Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 26 mai 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Bonjour à tout le monde. C'est

  6   l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan

  7   Zupljanin.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Les parties peuvent-elles se

  9   présenter ?

 10   M. HANNIS : [interprétation] Bonjour. Pour l'Accusation aujourd'hui, il y a

 11   plus de personnes que d'habitude : Tom Hannis; Gerard Dobbyn; notre commis

 12   à l'affaire, Crispian Smith; et l'une de nos stagiaires, Marina Vilova.

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 14   Juges. Slobodan Zecevic, Slobodan Cvijetic et Eugene O'Sullivan pour la

 15   Défense de Stanisic.

 16   M. ALEKSIC : [interprétation] Pour la Défense de Zupljanin aujourd'hui,

 17   Aleksandar Aleksic.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Maître Zecevic, nous avons été informés du fait que votre témoin est

 20   ici et qu'il est prêt à commencer son témoignage. Mais avant, est-ce que

 21   vous voulez dire quelque chose ?

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'aimerais

 23   retourner à la question concernant la communication des pièces conformément

 24   à l'article 66(B). Si vous vous souvenez, et je vais essayer de résumer ce

 25   que je veux dire, la décision de la Chambre de première instance concernant

 26   la communication des pièces au titre de l'article 66(B) -- et par rapport

 27   au témoin précédent, M. Bjelosevic, disait que la Défense n'a pas fourni

 28   l'information au bureau du Procureur avec le plus de détails pour que


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  1   l'Accusation puisse procéder conformément à notre requête qui a été déposée

  2   en janvier.

  3   Et après votre décision, nous avons déposé la requête, la requête

  4   spécifique en conformité avec l'article 66(B). Le bureau du Procureur nous

  5   a informés qu'eux, ils n'ont pas l'intention d'accepter cette requête. Nous

  6   avons ensuite déposé la requête pour demander que le bureau du Procureur

  7   accepte notre requête 66(B).

  8   Nous avons été informés que la décision à ce sujet n'a toujours pas été

  9   rendue. Nous avons parlé de cela cette semaine, lundi cette semaine, et

 10   nous avons été informés là-dessus. Et après cela, nous avons encore une

 11   fois demandé du bureau du Procureur des documents par rapport à ce témoin,

 12   le témoin qui va témoigner aujourd'hui.

 13   Mardi, nous avons reçu la réponse du bureau du Procureur dans laquelle il

 14   est dit que le bureau du Procureur nous a communiqué tous les documents

 15   qui, d'après l'opinion du Procureur, sont les documents qui doivent être

 16   communiqués au titre de l'article 68, et que, par conséquent, aucun

 17   document ne sera communiqué conformément à l'article 66(B) jusqu'à ce que

 18   la Chambre ne rende sa décision.

 19   Vu tout cela, je dois dire que nous sommes dans une position défavorisée,

 20   puisque nous avons tout fait en conformité avec le Règlement, et la

 21   décision n'est toujours pas rendue par la Chambre concernant cela. Nous

 22   allons maintenant avoir un autre témoin, et nous sommes, pour ainsi dire, à

 23   la mi-chemin de notre présentation de moyens de preuve, mais nous procédons

 24   en quelque sorte sans savoir dans quelle direction où aller puisque nous

 25   n'avons pas ces documents. J'ai donc voulu parler de tout cela à la Chambre

 26   pour que peut-être M. Hannis réponde, et après je peux aborder la deuxième

 27   question.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Hannis, avez-vous des


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  1   commentaires là-dessus ?

  2   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est de la

  3   requête concernant ce témoin que nous avons reçue il y a quelque jour, elle

  4   concerne les documents signés par ce document [comme interprété] ou rédigé

  5   par ce document [comme interprété] en 1992. Et pour ce qui est de la liste

  6   des pièces de la Défense, je vois qu'il y a des documents que nous n'avons

  7   jamais vus, et des documents signés par ce témoin. Cela veut dire que n'a

  8   accès à ces documents que le bureau du Procureur. Donc les documents signés

  9   par M. Andan ou envoyés par M. Andan au MUP en 1992 sont certainement

 10   disponibles à la Défense. Et nous attendons que la Chambre rende sa

 11   décision. Si la décision dit que l'Accusation doit accepter cette requête,

 12   nous allons procéder ainsi, mais nous n'avons pas de documents que la

 13   Défense n'ait déjà.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, pour ce qui est de cet échange

 15   entre les conseils des deux côtés que nous venons d'entendre, ça nous amène

 16   à conclure ou à prévoir ce qui va se passer pour ce qui est de ce témoin et

 17   d'autres témoins. Donc vous attendez la décision de la Chambre à ce sujet,

 18   la décision par rapport à la requête formelle déposée par le conseil de la

 19   Défense de l'accusé Stanisic.

 20   Les questions qui ont été soulevées par cette requête, indépendamment

 21   de la jurisprudence du Tribunal et de l'expérience de ce Tribunal, la

 22   question principale n'est toujours pas résolue, et c'est une des raisons

 23   pour lesquelles la décision de la Chambre n'a pas été rendue, toujours pas,

 24   même si les conseils s'attendaient que cela soit fait plus vite.

 25   Le résultat qu'on a est le suivant - cela s'est passé de façon

 26   similaire jusqu'ici, et cela va se passer également de cette même façon

 27   dans le futur - à savoir des objections et des requêtes devraient être

 28   présentées au fur et à mesure. Et comme les documents sont présentés, on va


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  1   résoudre ces questions au cas par cas. Donc il n'y a pas de façon de

  2   procéder plus vite. Et comme je l'ai déjà dit, les conseils ne seront

  3   jamais d'accord pour ce qui est de ce type de question. La Chambre doit

  4   donc se pencher sur ces questions au cours du procès lorsque ces questions

  5   sont soulevées, et donc s'occuper de ces questions au cas par cas. Ce n'est

  6   peut-être pas une proposition qui va plaire aux conseils, mais nous allons

  7   rendre notre décision sous peu. Il faut qu'on se mette d'accord pour ce qui

  8   est de notre position concernant ce sujet, et il y a des questions

  9   similaires dans d'autres affaires également.

 10   Votre deuxième question, Maître Zecevic.

 11   M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai un bref commentaire là-dessus. Il s'agit

 12   de la question concernant le procès équitable qui se déroule dans cette

 13   affaire. Je suis désolé de parler encore une fois de cela, mais les

 14   dispositions de l'article 66(B) n'ont rien à voir avec notre possibilité

 15   d'avoir les informations provenant des organes d'Etat ou d'autres organes

 16   ou d'autres sources. C'est pour cela que le bureau du Procureur a une

 17   obligation de nous communiquer des documents qui sont en possession du

 18   bureau du Procureur et sur notre demande, et c'est ce que nous avons fait.

 19   Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, nous ne pouvons pas

 20   savoir de quels documents il s'agit puisque le bureau du Procureur ne veut

 21   pas les communiquer à la Défense même si on a déposé une requête dans ce

 22   sens-là. Donc c'est pour cela que nous ne pouvons pas parler avec nos

 23   témoins des documents qui vont peut-être être présentés dans le prétoire

 24   lors de la procédure, et je pense que cela relève du domaine du procès

 25   équitable devant ce Tribunal. Merci.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Encore une fois, vous avez parlé de

 27   l'une des raisons pour lesquelles cette question est en suspens.

 28   M. HANNIS : [interprétation] Je suis désolé, mais je veux ajouter que dans


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  1   cette affaire, la Défense a accès au témoin qui, certainement, peut être

  2   utile pour dire quels sont les documents qu'il avait signés en 1992, et il

  3   peut certainement donner toutes les informations concernant ces documents.

  4   La Défense pourrait peut-être déposer une requête plus spécifique pour que

  5   nous sachions de quoi il s'agit, de quel type de document.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] La deuxième question qui a été soulevée hier

  7   vers la fin de l'audience était la question des notes de la séance de

  8   récolement pour ce qui est de ce témoin, et surtout pour ce qui est du

  9   point 18 dans ces notes. Je suis d'accord, Monsieur le Président, qu'à

 10   premier abord, il y a une série de questions qui sont mentionnées au point

 11   18 dans ces notes qui ne sont pas directement pertinentes pour ce qui est

 12   des sujets dont on parle dans cette affaire. Pourtant, toutes ces questions

 13   sont extrêmement importantes et pertinentes pour ce qui est de la

 14   crédibilité de ce témoin puisque, comme la Chambre va entendre, ce témoin

 15   et sa vie -- sa vie avait des hauts et des bas, et à plusieurs occasions le

 16   témoin a été démis de ses fonctions puisqu'il y avait des allégations

 17   faites par l'ancien Procureur de ce Tribunal ainsi que par le haut-

 18   représentant de la Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, je pense que dans de

 19   telles circonstances et dans cette affaire, sa crédibilité est la question

 20   qui doit être soulevée par le bureau du Procureur, et pour ces raisons, je

 21   pense que ce qui figure au point 18 dans les notes de la séance de

 22   récolement sont très importantes pour établir sa crédibilité. C'est la

 23   raison pour laquelle nous voulons présenter les moyens de preuve pour ce

 24   qui est de cette question, et nous serons brefs. Merci.

 25   M. HANNIS : [interprétation] Permettez-moi de dire quelque chose. J'ai

 26   envoyé une lettre à Me Zecevic concernant ce sujet en disant quelles

 27   étaient mes expériences pour ce qui est de ce type de question. La règle

 28   générale dit que lorsque vous citez à la barre un témoin, on ne vous permet


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  1   pas de présenter les moyens de preuve qui vont renforcer la crédibilité de

  2   votre témoin jusqu'à ce que sa crédibilité ne soit attaquée.

  3   A présent, cela ne s'est toujours pas passé puisque le bureau du Procureur

  4   n'a toujours pas posé de questions. C'est quelque chose que le bureau du

  5   Procureur peut faire après dans les questions supplémentaires. Demander que

  6   les moyens de preuve soient présentés par rapport à la crédibilité du

  7   témoin de la Défense veut dire, de façon indirecte, qu'en fait, ce témoin

  8   est le témoin qui doit être récusé. Et je pense que cette question peut

  9   être soulevée si l'Accusation pose cette question et attaque sa crédibilité

 10   dans le contre-interrogatoire.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce que M. Hannis vient de dire, c'est la

 12   jurisprudence du "common law", et je suis persuadé que la Défense aura la

 13   possibilité -- la Défense qui a convoqué ce témoin peut supposer, et c'est

 14   tout à fait raisonnable, que la crédibilité de ce témoin sera attaquée.

 15   Mais je ne sais pas comment les choses vont se dérouler. Je ne peux dire

 16   rien d'autre là-dessus puisqu'il faut qu'on voie comment tout cela va se

 17   dérouler.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier peut maintenant

 20   faire entrer le témoin dans le prétoire.

 21   Je vois que dans le compte rendu, il a été consigné que j'ai dit que

 22   "j'espère que je vais être persuadé." En fait, je pense que j'ai dit que

 23   "je suis tout à fait prêt à être persuadé." Merci.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour à vous.

 26   Pouvez-vous maintenant prononcer le texte de la déclaration solennelle que

 27   M. l'Huissier vous a remis.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la


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  1   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   LE TÉMOIN : DRAGOMIR ANDAN [Assermenté]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir. Je peux

  5   supposer que vous pouvez m'entendre dans la langue que vous comprenez parce

  6   que vous avez déjà répondu à la première question.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] D'abord, je veux vous remercier d'être

  9   venu à La Haye, devant ce Tribunal, pour aider ce Tribunal en déposant en

 10   tant que témoin. Pouvez-vous décliner votre identité.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Dragomir Andan.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre profession, ou quelle

 13   était votre profession, et quelle est votre appartenance ethnique ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis diplômé de la faculté des sciences

 15   politiques. Toute ma carrière professionnelle, je travaillais dans la

 16   police. Et pour ce qui est de mon appartenance ethnique, je suis serbe.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre date de naissance,

 18   Monsieur ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 12 avril 1951 à Sarajevo.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que vous avez déjà déposé devant

 21   ce Tribunal ou est-ce que vous avez déposé devant une autre juridiction

 22   dans n'importe quel des pays qui autrefois faisaient partie de l'ancienne

 23   Yougoslavie ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez été cité à la barre par la

 26   Défense du premier accusé dans cette affaire, M. Stanisic. Le conseil de la

 27   Défense de M. Stanisic, qui se trouve à votre gauche, vous posera des

 28   questions d'abord, et après lui ce sera le Procureur qui vous posera des


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  1   questions, qui se trouve à votre droite. Mais avant que le conseil de la

  2   Défense du co-accusé de M. Stanisic ne commence à vous poser des questions,

  3   le conseil qui vous a convoqué, qui vous a cité à la barre, aura la

  4   possibilité de vous poser des questions supplémentaires, et après cela la

  5   Chambre aussi pourrait vous poser des questions.

  6   Le conseil qui vous a cité à la barre nous a dit qu'il aurait probablement

  7   besoin de 20 heures pour vous poser des questions. Le conseil du co-accusé

  8   a dit qu'il allait besoin d'une heure, et pour ce qui est du Procureur, il

  9   aura besoin de 20 heures pour son contre-interrogatoire.

 10   Cette salle d'audience est utilisée par d'autres Chambres pour d'autres

 11   affaires, donc nous allons siéger le matin ou l'après-midi. Mais le plus

 12   probablement, pour ce qui est de votre témoignage, nous allons siéger le

 13   matin, à savoir de 9 heures à 13 heures 45, et à 13 heures 45 nous devons

 14   lever l'audience pour que l'autre Chambre siège dans la même salle

 15   d'audience. Pour des raisons techniques liées à l'enregistrement de

 16   l'audience, tous les jours l'audience est interrompue deux fois pour faire

 17   la pause de 20 minutes, puisque l'enregistrement de l'audience ne peut

 18   durer que 90 minutes et il y a d'autres points techniques qui doivent être

 19   réglés, et c'est également nécessaire pour que tout le monde se repose.

 20   Mais si vous avez besoin de faire une pause, et puisque nous avons

 21   été informés que vous avez des problèmes de santé, s'il vous plaît, dites-

 22   le-nous et nous allons faire tout ce qui est nécessaire pour que vous

 23   puissiez vous reposer.

 24   Lorsque vous êtes entré dans le prétoire, M. l'Huissier vous a remis le

 25   texte de la déclaration solennelle que vous avez lu. Donc vous avez lu

 26   cette déclaration solennelle, vous avez dit que vous allez dire la vérité

 27   et rien que la vérité, et selon le Règlement de ce Tribunal, le Tribunal a

 28   la possibilité de prononcer une sanction si vous faites un faux témoignage.


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  1   Et au début de chaque audience, vous sera rappelée la déclaration

  2   solennelle que vous venez de prononcer.

  3   Si vous n'avez pas de questions à poser à la Chambre -- si vous n'avez pas

  4   besoin d'autres explications, alors j'inviterais le conseil de M. Stanisic

  5   à commencer son interrogatoire principal.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Interrogatoire principal par M. Zecevic : 

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Andan.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Monsieur Andan, vous nous avez dit que vous étiez né à Sarajevo en

 11   1951. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre situation de

 12   famille à l'heure actuelle ?

 13   R.  Je viens d'une famille de travailleurs. Mon père a fait la Deuxième

 14   Guerre mondiale et, à l'issue de celle-ci, il est devenu sous-officier. Son

 15   premier et dernier poste était à Sarajevo, où je suis né. Mon père est

 16   décédé en 1954. Ma mère, ma sœur et moi-même, par conséquent, sommes restés

 17   seuls. Quatre ans plus tard -- en fait, je devrais tout d'abord mentionner

 18   que ma mère avait 24 ans lorsque mon père est décédé. Quatre ans plus tard,

 19   elle s'est remariée à un Croate, Trpimir Sepcic, et j'ai donc un demi-frère

 20   et une demi-sœur issus de cette deuxième union.

 21   Q.  Monsieur Andan, est-ce que vous êtes marié ? Est-ce que vous avez des

 22   enfants ?

 23   R.  Oui, je suis marié, et j'ai deux fils, Milos et Ivan. Milos a 32 ans.

 24   Il a étudié à une école de commerce. Il a un diplôme de celle-ci. Ivan a 28

 25   ans. Il est avocat. Ma femme est économiste, et nous sommes mariés depuis

 26   1978.

 27   Q.  Monsieur Andan, vous nous avez dit que vous avez passé toute votre

 28   carrière dans la police. Quand avez-vous commencé à travailler au sein du


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  1   ministère de l'Intérieur, que l'on appelait auparavant le secrétariat à

  2   l'Intérieur ?

  3   R.  On l'appelait le ministère républicain de l'Intérieur. J'ai commencé à

  4   travailler en mars 1976 au département de la Sûreté de l'Etat, qui était la

  5   police secrète de l'Etat de l'époque. Vous aviez la Sûreté de l'Etat et

  6   vous aviez la sécurité publique, et moi j'ai commencé à travailler au sein

  7   de la Sûreté de l'Etat.

