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Déclaration du Procureur

Communiqué de presse PROCUREUR

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 31 mars 1999
CC/PIU/391-F
Déclaration du Procureur

Veuillez trouver ci-dessous une copie de la déclaration de Louise Arbour, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda, rendue publique aujourd’hui à l’occasion du point de presse. Vous trouverez également une copie de la lettre adressée à certains hauts responsables de Serbie et de RFY cités dans la déclaration.

« Dans une déclaration de presse parue vendredi dernier, le 26 mars, j’ai annoncé que j’avais écrit à certains hauts responsables de Serbie et de la RFY, notamment pour leur rappeler leurs obligations au regard du droit international et pour les prévenir qu’ils pourraient avoir à répondre de leurs actes. Ici, à La Haye, l’ambassade de RFY a reçu des exemplaires de mes lettres par télécopie mais a refusé, lundi, d’en accepter les versions originales. Au vu de ce refus, j’estime nécessaire de rendre public le contenu de ces lettres et le nom des personnes à qui elles étaient adressées. C’est la seule solution qui m’est donnée pour être sûre que leurs destinataires en ont pris connaissance. Je mettrai donc le texte de ces lettres et la liste des destinataires à votre disposition à la fin de cette conférence de presse. Je me contenterai de faire remarquer que, outre le Président Milošević, cette liste concerne, entre autres, M. Milutinović, le Président de la République de Serbie, le Ministre de l’intérieur de la République fédérale de Yougoslavie, le chef d’État major de l’Armée yougoslave, le chef des forces spéciales de la sûreté de l’État de la République de Serbie et l’adjoint du chef de la sécurité au Kosovo.

Nos enquêtes sur les allégations les plus récentes concernant la perpétration de crimes relevant de la compétence du Tribunal progressent, mais je n’ai pas l’intention d’en révéler les détails. Il est évident que nous devons nous fonder sur des éléments de preuve fiables, nous permettant non seulement de confirmer que des crimes ont été commis, mais également de révéler l’identité de leurs auteurs. Nous devons également disposer de suffisamment d’éléments pour établir la culpabilité de dirigeants militaires et politiques ayant le devoir d’empêcher et de punir la perpétration de crimes de guerre.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’OTAN ont annoncé publiquement, récemment, qu’ils disposaient de moyens de preuve relatifs à la perpétration de crimes relevant de notre compétence, notamment des informations sur les auteurs de ces crimes, et qu’ils les communiqueraient à mon Bureau. Je salue ces déclarations et prends ces garanties très au sérieux. J’espère recevoir ce type d’informations de façon régulière, non seulement de leur part mais également de tous les Gouvernements, de toutes les organisations internationales et ONG, ainsi que de toute personne poursuivant la paix, la justice et la recherche objective de la vérité.

Des personnes et des groupes m’ont demandé instamment de mettre en accusation des officiers de l’OTAN et d’autre hauts gradés pour crimes de guerre, en raison des frappes aériennes menées contre la Serbie. Je suis intimement convaincue que nul n’ignore que le
Tribunal est compétent pour juger les crimes commis sur le territoire du Kosovo.

Celle-ci n’a d’ailleurs jamais été remise en cause, hormis par la RFY. Le Tribunal est compétent pour juger quiconque se rend coupable, ou s’est rendu coupable de génocide, de crimes contre l’humanité, d’infractions graves aux conventions de Genève de 1949 et de violations des lois ou coutumes de la guerre, perpétrés depuis 1991 sur l’ensemble du territoire de l’ex-Yougoslavie.

Je vais examiner tous les documents qui m’ont été remis et qui laissent à penser que des crimes relevant de la compétence du TPIY ont été commis. Je ne rejetterai que les conclusions sans fondement et les diatribes politiques.

J’ai bien conscience des attentes de la communauté internationale, qui souhaite que des efforts considérables soient déployés afin d’empêcher la perpétration de nouvelles atrocités au Kosovo. Comme vous le savez, je demande systématiquement que les actes d’accusation confirmés tombent sous le coup d’une ordonnance aux fins de non-divulgation – ces actes d’accusation sont à présent connus sous le nom d’actes d’accusation « secrets » « ou « sous scellés » - afin d’augmenter les chances d’arrestation des accusés. Au vu des récents rapports concernant son implication présumée dans les évènements survenus au Kosovo, j’ai décidé de rendre public l’existence d’un acte d’accusation dressé contre Željko Ražnjatović, dit « Arkan ». En conséquence, un juge m’a remis aujourd’hui une ordonnance exigeant que le mandat d’arrêt soit rendu public et des efforts sont actuellement déployés pour qu’elle soit délivrée à l’ambassade de la RFY, à La Haye. Toutefois, l’ordonnance ne concerne pas l’acte d’accusation lui-même, qui restera sous scellés jusqu’à l’arrestation de l’accusé.

