Trial Chambers

Le Procureur c. Tihomir Blaskic - Affaire n° IT-95-14-T

"Jugement"

3 mars 2000
Juges Jorda [Président], Rodrigues et Shahabuddeen

Articles 2, 3, 5, 7 1), 7 3), 23 et 24 du Statut et Article 101 du Règlement de procédure et de preuve - rôle de l’existence d’un conflit armé en fonction de la disposition appliquée ; relation entre crimes et conflit armé ; internationalisation des conflits d’apparence internes : intervention directe et indirecte ; nationalité des victimes et co-belligérance ; portée et conditions d’applicabilité de l’article 3 du Statut ; éléments constitutifs d’un crime contre l’humanité, notamment son caractère généralisé et/ou systématique ; élément moral des crimes contre l’humanité ; critère "avait des raisons de savoir" d’après l’article 7 3) du Statut ; circonstances matérielles et personnelles pour la détermination de la peine.

1. Un conflit armé ne conditionne pas l’existence du crime contre l’humanité, mais la répression de cette infraction par le Tribunal.
2. Dans un conflit armé interethnique, l’origine ethnique d’une personne peut être considérée comme un facteur déterminant de sa nationalité en vue de lui accorder ou non le statut de personne protégée. Quant à la détermination de la nationalité d’un groupe de personnes, l’origine ethnique, plutôt que la citoyenneté, joue le rôle principal.
3. Quant à l’élément moral du crime contre l’humanité, l’auteur n’a pas besoin d’avoir recherché tous les éléments du contexte général dans lequel ses actes ont été commis. Il suffit que, dans les fonctions qu’il a volontairement exercées, il ait pris, en connaissance de cause, le risque de participer à la réalisation de ce contexte.
4. La Chambre a considéré que si un commandant n’a pas eu connaissance du fait que les crimes étaient sur le point d’être commis ou l’avaient été, ce défaut de connaissance ne doit pas lui profiter lorsqu’il résulte d’une négligence dans l’accomplissement de ses fonctions, compte tenu de sa position spécifique de commandement et des circonstances prévalant à l’époque.

Rappel des faits

L’acte d’accusation 1 allègue que, de mai 1992 à janvier 1994, en Bosnie-Herzégovine, les membres des forces armées du Conseil de défense croate (’HVO’) ont commis des violations graves du droit international humanitaire à l’encontre des Musulmans de Bosnie.

Il est allégué qu’à l’époque de l’Acte d’accusation, l’accusé avait le grade de colonel du HVO, et qu’il est devenu commandant du Quartier général des Forces Armées du HVO en Bosnie centrale le 27 juin 1992. Au début du mois d’août 1994, il a été promu général et nommé Commandant du HVO.

Sur le fondement d’une part de la responsabilité individuelle (article 7 1) du Statut du Tribunal) et d’autre part de la responsabilité du supérieur (article 7 3)), l’acte d’accusation reproche à l’accusé des :

Questions juridiques préliminaires

L’existence d’un conflit armé est exigée pour l’application des articles 2, 3 et 5 du Statut. Cependant, la portée de cette exigence dépend de l’article auquel elle est appliquée. L’existence d’un conflit armé constitue une condition de l’applicabilité au regard des articles 2 et 3, mais une condition de compétence au regard de l’article 5 du Statut. Un conflit armé ne conditionne par conséquent pas l’existence du crime contre l’humanité, mais la répression de cette infraction par le Tribunal2.

La Chambre de première instance a réaffirmé la nécessité de démontrer une relation entre les crimes reprochés et le conflit armé. Cependant, l’exigence que les crimes contre l’humanité aient été perpétrés "au cours d’un conflit armé" n’implique pas que l’auteur doive avoir nécessairement eu l’intention de participer directement au conflit armé, pour autant que son action s’inscrive dans le cadre géographique et temporel de ce conflit3.

Article 2 du Statut

Pour l’application des dispositions relatives aux infractions graves aux Conventions de Genève prévues à l’article 2 du Statut, deux conditions doivent être remplies : 1) le conflit doit présenter un caractère international ; 2) les crimes doivent être perpétrés à l’encontre de personnes auxquelles s’étend la "protection" des Conventions de Genève de 1949.

Un conflit armé qui semble de prime abord interne peut devenir international si un Etat intervient "directement" sur le territoire national d’un autre Etat. Un conflit armé peut également s’internationaliser si certains participants agissent pour le compte d’un autre Etat 4. Le "contrôle global" constitue le critère pour établir une intervention indirecte :

Le contrôle exercé par un Etat sur des forces armées ou des milices ou des unités paramilitaires subordonnées peut revêtir un caractère global (mais doit aller au delà de la simple aide financière, fourniture d’équipement militaire ou formation). Cette condition ne va toutefois pas jusqu’à inclure l’émission d’ordres spécifiques par l’Etat, ou sa direction de chaque opération. Le droit international n’exige nullement que les autorités exerçant le contrôle planifient toutes les opérations des unités qui dépendent d’elles, qu’elles choisissent leurs cibles, ou leur donnent des instructions spécifiques concernant la conduite d’opérations militaires ou toutes violations présumées du droit international humanitaire. Le degré de contrôle requis en droit international peut être considéré comme avéré lorsqu’un Etat (ou, dans le contexte d’un conflit armé, une Partie au conflit) joue un rôle dans l’organisation, la coordonnation ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer, l’entraîner, l’équiper ou lui apporter son soutien opérationnel 5.

