Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 11 octobre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  6   tous et à toutes dans le prétoire et autour.

  7   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  8   Stojan Zupljanin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   Bonjour à tous et à toutes. Peut-on avoir les présentations pour

 11   aujourd'hui, s'il vous plaît.

 12   M. HANNIS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Thom Hannis,

 13   "with" Gerard Dobbyn et notre commis à l'affaire, Sebastiann van Hooydonk,

 14   et nous avons aujourd'hui un stagiaire --

 15   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Pour la Défense de M. Stanisic, Slobodan

 17   Cvijetic et Deirdre Montgomery. M. Zecevic va nous rejoindre très

 18   prochainement.

 19   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan Krgovic

 20   et Miroslav Cuskic pour la Défense Zupljanin.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 22   Je voudrais que l'huissière accompagne le témoin jusqu'à son siège.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Avant que de convier

 25   M. Krgovic à continuer avec son interrogatoire principal, je vous rappelle

 26   que vous êtes encore tenu par la déclaration solennelle que vous avez faite

 27   hier.

 28   Monsieur Krgovic, à vous.


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  1   M. KRGOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  2   LE TÉMOIN : MILOS JANKOVIC [Reprise]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   Interrogatoire principal par M. Krgovic : [Suite]

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Jankovic.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Monsieur Jankovic, nous avons terminé hier avec des questions, et j'ai

  8   demandé à ce que nous nous interrompions un peu plus tôt parce que j'ai vu

  9   que vous n'étiez pas très bien. Alors, si vous vous sentez mal, si vous

 10   n'êtes pas concentré, si vous avez mal à la tête, faites-le-moi savoir pour

 11   que je puisse demander une pause prématurée afin que vous puissiez vous

 12   reposer et vous concentrer sur la teneur de votre témoignage.

 13   R.  Bonjour. Bon, bon.

 14   Q.  Monsieur Jankovic, lorsque vous vous êtes penché sur un document

 15   antérieurement présenté au sujet des propos de M. Kadiric et Talundzic où

 16   ils avaient proposé la création d'un CSB à Prijedor; c'est bien ce que vous

 17   avez dit ?

 18   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit.

 19   Q.  Est-ce que, suite à cette réunion avec M. Zupljanin, on a déployé des

 20   activités de la part de MM. Talundzic et Kadiric pour ce qui est

 21   d'enchaîner dans ce sens ? Est-ce qu'il y a eu des réunions à  ce sujet ?

 22   R.  Etant donné qu'il s'est passé en relativement peu de temps, ça a couru

 23   entre le 9, date à laquelle où M. Zupljanin était venu, c'était le 9 avril,

 24   et la réunion, lorsqu'il y a eu cette rencontre à l'arrivée de la dépêche

 25   le 29 avril, pendant donc ces 20 jours, il y a eu un processus en cours,

 26   mais pour tout relever, c'est assez difficile. Ce que j'ai pu voir, c'est

 27   qu'au fil de la deuxième moitié de ces 20 jours, donc après les dix

 28   premiers jours, j'ai remarqué que lorsque j'arrivais chez mon chef


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  1   Talundzic, il y avait Avdo qui venait aussi. Je l'ai déjà dit. Cet

  2   assistant du ministre venait aussi souvent que lui, cet Avdo Hebib.

  3   Il y a eu des choses qui, à première vue, pouvaient sembler insignifiantes,

  4   c'était aussi inhabituel. Voilà de quoi je parle. Des gens de la ville qui

  5   étaient des représentants du monde économique et qui étaient en vue, par

  6   exemple, un propriétaire de restaurant qui était plus riche que les autres.

  7   Ils venaient vers le bâtiment du SUP, et ils venaient, ces gens, pour voir

  8   le chef, M. Hasan. Enfin, ils n'étaient pas venus tous ensemble. J'en

  9   voyais un, ça et là. Un dénommé Cuko est venu avec une jeep. Il s'est garé

 10   devant l'escalier. Personne n'est autorisé à garer là. Rien que l'officier

 11   de permanence peut garer. Alors, un citoyen ordinaire vient, laisse sa

 12   voiture là, ne prête aucune attention aux policiers et tout le reste, et il

 13   va chez le chef. Alors, ce n'est pas normal, cette façon de se comporter.

 14   Donc c'est ces petits détails qui ont montré que la situation n'était pas

 15   habituelle. Et il y avait moult détails de ce type pour montrer que la

 16   situation n'était pas tout à fait normale.

 17   Q.  Juste une question : Avdo Hebib, il faisait partie de quel groupe

 18   ethnique ?

 19   R.  Eh bien, d'après son nom, c'est un Musulman.

 20   Q.  Et les gens qui venaient dans le bâtiment du SUP ou du CJB de Prijedor,

 21   le Cuko --

 22   R.  Cuko c'était un Musulman. J'ai oublié son prénom. Je sais où se

 23   trouvait son restaurant. C'était quelqu'un qui était bien en vue parmi ces

 24   propriétaires d'établissement hôtelier, ces restaurateurs.

 25   Q.  Alors, vous avez décrit le fait que les gens étaient venus chez

 26   Talundzic, et c'était des gens qui étaient de quel groupe ethnique, le Cuko

 27   et les autres qui étaient venus ?

 28   R.  Ecoutez, moi je parle tout le temps d'exemples, et peut-être pourrais-


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  1   je dépeindre la situation autrement.

  2   De par la nature de mon travail, j'étais censé aller chez le chef trois

  3   fois par jour pour lui poser des questions ou demander des approbations.

  4   Alors, j'arrivais chez lui, et j'ai remarqué qu'il y avait un homme que je

  5   ne connaissais pas et qui entrait dans son bureau, et il disait : "Merhaba,

  6   Hasan," et l'autre répondait par : "Merhaba." Normalement, on disait

  7   bonjour. Les salutations musulmanes n'étaient pas réservées à ce type

  8   d'endroit.

  9   Alors, j'ai tiqué. Et je venais chez Hasan, et je lui disais moi aussi :

 10   "Merhaba," et il répondait par : "Merhaba." Et il est venu dans mon bureau

 11   pour me dire : "Dieu te vienne en aide, brave." Alors, j'étais surpris, je

 12   n'ai pas répondu. Et il m'a dit : "Mais pourquoi tu me salues dans ma façon

 13   de saluer, alors que tu ne sais pas répondre de la façon de ta propre

 14   ethnie ?"

 15   C'était une espèce de situation assez inhabituelle. Parce que cette façon

 16   de dire bonjour, c'est réservé pour ailleurs. Au niveau d'une institution

 17   comme la nôtre, on devait dire tout simplement bonjour.

 18   Q.  Monsieur Jankovic, revenons un peu vers la réunion du 29 avril 1992.

 19   Est-ce que vous pourriez brièvement nous dire au sujet de cette réunion ce

 20   qui lui a précédé et comment vous avez eu vent de la réunion, et dites-nous

 21   aussi comment ça s'est passé ?

 22   R.  Vous parlez de la réunion du 29 avril, n'est-ce pas ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Bon. Je vais être bref. Pendant toute cette période en 1992, il y a eu

 25   des phases. Une première phase courait jusqu'aux élections pluripartites.

 26   La deuxième phase c'est depuis les élections pluripartites jusqu'au 29

 27   avril, chose dont je vais vous parler tout de suite. Je vous ai déjà

 28   indiqué pratiquement la totalité de ce qu'il y avait à dire au sujet de


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  1   cette deuxième phase. Et il vient une troisième phase après cette réunion

  2   du 29 avril. Il y a une troisième phase qui s'installe, et ça court

  3   jusqu'au 30 mai, date de l'attaque de Prijedor. Puis, une quatrième phase.

  4   Alors, on va parler de cette troisième phase suite à cette réunion.

  5   Ce que j'ai commencé à vous raconter depuis ce matin, lorsqu'on se penche

  6   sur la totalité des choses, et j'ai évoqué plusieurs situations, mais d'une

  7   façon générale, il y a eu une montée des tensions, y compris à l'occasion

  8   de ces réunions. On a pu constater quand on était présents, quand on

  9   écoutait tout ceci, on établissait des liens et des corrélations entre la

 10   réunion où il y a eu M. Zupljanin à venir, où Fikret et l'autre avaient

 11   parlé de la réorganisation, d'une séparation du centre pour en créer un

 12   nouveau à Prijedor, et suite à tout cela, il a la réunion dont on va parler

 13   à l'instant, celle du 29 avril.

 14   Je ne savais pas que c'était une réunion planifiée, je n'ai pas trop suivi

 15   les choses, parce que j'avais été sur le terrain, entre autres, pour des

 16   questions liées à vos transmissions. Et une fois revenu, vers 14 heures, on

 17   nous convie, tous les responsables à compétence particulière; les

 18   transmissions en faisaient partie, les policiers d'active, les policiers de

 19   réserve, ceux de la police de la lutte contre la criminalité et les

 20   transmissions. C'est ceux-là les responsables qui étaient censés aller à

 21   cette réunion dans la salle de réunion. On ne nous a pas dit de quoi il

 22   s'agissait.

 23   Je convie mes employés des transmissions, puis j'y vais aussi. Il n'y a que

 24   celui qui était de permanence qui est resté là-haut, parce que le centre

 25   des transmissions ne doit jamais rester dépourvu de personnel.

 26   Et leur réunion a commencé. J'ai vu qu'au niveau du bureau de ceux

 27   qui présidaient, ils étaient cinq. Il y avait peut-être une ou deux tables

 28   d'occupées. Les cinq, de gauche à droite, il y avait Mirza Mujagic, qui


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  1   était à l'époque président du SDA. De gauche à droite, disais-je. Puis, à

  2   côté de lui, Cehajic, le professeur dont le prénom est Muhamed ou Muharem.

  3   Enfin, c'était un M. Cehajic. C'était lui le maire. Au milieu, il y avait

  4   la personne qui présidait, Hasan Talundzic, c'est le chef du poste de

  5   police. Et à côté, Fikret Kadiric, son collaborateur, qui était le chef de

  6   la police de la circulation routière. Et le cinquième, Simo Miskovic. Il ne

  7   travaillait pas à la police à l'époque. C'était un policier qui était déjà

  8   à la retraite, mais autant que je le sache, il se trouvait être président

  9   du SDS à ce moment-là. Je ne peux pas l'affirmer, mais il était président

 10   ou quelque chose dans le SDS. Moi je n'en faisais pas partie du SDS. Je

 11   crois qu'il était à la tête du SDS. 

 12   Q.  Excusez-moi. Où s'est tenue cette réunion, disiez-vous ?

 13   R.  La réunion se tenait dans une salle qui faisait partie du bâtiment de

 14   notre poste. C'est une construction de l'autre côté de la cour intérieure.

 15   Il y avait donc cette cour intérieure et il y avait des garages, et cette

 16   petite salle qui servait de toute façon aux réunions des employés de la

 17   police. Mais cette fois-ci, la salle était si petite, parce qu'il y avait

 18   trop de personnes de présentes. Il y avait des réservistes aussi. Je ne

 19   sais combien ils étaient, mais c'était plein à craquer. Certains étaient

 20   même devant la porte, et d'autres étaient restés devant à l'extérieur. Moi,

 21   comme dans cette salle-ci il y avait des poteaux, j'étais à 5 mètres du

 22   président de la réunion, je m'étais adossé au poteau.

 23   La réunion a commencé, et il n'y avait qu'un seul point à l'ordre du jour.

 24   C'est le président qui a pris la parole pour parler des circonstances en

 25   raison desquelles nous, poste de police de Prijedor, nous devrions cesser

 26   de faire partie du centre de Banja Luka et qu'il s'agissait de nous

 27   rattacher au centre de Sarajevo. A l'époque, nous n'avions pas reçu de

 28   salaire. Déjà deux salaires nous étaient dus, et ils ont dit que la raison


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  1   principale c'était ces deux salaires, et que certainement on nous donnerait

  2   un salaire le lendemain et le deuxième dans les deux ou trois jours à

  3   venir. Les explications allaient à peu près dans cette direction-là. Les

  4   personnes présentes, pour l'essentiel, semblaient l'accepter. Il y en a

  5   peut-être eu deux ou trois, je pense que c'était des Serbes. J'en

  6   connaissais un, Mutic, Milivoj; mais les autres, je ne les connaissais pas,

  7   ils faisaient partie des effectifs de réserve. Et eux se sont opposés à la

  8   chose. Les autres se taisaient. Ceux qui ont pris la parole ont dit que

  9   c'était une bonne chose, parce qu'on ne pouvait pas continuer à travailler

 10   sans percevoir de salaire.

 11   La réunion a duré - je ne sais trop - 45 minutes, peut-être une heure. Je

 12   ne peux plus m'orienter dans le temps. Ça s'est passé assez vite.

 13   Q.  Mais dites-moi - excusez-moi - est-ce que Miskovic a dit quoi que ce

 14   soit à cette réunion ?

 15   R.  Non, non, il n'a rien dit du tout. Il était présent, il était assis là-

 16   bas, mais il n'a rien dit du tout. Et s'il a dit quelque chose, c'était si

 17   insignifiant que je ne l'ai pas gardé en mémoire.

 18   Q.  Mais qui est-ce qui avait proposé que le poste de sécurité publique

 19   soit rattaché directement à Sarajevo ? Qui étaient les protagonistes de

 20   l'idée avancée ?

 21   R.  Au milieu de cette tablée, il y avait Hasan Talundzic, le chef du

 22   poste. Mais M. Mujagic a pris la parole aussi, et le maire de la ville et

 23   Fikret aussi ont pris la parole et ils donnaient à chacun d'entre eux des

 24   explications qui étaient les leurs.

 25   Maintenant, de là à vous dire ce que l'un ou l'autre a dit au juste,

 26   je ne m'en souviens plus. C'était il y a très longtemps.

 27   Mais dans le contexte général, c'est de cela qu'il s'agissait et

 28   c'est ce que je puis vous dire.


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  1   Q.  Veuillez continuer. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose à l'occasion

  2   de cette réunion ?

  3   R.  Oui, oui. A ce moment-là, l'agent de permanence -- parce que le poste

  4   de police était vide. Il n'y avait à l'entrée que l'homme de permanence, et

  5   en haut, au centre des transmissions, il y avait l'agent des transmissions

  6   qui était de permanence. Moi j'étais le chef. Et je me suis fait contacter

  7   par cet homme de permanence, et l'homme des transmissions a demandé aux

  8   policiers en bas, à la ginguette, de venir me voir parce qu'il y avait des

  9   problèmes au niveau des transmissions.

 10   Et je suis monté. Parce qu'on m'avait dit que c'était urgent. Je suis

 11   monté pour voir de quoi il s'agissait. J'ai donc quitté la réunion, mais

 12   eux, ils sont restés dans la salle de réunion. Sarac, Dusko était l'agent

 13   de permanence au niveau des transmissions. Il m'a montré une dépêche qui

 14   venait d'arriver de Sarajevo. C'était codé. Sur la dépêche, il y avait une

 15   adresse et il s'agissait d'envoyer vers les municipalités qui étaient

 16   rattachées par notre biais à la centrale : Sanski Most, Bosanski Novi et

 17   Bosanska Dubica. Mais il ne pouvait pas parce que l'agent des transmissions

 18   à Banja Luka ne voulait pas établir la communication avec les postes

 19   concernés, et il me demande : Que dois-je faire ?

 20   En règle générale, lorsque les officiers chargés des transmissions

 21   avaient une quelconque difficulté avec une dépêche, ils me consultaient

 22   pour que je prenne une décision plutôt que de faire quelque chose qui

 23   serait faux, et ce, par inadvertance. Ensuite, je jetais un œil sur la

 24   dépêche pour en apprécier l'importance et je prenais les mesures

 25   nécessaires. Parfois un communiqué peut attendre; parfois une dépêche ne le

 26   peut pas. Et en règle générale, ce type de dépêche serait estampillé

 27   "urgent" en haut. Et celui-ci était estampillé "très urgent". Par rapport à

 28   notre procédure standard, il s'agissait ici de l'urgence maximum. En


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  1   général, il s'agissait d'affaires d'Etat si le document était estampillé

  2   ainsi. En règle générale, de telles dépêches devaient être envoyées au

  3   siège d'une unité organisationnelle, à savoir le chef du poste de police,

  4   s'il s'agissait d'une question fort urgente. Si cette personne n'était pas

  5   là, ensuite la dépêche devait être envoyée à son service, et l'adjoint

  6   devait mettre la main sur le chef le plus rapidement possible pour pouvoir

  7   lui transmettre la teneur de la dépêche en question. Et comme je vous l'ai

  8   dit --

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avez-vous pu lire ce que contenait la

 10   dépêche ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] De quoi s'agissait-il ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, même avant ce moment-

 14   là, quelle qu'était la teneur de la dépêche, lorsque je me rendais compte

 15   du fait qu'il était impossible d'appliquer la procédure standard, je

 16   décidais des mesures à prendre à la lumière de ce contenait la dépêche.

 17   J'analysais la dépêche de façon succincte et je constatais qu'elle avait

 18   été établie par le ministre en vertu d'une décision de la présidence. Je ne

 19   peux pas vraiment vous énumérer les différents points que contenait cette

 20   dépêche, un, deux, trois points, mais je puis vous dire que ceci avait

 21   trait à la mobilisation de la police et de la Défense territoriale, qu'il

 22   s'agissait de couper toutes les routes stratégiques, les institutions les

 23   plus cruciales, la caserne, de la nécessité de désarmer l'armée dans la

 24   caserne, et la dépêche disait, toutefois, que s'il y avait une quelconque

 25   forme de résistance, il fallait s'engager au combat.

 26   Et ceci était choquant à mes yeux. Je travaillais au sein des forces de

 27   police depuis longtemps déjà à ce moment-là et j'avais eu l'occasion de

 28   voir différents documents, mais aucun document n'a eu cet effet sur moi


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  1   comme celui-ci, à savoir que j'étais choqué.

  2   Et d'après la façon dont je le comprenais, ceci marquait le début d'une

  3   guerre.

  4   M. KRGOVIC : [interprétation]

  5   Q.  Un instant, s'il vous plaît. Puis-je vous montrer un document à ce

  6   stade.

  7   M. KRGOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin la

  8   pièce 1D00150, s'il vous plaît. Dans le classeur de la Défense Zupljanin,

  9   cela se trouve à l'intercalaire numéro 9.

 10   Puis-je avoir l'aide de l'huissière, s'il vous plaît.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite m'excuser et vous poser la

 12   question suivante.

 13   J'ai commis une erreur lorsque j'ai laissé ma veste dans l'autre pièce. Mes

 14   lunettes de lecture se trouvent dans la poche de ma veste. Je crois que

 15   cette personne a vu que j'ai laissé ma veste dans cette pièce. Si elle veut

 16   bien aller la chercher, ou peut-être moi-même, parce que je n'ai pas de

 17   lunettes de lecture. Il n'y a pas de correction sur les lunettes que j'ai.

 18   J'ai laissé ma veste sur la porte --

 19   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur Jankovic, nous allons attendre que

 20   vous puissiez aller chercher vos lunettes.

 21   M. HANNIS : [interprétation] En attendant l'affichage de ce document, je

 22   souhaite soulever une question et porter à votre attention quelque chose

 23   que j'ai déjà dit.

