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Déclaration du Procureur Carla Del Ponte à l’occasion de sa visite à Belgrade

PROCUREUR
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, 30 janvier 2001
P.I.S./558-F

Déclaration du Procureur Carla Del Ponte à l’occasion de sa visite à Belgrade

Au cours de ma visite à Belgrade cette semaine, j’ai rencontré plusieurs groupes de victimes et représentants d’associations, ainsi que des proches de personnes tuées ou portées disparues à la suite des conflits en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. Ces entretiens m’ont encore apporté la preuve que les victimes sont trop nombreuses de toute part. Les personnes que j’ai rencontrées souhaitent ardemment que les auteurs des crimes soient jugés et elles ont le droit d’obtenir justice. Je compatis avec toutes les victimes et suis décidée à défendre leur cause et à traduire en justice les principaux responsables des pires crimes. Je ne peux y parvenir seule et je compte sur les États pour coopérer pleinement avec le Tribunal de La Haye afin de garantir la justice pour tous.

Je souhaite être très claire sur le point suivant : je m’oppose fortement à toute forme de culpabilité collective et je n’ai pas l’intention de traduire en justice le peuple serbe dans son intégralité. Je souhaite au contraire aider la Serbie à tourner la page et à traduire en justice ceux qui, à titre individuel, sont responsables des crimes relevant de notre compétence. Je suis convaincue que l’opinion publique de ce pays aspire à la paix et à la vérité.

Je souhaite en outre assurer au peuple de Serbie que nous enquêtons également sur des crimes commis contre les Serbes, au Kosovo, en Croatie et en Bosnie. Je ne doute pas que la coopération des nouvelles autorités de Yougoslavie et de Serbie facilitera l’avancée de ces enquêtes, notamment concernant l’ALK et d’autres auteurs de crimes mis en cause au titre de leur responsabilité en tant que supérieur hiérarchique.

J’espérais que le nouveau Gouvernement de Yougoslavie serait disposé à travailler avec moi afin que justice soit rendue aux victimes et que les accusés déjà mis en cause par le Tribunal comparaissent à La Haye. J’ai été surprise de constater que ma rencontre avec le Président Kostunica mardi n’a abouti à aucun dialogue constructif. Les deux jours suivants ont toutefois été plus encourageants, car il m’a été possible d’avoir ce type de dialogue avec des ministres et d’autres représentants du Gouvernement. Ces réunions n’ont pas toujours été faciles et certains malentendus de part et d’autre rendent la discussion difficile sur certains points. Mais nous avons engagé un dialogue qui pourrait aboutir à une compréhension mutuelle. Je garde prudemment espoir que certains obstacles, comme l’absence de législation interne qui entrave probablement la reddition de fugitifs mis en accusation par le Tribunal de La Haye, seront surmontés et que le nouveau Gouvernement sera d’ici peu plus à même de respecter pleinement ses obligations au regard du droit international.

Je suis disposée à travailler avec le nouveau Gouvernement pour que les relations de travail avec mon bureau soient positives et fructueuses. Une pleine coopération avec le Tribunal est cependant incontournable si la Yougoslavie souhaite devenir un membre à part entière de la communauté internationale.

Ma première visite à Belgrade touche à sa fin et je pars avec des sentiments partagés. À de nombreux égards, je suis confortée par le fait que certains membres des nouveaux gouvernements de Yougoslavie, notamment de Serbie, ont manifesté une réelle volonté de coopérer avec le Tribunal de La Haye. Je suis sûre que la coopération sera presque immédiate dans de nombreux domaines, y compris pour la réouverture de mon bureau ici, à Belgrade, et la reprise de plusieurs de mes enquêtes, qui nécessitent de pouvoir être en contact avec un grand nombre de victimes et de témoins serbes. Il s’agit là de réels progrès dont on ne saurait nier l’importance. La volonté des nouveaux gouvernements de livrer au Tribunal les fugitifs mis en accusation constituera toutefois le véritable test. Ce sera pour moi la question la plus importante à résoudre dans le cadre de nos futures relations et la meilleure preuve de leur volonté sincère de coopérer pleinement avec le Tribunal de La Haye. Pour l’instant, tout reste à faire.