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La Chambre d’appel ordonne la tenue d’un nouveau procès dans l’affaire concernant Jovica Stanišić et Franko Simatović

Chambre d’appel | | La Haye |

La Chambre d’appel, composée du Juge Pocar (Président), du Juge Agius, du Juge Liu, du Juge Ramaroson et du Juge Afanđe a annulé aujourd’hui la décision rendue en première instance d’acquitter Jovica Stanišić, ancien directeur adjoint et directeur du service de la sûreté de l’État (le SDB) au sein du Ministère de l’intérieur de la République de Serbie, et Franko Simatović, ancien adjoint au chef du deuxième bureau du SDB de Serbie et conseiller spécial au sein du SDB. La Chambre d’appel a ordonné que Jovica Stanišić et Franko Simatović soient rejugés pour tous les chefs d’accusation.

Il est allégué dans l’Acte d’accusation qu’entre avril 1991 et le 31 décembre 1995, du fait de leur participation à une entreprise criminelle commune, Jovica Stanišić et Franko Simatović ont commis des crimes dans la région autonome serbe de Krajina et la région autonome serbe de Slavonie, de la Baranja et du Srem occidental, en Croatie, ainsi que dans les municipalités de Bijeljina, Bosanski Šamac, Doboj, Sanski Most, Trnovo et Zvornik, en Bosnie‑Herzégovine. L’objectif criminel commun allégué de cette entreprise était de chasser par la force et à jamais la majorité des non‑Serbes, essentiellement des Croates, des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie, de vastes portions du territoire de la Croatie et de la Bosnie‑Herzégovine. Selon l’Acte d’accusation, cela supposait la commission des crimes de meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre, et d’assassinat, un crime contre l’humanité, ainsi que des crimes que sont l’expulsion, les autres actes inhumains (transfert forcé) et les persécutions (sous la forme de meurtres, d’expulsions et d’autres actes inhumains (transfert forcé)), des crimes contre l’humanité. Jovica Stanišić et Franko Simatović étaient également accusés d’avoir planifié, ordonné et/ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer et/ou exécuter les crimes allégués dans l’Acte d’accusation.

Le 30 mai 2013, la Chambre de première instance avait conclu que nombre des crimes allégués dans l’Acte d’accusation avaient effectivement été commis par diverses forces serbes dans les régions susmentionnées. Cependant, la Chambre de première instance avait jugé, à la majorité, que ni Jovica Stanišić ni Franko Simatović n’était responsable de ces crimes pour avoir participé à une entreprise criminelle commune dans la mesure où il n’avait pas été établi au‑delà de tout doute raisonnable qu’ils étaient animés de l’intention requise de poursuivre l’objectif criminel commun. La Chambre de première instance avait également conclu qu’il n’avait pas été établi au‑delà de tout doute raisonnable que Jovica Stanišić et Franko Simatović avaient planifié et/ou ordonné ces crimes. En conséquence, la Chambre de première instance avait, à la majorité, déclaré Jovica Stanišić et Franko Simatović non coupables de tous les chefs d’accusation.

L’Accusation a interjeté appel du Jugement et a présenté trois moyens d’appel.

Par son premier moyen d’appel, l’Accusation a fait valoir, entre autres, que la Chambre de première instance avait commis une erreur de droit en concluant qu’il n’avait pas été établi que Jovica Stanišić et Franko Simatović étaient animés de l’intention requise de réaliser l’objectif criminel commun sans se prononcer et/ou sans fournir une opinion motivée sur des « éléments essentiels » de la responsabilité découlant de la participation à une entreprise criminelle commune, en particulier l’existence d’un objectif criminel commun et la contribution de Jovica Stanišić et de Franko Simatović à cet objectif.