  8   Q.  Où avez-vous donc commencé à travailler ?

  9   R.  Eh bien, au niveau de la Sûreté de l'Etat à Sarajevo. La Sûreté de

 10   l'Etat était divisée en différentes zones, et je travaillais au sein du

 11   centre de la Sûreté de l'Etat de Sarajevo. Ce centre était responsable de

 12   toutes les municipalités de Sarajevo. Je ne sais pas exactement combien de

 13   municipalités il y avait. Je crois que c'était environ une vingtaine. Bien

 14   sûr, vous aviez tout un organigramme, toute une hiérarchie. Je pourrais

 15   vous donner plus de détails, si vous le souhaitez, ultérieurement.

 16   Q.  Je vais vous demander de parler un peu plus lentement parce que nous

 17   avons également des interprètes qui reprennent vos propos.

 18   Est-ce que vous pourriez nous dire quelles fonctions vous aviez au sein du

 19   ministère de l'Intérieur en République socialiste de Bosnie-Herzégovine ?

 20   Est-ce que vous pourriez nous dire à quelles périodes vous avez été à tel

 21   ou tel poste et de quels postes il s'agissait ?

 22   R.  En 1983, nous nous apprêtions à mettre les dernières touches à la

 23   préparation des Jeux olympiques de Sarajevo qui se sont tenus en 1984. Sur

 24   une décision du ministre et du sous-secrétaire d'Etat pour la Sûreté de

 25   l'Etat de Bosnie-Herzégovine, un certain nombre de fonctionnaires de la

 26   Sûreté de l'Etat ont été transférés au service de la sécurité publique. Et

 27   j'ai été nommé commandant du poste de police de Novo Sarajevo, qui était le

 28   poste de police le plus important de Bosnie-Herzégovine à l'époque.


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  1   J'ai occupé ce poste jusqu'en 1996. Ensuite, en raison d'un certain nombre

  2   de problèmes dans la municipalité de Stari Grad, j'ai été nommé sur

  3   décision du ministère au poste de chef de ce poste de police, et ceci,

  4   jusqu'en 1990. En d'autres termes, mon mandat a duré quatre ans, et ensuite

  5   j'ai été muté au ministère de l'Intérieur au sein des services de police

  6   où, là, j'étais inspecteur.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez nous préciser une chose. Vous avez mentionné

  8   la municipalité de Stari Grad. Il s'agit d'une des municipalités de

  9   Sarajevo, mais dans quelle partie de la ville se trouve-t-elle ?

 10   R.  C'est une des municipalités de Sarajevo. C'est la plus ancienne

 11   municipalité de Sarajevo. Vous avez Bascarsija qui fait partie de Stari

 12   Grad, avec une population principalement musulmane, je dirais environ 97 %

 13   de Musulmans, 2 % de Serbes et 1 % d'autres groupes ethniques. Donc c'est

 14   la plus ancienne municipalité dans la ville de Sarajevo.

 15   Q.  Je crois que vous avez dit 97 % de Musulmans. Nous voyons que le compte

 16   rendu d'audience a mentionné autre chose.

 17   R.  Oui, j'ai dit 97 % de Musulmans, 2 % de Serbes et 1 % d'autres groupes

 18   ethniques.

 19   Q.  Monsieur Andan, en 1990, au sein du MUP de la BiH, vous occupiez quel

 20   poste, vous étiez à quelle fonction ?

 21   R.  J'étais inspecteur principal de première classe à l'époque. Mais

 22   aujourd'hui, en Republika Srpska, ce serait un poste que l'on appellerait

 23   inspecteur en chef au ministère de l'Intérieur.

 24   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer la hiérarchie au sein de vos

 25   services ? Si l'on prend, par exemple, un inspecteur principal première

 26   classe, quel aurait été son supérieur hiérarchique dans vos services ?

 27   R.  Eh bien, mon supérieur direct était en fait le chef du département, et

 28   ensuite vous aviez le ministre adjoint pour les services de police.


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  1   Ensuite, ce poste a été rebaptisé sous-secrétaire d'Etat pour les services

  2   de police.

  3   Q.  Merci. Les conflits ont commencé en avril et mai 1992. J'aimerais

  4   savoir où vous vous trouviez lorsque les hostilités ont éclaté en Bosnie-

  5   Herzégovine ?

  6   R.  Au début du la guerre en avril 1992, j'étais inspecteur principal

  7   première classe. Donc, de 1990 jusqu'au début de la guerre, j'ai occupé les

  8   mêmes fonctions.

  9   Q.  Quand avez-vous été muté au MUP de la République serbe de Bosnie-

 10   Herzégovine ?

 11   R.  Je ne suis pas sûr de ce que je dois faire. Est-ce que je dois

 12   présenter une brève introduction ?

 13   Q.  Non. Donnez-nous simplement les dates, et puis nous rentrerons dans les

 14   détails un peu plus tard durant votre déposition.

 15   R.  J'étais toujours à Sarajevo jusqu'à la deuxième moitié de mai 1992, et

 16   ensuite j'ai été muté au ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska.

 17   Q.  Jusqu'à quand avez-vous travaillé au sein du MUP de Republika Srpska ?

 18   R.  J'ai travaillé là-bas jusqu'à la deuxième moitié d'août 1992, et

 19   ensuite j'ai été détaché dans des structures militaires.

 20   Q.  Vous êtes resté pendant combien de temps au sein de la VRS, et quel

 21   grade occupiez-vous au sein de celle-ci ?

 22   R.  Après avoir terminé le cours pour les officiers de réserve de Zadar, on

 23   m'a donné le grade de premier lieutenant, ensuite je suis devenu

 24   lieutenant, je suis entré au sein de la VRS en tant que capitaine et j'ai

 25   terminé la guerre en tant qu'officier de réserve commandant. Je suis resté

 26   rattaché à l'armée jusqu'en 1996.

 27   Q.  Je crois que vous nous avez dit que votre grade lorsque vous avez pris

 28   votre retraite était commandant de réserve, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, quand avez-vous recommencé à travailler au

  3   ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska ?

  4   R.  J'ai été nommé officiellement à ce poste le 1er janvier 2000.

  5   Q.  Et qu'avez-vous fait entre 1996, lorsque vous avez quitté les rangs de

  6   la VRS, et le 1er janvier 2000 ?

  7   R.  Malheureusement, ou peut-être heureusement, j'ai occupé différents

  8   postes. Tout d'abord, j'ai travaillé au port de Belgrade, et je

  9   transportais des sacs d'un camion à un autre. Ensuite, j'ai travaillé au

 10   sein d'un marché de primeurs. Ensuite, j'ai travaillé avec des amis qui

 11   transportaient des tomates et des concombres venant de Grèce, et ensuite on

 12   les vendait à partir de 5 heures 30 du matin jusqu'à 4 heures l'après-midi.

 13   Ensuite, j'ai été serveur, et puis j'ai été gérant d'un café à Herceg Novi.

 14   Je crois que c'était en 1999. J'ai donc fait tout ce que je pouvais et tout

 15   ce que j'étais capable de faire.

 16   Q.  Et pourquoi avez-vous réincorporé le ministère de l'Intérieur de la

 17   Republika Srpska, et quand avez-vous entamé des négociations avec le

 18   ministère pour le réintégrer ?

 19   R.  Eh bien, cela représentait quasiment la moitié de ma carrière. J'avais

 20   besoin de 20 ans de plus pour pouvoir avoir une retraite complète, et je ne

 21   pouvais pas prendre ma retraite avec les petits travaux que je faisais.

 22   Donc c'est la raison pour laquelle j'ai évalué tous ces différents

 23   critères, et j'en ai conclu qu'il serait préférable que je réintègre le

 24   ministère de l'Intérieur puisque j'y avais déjà travaillé pendant un

 25   certain nombre d'années.

 26   Et en 1999, j'ai décidé de contacter la personne qui occupait à l'époque le

 27   poste de ministre de l'Intérieur. Je voulais lui parler de ma possibilité

 28   de vouloir réintégrer le ministère de l'Intérieur. Nous avons eu une


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  1   conversation en décembre 1999. Le ministre m'a dit qu'il manquait de

  2   personnel, notamment de gens qui avaient mes compétences, et, par

  3   conséquent, il m'a proposé de travailler en tant qu'inspecteur au sein du

  4   ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska. Et à l'époque, je pensais

  5   que ceci me permettrait d'avoir une certaine sécurité financière, mais

  6   également d'autres formes de sécurités, et c'est la raison pour laquelle

  7   j'ai décidé de réintégrer le ministère de l'Intérieur.

  8   Q.  Après avoir réintégré le ministère de l'Intérieur de la Republika

  9   Srpska, vous nous avez dit que vous avez à nouveau occupé le poste

 10   d'inspecteur au sein de ce ministère. Quelles étaient vos autres fonctions

 11   au sein du ministère en Republika Srpska, et est-ce que vous pourriez nous

 12   donner également les périodes couvertes par ces différentes fonctions ?

 13   R.  Je n'ai pas occupé très longtemps le poste d'inspecteur, peut-être six

 14   mois au total. Ensuite, j'ai été promu au poste de chef des services de

 15   police. Les services de police se constituaient de la manière suivante :

 16   vous avez le département pour les activités classiques et vous avez

 17   également le département de la police de la route. Il y a deux chefs, et

 18   moi j'étais l'un de ces deux chefs. Et comme je vous l'ai dit, après six

 19   mois, j'ai été donc promu au poste de chef des services généraux de la

 20   police.

 21   Q.  Quand vous parlez des services de police, est-ce que vous entendez par

 22   là ce qu'on appelle plus communément la police en uniforme ?

 23   R.  En fait, vous avez deux services au sein du ministère. Vous avez les

 24   services de la police criminelle ou judiciaire, qui sont en civil; et puis

 25   vous avez les services de police classique, qui eux sont en uniforme.

 26   Q.  Très bien. Si mes calculs sont exacts, aux environs de la mi-2000, vous

 27   êtes devenu chef des services généraux de la police. Et vous avez occupé ce

 28   poste pendant combien de temps ?


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  1   R.  Je vous demande d'être prudent avec les dates que je vous donne, car je

  2   ne suis pas très bon avec les dates. Mais je dirais que j'ai été promu

  3   après l'arrivée des Bosno-Musulmans à Srebrenica de manière organisée. Donc

  4   le ministre m'a nommé chef de la sécurité pour ces événements. Compte tenu

  5   des tensions politiques liées à la situation en Bosnie-Herzégovine, on m'a

  6   confié cette tâche très difficile d'organiser l'arrivée sans entrave des

  7   Bosno-Musulmans à Srebrenica de façon à ce qu'ils puissent honorer leurs

  8   morts pour la première fois, qu'ils puissent se rendre sur les sites où des

  9   crimes de guerre avaient été commis et qu'ils puissent également ensuite

 10   rentrer en toute sécurité dans la Fédération. Heureusement, j'ai mené à

 11   bien cette tâche, et je crois que c'est suite à cela que j'ai été promu.

 12   En tant que chef des services généraux de la police, je crois que je

 13   suis resté à ce poste jusqu'en 2003, et ensuite j'ai été transféré à

 14   Prijedor, où je suis devenu donc inspecteur au poste de la sécurité

 15   publique de Prijedor.

 16   Q.  Je ne sais pas exactement comment exprimer cela, mais cette mutation du

 17   poste de chef des services généraux de la police et du MUP de Republika

 18   Srpska au poste d'inspecteur à Prijedor, est-ce qu'il s'agissait d'une

 19   promotion ou de quelque chose d'un peu différent?

 20   R.  Pour moi, c'était le contraire d'une promotion. Je ne sais pas si on a

 21   le temps d'expliquer ce qui s'est passé.

 22   Q.  Rapidement, vous pouvez le faire, mais aussi rapidement que possible.

 23   R.  Eh bien, dans la municipalité de Sokolac, le chef du centre des

 24   services de Sécurité, Zeljko Markovic, a été tué. En tant que chef des

 25   services généraux de la police, j'avais envoyé des forces de police de

 26   façon à ratisser le terrain et à mener les premières phases de l'enquête.

 27   Quand on est arrivés aux funérailles, on m'a informé que tout n'avait pas

 28   été fait conformément aux réglementations et que certains segments


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  1   n'avaient pas traités correctement. J'ai dit à Dragomir Jovicic, le

  2   ministre de l'époque, que je n'étais pas d'accord avec une partie de

  3   l'enquête, et je lui ai dit ce qu'il fallait faire à partir de maintenant

  4   et que, bien sûr, la première priorité était de retrouver les auteurs de ce

  5   crime.

  6   J'ai reçu des ordres me disant que je serais le responsable de l'enquête

  7   là-bas à Sokolac. Le lendemain, j'ai quitté Banja Luka pour Sokolac. Avant

  8   de partir, le ministre m'a dit de faire de mon mieux pour retrouver les

  9   auteurs de ce crime. Et une fois que j'aurais mené à bien cette tâche, on

 10   m'a dit que je pourrais choisir mon poste au sein du ministère de

 11   l'Intérieur. Je lui ai dit que mon rôle était avant tout de retrouver les

 12   auteurs de ce crime et que je n'envisageais pas occuper un autre poste à

 13   l'époque.

 14   Nous sommes arrivés à mi-chemin à Travnik et on m'a dit que les

 15   choses avaient changé et que je devais rebrousser chemin. Vous savez, je

 16   suis un homme de terrain. J'ai appelé certaines personnes et j'ai appris

 17   qu'une partie de la structure politique, notamment ceux de Sokolac, ne

 18   voulait pas vraiment que je vienne à Sokolac pour me charger de l'enquête.

 19   Et j'ai appris qu'ils avaient demandé au ministre de l'Intérieur que je

 20   rebrousse chemin. Et d'ailleurs, ils avaient dit qu'ils ne pourraient pas

 21   garantir ma sécurité là-bas.

 22   Ceci m'a passablement énervé. Lorsque je suis rentré à Banja Luka,

 23   j'ai dit tout cela au ministre, tout ce que je viens de vous dire. Je lui

 24   ai dit : Pourquoi ne m'avez-vous pas permis d'aller là-bas ? Et si

 25   quelqu'un commençait à se comporter de manière offensive, vous sauriez

 26   pourquoi. Je pense que vous ne voulez pas vraiment mener à bien cette

 27   enquête et vous ne voulez pas vraiment trouver les auteurs de ce crime.

 28   Et pour être clair, on ne m'a pas vraiment donné de réponse. Je


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  1   n'étais pas du tout satisfait de ce type de comportement, et quelques jours

  2   après, dans un hebdomadaire local de Banja Luka qui s'appelle "Reporter

  3   [phon]", j'ai donné un entretien, j'ai expliqué tout ce qui s'était passé

  4   et comment on travaille au sein du ministère de l'Intérieur.

  5   Q.  Merci. Si je vous ai bien compris, c'est suite à cet entretien

  6   que vous avez accordé à ce magazine "Reporter" que vous avez été muté à

  7   Prijedor ?

  8   R.  Oui, tout à fait.

  9   Q.  Quel type d'activité avez-vous exercé à Prijedor et pendant combien de

 10   temps ?

 11   R.  J'ai travaillé dans le domaine de la criminalité classique. Je crois

 12   que j'y ai passé cinq ou six mois à Prijedor.

 13   Q.  Et que s'est-il passé ensuite ?

 14   R.  Eh bien, j'ai eu un appel impromptu. Enfin, impromptu pour moi, tout du

 15   moins. Il s'agissait du ministre de l'Intérieur, M. Djeric, qui m'a appelé

 16   et qui m'a dit de me rendre à Banja Luka, d'aller le voir dans ses bureaux

 17   pour parler de ma mutation. Et je dois dire que j'ai été surpris de l'offre

 18   qui m'a été faite. Après une série de problèmes et tous les problèmes qu'il

 19   y avait au centre de Sécurité de Sarajevo Est, il m'a proposé ce poste,

 20   c'est-à-dire qu'il voulait que je sois chef de ce centre.

 21   M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais que le conseil de la Défense

 22   obtienne des précisions pour savoir de quel M. Djeric il s'agit.

 23   M. ZECEVIC : [interprétation]

 24   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire de quel M. Djeric vous parlez

 25   ? Nous savons qu'un M. Djeric était président du gouvernement de la

 26   Republika Srpska en 1992. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire de quel

 27   M. Djeric il s'agit ?

 28   R.   Il s'agit de Zoran Djeric. Je ne sais pas s'il est lié à l'ex-Premier


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  1   ministre, mais il s'agit de Zoran Djeric, qui, je crois, est maintenant

  2   vice-président du parti politique PDP.

