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Le Procureur c/ Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic - Affaire n° IT-96-23-T et IT-96-23/1-T |
"Jugement"
Cette
décision est disponible en anglais
dans le numéro 23 du Judicial Supplement.
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22 février 2001
Chambre
de première instance II (Juges Mumba [Président], Hunt et Pocar)
Article 7 3) du Statut - Article 3 commun - Article 5 du Statut - Attaque - Caractère généralisé ou systématique - Population civile - Définition - Élément intellectuel - Viol - Définition en droit international - Élément matériel - Élément moral - Article 96 du Règlement de procédure et de preuve - Torture - Droit coutumier international - Éléments constitutifs - Crime d'atteinte à la dignité des personnes - Élément matériel - Réduction en esclavage en tant que crime contre l'humanité - Définition en droit international coutumier - Conflit armé - Complicité - Circonstances atténuantes et aggravantes - Charge de la preuve
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Rappel de la procédure
L'Accusation a inculpé les trois coaccusés, tous d'origine serbe, de violations des lois ou coutumes de la guerre et de crimes contre l'humanité, pour les viols, tortures, actes de réduction en esclavage et atteintes à la dignité des personnes commis dans la région de Foca. Ces accusations ont été portées en vertu de l'article 7 1) du Statut1 et, s'agissant de Dragoljub Kunarac, de l'article 7 3) du Statut2. Concernant les accusations de torture portées en vertu de l'article 3 du Statut3, le Procureur a expressément inculpé les accusés d'atteintes à la dignité des personnes, de viol et de torture, en se fondant notamment sur l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949.
La Chambre de première instance a pris acte de ce que la ville de Foca, renommée «Srbinje»4 - littéralement «la ville des Serbes» - se trouve aujourd'hui sur le territoire de la Republika Sprska et ne compte presque plus de Musulmans5.
Après examen des éléments de preuve, la Chambre a abordé l'analyse du droit applicable.
LE DROIT APPLICABLE
La responsabilité pénale individuelle et la responsabilité du supérieur hiérarchique : articles 7 1) et 7 3) du Statut
Considérant que l'Accusation n'avait pas précisé sur quel fondement elle demandait que l'accusé soit déclaré coupable, la Chambre de première instance a formulé ses conclusions en se fondant sur les parties de l'article 7 1) du Statut qu'elle jugeait pertinentes6. Selon sa définition, un individu est réputé avoir commis un crime lorsqu'il a «perpétré matériellement l'acte criminel en question, ou s'est rendu coupable d'une omission en violation d'une règle de droit pénal»7. Concernant la responsabilité du supérieur hiérarchique au sens de l'article 7 3) du Statut, la Chambre est parvenue à des conclusions juridiques semblables à celles formulées ultérieurement par la Chambre de première instance III aux termes du Jugement dans l'affaire Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez8. Elle a également déclaré que pouvaient être responsables, en tant que supérieurs hiérarchiques, «un colonel à la tête d'une brigade, un caporal dirigeant un peloton, ou même un simple soldat ayant sous ses ordres un petit groupe d'hommes».9 La Chambre a souligné que «tant les personnes placées en permanence sous les ordres d'un individu que celles qui ne le sont que pendant une période limitée ou une opération ponctuelle sont de fait sous l'autorité dudit individu. Le caractère temporaire d'une unité militaire ne suffit pas en soi à exclure un lien de subordination entre les membres de cette unité et son commandant»10.
Les éléments communs des crimes sanctionnés par l'article 3 du Statut
L'article 3 commun aux Conventions de Genève ayant acquis le statut de norme du droit international coutumier, la Chambre de première instance a jugé qu'il était «suffisant de s'attacher aux conditions générales de sa mise en œuvre», et qu'il n'était «pas nécessaire d'examiner d'éventuelles conditions supplémentaires pour les accusations de viol fondées sur le droit conventionnel, l'article 3 commun étant suffisant, en principe, pour fonder ces accusations portées sur la base de l'article 3 du Statut»11. Elle a considéré que «les conditions générales d'application de l'article 3 commun et de mise en œuvre des accusations spécifiques portées en vertu de cet article sont les suivantes :
«i) La violation doit constituer une infraction à une règle du droit international humanitaire.
ii) La règle doit être de caractère coutumier ou, si elle relève du droit conventionnel, les conditions requises doivent être remplies.
iii) La violation doit être grave, c'est-à-dire qu'elle doit constituer une infraction aux règles protégeant des valeurs importantes, et cette infraction doit emporter des conséquences sérieuses pour la victime.
iv) La violation de la règle doit entraîner, en droit international coutumier ou conventionnel, la responsabilité pénale individuelle de son auteur.
v) Il doit exister un lien étroit entre la violation et le conflit armé.
vi) La violation doit être commise contre des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités»12.
La Chambre de première instance a estimé que l'article 3 commun pourrait également exiger l'existence d'un lien entre l'auteur et l'une des parties au conflit. En l'espèce, elle a toutefois jugé qu'elle n'était pas «tenue de préciser si un tel lien est nécessaire et, si oui, de quelle nature il devrait être»13 , les trois accusés ayant combattu pour le compte de l'une des parties belligérantes14.
Les éléments communs des crimes tombant sous le coup de l'article 5 du Statut
La Chambre de première instance a considéré que les cinq éléments suivants constituent ce que l'on définit communément comme «une attaque dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit» :
i) une attaque a été commise,
ii) les actes de l'auteur s'inscrivaient dans le cadre de cette attaque,
iii) l'attaque était «dirigée contre une population civile»,
iv) elle était «généralisée ou systématique»,
v) l'auteur était informé du contexte général dans lequel s'inscrivaient ses actes et était conscient qu'ils constituaient une participation à cette attaque15.
La Chambre a analysé les éléments communs des crimes contre l'humanité visés par l'article 5 du Statut16. Elle a considéré que dans le cas d'un crime contre l'humanité, le terme «attaque» a une signification légèrement différente de celle qu'il revêt dans les lois de la guerre17. En matière de crimes contre l'humanité, l'«attaque» ne se limite pas à la conduite des hostilités, mais peut comprendre des situations où des mauvais traitements sont infligés à des personnes ne participant pas directement aux hostilités, par exemple des personnes détenues. Les deux acceptions de ce terme procèdent toutefois de la même idée, à savoir que la guerre devrait mettre aux prises des forces ou groupes armés, et qu'on ne saurait légitimement prendre pour cible la population civile18.
La Chambre de première instance a estimé qu'il doit exister, entre les actes de l'accusé et l'attaque, un lien consistant en :
« i) la commission d'un acte qui, par sa nature ou par ses conséquences, fait objectivement partie de l'attaque,
ii) l'accusé ayant connaissance de l'attaque menée contre la population civile et du fait que son acte s'inscrit dans le cadre de cette attaque»19.
La Chambre a ajouté qu'il «suffi[t] de démontrer que l'acte criminel a été commis alors que se multipliaient les actes de violence qui, pris individuellement, peuvent être de nature et de gravité très variables»20. Selon elle, l'expression «dirigée contre» comme indiquant «que dans le cas d'un crime contre l'humanité, la population civile doit être la cible principale de l'attaque»21, alors que le terme «'population civile' comprend […] toutes les personnes civiles par opposition aux membres des forces armées et aux autres combattants légitimes»22. Elle a en outre considéré que «c'est au scénario des crimes - c'est-à-dire à la répétition délibérée et régulière de comportements criminels similaires - que l'on reconnaît leur caractère systématique»23.