 24   La traduction anglaise de ce document comporte quelque chose qui se trouve

 25   en haut à droite et qui représente une inscription manuscrite qui ne figure

 26   pas sur la version en B/C/S du document qui est dans le prétoire

 27   électronique. J'apporte ceci à votre attention, et je l'ai fait à la

 28   Défense par le passé aussi, parce que je crois que ceci a été marqué avec


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  1   un numéro supplémentaire. Je crois que ce document est le 150.1. Pour être

  2   cohérent, je pense qu'il est préférable d'afficher ce document-là.

  3   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  4   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  5   M. KRGOVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec vous.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je crois que pour ce qui est de la

  7   version anglaise, il serait préférable que nous ayons - quel est le numéro

  8   déjà ? - le 1D150.1.

  9   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 10   M. KRGOVIC : [interprétation] Page 11 en anglais.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, cette dépêche n'est pas exacte. Il ne s'agit pas de

 12   la bonne.

 13   R.  Non. Parce qu'on ne peut pas y lire la mention "très urgent", alors que

 14   l'original comportait cette mention. En haut à droite, nous n'avons pas

 15   cette mention.

 16   M. KRGOVIC : [interprétation] Peut-être que nous devrions montrer le

 17   troisième document du classeur dans le prétoire électronique. C'est le

 18   document qui a été cité par M. Hannis.

 19   Q.  Voyez-vous cette mention "très urgent" en haut du document maintenant ?

 20   R.  Oui. C'est une photocopie de mauvaise qualité, je l'admets, mais cela

 21   ressemble à l'original. On y voit l'en-tête, même si cet en-tête est

 22   difficile à distinguer.

 23   Q.  Monsieur Jankovic, s'agit-il là de la dépêche en question, celle que

 24   vous --

 25   R.  Oui, oui. Avec tous ces éléments flous dessus et ces taches. S'il

 26   s'agit en réalité de celle-ci ? Je ne pense pas. Veuillez le trouver. Je

 27   l'ai vu, vous l'aviez.

 28   Q.  Monsieur Jankovic, je vais vous l'expliquer.


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  1   Il existe différents exemplaires de ce document. Je vous ai montré un

  2   exemplaire qui a déjà été versé aussi. Ce document-ci est un document qui

  3   est différent du document que vous avez vu, mais il contient toutes les

  4   mentions que vous avez citées, comme celle de "très urgent" ?

  5   R.  Ecoutez, je ne connais que le document que j'ai sous les yeux. Et je

  6   puis vous dire que ce document-ci n'est pas sans importance, parce que

  7   d'après les règles qui gouvernent la transmission, les dépêches sont

  8   classées en fonction de leur caractère urgent. O égale régulier; c'est la

  9   mention qui se trouve au plus bas de l'échelle. Ensuite, vous avez le D.

 10   Ensuite, vous avez DD. Et ensuite, DX. On ne peut que voir la mention X

 11   ici.

 12   Q.  Veuillez regarder le haut du document, l'en-tête. Qu'est-ce qu'on peut

 13   y lire ?

 14   R.  Eh bien, la mention la plus élevée sur cette échelle, c'est "très

 15   urgent".

 16   Q.  Voyez-vous la mention "très urgent" en haut de ce 

 17   document ?

 18   R.  Oui, mais c'est une photocopie de très mauvaise qualité.

 19   Q.  Veuillez regarder l'exemplaire que vous avez sur votre écran.

 20   R.  Je vois que c'est l'écriture du secrétaire du chef. Je reconnais son

 21   écriture. Et, oui, effectivement, on peut y lire "très urgent", comme

 22   c'était le cas à l'époque.

 23   Q.  Veuillez regarder la teneur de cette dépêche.

 24   R.  Eh bien, ceci va être assez difficile, mais je me souviens des éléments

 25   importants de ce document. Eh bien, nous avons le destinataire qui figure

 26   en haut, ceci est important également. Et on devrait y lire, entre autres :

 27   A l'intention du SJB, à toutes les personnes travaillant à ce poste et au

 28   chef. C'est ce que je peux lire et ce que je peux distinguer ici puisque


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  1   c'est envoyé à tous les chefs de tous les postes de police. Je suppose que

  2   ceci est également envoyé à la police de Sarajevo, à son secrétaire.

  3   Q.  Monsieur Jankovic, vous avez maintenant un meilleur exemplaire qui vous

  4   est remis.

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   R.  La photocopie est d'une qualité telle que j'ai l'impression de lire des

  8   hiéroglyphes. Et j'ai vraiment peur de commettre une erreur. Je ne me

  9   souviens pas particulièrement de l'en-tête. Pourquoi m'en souviendrais-je ?

 10   Ce que je sais, c'est que l'on y inscrivait de façon standard. En général,

 11   on pouvait y lire le sigle du MUP, le numéro de référence, ensuite 10-70,

 12   et la date, et les premières taches que l'on voit ici sur le document

 13   devraient correspondre aux MUP et à la date. Et l'adresse est importante

 14   aussi. Donc je suppose qu'on peut lire CJB, poste de sécurité publique,

 15   "all", toutes les personnes en Bosnie-Herzégovine. SJB, tous - tous les

 16   chefs. Autrement dit, à l'intention de toutes les municipalités et de tous

 17   les chefs. Et ceci s'appelait autrefois le SUP de la ville de Sarajevo, et

 18   ensuite le secrétariat.

 19   M. HANNIS : [interprétation] Si vous me le permettez, Messieurs les Juges,

 20   maintenant que nous avons dépassé l'en-tête, pour que ce soit plus lisible

 21   pour le témoin, la partie supérieure du document qui ne figurait pas sur

 22   l'autre version B/C/S, cela ne me pose aucun problème d'afficher le

 23   document qui se trouve dans le prétoire électronique ou lui permettre de

 24   regarder la copie papier qui correspondait à l'original qui lui a été

 25   montrée, où on peut voir "très urgent", la partie du texte qui correspond

 26   au passage qui suit cela sur un document qui est plus lisible que celui

 27   qu'il regarde actuellement.

 28   Moi je suis convaincu que ces deux textes sont identiques et qu'ils se


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  1   fondent sur la traduction anglaise, et comme ça, nous pourrons les

  2   comparer. Je crois que ce sera plus facile pour lui.

  3   M. KRGOVIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Jankovic, veuillez regarder, comme il s'agit d'un document

  5   dont la teneur est identique à celle dont dispose le Procureur, je suis

  6   d'accord, je crois qu'il est plus lisible. Si vous avez la partie

  7   supérieure du document, regardez ce qu'il manque, puis ensuite regardez sa

  8   teneur.

  9   R.  Très bien. Très bien. "J'ordonne," et à partir de là c'est lisible pour

 10   moi. Par rapport à ce qui est en haut : "Conformément à la décision de la

 11   présidence de la République de Bosnie-Herzégovine," numéro, et cetera,

 12   "j'ordonne par la présente…"

 13   Et le ministre ordonne en vertu de la décision de la présidence de Bosnie-

 14   Herzégovine.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire qui a signé ce document ?

 16   R.  Ecoutez, il est signé. La signature, nous pouvons la voir à l'écran. Je

 17   me souviens de cela. C'était le ministre qui était alors ministre de

 18   l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine, Alija Delimustafic. Vous pouvez le voir

 19   à l'écran. Et ici, vous avez une copie papier sur laquelle vous pouvez le

 20   constater également.

 21   M. HANNIS : [interprétation] Je vais préciser. Je n'ai pas de signature,

 22   moi, à l'écran. Nous avons des lettres dactylographiées.

 23   M. KRGOVIC : [interprétation] Non, non, ceci n'est pas visible. Il a

 24   simplement parlé de signature.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de vous expliquer ceci.

 26   M. KRGOVIC : [interprétation]

 27   Q.  Je vous en prie, faites.

 28   R.  Les dépêches étant un moyen de transmettre des éléments d'information


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  1   ont, entre autres, les caractéristiques suivantes : les signatures sont

  2   dactylographiées et ont le même poids qu'une véritable signature et tampon,

  3   parce que les officiers qui travaillaient dans le chiffrement et dans la

  4   protection des données étaient des représentants officiels habilités. Et

  5   nous n'étions pas autorisés au sein de la police à interpeller des gens et

  6   à les interroger. Nous avions, en revanche, la responsabilité de nos actes.

  7   Nous étions responsables de ce que nous faisions. Donc, dans le cas où nous

  8   commettions une erreur, je crois que le code de procédure pénale de la

  9   République socialiste fédérative de Yougoslavie comportait un article, qui

 10   était le 220, qui prévoyait une peine d'emprisonnement allant de dix à 15

 11   ans dans ce cas.

 12   Donc il fallait que ce soit signé par le ministre, et toute personne qui

 13   recevait un tel document ou une telle dépêche était au courant de ce dont

 14   je viens de vous parler. Et si un employé apportait une dépêche, c'était la

 15   même chose ou équivalait à un document signé de la main du ministre alors

 16   que lui se trouvait devant lui.

 17   J'espère que j'ai été clair.

 18   Q.  Oui. Monsieur Jankovic, veuillez regarder la teneur de la dépêche et

 19   veuillez me dire si cette teneur correspond à ce que vous avez vu le 29

 20   avril 1992.

 21   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas de cela avec autant d'exactitude. Je ne

 22   me souviens pas de ce qui figurait dans ce document littéralement parlant,

 23   mais pour ce qui est de la teneur générale de ce document, je peux vous

 24   dire que ce que j'ai lu ici correspond ou est exact. Je peux lire tout le

 25   reste, si vous le souhaitez.

 26   Q.  No. Veuillez le lire à voix basse et confirmez simplement si la teneur

 27   est la même en ce qui concerne cette dépêche.

 28   R.  Bloquer toutes les routes en Bosnie-Herzégovine. Les unités de la JNA


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  1   retirent du matériel et de l'équipement. Tout ceci doit être bloqué,

  2   coordination indirecte avec le ministère de l'Intérieur. De plus grands

  3   secteurs avec des installations, je crois que le terme doit être

  4   "militaires" - je crois qu'il y a une erreur typographique - endroit à

  5   partir duquel ils tentent de retirer du matériel et des équipements. Ceci

  6   doit être bloqué grâce à des obstacles naturels et fabriqués par l'homme.

  7   C'est exact. Alors, c'est la teneur.

  8   Les convois qui ne sont pas annoncés doivent être autorisés à quitter

  9   la caserne. C'est ce que j'entendais par le fait de bloquer l'armée.

 10   Préparer et commencer des opérations de combat. C'est ce que cela

 11   signifiait, c'était la guerre sur l'ensemble du territoire de Bosnie-

 12   Herzégovine. Coordonner ceci avec les états-majors de la Défense

 13   territoriale dans des districts régionaux et dans la République de Bosnie-

 14   Herzégovine. Et préparer les mesures généralisées aux fins de protéger la

 15   population. C'est exact, c'était ainsi. Et c'est ce dont je me souviens. Il

 16   y a peut-être quelques détails qui étaient différents, mais les choses se

 17   présentaient ainsi.

 18   Q.  Monsieur Jankovic, veuillez regarder la partie qui se trouve en bas à

 19   droite, les initiales qui se trouvent sur ce document. Les voyez-vous ?

 20   R.  Oui. Il n'est pas aisé de les voir, mais je peux lire : DZZM. DZZ

 21   correspond à la lettre Dz en B/C/S sur un télescripteur, parce que DZ

 22   correspond à Dz, parce que les télescripteurs ne disposent pas des signes

 23   diacritiques permettant de reproduire le DZ, c'est le double Z. Il s'agit

 24   des dépêches envoyées de Sarajevo, envoyées par Mirsad Dzanko, l'officier

 25   en charge. C'est la raison, parce que Dz correspond à Dzanko Mirsad. Les

 26   officiers chargés des transmissions envoyaient la dépêche et y apposaient

 27   leurs initiales, parce qu'il s'il s'agissait d'ajouter quelque chose ou de

 28   corriger quelque chose, la personne saurait qui appeler. A Sarajevo, par


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  1   exemple --

  2   Q.  Veuillez répéter le nom de cet officier chargé des transmissions,

  3   Monsieur Jankovic, s'il vous plaît.

  4   R.  Il s'agit des initiales Dz M. Dz, si vous connaissez ce signe

  5   diacritique, c'est Dz, et ensuite c'est Dzanko Mirsad. Je le ne connaissais

  6   pas personnellement, mais je me souviens de tous les noms, y compris celui

  7   de Mirsad Dzanko, des moments où j'ai travaillé à cet endroit-là. Je le

  8   connaissais de nom, mais je ne l'ai jamais vu.

  9   M. HANNIS : [interprétation] Je souhaite apporter une précision quant à

 10   l'orthographe du nom de famille.

 11   M. KRGOVIC : [interprétation] Je tentais de le faire.

 12   Q.  Veuillez épeler lentement le nom de famille de cette personne.

 13   R.  Très bien. Tout d'abord, si vous n'avez pas le Dz dans votre langue,

 14   c'est Dz comme dzamija, qui correspond à une mosquée.

 15   Q.  Ecoutez, pas de commentaire, s'il vous plaît. Veuillez simplement nous

 16   épeler le nom.

 17   R.  D-z-a-n-k-o, qui se lit comme Dzanko; M-i-r-s-a-d, qui correspond à

 18   Mirsad.

 19   Q.  Merci, Monsieur Jankovic.

 20   Veuillez nous dire, s'il vous plaît, après avoir lu la dépêche, qu'avez-

 21   vous fait après cela ?

 22   R.  Pardonnez-moi, je peux lire ici sur ce document D-z-anko, alors peut-

 23   être qu'on peut utiliser la même règle que celle utilisée par le

 24   télescripteur. A ce moment-là, on pourrait dire qu'il s'agissait de Dzanko.

 25   Veuillez répéter votre question maintenant, s'il vous plaît. Pardonnez-moi.

 26   Q.  Après avoir lu le texte de cette dépêche, qu'avez-vous fait?

 27   R.  Eh bien, tout d'abord, j'ai dit que j'ai vraiment été choqué par cela,

 28   et la règle était de ne pas faire mon travail en étant influencé par un


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  1   sentiment de choc, mais plutôt le faire conformément aux règles en la

  2   matière. Et sachant que ce document allait être transmis au chef du poste

  3   de manière urgente, je savais que le chef en question participait à une

  4   réunion et je devais me rendre de toute façon à cette réunion, mais ce

  5   n'était pas mon rôle de faire cela. Le responsable de la communication qui

  6   avait reçu le télégramme devait transmettre ce livre. Ce livre qui

  7   recensait tous les télégrammes qui avaient été reçus. Il consignait donc la

  8   réception de ce télégramme dans ce grand livre et il transmettait le

  9   télégramme à la personne qui était le destinataire. Et il remettait en

 10   mains propres ce télégramme à la personne en question. Le chef signait le

 11   grand livre, stipulant qu'il avait reçu ce télégramme du responsable des

 12   communications, et celui-ci ramenait le grand livre avec la preuve que la

 13   dépêche avait été remise en mains propres.

 14   Donc, en tant que chef, il n'était pas responsable de ce type d'activité,

 15   mais compte tenu du caractère urgent et compte tenu du fait que je devais

 16   descendre de toute façon à l'étage inférieur et que le responsable des

 17   communications ne pouvait pas quitter son bureau parce qu'il était seul,

 18   c'est moi qui ai pris le grand livre avec la dépêche. Je suis donc descendu

 19   à l'étage inférieur où se tenait la réunion, et d'autres responsables de la

 20   communication dont j'étais le supérieur hiérarchique étaient assis en rang.

 21   Ils étaient au même niveau hiérarchique les uns par rapport aux autres.

 22   J'ai parlé à celui qui était le plus proche de moi. Il s'agissait de Mirsad

 23   Sakulic [phon]. Il était juste à côté de moi. C'est la personne dont j'ai

 24   parlé hier. Je lui ai donné le grand livre avec la dépêche, et je lui ai

 25   demandé de consigner cette dépêche dans le grand livre et de la remettre à

 26   notre responsable. Et c'est ce qu'il a fait.

 27   La réunion était arrivée à un tel stade que la fin était proche. On pouvait

 28   voir qu'ils étaient arrivés à un accord sur les propositions qui avaient


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  1   été faites. Tout avait été accepté, d'après ce que je pouvais voir, même si

  2   je n'ai pas participé à la deuxième partie de la réunion. Et j'ai donc

  3   demandé de parler pour la première fois à cette réunion.

  4   J'ai donc dit que ce qu'ils nous promettaient, à savoir que nous allions

  5   recevoir deux salaires, n'était pas exact. J'ai dit : Messieurs, vous

  6   faites une chose, mais quelque chose d'autre va se produire. Vous dites une

  7   chose et quelque chose d'autre se produit. Vous faites quelque chose

  8   d'autre. Je ne sais pas quels sont exactement les propos que j'ai

  9   prononcés, mais sur le fond, c'est ce que cela signifiait. Ceux qui nous

 10   donnaient l'argent nous ordonnaient de partir en guerre. Ils m'ont demandé

 11   : Comment se fait-il que vous dites cela ? Et j'ai dit : Eh bien, c'est ce

 12   qui est marqué dans ce télégramme. Ceux qui étaient présents, c'est-à-dire

 13   le président de la municipalité, le président du SDA, Hasan, et cetera, ils

 14   se sont tous rassemblés et ils ont commencé à chuchoter entre eux. Ça a

 15   duré environ quatre ou cinq minutes. Et les autres personnes lançaient à

 16   l'assistance : Lisez cette dépêche tout fort, lisez-là. Tant les Serbes que

 17   les Musulmans, autant que je pouvais le voir.

 18   Je suis désolé, je suis très rapide. Et ça n'a pas été consigné au

 19   compte rendu d'audience. Il s'agit en fait de Radovan Makecan. Voilà,

 20   Kecan.

 21   Il a lu la dépêche à haute voix. Et tous ceux qui étaient présents se

 22   sont levés. Le président de la municipalité a dit : Ceci sont des

 23   mensonges. Je vais quitter cette réunion par protestation.

 24   Le Dr Mujagic, qui était le président du SDA, a demandé le contraire,

 25   à savoir qu'il a demandé à ce que tout le monde se rassoie pour qu'on

 26   arrive à un accord. Il a dit : Ce n'est pas exactement comme cela que les

 27   choses se sont passées. Quoi qu'il en soit, la réunion était, pour ainsi

 28   dire, terminée. Tout le monde s'est levé et est parti.


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  1   Est-ce que vous voulez que je rajoute quelque chose ?

  2   Q.  Monsieur Jankovic, nous parlons de cette dépêche. Qu'est-il advenu de

  3   cette dépêche ?

  4   R.  Hasan l'avait entre les mains. Il était le destinataire, et donc je lui

  5   ai donnée. Après, je ne sais pas s'il l'a emportée avec lui ou pas. Je ne

  6   sais pas ce qu'il est advenu. Cependant --

  7   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de faire une autre copie ?

  8   R.  Je dois vous dire que c'est la première fois que je revois cette

  9   dépêche qui apparaît sur l'écran devant moi. Il y a une écriture manuscrite

 10   également, c'est l'écriture de Mira Topic, qui était la secrétaire de

 11   Hasan. Et c'était elle la secrétaire qui consignait les dépêches dans ce

 12   grand livre, donc il semble que ce soit une copie de la dépêche. Mais je ne

 13   sais pas. Je n'en suis pas sûr.

