais vécu pendant très, très, très longtemps à Doboj. Et je suppose que

  6   c'est en quelque sorte un handicap, parce que je ne connaissais pas les

  7   gens très bien. J'ai commencé à travailler à Doboj au début du mois de mai

  8   1991 et j'ai commencé à y vivre plus ou moins en novembre. Ce que je

  9   savais, c'est qu'il était chauffeur de taxi et que c'était quand même une

 10   personnalité plutôt problématique.

 11   Q.  Et donc --

 12   M. ZECEVIC : [interprétation] Ecoutez, page 48, ligne 3, oui, le témoin a

 13   dit : Je n'avais pas vécu très longtemps à Doboj, et non pas le contraire.

 14   Mme KORNER : [interprétation]

 15   Q.  Ecoutez, vous dites une personnalité plutôt problématique. Cela peut

 16   dissimuler, mais alors, une pléthore d'actes, de péchés et de problèmes,

 17   Monsieur Bjelosevic. Ecoutez, appelons un chat un chat. C'était un criminel

 18   notoire, n'est-ce pas, dans la zone de Doboj ?

 19   R.  Ecoutez, d'après les renseignements -- enfin, je vais vous dire ce que

 20   je savais de cette personne : c'était un chauffeur de taxi. Avant la

 21   guerre, il faisait de la contrebande de devises étrangères. Ce n'est peut-

 22   être pas la bonne chose à dire à son sujet en public, mais voilà, c'est ce

 23   que je savais. Mais je ne savais pas qui il était, que c'était un criminel

 24   ou un meurtrier ou un assassin.

 25   Alors, c'est vrai que je suis informé d'une histoire à son sujet - comment

 26   est-ce que je pourrais m'exprimer ? - il s'agissait d'activités plutôt

 27   cruelles à l'encontre de certaines personnes au début de la guerre. Je sais

 28   qu'à l'heure actuelle il est en train de purger une peine pour un délit qui


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  1   est le délit de vol. Si je ne m'abuse, la personne qu'il avait volée avait

  2   également été blessée à l'arme blanche. Et je pense qu'il est en train de

  3   purger une peine pour cela, justement.

  4   Q.  Alors, là, vous avez tout à fait raison, Monsieur Bjelosevic, à ce

  5   sujet.

  6   Mais bon, pour poursuivre, vous allez dire à la Chambre de première

  7   instance que vous ne saviez absolument pas que M. Karagic était rémunéré

  8   par la police; est-ce que c'est cela que vous dites à la Chambre de

  9   première instance ?

 10   R.  Karagic, il faisait partie de l'armée pendant un petit moment, et il a

 11   fait partie à un moment donné des forces de police de réserve. Je ne peux

 12   pas vous donner la date exacte, mais il a fait partie des deux structures.

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais il y a une partie de la

 14   réponse du témoin qui n'a pas été consignée et je pense qu'elle a son

 15   importance.

 16   Page 49, ligne 4, le témoin a donné le nom de l'institution dont

 17   faisait partie M. Karagic. Il a dit qu'il faisait partie des forces de

 18   police de réserve. Il a donné le nom de cette institution, donc.

 19   Mme KORNER : [interprétation] 

 20   Q.  Vous avez entendu cela, Monsieur Bjelosevic. Est-ce que vous avez donné

 21   le nom de cette institution ?

 22   R.  Oui, oui. J'ai dit qu'il faisait partie des forces de police de réserve

 23   pour le poste de police de Doboj.

 24   Q.  Bien. Nous allons maintenant nous intéresser à une liste de salaires

 25   pour le CSB.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Non, non, excusez-moi, cette pièce n'est pas

 27   versée au dossier. Est-ce que je peux vous dire que c'est un document que

 28   nous avons obtenu la semaine dernière, je vous le dis immédiatement. Mais


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  1   étant donné que vous dites que ce genre de document doit être enregistré

  2   aux fins d'identification, je demanderais donc qu'il soit enregistré aux

  3   fins d'identification.

  4   M. ZECEVIC : [interprétation] Enregistré aux fins d'identification, certes.

  5   Rien de plus, n'est-ce pas ?

  6   Mme KORNER : [interprétation] Oui, c'est ce que je viens de dire.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est ainsi que ce document sera pris en

  8   considération.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le document P2328, enregistré

 10   aux fins d'identification.

 11   Mme KORNER : [interprétation]  Est-ce que nous pourrions demander

 12   l'affichage du document suivant, P1338. Intercalaire 14F.

 13   Bien. Page suivante, je vous prie, pour les deux versions, anglaise et

 14   B/C/S.

 15   Q.  Il s'agit d'une liste de salariés qui reçoivent une avance de paiement

 16   de salaires pour le CSB de Doboj. Vous voyez qu'il y a un cachet ? Vous

 17   reconnaissez le cachet, Monsieur ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce qu'il s'agit du cachet de Doboj ? Le cachet officiel de Doboj.

 20   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais pourriez-vous lui demander

 21   de quel cachet il s'agit, parce qu'il y en a deux.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Alors, nous allons nous intéresser au plus

 23   grand de ces cachets. Et nous allons essayer de l'élargir encore plus au

 24   bas du document. Voilà.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je pense que cela va nous être utile

 26   pour comprendre quelques choses.

 27   Mme KORNER : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que c'est moi qui peux vous poser des questions, et vous me


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  1   fournirez les explications demandées.

  2   Est-ce que ce grand cachet est le cachet de Doboj ?

  3   R.  Oui. Mais encore faut-il voir quelle était sa validité. Car cela

  4   confirme ce que je vous ai déjà expliqué un peu plus tôt. Les listes ont

  5   été faites rétroactivement. Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela.

  6   Je peux vous fournir des explications pour toutes les personnes qui

  7   figurent sur la liste; je peux vous dire de qui il s'agit, pourquoi leur

  8   nom figure sur la liste, et cetera.

  9   Q.  Vous pourrez le faire dans un petit moment. Mais dans un premier temps,

 10   je souhaiterais déterminer certaines choses à propos de ce document, et

 11   ensuite vous pourrez dire à la Chambre de première instance ce que vous

 12   voulez leur dire.

 13   Donc il y a un plus petit cachet à côté. A quoi correspond ce cachet ?

 14   R.  Attendez que je le regarde bien, ce cachet. Ecoutez, je ne vois pas ce

 15   qui est écrit sur ce cachet.

 16   Q.  Mais il y a une signature juste en dessous. Est-ce qu'il s'agit de

 17   votre signature ?

 18   R.  Oui, oui. Oui, c'est ma signature. Mais vous m'aviez demandé

 19   d'identifier le cachet.

 20   Q.  Est-ce qu'il s'agit du cachet officiel de Doboj ?

 21   R.  Pour ce qui est du grand cachet qui se trouve sur la gauche, oui, il

 22   s'agit du cachet officiel. Mais écoutez, en dépit de tous mes efforts, je

 23   n'ai pas réussi à reconnaître le plus petit cachet. D'ailleurs, je n'arrive

 24   même pas à discerner s'il s'agit de lettres cyrilliques ou non. Peut-être

 25   que si je connaissais les lettres, si j'arrivais à les déchiffrer, je

 26   pourrais vous dire de quoi il s'agit.

 27   Q.  Très bien. Nous allons revenir à la liste, et dans un moment vous

 28   pourrez me fournir toutes les explications que vous souhaitez. Regardez les


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  1   deux premiers noms. Est-ce qu'il s'agit bien de votre nom en tant que chef,

  2   et en deuxième, nous avons M. Savic qui est l'adjoint du chef ?

  3   R.  Oui, oui.

  4   Q.  Alors --

  5   R.  C'est ce qui est écrit là, regardez.

  6   Q.  Expliquez-moi, je vous prie, comment se fait-il que M. Savic, qui.

  7   d'après ce que vous nous avez dit, n'était pas officiellement officier de

  8   police, qui n'avait pas été nommé avant le 23 juin, est-ce que vous

  9   pourriez nous dire comment se fait-il qu'il se trouve sur une liste

 10   d'avance de paiement pour le mois d'avril 1992 ?

 11   R.  Je vais fournir mon explication à ce sujet.

 12   Vous avez vu un certain nombre de documents qui vous ont montré qu'en avril

 13   1992, le centre travaillait avec tout son effectif d'avant la guerre. Et

 14   d'après le règlement, les salaires auraient dû être versés par le ministère

 15   de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine. Alors, en raison des événements liés

 16   à la guerre, en raison de la rupture des communications, et cetera, ces

 17   salaires n'ont pas été acquittés, et ils ne l'ont pas été pendant pas mal

 18   de temps.

 19   Plus tard, lorsque certaines de ces sommes ont effectivement été versées,

 20   il a été décidé de précéder au paiement rétroactif des salaires.

 21   Maintenant, je vais vous dire pourquoi j'ai dit que c'était une bonne chose

 22   que nous ayons reconnu ce cachet. En effet, ce document a dû être établi au

 23   moins au mois de juin, car nous trouvons dans ce document les noms de Jovo

 24   Josipovic, qui était un policier de la circulation à Derventa, et je crois

 25   qu'il est arrivé à Doboj un jour de mai. Ensuite, on voit le nom de Marija

 26   Cudic [phon], qui était secrétaire au sein du secteur de la sécurité

 27   publique.