  3   Q.  Donc il s'agit de deux personnes différentes, le Zoran Djeric dont vous

  4   parlez et le Premier ministre de Republika Srpska à compter de 1992, n'est-

  5   ce pas ?

  6   R.  Oui, tout à fait, il s'agit de deux personnes distinctes.

  7   Q.  Ensuite, vous êtes devenu le chef du CSB de Sarajevo Est. Combien de

  8   temps avez-vous passé à ce poste ?

  9   R.  J'ai occupé ce poste jusqu'en janvier 2005 à peu près.

 10   Q.  En début de 2005, que s'est-il donc produit ?

 11   R.  J'ai reçu une convocation venue du président de la république, M.

 12   Cavic, Dragan. Mais ne me tenez pas au mot pour ce qui est des dates. Je

 13   sais que c'était en 2005. Et c'est un jour, dans une matinée, à 11 heures,

 14   que j'étais censé venir chez lui au cabinet pour un entretien. Et de par ma

 15   vocation et du point de vue hiérarchique, j'étais subordonné à qui de

 16   droit, et donc j'ai dit au ministre de l'Intérieur que j'étais convoqué par

 17   le président de la république, et il m'a dit d'y aller parce qu'il y serait

 18   aussi.

 19   Dans ce bureau, dans le cabinet du président de la république, j'ai trouvé

 20   M. Paddy Ashdown, M. Cavic et M. Matijasevic.

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire, vous avez mentionné trois noms et

 22   prénoms, veuillez nous dire qui était quoi. Est-ce que vous pouvez nous

 23   donner les fonctions de ces gens ?

 24   R.  M. Paddy Ashdown était à l'époque le haut-représentant pour la Bosnie-

 25   Herzégovine. M. --

 26   Q.  Excusez-moi, je crois que M. Paddy Ashdown, ça s'écrit autrement que ce

 27   qui figure au compte rendu. C'est un double "D" qu'il faut, et non pas de

 28   "T". Merci.


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  1   R.  M. Cavic, Dragan, à l'époque, était le président de la Republika Srpska

  2   à ce moment. Et M. Darko Matijasevic était ministre de l'Intérieur au MUP

  3   de la Republika Srpska. Pour ma part, je me suis d'abord adressé au

  4   président de la république et je lui ai dit que je me présentais suite à

  5   convocation. Dans une entrevue, on m'avait dit que suite à toute une série

  6   d'analyses et de concertations, j'avais été choisi pour être la personne

  7   censée diriger, entre autres, une partie des activités qui se rapportaient

  8   au travail du Tribunal de La Haye. Donc c'est du moins ce qu'on m'a dit que

  9   mon rôle était censé être, et ça s'est réalisé, on m'avait dit que j'allais

 10   devenir directeur de la police au sein du MUP de la Republika Srpska et que

 11   notre tâche première consistait à arrêter et faire poursuivre en justice la

 12   totalité des individus qui étaient mis en accusation par le Tribunal de La

 13   Haye et qui se trouvaient être des fugitifs.

 14   Peut-être y a-t-il eu avant cela un autre événement. Pendant que j'étais à

 15   la tête du centre des services de Sécurité à Sarajevo Est, en passant par

 16   des appuis opérationnels, il m'a été fourni la possibilité d'apprendre que

 17   sur le territoire de Visegrad, il y avait deux ou trois fosses communes où

 18   l'on avait enseveli des Musulmans. Nous en avons informé un individu qui

 19   répondait au nom de Don King, semble-t-il. C'était un enquêteur et

 20   représentant du Tribunal de La Haye à Sarajevo. Nous avons convenu de

 21   procéder à des analyses de police judiciaire pour ce qui est de toutes ces

 22   fosses communes et de leur communiquer des rapports.

 23   Pour faire ce travail de façon adéquate, nous avons informé le Procureur,

 24   nous avons constitué une équipe chargée d'enquêter sur le site et nous

 25   avons exploré ce qu'il y avait à trouver dans ces trois fosses communes où

 26   l'on avait enseveli des Bosniens. Et ensuite, ils avaient constaté que je

 27   ne voulais dissimuler aucun crime et que je voulais que les choses soient

 28   élucidées au plus vite.


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  1   Dans cette conversation avec M. le Président et M. le Ministre, M.

  2   Paddy Ashdown avait dit qu'au cas où la Republika Srpska venait à ne pas

  3   poursuivre en justice ce premier des accusés en Republika Srpska et si elle

  4   venait à ne pas les arrêter avant le mois d'avril 2005, il n'y aurait plus

  5   de Republika Srpska. Alors, moi, sur le coup, j'ai été quelque peu dans la

  6   confusion. J'ai dit verbalement que j'étais d'accord et que je ferais tout

  7   ce qui était dans mon pouvoir pour essayer de trouver des solutions, que je

  8   n'allais épargner ni mes collaborateurs ni moi-même, donc un commun effort

  9   aux fins d'aborder cette tâche de façon tout à fait sérieuse et

 10   responsable.

 11   Q.  Merci.

 12   M. ZECEVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais proposer, si

 13   possible, de passer à huis clos partiel brièvement pour les quelques

 14   questions que j'ai l'intention de poser au témoin.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 17   Messieurs les Juges.

 18   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. ZECEVIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, est-ce que, en votre qualité de directeur de la police de la

 28   Republika Srpska, vous auriez remis en main propre son acte d'accusation à


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  1   M. Mico Stanisic ?

  2   R.  Oui, et si vous le permettez, je pourrais vous relater la façon dont ça

  3   a été fait.

  4   Q.  Oui. Mais en traits principaux.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que c'est nécessaire, Maître

  6   Zecevic ?

  7   M. ZECEVIC : [interprétation] Je pense bien que oui, Monsieur le Président.

  8   M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir une explication

  9   pour ce qui est de la pertinence.

 10   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Et peut-être M. le Témoin pourrait-il

 11   enlever ses écouteurs.

 12   Messieurs les Juges, je crois bien que c'est important. Il est

 13   important donc que les Juges de la Chambre de première instance et que tout

 14   un chacun aussi comprennent bien l'attitude qui a été celle de M. Stanisic

 15   et son approche à l'égard de l'acte d'accusation suivant lequel il est jugé

 16   à présent. Ce témoin-ci peut nous fournir des détails au sujet de ce qui

 17   s'est dit, de ce qui s'est fait et de la réaction qui a été celle de M.

 18   Stanisic vis-à-vis de cet acte d'accusation qu'on lui a remis à ce moment-

 19   là.

 20   Je crois bien fermement qu'il importe pour les Juges de première

 21   instance -- il est important d'entendre cette partie du témoignage.

 22   M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a une autre source,

 23   si vous le permettez, pour ce qui est de cette partie du témoignage. En

 24   plus, M. Stanisic avait eu des entretiens en tant qu'accusé avec le bureau

 25   du Procureur, et je crois qu'il y a suffisamment d'indices pour ce qui est

 26   de connaître l'attitude qu'il avait adoptée. Donc le fait de ce qu'il

 27   aurait dit à ce témoin-ci au sujet de l'acte d'accusation en 1994 ne risque

 28   pas de vous aider grandement. Ce que je voudrais dire, c'est que c'est ici


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  1   une tentative de présenter des éléments favorables à l'accusé sans qu'il

  2   ait à dire quoi que ce soit à ce sujet.

  3   En plus, ce n'est pas une situation où un meurtrier est venu voir un

  4   policier pour dire : Oui, j'ai fait ceci ou cela. En 1994, ce qui est fort

  5   probable, c'est que M. Stanisic avait eu à connaître de ce qui

  6   constituerait le poids de ce qu'il aurait à dire. Donc nous ne sommes pas

  7   ici en situation d'entendre des témoignages ou des éléments de preuve de

  8   deuxième main. Où ceci serait donc pertinent ? Et je ne pense pas qu'une

  9   pertinence devrait être attribuée à cet élément-là. 

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suis plutôt d'accord avec ce que

 11   vient de dire M. Hannis, Maître Zecevic, et je ne vois pas en quoi l'on

 12   pourrait abonder plus en avant dans le sens de ce qu'il a dit. Donc allons

 13   de l'avant.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Andan, nous allons abandonner ce point-là, puisque les Juges

 16   de la Chambre ont décidé de ne pas considérer cette partie de votre

 17   témoignage comme étant indispensable.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic, si vous êtes en train de

 19   passer à autre chose, peut-être l'heure serait-elle venue de faire la

 20   pause.

 21   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, c'est l'heure, en effet.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que de lever l'audience, Monsieur

 23   Andan, vous nous aviez dit que vous n'aviez pas jusqu'à présent témoigné.

 24   Nous comprenons que la personne qui vient ici comme témoin a un récit à

 25   nous raconter qui est un récit de contexte, et cette personne est anxieuse

 26   de nous le fournir, ce contexte. Mais pour ce qui est de pouvoir gérer les

 27   éléments de preuve dans ce Tribunal et dans cette salle d'audience, il y a

 28   un rôle qui est joué par le conseil de la Défense, et le conseil de la


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  1   Défense connaît ce rôle, donc qu'il doit établir les éléments et vous poser

  2   les questions qu'il souhaite poser. Et il importe pour le témoin de prêter

  3   une oreille très attentive aux questions du conseil plutôt que de fournir

  4   des informations excessives par excès de zèle. Peut-être pourriez-vous

  5   garder ceci à l'esprit avant que nous ne poursuivions. Ça nous permettrait

  6   d'aller bien plus vite. Merci.

  7   Nous allons reprendre dans 20 minutes.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous nous excusons puisque nous

 12   commençons plus tard que prévu, mais vous allez comprendre que les Juges

 13   utilisent leurs pauses pour discuter de certaines choses et c'est pour cela

 14   que nous sommes en retard.

 15   [Le témoin vient à la barre]

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic, vous pouvez poursuivre.

 17   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Monsieur Andan, dites-moi jusqu'à quand vous étiez directeur de la

 19   police de la Republika Srpska ?

 20   R.  Je pense que c'était le mois de mai 2006.

 21   Q.  Savez-vous si vous avez été démis de vos fonctions pour ce qui est de

 22   ce poste ?

 23   R.  Non. J'ai démissionné à ce poste.

 24   Q.  Quelle était la raison de votre démission ?

 25   R.  Milorad Dodik, le président du gouvernement de la Republika Srpska, a

 26   reçu la lettre qui a été envoyée par Mme Carla del Ponte, et dans cette

 27   lettre, elle a dit que je faisais partie du réseau du crime organisé et

 28   que, en tant que tel, je ne devais pas occuper ce poste élevé au sein des


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  1   organes de la Republika Srpska. Après la réception de cette lettre, j'ai

  2   parlé à M. Dodik et j'ai proposé qu'une enquête exhaustive soit menée

  3   concernant cette lettre, après quoi j'allais démissionner, et lui m'a

  4   proposé d'être muté à un autre poste au sein du ministère de l'Intérieur et

  5   de demander par voie juridique une sorte de vérification de toutes ces

  6   allégations dans la lettre de Mme Carla del Ponte, qu'une enquête soit

  7   menée là-dessus.

  8   Q.  Et à quelle autre fonction vous avez été muté à ce moment-là ?

  9   R.  On a trouvé une solution. Au sein du ministère de l'Intérieur, j'ai été

 10   muté au poste du chef de l'administration qui était chargée de l'éducation.

 11   Q.  Cette deuxième proposition qui vous a été faite, à savoir de procéder

 12   sans demander qu'une enquête soit menée et que d'autres moyens juridiques

 13   soient utilisés pour vérifier les allégations formulées dans la lettre de

 14   M. del Ponte, est-ce que vous avez fait quoi que ce soit dans ce sens-là ?

 15   R.  Puisque dans sa lettre elle disait que Vinzenzo Copola a confirmé

 16   certaines des informations dont elle disposait, et lui était chef de la

 17   police européenne en Bosnie-Herzégovine, j'ai d'abord envoyé une lettre à

 18   M. Copola en lui demandant d'envoyer toutes les informations concernant

 19   Dragomir Andan au bureau du Procureur et que j'étais prêt à me présenter

 20   devant une juridiction, si cela était nécessaire. J'ai écrit une lettre

 21   similaire à M. Serge Brammertz en demandant que le bureau du procureur de

 22   Bosnie-Herzégovine reçoive tous les documents que Mme del Ponte possédait

 23   et, encore une fois, j'ai dit que j'étais prêt à me présenter devant une

 24   juridiction pour répondre aux infractions pénales présumées. Vous savez que

 25   les représentants du OHR et d'autres structures internationales sont en

 26   quelque sorte à l'abri de tout procès et qu'on ne peut pas intenter de

 27   procès contre ces organes de la communauté internationale.

 28   Q.  Avez-vous pris des mesures pour ce qui est du bureau du procureur au


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  1   niveau de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Oui, après avoir envoyé ces deux lettres, j'ai téléphoné au bureau du

  3   procureur pour demander d'être reçu par Marinko Jurcevic, qui était au

  4   bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine. M. Jurcevic m'a reçu. Son

  5   adjoint, Barasin, également, ainsi que le chef du département pour les

  6   crimes de guerre. Je pense qu'il s'appelait Suedaman [phon]. Je leur ai

  7   demandé des explications, et j'ai demandé à M. Jurcevic d'ordonner que je

  8   sois mis en détention provisoire le jour même et que toutes les autres

  9   mesures adéquates soient prises et que je sois transféré au tribunal s'il y

 10   a eu des bases pour le faire.

 11   A cette occasion-là, M. Jurcevic m'a dit qu'il n'y a pas eu de procès

 12   à mon encontre et que, pour ce qui est du bureau du procureur de Bosnie-

 13   Herzégovine, il n'avait rien pour ce qui me concernait dans ce contexte et

 14   que c'est le bureau du haut-représentant qui devait s'occuper de cela.

 15   Q.  Quand étiez-vous au poste de l'adjoint du chef du département

 16   chargé de l'éducation au ministère de l'Intérieur ?

 17   R.  J'étais au poste de l'adjoint du chef de cette administration, et je

 18   suis resté à ce poste jusqu'au 10 juillet 2007. Par une décision du

 19   représentant, M. Lajcak, j'ai été démis de mes fonctions, à savoir on m'a

 20   interdit d'exercer les fonctions dans les organes de l'Etat. On m'a pris ma

 21   carte d'identité, mon passeport, on m'a interdit de franchir les frontières

 22   de Bosnie-Herzégovine. C'est la décision du 10 juillet 2007. Dans les

 23   motifs de cette décision, il est dit que je finance M. Radovan Karadzic et

 24   que je fais partie du réseau qui soutient Radovan Karadzic. Je dispose

 25   d'une copie de cette décision.

 26   Q.  Qu'est-il arrivé après cette décision ?

 27   R.  J'ai d'abord demandé à parler avec le représentant habilité du bureau

 28   du haut-représentant en demandant des réponses à certaines questions.


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  1   Malheureusement, je n'ai jamais eu l'occasion d'être reçu par M. Lajcak.

  2   Mais j'ai été reçu à plusieurs reprises par son adjoint, M. Rafik Gojan

  3   [phon]. Lors de la première conversation avec lui, je lui ai demandé la

  4   permission de partir à la retraite, parce que je me posais la question pour

  5   savoir comment j'allais être en mesure de gagner ma vie et de vivre. Mais

  6   pour ces mesures qui ont été prononcées à mon encontre, on m'a interdit de

  7   partir à la retraite, bien que j'aie eu à ce moment-là 42 ans d'ancienneté,

  8   y compris la période de la guerre. Je pense que c'est la période la plus

  9   difficile de ma vie. S'il le faut, je peux développer cette histoire, mais

 10   pour moi c'était une période très douloureuse.

 11   Q.  Est-ce que vous avez été licencié du ministère de l'Intérieur après que

 12   le haut-représentant ait remis sa décision du 10 juillet 2007 ?

 13   R.  J'ai reçu la décision le 10 juillet, et le 11 juillet, à 9 heures du

 14   matin, le ministre de l'Intérieur de la Republika Srpska m'a invité, M.

 15   Cargo, et il m'a donc remis la décision portant sur mon licenciement. Donc

 16   j'ai utilisé tous les remèdes qui étaient à ma disposition pour attaquer

 17   cette décision au niveau de la Bosnie-Herzégovine. J'ai déposé une plainte

 18   auprès du tribunal de première instance et à d'autres tribunaux aux

 19   échelons plus élevés dans la hiérarchie judiciaire. Dans une lettre que

 20   j'ai reçue, il y est écrit que je pouvais m'adresser à la cour pour les

 21   droits de l'homme à Strasbourg, ce que j'ai fait d'ailleurs.