La Chambre a ensuite déclaré que «le caractère généralisé ou systématique de l'attaque est par essence une notion relative»24 et que «la Chambre de première instance doit tout d'abord identifier la population visée par l'attaque et déterminer ensuite, à la lumière des moyens, des méthodes, des ressources mis en œuvre et des conséquences pour la population, si l'attaque était effectivement généralisée ou systématique»25. Elle a ajouté que «seule l'attaque, non les actes individuels de l'accusé, doit être 'généralisée ou systématique'»26. La Chambre a examiné l'élément moral et estimé que l'auteur doit savoir qu'il existe une attaque, mais qu'il «n'est toutefois pas nécessaire qu'il soit informé des détails»27 de celle-ci. Elle a également examiné la charge de la preuve et conclu que «l'Accusation n'est pas tenue de prouver que l'accusé a choisi ses victimes en raison de leur statut de civils»28, mais que «l'auteur du crime doit, au minimum, avoir su que sa victime était un civil ou en avoir envisagé la possibilité»29. Enfin, la Chambre a insisté sur le fait «qu'en cas de doute, toute personne doit être considérée comme un civil [et que] l'Accusation doit démontrer que l'auteur ne pouvait raisonnablement croire que la victime était un membre des forces armées»30.
Viol
La Chambre a jugé que la définition du viol que la Chambre de première instance II a donnée le 10 décembre 1998, dans l'affaire Le Procureur c/ Anto Furundzija31, était «adaptée aux circonstances de l'espèce»32, estimant toutefois que cette définition est plus stricte que ne l'exige le droit international sur un point, dans la mesure où elle spécifie que l'acte de pénétration sexuelle ne constitue un viol «que s'il s'accompagne de l'emploi de la force, de la menace de son emploi ou de la contrainte sur la personne de la victime ou d'un tiers»33. La Chambre de première instance a relevé que la définition Furundzija «passe sous silence d'autres facteurs qui feraient de la pénétration sexuelle un acte non consensuel ou non voulu par la victime»34. Or, selon elle, c'est justement l'absence de consentement ou de libre arbitre qui constitue «le sens précis qu'il faut donner en droit international à cet élément de la définition»35.
La Chambre a estimé qu'en droit international, l'élément matériel (actus reus) du crime de viol est constitué par «la pénétration sexuelle, fût-elle légère : a) du vagin ou de l'anus de la victime par le pénis ou tout autre objet utilisé par le violeur ; ou b) de la bouche de la victime par le pénis du violeur ; dès lors que cette pénétration sexuelle a lieu sans le consentement de la victime. Le consentement à cet effet doit être donné volontairement et doit résulter de l'exercice du libre arbitre de la victime, évalué au vu des circonstances»36. Elle a également défini l'élément moral (mens rea), comme l'intention de procéder à cette pénétration sexuelle tout en sachant qu'elle se produit sans le consentement de la victime37.
La Chambre a estimé que «l'allusion faite à l'article 96 du Règlement38 au consentement comme 'moyen de défense' donne une idée de la conception que les juges à l'origine de ce texte avaient des éléments qui invalidaient tout consentement apparent»39.
Torture
La Chambre de première instance a souligné que pour définir une infraction dans le cadre du droit international humanitaire, il fallait «tenir compte de la spécificité de cette branche», et que lorsqu'une Chambre se reporte à des définitions données dans le domaine des droits de l'homme, elle doit notamment «prendre en considération les deux différences structurelles cruciales qui existent entre les deux spécialités»40 :
Tout d'abord, la Chambre a conclu que le rôle et la place de l'Etat sont entièrement différents dans chacune de ces branches : les droits de l'homme sont essentiellement nés des abus de l'Etat envers ses citoyens et de la nécessité de protéger ces derniers de la violence organisée ou soutenue par les pouvoirs publics, alors que le droit humanitaire «vise à imposer des restrictions dans la conduite de la guerre, de manière à en diminuer les effets sur les victimes»41.
La Chambre a indiqué que dans le domaine de droits de l'homme, l'Etat est le garant ultime des droits protégés, et qu'il est de son devoir et de sa responsabilité de les faire observer. S'il bafoue ces droits ou manque à ses responsabilités de garant, on peut lui en demander compte et exiger qu'il prenne les mesures voulues pour mettre un terme aux violations.
En droit international humanitaire en revanche, et notamment dans le cadre de poursuites internationales, l'Etat joue un rôle marginal en matière de responsabilité. La responsabilité pénale individuelle ne dépend pas ici de la participation de l'Etat et, réciproquement, la participation de celui-ci à la perpétration du crime n'en excuse pas pour autant l'auteur. De plus, le droit international humanitaire prétend s'appliquer également à toutes les parties au conflit armé et les lier toutes expressément, alors que les règles des droits de l'homme s'appliquent généralement à une seule partie, à savoir l'Etat concerné et ses agents.
La Chambre a ensuite rappelé que «le Tribunal applique le droit international pénal»42, qui oppose deux parties entre elles, à savoir le Procureur et l'accusé, alors qu'en droit international des droits de l'homme, c'est l'Etat qui est le défendeur. Structurellement, cette distinction se manifeste par le fait que les instruments relatifs aux droits de l'homme énoncent une série de droits protégés, tandis que le droit international pénal établit des listes d'infractions.
De l'avis de la Chambre de première instance, «les notions élaborées dans le domaine des droits de l'homme ne peuvent être transposées en droit international humanitaire que s'il est tenu compte des traits spécifiques de cette branche»43.
La Chambre s'est démarquée des conclusions propres aux jugements prononcés respectivement par la Chambre de première instance II quater, le 16 novembre 1998, et par la Chambre de première instance II, le 10 décembre 1998, dans les affaires Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts (le «Jugement Celebici»44) et Le Procureur c/ Anto Furundzija (le «Jugement Furundzija»45). Dans ces affaires, les juges avaient estimé que la définition de la torture contenue dans la «Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» de 1984 (la «Convention sur la Torture») «traduit un consensus […] représentatif du droit international coutumier»46.
En l'espèce, la Chambre de première instance II a en revanche observé «que l'article premier de la Convention sur la torture insiste sur le fait que sa définition de la torture est de portée limitée et qu'elle est uniquement donnée 'aux fins de la présente Convention'»47.
Selon la Chambre, «la définition de la torture donnée dans la Convention sur la torture ne peut être retenue en droit international coutumier, lequel est contraignant quel que soit le contexte. La définition figurant dans la Convention sur la torture était censée s'appliquer au niveau interétatique et, pour cette raison, visait les obligations des Etats. Elle devait également ne s'appliquer que dans le cadre de la Convention, et seulement dans la mesure où d'autres instruments internationaux ou lois internes n'accordaient pas une protection plus étendue ou meilleure aux personnes»48. Par conséquent, la Chambre a estimé «que la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention sur la torture peut uniquement […] servir de fil conducteur»49.
