“Je suis coupable parce que j’ai accepté d’être à Keraterm. Je suis coupable parce que je ne les ai pas aidés davantage. Je suis coupable devant Dieu, devant ces personnes et devant vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je regrette les souffrances vécues par chacun de ces hommes, je regrette pour chacune des familles qui a perdu ses proches, je regrette la situation de chaque enfant qui a perdu son père, et de chaque femme qui est restée sans fils. ” |
En 1992, Damir Došen était commandant d’une équipe de gardes au camp de détention de Keraterm, à Prijedor, en Bosnie-Herzégovine. Il a permis les actes de persécutions et de violence perpétrés à l’encontre des détenus du camp. Ces derniers ont été victimes de passages à tabac, de viol, de violences sexuelles, de harcèlement, d’humiliations, de sévices psychologiques et de meurtres. Toutefois, il n’a été retenu contre lui qu’un nombre limité de circonstances aggravantes, en raison de la nature restreinte de ses responsabilités et parce que, en tant que commandant d’équipe, il a souvent agi dans le but d’améliorer les terribles conditions de vie qui régnaient au camp. Damir Došen a été condamné à une peine de 5 ans d’emprisonnement.
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8 octobre 2001 (extrait du compte rendu d'audience)
Je souhaite dire qu'à l'époque, j'étais jeune, inconséquent. Que j'ai perdu mon fils, que je me suis retrouvé dans le chaos de la guerre et de la mort et que je ne m'y suis pas retrouvé. Les prisonniers étaient mes concitoyens. Ils étaient innocents et ont beaucoup souffert.
Des méfaits ont été commis contre ces personnes et je suis prêt, pour ce crime, à répondre à hauteur de ma responsabilité. Je me suis efforcé de les aider, de leur faciliter la vie, de parler avec eux, de les protéger. Les conditions dans lesquelles ces personnes étaient enfermées étaient indignes d'un être humain.
Je suis coupable parce que j'ai accepté d’être à Keraterm. Je suis coupable parce que je ne les ai pas aidés davantage. C'est de cela dont je suis coupable devant Dieu, devant ces personnes et devant vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je regrette les souffrances vécues par chacun de ces hommes, je regrette pour chacune des familles qui a perdu ses proches, je regrette la situation de chaque enfant qui a perdu son père et de chaque femme qui est restée sans fils. Je souhaite que les mots que je prononce ici soient entendus de tous, notamment de mes voisins qui n'ont été enfermés que pour une raison: le fait qu'ils n'étaient pas Serbes.
Le mal s'est produit; ce mal ne doit pas se renouveler et ne doit pas s'oublier. Je suis conscient de tout cela aujourd'hui, et notamment du fait que tout être humain, même impuissant, ne doit pas permettre que cette impuissance le dépasse. Il doit se battre dans toutes les circonstances, se battre même s’il doit se sacrifier. C'est seulement en agissant de la sorte qu'il est possible d'aider les générations suivantes à se soulever contre l'injustice et l'inacceptable. Je souhaite remercier les Juges de cette Chambre ainsi que les représentants du Bureau du Procureur pour leur attitude tout à fait correcte dans la recherche de la vérité, de la justice et de la réparation de l'injustice. J'espère que les Juges de cette Chambre m'accorderont la chance de retourner dans ma famille, auprès de mes enfants, de retourner auprès de mes voisins, de toute confession et de toute nationalité.
J'espère que nous aurons une nouvelle fois la possibilité de vivre ensemble dans ma ville, la ville de Prijedor. J'espère pouvoir vivre encore avec mes concitoyens, mes voisins qui étaient mes voisins avant la guerre. J'espère que nous revivrons ensemble et que nous nous entendrons encore aussi bien qu'avant la guerre, malgré le mal qui s'est abattu sur nous. Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.”