Le "contrôle global" est donc établi lorsque les actes des forces armées, milices ou unités paramilitaires peuvent être attribués à un Etat étranger. Dans la présente affaire, le contrôle exercé par la Croatie sur les forces et les autorités croates de Bosnie doit être évalué à la lumière des éléments suivants : 1) les visées politiques nationalistes et expansionnistes du président de la République de Croatie de l’époque, Franjo Tudjman, et son contrôle de la politique officielle du gouvernement ; 2) le partage de ces finalités et aspirations par les dirigeants croates de Bosnie ; 3) le contrôle par la Croatie du processus décisionnel en Herzeg-Bosna ; 4) le partage du personnel militaire ; 5) le contrôle par la Croatie de toutes les nominations importantes dans la Communauté croate de Herzeg-Bosna ; 6) l’aide financière en provenance de Croatie.

Après avoir examiné toutes les preuves, la Chambre de première instance a considéré que, sur le fondement des scénarios d’intervention à la fois directe 6 et indirecte, l’intervention de la Croatie en Bosnie-Herzégovine a été dûment démontrée et que le conflit était par conséquent international.

La seconde condition posée par l’article 2 est que les personnes ou les biens visés par les infractions soient protégés aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente. La Chambre de première instance a d’abord constaté qu’il ne faut pas donner une interprétation trop stricte ou formelle à l’exigence de nationalité contenue dans les Conventions de Genève 7. Dans un conflit armé interethnique, l’origine ethnique d’une personne peut être considérée comme un facteur décisif pour déterminer la nation à laquelle il doit allégeance, et peut par conséquent établir le statut de la victime en tant que personne protégée 8. Pour déterminer la nationalité, l’origine ethnique est plus importante que la citoyenneté. Dans cette affaire, les Musulmans de Bosnie pouvaient ainsi être considérés comme étant de nationalité distincte de leurs oppresseurs et par conséquent comme des protégées".

La Chambre de première instance a également réfuté l’argument de la défense, selon lequel la Croatie et la Bosnie-Herzégovine étaient co-belligérantes. En effet, si la preuve en avait été rapportée, les victimes n’auraient plus le statut de personnes protégées 9. A nouveau, la Chambre a refusé d’adopter une approche formaliste de la question et a examiné les véritables relations entre les deux pays à l’époque et dans la région. Bien que différents accords formels liaient les deux pays 10, leur relation ne pouvait être considérée comme celle de co-belligérants combattant un ennemi commun. Selon la Chambre de première instance, "la Bosnie-Herzégovine percevait la Croatie comme co-belligérante dans la mesure où ils luttaient ensemble contre les Serbes. Mais il est évident que la Bosnie ne voyait pas la Croatie comme co-belligérante dans la mesure où la Croatie assistait le HVO dans sa lutte contre l’AbiH au cours de la période en question" 11. En fait, elles étaient alliées seulement sur une base sélective et opportuniste, qui ne suffit pas pour les qualifier de co-belligérantes ou pour refuser aux victimes le statut de personnes protégées12 . Cette conclusion est également conforme à la logique de l’article 4 de la quatrième Convention de Genève13.

La Chambre de première instance s’est rangée à l’argument du Procureur, selon lequel les biens des Musulmans de Bosnie étaient en fait "au pouvoir de la Puissance occupante"14. Le Procureur a affirmé à bon droit que, dans les enclaves concernées, la Croatie a joué le rôle de Puissance occupante "du fait du contrôle global qu’elle exerçait sur le HVO, du soutien qu’elle lui apportait et des liens étroits qu’elle entretenait avec lui. Ainsi, et en utilisant la même logique qui s’applique à l’établissement du caractère international du conflit, le contrôle global exercé par la Croatie sur le HVO fait qu’au moment de leur destruction, les biens des Musulmans de Bosnie étaient sous le contrôle de la Croatie et se trouvaient en territoire occupé"15. Ces biens sont donc "protégés" au sens des Conventions de Genève.

Après avoir établi la nature internationale du conflit et le statut de personnes protégées des victimes, la Chambre de première instance a examiné les actes constituant des infractions graves16. Il convient de relever deux conclusions : en premier lieu, la Chambre a clairement exprimé que l’élément moral qui caractérise toutes les violations de l’article 2 englobe tant l’intention coupable que l’imprudence délibérée, assimilable à une négligence criminelle grave. En second lieu, les otages civils 17 sont des personnes privées de liberté, souvent arbitrairement et parfois sous menace de mort 18. Cependant, la Chambre a déclaré que dans certaines circonstances, la détention peut être licite, notamment lorsque des raisons de sécurité l’imposent et a ajouté que l’Accusation doit établir qu’au moment de la détention présumée, "l’acte prétendument répréhensible a été commis dans le but d’obtenir une concession ou de s’assurer un avantage"19.

Article 3 du Statut

La Chambre de première instance a tout d’abord déclaré que "[l]es dispositions particulières de l’article 3 du Statut couvrent de manière satisfaisante la disposition dudit Protocole relative aux attaques illégales contre des objets civils. Les dispositions particulières de l’article 3 commun couvrent également de manière satisfaisante l’interdiction des attaques contre des civils prévue par les Protocoles I et II"20. Cependant, sur la base de faits spécifiques de l’espèce, la Chambre de première instance a considéré que les parties au conflit étaient liées par les dispositions pertinentes des Protocoles additionnels, dans la mesure où elles ont signé un accord à cette fin.