 28   Donc on peut constater que cette liste a été établie rétroactivement, ce


Page 21062

  1   qui est confirmé par l'utilisation du nouveau cachet avec des caractères

  2   cyrilliques. Et une autre chose que je me rappelle pour l'année 1992, à

  3   savoir que pendant cette année-là, les listes ont été établies, enfin

  4   certaines d'entre elles, de façon très ordonnée, et que d'autres étaient

  5   moins ordonnées, les listes qu'il fallait établir pour justifier les sommes

  6   retirées du coffre-fort au sein du service de comptabilité publique et à la

  7   banque.

  8   A cette époque-là, l'inflation était absolument gigantesque, je parle

  9   d'inflation quotidienne. Ce qui fait que si on prenait un retard d'un mois,

 10   toutes les sommes concernées pouvaient être dévaluées pendant ce laps de

 11   temps d'un mois. Je crois que je n'exagérerais pas en parlant du fait qu'en

 12   un mois une somme pouvait perdre 1 000 fois sa valeur. Donc la valeur

 13   nominale au mois d'avril, si elle était de 1 dinar, par exemple, devenait 1

 14   000 fois inférieure un mois plus tard en raison de l'inflation. Il était

 15   donc bon de justifier toute activité de ce genre à l'aide de documents

 16   comme celui-ci. Et vous aurez compris à la lecture de mes notes que je

 17   souhaitais m'expliquer plus en détail cette situation et que je ne sais pas

 18   comment cette histoire s'est terminée.

 19   Quant à Milan Savic, je voudrais préciser un point. Milan Savic était

 20   un technicien du contre-sabotage. Mais son affectation en temps de guerre

 21   était au sein d'une unité militaire. Pour autant que je le sache, son

 22   livret militaire le situe à Teslic. Il a donc été maintenu à Teslic, son

 23   livret militaire a peut-être même été copié, et c'est sur la base de ce

 24   livret militaire qu'il a été établi qu'il faisait partie de cette unité. Il

 25   devait bien tirer son salaire de quelque part. Et puisque ce document a été

 26   établi au mois de juillet, la personne responsable de l'élaboration de

 27   cette liste a simplement écrit qu'il était assistant du commandant, mais

 28   nous savons, puisque nous avons vu la décision le concernant, à partir de


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  1   quelle date il a occupé ses fonctions d'assistant du commandant.

  2   Q.  Oui. Je pense qu'il vaut la peine de dire, Monsieur Bjelosevic, que

  3   c'est un autre document qui a très peu de rapport avec la réalité de la

  4   situation. Pourquoi, ayant entendu ce que vous venez de dire, à savoir que

  5   le document a été établi ultérieurement aux faits pour obtenir que les gens

  6   soient payés, pourquoi avez-vous signé ce document pour M. Savic, donc pour

  7   que M. Savic puisse être payé en tant qu'assistant du chef au mois d'avril,

  8   alors que vous dites qu'au mois d'avril il n'était pas assistant du chef ?

  9   R.  Son statut au mois d'avril n'était pas décrit dans le document. Mais

 10   puisque les sommes concernées étaient assez faibles, et cela va peut-être

 11   vous paraître incroyable, mais cela correspond sans doute à peine 3 ou 4

 12   euros d'aujourd'hui. Donc c'était simplement un document qui était destiné

 13   à correspondre aux formalités obligatoires et à définir des questions liées

 14   au statut de telle ou telle personne. Quant à la valeur de l'argent, elle

 15   était vraiment insignifiante. Donc il n'y avait rien à gagner dans tout

 16   cela.

 17   Q.  Mais selon vous, ce n'est qu'au mois de juin que M. Savic est devenu

 18   membre effectif des forces de police payé par la police. Pourquoi avez-vous

 19   accepté qu'il soit payé alors qu'il n'aurait pas dû l'être en tant

 20   qu'assistant du chef, puisque vous dites qu'à cette époque-là il était au

 21   sein d'une unité militaire ?

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Permettez-moi, Madame Korner.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Certainement.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Bjelosevic, est-ce que je

 25   comprends bien votre déposition comme signifiant - et là je paraphrase, ce

 26   ne sont pas les mots employés par vous - qu'il s'agit d'un document

 27   totalement fictif qui a été créé uniquement à des fins d'audit ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas dit que ce document avait été


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  1   établi uniquement à des fins d'audit. J'ai parlé du fait que la valeur des

  2   sommes en question était insignifiante et que ces paiements avaient

  3   davantage pour but de permettre de définir le statut d'une personne, comme

  4   par exemple la retraite qui lui reviendrait, sa sécurité sociale, le nombre

  5   d'années de service, et cetera. Car, parallèlement à ces salaires, les

  6   cotisations à la sécurité sociale et aux fonds de retraite étaient versées

  7   également. C'était ça l'objectif principal du versement de ces salaires.

  8   Les montants figurant ici ne correspondraient pas à plus de 3 ou 4 euros

  9   d'aujourd'hui, donc il n'y avait rien à gagner dans tout cela. L'objectif

 10   principal était d'assurer la continuité du point de vue de la situation

 11   officielle de la personne.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Bjelosevic, est-ce que c'est

 14   la raison pour laquelle sur certaines feuilles de paye que nous avons vues

 15   et qui concernaient l'Unité spéciale de Doboj, les sommes qui figuraient au

 16   bas de ces feuilles de paye étaient de 80 000 dinars, si je ne m'abuse,

 17   pour un mois ? Ou est-ce que je me trompe ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait compris, excusez-moi.

 19   Est-ce que vous parlez de la liste précédente ?

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. La première fiche de paye que

 21   vous avez montrée, Madame Korner.

 22   Mme KORNER : [interprétation] La première concernait Bozovic; et la

 23   deuxième -- je dois vérifier.

 24   M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-être pourrait-on faire afficher le

 25   document pour que le témoin puisse le commenter, car il n'a pas ce document

 26   sous les yeux.

 27   Mme KORNER : [interprétation] C'était le document 20113 -- ou plutôt, je me

 28   corrige, le document 2328 qui a un numéro MFI, mais je ne me rappelle pas


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  1   lequel dans l'immédiat.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je vois la somme qui figure sur

  3   ces fiches de paye. Donc 80 000, 60 000 et 45 000, si je lis bien.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, me reposer votre

  6   question ?

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ma question concernait les

  8   explications fournies par vous au sujet de l'inflation -- ainsi que la

  9   conversion des 6 000 et 4 500 dinars figurant sur le document que nous

 10   venons de voir en monnaie d'aujourd'hui. Est-ce que ceci explique pourquoi

 11   un mois de salaire semble se monter à 80 000 ou   60 000, et pas à 6 000,

 12   sur la fiche de paye que je discute maintenant ? Parce qu'apparemment, ce

 13   salaire 60 000 est dix fois supérieur à celui que vous perceviez sur la

 14   base du document précédent.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je vais vous dire que tout dépend de

 16   la période concernée par la fiche de paye.

 17   Si vous avez bien suivi mes explications, j'ai dit que le montant figurant

 18   sur le document précédent était insignifiant et que le seul objet qu'il y

 19   avait à rédiger une fiche de paye consistait à régulariser le statut

 20   officiel de la personne pour perception des prestations revenant à cette

 21   personne.

 22   Et deuxièmement, comme je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises, il

 23   fallait justifier les sommes qui sortaient des caisses. Alors, ces listes

 24   ont été établies rétroactivement et il a été déclaré à l'aide de ses fiches

 25   que des salaires ont été versés à telle et telle personne. Et étant donné

 26   l'inflation vertigineuse de l'époque, il était pratique de justifier les

 27   choses de cette façon.

 28   J'ajouterais, si vous me le permettez, que pendant longtemps tous les


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  1   habitants de cette partie du monde savaient que le salaire se dépensait en

  2   payant quelques verres aux copains, par exemple, et rien de plus. A cette

  3   époque-là, un salaire était totalement symbolique, et il n'avait

  4   d'importance que par rapport à la détermination du statut officiel de la

  5   personne vis-à-vis des prestations qui lui revenaient. Dans des cas de ce

  6   genre, il était courant de comptabiliser de l'argent que quelqu'un avait

  7   reçu d'ailleurs. A cette époque-là, je ne suis pas sûr que ce genre de

  8   chose ait été précisé dans le détail.

  9   Je ne sais pas si mes remarques sont utiles et si ma réponse vous a aidé.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je crains que non, Monsieur

 11   Bjelosevic.

 12   Je me demandais pourquoi le salaire d'un policier au bas d'une fiche de

 13   paye est de 60 000 et le salaire d'un autre policier au bas d'un autre

 14   document concernant le même mois est de 6 000. Je veux dire, c'est une

 15   différence que vous ne pouvez pas expliquer sans la base de l'inflation.