Après un examen de la jurisprudence pertinente, la Chambre de première instance a conclu «que la définition de la torture en droit international humanitaire ne comporte pas les mêmes éléments que celle généralement appliquée dans le domaine des droits de l'homme»50. Elle a notamment estimé «que la présence d'un agent de l'Etat ou de toute autre personne investie d'une autorité n'est pas requise pour que la torture soit constituée en droit international humanitaire»51.
La Chambre a conclu qu'en droit international humanitaire coutumier, les éléments constitutifs du crime de torture sont les suivants :
i) le fait d'infliger, par des actes ou des omissions, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales ;
ii) les actes ou omissions doivent être délibérés ;
iii) les actes ou omissions doivent avoir pour but d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou de punir, d'intimider ou de contraindre la victime ou un tiers, ou d'opérer une discrimination pour quelque motif que ce soit52.
Atteintes à la dignité des personnes
La Chambre de première instance s'est également démarquée de la définition des atteintes à la dignité des personnes donnée par la Chambre de première instance I dans son jugement rendu le 25 juin 1999 dans l'affaire Le Procureur c/ Zlatko Aleksovski53. S'agissant de l'élément matériel (actus reus) de l'infraction, la Chambre de première instance I avait déclaré que l'acte devait infliger «une souffrance réelle et durable découlant de l'humiliation ou du ridicule»54. En l'espèce, la Chambre de première instance II a estimé qu'elle ne voyait aucune raison d'exiger que l'acte soit également «durable», dès lors qu'il est gravement et réellement humiliant ou dégradant. Elle a jugé impossible de considérer «que cet acte ne constitue pas une atteinte à la dignité de la personne dès lors que la victime s'est remise de ses effets ou est en train de les surmonter»55. La Chambre a ajouté que s'il pouvait sembler difficile d'admettre que l'humiliation et la souffrance sont réelles et graves si elles sont fugaces, cela ne signifiait pas pour autant que la durée des effets d'une atteinte à la dignité des personnes soit un élément constitutif de cette infraction56.
La Chambre a souligné la nécessité d'évaluer objectivement l'acte en cause57.
A ses yeux, «le crime d'atteintes à la dignité des personnes requiert donc :
i) que l'accusé soit l'auteur ou le complice d'un acte ou d'une omission généralement perçu comme gravement humiliant, dégradant ou comme autrement gravement attentatoire à la dignité humaine, et
ii) qu'il ait su que l'acte ou omission pourrait avoir pareil effet»58.
Réduction en esclavage
La Chambre de première instance, notant que le Statut ne définit pas la «réduction en esclavage»59, a estimé nécessaire de déterminer les éléments constitutifs de ce crime contre l'humanité, et «en particulier ce qu'en disait le droit international coutumier, à l'époque visée par l'acte d'accusation»60. Elle s'est reportée aux «diverses sources, notamment au droit international humanitaire et à la branche du droit concernant les droits de l'homme, qui traitent du sujet ou de questions similaires»61. Cette analyse l'a conduite à conclure que la réduction en esclavage «consist[e] […] à exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des attributs du droit de propriété»62, et à poser que l'exercice sur une personne de l'un quelconque ou de l'ensemble des attributs du droit de propriété constitue l'élément matériel (actus reus) de l'infraction, «tandis que l'élément moral (mens rea) réside dans l'intention d'exercer ces attributs»63.
La Chambre a ajouté que «sont révélateurs d'une réduction en esclavage les éléments de contrôle et de propriété, la limitation et le contrôle de l'autonomie, de la liberté de choix ou de circulation et, souvent, les bénéfices retirés par l'auteur de l'infraction. Le consentement ou le libre arbitre de la victime fait défaut. Les menaces, le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par exemple, le rendent souvent impossible ou sans objet, tout comme la peur de la violence, le dol ou les promesses fallacieuses, l'abus de pouvoir, la vulnérabilité de la victime, la détention ou la captivité, les pressions psychologiques ou les conditions socio-économiques. Sont également symptomatiques l'exploitation, le travail ou service forcé ou obligatoire, exigé souvent sans rémunération et qui constitue souvent aussi, mais pas nécessairement, une épreuve physique, l'utilisation sexuelle, la prostitution et la traite des êtres humains. S'agissant de travail ou service forcé ou obligatoire, il ressort clairement du droit international et, notamment, de plusieurs articles de la IVe Convention de Genève et des Protocoles additionnels, que dans les conflits armés, tout travail ou service effectué par des personnes protégées, y compris les civils, n'est pas frappé d'interdit - mais soumis à des conditions très strictes. […] Un autre élément à prendre en compte pour déterminer s'il y a eu réduction en esclavage est la durée pendant laquelle se seraient exercés les attributs du droit de propriété, mais l'importance qu'on lui attribuera dans un cas donné dépendra des autres signes révélateurs de la réduction en esclavage. Eu égard aux circonstances de l'espèce, la détention ou la séquestration d'une personne ne suffit habituellement pas à constituer une réduction en esclavage»64.
La Chambre de première instance a conclu que les éléments suivants «doivent être pris en compte pour déterminer s'il y a eu réduction en esclavage, à savoir le contrôle des mouvements d'un individu, le contrôle de l'environnement physique, le contrôle psychologique, les mesures prises pour empêcher ou décourager toute tentative de fuite, le recours à la force, les menaces de recourir à la force ou la contrainte, la durée, la revendication de droits exclusifs, les traitements cruels et les sévices, le contrôle de la sexualité et le travail forcé»65. Elle a jugé que le fait de pouvoir acheter, vendre, échanger ou acquérir par voie de succession une personne, son travail ou ses services peut constituer un élément à prendre en considération66.
Cumul des déclarations de culpabilité
S'agissant du cumul de déclarations de culpabilité, la Chambre de première instance a repris l'approche de la majorité de la Chambre d'appel dans l'arrêt rendu le 20 février 2001 dans l'affaire Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts67.68
En l'espèce, les juges ont en effet rappelé qu'«après avoir apprécié l'ensemble des éléments de preuve et avant de décider de quel chef d'accusation déclarer éventuellement l'accusé coupable, la Chambre de première instance doit en premier lieu déterminer si ce dernier doit répondre de plusieurs infractions sanctionnées par le Statut à raison d'un même comportement. En second lieu, si les éléments de preuve permettent d'établir l'existence de deux infractions à raison d'un même comportement, la Chambre doit déterminer si chacune des dispositions du Statut en cause comporte un élément nettement distinct qui fait défaut à l'autre. Il lui faut donc comparer les éléments des dispositions concernées - sachant que les faits de l'espèce ne jouent aucun rôle dans cette décision. En troisième lieu, si aucune des dispositions en question ne comporte un élément nettement distinct, la Chambre choisira la disposition la plus spécifique»69.
S'appuyant sur les articles 270 et 3 du Statut, la Chambre d'appel avait conclu que le cumul des déclarations de culpabilité n'était autorisé que dans certaines circonstances. Dans la présente espèce, qui touche aux articles 3 et 5 du Statut71, la Chambre de première instance a appliqué la même approche.
Les juges ont débattu de la question de savoir si un accusé pouvait, à raison d'un même comportement, être déclaré coupable d'une infraction aux termes de l'article 3 du Statut et d'une autre aux termes de l'article 5 du Statut, et si on pouvait le déclarer coupable de viol et de torture aux termes du même texte et à raison des mêmes faits. Ils ont examiné ces deux questions tour à tour.