La Chambre de première instance s’est ensuite intéressée à plusieurs infractions à l’article 3 du Statut 21. Deux sont brièvement examinées ici : 1) "Attaque illégale contre des civils et attaque contre des biens de caractère civil" : la Chambre de première instance a considéré que l’attaque doit avoir entraîné des morts et (ou) de graves dommages corporels dans la population civile ou des dégâts à des biens de caractère civil. "Les parties au conflit sont obligées d’essayer de faire la distinction entre des cibles militaires, d’une part, et des civils et des biens civils, d’autre part. Le ciblage des civils ou des objets civils est une infraction s’il n’est pas justifié par la nécessité militaire"22. 2) "Atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle" 23: la Chambre de première instance a déclaré qu’il s’agit d’une "infraction large", qui englobe le meurtre, la mutilation, les traitements cruels et la torture et "qui, partant, se définit par l’accumulation des éléments de ces infractions particulières"24. L’élément moral de l’infraction est caractérisé dès lors qu’il est établi que l’accusé avait l’intention d’attenter à la vie ou à l’intégrité corporelle des victimes ’par l’effet de sa volonté ou de son imprudence délibérée" 25.

Article 5 du Statut

Un crime contre l’humanité tire sa spécificité des moyens mis en oeuvre pour sa réalisation (le caractère massif) ou du contexte dans lequel ceux-ci doivent s’inscrire (le caractère systématique) ainsi que de la qualité des victimes (la population civile quelle qu’elle soit).

Le caractère systématique de l’infraction peut prendre différentes formes :

1) l’existence d’un but de caractère politique, d’un plan d’attaque ou d’une idéologie au sens large du terme, à savoir détruire, persécuter ou affaiblir une communauté ;
2) la perpétration d’un acte criminel de très grande ampleur à l’encontre d’un groupe de civils ou la commission répétée et continue d’actes inhumains ayant un lien entre eux ;
3) la préparation et la mise en oeuvre de moyens publics ou privés imnportants, qu’ils soient militaires ou autres ;
4) l’implication dans la définition et l’établissement du dessein méthodique d’autorités politiques et/ou militaires de haut niveau 26.

Un dessein ne doit pas être énoncé ni déclaré expressément. Il peut se déduire de la survenance d’un ensemble de faits, notamment des circonstances historiques et du cadre politique ou de tous autres événements 27. Le plan ne doit pas non plus être une politique de l’Etat, dans la mesure où un crime contre l’humanité n’est pas un acte de souveraineté criminel 28.

Le caractère massif des crimes contre l’humanité 29 se réfère à l’ampleur des actes perpétrés et au nombre de victimes 30. L’attaque doit par conséquent être dirigée contre un grand nombre de victimes potentielles. Le terme "dirigé" se réfère plus à l’intention de l’auteur de commettre un crime de masse ou d’ampleur qu’au résultat concret de son action31.

Bien que les deux conditions d’ampleur et de "systématicité" ne soient pas cumulatives, "il n’en demeure pas moins qu’en pratique, ces deux critères seront difficiles à séparer l’un de l’autre : une attaque d’ampleur qui vise un grand nombre de victimes repose généralement sur une forme quelconque de planification ou d’organisation. Le critère quantitatif n’est, en effet, pas objectivement définissable : ni les textes internationaux ni la jurisprudence, qu’elle soit internationale ou interne ne fournissent de seuil à partir duquel le crime contre l’humanité est réalisé"32.

De plus, les crimes contre l’humanité doivent être "dirigés contre une population civile quelle qu’elle soit". Cette condition ne doit pas être interprétée de manière trop restrictive car la spécificité du crime contre l’humanité tient non pas principalement à la qualité de la victime mais bien à l’ampleur et surtout à l’organisation dans laquelle ces actes doivent s’inscrire 33. Dans ce contexte aussi, la notion de "dirigé" accorde plus d’importance à l’intention de l’agent qu’au résultat concret de ses attaques. En d’autres termes, s’il est démontré que l’auteur des exactions avait comme intention première de porter atteinte à une population civile, il pourrait être reconnu coupable de crime contre l’humanité même si l’attaque avait entraîné des victimes non seulement civiles mais également militaires34.

La présence au sein de la population civile de personnes ne répondant pas à la définition de personnes civiles ne prive pas cette population de son caractère civil et de sa protection 35. Un crime contre l’humanité n’englobe donc pas seulement des actes commis à l’encontre de civils au sens strict du terme, mais également des exactions perpétrées contre les membres d’un mouvement de résistance et les anciens combattants, sous uniforme ou non, mais ne participant plus aux hostilités au moment de la perpétration des crimes, soit qu’ils avaient quitté l’armée, soit qu’ils ne portaient plus les armes ou soit enfin qu’ils avaient été mis hors de combat, notamment du fait de leurs blessures ou de leur détention 36.

La situation concrète de la victime au moment où les crimes sont commis, plutôt que son statut, doit être prise en compte pour déterminer sa qualité de civil. Enfin, la présence de militaires, au sein de la population civile qui fait l’objet d’une attaque délibérée, ne modifie pas le caractère civil de celle-ci 37.