 16   Enfin, je ne sais pas. J'essaie simplement de comprendre ce qui se passait.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, maintenant, je vous comprends mieux. Ce

 18   n'est pas le même mois. La fiche de paye concerne le mois d'avril, donc il

 19   y a des proportions de durée qui sont prises en compte, et vous voyez que

 20   le dernier document dont nous parlons concerne le mois de mai.

 21   Or, l'inflation était -- je ne saurais pas vous dire le pourcentage exact.

 22   Mais elle était effroyable.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] D'accord. Donc cette différence

 24   résulte de l'effet de l'inflation pour un mois ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle était déjà énorme au quotidien, pour un

 28   jour.


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  1   Mme KORNER : [interprétation]

  2   Q.  J'aimerais revenir sur ma question initiale et vous demander à quelle

  3   fin vous avez accepté de signer un document qui permettait à M. Savic de

  4   percevoir un salaire, alors que, selon vos propres dires, il ne faisait

  5   même pas partie de la police au mois d'avril, et était encore moins

  6   assistant du chef du poste de police ?

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, la raison pour laquelle

  8   je suis intervenu, c'était la question que vous aviez posée. Car, même si

  9   le témoin n'a pas admis ma proposition -- lorsque j'ai écouté la réponse

 10   que le témoin a faite un peu plus tard à la question de M. le Juge Delvoie,

 11   j'ai acquis le sentiment qu'il y avait quand même une certaine couverture

 12   de quelque chose qui se faisait là. Je ne sais pas --

 13   Mme KORNER : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, il faudrait que

 14   ceci soit confirmé par le témoin. Moi, ce que j'ai compris, c'est que ces

 15   hommes n'ont pas été payés au mois d'avril alors qu'ils auraient dû l'être.

 16   Donc c'était un moyen de les payer rétroactivement. C'est ce que j'ai

 17   compris des propos du témoin. Je n'ai pas compris que c'était simplement un

 18   document établi dans le but de compter l'argent qui était parti. Cet argent

 19   devait être payé par la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et votre question porte sur le fait que

 21   puisque ces sommes devaient être payées, vous voulez savoir --

 22   Mme KORNER : [interprétation] Je veux savoir ce qu'il en est de Savic.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Bien.

 24   Mme KORNER : [interprétation] C'est l'objet de ma question qui ne semble

 25   pas passer.

 26   Q.  Monsieur Bjelosevic, si nous admettons un instant ce que vous dites, à

 27   savoir qu'il s'agissait d'un document antidaté, pourquoi est-ce que vous

 28   avez signé un document qui avait pour conséquence que M. Savic était payé


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  1   pour le mois d'avril alors qu'il n'était même pas membre de la police au

  2   mois d'avril, et encore moins chef de poste, d'après vos propos ?

  3   R.  Manifestement, vous avez mal compris certaines choses que j'ai dites.

  4   Je ne sais pas qui est en possession de la photocopie du livret militaire

  5   de Milan Savic. Vous constaterez qu'en 1991, déjà, il avait été affecté

  6   dans le cadre de l'obligation de guerre au sein de cette unité. Et si vous

  7   vous penchez sur les bulletins d'information, vous constaterez que Milan

  8   Savic était un des techniciens chargés du contre-sabotage et qu'il s'est

  9   rendu en 1991 et 1992 sur des lieux où des enquêtes étaient menées.

 10   Alors, qu'est-ce qui s'est passé --

 11   Q.  Non, non, je suis désolée, je vais vous interrompre. Je suis

 12   désolée --

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Non, mais, Madame Korner, le témoin est

 14   en train de répondre. J'essaie de comprendre parce que, manifestement, il y

 15   a un malentendu là.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Je ne vais pas --

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Non, non, mais je vous en prie, posez votre

 18   question. Je veux dire, posez une question claire au témoin, parce qu'il a

 19   déjà fourni une réponse, que vous n'avez pas entendue. Et c'est ce problème

 20   qui a créé la confusion entre vous et le témoin, je pense.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, il y a un moyen simple de résoudre

 22   le problème.

 23   Q.  Est-ce qu'en avril, M. Savic faisait partie de la police ?

 24   R.  Oui, parce qu'il n'a pas interrompu sa relation de travail avec le MUP.

 25   Et si vous souhaitez vous en assurer, vérifier que ce que je dis est exact,

 26   adressez-vous au MUP de Bosnie-Herzégovine pour demander les listes. Je

 27   pense que des copies sont disponibles, et vous constaterez qu'aux mois de

 28   janvier, février et mars, son salaire lui avait été payé alors qu'il était


Page 21069

  1   déjà au lieu de son affectation militaire en temps de guerre, c'est-à-dire

  2   au sein de son unité de l'armée.

  3   Peut-être n'avez-vous pas compris tout ce que j'ai dit, mais voilà comment

  4   les choses se passaient. Et puis, en avril, les choses ont continué. Il n'a

  5   jamais demandé à être licencié de son travail. Aucune mesure disciplinaire

  6   n'a été prise à son encontre par le ministère. Il était toujours salarié du

  7   ministère. Et vous constaterez qu'au mois d'avril, en lisant les bulletins

  8   d'information le concernant et tous les autres documents, vous verrez que

  9   cet homme s'est rendu sur des lieux où des enquêtes ont été menées et qu'il

 10   a travaillé en tant que technicien de la protection anti-sabotage.

 11   Q.  Bon, bon. Pas de problème. Tout va bien.

 12   M. ZECEVIC : [interprétation] Je viens de trouver la référence, donc je

 13   vous donne le numéro de page -- 353 [comme interprété] est le numéro du

 14   document. Pages 3 et 4, il est écrit dans ces pages que Milan Savic était

 15   technicien du contre-sabotage. Et je crois comprendre qu'il était salarié

 16   du MUP.

 17   Mme KORNER : [interprétation] D'accord. Moi je pensais que cela concernait

 18   l'armée. Pas de problème.

 19   Q.  Donc il travaillait dans la police, mais il n'était pas assistant du

 20   chef au mois d'avril ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Qu'avez-vous répondu ? Votre réponse n'a pas été consignée au compte

 23   rendu d'audience. Il travaillait pour la police, mais il n'était pas chef

 24   adjoint. Et vous avez répondu à cela en disant : "En effet", n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est cela. J'ai dit en effet.

 26   Q.  Une dernière question au sujet d'un nom propre. Le document est

 27   vraiment très long. Apparemment, le nombre des salariés était important.

 28   Mme KORNER : [aucune interprétation]


Page 21070

  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Si c'est un document très long --

  2   Mme KORNER : [interprétation] Non, non, je n'ai des questions à poser que

  3   sur un nom.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Je vois.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Je sais, Monsieur le Président, que nous

  6   avons dépassé l'heure de la pause.

  7   Page 9 de la version anglaise --

  8   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, je ne voudrais surtout pas

  9   compliquer les choses, mais vous n'avez pas dit le numéro du document.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Ah, pardon, je croyais que nous parlions du

 11   document qui est encore à l'écran.

 12   Bien, le numéro du document est le 1338. Page 9 en anglais et page 9 en

 13   B/C/S. Page 9 en B/C/S sur les écrans, je vous prie. La voilà donc.

 14   Q.  Liste des salaires pour avril, document signé par vous, n'est-ce pas,

 15   Monsieur Bjelosevic ? Et on y voit le nom de M. Karagic. Et encore une

 16   fois, l'inflation est gigantesque puisqu'au mois d'avril le montant est

 17   tombé à 4 000.

 18   R.  Vous dites que c'est ma signature.

 19   Q.  Ce n'est pas votre signature au bas du document ?

 20   R.  Non, ce n'est pas la mienne.

 21   Q.  Bon. Alors, c'est la signature de qui ?

 22   R.  Je suis incapable de la reconnaître.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   Mme KORNER : [interprétation] C'est la même pièce, Messieurs les Juges --

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro] 

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est l'intercalaire 14.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Oui, c'est l'intercalaire 14F, qui commence

 28   par le document où on voit le nom de M. Bjelosevic ou je ne sais plus quel


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  1   nom, et qui comporte neuf pages.

  2   Q.  Donc, Monsieur Bjelosevic, c'est la signature de qui qu'on voit au bas

  3   de ce document ?

  4   R.  Je n'en ai pas la moindre idée. Je suis absolument incapable de

  5   reconnaître cette signature.

  6   Q.  Vous continuez à dire que vous ne saviez pas que M. Karagic continuait

  7   à être payé en tant que membre des forces de police ?

  8   R.  Je vous ai dit que Karagic avait fait partie pendant un certain temps

  9   de l'armée et que pendant un autre laps de temps il avait fait partie des

 10   forces de réserve de la police.

 11   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je vérifie. Je ne

 12   crois pas que ce document ait déjà été versé au dossier. Peut-être soit-il

 13   bon de l'enregistrer aux fins d'identification.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

 15   Mme KORNER : [interprétation] Ah non, c'est déjà une pièce à conviction.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 17   maintenant, ce document me pose un léger problème. Parce que les six, voire

 18   même les huit premières pages de ce document sont tamponnées à deux

 19   endroits, alors que les trois dernières pages sont tamponnées à un seul

 20   endroit, et le cachet est de taille plus petite et, manifestement, la

 21   signature est différente, en tout cas à mes yeux.