 14   Q.  Veuillez nous dire, après qu'il y ait eu une prise de pouvoir, est-ce

 15   que vous avez eu la possibilité de faire une copie de cette dépêche ?

 16   R.  Oui. Peut-être deux jours après la prise de contrôle, peut-être le

 17   lendemain, je ne sais pas exactement. Quoi qu'il en soit, c'était peut-être

 18   deux jours plus tard, Simo Drljaca m'a demandé de descendre dans son

 19   bureau. Moi j'étais à l'étage supérieur. J'y suis donc allé, et il y avait

 20   un ou deux hommes qui étaient assis là-bas. Je ne m'en souviens plus. Ce

 21   n'est pas vraiment important de toute façon. Il m'a dit : Ce sont des

 22   journalistes du journal local "Kozarski Vjesnik". Ils voudraient écrire un

 23   article là-dessus. Est-ce que vous disposez de cette dépêche ? J'ai dit à

 24   mon responsable que personnellement, je n'avais rien, mais je savais que

 25   les responsables des communications, après avoir consigné la dépêche sur le

 26   grand livre, ils avaient des rubans jaunes des téléscripteurs. Mais

 27   ensuite, ils les brûlaient. Donc les journalistes, s'ils ne l'avaient pas

 28   encore brûlé, ils pourraient peut-être le retrouver. Je vous explique cela


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  1   à vous. Ce n'est pas à eux que j'ai dit cela.

  2   Je suis donc descendu au centre de communication. J'ai donné un ordre

  3   aux employés de retrouver ces rubans jaunes qui étaient la trace de cette

  4   dépêche. Elle n'avait pas été brûlée. C'était peut-être environ trois jours

  5   après. Parce qu'après, le reste aurait été complètement brûlé.

  6   Les employés ont fait une copie. Je l'ai emportée et je l'ai donnée à

  7   Simo, et il l'a donnée aux journalistes. Et je me souviens qu'une dépêche

  8   de ce type avait été publiée dans les journaux. C'était une dépêche très

  9   courte, mais elle a été publiée. Ensuite, je ne sais pas ce qui s'est

 10   produit parce que je n'ai plus vraiment suivi ces événements.

 11   Q.  Monsieur Jankovic, que s'est-il produit après la fin de la réunion ?

 12   R.  C'était la fin de la journée. A 3 heures 30 dans l'après-midi, ou peut-

 13   être 3 heures. Comme je le disais, les gens sont partis. Tout le monde est

 14   reparti pour vaquer à ses occupations. Moi je suis rentré chez moi. J'ai

 15   passé du temps avec ma famille; je n'avais rien d'autre à faire. Et puis,

 16   dans la soirée, même s'il faisait encore jour, mais le soleil donc se

 17   couchait, mon responsable des communications de garde m'a appelé.

 18   D'ailleurs, lorsque je partais en visite officielle, ils ne me contactaient

 19   jamais directement. Ils le faisaient par l'officier responsable des

 20   communications de garde et c'est lui qui me contactait, et moi je devais le

 21   rappeler. C'était la procédure qui était utilisée pour retrouver la trace

 22   de quelqu'un, parce qu'il y avait un responsable de communication

 23   d'astreinte 24 heures sur 24.

 24   Quoi qu'il en soit, il m'a trouvé et m'a demandé de revenir au poste. J'y

 25   suis allé, et j'ai vu qu'il n'y avait pas beaucoup de membres de notre

 26   service présents au poste. On nous a dit que tout le monde devait aller à

 27   la commune locale de Cirkin Polje, qui est environ à 3 ou 4 kilomètres du

 28   point d'entrée de la ville. On nous a dit que tout le monde devait être


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  1   présent, y compris les forces de police, et cetera.

  2   Je m'y suis rendu, mais bien sûr, j'ai laissé deux de mes employés au poste

  3   afin d'assurer la permanence, et tout le monde, y compris moi-même, nous

  4   nous sommes rendus à Cirkin Polje.

  5   Q.  Oui, continuez.

  6   Q.  Dès que je suis arrivé là-bas, j'ai vu qu'il y avait pas mal de

  7   personnes qui constituaient déjà un rassemblement. Et parmi ces personnes,

  8   il y avait des personnes habillées avec d'anciens uniformes de la JNA,

  9   d'autres avec de nouveaux uniformes de la JNA, des uniformes de camouflage,

 10   des uniformes bleus de la police de réserve, des uniformes de la police

 11   régulière, et cetera. Je connaissais certaines personnes qui travaillaient

 12   au sein des forces de police régulière, mais je dirais que pour 99 % des

 13   personnes qui étaient présentes là-bas, je ne les connaissais pas. Au

 14   total, il y avait environ 150 personnes. Elles étaient situées tout autour

 15   de ce bâtiment parce que, en fait, le bâtiment de la commune locale de

 16   Cirkin Polje était un bâtiment préfabriqué.

 17   Je suis entré dans le bâtiment. J'ai trouvé tous les responsables et les

 18   commandants avec qui j'étais en contact de manière permanente compte tenu

 19   des fonctions que j'occupais, et aux environs de 20 heures, il faisait déjà

 20   nuit, un homme est arrivé. Je ne l'avais jamais vu auparavant. J'avais

 21   entendu parler de lui, mais je ne savais pas à quoi il ressemblait. Il

 22   s'est présenté en disant qu'il s'appelait Simo Drljaca. Il portait un

 23   uniforme de camouflage militaire, pas les uniformes bleus, et il ne portait

 24   aucune insigne ni couvre-chef ou chapeau ou béret. Il a dit qu'il était

 25   envoyé par le SDS et qu'à compter de maintenant, il serait le chef du

 26   poste.

 27   Tous les cadres du poste de police étaient assis là, mis à part les

 28   Musulmans. Mais tous les autres étaient là. Très rapidement, et sans


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  1   rentrer dans les détails, j'ai vu qu'ils étaient en train d'établir un

  2   plan, et, en fait, le résultat de ce plan était la constitution de cinq

  3   groupes rassemblant toutes les personnes présentes, et ça représentait

  4   environ deux escadrons de 20 personnes chacun. Je n'ai pas compté toutes

  5   les personnes présentes, mais autant que je me souvienne, il y avait cinq

  6   groupes d'une vingtaine d'hommes chacun, et chaque groupe avait pour rôle

  7   de prendre le contrôle de toutes les structures importantes de la ville,

  8   c'est-à-dire le bâtiment municipal, le bâtiment de la police, le bâtiment

  9   de la poste, la banque et le palais de justice. J'en suis à peu près sûr

 10   pour les deux premiers. Oui, mais il y avait également une banque. Et puis,

 11   il y avait également le palais de justice et le bureau de la poste. Voilà,

 12   c'est ainsi que ça s'est passé.

 13   Tout ceci a fait l'objet d'un accord. Tout le monde est parti, et Simo m'a

 14   dit : Qui êtes-vous ? Et j'ai répondu : Je suis responsable des

 15   communications. Il m'a dit : Que faites-vous ? Et j'ai répondu : Rien. Et

 16   il m'a dit : Si tel est le cas, et il m'a donné un morceau de papier en

 17   carton et m'a dit : "Numéro d'identité officielle" là-dessus. Et il m'a dit

 18   d'écrire le nom que je souhaitais là-dessus. J'ai commencé par écrire le

 19   nom de Simo Drljaca. Mais les gens devaient venir me voir. Parce que je ne

 20   les connaissais pas, ils devaient me dire comment ils s'appelaient.

 21   A 4 heures du matin, ils sont partis, parce que toute la procédure avait

 22   duré aussi longtemps que cela. Etant donné qu'il faisait nuit, je ne

 23   pouvais pas voir ce qui se passait, et je n'étais pas de toute façon très

 24   intéressé. Il n'y avait pas de bruit, pas de cri. Tout était normal.

 25   Après leur départ, vers 7 heures du matin, on nous a demandé d'aller là-

 26   bas. Aucun tir n'a été échangé. Nous n'avons rien entendu de ce genre. Il

 27   n'y a eu aucun signe de violence. Tout du moins autant que j'aie pu

 28   l'observer. C'est seulement mes officiers de communication qui étaient de


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  1   permanence, ainsi que des officiers de la police qui étaient de permanence

  2   que l'on a fait sortir du bâtiment et on leur a dit que maintenant la

  3   police de Republika Srpska, ou plutôt, la République serbe de Bosnie-

  4   Herzégovine, comme on l'appelait à l'époque, reprenait le contrôle. On leur

  5   a donné une liste ou quelque chose de ce genre. Quoi qu'il en soit, on leur

  6   a demandé de signer cette déclaration solennelle que doivent prononcer les

  7   membres de la police.

  8   Mais étant donné que cela s'est produit à 7 heures du matin, il y avait des

  9   gens qui arrivaient au travail, et ceux qui souhaitaient signer ont pu

 10   signer; ceux qui ne voulaient pas ne l'ont pas fait. Ceux qui ont signé ont

 11   pu continuer à travailler. Pour ceux qui n'ont pas accepté de signer ce

 12   document, on les a obligés à rendre leur badge officiel ainsi que leur

 13   arme.

 14   Il y avait également des Musulmans, à l'époque, qui avaient signé cette

 15   déclaration solennelle. Je ne sais pas combien. Mais je sais qu'un homme

 16   qui s'appelait Enes, un Musulman, qui travaillait dans le même bureau que

 17   ma femme, l'a signée. Et il y en avait également d'autres, mais je ne peux

 18   pas vous donner leurs noms à l'heure actuelle. J'ai oublié leurs noms.

 19   Pour ce qui est de ceux qui ne voulaient pas signer, on les a obligés, sans

 20   usage de la force, de rendre leur badge officiel et de rendre leur arme, et

 21   on leur a dit qu'ils pouvaient partir.

 22   Je ne l'ai pas vu moi-même, mais j'ai entendu d'après mes collègues de

 23   travail que les Musulmans qui avaient refusé de signer ne sont pas

 24   retournés chez eux ce matin-là. Ils ont été, en fait, rassemblés dans un

 25   petit parc qui était devant ce restaurant self-service qui est à environ

 26   100 mètres de notre bâtiment, et ils essayaient d'établir un plan, mais ils

 27   n'y sont pas vraiment arrivés, du moins autant que je sache.

 28   Voilà donc ce qui s'est produit ce jour-là.


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  1   Je sais qu'un jeune homme qui s'appelait Dzapa a été tué ce jour-là. Ça a

  2   été la seule perte. Il était officier de réserve de la police. Il a quitté

  3   les locaux de la police et il rentrait chez lui, et au niveau d'un

  4   croisement qui s'appelait le croisement de Sacko à Prijedor - tout le monde

  5   sait où cela se trouve - il a été touché par une balle. Je ne pense pas que

  6   l'on ait déterminé qui était à l'origine de ce tir, mais quoi qu'il en

  7   soit, il a été tué. Ça a été le premier décès. Il y en a eu pas mal après

  8   cela, mais je me souviens de lui plus particulièrement. Ça a été la

  9   première perte après la prise de contrôle, et c'était un officier de police

 10   de réserve serbe.

 11   Q.  J'ai oublié de vous demander, lorsque vous avez parlé du lieu où s'est

 12   tenue la réunion le 29 avril, en plus de cette salle de réunion dans le

 13   bâtiment en question, est-ce qu'il y avait d'autres pièces également ? 

 14   R.  Vous savez, c'est un très grand complexe de bâtiments. Il y a beaucoup

 15   de pièces à l'intérieur. Il y avait très peu d'éclairage, et certaines de

 16   ces salles n'étaient éclairées que si la lune permettait d'éclairer ces

 17   salles la nuit. Et je me demandais comment je n'avais pas pu être au

 18   courant de cela étant donné que beaucoup de préparatifs avaient été

 19   réalisés. Il y avait beaucoup de matériel kaki, ce qui signifie que cela

 20   appartenait à l'armée. Il y avait beaucoup de matériel militaire en plus

 21   des uniformes de camouflage que l'armée avait utilisés, ainsi que les

 22   anciens uniformes de l'armée.

 23   Est-ce que c'est cela que vous aviez à l'esprit ?

 24   Q.  Oui, c'était la première chose. Mais ma deuxième question portait sur

 25   le bâtiment du SUP. Dans ce bâtiment, dans la cour, est-ce qu'il y avait

 26   d'autres pièces ?

 27   R.  Ce n'est peut-être pas très important pour l'instant, mais lorsque vous

 28   entrez dans ce bâtiment, vous avez le vestibule à gauche, et à droite, vous


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  1   avez une petite pièce qui avait été conçue et bâtie pour être, en fait, une

  2   cellule de détention. Les personnes étaient donc incarcérées là-bas par la

  3   police. Et il n'y avait pas de radiateurs, par exemple. C'était en fait une

  4   cellule de détention.

  5   Q.  Au poste de sécurité publique, est-ce qu'il y avait des cellules de

  6   détention de ce type ?

  7   R.  Eh bien, en vertu de la loi en vigueur avant la guerre, tout poste de

  8   police devait avoir ces cellules de détention, mais elles ne se trouvaient

  9   pas dans le bâtiment à proprement parler. Elles se trouvaient dans un autre

 10   bâtiment, et il fallait donc se conformer à toutes ces normes afin d'éviter

 11   qu'il y ait des suicides chez les détenus, et cetera. Et la distance qui

 12   séparait le bâtiment principal de cette pièce était d'environ 20 ou 15

 13   mètres.

 14   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres cellules de détention dans la cave ?

 15   R.  Non, pas dans le bâtiment de la police parce qu'il n'y a pas de cave.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Jankovic, afin de bien

 17   comprendre la chronologie, est-ce que vous pourriez nous rappeler quand la

 18   réunion à Cirkin Polje et la prise de contrôle des bâtiments à Prijedor ont

 19   eu lieu exactement ? A quelle date; est-ce que vous vous en souvenez ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous donner une réponse plus précise

 21   et plus concise.

 22   Je ne suis pas du tout au courant. Je sais que c'était le 29 avril. Comme

 23   je l'ai dit, je ne savais pas du tout ce qui allait se produire. La

 24   première fois que j'ai entendu parler de cette réunion, c'était vers 14

 25   heures, ou peut-être 14 heures 45. C'est à ce moment-là que la dépêche est

 26   arrivée. J'ai fait ce que j'ai fait, comme je vous l'ai expliqué. Il y a eu

 27   des mouvements vers 15 heures ou 15 heures 15, et ensuite je suis rentré

 28   chez moi. Ma maison se trouve à 1 kilomètre de mon lieu de travail. Je ne


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  1   savais pas du tout ce qui se passait durant l'après-midi. Comme je l'ai

  2   dit, j'étais avec ma famille.

  3   Dans la soirée, ou plutôt, au crépuscule, je dirais vers 19 heures ou 19

  4   heures 30, c'est à ce moment-là que l'on m'a demandé d'aller au bâtiment du

  5   SUP, et ensuite je suis allé à Cirkin Polje, qui est environ à 3 ou 4

  6   kilomètres. Au niveau du service des communications, nous avons pris un

  7   véhicule Golf. Et c'est le conducteur qui nous a emmenés là-bas.

  8   Cirkin Polje est en fait dans les faubourgs de Prijedor. Ça ressemble à un

  9   village, mais en fait, c'est une commune locale qui fait partie de la ville

 10   de Prijedor. Donc nous sommes arrivés dans ce bâtiment de l'administration

 11   de cette commune locale, qui était un bâtiment préfabriqué. Et vous avez

 12   une cour qui fait la taille d'environ trois pièces. Et le soleil se

 13   couchait, et à ce moment-là il faisait déjà nuit.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Je voulais simplement -- avoir

 15   confirmé que la prise de contrôle a eu lieu aux premières heures du 30

 16   avril; est-ce exact ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais nous sommes encore le 29.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Et à 4 heures du matin, c'était le 30, bien

 20   sûr.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 22   M. KRGOVIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, après la

 24   prise de contrôle par les Serbes dans la municipalité de Prijedor le 30

 25   avril, j'aimerais savoir s'il y a eu des affrontements armés au début à

 26   Prijedor et aux environs de Prijedor ? Je parle de la période avant le 20

 27   mai.

 28   R.  Il faut que je me remémore les événements, et c'est plus facile de me


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  1   souvenir de ce qui s'est passé au niveau du poste. Tout d'abord, il y a eu

  2   donc la prise de pouvoir. Et puis, il y a eu ce premier incident, et puis

  3   je vous ai parlé de la mort de ce jeune homme. Et puis, la police a

  4   commencé à procéder à des interrogatoires de plus en plus fréquents. Je

  5   n'étais pas vraiment au courant de tout cela. Je n'ai pas participé à cela,

  6   mais je me souviens que cette pratique était de plus en plus commune. Je ne

  7   peux pas vous dire exactement quand ceci a eu lieu. Il y a eu des incidents

  8   avant et après la période que vous avez mentionnée. Vous aviez, par

  9   exemple, des soldats à Ljubija qui ont été tués par des Musulmans.

 10   Je ne me souviens pas exactement. Il n'y a pas vraiment eu de combats. Si

 11   quelque me rafraîchit la mémoire, peut-être que je m'en souviendrai.

 12   Q.  Monsieur Jankovic, est-ce que vous vous souvenez du conflit à Hambarine

 13   et à Jakupovici ?

 14   R.  Oui, Jakupovici, cela, je m'en souviens. Mais vous aviez également

 15   Kozarac. Mais il n'y a pas eu, en fait, de participation de la police à

 16   tout cela. Enfin, j'ai dit que j'en avais entendu parler et que la police

 17   n'avait pas été impliquée. C'était plutôt l'armée qui était impliquée.

 18   Pour ce qui est de Hambarine, ce que je sais, c'est qu'il y avait des

 19   soldats qui sont arrivés sur leur chemin et ils ont été tués. Vous savez,

 20   j'ai certaines informations, mais je n'en suis vraiment sûr, il y avait des

 21   soldats dans un véhicule qui revenaient de quelque part et que l'on a

 22   arrêtés à un poste de contrôle géré par des Musulmans. Et quelque chose

 23   s'est passé. Ils ont été tués. Enfin, je ne sais pas quelle est la date. Je

 24   sais que les postes de contrôle en direction de Ljubija étaient gérés par

 25   les Musulmans. Je sais que des soldats ont été tués et qu'ils étaient

 26   Serbes. Mais je ne sais pas quelles étaient les circonstances exactes.

 27   Maintenant, vous avez mentionné Jakupovici. Il s'agit d'un village

 28   important qui est le village le plus oriental de la municipalité de


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  1   Prijedor en direction de Banja Luka. Il y avait une colonne militaire qui

  2   se déplaçait, une colonne dont je ne savais rien. Mais ils ont fait une

  3   embuscade ou que sais-je encore. Ils ont tiré en direction d'un char. Et

  4   tout ce que j'en sais, c'est qu'il y a eu un soldat de tué, un dénommé

  5   Zgonjanin, originaire de Prijedor, un jeune homme. Je ne sais pas s'il y a

  6   eu d'autres morts ou blessés. Mais je sais fortuitement où habitait ce

  7   jeune homme, je connaissais sa maison, et on a dit que les Musulmans

  8   avaient attaqué la colonne.Ça, je le sais pour sûr. Et si vous voulez, je

  9   peux vous parler du poste émetteur, mais…

 10   Q.  C'est l'heure de la pause. On va continuer tout à l'heure et je vais

 11   vous poser d'autres questions au sujet de l'incident.