 22   Entre-temps, j'ai continué à m'adresser à des hauts-représentants qui se

 23   sont succédé après M. Lajcak, et je me suis adressé à M. Insk [phon]

 24   également, je pense une vingtaine de fois, en demandant avant tout que je

 25   puisse aller à Belgrade voir ma famille pour le nouvel An, pour Noël, pour

 26   Pâques, mais on ne m'a pas permis de faire toutes ces visites. Puisque je

 27   n'avais pas d'appartement à l'époque, et je n'ai pas d'appartement

 28   aujourd'hui non plus, j'ai dû louer un appartement, et je ne gagnais pas ma


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  1   vie. A l'époque, on ne m'a pas permis de me rendre chez moi et de voir ma

  2   famille à l'occasion des fêtes religieuses.

  3   Q.  Pour ce qui est de cette date du 10 juillet et de votre statut à partir

  4   du 10 juillet, pouvez-vous nous dire jusqu'à quand vous vous trouviez dans

  5   cette situation ?

  6   R.  Après avoir utilisé tous les remèdes juridiques, je me trouvais dans

  7   une situation où j'étais impuissant, et en décembre j'ai décidé d'entamer

  8   la grève de faim. J'ai commencé la grève de la faim devant le bâtiment du

  9   bureau du haut-représentant à Banja Luka. Ma grève de faim a duré 20 jours,

 10   après quoi j'ai été hospitalisé. A l'hôpital, on m'a fourni des soins

 11   adéquats, et j'y suis resté trois ou quatre jours, après quoi on m'a

 12   prescrit encore 15 perfusions, après quoi j'ai reçu l'information du bureau

 13   du haut-représentant, en fait je l'ai appris dans les médias, qu'on va me

 14   rendre mes papiers d'identité à moi et à d'autres 13 personnes, et que je

 15   pouvais circuler hors des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Et en

 16   parlant à des représentants du OHR, j'ai demandé si je pouvais partir à la

 17   retraite. La réponse était positive, et c'est à ce moment-là que j'ai

 18   demandé que je parte à la retraite.

 19   Je ne me souviens pas de la date, je vous ai déjà dit que je me

 20   souviens mal de dates, mais à la mi-décembre l'année dernière, ces

 21   premières mesures d'interdiction étaient levées.

 22   La deuxième mesure d'interdiction, à savoir l'interdiction d'être

 23   fonctionnaire dans des organes administratifs et interdiction de participer

 24   à la vie politique, est toujours en vigueur, et je ne sais pas quand cette

 25   mesure va être levée. Pendant cette période de temps, aucun bureau du

 26   procureur, aucun parquet en Bosnie-Herzégovine n'a intenté de procès à mon

 27   encontre et n'a prouvé non plus que je soutenais Radovan Karadzic.

 28   Lorsqu'il a été arrêté et parti à La Haye, j'ai été accusé de soutenir


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  1   Ratko Mladic et Goran Hadzic. Je ne comprends ni la première ni la deuxième

  2   accusation, mais là je dois dire que ce sont des faits et tout ceci a été

  3   publié.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous parlé avec et avez-vous fait des

  5   déclarations et des entretiens aux représentants du bureau du Procureur de

  6   ce Tribunal; et si cela a été le cas, pouvez-vous nous dire quand et

  7   combien de fois ?

  8   R.  Je pense que j'ai parlé deux fois avec quelqu'un, je ne me souviens pas

  9   avec qui, mais cela n'est pas important. J'ai parlé une fois de Brcko dans

 10   les locaux, peut-être du bureau au haut-représentant. Je pense qu'il

 11   s'agissait des locaux de ce bureau. Et la deuxième fois, je leur ai parlé

 12   en 2006 ou en 2007 dans les locaux du tribunal qui se trouve à Banja Luka.

 13   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous d'avoir été interrogé par

 14   l'enquêteur du Tribunal en tant que suspect ou pas ?

 15   R.  Lors du deuxième entretien, on m'a dit que je n'avais pas de statut de

 16   suspect. Et pour ce qui est de Brcko, je considérais cet entretien comme

 17   étant un entretien entre amis. Mais pour ce qui est de l'entretien qui

 18   s'est déroulé à Banja Luka, c'était un entretien un peu plus sérieux.

 19   Q.  Merci. Revenons à la période pertinente pour ce procès. Jusqu'à quelle

 20   année vous étiez à la tête du poste de sécurité publique de Stari Grad à

 21   Sarajevo ?

 22   R.  J'étais le chef de ce poste de 1986 jusqu'à 2000.

 23   Q.  Vous avez dit jusqu'à 2000 ?

 24   R.  Non, excusez-moi, je suis resté à ce poste jusqu'en 1990.

 25   Q.  Est-ce que de ce poste du chef du poste de sécurité publique Stari Grad

 26   à Sarajevo, vous avez été muté au MUP de la République socialiste de

 27   Bosnie-Herzégovine ?

 28   R.  En 1986, j'ai été muté au poste du chef d'après la décision de Dusko


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  1   Zgonjanin, qui était ministre de l'Intérieur à l'époque. C'était parce que

  2   ce poste de sécurité publique avait beaucoup de problèmes et les résultats

  3   de ses activités n'étaient pas bons qu'on m'a dit que je devais m'occuper

  4   du bon fonctionnement de ce poste. Deux ans après, puisque tous les ans il

  5   y a une sorte de valorisation des résultats de tous les postes, nous nous

  6   trouvions à la cinquième place dans ce palmarès, et après trois ans, à

  7   deuxième place. Vu le résultat de ce poste, la situation s'est stabilisée.

  8   Et je pense que les conditions se sont réunies à l'époque pour continuer à

  9   progresser.

 10   En 1990, il y a eu également des changements au sommet du ministère de

 11   l'Intérieur. M. Dusko Zgonjanin est parti à la retraite et il a été

 12   remplacé par Besic, Muhamed. M. Besic m'a convoqué dans son cabinet. Avant

 13   l'expiration de mon mandat, bien que je me sois attendu à ce que mon mandat

 14   soit renouvelé, on m'a dit qu'ils étaient contents de mon travail, mais

 15   qu'il n'était pas préférable que je reste le chef du poste de sécurité

 16   publique de la municipalité où il y avait 97 % de Musulmans. On m'a dit que

 17   mon mandat ne serait pas renouvelé, que je pouvais, au sein du ministère de

 18   l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine, choisir de partir dans l'administration

 19   de la police ou dans l'administration de la police judiciaire, et que cela

 20   représentait une sorte de solution appropriée pour moi.

 21   Et c'est comme cela j'ai été muté, ou plutôt, je suis revenu au

 22   ministère de l'Intérieur et ai accepté le poste de l'inspecteur dans

 23   l'administration de la police générale, et c'était en 1990.

 24   Q.  Quelles étaient vos tâches concrètes en tant qu'inspecteur du ministère

 25   de l'Intérieur de la RSBH à partir de l'année 1990 ?

 26   R.  Nous les inspecteurs, nous étions chargés de nous occuper de certains

 27   centres de Sécurité. A l'époque, moi j'étais chargé du suivi du

 28   fonctionnement des postes de police en Herzégovine orientale. A l'époque,


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  1   le centre de Sécurité de Trebinje n'était pas formé puisque Trebinje

  2   appartenait au centre de Mostar. Je pense que quelques collègues et moi-

  3   même nous sommes divisés la tâche, et moi j'étais chargé de suivre le

  4   fonctionnement des postes en Herzégovine orientale, et mon collègue, en

  5   Herzégovine occidentale. Moi je devais suivre le fonctionnement et orienter

  6   les activités du poste de sécurité publique qui faisaient partie du

  7   ministère de l'Intérieur.

  8   Q.  Lorsque vous avez dit que l'une de vos tâches était de faire

  9   l'inspection, de suivre et d'orienter les activités de ces postes.

 10   J'aimerais savoir ce que cela veut dire exactement ?

 11   R.  Avant tout, nous nous rendions sur le terrain pour pouvoir vérifier la

 12   légalité des activités d'un poste de sécurité publique, voir quelle était

 13   la situation pour ce qui est de la circulation, de la criminalité, de

 14   l'ordre public. Pour ce qui est de la criminalité, c'était seulement un

 15   aspect, qui était l'aspect dont la police s'occupait.

 16   Et ensuite, les rapports entre les policiers en uniforme et les

 17   citoyens et les autres qui travaillaient, les travailleurs, comme on les

 18   appelait à l'époque; ainsi que les rapports entre les subordonnés et les

 19   supérieurs au sein de ces postes de sécurité publique.

 20   Q.  Vous avez dit que vous avez commencé à occuper ce poste en 1990.

 21   J'aimerais savoir quelle est votre conclusion pour ce qui est de la

 22   situation qui prévalait dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine et au

 23   sein du MUP de la RSBH en général ?

 24   R.  Après les premières élections multipartites en 1945, la situation s'est

 25   stabilisée en Bosnie-Herzégovine, les partis qui l'ont emporté aux

 26   élections. Au ministère de l'Intérieur, la situation est devenue complexe.

 27   Cela concerne avant tout des cadres, les Serbes, les Musulmans et les

 28   Croates, qui, dans le système intérieur, étaient les cadres qui étaient des


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  1   cadres compétents et expérimentés. Mais lorsque les changements sont

  2   survenus au niveau politique, il y a eu de nouveaux cadres qu'on a fait

  3   emmener. Mais ce qui nous a préoccupés, c'était le fait que des cadres qui

  4   y travaillaient depuis des années étaient partis et que d'autres qu'on ne

  5   connaissait pas ou qu'on connaissait superficiellement étaient arrivés au

  6   service. Ce qui nous a poussés à la conclusion que le critère de

  7   professionnalisme ne s'appliquait plus et que l'appartenance à un parti

  8   politique ou à un autre était le critère le plus principal pour ce qui est

  9   de certains postes qui étaient accordés à ces nouveaux, à ces personnes qui

 10   étaient venues.

 11   Q.  Est-ce qu'on procédait en conformité avec des instructions et des

 12   dépêches qui contenaient ces instructions du MUP ? Est-ce que vous, en tant

 13   qu'inspecteur, ainsi que vos collègues, est-ce que vous vous êtes

 14   intéressés à savoir si ces instructions du MUP étaient respectées et

 15   appliquées sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine sur lequel vous vous

 16   rendiez en tant qu'inspecteurs ?

 17   R.  Oui, en partie.

 18   Q.  Est-ce que la ville de Ljubuski se trouve sur le territoire de

 19   l'Herzégovine orientale ? Et dites-moi si, entre 1990 et 1992, vous avez

 20   inspecté le poste de sécurité publique de Ljubuski; et si oui, pouvez-vous

 21   nous dire quelle était la situation qui prévalait là-bas?

 22   R.  M. Avdo Hebib, qui était le chef des services administratifs, m'a donné

 23   l'ordre de me rendre à Ljubuski parce que le commandant du poste de police

 24   qui était en poste là-bas avait été remplacé et un nouveau commandant

 25   d'appartenance ethnique musulmane devait être nommé à ce poste. Et je

 26   devais être présent pour la passation du pouvoir, et je devais rester là-

 27   bas pour épauler ce commandant de ce poste de police.

 28   J'ai été surpris, car c'était la première fois, et j'ai été très bien reçu.


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  1   Mais si vous me le permettez, et je vous prie de m'excuser auprès des Juges

  2   de la Chambre, on m'a dit qu'un Turc ne pourrait jamais devenir chef du

  3   poste de sécurité publique de Ljubuski, que je pouvais déjeuner là-bas, je

  4   pouvais prendre un café et retourner à Sarajevo, et que j'étais tout à fait

  5   libre de faire rapport à mes supérieurs à Sarajevo, qu'ils ne seraient pas

  6   disposés à accepter ce type de décision à Ljubuski.

  7   Q.  Un moment, s'il vous plaît. Le chef de ce poste de sécurité publique

  8   est de quel groupe ethnique ?

  9   R.  C'était un Croate.

 10   Q.  J'aimerais savoir si la ville de Ljubuski est à majorité croate ?

 11   R.  Autant que je sache, la majorité des habitants étaient croates, je

 12   dirais peut-être 80 %, et il y avait 20 % de Musulmans. Mais je crois qu'il

 13   n'y avait pas vraiment de Serbes dans cette zone. C'est une municipalité

 14   qui se trouve en Herzégovine occidentale.

 15   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à peu près de la date de ces événements ?

 16   R.  Eh bien, je crois que cela s'est passé en 1991. Et d'ailleurs, je crois

 17   que c'était durant la deuxième moitié du mois de septembre, parce que

 18   c'était pendant la période des vendanges et il y avait énormément de fruits

 19   à ramasser là-bas.

 20   Q.  Merci. Vous aviez commencé à répondre et je vous ai interrompu. Vous

 21   disiez qu'alors que vous repartiez en direction de Sarajevo, et cetera, et

 22   cetera.

 23   R.  Alors que je quittais la ville, la ville de Ljubuski, sur le côté droit

 24   de la route, il y avait et il y a probablement toujours un terrain de foot.

 25   Au niveau de ce stade de football, nous avons vu environ 200 ou 300 hommes

 26   jeunes; c'est une évaluation. Ils portaient des pantalons de camouflage et

 27   des chemises noires avec le signe d'un échiquier, et ils étaient en

 28   exercice. Etant donné que c'est à proximité de la route, on pouvait voir ce


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  1   qui était mentionné sur l'emblème ou sur le signe qui ressemblait à un

  2   échiquier sur la manche gauche, et c'était marqué clairement HOS. C'est la

  3   première fois que je voyais une structure paramilitaire. C'est ce que j'ai

  4   vu.

  5   Q.  Etant donné que M. Hebib, votre responsable, le chef du service au sein

  6   duquel vous travailliez, étant donné que c'est lui qui vous avait envoyé

  7   là-bas, est-ce que vous avez fait rapport à M. Hebib de ce qui se passait

  8   là-bas ?

  9   R.  Nous nous devions de faire rapport à chaque fois que l'on partait en

 10   déplacement et quand on ne revenait au siège. Bien sûr, j'ai écrit une note

 11   officielle sur tout ce que j'avais vu au stade de Ljubuski. J'ai transmis

 12   cela, mais il n'y a pas eu d'autre suite.

 13   Q.  Monsieur Andan, alors que vous occupiez le poste d'inspecteur principal

 14   de première classe au ministère de l'Intérieur de la RSBH, avec qui

 15   partagiez-vous un bureau ?

 16   R.  Enver Dupovac, c'était mon collègue, et il était au même niveau

 17   hiérarchique que moi.

 18   Q.  Et Avdo Hebib était votre supérieur direct, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, c'était le responsable. Le chef de l'administration, il s'appelait

 20   Avdo Hebib, et son adjoint était Cedo Kljajic.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire si Avdo Hebib était policier de carrière ?

 22   R.  M. Avdo Hebib travaillait au dispensaire du MUP républicain de Bosnie-

 23   Herzégovine, il était psychologue. Pendant de nombreuses années, il avait

 24   essayé de travailler au sein du ministère de l'Intérieur. Mais il devait

 25   faire face à un problème : son père, d'après les vérifications que la

 26   police secrète avait faites, était membre de ce qu'on appelait la Division

 27   Handzar durant la Deuxième Guerre mondiale. Il avait donc été déclaré

 28   criminel de guerre, et, par conséquent, d'après les critères qui


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  1   s'appliquaient à l'époque, Avdo ne pouvait pas briguer un poste au sein du

  2   ministère de l'Intérieur. Et étant donné qu'il souhaitait être transféré au

  3   ministère de l'Intérieur, il y est arrivé lorsque le SDA et d'autres partis

  4   politiques sont arrivés au pouvoir. Il a été immédiatement nommé ministre

  5   adjoint ou sous-secrétaire d'Etat pour les services de police.

  6   Q.  Monsieur Andan, à l'époque, quelle était la politique en matière de

  7   ressources humaines au sein du ministère de l'Intérieur de la RSBH ?

  8   R.  Je crois que cette politique en matière de ressources humaines n'était

  9   pas vraiment basée sur des principes, notamment pour ce qui était du

 10   personnel bosno-musulman. Je vais vous donner deux exemples. En tant que

 11   chef du poste de sécurité publique, je pouvais intenter des poursuites au

 12   pénal contre un policier. Et le policier dont je parle a donc été puni pour

 13   des délits qu'il aurait commis, et on avait mis fin à son emploi. C'était

 14   une décision du ministère. Et lorsque le système multipartite a été mis en

 15   place en Bosnie-Herzégovine, un beau matin, ce policier est arrivé à

 16   l'entrée du SUP républicain et était responsable de la sécurité pour les

 17   gens qui entraient et sortaient du bâtiment.