 22   Peut-être pouvons-nous régler cela après la pause, ou en tout cas en

 23   discuter.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Je ne sais pas si c'est une question qui peut

 25   être réglée par ce témoin, qui connaît les documents de Doboj. Donc cela ne

 26   devrait pas poser de problème. S'il est proposé que certains documents

 27   viennent d'ailleurs et qu'ils aient été récupérés par le CSB de Doboj pour

 28   archivage, nous verrons.


Page 21072

  1   M. ZECEVIC : [interprétation] Mon problème c'est que ce document s'est vu

  2   accorder un seul et unique numéro de pièce à conviction, et manifestement

  3   il se compose de deux séries de documents différents. Voilà ce qui me pose

  4   problème. Il n'a qu'une seule cote en tant que pièce à conviction.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien --

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] C'est trompeur. Cela induit en erreur, ce

  7   genre de chose.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Je ne sais pas s'il s'agit de deux séries de

  9   documents distincts ou pas, puisque la chose n'a pas été discutée. C'est un

 10   point qu'il faudra discuter plus tard. Cela vient peut-être de la façon que

 11   j'ai de rassembler des documents. Vous verrez qu'il comporte des pages dont

 12   les numéros ERN sont en continu, je pense. Oui, en effet.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Manifestement, la première étape devrait

 14   consister à savoir pourquoi il a été versé au dossier en tant que pièce

 15   seule et unique.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Je suppose qu'on peut le déterminer, Monsieur

 17   le Président. Quoi qu'il en soit, c'est déjà une pièce à conviction, et

 18   c'est tout ce dont nous avons besoin.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc nous allons maintenant faire la

 20   pause. Vingt minutes.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.

 23   --- L'audience est reprise à 12 heures 37.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   Mme KORNER : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Bjelosevic, je voudrais vous montrer encore deux documents

 28   rapidement où il est question de paiement, et ensuite on passera à un autre


Page 21073

  1   sujet.

  2   Il y a un document de la Défense qui porte la référence ERN 198D1, et c'est

  3   à l'intercalaire 62 de leur classeur. Aussi, probablement, l'avez-vous en

  4   version papier. Non, ce n'était pas une référence ERN; c'était une

  5   référence 65 ter. Excusez-moi.

  6   Il s'agit, d'apparence, d'un ordre de paiement pour différents centres de

  7   sécurité publique qui tombent sous le coup du CSB de Doboj. C'est bien

  8   votre signature qu'on voit en bas ?

  9   R.  Oui. En bas à droite ? C'est bien la mienne.

 10   Q.  Bon. Alors, vous avez vu ces ordres de paiement, n'est-ce pas, puisque

 11   vous aviez pour devoir de les signer ?

 12   R.  Ceux que j'ai signés, ce sont ceux que j'ai vus. Je ne le conteste pas.

 13   Q.  Bon.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne pense pas que ceci

 15   ait déjà été versé au dossier. Puis, comme c'est un document de la Défense,

 16   je ne suis pas sûre si ça tombe sous la même catégorie de documents.

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Pas d'objection.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce sera versé au dossier et cela recevra

 20   une cote.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça devient la pièce P02329.

 22   Mme KORNER : [interprétation]

 23   Q.  Pour finir, j'aimerais qu'on voie une autre fiche de paye. C'est la

 24   pièce 20112. Intercalaire 24J.

 25   Alors, on voit M. Savic. Salaire pour avril et mai 1992, c'est l'intitulé

 26   du document. On voit 100 000 dinars; alors ça ne doit pas être ce que

 27   quelqu'un pourrait penser comme somme. Mais de qui la signature que voit-on

 28   là ? La reconnaissez-vous ?


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  1   R.  Justement, je suis en train de me pencher dessus. En bas à droite, on

  2   voit Milan Savic d'inscrit, mais je ne suis pas du tout sûr qu'il ait signé

  3   de cette façon-là, à moins qu'il n'ait deux façons de signer.

  4   Le caissier, je n'arrive pas à reconnaître la signature. Et celui qui s'est

  5   chargé aussi d'établir le solde, je ne sais pas. Je ne reconnais pas ces

  6   signatures.

  7   Q.  Bon. Même avec l'inflation qui était ce qu'elle était, est-ce que vous

  8   savez pourquoi M. Savic est en train de recevoir ici   100 000 dinars pour

  9   ses salaires des mois d'avril et mai ?

 10   R.  Mais croyez-moi bien, je ne sais pas pourquoi il a reçu ceci et de qui

 11   il a reçu cette somme.

 12   Enfin, je ne sais pas. Je vois ce qui est écrit. On voit à qui, à Savic,

 13   Milan. Au titre des salaires d'avril et mai 1992, mais je n'y identifie pas

 14   la signature du tout. A moins qu'il n'ait signé de deux façons différentes,

 15   je pense que ça ne doit pas être la sienne.

 16   Q.  [hors micro] -- merci.

 17   R.  Je ne sais pas.

 18   Q.  Bien. Nous allons passer à un sujet différent. Ce sont des instructions

 19   et ordres en provenance de M. Stanisic.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant que nous ne quittions ce sujet,

 21   Madame Korner, je voudrais essayer de voir avec le témoin quelles étaient

 22   ses connaissances au sujet de l'existence de cette unité spéciale.

 23   Bon nombre de documents que nous avons vus à l'occasion de l'audience de

 24   tout à l'heure font référence à une unité spéciale ou à un groupe spécial,

 25   voire encore à une police spéciale, et je ne suis pas sûr de ce que vous

 26   avez dit dans votre témoignage au sujet de ces groupes.

 27   Alors, est-ce que vous pouvez fournir aux Juges de la Chambre un résumé de

 28   ce qu'ont été vos connaissances au printemps 1992 concernant l'existence, à


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  1   Doboj, de ce qui était appelé groupe ou unité, ou voire encore police

  2   spéciale.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de certains documents qui se

  4   trouvent être liés à ce sujet, j'ai apporté des commentaires concernant ces

  5   documents un par un. Mais pour fournir un résumé de l'ensemble, je dirais

  6   qu'au poste de sécurité publique il y avait une unité à affectation

  7   spéciale, qui, en tant que telle, n'était pas prévue comme étant une unité

  8   à affectation spéciale et rien du tout d'autre. Ça existait dans tous les

  9   postes de police. Ses effectifs étaient prélevés au niveau des effectifs de

 10   police ordinaire, comprenaient les policiers les plus capables, les plus

 11   spécialisés dans tel ou tel autre domaine, et on s'en servait pour le cas

 12   où il y aurait des troubles graves à l'ordre public ou des événements

 13   particuliers. Alors, on les rassemblait à ce moment-là et on les envoyait

 14   là où il fallait. Ils avaient aussi un entraînement très particulier.

 15   Je sais que ceci existait dans les cadres des postes, et en début 1992, je

 16   sais que cette unité a été utilisée pour renforcer les contrôles exercés en

 17   ville. Peut-être dès le mois de février, mars. Le ministère de l'Intérieur

 18   de Bosnie-Herzégovine, s'agissant de ces affectations spéciales et des

 19   besoins de ces unités, a acheminé vers le terrain des uniformes de

 20   camouflage à l'intention de ces hommes précis. C'étaient des individus qui

 21   étaient engagés ça et là pour faire partie de l'unité à affectation

 22   spéciale, mais autrement, ils exerçaient leur profession de policiers

 23   ordinaires au sein des postes dont ils faisaient partie au quotidien.

 24   Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous venez de nous fournir quelques

 26   détails, certes.

 27   Mais je veux m'assurer d'avoir absolument tout bien compris, Monsieur

 28   Bjelosevic. Devons-nous donc comprendre que pour tout ou peut-être pour la


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  1   plupart des SJB qui relevaient de la juridiction du CSB de Doboj, ces

  2   unités à affectation spéciale étaient affectées et prêtes à intervenir

  3   lorsque cela a été nécessaire ? Mais que hormis ces interventions, il

  4   s'agissait de policiers tout à fait classiques; mais que lorsqu'une action

  5   spéciale ou lorsque des actions spéciales étaient nécessaires, c'étaient

  6   ces officiers de police-là qui jouaient ce rôle au sein de ces unités pour

  7   les actions spéciales ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais j'aimerais apporter une nuance. Il y

  9   avait non pas sept postes, mais neuf postes au sein du CSB de Doboj. Mais

 10   pour ce qui est du reste, ce que vous avez dit, c'est tout à fait exact. Il

 11   y avait les forces régulières, qui s'occupaient des tâches tout à fait

 12   régulières et classiques, et puis il y avait ce groupe, ce groupe donc qui

 13   était appelé à agir lorsque le besoin s'en faisait sentir.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et si j'ai bien compris, c'est un

 15   système qui était déjà en vigueur avant le conflit ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Alors, si nous revenons

 18   aux documents que nous avons vus lors du dernier volet d'audience, il a été

 19   fait référence à un groupe spécial.

