Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 10 octobre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  6   tous dans le prétoire et autour du prétoire.

  7   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  8   Stojan Zupljanin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   Bonjour à tous et à toutes. Peut-on avoir les présentations pour

 11   aujourd'hui, s'il vous plaît.

 12   M. HANNIS : [interprétation] Bonjour. Tom Hannis pour l'Accusation, Mme

 13   Joanna Korner et notre commis à l'affaire, M. Sebastiaan van Hooydonk.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Slobodan

 15   Zecevic, Slobodan Cvijetic et Deirdre Montgomery pour la Défense Stanisic

 16   ce matin. Merci.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation] Dragan Krgovic et Miroslav Cuskic pour la

 18   Défense de M. Zupljanin.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 20   On nous a dit de la part du bureau du Procureur qu'il y a un certain nombre

 21   de questions à évoquer avant que le témoin ne soit amené ici.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a toute une

 23   série de questions administratives que je voudrais aborder ce matin.

 24   La première est celle-ci. Si je ne me trompe pas, la semaine passée nous

 25   avons reçu une ordonnance portant calendrier où il est dit que l'affaire de

 26   Rasic est prévue pour le mois de janvier, et le problème c'est que les

 27   Juges de la Chambre siègent dans toute une série d'affaires, ce qui fait

 28   que nous ne pourrions pas siéger pendant tout le mois de janvier.


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  1   Avec tout le respect qui vous est dû, je voudrais dire qu'il serait plus

  2   logique et plus raisonnable de terminer la présentation des éléments à

  3   charge dans cette affaire-ci, et je pense en avoir déjà parlé à M. Krgovic

  4   ce matin, puisque la présentation des éléments sera terminée en janvier. Et

  5   si j'ai bien compris M. Krgovic, il estime qu'il terminera sa présentation

  6   des éléments à décharge dans le courant du mois de décembre, et au cas où

  7   cela serait acceptable, nous présenterions des éléments complémentaires à

  8   charge et ceci se terminerait pour ce qui est de l'affaire Stanisic. Il y a

  9   encore une investigation en cours pour ce qui nous concerne.

 10   Et suivra ensuite une pause des fêtes pendant que nous nous préparons pour

 11   nos plaidoiries et réquisitoires, et je crois qu'il y aura une requête

 12   conjointe pour demander six semaines à partir de la fin de la présentation

 13   des éléments à charge et à décharge pour que l'on puisse aborder l'affaire

 14   Rasic.

 15   Alors, Messieurs les Juges, j'ai évoqué la question en m'adressant par

 16   courrier électronique à l'ensemble des conseils de la Défense, et je ne

 17   suis pas sûre de savoir quelle est leur position. La réponse du conseil de

 18   M. Stanisic est que cela dépendrait de la longueur de la présentation des

 19   éléments complémentaires par l'Accusation.

 20   Alors, ce que je voudrais présenter tout d'abord, c'est la nécessité,

 21   d'abord, d'entendre la totalité des témoins prévus pour le mois de janvier

 22   plutôt que de reporter d'un mois entier le reste.

 23   Et je ne sais pas si les Juges estiment nécessaire d'entendre le reste

 24   avant que je ne passe à d'autres questions.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Peut-être l'un quelconque des conseils

 26   de la Défense pourrait nous donner son opinion ?

 27   M. ZECEVIC : [interprétation] Eh bien, je crois que cela dépend tout

 28   d'abord du fait de savoir combien on présentera d'éléments de preuve en


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  1   réplique par les soins de l'Accusation, et de savoir aussi si les Juges de

  2   la Chambre vont les autoriser à présenter ces éléments en réplique.

  3   Ça, c'est une question.

  4   La deuxième question c'est de savoir si les Juges de la Chambre ont

  5   l'intention d'entendre ou de citer eux-mêmes des témoins.

  6   Si c'est le cas, nous pensons qu'il serait tout à fait raisonnable de

  7   procéder à une pause pendant le mois de janvier afin de pouvoir nous

  8   préparer tant pour les témoins du conseil que pour les questions

  9   complémentaires aux témoins pour continuer en février.

 10   C'est mon opinion.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 12   Monsieur Krgovic.

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, ce que M. Zecevic -- est

 14   en fait la position que nous défendons aussi. Cela dépendra du nombre de

 15   témoins, il faudrait que nous terminions la présentation de nos éléments à

 16   décharge, et ensuite de voir s'il y aura des questions à poser en réplique

 17   par l'Accusation. Et s'il y a des témoins complémentaires pour réfuter ce

 18   que les témoins de la Défense auront dit, il serait bon de nous en tenir à

 19   ce calendrier qui a déjà été accepté et de continuer avec la présentation

 20   des éléments à décharge en février.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, je suis d'accord, il y a

 22   toute une série de questions qui ne sont pas encore tranchées en ce moment.

 23   Mais la raison pour laquelle j'évoque la question, c'est la logique, et

 24   ensuite cela influe sur l'avenir professionnel de certains membres de

 25   l'équipe de l'Accusation. Certains conseils devront être utilisés dans

 26   d'autres affaires, et plus cette affaire traînera en longueur, plus ils

 27   auront des difficultés pour aller travailler ailleurs. C'est ce qui

 28   concerne les membres de notre équipe.


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  1   J'ai évoqué la question. Je sais que vous ne pouvez pas trancher dès à

  2   présent, mais je voudrais tout simplement que vous vous penchiez sur la

  3   possibilité de continuer à travailler sur cette affaire plutôt que

  4   d'entamer l'affaire Rasic, et quoi qu'il advienne de l'affaire Haradinaj

  5   aussi.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon, est-ce que les conseils de la

  7   Défense pourraient se pencher sur la décision relative à l'ordonnance

  8   portant calendrier et nous dire ce qui suit, parce que l'affaire Rasic est

  9   en train d'attendre depuis juillet. Or, les opinions que nous avons

 10   entendues ce matin nous incitent à demander aux Juristes de la Chambre de

 11   se pencher sur tout ceci, et les Juges s'y pencheront dans une deuxième

 12   phase pour revenir par la suite sur la même question. C'est tout ce que je

 13   peux vous dire pour le moment.

 14   Merci.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, la questions suivante que je

 16   voudrais évoquer se rapporte aux témoins de Zupljanin et leur refus de

 17   s'entretenir avec les représentants du bureau du Procureur.

 18   Monsieur le Président, à la date du 6 juillet de cette année, M. le Juge

 19   Harhoff a posé la question de savoir -- au sujet des entretiens de

 20   Zupljanin avec l'Accusation. Nous avions requis de nous entretenir avec la

 21   totalité des témoins, y compris ceux qui témoigneraient en application du

 22   92 bis. Et Me Krgovic vous a laissé entendre qu'il n'y avait aucune

 23   modification de leur position. Et "aucun des témoins" n'était désireux de

 24   rencontrer les représentants de l'Accusation. Et le Juge Harhoff a demandé

 25   -- et puisque c'est M. Hannis qui avait abordé la question, le Juge Harhoff

 26   a demandé est-ce que les choses en allaient ainsi :

 27   "Et si j'ai bien compris, partant de la réponse de M. Krgovic, aucun

 28   des témoins de la Défense Zupljanin n'est disposé à s'entretenir avec


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  1   l'Accusation; est-ce exact, Maître Krgovic ?"

  2   Et M. Krgovic a répondu : "C'est exact."

  3   Partant des deux derniers témoins qui ont été entendus, il apparaît

  4   clairement que la question ne leur a même pas été posée. Alors, je ne suis

  5   pas en train de dire que Me Krgovic a délibérément induit les Juges de la

  6   Chambre dans l'erreur, mais si cela n'est pas le cas, ça doit avoir été

  7   fait par son enquêteur. Alors, vous allez vous souvenir, Messieurs les

  8   Juges, du fait que nous nous opposons avec véhémence à ce type de

  9   comportement. La Défense avait estimé que ceci avait constitué une forme de

 10   pression, et ce, à l'occasion des récolements où les témoins seraient

 11   également interrogés par l'Accusation.

 12   Nous avions souhaité interviewer ces témoins à l'extérieur du prétoire, et

 13   nous souhaitons encore nous entretenir avec ceux qui restent à comparaître.

 14   Nous avons vu quelle a été la réponse obtenue par M. Hannis de la part du

 15   témoin qui est arrivé aujourd'hui. Alors, nous allons demander aux Juges de

 16   la Chambre de recevoir une déclaration par écrit, non pas par l'enquêteur,

 17   mais par les témoins qui diraient que la question leur a été posée, qu'on

 18   leur a proposé de s'entretenir avec les représentants de l'Accusation, et

 19   qu'ils déclinent cette éventualité.

 20   Je crois que, à la lumière de ce qui s'est produit, ce serait la

 21   seule chose équitable.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que je ne pose des questions à Me

 23   Krgovic pour avoir sa réponse, y a-t-il des antécédents juridiques dans la

 24   pratique ?

 25   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que vous parlez d'une ordonnance dans

 26   ce sens ?

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Les Juges de la Chambre pourraient

 28   rendre une ordonnance pour que les témoins fassent une déclaration écrite à


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  1   cet effet.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, je ne pense pas. Je ne me souviens

  3   pas qu'il y ait eu une question ou des situations où on nous aurait dit que

  4   les témoins ne sont pas désireux de s'entretenir avec nous et que par la

  5   suite ça s'avèrerait inexact. Alors, si les Juges de la Chambre estiment

  6   qu'une ordonnance à cet effet serait appropriée dans ces circonstances,

  7   nous serions disposés à voir rendre une décision de ce type.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous ai posé la question au sujet des

  9   antécédents juridiques, parce que les Juges, en particulier dans le système

 10   du "common law", ont des hésitations pour ce qui est de faire quelque chose

 11   là où il n'y aurait pas un antécédent, et ça me semble être une décision ou

 12   une solution assez draconienne.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, nous pouvons

 14   contacter chacun des témoins et leur poser la question nous-mêmes. Mais

 15   nous n'avons pas voulu procéder de la sorte, parce que nous ne voudrions

 16   pas que l'on se mette à nous accuser que nous essayons d'influer sur les

 17   témoins. Et je me rends compte que nous aurions dû agir de la sorte. Parce

 18   que les témoins n'appartiennent à personne, en réalité. Nous voudrions

 19   obtenir la totalité des détails qui nous permettrait de contacter les

 20   témoins parce que nous souhaitons nous entretenir avec eux.

 21   Et, Monsieur le Président, je suis reconnaissante à M. Hannis qui vient

 22   d'attirer mon attention sur le fait qu'une décision a été rendue dans la

 23   l'affaire Mrksic en ce sens, et elle est datée du 1er septembre 2006 et il

 24   s'agit d'une décision suite à une requête de l'Accusation pour ce qui est

 25   d'interviewer des témoins de la Défense. Je ne sais pas si c'est dans le

 26   même cas de figure, mais il y a un élément qui nous dit que ça a déjà été

 27   le cas.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Monsieur Krgovic.


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  1   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai donné des

  2   instructions à mes enquêteurs pour ce qui est de recueillir des

  3   déclarations écrites par les témoins au sujet de ce type de situation et

  4   j'ai demandé à ce que cela nous soit communiqué le plus vite possible, et

  5   j'ai indiqué à Mme Korner que ça serait fait, indépendamment de votre

  6   ordonnance ou de la requête de Mme Korner. Pour éviter tout type de

  7   suspicion ou de malentendu, j'ai indiqué que j'allais le faire

  8   indépendamment du type de décision qui serait rendue par les Juges de la

  9   Chambre ou indépendamment des requêtes présentées par l'Accusation, et j'ai

 10   déjà indiqué que je pensais savoir comment résoudre le problème.

 11    Messieurs les Juges, ce n'est pas la première fois qu'il y a des

 12   malentendus pour ce qui est des rencontres avec les témoins. Nous n'avons

 13   pas évoqué de problèmes pendant la présentation des éléments à charge parce

 14   qu'il nous est arrivé, par exemple, de la part de l'Accusation, que les

 15   témoins n'étaient pas désireux de s'entretenir avec la Défense, et puis

 16   ensuite ils ont dit devant le Tribunal ou la Chambre ou devant nous-même

 17   lors d'un récolement qu'ils n'avaient pas été contre le fait de

 18   s'entretenir. Il peut y avoir un problème de compréhension lorsque le

 19   Procureur demande : Est-ce que vous voulez avoir un entretien avec nous ou

 20   est-ce que vous voulez être interviewé ? Et j'ai eu un entretien avec un

 21   témoin qui m'a fait savoir que c'était un malentendu.

 22   Alors, pour éviter tout malentendu et toute confusion, je vais faire

 23   ce que Mme Korner vient de proposer, je vais recueillir des déclarations

 24   par écrit de la part des témoins et je les communiquerai au bureau du

 25   Procureur au sujet de ce type de circonstances.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Notre plainte est la suivante : pour ce qui

 27   est du témoin de vendredi, il nous a indiqué que la question ne lui a

 28   jamais été posée. Or, nous comprenons que certains témoins, lorsqu'ils sont


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  1   interrogés par la Défense, refusent au départ, et puis ils estiment aussi

  2   qu'ils ne devraient pas être en train de s'entretenir avec l'autre partie

  3   au procès.

  4   Mais notre plainte c'est, et c'est la raison de la requête, qu'il se trouve

  5   qu'il y a des témoins auxquels les enquêteurs n'ont pas du tout posé la

  6   question. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cette demande.

  7   Alors, Me Krgovic dit qu'il va demander maintenant des déclarations par

  8   écrit à cet effet, mais au cas où l'un quelconque des témoins devrait

  9   comparaître par la suite, mous voudrions nous entretenir avec ces témoins

 10   par avance.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, mais n'avons-nous pas

 12   désigné une date limite, pour ce qui est donc de mercredi, où Me Krgovic

 13   est censé nous informer ?

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, nous avons donné à M. Krgovic

 16   un délai pour ce qui est de nous faire savoir au sujet de ce témoin --

 17   Mme KORNER : [hors micro]

 18   L'INTERPRÈTE : Mme Korner est hors micro.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour le témoin qui doit comparaître,

 20   on doit recevoir une réponse avant mercredi. Pour les autres, d'ici à

 21   vendredi.

 22   Et si je crois comprendre ce que vous demander à Me Krgovic, c'est la

 23   même chose.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, Messieurs les Juges, la différence

 25   c'est le fait de savoir si M. Krgovic va nous informer ou si nous allons

 26   avoir une confirmation par écrit. C'est là la différence.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais n'est-ce pas ce vous êtes en

 28   train de proposer, Monsieur Krgovic ?


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  1   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur, je vais faire savoir aux Juges de

  2   la Chambre mercredi si les témoins sont disposés à s'entretenir avec

  3   l'Accusation. Mais les déclarations doivent être traduites pour que je

  4   puisse les communiquer au Procureur, donc ça demandera un peu plus de

  5   temps. Mais je vais certainement respecter le délai imparti, et

  6   j'informerai les Juges de la Chambre d'ici à mercredi si l'un quelconque

  7   des témoins prévus voudrait ou pas rencontrer les représentants de

  8   l'Accusation, et je vais donc vous éclairer au sujet des circonstances

  9   telles que réclamées par l'Accusation.

 10   Je vais le faire pour moi-même, je vais le faire par respect de cette

 11   Chambre, je vais recueillir des déclarations par écrit pour confirmer ce

 12   que je viendrai vous avancer mercredi prochain.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, d'ici à mercredi, on

 14   saura. Et les déclarations écrites des témoins vont suivre; c'est cela ? Et

 15   les délais proposés par l'Accusation pour ce qui est des sept semaines

 16   [sic] avant que le témoin ne comparaisse dans le prétoire, est-ce que ça

 17   vous arrange ?

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, s'agissant d'un

 19   témoin qui est déjà ici et qui témoigne après le témoin que nous avons ici

 20   à présent, lui, nous allons avoir sa déclaration d'ici à mercredi.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas dit sept

 23   semaines. J'ai dit sept jours à compter d'aujourd'hui.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr, sept jours.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Et lorsqu'il s'agit des témoins, en

 26   particulier des témoins importants, nous ne voulons pas entendre dire que

 27   nous avons à les rencontrer ici. Nous ne voulons pas faire cela parce que

 28   nous estimons que c'est une forme de pression d'exercée et que ce n'est pas


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  1   la bonne façon de procéder.

  2   Est-ce que je peux passer --

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que d'abandonner le sujet, je

  4   voudrais ajouter ceci. Compte tenu de ce que vous avez dit ce matin, Madame

  5   Korner, au sujet de certains malentendus qui ont été constatés vendredi

  6   passé, je voudrais suggérer à Me Krgovic la chose suivante : lorsqu'il

  7   donnera des instructions à ses enquêteurs, il faut clairement énoncer les

  8   questions posées aux témoins afin que ce malentendu apparent qui est

  9   survenu jusqu'à présent, comme vous nous l'avez dit vendredi, ne se

 10   produise plus.

 11   Oui, Madame Korner.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, le troisième des sujets

 13   se rapporte à notre réponse à une requête de la Défense pour ce qui est de

 14   modifier les modalités de témoignage pour ce qui concerne le Témoin SZ-012.

 15   Les Juges de la Chambre ont rendu une décision orale vendredi passé où,

 16   somme toute, l'on critique l'Accusation de ne pas avoir fourni la

 17   transcription. Mais, Messieurs les Juges, je ne crois pas comprendre.

 18   Dans notre réponse à la requête de la Défense pour ce qui est de changer

 19   les modalités de témoignage, nous avons dit que nous ne ferions pas

 20   objection au cas où la transcription en entier serait versée avec les

 21   pièces connexes. Et je suppose que les éléments de preuve fournis par la

 22   Défense devraient se retrouver au compte rendu. Je ne vois pas en quoi il y

 23   a eu critique pour ce qui est d'omettre ce qui se trouvait consigné au

 24   compte rendu. Ce n'est pas une requête à nous. C'est une requête de la

 25   Défense, et, enfin, je disais tout simplement que nous voulions tout faire

 26   verser au dossier. Et je crois que M. Krgovic a attaché toute la

 27   transcription de l'affaire Brdjanin. S'il ne l'a pas fait, c'est de sa

 28   faute. Ce n'est pas de la nôtre.


