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Allocution de S.E. M. le Juge Claude Jorda, Président du Tribunal Pénal International pour 'ex-Yougoslavie, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Communiqué de presse PRÉSIDENT

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 21 novembre 2000
JD / S.I.P/ 541-f 
 

Allocution de S.E. M. le Juge Claude Jorda, Président du Tribunal Pénal
International pour 'ex-Yougoslavie, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. le Président, Mme et MM. les Ambassadeurs, Représentants permanents auprès des Nations Unies et Membres du Conseil de sécurité,

C’est un très grand honneur pour moi de pouvoir vous entretenir de la situation du Tribunal pour la deuxième fois en moins de cinq mois. Je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude pour tout l’intérêt que vous manifestez ainsi pour les travaux que nous accomplissons à La Haye.

La présence à mes côtés de Mme la Juge Pillay, Présidente du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, et de Mme le Procureur Del Ponte revêt à mes yeux un caractère symbolique et une importance particulière. Représentants des Tribunaux Pénaux Internationaux créés plus de 50 ans après Nuremberg, nous sommes pour la première fois réunis tous les trois devant vous pour rendre compte de notre travail. Nos présentations respectives devraient vous donner une vue d’ensemble des activités judiciaires des deux Tribunaux, lesquelles, faut-il le souligner, ne sauraient être dissociées de la politique pénale du Procureur.

J'ai présenté hier le rapport annuel du Tribunal à tous les membres de l’Assemblée générale. Je souhaiterais aujourd’hui insister sur deux points du rapport qui me paraissent être particulièrement d’actualité : si nous voulons accomplir notre mission dans de brefs délais et faire en sorte que la réforme entreprise en juin dernier, avec votre soutien, porte tous ses fruits, nous devons l’accompagner de nouvelles initiatives sur le plan interne. Je soulignerai également, comme mes prédécesseurs, l’importance de la coopération de tous les Etats pour la réalisation de notre mandat.

1. Les réformes du fonctionnement et des structures du Tribunal

En juin dernier, mes collègues et moi-même vous avons présenté un projet de réforme du fonctionnement et des structures du Tribunal. Nous avons estimé que si aucun changement n’était entrepris, nous ne pouvions pas espérer achever notre mandat avant l’année 2016 (sans compter la durée des appels), soit dans plus de 15 ans. Nous avons appelé votre attention sur le fait que cette situation risquait de compromettre la réalisation de notre mission qui - est-il nécessaire de le rappeler - est temporaire et doit permettre le retour à une paix durable dans les Balkans. Nous avons également souligné le risque que soit menacé le droit fondamental de l’accusé à être jugé sans retard excessif - risque déjà avéré par la longueur actuelle des détentions préventives.

Nous avons enfin insisté sur le coût financier pour les Nations Unies qu’une telle situation engendrerait.

Et, plus fondamentalement, nous avons noté les dangers qu’elle représentait pour la crédibilité de la justice internationale. Crédibilité qu’il est - je vous le rappelle - plus que nécessaire d’assurer à l’heure où les Etats doivent ratifier le traité instituant la future Cour pénale permanente.

Pour remédier à cette situation - c’est-à-dire avoir accompli notre mandat à l’horizon de 2007, plutôt qu’en 2016 - nous vous avons proposé une mesure pragmatique et flexible pouvant s’adapter aux besoins futurs du Tribunal, notamment à ceux générés par les prochaines arrestations et inculpations. Cette solution présente également l’avantage d’être moins coûteuse à long terme. Elle consiste, vous le savez, à créer une réserve de juges ad litem issus des Etats membres et appelés, en temps opportun, à statuer sur des affaires précises.

Nous avons par ailleurs suggéré que cette proposition s’accompagne d’une accélération de la phase préalable au procès dont la charge reposerait davantage sur des juristes qualifiés, ce qui permettrait aux juges de se consacrer entièrement au jugement des affaires. Nous nous employons d’ores et déjà à mettre en śuvre cette seconde mesure.

Lors de ma présentation devant vous en juin dernier, j’ai exprimé le souhait que les réformes soient engagées avec célérité et j’ai proposé d’y associer le Tribunal. Je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir constitué avec tant de rapidité un groupe de travail pour examiner nos propositions et d’avoir reçu à cette fin les représentants du Tribunal. Le groupe s’est réuni à plusieurs reprises et il apparaît déjà qu’un consensus est possible. Il va de soi que si cette réforme était pleinement opérationnelle dès 2001, nos travaux s’en trouveraient grandement facilités.