 18   Le deuxième exemple c'est Celo Bajramovic, feu Celo Bajramovic maintenant.

 19   En 2003, il avait été arrêté alors qu'il travaillait à Novo Sarajevo. Il

 20   avait été condamné à 14 ans d'emprisonnement, et c'était en fait une peine

 21   exemplaire à l'époque en raison des crimes de droit commun qu'il avait

 22   commis. Il a donc été condamné, comme je le disais, à 14 ans de prison. Et

 23   un beau matin, je me préparais à travailler, et une automobile qui s'était

 24   retournée sur le toit dans la rue a créé pas mal de problème, et j'ai

 25   demandé donc à un policier qui avait fait cela. Et il m'a dit : Il vaut

 26   mieux ne pas demander. C'est un désastre. Et j'ai dit : Pourquoi est-ce que

 27   c'est un désastre, une catastrophe ? Il m'a dit : C'est Bajramovic qui a

 28   utilisé sa carte d'identité de fonction, il a fait cela et il a dit :


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  1   Faites ce que vous voulez avec le véhicule. C'est un exemple parmi d'autres

  2   de ce qui se passait en 1991 en ce qui concerne la politique des ressources

  3   humaines au sein de cette structure.

  4   M. ZECEVIC : [interprétation] Pour illustrer cela, est-ce que l'on pourrait

  5   présenter au témoin le document 1D347, intercalaire numéro 1. Monsieur le

  6   Président, Messieurs les Juges, j'ai un classeur contenant des documents

  7   qui a été préparé. Est-ce que je pourrais demander l'aide de l'huissier de

  8   façon à ce que le témoin puisse recevoir ce classeur.

  9   Q.  Monsieur Andan, tout d'abord, je voudrais vous poser une question :

 10   quel était le nom de celui qui occupait le poste de ministre adjoint pour

 11   les questions de personnel au sein du MUP de la RSBH ?

 12   R.  Avant cela, il était le directeur de la brasserie de Sarajevo, et je

 13   crois qu'il s'appelle Ibro Selimovic.

 14   Q.  Est-ce que vous savez si ce monsieur dénommé Hilmo Selimovic a été, à

 15   un moment donné durant l'année 1991, remplacé par quelqu'un d'autre ?

 16   R.  Oui. Je crois qu'il n'a pas occupé ce poste pendant très longtemps. Si

 17   je me souviens bien, M. Mirsad Srebrenikovic l'a remplacé. Mais si je me

 18   souviens bien, il est venu de Zagreb et a pris donc ses fonctions.

 19   Q.  Veuillez regarder le document devant vous. C'est un document avec une

 20   signature dactylographiée. Il s'agit d'un document émanant du Parti pour

 21   l'Action démocratique. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous

 22   pensez de ce document, document comportant une signature dactylographiée --

 23   L'INTERPRÈTE : -- dont le nom n'a pas été saisi par l'interprète de cabine

 24   française.

 25   M. ZECEVIC : [interprétation]

 26   Q.  Ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est de savoir si ce

 27   document illustre ce qui se passait au niveau des ressources humaines du

 28   ministère de l'Intérieur de la RSBH ?


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  1   R.  Oui, tout à fait. Cela illustre tout à fait la situation, situation qui

  2   a vu le jour lorsque Jusuf Pusina a pris ses fonctions en tant que chef de

  3   police, ainsi que Mirsad Srebrenikovic. La politique en matière de

  4   personnel s'est radicalisée. Selimovic était en poste comme Avdo Hebib, et

  5   ils s'assuraient du bien-être du personnel qui était en place de longue

  6   date et qui s'acquittait de ses obligations de manière tout à fait

  7   correcte. Une fois que M. Pusina et M. Srebrenikovic, qui n'était pas

  8   vraiment connu des membres du personnel, une fois qu'ils ont été en poste,

  9   et ensuite nous avons appris qu'il venait de Zagreb, et qu'un de mes

 10   collègues a commencé à décrire leur politique, ils ont commencé à nommer

 11   des personnes qui venaient directement de la mosquée. Je ne sais pas si M.

 12   Srebrenikovic avait un poste dans une structure religieuse auparavant ou

 13   s'il travaillait au niveau du département religieux à Zagreb, ça, je n'en

 14   suis pas sûr, mais je sais qu'il était bien introduit dans ces différents

 15   cercles.

 16   Il est évident d'après cette lettre que le Parti de l'Action démocratique

 17   avait une influence directe sur la politique en matière de personnel et que

 18   le parti avait donné des instructions à tous les centres de Sécurité,

 19   instructions qui devaient être suivies par le chef en matière de politique

 20   concernant le personnel. C'était donc en fonction de critère qui était

 21   souhaité par le SDA. Les décisions en matière de personnel au niveau des

 22   SJB devaient également faire l'objet d'un accord par le SDA, et le même

 23   principe s'appliquait également à des niveaux supérieurs.

 24   Q.  Dans votre précédente réponse, vous avez prêté des propos à vos

 25   collègues en ce qui concerne M. Srebrenikovic et sa nomination, et vous

 26   nous avez donné le prénom et le nom de ce collègue, mais ça n'a pas été

 27   consigné au compte rendu d'audience parce que vous avez parlé très vite.

 28   Est-ce que vous pourriez nous redonner le nom de la personne et nous


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  1   expliquer de qui il s'agissait exactement ?

  2   R.  Il s'agit de Kemal Sabovic.

  3   Q.  M. Sabovic était de quelle appartenance ethnique ?

  4   R.  C'était un Bosno-Musulman. Il travaillait au sein des services de

  5   police et il était chef du département des services généraux de la police.

  6   C'était un collègue à moi. Kemal Sabovic et moi-même, nous nous connaissons

  7   depuis plus de 40 ans.

  8   Q.  Est-ce que vous voyiez M. Sabovic en dehors du travail ?

  9   R.  C'était la seule personne du bureau que je voyais en dehors du travail.

 10   On s'invitait mutuellement chez nous. Nous étions de bons amis. Nous étions

 11   en fait amis avec la famille.

 12   Q.  Est-ce qu'il travaillait également au sein du MUP de la RSBH, au sein

 13   des services de police, il s'entend ?

 14   R.  Effectivement, oui, nous nous sommes rencontrés la première fois en

 15   1983 au travail lorsque j'ai été nommé chef du poste de police de Novo

 16   Sarajevo. A l'époque, il était l'adjoint au secrétaire municipal pour le

 17   MUP. Ensuite, j'ai été muté dans la municipalité de Stari Grad, et il est

 18   devenu inspecteur au sein du MUP républicain.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais que l'on revienne à la question du

 20   personnel ou des ressources humaines au sein du ministère de l'Intérieur en

 21   RSBH. Nous avons déjà parlé du document qui est à l'écran. Pourriez-vous

 22   nous dire, s'il vous plaît, ce qu'il en était des autres partis politiques

 23   nationaux, et je fais référence au HDZ et au SDS ? Est-ce qu'ils avaient

 24   une politique en matière de personnel qui était similaire à celle du SDA ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et ces autres partis politiques, est-ce qu'ils nommaient également des

 27   personnes qui n'avaient pas vraiment les compétences nécessaires pour

 28   occuper les postes en question ?


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  1   R.  Oui.

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche le document

  3   de la liste 65 ter 781D1, intercalaire 1D.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Zecevic, si je ne m'abuse, le

  5   document qui est encore à l'écran n'a reçu qu'une cote provisoire. Par

  6   conséquent, j'aimerais vous demander si le fait que vous avez présenté ce

  7   document au témoin avait pour objectif de lever la cote MFI et de lui

  8   donner une cote à part entière ?

  9   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de m'avoir rappelé

 10   cela. Effectivement, je voudrais que ce document devienne un document à

 11   part entière et qu'on lève la cote MFI. Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Fort bien.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

 14   d'audience, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit de la

 15   pièce 1D347.

 16   M. ZECEVIC : [hors micro]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Votre micro, s'il vous plaît.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, le document que vous avez devant vous est une

 20   dépêche émanant du MUP de la RSBH signée par Vitomir Zepinic, ministre

 21   adjoint, en date du 20 février 1992. Pourriez-vous faire des commentaires

 22   sur ce document, si tant est que vous le puissiez ?

 23   R.  Eh bien, en fait, dans la même aile du bâtiment du MUP républicain,

 24   vous aviez en fait tous les services, y compris le service pour les

 25   préparations à la défense. Nous avons été vraiment très surpris, si ce

 26   n'est choqués, par le contenu de cette dépêche, à savoir que M. Jasarevic

 27   prendrait en charge les préparatifs en matière de défense. Nous pensions

 28   qu'il n'était pas du tout à même d'occuper un poste aussi important, qu'il


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  1   ne serait pas à la hauteur. Il était secrétaire adjoint ou chef adjoint au

  2   poste de sécurité publique pour les mêmes tâches.

  3   Mais c'était en fait une promotion sautant énormément de niveaux de passer

  4   du secrétariat municipalité à un niveau ministériel. Cette promotion

  5   accélérée n'avait jamais eu lieu dans toute l'histoire du ministère de

  6   l'Intérieur. C'était encore un autre exemple qui montrait bien que les

  7   critères professionnels et le parcours d'un candidat n'étaient pas pris en

  8   compte et que la seule chose qui était importante c'était la carte d'un

  9   parti et l'affiliation à un parti.

 10   Ce qui nous a choqués, c'est qu'il était censé être responsable de

 11   toutes les forces de réserve de toutes les forces de police en Bosnie-

 12   Herzégovine. A des niveaux inférieurs, chaque poste de police disposait de

 13   sa propre force de police de réserve, mais lorsque l'on montait dans la

 14   hiérarchie, vous aviez également la même structure, la même logique, et

 15   vous aviez des forces de réserve pour tous les services de police, et ceci

 16   était un énorme morceau qui semblait être beaucoup trop important pour une

 17   personne telle que lui. Donc cette décision était complètement désastreuse

 18   et catastrophique pour la police.

 19   Q.  Quand vous dites "nous" au sein des services de police, de qui parlez-

 20   vous ?

 21   R.  Il est peut-être difficile de décrire cette situation et que les gens

 22   qui n'étaient pas en Bosnie-Herzégovine comprennent. Il y avait peu de

 23   personnes à qui l'on pouvait parler ouvertement, à qui on pouvait dire : Ce

 24   n'est pas une bonne décision, cette décision n'est pas appropriée. A cette

 25   époque, c'est-à-dire en 1992, il y avait déjà des distensions nationales

 26   entre les employés. Même ceux qui étaient amis durant le régime socialiste,

 27   ils ont commencé à se séparer le long des lignes ethniques.

 28   Une des rares personnes à qui je pouvais parler était M. Kemal


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  1   Sabovic, qui partageait complètement mon opinion en ce qui concerne M.

  2   Jasarevic et sa nomination. M. Sabovic n'avait la carte d'aucun parti

  3   politique, et c'est la raison pour laquelle il était en mesure de parler si

  4   ouvertement à mon attention. De plus, ce n'était pas un favori au sein du

  5   SDA, même si c'était un Musulman. Et c'est la raison pour laquelle il

  6   pensait qu'il pouvait me dire le fond de sa pensée.

  7   Q.  Merci.

  8   M. ZECEVIC : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, je souhaiterais

  9   verser ce document au dossier.

 10   M. HANNIS : [interprétation] Ma seule objection c'est qu'on n'a pas montré

 11   ce document à M. Zepinic lorsqu'il est venu déposer. Mais il me semble que

 12   ceci s'est vraiment produit, donc je n'ai pas d'objection à ce sujet. Mais

 13   j'ai une objection quant à des documents qui n'ont pas été présentés à

 14   l'auteur de ceux-ci lorsque celui-ci est venu déposer auparavant.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Cette pièce sera acceptée et recevra une

 16   cote.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 1D546.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, est-ce que je

 19   pourrais donner une autre explication concernant le document.

 20   M. ZECEVIC : [interprétation]

 21   Q.  Oui, je vous en prie, allez-y.

 22   R.  Il est vrai que M. Zepinic a signé ce document. Cependant, il faut

 23   garder à l'esprit que les partis politiques ou leurs représentants avaient

 24   déjà décidé de qui occuperait ce poste, et M. Zepinic devait donc signer

 25   quelque chose qui avait déjà été rédigé et qui avait déjà fait l'objet

 26   d'une décision. Je n'essaie pas de justifier les actions de M. Zepinic,

 27   mais c'est ainsi que les choses se sont déroulées.

 28   Q.  Merci.


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  1   M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait vous présenter un

  2   autre document de la liste 65 ter portant la référence 822D1, intercalaire

  3   1C.

  4   Q.  Ce document, Monsieur le Témoin, porte sur les événements du 29 février

  5   et du 1er mars 1992 à Sarajevo ainsi que sur les barricades qui ont vu le

  6   jour quelques jours plus tard dans les rues de Sarajevo. Est-ce que vous

  7   pourriez nous expliquer rapidement ce que vous savez concernant ces

  8   événements et concernant les barricades qui ont été érigées ?

  9   R.  Est-ce que vous voulez que je vous explique d'abord les événements du

 10   1er mars et ensuite ce qui a suivi, ou vous voulez que je passe tout de

 11   suite aux barrages ?

 12   Q.  Non, non. Les événements du 1er mars et ensuite les barrages routiers,

 13   les barricades.

 14   R.  D'après ce qu'on a su, et ultérieurement suite à mes activités

 15   opérationnelles, j'ai appris de façon indubitable qu'il y a eu un homme de

 16   tué qui participait à un mariage. Et ça a été la mèche qui va donner lieu à

 17   tous les autres événements qui sont produits en Bosnie-Herzégovine.

 18   Le service de l'Intérieur a fait obstruction pour ce qui est de

 19   l'enquête qui devait être diligentée pour ce qui est d'identifier l'auteur

 20   et pour ce qui était de le poursuivre en justice. Ultérieurement, nous

 21   avons appris que c'était plutôt des informations et vérifications de faites

 22   à titre privé, et c'est, entre autres, par là que j'ai appris que le

 23   meurtre était commis par un dénommé Rasim Delalic [phon], surnommé Celo.

 24   Chose incroyable, c'est que le chef du poste de police de l'époque à Stari

 25   Grad, qui était chef de police lorsque moi j'ai été directeur, un dénommé

 26   Izmet Dahic, l'a transporté par un véhicule officiel du MUP pour le

 27   transporter vers Travnik et pour le faire se cacher là-bas à Travnik.

 28   Q.  Un instant, pour que les choses soient tirées au clair. Ça, c'est un


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  1   événement daté du 1er mars 1992, n'est-ce pas ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Vous avez été chef du poste de sécurité publique à Stari Grad jusqu'en

  4   1990, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Alors, ce Ismet Dahic, quand a-t-il commencé à exercer ses fonctions de

  7   commandant du poste de sécurité publique à Stari Grad ?

  8   R.  Etant donné qu'à l'époque on tenait compte de la structure ethnique,

  9   moi, en ma qualité de directeur, j'étais du groupe ethnique serbe, donc la

 10   chose logique c'est que le commandant, mon collaborateur le plus proche,

 11   soit un ressortissant d'un autre groupe ethnique. Je connaissais Dahic

 12   Ismet, il était le chef des blindés au ministère de l'Intérieur, faisant

 13   partie des rangs d'unités spéciales. J'ai proposé à Grgisa Munac [phon],

 14   qui était chef de l'administration de la police, de m'autoriser à le faire

 15   nommer chef de poste de police à Stari Grad, et c'est vers la fin de 1986

 16   qu'il est arrivé à ce poste de travail.

 17   Q.  Alors, si je vous ai bien compris, c'est suite à recommandation de

 18   votre part que cet Ismet Dahic a été nommé chef de ce poste de sécurité

 19   publique à Stari Grad dans Sarajevo ?

 20   R.  Il n'y a pas que lui. Jusuf Pusina est devenu ce qu'il est devenu suite

 21   à une recommandation de ma part. Mais pour ce qui est de Dahic, j'ai

 22   précisé que c'était suite à ma recommandation à moi qu'il était devenu chef

 23   de ce poste de police à Stari Grad.

 24   Q.  Mais est-ce de ce fait-là que vous avez dit que vous étiez surpris par

 25   l'information suivant laquelle cet Ismet Dahic avait pris un véhicule de

 26   service pour transporter l'auteur de ce crime commis le 1er mars 1992 vers

 27   Travnik ?

 28   R.  C'était un collaborateur tout à fait correct. Je dirais que c'était un


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  1   bon chef du poste de police. J'ai été surpris d'apprendre que c'était lui

  2   qui avait fait ce type de choses à l'époque.

  3   Q.  Merci.

  4   M. ZECEVIC : [interprétation] Je vois l'heure, Monsieur le Président. Je ne

  5   sais pas si nous allons nous en tenir à ce qui est déjà établi.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous allons reprendre dans 20

  7   minutes.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 13   Q.  Monsieur Andan, veuillez me dire si, ce soir-là, après l'événement de

 14   Bascarsija, vous avez été convoqué au ministère de l'Intérieur ?

 15   R.  Je pense que ça s'est fait le même soir, parce que par le biais du

 16   service de permanence du ministère de l'Intérieur, on nous a lancé un

 17   appel. Il était tard dans la nuit. Je crois qu'il devait être presque

 18   minuit. Et il s'agissait donc pour moi d'aller au ministère de l'Intérieur,

 19   mais on n'a pas dit quelles étaient les raisons pour lesquelles on était

 20   convoqués. Alors, moi j'ai été l'un de ceux qui étaient venus au ministère

 21   pour voir de quoi il s'agissait. On nous a dit que ce serait dit, que les

 22   raisons de notre convocation nous seraient communiquées une fois arrivés.

