Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Depuis la fermeture du TPIY le 31 décembre 2017, le Mécanisme alimente ce site Internet dans le cadre de sa mission visant à préserver et promouvoir l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux.

 Consultez le site Internet du Mécanisme.

Vingtième anniversaire du TPIY - Allocution du Procureur Serge Brammertz

Bureau du Procureur
Déclaration
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel).
La Haye, le 27 mai 2013

Allocution du Procureur Serge Brammertz à l’occasion du vingtième anniversaire du TPIY

Serge Brammertz, Procureur du TPIY

Le Procureur, Serge Brammertz, s’est adressé à l’assemblée réunie à l’occasion de la célébration organisée au Tribunal le 27 mai 2013 pour le vingtième anniversaire de sa création par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Majesté, Excellences, Mesdames et Messieurs, chers collègues,

On a beaucoup parlé des difficultés et des réalisations du TPIY au cours des vingt dernières années. C’est vrai, nous sommes parvenus à donner vie aux aspirations de la résolution 827, faisant du Tribunal une institution vivante à l’origine d’une jurisprudence durable. Nous sommes parvenus – en dépit d’obstacles considérables – à traduire en justice tous les accusés mis en cause par le TPIY. Et nous avons réussi à donner à la justice internationale une impulsion qu’il sera difficile d’arrêter.

Si nous pouvons nous féliciter, à juste titre, des réalisations du TPIY, il convient également de nous souvenir que, nombreux sont ceux pour qui ces évènements, survenus il y a vingt ans, semblent encore très récents. Je pense en particulier aux milliers de personnes qui ont survécu aux crimes commis pendant les conflits en ex-Yougoslavie. J’ai passé bien des heures, ces dernières années, avec des survivants ou des groupes de survivants. Ils vivent au quotidien avec les crimes qu’ils ont endurés et avec les crimes qui leur ont pris des êtres chers.

Pour la mère à qui l’on a arraché l’enfant des bras à Srebrenica, pour les prisonniers victimes de sévices dans le camp de Čelebići, pour les jeunes filles victimes de viols collectifs et vendues comme esclave à Foča, pour ces personnes, et pour tant d’autres, vingt ans pourraient aussi bien être vingt jours. Leur douleur, leurs souffrances et les pertes subies sont une réalité quotidienne. Que nos pensées les accompagnent aujourd’hui.

Pendant ces vingt dernières années, les procès que nous avons menés ont non seulement conduit les auteurs des crimes à rendre compte de leurs actes, mais ils ont également permis d’établir un certain nombre de faits qui constitueront un obstacle majeur au révisionnisme dans les années à venir. Nous observons des signes inquiétants de révisionnisme dans les déclarations publiques de certains dirigeants des pays de l’ex‑Yougoslavie qui, aujourd’hui encore, glorifient ou nient les crimes de guerre – certains allant jusqu’à réfuter l’existence du génocide de Srebrenica. Ces déclarations sont préoccupantes et du même coup soulignent le rôle essentiel de la justice internationale.

N’oublions pas non plus que certains procès du Tribunal, parmi les plus importants, sont en cours. Nous ne devons pas dévier de notre tâche et nous demandons à la communauté internationale de continuer à porter un intérêt à nos travaux et d’y prendre part – sans ignorer pour autant les nombreux autres problèmes pressants relatifs à la justice internationale qui réclament notre attention dans le monde d’aujourd’hui. Notre expérience au TPIY nous permet de tirer un enseignement sans équivoque : les poursuites, à elles seules, ne sont pas suffisantes mais elles ouvrent la voie à la réparation et à la réconciliation.

J’ai eu, et j’ai encore, le grand honneur d’exercer les fonctions de Procureur au TPIY. En janvier 2008, lorsque je suis entré en fonctions, j’ai trouvé une équipe qui fonctionnait parfaitement et dont les membres se consacrent avec une compétence et un dévouement extraordinaire à l’accomplissement de la mission du TPIY. De concert avec nos partenaires de la communauté internationale, nous avons réussi à traduire en justice les dernier fugitifs et nous terminons les derniers procès. Le travail de ces fonctionnaires mérite d’être reconnu et j’espère que la communauté internationale réalisera qu’ils représentent une ressource inestimable pour toute initiative de justice internationale, à l’avenir.

Je me félicite d’avoir aujourd’hui la possibilité de remercier les Pays-Bas pour le soutien qu’ils ont toujours apportés à nos travaux. Votre rôle a été crucial pour le TPIY. Je laisse à d’autres expliquer l’aide organisationnelle que les Pays-Bas nous ont fourni au quotidien. Pour ma part, je souhaite souligner l’influence exercée par les Pays-Bas au sein des institutions européennes afin que l’arrestation des fugitifs figure en bonne place parmi les priorités politiques. Le principe de conditionnalité mis en place par l’UE, en coopération avec le TPIY, montre que la justice internationale a davantage de chances d’aboutir lorsqu’elle est appuyée par une volonté politique ferme et des mesures d’incitation à la coopération.

On me demande souvent si j’estime que le TPIY a été une réussite. Je crois qu’il ne m’appartient pas de répondre à cette question et que d’autres le feront lorsque nos travaux seront achevés. Ce que je peux dire, c’est qu’à mon avis, notre réussite sera mesurée en fonction de la transition réelle qui aura été établie entre le TPIY et les juridictions nationales, dans les pays de l’ex‑Yougoslavie, pour les nombreux crimes de guerre qui doivent encore être jugés. En Bosnie-Herzégovine seulement, dans des centaines de procès concernant plus de 2 500 auteurs présumés, il faut encore procéder à des enquêtes et engager des poursuites. Si des efforts supplémentaires ne sont pas fournis, au plan national et international, les affaires s’enliseront.

Ensemble, il nous appartient d’assurer aux milliers de victimes des crimes commis la réparation qu’elles méritent, comme l’exige la justice.

Merci.