La Chambre de première instance a également examiné les sous-qualifications des crimes figurant dans l’acte d’accusation 38. Deux éléments méritent une attention particulière : en premier lieu, la Chambre de première instance a expliqué que l’"assassinat", forme préméditée du meurtre, énoncé à l’article 5 a) de la version française du Statut, doit être compris au sens de meurtre, à savoir comme la traduction française du concept de "murder"39. En second lieu, la Chambre a déclaré que la persécution peut revêtir différentes formes criminelles, autres que des atteintes à la personne humaine, et notamment, par des actes qui tirent leur gravité, non pas de leur cruauté apparente, mais de la "discrimination qu’ils cherchent à établir au sein du genre humain"40.

L’élément moral des crimes contre l’humanité présente trois aspects :

En premier lieu, l’auteur doit avoir connaissance du contexte général dans lequel s’inscrivent ses actes et du rapport de connexité entre son action et ce contexte 41.

En second lieu, l’auteur ne doit pas avoir voulu tous les éléments du contexte dans le cadre duquel ses actes ont été perpétrés ; il suffit que, par les fonctions qu’il a volontairement occupées, il ait pris, en conscience, le risque de participer à la mise en oeuvre de ce contexte 42. Plus spécifiquement, une personne dans une position de commandement est moralement tenue de s’interroger sur les intentions malveillantes de ceux qui définissent l’idéologie, la politique ou le plan au nom duquel le crime est perpétré 43. La relation de connexité ne nécessite pas que l’agent ait adhéré au régime qui a mené la campagne criminelle, ou qu’il ait possédé l’intention pleine et entière d’en être l’intermédiaire, si tant est que "l’existence d’un dol direct, indirect ou éventuel" est prouvée 44. Il doit par conséquent être établi que l’auteur "connaissait" la politique ou le plan criminel, ce qui en soi ne requiert pas nécessairement une volonté délibérée de sa part ("… l’agent recherche la réalisation du fait incriminé dont il fait son objectif ou tout le moins le moyen d’atteindre un objectif"), un dol indirect (l’agent n’a pas expressément voulu le résultat, mais il savait qu’il aurait lieu) ou d’un dol éventuel, appelé "recklessness" en common law ("le résultat n’est qu’une conséquence probable ou possible, envisagée par l’auteur") 45. En d’autres termes, la connaissance recouvre également le comportement "de la personne qui prend un risque de façon délibérée, tout en espérant que ce risque ne provoque aucun dommage".46

En troisième lieu, s’agissant des preuves de l’élément moral requis, la Chambre de première instance a mentionné un certain nombre de faits qui pouvaient être pris en compte pour déduire cette intention spécifique ; ceux-ci comprennent les circonstances historiques et politiques, dans lesquelles les exactions se sont déroulées, les fonctions de l’accusé au moment des crimes ou l’ampleur et la gravité des actes perpétrés 47.

Responsabilité pénaele : articles 7 1) et 7 3) du Statut

La responsabilité pénale individuelle visée à l’article 7 1) du Statut dépasse le cas des personnes qui ont physiquement commis les crimes 48. En l’espèce, l’accusé n’est pas poursuivi pour avoir personnellement commis l’un quelconque des crimes allégués, c’est-à-dire pour en avoir effectivement commis l’élément matériel. En revanche, il est tenu pour pénalement responsable des crimes commis par d’autres, au motif qu’il a "ordonné, planifié, incité à commettre ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter lesdits crimes" 49.

La Chambre de première instance a poursuivi en examinant les formes de participation envisageables en l’espèce 50. Elle a considéré que quiconque a "planifié, ordonné ou incité" à commettre un crime avait une intention délictueuse, c’est-à-dire qu’il avait l’intention, de manière directe ou indirecte, de commettre le crime en question. Toutefois, d’une manière générale, c’est une personne autre que celle qui a planifié, ordonné ou incité à commettre le crime qui en a commis l’élément matériel 51. En outre, pour être tenu responsable d’avoir "ordonné" un crime, l’ordre donné ne doit pas nécessairement être par écrit ou revêtir une forme particulière ; il peut être exprès ou implicite et établi par des éléments de preuve conjecturaux 52. De surcroît, l’ordre n’a pas besoin de provenir directement du supérieur hiérarchique à la ou les personne(s) ayant commis l’élément matériel du crime. De plus, ce qui importe est l’intention criminelle du supérieur hiérarchique, et non celle du subordonné ayant exécuté l’ordre. Par conséquent, il importe peu que l’ordre revête un caractère manifestement illégal 53.

La Chambre de première instance a estimé que l’élément matériel de la complicité par aide ou encouragement peut être perpétré par omission, à condition que celle-ci ait produit un effet décisif sur la perpétration du crime et qu’elle se soit accompagnée de l’élément intentionnel requis 54. La simple présence sur les lieux du crime d’un supérieur hiérarchique constitue une indication probante lorsqu’il s’agit de déterminer si celui-ci a encouragé ou soutenu les auteurs du crime 55. De plus, il n’est pas nécessaire de prouver que le comportement du complice ait eu un effet de causalité sur l’acte de l’auteur principal" 56.