 20   J'aimerais maintenant vous poser une question à ce sujet : est-ce que le

 21   groupe spécial pourrait justement être un exemple de ces unités à

 22   affectation spéciale ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. La liste que nous avons vue, qui

 24   mentionnait justement ce groupe spécial, et j'avais d'ailleurs dit que je

 25   ne reconnaissais que l'un des noms de ces hommes, Nenad Kujundzic -- ah

 26   oui, non, puis c'est vrai qu'il y avait également Radojica Bozovic, qui

 27   était le premier nom sur la liste. Donc c'étaient les deux seuls que je

 28   connaissais; les autres je ne le connaissais absolument pas. Ecoutez, je


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  1   n'étais absolument pas au courant d'un groupe spécial ou d'une unité

  2   spéciale qui aurait été actif ou active dans le cadre de cette structure à

  3   ce moment-là.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui. Mais, Monsieur Bjelosevic, vous

  5   m'avez répondu et j'en déduis que vous connaissiez par cœur tous les noms

  6   de tous les officiers de police dans les neuf SJB qui avaient donc une

  7   affectation spéciale au sein de ces unités d'affectation spéciale.

  8   Est-ce exact ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Eh bien, alors, comment est-ce que

 11   vous pouvez être si catégorique et si sûr à propos de ce groupe spécial

 12   auquel il a été fait référence dans ce document, comment est-ce que vous

 13   pouvez être si sûr qu'il ne s'agissait pas d'un groupe à affectation

 14   spéciale ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, il s'agissait d'un poste de police

 16   dont le QG se trouvait au centre. J'aurais été en mesure de reconnaître ou

 17   d'identifier les personnes dont les noms figuraient sur la liste.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais en avril et mai 1992, est-ce

 19   qu'il y avait une unité à affectation spéciale au CSB [comme interprété] de

 20   Doboj ? Et est-ce que vous connaissiez le nom des officiers qui avaient été

 21   affectés à cette unité ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des forces de police d'active,

 23   oui, je connaissais certains des hommes du poste de police de Doboj, et ils

 24   étaient là au mois d'avril.

 25   Alors, pour ce qui est du mois de mai, je dois vous dire que les

 26   circonstances étaient tout à fait différentes, et les effectifs de la

 27   structure, d'ailleurs, ont augmenté grâce à l'apport des forces de réserve.

 28   Et comme je vous l'ai déjà dit, je ne reconnais aucun des noms qui figurent


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  1   sur cette liste, hormis le numéro 1 et le numéro 11, et je fais référence

  2   au document où il est question de ce "groupe spécial".

  3   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si nous prenons en considération les

  4   autres documents qui nous ont été montrés lors du dernier volet d'audience,

  5   documents qui font référence à une unité spéciale - nous avons vu deux ou

  6   trois fiches de salaires versés aux membres des unités spéciales - et donc,

  7   j'aimerais savoir si ces unités seraient identiques aux unités à

  8   affectation spéciale auxquelles vous faites référence maintenant ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous faites référence au personnel, aux

 10   officiers de police, non, je ne pense pas.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi de revenir à la charge à

 12   ce sujet, Monsieur Bjelosevic, mais voyez-vous, les éléments de preuve que

 13   vous apportez sont absolument essentiels pour que nous puissions comprendre

 14   la situation qui prévalait à Doboj pendant le printemps 1992. Donc vous

 15   nous dites qu'il y avait des unités à affectation spéciale et que ces

 16   unités étaient composées des membres des forces de police régulière --

 17   ordinaire, dans chacun des SJB, et vous nous dites que ces unités étaient

 18   appelées à agir lorsque le besoin s'en faisait sentir.

 19   Donc cela donne l'impression aux Juges de la Chambre que, pour ce qui

 20   est de ces neuf SJB, il y avait un petit nombre d'officiers de police qui

 21   faisaient partie de ces unités et qui entraient en action sur ordre de leur

 22   supérieur.

 23   Puis nous avons entendu des éléments de preuve à propos de ce que

 24   l'on appelle un groupe spécial. Et vous nous dites que vous connaissiez les

 25   noms de certains qui faisaient partie de ce groupe spécial, mais que, ceci

 26   étant dit, vous n'étiez pas au courant de l'existence dudit groupe spécial.

 27   Et pourtant, il y a d'autres documents qui font référence à ce que

 28   l'on appelle des unités spéciales. Et là, vous nous dites que vous, vous


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  1   n'êtes absolument pas informé de l'existence de ce type d'unités spéciales.

  2   Je dois vous dire que pour nous, cela nous donne une image assez

  3   trouble de la situation, parce qu'il y a quand même une supposition que

  4   l'on pourrait dégager de tout cela - peut-être à tort, je vous l'accorde -

  5   mais le fait est que l'on pourrait penser et conclure que le groupe dont il

  6   est question dans ce document et qui est appelé groupe spécial ou unité

  7   spéciale était en fait l'unité à affectation spéciale à laquelle vous,

  8   vous-même, avez fait référence au début.

  9   Donc je vais à nouveau vous poser une question : est-ce que ce n'est

 10   pas une bonne interprétation des éléments de preuve que vous avez apportés

 11   ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas une bonne représentation

 13   parce que -- je vais vous expliquer pourquoi.

 14   Si vous prenez les effectifs, regardez le nombre de personnes qui se

 15   trouvaient sur la liste intitulée "Groupe spécial", et si vous prenez

 16   également en compte le nombre de personnes qui faisaient partie de l'unité

 17   spéciale, si vous comptez le nombre de personnes, il n'y a pas de

 18   correspondance. Ce ne sont pas les mêmes. Vous n'obtenez pas le même

 19   résultat. Donc je ne pense pas de ce fait qu'il s'agit du prolongement, en

 20   fait, de ce qui était auparavant l'unité à affectation spéciale.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Donc ces groupes spéciaux ou

 22   ces unités spéciales auxquels font référence les documents sont tout à fait

 23   différents et sont donc d'autres groupes que ceux auxquels il est fait

 24   référence sous le nom de groupes à affectation spéciale ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ma conclusion.

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Fort bien donc. Alors, bien

 27   évidemment, ma deuxième question va être comme suit maintenant : si vous

 28   avancez que vous n'étiez absolument pas au courant de l'existence de ces


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  1   groupes qui ne faisaient pas partie de votre structure - bon, je ne sais

  2   pas très bien comment les appeler maintenant - donc ces groupes spéciaux ou

  3   ces unités spéciales, il se peut alors qu'ils aient été formés et mis sur

  4   pied au niveau du CSB ou des SJB, et ce, pour essayer de régler certains

  5   des problèmes qui semblaient devoir se poser à ce moment-là. Mais vous, en

  6   tant que chef du CSB, vous n'étiez absolument pas au courant ? Vous n'étiez

  7   pas informé du tout ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela n'a absolument pas été établi au

  9   niveau du CSB, parce que personne ne pouvait le faire au niveau du CSB

 10   étant donné que le centre n'était pas opérationnel.

 11   Alors, au niveau du poste à proprement parler, il y a eu un moment où il y

 12   avait au poste 2 200 [comme interprété] officiers de police qui étaient à

 13   la disposition du poste. Bon, il y a eu différents regroupements effectués

 14   à différentes fins durant plusieurs périodes et en fonction de différentes

 15   actions, ce qui fait que je ne sais pas exactement comment tout cela a pris

 16   forme. Il y avait beaucoup de personnes. Il y avait dix postes de réserve.

 17   Alors, comment est-ce qu'ils se sont organisés pour organiser toutes ces

 18   personnes, pour les déployer sur le champ de bataille, alors là, vraiment,

 19   c'est quelque chose dont je ne suis pas au courant.

 20   L'INTERPRÈTE : Les interprètes souhaitent remplacer le chiffre de 2 200 par

 21   1 200 officiers de police.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, j'aimerais ajouter quelque chose.

 23   Parce que maintenant que j'ai consulté ces listes, je dois vous dire qu'il

 24   y a quand même quelque chose qui m'a frappé, et je pense que cela peut

 25   prêter à confusion. Parce que ce qui, quand même, me frappe, c'est que je

 26   ne reconnais absolument pas les signatures qui figurent au bas de ces

 27   documents.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Eh bien, nous pouvons tout simplement


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  1   conclure de ce fait que, d'après ce que vous nous dites, il était possible

  2   que des groupes spéciaux ainsi que des unités spéciales aient été formés au

  3   niveau des SJB, mais vous nous avez également dit que vous n'êtes pas

  4   absolument sûr que cela se soit passé.

  5    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, voilà. Voilà, de façon approximative,

  6   effectivement, comment cela s'est passé.

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Nous allons passer au dernier

  8   groupe maintenant, le groupe qu'on appelait la police spéciale. Je pense

  9   que Mme Korner vous a demandé si le groupe à Doboj, auquel il est fait

 10   référence comme la police spéciale, était une formation semblable et

 11   parallèle à la police spéciale de Banja Luka, et il me semble que vous

 12   aviez répondu de façon négative à cette question.

 13   Donc, si nous repartons à la case de départ, j'aimerais vous reposer

 14   une question et vous demander si, à un moment donné, il y a eu une police

 15   spéciale qui a été constituée à Doboj ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez du

 18   moment de sa formation et de la durée de son existence ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je pense que cela s'est passé au début du

 20   mois d'octobre 1992, et c'est à ce moment-là qu'un détachement spécial de

 21   la police a été mis sur pied. Il faisait partie de la brigade de police

 22   spéciale du MUP de la Republika Srpska.