Toutefois, comme je l’ai souligné hier devant l’Assemblée générale, mes collègues et moi sommes conscients que ces solutions ne donneront leur pleine mesure que si elles s’accompagnent d’autres réformes sur le plan interne cette fois-ci. Réformes qui - cela s’entend - ne mobiliseront pas de ressources supplémentaires de votre part. Nous nous engageons ainsi dans les nouvelles directions suivantes : modifier, pour les rendre plus efficaces, les règles d’administration et de présentation des preuves ; et renforcer les pouvoirs de contrôle du juge sur le déroulement de la procédure en vue d’accélérer le jugement des accusés, dans le respect, bien évidemment, des exigences du procès équitable - mais dans le souci d’éviter toutes les procédures dilatoires. D’ici quelques semaines, je proposerai également à mes collègues, au Procureur et au Greffier, de nouvelles mesures permettant aux organes du Tribunal de déterminer de concert leurs priorités judiciaires à plus long terme et de collaborer plus étroitement à la réalisation de celles-ci dans les plus brefs délais.

Toutes ces réformes, dont je vous sais convaincus de la nécessité, supposent pour qu’elles donnent leur plein effet que l’ensemble des organes du Tribunal - et notamment le Greffe et l’administration - śuvre à leur accomplissement de manière coordonnée et avec le souci permanent de gérer aux mieux nos ressources, c’est-à-dire dans le seul intérêt de la justice.

J’en viens maintenant à mon deuxième point.

2. La coopération des Etats à l’arrestation des accusés et au rassemblement des preuves

La situation du Tribunal s’est grandement améliorée en ce qui concerne tant les arrestations que la remise des éléments de preuve. Parmi les 65 accusés, 38 sont actuellement détenus à La Haye. Treize d’entre eux ont été appréhendés au cours de l’année qui précède. De nombreux documents ont également été communiqués au Tribunal.

Cette avancée est d’abord le résultat de la collaboration accrue de tous les Etats membres qui, par l’entremise des organisations internationales, et plus spécifiquement de la SFOR et de la KFOR, coopèrent de façon plus intense à la réalisation de notre mandat. Elle tient aussi à la coopération accrue de la Bosnie-Herzégovine et, depuis plus récemment, de la Croatie. Car, comme vous le savez, le Tribunal ne dispose pas de force de police pour faire exécuter ses décisions et doit, dès lors, pouvoir compter sur le soutien sans faille des Etats de la communauté internationale.

Les bouleversements politiques qui se sont dernièrement produits dans les Balkans sont, à cet égard, porteurs de nouveaux espoirs. L’avènement d’un pouvoir démocratique en Croatie marque en effet la volonté du peuple croate de tirer un trait sur les événements douloureux qu’il a vécus. De même, le retour de la démocratie en République fédérale de Yougoslavie, ainsi que la réintégration de cet Etat au sein de la communauté des nations, témoignent de l’intention de la population yougoslave de rompre avec les années de guerre récentes.

Il s’agit là d’événements majeurs dont nous nous félicitons tous et qui nous permettent désormais d’espérer que les Etats des Balkans respecteront pleinement leurs engagements internationaux et coopéreront étroitement à l’accomplissement de notre mission.

Mais n’oublions pas pour autant que les plus hauts responsables politiques et militaires sont toujours en liberté. Ces accusés, leaders politiques et militaires, doivent en effet être jugés en priorité par un Tribunal international garant de la paix et de la sécurité de l’humanité. Car ce sont principalement ces individus qui mettent gravement en danger l’ordre public international dont nous sommes protecteurs.

J’en appelle donc au Conseil de sécurité pour qu’il use de toute son influence sur les Etats membres, et plus particulièrement sur ceux issus de l’ex-Yougoslavie, pour qu’ils arrêtent et traduisent devant le Tribunal les accusés qui se trouvent sur leur territoire. Il est impératif d’agir avec célérité car le nationalisme dans ce qu’il a d’exacerbé est toujours présent et risque de compromettre l’exercice exigeant et parfois douloureux de la justice. Cette justice sans laquelle il ne saurait y avoir de paix profonde et durable dans les Balkans.

Comme l’ont fait mes prédécesseurs, je n’hésiterai pas à vous signaler tous manquements graves à l’obligation de coopérer avec le Tribunal, et ce quelque soit l’Etat concerné. Je ne manquerai pas non plus de vous informer de toutes mesures prises par les Etats afin de remédier au défaut de coopération.

Je vous suis très reconnaissant du soutien que vous nous avez constamment apporté et vous

remercie vivement de votre attention.

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