La Chambre a estimé que «chacun de ces articles a au moins un élément nettement distinct qui n'apparaît pas dans les autres. L'article 3 du Statut a ainsi un élément qui ne figure pas dans l'article 5 du Statut, à savoir l'exigence d'un lien étroit entre les actes d'un accusé et le conflit armé. L'article 5 du Statut se distingue de l'article 3 du Statut par l'exigence d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile»72. La Chambre en a conclu que quels que soient les crimes reprochés à un accusé en vertu des articles 3 et 5 du Statut, il peut être déclaré coupable sur le fondement de ces deux textes, à raison d'un même comportement73.
La Chambre de première instance a comparé les éléments constitutifs du viol et de la torture au sens des articles 3 ou 5 du Statut et conclu que «ce qui distingue nettement le viol de la torture, c'est la pénétration sexuelle» et que «[l]'élément nettement distinct de la torture par rapport au viol réside dans le fait d'infliger une douleur ou des souffrances aiguës dans le but d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou de punir, d'intimider ou de contraindre la victime ou un tiers, ou encore tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit»74.
CONCLUSIONS
L'existence d'un conflit armé
La Chambre de première instance a estimé que l'existence d'un conflit armé dans la région de Foca, d'avril 1992 à février 1993 au moins, avait été établie au-delà de tout doute raisonnable75. Elle s'est également déclarée convaincue que les crimes sous-jacents à l'acte d'accusation avaient un lien étroit avec le conflit armé. La Chambre a ajouté que «le critère du lien avec le conflit armé que postule l'article 3 du Statut n'implique pas que les crimes soient directement commis durant les combats ou sur le théâtre des opérations. Le droit humanitaire continue de s'appliquer sur l'ensemble du territoire contrôlé par l'un des belligérants, que les combats se poursuivent ou non sur les lieux des faits en question. Il suffit, par conséquent, que les crimes aient eu un lien étroit avec les hostilités qui se produisent dans d'autres endroits des territoires placés sous le contrôle des parties au conflit. La condition posée quant à l'existence d'un lien étroit avec le conflit armé est remplie si, comme c'est le cas en l'espèce, les crimes sont commis à la suite des combats, et jusqu'à leur cessation dans une région donnée et s'ils le sont à la faveur de la situation créée par les combats ou pour préserver celle-ci. Les crimes reprochés dans les deux Actes d'accusation satisfont entièrement à ces conditions […]»76.
La Chambre de première instance a noté qu'en tant que soldats, les trois accusés avaient «directement participé à l'exécution de tâches militaires, puisqu'ils combattaient pour l'un des belligérants, la partie serbe, et qu'ils savaient donc qu'un conflit armé était en cours. Les éléments de preuve produits montrent également qu'aucune de leurs victimes n'a directement pris part aux hostilités»77.
L'attaque contre la population civile
La Chambre de première instance s'est déclarée convaincue au-delà du doute raisonnable que, durant la période couverte par les deux actes d'accusation, l'armée serbe de Bosnie et des groupes paramilitaires ont bien lancé une attaque systématique contre la population civile musulmane de la région. Ont ainsi été attaquées les municipalités de Foca, Gacko et Kalinovik78.
La Chambre a également considéré comme établi au-delà de tout doute raisonnable que les trois accusés étaient informés de l'attaque contre la population civile musulmane, et qu'ils savaient que leurs actes criminels s'inscrivaient dans le cadre de cette attaque ou participaient de celle-ci79.
Elle a ensuite analysé la responsabilité pénale individuelle de chaque accusé.
1) La Chambre a rappelé que Dragoljub Kunarac était, selon ses propres termes, «chargé de recueillir des renseignements sur l'ennemi. Ce soldat bien informé avait accès aux plus hauts échelons du commandement militaire dans la zone. Etant donné son rôle et sa situation, il savait de toute évidence que les autorités avaient l'intention de venir à bout des Musulmans par tous les moyens, y compris criminels»80. L'accusé s'est porté volontaire et a endossé d'importantes responsabilités dans l'exécution de ce plan, prenant part à de nombreuses opérations militaires dans la région de Foca. Il savait donc de quelle manière ces villages ont été attaqués et comment leurs habitants musulmans ont été traités81.
La Chambre a également conclu que Dragoljub Kunarac savait que les femmes musulmanes étaient particulièrement visées, puisqu'il en a fourni plusieurs à ses hommes et a personnellement violé certaines d'entre elles. Lors d'un de ces viols, il a «exprimé aussi bien en actes qu'en paroles, l'idée que ces violences faites aux femmes musulmanes étaient pour les Serbes un moyen, parmi d'autres, d'affirmer leur supériorité et leur victoire sur les Musulmans»82. En violant FWS-183, Dragoljub Kunarac lui a dit qu'elle devrait apprécier d'être «baisée par un Serbe». Après qu'un autre soldat et lui-même l'eurent violée, il s'est moqué d'elle, ajoutant qu'elle aurait un bébé serbe dont elle ne connaîtrait jamais l'identité du père. Par ailleurs, il est allé chercher de nombreuses jeunes filles musulmanes dans divers centres de détention et en séquestré certaines pendant des durées plus ou moins longues afin qu'elles soient violées par lui ou par ses soldats83.
La Chambre de première instance a également noté que la cohérence des faits et la prévisibilité du sort réservé aux femmes étaient particulièrement évidents dans le cas de l'accusé Dragoljub Kunarac et de son groupe de soldats. Les jeunes filles et les femmes qui étaient choisies par Dragoljub Kunarac et par ses hommes étaient systématiquement emmenées au lieu de cantonnement des soldats, une maison sise au n°16, Ulica Osmana Dikica. Là, les jeunes filles et les femmes, dont Dragoljub Kunarac savait qu'elles étaient des civiles, ont été violées par lui ou par ses hommes84.
La Chambre a conclu que par ces actes, l'accusé avait non seulement montré qu'il avait connaissance de l'attaque et savait que ses crimes s'inscrivaient dans le cadre de celle-ci ou en faisaient partie, mais également qu'il avait manifestement l'intention qu'il en soit ainsi85.
2) La Chambre de première instance a estimé que Radomir Kovac était, lui aussi, pleinement informé de l'attaque dirigée contre les villageois musulmans et savait que ses actions en faisaient partie86. Elle a noté que deux des femmes qui furent plus tard séquestrées dans l'appartement de Radomir Kovac, FWS-87 et FWS-75, avaient été capturées au village le jour même. Radomir Kovac «savait, il l'a reconnu, que les quatre femmes étaient des civiles»87.
La Chambre a conclu que l'accusé Radomir Kovac a maltraité quatre jeunes filles, FWS-75, FWS-87, A.B. et A.S., qu'il retenait dans son appartement, et «violé trois d'entre elles à de nombreuses reprises», agissant ainsi «dans le prolongement de l'attaque lancée contre la population civile musulmane»88. Radomir Kovac invitait également des amis chez lui, et leur permettait parfois de violer l'une des jeunes filles89. La Chambre a en outre retenu que Radomir Kovac avait donné deux d'entre elles, FWS-75 et A.B., à d'autres soldats serbes qui les ont maltraitées pendant plus de trois semaines avant de les ramener à Radomir Kovac, qui en a vendu une et a donné l'autre à l'une de ses connaissances90. Enfin, la Chambre a conclu que Radomir Kovac avait «vendu trois d'entre elles, A.S., A.B. et FWS-87»91.