 23   Ce détachement était basé à Doboj et a été déployé en fonction des

 24   ordres et des autorisations du commandant de la brigade spéciale, Milenko

 25   Karasik.

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et quel était le nom du chef du

 27   détachement de la police spéciale à Doboj ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, c'était Milorad Radulovic. Puis Nenad


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  1   Gojkovic l'a remplacé.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Voilà, je n'ai plus

  3   de questions à vous poser à ce sujet.

  4   Mme KORNER : [interprétation]

  5   Q.  Pour que vous compreniez bien, Monsieur Bjelosevic, ce que nous, nous

  6   avançons, c'est que lorsque l'on consulte les éléments de preuve et les

  7   documents, on peut constater qu'il y avait une police spéciale - quel que

  8   ce soit le nom qui lui était d'ailleurs octroyé - dirigée par M. Karagic,

  9   un groupe de la police spéciale qui a été opérationnel à partir du mois

 10   d'avril jusqu'en août. Donc bien avant la mise sur pied de cette police

 11   spéciale en octobre.

 12   R.  Mais je ne l'ai pas réfuté, cela. Je vous ai tout simplement dit que je

 13   n'étais pas au courant. Ce que je savais, c'était que Karagic avait une

 14   unité, son unité, et que cette unité avait fonctionné dans le cadre de

 15   l'armée pendant un certain temps, et ensuite au sein des forces de police

 16   de réserve du poste de Doboj.

 17   Q.  Bien. De toute façon, nous allons passer à autre chose maintenant.

 18   J'aimerais maintenant que nous nous intéressions aux ordres qui étaient

 19   donnés par Mico Stanisic.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Et pour ce faire, je souhaiterais voir un

 21   document qui est un document de la Défense, 1D0046.

 22   Q.  C'est un document qui fait partie de leur classeur, à l'intercalaire

 23   47.

 24   R.  40, me dites-vous ?

 25   Q.  Non, 47. Vous voyez qu'il s'agissait d'un ordre du 15 mai. Vous voyez

 26   qu'il est écrit 01 - 01 c'est le ministère, on m'a dit - ensuite 1/92. Et

 27   je pense que vous avez d'ailleurs déjà examiné cet ordre. C'est un ordre

 28   qui porte sur la création d'unités de guerre.


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  1   J'aimerais que vous nous indiquiez quels sont les ordres que vous

  2   avez obtenus à l'époque et quels sont ceux que vous n'avez jamais reçus.

  3   Est-ce que vous avez reçu cet ordre de M. Stanisic le 15 mai ou dans les

  4   environs du 15 mai ?

  5   R.  Oui, je l'ai reçu, bien que je ne sache plus quand est-ce que nous

  6   l'avons obtenu, nous, exactement. Je vous ai déjà dit que les députés sont

  7   allés à une assemblée parlementaire à Pale. Ils s'y sont rendus en

  8   hélicoptère, et c'est lorsqu'ils sont revenus que certains ont amené cet

  9   ordre.

 10   Q.  Donc vous dites "lorsqu'ils sont revenus", mais ils sont allés voir

 11   Mico Stanisic dans son QG à Pale ? Peut-être qu'ils ne sont pas allés le

 12   voir, lui personnellement, mais c'est l'assistant ou…

 13   R.  Ils étaient allés à une session parlementaire, et l'armée les y a

 14   emmenés en hélicoptère. Et lors de cette séance parlementaire, le fait

 15   qu'ils étaient là a été perçu comme une possibilité pour leur donner des

 16   exemplaires de certains documents, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y

 17   avait eu rupture totale de communication. Donc, lorsqu'ils sont rentrés,

 18   entre autres, ils ont amené cet ordre.

 19   Q.  Non, j'avais bien compris ce que vous aviez dit. Mais ce que j'aimerais

 20   savoir en fait, c'est ce qui suit : comment est-ce qu'ils ont obtenu les

 21   documents ? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ? Qui leur avait remis ces

 22   documents ? Est-ce que ce fut Mico Stanisic lui-même ou l'un des ministres

 23   adjoints ou son secrétaire ? Qui leur a remis le document ?

 24   R.  De toute façon, ce document ne m'a pas été remis personnellement. Je

 25   suis rentré dans mon bureau, et lorsque je suis arrivé dans mon bureau, ma

 26   secrétaire m'a remis une enveloppe dans laquelle se trouvaient un certain

 27   nombre de documents, notamment cet ordre.

 28   Q.  Il y a un autre document de cette série que j'aimerais vous montrer. Il


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  1   s'agit de nos documents.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Donc c'est l'intercalaire 18 pour notre jeu

  3   de documents. Il s'agit du document 4559 -- non. Document P455.

  4   Q.  Nous voyons c'est la même décision, une décision de Mico Stanisic, qui

  5   vous nomme au poste de chef du CSB de Doboj et membre de la République

  6   serbe, et cetera, et cetera, état-major, "… pour le commandement et

  7   contrôle du ministère des forces de l'intérieur," et donc vous êtes nommé à

  8   l'état-major pour le commandement et le contrôle.

  9   Est-ce que ce document, vous l'avez obtenu; et si tel est bien le

 10   cas, est-ce que vous l'avez obtenu en même temps ?

 11   R.  Oui. Oui, je pense que les documents sont arrivés en même temps

 12   ensemble.

 13   Vous vous souvenez que je vous ai dit que la défense était la priorité

 14   absolue, et que c'est ainsi que les choses ont été agencées ou structurées.

 15   La structure a été établie, et c'est ainsi ensuite que les différentes

 16   tâches ont été déterminées.

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Ligne 7 de la page 74, il est indiqué dans le

 18   texte anglais : "L'exercice de la défense était la priorité numéro un." Je

 19   ne pense pas que ce soit ce que le témoin a dit. Vous pourriez faire

 20   préciser cela, Madame Korner.

 21   Mme KORNER : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez dit : Oui, les documents sont arrivés ensemble. Et qu'avez-

 23   vous dit après ?

 24   R.  Non, non, j'ai dit que je pensais que les documents étaient arrivés

 25   ensemble, oui, et que la défense était la priorité numéro un. De toute

 26   façon, à la lecture de l'ordre, on se rend compte que c'est ainsi que les

 27   choses ont été structurées.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Troisième document de cette série de


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  1   documents, document P564. Intercalaire 20A de notre classeur.

  2   Q.  Alors, une fois de plus, il est fait référence dans ce document à ce

  3   premier ordre du 15 mai. C'est un document qui est adressé aux cinq CSB.

  4   Signé par Mico Stanisic, apparemment.

  5   Est-ce que vous avez obtenu ce document avec les deux autres documents que

  6   les députés vous ont remis en revenant de Pale ?

  7   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Peut-être.

  8   Q.  Est-ce que vous avez déjà vu ce document ? Parce que si nous regardons

  9   le haut du document, quelqu'un a écrit à la main : "N'a pas été donné à

 10   Doboj; a été envoyé par une estafette."

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Mais voilà ce que j'aimerais savoir en fait : vous nous avez dit qu'il

 13   était impossible de se rendre à Pale si ce n'est en empruntant un

 14   hélicoptère, et donc, là, il est question d'une estafette, mais comment

 15   est-ce que l'estafette s'est débrouillée pour arriver à Doboj le 18 mai ?

 16   R.  D'ailleurs, qui sait si l'estafette est arrivée ? Peut-être qu'elle

 17   n'est pas arrivée. Qui sait par quel itinéraire cela nous est arrivé ? De

 18   toute façon, il était de notoriété publique que ce n'est qu'à partir du 28

 19   juin qu'on a pu donc se rendre là-bas et seulement sous escorte armée.

 20   Q.  Eh bien, moi je n'accepte pas cela, Monsieur Bjelosevic, ce que vous

 21   dites. C'était, certes, extrêmement difficile, mais il y avait quand même

 22   des communications, des communications par estafettes, des communications

 23   téléphoniques, des communications grâce à des radios spéciales. Donc,

 24   certes, cela n'était pas facile. Est-ce que vous ne pensez pas que cela est

 25   justement l'exemple, s'il en fut, de ce que j'avance ?

 26   R.  Je dois vous dire que vous n'avez absolument pas raison lorsque vous

 27   nous dites qu'il était possible de communiquer, de passer par là.

 28   J'aimerais bien savoir qui a pu, à l'époque, emprunter cet itinéraire et


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  1   aller de Sarajevo à Doboj à l'époque, à moins, bien entendu, que

  2   l'estafette n'ait pris l'hélicoptère également.

  3   Q.  Alors, au départ, on vous a montré un procès-verbal d'une réunion de la

  4   cellule de Crise de Doboj, et vous nous avez expliqué comment vous aviez

  5   reçu ce document.

  6   Est-ce que vous pourriez nous dire de façon approximative quand est-ce que

  7   les députés de l'assemblée sont partis et ont récupéré ces documents, après

  8   avoir assisté à la réunion de l'assemblée ?

