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Arrêt concernant les jugements relatifs à la sentence de Duško Tadić: Peine réduite à 20 ans d’emprisonnement

Communiqué de presse
CHAMBRE D'APPEL
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 26 janvier 2000
CC/P.I.S./465f

 

Arrêt concernant les jugements relatifs à la sentence de Duško Tadić:
Peine réduite à 20 ans d’emprisonnement
 

Aujourd’hui, mercredi 26 janvier 2000, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), composée des Juges Shahabuddeen (Président), Mumba, Cassese, Wang et Nieto-Navia, a rendu son « Arrêt concernant les jugements relatifs à la sentence » dans l’affaire portée contre Duško Tadić.

Cet arrêt concerne les appels interjetés par Duško Tadić contre les peines qui lui avaient été infligées le 14 juillet 1997 (20 ans) et le 11 novembre 1999 (peine portée à 25 ans, voir le communiqué de presse 447).           

L’arrêt porte, en substance, sur les points suivants :

  • Duško Tadić purgera une peine maximum de 20 ans d’emprisonnement :

 

Dans le résumé de l’arrêt lu à l’audience par le juge président, la Chambre d’appel a précisé la raison principale de modifier la peine : « On ne saurait contester le caractère odieux du comportement criminel justifiant les charges pour lesquelles l’appelant est désormais condamné. Toutefois, comparé à ses supérieurs, qui étaient eux les commandants ou encore les véritables architectes de la stratégie de nettoyage ethnique, l’appelant se situait au bas de la structure de commandement ».

  • Duško Tadić a déjà purgé une peine de cinq ans, onze mois et quatorze jours : 

 

La Chambre d’appel a estimé que le temps que l’accusé avait passé en détention en Allemagne et au Quartier pénitentiaire des Nations Unies depuis sont transfert en avril 1995 devait être déduit de la durée totale de la peine.

  • Duško Tadić devra purger une peine de 10 ans d’emprisonnement minimum, calculée à partir de la date du premier jugement relatif à la sentence, rendu le 14 juillet 1997.

 

La Chambre d’appel a confirmé la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle l’accusé devait purger une période minimum de 10 ans, à compter de la date du premier jugement portant condamnation, rendu le 14 juillet 2007.

 

LES CONCLUSIONS DE LA CHAMBRE D’APPEL


La Chambre d’appel a examiné les moyens d’appel interjetés par l’accusé :

L’appel interjeté contre le jugement relatif à la sentence rendu le 14 juillet 1997

 

Premier moyen d'appel: L'appelant soutenait que la peine de 20 ans infligée par la Chambre de première instance était injuste. La Chambre d’appel a rejeté ce moyen d’appel au motif qu’elle n'avait pu discerner aucune erreur de la part de la Chambre de première instance dans l'exercice de son appréciation souveraine. La Chambre d’appel a conclu que la Chambre de première instance ne s’était pas non plus fourvoyée en droit dans son évaluation du poids à accorder à la pratique des juridictions de l’ex-Yougoslavie en matière de peines. Enfin, la Chambre a conclu que la Chambre de première instance n’avait pas  commis d’erreur en appréciant la situation personnelle de Duško Tadić, qu’elle avait suffisamment pris en compte.

Deuxième moyen d’appel: Le deuxième moyen d’appel de l’accusé portait sur deux questions connexes : la date du début de la peine de sûreté et l’attribution éventuelle d’une réduction de peine portant sur la peine de sûreté. S’agissant de la première question, la Chambre d'appel a conclu que la Chambre de première instance avait eu tort de recommander que la période de sûreté de 10 ans parte de la date de la décision d’appel finale. La Chambre d’appel a ordonné que ladite période commence à courir à partir de la date du Jugement relatif à la sentence rendu le 14 juillet 1997. S’agissant de la deuxième question, la Chambre d’appel a conclu que la Chambre de première instance n’avait pas commis d’erreur en ordonnant que l’appelant n’ai pas droit à une déduction de peine portant sur la période de sûreté.

Troisième moyen d’appel: L’appelant affirmait enfin que la Chambre de première instance avait eu tort de ne pas lui accorder une déduction de peine correspondant à la durée de sa détention en Allemagne, avant que le Tribunal international n’adresse à ce pays une requête aux fins de dessaisissement. La Chambre d’appel a déclaré qu’étant donné que la procédure pénale engagée contre l'appelant en République fédérale d'Allemagne visait principalement le même comportement criminel que celui pour lequel il avait été condamné par le Tribunal international, la période qu’il avait passée en Allemagne devrait être déduite   avant que le Tribunal international n'adresse à ce pays une requête officielle aux fins de dessaisissement.