Elle a également souligné que «Radomir Kovac avait connaissance de l'attaque dirigée contre la population civile musulmane. Il en a prolongé les effets en exacerbant le calvaire vécu par ces jeunes filles en les vendant ou en les donnant à des hommes dont il savait qu'ils les violeraient et les maltraiteraient»92.
3) La Chambre de première instance a jugé que Zoran Vukovic avait lui aussi connaissance de l'attaque et y a délibérément participé93. Elle est parvenue à la conclusion que «Zoran Vukovic a également, dans le prolongement de l'attaque, violé personnellement au moins deux jeunes filles musulmanes, FWS-75 et FWS-50»94. Tandis qu'il violait FWS-50, une jeune fille dont il savait qu'elle avait le même âge que sa propre fille, «Zoran Vukovic se vantait en disant qu'il aurait pu la faire souffrir davantage et qu'elle devrait être heureuse de cette coïncidence»95.
La Chambre s'est déclarée «convaincue que les crimes commis par les trois accusés faisaient partie de l'attaque dirigée contre la population civile musulmane, et que tous trois étaient animés de l'intention criminelle requise dans le cadre de l'article 5 du Statut»96. Elle a estimé prouvé que «les trois accusés avaient connaissance de l'attaque et qu'en commettant les crimes mis à leur charge, ils mettaient directement à profit la situation»97, ajoutant que, «à en juger par la conduite dont il leur a été fait grief et qui a été établie devant la Chambre de première instance»98, ils savaient qu'il y avait une attaque dirigée contre la population civile musulmane, et «ont choisi d'y participer activement»99. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic ont maltraité des jeunes filles et des femmes musulmanes, et uniquement des Musulmanes, justement parce qu'elles étaient musulmanes. Ils ont donc «pleinement approuvé l'attaque lancée par les Serbes pour des motifs ethniques contre la population civile musulmane»100 et démontré que «toutes leurs actions faisaient manifestement partie de cette attaque et avaient pour effet de la perpétuer»101.
Kunarac occupait un poste de commandement
La Chambre de première instance s'est estimée convaincue que les quatre ou cinq soldats qui composaient une unité - choisis parmi le groupe de 15 hommes dirigé par Dragoljub Kunarac - «réintégr[aient] leurs brigades ou détachements respectifs une fois accomplie la mission pour laquelle ils avaient été affectés à l'accusé [et que] [l]orsque les missions se prolongeaient durant la nuit, il se peut que les soldats aient été sous le contrôle effectif de l'accusé»102.
Elle a toutefois estimé que le Procureur n'était pas parvenu «à démontrer que les soldats auteurs des infractions retenues dans l'acte d'accusation se trouvaient sous le contrôle effectif de Kunarac au moment où ils ont commis ces crimes»103, et n'a donc pas jugé établi que Dragoljub Kunarac était «responsable en tant que supérieur hiérarchique aux termes de l'article 7 3) du Statut»104.
Dragoljub Kunarac
La Chambre de première instance a conclu que les allégations selon lesquelles Dragoljub Kunarac aurait, à deux reprises au moins entre le 13 juillet et le 1er août 1992, conduit le témoin FWS-87 à la maison du no16, Ulica Osmana Dikica, où d'autres soldats l'auraient violée, n'avaient pas été prouvées au-delà de tout doute raisonnable.
Vu les éléments de preuve dont elle disposait, la Chambre de première instance a conclu que le 16 juillet 1992 ou vers cette date, Dragoljub Kunarac a violé D.B. et qu'il a conduit cette dernière et le témoin FWS-75 au n°16, Ulica Osmana Dikica - le témoin FWS-75 y ayant été emmenée au moins deux fois - afin qu'elles y soient violées par plusieurs soldats. Elle a donc conclu que l'accusé s'était rendu coupable de torture et de viol en tant qu'auteur principal, et qu'il avait «aidé et encouragé les autres soldats dans leur rôle d'auteurs principaux»105.
La Chambre a également conclu que les allégations formulées au paragraphe 5.4 de l'acte d'accusation IT-96-23 avaient été prouvées au-delà de tout doute raisonnable : le 2 août 1992, Dragoljub Kunarac a emmené quatre jeunes filles, FWS-87, FWS-75, FWS-50 et D.B., au n°16, Ulica Osmana Dikica, où plusieurs soldats ont violé FWS-75 et FWS-50, tandis que Dragoljub Kunarac et trois autres soldats ont violé FWS-87. En revanche, les juges ont considéré que les allégations du paragraphe 5.5 de l'acte d'accusation IT-96-23 n'avaient été prouvées que partiellement.
La Chambre a estimé qu'il était prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Dragoljub Kunarac a violé FWS-95 une fois, mais il n'a pas été établi que d'autres hommes l'aient violée lors du second incident mentionné dans l'acte d'accusation106. La Chambre a estimé que dans la mesure où les jeunes filles ont été violées et torturées par d'autres hommes, Dragoljub Kunarac a aidé et encouragé ces derniers «en leur amenant les jeunes filles alors qu'il savait qu'ils les violeraient, et en les encourageant à le faire»107.
La Chambre de première instance a donc jugé l'accusé Dragoljub Kunarac coupable de torture sous les chefs 1 et 3 et coupable de viol sous les chefs 2 et 4108.
Sur la foi des éléments de preuve qui lui ont été présentés, la Chambre de première instance a jugé Dragoljub Kunarac non coupable des chefs 5, 6, 7 et 8109, mais l'a déclaré coupable des chefs 9 et 10110.
La Chambre a relevé qu'en tentant d'intimider FWS-183, Dragoljub Kunarac avait révélé sa haine des Musulmans, sa volonté d'intimider sa victime, «et son intention de pénaliser les Musulmans en général, et FWS-183 en particulier»111. Elle a estimé que Dragoljub Kunarac était l'un des trois coauteurs principaux112, et l'a reconnu coupable de torture sous le chef 11 et de viol sous le chef 12113.
La Chambre a également jugé que les témoins FWS-191 et FWS-186 avaient été traitées comme des biens personnels de Dragoljub Kunarac114 et que «les jeunes filles se pliaient à toutes les exigences des soldats pendant leur détention à Trnovace»115. La Chambre a conclu que les jeunes filles étaient retenues dans la maison et «utilisées à des fins sexuelles par Dragoljub Kunarac et DP 6 chaque fois que les soldats [y] revenaient»116.
Elle s'est par ailleurs estimée convaincue qu'à compter du 2 août 1992, FWS-191 et FWS-186 ont, pendant leur détention dans la maison de Trnovace, constamment été violées, respectivement par Dragoljub Kunarac et par le soldat désigné du pseudonyme DP 6. Dragoljub Kunarac s'était arrogé des droits exclusifs sur FWS-191 et interdisait à tout autre soldat de la violer. Selon la Chambre, il a été prouvé que Dragoljub Kunarac savait que DP 6 violait constamment FWS-186 pendant cette période, tandis que lui agissait de même avec FWS-191.
