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Ambassadeur Knut Vollebaek

L’Ambassadeur  Knut Vollebaek, diplomate norvégien, a été Vice-Président adjoint de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie, de 1993 à 1995. En 1999, il était président de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

L’Ambassadeur Knut Vollebaek décrit la situation au Kosovo après le retrait  de cette province de la Mission de vérification de l’OSCE, et rapporte ce dont Slobodan Milošević lui avait fait part au cours d’une conversation téléphonique,  le 24 mars 1999, au sujet de l’exode des réfugiés albanais du Kosovo.

« Il [le gouvernement macédonien] était préoccupé par la situation car de nombreuses personnes venaient en Macédoine. Il s’est passé la même chose en Albanie mais la situation était peut-être encore plus préoccupante à la frontière macédonienne. [Pour] le Gouvernement de Macédoine, la situation était grave compte tenu du grand nombre de nouveaux arrivants dans ce pays. Il en allait de même pour l'Albanie... Là encore, lorsque j'ai confronté M. Milosevic à cela, il a répondu qu'ils ne faisaient que pique-niquer, donc que je n'avais pas à m'inquiéter, que c'étaient des gens qui étaient simplement en excursion, qui pique-niquaient. Je pense avoir dit qu'il était étonnant de voir un pique-nique avec des gens qui sont sur une remorque de tracteur et qui ont emporté tous leurs biens avec eux. Mais c'est tout de même la réponse que j'ai obtenue. »

L’Ambassadeur Knut Vollebaek a apporté des éléments de preuve très importants selon lesquels Slobodan Milošević était informé de crimes commis à grande échelle au Kosovo en 1999, et indiquant qu’il avait intentionnellement pris le risque d’entrer en guerre pour satisfaire son désir de pouvoir personnel. Vollebaek a rencontré Slobodan Milošević en diverses occasions et s’est entretenu avec lui au sujet des conflits au Kosovo et en Bosnie. Pour l’Accusation, son témoignage était porteur d’arguments irréfutables pour soutenir que Milošević méprisait froidement les droits humains les plus élémentaires des Musulmans de Bosnie et des communautés albanaises du Kosovo.

C’est lors d’une réunion avec Milošević à Belgrade, en 1993, que Vollebaek a été confronté pour la première fois aux vues de ce dernier sur certaines communautés non serbes. En sa qualité de vice-président adjoint de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie, Vollebaek est allé voir Milošević afin d’obtenir son aide pour conclure un accord entre le gouvernement croate et les Serbes de Croatie, qui avaient saisi une vaste portion de territoire en Croatie orientale. En cette période, outre le conflit avec les Serbes sur leur propre territoire, les forces croates combattaient aussi les Musulmans de Bosnie-Herzégovine.

Milošević a déclaré à Vollebaek qu’il apporterait son aide à la passation d’un accord entre la Croatie et les Serbes de Croatie pour faciliter les combats des forces croates contre les Musulmans de Bosnie. Milošević a expliqué qu’un tel accord était important car, disait-il « il ne pouvait y avoir de république musulmane en Europe.» Dans son témoignage,  Vollebaek a dit qu’il regrettait de ne pas avoir répondu à cette déclaration à ce moment-là, ajoutant en effet  « c'est une déclaration qui allait à l'encontre de mon respect pour les droits de l'homme. » Les Serbes de Croatie se sont rendus comme prévu aux pourparlers de paix qui ont eu lieu par la suite, confirmant Vollebaek dans l’idée « qu'effectivement Belgrade exerçait une réelle influence sur ce qui se passait à Knin.»

Vollebaek a rencontré Milošević plus tard et s’est entretenu plusieurs fois avec lui en 1999, tandis qu’il présidait l’OSCE, qui était mandatée pour chercher une solution pacifique au conflit au Kosovo. Vollebaek a déclaré que lors de ces rencontres, Milošević donnait l’impression que c'était lui qui avait le contrôle de la situation: c’est lui qui prenait le plus la parole lors des réunions où d’autres responsables yougoslaves ou serbes étaient présents et parmi lesquels se trouvaient des officiers. Fait important pour l’Accusation, à chacune de ces rencontres avec Milošević, Vollebaek parlait des rapports de l’OSCE sur les atrocités commises au Kosovo, de sorte qu’il était impossible que Milošević prétende ne pas être au courant.