 

L’appel interjeté contre le jugement relatif à la sentence du 11 novembre 1999

Premier moyen d’appel: La Chambre d’appel n’a pas été convaincue qu’en fixant la peine appropriée au cas de l’appelant, la Chambre de première instance avait accordé un poids excessif au facteur de dissuasion.

Deuxième moyen d’appel: Selon la Chambre d’appel, la Chambre de première instance avait eu tort de ne pas suffisamment tenir compte de la nécessité de mettre en place une échelle des peines fondée sur la position relative de l’accusé dans le contexte plus général du conflit en ex-Yougoslavie. Considérant la position peu élevé dans la hiérarchie de l’accusé, la Chambre d’appel a estimé que, s’agissant de tout chef d’accusation dont l’appelant a été reconnu coupable, une peine de plus de 20 ans d’emprisonnement était excessive et ne peut être maintenue.

Troisième moyen d’appel: La Chambre d’appel a rejeté ce moyen par lequel l’accusé affirmait que la Chambre de première instance avait mal apprécié les éléments constitutifs d’« une coopération sérieuse » avec le Bureau du Procureur, au sens du Règlement. La Chambre d’appel a estimé que ce moyen d’appel n’avait pas été dûment étayé en droit ou en fait.

Quatrième moyen d’appel: La Chambre d’appel a déclaré, à la majorité des juges (le Juge Cassese étant en désaccord) qu’aucune distinction de gravité ne pouvait être faite entre un crime de guerre et un crime contre l’humanité pour déterminer la sentence.

Cinquième moyen d’appel: la Chambre d’appel n’a discerné aucune erreur d’appréciation de la part de la Chambre de première instance dans son examen de la pratique des juridictions de l’ex-Yougoslavie en matière de peines.

Sixième moyen d’appel: La Chambre d’appel a estimé que l’intérêt de la justice commandait d’accorder à l’appelant une déduction de peine correspondant à l’intégralité du temps qu’il avait passé en détention en République fédérale d’Allemagne.

 

Opinions séparées

Les Juges Shahabuddeen et Cassese ont joint au Jugement deux opinions séparées. Ces opinions portent sur la même question de savoir si les crimes contre l’humanité sont plus graves que les crimes de guerre, mais les conclusions des juges sont opposées sur ce point.

  • Opinion separée du juge shahabuddeen

 

Selon le Juge Shahabuddeen, il n’existe aucun principe selon lequel, toutes choses égales par ailleurs, un crime contre l’humanité est plus grave qu’un crime de guerre et selon lequel le même acte doit être sanctionné plus sévèrement s’il reçoit la première qualification plutôt que la seconde. Le Juge Shahabuddeen partageait donc l’avis de la majorité sur ce point.

  • Opinion separée du juge cassese

 

Le Juge Cassese ne partageait pas l’opinion de la majorité sur cette question.  Soulignant l’état encore rudimentaire des règles internationales pénales et le fait que le principe nulla poena sine praevia lege poenali du droit international n’est toujours pas applicable en droit international pénal, le Juge Cassese a conclu que les dispositions du droit international pénal relatives aux peines ne permettent pas de conclure qu’un crime est considéré comme plus grave qu’un autre ou que ceux prohibés par une autre disposition pénale. Dans l’abstrait, tous les crimes internationaux sont des crimes graves dont la gravité relative ne peut être appréciée a priori.

Toutefois, cette question est celle de savoir si un même fait imputé à un accusé, peut être considéré comme plus ou moins grave, selon la façon dont il est caractérisé. S’agissant du crime contre l’humanité, en raison du contexte pénal plus large dans lequel il s’inscrit (celle de « pratique généralisée et systématique »), et de la connaissance de ce contexte par l’accusé, la réaction de la communauté internationale à un tel crime « doit être plus sévère que dans les cas où la même conduite attribuée à l’accusé constitue un crime de guerre ».

Le Juge Cassese a conclu que chaque fois que l’infraction commise par un accusé est réputée être un crime contre l’humanité, « elle doit être considérée comme intrinsèquement plus grave, toutes choses égales par ailleurs (ceteris paribus), que si elle était qualifiée de crime de guerre ». Elle doit par conséquent entraîner une peine plus lourde.

 

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Le texte intégral du résumé de l’arrêt tel que lu par le Juge Président, ainsi que l’arrêt lui-même, sont consultables sur le site Internet du TPIY. 

Le jugement est en cours de traduction en français et paraîtra en temps voulu.

INFORMATION DE DERNIÈRE MINUTE :
 
La Chambre d’appel rendra, lundi 31 janvier à 10h, sa décision dans le procès de l’ancien conseil de la Défense de Duško Tadić, M. Milan Vujin.
 

 

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