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Le Procureur c/ Blagoje Simic et consorts- Affaire n° IT-95-9-T |
"Motifs de la Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’utiliser des interrogatoires téléphoniques"
11 mars 2003
Chambre de première
instance II (Juges Mumba [Présidente], Williams et Lindholm)
Article
21 4) a) du Statut — Signification effective de l’acte d’accusation
Signification effective de l’acte d’accusation : Le droit d’une personne accusée «à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle» visé à l’article 21 4) a) du Statut indique que cette personne a le droit d’être informée non seulement de la qualification juridique des accusations portées contre elle, mais aussi des faits qui sous-tendent ces accusations, afin de dûment préparer sa défense. |
Rappel de la procédure
· Le 11 septembre 2001, la Chambre de première instance a rejeté la Requête de l’Accusation aux fins d’admettre les comptes rendus de trois interrogatoires téléphoniques de Miroslav Tadic («l’accusé») réalisés les 26 et 29 avril et le 22 mai 1996 (la «Décision de septembre 2001»).1
· Le 20 février 2003, la Chambre de première instance II a rendu une décision orale (la «Décision orale») rejetant la requête présentée oralement par l’Accusation aux fins d’autorisation de procéder à un contre-interrogatoire de l’accusé pour déterminer sa crédibilité s’agissant de contradictions relevées dans les interrogatoires susmentionnés.
Motifs de la Décision orale
La signification effective de l’acte d’accusation
Comme la Chambre de première instance l’a indiqué dans sa Décision de septembre 2001, le problème majeur résidait dans le fait qu’elle n’était «pas convaincue que l’acte d’accusation a[vait] effectivement été signifié avant les interrogatoires téléphoniques, et […] qu’à ce moment, les accusés n’étaient pas pleinement conscients de l’importance de l’acte d’accusation et […] ne pouvaient pas parfaitement comprendre la nature de l’acte d’accusation et de l’action».2
La Chambre de première instance a indiqué qu’en vertu du Statut et du Règlement, l’Accusation est tenue de signifier valablement l’acte d’accusation à l’accusé et qu’il ne peut y avoir d’exception à cette règle. L’Accusation doit «prendre toutes les mesures nécessaires pour expliquer pleinement l’acte d’accusation à l’accusé avant de l’interroger».3 La Chambre de première instance s’est fondée pour l’essentiel sur l’article 21 4) a) du Statut, selon lequel toute personne mise en accusation doit «être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle». La Chambre de première instance a jugé que cela veut dire que cette personne «a le droit d’être informée non seulement de la qualification juridique des accusations portées contre elle, mais aussi des faits qui sous-tendent ces accusations, afin de dûment préparer sa défense».4
La Chambre de première instance a considéré que l’acte d’accusation n’ayant pas été signifié dans sa totalité à l’accusé avant lesdits interrogatoires téléphoniques, l’accusé n’avait pas consenti à se soumettre à ces interrogatoires en connaissance de cause.
En outre, la Chambre de première instance a tenu compte du fait que le libre exercice par l’accusé du droit que lui confère l’article 85 C) du Règlement de comparaître en qualité de témoin pour sa propre défense «serait entravé […] s’il existait un risque que les déclarations recueillies avant le témoignage en audience et au mépris des garanties minimales posées à l’article 21 4) a) du Statut puissent être considérées , dans le cadre de la mise en accusation, comme mettant en doute la crédibilité de sa déposition au procès».5 En effet, la Chambre a jugé que jeter ainsi le doute sur la crédibilité de l’accusé «influencerait les questions liées à la responsabilité pénale»6 et que cela «irait à l’encontre des principes de justice fondamentale».7
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1. Décision relative à la requête du
Procureur aux fins d’ajouter d’autres pièces à la liste des pièces à conviction
à charge déposée à titre confidentiel le 9 avril 2001, 11 septembre 2001.
2. Décision de septembre 2001, page 3.
3. Par. 5 (traduction non officielle).
4. Par. 6.
5. Par. 7.
6. Par. 8.
7. Ibid. L’équité et l’intégrité du
procès sont au nombre de ces principes.