 12   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que l'heure est

 13   venue de faire la pause.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause et nous

 15   allons revenir ici dans 20 minutes.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. KRGOVIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Jankovic, continuons donc.

 23   Je vous avais posé des questions au sujet des incidents survenus vers

 24   les dix derniers jours du mois de mai. Et vous avez parlé de Jakubovici,

 25   Hambarine et Kozarac.

 26   Pouvez-vous nous dire si, pendant cette période-là, vous avez eu la

 27   possibilité d'entendre parler au centre des transmissions des échanges

 28   entre les parties belligérantes ?


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  1   R.  Oui. Je vais vous le dire à nouveau. Vient cette troisième période

  2   après les 29 et 30 avril, et ça dure jusqu'au 30 mai. Que se passe-t-il ?

  3   Au SUP, on commence -- je m'excuse, mais j'appelle souvent cela le SUP,

  4   c'est le secrétariat à l'Intérieur. C'est la police, en fait. Mais je me

  5   suis habitué au mot SUP. Alors, j'essaie d'établir la corrélation. On

  6   intensifie les activités de la police, on amène des gens, on les interroge,

  7   et ceux qui sont amenés là sont des gens de Prijedor, pour l'essentiel.

  8   Cependant, pour ce qui est de Kozarac et des environs, où il y a

  9   prédominance d'une population musulmane -- et je vais vous dire en passant

 10   que partant des activités ordinaires déployées auparavant, le département

 11   de Kozarac avait couvert un territoire où il y avait 22 000 habitants.

 12   C'est de la taille de bon nombre de municipalités. Il y avait très peu de

 13   Serbes et Ukrainiens; le reste c'était, pour l'essentiel, des Musulmans.

 14   Et Kozarac, pour ce qui est de ces autorités nouvellement créées à

 15   Prijedor, ça devient inaccessible. Les Musulmans à Kozarac et aux abords

 16   ont fait monter des barrages routiers, monter des gardes. Moi je ne suis

 17   pas allé là-bas, mais j'en ai entendu parler. Nous autres, à titre

 18   officiel, quand nous devions aller en tant que policiers à Omarska, nous

 19   passions par Tomasica. Ceux qui ne connaissent pas le territoire, je vais

 20   leur dire qu'au lieu d'aller tout droit sur 25 kilomètres, je vais à droite

 21   pendant 20 kilomètres, puis je bifurque, donc je fais un triangle. Je

 22   contourne Kozarac, je fais 45 kilomètres plutôt que d'en faire 25. Mais il

 23   est évident que ces autorités nouvelles ne contrôlent pas ce territoire, et

 24   la police le contourne, ce territoire.

 25   Alors, il y a, d'après la perception que j'en ai, un problème

 26   d'actualité pour l'autorité nouvellement mise en place. Ce n'est pas une

 27   appellation officielle, autorité nouvelle, mais moi je l'utilise comme

 28   terme pour vous expliquer en termes plus simples la situation. Alors, il y


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  1   a ce problème d'actualité qui vise à résoudre le problème lié à Kozarac.

  2   Ils ont leur direction à eux et ont des instances à eux qui décident de ce

  3   qui se fait. C'était, pour l'essentiel, la tâche de l'armée, mais je dirais

  4   que la question était de trop grosse taille pour la police. La police était

  5   peu nombreuse et le territoire était très grand.

  6   Et moi je n'en savais pas long, mais ce que j'ai pu savoir, c'est que

  7   les gens de Kozarac avaient une espèce de QG. Ce QG se trouvait dans le

  8   bâtiment de la police à l'époque, et les seules communications qu'il y

  9   avait eues avec Prijedor et le reste, c'était des communications UKT, à

 10   savoir à ondes ultracourtes. C'était des ondes de la police, parce que ce

 11   n'était pas militaire. Les soldats ne se servaient pas de ce type de

 12   dispositif. Et les négociations, toutes ou presque, se sont faites,

 13   certaines directement, mais pour l'essentiel, ça se faisait par ondes

 14   radio.

 15   Et comme au centre des transmissions où je me trouvais il y avait des

 16   instruments de contrôle pour surveiller ce type de transmissions, pour

 17   assurer le monitoring, j'ai eu l'occasion d'entendre bon nombre de ces

 18   entretiens, et ça a duré pendant deux ou trois jours. Bien entendu, je n'ai

 19   pas passé deux à trois jours à écouter tout cela, ce n'était pas

 20   intéressant pour moi. Mais indirectement, j'étais intéressé parce que je

 21   voulais que les choses soient surmontées de la façon la plus rapide. Je

 22   voulais que l'on se réconcilie afin qu'il n'y ait pas de coups de feu de

 23   tirés. Ce n'était pas mon travail, mais bon, c'est à titre personnel que je

 24   me suis intéressé à la chose.

 25   Et j'ai constaté que leur chef était Osman Didovic, qui était notre chef à

 26   nous auparavant. Et d'un autre côté, il y avait Zeljaja, le commandant des

 27   militaires à Prijedor. Et là-bas, il y avait ce dénommé Osman Didovic.

 28   Quand Zeljaja disait qu'il fallait faire ceci, on demande ceci, et cetera,


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  1   Osmet disait à chaque fois qu'il appelait depuis son véhicule, qu'il allait

  2   transmettre cela à qui de droit et que, dans une demi-heure ou une heure,

  3   on ferait savoir ce qu'il en est. L'appareil que j'avais au centre des

  4   transmissions avait la possibilité de procéder à l'identification des

  5   intervenants. Il y avait un numéro à cinq chiffres. Et j'avais pu constater

  6   qu'Osmet n'appelait pas depuis l'appareil qu'il avait dans le véhicule,

  7   mais depuis l'appareil fixe qui se trouvait au poste de police. Mais comme

  8   personne ne nous a demandé d'intervenir, je n'ai pas ressenti la nécessité

  9   d'aller là-bas et demander à Zeljaja de me recevoir pour lui dire qu'Osmet

 10   n'était pas dans un véhicule mais dans son propre bureau, et ainsi de

 11   suite. Ce que j'ai remarqué, je l'ai gardé. Je vous en parle maintenant.

 12   Mais je ne sais pas si cela revêt une importance quelconque.

 13   C'est ce que je sais vous dire. Chez eux, à Kozarac, c'était lui l'homme

 14   numéro un, ce Medunjani ou Medunjanin. Ce n'est pas un nom de famille de la

 15   région. Ça vient du Kosovo, ce nom de famille. Et aux élections juste avant

 16   la guerre, lorsqu'il y a eu ces élections pluripartites, il se trouvait

 17   être chargé de la Défense populaire généralisée dans la municipalité. Il y

 18   avait quelque chose de ce genre. Il est passé à Kozarac, et autant que je

 19   le sache -- parce que je ne peux pas parler de titre qu'il avait. C'était

 20   lui l'homme numéro un. Et quand Osmet disait qu'il allait transmettre à qui

 21   de droit, j'entendais qu'on lui chuchotait des choses, parce que nous

 22   avions un appareillage assez bon. J'entendais qu'on lui chuchotait des

 23   choses. C'était une espèce, donc, de tactique de leur part.

 24   Ça a duré pendant deux ou trois jours. Ils n'ont pas réussi à se

 25   mettre d'accord pour ce qui est de faire les choses de façon pacifique, et

 26   l'armée est allée dans la région.

 27   Q.  Monsieur, revenons un peu vers ce dénommé Medunjanin, parce qu'il

 28   manque une partie de votre réponse au compte rendu. J'ai entendu ce que


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  1   vous avez dit, mais j'aimerais que vous répétiez. Je voudrais que vous

  2   répétiez, vous ne saviez pas exactement quelle était sa fonction ?

  3   R.  Je ne me suis peut-être pas bien exprimé. Je ne connaissais pas

  4   l'appellation officielle de cette fonction parce que les appellations

  5   changeaient constamment; c'était chef, directeur, responsable de ceci ou de

  6   cela. Mais je suis assez sûr de la chose. Après les élections

  7   pluripartites, le SDA s'est vu confier le mandat de directeur ou de

  8   responsable chargé de la Défense populaire dans la municipalité. C'est

  9   comme s'il était ministre de la Défense au niveau de l'Etat, mais

 10   maintenant c'est au niveau de la municipalité que ça se passe. Comment

 11   s'appelait la fonction, je l'ignore. C'était loin de ce dont je devais

 12   m'occuper et je ne le sais tout simplement pas. Dans ces circonstances, il

 13   a déménagé de Prijedor vers Kozarac.

 14   Je vais dire aussi en passant qu'ils avaient procédé à une espèce de

 15   mobilisation à eux. Après ces interventions faites au niveau des

 16   militaires, j'ai obtenu, et perdu entre-temps, de la part d'un soldat une

 17   cassette pour ce qui est des mobilisations de leur part. On entendait, par

 18   exemple, des sirènes de sapeurs-pompiers. Ça fait du bruit. Et certains

 19   couraient vers le poste de police, dans toutes ces directions. Et les gens

 20   se réunissaient, se rassemblaient. J'ai reconnu un dénommé Emir qui

 21   réparait les voitures chez nous. C'était un mécanicien, il réparait et

 22   entretenait des voitures de service.

 23   Puis, j'ai donné cette cassette à quelqu'un, mais ce que j'ai gardé en

 24   mémoire, c'est ceci. Un collègue à moi, Djuro Prpos, que j'ai mentionné

 25   pour ce qui est de la réunion et qui se trouvait être à la tête de la

 26   police de la circulation routière, c'était le gendre de celui-ci. Il était

 27   dans la JNA à Zagreb et il est revenu. J'ai oublié son nom, un Musulman.

 28   C'était un bel homme, grand de taille. Il s'était vêtu d'un uniforme tout


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  1   neuf, un uniforme bariolé, et il avait mis une espèce d'insigne avec un

  2   croissant et des étoiles dorées. Il portait un fusil et un béret vert, et

  3   il s'approchait de cinq ou six personnes qui se trouvaient là-bas pour dire

  4   : Me voilà, je suis venu m'occuper d'une mission. Allah m'a envoyé pour que

  5   les femmes serbes, on leur fasse des petits Musulmans. Et Djuro a dit que

  6   c'était son beau-frère. Je sais qu'il a été tué par la suite dans des

  7   combats.

  8   Ce sont des détails que je vous donne. Il y a eu des soldats, des

  9   militaires, mais s'il y a eu participation de policiers, c'était

 10   insignifiant. En ma qualité de chef des transmissions, j'étais censé être

 11   au courant parce qu'il fallait que j'assure des services de transmission,

 12   parce que toute opération nécessite du matériel de transmission et ce type

 13   de choses. C'était donc la mission qui m'était confiée. Je n'ai participé à

 14   aucune opération, mais aucune ne pouvait se faire sans moi pour ce qui est

 15   des préparatifs en matière de transmission.

 16   Et pour ce qui est de ces participants-là, je ne sais rien vous dire de

 17   plus, dire qu'il y a eu des membres de la police à avoir participé à

 18   l'opération de nettoyage de ce secteur de Kozarac. J'ai entendu dire qu'il

 19   y a eu des morts, pas beaucoup. Il n'y a pas eu de gros combats, mais ça ne

 20   s'est pas fait sans combat non plus. C'est à peu près l'image que j'ai

 21   gardée en mémoire.

 22   Q.  Pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet des événements du 30 mai

 23   pour ce qui est des combats qui ont eu lieu à Prijedor ?

 24   R.  Oui. Je ne l'ai dit à personne, mais ce que je voudrais, c'est essayer

 25   de vous décrire de la façon la plus imagée possible la situation. Parfois

 26   ça peut paraître simpliste, mais il y a des exemples qui en disent long, et

 27   si vous le permettez, je vous donnerai un exemple. Ça ne va pas être très

 28   long.


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  1   Les autorités nouvelles qui sont venues, et c'est le SDS qui est venu au

  2   pouvoir. D'après le système installé en place depuis longtemps, c'est les

  3   politiques qui nomment les directeurs et les responsables à des niveaux

  4   officiels. Au centre des communications, il y avait plusieurs bureaux qui

  5   n'étaient pas accessibles à tout le monde. Même pour certains policiers, ce

  6   n'était pas accessible. Et j'avais des locaux sous clé. J'ai été appelé par

  7   un agent de permanence qui m'a dit : Un homme te demande. Je viens et je ne

  8   sais pas qui c'est. Et cet homme me dit : C'est toi le chef ici ? J'ai 

  9   dit : Oui. Il me dit : Donne-moi une "Matorola" - il ne savait même pas

 10   dire Motorola et il m'a dit Matorola. Je l'ai regardé bizarrement. J'ai eu

 11   l'impression qu'il n'était pas tout seul dans sa tête.  Je lui ai dit : Qui

 12   es-tu ? L'autre m'a dit : Pose pas trop de questions, mais donne-moi ça.

 13   J'ai vu que c'était un dérangé. Et pour le convaincre de façon immédiate,

 14   je lui ai dit : Tu dois t'être trompé d'adresse. Ici, tu es à la police.

 15   Tout ce que tu pourrais recevoir ici gratuitement, c'est une fessée. Il a

 16   bien compris les choses. Et puis, il a ramassé ses cliques et ses claques

 17   et il est reparti.

 18   J'ai demandé qui c'était, et on m'a dit : C'est Maki, l'agent des forces

 19   spéciales. Un certain Marinko ou Marko. Et pourquoi spécial ? Parce qu'il a

 20   fait une école pour personnes attardées, et il était à la tête d'une

 21   entreprise qui avait des kiosques à journaux. Mais il n'y avait pas un seul

 22   directeur à avoir été nommé par une instance autre que le SDS.

 23   Q.  Ralentissez un peu.

 24   R.  Je m'excuse.

 25   Ce que je voulais dire, c'est qu'un directeur, un homme issu de l'école

 26   pour attardés, est venu me voir. La question se pose de savoir qui l'a

 27   nommé, cet homme, si c'est les autorités qui l'ont nommé. Quand on voit

 28   comment les autres instances sociales fonctionnaient et comment la police


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  1   fonctionnait, comment voulez-vous qu'un chef de la police se comporte

  2   lorsqu'un type comme ça vient le voir ? Et il fallait bien qu'il le reçoive

  3   parce qu'il avait été nommé par quelqu'un qui est au pouvoir. C'était pour

  4   vous illustrer un peu la situation dans laquelle on se trouvait à l'époque.

  5   Pour revenir un peu à votre question au sujet de ce qui se passait dans la

  6   deuxième partie de cette période -- c'est-à-dire, la période qui s'étire

  7   jusqu'au moment où il y a eu l'attaque de Prijedor. La police convoque des

  8   gens, pas beaucoup de gens, mais des gens qui sont qualifiés d'extrémistes.

  9   En fait, ce sont des Musulmans qui avaient occupé des fonctions éminentes

 10   ou des postes en vue au niveau de l'organisation avant qu'il y ait prise du

 11   pouvoir. Ces gens ont été interrogés de façon plutôt inerte, atonique. Je

 12   ne sais pas ce qu'on a fait, d'ailleurs. On a renforcé des mesures de

 13   sécurité, ou soi-disant mesures de sécurité. On a posé des postes de

 14   contrôle ou des patrouilles de police qui ont été installées aux accès à la

 15   ville.

 16   L'un de ces postes de contrôle que je vais mentionner en particulier, pour

 17   ce qui est de son sort, pour illustrer la situation dans son ensemble. Vous

 18   devez le savoir, c'est là où on s'est retrouvés la première fois, le

 19   restaurant Lepont. Il y avait un véhicule de police et deux ou trois --

 20   trois réservistes de la police qui étaient là. A l'époque, tous étaient

 21   fort actifs, les Serbes et les Musulmans. Je ne mentionne pas les Croates

 22   parce qu'ils étaient numériquement en nombre négligeable. Mais eux, c'est

 23   normal, avaient eu des idées, des options qui leur étaient propres, comme

 24   tout un chacun. A l'époque, lorsque tous avaient eu des activités

 25   renforcées, qu'elles soient importantes ou pas, peu importe, mais je dirais

 26   que même les grand-mères, les mémés du coin, avaient été inquiétées pour

 27   l'avenir qui se préparait. Et ça ne s'était pas produit, ni avant ni après.

 28   Il y avait une mémé qui me connaissait parce qu'elle savait que je


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  1   travaillais dans la police. Elle me disait : Ecoutez, voisin, j'ai vu ceci

  2   ou cela. Elle me disait cela dans l'espoir qu'en ma qualité de policier,

  3   j'allais contribuer à des solutions. Elle a vu chez Alija -- Alija était un

  4   policier musulman. J'ai compté par la fenêtre. Et j'ai vu à 2 heures du

  5   matin qu'il en sortait 14 de chez lui. Elle a trouvé la chose intéressante

  6   et elle me l'a fait savoir. C'est tout ce qu'elle m'a dit.

  7   On prêtait attention aux moindres petites choses.

  8   Et pendant ce temps-là, quelqu'un d'autre m'a dit -- peu importe, et puis

  9   je ne me souviens pas trop, et j'ai ouï dire de la chose de plusieurs

 10   sources. C'est des informations qui nous parvenaient à nous autres. Et je

 11   n'ai pas été le seul --

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Krgovic, je me demande où

 13   est-ce que tout ceci nous amène. Je voudrais vous rappeler que vous avez un

 14   peu moins d'une heure encore à votre disposition.

 15   M. KRGOVIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Jankovic, je vais vous poser des questions au sujet de la

 17   situation générale ultérieurement, mais j'aimerais que vous me parliez du

 18   30 mai et de l'attaque de Prijedor.

 19   R.  Oui. Excusez-moi, je ne pense pas m'être perdu dans mon récit, mais

 20   tous ces détails sont liés, parce que si on ne parlait que de l'attaque en

 21   tant que telle, on pourrait croire que c'est une météorite qui est tombée.

 22   Or, ce n'est pas vrai. Il y a eu des préparatifs qui ont précédé.

 23   Juste une phrase.

 24   On m'a dit que le Dr Eso Sadikovic allait vers les collines, vers

 25   Hambarine, et un certain Cida avec lui, pour porter du matériel et des

 26   équipements vers la colline. Les Musulmans étaient en train de s'organiser.

 27   Les Serbes à Prijedor, au niveau du poste, ont eu vent de la chose, mais

 28   rien n'a été entrepris, et on a entrepris si peu que c'était insignifiant.


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  1   Et le 30 mai, à 4 heures du matin, personne ne s'y attendait. Il y a eu des

  2   coups de feu de tirés de partout au niveau du poste de police et du

  3   tribunal.

