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Le Procureur des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda appelle instamment à la création d’une cour permanente de justice « forte et bien équipée, pouvant agir comme un mécanisme faisant autorité ».

Communiqué de presse  BUREAU DU PROCUREUR

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 8 décembre1997
CC/PIO/271-F
Le Procureur des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour
le Rwanda appelle instamment à la création d’une cour permanente de justice
« forte et bien équipée, pouvant agir comme un mécanisme faisant autorité ».

 

« Une institution faible et sans moyens trahirait les idéaux mêmes des droits de l’homme à l’origine de sa création et pourrait être considérée comme un instrument régressif. »

          S’adressant au Comité préparatoire pour la création d’une cour pénale internationale, le lundi 8 décembre 1997 à New York, Louise Arbour, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a salué la création d’une cour pénale permanente, estimant qu’il s’agissait d’« un renforcement opportun du droit international, qui s’inscrit dans la recherche de mesures pacifiques et efficaces visant à empêcher les conflits ou à les résoudre », à condition que « cette cour soit forte et bien équipée, pouvant agir comme un mécanisme faisant autorité et en mesure de prononcer des peines de réclusion ».

          Si tel n’était pas le cas, a-t-elle prévenu, la Cour pénale permanente serait « une institution faible et impotente», qui « manquerait de légitimité (..., trahirait les idéaux mêmes des droits de l’homme à l’origine de sa création, et pourrait être considérée comme un instrument régressif, car non seulement elle ne serait pas capable de rendre équitablement la justice, mais elle risquerait en outre d’exacerber le ressentiment légitime de ceux qui en ont été privés ». « Je ne suis pas sûr qu’une cour faible vaille mieux que pas de cour du tout », a-t-elle ajouté.

Procureur du TPIY et du TPIR depuis octobre 1996, Louise Arbour, forte de son expérience, a identifié trois domaines auxquels le Comité préparatoire devrait se concentrer.

« Le Procureur doit être indépendant et efficace »

Louise Arbour a déclaré que, « dans les premiers temps, il ne fait aucun doute » qu’« il y a plus à craindre d’un procureur sans moyens que d’un procureur trop influent (...) : nulle institution ne saurait être fondée sur l’hypothèse qu’elle sera dirigée par des gens incompétents, agissant de mauvaise foi et pour de mauvais motifs (...) Le Procureur et la Cour elle-même, devraient avoir suffisamment de pouvoir pour appliquer les dispositions du Statut (...) Il ne faut certes pas banaliser les effets de la mise en accusation, mais il n’en demeure pas moins que si les chefs d’accusation ne sont pas étayés, l’accusé est acquitté. Si le Procureur n’est pas en mesure de poursuivre des personnes coupables de crimes sanctionnés par le Statut, ce dernier perdra sa raison d’être (…) Au regard des difficultés rencontrées par mon Bureau, il est plus vraisemblable que le Procureur de la Cour permanente sera constamment affaibli par l’incapacité de cette dernière à faire respecter ses décisions et par la forte réticence des États partie à coopérer (...) Or, nombre des éléments de preuve permettant de prouver la commission des crimes se trouveront dans les États les plus touchés par les conflits et par les crimes eux-mêmes. De nombreux témoins potentiels devront être déplacés à l’intérieur des frontières, ou bien résideront dans des territoires occupés ou ayant fait sécession ».

Il est par conséquent essentiel que « le Procureur de la Cour permanente se voie garantir un accès direct à tous les éléments de preuve potentiels, qu’il s’agisse de preuves documentaires ou d’autres éléments de preuve physiques, et qu’il puisse s’entretenir avec des témoins » sans que le Statut « ne contraigne la Cour à dépendre des autorités nationales (...) À moins qu’il ne s’agisse de questions de sécurité nationale légitimes, dont la Cour devra tenir compte, les gouvernements ne devraient ni contrôler, ni donner l’impression de contrôler, l’accès du Procureur aux éléments de preuve pertinents. Le Procureur doit être autorisé à s’entretenir avec les témoins librement et en toute indépendance, y compris, si nécessaire, avec des membres du Gouvernement ou de l’armée. »

« La plus grande discrétion en matière de poursuites »

Selon Louise Arbour, « le Procureur devrait être en mesure d’initier des enquêtes de droit lorsqu’il dispose d’informations dignes de foi, quelle qu’en soit la source. (...) Il serait ainsi mieux à même d’engager des poursuites de façon apolitique, indépendante et professionnelle, en appliquant des critères juridiques pertinents (...) ».

Même si le statut devait prévoir le renvoi d’une plainte ou d’une affaire devant la juridiction de la cour, il conviendrait de « garder la plus grande discrétion en matière de poursuites. À titre d’exemple, il serait approprié que le Procureur soit mandaté pour mener des enquêtes et poursuivre des crimes perpétrés dans le cadre d’un conflit précis, mais pas qu’il soit mandaté pour enquêter sur des crimes qui n’auraient été commis que par l’une des parties au conflit ».

Pour Louise Arbour, « la principale menace qui pèse sur la légitimité de la cour permanente serait l’idée, en apparence crédible, que le Bureau du Procureur, voire la cour elle-même, fait l’objet de manipulations visant à satisfaire des impératifs politiques ».

« Citerexplicitement la violence sexuelle »

Commentant la juridiction de la cour permanente, Louise Arbour a tout d’abord estimé que « le Statut doit également concerner des crimes de guerre perpétrés dans le cadre de conflits internes, et, dans les limites fixées par le droit international, les mêmes comportements criminels doivent être sanctionnés dans tous les types de conflits (...) la plupart des conflits modernes sont de caractère interne ou mixte (...) ».

Le Procureur a également estimé que « le statut devrait citer explicitement la violence sexuelle, afin de refléter la perception contemporaine de ce type de crimes, considérés comme des atteintes à la personne. (...) La violence sexuelle doit être sanctionnée par le Statut en tant que crime de guerre, et en tant que crimes contre l’humanité. Cette codification explicite de la violence sexuelle ne doit cependant pas empêcher le Procureur d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour qualifier ce comportement aux termes de toute autre partie pertinente du Statut ».

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