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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon, les Juges de la Chambre n'avaient

  2   pas du tout à l'esprit l'intention de vous critiquer lorsque la décision

  3   orale a été rendue. La Chambre a demandé l'assistance de l'Accusation, en

  4   fait, car M. Krgovic avait indiqué les portions du compte rendu sur

  5   lesquelles il s'appuyait. Aussi, avons-nous convié l'Accusation à nous

  6   venir en aide pour dissocier les parties de la transcription sur lesquelles

  7   elle base sa thèse.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Et nous avons dit le compte rendu entier. Il

  9   n'est pas question de verser au dossier des parties de la transcription. Et

 10   c'est la faute de la Défense. Si nous disons que nous voulons le versement

 11   intégral, ils n'ont qu'à nous dire s'ils sont d'accord ou pas. Nous avons

 12   demandé la transcription intégrale.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, je pense ne pas me

 14   tromper si j'indique que l'Accusation a fait exactement la même chose pour

 15   ce qui est du Témoin Todorovic. Je ne suis pas tout à fait certain de la

 16   chose.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Mais il y a une

 18   différence quand même. Il s'agissait d'un témoin décédé entre-temps. Et il

 19   s'agissait de journées entières de compte rendu. Ici, il ne s'agit que

 20   d'une journée unique --

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 22   Mme KORNER : [interprétation] Nous voulons que le témoin soit contre-

 23   interrogé de façon appropriée. Nous essaierons de vous aider. Si les

 24   avocats de la Défense sont d'accord --

 25   M. KRGOVIC : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, je suis

 26   d'accord. De mon avis, le problème ce n'est pas de verser la transcription

 27   entière au dossier. Lorsque le Procureur a demandé un versement au dossier,

 28   nous n'avions pas accès au prétoire électronique de cette affaire, ce qui


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  1   fait que nous ne savons pas quels sont les documents qui sont évoqués par

  2   l'Accusation. Nous voulons qu'on nous communique ces documents pour que

  3   nous puissions nous prononcer là aussi.

  4   Il y avait peut-être aussi des parties confidentielles de cette

  5   transcription, parce que ce que l'Accusation nous a donné comme

  6   transcription, c'est ce que nous avons demandé à faire verser au dossier.

  7   Nous ne savons pas s'il y a des parties confidentielles qui n'ont pas été

  8   communiquées, à moins que -- il se peut qu'il y ait eu un huis clos ou

  9   quelque chose sous pli scellé. J'ai cru comprendre que les Juges de la

 10   Chambre avaient rendu une décision pour ce qui est de nous communiquer la

 11   transcription intégrale et de nous communiquer aussi les documents auxquels

 12   il est fait référence.

 13   Mme KORNER : [interprétation] En tout état de cause, je pense qu'une partie

 14   s'est faite à huis clos. C'est avec grand plaisir que nous allons

 15   communiquer les documents et, si nécessaire, la transcription intégrale.

 16   Nous allons le faire.

 17   Mon objection consistait à dire que tout ceci se rapportait à la façon dont

 18   la chose avait été formulée parce qu'on nous aurait fait des reproches

 19   d'avoir fait quelque chose par notre faute. Ce n'est pas la première fois

 20   que cela se produit.

 21   Mais nous allons livrer la transcription intégrale avec les pièces

 22   connexes. Je ne pense pas qu'il y ait eu des huis clos ou des éléments de

 23   confidentiels.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon. Nous avons tranché la question.

 25   Mme KORNER : [interprétation] C'est exact. Monsieur le Président, je

 26   voudrais évoquer pour la millième fois un document que nous avons envoyé un

 27   millier de fois, et nous avons réobtenu une réponse de la part du service

 28   de traduction. Ils disent que leur version rédigée est la version finale.


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  1   Je crois que dans la version électronique, nous avons la meilleure des

  2   versions que le CLSS a pu produire.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Y a-t-il une réponse ?

  4   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai évoqué plusieurs

  5   fois avec Mme Korner cette situation. Nous avons demandé des traductions

  6   officielles et nous avons obtenu une traduction officielle de ce document.

  7   Lorsque nous avons essayé, avec l'aide du bureau du Procureur, d'obtenir

  8   une version améliorée et révisée, ils ont dit que c'était bon et qu'ils

  9   n'accepteraient rien si ce n'est cette traduction officielle. La traduction

 10   que Mme Korner a en sa possession, c'est un document tout nouveau, tout

 11   récent. Nous ne pouvons pas attacher à un document officiel une traduction

 12   de quelque chose d'autre.

 13   Parce que, d'après nous, ce n'est pas seulement une question

 14   technique. C'est une question de référence de pièce à conviction. Nous

 15   avons une pièce à conviction et il y a eu une traduction officielle. Le

 16   bureau du Procureur a envoyé le même document et ils ont reçu une

 17   traduction différente. Nous avons deux documents différents en somme.

 18   Dans ce cas, nous devrions ajouter au document original une

 19   traduction qui n'est pas la traduction officielle. Et je ne sais pas

 20   comment résoudre ce problème. Peut-être que l'on pourrait tout simplement

 21   attacher comme pièce jointe la traduction de Mme Korner, mais je pense que

 22   c'est tout simplement quelque chose qui n'est pas possible. Ce n'est pas la

 23   traduction officielle de ce document, du document que nous avons dans le

 24   système de prétoire électronique.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Je ne pense pas que nous avons un problème

 26   là, parce que nous avons renvoyé des documents à de nombreuses fois pour

 27   obtenir une traduction nouvelle, et le CLSS dit qu'ils ne peuvent pas faire

 28   d'autres traductions.


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  1   Donc, pour moi, il n'y a pas de problème ici. C'est le même document.

  2   Pourtant, la traduction est meilleure parce que davantage de documents

  3   étaient traduits.

  4   Mais je pense que nous ne pouvons pas -- enfin, du point de vue de la

  5   procédure, nous pouvons tout simplement ajouter encore un exemplaire de la

  6   traduction. Mais je pense que ce n'est tout simplement pas utile puisqu'on

  7   va avoir deux documents, et dans un, il va y avoir des mots qui manquent,

  8   il va y avoir d'autres mots, davantage de traduction.

  9   Toujours est-il que le moment est venu pour verser au dossier

 10   officiellement cette traduction revue et corrigée.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vais ajouter quelque chose. Ne va-t-

 12   il pas porter à confusion que d'ajouter une série de documents ? Ne serait-

 13   il pas plus utile d'examiner tout simplement le dernier effort fourni par

 14   le CLSS et d'oublier tout simplement tout l'historique ?

 15   Mme KORNER : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Je ne vois pas

 16   du tout pourquoi M. Krgovic n'est pas d'accord, parce que c'est quelque

 17   chose qui se produit tout le temps. Nous avons toujours affaire à ces cas

 18   de figure. La Défense, sans cesse, ajoute de nouvelles traductions au

 19   système de prétoire électronique.

 20   M. KRGOVIC : [interprétation] Nous allons le faire, et nous allons le faire

 21   avec un document que nous avons reçu du CLSS.

 22   Mais là, il s'agit d'un document que le Procureur a reçu du CLSS.

 23   Quand nous avons fait la même démarche, le CLSS a refusé de fournir une

 24   nouvelle traduction, en disant que la première traduction a été la

 25   traduction officielle.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] On va adopter la procédure proposée par

 27   Mme Korner. Cela étant dit, nous n'allons pas prendre la décision à

 28   présent. Il faut dire, avec quelque prudence, que nous allons procéder


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  1   comme cela et que c'est quelque chose qui va être utile pour la Chambre,

  2   pour la Défense, mais aussi pour le Greffe.

  3   Mme KORNER : [interprétation] Nous avons reçu un e-mail du Greffe au sujet

  4   de toute une série de documents, et je ne peux même pas les mentionner en

  5   audience publique. Il s'agit de pages et de pages de documents. Mais le

  6   Greffe pense que nous devons faire une requête pour cela. Si vous voulez,

  7   je peux vous les énumérer. Mais je pense que c'est de la pure perte de

  8   temps.

  9   Le document P63.3 [sic], eh bien, c'était une traduction revue et

 10   corrigée. En fait, il s'agit de 60.3. Il s'agit d'un document qui a été

 11   traduit à nouveau.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, au lieu de le faire à

 13   présent, de parcourir la liste de documents à présent, s'il s'agit de toute

 14   une série de documents qui se ressemblent, ne serait-il pas judicieux que

 15   de les énumérer tous dans une requête commune et on va s'en occuper d'un

 16   coup ?

 17   Mme KORNER : [interprétation] Si vous voulez, je peux le faire, mais je ne

 18   vois pas pourquoi on a besoin de le faire. Pourquoi on a besoin de parler

 19   de cela en audience publique ? C'est tout simplement de nouvelles

 20   traductions, et elles ont été téléchargées dans le système de prétoire

 21   électronique. Je ne vois absolument pas pourquoi je dois m'en occuper.

 22   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 23   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 24   LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je suis soulagé vu que M.

 25   Krgovic a dit qu'il savait comment procéder. Mais apparemment, il est le

 26   seul à le comprendre.

 27   Il me semble que la façon la plus simple de procéder serait, et ceci dans

 28   le but d'éviter toute erreur -- parce que si l'on procédait à la lecture de


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  1   ces chiffres -- et c'est surtout avec les chiffres qu'on peut se tromper.

  2   Pour éviter de tels problèmes, je vais demander au Procureur de nous

  3   fournir un document avec tous les numéros, et ensuite nous allons donner

  4   notre accord et le Greffe va être averti en bonne et due forme pour prendre

  5   en compte ces nouvelles cotes.

  6   Mme KORNER : [interprétation] Eh bien, je vais le faire.

  7   Est-ce que vous souhaitez que j'ajoute le document 2D89 sur la liste ?

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Très bien.

 10   Eh bien, je n'ai plus de questions à soulever ce matin.

 11   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que nous en avons terminé

 13   des questions de procédure ?

 14   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 16   Mme KORNER : [interprétation] Moi je suis venue pour cela, pour m'occuper

 17   de la procédure, des questions de procédure. Et avec votre permission, je

 18   vais quitter le prétoire à présent et je vais laisser M. Hannis dans le

 19   prétoire, c'est lui qui va interroger le témoin.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

 21   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Avant que Mme Korner ne parte. A la page 15,

 23   lignes 11 et 12, vous venez de dire, concernant justement ce document 2D89

 24   : "… donc nous allons prendre une décision orale au sujet de ce document

 25   dès que nous allons nous mettre d'accord sur le langage précis que nous

 26   allons utiliser."

 27   Et je pense qu'il faudrait tout d'abord qu'on se mette d'accord sur le

 28   langage précis que nous allons adopter, et ensuite les Juges vont prendre


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  1   la décision conformément à cela.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Mais non, il n'y a pas de bon langage, il n'y

  3   a pas de bons termes. Ils disent tout simplement que c'est une traduction

  4   plus complète.

  5   M. ZECEVIC : [interprétation] Nous avons deux traductions différentes, les

  6   deux traductions viennent du CLSS, il faut vérifier, il faut voir où se

  7   trouve le problème --

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je suis content que M. Zecevic

  9   m'ait rappelé cela. Tout ceci veut dire que nous allons formuler cela de

 10   sorte à ce qu'il soit clairement dit quelle est notre décision au sujet de

 11   ce document contesté, et ensuite il va être ajouté à la liste des autres

 12   documents.

 13   Mme KORNER : [interprétation] C'est cela la raison. Vous nous avez demandé

 14   à fournir la liste de tous les documents, qu'il s'agisse de documents

 15   modifiés ou non, M. Smith nous l'a fait, et le Greffe a demandé que ceci

 16   soit mentionné en audience publique. Et le document 2D89 va être un de ces

 17   documents qui doivent être modifiés sur la liste.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est vrai que je ne pensais pas qu'il y

 19   aurait d'autres documents qui relevaient de la même catégorie ou d'une

 20   catégorie similaire. On va s'occuper simplement de cela.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Parce qu'il s'agit là d'une question

 23   qu'il ne faut pas compliquer davantage, il n'est pas besoin de procéder

 24   ainsi.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Très bien. Merci.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je vais demander à Mme

 28   l'Huissière [comme interprété] d'introduire le témoin dans le prétoire.


Page 24712

  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Krgovic, Monsieur Zecevic, est-

  3   ce que vous avez des questions de procédure à soulever avant d'introduire

  4   le témoin ?

  5   M. ZECEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  6   M. KRGOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suppose que vous m'entendez dans

 11   une langue que vous comprenez ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vais vous demander de lire le texte

 14   de la déclaration solennelle qui vient de vous être remis par l'huissier.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : MILOS JANKOVIC [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur. Vous pouvez vous

 20   asseoir.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Tout d'abord, je vous souhaite la

 22   bienvenue dans ce Tribunal et je vous remercie d'être venu déposer ici

 23   aujourd'hui.

 24   Tout d'abord, je vais vous demander de vous présenter, donnez votre

 25   nom, prénom et date de naissance.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Milos Jankovic. Je suis né

 27   le 30 octobre 1948.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Vous êtes né où ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né dans le village Gornji Zabar. Qui a

  2   été rebaptisé Pelagicevo par la suite. Donc, jusqu'en 1958, c'était Gornji

  3   Zabar. Avant, c'était la municipalité de Gradacac, maintenant c'est une

  4   municipalité en soi, et le village se trouve en Bosnie orientale.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Monsieur Jankovic, quelle est

  6   votre appartenance ethnique ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Serbe.

  8   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien.

  9   Monsieur Jankovic, pourriez-vous nous dire quelle était votre profession en

 10   1992, ce que vous faisiez. Donc, que faisiez-vous et où travailliez-vous ?

 11   Essayez d'être bref.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'en 1992, et par la suite, j'ai continué

 13   à travailler dans le poste de sécurité publique de Prijedor. J'ai été le

 14   chef du département des transmissions et de la protection cryptographiée.

 15   Donc je me suis occupé des communications de la police à Prijedor.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Nous voyons que vous avez déjà

 17   déposé dans l'affaire Stakic devant ce Tribunal, de sorte que je ne me vois

 18   pas obligé de vous expliquer comment se déroule la déposition.

 19   Mais peut-être que vous allez être content d'entendre quelques explications

 20   supplémentaires, par exemple, le calendrier de votre déposition tel que

 21   nous l'avons prévu. C'est M. Stojan Zupljanin qui vous cite en tant que

 22   témoin, il est assis sur ma droite, et vous allez être interrogé par M.

 23   Krgovic, le conseil de la Défense de M. Zupljanin.

 24   M. Krgovic a demandé cinq heures pour son interrogatoire principal. M.

 25   Stanisic, ici vous voyez aussi son avocat, Me Zecevic donc, a demandé trois

 26   heures pour son contre-interrogatoire.

 27   Puis, le Procureur --

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi de vous


Page 24714

  1   interrompre. Après avoir rencontré le témoin hier, en compagnie de M.

  2   Krgovic, mon collègue, nous avons recalculé le temps nécessaire pour

  3   l'interrogatoire de ce témoin. Donc, si vous n'avez pas eu le temps de lire

  4   ce courriel, je dois vous annoncer d'ores et déjà que nous avons diminué le

  5   temps de l'interrogatoire principal, nous allons avoir besoin d'une session

  6   au maximum.

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Cvijetic.

  8   Je n'étais pas au courant de cela.

  9   Donc je reprends, Monsieur Jankovic. La Défense Stanisic va vous contre-

 10   interroger pendant une heure et demie au maximum.

 11   Puis, pour finir, le Procureur a demandé huit heures pour faire son

 12   contre-interrogatoire.

 13   Après, M. Krgovic va avoir la possibilité de vous poser des questions

 14   supplémentaires. Et au cours de votre déposition, les Juges vont également

 15   peut-être vous poser des questions.

 16   Donc nous pensons que votre déposition va durer toute la semaine, et

 17   nous espérons que votre déposition va se terminer au plus tard vendredi.

 18   Vous allez vous rappeler peut-être de votre déposition précédente, à

 19   savoir que nous travaillons normalement par des sessions qui durent une

 20   heure et demie. Ensuite, nous prenons des pauses, des pauses qui durent 20

 21   minutes. Et donc, ces pauses, nous les prenons toutes les 90 minutes.

 22   Et la seule chose qu'il me reste à vous dire, Monsieur Jankovic, est

 23   que vous allez déposer sous serment, ceci veut dire vous pouvez être

 24   poursuivi dans le cas de faux témoignage ou outrage au Tribunal dans le cas

 25   où votre déposition ne serait pas exacte ou ne serait pas complète. Et je

 26   dois vous dire que les peines prévues sont importantes et sévères, les

 27   peines prévues pour de telles dépositions.

 28   Est-ce que vous avez des questions à poser aux Juges avant que votre


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  1   déposition ne commence ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je vous remercie de ces

  3   informations, c'est vrai que j'étais au courant de la plupart des choses

  4   que vous m'avez communiquées. Alors, combien de temps vais-je rester ? Je

  5   suis venu ici pour vous aider, je n'ai pas vraiment de desiderata

  6   particuliers. Je vais rester le temps nécessaire. C'est vrai que je ne suis

  7   pas vraiment très heureux d'être ici. Mais posez-moi des questions, et moi

  8   je vais dire la vérité. C'est mon objectif, je ne vais pas me tromper. Je

  9   vais dire la vérité. Je suis sûr que je ne vais pas me tromper. Peut-être

 10   que je vais oublier quelques détails parce que tout cela s'est déroulé il y

 11   a longtemps, mais vous savez, il n'y a pas de problème.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Nous vous

 13   remercions aussi d'être venu ici.

 14   Monsieur Jankovic, si vous avez des questions à poser aux Juges ou aux

 15   parties, n'hésitez pas à le faire.

 16   Monsieur Krgovic, je vous donne la parole.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Interrogatoire principal par M. Krgovic : 

 19   Q.  [interprétation] Monsieur Jankovic, bonjour.

 20   R.  Bonjour.

 21   Q.  Monsieur Jankovic, vu que nous parlons la même langue tous les deux et

 22   que nous nous comprenons, je vais vous demander, en répondant à mes

 23   questions, de respecter un temps de pause assez bref pour permettre aux

 24   interprètes de traduire aussi bien ma question que votre réponse.