Le témoignage de Vollebaek soutenait l’argument de l’Accusation selon lequel  Milošević avait l’intention d’exercer un contrôle autoritaire sur le Kosovo. Il a déclaré que Milošević « était convaincu que les Albanais devaient  respecter l'autorité serbe », car « il considérait le Kosovo comme faisant partie intégrante de la Serbie ». Milošević, a déclaré Vollebaek,  « ne voulait pas envisager une grande autonomie.»

L’élément de preuve le plus probant communiqué  par Vollebaek, a été sa conversation téléphonique du 24 mars 1999 avec Milošević, quelques heures avant que les premières bombes de l’OTAN ne commencent à tomber sur la Yougoslavie. Apres avoir assisté à l'augmentation du nombre de militaires sur place et à l’exode des réfugiés albanais du Kosovo de la province, il a téléphoné à Milošević pour lui faire part de la gravité de la situation. « [Je voulais] faire une nouvelle tentative pour m'efforcer de convaincre M. Milošević de poursuivre les pourparlers et autoriser une présence militaire, de façon à éviter le conflit militaire que nous savions imminent » a expliqué Vollebaek.

Au cours de cette conversation, il a dit à Milošević que les forces serbes brûlaient des villages, menaçaient et tuaient des civils, entraînant un exode massif de réfugiés albanais qui se pressaient aux frontières du Kosovo, pour entrer en Albanie et en ex-République yougoslave de Macédoine. Milošević a répondu que les convois d’Albanais du Kosovo qui se dirigeaient vers la frontière, avec tous leurs biens entassés sur des tracteurs, étaient « des gens qui étaient simplement en excursion, qui pique-niquaient. »

Lorsque Vollebaek lui a reproché le fait que les forces serbes brûlaient des villages albanais au Kosovo, Miloševič a nié ces évènements. « Il m'a dit que c'était un non-sens de penser que des maisons avaient été incendiées, que c'était simplement de la paille que l' UÇK [l’Armée de libération du Kosovo, insurgée] ou les Albanais du Kosovo faisaient brûler afin de prétendre que leurs maisons étaient incendiées » a déclaré Vollebaek. Il avait averti Milošević du fait que, en tant que Président, il était responsable de la sécurité de son peuple. Il regrettait que Milošević ne réalise pas la gravité de la situation et l’a invité à lui téléphoner s’il changeait d’avis.

Cet appel n’a jamais eu lieu, l’OTAN a commencé sa campagne de bombardement quelques heures plus tard, le 24 mars 1999, et l’exode des Albanais du Kosovo s’est poursuivi. Lors du contre-interrogatoire, Miloševič a déclaré que les refugiés fuyaient à cause des bombardements de l’OTAN. « Les gens qui étaient là ne croyaient pas qu'ils l'étaient en raison des bombes; ils disaient qu'ils avaient fui car leurs maisons avaient été saisies par les Serbes » a insisté Vollebaek. »  Il a déclaré avoir effectué deux visites au Kosovo après la guerre, et a dit à ce sujet « J'ai vu des bâtiments dont les toits étaient arrachés et ceci n'était pas dû aux bombardements. » C’était apparemment la conséquence de feux allumés au sol. Vollebaek a reçu des éléments de preuve selon lesquels les forces militaires et paramilitaires  avaient causé ces destructions.

Knut Vollebaek est un diplomate et homme politique norvégien. Il a été Ambassadeur de Norvège au Costa Rica de 1991 à 1993, et a effectué, en tant que diplomate, des missions à New Delhi, Madrid et Harare. Il a exercé comme Vice-Président adjoint de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie de 1993 à 1995. De 1997 à 2000, il a été ministre des Affaires étrangères de Norvège, et a présidé en 1999 l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe  (OSCE.) Il a été nommé ambassadeur aux Etats-Unis en 2001 puis Haut Commissaire  pour les minorités nationales en 2007.

L’Ambassadeur Knut Vollebaek  a témoigné le 8 juillet  2002. Lire son témoignage complet.