  4   Alors, les autres et moi-même étions dans l'obligation de nous trouver au

  5   poste de police jour et nuit. Et au bout de trois à quatre jours, on avait

  6   le droit d'aller à la maison pour prendre un bain. Mais j'étais parti chez

  7   moi juste ce jour-là, ça se trouve à 1 kilomètre de là, pour prendre mon

  8   bain justement. Et le matin, lorsque je devais aller au travail, on

  9   m'appelle puis on me dit : Il y a des coups de feu de tirés en ville. Et

 10   mes gens des transmissions me disent : Ne vient pas, il y a de gros combats

 11   autour du bâtiment du SUP, du poste de police, et de la municipalité. Donc

 12   j'ai attendu à cet endroit, j'attendais qu'ils m'appellent parce que je

 13   souhaitais parvenir au poste de police. Chose que je n'ai réussie à faire

 14   qu'à 11 heures.

 15   Par la suite, j'ai appris que la police était mal armée et ne s'est

 16   défendue que jusqu'à 7 heures, autrement dit, entre 16 heures et 19 heures.

 17   Ensuite, l'armée est venue. Des renforts ont été apportés, je crois, sous

 18   la forme d'un ou deux chars. Ensuite, je suis certain d'avoir vu des

 19   cartouches et d'avoir entendu des coups de feu, pas très nombreux, il est

 20   vrai, mais j'ai vu les douilles tirées par les chars ou les restes d'un

 21   obus de char.

 22   Donc l'armée a commencé à se battre pour pouvoir les séparer et les

 23   repousser du bâtiment municipal et du bâtiment du SUP du côté ouest, à

 24   savoir en direction de Raskovac et ce quartier à l'extérieur de la ville.

 25   Et ensuite, ils se sont déplacés de 500 mètres environ, j'ai pu accéder au

 26   bâtiment du SUP et j'ai rejoint les autres hommes qui travaillaient dans le

 27   service des transmissions, et je suis resté à cet endroit. Les combats se

 28   sont poursuivis en ville jusqu'à la fin de la journée. Je ne me suis pas


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  1   arrêté, mais ils continuaient à se déplacer vers le centre de la ville.

  2   Ensuite, ils sont partis à Ljubija, et je ne connais pas les détails de

  3   cela. Ceci s'est produit quelques jours plus tard.

  4   Q.  Monsieur Jankovic, pourriez-vous me dire combien de personnes ont été

  5   tuées à cette occasion-là ? Je vous parler de policiers.

  6   R.  Ecoutez, le chiffre qui me vient à l'esprit est le chiffre de 17. Je

  7   n'ai jamais fait beaucoup d'efforts pour m'en souvenir, et ce, dans un

  8   cadre officiel. Mais ce soir-là, lorsque les combats s'étaient déplacés, à

  9   savoir à 1 kilomètre de la ville environ, Djuro Prpos, étant le commandant

 10   -- ou plutôt, le commandant adjoint de la police chargé de la circulation,

 11   m'a appelé et m'a demandé de le rejoindre à l'hôpital de Prijedor. Il

 12   faisait nuit déjà. Il était 20 heures ou 21 heures peut-être. J'ai essayé

 13   de l'aider à reconnaître le policier qui se trouvait à la morgue de

 14   l'hôpital, parce que les groupes d'hommes qui sortaient les décombres les

 15   morts et les blessés ne savaient pas qui était Musulman et qui ne l'était

 16   pas, et qui était policier. Ils les ont tous emmenés, les malades, les

 17   blessés, les morts, et il était nécessaire de reconnaître les Musulmans,

 18   qui l'était, qui n'était pas; qui était l'attaquant, qui ne l'était pas; et

 19   qui était membre de la police, si je puis m'exprimer ainsi.

 20   Je ne sais pas combien ils étaient, mais il y avait énormément de corps. Il

 21   y avait deux pièces de 10 sur 6 mètres, et les corps étaient placés sur des

 22   tables et en dessous des tables. Il y a une quarantaine de personnes peut-

 23   être. J'ai reconnu les hommes que je connaissais. J'ai reconnu tous les

 24   policiers d'active. Et pour ce qui est des réservistes de la police, je ne

 25   les connaissais même pas. Il y avait nos hommes, et il y avait des hommes

 26   que je n'ai pas reconnus. Je n'ai reconnu que les policiers d'active, même

 27   s'ils étaient très nombreux. Au nombre de quatre ou cinq. Je me souviens de

 28   Lukic, de Zeljko Ignjatovic, ensuite Brane Jurtic [phon], et cetera.


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  1   C'est ce dont je me souviens à ce propos.

  2   Q.  Après l'attaque de Prijedor et le conflit de Hambarine et Kozarac, est-

  3   ce que la situation au plan de la situation [phon] à Prijedor a-t-elle

  4   changée, et quelle incidence ceci a-t-il eu sur le travail des policiers au

  5   poste de police ?

  6   R.  Eh bien, c'était le plus grand changement qui a eu lieu à ce moment-là.

  7   Pourquoi ? Parce que les unités qui avaient attaqué, je ne les ai jamais

  8   dénombrées, mais pour autant que je sache, les unités qui ont attaqué

  9   Prijedor représentaient trois ou quatre compagnies. Trois compagnies, je

 10   suppose. Il y en a une qui nous a attaqués depuis l'usine. Une depuis le

 11   pont où nous allions au café-restaurant. Une depuis l'est, de la région de

 12   Puharska. Et Puharska est une communauté locale qui appartenait à la ville.

 13   Et comme je vous l'ai dit, lorsque l'armée et les hommes qui les

 14   poursuivaient ont commencé à les repousser et qu'ils se sont retirés, eh

 15   bien, à ce moment-là, il y a ceux qui se sont retirés et qui se sont enfuis

 16   en plein milieu des combats et il y a ceux qui se sont rendus d'une manière

 17   ou d'une autre. Donc il y a eu tout à coup un nombre très important de

 18   prisonniers, si je puis les appeler ainsi. Et ensuite, ils ont détenu ces

 19   prisonniers parce qu'ils étaient si nombreux.

 20   Au début, ils avaient pour plan, d'après ce que j'ai pu constater parce que

 21   j'étais présent, qu'on devait les traiter comme on traitait les terroristes

 22   interpellés en temps de paix. On les mettait en garde à vue, on détenait

 23   quelqu'un et ensuite on appliquait la procédure. Mais comme ils étaient

 24   aussi nombreux, qu'il y avait autant de prisonniers, et que les pièces où

 25   ces personnes étaient détenues étaient si petites, je ne sais pas comment

 26   ils sont parvenus à un accord, je n'ai aucune idée, mais je me souviens

 27   qu'ils ont commencé à les rassembler dans les locaux de la société

 28   Keraterm. Keraterm était une entreprise du bâtiment qui disposait d'une


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  1   très grande pièce, mais il n'y avait pas de machines-outils ou

  2   d'équipement, et ils ont estimé qu'il s'agissait d'un lieu approprié.

  3   Q.  Lorsque vous parlez d'une société de bâtiment, qu'est-ce que vous

  4   entendez par là ?

  5   R.  Eh bien, ce n'était pas une société qui fonctionnait à proprement

  6   parler. Cette société n'a jamais véritablement fonctionné. Quelqu'un l'a

  7   trouvée, l'a réaménagée et a trouvé ce grand hall, cette grande pièce, où

  8   il n'y avait aucune machine-outil. Ils ont décrété que c'était approprié

  9   parce que c'était l'été, que ce n'était pas l'hiver, et que c'était un

 10   endroit où on pouvait installer un nombre très important de personnes.

 11   Je suis allé à Keraterm pendant une vingtaine de minutes ou une demi-heure,

 12   et j'ai vu énormément de troupes de policiers en uniforme, avec des

 13   uniformes de toutes les couleurs, bariolés, mais je suis passé par là et je

 14   n'ai jeté qu'un coup d'œil. Je n'ai rien remarqué de particulier, mais en

 15   même temps, je n'avais pas l'obligation de le faire. Je me souviens d'avoir

 16   vu à cet endroit beaucoup de personnes qui revêtaient différents uniformes.

 17   Q.  Avez-vous jamais été à Omarska ?

 18   R.  Apres cela -- bon, c'est quelque chose dont je n'étais pas vraiment au

 19   courant. Je ne me suis rendu qu'une fois à Keraterm pour régler un problème

 20   de téléphone. Ensuite, j'ai entendu dire que l'espace n'était pas suffisant

 21   par rapport au nombre de détenus et qu'ils souhaitaient les déplacer et les

 22   installer dans les mines d'Omarska parce que les locaux étaient plus grands

 23   à cet endroit-là. C'est la première fois que j'ai entendu parler de cela,

 24   et je m'y suis rendu.

 25   Ce jour-là, je ne sais pas à quelle heure de la journée c'était, mais les

 26   premiers prisonniers ont été emmenés à Omarska vers 18 heures, et je me

 27   souviens de cela précisément parce que Simo, mon supérieur hiérarchique,

 28   m'a appelé et m'a demandé : Disposez-vous de postes radio ? Vous avez


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  1   besoin d'établir une connexion rapidement. J'ai répondu par l'affirmative :

  2   Je dispose toujours d'un poste radio en cas d'urgence. Il m'a demandé :

  3   Pouvez-vous vous rendre à Omarska et l'installer ? J'ai regardé ma montre.

  4   Il était 18 heures. Je m'en souviens très bien.

  5   Il m'a dit : Ecoute, vas-y. Vous trouverez nos policiers là-bas. Dites-leur

  6   d'installer un poste radio, et ils vous diront à quel endroit vous devrez

  7   l'installer. Bien sûr, j'ai pris l'appareil avec moi, et j'étais accompagné

  8   d'un technicien dans une voiture officielle. Ce jour-là, nous devions nous

  9   rendre à Tomasica, et nous devions donc passer par Kozarac pour des raisons

 10   de sécurité, même si en passant par Kozarac, c'était le chemin le plus

 11   court.

 12   Lorsque nous sommes arrivés, il faisait encore jour, mais la nuit est

 13   tombée très peu de temps après. J'ai trouvé à cet endroit-là un policier --

 14   des policiers qui étaient membres de l'escouade de la police d'Omarska. Et

 15   parmi ces hommes, je me souviens d'avoir vu Miroslav Kvocka, qui est venu

 16   ici devant ce Tribunal par la suite. Je me suis souvenu de lui parce que

 17   c'était un de mes voisins à Prijedor --

 18   Q.  Etant donné que nous ne disposons que de peu de temps, veuillez nous

 19   dire en quelques mots combien de temps vous y êtes resté et quand vous êtes

 20   reparti.

 21   R.  Bien, bien, bien.

 22   Donc j'ai installé le poste radio. J'ai fait en sorte qu'il fonctionne. Il

 23   faisait déjà nuit. Je souhaitais rentrer. La police m'a dit que je ne

 24   pouvais pas partir à cette heure-là de la journée parce que les autobus

 25   transportant les détenus venaient d'arriver et qu'il n'était pas conseillé

 26   de voyager dans le sens inverse. Donc j'ai garé ma voiture quelque part, à

 27   une centaine de mètres de là, jusqu'à ce que cette opération soit terminée.

 28   Et ensuite, nous sommes rentrés chez nous vers minuit. Nous avons croisé le


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  1   poste de contrôle serbe, et nous sommes arrivés à Prijedor à l'aube.

  2   Q.  Quand vous y êtes-vous rendu pour la deuxième fois ?

  3   R.  Seulement lorsque les lignes téléphoniques ne fonctionnaient plus.

  4   Encore une fois, je me suis rendu à cet endroit-là, accompagné d'un

  5   technicien. Je dois vous dire que cette seule installation ne comportait

  6   qu'un seul téléphone qui se trouvait dans le bureau du secrétaire de

  7   l'ancien directeur de la société. J'ai donc réparé cette ligne téléphonique

  8   qui ne fonctionnait plus. Nous n'avons pas passé plus de 20 minutes sur les

  9   lieux, et nous sommes repartis.

 10   Et la troisième fois, lorsque deux personnes au poste de police de

 11   Prijedor, en réalité, deux policiers d'active, un capitaine et un adjudant,

 12   m'ont contacté. Ils parlaient le dialecte ékavien, qui était le plus

 13   communément parlé dans l'armée --

 14   Q.  Ceci n'était pas très clair. Qui étaient ces hommes, ils étaient

 15   membres de quoi ?

 16   R.  Eh bien, ils portaient un uniforme de l'armée. Je ne sais pas à quelle

 17   unité ils appartenaient. Je ne leur ai jamais posé la question. Ils

 18   appartenaient à l'armée, ils étaient externes, ils n'étaient pas de notre

 19   région d'après leur accent. Ils avaient été rattachés à cette unité de

 20   Prijedor, tout simplement. Et à mon sens, il s'agissait d'inspecteurs

 21   militaires, en quelque sorte. Ils m'ont posé la question, ils ne me l'ont

 22   pas demandé officiellement, mais ils m'ont demandé de me rendre avec eux à

 23   Omarska en tant que professionnel qui pouvait les accompagner, en qualité

 24   d'expert en quelque sorte. Lorsque j'ai compris de quoi il en retournait,

 25   je leur ai répondu que j'étais disposé à les aider, parce que je souhaite

 26   toujours aider les autres, et je leur ai dit que je n'allais rien évoquer

 27   d'autre hormis ce qui avait trait à ce matériel en particulier. Parce que

 28   toute autre question ne relevait pas de ma compétence. Et donc, j'avais le


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  1   devoir en tant qu'ingénieur d'apprécier les questions techniques et de

  2   traiter les questions techniques, c'est tout. Et, en réalité, ils ne m'ont

  3   rien demandé d'autre, et c'est ainsi que les choses se sont passées.

  4   Ils ont fait venir deux hommes et ils ont commencé à les interroger

  5   tour à tour. Le premier était un homme âgé, qui ressemblait à un

  6   agriculteur; et l'autre était un homme plutôt aisé, un propriétaire de

  7   matériel permettant de couper le bois. Ils étaient accusés d'avoir acheté

  8   des postes radio à l'intention des Musulmans. Lui-même était Musulman,

  9   c'est ce qui était allégué. Et l'autre s'appelait Mihajl. C'était un

 10   enseignant de Lamovita, de l'école élémentaire à cet endroit-là, et cet

 11   homme était accusé d'avoir prétendument fait fonctionner ce poste radio

 12   pour pouvoir communiquer avec Kozarac et pour pouvoir leur dire qu'une

 13   unité de Banja Luka était en chemin.

 14   Ils ont été interrogés pendant une demi-heure environ. Etant donné

 15   que je connais mal ces questions, je trouvais qu'ils avaient l'air plutôt

 16   innocents. Le premier a dit que quelqu'un était venu et qu'on lui avait

 17   demandé de transmettre le message à Kozarac, un message chiffré indiquant

 18   que des invités à un mariage passaient par là. Ceci a été cité par l'unité

 19   en question, et il indiquait qu'ils se dirigeaient vers Kozarac.

 20   Peu de temps après, ils ont admis avoir agi ainsi, c'est-à-dire

 21   d'avoir été en possession de ce poste radio --

 22   Q.  Il y a une seule chose qui n'a pas été consignée. J'ai entendu que vous

 23   disiez que quelqu'un a fait un rapport là-dessus et a indiqué quel type

 24   d'unité venait de Banja Luka. C'était une unité de la police ou de l'armée

 25   ?

 26   R.  Une unité de l'armée. Ceci est arrivé à peu près au moment où ce jeune

 27   homme, Zgonjanin, a été tué. Je suppose qu'il s'agissait d'une unité de

 28   l'armée, parce qu'un ou deux chars, je me souviens, ont été attaqués. Je


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  1   crois que c'était un char.

  2   En tout cas, cet homme qui s'appelait Nihad, je ne me souviens pas très

  3   bien -- leur officier chargé des transmissions, si je puis l'appeler ainsi,

  4   a envoyé ce message chiffré qui se lisait comme 

  5   suit : Les invités au mariage sont en train de passer par là. Et cet

  6   entretien n'a duré que jusqu'au moment où ils ont admis que le poste radio

  7   se trouvait à un endroit précis, et il s'est avéré que le poste radio avait

  8   été dissimulé dans une maison voisine.

  9   Je m'y suis rendu. Nous avons trouvé cette petite maison qui se trouvait --

 10   à l'intérieur d'un poêle à bois, nous avons trouvé le poste radio. Et

 11   lorsque nous avons regardé, nous n'avons pas pu le trouver, mais nous n'en

 12   avons retrouvé que les câbles qui permettent de recharger les batteries, et

 13   qui semblaient indiquer que le dispositif avait dû se trouver à cet

 14   endroit-là.

 15   Et pas loin de là, il y avait un endroit où des agriculteurs serbes âgés

 16   avaient mis en place un poste de contrôle, ils disposaient de leurs

 17   uniformes, et ils arboraient des uniformes de l'ancienne SNB des

 18   réservistes. Ils n'ont pas nié tout cela longtemps. Ils ont admis tout cela

 19   assez rapidement. Ils nous ont parlé de la maison. Et lorsque nous nous

 20   sommes rendus, nous avons trouvé la mère et la femme de cet homme qui

 21   s'appelait Dusko. Il n'était pas là, mais après quelques menaces, le poste

 22   de radio nous a été remis. Je l'ai pris et je me suis rendu compte qu'il

 23   s'agissait d'un poste de radio assez moderne de type CB. Et CB, cela

 24   correspond à ondes civiles, c'est un poste radio qui peut être utilisé par

 25   n'importe qui sans autorisation particulière, et ce, dans toute l'Europe.

 26   C'était évidemment avant l'ère des téléphones portables.

 27   Il n'était pas nécessaire d'avoir un permis pour utiliser ou acheter un tel

 28   poste radio. C'était le seul type de poste radio qui était autorisé à


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 1   l'époque.

  2   Ils ont donc emmené ce poste radio, et je n'ai jamais plus entendu parler

  3   de ces hommes et je n'ai plus jamais abordé avec eux.

  4   Q.  Et ces personnes -- ce poste radio qui a été découvert, a-t-il été

  5   confisqué ? Quelle était la nationalité de ces hommes ?

  6   R.  C'était tous des Serbes du village en question.

  7   Q.  Monsieur Jankovic, je vais maintenant passer à un autre sujet. Et ceci

  8   concerne…

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. KRGOVIC : [interprétation]

 11   Q.  Pourriez-vous m'expliquer ceci, s'il vous plaît, parce qu'il nous faut

 12   revenir sur quelque chose. Je ne sais pas si je vous ai bien compris.

 13   A qui appartenait ce poste radio et comment se fait-il qu'il était entre

 14   les mains des Serbes ?

 15   R.  Comment ? Cet officier chargé des transmissions, Nedzad, a dit que cela

 16   se trouvait sur cette route entre Prijedor et Banja Luka. C'était leur

 17   centre de transmission, si je puis l'appeler ainsi. Et il l'a caché sous le

 18   four, ce qui signifie qu'il souhaitait le dissimuler pour revenir le

 19   chercher après, pour pouvoir le réutiliser après. Dans l'intervalle, la

 20   situation a changé parce que les Serbes sont arrivés après l'attaque des

 21   Musulmans pour monter la garde devant cet endroit. Il s'agissait de ces

 22   Serbes âgés, ces hommes âgés qui disposaient même de fusils M48 de la

 23   Deuxième Guerre mondiale. C'était la vieille garde, en quelque sorte, eux

 24   et leurs fusils. Comme toutes personnes curieuses, ils ont fouillé cette

 25   maison, ils sont tombés sur ce poste radio et ils l'ont emmené parce qu'ils

 26   estimaient que toute chose était bonne à prendre.