 25   R.  Oui, oui. Je vais faire du mieux que je peux.

 26   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous nous dire quel est votre niveau

 27   scolaire, ce que vous avez fait comme études ?

 28   R.  Eh bien, j'ai fait l'école primaire; ensuite j'ai fait l'école


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  1   secondaire technique, dans le domaine d'ingénierie des machines; ensuite

  2   j'ai fait mon service militaire. J'ai fait l'école d'officiers de réserve,

  3   et ensuite, quand la guerre est arrivée, j'avais un grade de capitaine

  4   d'artillerie.

  5   Au bout de mon service militaire, je me suis inscrit à la faculté

  6   d'électrotechnique, je m'y suis inscrit en 1969 et j'ai terminé mes études

  7   en 1975. Donc la spécialité qui était la mienne c'était justement les

  8   communications électroniques. Puis, après avoir terminé mes études, je me

  9   suis mis à travailler.

 10   Q.  Quelle était déjà la spécialisation ?

 11   R.  Télécommunications électroniques. C'était ça ma spécialisation, c'était

 12   le nom.

 13   Q.  Monsieur Jankovic, quand avez-vous commencé à travailler dans la police

 14   ?

 15   R.  Entre 1975 et 1980, j'ai travaillé dans l'industrie électronique. Et

 16   ensuite, au mois d'août 1980, j'arrive à Prijedor pour commencer à

 17   travailler dans la police, et j'y reste jusqu'à ma retraite, c'était en

 18   2008. Le 30 juin 2008.

 19   Donc j'y étais entre le mois d'août 1980 et le mois de juin 2008. Pendant

 20   tout ce temps j'ai travaillé à la police, sans interruption. Je me suis

 21   occupé toujours des mêmes tâches.

 22   Q.  Pourriez-vous nous donner votre fonction, la fonction que vous avez eue

 23   en commençant à travailler dans le SUP et la fonction que vous avez eue au

 24   moment où vous avez quitté le poste de police de Prijedor ?

 25   R.  Position par rapport à qui ?

 26   Q.  Mais quelle était votre fonction exacte ?

 27   R.  Eh bien, chaque poste de police a un département qui sert à transmettre

 28   des informations, des informations écrites ou orales, et puis il s'agit


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  1   aussi de protéger ces informations, des chiffrer. Moi j'étais le "manager"

  2   de ce département. Donc j'étais là pour organiser le travail, pour diriger

  3   les employés de mon service, pour faire en sorte que le système fonctionne.

  4   J'avais mes responsabilités par rapport à ce système, et donc je m'occupais

  5   de tout cela moi-même, mais aussi je devais rendre compte à mon chef, à

  6   savoir le chef du poste de police.

  7   Donc le numéro un du poste de police c'était mon chef. Mon supérieur

  8   hiérarchique. Je devais lui rendre compte.

  9   Mais du point de vue fonctionnel, j'ai été aussi responsable devant

 10   des responsables au MUP ou au centre, parce que là-bas aussi il y avait les

 11   services. Donc, parfois, du point de vue fonctionnel, mon supérieur sous la

 12   ligne fonctionnelle était parfois à Sarajevo, parfois à Banja Luka, et il

 13   fallait que je lui rende compte aussi sur le volet professionnel de ma

 14   fonction.

 15   Q.  Monsieur Jankovic, M. le Juge Harhoff vous a demandé où vous avez déjà

 16   eu l'occasion de comparaître et vous avez confirmé que cela était le cas.

 17   Dans quelles affaires ?

 18   R.  Dans l'affaire Prcac. J'ai été engagé par la Défense dans l'affaire

 19   Prcac. Je pense que c'était en l'an 2001.

 20   Puis, pour le Dr Stakic, dans son affaire, je pense que c'était en

 21   2003. Oui. Au printemps, en mai 2001, une première fois; puis en hiver.

 22   Puisqu'il neigeait la deuxième fois.

 23   Q.  Vous avez déposé en tant que témoin dans ces deux affaires. Est-ce que

 24   vous avez eu l'occasion d'être interviewé par le 

 25   Procureur ?

 26   R.  Oui, c'était bien plus tard. C'était à l'automne. Il faisait déjà

 27   froid. Je pense que c'était en novembre 2007. J'ai eu un entretien à Banja

 28   Luka, c'était assez long. Il y avait une dame et il y avait un monsieur,


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  1   ils étaient eux deux. Il me semble que ça a duré huit heures, leur

  2   interrogatoire.

  3   Q.  Monsieur Jankovic, combien de fois avez-vous rencontré des

  4   représentants de la Défense de M. Zupljanin après cet entretien avec

  5   l'Accusation ?

  6   R.  Je pense que c'était il y a deux ans, à l'été où à l'automne. M.

  7   Vukovic m'a contacté, nous sommes des amis proches. Nous étions amis depuis

  8   le temps de nos études. Il m'a invité à prendre un café et il m'a demandé

  9   si j'étais prêt à venir témoigner. Je lui ai dit que oui, si nécessaire,

 10   mais que j'avais déjà raconté ce que j'avais à dire devant le Tribunal

 11   précédemment et devant le Procureur. Mais s'il fallait le faire, j'étais

 12   prêt à le faire.

 13   Et donc, il n'y a pas eu plus d'explication. Donc c'était un premier

 14   contact où je me suis rendu compte que cela pouvait arriver que l'on me

 15   cite.

 16   Là, c'était à un moment où il neigeait, c'était fin décembre,

 17   janvier, me semble-t-il, et vous-même, vous êtes venu. Là, nous n'avons pas

 18   eu une conversation très longue, mais vous avez un petit peu esquissé le

 19   sujet futur de ma déposition. C'était très bref. Et vous avez dit que cela

 20   pouvait se produire que l'on me convie à venir déposer en tant que témoin.

 21   J'ai dit que j'accepterais si cela se présentait, mais que je n'avais rien

 22   de nouveau à dire, que j'avais déjà dit tout ce que j'avais à dire aux

 23   représentants du bureau du Procureur. Donc, dans cette affaire, je leur ai

 24   raconté tout ce que je savais. Donc c'est comme ça que ça s'est terminé.

 25   Puis, c'était l'été dernier que vous m'avez appelé aussi. Je ne sais

 26   plus exactement quand. C'était en été. La conversation a été brève, et vous

 27   m'avez dit que ce serait soit fin août que l'on me citerait, sinon en

 28   septembre, après les vacances d'été. Je vous ai dit que j'avais besoin de


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  1   savoir avec un peu plus de précision. Parce que je vis seul, et souvent je

  2   me rends à Prijedor, à Posavina, pour voir ma famille. Je ne voulais pas

  3   que l'on me contacte alors que je suis absent. Mais ça n'a pas posé

  4   problème finalement. Vous m'avez appelé là - quand c'était là ? -

  5   récemment. Donc j'étais prêt à venir et je suis venu.

  6   Donc, si mes souvenirs sont bons, nous nous sommes vus trois fois.

  7   Donc, en hiver, puis là, plus récemment.

  8   Q.  M. Vukelic vous a-t-il demandé si vous souhaitiez rencontrer le

  9   Procureur pour un entretien après avoir accepté de venir en tant que témoin

 10   de la Défense Zupljanin ?

 11   R.  Oui, oui. Il m'a appelé. Mais vous savez, je n'ai pas cherché à retenir

 12   ces dates, mais je pense que c'était fin juillet ou août, enfin c'était

 13   l'été. Il faisait très chaud. Quelqu'un a appelé, je ne sais plus qui, pour

 14   dire si je voulais rencontrer le Procureur. J'ai réfléchi un petit peu, pas

 15   longtemps, et puis je me suis dit que je n'avais rien à dire au Procureur,

 16   et j'ai dit non.

 17   Pourquoi ? Parce que j'ai passé huit heures avec eux et il n'y a eu aucun

 18   obstacle, aucune condition posée par moi, je leur ai dit tout ce qu'ils

 19   m'ont demandé. Donc, dans le prétoire aussi précédemment, ils m'ont posé

 20   des questions, et je leur ai dit tout ce que je savais. Donc je ne vois pas

 21   pourquoi j'irais répéter tout ça. Ça ne me semblait pas logique, donc, oui,

 22   je n'ai pas voulu.

 23   Q.  Excusez-moi, il va falloir ralentir un petit peu parce que

 24   l'interprétation n'est pas adéquate et n'est pas représentée correctement

 25   dans le compte rendu d'audience.

 26   R.  Je vais --

 27   Q.  Non, non, je vais vous poser des questions plus brèves. Qui vous a

 28   appelé par téléphone ?


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  1   R.  C'est Vukelic qui m'a appelé. C'était la deuxième moitié de l'été. Je

  2   ne sais pas exactement la date. Je ne me rappelle pas les mots qui ont été

  3   prononcés, mais il m'a dit qu'il y avait besoin ou que quelqu'un demandait,

  4   je ne sais pas exactement, et donc, au fond, ce qu'il m'a demandé, c'était

  5   de savoir si j'étais prêt à revoir de nouveau le Procureur, et j'ai dit :

  6   Mais le Procureur --

  7   Q.  Mais qu'est-ce que vous avez répondu ?

  8   R.  J'ai réfléchi un petit peu un instant, et je me suis rappelé qu'en 2007

  9   j'ai eu déjà un entretien très détaillé et très long. Et pour moi, c'était

 10   les représentants du bureau du Procureur, c'était le Procureur.

 11   Q.  Et qu'avez-vous dit à M. Vukelic ?

 12   R.  J'ai dit : Non, non. Je leur ai déjà dit tout ce que j'avais à dire, je

 13   ne vois pas pourquoi j'irais répéter, et il y a un risque que je fasse des

 14   erreurs. Je lui ai dit : Je veux --

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   L'INTERPRÈTE : Question hors micro.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez juste ralentir un petit peu, s'il vous plaît.

 19   R.  Oui, oui. Je présente mes excuses aux interprètes.

 20   Q.  Puisque nous parlons de cela, vendredi dernier, nous nous sommes vus

 21   ici, et je vous ai demandé si vous aviez changé d'attitude par rapport à

 22   cet entretien éventuel avec le Procureur ?

 23   R.  Oui, oui. Je maintiens ma position.

 24   Q.  Oui, oui, cette partie-là est claire. Merci.

 25   Mais je veux juste savoir si vous avez vu d'autres représentants de la

 26   Défense dans cette affaire en plus de moi ?

 27   R.  Mais j'ai vu cet autre monsieur. Comment s'appelle-t-il ? Celui-là, il

 28   m'a présenté -- mais je ne me rappelle pas les noms. Votre collègue, il m'a


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  1   présenté celui-là.

  2   Q.  M. Cvijetic.

  3   Q.  Oui, oui.

  4   Q.  Vous parlez de cet entretien hier après-midi avec moi-même et avec M.

  5   Cvijetic.

  6   R.  Oui, oui.

  7   Q.  Je voulais juste que ce soit clair avant de passer à autre chose.

  8   Monsieur Jankovic, je vous ai posé des questions au sujet de votre travail.

  9   Y avait-il d'autres membres de votre famille qui travaillaient au poste de

 10   sécurité publique de Prijedor en 1991 ou à peu près à cette date-là ?

 11   R.  Oui. Dans ma famille, il y avait mon épouse et deux enfants. Les

 12   enfants ne travaillaient pas, mais mon épouse, elle, travaillait dans ce

 13   même poste, et elle travaillait dans le domaine de la criminalité des

 14   affaires. Elle était juriste diplômée et c'est la criminalité des affaires

 15   qui a fait l'objet de son travail toute sa vie, toute sa carrière, y

 16   compris à ce moment-là.

 17   Q.  Monsieur Jankovic, à partir de quel moment vous avez cessé de

 18   travailler à Prijedor ? Quand est-ce que vous êtes passé à Banja Luka, et à

 19   quel poste ?

 20   R.  Vous m'avez demandé -- en fait, je ne sais pas si c'est important, en

 21   mars 1994, j'ai subi une intervention médicale. Officiellement, j'étais

 22   toujours employé, mais j'étais en congé maladie. Mais de Prijedor, je suis

 23   passé officiellement à Banja Luka le 1er novembre 2001, et j'y suis resté

 24   jusqu'au moment où j'ai pris ma retraite.

 25   Q.  Et quel est le poste que vous avez occupé ?

 26   R.  Alors, il faut savoir que là-bas je ne me suis occupé que d'une partie

 27   des activités liées aux transmissions, donc le maintien, l'installation de

 28   nouveaux équipements, planification, élargissement. Enfin, l'aspect


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  1   technique de la chose, et j'étais chef du service qui était chargé de cela.

  2   Q.  Monsieur Jankovic, en quelques mots, pendant l'année 1992, est-ce que

  3   vous pourriez nous dire --

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige, 1991.

  5   M. KRGOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire en quoi ont consisté vos tâches au

  7   poste de police de Prijedor ?

  8   R.  En quelle année ?

  9   Q.  En 1992.

 10   R.  Oui, en 1992, c'était les mêmes activités que depuis mon arrivée, donc

 11   ça s'est poursuivi. A savoir, et je vais vous donner quelques détails

 12   maintenant, comme je l'ai dit, donc ce service chargé des transmissions que

 13   j'ai dirigé se compose en fait de deux volets d'activités. D'un côté, la

 14   transmission des informations. Donc que font-ils ? Ils reçoivent des

 15   dépêches, que ce soit par écrit, ils les dactylographient et ils les

 16   envoient aux destinataires dont les adresses sont fournies. Et puis, ils

 17   réceptionnent aussi les informations. Ces dépêches peuvent être soit

 18   protégées, soit non. Elles peuvent faire l'objet du chiffrement. C'est eux

 19   qui le font. Donc ce sont eux qui procèdent au chiffrement, puis ils

 20   décryptent également, et ils envoient aux destinataires. Cette partie

 21   s'appelle l'exploitation du système de transmission.

 22   Là, vous avez un travail par relèves 24 heures sur 24. Vous avez toujours

 23   quelqu'un qui est de permanence sur place.

 24   Le deuxième volet, quant à lui, l'installation et les réparations de tous

 25   les équipements, tous les appareils qui peuvent relever des communications

 26   par téléphone, des téléscripteurs. Toutes ces machines qui rentrent dans

 27   cette catégorie-là, donc la transmission d'informations écrites. Les

 28   stations radio, différentes fréquences, ondes courtes ou autres. Et ce que


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  1   la police porte sur eux, les petites stations.

  2   Et là, dans l'ensemble de ces activités, eh bien, je veillais à ce que ce

  3   soit fait au mieux, j'apportais l'aide ou assistance lorsque nécessaire,

  4   s'il fallait faire quelque chose. Et comme je vous l'ai déjà dit, mon chef

  5   me tenait responsable de l'ensemble des activités de ce petit service. Donc

  6   j'étais chargé d'exécuter le planning, je rendais compte de nos activités,

  7   et cela, en application des règles en place. Tous les jours ou à titre

  8   hebdomadaire, on avait des réunions de manière générale en 1992. Et puis,

  9   tous les mois, tous les trois mois, tous les six mois, il fallait établir

 10   un rapport. Sauf que, en 1992, nous avions toujours cette même règle, mais

 11   --

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas compris la dernière observation du

 13   témoin.

 14   M. KRGOVIC : [interprétation]

 15   Q.  Les interprètes ne vous ont pas compris à la fin de votre réponse. Vous

 16   avez dit qu'il y avait des réunions hebdomadaires et puis quotidiennes,

 17   puis après vous avez parlé de l'année 1992. Qu'avez-vous dit exactement ?

 18   R.  Je vais me corriger, en fait. J'ai fait une erreur. Mais faites très

 19   attention à ce que je dis. Donc les règles n'ont pas changé de 1980 à 1992,

 20   les règles régissant le système de compte rendu. Mais en 1992, ces règles

 21   n'étaient pas en place. Donc, parfois il fallait que le collège se réunisse

 22   le matin, parce que nous, les chefs, il fallait qu'on fasse part de nos

 23   résultats, de ce qu'on a fait. Mais quand Simo Drljaca, par exemple, est

 24   arrivé, eh bien, il n'y avait plus de réunion, il n'y avait plus de compte

 25   rendu, plus de réunion d'information.

 26   Je pense que maintenant je l'ai dit clairement.

 27   Q.  Je reviendrai sur cela plus tard. Je voulais juste corriger un détail

 28   dans le compte rendu d'audience qui n'était pas précis.


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  1   R.  Je vous en prie.

  2   Q.  Monsieur Jankovic, des élections pluripartites ont eu lieu en Bosnie-

  3   Herzégovine. Après ces élections, est-ce que, au poste de sécurité publique

  4   de Prijedor, il y a eu un changement au niveau de la direction; et s'il y a

  5   eu un changement, est-ce que vous pouvez nous le préciser ?

  6   R.  Oui. Des élections pluripartites ont eu lieu, et par la suite les

  7   partis, que ce soit ailleurs ou chez nous, ont commencé à nommer la

  8   direction. Et alors, les postes les plus importants c'était celui du chef

  9   du poste de police, puis le commandant de la police, qui lui, en fait,

 10   occupe le poste qui est le deuxième d'après l'importance.

 11   Et aussi, il y a pas mal de négociations, de tractations. Ils n'arrivaient

 12   pas à se mettre d'accord sur les nominations.

 13   Et d'après ce que j'ai retenu, d'après mes souvenirs, il y a eu un

 14   accord, en fait, qui a été passé entre ces partis politiques, à savoir que

 15   partout, le parti qui l'a emporté aux élections, qui est sorti victorieux,

 16   nomme le chef du poste de police; et que le parti qui est sorti deuxième

 17   aux élections, eh bien, que lui donne l'homme qui occupera le deuxième

 18   poste d'après l'importance au poste, donc c'était le poste du commandant de

 19   la police. Et donc, dans la municipalité, le président de la municipalité

 20   était nommé par le premier parti, et puis le deuxième poste, le chef du

 21   conseil exécutif, était nommé par le deuxième parti politique, donc celui

 22   qui était sorti deuxième d'après le nombre de voix. Ainsi, Hasan Talundzic

 23   est devenu chef de notre poste de police. Et le commandant est devenu Dusan

 24   Jankovic.

 25   Voilà.

 26   Q.  Monsieur Jankovic, vous avez toujours occupé le même poste, vous-même ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce qu'il y a eu des modifications au niveau du poste de sécurité


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  1   publique ? A l'issue de cet accord passé entre les partis politiques, est-

  2   ce qu'il y a eu des changements ou des mutations ?

