Communiqué de presse |
GREFFE
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(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel) |
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Dragoljub Kunarac est le premier accusé de viol et de torture de femmes musulmanes de Bosnie à se livrer au Tribunal
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) confirme que Dragoljub Kunarac, mis en cause par le Tribunal, s’est rendu le mercredi 4 mars 1998 et a été placé le jour même sous la garde du Tribunal, au quartier pénitentiaire des Nations Unies.
Dragoljub Kunarac s’est volontairement livré aux soldats français de la SFOR stationnés à Filipovići, près de Foča, le mercredi 4 mars 1998 vers 15 heures. Il a ensuite été conduit à Mostar et devrait arriver à La Haye mercredi, tard dans la soirée.
L’étape suivante de la procédure judiciaire est celle de la comparution initiale de l’accusé devant une Chambre de première instance. Il devra alors plaider coupable ou non coupable de chacun des chefs d'accusation retenus contre lui dans l’acte d'accusation.
Contexte de l’acte d'accusation
Dragoljub Kunarac est l’un des huit individus mis en cause dans le premier acte d'accusation concernant des crimes sexuels, établi en juin 1996. Cet acte d'accusation majeur (affaire Foča) porte sur le régime brutal de viol collectif, torture et réduction en esclavage auquel ont été soumises des femmes musulmanes de Foča et d’ailleurs entre avril 1992 et février 1993, par des soldats, des policiers et des membres de groupes paramilitaires serbes de Bosnie, dont certains venaient de Serbie et du Monténégro.
D’après l’acte d'accusation, l’armée des Serbes de Bosnie (VRS), aidée d’unités paramilitaires, s’est emparée de la municipalité de Foča entre avril et juillet 1992. Les hommes et les femmes ont été séparés par les soldats.
C'est essentiellement dans le Kazneno-popravni Dom de Foča (« KP Dom »), l'un des plus grands centres pénitentiaires de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie, que les hommes étaient emprisonnés.
Le KP Dom fait parti de plusieurs centres de détention mentionnés dans l’acte d'accusation établi le 25 juillet 1995 contre Radovan Karadžic et Ratko Mladić.
Les femmes, les enfants et les vieillards musulmans étaient enfermés dans des maisons, des appartements et des motels de la ville de Foča ou des villages environnants, ou dans des centres de détention à court ou à long terme, tels que Buk Bijela, le lycée de Foča et le centre sportif Partizan. Plusieurs femmes étaient en outre détenues dans des maisons ou des appartements qui étaient gérés comme s’il s’agissait de lieux de passes par des groupes essentiellement constitués de paramilitaires.
Bon nombre de femmes détenues, dont certaines n’avaient que 12 ans, ont connu des « conditions de vie humiliantes et dégradantes, ont été violemment battues et ont été victimes de violences sexuelles, y compris des viols ».
Les victimes
Dans l’acte d'accusation, les accusés doivent répondre de crimes perpétrés à l’encontre d’au moins 14 victimes, désignées dans l’acte d'accusation à l’aide de noms de code ou d'initiales.
Ces femmes, et d’autres, étaient soumises presque en permanence à des viols et des sévices sexuels, à des actes de torture et à d’autres violences. Selon l’acte d'accusation : « La santé physique et psychologique de bon nombre des détenues s'est sérieusement détériorée en raison de ces violences sexuelles. Certaines des femmes souffraient d'épuisement, de pertes vaginales, de dysfonctionnement de la vessie et de flux menstruels irréguliers. Les détenues vivaient dans une angoisse permanente. Certaines des femmes qui ont fait l'objet de sévices sexuels avaient envie de se suicider. D'autres sont devenues indifférentes à ce qui allait leur arriver et ont basculé dans la dépression ».
« Un grand nombre d'entre elles souffraient en permanence de problèmes gynécologiques dus aux violences sexuelles (…) Toutes les femmes qui ont été victimes de sévices sexuels ont été traumatisées psychologiquement et émotionnellement; ce traumatisme persiste chez certaines ».
Information générale au sujet de l’accusé et des chefs d’accusation retenus contre lui
L’accusé
Dragoljub Kunarac, alias « Zaga » ou « Dragan », fils d'Aleksa, est né le 15 mai 1960 à Foča. Avant l'offensive d'avril 1992 contre Foča, il vivait à Tivat, dans le Monténégro. Il était le commandant d'une unité spéciale de volontaires paramilitaires serbes non locaux, essentiellement originaires du Monténégro. Dragoljub Kunarac a installé son quartier général dans une maison du quartier Aladza, au n°16 Ulica Osmana Dikića, à Foča. Après la prise de Foča, il s'est installé à cet endroit avec au moins dix soldats monténégrins.
Il est allégué qu’en sa qualité de commandant, Dragoljub Kunarac était responsable des actes des soldats qu'il avait sous ses ordres et savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés infligeaient des violences sexuelles à des Musulmanes dans son quartier général et a personnellement participé à l’infliction de sévices sexuels.
Les chefs d’accusation
Chefs 36-55
Torture et viols commis sur FWS-48, FWS-50, FWS-75, FWS-87, FWS-95 et d'autres femmes dans le centre sportif Partizan
(...)