 23   Q.  Qui vous a donné les raisons de cette convocation et qui a été présent,

 24   si tant est que vous vous en souvenez, je veux dire au ministère de

 25   l'Intérieur de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine ce soir-là ?

 26   R.  Malheureusement, personne ne nous a donné les raisons pour lesquelles

 27   on nous a fait venir. Pour parler de façon argotique, on allait et venait.

 28   On ne savait pas pourquoi on était venus. Et quelqu'un des collègues a dit


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  1   que les Serbes avaient posé -- sur le pont Vrbanja et coupé la

  2   communication vers Pofalici, ce qui faisait que la ville était coupée en

  3   deux parties. Mais aucun ordre ne nous a été donné pour ce qui était

  4   d'entreprendre des activités nous-mêmes. Tôt le matin, quelqu'un a eu

  5   l'idée d'aller jusqu'à Bascarsija parce que c'est là qu'on commençait à

  6   travailler le plus tôt dans la ville, on y faisait ces petites galettes

  7   chaudes, et on a voulu aller voir s'il y avait moyen d'acheter quelque

  8   chose à manger.

  9   Donc nous avons décidé, M. Teufik Music, un collègue à moi, et moi-

 10   même sommes allés apporter de quoi à manger et revenir au ministère de

 11   l'Intérieur. Je dirais même que Teufik Music c'est un collègue qui a

 12   travaillé avec moi au niveau de la Sûreté de l'Etat et au niveau de la

 13   sécurité publique. C'est un habitant de la municipalité de Stari Grad.

 14   C'est une petite citée qui s'appelle Vratnik. Et on a pris une voiture pour

 15   aller à Bascarsija et on nous a arrêtés au niveau de la mairie par des

 16   hommes en uniforme que nous ne connaissions pas jusque-là. Parce qu'il y

 17   avait des hommes qui étaient en tenues civiles, mais il y avait aussi des

 18   personnes en uniforme et qui portaient des armes à canon long. Bien sûr, on

 19   s'est arrêtés. Nous avons reconnu, Teufik Music et moi-même, un dénommé

 20   Sulejman Agic, surnommé Suljo. Du temps où j'étais directeur, lui était

 21   chef d'équipe au poste de police de Stari Grad.

 22   On a échangé quelques propos et ils nous ont laissés passer. Teufik

 23   souhaitait aller jusqu'à Vratnik, jusqu'à chez lui, pour ramasser quelque

 24   chose. Aussi, sommes-nous allés d'abord à Vratnik.

 25   Q.  Une petite question en passant. Ce dénommé Suljo Agic, était-ce un

 26   policier d'active à l'époque en 1992 ?

 27   R.  Oui. Pour autant que j'ai pu m'en rendre compte, ils étaient six ou

 28   sept, mais lui était le seul policier d'active parmi eux.


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  1   Q.  Mais qui était les autres personnes présentes ?

  2   R.  Une partie de ces personnes, deux ou trois d'entre eux, portaient des

  3   uniformes des effectifs de réserve de la police. Ils portaient des

  4   vêtements divers en laine épaisse. C'est ainsi qu'étaient vêtus tous les

  5   réservistes de la police de Bosnie-Herzégovine à l'époque. Des deux ou

  6   trois autres, il y en avait qui avaient un blouson de cuir et un blue-jean,

  7   ils portaient des bottines militaires, et ils portaient aussi un fusil. De

  8   quelle structure faisaient-ils partie à l'époque, je l'ignore vraiment,

  9   mais j'ai trouvé inconcevable que quelqu'un en civil puisse participer à la

 10   réglementation de circulation en civil et portant une arme à canon long.

 11   Q.  Excusez-moi, je vous avais interrompu. Vous disiez que vous étiez

 12   d'abord partis à Vratnik. Qu'est-il arrivé là-bas ?

 13   R. Je suis resté assis dans la voiture pendant que Teufik était monté chez

 14   lui pour prendre quelque chose - je ne sais plus ce dont il s'agissait -

 15   puis j'ai remarqué que c'est la vieille cité, c'est-à-dire que les rues

 16   sont étroites, les maisons s'appuient les unes sur les autres et il y a

 17   beaucoup de petites ruelles. Et puis, il y a des gens qui ont commencé à

 18   sortir de ces maisons avec des armes pour aller vers la maison des sapeurs-

 19   pompiers. Ça, ça m'a alors abasourdi. J'étais terriblement surpris parce

 20   que je sais que personne n'avait donné d'ordre de mobilisation des

 21   effectifs de réserve de la police. Lorsque Teufik est revenu, je lui ai dit

 22   : Tufo - parce que c'était son surnom - Tufo, de quoi s'agit-il ? Et il a

 23   dit : Non, non, laisse tomber. La population s'organise elle-même. Là-bas,

 24   les Serbes ont fait ceci, et puis les gens se sont organisés. Enfin, j'ai

 25   trouvé que la chose était très étrange.

 26   On est redescendus vers Bascarsija, on a pris des galettes chaudes et

 27   on est allés au bâtiment du ministère de l'Intérieur de la république. On a

 28   partagé avec des collègues, et on n'a reçu aucun ordre. Personne ne nous


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  1   informait de rien. C'est vers la matinée, il se peut qu'il ait déjà été

  2   vers 9 heures du matin, que j'ai indiqué que j'allais rentrer chez moi.

  3   Mais j'étais censé passer par le barrage routier pour arriver jusqu'à chez

  4   moi. A un moment donné, on nous a dit : On ne sais pas pourquoi on vous va

  5   a appelés et qui vous a appelés, mais vous pouvez rentrer chez vous. Mais

  6   vous ne pourrez pas passer tant qu'il y aura des barrages routiers là-bas.

  7   Alors, qui habitait vers le centre depuis Vrbanja Most pouvait y aller, il

  8   pouvait rentrer. Mais ceux qui habitaient derrière les barrages routiers,

  9   là on disait qu'il était dangereux de passer par ces barrages routiers. Moi

 10   j'ai pris le risque quand même. Je suis arrivé au pont Vrbanja, j'ai laissé

 11   la voiture dans une petite rue secondaire, et j'ai vu des hommes en armes.

 12   Certains portaient des bas de femme sur la tête, certains portaient des

 13   couvre-chefs, et d'autres on pouvait les identifier de façon tout à fait

 14   normale. Alors, il y a un grand gaillard qui s'est approché de moi. Je m'en

 15   souviens bien. Il m'a dit : Où vas-tu ? Alors, je lui ai expliqué que

 16   j'habitais -- enfin, j'étais en uniforme moi. Je lui ai dit que j'habitais

 17   à Dolac Malta et que j'étais censé passer. Et quelqu'un dans son dos a dit

 18   de me laisser passer. Je leur ai demandé de patienter pour que je prenne ma

 19   voiture et je suis passé par ce barrage routier pour aller jusqu'à mon

 20   appartement.

 21   Q.  Veuillez m'indiquer, Monsieur Andan, vous souvenez-vous si cette

 22   nuit-là Cedo Kljajic s'était trouvé au bâtiment du MUP de la République

 23   socialiste de Bosnie-Herzégovine, à vos côtés je veux  dire ?

 24   R.  Autant que je m'en souvienne, oui.

 25   Q.  Dites-nous alors, parce que vous avez sous les yeux un document

 26   qui se trouve sur nos écrans. C'est un document qui porte un intitulé :

 27   "Conditions de négociation." Et puis, on voit l'intitulé qui dit cellule de

 28   Crise du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Puis, sur les autres pages, on


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  1   donne des articles de loi, des amendements à la constitution, et cetera.

  2   Alors, veuillez m'indiquer quelles ont été, au sujet de ces barrages

  3   routiers, les informations opérationnelles que le ministère de l'Intérieur

  4   de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine avait en sa possession

  5   pour ce qui est de savoir qui avait organisé ces barrages routiers dans

  6   Sarajevo ?

  7   R.  Ce que nous avons appris par des vérifications ultérieures, le

  8   chef de cette cellule de Crise c'était un dénommé Rajko Djukic. Et aux

  9   côtés de Momcilo Mandic, d'après ce que les informations opérationnelles

 10   nous ont dit à l'époque, c'est ces deux-là qui ont été les organisateurs,

 11  c'est eux qui ont pris l'initiative d'organiser ces barrages routiers le 1er

 12   ou 2 mars. Je ne sais plus au juste. Pour ce qui est des autres individus,

 13   je ne saurais vous en parler. Ce que je sais seulement, c'est que Momcilo

 14   Mandic, en sa qualité d'organisateur de ces barrages routiers, était venu

 15   au ministère de l'Intérieur. Et il y avait dans la voiture à ses côtés

 16   Kemal Sabovic. C'est lui qu'il a fait passer par ces barrages routiers en

 17   lui affirmant qu'il voulait seulement un traitement différent à l'égard des

 18   Serbes par rapport aux autres groupes ethniques, référence faite aux autres

 19   événements qui s'étaient produits dans la ville de Sarajevo. C'était une

 20   espèce de révolte, entre guillemets, de la population qui ne voulait pas

 21   donc voir les choses être résolues de la façon dont cela se faisait jusque-

 22   là, et ce, pour contrecarrer tout problème. Et je sais que du fait du

 23   passage de Kemal par ces barrages routiers, on lui a fait des reproches.

 24   C'est des membres du SDA qui lui avaient fait des reproches. Et je crois

 25   qu'il a été, disons, grondé pour ce qui est de cette façon de se comporter

 26   et pour avoir répondu à l'invitation de Momcilo Mandic s'agissant de la

 27   traversée de ces barrages routiers.

 28   Q.  Monsieur Andan, est-ce qu'au niveau de l'administration de la


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  1   police à l'époque, vous avez obtenu des informations opérationnelles

  2   indiquant que Mico Stanisic, à quelque point de vue que ce soit, avait joué

  3   un rôle au sujet de ces barrages routiers qui ont été érigés à Sarajevo le

  4   1er ou 2 mars de l'année 1992 ?

  5   R.  Je n'ai pas eu à disposer de ce genre d'information, non.

  6   Q.  Est-ce que l'un quelconque de vos collègues, suite à cela, vous aurait

  7   fait savoir qu'eux avaient obtenu des informations de ce type ?

  8   R.  Ecoutez, pour être tout à fait sincère, j'ai surtout échangé mes

  9   informations avec Kemal Sabovic. A aucun moment de l'époque il ne m'avait

 10   indiqué que Mico Stanisic avait eu quoi que ce soit à voir avec

 11   l'organisation de l'érection de ces barrages routiers dans Sarajevo.

 12   Q.  Merci. Alors, puisqu'on est en train de parler de M. Stanisic, est-ce

 13   que vous pouvez nous dire si vous avez - et si oui, depuis quand - eu à

 14   connaître Mico Stanisic à l'époque ?

 15   R.  Je ne sais pas vous donner de date exacte. Il se peut que l'année ait

 16   été 1976 ou 1977. Il me semble que je l'ai vu pour la première fois à Stup.

 17   C'est une cité non loin d'Ilidza. Il fréquentait une voisine à moi à

 18   l'époque, et c'est pratiquement la première fois que je l'ai rencontré. Il

 19   me semble que c'est elle qui m'avait dit que lui -- enfin, au bout de

 20   quelques jours, elle m'a dit que lui était membre du ministère de

 21   l'Intérieur, il travaillait pour le ministère de l'Intérieur de la ville à

 22   Sarajevo.

 23   Q.  Dites-moi, ce document qui se trouve devant vous, à son sujet, vous

 24   avez indiqué tout à l'heure qu'à la tête de la cellule de Crise il y avait

 25   un dénommé Rajko Djukic. D'où était donc originaire ce M. Djukic ?

 26   R.  Oui. A la tête de la cellule de Crise il y avait ce dénommé Rajko

 27   Djukic. Ce qu'il convient de dire, c'est que le Rajko Djukic en question

 28   c'était un membre de la commission chargée des cadres au Parti démocratique


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  1   serbe. Il était originaire de Milici. Il avait été directeur d'une mine de

  2   bauxite à Milici, et il me semble qu'à l'occasion d'une transformation de

  3   nature liée au titre de propriété de cette mine, il a eu un rôle à jouer

  4   dans tout ceci.

  5   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire si la proclamation faite par la

  6   population serbe de Bosnie-Herzégovine, c'est un document que vous auriez

  7   vu à l'époque ?

  8   R.  Non, je ne l'ai pas vu à l'époque.

  9   Q.  Merci. Alors, une fois que vous avez vu pour la première fois Mico

 10   Stanisic en 1976-1977, avez-vous eu l'occasion de le revoir ultérieurement

 11   à cette période; et si oui, dites-nous quelque chose à ce sujet ?

 12   R.  Ce que j'ai pu apprendre après cette première rencontre, au sujet de

 13   Mico Stanisic, c'est qu'il avait terminé ses études à l'école du ministère

 14   de l'Intérieur à Sarajevo. Alors, était-il déjà cette année-là étudiant à

 15   la faculté de droit, je ne le sais pas, mais je sais que par la suite il a

 16   terminé ses études de droit à Sarajevo. J'ai ouï dire en je ne sais quelle

 17   année qu'il était mécontent de son statut au ministère de l'Intérieur, et,

 18   de ce fait, il est parti travailler pour une compagnie qui s'appelait UPI,

 19   qui a des activités agricoles, la vente de matériel et de machines

 20   agricoles.

 21   J'étais dans ce poste municipal de l'Intérieur et je suis allé à UPI parce

 22   qu'ils avaient aussi un secteur de distribution de denrées agricoles dans

 23   la ville de Sarajevo. Le directeur de cette entreprise était un dénommé

 24   Avdo Skaljic, et l'épouse de cet Avdo était président du conseil exécutif

 25   de la municipalité où j'étais chef de la police. Et on est allés à ce titre

 26   à UPI, dans cette entreprise. C'est là que j'ai vu pour la deuxième fois ce

 27   Mico Stanisic, à qui je dis bonjour parce que c'était un ex-collègue, et on

 28   m'a dit que c'était le directeur adjoint, donc le remplacement de cet Avdo


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  1   Skalic qui était directeur de cette entreprise.

  2   Q.  Saviez-vous que ce Mico Stanisic était revenu au ministère de

  3   l'Intérieur de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine; et si c'est

  4   le cas, avez-vous eu vent du poste qu'il a occupé ?

  5   R.  Oui, bien sûr que j'ai eu connaissance de ceci. Parce que lors de

  6   transformation au niveau des effectifs et des cadres qui s'est opérée en

  7   1991 -- et là je fais une petite digression pour dire que secrétariat à

  8   l'Intérieur de la ville n'avait pas de secrétaire, c'est-à-dire de chef du

  9   ministère de l'Intérieur municipal, et j'avais fait figure de personnalité

 10   qui était censée occuper ce poste avant les élections pluripartites. Mico

 11   Stanisic, lui, est venu en 1991 pour devenir, lui, secrétaire du ministère

 12   de l'Intérieur municipal pour la ville de Sarajevo.

 13   Q.  Etant donné que M. Stanisic est arrivé à l'époque que vous avez

 14   mentionnée pour ce qui est de ces transformations des services chargés des

 15   cadres, est-ce qu'au côté de vos collègues il y a eu des commentaires de

 16   formulés pour ce qui est de la nomination de Mico Stanisic à ces fonctions-

 17   là ?

 18   R.  Je pense que Mico était l'un des rares individus qui avait une

 19   formation professionnelle et des connaissances antérieures à sa nomination

 20   à être venu occuper ces fonctions. Je vous ai précisé tout à l'heure qu'il

 21   avait fait l'école du ministère de l'Intérieur, qu'il avait travaillé au

 22   secrétariat municipal de l'Intérieur. Je crois qu'il était chargé des

 23   affaires criminelles de nature générale. Donc il avait des références

 24   scolaires. En plus, il était juriste diplômé. Donc il a occupé une fonction

 25   importante. Il y a eu un peu de commentaires négatifs pour ce qui est du

 26   retour d'un tel individu dans le service au bout de tant d'années, mais il

 27   y en a eu que peu. Ultérieurement, il y a eu des commentaires pour ce qui

 28   est de son attitude et de ce qu'il faisait au niveau de ce ministère de


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  1   l'Intérieur de la ville.