  3   R.  Oui, oui. Prenons un exemple, le commandant du poste était Fikret

  4   Kadiric, et alors, puisque Dusan Jankovic allait venir prendre son poste,

  5   lui, il a été muté, il est devenu chef de la police de la route. Donc lui,

  6   par exemple, il n'a pas gardé son poste. Il a pris un autre poste.

  7   Je ne me souviens pas exactement, mais le chef avait le droit de muter son

  8   personnel. Donc la première chose qu'ils faisaient généralement, c'était de

  9   changer de secrétaire.

 10   Q.  Monsieur Jankovic, avant Hasan Talundzic, le chef du poste de police de

 11   Prijedor c'était qui ?

 12   R.  Brièvement, il y a eu Slobodan Stojanovic. Et puis, il y a eu Sead

 13   Besic assez brièvement, mais il est parti pour Banja Luka après, et puis

 14   c'est Stojanovic qui a pris son poste.

 15   Q.  Et Slobodan Stojanovic, il était de quelle appartenance ethnique ? Il a

 16   été remplacé par Talundzic.

 17   R.  Il était Serbe. Je ne sais pas comment il se déclarait officiellement,

 18   mais d'après son nom et son prénom, on s'attendrait à ce que se soit un

 19   Serbe.

 20   Q.  Et Hasan Talundzic ?

 21   R.  Lui, il était Musulman.

 22   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que le moment

 23   de la pause est venu.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous reprendrons dans 20 minutes.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

 27   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 28   [Le témoin vient à la barre]


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  1   M. KRGOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Jankovic, continuons, si vous le voulez bien, là où on

  3   s'était arrêtés.

  4   Ma question est la suivante : exception faite du bâtiment du poste de

  5   sécurité publique à Prijedor, où se trouvait la police portant un uniforme

  6   ? Est-ce que, dans le cadre de ce poste de sécurité publique à Prijedor, il

  7   y avait des divisions ou secteurs qui étaient dissociés vis-à-vis du

  8   bâtiment ?

  9   R.  Oui, ça existait avant et ça existait à ce moment-là. Il y avait un

 10   poste de police à Ljubija. Avec un chef, il y avait un département de la

 11   police à Kozarac, et il y avait, me semble-t-il, Omarska, qui était d'abord

 12   une section, puis un poste. Mais je ne sais pas si c'était un poste ou un

 13   secteur. Il y avait Kozarac et Omarska, pour l'essentiel.

 14   Q.  Est-ce que qu'ils étaient liés dans le système organisationnel au poste

 15   de sécurité publique à Prijedor ?

 16   R.  Oui. Ils avaient un poste émetteur-récepteur UKT à ondes ultracourtes,

 17   un poste fixe, au poste. Puis, il y avait des lignes téléphoniques. Ils

 18   n'avaient pas de communication par télex pour ce qui est d'informations à

 19   échanger par écrit.

 20   Q.  Alors, si l'on accepte ce poste de sécurité publique à Prijedor, est-ce

 21   que votre service entretenait d'autres communications avec d'autres postes

 22   de sécurité publique, et est-ce que vous étiez liés à ces postes ?

 23   R.  Eh bien, du point de vue organisationnel, tombaient sous la coupe de

 24   Prijedor les postes de Sanski Most, de Bosanski Novi - c'est ainsi que ça

 25   s'appelait à l'époque, cette ville - et Bosanska Dubica, qui s'appelait à

 26   l'époque Bosanska Dubica.

 27   Q.  Quand il s'agit des transmissions, quel était, du point de vue de ces

 28   centres de communication, le lien que vous aviez avec ceux-là ? Est-ce que


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  1   vous étiez en position de supérieur hiérarchique, ou comment cela

  2   fonctionnait-il ? Ce que je veux que vous expliquiez c'est la corrélation

  3   organisationnelle.

  4   R.  Du point de vue des transmissions, nous avions une position de

  5   supérieur hiérarchique. Pour ce qui est du travail, eux étaient liés

  6   directement au centre de sécurité publique à Banja Luka.

  7   Du point de vue des tâches policières, ils étaient sur un pied

  8   d'égalité avec nous, et on tombait tous sous la coupe de Banja Luka. Mais

  9   du point de vue des solutions techniques des transmissions et des câblages,

 10   ils étaient liés à Prijedor et, en passant par Prijedor, avec Banja Luka,

 11   le MUP, et cetera.

 12   Q.  Monsieur Jankovic, pouvez-vous nous dire ceci : après les élections

 13   pluripartites et l'élection de la nouvelle direction, est-ce qu'il y a eu

 14   des changements au niveau du système de gestion de direction des postes

 15   dans les modalités d'échange des transmissions du point de vue des

 16   modalités, de l'accomplissement des activités de ces postes de police ?

 17   Quand il y a eu une nouvelle direction qui a été nommée là par les parties

 18   venues au pouvoir après les élections.

 19   R.  Je peux dire qu'il y a eu des changements, en effet. Du point de vue

 20   technique, les modifications n'ont pas été importantes parce que les

 21   instruments, les dispositifs, qu'on avait ont continué à fonctionner comme

 22   de par avant. Mais au fur et à mesure que les choses tombaient en panne, il

 23   n'y a pas eu de réparation, parce que les conditions avaient changé.

 24   Mais du point de vue organisationnel, il y a eu des changements

 25   énormes.

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez brièvement nous expliquer ce que vous venez de

 27   dire ? De quelle façon cela s'est-il reflété, moyennant exemples, s'il vous

 28   plaît ?


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  1   R.  Par exemple, dans des activités normales, il y a bon nombre de choses

  2   dans mon travail que je n'étais pas habilité à trancher, je n'étais pas

  3   habilité à décider moi-même. J'étais censé m'adresser à mon supérieur

  4   hiérarchique, par exemple, pour que l'on m'approuve des moyens financiers

  5   pour acheter du matériel en matière de transmission. J'allais voir mon

  6   supérieur hiérarchique. Il se penchait sur les possibilités. Il autorisait

  7   ou pas, il aidait ou pas, et on continuait à fonctionner.

  8   Maintenant, c'est Hasan Talundzic qui est arrivé là, et la seule expérience

  9   qu'il avait avec la police, c'était quand il se faisait arrêter sur la

 10   route alors qu'il conduisait en état d'ébriété. Il ne savait absolument

 11   rien du travail qu'on était censé faire, alors je n'avais rien à lui poser

 12   comme questions en la matière. Je suis resté sans une coopération par la

 13   filière hiérarchique vers le haut. Et je ne pouvais fonctionner de façon

 14   correcte que si j'avais des liens avec les supérieurs et les subalternes.

 15   Tout à coup, ça s'est perdu. Cette filière s'est perdue. Ça, c'est un

 16   exemple. Je peux vous en donner toute une série d'autres.

 17   Ça avait mis en péril les fonctions telles qu'elles existaient

 18   jusque-là, et on n'a pas mis de réseau nouveau en place.

 19   Q.  Monsieur Jankovic, après ces élections pluripartites, est-ce qu'il y a

 20   eu, lors de la nomination des responsables, une influence du point de vue

 21   de la nomination des nouvelles instances du pouvoir pour ce qui est des

 22   postes de sécurité publique ?

 23   R.  Et comment. Mais c'était la seule liaison possible. Hasan Talundzic,

 24   lui, a été placé là par le SDA. Ils l'ont placé là parce que ça les

 25   arrangeait, j'imagine, puisqu'il l'avait nommé là. Mais je n'ai pas suivi

 26   les choses. Mais j'ai pu quand même remarquer avec aisance que lorsqu'on

 27   lui faisait parvenir une dépêche importante, il la prenait et il allait en

 28   face, chez son maire de l'assemblée ou le président de l'assemblée


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  1   municipale, pour aller le consulter. Dans la faction entièrement en place,

  2   on recevait une dépêche, on n'allait pas aller poser des questions. On

  3   posait la question aux collaborateurs à l'intérieur du centre. Il y a eu

  4   bon nombre d'exemples de ce genre. La situation était différente.

  5   Q.  Qui était à l'époque le maire ou le président de l'assemblée municipale

  6   ? Qui était le président du SDA à Prijedor en 1992 ?

  7   R.  Lorsque ces partis sont venus au pouvoir, c'est le parti du SDA qui l'a

  8   emporté, et le maire est devenu le professeur du lycée. Cehajic, Muhamed,

  9   ou comment s'appelait-il ? Il était professeur de langue serbo-croate dans

 10   le lycée. Le président du SDA était le Dr Mirza Mujadzic. C'est pour ce qui

 11   concerne le SDA.

 12   Pour ce qui est du côté SDS, le président du conseil exécutif était le Dr

 13   Mico Kovacevic, alors que chez nous, le chef du poste c'était Dusan

 14   Jankovic. Le directeur c'était Hasan Talundzic.

 15   Q.  Et qui était le président du SDS à Prijedor en 1992 pour la même

 16   période ?

 17   R.  Ecoutez, je n'étais pas membre et je n'ai jamais été suivre tout ce qui

 18   se passait. Je crois que c'était Simo Miskovic, mais je n'en suis pas sûr.

 19   Peut-être y avait-il quelqu'un en place avant lui. Je n'ai pas été membre,

 20   je n'ai pas lu les journaux à cet effet et je ne suis pas allé aux

 21   réunions, mais je crois qu'à cette époque-là il a été à la tête du SDS

 22   pendant un certain moment.

 23   Q.  Puisque nous sommes à parler de ce sujet, avez-vous été membre d'un

 24   parti quelconque après la mise en place de ce système pluripartite ?

 25   R.  Non, jamais. J'avais été membre de la Ligue des Communistes. Je

 26   n'aurais pas pu travailler là si je n'étais pas membre, c'était une règle.

 27   Tous étaient membres de la Ligue des Communistes. Mais après les élections,

 28   depuis les élections, je n'ai jamais été membre d'aucun parti quel qu'il


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  1   soit.

  2   Q.  Vous aviez été membre de la Ligue des Communistes jusqu'à quand ?

  3   R.  Jusqu'à ce qu'ils n'aient perdu, tant que je travaillais au SUP.

  4   Q.  Monsieur Jankovic, avec le début des conflits en Croatie, au début des

  5   tensions ethniques en Bosnie-Herzégovine, dites-nous si les tensions en

  6   place, la situation, s'étaient répercutées sur le fonctionnement du poste

  7   de sécurité publique à Prijedor ? Je parle de la période fin 1991, début

  8   1992.

  9   R.  Oui, c'est le cas. Dès le début, ça a commencé tout de suite dès la

 10   création de ces partis, lorsqu'il y a eu début du règne de ces partis

 11   variés, et on a parlé de tensions. Mais de mon avis, ça a été un processus

 12   de grande taille et très complexe. Parce que tous les jours, on entendait

 13   des choses peu agréables, des choses très mauvaises de la part d'un parti

 14   ou d'un autre qui disait du mal de l'autre groupe ethnique, et l'un des

 15   groupes ethniques disait du mal de l'autre, et cetera.

 16   Ça ne faisait que s'accumuler, cette espèce de - comment dirais-je ?

 17   - cette espèce d'antagonisme, et ça se manifestait. On en est arrivés, par

 18   exemple, moi-même, par exemple, à parler de moi-même avec deux employés,

 19   des collègues. Un certain Ago, qui avait travaillé avec ma femme et qui

 20   était inspecteur en matière de criminalité économique. J'étais en bons

 21   termes avec lui. On ne s'est jamais disputés. Il a commencé à m'éviter.

 22   Enfin, il me disait bonjour, mais s'il pouvait m'esquiver -- il ne

 23   s'asseyait pas avec moi pour prendre un café, sans pour autant dire qu'il

 24   était fâché. On le remarquait, on pouvait le sentir.

 25   Et ça se sentait aussi à l'extérieur de notre institution en ville

 26   entre les gens. Il faut dire qu'il y a des gens qui n'ont pas réagi de

 27   cette façon-là. J'avais un premier voisin, un collègue qui a été à l'école

 28   avec moi jusqu'à la faculté, on n'a jamais eu d'histoires entre nous, mais


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  1   c'était plutôt rare ça. Les tensions n'ont fait que croître de plus en

  2   plus.

  3   Je peux vous donner beaucoup d'exemples pour illustrer des situations

  4   qui étaient anormales par rapport à la période que nous avions connue

  5   antérieurement.

  6   Q.  Monsieur Jankovic, est-ce que vous pouvez nous dire si, dans le cadre

  7   du poste de sécurité publique à Prijedor, il y avait des unités de

  8   réservistes de la police et des postes de police de réserve ?

  9   R.  Oui, on appelait cela poste de police de réserve depuis mon arrivée. Je

 10   ne sais pas quand est-ce que ça a été mis en place. Ça existait quand je

 11   suis arrivé en 1980 déjà. Du point de vue de l'organisation de l'époque, la

 12   municipalité de Prijedor en avait 43, me semble-t-il, de ces communautés

 13   locales. Peut-être une de plus ou une de moins, mais je crois que c'était

 14   43. Et chacune de ces communautés locales avait un poste de police de

 15   réserve, un poste de réservistes, appelez-le comme vous voulez.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Krgovic, avant qu'on aille

 17   de l'avant, puis-je demander au témoin la chose 

 18   suivante : Monsieur le Témoin, vous avez, dans votre réponse antérieure,

 19   dit que vous aviez eu de bonnes relations avec un inspecteur chargé de

 20   poursuivre la criminalité économique. Quelle était donc son appartenance

 21   ethnique à cet homme ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens de chez nous savent qu'Ago c'est un

 23   Musulman.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ago comment, avez-vous dit ? Quel

 25   était son nom de famille ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ago Salikovic.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Salikovic. Merci beaucoup.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire même que nous étions très


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  1   proches. Je le fréquentais plus que d'autres individus. On allait souvent

  2   prendre un café ensemble avant.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et il est resté dans les effectifs de

  4   la police jusqu'à quand; vous en souvenez-vous ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le 30 avril, lorsque les Serbes sont

  6   entrés - on en a parlé longuement du 30 avril, le matin du 30 - ceux qui

  7   sont entrés dans le SUP ont demandé à ce que soit signé une espèce de

  8   serment ou un engagement. Avant, on signait pour dire que l'on ferait les

  9   tâches de police de façon consciencieuse.

 10   Alors, tous ceux qui étaient venus au travail ont été requis pour ce

 11   qui était de signer, et ceux qui signaient pouvaient aller jusqu'à leur

 12   poste de travail. Moi j'ai signé et je suis allé travailler. Ceux qui ne

 13   voulaient pas signer étaient censés restituer leur badge de policier et

 14   restituer leur arme à feu. Parce que nous avions tous un pistolet. Il

 15   pouvait donc restituer son pistolet et partir où il voulait.

 16   Ce premier matin, il y a eu des Musulmans qui ont signé, il y en a eu

 17   d'autres qui n'ont pas voulu signer. Cependant, au fil du temps, il y a eu

 18   une différenciation de faite. Ceux qui étaient Serbes voulaient revenir,

 19   j'imagine, pour continuer à toucher leur salaire, et les Musulmans, eux,

 20   sont partis et ont quitté les rangs de la police.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je veux

 22   confiner les limites de la question que je vous ai posée.

 23   Cette connaissance, Ago Salikovic, a-t-il quitté les rangs de la police

 24   vers le 30 avril 1992 ? A-t-il été de ceux-là qui ne voulaient pas signer

 25   cette espèce de serment ou d'engagement ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il n'est pas resté. Il y avait un autre

 27   inspecteur que je connaissais aussi. Pourquoi les connaissais-je ? Ils

 28   travaillaient avec ma femme. Ils étaient à cinq bureaux du mien. Moi je


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  1   n'ai pas suivi ce qui se passait au niveau du poste. Ceux-là se trouvaient

  2   installés près de là où j'étais, et c'est ce que j'ai pu voir.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour que votre réponse soit tout à

  4   fait claire, il y a un oui et un non dans votre réponse.

  5   Si je vous ai bien compris, Ago n'a pas signé ou n'a pas prêté serment, et,

  6   par conséquent, il a quitté la police. Est-ce que c'est bien ce qu'il faut

  7   comprendre ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est exact de dire que ce matin, Ago n'a pas

  9   signé, et je ne l'ai plus revu, ni ce jour là ni plus tard.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 11   M. KRGOVIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Jankovic, encore une question, et je vais poursuivre dans la

 13   voie de la question posée par M. Delvoie.

 14   Vous avez mentionné le fait que des Musulmans avaient commencé par

 15   signer puis se sont désistés.

 16   Lorsque cette déclaration solennelle était censée être signée,

 17   certains à avoir signé au départ ont-il retiré leur signature ?

 18   R.  Oui. Par exemple, Enes, j'ai oublié son nom de famille, il travaillait

 19   avec ma femme lui aussi. Il n'est resté que quelques jours. Enfin, je ne

 20   sais pas, parce que je ne me suis pas entretenu avec lui, mais il a quitté

 21   la police quelques jours plus tard, et je ne sais pas pour quelle raison.

 22   Et Cahuric, Mirsad [phon], par exemple, c'est un employé des transmissions

 23   dont j'étais le chef, moi, et c'était aussi un Musulman, lui. C'était un

 24   bon employé, lui, d'après moi. C'était un homme bon, je trouve. Je me suis

 25   donc efforcé autant que faire se pouvait de faire en sorte qu'il ressente

 26   le moins possible de désagrément dans ce milieu. Il est resté, je ne sais

 27   vous dire combien de temps, il est resté encore un mois ou un mois et demi,

 28   puis lui aussi, il est parti. De son propre gré. Personne ne l'a chassé de


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  1   là. Il a été le dernier des Musulmans pendant cette période à avoir quitté

  2   notre poste. Certains sont revenus par la suite.