L’acte d’accusation dressé contre Arkan, assorti du mandat d’arrêt, a été confirmé le 30 septembre 1997. Il n’a pas encore été signifié à la RFY en raison du refus, de la part du Gouvernement serbe, d’honorer ses obligations envers la communauté internationale en exécutant les mandats d’arrêt établis par le Tribunal, malgré l’injonction du Conseil de sécurité à cet effet. Je ne peux qu’espérer que, étant donné les circonstances, les autorités de RFY jugeront bon de se conformer aux exigences du Conseil de sécurité et procéderont sans attendre à l’arrestation et au transfert d’Arkan devant le Tribunal.

Si la divulgation de ce mandat d’arrêt réduit quelque peu la possibilité d’interpeller l’accusé hors de l’ex-Yougoslavie, elle aura néanmoins pour effet de faire savoir à ceux qui voudraient faire appel à lui, ou obéir à ses ordres, qu’ils auront à répondre de leur association avec une personne accusée de crimes de guerre. »

Notre réf : 99 26 mars 1999

Messieurs,

Comme vous le savez, le Président du Tribunal a informé le Conseil de sécurité des Nations Unies du fait que la République fédérale de Yougoslavie n’a pas respecté son obligation de coopérer avec mon Bureau dans le cadre des enquêtes menées au Kosovo concernant des crimes de guerre. Non seulement mes enquêteurs n’ont pas été autorisés à mener des enquêtes de terrain au Kosovo, mais le départ des membres de la Mission de vérification de l’OSCE signifie que la présence d’observateurs indépendants est particulièrement réduite.

Dans ce contexte et à la lumière des rapports qui circulent actuellement sur la montée des violences au Kosovo, je suis particulièrement préoccupée par le fait que de sérieuses violations du droit international humanitaire continuent à être perpétrées. Pour le cas où vous douteriez du droit applicable, je joins à ce courrier les extraits pertinents du Statut du Tribunal pénal international. Le TPIY est compétent pour poursuivre les crimes énoncés dans les articles 2 à 5 du Statut. La responsabilité individuelle, y compris celles des personnes en position d’autorité, est énoncée à l’article 7.

J’ai l’intention d’enquêter sur toutes les violations graves du droit international humanitaire qui méritent de faire l’objet de poursuites à l’échelle internationale, en particulier lorsqu’elles ont trait à des attaques contre la population civile. J’estime, en outre, qu’il faut tout mettre en œuvre pour décourager la perpétration d’autres crimes. Je compte donc sur vous pour exercer votre autorité sur vos subordonnées afin d’empêcher que d’autres crimes ne soient commis et pour prendre toutes les mesures nécessaires pour punir ceux qui, parmi eux, ont commis des infractions graves au droit humanitaire au Kosovo.

Croyez, Monsieur, en l’assurance de mes salutations respectueuses,

Louise Arbour
Procureur

Son Excellence

Mr. Slobodan Milošević
Président
Belgrade
République fédérale de Yougoslavie

1. Slobodan Milošević, Président de la RFY
2. Mirko Marjanović, Premier ministre de la République de Serbie
3. Milan Milutinović, Président de la République de Serbie
4. Nikola Šainović, Premier Ministre de la République fédérale de Yougoslavie
5. Momir Bulatović, Premier Ministre de la République fédérale de Yougoslavie
6. Frenki Simatović, Chef des forces spéciales de la sûreté de l’État, République de Serbie
7. Dragoljub Ojdanić, général de corps d’armée, Chef de l’État major de l’Armée yougoslave (VJ)
8. Nebjoša Pavković, Général, Commandant du Corps de Priština
9. Sreten Lukić, Général, chef des opérations de police au Kosovo
10. Lubinko Cvetić, adjoint au chef du service de sécurité publique au Kosovo, République de Serbie
11. Radomir « Rade » Marković, chef de la sûreté de l’État, adjoint du Ministre de l’intérieur, République de Serbie
12. Zoran Sokolović, Ministre de l’intérieur de la République fédérale de Yougoslavie
13. Vlajko Stojilković, Ministre de l’intérieur, République de Serbie

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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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