  2   Q.  Bien. Dites-nous quelque chose au sujet de ces commentaires.

  3   R.  Je regrette beaucoup du fait d'avoir à en parler, mais c'est un fait

  4   indéniable qu'il y a eu surtout des observations de formulées au sujet des

  5   activités de Mico, de formulées par des Musulmans. Ils le disaient très

  6   rigide, ils disaient qu'il n'était pas une personne portée à la

  7   coopération. Alors, moi j'ai essayé de vérifier. Je vous mentionne je ne

  8   sais combien de fois déjà M. Sabovic, mais si mes souvenirs sont bons,

  9   Sabovic était passé travailler lui aussi au ministère de l'Intérieur de la

 10   ville, et il m'a dit que cet homme avait raison à 100 %, que Mico demandait

 11   des activités conformes aux principes et il demandait à ce qu'on respecte

 12   la légalité des choses. Ceux qui étaient venus d'autres structures pour

 13   faire partie des rangs du ministère avaient pensé qu'on pouvait faire comme

 14   on voulait et comme bon quelqu'un pourrait l'entendre.

 15   Alors, à titre d'exemple, Stanisic s'était opposé à la délivrance de

 16   passeports à certains individus, parce qu'en 1991, à un moment donné, il y

 17   a eu une forte expansion de l'arrivée de personnes du groupe ethnique

 18   musulman depuis de Sandzak. Nous, on les appelait les Sandzakiais [phon].

 19   Du jour au lendemain, ils obtenaient des cartes d'identité de la

 20   municipalité de Stari Grad.

 21   Q.  Tirons un peu les choses au clair. Où se trouve ce Sandzak, ce lieu

 22   d'origine des individus que vous mentionnez ?

 23   R.  Ils venaient d'une autre république, et la république en question c'est

 24   la République de Serbie. Du fait de leur arrivée à Stari Grad, au SUP de

 25   Stari Grad, où je travaillais jusqu'en 1990, ils obtenaient, sans

 26   difficulté aucune, des cartes d'identité, et là il y avait des attestations

 27   de délivrées pour ce qui est du lieu de résidence, alors ils obtenaient des

 28   attestations de lieu de résidence. Or, si mes souvenirs sont bons, on ne


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  1   pouvait pas obtenir cette attestation si on n'avait pas un emploi

  2   permanent. Or, eux, ils les obtenaient, ces attestations. Or, comme c'est

  3   le ministère de l'Intérieur de la ville qui délivrait des passeports, ce

  4   n'est pas les différentes communes des municipalités qui faisaient, c'est

  5   la ville qui était chargée de la délivrance des passeports. Alors

  6   aujourd'hui, ils obtenaient leurs cartes d'identité, et le lendemain ils

  7   présentaient une demande de passeport au niveau de la ville. Alors, pour

  8   autant que je le sache, M. Stanisic s'est opposé à la chose. Il n'a pas

  9   voulu laisser faire pour que des passeports soient distribués de la sorte.

 10   Je ne sais pas, il y a peut-être eu d'autres conflits. Mais pour autant que

 11   je le sache, ce conflit-là avait culminé par cette non-délivrance de

 12   passeports, et peut-être y a-t-il eu d'autres événements encore.

 13   Q.  Savez-vous si M. Mico Stanisic a été muté à un autre poste; et si c'est

 14   le cas, quel autre poste ?

 15   R.  Je pense que M. Dragan Kijac a remplacé M. Stanisic, et Mico Stanisic a

 16   été muté au poste du conseiller de M. Alija Delimustafic, ministre de

 17   l'Intérieur. Donc un compromis a été trouvé dans ce cas-là.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, Monsieur Andan, mais avant cela, dites-moi dans

 19   quelle partie du bâtiment du MUP de la SRBH se trouvait votre bureau ?

 20   R.  Mon bureau se trouvait au deuxième étage, dans l'aile droite du

 21   bâtiment. Au même étage se trouvait l'administration de la police

 22   judiciaire. De l'autre côté du couloir se trouvait le bureau du chef de la

 23   police judiciaire. Nos bureaux se trouvaient dans l'aile droite du deuxième

 24   étage du bâtiment et du côté gauche du couloir.

 25   Q.  Pouvez-vous nous rappeler qui était le chef de l'administration de la

 26   police et qui était l'adjoint du chef de cette administration ?

 27   R.  Si vous pensez à l'administration de la police, pendant la première

 28   période de temps, Avdo Hebib a été le chef de cette administration, et son


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  1   adjoint était Cedo Kljajic. Et vers la fin de 1991, je pense que Jusuf

  2   Pusina est devenu chef de l'administration de la police, et Cedo Kljajic

  3   est resté au poste de son adjoint.

  4   Q.  Est-ce que votre bureau se trouvait en face du bureau du chef de

  5   l'administration de la police ?

  6   R.  Non. Mon bureau se trouvait en face du bureau du chef de

  7   l'administration chargée de la criminalité, à savoir mon bureau se trouvait

  8   deux ou trois bureaux plus loin du bureau du chef de l'administration de la

  9   police.

 10   Q.  Et qui était le chef de l'administration chargée de la lutte contre la

 11   criminalité ?

 12   R.  C'était Momcilo Mandic à l'époque.

 13   Q.  Monsieur Andan, savez-vous que les membres du personnel du MUP qui

 14   étaient de l'appartenance ethnique serbe venaient dans le bureau de Momcilo

 15   Mandic pour y avoir des réunions ?

 16   M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'on peut savoir pendant quelle

 17   période de temps cela se passait ?

 18   M. ZECEVIC : [hors micro]

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  Si vous faites référence à l'année 1991, je peux vous dire que je me

 21   rappelle un cas où une réunion a été organisée dans le bureau de Momcilo

 22   Mandic, ou si vous le voulez, dans son cabinet. C'était la réunion à

 23   laquelle étaient présents les cadres serbes. Moi j'ai été également

 24   convoqué à cette réunion. Lorsque je m'apprêtais à me rendre à la réunion,

 25   je suis arrivé jusqu'à la porte du bureau, et à l'intérieur j'ai vu M.

 26   Kovac. Et je n'ai pas voulu y entrer. Je pense qu'à cette réunion il y

 27   avait M. Stanisic, M. Kijac, M. Cedo Kljajic, M. Kovac et peut-être

 28   d'autres personnes.


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  1   Q.  Est-ce que c'est ce qu'on appelait le collège du MUP serbe ou des

  2   membres du collège du MUP serbe, c'est-à-dire l'organe collégial du MUP du

  3   peuple serbe ?

  4   R.  Je ne sais pas si cela s'appelait l'organe collégial de façon formelle,

  5   mais il s'agissait du groupe des responsables du MUP de la Bosnie-

  6   Herzégovine qui étaient d'appartenance ethnique serbe.

  7   Q.  Monsieur Andan, dites-moi si les responsables du MUP qui appartenaient

  8   à d'autres groupes ethniques, selon vous ou selon les informations dont

  9   vous disposiez, se réunissaient de la même façon ?

 10   R.  Oui, ils faisaient cela de façon plus perfide et plus rusée. Ils ne

 11   faisaient pas cela comme les Serbes, à savoir publiquement.

 12   Q.  Lorsque vous dites de façon plus perfide et plus rusée, pouvez-vous

 13   nous dire à quoi vous avez fait référence exactement ?

 14   R.  Ils ne se réunissaient pas dans les locaux du MUP. Je le sais avec

 15   certitude puisque j'étais témoin oculaire de l'une ou deux dans de tels

 16   restaurants, au restaurant Sentada [phon], où les cadres croates se

 17   réunissaient. Le propriétaire du restaurant Sentada est le frère de Bruno

 18   Stojic; il s'appelait Mato Stojic. Et à deux ou trois reprises, puisque

 19   c'était le seul restaurant où on pouvait boire du vin et manger du poisson,

 20   et puisque nous nous y rendions souvent,  même avant les élections

 21   multipartites, à plusieurs reprises nous avons rencontré Bruno et les

 22   cadres croates qui à l'époque occupaient les postes-clés du MUP de la

 23   Bosnie-Herzégovine. Parmi eux se trouvaient, entre autres, Dragan Vikic,

 24   qui était le commandant de l'unité spéciale commune du MUP de Bosnie-

 25   Herzégovine.

 26   Q.  Dragan Vikic était-il également Croate ?

 27   R.  Il est difficile d'établir cela puisqu'il y a eu des vérifications qui

 28   disaient que sa mère est croate et son père, serbe, mais il s'est déclaré


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  1   croate.

  2   Q.  Les membres du groupe ethnique musulman se réunissaient-ils dans le

  3   bureau d'Avdo Hebib ?

  4   R.  Oui, mais on nous a interdit d'y entrer. On ne pouvait pas y entrer si

  5   ses collaborateurs, et là je pense aux Musulmans, se trouvaient dans son

  6   bureau. Quelquefois, j'ai eu besoin de l'informer sur certaines choses,

  7   mais la secrétaire ne m'a pas permis de pénétrer dans son bureau, puisque

  8   probablement - ou plutôt, certainement - il y avait des réunions qu'il

  9   tenait avec les personnels musulmans. Parfois, les responsables du SDA

 10   venaient le voir pour le consulter ou pour avoir des réunions avec lui,

 11   mais nous, nous ne pouvions pas savoir de quoi il s'agissait.

 12   Q.  Monsieur Andan, puisque vous travailliez à l'époque dans ce bâtiment où

 13   se trouvait votre bureau, à votre avis, en 1991 et en 1992, y a-t-il eu la

 14   division sur la base ethnique, ou plutôt, nationale au MUP de la République

 15   socialiste de Bosnie-Herzégovine ?

 16   R.  Oui. C'était évident. Mais malheureusement, cette appartenance ethnique

 17   a commencé à prendre de l'importance pour ce qui est du personnel du MUP

 18   qui se trouvait à des échelons inférieurs de la hiérarchie du MUP. Une

 19   fois, j'étais avec Enver Dupovac, avec qui, avant l'un des incidents qu'il

 20   a provoqués, je devais m'occuper de quelque chose qui s'est passé à Velika

 21   Kladusa, dans la Krajina de Cazin. On devait faire transporter 15 civils,

 22   hommes, femmes et enfants, sur le territoire de l'Herzégovine occidentale.

 23   Il s'agissait de réfugiés de la Croatie, puisqu'en Croatie la guerre avait

 24   déjà éclatée. Et avec beaucoup d'efforts, nous nous sommes acquittés de

 25   cette tâche. On a eu des problèmes sur le territoire de Petrovac, que nous

 26   avons surmontés, et nous fonctionnions bien en tant qu'équipe.

 27   Q.  Enver Dupovac était-il aussi inspecteur au sein de l'administration de

 28   la police ?


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  1   R.  Oui, je l'ai déjà dit.

  2   Q.  Partagiez-vous le même bureau ?

  3   R.  Oui, nous partagions le même bureau. Nous utilisions deux secrétaires

  4   dans ce bureau. Il y avait toujours deux inspecteurs par bureau. On avait

  5   chacun un secrétaire et un coffre-fort où on gardait les documents.

  6   Q.  Je vous ai interrompu. Vous avez commencé à parler de cette tâche que

  7   vous avez exécutée avec Enver Dupovac. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est

  8   passé par la suite ?

  9   R.  Il y a eu quelque chose qui, pour moi, était choquant et que je ne

 10   pouvais pas comprendre à l'époque. En 1992, et pratiquement jusqu'à la mi-

 11   avril, je considérais que je devais me rendre au ministère de l'Intérieur

 12   tous les matins puisque je touchais mon salaire du ministère. Et un jour,

 13   je suis arrivé dans mon bureau avant Enver parce que lui devait faire le

 14   trajet de Hadzici, qui est pas loin de Sarajevo, et il est arrivé et a posé

 15   sa mallette en me disant : Tu es toujours là ? Et moi j'ai répondu de façon

 16   laconique en lui disant : Et je devrais être où, selon toi ? Déjà, le

 17   ministère était divisé. Il m'a répondu : Avec les tiens. Ta place n'est pas

 18   ici. Pour moi, c'était un choc de la part du collègue avec qui, trois mois

 19   auparavant, je me trouvais ensemble à exécuter une tâche difficile, et là

 20   il vient de me dire : Tu es toujours là ?

 21   Q.  Monsieur le Témoin, Monsieur Andan, étiez-vous contre la division du

 22   MUP de la République socialiste de BiH ?

 23   R.  Oui. Moi, comme probablement beaucoup de mes collègues serbes, je

 24   n'avais pas bien évalué la situation. Nous pensions que l'armée allait

 25   calmer la situation finalement et que nous allions à nouveau vivre comme

 26   avant ensemble. Moi j'étais contre la division du MUP de façon catégorique.

 27   Q.  Lorsque vous dites "l'armée", est-ce que vous pensez à la JNA, et est-

 28   ce que vous pensez, en parlant de la situation à l'époque, à la situation


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  1   sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Oui, je fais référence à la JNA.

  3   Q.  D'après vous, la JNA est-elle intervenue finalement, ce à quoi vous

  4   vous attendiez, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'était ma plus grande déception après tout. Tout le système reposait

  6   sur ce concept de la JNA, et notre niveau de vie n'était pas aussi élevé

  7   puisqu'on a investi dans la JNA, dans l'équipement, dans leurs

  8   appartements, et tout ceci. Et donc, à cause de tout cela, nous nous

  9   attendions à ce que la JNA joue son rôle de façon intègre et fasse tout

 10   pour calmer la situation et essayer de laisser aux hommes politiques de

 11   trouver une solution pour que les choses se calment dans le pays. Mais ce

 12   n'était pas le cas, et j'ai été très déçu. Donc tout ce qui s'est passé

 13   concernant la JNA, pour moi, a représenté la plus grande déception de cette

 14   époque.

 15   Q.  Monsieur Andan, après la division du MUP -- mais avant cela, dites-moi,

 16   quelle était la situation par rapport aux responsables croates du MUP de la

 17   République socialiste de Bosnie-Herzégovine en mars et en avril 1992 ?

 18   R.  Je pense que les Croates étaient les premiers qui ont quitté le

 19   ministère de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine. De plus, ils ont utilisé

 20   les véhicules de service du MUP. Un jour, après nous avoir dit au revoir,

 21   et je pense que moi-même j'ai dit au revoir à Bruno Stojic, on s'est

 22   embrassés, je lui ai souhaité le meilleur dans la vie, et ils sont partis

 23   dans leur Herceg Bosna, où on disait qu'ils ont récupéré de l'équipement et

 24   des documents du département des analyses, et cetera. Je ne sais pas ce

 25   qu'ils auraient pu prendre. Et ils sont partis à bord de véhicules de

 26   service du MUP après avoir été salués par les Serbes et les Musulmans qui

 27   restaient, et ils sont partis dans la direction de Mostar.

 28   Q.  En avril, après la division du MUP, est-ce que vous avez continué à


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  1   vous rendre au travail au MUP de la RSBH; et si oui, jusqu'à quel moment ?

  2   R.  J'ai continué à aller au travail, mais pas de manière régulière.

  3   Quelquefois, j'arrivais à 10 heures. Parce qu'en fait, personne n'a

  4   vraiment jamais plus demandé de faire quoi que ce soit. On n'avait plus

  5   vraiment de missions que l'on recevait. Je venais simplement pour voir s'il

  6   y avait des changements, si on avait à nouveau des informations. Et puis,

  7   un beau jour, je ne me souviens plus vraiment de la date, lorsque je suis

  8   arrivé à proximité du bâtiment du MUP, le portail central avait été

  9   démonté. J'ai essayé d'entrer dans le bâtiment, mais un officier de police

 10   m'a dit que je n'avais pas le droit d'entrer dans le ministère de

 11   l'Intérieur et qu'un ordre avait été promulgué. J'ai insisté pour savoir

 12   quelle était la teneur exacte de cet ordre et qui avait interdit l'accès à

 13   ce bâtiment. Il s'agissait en fait d'un ordre émanant du chef des services

 14   responsables de la sécurité des personnes et des infrastructures. Et après

 15   avoir été plus insistant, finalement il m'a dit que c'étaient en fait les

 16   Serbes qui n'avaient plus le droit de rentrer dans le bâtiment.

 17   Je me suis révolté et je suis donc rentrer dans le bâtiment. J'ai

 18   passé trois ou quatre minutes au plus à l'intérieur et je suis ressorti.

 19   J'étais tellement scandalisé par cet ordre qui m'empêchait moi, un membre

 20   de longue date du MUP, de rentrer dans le bâtiment.

 21   Q.  Et qui était ce chef des services responsables de la sécurité des

 22   personnes et des infrastructures ?

 23   R.  Malheureusement, c'était mon ami, Teufik Music.

 24   Q.  Est-ce qu'il s'agit de la même personne que celle que vous avez

 25   mentionnée; vous nous avez dit que le 1er mars vous étiez allé le voir dans

 26   son appartement ?

 27   R.  Oui, il s'agit de la même personne qui a commencé à travailler au sein

 28   des services de Sûreté de l'Etat, et nos carrières ont été quasi


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  1   parallèles. Et, effectivement, ce jour-là, nous sommes allés ensemble à son

  2   appartement.