  3   Mais je me suis efforcé pour ma part de l'aider. Et mes collègues et

  4   moi-même l'avions aidé à se procurer des vivres; ces gens avaient peur de

  5   déambuler en ville même quand ils n'étaient pas au poste. Moi je ne suis

  6   personnellement pas allé chez lui pour l'aider, mais j'ai envoyé des

  7   collègues à moi pour voir s'il avait du pain, s'il avait ce qu'il fallait,

  8   parce qu'il avait deux enfants à la maison.

  9   J'espère avoir été clair.

 10   Q.  Vous nous avez dit qu'il est parti au bout d'un mois et demi. Est-ce

 11   qu'il est parti de son plein gré ? Parce que ça n'a pas été consigné au

 12   compte rendu, cette partie.

 13   R.  Il est parti de son plein gré, il ne m'a pas dit pourquoi. Je me suis

 14   entretenu avec lui par la suite de façon tout à fait neutre. Je n'ai pas

 15   voulu lui demander pourquoi il était parti. Mais je suppose savoir

 16   pourquoi.

 17   Parce que dès lors, il y a eu des organisations internationales très

 18   variées à commencer à faire partir vers l'Europe ou ailleurs les gens de

 19   façon organisée pour aider les familles. Il a dû s'attendre à connaître un

 20   sort meilleur ailleurs en Europe plutôt que là où il y avait eu guerre. Et

 21   il a attendu chez lui jusqu'au moment où il s'est intégré à ce qu'on avait

 22   appelé des convois. Il a eu quand même de la chance de voir sa femme et ses

 23   deux enfants partir dans ce convoi vers l'Allemagne. Lui, il a été séparé

 24   du convoi par les Musulmans, et il a continué à faire les mêmes tâches de

 25   police dans le poste de Travnik. Il est revenu. Il se trouve à Sanski Most

 26   maintenant. Il nous arrive de nous rencontrer de nos jours encore, et nous

 27   sommes en bons termes. Il nous arrive de nous rencontrer par hasard, de

 28   façon fortuite.


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  1   Q.  Monsieur Jankovic, revenons maintenant à cette question des postes de

  2   réserve.

  3   Quelle était la composition ethnique de ces postes de réserve au niveau de

  4   la police par rapport à ces communautés locales où les postes en question

  5   étaient créés ? Est-ce que ça correspondait à la composition ethnique de

  6   ladite communauté locale ?

  7   R.  Oui. La composition de ces postes, je vous dirais que dans une certaine

  8   mesure c'était quelque chose que je connaissais un peu mieux. Pourquoi ?

  9   Parce qu'il y avait un programme de formation permanente dans des matières

 10   variées, et il y avait aussi le domaine des transmissions. Et moi j'allais

 11   les voir et je leur donnais des cours en matière de transmission. J'ai eu

 12   l'occasion de rencontrer pas mal de gens. Un poste, puis un deuxième, et

 13   cetera, et j'ai fait le tour de la totalité de ces postes.

 14   Et la composition ethnique correspondait plus ou moins à la composition

 15   ethnique de la communauté locale dont ces postes faisaient partie. Du point

 16   de vue des qualités morales et humaines, il fallait que ces gens soient au-

 17   dessus de la moyenne, il ne fallait pas qu'ils aient de casier judiciaire,

 18   qu'il n'y ait eu des délits ni au pénal ni des délits de simple police. Il

 19   ne fallait pas non plus que ce soit des gens qui se seraient trouvés portés

 20   sur l'alcool ou des choses de ce genre.

 21   Q.  Combien y avait-il, dans les rangs de ces effectifs, de personnes au

 22   début 1992 ?

 23   R.  Ecoutez, je n'ai jamais eu à me pencher sur ce sujet. Partant des

 24   réunions que nous avons eues, il a été dit qu'à Prijedor, il y avait 700

 25   hommes et qu'il n'y avait que 450 fusils. Alors, si ça peut vous aider en

 26   matière d'information ou de donnée à titre d'orientation ou

 27   d'approximation, c'est un peu les chiffres que j'ai eu l'occasion

 28   d'entendre. Je n'ai pas eu à connaître d'autres informations qui seraient


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  1   venues du terrain.

  2   Q.  Est-ce que, au poste de sécurité publique à Prijedor, il y avait un

  3   département qui s'occupait de ces tâches liées à la police de réserve; et

  4   qui est-ce qui s'en occupait ?

  5   R.  Je sais qu'il y avait un poste de travail, un référendaire, qui était

  6   chargé de ce type d'activités. A l'époque, c'était Ceric, Muharem. Je le

  7   sais parce que son bureau se trouvait à côté du mien, et les gens venaient

  8   chez lui.

  9   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est son appartenance ethnique ?

 10   R.  Il est Musulman.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire si par la suite, à savoir entre le début de

 12   l'année 1992 et le commencement du conflit à Prijedor, est-ce qu'il y a eu

 13   des modifications au niveau de la police de réserve ? Est-ce qu'il y avait

 14   des critères à respecter, et là je parle surtout de la période avant le

 15   début du conflit.

 16   R.  Voilà, je dois dire qu'il ne m'appartenait pas de vérifier

 17   l'appartenance ethnique et les éléments de la police, mais par exemple, le

 18   commandant de la police m'a dit : Ceric recrute des criminels. Ce ne sont

 19   pas vraiment des "criminels", mais ce sont des gens qui ont quand même eu

 20   des activités suspectes dans le passé. Et quand je vois ces criminels, ceux

 21   qu'on taxe de ce terme, à en juger de leurs noms, je vois bien qu'il s'agit

 22   de Musulmans. On peut dire que ce n'est pas le cas, mais c'est vrai que

 23   c'était le cas, des gens qui avaient un passé un peu suspect. Ceux qui

 24   m'ont parlé de cela, ce sont ceux qui connaissaient bien le milieu de la

 25   criminalité. Ce n'était pas vraiment ma spécialité, puis d'ailleurs je ne

 26   me suis pas vraiment penché sur les listes pour bien étudier les dossiers.

 27   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous me dire quel était le nombre de

 28   policiers à Kozarac à peu près ?


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  1   R.  Eh bien, à mon avis, je dirais qu'ils étaient entre dix et 15. Je pense

  2   qu'ils n'ont jamais eu plus que 20 policiers, mais ils n'ont jamais eu

  3   moins que dix policiers non plus. Voilà, c'est un peu l'impression que

  4   j'ai. Et puis, comme je sais quelle est leur zone de responsabilité, je

  5   pense que je ne me trompe pas.

  6   Q.  Est-ce que là vous comptez aussi la réserve ?

  7   R.  Non, non. C'est vraiment la police d'active.

  8   Q.  Monsieur Jankovic, à un moment donné, n'est-ce pas, il y a eu la

  9   mobilisation de ces forces de réserve, on leur a soumis des uniformes, des

 10   armes, est-ce qu'on a activé, pour ainsi dire, ces membres de la police de

 11   réserve ? Est-ce que cela est arrivé à un moment donné ?

 12   R.  Oui, c'est exactement ce qui s'est passé.

 13   Q.  Vu que l'on parle des événements qui se sont produits aux mois de mars

 14   et avril 1992, est-ce que vous pouvez nous dire s'il y a eu des visites de

 15   Sarajevo, est-ce que des fonctionnaires de Sarajevo ont visité Prijedor; et

 16   le cas échéant, quelle était la fréquence de ces visites et quel était

 17   l'objectif des visites ?

 18   R.  Oui, c'est vrai que cela s'est produit. Je sais, par exemple, qu'au

 19   cours de la deuxième moitié du mois d'avril, on a eu des visites fréquentes

 20   d'Avdo Hebib de Sarajevo. Je pense qu'il était l'adjoint du secrétaire

 21   chargé de la sécurité publique. Le numéro trois du MUP. Parce que là-bas,

 22   vous avez le ministre, ensuite son adjoint, ensuite le chef de la sécurité

 23   publique. Et puis, de l'autre côté, le chef de la DB. Lui, il était chef de

 24   la sécurité publique.

 25   Auparavant, un fonctionnaire aussi important du MUP ne venait à Prijedor

 26   qu'une fois tous les quelques cinq à six ans. Alors que là, vous le voyez

 27   arriver trois fois en l'espace de dix jours. Moi, personnellement, je

 28   n'avais rien à faire avec lui, je n'ai pas parlé avec lui. Je ne sais pas


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  1   de quoi ils ont parlé, mais je sais que quand je venais voir mon chef,

  2   Hasan Talundzic, on me disait : Ah, il ne faut pas que tu rentres parce que

  3   M. Hebib est là. Et moi je disais : Mais il était là hier ou avant-hier,

  4   c'est ce que je me disais. Mais je ne sais rien d'autre. Je ne sais pas de

  5   quoi ils ont parlé, quels sont les thèmes abordés, rien d'autre. Mais je

  6   suis quand même arrivé à la conclusion que quelque chose n'allait pas bien

  7   vu la fréquence de ses visites.

  8   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous nous dire si pendant cette période, là

  9   on parle du début de l'année 1992, s'il y a eu des regroupements ou des

 10   séparations selon la clé ethnique ? Là, je parle vraiment des groupes de

 11   gens appartenant à un même groupe ethnique; est-ce qu'ils se sont regroupés

 12   ? Est-ce qu'ils se tenaient ensemble ?

 13   R.  Oui, oui, j'en ai parlé. Par exemple, il y avait un accord basique au

 14   niveau du poste de police, c'était le collège. On l'appelait le collège.

 15   C'était le chef qui en était responsable. Mais nous les autres chefs, les

 16   autres "managers", eh bien, on faisait partie de ce collège et on se

 17   mettait ensemble pour organiser notre travail. Alors que là, tout d'un

 18   coup, ces réunions se voyaient de plus en plus rares, et quand il y en

 19   avait - il y avait presque pas - mais quand il y en avait, les termes

 20   abordés n'avaient aucune importance. En revanche, vu qu'Ago, son bureau

 21   était à côté du bureau de ma femme, et que mon bureau n'était pas bien

 22   loin, moi je voyais bien que ce commandant, Fikret Kadiric, venait sans

 23   arrêt nous voir, ainsi que le chef, il venait chez Ago. Moi je n'étais pas

 24   là pour les suivre. Mais même sans prêter attention, on ne pouvait pas ne

 25   pas le voir.

 26   Les gens se regroupaient entre eux. Je ne sais pas de quoi ils parlaient.

 27   Mais pourquoi se regrouper comme cela, pourquoi se 

 28   séparer ? Mais du côté serbe aussi, je peux vous dire qu'il y a eu de tels


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  1   agissements, mais moi je ne faisais pas partie de cela parce que, comme je

  2   ne faisais pas partie de ce poste de police, je n'avais pas de proches avec

  3   qui j'aurais pu me rapprocher. Parce que je ne savais pas ce qu'ils

  4   faisaient, ils ne savaient pas ce que je faisais, de sorte que j'ai été en

  5   général tout seul.

  6   Q.  Monsieur Jankovic, est-ce qu'il y a eu des exemples d'armement de la

  7   population, soit serbe, soit musulmane, au cours de cette période-là, à

  8   savoir au début du printemps 1992 ? Et là, je parle surtout de citoyens de

  9   Prijedor ?

 10   R.  Oui, oui. On n'avait pas besoin d'être particulièrement curieux pour le

 11   remarquer, absolument pas. Vous savez, il y avait déjà un combat en

 12   Slavonie, et vous pouviez acheter une bombe improvisée, à Prijedor. Ça

 13   coûtait 10 ou 20 marks allemands. Moi je n'en ai pas acheté

 14   personnellement, je ne peux pas vous donner les prix exacts. Mais on

 15   pouvait acheter ces bombes dans la rue.

 16   Et puis, on entendait des tirs la nuit, et je ne sais pas qui tirait. Mais

 17   on pouvait entendre des tirs. Cela voulait dire qu'il y avait des armes.

 18   Qui tirait ? Je ne sais pas. Pourquoi ? Je ne sais pas. Et puis, j'ai

 19   entendu dire comment -- j'ai entendu dans mon département qu'il y avait un

 20   technicien, Slivko Titkovic, de Kozarusa. Il est originaire de la Krajina

 21   [phon], alors que Kozarusa c'est un village musulman. Eh bien, ce

 22   technicien a entendu dire, et puis il me l'a relaté par la suite, il a

 23   entendu dire que dans différents cafés, on était en train de rassembler ou

 24   de distribuer des fusils. Alors, bon, tout ça, c'est de l'ouï-dire, c'est

 25   des rumeurs. Mais on ne peut pas dire que tout cela relève de

 26   l'imagination. Parce qu'on entendait bien des tirs. Je ne sais pas si

 27   c'était vraiment quelque chose de répandu, mais c'est vrai que j'ai

 28   remarqué que cela existait à l'époque.


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  1   Par exemple, je me suis rendu à Kozarac au début avril et j'ai bien vu

  2   qu'ils disposaient de moyens de transmission qui fonctionnaient bien, des

  3   moyens de transmission qu'on avait fabriqués pour les Jeux olympiques de

  4   Sarajevo. Les installations servaient à cela, et là j'ai vu qu'à Kozarac,

  5   ils disposaient bien de ce matériel. C'est des postes radio avec des petits

  6   accumulateurs. Et moi je leur ai demandé : Mais d'où cela vient ? D'où

  7   tenez-vous cela ? Et on m'a dit : C'est le chef Hasan qui a fait venir cela

  8   de Sarajevo. Mais jamais il m'est arrivé qu'on me court-circuite pour

  9   obtenir des installations de moyens de transmission. Cela n'est jamais

 10   arrivé. Cela n'est jamais arrivé qu'un chef apporte directement des

 11   appareils de transmission, parce que ce n'était pas leur profession.

 12   Mais voyez, ce n'est qu'un petit détail, et cela illustre bien ce qui

 13   a commencé à se faire, à savoir qu'on m'a court-circuité justement dans

 14   l'approvisionnement de moyens de transmission. Ce n'est pas très important,

 15   mais ce n'est pas sans importance non plus.

 16   Voilà, ce sont ce genre de choses que j'ai pu remarquer à l'époque.

 17   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous nous dire si vous connaissez Stojan

 18   Zupljanin; et si vous le connaissez, vous le connaissez depuis combien de

 19   temps ?

 20   R.  Je le connais depuis longtemps, mais pas bien. Je le connais de

 21   l'époque où l'on a fait nos études ensemble. C'était en 1973-1974. On était

 22   dans la même citée universitaire, sauf qu'on ne faisait pas les mêmes

 23   études. Donc on n'était pas très proches. C'est là que j'ai fait sa

 24   connaissance pour la première fois.

 25   Ensuite, on a fini nos facultés respectives. Moi j'ai travaillé, et

 26   je vous ai dit où j'ai travaillé; lui, il travaillait dans la police de

 27   Banja Luka. Nos chemins ne se sont jamais croisés au cours de notre

 28   carrière. J'ai entendu parler de lui, même professionnellement, mais je


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  1   n'ai jamais eu directement affaire à lui. Et puis, plus tard, après les

  2   élections, j'ai appris qu'il est devenu chef du centre, c'est normal, et il

  3   est devenu plus intéressant à mes yeux, si j'ose dire. Cela étant dit, je

  4   n'avais pas affaire directement à lui, parce que lui, il était le chef de

  5   mon chef. Il était à un niveau supérieur. Il était vraiment un chef de tous

  6   mes chefs, et je n'ai jamais eu affaire directement à lui. Le besoin ne

  7   s'est jamais présenté. Mais je le connaissais, et puis quand on se

  8   rencontrait dans la rue, eh bien, on se disait bonjour, bonjour. Voilà,

  9   rien de plus.

 10   Q.  Monsieur Jankovic, en 1992, à Prijedor, est-ce que vous avez eu

 11   l'occasion de rencontrer Stojan Zupljanin ?

 12   R.  Oui, lors de la réunion dont je vous ai parlé. Cette réunion --

 13   Q.  Attendez, je vais vous poser la question à ce sujet.

 14   Vous souvenez-vous de la date de cette réunion ?

 15   R.  Je me souviens très bien de cette date. Normalement je ne suis pas très

 16   bon avec les dates, mais je me souviens très bien de cette date-là, parce

 17   que j'ai gardé la feuille de papier contenant la date. C'était le 9 avril

 18   1992, voilà.

 19   Vous voulez que je parle de la réunion en question ?

 20   Q.  Attendez, je vais vous poser quelques questions en guise

 21   d'introduction. Vous l'avez rencontré le 9 avril 1992 à Prijedor; c'est là

 22   que vous avez vu Stojan Zupljanin, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  Pourriez-vous nous décrire cette journée-là, nous dire où vous vous

 25   trouviez ce jour-là, dans quelles circonstances vous êtes arrivé au poste

 26   de police, et cetera.

 27   R.  Mais je l'ai déjà dit au cours de ma déposition dans l'affaire Stakic,

 28   mais je vais tout répéter.


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  1   Le 9 avril 1992, j'ai entendu dire, le matin de ce jour-là, que le chef

  2   Zupljanin, le chef du centre, devait se rendre à Prijedor. C'est un

  3   événement important. Mais j'ai entendu dire qu'il ne venait pas au poste de

  4   police, mais qu'il allait se rendre à la municipalité pour se mettre

  5   d'accord avec les dirigeants de la municipalité pour essayer de diminuer

  6   les tensions, puisqu'on avait déjà dit que les tensions étaient importantes

  7   déjà à l'époque.

  8   Vu que du point de vue hiérarchique il était à deux échelons au-

  9   dessus de moi, s'il était venu dans le poste, j'aurais pu être convoqué par

 10   mon chef à moi. Mais vu qu'il ne venait pas au poste, eh bien, je me suis

 11   rendu en mission à Bosanski Novi, accompagné d'un technicien.

 12   Et je suis revenu, il était à peu près 14 heures, je pense. Je ne saurais

 13   être très précis. Peut-être que je me trompe d'une demi-heure, plus ou

 14   moins. Quand je suis revenu, j'ai vu que la situation n'était pas telle

 15   qu'elle était habituellement. Parce que tous ceux qui connaissaient ce

 16   quartier de Prijedor autour du poste de police, puisque vous savez il y a

 17   un petit parc à proximité, un espace vert, et en face, il y a un autre parc

 18   encore plus grand. Et cet espace correspond à à peu près 100 fois 150

 19   mètres, à peu près ou même plus. C'est un espace qui couvre 100 à 150

 20   mètres, et derrière il y avait encore un petit parc, une cour.