La Chambre de première instance a établi la distinction entre "connaissance" et "intention" s’agissant de l’élément moral requis pour établir la complicité 57. Elle a déclaré que le complice "doit avoir eu l’intention de fournir une assistance ou, tout au moins, avoir eu conscience que cette assistance serait une conséquence possible et prévisible de son comportement"58.

Trois points ressortent de l’examen de la responsabilité pénale individuelle au sens de l’article 7 3) du Statut. En premier lieu, l’autorité du supérieur au sens de l’article 7 3) du Statut recouvre aussi bien l’autorité de facto que de jure59. Pour être tenu responsable au sens de l’article 7 3) du Statut, le supérieur hiérarchique doit contrôler effectivement ses subordonnés 60. Par conséquent, un supérieur hiérarchique peut être tenu pénalement responsable de crimes commis par des personnes qui ne sont pas officiellement ses subordonnés (directs), pour autant qu’il exerce effectivement un contrôle sur eux 61. "Ainsi, bien que la Chambre partage le point de vue de la défense selon lequel la ’capacité effective’ du supérieur hiérarchique est un critère pertinent, il ne faut pas nécessairement que le supérieur ait été juridiquement habilité à empêcher ou punir les actes commis par ses subordonnés. L’élément qu’il convient de retenir est sa ’capacité matérielle’ qui, au lieu de donner des ordres ou de prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se traduire par le fait d’adresser des rapports aux autorités compétentes afin que des mesures appropriées soient prises" 62 .

En second lieu, la Chambre de première instance a estimé que si un commandant ignore que des crimes sont le point d’être commis ou l’ont été, cette ignorance doit être retenue contre lui, lorsqu’elle résulte d’une négligence dans l’accomplissement de ses devoirs. Sa position personnelle dans la hiérarchie et les circonstances du moment doivent également être prises en compte 63.

En troisième lieu, la Chambre de première instance a observé qu’un commandant ne peut être tenu pour pénalement responsable au titre de l’article 7 1) du Statut d’avoir planifié, incité à commettre ou ordonné la perpétration de crimes et, simultanément, de ne pas avoir empêché ou sanctionné les mêmes crimes au titre de l’article 7 3) du Statut. En revanche, "l’omission de punir des crimes passés, qui engage la responsabilité du commandant au titre de l’article 7 3) peut, sous réserve que soient remplies les conditions d’éléments moral et matériel, engager la responsabilité du commandant au titre de l’article 7 1) du Statut" 64 .

Peine

Pour la détermination de la peine adéquate, la Chambre de première instance a distingué les circonstances particulières matérielles qui ont un rapport direct avec l’infraction et les circonstances particulières personnelles. Les premières visent à évaluer la gravité de l’infraction, tandis que les secondes visent à adapter la peine prononcée à la personnalité et à la capacité de réinsertion de l’accusé. Toutefois, compte tenu de la nature particulière du Tribunal International et de son mandat, la Chambre a considéré qu’"il convient d’attribuer une importance moindre aux circonstances particulières personnelles" 65.

La Chambre de première instance a identifié plusieurs circonstances matérielles, qui pourraient potentiellement jouer un rôle dans la présente instance. Elle a déclaré que le fait que l’accusé n’ait pas directement participé à la commission du crime peut être considéré comme une circonstance atténuante, "dès lors que l’accusé occupe un niveau subalterne dans la hiérarchie civile ou militaire"66. Elle a également réaffirmé que la contrainte peut être considérée comme une circonstance atténuante lorsque l’accusé n’a pas disposé de la faculté de choisir et de la liberté morale de commettre le crime. Elle a enfin constaté que le contexte entourant la commission des crimes, à savoir le conflit lui-même, devrait également être pris en compte au moment de la détermination de la peine. La Chambre de première instance a examiné la désorganisation et l’inexpérience relatives des troupes à l’époque et a également pris note des crimes prétendument commis par l’autre partie. Cependant, la Chambre de première instance a indiqué qu’ayant reconnu l’accusé coupable de crimes contre l’humanité, le désordre pouvant résulter d’une situation de conflit armé ne peut être considéré comme une circonstance atténuante 67.

La Chambre de première instance a poursuivi en examinant de nombreuses circonstances atténuantes personnelles susceptibles de jouer un rôle en l’espèce 68. La Chambre a cependant observé que, dans une affaire aussi grave, mais également dans la mesure où ces facteurs personnels sont communs à beaucoup d’accusés, un poids limité, voire inexistant, doit être accordé à ces facteurs dans la détermination de la peine 69.

Quant aux circonstances aggravantes, la Chambre de première instance a distingué celles liées à l’ampleur du crime de celles liées au degré de responsabilité de l’accusé. Les premières sont composées du mode de perpétration du crime et des conséquences des crimes sur les victimes. Les secondes comprennent l’évaluation de la position de l’accusé dans la hiérarchie, son mode de participation et éventuellement la préméditation des crimes. Quant au mode de participation, la Chambre de première instance a noté l’extrême cruauté de l’attaque et des crimes commis consécutivement. Elle a également pris en compte le nombre de victimes, le mobile du crime70 et les conséquences physiques et psychologiques des crimes71 sur les victimes 72.