En revanche, il n'a pas été établi que, lors de ces faits, Dragoljub Kunarac ait prêté son assistance à DP 6, qu'il lui ait prodigué des encouragements ou apporté un soutien moral ayant eu un effet important sur la perpétration de chacun de ces viols. Dragoljub Kunarac a continué à se rendre dans la maison pendant environ deux mois, mais il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'il ait été présent pendant que DP 6 violait FWS-186. Il n'a pas non plus été démontré «en quoi la présence ou les actes de Kunarac auraient aidé DP 6 à violer FWS-186»117.
La Chambre de première instance a jugé que le lien entre les événements survenus dans la maison et la présence intermittente de Dragoljub Kunarac était si ténu que sa prise en compte élargirait inconsidérément la notion de complicité, en ce qui concerne les viols commis par DP 6.
La Chambre de première instance s'est déclarée convaincue que «pendant leur séjour dans la maison, FWS-191 et FWS-186 ont été asservies par Dragoljub Kunarac et DP 6»118. Elle a ajouté que «les deux femmes étaient traitées comme des biens personnels de Kunarac et de DP 6»119, et que «Dragoljub Kunarac a créé ces conditions de vie pour les victimes, de concert avec DP 6»120. La Chambre a jugé que «les deux hommes se sont personnellement rendus coupables d'une réduction en esclavage»121. Elle a conclu que Dragoljub «Kunarac a également aidé et encouragé DP 6 à réduire en esclavage FWS-186»122, en contribuant à créer de telles conditions de vie dans la maison.
La Chambre de première instance a par conséquent conclu que l'accusé Dragoljub Kunarac était coupable de viol sous les chefs 19 et 20, de réduction en esclavage sous le chef 18, et non coupable des atteintes à la dignité des personnes reprochées sous le chef 21123.
Radomir Kovac
Le 31 octobre 1992 ou vers cette date, quatre jeunes filles, FWS-87, FWS-75, A.B. et A.S., ont été emmenées à l'appartement de Radomir Kovac dans l'immeuble Lepa Brena, à Foca. FWS-75 et A.B. y sont restées pendant environ une semaine au cours de laquelle l'accusé les a traitées comme des biens personnels et leur a fréquemment infligé des violences sexuelles.
Les jeunes filles devaient effectuer des tâches ménagères. Les conditions sanitaires étaient désastreuses pour toutes, et elles avaient souvent faim parce que Radomir Kovac ne leur donnait pas une alimentation suffisante.
Pendant leur séjour dans cet appartement, FWS-75 et A.B. ont été violées par l'accusé et par d'autres soldats. Au bout d'une semaine environ, Radomir Kovac a remis les deux jeunes filles à d'autres soldats serbes qui les ont violées à leur tour. L'accusé s'est rendu dans la maison, où elles ont été séquestrées pendant environ deux semaines, et a prétendu être désolé pour elles.
Les jeunes filles ont ensuite été remises à un second groupe de soldats qui les ont aussi violées avant de les reconduire chez l'accusé. Le lendemain, l'accusé a vendu A.B. et remis FWS-75 au soldat désigné par le pseudonyme DP 1.
Radomir Kovac a donc violé FWS-75 et A.B., et s'est rendu complice d'autres soldats en autorisant ceux-ci à venir dans son appartement où il les encourageait à violer les jeunes filles, et en livrant ces dernières à d'autres hommes dont il savait qu'ils les violeraient.
Pendant leur détention dans l'appartement de Radomir Kovac, FWS-87 et A.S. ont été violées à plusieurs reprises par ce dernier et par Jagos Kostic. Radomir Kovac violait FWS-87 tandis que Jagos Kostic violait A.S., et quelquefois FWS-87, qu'il s'était «réservée» à l'insu de l'accusé.
La Chambre de première instance a noté qu'il n'avait pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que Radomir Kovac ait aidé et encouragé Jagos Kostic à violer FWS-87, les preuves apportées ayant établi que Radomir Kovac était tenu dans l'ignorance de ces viols.
Enfin, le 25 février 1993 ou vers cette date, l'accusé a vendu FWS-87 et A.S. à des soldats monténégrins, pour 500 deutsche mark chacune.
La Chambre a conclu que «l'exploitation sexuelle de A.B. et de FWS-75, et en particulier leur vente, constitu[ait] une atteinte particulièrement dégradante à leur dignité»124.
Elle a considéré que si Jagos Kostic avait été en mesure de violer A.S., c'était parce qu'elle était détenue dans l'appartement de Radomir Kovac. De ce fait, l'accusé a «largement contribué au viol de A.S. par Jagos Kostic, en hébergeant ce dernier dans son appartement où il pouvait la violer»125. La Chambre a relevé qu'il n'avait pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que Radomir Kovac ait aidé et encouragé Jagos Kostic à violer FWS-87126. Elle a également relevé que «[l]e Statut n'exige pas de l'auteur de l'infraction qu'il ait eu l'intention d'humilier sa victime»127, c'est-à-dire qu'il ait commis l'acte pour cette raison précise. La Chambre a jugé qu'il «suffit qu'il ait su que son acte ou son omission pouvait avoir cet effet»128, ce qui, «à n'en pas douter, [était] bien le cas»129 en l'espèce.
Elle a déclaré que «Radomir Kovac a séquestré FWS-75 et A.B. environ une semaine, et FWS-87 et A.S. environ quatre mois dans son appartement [et qu'il] les a enfermées et emprisonnées psychologiquement, les privant ainsi de leur liberté de mouvement»130. Elle a estimé qu'il a exercé, pendant toute cette période, «un contrôle total sur leurs mouvements, leur intimité et leur travail»131, précisant qu'il «les a obligées à faire la cuisine, à le servir et à effectuer les tâches ménagères pour lui»132 et qu'il «les a soumises à des traitements dégradants et leur a notamment infligé des coups et d'autres traitements humiliants»133.
La Chambre a jugé que Radomir Kovac s'est conduit de manière injustifiable envers les deux femmes, les maltraitant et les humiliant, et exerçant sur elles, de fait, un droit de propriété au gré de ses humeurs134. A toutes fins pratiques, il les possédait, en avait la propriété et exerçait un contrôle total sur leur vie, les traitant comme si elles étaient son bien propre. La Chambre de première instance s'est également déclarée convaincue que Radomir «Kovac a exercé ces pouvoirs délibérément»135 et que «la plupart des actes commis étaient une source d'humiliation, ce que l'accusé ne pouvait ignorer»136.
Pour ces actes, la Chambre a déclaré l'accusé Radomir Kovac coupable de réduction en esclavage sous le chef 22, de viol sous les chefs 23 et 24, et d'atteintes à la dignité des personnes sous le chef 25137.
Zoran Vukovic
La Chambre a conclu qu'un doute raisonnable subsistait quant à l'identification de Zoran Vukovic comme l'auteur du viol de FWS-87 au lycée de Foca. Elle a également conclu que la participation de Zoran Vukovic au viol évoqué au paragraphe 6.6 de l'acte d'accusation, ou même sa présence au lycée de Foca durant cet incident, n'avaient pas été établies au-delà de tout doute raisonnable138.
La Chambre de première instance a estimé qu'aucun des actes reprochés à Zoran Vukovic aux paragraphes 6.6 et 6.7 de l'acte d'accusation n'avait été établi au-delà de tout doute raisonnable, et a donc déclaré l'accusé non coupable des chefs 21, 22, 23 et 24139.
