Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

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Ambassadeur Herbert Okun

L’Ambassadeur Herbert Okun était vice-président adjoint de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie de 1992 à 1993.

L’Ambassadeur Okun décrit sa rencontre avec Slobodan Milošević le 18 novembre 1991, au sujet du projet d’instauration d’une force de  maintien de la paix en Croatie. Milošević démontre son autorité sur les dirigeants serbes de Croatie Milan Babić et Goran Hadžić en les engageant à accepter le projet: 

« Il a dit que [Milan]Babić et Goran Hadzić étaient les dirigeants politique et militaire, respectivement, [de la] Krajina croate, qu'ils étaient les représentants politique et militaire des Serbes locaux.
Question: A-t-il dit autre chose au sujet de ces deux hommes?
Réponse.: Oui, il a parlé de leur attitude vis-à-vis des opérations de maintien de la paix.
Question: Pourriez-vous être plus précis?
Réponse: Il a dit que ces deux hommes ne constituaient aucun problème. Il était tout a fait confiant sur ce point; il a dit: "Croyez-moi, ces deux hommes ne représentent aucun problème par rapport à l'opération de maintien de la paix qui est proposée." »
...
« Nous estimions à l'époque, et je pense encore que nous avions raison, que le Président s'était engagé lui-même, et avait engagé le gouvernement yougoslave également, la JNA (l’armée yougoslave), les paramilitaires et irréguliers, ainsi que les dirigeants des Serbes locaux; je veux parler de Goran Hadzić et de Milan Babić; donc qu'il avait engagé toutes ces personnes par rapport à l'acceptation de l'opération de maintien de la paix.
Question: « Vous nous avez dit que la réunion avait duré longtemps. Y a-t-il eu, à un quelconque moment, au cours de la réunion, une pause pendant laquelle M. Milošević aurait éventuellement pu ne plus être en votre présence et utiliser un téléphone pour contacter différentes personnes?
Réponse: Non, je ne pense pas qu'il se soit absenté de la réunion à un quelconque moment pour téléphoner à qui que ce soit ou demander l'avis ou le conseil de qui que ce soit.
Question: Est-ce qu'à tel ou tel moment, il vous a fait part de la nécessité de discuter de la question avec d'autres parties ou peut-être de la nécessité d'obtenir un certain délai avant de vous redonner son avis sur la situation?

Réponse: Non.
Question: A-t-il soumis à condition les garanties qu'il vous a fournies en disant, par exemple, que cela dépendait de négociations ou de discussions futures avec d'autres parties?

Réponse: Non. Je dirais même que la réalité a été tout à fait opposée à ce que vous venez de dire. Il était très confiant dans les propos qu'il a tenus. »

L’Ambassadeur Okun décrit une réunion qu’il avait eu avec Slobodan Milošević le 2 décembre 1991 relative à l’Accord de Genève pour mettre un terme aux hostilités en Croatie, que Milošević avait signé le 23 novembre 1991.

«[Slobodan Milošević] nous a dit que, le lendemain de la signature de l'Accord de Genève, il avait contacté Hadzić et Babić. Il a précisé que ces hommes allaient respecter l'accord et qu'il avait obtenu leur consentement. Il a dit: "Voilà, j'ai promis et j'ai tenu cette promesse. Cela signifiait, en d'autres termes, "Vous, M. Vance, je vous ai promis d'obtenir leur consentement, et je l'ai obtenu effectivement ." »

Le témoignage de l’Ambasssadeur Okun a été déterminant pour l’Accusation. En tant que vice-président adjoint de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie (lCIeY), mandatée pour trouver un accord pour les conflits sur le territoire, l’Ambassadeur Okun et le vice-président adjoint de la CIeY Cyrus Vance, ont rencontré  Slobodan Milošević à diverses reprises, ainsi que plusieurs des coauteurs de ses crimes. L’Ambassadeur Okun a consigné dans ses carnets ce qui ressortait de toutes ces rencontres, qui ont constitué des moyens à charge dans cette affaire. Slobodan Milošević n’a pas contesté l’exactitude des carnets d’Okun.

Herbert Okun a présenté des éléments de preuve essentiels concernant le contrôle que Slobodan Milošević exerçait sur les dirigeants serbes de Croatie. L’Accusation soutenait que l’on pouvait juger du pouvoir et de l’influence de Slobodan Milošević sur les dirigeants des Serbes de Croatie et des Serbes de Bosnie, au fait qu’il les représentait au cours des réunions avec les représentants de la communauté internationale.

