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S.E. le juge Claude Jorda, Président du TPIY, fait état au Conseil de Sécurité de l'absence continue de coopération de la part de la République Fédérale de Yougoslavie

Communiqué de presse PRÉSIDENT

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 23 octobre 2002
JDH/S.I.P/706-f 
 

S.E. le juge Claude Jorda, Président du TPIY, fait état au Conseil de Sécurité de l'absence
continue de coopération de la part de la République Fédérale de Yougoslavie

Veuillez trouver ci-dessous le texte intégral de la lettre du Président Jorda adressée mardi 23 octobre 2002 au Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

La Haye, le 23 octobre 2002,

Monsieur le Président,

Agissant dans le cadre des pouvoirs qui me sont conférés et à la demande du Procureur, je me permets de vous saisir officiellement du non-respect par la République Fédérale de Yougoslavie de ses obligations de coopération envers le Tribunal international, qui lui incombent en vertu de l’article 29 du Statut.

En effet, le 17 octobre 2002, Mme le Procureur Del Ponte m’a fait savoir que cet État contrevenait gravement à ses obligations internationales et ce, sur deux points : premièrement, il n’a pas arrêté ni transféré les accusés se trouvant sur son territoire et, deuxièmement, il a adopté, le 11 avril 2002, une loi de coopération avec le Tribunal international qui viole ses engagements envers ce dernier.

J’ai été particulièrement convaincu par l’argumentation du Procureur et ai, en conséquence, décidé de vous saisir.

S’agissant du premier point, le Procureur et moi-même sommes persuadés, pour certains accusés, et avons de fortes raisons de croire, pour d’autres, que la République Fédérale de Yougoslavie ne collabore pas à leurs recherche, arrestation et transfert à La Haye. Je vous rappelle que 11 accusés — à savoir Ratko Mladic (mis en accusation le 25 juillet 1995), Miroslav Radic (mis en accusation le 7 novembre 1995), Veselin Sljivancanin (mis en accusation le 7 novembre 1995), Gojko Jankovic (mis en accusation le 18 juin 1996), Dragan Zelenovic (mis en accusation le 18 juin 1996), Dragomir Milosevic (mis en accusation le 24 avril 1998), Milan Lukic (mis en accusation le 21 octobre 1998), Sredoje Lukic (mis en accusation le 21 octobre 1998), Milan Milutinovic (mis en accusation le 24 mai 1999), Vladimir Kovacevic (mis en accusation le 22 février 2001) et Vinko Pandurevic (mis en accusation le 7 décembre 2001) — n’ont toujours pas été appréhendés ni traduits devant le Tribunal international. Je souligne que les actes d’accusation, ainsi que les mandats d’arrêt et ordres de transfert concernant ces accusés ont été à plusieurs reprises signifiés aux autorités compétentes de la République Fédérale de Yougoslavie. En date d’aujourd’hui, nous n’avons toujours pas reçu de réaction significative de leur part.

J’en conclus donc qu’un délai plus que raisonnable s’est écoulé sans que l’État visé ait rendu compte des mesures prises pour donner suite aux actes d’accusation, mandats d’arrêt et ordres de transfert émis par le Tribunal international et, conformément à l’article 59 B) du Règlement de procédure et de preuve, il me revient donc de m’en référer à vous.

En outre, je me permets de vous rappeler que, suivant la procédure prévue à l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve, le Tribunal avait émis des mandats d’arrêts internationaux à l’encontre de Miroslav Radic, Mile Mrksicet Veselin Sljivancanin, le 3 avril 1996, ainsi que de Ratko Mladic, le 11 juillet 1996. À l’issue de ces procédures, le Tribunal avait à chaque fois établi que le défaut de signification de l’acte d’accusation était imputable au défaut ou au refus de coopération de la République Fédérale de Yougoslavie avec le Tribunal international.

Je note également que, dans sa résolution 1207 (S/RES/1207) datée du 17 novembre 1998, le Conseil de sécurité avait lui-même condamné le manque de coopération de la République Fédérale de Yougoslavie à l’arrestation de trois accusés dans l’affaire IT-93-13a (affaire dite de « Vukovar »), à savoir Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin. Sur ces trois accusés, seul Mile Mrksic s’est rendu volontairement au Tribunal international, le 15 mai 2002.

S’agissant de la loi de coopération adoptée le 11 avril 2002 par la République Fédérale de Yougoslavie, le Procureur et moi-même affirmons que son article 39 contrevient aux obligations internationales de coopération, en ce qu’il prévoit que tout individu inculpé par le Tribunal international après l’entrée en vigueur de ladite loi sera jugé par les juridictions yougoslaves. Il s’agit d’une violation flagrante de l’article 9, paragraphe 2, du Statut, qui garantit la primauté du Tribunal international sur les juridictions nationales. Par ailleurs, je souligne que l’article 58 du Règlement de procédure et de preuve prévoit explicitement que « les obligations énoncées à l’article 29 du Statut prévalent sur tous obstacles juridiques que la législation nationale ou les traités d’extradition auxquels l’État intéressé est partie pourraient opposer à la remise ou au transfert de l’accusé […] au Tribunal ».

Je tiens de surcroît à vous informer que Mme Del Ponte s’est rendue le 21 octobre 2002 en République Fédérale de Yougoslavie et y a rencontré M. Goran Svilanovic, Ministre des affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie, et M. Zoran Djindjic, Premier Ministre de la République de Serbie, pour essayer de débloquer la situation sur ces deux questions. Ces démarches ultimes sont demeurées vaines.

En ma qualité de Président du Tribunal international, responsable du bon accomplissement de la mission que vous lui avez confiée, je me dois de vous rappeler que le 23 juillet dernier, vous nous avez expressément mandatés pour concentrer nos activités sur le jugement des principaux responsables civils, militaires et paramilitaires et ce, notamment, afin de pouvoir clôturer nos activités d’instance vers la fin de l’année 2008. Or, nous ne pourrons y parvenir que si la République Fédérale de Yougoslavie, comme tous les États concernés d’ailleurs, collabore pleinement avec le Tribunal international. En effet, tout retard dans les arrestations empêchera irrémédiablement le Tribunal international de clôturer ses travaux dans les délais envisagés.

Je vous ai officiellement saisi aujourd’hui, parce que j’ai estimé que la Communauté internationale devait être avertie du manquement de la République Fédérale de Yougoslavie à ses engagements internationaux, à un moment où cette Communauté est appelée à prendre des décisions cruciales pour l’avenir de ce pays, quant à son accession au Conseil de l’Europe et au Partenariat pour la Paix de l’OTAN.

C’est pour toutes ces raisons que le Procureur et moi-même vous demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour contraindre la République Fédérale de Yougoslavie à assumer pleinement ses obligations internationales.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

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