  9   R.  Ecoutez, je ne m'en souviens vraiment pas.

 10   Q.  Mais qui est allé là-bas à cette assemblée ?

 11   R.  Il y avait plusieurs représentants de Doboj. M. Nikovic [phon]; le

 12   député M. Mladenko Vasiljevic; et un troisième --

 13   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais c'était un hélicoptère militaire, et

 15   je ne crois pas qu'il ait transporté uniquement ces trois députés. Il y a

 16   d'autres députés de la même région qui ont été transportés à bord de

 17   l'hélicoptère pour aller à la séance de l'assemblée. D'ailleurs, je ne suis

 18   pas en train de dire que tous les députés sont allés à cette séance. Mais

 19   ceux de Doboj sont ceux que je viens de mentionner.

 20   Mme KORNER : [interprétation]

 21   Q.  Les éléments de preuve démontrent que la 16e séance de l'assemblée de

 22   la Republika Srpska a eu lieu le 12 mai à Banja Luka. La séance suivante,

 23   la 17e, a eu lieu seulement au mois de juillet, du 24 au 26 juillet, à

 24   Jahorina. Etes-vous en train de dire que vous n'avez reçu aucune de ces

 25   décisions jusqu'au mois de juillet ?

 26   R.  Je ne sais pas quand je les ai reçues. J'ai déjà dit que je ne savais

 27   pas quand je les avais reçus, mais que je les ai trouvés sur mon bureau, et

 28   que le secrétaire m'a expliqué dans quelles conditions ces documents


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  1   étaient arrivés jusqu'à mon bureau, à savoir qu'ils avaient été apportés

  2   par les députés qui se trouvaient à Pale et qu'ils les avaient rapportés

  3   avec eux.

  4   Peut-être cela peut-il vous sembler étonnant aujourd'hui, mais à cette

  5   époque-là, il ne m'importait pas beaucoup de savoir quels étaient les

  6   députés qui s'étaient rendus à la séance de l'assemblée, et que c'étaient

  7   ces députés qui avaient rapporté ces documents. Cela ne m'importait pas

  8   réellement. Pour moi, c'étaient des détails. Donc je vous dis uniquement ce

  9   qui s'est passé.

 10   Q.  Eh bien, prenons les choses une par une, Monsieur Bjelosevic.

 11   Vous avez dit à plus d'une reprise que cet hélicoptère avait décollé,

 12   qu'il n'y avait aucun moyen de se rendre à Pale à cause du corridor et

 13   qu'il n'y avait pas de communication.

 14   En juillet, le 24 juillet ou le 26 juillet, le corridor était ouvert,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Le 11 juillet, vous étiez parti pour Belgrade afin d'assister à cette

 18   réunion qui s'est tenue à Belgrade, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc il est absolument inconcevable, n'est-ce pas, que vous n'ayez pas

 21   reçu toutes ces décisions prises par le passé jusqu'à une date qui se

 22   serait située après le 24 -- ou le 26 juillet ?

 23   R.  Mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Je dis simplement que je ne connais

 24   pas exactement la date où j'ai reçu ces documents, ces décisions. Et je

 25   répète les conditions dans lesquelles je suis entré en possession de ces

 26   documents. Quant à vous, vous essayez de me contraindre de déterminer une

 27   date. Or, véritablement, je suis incapable de me rappeler une date exacte.

 28   Donc je ne souhaite pas émettre des suppositions sur ce point.


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  1   Q.  La seule chose que je vous demande, c'est comment il peut se faire,

  2   puisque vous l'avez dit et répété, que les députés municipaux sont allés à

  3   cette réunion de l'assemblée et que c'est à ce moment-là que vous avez reçu

  4   ces décisions de Stanisic. Comment peut-il se faire que vous répétiez cela

  5   ? Parce que ce n'est pas possible, n'est-ce pas, Monsieur Bjelosevic ? Les

  6   choses ne peuvent pas s'être passées ainsi.

  7   R.  Je ne sais vraiment pas ce que vous cherchez à obtenir grâce à tout ce

  8   que vous faites en ce moment, mais je ne cesse de vous dire dans quelles

  9   conditions je suis entré en possession de ces documents, que je les ai

 10   trouvés sur mon bureau, et que le secrétaire m'a dit à ce moment-là que les

 11   documents avaient été rapportés par les députés municipaux au moment où ils

 12   s'étaient rendus à Pale, et qu'ils étaient allés à Pale en hélicoptère. Je

 13   ne sais vraiment pas à quoi tout ceci sert. Je ne sais pas ce que vous

 14   cherchez à obtenir. Vraiment, je ne sais pas quelle autre réponse je

 15   pourrais vous faire. Je ne vois pas à quoi tout ceci peut bien servir.

 16   Q.  Ce qu'il en est, Monsieur Bjelosevic, et c'est ce que je soutiens

 17   devant vous, c'est que pendant toute la durée de votre déposition,

 18   pratiquement à partir du moment du début de votre audition, vous vous êtes

 19   efforcé de mettre quelque distance entre votre personne et toute éventuelle

 20   responsabilité par rapport aux événements effroyables qui se sont déroulés

 21   à Doboj. Voilà ce que je vous propose.

 22   R.  Vous avez tout à fait le droit de le faire.

 23   Q.  Et, en fait, n'est-ce pas, Monsieur Bjelosevic, vous avez appliqué les

 24   instructions de Mico Stanisic, parce que la police de Doboj était organisée

 25   selon ce qu'il est généralement convenu d'appeler des unités de guerre à ce

 26   moment-là, n'est-ce pas ?

 27   R.  La police fonctionnait comme un ensemble uni. Encore une fois, vous

 28   essayez d'interrompre une continuité temporelle qui a commencé au début du


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  1   mois d'avril 1992. Les ordres provenant du MUP de la République socialiste

  2   de Bosnie-Herzégovine étaient la base de toute activité à entreprendre.

  3   Vous avez vu ces ordres qui indiquaient que les unités de la Défense

  4   territoriale, des volontaires, et cetera, devaient être versées dans les

  5   forces de police. Donc il y a eu continuité de cette structuration qui

  6   avait commencé dans une période antérieure. Vous avez aussi l'ordre de M.

  7   Stanisic. Mais ce que je vous dis, c'est que cette forme d'organisation du

  8   point de vue de la structure existait déjà auparavant. Nous voyons cela

  9   également dans les dépêches qui datent du mois d'avril.

 10   Q.  Monsieur Bjelosevic, j'ai déjà réagi à votre tentative de nous remmener

 11   à l'époque précédant l'ordre de M. Jasarevic, c'est-à-dire précédant la

 12   division du MUP. Mais en réalité, vous avez mis en œuvre, n'est-ce pas,

 13   parce que vous étiez la seule personne habilitée à le faire, l'ordre de M.

 14   Stanisic selon lequel les forces dépendant du ministère devaient être

 15   organisées en unités de guerre ?

 16   C'est vous personnellement qui avez mis cet ordre en application, n'est-ce

 17   pas ?

 18   R.  Je vous affirme une nouvelle fois -- parce que regardez à quelle date a

 19   été mis par écrit l'ordre de M. le ministre Stanisic. Je vous dis une

 20   nouvelle fois que je suis incapable de déterminer la date exacte de

 21   l'arrivée de cet ordre à Doboj.

 22   Quant à la réserve de la police, ses effectifs étaient nombreux depuis une

 23   date bien antérieure, et je sais que j'ai discuté de la question avec le

 24   chef du poste de police également et que ceci était dû au contenu des deux

 25   dépêches dont nous avons parlé, à savoir au fait que l'unité de la Défense

 26   territoriale, les volontaires, et cetera, avaient été versés dans les rangs

 27   de la police de réserve.

 28   Alors, vous voyez que vous disposez d'éléments de preuve très nombreux qui


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  1   vous démontrent que les choses se sont passées comme je le dit.

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Une partie très importante de la réponse n'a

  3   pas été consignée au compte rendu d'audience.

  4   Le témoin a dit quelque chose que je ne souhaite pas répéter, car ceci doit

  5   être précisé par le truchement du témoin. "Quant au fait que les forces de

  6   réserve de la police avaient atteint des effectifs très nombreux," et il a

  7   dit à quel moment, mais cela n'a pas été consigné.

  8   Mme KORNER : [interprétation]

  9   Q.  Est-il exact, Monsieur Bjelosevic, que vous ayez dit cela ? Nous avez-

 10   vous dit à quel moment les forces de réserve de la police avaient atteint

 11   des effectifs très nombreux ?

 12   R.  Oui, oui. J'ai dit que c'était avant la rédaction de cet ordre, que

 13   l'augmentation des effectifs avait eu lieu en avril et qu'à la fin avril,

 14   ou plutôt, au début du mois de mai, la réserve de la police était déjà

 15   constituée d'un nombre d'hommes très important.

 16   Et puis j'ai dit autre chose. J'ai dit que quand j'ai vu ce qui était

 17   en train de se passer, j'en ai parlé au chef du poste de police et j'ai

 18   discuté de cela avec lui. J'ai dit que c'était dangereux. J'ai dit que

 19   c'était quelque chose qui serait difficile à maîtriser par la suite. Et il

 20   a dit : Eh bien, nous avons cet ordre à appliquer.