Elle a également conclu qu'il n'avait pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé se soit rendu coupable, à l'encontre de FWS-87 et Z.G., des actes décrits au paragraphe 7.10 de l'acte d'accusation140.
Selon la Chambre, un seul des incidents sous-tendant ces accusations a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable, à savoir le fait que Zoran Vukovic a violé FWS-50 le 14 juillet 1992 ou vers cette date. Accompagné d'un autre soldat, il est venu la chercher au Partizan après avoir menacé sa mère de mort si celle-ci ne lui révélait pas où se cachait sa fille. Sa mère étant allée la chercher, Zoran Vukovic l'a emmenée dans une maison où il l'a violée.
La Chambre a souligné que ce qui comptait dans ce contexte, c'était que l'accusé avait connaissance de l'attaque dirigée contre la population civile musulmane, à laquelle appartenait sa victime, et que, par ces tortures, il avait «l'intention d'opérer une discrimination au détriment du groupe auquel appartenait sa victime. Le droit international coutumier n'exige pas que la torture soit uniquement commise dans l'un des buts défendus, tel la discrimination. Il suffit que celui-ci fasse partie des mobiles. Il n'est pas nécessaire qu'il soit le seul but visé ou le but principal»141. La Chambre s'est déclarée convaincue que l'accusé avait «à l'évidence l'intention d'opérer une discrimination au détriment du groupe auquel appartenait sa victime, c'est-à-dire des Musulmans et, en particulier, de sa victime»142 et qu'il s'agissait bien là, au moins, de son but principal.
Au vu des éléments de preuve présentés, la Chambre de première instance a déclaré Zoran Vukovic coupable de torture sous les chefs 33 et 35, et de viol sous les chefs 34 et 36143.
DE LA PEINE
Grille générale des peines en ex-Yougoslavie
La Chambre de première instance a considéré que certaines circonstances aggravantes prévues par le code pénal de l'ex-Yougoslavie pouvaient, le cas échéant, être prises en compte : le jeune âge des victimes de crimes sexuels, les viols commis pour des motifs ethniques, le viol de détenus, de personnes physiquement faibles incapables de se défendre, les viols multiples et les viols sous la menace d'une arme144.
Elle a toutefois souligné «que l'équité exige que le Procureur prouve l'existence de circonstances aggravantes au-delà de tout doute raisonnable, cependant que la Défense doit prouver les circonstances atténuantes sur la base de l'hypothèse la plus vraisemblable»145.
La Chambre a rappelé qu'elle avait explicitement stipulé, lors de la conférence préalable au procès tenue le 2 mars 2000, qu'un accusé ««ne peut se voir infliger une peine que pour ce dont il a été reconnu coupable, et que s'il n'a pas été reconnu coupable, il ne peut pas se voir infliger une peine»146. Dans ce contexte, elle a également estimé que seules les circonstances qui ont été «prouvées au-delà de tout doute raisonnable peuvent être retenues comme circonstances aggravantes»147.
La Chambre a souligné qu'elle ne permettrait pas qu'un comportement criminel dont il n'a pas été fait état dans l'acte d'accusation soit utilisé comme circonstance aggravante, parce que «l'auteur d'une infraction ne peut être puni que pour ce dont il a été reconnu coupable»148.
Elle a ajouté que «seules peuvent entrer en ligne de compte les circonstances directement liées à la commission de l'infraction en cause et à son auteur lorsqu'il l'a commise, par exemple le mode de perpétration. En d'autres termes, les circonstances qui ne sont pas directement liées à l'infraction ne peuvent être retenues comme circonstances aggravantes»149.
Dragoljub Kunarac
La Chambre de première instance a retenu comme circonstance aggravante le rôle important joué par Dragoljub Kunarac sur le plan de l'organisation et l'influence notable qu'il a exercée sur d'autres criminels, «la culpabilité des chefs étant plus grande que celle de leurs subordonnés»150. La jeunesse de certaines victimes de Dragoljub Kunarac a également été considérée comme une circonstance aggravante151. La Chambre a en outre retenu le fait que certains crimes «se soient étalés sur une longue période»152 et a considéré la multiplicité des victimes comme un facteur d'aggravation de la peine153.
Les motifs discriminatoires - liés à l'appartenance ethnique ou au sexe - pour lesquels Dragoljub Kunarac a commis les crimes autres que les tortures, et le fait que les victimes étaient des femmes et des jeunes filles particulièrement vulnérables et sans défense, ont également été retenus comme des circonstances aggravantes154.
La Chambre a considéré comme une circonstance atténuante le fait que Dragoljub Kunarac se soit livré de son plein gré au Tribunal. Elle souligné que «retenir la reddition volontaire comme circonstance atténuante [pouvait] encourager d'autres accusés à franchir ce pas, et de ce fait renforcer l'efficacité du Tribunal»155. La Chambre a retenu comme autres circonstances atténuantes le remords de l'accusé et «le fait que Kunarac ait largement coopéré avec le Procureur en fournissant deux déclarations»156.
Radomir Kovac
La Chambre a retenu comme circonstance aggravante le jeune âge des victimes à l'époque des faits et la durée sur laquelle se sont étalés les crimes commis par Radomir Kovac. Le sadisme avec lequel l'accusé a agi avait déjà été pris en compte dans la décision sur la culpabilité. En revanche, le fait que les victimes étaient des jeunes filles et une femme particulièrement vulnérables et sans défense a été retenu comme une circonstance aggravante157.
Zoran Vukovic
La jeunesse de la victime lorsque Zoran Vukovic l'a violée et torturée a été retenue comme circonstance aggravante. La gravité du viol, déjà prise en considération dans les déclarations de culpabilité pour torture, n'a pas été retenue comme facteur d'alourdissement de la peine. De même, le but discriminatoire des tortures n'a pas été retenu comme circonstance aggravante, puisqu'il était déjà entré en ligne de compte dans la déclaration de culpabilité qui s'y rapportait. En revanche, le fait que la victime ait été une jeune fille particulièrement vulnérable et sans défense a été considéré comme une circonstance aggravante158.
Les peines
La Chambre de première instance a respectivement condamné Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic à des peines uniques de 28 ans159, 20 ans160 et 12 ans161 d'emprisonnement.
______________________________________
1. «Quiconque a planifié, incité à commettre,
ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer
ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du présent statut est individuellement
responsable dudit crime.»
2. «Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles
2 à 5 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur
de sa responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir que le
subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur
n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit
acte ne soit commis ou en punir les auteurs.»
3. «Le Tribunal international est compétent
pour poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois ou coutumes
de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées :
a) l'emploi d'armes toxiques ou d'autres armes conçues pour causer des souffrances
inutiles ;
b) la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que
ne justifient pas les exigences militaires ;
c) l'attaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages,
habitations ou bâtiments non défendus ;
d) la saisie, la destruction ou l'endommagement délibéré d'édifices consacrés
à la religion, à la bienfaisance et à l'enseignement, aux arts et aux sciences,
à des monuments historiques, à des œuvres d'art et à des œuvres de caractère
scientifique ;
e) le pillage de biens publics ou privés.»
4. Par. 577.
5. Par. 47.
6. Par. 388.
7. Par. 390.
8. Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez («Vallée
de la Lasva»), affaire n° IT-95-14/2-T, Chambre de première instance III,
Jugement, 26 février 2001 (résumé et analysé dans le Judicial
Supplement No. 23).