 27   Et c'est ainsi que ceci est arrivé entre leurs mains. Ce n'était pas

 28   quelque chose d'organisé. C'était simplement par appât du gain.


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  1   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Il s'agissait simplement d'une

  2   question d'appât du gain. Ils étaient intéressés par cela.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était quelqu'un qui avait l'appât du

  4   gain. Si, personnellement, j'avais vu ce poste radio, je ne l'aurais jamais

  5   pris.

  6   M. KRGOVIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Jankovic, revenons à l'opération menée par le poste de police

  8   de Prijedor avant que le conflit n'éclate et avant que Simo Drljaca ne soit

  9   nommé en tant que chef du SJB.

 10   Est-ce que quelqu'un a changé au niveau des modes opératoires du poste de

 11   sécurité publique ? Quelle était la méthode qu'il employait et comment

 12   dirigeait-il ce poste de police ?

 13   R.  Pourriez-vous me dire exactement à quelle date vous voulez faire

 14   référence ?

 15   Q.  Après la prise de contrôle et au début du conflit dans la municipalité.

 16   R.  Maintenant c'est clair, d'accord.

 17   Tout a commencé de manière assez orageuse. A commencer par les événements

 18   aux environs de Keraterm. Et puis, il y a eu la création d'Omarska. Il n'y

 19   avait aucune pratique adoptée pour savoir qui devait rendre des comptes à

 20   qui. Des gens se rendaient dans le bureau de Simo. Et ils tombaient

 21   d'accord sur certaines choses. Et moi je me rendais également dans le

 22   bureau du chef lorsque je devais lui demander quelque chose, mais plus

 23   fréquemment c'était sa secrétaire qui me disait que je ne pouvais pas

 24   rentrer parce qu'il y avait quelqu'un qui était en réunion avec le

 25   responsable.

 26   J'ai été mis sur la touche de plus en plus. Il y avait de moins en moins de

 27   personnes avec lesquelles il menait ce qu'on appelait ces activités

 28   opérationnelles, mais qui n'avaient rien à voir avec des activités


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  1   policières. Je ne sais pas vraiment ce que j'aurais dû faire dans cette

  2   situation. Je ne pouvais que supposer. Il y avait des gens qui allaient et

  3   venaient. Et vous savez bien mieux que moi ce qui se passait lorsque vous

  4   parliez à ces gens. Moi, ça ne m'intéressait pas plus que ça. Mais le

  5   fonctionnement de ce poste de police était bien loin de la normale. Pour

  6   résumer tout cela.

  7   Q.  Mais dites-moi, Monsieur Jankovic, est-ce que la situation dans les

  8   rues de Prijedor était normale ? Est-ce que les gens étaient en sûreté ?

  9   R.  Non, bien loin de là. Dans la ville de Prijedor et dans la zone

 10   environnante, de manière générale, la situation était très chaotique. Il y

 11   en a qui voulaient s'approprier des appartements ou des maisons parce que

 12   des gens les avaient abandonnées ou s'étaient enfuis. Les gens ont commencé

 13   à s'adonner à la boisson. D'autres avaient comme ambition de devenir des

 14   héros. Et comme je vous l'ai dit, il y en a d'autres qui ont sombré dans

 15   l'alcoolisme.

 16   Il y avait un homme -- et il faut que je vous dise cela. Il n'y avait

 17   aucune tentative organisée par les Serbes de tirer sur les Musulmans. Dans

 18   la soirée, j'étais au bâtiment du SUP et il faisait encore jour. Il y avait

 19   un homme qui était en uniforme militaire et il y avait deux autres hommes

 20   qui étaient en civil. Il n'y avait personne d'autre autour. Et en passant,

 21   l'un d'entre eux m'a dit : Hé, la grosse tête. Alors, je me suis retourné,

 22   et il m'a dit : Oui, c'est à toi que je m'adresse. Est-ce que vous êtes un

 23   balija ? Qui est un terme péjoratif pour les Musulmans. Et j'ai dit : Non,

 24   je ne suis pas un balija. Il m'a dit : Montrez-moi vos pièces d'identité.

 25   J'ai jugé que la meilleure chose à faire était en fait de lui présenter mes

 26   documents d'identité de manière pacifique.

 27   Il a consulté la carte d'identité. Il y avait le nom du village où je

 28   suis né, mais l'ancien nom, qui s'appelait Zabar. Il l'a lu et il m'a


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  1   insulté en disant : Vous êtes de Zabar. Et ensuite, il a sorti son pistolet

  2   et il a ouvert le feu. Il m'a manqué de peu. Il y avait le tronc d'un

  3   tilleul qui était assez gros. Et j'aurais pu, en fait, me cacher derrière

  4   ce tronc et j'aurais pu lui tirer dessus, mais après, ceci aurait justifié

  5   une enquête et j'aurais dû prouver que j'étais dans mon droit. Donc j'ai

  6   jugé que la meilleure politique était de partir et de ne pas réagir.

  7   Voilà, simplement pour vous donner un exemple de ce qui se passait

  8   dans la ville à l'époque, quelle que soit votre appartenance ethnique, quel

  9   que ce soit ce que vous faisiez. Les gens étaient animés par toutes sortes

 10   de motivations, et beaucoup d'aspects négatifs de la condition humaine

 11   étaient visibles. C'était donc une situation très chaotique plutôt que

 12   quelque chose d'organisé.

 13   Et je n'étais pas un cas isolé. La fille de Zoran, un Serbe, a été

 14   prise à partie par quelqu'un. Elle a été touchée par une rafale de balles

 15   et elle a également été violée. Je ne veux pas rentrer dans les détails.

 16   Mais il y avait vraiment un désordre total qui régnait. Les gens

 17   essaient d'éviter de devoir traverser la ville. Moi j'essayais de réduire

 18   mes mouvements au minimum. Je me bornais à faire ce qui relevait de mes

 19   obligations dans le cadre de mon travail. Mais je n'allais certainement pas

 20   me balader.

 21   Q.  Je voudrais maintenant passer à un document que je souhaiterais vous

 22   présenter.

 23   M. KRGOVIC : [interprétation] Pièce P00374. Intercalaire numéro 2 dans le

 24   classeur de l'équipe de la Défense de M. Zupljanin.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez une photocopie de ce document à

 26   l'intercalaire numéro 2.

 27   R.  Que voulez-vous que je fasse ?

 28   Q.  Je vous demande de consulter ce document. Le document est intitulé :


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  1   Instructions sur l'établissement de rapport. Je vous demande de passer à la

  2   page 2. Dans le cadre réservé à la signature, on peut voir : Stojan

  3   Zupljanin.

  4   M. KRGOVIC : [aucune interprétation]

  5   Q.  Dans ce document, M. Zupljanin déclare :

  6   "Rapports journaliers sur les activités au quotidien du CSB de Banja Luka.

  7   Ces rapports journaliers émanent de différents postes mais sont truffés de

  8   fautes…"

  9   Est-ce que vous avez le document devant vous ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   R.  Vous voyez, dépêche numéro 11-0-11 du 26 mai 1992.

 13   Q.  D'accord. Et puis, la première phrase, comme je le disais, les rapports

 14   sont donc truffés d'erreurs et de fautes. Et puis, au point 2, il est

 15   mentionné :

 16   "Tous les événements importants ne font pas l'objet d'un rapport et ne sont

 17   pas signalés. Les informations sont souvent incomplètes. Les dépêches du

 18   matin ne sont pas envoyées dans les délais. Les événements dont on apprend

 19   le déroulement par la suite ne sont pas signalés ni consignés dans les

 20   rapports, et des rapports incomplets sont envoyés. Le personnel

 21   d'encadrement ne semble pas vérifier ni superviser ces rapports."

 22   R.  Très bien. Quelle est votre question ?

 23   Q.  Ma question est la suivante : quelle était la situation à Prijedor en

 24   ce qui concerne l'établissement de rapport ? Est-ce que l'on pourrait dire

 25   que ceci s'appliquait à Prijedor également et aux rapports qui provenaient

 26   de là-bas ?

 27   R.  La situation à Prijedor - comment dire ? - les choses ne fonctionnaient

 28   pas vraiment bien.


Page 24826

  1   Ce type de dépêches, c'était des dépêches en théorie, et des demandes

  2   étaient envoyées pour modifier les dépêches si elles ne correspondaient pas

  3   au document type, si elles dérogeaient de ce document type de 5 %. Mais

  4   vous avez des personnes analphabètes qui sont venues travailler au SUP, et

  5   ces dépêches, on ne pouvait pas dire qu'elles dérogeaient de 5 % ou de 95

  6   %, parce qu'ils n'étaient même pas en mesure de déterminer cela.

  7   Je n'ai pas eu la possibilité de lire ce type de documents

  8   auparavant, mais maintenant je peux voir que la situation à Prijedor

  9   n'avait rien à voir avec ce que l'on pourrait appeler les activités

 10   policières normales. Il y avait beaucoup d'incompétence. Simo Drljaca

 11   était, je crois, un juriste, puis il travaillait également pour une école

 12   de musique, et puis je crois qu'il travaillait également dans l'antenne

 13   locale du ministère de l'Education. Vous pouvez vous imaginer un juriste

 14   qui travaillait d'abord dans une école de musique et qui ensuite a commencé

 15   à travailler pour la police ? Ses connaissances en la matière étaient

 16   nulles.

 17   Lorsque vous voyez un responsable dans un bureau de police qui est

 18   d'astreinte, et vous avez à côté de lui des hommes ambitieux tels que

 19   Zdravko Torbica, ce sont des personnes qui avaient eu énormément d'ambition

 20   mais qui, pour ainsi dire, étaient analphabètes. De plus, ils n'avaient pas

 21   le soutien de Simo. Simo ne les forçait pas à s'acquitter correctement de

 22   leurs responsabilités. Leurs rapports passaient par moi parce qu'ils

 23   passaient par le département de la communication, mais je ne les lisais

 24   pas. Je crois qu'au moins 50 points dans ce document n'étaient pas vraiment

 25   présents comme les activés quotidiennes, et même si c'était le cas, ils

 26   n'étaient pas formulés de manière appropriée.

 27   Ai-je répondu à votre question ?

 28   Q.  Oui. Il y a quelques instants, vous avez dit qu'ils étaient


Page 24827

  1   analphabètes du point de vue de la police. Qu'est-ce que cela signifie ?

  2   R.  Je suis l'auteur de cette formule. Ça n'existe pas vraiment.

  3   Mais quand je dis analphabète d'un point de vue policier, je veux

  4   dire qu'en fait,  ils ne savaient rien des activités de la police. Ils ne

  5   savaient pas qu'ils devaient recevoir des missions de leurs supérieurs et

  6   faire rapport une fois que les missions étaient accomplies. Simo devait

  7   recevoir des informations appropriées de ses subordonnés et devait ensuite

  8   faire rapport à ses propres supérieurs. Il ne le savait pas. Son supérieur

  9   était le chef du centre, et c'était lui qui devait ensuite faire rapport au

 10   chef du centre. Il n'a jamais fait cela. Il a occupé un poste avec des

 11   responsabilités, et il pensait probablement que les activités policières

 12   que tout officier de police devait connaître n'étaient pas quelque chose

 13   que connaissaient ces nouveaux arrivants.

 14   Ils n'étaient pas tous aussi incompétents que cela. Il y en avait qui

 15   avaient déjà travaillé dans les forces de police, et ils ne pouvaient pas

 16   travailler selon des procédures qui n'étaient pas établies.

 17   Q.  Monsieur Jankovic, dans votre déposition, vous avez dit qu'il y

 18   avait eu des difficultés quant au paiement des salaires. Est-ce que vous

 19   pourriez nous dire, avant ces événements, qui payait les membres de la

 20   police ?

 21   R.  La municipalité. Enfin, je dis "la municipalité", mais on sait ce que

 22   c'est. Vous avez également l'organisation du parti, le SDS. Cependant, en

 23   pratique, vous aviez des gens qui étaient fonctionnaires municipaux et qui

 24   étaient membres du SDS. Ils avaient envoyé l'un des leurs, c'est-à-dire

 25   Simo, qui était responsable de nos missions. Ils avaient leurs propres

 26   projets et ils essayaient de les appliquer par le biais de Simo et par

 27   notre biais. Et, bien sûr, c'est eux qui nous payaient nos salaires.

 28   Dans le système précédent, c'est-à-dire en Yougoslavie, il y avait une


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  1   administration locale, et le SUP recevait ses salaires de la municipalité.

  2   Donc, d'une certaine manière, pas grand-chose n'avait changé avec le

  3   nouveau gouvernement. Depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, ils

  4   savaient que c'était le trésor public municipal qui payait pour

  5   l'administration, la justice municipale, la police, les écoles, et cetera.

  6   Et, en fait, même moi je devais me conformer à ce qu'ils disaient, pas

  7   directement, mais par le biais de Simo.

  8   Q.  Vous ne pensiez pas que ce pouvoir était exercé directement. C'était

  9   plutôt par le biais de Simo ?

 10   R.  Non. Simo recevait des missions qui devaient être menées à bien par le

 11   département des communications.

 12   Q.  Est-ce que l'influence venant du gouvernement municipal était quelque

 13   chose de peu ordinaire et qui n'existait pas 

 14   auparavant ?

 15   R.  Non, non, pas du tout. Dans l'ancien système yougoslave, nous avions le

 16   comité municipal de la Ligue des Communistes, et tout ce qu'ils demandaient

 17   devait être fait. Maintenant ce n'était plus la Ligue des Communistes.

 18   C'était le SDA, et Hasan devait recevoir les instructions.

 19   C'est ainsi que la situation a changé en l'espace de moins d'un an.

 20   Le gouvernement s'est renforcé. Nous avons reçu nos salaires de

 21   structures républicaines, et nos ordres venaient de là également, mais cela

 22   a pris du temps pour en arriver là.

 23   Q.  Je voudrais maintenant vous présenter un autre document. Le P00621.

 24   R.  Quel intercalaire ? Numéro 4 ?

 25   Q.  Non. Intercalaire numéro 10.

 26   R.  Il s'agit d'un rapport sur les activités du centre des services de

 27   Sécurité de Banja Luka, n'est-ce pas ?

 28   Q.  Oui.


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  1   R.  Du 1er juillet jusqu'au 30 septembre.

  2   Q.  Nous avons encore quelques minutes avant notre pause. Donc je vous

  3   demande de consulter ce document durant la pause, et je vous poserai

  4   quelques questions après la pause. Nous arrivons presque au terme de mon

  5   interrogatoire principal.

  6   Donc je vous demande de consulter les pages 21, 22 et 23.

  7   R.  Un instant, s'il vous plaît.

  8   Q.  Je vous demande donc d'emporter ce document avec vous.

  9   R.  Attendez que je retrouve les pages que vous venez de mentionner.

 10   Q.  Oui.

 11   R.  21 jusqu'à la fin ?

 12   Q.  Oui.

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   j'ai l'intention de passer au dernier thème de mon interrogatoire

 15   principal, donc il serait peut-être sage de faire la pause maintenant, et

 16   cela permettra au témoin d'avoir la possibilité de passer en revue ce

 17   document.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la pause

 19   maintenant.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

 22   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Lorsque nous avons pris notre pause

 24   juste avant 12 heures 05, et j'ai dit que nous allions revenir à 12 heures

 25   25, je croyais que ce temps serait suffisant pour la Chambre de faire ce

 26   qu'il y avait à faire. Je m'excuse d'avoir fait en sorte que la pause ait

 27   été étendue au-delà de ce qui a été annoncé. Nous avons essayé de résoudre

 28   un problème qui a été récemment évoqué par Me Zecevic.


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  1   Et nous sommes en train de travailler dessus. Merci.

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous suis reconnaissant. Merci.

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   M. KRGOVIC : [interprétation] Moi je pense qu'il me faut encore une

  5   vingtaine de minutes pour en terminer avec mon interrogatoire principal. Et

  6   j'ai perdu pas mal de temps pour ce qui était de tirer au clair certaines

  7   choses, alors je voudrais qu'on m'accorde le temps qui reste jusqu'à la fin

  8   de la session d'aujourd'hui. Ça nous fait 40 minutes. Je me suis entretenu

  9   avec le Procureur et Me Cvijetic, et eux n'y voient pas d'inconvénient.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ecoutez, continuez. Nous voudrions

 11   demander votre assistance, Monsieur Krgovic, pour aider le témoin à se

 12   centrer sur les réponses qu'il doit apporter plutôt que de s'en égarer.

 13   Merci.

 14   M. KRGOVIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Jankovic, je vous ai donné des documents à lire, et je

 16   voudrais que nous tirions au clair certaines parties du compte rendu qui

 17   découlent de certains chevauchements entre vous et moi.

 18   Vous avez parlé d'une visite à Omarska effectuée par vous-même, et

 19   lorsque vous vous approchiez d'Omarska, qui faisait donc partie des forces

 20   de sécurité autour d'Omarska et autour de la partie où il y avait les

 21   détenus ?

 22   R.  Ça, je l'ai vu lorsque je suis allé réparer cette ligne

 23   téléphonique, c'était un deuxième déplacement. Autour des bâtiments, il y

 24   avait une dalle en béton, qui était peut-être de la taille d'ici au mur, 15

 25   à 20 mètres de long, et autour il y avait les détenus ou les prisonniers.

 26   Il faisait très chaud et il y avait des tuyaux d'arrosage, et ils

 27   s'arrosaient les uns les autres pour se rafraîchir. Et au-delà, vers

 28   l'extérieur de cette superficie, il y avait de l'herbe, des buissons, il y


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  1   avait des parties ombrageuses, et à l'ombre, il y avait des jeunes gars en

  2   uniforme militaire avec des fusils mitrailleurs. C'est des M-53 de la JNA,

  3   c'est des mitrailleuses. La munition utilisée est celle d'un fusil. Et ils

  4   étaient allongés. Il y en avait deux à l'entrée. Bon, ce n'était pas trop

  5   agréable. Vous aviez deux mitrailleuses de part et d'autre. Et j'ai demandé

  6   : S'il y avait du remue-ménage est-ce que vous 

  7   tireriez ? On m'a dit : Oui. Et moi qui suis dedans, eh bien, toi avec,

  8   m'a-t-on dit.

  9   Donc cette mitrailleuse, ce n'est pas l'une des armes mises à la

 10   disposition de la police. C'était des armes de combat. C'était celles de la

 11   JNA. Je ne sais pas de quelle unité ils faisaient partie. Mais ils

 12   n'étaient pas policiers, ces gens-là. Ils portaient des uniformes, et j'en

 13   juge d'après les armes qu'ils possédaient.

 14   Q.  Lorsque vous avez parlé de la nuit du 25 [phon] au 30, ça n'a pas été

 15   consigné. Comment la plupart de ces gens étaient-ils vêtus ? Pouvez-vous

 16   répondre brièvement.

 17   R.  Ils étaient vêtus de toutes sortes de choses. Il y avait des

 18   vieux uniformes gris, vert olive, il y avait des uniformes bariolés, il y

 19   avait des uniformes de la police de réserve. Bleuâtres et de mauvaise

 20   qualité. Il y avait des policiers d'active dans leurs uniformes habituels.