La Chambre d’appel a fait observer que, avant de formuler sa conclusion sur leur intention, la Chambre de première instance n’avait pas déterminé si les composantes de l’élément matériel de la participation à une entreprise criminelle commune — à savoir l’existence d’un objectif criminel commun, l’existence d’une pluralité de personnes et la contribution de Jovica Stanišić et de Franko Simatović à cet objectif criminel commun — étaient réunies. « En l’absence d’une analyse minutieuse et de conclusions tirées au préalable sur l’existence et la portée d’un objectif criminel commun partagé par une pluralité de personnes et sur la contribution de Jovica Stanišić et de Franko Simatović à cet objectif, la Chambre de première instance ne pouvait pas se prononcer correctement sur l’état d’esprit de Jovica Stanišić et de Franko Simatović », à savoir leur intention. Par conséquent, la Chambre d’appel a conclu, à la majorité, que la Chambre de première instance avait eu tort de ne pas se prononcer sur l’existence et la portée d’un objectif criminel commun partagé par une pluralité de personnes avant de conclure que l’intention de Jovica Stanišić et de Franko Simatović n’était pas établie. Ce faisant, la Chambre d’appel a conclu, toujours à la majorité, que la Chambre de première instance avait commis une erreur de droit en ne se prononçant pas et en ne fournissant pas une opinion motivée sur des éléments essentiels de la responsabilité découlant de la participation à une entreprise criminelle commune. À cet égard, la Chambre d’appel a fait droit en partie au premier moyen d’appel soulevé par l’Accusation. La Chambre d’appel a décidé qu’elle n’avait pas à examiner les autres arguments présentés à l’appui de ce moyen d’appel et les a déclarés sans objet.

Par son deuxième moyen d’appel, l’Accusation a fait valoir, entre autres, que la Chambre de première instance avait commis une erreur de droit en exigeant que les actes du complice par aide et encouragement visent précisément à faciliter la commission d’un crime.

La Chambre d’appel a rappelé l’Arrêt Šainović et consorts et l’Arrêt Popović et consorts, dans lesquels la Chambre d’appel avait précisé qu’en droit international coutumier, la responsabilité pour aide et encouragement n’exige pas que l’aide apportée « vise précisément » à faciliter les crimes, et a conclu, à la majorité, que la Chambre de première instance avait commis une erreur de droit en exigeant que les actes du complice par aide et encouragement visent précisément à faciliter la commission du crime. À cet égard, la Chambre d’appel a fait droit en partie au deuxième moyen d’appel soulevé par l’Accusation. La Chambre d’appel a décidé qu’elle n’avait pas à examiner les autres arguments présentés à l’appui de ce moyen d’appel et les a déclarés sans objet.

Compte tenu des erreurs identifiées, la Chambre d’appel a conclu, à la majorité, que dans cette affaire, les circonstances justifiaient la tenue d’un nouveau procès en application de l’article 117 C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal. En conséquence, la Chambre d’appel a ordonné que Jovica Stanišić et Franko Simatović soient rejugés pour tous les chefs d’accusation.

Ayant fait droit, en partie, au premier et au deuxième moyens d’appel présentés par l’Accusation, et ayant ordonné la tenue d’un nouveau procès, la Chambre d’appel a conclu, à la majorité, qu’elle n’avait pas à examiner le troisième moyen d’appel soulevé par l’Accusation et l’a déclaré sans objet.

Par conséquent, la Chambre d’appel a ordonné la détention de Jovica Stanišić et de Franko Simatović au Quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye, jusqu’à nouvel ordre.

Le Juge Agius a joint une opinion séparée et partiellement dissidente. Le Juge Afanđe a joint une opinion dissidente.

L’acte d’accusation initial contre Jovica Stanišić et Franko Simatović a été confirmé le 1er mai 2003. Franko Simatović et Jovica Stanišić ont été transférés à La Haye le 30 mai 2003 et le 11 juin 2003 respectivement. Le procès s’est ouvert le 28 avril 2008. Il a cependant été reporté plusieurs fois en raison de l’état de santé de Jovica Stanišić, avant de reprendre le 9 juin 2009. Les réquisitoire et plaidoiries se sont tenus du 29 au 31 janvier 2013. La Chambre de première instance a rendu son jugement le 30 mai 2013.

Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 149 d’entre elles sont closes. Des procédures sont en cours concernant 12 personnes.