9. Par. 398.
10. Par. 399.
11. Par. 406.
12. Par. 407.
13. Idem.
14. Idem.
15. Par. 410.
16. «Le Tribunal international est habilité à juger les personnes
présumées responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis au cours
d'un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre
une population civile quelle qu'elle soit :
a) assassinat ;
b) extermination ;
c) réduction en esclavage ;
d) expulsion ;
e) emprisonnement ;
f) torture ;
g) viol ;
h) persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ;
i) autres actes inhumains.»
17. L'article 49 1) du Protocole additionnel I aux Conventions
de Genève du 12 août 1949 définit les «attaques» comme «des actes de violence
contre l'adversaire, que ces actes soient offensifs ou défensifs».
18. Par. 416.
19. Par. 418.
20. Par. 419.
21. Par. 421.
22. Par. 425.
23. Par. 429.
24. Par. 430.
25. Idem.
26. Par. 431.
27. Par. 434.
28. Par. 435.
29. Idem.
30. Idem.
31. Le Procureur c/ Anto Furundzija («Vallée de la
Lasva»), affaire n° IT-95-17/1-T, Chambre de première instance II, Jugement,
10 décembre 1998 (résumé dans le Supplément
judiciaire n° 1).
32. Par. 438.
33. Idem.
34. Idem.
35. Idem.
36. Par. 460. Voir également Le Procureur c/ Anto Furundzija
(«Vallée de la Lasva»), affaire n° IT-95-17/1-T, Chambre de première instance
II, Jugement, 10 décembre 1998 (résumé dans le Supplément
judiciaire n° 1), dans lequel les juges ont défini le crime de viol
en droit international comme
«i) la pénétration sexuelle, fût-elle légère :
a) du vagin ou de l'anus de la victime par le pénis ou tout
autre objet utilisé par le violeur ; ou
b) de la bouche de la victime par le pénis du violeur ;
ii) par l'emploi de la force, de la menace ou de la
contrainte contre la victime ou une tierce personne» (par. 185).
37. Idem.
38. «En cas de violences sexuelles :
i) la corroboration du témoignage de la victime par des témoins n'est pas requise
;
ii) le consentement ne pourra être utilisé comme moyen de défense lorsque la
victime :
a) a été soumise à des actes de violence ou si elle a
été contrainte, détenue ou soumise à des pressions psychologiques ou si elle
craignait de les subir ou était menacée de tels actes, ou
b) a estimé raisonnablement que, si elle ne se soumettait pas, une autre pourrait
subir de tels actes, en être menacée ou contrainte par la peur ;
iii) avant que les preuves du consentement de la victime
ne soient admises, l'accusé doit démontrer à la Chambre de première instance
siégeant à huis clos que les moyens de preuve produits sont pertinents et crédibles
;
iv) le comportement sexuel antérieur de la victime ne peut être invoqué comme
moyen de défense.»
39. Par. 464.
40. Par. 470.
41. Idem.
42. Idem.
43. Par. 471.
44. Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts («Celebici»),
affaire n° IT-96-21-T, Chambre de première instance II quater, Jugement,
16 novembre 1998 (résumé dans le Supplément
judiciaire n° 1).
45. Le Procureur c/ Anto Furundzija («Vallée de la
Lasva»), affaire n° IT-95-17/1-T, Chambre de première instance II, Jugement,
10 décembre 1998 (résumé dans le Supplément
judiciaire
n° 1).
46. Jugement Celebici, par. 459. Voir également le
Jugement Furundzija, par. 160 et l'arrêt Furundzija (résumé et
analysé dans le Supplément
judiciaire n° 21), dans lequel les juges ont estimé que cette définition
«reflète le droit international coutumier» (par. 111).
47. Par. 473.
48. Par. 482.
49. Idem.
50. Par. 496.
51. Idem.
52. Par. 497.
53. Le Procureur c/ Zlatko Aleksovski («Vallée de la
Lasva»), affaire n° IT-95-14/1-T, Chambre de première instance I, Jugement,
25 juin 1999 (résumé dans le Supplément
judiciaire n° 6).
54. Ibidem, par. 56.
55. Par. 501.
56. Idem.
57. Par. 506.
58. Par. 514.
59. Par. 518.
60. Par. 515.
61. Par. 518.
62. Par. 539.
63. Par. 540.
64. Par. 542.
65. Par. 543.
66. Idem.
67. Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts («Celebici»),
affaire n° IT-96-21-A, Chambre d'appel, Arrêt, 20 février 2001 (résumé et
analysé dans le Judicial
Supplement No. 23).
68. Par. 547.
69. Par. 550.
70. «Le Tribunal international est habilité à poursuivre les
personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des infractions graves
aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir les actes suivants dirigés
contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la
Convention de Genève pertinente :
a) l'homicide intentionnel ;
b) la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques
;
c) le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter
des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé ;
d) la destruction et l'appropriation de biens non justifiés par des nécessités
militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire
;
e) le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou un civil à servir dans
les forces armées de la puissance ennemie ;
f) le fait de priver un prisonnier de guerre ou un civil de son droit d'être
jugé régulièrement et impartialement ;
g) l'expulsion ou le transfert illégal d'un civil ou sa détention illégale ;
h) la prise de civils en otages.»
71. Par. 552.
72. Par. 556.
73. Idem.
74. Par. 557.
75. Par. 567.
76. Par. 568.
77. Par. 569.
78. Par. 570 et 578.
79. Par. 581.
80. Par. 582.
81. Idem.
82. Par. 583.
83. Idem.
84. Par. 584.
85. Par. 585.
86. Par. 586.
87. Idem.
88. Par. 587.
89. Idem.
90. Idem.
91. Idem.
92. Par. 588.
93. Par. 589.
94. Par. 591.
95. Idem.
96. Par. 592.
97. Idem.
98. Idem.
99. Idem.
100. Idem.
101. Idem.
102. Par. 628.
103. Idem.
104. Par. 629.
105. Par. 656.
106. Par. 685.
107. Par. 686.
108. Par. 687.
109. Par. 698.
110. Par. 704.
111. Par. 711.
112. Par. 714.
113. Par. 715
114. Par.738.
115. Par. 739.
116. Idem.
117. Par. 741.
118. Par. 742.
119. Idem.
120. Idem.
121. Idem.
122. Idem.
123. Par. 745.
124. Par. 756.
125. Par. 761.
126. Idem.
127. Par. 774.
128. Idem.
129. Idem.
130. Par. 780.
131. Idem.
132. Idem.
133. Idem.
134. Par. 781.
135. Idem.
136. Idem.
137. Par. 782.
138. Par. 792.
139. Par. 798.
140. Par. 810.
141. Par. 816.
142. Idem.
143. Par. 822.
144. Par. 835.
145. Par. 847.
146. Comptes rendus d'audience, page 273.
147. Par. 849.
148. Par. 850.
149. Idem.
150. Par. 863.
151. Par. 864.
152. Par. 865.
153. Par. 866.
154. Par. 867.
155. Par. 868.
156. Idem.
157. Par. 874 et 875.
158. Par. 879.
159. Par. 871 et 885.
160. Par. 877 et 890.
161. Par. 882 et 890.