 21   Et partout, il y avait des groupuscules de jeunes, ils avaient tous

 22   des vestes, ils avaient tous leurs mains dans les poches. C'était des

 23   petits groupuscules de cinq, six personnes qui se trouvaient à une distance

 24   de 10 à 15 mètres entre eux. Ce n'était pas une situation habituelle. Je ne

 25   comprenais pas ce que c'était, mais cela a attiré mon attention tout de

 26   même. J'ai bien vu la situation, je ne me suis pas vraiment penché là-

 27   dessus. Je suis allé au centre, dans mon bureau. J'ai demandé à l'officier

 28   de garde ce qui se passait là-bas, et il m'a répondu qu'il ne savait pas.


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  1   Cela étant dit, il y avait très peu de gens dans le bâtiment. Il n'y

  2   avait personne dans les couloirs. Je ne voyais personne, tout était un peu

  3   vide. Alors, je me suis rendu dans le bureau de mon épouse, qui était

  4   inspecteur chargé des crimes économiques, et je lui ai demandé ce qui se

  5   passe. Et elle était toute seule, penchée dans ses papiers sur un dossier.

  6   Elle m'a indiqué qu'elle ne savait ce qui se passait.

  7   Alors, je ne voulais pas me faire remarquer, mais j'étais quand même

  8   inquiet, parce que je n'étais pas très confortable à l'idée de voir ces

  9   gens se grouper comme cela. Alors, je lui ai demandé de sortir avec moi

 10   pour faire un petit tour devant la municipalité, vers le centre-ville,

 11   faire un tour du parc. On y est allés tous les deux bras dessus, bras

 12   dessous pour ne pas se faire remarquer. Et j'ai essayé de compter les gens.

 13   Il y avait dix, 12 groupes dans un sens, autant dans l'autre, où il y avait

 14   300 personnes dans chaque groupe, ou on va dire la moyenne de 4. J'ai fais

 15   le calcul, il y avait pas mal de monde, 400 personnes.

 16   Alors, je retourne dans mon bureau, je suis devant la porte de mon

 17   bureau, et j'ai vu tout à l'heure justement Ceric, Muharem, que j'ai

 18   mentionné tout à l'heure, qui avait été à une époque responsable de la

 19   réserve, il était là devant la porte. Et puis, trois hommes sortaient de

 20   son bureau, l'un derrière l'autre. Ils parlaient à voix très basse et ils

 21   disaient : Doucement, doucement, il faut sortir, il faut que l'on sorte un

 22   par un.

 23   Alors, j'ai regardé par la fenêtre et je les ai vus aborder ces

 24   groupes un par un en leur disant quelque chose. J'ai bien compris qu'il y

 25   avait quelque chose qui était en train de s'organiser là.

 26   Q.  Excusez-moi, Monsieur Jankovic. Quelle était l'appartenance

 27   ethnique de ces gens, ces personnes qui sont sorties du bureau de votre

 28   collègue ?


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  1   R.  Je ne sais pas quelle était leur appartenance ethnique. Moi

  2   j'aurais pu supposer à l'époque qu'il s'agissait de gens qui étaient de la

  3   même appartenance ethnique que Ceric, sauf ces trois hommes que je ne

  4   connaissais pas. C'est tout ce que j'ai pu remarquer. Je les ai entendus

  5   dire : Allez-y doucement, un par un, et ensuite je les ai vus aborder ces

  6   groupes de jeunes gens en leur disant quelques mots.

  7   Ensuite, je suis descendu. Et quand vous entrez dans le bureau du

  8   chef, à gauche du bureau du chef de la police se trouve le bureau du chef

  9   de la police judiciaire, Mijic, Ranko, surnommé Bajo. Alors, c'est chez lui

 10   que je suis entré. Il était là, assis. Il pouvait très bien voir ces gens.

 11   Moi je lui ai demandé : Bajo, qui sont ces gens-là ? Pourquoi sont-

 12   ils rassemblés ici ? Il m'a dit : Je ne sais pas. Quelques minutes plus

 13   tard, sa secrétaire arrive en disant brièvement : Milos, Bajo, ne vous

 14   éloignez pas trop, le chef a dit qu'une réunion allait se tenir chez lui,

 15   et le chef Zupljanin allait être présent.

 16   C'est vrai qu'on est restés là une dizaine, quinzaine, vingtaine de

 17   minutes.

 18   Q.  Monsieur Jankovic, excusez-moi. Pourriez-vous répéter le nom de Bajo ?

 19   R.  Mijic, Ranko, surnommé Bajo. On l'appelait Bajo.

 20   Et le chef Talundzic nous a convoqués, effectivement. Alors, on est

 21   entrés chez lui dans son bureau. Talundzic était encore à la porte et il a

 22   dit à Mira, sa secrétaire : Ecoute, Mira, ne m'interromps pas et ne

 23   m'appelle pas si on me demande.

 24   On est entrés, donc, dans le bureau. Alors, c'était une réunion qui

 25   est arrivée à l'imprévu. Je n'avais pas mon agenda sur moi. Mais à chaque

 26   fois que j'assistais à une réunion, il fallait toujours que je prenne des

 27   notes.

 28   Donc j'ai pris un bout de papier et j'y ai noté -- parce qu'après


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  1   j'étais malade, j'ai détruit tous les papiers, mais plusieurs années plus

  2   tard, tout à fait par hasard, j'ai pu retrouver celui-ci. Mais je le garde

  3   toujours sur moi, je l'ai toujours, ce papier, sinon je l'aurais oublié.

  4   Mais sur ce papier on voit bien la date : le 9 avril 1992, et les personnes

  5   présentes à la réunion étaient --

  6   Q.  Je vais vous montrer le document, Monsieur.

  7   R.  Parfait, parfait. Comme ça, je n'ai pas à me souvenir.

  8   M. KRGOVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la pièce 65

  9   ter 00029D2. Dans le dossier de la Défense, à l'intercalaire numéro 6. Je

 10   vais vous fournir aussi une photocopie papier.

 11   Je vais demander l'aide de l'huissier.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  Le papier que je vois me suffit, peu importe ce qu'il y a à l'écran.

 14   Pour l'instant, ce n'est pas ça qui est important pour moi, donc je ne vais

 15   pas en tenir compte.

 16   Q.  Monsieur Jankovic, vous voyez ce qui est écrit en haut ? Quelle est la

 17   date qui figure ici ?

 18   R.  C'est -- attendez un instant. Il faut que je voie bien sur le bout de

 19   papier. C'est le 9 avril 1992. C'est mon écriture.

 20   Est-ce que vous voulez que je commence ?

 21   Q.  Il est dit : Chef du centre --

 22   R.  En fait, je tiens à dire à l'attention de ceux qui m'écoutent qu'il

 23   faut savoir que c'est peut-être un défaut dû à ma profession. Lorsque

 24   j'écris ce genre de note, lorsque je rédige cela, écoutez, c'est uniquement

 25   pour moi, pour que je puisse m'y retrouver, et non pas pour les autres.

 26   Donc c'est la raison pour laquelle ce texte ne fait pas vraiment de sens.

 27   Mais moi, ça me permet de m'y retrouver.

 28   Donc je vais essayer de vous dire ce que j'ai écrit ici.


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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez lire le titre.

  2   R.  Donc j'ai écrit la date en haut. Puis, j'ai écrit le chef du centre. Et

  3   réunion. Voilà. Donc réunion avec le chef du centre, c'est ça que ça veut

  4   dire.

  5   Puis, donc il y a un trait qui est tiré, puis on se met d'accord sur

  6   les choses essentielles. En fait, ça n'a rien à voir, mais bon, c'est comme

  7   ça que je l'ai écrit.

  8   Q.  Alors, est-ce que vous pouvez nous donner les noms, puis vous allez

  9   nous dire de qui il s'agit ?

 10   R.  Oui, oui, tout à fait.

 11   D'après cette règle que je viens de vous énoncer, donc j'ai abrégé.

 12   Donc vous avez Stole, c'est Stojan Zupljanin. Puis, Hasan Talundzic. Puis,

 13   Dule --

 14   Q.  Est-ce que vous pouvez juste ralentir, s'il vous plaît, parce les

 15   interprètes et les sténodactylographes doivent suivre.

 16   R.  Oui, oui, je vais répéter.

 17   Q.  Mais répétez lentement.

 18   R.  Donc je répète : Stole c'est Stojan Zupljanin. Hasan, le chef du poste,

 19   Hasan Talundzic. Dule c'est l'abréviation pour Dusan Jankovic, il était le

 20   commandant à l'époque. Kecan, donc c'est Kecan, Radovan. Il est l'adjoint

 21   du commandant au poste, et il est chargé des questions liées à la

 22   criminalité, me semble-t-il. Ziko, Zijad Basic, autrement dit, lui aussi

 23   était l'assistant du commandant, chargé d'un autre domaine. Je ne sais plus

 24   lequel. Fikret, Fikret Kadiric, il était --

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez ralentir.

 26   R.  Oui, oui. Fikret Kadiric, il était commandant de la police de la route,

 27   je crois, à l'époque. Djuro, son nom de famille est Prpos. Je crois qu'il

 28   était l'adjoint de Fikret à ce moment-là. C'était un ingénieur dans le


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  1   domaine de la circulation. Alors, Mihic ensuite, après Djuro, Mihic, Ranko.

  2   Moi-même et puis le chef de la sécurité publique. C'est quelqu'un que je ne

  3   connaissais pas à ce moment-là. Bajazit, Jahic ou Jehic, je ne me souviens

  4   pas. Disons Jahic.

  5   Q.  Mais il est écrit ici chef de la sécurité publique.

  6   R.  Oui, ce sont les abréviations qui signifient chef de la sécurité

  7   publique.

  8   Q.  Mais de quelle institution, de quel organisme ?

  9   R.  Il était à la tête de l'ensemble de la structure pour toute la sécurité

 10   publique de Banja Luka, il nous avait, nous aussi, dans son service, et il

 11   y avait uniquement deux hommes au top avant M. Zupljanin. Lui-même et son

 12   adjoint.

 13   Q.  Il était à la tête des centres des services de Sécurité de Banja Luka;

 14   c'est ça ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] Le moment serait-il venu ?

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous reprendrons dans 20 minutes.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 20   --- L'audience est reprise à 12 heures 31.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons travailler en application de

 22   l'article 15 bis pendant ce dernier volet d'audience aujourd'hui, puisque

 23   le Juge Delvoie sera absent.

 24   [Le témoin vient à la barre]

 25   M. KRGOVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on affiche de nouveau

 26   le document que nous avions précédemment à l'écran, à savoir le document 65

 27   ter 00292D.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, très bien, sauf que --


Page 24750

  1   M. KRGOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc, Monsieur, vous avez parlé de M. Bajazit, Jahic, et ce nom

  3   n'a pas été consigné.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  De quelle appartenance ethnique était-il; pouvez-vous nous le

  6   dire ?

  7   R.  D'après son nom et son prénom, c'était un Musulman. Sauf que je ne sais

  8   pas comment il se déclarait.

  9   Q.  Monsieur Jankovic, est-ce que tous ces individus ont été présents à

 10   cette réunion, dont les noms figurent ici ?

 11   R.  Oui, oui, tout à fait. Je n'ai pas pu faire d'erreur. Je les voyais là

 12   et j'ai noté leurs noms.

 13   La réunion a commencé et j'ai noté. D'ailleurs, c'est une habitude

 14   que j'avais prise. Ce n'est pas quelque chose de spécial, cette occasion-

 15   là. Ça s'inscrit dans toute une série de réunions auxquelles j'ai assisté

 16   dans ma vie. J'ai toujours fait pareil.

 17   Q.  D'accord. Est-ce que vous pouvez nous lire le paragraphe suivant.

 18   R.  Bien. Donc cette réunion a commencé. Hasan Talundzic, qui était le chef

 19   de notre poste, a pris la parole pour inaugurer. Il a salué M. Zupljanin,

 20   qui a pris la parole --

 21   Q.  Je vais vous interrompre, excusez-moi. Vous avez dit que M. Zupljanin

 22   devait se rendre à la mairie pour une réunion; or, il est venu

 23   effectivement dans le bâtiment du SUP. Mais est-ce que vous savez pourquoi

 24   cette réunion s'est tenue au SUP ?

 25   R.  Ecoutez, je vais vous le dire. Pendant que nous sommes en train de lire

 26   cela, je dois vous dire qu'à ce moment-là, je ne savais pas pour quelle

 27   raison il était venu. Mais c'est après la réunion que j'ai appris qu'en

 28   fait, il n'avait pas tenu une réunion à la mairie et que c'est pour venir


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  1   par la suite chez nous. Donc il n'y aurait rien d'étrange là-dedans. Mais

  2   en fait, non, il n'y a pas eu la première réunion. Et c'est de manière tout

  3   à fait officieuse, parce que les gens en parlaient dans les couloirs, que

  4   j'ai appris cela. Ce n'est pas nécessairement la vérité.

  5   J'ai appris que normalement, il aurait dû tenir cette réunion à cause

  6   de cette escalade de tensions. Et après toutes ces histoires, ce qui reste

  7   dans mon esprit, c'est l'essentiel -- enfin, c'est du moins la version que

  8   j'en ai gardée, il est venu à la mairie pour parler au numéro un du SDA,

  9   Mujadzic, le chef de la mairie, le président, comment il s'appelait,

 10   Cehajic, et puis les autres figures importantes afin de faire baisser ces

 11   tensions interethniques dans la municipalité de Prijedor. C'est ça mon

 12   interprétation. C'est pour cela que, selon moi, il est venu.

 13   Et puis, paraît-il, il n'a pas pu être reçu -- en fait, ils étaient

 14   en civil, lui et M. Bajazit. Mais quand il est arrivé, il avait un

 15   chauffeur qui, soi-disant, était en uniforme et, je savais, une arme de

 16   point. Je ne sais plus laquelle, disons, un pistolet. C'est ça, paraît-il,

 17   la raison pour laquelle ils n'ont pas voulu le recevoir là à la mairie, et

 18   c'est la raison pour laquelle il est venu chez nous. Je ne sais pas si

 19   c'est vrai.

 20   Toujours est-il qu'il est venu chez nous, au poste de police, et on a

 21   commencé la réunion.

 22   Et juste une chose, j'ai appris aussi qu'il n'est pas revenu à Banja

 23   Luka directement, mais en fait, comme il risquait d'y avoir un danger à

 24   Kozarac, qu'il aurait emprunté un chemin contourné par Dubica. Voilà, c'est

 25   ça.

 26   Q.  Attendez. C'est bon. Il est revenu en passant par… ?

 27   R.  En passant par Dubica. Ceux qui ne connaissent pas la région, il y a

 28   Prijedor-Banja Luka, c'est une distance en ligne directe de 50 kilomètres.


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  1   Or, lui, ce qu'il a fait, il est passé par Dubica, à 30 kilomètres, 50

  2   kilomètres pour aller vers Banja Luka. Donc ça lui a fait faire deux fois

  3   plus de route, et d'ailleurs sur des routes plus mauvaises, mais on disait

  4   qu'il y aurait eu des barrages routiers à Kozarac. Je ne sais pas si

  5   c'était vrai ou pas.

  6   Q.  Monsieur Jankovic, généralement, est-ce que ce sont des choses qui

  7   arrivent que le maire ou une autre figure importante ne reçoive pas un chef

  8   de la police parce qu'il est accompagné de quelqu'un en uniforme ?

  9   R.  Ecoutez, non, non, ça ne correspond pas à la réalité des choses. Par

 10   exemple, le chef du centre, écoutez, même en temps de paix le plus solide,

 11   il se fait conduire par un policier qui est non seulement son chauffeur,

 12   mais qui lui sert de garde du corps. Parce que ce n'est pas n'importe qui

 13   le chef du centre. Et puis, le policier, écoutez, il est en uniforme

 14   normalement, il a une arme à feu. Qu'est-ce que ce serait un policier qui

 15   n'aurait pas d'arme à feu ? Bien sûr qu'il n'a pas de mitraillette, mais

 16   enfin, il a un pistolet. D'après son poste, il y a droit.

 17   Et à l'époque, à ce moment-là -- enfin, ce jour-là, je n'ai pas vu ce

 18   chauffeur, je ne l'ai pas vu de mes propres yeux, mais je sais que dans

 19   d'autres situations, le chef, il se faisait conduire par un chauffeur en

 20   uniforme, l'uniforme prévu en tant que policier. Et là, je ne cherche pas

 21   des excuses. Même en temps de paix, lorsqu'il n'y a absolument aucun

 22   danger, le chef, il se fait conduire par un policier.

 23   Q.  Vous pouvez continuer, je vous en prie.

 24   R.  D'accord, d'accord. Ça, c'est le sujet numéro 1. J'ai écrit le chiffre

 25   1, donc c'est le premier point, et j'ai écrit ici Stole a dit JRM [phon],

 26   et Hasan a dit que chez nous, la situation est la meilleure. Le chef a

 27   parlé de l'organisation des unités de police militaire comme cela était

 28   prévu dans les documents en vigueur, comme cela a été défini, et il avait


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  1   une idée de la réalité, est-ce qu'on s'était écarté de cela chez nous et

  2   ailleurs ou non. Et il a dit ce qu'il fallait améliorer pour que cela

  3   corresponde à ces actes, non seulement pour ce qui est de Prijedor, mais

  4   pour ce qui est des autres postes. Partout, il y avait des postes de police

  5   qui étaient organisés de cette manière-là.

  6   Puis ensuite, j'ai écrit Haso a parlé des réservistes. Vol des armes. Stole

  7   a dit que c'est une transformation. Enfin, la phrase n'est pas logique

  8   peut-être, mais cela me rafraîchit la mémoire. A ce moment-là, dans ce

  9   contexte-là, et c'est leur conversation qui se poursuit, eh bien, la

 10   substance c'était la chose suivante : Hasan, et je dis ici Haso, donc Hasan

 11   disait : Je sais, je sais, tout ça, c'est bien chez nous, Chef. Nous

 12   n'avons pas ce type de problèmes. Parce que le chef du centre ne disait pas

 13   : Ce qui ne va pas chez vous, c'est ça et ça. Il disait : Non, non, tout va

 14   bien chez vous. Tout a été bien résolu. Excusez-moi, je dois peut-être

 15   ralentir un petit peu à cause des interprètes.