 21   Il y avait de tout. Je n'ai pas compté, mais il y avait peut-être 150 ou

 22   200 hommes. Et le poste de police en tant que tel ne pouvait pas disposer

 23   d'autant d'effectifs. Il y avait d'autres hommes. Il y avait des gens qui

 24   n'étaient pas en uniforme, qui étaient en vêtements civils.

 25   Q.  Et s'agissant des officies de l'armée, en avez-vous vus ?

 26   R.  Oui, il est arrivé deux officiers. Ils m'avaient demandé des

 27   Motorola, tous en voulaient. Il y avait un commandant, et il a demandé deux

 28   postes émetteurs-récepteurs. Et moi j'ai dit : Mais qui es-tu ? Il m'a dit


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  1   : Je suis commandant. Alors, j'ai dit : Vous vous trompez. Moi je n'ai pas

  2   de militaires sur ma liste. Je n'ai que la police. Et il s'en est allé,

  3   mais il n'a rien obtenu de ma part. Ça, c'est les deux officiers que j'ai

  4   remarqués.

  5   Q.  Vous avez parlé d'un grade.

  6   R.  Celui qui m'a posé la question, il était commandant de par son

  7   grade. Pour l'autre, je ne m'en souviens pas.

  8   Q.  Monsieur, penchez-vous sur le document que je vous ai remis. Il

  9   s'agit du P00621. Je vous ai demandé de vous pencher sur la page 21, mais

 10   avant cela je voudrais que vous vous penchiez sur la page 20. Ce qui est

 11   tapé à la machine.

 12   R.  Oui, oui.

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] Au prétoire électronique, version serbe, page

 14   43, et page 43 également pour la version anglaise.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais 43 --

 16   M. KRGOVIC : [interprétation]

 17   Q.  Non, non, ça ne vous concerne pas. Chez vous, c'est la page 20, tapée à

 18   la machine, en haut à droite, paragraphe 2 à compter du haut. Rapport du

 19   centre, où il est dit :

 20   "Des inefficacités, du manque de professionnalisme et d'approche

 21   superficielle dans les activités d'un certain nombre de postes de sécurité

 22   publique ont contribué de façon considérable à une autonomisation

 23   fonctionnelle et opérationnelle vis-à-vis du centre par certains postes de

 24   police. Ce qui a détérioré l'unité et le rôle social des organes et des

 25   services de sécurité. Parallèlement à cela, certains de ces postes de

 26   sécurité publique se sont rattachés à la politique locale ou aux leaders

 27   politiques locaux en négligeant leurs obligations légales ainsi que leurs

 28   attributions découlant de la loi. En effet, certains dirigeants de certains


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  1   postes de sécurité publique, au lieu d'avoir une attitude extrêmement

  2   professionnelle vis-à-vis de leur travail dans l'exercice du service, ont

  3   vaqué à des questions qui ne font pas du tout partie du domaine de leur

  4   travail."

  5   Je ne vais pas tout lire. Et puis, à un moment donné, il y a une phrase qui

  6   dit que:

  7   "L'on voulait éviter et passer la responsabilité vers autrui pour ce qui

  8   s'est passé. Mais en même temps, sous l'influence de ces instances et de

  9   ces individus, il y a eu des concessions variées de faites au détriment du

 10   service…"

 11   Alors, Monsieur le Témoin, ici, d'après ce que je viens de lire, est-ce que

 12   la situation s'est  présentée ainsi à Prijedor ? A la lumière de ce que je

 13   viens de lire, est-ce que la chose correspond -- enfin, je m'excuse. Je

 14   vais reformuler. Je vois que M. Tieger se lève, peut-être est-ce trop

 15   directeur. Il va falloir que je reformule.

 16   R.  Mais vous n'avez rien à raconter en plus. J'ai compris partant de ce

 17   qui s'est lu.

 18   M. HANNIS : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, j'ai une

 19   objection. Tout d'abord, la question était directrice, mais il n'y a pas de

 20   fondement pour ce qui est de poser la question au témoin. Parce que, compte

 21   tenu de ce qu'il a dit au sujet de M. Drljaca, et, en réalité, il a

 22   expliqué qu'il n'avait pas eu de contact avec lui et que M. Drljaca l'avait

 23   de plus en plus mis de côté, et qu'il n'a pas été à la réunion.

 24   Donc nous estimons qu'il n'y a pas de fondement parce que le témoin n'est

 25   pas en position d'exprimer une opinion à ce sujet à moins que l'on apporte

 26   un fondement concret.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais je dois avouer que j'étais perdu

 28   dans la question.


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  1   M. KRGOVIC : [interprétation] Eh bien, je ne l'ai pas posée, Monsieur le

  2   Juge. J'ai vu que la façon dont j'avais entamé ma question n'était pas

  3   appropriée, donc je l'ai interrompue.

  4   Q.  Ici, Monsieur Jankovic, on apporte des appréciations par les soins de

  5   M. Zupljanin. Et là, lorsque nous parlons de Prijedor et du fonctionnement

  6   des relations au niveau du service, j'aimerais que vous nous apportiez un

  7   commentaire au sujet de la situation à Prijedor pour ce qui est de la

  8   corrélation entre le centre, les services de sécurité et le poste de

  9   police.

 10   R.  Ecoutez, je vais vous dire vrai que j'ai relu ceci pendant que j'étais

 11   dans l'autre pièce. Et d'après ce qui est écrit ici et d'après ce que j'ai

 12   eu à connaître, je dirais que les choses étaient bien pires que cela à

 13   Prijedor que ce qui est dit ici. Pour les autres localités, je ne sais pas.

 14   Je sais que dans certaines parties, c'était comme c'est écrit ici, mais à

 15   Prijedor, c'était pis encore.

 16   Il est vrai ce que j'ai déjà dit. Je crois M. le Procureur à ma droite a

 17   dit vrai. J'ai été mis de côté, en effet. Je n'étais pas le seul. Tous les

 18   autres en ville ont toujours été présents, mais ils ont ressenti la chose

 19   de mille façons. On sentait bien qu'il y avait une anarchie de l'autocratie

 20   et énormément d'individus qui avaient probablement le désir de s'enrichir

 21   ou de vaquer à des occupations illégales. Il y a eu des policiers qui

 22   avaient abusé de leurs postes. Par exemple, ce que certains policiers ont

 23   mis à profit, ils ont profité de l'occasion pour aider certaines personnes

 24   qui voulaient s'évader et qui ne pouvaient pas partir de façon légale. Ils

 25   voulaient partir, par exemple, vers l'Europe. Il fallait avoir un passeport

 26   et tout le reste. Mais certains policiers ont profité de leurs postes et de

 27   leurs uniformes pour leur faire traverser une dizaine de postes de contrôle

 28   pour leur permettre de sortir. Il y avait des systèmes de mis en place. Ce


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  1   n'était pas une chose qu'on ne pouvait pas voir. Les citoyens pouvaient le

  2   voir et ils pouvaient le sentir sur leur propre peau. Et M. Zupljanin, ici,

  3   parle de cela, entre autres. Je ne veux pas trop aller en largeur, mais une

  4   fois de plus, on voit que la même chose se passe que dans le document qu'on

  5   a vu tout à l'heure.

  6   Les responsables en parlaient aussi, mais il y avait cinq criminels en deux

  7   groupes. Les services lançaient une opération et ne s'arrêtaient pas tant

  8   que les gens en question n'étaient pas arrêtés.

  9   Maintenant, il y avait beaucoup plus de 5 % -- ou de cinq criminels, et on

 10   voit qu'il y a de l'inefficacité. On voit qu'il s'efforçait d'entreprendre

 11   les mesures qu'il pouvait entreprendre. Je ne peux pas dire qu'il n'y a pas

 12   eu de résultats. Si, certainement, il y en a eu, mais à ce moment-là, et

 13   heureusement, ça n'a pas duré trop longtemps, quelques mois seulement, mais

 14   c'était catastrophique. Tous pouvaient s'en rendre compte; tous ceux qui

 15   étaient là à l'époque. Le fait que Simo ne m'ait pas informé, moi je veux

 16   bien, mais j'aurais souhaité qu'il eut suffi de cela pour que je n'aie pas

 17   à constater et voir certaines choses.

 18   Q.  S'agissant des informations, il est question dans un paragraphe que :

 19   "Régulièrement, un certain nombre de postes de sécurité fait la sourde

 20   oreille pour ce qui est de véhiculer des informations, à savoir qu'on ne

 21   réagit pas en temps utile au sujet des demandes formulées par le centre,

 22   chose qui met en péril l'unicité et l'aptitude d'intervention des services

 23   de sécurité en leur qualité de mécanisme unifié sur le plan sécuritaire.

 24   Dans ce type de conditions, il est difficile de maîtriser la situation

 25   sécuritaire et d'adopter des constatations ou des conclusions justifiées du

 26   point de vue de la sécurité."

 27   Monsieur le Témoin, pendant que vous étiez chargé des communications,

 28   des transmissions, compte tenu de la situation dans ce service et de la


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  1   qualité des gens qui travaillaient au niveau du service de transmission,

  2   quelle était la qualité de l'information véhiculée par les postes de

  3   sécurité vers le centre des services de sécurité ?

  4   R.  Je l'ai dit tout à l'heure lorsque j'ai mentionné le fait d'être

  5   analphabète en matière politique. Tout policier et tout supérieur doit

  6   savoir quelle est sa mission et doit savoir présenter des rapports au sujet

  7   de ce qu'il a fait. Au début, les gens ne savaient pas qu'il fallait

  8   informer qui de droit ou au-delà du poste qu'il occupait. Enfin, là,

  9   j'imagine qu'ils savaient, mais des fois ils avaient intérêt à ne pas

 10   communiquer des informations. Et puis, on demandait pourquoi est-ce qu'on

 11   ne répondait pas au téléphone, pourquoi on n'informait pas les supérieurs.

 12   Et puis, il y a eu des interventions par écrit. Ça s'est fait pour bien des

 13   raisons.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que le témoin a

 15   entendu l'interprète ?

 16   M. KRGOVIC : [interprétation]

 17   Q.  Les interprètes n'ont pas réussi à saisir tout ce que vous avez dit. Je

 18   vous demanderais de répéter votre réponse. Ils n'ont pas entendu, ou je ne

 19   sais pas. Je m'excuse, il n'y a pas eu d'interprétation. Est-ce que vous

 20   pouvez répéter ce que vous avez dit ?

 21   R.  Je ne peux pas être trop précis étant donné que je suis intervenu sur

 22   ce sujet bien des fois lorsque j'ai fait des déclarations auprès du bureau

 23   du Procureur ici, et cetera. Vous avez dû retrouver certains de mes propos

 24   et c'est à cela que vous devez forcément faire référence. Je vais répéter

 25   ce que j'ai déjà dit auparavant.

 26   Il y a eu bon nombre de choses. Je vais énumérer les choses.

 27   Au début, les gens ne savaient pas qu'il fallait présenter des rapports,

 28   donc ils ne l'ont pas fait. Mais des rapports à qui ? A l'égard du


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  1   supérieur hiérarchique.

  2   Ensuite, après ce type d'intervention des supérieurs, ils savaient qu'ils

  3   devaient le faire, mais ils n'avaient pas intérêt à le faire, parce que si

  4   le supérieur hiérarchique n'était pas là et qu'il vaquait à des activités

  5   privées, ils ne le faisaient pas. Puis, il y a eu une politique que tout un

  6   chacun poursuivait à son propre profit mais au détriment du service en

  7   général.

  8   Alors, qu'est-ce que viennent faire les transmissions ? Il y a plein

  9   de choses, plein d'éléments, parce que les transmissions n'ont jamais

 10   fonctionné aussi mal. Il y avait par exemple des pannes d'électricité, des

 11   pénuries de pièces de rechange, des déficiences de la part du matériel

 12   aussi. Mais si les transmissions étaient en état de marche et qu'ils

 13   n'avaient pas intérêt à communiquer, alors ils disaient : J'ai essayé

 14   d'appeler, chef, mais ça ne marchait pas. J'ai envoyé un rapport, mais je

 15   ne sais pas comment ça n'est pas arrivé. En fait, il n'a rien envoyé du

 16   tout, mais personne n'enquête. On se justifiait pour passer la faute sur le

 17   matériel, parce que c'était assez commode, assez pratique que de trouver là

 18   une explication.

 19   Bien. Alors, si c'est la réponse à votre question sur le système de

 20   transmission, soit. Si vous avez besoin d'informations complémentaires,

 21   faites-le-moi savoir.

 22   Q.  Monsieur Jankovic, il y a une ambiguïté au niveau de l'interprétation.

 23   Vous avez dit que lorsque quelqu'un souhaitait se soustraire à quelque

 24   chose. Qui souhaitait se soustraire à son obligation d'envoyer un rapport ?

 25   R.  Chaque membre de la police de l'échelon le plus bas ou à l'échelon où

 26   se trouvait Simo; je ne parle que de Prijedor. Je ne parle pas en fait des

 27   différents échelons ministériels. Si la nécessité se faisait sentir de

 28   tromper son supérieur hiérarchique, il avait trouvé une façon rusée, à


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  1   savoir de faire porter la faute au système de communications pour un tel

  2   manquement ou pour expliquer le fait que les appareils étaient défectueux.

  3   Je ne suis pas en train d'inventer cela. Par exemple, il y avait un

  4   policier qui coupait tout simplement un câble ou un microphone, donc il y

  5   avait une coupure.

  6   Et moi, en tant que chef du service, j'ai établi une règle pour que

  7   ceci cesse. Chaque appareil qui venait chez nous pour être réparé, si cet

  8   appareil ne fonctionnait pas correctement, il était, dans ce cas, réparé.

  9   Cependant, si l'appareil était endommagé, le policier, par l'intermédiaire

 10   de son commandement, devait me faire un rapport dessus et confirmer, et me

 11   dire si ceci avait été endommagé à dessein ou non. Je parle des officiers

 12   de police, les simples officiers de police. Je parle également des patrons

 13   qui n'étaient pas à l'abri de cela. S'ils souhaitaient trouver un prétexte,

 14   ils disaient que le système ne fonctionnait pas. Peut-être qu'il s'agissait

 15   de raisons tout à fait triviales, mais c'est ainsi que cela s'est passé. Je

 16   n'ai pas tenté de me battre contre cela lorsqu'il s'agissait des officiers

 17   supérieurs, mais j'ai essayé de combattre cette pratique en ce qui

 18   concernait les simples policiers.

 19   Q.  Monsieur Jankovic, après que les hostilités n'éclatent, au début des

 20   combats à Prijedor, pourriez-vous nous dire ce que vous aviez à votre

 21   disposition en matière de transmissions ? De quel type de dispositifs

 22   disposiez-vous ? Quel type d'appareils ?

 23   R.  Quand ?

 24   Q.  Après l'éclatement des hostilités, ces différents événements et la

 25   prise de contrôle.

 26   R.  Au fil de ces journées tumultueuses, le système ne fonctionnait pas. Ce

 27   qui gênait ou qui entravait le bon fonctionnement était surtout la perte ou

 28   le dysfonctionnement de ces appareils, en général dû à des coupures de


Page 24840

  1   courant.

  2   Et à cette époque-là, en ce qui concernait nos activités opérationnelles,

  3   nous disposions d'une radio VHF à très haute fréquence. On ne devrait pas

  4   lire VHF, mais UHF. Ondes ultra. Nous avions donc ce système UHF pour nos

  5   opérations et pour nous permettre de transmettre des informations écrites.

  6   Dans ce cas, nous utilisions toujours le téléscripteur qui disposait d'un

  7   système de chiffrement intégré et tous les appareils qui accompagnent ce

  8   type de dispositifs. En revanche, aujourd'hui -- la transmission de ce flux

  9   de données avait été entravée de façon dramatique par le manque

 10   d'approvisionnement en électricité. Ensuite, les voies de transmission

 11   utilisées étaient, en général, celles empruntées par le système de

 12   télécommunication. Ce que nous appelions autrefois les PTT. Et nous étions

 13   simplement les utilisateurs finaux de ces voies de communication-là. Et

 14   lorsque ces voies de communication étaient coupées, nous perdions la

 15   liaison aussi.

 16   Nous étions confrontés à certaines difficultés. Nos lignes de communication

 17   entre Prijedor et les municipalités voisines, telles que Sanski Most,

 18   Bosanski Novi, et Bosanska Dubica. Et ensuite, nous avions une

 19   communication, si nous voulons parler en termes hiérarchiques, avec le

 20   centre de Banja Luka, et ensuite, au niveau de la République, avec le MUP.

 21   C'est ainsi que les choses se déroulaient normalement et personne n'a rien

 22   changé.

 23   Mais compte tenu de la survenue de toutes ces difficultés, le fait

 24   que les voies de communications soient endommagées, nous avons constaté

 25   certains problèmes, d'aucuns en ont constaté d'autres, et la communication

 26   avec Banja Luka fonctionnait en partie. Mais dès que l'électricité a été

 27   coupée et si les PTT étaient coupés également, dans ce cas, le système ne

 28   fonctionnait plus du tout.


Page 24841

  1   Cependant, pour ce qui est de Sarajevo, qui était très éloignée, il y

  2   avait différentes voies de communications et je crois que par la suite,

  3   personne ne prenait la peine d'envoyer des dépêches là-bas. Peut-être au

  4   début, mais pas vers la fin. Nous utilisions des télécopies pour

  5   transmettre des informations écrites, car nous disposions encore d'une

  6   ligne téléphonique qui fonctionnait, ce qui peut paraître surprenant.

  7   C'était assez difficile de transmettre des informations au SUP de la

  8   République quelque part à Sarajevo, ou près de Sarajevo. Pale, je suppose.

  9   Mais je sais qu'en ce qui concerne Banja Luka, je ne peux pas vous donner

 10   de chiffre exact, parce que le pourcentage ne cessait d'augmenter et de

 11   diminuer. Le volume des transmissions a été diminué et l'échange

 12   d'informations devenait de plus en plus difficile. 

 13   Q.  Si nous comparons cette situation-là à celle qui a précédé la guerre,

 14   le conflit, et si vous comparez le nombre de messages entrants et sortants,

 15   quel pourcentage était représenté par les messages sortants transmis avec

 16   succès ?

 17   R.  Je ne sais pas. Ceci variait. Vous savez comment cela se passe. En

 18   temps de paix, nous pouvions envoyer les dépêches très rapidement, les

 19   transmettre très rapidement. Les gens avaient, en général, huit heures pour

 20   ce faire, et en général ils le faisaient immédiatement. En revanche, pour

 21   ce qui est de la période dont nous parlons, il y avait trois ou quatre

 22   jours de retard pour les dépêches les plus importantes.