 21   Tous les postes ont reçu l'ordre du ministre de l'époque leur

 22   enjoignant d'agir dans ce sens.

 23   Q.  D'accord. Donc ce que je soutiens pour ma part, c'est que vous

 24   comprenez parfaitement bien, puisque nous l'avons vu écrit dans le document

 25   dont nous discutons en ce moment, où il est écrit, je cite, "envoyer par

 26   estafette à Doboj," et ce que je veux dire, vous étiez sur place et vous

 27   avez reçu ces documents à la date à laquelle ils ont été rédigés par Mico

 28   Stanisic ou à peu près à cette date-là.


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  1   R.  Je ne sais pas exactement à quel moment ils me sont parvenus.

  2    Q.  Très bien. Alors, voyons d'un peu plus près quel était le

  3   fonctionnement du centre de sécurité publique de Doboj, dont vous dites

  4   qu'il ne fonctionnait pas entre le 3 mai et le début du mois de juillet.

  5   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions d'abord

  6   sur un document qui fait suite aux documents que nous avons examinés

  7   jusqu'à maintenant. Donc je demande l'affichage de l'intercalaire 22 des

  8   documents du témoin, qui correspond au document 2005 [comme interprété].

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il existe dans les intercalaires de

 10   la Défense ?

 11   Mme KORNER : [interprétation]

 12   Q.  Vous venez de dire quelque chose, Monsieur Bjelosevic, que je n'ai pas

 13   entendu car mon micro était allumé.

 14   R.  J'ai demandé s'il existait dans les intercalaires de la Défense. Non.

 15   Q.  Eh bien, il va falloir que vous vous appuyez sur ce qui est affiché à

 16   l'écran.

 17   Donc c'est un document qui date du 21 mai. Il est envoyé au "MUP de Serbie,

 18   centre des services de Sécurité, service de la Sécurité nationale," et il

 19   semble être signé. Est-ce que c'est bien votre signature qui figure au bas

 20   de ce document ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Donc le 21 mai, vous demandiez à Banja Luka, localité avec laquelle

 23   vous pouviez communiquer, de transmettre un télégramme au siège du MUP à

 24   Pale dans le but d'effectuer des vérifications quant à un correspondant

 25   néerlandais dont le nom est apparemment E.L.M Robert. Ainsi qu'au sujet

 26   d'un homme répondant au nom de Dulmers. Est-ce qu'il s'agit d'une seule et

 27   même personne ?

 28   R.  Moi j'ai une ligne verticale au milieu du document qui m'empêche de


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  1   bien voir.

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Je crois que sur une autre page ce serait

  3   plus lisible.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

  5   En fait, il s'agit de M. Robert E.L.M Dulmers. Est-ce que c'est une

  6   seule et même personne ?

  7   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais je proposais, pour des raisons

  8   d'équité par rapport au témoin, que la deuxième page de ce document lui

  9   soit montrée, pour qu'il puisse lire également.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais pourquoi --

 11   M. ZECEVIC : [interprétation] Dans la version originale serbe. Le document

 12   figure sur deux pages, mais c'est le même document. Et dans la deuxième

 13   page, la dactylographie est de meilleure qualité.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Ah, désolée. Oui, oui, on peut utiliser la

 15   deuxième page.

 16   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 17   Mme KORNER : [interprétation]

 18   Q.  Donc, Monsieur Bjelosevic, il est demandé que des vérifications soient

 19   effectuées au sujet d'un journaliste néerlandais dont le nom est Dulmers,

 20   et vous demandez au service de Sécurité nationale de Banja Luka de vous

 21   fournir des renseignements et vous demandez également que ce message soit

 22   transmis au siège du MUP.

 23   Monsieur Bjelosevic, selon vous, pendant toute la durée du mois de mai,

 24   vous étiez totalement coupé de vos fonctions tout à fait fondamentales avec

 25   l'armée. Comment se fait-il que le 21 mai, quatre jours plus tard, quatre

 26   jours après le dernier document que nous avons examiné qui venait du MUP,

 27   vous écrivez au MUP ?

 28   R.  Eh bien, je vous demanderais de voir qui est le destinataire. Encore


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  1   une fois. Qu'est-ce que vous avez en tête ? Pourquoi est-ce que nous

  2   aurions envoyé ceci au centre de Banja Luka si nous avions la possibilité

  3   de communiquer avec Pale ?

  4   Q.  Sauf votre respect, Monsieur Bjelosevic, je crois que vous essayez

  5   encore une fois de changer de sujet.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] Madame Korner, il faut que vous compreniez

  7   que vos propos sont interprétés et que l'interprétation ne correspond peut-

  8   être pas point par point aux mots utilisés par vous. Ce qui est tout à fait

  9   normal puisqu'il d'interprétation. Donc je ne crois pas qu'il soit

 10   acceptable que vous accusiez le témoin d'essayer de changer de sujet

 11   puisqu'il est possible qu'il n'ait pas entendu votre question dans les

 12   termes exacts où elle a été posée.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Oui, oui, j'admets, j'admets. J'accepte la

 14   critique.

 15   Q.  Monsieur Bjelosevic, la question que je vous ai posée - et je vais vous

 16   la reposer lentement en espérant qu'il n'y aura aucun écart

 17   d'interprétation - c'est que ce que vous faisiez au CSB de Doboj le 21 mai,

 18   donc je vous demande ce que vous y faisiez, puisque selon vous, pendant

 19   tout le mois de mai, vous étiez occupé aux fonctions qui étaient les vôtres

 20   au sein de l'armée et qui étaient tout à fait fondamentales ?

 21   R.  Si vous aviez suivi ce que j'ai dit jusqu'à présent, vous auriez

 22   sûrement entendu que j'ai déjà dit, et je le répète maintenant, qu'il

 23   m'arrivait de temps de temps de venir dans mon bureau. Que lorsque je

 24   venais au bureau, je prenais connaissance d'un certain nombre de

 25   renseignements liés à la sécurité qui m'étaient communiqués par le service

 26   de Sécurité nationale, et qu'ensuite j'allais au poste de commandement pour

 27   comparer ces renseignements et procéder à un certain nombre d'analyses avec

 28   mes collègues. Je n'ai jamais dit que je n'avais jamais pénétré dans


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  1   l'immeuble de la police et dans mon bureau pendant tout le mois de mai.

  2   Q.  Mais n'était-il peut-être pas plus important, étant donné la situation

  3   à Doboj, que vous vous soyez occupé des problèmes tout à fait clairs, tout

  4   à fait évidents, ainsi que de la violence qui avait éclaté à Doboj, plutôt

  5   que de faire partie de l'armée ?

  6   R.  Un certain nombre de raisons justifient mon comportement à cette

  7   époque-là.

  8   Et l'une de ces raisons c'est qu'effectivement, le centre des

  9   services de Sécurité avait perdu son territoire. Nous n'avions plus qu'une

 10   partie de la municipalité de Doboj.

 11   Deuxième raison, nous n'avions pas de cadres.

 12   Troisième raison importante, la défense était la priorité numéro un. Et je

 13   vous renvois aux propositions du général, où il a dit : A qui vous allez

 14   imposer le respect du droit et de l'ordre si vous n'avez plus de territoire

 15   en raison de défaite sur le plan militaire ? Il avait parfaitement raison.

 16   Et la quatrième raison, c'est que la cellule de Crise -- et je ne critique

 17   pas la cellule de Crise pour l'avoir fait, car elle a donné cet ordre de

 18   façon tout à fait justifiée. La cellule de Crise avait la municipalité sur

 19   son territoire, elle avait le poste de sécurité publique sur son

 20   territoire; c'était à elle de s'occuper de ce genre de problème.

 21   Q.  Mais il est clair, n'est-ce pas, que le service de Sécurité nationale

 22   fonctionnait au mois de mai ?

 23   Alors, essayons de voir qui d'autre travaillait et fonctionnait à ce

 24   moment-là.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'aurais

 26   dû demander que ce document soit également enregistré aux fins

 27   d'identification.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il sera enregistré.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document devient la pièce 2330,

  2   enregistrée aux fins d'identification.

  3   Mme KORNER : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

  4   20102, qui correspond à l'intercalaire 106.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il vous faudra combien de temps pour

  6   traiter de ce document ?

  7   Mme KORNER : [interprétation] Dans des conditions normales, je dirais qu'il

  8   suffirait de cinq minutes. Mais dans les conditions actuelles, il est vrai

  9   semblable que cela nécessite un temps un prétoire électronique plus long.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous sommes arrivés à l'heure normale de

 11   la suspension d'audience. Nous allons donc suspendre et nous reprendrons

 12   nos débats dans ce même prétoire, si je ne m'abuse, lundi matin à 9 heures.

 13   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non, excusez-moi. Ce sera dans la salle

 15   d'audience numéro III lundi matin à 9 heures.

 16   Je vous souhaite à tous un bon week-end. Merci.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le lundi 23 mai 2011,

 19   à 9 heures 00.

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