 16   Puis, Hasan a dit : Mais il nous faut des armes. Nous n'avons pas de

 17   fusils, Chef. Et je ne sais pas si à ce moment-là on a parlé de ces 700

 18   hommes et de 400 et quelques armes. Je ne sais pas si ces chiffres ont été

 19   cités à ce moment-là. Je ne suis pas sûr, mais ce sont des chiffres qui me

 20   reviennent à l'esprit, 450 fusils pour 700 personnes.

 21   Et le chef Zupljanin a parlé de cela, il a dit : Mais enfin, Messieurs,

 22   pourquoi est-ce que vous voulez tous ces fusils ? Nous faisons partie de la

 23   sécurité publique. Nous assurons l'ordre public. Nous avons affaire à la

 24   population. Avec ces 700 fusils, nous allons tirer des coups de feu sur la

 25   population; c'est ça ?

 26   Donc c'est ce qu'il a dit. Enfin, je n'ai pas cité verbatim ce qu'il a dit,

 27   mais au fond, c'était ça le sens. Et j'ai employé son mot. En fait,

 28   lorsqu'il a dit : C'est une militarisation. Nous allons transformer la


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  1   police pour en faire une armée, et il ne faut pas faire ça. Nous allons

  2   devoir nous organiser de sorte de préserver la paix dans un contexte

  3   pluriethnique, donc pas de conflit. Il faut réduire les conflits au

  4   maximum, il faut calmer le jeu, on ne va pas militariser et armer la police

  5   et aller s'approvisionner pour que chacun ait une arme.

  6   Bien entendu, ce n'est pas exactement comme cela que ça a été dit. Ça a été

  7   dit plus élégamment que ce que je suis en train de vous relater.

  8   Et puis, après, il y a eu encore beaucoup de conversations, mais la

  9   substance, je vous l'ai déjà donnée.

 10   Et puis, il y a eu un autre sujet. Il est question ici d'une transformation

 11   du MUP et de la création des CSB. Et d'après ce qui est dit ici, Stole

 12   aurait parlé de la transformation du MUP. Je suis contre la scission du

 13   service. C'est ce que dit Stole, c'est comme ça que je l'ai noté. Puis,

 14   Fikret n'est pas d'accord. Et je vais vous expliquer ce que j'ai noté là,

 15   ce que j'ai esquissé. 

 16   A l'époque, le centre, c'est-à-dire le poste de Prijedor, a connu beaucoup

 17   de changements. C'est pour ça que j'évite de les appeler centres ou postes,

 18   parce qu'il y a eu énormément de changements d'appellation. A l'époque,

 19   c'était le poste de sécurité publique et il faisait partie du centre de

 20   Banja Luka.

 21   A l'époque, le poste de Prijedor faisait partie du centre de Banja Luka,

 22   mais parce qu'il y a eu d'autres choses qui se sont présentées à un niveau

 23   plus élevé, je ne veux pas en parler parce qu'il y en a d'autres qui

 24   peuvent en parler mieux que moi. Il y a cette organisation de cette partie-

 25   là du MUP, organisée par les Serbes et dominée par les municipalités

 26   peuplées à majorité serbe dans la Krajina. C'est le terrain du centre de

 27   Banja Luka avec toutes les municipalités qui en font partie, dont Bosanska

 28   Krajina [phon].


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  1   Et c'est dans le cas de cette organisation-là à cet échelon plus élevé que

  2   l'on décide que cette police correspondant à cette zone-là dite, entre

  3   guillemets, des municipalités serbes. C'est une manière un peu d'aller

  4   vite. Prévoir à ce niveau-là d'avoir des insignes pour les caractériser. Il

  5   y a eu une proposition, je ne sais plus quoi, et ça devait être un badge

  6   qui devait avoir la forme du drapeau serbe tricolore, rouge, bleu, blanc.

  7   Et ce n'est pas un rectangle droit, mais c'est une ligne, c'est une courbe,

  8   en fait. Il nous a montré cela - je ne suis pas sûr, je dois dire - mais il

  9   me semble en fait, peu importe, qu'il n'a même pas pris ce badge. Il l'a

 10   donné à Zijad Basic, Zijo, et c'est écrit ici qu'il lui a donné comme ça

 11   pour plaisanter, parce que c'était quelqu'un qui avait une femme serbe.

 12   Elle a dit : Prend ça pour toi. Il me semble que c'est comme ça que ça

 13   c'est passé. Du moins c'est ce que j'ai gardé en mémoire. Mais peut-être

 14   que ce n'est pas vrai.

 15   Ce qui est écrit ici, c'est Hasan et Fikret. Ce sont surtout eux qui

 16   en parlaient. Le commandant et le chef du poste, Hasan Lujic [phon] et

 17   Fikret. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas prendre ces badges. Et ça s'est

 18   terminé un peu dans le sens : O.K., je comprends, de la part du chef. O.K.,

 19   on verra bien ce qu'on fera avec Prijedor et Kotor Varos. Les municipalités

 20   où il n'y avait pas de majorité serbe aux élections, vous verrez comment ça

 21   va se régler. Vous n'avez pas besoin de porter ces badges. On verra comment

 22   ça va se résoudre à un autre niveau, au niveau politique, évitant de causer

 23   des problèmes maintenant. Mettez-vous d'accord pour que notre service

 24   fonctionne, pour que les choses de base soient faites. Essayons de faire

 25   l'essentiel, à savoir réduire ces tensions entre les ethnies qui

 26   n'arrêtaient pas de grandir. Et d'après ce que j'ai compris, c'est la

 27   raison pour laquelle il devait aller à la mairie, d'ailleurs, ce jour-là.

 28   Dans la suite, il est dit que j'ai pris la parole, j'ai parlé d'un


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  1   accord concret pour qu'on soit unis. En fait, la phrase ne fait pas

  2   beaucoup de sens, mais en fait, c'est moi qui ai pris la parole. J'ai

  3   demandé d'avoir la parole et j'ai dit : Mais écoutez, on n'arrivera nulle

  4   part si nous avons trois Musulmans dans un bureau et dans un autre trois

  5   Serbes et qu'il n'y a pas de contact entre les deux. Ecoutez, entre hommes

  6   de bonne compagnie, on va se rassembler, se réunir, et je suis sûr qu'on

  7   finira par trouver des solutions. Il ne faut pas qu'on s'isole et qu'on se

  8   sépare.

  9   Voilà, c'est ça. Mais tout cela, en fait, a duré bien plus longtemps

 10   que l'on puisse le croire maintenant. Je pense peut-être une heure. Une

 11   heure. Je n'ai pas chronométré, mais surtout parce que ça s'est terminé un

 12   peu de manière surprenante.

 13   Est-ce que je peux continuer ?

 14   Là, soudain, on était en train de parler de cela, et puis, soudain,

 15   il y a la secrétaire qui arrive à la porte et qui dit : Chef, c'est très

 16   urgent, Osmet Didovic a besoin de vous voir. Et c'était le chef de la

 17   police de Kozarac. Et Hasan dit : Mais il peut attendre un peu. Je ne peux

 18   pas là, je suis pris. Et elle répond : C'est très urgent. Il faut y aller

 19   tout de suite.

 20   Donc nous sommes restés dans la pièce et le chef est sorti par la

 21   porte. Et ça n'a pas duré longtemps avant qu'il revienne. Hasan est revenu

 22   et il a dit : Ecoutez, la situation est complexe. La population - je ne

 23   sais pas comment il a dit - les gens, la population de Kozarac marche sur

 24   Prijedor. Je ne sais pas qui ils sont, mais ils sont arrivés. Il faut qu'il

 25   rentre, et puis Osman est venu pour qu'il lui dise quoi faire. Puis -

 26   comment dirais-je ? - on a commencé à s'inquiéter un petit peu, nous qui

 27   étions dans cette pièce. Toute de suite, on a eu un nouveau sujet, bien

 28   sûr, comment faire, quoi faire en toute urgence pour que la situation soit


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  1   calmée.

  2   Et le numéro un, le chef, et le chef du poste, Fikret, aussi ont

  3   vraiment été très présents. On est arrivés à la conclusion qu'il fallait de

  4   toute urgence faire venir deux journalistes là. De la radio locale et un

  5   autre de "Kozarski Vjesnik", du journal du coin. Et il fallait leur

  6   demander de rédiger une proclamation immédiatement et de diffuser cela pour

  7   calmer la population. De dire que la police contrôle la situation et

  8   garantit la paix, qu'il ne va pas se produire quoi que ce soit de mal,

  9   personne ne sera attaqué, que les gens ne doivent pas avoir peur, qu'ils

 10   restent tranquillement chez eux, que la situation est sous contrôle et tout

 11   ira bien.

 12   Donc ils sont vraiment arrivés rapidement, ces deux hommes. J'en

 13   connais un, j'en suis certain, parce qu'il est, on pourrait dire, un

 14   voisin, parce que son immeuble de logement est à côté du mien. Son nom est

 15   Nezirevic. C'est un Musulman. Je ne sais pas son prénom. Et puis, l'autre,

 16   je ne le connais pas. En fait, je ne connaissais pas son nom avant.

 17   Quelqu'un a dit que c'était quelqu'un qui s'appelait Milos Aprilski, que

 18   c'est un journaliste. Je ne sais pas effectivement si c'est véritablement

 19   le nom de cet homme qui est arrivé. C'est un homme pas très grand, dont la

 20   tête était très grande et ronde, et il avait des cheveux courts.

 21   Comment dirais-je ? - nos chefs, le chef du poste et le chef du

 22   centre, leur ont dit de quoi il s'agissait, ce qu'il fallait qu'ils fassent

 23   très brièvement, très rapidement. On ne peut pas dire que c'était un ordre.

 24   C'était plus dans le sens : Ecoutez, vous êtes journalistes, faites quelque

 25   chose pour que la situation reste calme, et cetera.

 26   Je dois dire que je n'ai pas écouté la radio cet après-midi-là, mais

 27   je sais que ça a été diffusé à la radio et que ça eu un impact. Ça a

 28   vraiment eu un impact. Il n'y a pas eu de trouble. Je ne sais pas si Osman


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  1   a fait venir les autres ou pas, je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, il

  2   n'y a pas eu de conflits ce jour-là, cet après-midi-là.

  3   Mais comme j'ai déjà dit, d'après ce que j'ai appris, M. le chef est

  4   parti et est rentré chez lui, sauf qu'il est parti en prenant la route plus

  5   directe. Voilà, c'était ça.

  6   M. KRGOVIC : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une cote, s'il vous

  7   plaît, pour ce document.

  8   M. HANNIS : [interprétation] Juste un point qui me préoccupe. Ce que le

  9   témoin nous a fourni comme explication, à plusieurs endroits, ne correspond

 10   pas à ce que l'on trouve dans la traduction anglaise. Je ne sais pas s'il

 11   nous faut vérifier à la traduction ou s'il faut que le témoin examine le

 12   texte avec nous mot à mot. Parce qu'il y a eu des moments où il répondait,

 13   où il donnait des explications, où il n'était pas sûr si cela lui a permis

 14   de rafraîchir sa mémoire par rapport à avril 1992, ou je ne sais pas s'il a

 15   vraiment donné uniquement le sens de ce que l'on voyait dans la note.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Lorsque nous devrons interpréter le sens

 17   de cette note, même si nous avons des explications un peu plus larges, est-

 18   ce que le fait qu'on ait la note ne nous permettrait pas de résoudre ce

 19   problème, Monsieur Hannis ?

 20   M. HANNIS : [interprétation] Juste un exemple. Ligne -- page 52, ligne 19,

 21   on lui demande de lire le titre. Et il dit : Chef du centre. Réunion.

 22   La traduction anglaise dit : Chef du centre et autres. Ça, ce n'est

 23   qu'un premier exemple. Puis, après, dans le texte même, il y a des

 24   différences substantielles.

 25   Il dit que M. Zupljanin a dit que ce serait une "militarisation".

 26   Mais je ne vois pas ce mot dans le texte du tout.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Si, si, il est là.

 28   M. HANNIS : [interprétation] Parce qu'il a expliqué qu'il avait un procédé


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  1   spécifique qu'il utilisait et que parfois les abréviations étaient telles

  2   qu'il était le seul à pouvoir les interpréter. Donc c'est là que réside le

  3   problème. Les traducteurs qui ont traduit cela ne connaissaient pas sa clé

  4   de transformation et d'abréviation des mots.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais tout cela, vous allez pouvoir y

  6   revenir pendant le contre-interrogatoire.

  7   M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais en attendant, je

  8   voudrais que la cote provisoire soit attribuée à ce document.

  9   M. KRGOVIC : [interprétation] Mais je pense que c'est juste une question de

 10   traduction. Nous voyons très clairement que ce dont parle M. Hannis se

 11   trouve bel et bien dans le texte. La "militarisation" aussi, ainsi que : Le

 12   chef du centre et autres.

 13   Je ne sais pas comment ça a été traduit à M. Hannis, mais le témoin a

 14   correctement lu la note.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] C'est son document, il a expliqué ce qu'il y

 17   a dedans, donc je ne pense pas que l'objection de M. Hannis soit fondée.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez.

 19   M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ceci semble être la façon la plus simple

 21   de procéder, bien que l'on ait apporté des réponses contradictoires aux

 22   questions qui ont été posées. Il convient de garder à l'esprit le fait --

 23   pour ce qui est de savoir si un document peut être versé au dossier, le

 24   fait qu'il faut que ce soit dans une des langues officielles du Tribunal

 25   international, et la difficulté ici c'est de constater que le document ici

 26   présent constitue une difficulté pour les interprètes. Alors, on donnerait

 27   une cote, mais on va demander au témoin de le lire dans son intégralité. Ce

 28   n'est pas trop long. Nous allons le verser au dossier, et le témoin pourra


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  1   nous donner lecture à voix haute de ses notes et les interprètes vont nous

  2   fournir l'interprétation.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du 2D156. Excusez-moi, 357

  4   [comme interprété].

  5   M. KRGOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Jankovic, on vous a demandé de donner lecture à voix haute,

  7   doucement, de ce document.

  8   R.  Je peux le lire. Mais j'aimerais que vous me donniez la possibilité de

  9   dire une phrase avant ou après.

 10   Mais je vais donner lecture.

 11   Le 9 avril 1992. Le chef du centre et autres. Ce qui a été convenu

 12   pour l'essentiel. Stole, Hasan, Dule, Kecan, Ziko, Fikret, Djuro --

 13   Q.  Mais plus lentement. Ralentissez, Monsieur Jankovic.

 14   R.  Je comprends. Excusez-moi.

 15   Q.  Allez-y doucement.

 16   R.  Bon. J'ai dit, convenu pour l'essentiel. Stole, Hasan, Dule, Kecan,

 17   Ziko, Fikret, Djuro --

 18   Q.  Vous pouvez voir à l'écran --

 19   R.  Mais moi, l'écran ne suit pas mes propos. C'est ce qui prête à

 20   confusion. Alors, Ziko, Fikret, Djuro, Mijic. Je disais, Mijic, moi et le

 21   directeur de la JB, sécurité publique, (Bajazit) Jehic ou Jahic. Même moi

 22   je ne saurais vous le lire maintenant.

 23   Q.  Continuez.

 24   R.  Je continue. Premièrement, Stole a dit pour la JRM et Haso a dit que

 25   chez nous, c'est le meilleur. Phrase suivante, Haso parle des effectifs de

 26   réserve, ils veuillent des armes, Stole dit qu'il s'agit d'une

 27   militarisation.

 28   Deuxièmement, transformation du MUP - formation de la CJB. Stole


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  1   évoque une transformation du MUP - je ne suis pas pour. Il 

  2   dit : Je ne suis pas pour, c'est lui qui parle. Haso et Fikret ne veulent

  3   pas des insignes.

  4   Plus bas, moi j'ai parlé d'un accord concret pour que nous soyons

  5   unifiés.

  6   Q.  Monsieur Jankovic, je vous prie de lire la phrase complète avant qu

  7   vous ne passiez à ce que vous avez dit après la transformation du MUP.

  8   R.  Puis, il dit formation du CJB. Stole parle de la transformation du MUP

  9   - je ne suis pas favorable à une scission dans le service.

 10   Ça, je l'ai sauté, oui, excusez-moi. Oui.

 11   Alors, si vous le permettez, je pourrais peut-être dire une phrase encore.

 12   Q.  Alors, lisez attentivement, transformation du MUP, puis après vous

 13   dites formation. L'abréviation qui vient ?

 14   R.  Formation du CSB, centre des services de Sécurité.

 15   Q.  Alors, dites-nous ce que vous vouliez dire maintenant.

 16   R.  Il faut que je dise deux choses d'abord. Je serai bref. J'ai terminé

 17   avec l'exposé de ce qui est dit ici, alors j'ai parlé des insignes, mais

 18   j'ai oublié de mentionner ici que Fikret et Hasan avaient pour tendance

 19   principale dans leurs interventions de dire ce qui suit, non seulement ils

 20   ne voulaient pas des insignes, mais ils voulaient que le centre de Prijedor

 21   se sépare de Banja Luka et s'adjoigne soit à Sarajevo, soit devienne

 22   quelque chose de tout à fait autonome. C'est pour ça qu'il est question de

 23   la création d'un CSB. J'ai fait trop court dans mes notes et je crains fort

 24   que l'on n'ait pas bien compris.

 25   Q.  Allez-y doucement.

 26   R.  Voilà, je peux maintenant vous dire plus lentement ce que j'avais à

 27   dire.

 28   Je demande à tous ceux qui m'écoutent et qui sont en train de se


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  1   pencher sur le papier que j'ai écrit ici. D'abord, linguistiquement, c'est

  2   tout à fait erroné. Des phrases comme ça dans notre langue n'existent pas.

