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Affaire Erdemović : appel contre le jugement

Communiqué de presse
 
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, le 3 janvier 1997
CC/PIO/144F

Affaire Erdemović : appel contre le jugement

 

Le 23 décembre 1996, Dražen Erdemović a interjeté appel de la sentence prononcée à son encontre le 29 novembre 1996. Il avait été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement par la Chambre de première instance I pour crime contre l’humanité.

Le conseil de Dražen Erdemović, Jovan Babić, explique, dans ses remarques préliminaires, qu’il estime qu’il lui « incombe » d’interjeter appel, le jugement prononcé par la Chambre de première instance I étant « le premier jugement prononcé pour crimes contre l’humanité après le procès de Nuremberg», « ayant suscité un intérêt particulier » et pouvant « servir de précédent ». La Défense estime par conséquent qu’« il est […] indispensable que les faits établis, les arguments à l’appui de ceux-ci, ainsi que les conclusions juridiques énoncées dans le jugement, soient examinés et évalués une nouvelle fois de manière sérieuse et détaillée ».

Les moyens d’appel

L’appel repose sur les moyens suivants :

1. «  les faits ont été établis de façon erronée et incomplète, ce qui a donné lieu à une application erronée du droit »;

2. « l’application erronée du droit a influencé la validité du jugement » et,

3. « la décision sur la peine ».

1. Les faits ont été établis de façon erronée et incomplète

En ce qui concerne les « éléments objectifs » de l’acte criminel, la Défense déclare qu’elle « ne conteste pas dans le présent acte d’appel les faits établis dans le jugement ». La Défense est toutefois en désaccord avec « le fait exposé dans le jugement », selon lequel  « des membres du Xe détachement de diversion auraient ce même jour exécuté 500 autres civils musulmans dans le centre culturel de Pilica », au motif que « Dražen Erdemović ne l’a affirmé dans aucun de ses sept témoignages ». La Défense estime que « cette affirmation erronée  a exercé une influence considérable sur la manière dont le Tribunal a évalué la gravité de la responsabilité globale de l’accusé ».

La Défense considère ensuite les deux « éléments subjectifs » de l’acte criminel. Le Conseil de Dražen Erdemović note que la Chambre de première instance a rejeté l’argument d’extrême nécessité et les arguments de la Défense concernant l’état mental de l’accusé au moment du crime. Le Conseil affirme que « l’accusé Erdemović s’est retrouvé sous l’influence d’une contrainte mentale irrésistible qui dépassait ses forces et à laquelle il ne pouvait opposer de résistance», ajoutant qu’« au moment où le crime a été commis, l’accusé Erdemović n’était pas responsable de ses actes et n’a pas agi avec préméditation. En cas de doutes quant à pareilles conclusions, le Tribunal aurait dû examiner des preuves supplémentaires : le rapport de la commission d’experts, composée de psychiatres et de psychologues, concernant l’état mental de l’accusé au moment du crime. »

Enfin, s’agissant de la question de l’ordre d’un supérieur hiérarchique, la Défense critique la référence de la Chambre de première instance aux principes des procès de Nuremberg, au motif qu’elle « n’était pas fondée». Selon elle, « le Tribunal n’a pas procédé à une comparaison réaliste entre l’affaire jugée et les procès de Nuremberg. A Nuremberg, on jugeait les principaux criminels et non pas le simple soldat allemand, alors qu’ici on juge un simple soldat appartenant à l’une des parties, exploité et trompé. »

2. L’application de la loi

Selon la Défense, « en l’absence de règles juridiques internationales codifiées » la Chambre aurait dû « faire siennes […] les règles universelles des lois internes d’États européens avec lesquelles la législation de la République fédérale de Yougoslavie est en conformité ». La Défense conclut que « le Tribunal a appliqué erronément le droit en n’aboutissant pas à la conclusion […] qu’il s’agissait d’un cas typique d’extrême nécessité où l’auteur d’un crime, au moment de commettre l’acte, était irresponsable et agissait sans préméditation, et en refusant la remise de peine à l’accusé Erdemović à la lumière de ces éléments ».

3. La peine

La Défense est d’avis que « les nombreuses circonstances atténuantes en faveur de l’accusé n’ont pas été dûment prises en considération », estimant que la Chambre de première instance n’aurait pas dû faire référence au procès de Nuremberg, au motif que « les simples soldats allemands [...] n’ont pas été traduits en justice » et que « les actes des principaux criminels de Nuremberg ne sauraient être comparables aux actes de l’accusé Erdemović ». La Défense regrette le fait que « la peine infligée à l’accusé Erdemović par le présent Tribunal est bien plus sévère que celle prononcée à l’encontre de certains des principaux criminels de la Seconde Guerre mondiale » estimant cette décision « incompréhensible et injuste ». La Défense conclut que le Tribunal « a commis l’erreur de n’avoir pas pris comme sentence de base la peine la plus légère prévue par le Code pénal de la Yougoslavie pour l’acte criminel de crime de guerre contre la population civile [...], soit 5 ans, et de n’avoir pas atténué cette peine dans la mesure où toutes les conditions à cet effet étaient réunies ».

 La procédure

Le 24 décembre 1996, le Président Cassese a fixé la composition de la Chambre qui sera saisie de l’appel. Elle sera composée des Juges Cassese (Président), Li, Stephen, Deschênes et Vohrah.

Aucune date d’audience n’a encore été fixée. La prochaine étape de la procédure sera celle de la réponse du Procureur.


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