La Chambre de première instance a clairement affirmé que la position de commandement de l’accusé, son mode de participation et la préméditation éventuelle de ses actes pouvaient justifier une peine plus lourde73. La Chambre de première instance a également distingué la participation directe ou active d’une part, et indirecte d’autre part, en déclarant que la première peut constituer une circonstance aggravante 74. En l’espèce, la Chambre de première instance a déclaré que bien que Blaskic n’ait pas directement commis quelque crime que ce soit, il occupait un poste de supérieur hiérarchique qui le rendait responsable des faits de ses subordonnés. "Par conséquent, si cette absence de participation active et directe ne constitue pas une circonstance aggravante en soi, elle ne peut en aucun cas contrebalancer l’aggravation résultant de la position hiérarchique de l’accusé" 75.

Enfin, la Chambre de première instance a considéré qu’aucune hiérarchie des crimes n’a encore été établie au niveau de la peine par ce Tribunal 76. De plus, les faits invoqués à l’appui de chaque chef étant généralement similaires 77, et les crimes reprochés à l’accusé faisant partie d’un ensemble unique de faits criminels, commis sur un territoire géographiquement déterminé, au cours d’une période de temps relativement étendue, la Chambre de première instance a infligé une peine unique pour la totalité des crimes dont l’accusé a été reconnu coupable 78.