 23   Et il y avait une dépêche que j'ai vue de mes propres yeux. C'est une

 24   dépêche qui m'a été montrée par un monsieur du bureau du Procureur lorsque

 25   j'ai fait une déclaration. Ma signature se trouve sur cette dépêche-là

 26   également et en dit long sur le sujet que j'aborde maintenant. Si vous

 27   arrivez à mettre la main dessus, je pourrais vous le commenter, parce que

 28   cela en dit long sur la question que vous venez de me poser. Je ne connais


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  1   pas la teneur de ce document, mais je sais que ma signature se trouve

  2   apposée à ce document et je sais qu'elle est entourée d'un cercle. Cette

  3   dépêche me serait d'un grand secours pour répondre à votre question --

  4   Q.  Monsieur Jankovic, pour ce qui est des liens avec d'autres centres sur

  5   le territoire contrôlé par les Musulmans, est-ce que vous pouviez utiliser

  6   ces liens ?

  7   R.  Ces lignes de communication en direction de Banja Luka traversaient le

  8   territoire contrôlé par les Serbes. Par conséquent, il n'y avait pas de

  9   problème à ce niveau-là. Cependant, il y avait certains câbles qui avaient

 10   été posés à côté de la voie de chemin de fer et pendant un certain temps,

 11   ces câbles étaient endommagés, donc il fallait utiliser une voie de

 12   communication détournée.

 13   Pour ce qui est des liens de communication avec Sarajevo, Dieu seul sait

 14   comment cela s'est passé. Je ne sais pas comment cela fonctionnait. A

 15   Vlasic, il y avait un centre de communication, et je sais qu'il y avait un

 16   répéteur aussi sur le mont Vlasic pendant un certain temps. Je sais que

 17   c'était entre les mains des Serbes, mais je peux me tromper. Il y avait

 18   d'autres élévations qui étaient entre les mains des Serbes. Vous savez que

 19   les voies d'acheminement étaient modifiées, bien sûr. Mais moi je n'ai pas

 20   participé à cela, d'autres personnes étaient au courant. La seule ligne de

 21   communication ouverte que nous avions à l'époque était la télécopie.

 22   Q.  Vous avez dit que toutes ces voies d'acheminement avaient disparu.

 23   Qu'est-ce que vous entendiez par là ?

 24   R.  Ce que je veux dire, c'est que l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine

 25   disposait d'un réseau de communication digne de ce nom qu'utilisait la

 26   police avant la guerre. Cependant, à différents endroits, différentes

 27   choses se sont produites; il y a eu les combats et il y a eu autre chose

 28   qui endommageaient une partie du réseau de communication. Qui a été coupé.


Page 24843

  1   Ensuite, ils essayaient de trouver une autre voie d'acheminement, et pour

  2   finir, il y avait tellement de voies de communication qui avaient été

  3   coupées que nous avions été quasiment coupés à 100 %, hormis l'emploi de

  4   fax qui nous permettait encore de communiquer. C'est quelque chose dont

  5   j'ai fait part aux membres du bureau du Procureur. Et il y avait juste un

  6   cas où une télécopie a été envoyée au directeur. Je vais vous en parler en

  7   quelques mots.

  8   Q.  Inutile d'entrer dans le détail de cela. C'est quelque chose sur lequel

  9   nous nous sommes déjà penchés.

 10   Veuillez nous dire si vous avez eu des difficultés eu égard à cette ligne

 11   de communication-là ?

 12   R.  Quelle ligne de communication ?

 13   Q.  Vous avez parlé de l'emploi de télécopie.

 14   R.  Il était impossible d'atteindre le numéro que l'on composait. Et il

 15   fallait faire preuve d'une très grande persévérance. A certains moments,

 16   quelquefois cela pouvait prendre 20 minutes afin d'obtenir la

 17   communication, et quelquefois c'était impossible. Vous composiez un numéro,

 18   et ensuite on n'entendait aucune tonalité. Et après de multiples

 19   tentatives, on arrivait à obtenir la communication.

 20   Q.  Si j'ai bien compris, vous dites que pour que le système de

 21   communication puisse fonctionner normalement, vous deviez disposer de

 22   courant pour pouvoir l'utiliser. Alors, comment se présentait la situation

 23   en matière d'approvisionnement en électricité à Prijedor ?

 24   R.  Il y avait de fréquentes coupures de courant. La plus longue coupure de

 25   courant a été de 40 jours.

 26   La poste disposait de son propre groupe électrogène. Moi j'ai improvisé

 27   quelque chose et j'ai fabriqué un système de fortune qui pouvait être

 28   raccordé à ce groupe électrogène.


Page 24844

  1   Q.  Il ne nous reste que peu de temps, soyez bref, s'il vous plaît.

  2   R.  Comme je vous l'ai dit, nous disposions parfois du courant, et parfois

  3   non. Mais c'était franchement par à-coups. Et la même chose valait pour les

  4   pièces détachées dont nous manquions. Tout était difficile. Je n'ai pas

  5   conservé dans un registre le nombre de dépêches qui ont pu être transmises.

  6   Mais en moyenne, je pourrais vous dire qu'un tiers des transmissions

  7   parvenaient à leur but ou étaient couronnées de succès. En fait, il s'agit

  8   d'une moyenne grossière de ma part. Ceci était dû au fait que la plupart

  9   des lignes de communication qui avaient fonctionné avant ne fonctionnaient

 10   plus.

 11   Q.  Vous voulez parler en fait de télégrammes et de l'envoi de dépêches.

 12   Quelle procédure était appliquée dès qu'une dépêche parvenait au MUP et où

 13   cette dépêche était-elle envoyée avant qu'elle ne parvienne au destinataire

 14   ?

 15   R.  Vous voulez parler du MUP ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Dans le cas où une dépêche arrive, on sait déjà d'emblée s'il s'agit

 18   d'une dépêche ouverte ou codée. Si c'est codé, l'officier chargé des

 19   transmissions devait décoder la dépêche en question. Il y avait quatre

 20   registres ou livres que nous utilisions. Il y avait les dépêches qui

 21   n'étaient pas confidentielles qui étaient reçues; des dépêches protégées

 22   qui étaient reçues; des dépêches non confidentielles qui étaient

 23   transmises; et des dépêches codées. Donc, lorsque vous recevez une dépêche,

 24   il faut vérifier si c'est ou non confidentiel ou protégé, il faut le

 25   consigner dans le registre approprié. Et le service d'archivage s'en

 26   occupera et consignera la date exacte et l'heure à laquelle cette dépêche

 27   est arrivée. Ensuite, c'est remis à la personne à laquelle c'est adressé.

 28   De même, si vous avez une dépêche sortante, c'est en général présenté au


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  1   service des dépêches. Et c'est consigné dans un livre. L'officier chargé

  2   des transmissions y appose sa signature, prouve qu'il l'a reçue et la

  3   transmet. Et ensuite, il a rempli ses obligations.

  4   Pour ce qui est de la manière dont se présente la dépêche, disons que vous

  5   avez une dépêche entrante, on vous pose la question : Est-ce que vous

  6   l'avez transmise ? Et l'officier chargé des transmissions ne la conservait

  7   pas à moins qu'il y ait une correction à apporter. Et s'il n'y avait pas

  8   une telle correction à apporter, il remettait simplement la dépêche à la

  9   personne qui lui avait présentée pour que ceci soit transmis.

 10   Q.  Regardons les registres que vous avez évoqués. Est-ce qu'il s'agit des

 11   livres dans lesquels vous avez consigné tout ceci dans vos services ?

 12   R.  Le système de communication a été organisé de telle façon à ce que nous

 13   disposions de livres, et dans ces livres, les pages avaient un format

 14   particulier. Il y avait, par exemple, des formats 19 ou 12, il s'agissait

 15   d'un format particulier et des colonnes étaient différentes. Il y avait une

 16   colonne dédiée aux dépêches reçues, dédiée aux dépêches transmises, et

 17   cetera. Ces dépêches étaient conformes aux règles introduites par la JNA.

 18   Parce que, compte tenu des règles en matière de protection des données et

 19   des données chiffrées, c'était ainsi qu'un pays devait les utiliser

 20   normalement. Et c'est ainsi que l'armée les utilisait également. Bien

 21   évidemment, nous n'utilisions qu'une partie du système. Le système était

 22   également utilisé par les ambassades, par exemple. Donc on nous a remis ces

 23   règles de la JNA auxquelles nous devions adhérer, et ceci s'appliquait aux

 24   livres également.

 25   Q.  Monsieur Jankovic, aviez-vous l'obligation de conserver ces livres; et

 26   si oui, pour combien de temps ?

 27   R.  Ces grands livres chiffrés devaient être conservés pendant au moins un

 28   an. Pour ceux qui n'étaient pas codés, ils étaient détruits au bout de six


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  1   mois. Vous voyez, en fait, ces grands livres ou ces registres non codés se

  2   remplissaient rapidement. En général, on ne détruisait pas des registres

  3   qui n'avaient pas été remplis complètement. S'ils n'étaient qu'à moitié

  4   remplis, on pouvait les réutiliser pour la période suivante, mais s'ils

  5   étaient presque pleins, dans ce cas-là, on pouvait les détruire et prendre

  6   un nouveau registre.

  7   Nous établissions des rapports au 25 décembre, c'était la date butoir, la

  8   date fatidique pour prendre ce genre de décision.

  9   Q.  Dites-nous, est-ce que ces procédures ou ces manières de fonctionner

 10   étaient utilisées avant et après la guerre ?

 11   R.  Oui. C'est ainsi que cela fonctionnait avant que j'arrive. Nous

 12   appliquions ces pratiques en temps de paix.

 13   Ces registres, en général, ne quittent pas les bureaux. Cela signifie qu'on

 14   ne peut pas les perdre. Ils sont toujours soit sur le bureau, soit

 15   conservés en lieu sûr. Mais bien sûr, ce n'est pas uniquement les registres

 16   qui étaient conservés en lieu sûr. Vous aviez également tous les documents

 17   chiffrés. Mais bien sûr, si vous aviez une quinzaine de registres, il n'y

 18   avait plus de place pour le reste. Et c'est la raison pour laquelle on

 19   était censés les détruire.

 20   Q.  Monsieur Jankovic, pour conclure, au début de votre déposition, je vous

 21   ai posé une question pour savoir si vous aviez vu M. Zupljanin en 1992.

 22   J'aimerais savoir si vous l'avez vu quelque part en Republika Srpska en

 23   1992, alors que vous étiez en poste là-bas ?

 24   R.  Oui. C'était au mois de novembre, en direction d'Orasje. Ou, en fait,

 25   c'était peut-être -- oui, c'était peut-être en novembre. Enfin, je ne me

 26   souviens plus de la date. C'était un voyage organisé. Nous avions les

 27   forces de police de Sanski Most, de Gradiska, de Banja Luka, de Dubica.

 28   Nous nous étions réunis à Banja Luka. Si je me souviens bien, au total, il


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  1   y avait trois bataillons qui constituaient la brigade. Nous nous sommes

  2   réunis à proximité du hall de Borike et nous sommes partis en direction

  3   d'Obrovac. Et je l'ai vu là-bas.

  4   Il a inspecté les forces là-bas, et il semble qu'il nous ait en fait remis,

  5   pour ainsi dire, au colonel de l'armée Peulic ou Peusic.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire comment cela s'est passé ?

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   M. HANNIS : [interprétation] Cela ne semble pas être dans le résumé de la

  9   liste 65 ter. Donc je ne me suis pas du tout préparé à un contre-

 10   interrogatoire et je n'ai pas non plus été averti que ces thèmes seraient

 11   abordés avec le témoin.

 12   M. KRGOVIC : [interprétation] Lorsque j'ai fourni mes notes de récolement,

 13   j'ai signalé que je parlerais de cela avec M. Jankovic puisqu'il a déposé

 14   dans l'affaire Stakic et qu'il a fait une déclaration sur ces questions au

 15   Procureur. Et j'ai dit qu'il parlerait de tous les points qui avaient été

 16   mentionnés pendant cet entretien.

 17   Par conséquent, l'Accusation était au courant et avait été avertie du

 18   contenu de sa déposition, et cela fait partie de l'entretien en question.

 19   Je ne l'ai pas mentionné précisément, mais j'ai mentionné que l'on

 20   aborderait des thèmes qui avaient été abordés durant l'entretien. Et de

 21   toute façon, il n'y a que deux points que je souhaitais aborder. Il a dit

 22   qu'il avait vu M. Zupljanin à deux reprises en 1992, et tout ce que je lui

 23   demande, c'est de nous décrire les circonstances de ces deux rencontres.

 24   M. HANNIS : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président,

 25   Messieurs les Juges. Les notes de récolement qui constituent quatre

 26   paragraphes mentionnent qu'on lui a montré le compte rendu de son

 27   entretien. Il a confirmé la véracité de sa déclaration et la déposition

 28   concernant les points liés à M. Zupljanin.


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  1   Donc aucune indication ne semble être mentionnée quant à une remise de ces

  2   bataillons, quelque chose qui, donc, serait lié à la subordination, je

  3   suppose. C'est un fait qui est très contesté dans cette affaire, par

  4   conséquent, c'est quelque chose qui nécessite des mesures supplémentaires,

  5   plus que ce qui est mentionné dans les notes de récolement.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ?

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Hannis, quoi qu'il en soit,

  8   comme vous l'avez mentionné, vous n'avez pas été avertis, vous ne vous êtes

  9   pas préparés, mais étant donné que vous aurez le temps disponible pour le

 10   contre-interrogatoire, vous aurez la possibilité d'être en mesure de

 11   traiter des deux questions qui vont être abordées par Me Krgovic --

 12   M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président. Mais

 13   je voulais simplement consigner ceci au compte rendu d'audience de façon à

 14   ce qu'on soit conscients lors de la comparution d'autres témoins, et le

 15   fait qu'il s'agisse du dernier point à aborder dans le cadre de cet

 16   interrogatoire principal signifie qu'il s'agit d'un point important,

 17   puisque des avocats pénalistes ont tendance à réserver le meilleur pour la

 18   fin. Donc il s'agit simplement d'un point important, et pour ce qui est des

 19   points importants, il serait bon d'être avertis et d'avertir les autres

 20   parties.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Continuez, Maître Krgovic.

 22   M. KRGOVIC : [interprétation] La dernière fois que nous avons abordé la

 23   brigade de police, Mme Korner a dit que ce n'était pas quelque chose qui

 24   était contesté, que la brigade avait fait l'objet d'une subordination. Donc

 25   je n'ai pas considéré que ceci était un point contesté entre les parties,

 26   que la brigade de police avait été resubordonnée à l'armée.

 27   Je ne voulais pas, d'ailleurs, parler de la resubordination, mais je

 28   voulais simplement parler du fait que ce témoin avait vu M. Zupljanin.


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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Continuez, s'il vous plaît, continuez.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Jankovic, est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce que

  4   M. Zupljanin a dit lorsque vous êtes arrivé là-bas; et le cas échéant, si

  5   vos collègues ont fait des commentaires ?

  6   R.  Je voulais apporter une correction à ce que j'ai dit. J'ai dit que

  7   c'était lui qui nous avait remis, pour ainsi dire. Et j'ai choisi

  8   d'utiliser ce terme parce qu'il jouissait d'une certaine autorité. Mais

  9   lorsque j'ai parlé au Procureur, je n'ai pas choisi les mots de manière

 10   appropriée. J'ai dit : vous savez comment cela s'est passé. M. Zupljanin

 11   est venu avec un colonel, je ne me souviens plus de son nom. Il faudrait le

 12   vérifier. Mais je l'ai dit il y a quelques instants.

 13   Q.  Peulic.

 14   Q.  Oui, c'est ça, Peulic. Et ça n'aurait pas été important si, durant la

 15   présentation brève qui a été faite par M. Zupljanin de ce colonel, il

 16   n'avait pas dit qu'il ne continuerait pas le chemin avec nous en direction

 17   d'Orasje et que serait un colonel de notre armée. Il a dit que c'était un

 18   officier haut gradé qui n'a jamais perdu une seule bataille et quelqu'un

 19   parmi les trois bataillons a raillé en disant : Il n'a jamais gagné de

 20   bataille non plus. C'est la raison pour laquelle je me souviens de cette

 21   répartie.

 22   Nous ne sommes pas restés là-bas très longtemps. Nous sommes montés à bord

 23   de bus et nous sommes partis en direction d'Orasje.

 24   Q.  Donc c'est la deuxième fois que vous avez vu M. Zupljanin. Et en 1992,

 25   mis à part --

 26   R.  Oui, oui, je l'ai vu, il accompagnait la colonne jusque dans les

 27   faubourgs de Modrica, et M. Zupljanin est monté à bord de notre bus. Je ne

 28   savais même pas qu'il allait nous accompagner. Il nous a demandé si


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  1   quelqu'un savait quel itinéraire il fallait emprunter à partir de ce

  2   moment-là. Personne n'a répondu. Et ensuite, j'ai pris la parole parce que

  3   j'ai dit que j'étais originaire de la région. Il m'a dit : Pourquoi est-ce

  4   que vous n'avez rien dit ? Et alors, j'ai dit : Je sais quelles sont les

  5   routes qu'il faudrait emprunter, mais je ne sais pas qui contrôle quelles

  6   parties de la région. Parce qu'il y avait des Serbes et des Croates dans la

  7   zone.

  8   Quoi qu'il en soit, je suis monté à bord de son véhicule alors que

  9   Zupljanin est resté dans le bus. Je suis monté à bord de son véhicule. Il y

 10   avait un soldat et puis il y avait également ce colonel dans ce véhicule.

 11   Je leur ai donc montré le chemin en pensant que c'était le meilleur

 12   itinéraire, et personne ne nous a attaqués. Nous sommes arrivés à ce

 13   village d'Obrovac. Je ne l'ai jamais revu. J'étais là-bas pendant un mois,

 14   j'étais à l'état-major des bataillons de Prijedor. Le commandant était Simo

 15   Drljaca. J'étais le responsable des communications, j'étais cantonné au

 16   quartier général, et il n'aurait pas pu se rendre là-bas sans que moi je ne

 17   l'aie vu.

 18   Durant le mois où j'étais présent en tant qu'officier responsable des

 19   communications au niveau du quartier général, il n'est jamais venu. Peulic

 20   était le commandant et Simo -- non,  attendez, rapidement -- toute

 21   l'organisation, d'ailleurs, tout cela était en fait une organisation

 22   militaire. Il y avait des brigades, des bataillons, des compagnies, des

 23   détachements. Il y avait des chars également qui nous avaient été donnés

 24   par l'armée, je crois deux au total, et puis il y avait des Praga

 25   également, ainsi que des moyens antiaériens, des véhicules blindés, ainsi

 26   qu'une batterie de mortier. Ce n'est pas le type de matériel et d'armes

 27   dont disposait la police. Ils avaient leurs propres uniformes, voilà.

 28   Q.  Merci, Monsieur Jankovic, je n'ai pas d'autres questions à vous


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  1   poser.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Je remercie les Juges de cette Chambre

  3   de m'avoir octroyé du temps supplémentaire.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Nous allons donc lever l'audience

  5   pour aujourd'hui.

  6   Monsieur Jankovic, nous reprendrons demain avec le contre-

  7   interrogatoire du conseil du co-accusé, à savoir M. Stanisic, qui vous

  8   posera des questions, et ensuite c'est M. Hannis qui procèdera à son propre

  9   contre-interrogatoire.

 10   Nous levons l'audience, et nous reprendrons demain matin, à 9 

 11   heures. 

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   --- L'audience est levée à 13 heures 41 et reprendra le mercredi 12 octobre

 14   2011, à 9 heures 00.

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