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Ambassadeur Wolfgang Petritsch


Wolfgang Petritsch était Ambassadeur d’Autriche à Belgrade de 1997 à 1999 et envoyé spécial de l’Union européenne au Kosovo d’octobre 1998 à juillet 1999.

Wolfgang Petritsch décrit une conversation qu’il a eu avec Slobodan Milošević le 22 mars 1999, à Belgrade, quelques heures avant le début de la campagne de bombardement de l’OTAN.

« Monsieur Milošević m'est apparu comme n'étant pas réellement intéressé. Au cours de cet entretien que j'ai eu avec lui, j'ai acquis le sentiment qu'il avait déjà pris sa décision à l'avance et qu'il n'était pas intéressé.»

« [Le négociateur russe des négociations de paix de Rambouillet et de Paris, Boris] Maiorsky a tenté de relancer les négociations… en disant: “M. Milosevic, que diriez-vous si nous réouvrions la discussion sur l'ensemble de l'accord et que nous reprenions les négociations à  zéro”?

Et, y compris dans une telle situation, M. Milošević n'a vraiment pas réagi de façon positive. Il a dit quelque chose du genre: “Bon, si vous le voulez, faites-le.” Ce qui ne semblait pas indiquer qu'il avait le moindre rôle à jouer dans tout cela. »

Wolfgang Petritsch décrit une conversation qu’il avait eu avec le Vice-Président du Parlement serbe,  Vladimir Štambuk, un proche associé de Slobodan Milošević , lors des négociations de paix de Rambouillet, en France, en février 1999.

« M. [Vladimir] Štambuk  a dit “Si les bombes de l'OTAN tombent, il y aura un massacre au Kosovo.” Et j'ai été très impressionné - c'est le moins qu'on puisse dire-par cette déclaration. Je pense qu'il est très clair que j'avais l'impression qu'il me disait qu'il y aurait un massacre qui serait perpétré par les forces yougoslaves ou serbes et le MUP (le ministère de l’Intérieur), à l'encontre des Albanais du Kosovo.

… J'étais très surpris; donc je n'ai pas élaboré là-dessus, mais cela m'a laissé l'impression très nette que, tout au moins pour M. Štambuk, ce qui pourrait se passer si une guerre ou un bombardement se produisait au Kosovo était très clair.»

Lors de ses engagements politiques en Yougoslavie, Wolfgang Petritsch travaillait en étroite collaboration avec de nombreux hauts dirigeants serbes, dont Slobodan Milošević. Petritsch avait une excellente connaissance des travaux du pouvoir serbe et des activités de Milošević. Dans son témoignage, il a communiqué des moyens de preuve afin de montrer que  Milošević contrôlait et influençait nombre des plus hautes personnalités politiques serbes.

En tant que négociateur en chef de l’Union européenne, Petritsch a joué un rôle déterminant dans les négociations entre le gouvernement yougoslave et les dirigeants albanais du Kosovo, qui se sont tenues à Rambouillet en février 1999 et à Paris en mars 1999. Ces entretiens ont constitué le dernier recours entrepris par la communauté internationale pour trouver une solution à la crise au Kosovo. La conférence a échoué parce que la partie serbe refusait de signer l’accord élaboré par la communauté internationale, refusant la présence de l’OTAN sur le territoire du Kosovo. Pour Petritsch, bien que les Albanais aient signé l’accord, ces derniers demeuraient insatisfaits en raison du degré de contrôle prévu pour les Serbes sur la province.

Petritsch a souligné le fait que, bien que Slobodan Milošević n’ait pas été présent à la conférence, l’équipe de négociation yougoslave le consultait régulièrement. Petritsch a affirmé que chaque étape des discussions-aussi bien les signes positifs de coopération du début que le désengagement final de la partie yougoslave- était déterminée par Milošević. Petritsch a déclaré: « On m’a fait comprendre à plusieurs occasions qu’on ne pouvait pas prendre de décision sur certains points directement. Ils disaient “On ne peut pas decider de cela, il faut qu'on pose la question. ” C'est-à-dire poser la question au Président Milošević pour savoir si cela était possible ou non. Si bien qu'on a vu se dessiner un système très clair: on s'est rendu compte que les négociateurs s'étaient vu attribuer un mandat, que c'étaient eux qui étaient les experts en la matière. Mais lorsqu'il s'agissait de prendre une décision politique quant à l'acceptation d'un accord quel qu'il soit, c'était au Président Milošević de parler. »

Petritsch a expliqué que la première partie de la conférence s’était tenue à Rambouillet et s’était conclue par un accord politique général, dont l’accord relatif à une « présence internationale » au  Kosovo. Petritsch a déclaré que cette présence internationale était envisagée comme la présence militaire de l’OTAN qui, comme il l’a dit à l’un des négociateurs yougoslaves, était nécessaire afin de démilitariser l’Armée de libération du Kosovo. Comme il s’agissait là de la question la plus délicate des négociations, les parties ont ajourné les discussions trois semaines pour  les étudier, puis sont revenues à la table des négociations le  15 mars 1999 à Paris.

Auparavant, le 8 mars 1999, Petritsch et Joschka Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères, s’étaient rendus à Belgrade pour y rencontrer Milošević. Petritsch a expliqué qu’il avait eu l’impression que « [ce qui] se profilait à l'horizon… était un changement complet d'attitude »  et que Milošević n’était pas intéressé pour négocier davantage ou passer quelque accord que ce soit. Petritsch en a conclu que, pour une raison ou pour une autre, Milošević devait avoir changé d’avis entre-temps.

Ceci s’est confirmé lors des discussions de Paris. « [Ce] n'étai[t] plus des négociations. En fait, les choses se faisaient de façon très accusatoire… Le côté serbe yougoslave n'était pas prêt à reprendre les négociations de façon constructive » a-t-il déclaré. Pour Petritsch, c’est Milošević qui leur avait donné instruction de ne pas parvenir à un résultat positif.

Petritsch et deux de ses homologues internationaux sont allés à Belgrade pour s’entretenir directement avec Milošević, le 22 mars 1999. Ils l’ont prévenu que si les négociations échouaient, l’OTAN lancerait sa campagne militaire. Petritsch a déclaré que Milošević ne paraissait pas intéressé par la reprise des discussions, même lorsque le négociateur russe a proposé de tout mettre de coté et de reprendre à zéro les négociations. L’OTAN a commencé sa campagne de bombardement le 24 mars 1999.

Wolfgang Petritsch, diplomate de carrière, a occupé plusieurs postes au ministère des Affaires étrangères d’Autriche, avant de devenir ambassadeur à Belgrade pour son pays et d’être envoyé de l’UE aux négociations de paix de Rambouillet et Paris. Il est par la suite devenu le haut représentant de la communauté internationale pour la Bosnie-Herzégovine et à l’époque de son témoignage, il était l’Ambassadeur d’Autriche auprès des Nations Unies, à Genève.

Wolfgang Petritsch a témoigné le 2 juillet 2002.  Lire son témoignage complet.