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1. La référence à l’acte d’accusation doit être entendue comme le "deuxième acte d’accusation modifié", daté du 25 avril 1997 et corrigé le 16 mars 1999. L’acte d’accusation initial, confirmé le 10 novembre 1995, concernait cinq autres accusés, Dario Kordic, Mario Cerkez, Zlatko Aleksovski, Ivan Santic et Pero Skopljak. L’acte d’accusation a été ultérieurement modifié le 22 novembre 1996, puis à nouveau le 25 avril 1997.
2. Par. 66. Voir également Le Procureur c/ Tadic, Décision sur la requête de la défense relatif à l’appel sur la compétence, 2 octobre 1995, par. 142 et Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 15 juillet 1999, par. 249 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6). Le Statut du Tribunal International pour le Rwanda ne fait pas du conflit armé un élément de la définition du crime contre l’humanité (voir Le Procureur c. Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998, par. 563-584).
3. Par. 71.
4. Par. 76. Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 15 juillet 1999, par. 84 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6).
5. Ibidem, par. 137.
6. Quant à l’intervention directe de la Croatie, la Chambre a estimé que la présence de soldats ou d’unités de la HV en Bosnie-Herzégovine, et plus particulièrement dans la vallée de la Lasva, avait été "amplement" démontrée (par. 83-94).
7. L’article 4 1) de la quatrième Convention de Genève énonce que : "Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une Partie au conflit ou d’une Puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes" (non souligné dans l’original).
8. Par. 128 : "La désintégration de la Yougoslavie s’est produite sur des bases "ethniques". L’ethnicité est devenue plus importante que la nationalité pour déterminer les loyautés ou les engagements".
9. L’article 4 2) de la quatrième Convention de Genève prévoit que : "Les ressortissants d’un Etat qui n’est pas lié par la Convention ne sont pas protégés par elle. Les ressortissants d’un Etat neutre se trouvant sur le territoire d’un Etat belligérant et les ressortissants d’un Etat co-belligérant ne seront pas considérés comme des personnes protégées aussi longtemps que l’Etat dont ils sont ressortissants aura une représentation diplomatique normale auprès de l’Etat au pouvoir duquel ils se trouvent".
10. Voir par. 138.
11. Par. 139. L’AbiH représente les forces musulmanes de Bosnie en Bosnie-Herzégovine.
12. Voir également par. 142 : "En tout état de cause, il apparaît évident que, dans la ZOBC ne serait-ce que par le nombre de victimes qu’ils se sont mutuellement infligés, l’AbiH et le HVO ne se comportaient pas pas comme devraient le faire des Etats co-belligérants".
13. Par. 146 : "Si l’on garde à l’esprit l’objet et le but de la Convention, les Musulmans de Bosnie doivent être considérés comme des personnes protégées au sens de l’article 4 de la Convention car, en pratique, ils ne jouissaient d’aucune protection diplomatique".
14. En vertu de l’article 53 de la IVème Convention de Genève, la destruction extensive des biens par une Puissance occupante sans nécessité militaire est interdite. Selon le commentaire sur la IVème Convention de Genève, cette protection est limitée aux biens situés en territoires occupés : "Il y a lieu de relever, pour dissiper tout malentendu sur la portée de cet article, qu’il n’assure pas aux biens visés une protection générale, la Convention se bornant à organiser ici la protection en territoire occupé" (cité au par. 148).
15. Par. 149. Voir également Le Procureur c/ Rajic, Examen de l’Acte d’accusation dans le cadre de l’article 61 du règlement de procédure et de preuve, 13 septembre 1996, par. 42 et Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 579-588.
16. Par. 151-158. Pour un examen exhaustif des éléments constituant des infractions graves, voir Le Procureur c/ Delalic et autres ("Celibici"), Jugement, 16 novembre 1998.
17. Article 2 h), chef 17 de l’Acte d’accusation.
18. Par. 158 et Commentaire de la IVème Convention de Genève, p. 643.
19. Par. 158.
20. Par. 170. Voir également paragraphe 172 concernant l’application conventionnelle des Protocoles I et II à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine.
21. Les éléments de l’infraction sont examinés, chef d’accusation par chef d’accusation, aux paragraphes 180 à 187 du Jugement. Voir également Le Procureur c/ Delalic et autres ("Celebici"), Jugement, 16 novembre 1998, dans lequel figure un examen détaillé des infractions à l’article 3 du Statut (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
22. Par. 180.
23. Cette infraction apparaît à l’article 3 1) a ) commun aux Conventions de Genève et est donc couvert par l’article 3 du Statut.
24. Par. 182. Cette infraction doit être liée à celles de l’article 2 a) (homicide intentionnel), article 2 b) (traitements inhumains) et article 2 c) (fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique) du Statut.
25. Par. 182.
26. Par. 203.
27. Voir par. 204.
28. Voir Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 654 et Le Procureur c/ Nikolic, Examen de l’acte d’accusation dans le cadre de l’article 61 du règlement de procédure et de preuve, 20 octobre 1995, par. 26. Voir également l’article 7 2) a) du Statut de Rome, qui prévoit que les actes criminels doivent être commis "en application ou dans la poursuite de la politique d’un Etat ou d’une organisation […]" (non souligné dans l’original).
29. L’élément "massif" est une alternative à l’élément "systématique" des crimes contre l’humanité. Les deux éléments ne sont pas des conditions cumulatives. Les crimes contre l’humanité doivent par conséquent être massifs ou systématiques. Voir Le Procureur c/ Mrksic et autres ("Hôpital de Vukovar"), Examen de l’acte d’accusation dans le cadre de l’article 61 du règlement de procédure et de preuve, 8 mars 1996, par. 30, et Le Procureur c/ Tadic, Opinion et Jugement, 7 mai 1997, par. 646-647 et les autres affaires citées dans le paragraphe 207 du Jugement.
30. Voir le Rapport de la CDI dans les travaux de sa 48ème session, 6 mai-26 juillet 1996, pages 94-95 : "les actes inhumains [doivent] être commis sur une grande échelle, c’est-à-dire dirigés contre une multiplicité de victimes. Cela exclut un acte inhumain isolé dont l’auteur agirait de sa propre initiative et qui serait dirigé contre une victime unique" (non souligné dans l’original).
31. Voir note de bas de page 391 du Jugement.
32. Par. 207.
33. Par. 208.
34. Voir note de bas de page 401 du Jugement.
35. Le Procureur c/ Kupreskic et autres, Jugement, 14 janvier 2000, par. 549 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 11) : "Ainsi la présence dans une population de personnes activement impliquées dans le conflit ne devrait pas empêcher de la qualifier de civile et les personnes activement impliquées dans un mouvement de résistance peuvent recevoir le statut de victimes d’un crime contre l’humanité". Voir par. 212-213 du Jugement pour les références.
36. Par. 214.
37. Ibidem.
38. Voir par. 215-243.
39. Par. 216. Voir également Le Procureur c. Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998, par. 588. Sur les éléments du crime, voir par. 217.
40. La persécution peut donc prendre la forme de la confiscation ou de la destruction d’habitations ou d’entreprises privées, de bâtiments symboliques ou de moyens de subsistance appartenant à la population musulmane de Bosnie-Herzégovine pour le seul motif que ces biens appartiennent à ou représentent cette population (par. 227). Voir également par. 233. Enfin, pour une vue globale de la question de la persécution, voir Le Procureur c/ Kupreskic, Jugement, 14 janvier 2000 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 11).
