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Duško Sikirica

 …je désire dire à cette honorable Chambre que je regrette énormément tous les événements qui se sont déroulés à Keraterm pendant que j'y étais.  […] Je suis particulièrement désolé de ne pas avoir eu assez de courage et assez de pouvoir pour empêcher les choses qui se sont déroulées, toutes les atrocités qui ont eu lieu. J'aimerais pouvoir avoir la possibilité de revenir en arrière et de tout changer.

Duško Sikirica était un chef de la sécurité dans le camp de détention de Keraterm, situé à Prijedor, en Bosnie-Herzégovine, en 1992. Il avait connaissance des conditions de détention inhumaines qui régnaient dans le camp et il savait également que les détenus y étaient battus, violés, victimes de violences sexuelles et tués. Il ne s’est pas opposé à ce que des personnes étrangères au camp viennent y maltraiter les prisonniers. Il a tué l’un des prisonniers du camp en lui tirant une balle dans la tête. Duško Sikirica a été condamné à une peine de 15 années d’emprisonnement.

Lire son aveu de culpabilité

8 octobre 2001 (extrait du compte rendu d'audience)

(Interprétation): Merci, Monsieur le Président. Pour commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir accordé la parole. Si vous n'avez pas d'objection, je souhaiterais vous demander la permission de lire. J'ai écrit ce texte moi-même car il me serait difficile d’exprimer cela autrement. Bien, merci.
 
Avant la guerre, nous vivions tous ensemble en harmonie, nous étions de bons voisins, indépendamment de notre appartenance ethnique. Prijedor était un endroit merveilleux pour vivre, avant la guerre. J'avais beaucoup d’amis, et nombre d’entre eux ne se souciaient pas des différences ethniques.

Malheureusement, quand la guerre a éclaté, nous avons dû aller là où on nous a dit d’aller. Nous n'avions absolument pas le droit de refuser sinon  on était considérés comme des déserteurs. J'ai été envoyé à Keraterm, j'aurais préféré aller ailleurs mais je n'ai pas eu le choix. Travailler à Keraterm, c’est la pire des choses qui pouvaient m'arriver.

Malheureusement, j'ai vu quelles étaient les conséquences pour les réfugiés serbes, les personnes qui s'étaient retrouvées à Prijedor tout d'un coup. J'ai donc pu voir de quelle façon les gens étaient traités, les gens qui ont dû quitter leur ville et leur demeure. Je comprends tout à fait que ces événements ont eu des conséquences néfastes et que même aujourd'hui les Musulmans se sentent opprimés. Certains d’entre eux étaient mes amis avant la guerre.

Après ce que j'ai vu, après avoir compris les conséquences de tout cela, je désire dire à cette honorable Chambre que je regrette énormément tous les événements qui se sont déroulés à Keraterm pendant que j'y ai été. Je ressens  une profonde tristesse pour toutes les personnes qui ont perdu leur vie et l'harmonie qui n'existe plus à Prijedor et qui existait avant 1992. Je suis vraiment désolé d'avoir contribué à la destruction des vies à  Keraterm. Je suis particulièrement désolé de ne pas avoir eu assez de courage et assez de pouvoir pour empêcher les choses qui se sont déroulées, toutes les atrocités qui ont eu lieu. J'aimerais pouvoir avoir la possibilité de revenir en arrière et de tout changer. Je comprends qu'en reconnaissant ma responsabilité dans ces évènements  je dois être jugé coupable. J'espère que ce qui m'arrive représente une bonne leçon pour l'avenir pour toutes les personnes qui se trouvent dans une situation semblable et pour les générations à venir. Et j'espère profondément que l'on me pardonnera, car je sais très bien que cela sera très difficile pour certaines personnes.

J'espère également que ma famille me pardonnera parce qu'à cause de mes actes inconsidérés, j'ai rendu leur vie difficile. J'espère que les Musulmans vont pouvoir revenir plus tôt dans leurs demeures et que tous les peuples vont pouvoir se réconcilier grâce à ce qui m'arrive.

Je sais que je serai absent de Prijedor pendant une période prolongée, mais je désire vous dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, quand je retournerai un jour à Prijedor, je serai le premier à critiquer une telle folie. J'espère que vous allez accepter mes regrets, mes remords pour tout ce que j'ai fait et pour tout ce que je n'ai pas fait.

Je ne m'apitoie pas sur mon propre sort. Je sais très bien que je dois vivre ce que j'ai à vivre, mais je comprends et j'espère, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous allez comprendre et me croire lorsque je dis que je suis terriblement désolé de tout ce qui est arrivé et désolé de ne pas pouvoir être dans ma ville avec ma famille. Je sais qu'il est très difficile également de trouver les mots justes pour exprimer le regret que l’on ressent en pareilles circonstances. Mais j'espère que l'honorable Chambre me comprendra et rendra une décision juste.

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