L’Ambassadeur a aussi apporté des éléments de preuve indiquant que Slobodan Milošević avait un plan pour s’emparer de territoires de Bosnie-Herzégovine. L’Ambassadeur a décrit une conversation qu’il avait eu avec Ante Marković, le premier ministre de la République socialiste fédérative de Yougoslavie le 6 novembre 1991, cinq mois avant le début des hostilités de Bosnie. Lors de cet entretien,  Marković a dit à Okun que Slobodan Milošević et le président Croate Franjo Tudjman prévoyaient le partage de la Bosnie-Herzégovine entre la Serbie et la Croatie (le Tribunal allait par la suite établir un acte d’accusation contre six hauts responsables croates de Bosnie et de Croatie, pour crimes commis en Bosnie-Herzégovine, dans lequel Tudjman est cité en tant que coauteur.)

L’Ambassadeur a montré dans son témoignage que l’un des coauteurs de Slobodan Milošević, le dirigeant des Serbes de Bosnie Radovan Karadžić, semblait se conformer à ce plan. Lors d’une réunion qu’ils ont eu ensemble le 17 septembre 1992, Karadžić a déclaré que les représentants de la communauté internationale pouvaient mettre un terme à la guerre s’il parvenaient à réunir autour d’une table Slobodan Milošević, le chef des Serbes de Croatie Goran Hadžić et lui-même d’un côté, et de l’autre, le président croate Franjo Tudjman et le dirigeant des Croates de Bosnie Mate Boban (qui allait aussi être cité comme coauteur du nettoyage ethnique en Bosnie.) Lorsque l’Accusation a demandé à Herbert Okun si Karadžić avait omis de convier des participants importants à cette réunion, l’Ambassadeur a répondu « Il n’y avait pas de Musulmans.»

Le témoignage de l’Ambassadeur Okun a compté parmi les plus importants pour montrer que Milošević avait connaissance des crimes commis sur le terrain en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Lors de leurs rencontres, le vice-président adjoint de la CIeY, Cyrus Vance, et l’Ambassadeur Okun ont dit à Milošević que des crimes étaient commis dans les deux pays. Au cours d’une de ces réunions, le 15 avril 1992, Vance a averti Milošević que le groupe des paramilitaires de Željko Ražnatović, alias « Arkan », perpétraient des crimes à Bijeljina, à la frontière orientale de Bosnie-Herzégovine. Milošević a commencé par répondre qu’Arkan s’y trouvait en privé. Quand Vance a contesté, Milošević a répondu qu’il y était « seulement au début [des combats], [et que] le reste du temps il était à Belgrade. » Lorsque Vance a insisté en disant « Tout le monde sait qu’Arkan était là-bas », Milošević a finalement admis, ajoutant toutefois « Mais il y en a d’autres en Bosnie aussi. »

L’Ambassadeur Herbert Okun, diplomate de carrière, a travaillé au Service diplomatique des États-Unis de 1955 à 1991. En octobre 1962, alors qu’il était en fonction à l’ambassade américaine de Moscou, Okun a traduit des lettres que le Président de l’Union soviétique Nikita Khrouchtchev adressait au Président américain John F. Kennedy,  lors de la crise des missiles de Cuba. A la fin des années 1970, Okun était vice-président de la délégation des Etats-Unis aux négociations avec l’Union soviétique sur la limitation des armements stratégiques, SALT II. De 1980 à 1983 il a servi comme ambassadeur des États-Unis en République démocratique allemande et, de 1985 à 1989, il était Représentant permanent suppléant et Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies (1985-1989). En 1991, il a été nommé Conseiller spécial et adjoint du Coprésident de la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie,  adjoint de l’Envoyé personnel du Secrétariat général des Nations Unies, travaillant sur des questions liées à la Bosnie-Herzégovine jusqu’en 1993, et de 1993 à 1997, sur les différends entre la Grèce et l’ex-République yougoslave de Macédoine. De septembre 1992 à mai 1993, il était vice-président adjoint de la Conférence sur l’ex-Yougoslavie. De 1996 à 1997, il a été conseiller spécial à la commission internationale pour les personnes disparues en ex-Yougoslavie.

L’ambassadeur Herbert Okun  a témoigné du 26 au 28 février 2003. Pour le compte-rendu de son témoignage complet, voir la page Les affaires.