  3   C'est totalement erroné. Ce n'est pas parce que je ne sais pas écrire, mais

  4   j'ai pris pour habitude de prendre des notes très raccourcies pour que ça

  5   ne soit pas clair à l'égard de ceux qui sont en train de lire et clair pour

  6   moi. Donc il est tout à fait dénué de sens de demander quoi que ce soit

  7   d'autre. Ce document est destiné à moi. Je crois que ce que j'ai dit ici,

  8   c'est ce que je veux indiquer pour dire que ça a été destiné pour m'aider

  9   moi, pas quelqu'un d'autre.

 10   Ce que j'ai dessiné ici pendant que j'étais en train de prendre des

 11   notes, ces espèces de petits cercles, ça ne veut rien dire du tout, ça.

 12   Alors, si j'avais écrit cela à l'intention de quelqu'un d'autre, ça aurait

 13   été considéré comme étant inadmissible. Mais c'était destiné à moi, et j'ai

 14   donc pu gribouiller. Ça vous prouve que ce papier c'était pour m'aider,

 15   moi-même, et ce n'est pas un document officiel.

 16   C'est tout ce que je voulais vous dire. Merci.

 17   Q.  Merci, Monsieur Jankovic.

 18   Nous allons continuer maintenant. Est-ce que vous pouvez m'indiquer

 19   la chose suivante : quelle a été la relation entre le chef du poste de

 20   sécurité publique, ce M. Talundzic, et Fikret Kadiric à l'égard de M.

 21   Zupljanin quand il s'agissait des visites des différents responsables et

 22   directeurs ? Est-ce que c'était une relation habituelle comme de par avant

 23   ou est-ce que c'était différent ?

 24   R.  Je ne me félicite de la question parce qu'à mon avis, c'est là ce qu'il

 25   y a de plus important à dire. Depuis que je suis dans ce service, dans bon

 26   nombre de situations, le chef du centre, dans sa capacité qui était celle

 27   de M. Zupljanin, c'était une personnalité très haut placée, et quand lui

 28   allait voir des gens au niveau de différents postes, y compris le nôtre,


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  1   nous autres, on est censés être au garde-à-vous. Et tout le reste doit se

  2   situer à ce niveau-là.

  3   Or, à cette réunion-là, c'est tout le contraire qui s'est produit.

  4   Fikret est un chef, il a beaucoup d'expérience en tant que policier, il le

  5   sait, mais Hasan n'a aucune expérience en matière de police. Et ils se

  6   comportent de façon si arrogante, si insolente, c'est comme si c'était à

  7   eux de dire ce qu'ils voulaient : On veut ceci, on veut cela. Et le

  8   directeur, lui, avait l'air de quelqu'un qui était en train de calmer des

  9   enfants désobéissants, en leur disant : Il ne faut pas vous vous chamaillez

 10   entre vous. Eux, ils disaient : On veut ceci, on ne veut pas cela. On

 11   conditionnait les choses. Et c'est ce qui m'a surpris, c'est ce qui n'a pas

 12   été dit, mais qu'on a pu voir, et ça m'a préoccupé.

 13   Q.  La demie de ce que vous venez de dire n'a pas été traduite, je

 14   m'excuse. Est-ce que vous pouvez répéter ce que vous avez dit tout à

 15   l'heure. Comme une mère à l'égard de ses enfants…

 16   R.  Oui. Dans cette situation-là, les choses avaient changé. On se

 17   comportait à l'inverse de ce qui était auparavant le cas. Le directeur

 18   était presque au garde-à-vous, il était fort aimable et en train d'essayer

 19   de calmer les autres, d'apaiser comme des enfants qui se disputaient, ce

 20   n'est pas une bonne chose que de faire ceci.

 21   Q.  Qui est le directeur ?

 22   R.  C'est M. Zupljanin le directeur du centre. Et les autres personnes

 23   présentes se taisent, je n'en parle pas. Ils sont là pourtant, mais ils

 24   sont tout à fait neutres.

 25   M. Hasan Talundzic, le chef du poste, et M. Kadiric sont en train de

 26   poser des conditions : On veut ceci, on ne veut pas cela. Enfin, moi je ne

 27   pouvais pas m'imaginer qu'une chose pareille pouvait se faire. Je savais

 28   que ça ne pouvait pas se faire ainsi et que ça ne donnerait rien de bien,


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  1   et c'est la raison pour laquelle cela m'a fait de la peine.

  2   Q.  Monsieur Jankovic, exception faite des individus que vous avez

  3   mentionnés et les journalistes qui sont venus par la suite, est-ce que

  4   quelqu'un d'autre aurait participé à ceci au poste de sécurité publique à

  5   Prijedor ?

  6   R.  Ceux qui étaient présents, je les ai annotés. Personne n'est entré par

  7   la suite. Il n'y a que les journalistes qui sont venus après. A la réunion,

  8   il y avait les personnes que j'ai indiquées comme présentes, puis il est

  9   venu des journalistes qui sont repartis.

 10   Et le Didovic que j'ai mentionné, il n'est pas entré, moi je ne l'ai

 11   pas vu.

 12   Q.  Monsieur Jankovic, alors, pour Didovic, veuillez répéter, s'il vous

 13   plaît, parce qu'on a consigné de façon erronée vos propos.

 14   R.   Je vais répéter une seule partie. La secrétaire du directeur, Mira --

 15   Q.  Non, la phrase que vous venez de prononcer, la dernière phrase que vous

 16   avez prononcée pour ce qui est de Didovic.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Didovic n'est pas entré. Je ne l'ai pas vu. Le chef Talundzic est sorti

 20   devant la porte, et je ne sais pas ce qu'ils se sont dit là-bas.

 21   Q.  Après cette réunion, est-ce qu'il y a eu des changements au niveau du

 22   poste, et là je parle d'insignes, et cetera, donc, au cours de cette

 23   période-là ?

 24   R.  Avant la fin avril 1992 --

 25   Q.  Voilà, est-ce qu'il y a eu des changements au niveau de l'iconographie,

 26   et cetera, est-ce qu'on a mis des insignes serbes, et cetera ?

 27   R.  Non. C'est sûr que non, mais je ne me souviens pas des détails. Si mes

 28   souvenirs sont exacts, on a envoyé une dépêche du centre, où on a demandé


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  1   que tout le monde se mettre à arborer les insignes serbes, mais je sais que

  2   nous, on ne le faisait pas. On a fait l'exception, on ne les a pas portés.

  3   C'est une période assez brève, il ne restait qu'une dizaine de jours. Alors

  4   même que les tensions continuaient à croître.

  5   Q.  Et vous avez mentionné une autre municipalité. Quelle est cette

  6   municipalité ?

  7   R.  Kotor Varos. Eux aussi, ils avaient un problème là-bas. Donc ces deux

  8   municipalités-là consistaient une exception à la règle.

  9   Q.  Voilà. Alors, vous avez parlé des tensions. Vous avez dit que les

 10   tensions ont augmenté.

 11   R.  Excusez-moi, est-ce qu'il est possible de baisser le ton ? Parce que

 12   j'ai l'impression d'entendre des avions dans mes oreilles tellement le son

 13   est fort.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Voilà. Maintenant ça va.

 16   Voilà, vous pouvez me poser la question à présent.

 17   Q.  Donc vous avez commencé à parler des tensions, et vous avez dit que les

 18   tensions continuaient à croître. Que vouliez-vous dire par la suite ? Est-

 19   ce qu'après la réunion en question, les tensions se sont calmées à Prijedor

 20   ou bien est-ce que la situation a continué à s'empirer ?

 21   R.  Mais non. Les tensions ont continué à s'accroître au jour le jour.

 22   Tout est resté pareil, mais en plus grave.

 23   Maintenant je n'entends plus rien.

 24   Q.  Est-ce que tout va bien ?

 25   R.  Je n'entends pas très bien.

 26   Donc les tensions ont continué à exister de façon de plus en plus

 27   grave.

 28   Il y avait beaucoup de détails - comment vous dire. La situation


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  1   générale peut être aperçue à travers une myriade de détails. Tous les

  2   jours, de tous les points de vue, la situation s'empirait. Voilà -- bon,

  3   c'est un exemple un peu privé, je n'en ai jamais parlé, mais ce n'est pas

  4   un secret. Lors de la réunion -- voilà, je n'en ai jamais parlé parce que

  5   ça me touche personnellement, mais voilà. Lors de la réunion, M. Zupljanin

  6   a dit : Vous, les personnes présentes, vous devez vous mettre d'accord.

  7   Vous devez vous mettre d'accord pour résoudre cela. Vous ne pouvez pas

  8   attendre que quelqu'un de l'extérieur vienne avec une solution toute faite.

  9   Et Fikret a dit : Mais, Monsieur, on ne peut pas parce qu'il y a des gens

 10   ici qui ne font rien d'autre que dénoncer. Voilà, celui-ci. Et il me l'a

 11   montré.

 12   Le lendemain, il me convoque dans son bureau, donc là où il était

 13   assis, Fikret avec Ago Hasan. Il m'appelle et me dit : Viens ici. Il me dit

 14   comme cela : Tu es fou. C'est à moi qu'il parlait. Et ensuite, il continue

 15   : Est-ce que tu sais que la guerre peut éclater d'un jour à l'autre ? Est-

 16   ce que c'est toi qui vas me garantir de ne pas tuer ma famille si jamais

 17   vous gagnez la guerre ? Et moi je ne vais pas tuer la tienne.

 18   Et moi je lui ai dit : Ecoute, je ne peux pas te faire des promesses.

 19   Moi je n'ai jamais eu une position de pouvoir. Moi je ne peux pas te

 20   promettre cela parce que cela ne va jamais dépendre de moi. Cela étant dit,

 21   moi je ne te fais pas confiance. Honnêtement, je ne te fais pas confiance,

 22   parce que la promesse ne vaut rien pour moi.

 23   Regardez, c'est une conversation qui sort de l'ordinaire en temps

 24   ordinaire. Mais vu de l'époque, cette conversation était parfaitement

 25   acceptable et normale. Et ce n'était pas la seule conversation de ce genre

 26   qui a eu lieu. Il y en avait partout, entre tout le monde.

 27   C'est dans ce sens-là que je parle des "tensions". C'est pour cela

 28   que j'ai dit que la situation était tendue. C'était des tensions dans


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  1   l'air.

  2   Q.  Est-ce qu'il y avait davantage de militaires dans la zone, est-ce

  3   qu'il y avait des gens en uniforme présents en plus grand nombre et est-ce

  4   qu'il y avait des convois qui passaient par là ?

  5   R.  Mais bien sûr, bien sûr que oui. Moi je ne bois pas et je ne fréquente

  6   pas de cafés. Mais je connais des gens qui fréquentent des bistros et des

  7   cafés. Et j'ai appris que dans certains cafés se rassemblaient des gens

  8   appartenant à un certain groupe ethnique; dans d'autres, d'autres gens

  9   appartenant à d'autres groupes ethniques, et qu'on distribue des armes, et

 10   cetera. Ce n'est pas une science exacte. Je ne peux pas vous dire : Je suis

 11   sûr de ceci ou de cela. C'est tout simplement que l'ambiance était telle

 12   qu'on s'attendait à ce que ça éclate du jour au lendemain. Et vu que la

 13   milice de réserve était déjà présente, qu'il y en avait qui retournaient du

 14   front de Slavonie, vous pouviez voir dans les rues des gens arborant toutes

 15   sortes d'uniformes, des uniformes dépareillés, des uniformes bleus,

 16   bariolés, verts, vert olive, toutes sortes d'uniformes.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Krgovic, pourriez-vous

 18   demander au témoin ce que M. Zupljanin a fait pour aider à résoudre le

 19   problème à Prijedor ?

 20   Vous nous avez dit que lors de la réunion, il a demandé aux personnes

 21   présentes de voir si elles étaient capables de résoudre les problèmes par

 22   eux-mêmes, sans aide extérieure. Vous avez aussi dit qu'il a fait

 23   l'exception de Prijedor et Kotor Varos en ce qui concerne l'obligation de

 24   porter les insignes serbes, en tout cas pendant une période assez brève.

 25   Mais qu'a-t-il fait d'autre, M. Zupljanin, pour faire en sorte qu'il

 26   n'y ait pas de conflits majeurs dans la région de Prijedor ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à moi que vous me posez la question ?

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Monsieur.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je ne sais pas. C'est sûr

  2   qu'il n'est pas venu que chez nous, dans notre bureau. Il a certainement

  3   œuvré à des échelons plus élevés, mais je ne sais pas ce qu'il a fait. Je

  4   n'étais pas présent. En ce qui concerte la réunion à laquelle j'ai assisté,

  5   il n'a pas dit un mot, pas une phrase, pas un sous-entendu dont l'objectif

  6   n'était pas de diminuer les tensions. Tout ce qu'il disait, c'est qu'il

  7   fallait diminuer ces tensions, qu'il fallait œuvrer dans le sens d'une

  8   réconciliation, pacification. Voilà ce que j'ai vu. Je parle de la réunion

  9   à laquelle j'ai assisté.

 10   Evidemment, en tant que citoyen, je vois ce qui se passe ailleurs.

 11   Bon, j'ai bien vu qu'il s'est rendu à la municipalité pour apaiser la

 12   situation là-bas, et ceci n'a pas réussi. Il a fait un effort chez nous

 13   aussi. Est-ce qu'il a réussi ? Dans quelle mesure il a réussi à apaiser la

 14   situation ? Eh bien, je vais évaluer le résultat, si vous me le permettez.

 15    Vous savez, ces tensions étaient énormes. Alors, il a essayé d'éteindre un

 16   gros incendie. Evidemment qu'il ne pouvait pas le faire, mais il a peut-

 17   être réussi à éteindre un petit foyer d'incendie. On était au nombre de

 18   dix. S'il y en avait deux qui étaient d'un côté et les huit autres étaient

 19   neutres, eh bien, il a pu influer sur ces deux-là pour qu'ils choisissent

 20   l'option de paix, et pas de guerre.

 21   Donc, moi, personnellement, j'ai vu que quand il y a la bonne

 22   volonté, on peut arriver à un accord, et j'ai pu voir que ceux qui étaient

 23   au-dessus de moi et qui décidaient de mon sort, pour ainsi dire, n'avaient

 24   pas de mauvaises intentions, ne souhaitaient pas la guerre. Moi je n'ai pas

 25   vu un ministre ou le président, mais je l'ai vu, lui, j'ai vu quelles

 26   étaient ses intentions. Et ce qui m'inquiétait, c'est que les autres

 27   n'étaient pas prêts à accepter cette initiative. Voilà.

 28   Si je n'ai pas été suffisamment précis, veuillez me le dire, s'il vous


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  1   plaît.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Merci.

  3   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Krgovic.

  4   M. KRGOVIC : [interprétation]

  5   Q.  Vous avez dit quelque chose, mais ce n'était pas consigné au compte

  6   rendu d'audience. Vous avez dit que vos supérieurs hiérarchiques ne

  7   souhaitaient pas la guerre.

  8   R.  Mais c'était important pour moi de le savoir. De savoir si le

  9   président, le ministre ou mon supérieur souhaite la guerre ou non. Parce

 10   que s'ils ne souhaitaient pas la guerre, c'est le message qu'ils allaient

 11   nous transmettre. Et s'ils souhaitaient la guerre, au contraire, eh bien,

 12   on allait recevoir ce message-là. Et moi, en le voyant, lui, j'ai vu tous

 13   les autres qui étaient à des postes plus importants que lui, et je me suis

 14   dit que s'ils ne souhaitaient pas la guerre, que les choses allaient bien

 15   se terminer, qu'il n'y aurait pas de guerre. Voilà.

 16   Q.  Pendant cette période-là, entre l'arrivée de M. Zupljanin et la fin du

 17   mois d'avril, est-ce qu'il y a eu des rassemblements importants ou est-ce

 18   qu'il y a eu des incidents importants qui ont nui à l'ordre public ?

 19   R.  Je n'arrive pas à me rappeler de cela.

 20   Q.  Est-ce qu'il y a eu un conflit important ?

 21   R.  Dans la municipalité de Prijedor ou ailleurs ?

 22   Q.  La municipalité de Prijedor ?

 23   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir.

 24   Q.  Ce n'est pas grave.

 25   R.  Eh bien, si quelqu'un arrivait à rafraîchir ma mémoire en mentionnant

 26   l'incident, peut-être que je m'en souviendrais. Mais spontanément, non, je

 27   n'y arrive pas.

 28   Q.  Je souhaite aborder un autre sujet. Une autre réunion à présent.


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  1   [Le conseil de la Défense se concerte]

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai un nouveau sujet à

  3   aborder et il me semble, d'après les réactions du témoin, qu'il commence à

  4   fatiguer et qu'il n'est pas parfaitement concentré. Je me demande si on ne

  5   pourrait pas lever l'audience un peu avant l'heure, parce qu'il me reste un

  6   sujet plus important et plus large à traiter que celui que l'on vient

  7   d'aborder.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. KRGOVIC : [interprétation] Il nous reste 15 minutes aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, effectivement, on a attiré notre

 11   attention sur le fait que le témoin était susceptible de rencontrer des

 12   difficultés.

 13   Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui, Monsieur le Témoin. Comme le

 14   Juge Harhoff vous l'a dit à votre arrivée dans ce prétoire ce matin, il est

 15   tout à fait possible que votre déposition s'étende sur plusieurs jours.

 16   Cela étant dit, je souhaite porter à votre attention une mise en garde que

 17   j'aimerais que vous gardiez à l'esprit pour le reste de votre déposition.

 18   Donc, à partir du moment où vous avez commencé à témoigner, vous ne

 19   pouvez plus communiquer avec les avocats de quelque partie que ce soit, et,

 20   qui plus est, dans le cadre de vos contacts avec qui que ce soit qui est

 21   extérieur à ce procès, vous ne pouvez pas aborder comme sujet votre

 22   déposition.

 23   Vous m'avez compris ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc nous allons lever l'audience

 26   maintenant et nous allons nous retrouver demain pour le reste de votre

 27   déposition, demain à 9 heures.

 28   [Le témoin quitte la barre]


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  1   --- L'audience est levée à 13 heures 32 et reprendra le mardi 11 octobre

  2   2011, à 9 heures 00.

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