41. Voir Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 656 : "l’auteur doit être conscient du contexte plus large dans lequel le crime […] est commis". Le Procureur c/ Tadic, Arrêt, 15 juillet 1999, par. 248 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6).
42. Par. 251.
43. Par. 253 et 257.
44. Par. 254.
45. Voir Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 656 et Le Procureur c/ Tadic, Arrêt, 15 juillet 1999, par. 248 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6).
46. Par. 254. Voir également par. 255 : il en résulte qu’a "connaissance" du plan dans lequel s’inscrivent les crimes "non seulement celui qui y adhère pleinement, mais aussi celui qui, par les fonctions politiques ou militaires qu’il a volontairement exercées et qui l’amènent à collaborer périodiquement avec les auteurs de ce plan, cette politique ou cette organisation et à participer à sa réalisation, a implicitement accepté le contexte dans lequel ses fonctions, sa collaboration et sa participation devaient en toute probabilité s’inscrire". Par. 257.
47. Voir par. 259 pour la liste exhaustive de ces faits.
48. Le Procureur / Delalic et autres ("Celebici"), Jugement, 16 novembre 1998, par. 319 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
49. Par. 265 et Mémoire en clôture du Procureur, 22 juillet 1999, Livre sept, Titre XI, par. 1.1.
50. Par. 278-288. Le tribunal a déjà eu l’occasion de définir les éléments juridiques qui, en droit international coutumier, se rapportent aux différentes formes de responsabilité pénale individuelle de l’article 7 1) du Statut. : voir Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997 ; Le Procureur c. Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998 ; Le Procureur c/ Delalic et autres ("Celebici"), Jugement, 16 novembre 1998 et Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998.
51. Voir cependant le paragraphe 278 pour les nuances entre ces trois formes de participation.
52. Voir également Le Procureur c. Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998.
53. Par. 282.
54. Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 686. Quant aux éléments juridiques constitutifs de la complicité par aide ou encouragement, la Chambre a souscrit aux conclusions de la Chambre de première instance saisie de l’affaire Furundzija : "L’actus reus consiste en une aide, un encouragement ou un soutien moral pratique ayant un effet important sur la perpétration du crime. La mens rea nécessaire est le fait de savoir que ces actes aident à la perpétration du crime". Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998, par. 249 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
55. Le Procureur c/ Aleksovski, Jugement, 25 juin 1999, par. 65 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6) et Le Procureur c. Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998, par. 693. De plus, la participation peut intervenir avant, pendant ou après la commission du crime et en être séparée géographiquement (voir ibidem, par. 62).
56. Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998, par. 233 et Le Procureur c/ Aleksovski, Jugement, 25 juin 1999, par. 61.
57. Voir l’article 30 1) du Statut de Rome.
58. Par. 286 et Le Procureur c/ Tadic, Jugement, 7 mai 1997, par. 674. Voir également Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998, par. 246 : "il n’est pas nécessaire que le complice connaisse le crime précis qui est projeté et qui est effectivement commis. S’il sait qu’un des crimes sera vraisemblablement commis et que l’un d’eux l’a été effectivement, il a eu l’intention de la faciliter et il est coupable de complicité".
59. Le Procureur c/ Delalic et autres ("Celebici"), Jugement, 16 novembre 1998, par. 370 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
60. Ibidem, par. 378.
61. Par. 301.
62. Par. 302 et Le Procureur c/ Aleksovski, Jugement, 25 juin 1999, par. 78.
63. Par. 332. Voir également par. 329, citant le Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (1987), par. 3560, page 1046 : la mission des commandants "leur impose d’être continuellement informés de la manière dont leurs subordonnés s’acquittent des tâches qui leur sont confiées et de prendre les mesures nécessaires à cette effet".
64. Par. 337-339.
65. Par. 765. La Chambre de première instance ajoute : "si elles [les circonstances personnelles] peuvent contribuer à mettre en lumière les raisons qui ont conduit l’accusé à commettre les actes incriminés, [elles] n’atténuent en aucun cas la gravité de l’infraction. Bien plus, ces circonstances peuvent aggraver la responsabilité d’un accusé selon la position que celui-ci occupait au moment des faits et l’autorité dont il disposait pour empêcher que des crimes soient commis".
66. Par. 768.
67. Par. 770.
68. Coopération avec le Procureur, remords, reddition volontaire, plaidoyer de culpabilité, âge, et plus généralement les possibilités d’amendement de l’accusé.
69. Par. 782. Voir Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998, par. 284 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
70. Le Procureur c/ Tadic, Jugement relatif à la sentence, 14 juillet 1997, pars. 11-55. La jurisprudence a surtout souligné l’ampleur des crimes, la répétition de ces actes et l’époque à laquelle les crimes ont été perpétrés. Le Procureur c/ Aleksovski, Jugement, 25 juin 1999, par. 235 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 6) et Le Procureur c/ Erdemovic, Arrêt, 7 octobre 1997, par. 85 et Le Procureur c/ Erdemovic, Jugement relatif à la sentence, 5 mars 1998, par. 15.
71. Par. 785 : "Le mobile du crime est susceptible de constituer une circonstance aggravante lorsqu’il est particulièrement caractérisé". Voir Le Procureur c/ Tadic, Jugement relatif à la sentence, 14 juillet 1997, par. 45.
72. Le Procureur c/ Tadic, Jugement relatif à la sentence, 17 juillet 1997, par. 56. La Chambre était particulièrement consciente du fait que des femmes et des enfants figuraient au nombre des victimes.
73. Par. 789 : "Ainsi, quand un supérieur hiérarchique a manqué à son obligation de prévenir le crime commis, ou d’en punir l’auteur, il devrait être puni d’une peine plus lourde que les subordonnés ayant commis le crime, dans la mesure où ce manquement traduit une certaine tolérance, voire un assentiment, du supérieur hiérarchique à la commission d’actes criminels par ses subordonnés, et contribue à encourager la commission de nouveaux crimes". Voir par exemple Le Procureur c/ Kupreskic et autres, Jugement, 14 janvier 2000, par. 862 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 11) et Le Procureur c/ Delalic et autres, Jugement, 16 novembre 1998, par. 1240-1243 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1). Voir également Le Procureur c/ Tadic, arrêt sur la condamnation, 26 janvier 2000, par. 55-57 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 11), dans lequel la Chambre d’appel a pris en compte son rang peu élevé dans la détermination de la peine, et a considéré qu’une sentence de plus de vingt ans serait excessive.
74. Par. 790 : "On entend par participation active et directe au crime le fait pour l’accusé d’avoir commis de ses mains propres tout ou partie des crimes qui lui sont reprochés". Voir Le Procureur c/ Furundzija, Jugement, 10 décembre 1998, pars 281-282 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
75. Par. 790. Voir également Le Procureur c/ Delalic et autres, Jugement, 16 novembre 1998, par. 1252 (résumé dans le Supplément judiciaire n° 1).
76. Par. 801. Voir cependant Le Procureur c/ Tadic, Jugement relatif à la sentence, 14 juillet 1997.
77. Par. 807 : "il n’est pas possible d’identifier quels faits seraient concernés par les différents chefs d’accusation".
78. Voir l’article 101 du Règlement de procédure et de preuve.