  3   Q.  Mais vous êtes resté combien de temps dans votre appartement à Sarajevo

  4   ?

  5   R.  Je ne peux pas vous donner la période exacte ou la durée exacte. Tout

  6   ce que je sais, c'est qu'à un moment donné à la mi-avril 1992, j'ai fait

  7   partir de Sarajevo mes enfants, ma belle-mère et les enfants de mon beau-

  8   frère. Je les ai acheminés en voiture en direction de Trebinje. Et ensuite,

  9   de Trebinje, nous sommes allés jusqu'à Herceg-Novi. C'est ce que les gens

 10   de Sarajevo avaient l'habitude de dire, donc je me suis assuré que mes

 11   enfants soient en lieu sûr. Et avec pas mal de difficultés, je suis revenu

 12   à Sarajevo. C'était la première fois que je quittais Sarajevo durant cette

 13   période. Et j'ai quitté définitivement Sarajevo entre le 10 et le 15 mai.

 14   Je sais qu'alors que je quittais la ville, un convoi d'enfants a été arrêté

 15   à Ilica. Les enfants de Sarajevo étaient censés être acheminés à un autre

 16   endroit. Je me souviens de cet événement.

 17   Q.  Monsieur Andan, est-ce que quelqu'un vous a dit de faire cela; et si

 18   tel est le cas, qui vous l'a dit ? Quand je parle de ça, à qui vous a dit

 19   donc de faire sortir vos enfants et vos proches parents de Sarajevo ?

 20   R.  Eh bien, en fait, je dois revenir à un autre événement qui a précédé le

 21   départ de mes enfants de Sarajevo et qui a été à l'origine de cette

 22   décision. Un jour, mon appartement a fait l'objet d'une perquisition. Il

 23   s'agissait d'un policier d'active et d'autres personnes que je ne

 24   connaissais pas qui ont mené cette perquisition. Apparemment, ils

 25   cherchaient des caches d'armes et une radio qui aurait également été

 26   dissimulée dans mon appartement. A l'époque, j'avais bien sûr un port

 27   d'arme pour une arme qui m'avait été délivrée de manière tout à fait

 28   officielle, j'avais donc un port d'arme officiel et ils ne m'ont pas


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  1   confisqué cette arme. Et je dois dire que cette perquisition a été réalisée

  2   conformément à toutes les règles de l'art.

  3   Après cette première perquisition, étant donné que M. Sabovic et moi-même

  4   étions voisins, il m'a dit : Qu'attends-tu ? Est-ce que tu ne peux pas voir

  5   que tout le monde fait sortir leurs enfants de Sarajevo ? Pourquoi tu ne

  6   fais pas la même chose ? Et c'est la raison pour laquelle j'ai pris cette

  7   décision d'envoyer mes enfants à Herceg-Novi.

  8   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, combien de fois avez-vous eu des

  9   perquisitions dans votre appartement après cette première perquisition, et

 10   comment ceci s'est-il produit ?

 11   R.  Mon appartement a été perquisitionné deux fois après cela. La première

 12   fois, je leur ai demandé de me présenter un mandat de perquisition, qui

 13   était nécessaire à l'époque.

 14   Et puis, durant la deuxième perquisition, elle a été faite également

 15   conformément aux règles de l'art. Je n'ai pas demandé s'ils avaient un

 16   mandat de perquisition à ce moment-là parce qu'il y avait des personnes

 17   armées de l'autre côté de la porte.

 18   Quant à la troisième perquisition, elle a été faite avec brutalité.

 19   Il s'agissait de criminels qui sont venus perquisitionner mon appartement.

 20   Il s'agissait de personnes que nous avions en détention auparavant ou que

 21   nous avions auditionnés. Et le responsable de l'équipe de perquisition, si

 22   je peux l'appeler ainsi, avait comme surnom Rus [phon], c'était un

 23   criminel, et il m'a frappé avec la crosse du fusil et il a également mis le

 24   fusil dans ma bouche en me disant que les temps allaient changer et que

 25   maintenant c'était lui le patron et que moi je n'étais rien du tout.

 26   Après la troisième perquisition, j'ai reçu un coup de fil, et

 27   c'est ça qui m'a vraiment décidé à quitter Sarajevo. Si vous me le

 28   permettez, je peux expliquer. J'étais en bons termes avec le Dr Nakas, qui


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  1   était un chirurgien à l'hôpital militaire. Il est ensuite devenu membre du

  2   SDA en 1991, et il est fort probable qu'il ait disposé de certaines

  3   informations. Malheureusement, il est décédé. C'était un homme bon. Et au

  4   téléphone, il m'a dit que je devais quitter Sarajevo car ni lui ni qui que

  5   ce soit d'autre pouvait garantir ma sécurité à Sarajevo. Donc ce matin-là,

  6   à 3 heures du matin, je suis monté à bord de mon véhicule et je suis allé à

  7   Ilidza. Heureusement, personne ne m'a arrêté jusqu'au barrage ou au poste

  8   de contrôle serbe d'Ilidza.

  9   Q.  Dites-moi, quand vous êtes arrivé à Ilidza, où avez-vous séjourné, chez

 10   qui ?

 11   R.  Chez ma sœur, qui habite maintenant aux Etats-Unis, à Phoenix.

 12   Q.  Quand êtes-vous parti d'Ilidza et où êtes-vous allé ?

 13   R.  Dans une déclaration j'ai dit que je suis resté à Ilidza pendant une

 14   dizaine de jours, mais en fait, je pense que ce n'est pas exact. J'ai passé

 15   moins de temps à Ilidza que cela. M. Kovac m'a donné un véhicule de

 16   patrouille qui m'a permis d'être transféré à l'ancienne école du ministère

 17   de l'Intérieur à Vrace, et ensuite j'ai pu être transféré par voiture.

 18   Q.  Et ensuite, vous avez rejoint le MUP de la RSBH, n'est-ce pas ?

 19   R.  Lorsque je suis arrivé à Ilidza, M. Kovac m'a proposé de travailler là-

 20   bas et d'être son adjoint. Mais j'ai refusé cela parce qu'avant, pendant et

 21   après la guerre, je n'étais pas d'accord avec certaines de ses idées et de

 22   ses manières de penser. Par conséquent, à Vrace, je me suis mis entièrement

 23   à la disposition du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska.

 24   Q.  Mais dites-moi, dans quel service au sein du ministère de l'Intérieur

 25   de la Republika Srpska avez-vous travaillé ?

 26   R.  Si vous me le permettez, je me dois de mentionner un détail qui, de

 27   prime abord, ne semblerait pas important, mais qui pourrait l'être par la

 28   suite. Et ceci remonte à une période qui est antérieure à mon nouveau


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  1   poste.

  2   Q.  Mais essayez d'être aussi bref que possible.

  3   R.  Avant d'arriver à Vrace, j'avais eu des problèmes avec les Serbes.

  4   Pourquoi est-ce que j'étais resté là-bas si longtemps ? Pourquoi j'étais

  5   parti si tard ? Certaines personnes pensaient que j'étais arrivé comme

  6   espion pour les services de Renseignements musulmans. Donc j'ai rencontré

  7   des problèmes, même au niveau du nouveau poste que l'on m'avait confié. Et

  8   M. Skipina m'a dit qu'à un moment donné M. Stanisic, en tant que ministre

  9   de l'Intérieur, avait réagi en disant que j'avais fait mes preuves, et que

 10   nous n'avions pas beaucoup de personnes qualifiées, et que la meilleure

 11   chose à faire était de lui donner un des postes les plus difficiles au sein

 12   du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska à l'époque, et ceci

 13   permettrait de faire taire tous ceux qui doutaient de ma bonne foi au sein

 14   du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska.

 15   En d'autres termes, il a mis fin à toute histoire, et, de Vrace, je

 16   suis allé à Brcko.

 17   Q.  Juste une dernière chose. Quand vous parlez du personnel qualifié, vous

 18   voulez dire qualifié d'un point de vue professionnel ou est-ce que vous

 19   utilisez ceci dans un autre contexte ou avec une autre connotation ?

 20   R.  Lorsque je parle de la police, je parle bien sûr de personnel qualifié

 21   d'un point de vue professionnel.

 22   Q.  Pour ce qui est de votre voyage en direction de Brcko, est-ce que vous

 23   êtes parti accompagné d'autres employés de la police ou pas, ou est-ce que

 24   vous êtes parti là-bas tout seul ?

 25   R.  Oui, je dirais qu'il y a eu d'autres problèmes encore à ce sujet.

 26   J'étais censé recevoir un véhicule de service, et on ne m'a pas donné de

 27   voiture de service. Je suis allé à Pale, et puis Danilo Vukovic et moi-

 28   même, là-bas à Pale, on a reçu des instructions. Je crois que c'est une


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  1   dépêche que nous avons reçue, en réalité, disant qu'il fallait que nous

  2   allions à Bijeljina, et que c'est à Bijeljina qu'il fallait que nous

  3   présentions auprès de Jesuric, Predrag afin que lui nous donne instruction

  4   concernant le lieu où il fallait que l'un aille et que l'autre aille de son

  5   côté.

  6   Q.  Veuillez m'indiquer, je vous prie, ce M. Danilo Vukovic, qui était-ce,

  7   quelles étaient ses fonctions ?

  8   R.  Danilo Vukovic était un inspecteur de la police criminelle.

  9   Q.  Vous nous avez déjà dit que vous n'étiez pas fort en dates, mais est-ce

 10   que vous vous souvenez à peu près à quel mois êtes-vous donc arrivés à

 11   Bijelina ?

 12   R.  Je pense que c'était le début du mois de juin. Ce que j'ai gardé en

 13   mémoire, c'est un événement à Bijeljina, qui est difficile d'oublier.

 14   Q.  Mais allez-y, dites-nous.

 15   R.  Eh bien, on a été transportés par des voitures de patrouille d'un poste

 16   à l'autre parce qu'il n'y avait pas assez de véhicules, et à tour de rôle.

 17   Et lorsqu'on est arrivés au poste de police de Bijeljina, toutes les rues

 18   étaient en état de branle-bas de combat. Il y avait des gens qui portaient

 19   des cagoules, il y avait des couvre-chefs noirs de portés par d'aucuns,

 20   avec des cocardes sur ces toques. Et on ne savait pas de quoi il s'agissait

 21   jusqu'au moment où l'on est arrivés devant le poste de police. Et est sorti

 22   du poste Devedlaka, Dragan, qui était intérimaire pour assumer les

 23   fonctions de chef du centre à Bijeljina. Il nous a dit qu'il fallait que

 24   nous quittions le plus vite possible Bijeljina. Il est monté à bord d'une

 25   voiture, et il est parti de là. Alors, nous avons demandé au chauffeur, je

 26   crois que c'était un chauffeur d'une voiture de patrouille de Zvornik, de

 27   nous emmener à l'extérieur de Bijeljina.

 28   On nous a stoppés, on nous a arrêtés au centre, c'étaient des personnes


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  1   masquées et armées qui nous ont demandé nos pièces d'identité. Ils

  2   s'adressaient à quelqu'un en disant : Voilà, Vojvoda, Voïvode, et ça c'est

  3   des inspecteurs venus de Sarajevo. Alors, il nous a laissés sortir. On est

  4   sortis de Bijeljina, et nous sommes allés en République de Serbie, à Banja

  5   Koviljaca, dans un hôtel. On s'est installés là-bas, et nous avons passé

  6   deux jours là-bas sans savoir pour autant ce qui se passait à Bijeljina.

  7   Puis, par téléphone, on a eu à parler avec Jesuric ou quelqu'un d'autre qui

  8   se trouvait à Pale, je ne sais plus. La situation à Bijeljina s'était

  9   apaisée. Ils nous ont envoyé un véhicule pour nous chercher. Et nous sommes

 10   revenus à Bijeljina, et on nous a dit de nous présenter auprès de ce

 11   monsieur Jesuric.

 12   Q.  Lorsque vous êtes allé voir ce M. Jesuric, quelle est la mission qu'il

 13   vous a confiée -- ou plutôt, est-ce que c'est M. Jesuric qui vous a confié

 14   une mission ou pas ?

 15   R.  Je pense que dans la dépêche qui a été signée par M. Stanisic, nous

 16   avions déjà reçu des missions tout à fait bien définies. Lorsque nous nous

 17   sommes préparés à partir, je ne sais plus qui est venu nous dire quels

 18   étaient les devoirs qu'on aurait, et on ne savait pas où irait l'un ou

 19   l'autre, on pensait que les deux nous allions être chargés d'une

 20   surveillance à titre d'instruction ou de formation dans un poste ou dans un

 21   autre, et cetera. Mais moi j'ai été envoyé à Brcko et Danilo a été envoyé à

 22   Zvornik.

 23   M. ZECEVIC : [interprétation] Voyons un peu ce courrier de plan de pouvoir.

 24   Il s'agit du 13A. La pièce P est la pièce 2013.

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Zecevic, ceci est

 26   intéressant et fascinant, et j'apprécie le témoignage du témoin au sujet de

 27   ce qui s'était passé, mais il n'en demeure pas moins que je voudrais vous

 28   rappeler qu'il convient de centrer davantage encore vos questions sur les


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  1   éléments du --

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, avec tout le respect que je

  3   vous dois, Bijeljina fait partie de l'acte d'accusation, et toutes les

  4   réponses apportées par le témoin concernant des parties substantielles des

  5   éléments à charge présentés par l'Accusation se sont rapportées au partage

  6   du MUP de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine et création du

  7   ministère de l'Intérieur serbe. Maintenant, ce témoin nous a expliqué

  8   comment ceci s'est produit à Bijeljina, quelle était la situation à

  9   Bijeljina, et je crois que c'est pertinent puisqu'on parle de juin 1992.

 10   Maintenant, nous allons parler de la situation où ses attributions

 11   consistaient à y aller justement, et vous allez voir dans le document qu'il

 12   a été envoyé à Brcko, qui est également une municipalité qui fait partie de

 13   l'acte d'accusation. Et quels étaient donc ses devoirs, ce qu'il a constaté

 14   à Brcko, je crois que ce sont des choses qui sont pertinentes dans

 15   l'affaire qui nous intéresse.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci pour ceci. Je ne veux pas

 17   laisser entendre que ceci est tout à fait dénué d'une certaine pertinence,

 18   mais ce que je vous demanderais de faire, c'est de vous concentrer sur les

 19   éléments de responsabilité qui constituent la base du crime.

 20   M. ZECEVIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Juge.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, le document que nous avons sous les yeux, est-ce

 22   que vous pouvez nous le commenter ?

 23   R.  Eh bien, ça, ça a été signé par un M. Jesuric en sa qualité de chef du

 24   centre des services de Sécurité à Bijeljina. Ce document est le document

 25   qui justifie mon déplacement à Brcko et la continuation de mes activités

 26   là-bas. On y voit quelles sont les attributions qu'on m'a confiées et ce

 27   que j'étais censé faire là-bas. Je ne pouvais pas débarquer à Brcko et dire

 28   : Moi je suis un inspecteur du MUP, de montrer ma pièce d'identité et


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  1   commencer à exercer une surveillance ou donner des instructions, et cetera.

  2   Et j'étais censé aussi contribuer à la stabilisation de la situation dans

  3   ce poste de police à Brcko --

  4   M. HANNIS : [interprétation] Je suis navré, mais pour les besoins du compte

  5   rendu d'audience, je tiens à dire que la version anglaise dit qu'il s'agit

  6   de la date du 28 juin, mais il est évident que l'original, lui, fait état

  7   du 28 mai.

  8   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Maître Hannis. Messieurs les Juges, je

  9   suis en train de voir l'heure. Etant donné que je vais passer maintenant à

 10   une municipalité tout à fait autre, c'est-à-dire Brcko, je vous suggèrerais

 11   un report de notre travail à la journée de demain.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Fort bien.

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Andan, nous allons lever

 15   l'audience pour aujourd'hui. Donc nous allons interrompre votre témoignage,

 16   mais comme je vous l'ai déjà dit, vous devez vous attendre à témoigner

 17   pendant plusieurs jours. Et je vous rappelle que, compte tenu du fait que

 18   vous êtes à présent un témoin ayant fait une déclaration solennelle, vous

 19   êtes un témoin du Tribunal, un témoin de la Chambre, et vous n'êtes pas,

 20   par conséquent, autorisé à vous entretenir avec aucune des parties au

 21   procès. En plus, toute conversation que vous allez avoir avec quiconque à

 22   l'extérieur de ce prétoire ne doit se rapporter en quoi que ce soit aux

 23   éléments qui sont évoqués ici. M'avez-vous compris ?

 24   Nous allons continuer demain matin à 9 heures ici.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   --- L'audience est levée à 13 heures 41 et reprendra le vendredi 27 mai

 27   2011, à 9 heures 00.

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