9.3 Cette même nuit, après que Janko Janjić a ramené les femmes à Partizan,
Dragoljub Kunarac a emmené ces trois mêmes femmes à l'hôtel Zelengora.FWS-48 a refusé de le suivre et Dragoljub Kunarac lui a donné des coups de pied et l'a traînée dehors. A l'hôtel Zelengora, FWS-48 a été placée dans une autre pièce et Dragoljub Kunarac et Zoran Vuković l'ont tous deux violée (pénétration vaginale et fellation). Ces deux auteurs de sévices lui ont dit qu'elle donnerait naissance à des bébés serbes.
(...)
9.8 À deux reprises, Dragoljub Kunarac a emmené FWS-87 au quartier général monténégrin, dans le quartier Aladza, sachant qu'elle était susceptible d'être victime de violences sexuelles à cet endroit. Les deux fois, deux soldats monténégrins étaient présents et ont violé FWS-87.
9.9 Parmi les hommes qui infligeaient fréquemment des sévices sexuels à FWS-87 à Partizan se trouvaient Janko Janjić, Gojko Janković et Dragoljub Kunarac. En raison de ces violences sexuelles fréquentes, FWS-87 éprouvait fréquemment l'envie de se suicider durant sa détention à Partizan. .../...
9.10 Dragoljub Kunarac a emmené FWS-75 et D.B. à cinq reprises au moins dans son quartier général abritant un groupe de soldats monténégrins, dans le quartier Aladza, au n° 16 Ulica Osmana Dikica. Ces soldats étaient commandés par Dragoljub Kunarac. À la mi-juillet 1992, FWS-75 et D.B. ont été emmenées dans cette maison pour la première fois. Lorsqu'ils sont arrivés au quartier général, un groupe de soldat attendait. Dragoljub Kunarac a emmené D.B. dans une autre pièce et lui a fait subir des violences sexuelles, tandis que FWS-75 était laissée à cet endroit avec les autres soldats monténégrins. Durant environ 3 heures, FWS-75 a été collectivement violée par au moins 15 soldats (pénétration vaginale et anale et fellation). Ils lui ont fait subir des violences sexuelles de toutes les manières possibles. Les soldats ont mis leur pénis dans ses mains et ont éjaculé sur tout son corps. Pendant ces sévices sexuels, un soldat a sorti un couteau et a menacé de lui couper les seins, mais un autre soldat l'en a empêché. Ce viol collectif est le seul que FWS-75 ait subi dans le quartier général monténégrin. A d'autres moments, dans le quartier général, un à trois soldats l'ont violée à tour de rôle.
(...)
9.12 Le 18 juillet ou vers cette date, Gojko Janković a emmené FWS-48, FWS-95 et B.P. dans une maison près de la gare routière. De là, Dragoljub Kunarac a emmené FWS-48 dans une autre maison près du quartier Donje Polje, où il l'a violée (pénétration vaginale et fellation).
(...)
9.15 Le 2 août 1992, Dragoljub Kunarac a emmené FWS-75, FWS-87, FWS-50 et D.B. dans le quartier général monténégrin. Certaines femmes du camp de détention de Kalinovik étaient également présentes. À cette occasion, Dragoljub Kunarac et trois soldats ont violé FWS-87. Plusieurs auteurs non identifiés ont violé FWS-75 pendant toute la nuit. Un soldat monténégrin qui violait FWS-50 (pénétration vaginale) a menacé de lui couper les bras et les jambes et de l'emmener à l'église pour la baptiser.
(...)
9.20 De juillet 1992 au 13 août 1992, FWS-95 a été emmenée presque chaque nuit
dans des maisons ou des appartements par des groupes de soldats commandés par Dragoljub Kunarac, Janko Janjić et Dragan Zelenović. Elle était parfois emmenée seule, parfois emmenée avec d'autres femmes. A chacune de ces occasions, FWS-95 était violée (pénétration vaginale et fellation). Elle était parfois l'objet d'un viol collectif. Dragoljub Kunarac, Janko Janjić, Gojko Janković et Dragan Zelenović se trouvaient parmi les soldats qui lui faisaient fréquemment subir des violences sexuelles.
9.21 Le 2 août 1992 ou vers cette date, Dragoljub Kunarac, de concert avec
Pero Elez, un dirigeant paramilitaire serbe en position de supérieur hiérarchique au
niveau régional, a transféré FWS-75, FWS-87 et deux autres femmes de Partizan à
Miljevina.
(...)
9.23 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-
48, FWS-50, FWS-75 et FWS-87 et FWS-95 décrits aux paragraphes 9.3, 9.8, 9.9, 9.10,9.12,9.15 et 9.21, Dragoljub Kunarac a commis:
Chef d'accusation 40: un crime contre l'humanité sanctionné par l'article 5(t) (torture) du Statut du Tribunal;
Chef d'accusation 41:un crime contre l'humanité sanctionné par l'article 5(g) (viol) du Statut du Tribunal;
Chef d'accusation 42: une infraction grave sanctionnée par l'article 2(b) (torture) du Statut du Tribunal; et
Chef d'accusation 43: une violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par l'article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l'article 3(1)(a) (torture) des Conventions de Genève.
Dragoljub Kunarac doit répondre des crimes qu’il est accusé d’avoir commis personnellement et des crimes allégués perpétrés par ses subordonnés.
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Les audiences du Tribunal peuvent être suivies sur son site Internet à l’adresse suivante : www. tpiy.org.
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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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